25ans à soutenir les artistes d’ici...prend la valse des contrats, on pose les bonnes...

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CAHIER SPÉCIAL F LES SAMEDI 25 ET DIMANCHE 26 MAI 2019 CALQ CAISSE DESJARDINS DE LA CULTURE 25 ans à soutenir les artistes d’ici Permettre à la culture québécoise de se développer et de rayonner: voilà une mission qu’ont à cœur le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) et la Caisse Desjardins de la Culture depuis leur fondation. Afin de marquer le début d’une année de célébrations à laquelle Le Devoir s’associe, ce cahier spécial souligne le 25 e anniversaire de ces deux institutions.

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C AHIER SPÉCIAL F LES SAMEDI 25 ET DIMANCHE 26 MAI 2019

CALQ � CAISSE DESJARDINS DE LA CULTURE

25 ans à soutenir les artistes d’ici

Permettre à la culture québécoise de se développer et de rayonner : voilà

une mission qu’ont à cœur le Conseil des arts et des lettres du Québec

(CALQ) et la Caisse Desjardins de la Culture depuis leur fondation. Afin de

marquer le début d’une année de célébrations à laquelle Le Devoir s’associe,

ce cahier spécial souligne le 25e anniversaire de ces deux institutions.

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CALQ — CAISSE DE LA CULTURE — LE DEVOIR, LES SAMEDI 25 ET DIMANCHE 26 MAI 2019F 2

1 800 305-ARTS - caisseculture.com

« La culture en tête et les artistes

à cœur. » Tel est le slogan de la

Caisse Desjardins de la Culture,

seule institution coopérative fi-

nancière dédiée à 100 % au sec-

teur culturel. Alliée des artistes,

moteur de l’économie culturelle

et tremplin pour les organismes

et les entrepreneurs culturels, la

Caisse a permis à des milliers de

travailleurs autonomes d’accé-

der à la propriété, de concrétiser

des projets artistiques et d’at-

teindre, voir dépasser, leurs ob-

jectifs de croissance.

C H A R L E S - É D O U A R D C A R R I E R

Collaboration spéciale

L a Caisse de la Culture a été fon-dée en 1994, au même moment

que le Conseil des arts et des lettresdu Québec (CALQ). Sans être un or-ganisme gouvernemental, la Caisseest née à la suite d’un congrès de

l’Union des artistes (UDA) où l’onréclamait des ser vices financiersadaptés à la réalité du milieu cultu-rel. « À l’époque, il y avait toute uneef fervescence dans le milieu de laculture, explique Marie-ChristineCojocaru, directrice générale de laCaisse de la Culture. La raison de cetélan, de cette impulsion, était le désird’avoir un outil collectif pour le mi-lieu où l’enjeu principal était l’accèsau crédit pour les travailleurs auto-nomes.» Plus tard, les OBNL, les or-ganismes culturels et les entreprisesculturelles ont eux aussi manifestéleur désir d’avoir une réponse adap-tée à leurs besoins.

Ce défi que représentait l’accès àdu financement pour les artistes esttoujours d’actualité. « Ce besoin estencore là et notre mission est d’ac-compagner les artistes, artisans etcréateurs pour qu’ils se dotent d’unpatrimoine financier décent, préciseMme Cojocaru. Et ça passe souventpar l’acquisition d’une propriété. »

Metteur en scène, monteur, pre-neur de son et chorégraphe qui ten-tent d’expliquer leur réalité profes-sionnelle pour obtenir une aide fi-

nancière ? Les institutions tradition-nelles sont souvent frileuses lorsqueles demandes sortent des cadres ha-bituelles. « À la Caisse de la Culture,ils sont accueillis, on sait où ils tra-vaillent, on comprend commentsont générés leurs revenus, on com-prend la valse des contrats, on poseles bonnes questions », fait valoirMme Cojocaru.

Pour en arriver-là, la Caisse de laCulture a appris à voir les choses au-trement : « C’est une expertise quenous avons développée au fil des ans,se souvient Mme Cojocaru. Il a fallutrouver des solutions pour faire desmontages financiers, comprendrecomment l’écosystème fonctionne,les organismes de soutient, leursrôles, leurs missions.»

La Caisse aux premières logesLe milieu ar tistique, comme biend’autres domaines, fait partie de cesunivers où tout bouge rapidement.On n’a qu’à penser à l’évolution desplates-formes de diffusion, ou encoreà l’arrivée du numérique. « La façonde consommer la culture a un impactdirect sur nos membres, organismeset entreprises. Et parce que noussommes au service du milieu, il fauts’adapter. La meilleure façon d’y arri-ver, c’est de s’impliquer pour com-prendre», estime Mme Cojocaru.

Forums, associations d’ar tistes,colloques, conférences : la Caisse dela Culture se fait un devoir de resterà l’af fut des changements qui tou-chent à la fois l’ensemble de sesmembres et le milieu de la culture,

comme l’explique la directrice géné-rale : « Il faut être en phase avec cequi se passe. En étant sur le terrain,ça nous donne une vision 360 degréset une compréhension des besoinsqui dépasse les échanges qu’on peutavoir dans nos bureaux. Les modèlesd’affaires changent, les supports nesont plus les mêmes, la rémunéra-tion aussi. Nous n’avons d’autreschoix que d’être proactif. »

En ces célébrations du 25e anni-versaire de la Caisse de la Culture,la directrice formule ce souhait : « Sefaire connaitre davantage, fédérerplus d’ar tistes et surtout, toujoursavoir cette sensibilité d’écoute, d’au-dace et d’avant-garde. Nous œu-vrons dans une coopérative où il fautnon seulement être engagé, maisaussi passionné. Nous faisons face àtoutes sortes de situations et, bienhumblement, notre motivation nouspousse à faire une dif férence encontribuant à la mise en place d’unoutil collectif pérenne. »

Une institution imaginéepar et pour les artistes

La directricegénérale de laCaisse de la Culture,Marie-ChristineCojocaruFABRICE GAËTAN

La Caisse enquelques chiffresDesjardins a fait preuve d’audaceen créant une coopérative pourles travailleurs autonomes du mi-lieu culturel. Si elle fait bonne fi-gure depuis ses débuts, elle seclasse aujourd’hui au 3e rang sur100 des Caisses les plus perfor-mantes du Mouvement Desjar-dins. « Nos résultats financiers ledémontrent année après année,les artistes honorent leurs enga-gements financiers », déclare fiè-rement la directrice de l’organi-sation, qui compte aujourd’hui7000 membres.

Depuis la création du Fondsd’aide au développement du mi-lieu en 2008, la Caisse de la Cul-ture a accordé 2,4 millions ensoutien financier à 450 projetsdu domaine culturel. En 2018seulement, ce sont 370 000 $qui ont été distribués par ce pro-gramme, auxquels s’ajoutent85 000 $ en dons et comman-dites, pour un total de 455 000 $en soutien au milieu.

Le volume d’affaires sous ges-tion de la Caisse de la Culture at-teint 757 millions.

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CALQ — CAISSE DE LA CULTURE — LE DEVOIR, LES SAMEDI 25 ET DIMANCHE 26 MAI 2019 F 3

DU CONSEIL DES ARTS ET des LETTRES DU QUÉBEC

INVESTIR

L,IMAGINAIRE

DU CONSEIL DES ARTS ET des LETTRES DU QUÉBEC

Aux dires de plusieurs, le Québec

possède une force créatrice puis-

sante. Qu’il s’agisse de répondre

aux enjeux de diffusion auxquels

fait face le milieu culturel, de

s’adapter à l’arrivée du numé-

rique, de défendre l’importance

de faire une place à la diversité

culturelle ou de permettre l’essor

d’un dynamisme culturel en ré-

gion, le Conseil des arts et des let-

tres du Québec (CALQ) a contri-

bué à appuyer et à assurer le dé-

veloppement et le rayonnement

du milieu. Aujourd’hui, l’organisa-

tion célèbre 25 ans de défis et

25 ans de succès.

C H A R L E S - É D O U A R D C A R R I E R

Collaboration spéciale

L e CALQ est né d’une volonté col-lective du milieu qui souhaitait

que le gouvernement québécois sedote d’une instance de ce type. « Lemilieu savait que c’était possiblepuisque cela existait ailleurs dans lemonde, fait valoir Anne-Marie Jean,l’actuelle présidente-directrice géné-rale du CALQ. C’est donc pour don-ner suite aux consultations en vue dela Politique culturelle du Québec quele CALQ a vu le jour en 1994. C’étaitdans la mouvance des réflexions del’époque. C’est d’ailleurs né en mêmetemps que la Caisse de la culture. Lemilieu souhaitait se doter des meil-leurs outils possible pour assurerson développement. »

Au CALQ, les artistes et les travail-leurs du milieu culturel participentau développement en contribuant àla prise de décision, et ce, depuis letout début. « On se base sur l’exper-tise que possèdent les artistes et lestravailleurs culturels, qui nous for-mulent des recommandations », pré-cise Mme Jean. C’est donc sur la basede celles-ci que le CALQ prend sesdécisions. «Si on regarde la ligne dutemps, on voit qu’il y a eu des comi-tés pour réfléchir au numérique, à ladiffusion, à l’aide à la tournée ou en-core pour s’assurer que les pro-

grammes que l’on of fre au milieusont les plus per tinents possible,continue Mme Jean. Et si on doit lesadapter, on s’assoit à la table à dessinavec les artistes. »

En 25 ans d’existence, le CALQ autilisé dif férents mécanismes pourrester en contact avec les milieux,demeurant ainsi très actif sur le ter-rain. « Nous rencontrons les regrou-pements et associations profession-nelles deux fois par année pour dis-cuter des enjeux particuliers, selonles disciplines et les secteurs, ex-plique la présidente. Mais nous al-lons au-delà de ça. Par exemple,lorsque l’on a constaté que la dif fu-sion à l’ère numérique posait des en-jeux, les dif fuseurs et des spécia-listes de la diffusion ont été invités àtravailler avec nous dans un grandchantier qui s’est échelonné sur unan. Nous sommes constamment enréflexion, en action et en réaction.»

En septembre 2016, le CALQ expri-mait son désir d’assurer le développe-ment équitable et durable des arts etdes lettres partout au Québec. «Il s’agitd’investir dans un soutien qui puisseêtre pérenne, explique Anne-MarieJean. Il y a toute une chaîne, de la for-mation de nos artistes et profession-nels jusqu’à leur rayonnement à l’inter-national. Les investissements qu’on faitdoivent donc leur permettre de déve-lopper leur carrière, de rayonner etd’éventuellement vivre de leur art.»

Dans cette approche durable et pé-renne, il importe d’autre part de multi-plier les efforts auprès de la relève. Àcet égard, le CALC assure avoir tou-jours eu le souci que celle-ci ait accès àdes programmes où il y aurait le moinsde barrières possible à l’entrée. «Nousavons aussi un regard bienveillant surles crédits que les artistes de la relèvereçoivent, précise Mme Jean. Un artistede la relève peut être jeune, avoir de

grandes ambitions et avoir des projetsqui requièrent des crédits plus impor-tants. Il faut lui permettre de se réali-ser. Notre nouveau programme debourse qui sera mis en œuvre cet au-tomne tiendra compte de cette réalité.»

Que souhaiter au CALQ pour son25e anniversaire? «Il faut poursuivre cedéveloppement, continuer à avoir cetteagilité à nous adapter à ce mondechangeant, puisque c’est un milieu quiévolue sans cesse, dans lequel le Qué-bec tire son épingle du jeu, répond lap.-d.g. Je crois que nous avons le ventdans les voiles. Aux artistes et auxcompagnies artistiques, c’est pour euxque je formule ce souhait. Nous, notrerôle est d’être derrière, de les appuyeret de réfléchir avec eux.»

25 ans de soutien aux artistes d’ici

Le CALQ enquelques chiffresDepuis sa création, le CALQ aaccordé 30 000 bourses, aidantainsi quelque 11 000 artistesd’ici. Quelque 2700 organismesont aussi été soutenus par leCALQ et ont profité de l’aide de27 000 subventions pour soute-nir leur développement.

Le CALQ a aussi rendu possi-bles 800 séjours dans les studioset ateliers-résidences à l’interna-tional. À ses débuts, l’organismene disposait que de quatre stu-dios. Aujourd’hui, il a un réseaude 35 studios et ateliers-rési-dences répartis sur tous les conti-nents, permettant ainsi de fairepasser le nombre d’artistes qué-bécois séjournant annuellement àl’étranger de 8 en 1994 à 55 en2019.

Le CALQ investit 8 millionschaque année pour soutenir la pré-sence d’artistes et d’organismesartistiques québécois dans 66pays à travers le monde.

Lors de sa création en 1994, leCALQ pouvait compter sur unbudget annuel de 40 millions.Vingt-cinq ans plus tard, celui-ci apresque quadruplé, pour attein-dre 138 millions en 2019.

La présidente-directrice générale du CALQ, Anne-Marie JeanFABRICE GAËTAN

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CALQ — CAISSE DE LA CULTURE — LE DEVOIR, LES SAMEDI 25 ET DIMANCHE 26 MAI 2019F 4

Chansons du Bonhomme de chemin

17 novembre 2019, 14 h 30 | Salle Bourgie, Montréal

Génération2020 : Ateliers et Mini-concerts

L’Outre-rêve

Envoi : Hommage collectif 3 à Gilles Tremblay24 janvier 2020, 19 h 30 | Conservatoire de musique, Montréal

12 et 15 février 2020 | Cégep St-Laurent et Conservatoire de musique, Montréal

6 et 7 mai 2020, 19 h 30 | Centaur Theatre, Montréal

Créations orchestrales, électroaccoustiques et vidéos par Annesley Black, Myriam Boucher, Symon enry et Sne ana e i

Sarah Albu, soprano Sne ana e i , accordéon milie irard-Charest, scie musicaleLine ault, mise en sc ne CM 10 musiciens

d rik Satie et création de Michel onnevilleMagali Simard- ald s, soprano ion Ma erolle, baryton Louise Bessette, piano CM 12 musiciens

L’économie culturelle génère des

revenus, mais pour y arriver, les ar-

tistes et entrepreneurs ont sou-

vent besoin de financement et de

soutien. Pourtant, marier les arts

et la finance peut s’avérer com-

plexe pour certaines institutions

financières dont l’approche est

dite plus traditionnelle. La Caisse

Desjardins de la Culture voit par

ailleurs les choses différemment.

Deux entrepreneurs racontent

l’impact que la coopérative a pu

avoir sur leurs projets respectifs.

C H A R L E S - É D O U A R D C A R R I E R

Collaboration spéciale

C urieuse, intéressée et impliquéedans la culture, Marie-Christine

Cojocaru est directrice générale dela Caisse Desjardins de la Culture.Pour elle, il ne fait aucun doute quel’organisation était avant-gardiste dèsses débuts en 1994. « Il fallait poserun regard qui permettait de voir leschoses autrement, d’obtenir des ga-ranties à l’extérieur et de considérerles contrats à venir, dit-elle. Il fallaitanalyser et comprendre la réalité dumilieu. Et c’est encore notre raisond’être aujourd’hui. »

Bien que la finance se base surdes règles mathématiques, pourchaque dossier, un travail d’explora-tion doit être fait pour répondre auxbesoins du milieu culturel, commel’explique la directrice : « C’est unpeu comme faire de l’art. Ça prendde la souplesse et de l’imagination.On trouve des solutions là où d’au-tres n’iraient peut-être pas. Lorsque

l ’on est concentré à 100 % dansquelque chose, on voit les risquesdif féremment. On arrive à mieuxcomprendre. » Un discours quitranche radicalement avec celuid’autres financiers, qui s’arrêtentsurtout aux chif fres, ratios, rende-ments et revenus garantis.

Nombreux sont les exemples où laCaisse a joué un rôle clé dans la miseen place et le développement de pro-jets artistiques d’ici. « Je pense entreautres au Cirque Éloize, avec quinous travaillons depuis le tout début.ll fallait faire preuve d’audace pourtrouver des solutions financières àun cirque qui était en démarrage, sesouvient Mme Cojocaru. Et puis, il y a25 ans, qui voulait prêter à la Sociétédes arts technologiques (SAT) ? Ouplus récemment, au Festival Chro-matic ? Ou encore à Pop Montréal ?Depuis le début, la Caisse maintientsa proximité avec le milieu et encou-rage la relève.»

Un partenaire pour la SATMonique Lavoie, présidente fonda-trice et directrice générale de la SAT,n’hésite pas : « Un outil comme çaétait attendu du milieu. Les travail-leurs culturels sont comme des cher-

cheurs. Chaque projet par t d’unebonne idée, d’une intuition, d’une vi-sion. Mais après, comment la met-onen place et l’assoit-on sur des basessolides ? C’est dif ficile pour les mo-dèles plus traditionnels de répondreà nos besoins, alors que la Caisse estvite entrée non seulement dans unecompréhension du milieu dans le-quel on évoluait, mais elle y est arri-vée avec une confiance envers les en-trepreneurs culturels. »

La mission même de la Caisse est desoutenir les ar tistes et profession-nels de l’industrie et de prendre desrisques avec eux, voire de travailleren équipe avec eux. «La Caisse nousa non seulement soutenus pour l’ac-quisition du 1201, boulevard Saint-Laurent [l’actuelle bâtisse qui abriteles locaux de la SAT à Montréal], elle

Deux succès d’ici

« Depuis le début, la Caisse maintient sa proximité avec le milieu et encourage la relève »

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« Lire, c’est gambader dans le champ des possibles. »Kim Thúy, écrivaine lire-reussir.org

Photo : Jean-François Brière

Ce cahier spécial a été produitpar l’équipe des publicationsspéciales du Devoir, grâce au soutien des annonceurs qui y figurent. Ces derniers n’ont

cependant pas de droit de regardsur les textes. La rédaction duDevoir n’a pas pris part à la

production de ces contenus.

le fait encore aujourd’hui avec desprojets d’aménagement, d’agrandis-sement et d’achat d’équipement »,poursuit Mme Lavoie.

Cette dernière revient aussi sur lerôle pédagogique qu’a joué la Caissede la Culture tout au long du déve-loppement de la SAT : « La Caissenous a appris à accéder au mondedes affaires plus que n’importe qui.C’est pourquoi elle a joué un rôle depar tenaire à par t entière. Il y a23 ans, pour ma par t, j’étais néo-phyte… Acquérir un bâtiment, gérerune masse salariale et des emprunts,c’était beaucoup à porter. La Caissenous a accompagnés dans tout ça. »

L’institution financière a aussicontribué à l’essor du concept d’éco-nomie sociale, une véritable écono-mie qui était pourtant très peu recon-nue dans les modèles traditionnelsd’entreprises à but lucratif. «Lorsquenous sommes arrivés avec nos orga-nismes sans but lucratif, le « sansbut » était déjà un problème, ça nenous donnait pas la crédibilité suffi-sante pour se placer dans des rôles oùl’on agissait comme entrepreneurs,avec des responsabilités d’entrepre-neurs», se souvient Mme Lavoie.

Un plan d’abordComme ailleurs, avoir accès à de l’ar-gent et du crédit à la Caisse de laCulture exige de sérieuses dé-marches. « Il faut avoir un bon plande match », prévient Philippe De-mers, CEO et directeur créatif deMASSIVart, aussi fondateur du Festi-val Chromatic, qui vient de clore sa10e édition. Celui qui a goûté à la rigi-dité des institutions financières tradi-tionnelles a été à même de constater

la différence avec laquelle la Caissereçoit les demandes : « Pendant lesdeux ou trois premières années, au-près des banques, c’était très difficilepour nous. Dire que nous avions unprojet d’art et d’événements et quenous n’avions pas d’actif, ce n’étaitpas très crédible aux yeux des ban-quiers. Surtout pas à 22 ans !»

Mais l es choses ont changélorsque l’entrepreneur et ar tiste arencontré les gens de la Caisse de laCulture. « Ce fut le jour et la nuit, af-firme-t-il. On comprenait le projet etje commençais à voir la possibilitéd’en faire une organisation en soi. LaCaisse est arrivée à un moment cru-cial où j’avais besoin de plus de liqui-dité. » Festival à Paris, employésétrangers, subventions, ouverture

d’un bureau à Toronto : la Caisse apu suivre Philippe Demers dans lacroissance de MASSIVart.

« La Caisse est en mesure de ba-ser ses décisions sur des critèresqualitatifs, ce que les institutions fi-nancières n’arrivent pas à faire »,comprend Philippe Demers. Et toutça semble être rentable, comme leconfirment les résultats de la Caissede la Culture, qui se positionne au3e rang des cent caisses les plus per-formantes du Mouvement Desjar-dins. Vingt-cinq ans après la créationde la Caisse de la Culture, qu’il estpossible de construire un milieu ar-tistique avec des infrastructuresphysiques et des projets d’enver-gure qui survivent dans le temps nefait aucun doute.

MASSIVart et leFestival Chromatic,qui vient de clore sa10e édition, ont pucompter sur laCaisse de la Culture.BRUNO DESTOMBES

La Caisse Desjardins de la Culture est une partenaire de la Société des artstechnologiques.ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR

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A N D R É L A V O I E

Collaboration spéciale

V ingt-cinq ans, c’est à la foispeu et beaucoup dans l ’his-

toire d’une société et de sa culture.Au cours de ces années, le Conseildes ar ts et des lettres du Québec(CALQ) fut non seulement le té-moin de ces changements, maisaussi un acteur important. Un rôleapprécié des créateurs et des insti-tutions qui ont bénéficié de sonsoutien, que ce soit sous la formed’une bourse ou d’une aide aufonctionnement. À la lumière decet anniversaire, quatre d’entreeux posent un regard personnelsur l’évolution de leur discipline.

Arts visuelsC’est une politique qui a transforméune foule de lieux du Québec. On lasurnomme celle du 1 %, soit la Poli-tique d’intégration des arts à l’archi-tecture et à l’environnement, qui apermis à des centaines d’artistes decréer quelques milliers d’œuvresque l ’on peut admirer dans desparcs, des bibliothèques, des hôpi-taux, des palais de justice, etc.

Rose-Marie E. Goulet compteparmi ces créateurs qui ont modelél’espace public, et ce, depuis le débutde sa carrière en 1979. À Montréalseulement, on peut admirer son tra-vail au théâtre Denise-Pelletier (La(les) Leçon(s) plurielle(s)) ou à l’Ins-titut de cardiologie (Une af faire decœur), et elle aussi connue pour sacontribution à la mémoire des vic-times du drame de Polytechnique(Nef pour quatorze reines).

Dès ses premières participationsau programme au début des années1980, l’ar tiste, plusieurs fois bour-sière du CALQ, a senti que cette ini-tiative n’était pas bien vue de ses col-lègues. «Certains étaient mal à l’aise

avec l’idée de la commande, se sou-vient celle qui voulait déjà à l’époquesuivre les traces de Michel Goulet,Peter Gnass et Pierre Granche. Il yavait une scission entre la pratiquede l’art public, et l’autre, privé, celuides galeries et des musées.»

Celle pour qui ce passage de l’un àl’autre ne fut jamais un problèmeconstate que beaucoup d’artistes ontévolué dans ce sens pendant lesdeux dernières décennies, de mêmeque la population face à l’art public.« Chaque personne a son regard,mais plusieurs sont maintenant capa-bles d’interpeller les autres pour dé-fendre leur point de vue.»

Littérature« Comme je l’ai souvent répété : “Siun poète savait exactement ce qu’ilveut dire, il ne ferait pas de poésie.”»

Ainsi s’exprime Denise Desautels(D’où surgit parfois un bras d’horizon,Cimetières : la rage muette), dontl’œuvre, qu’elle n’hésite pas à quali-fier de « sombre », s’étend sur prèsde 40 ans. Elle reconnaît d’ailleursque cette longévité vient en partie dusoutien du CALQ, grâce à plusieursbourses, y compris pour assurer lerayonnement de son travail sur lascène internationale.

Cette archéologue de l’intime par-court le monde pour aller à la ren-contre de ses camarades poètes,« pour ouvrir des portes, mais sur-tout pour nourrir mon écriture», col-laborant depuis longtemps avec desartistes en arts visuels (Betty Good-win, Françoise Sullivan, Michel Gou-

Créer ici et conquérir le monde

« Si un poète savaitexactement ce qu’il veut dire,il ne ferait pas de poésie »

Monument pour A de Rose-Marie E. Goulet au Centre des congrès de Québec, 1996LOUISE BILODEAU

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OFFTAFestivald’arts vivants13e

édition24.05 —02.06.19

let, etc.) afin d’illuminer ses livres,ou célébrer par ses mots la dé-marche créatrice des autres.

Alors que certains de ses recueilssont traduits en catalan et en espa-gnol, qu’elle fut lauréate en 2010 duprestigieux prix Jean-Arp de littéra-ture francophone, Denise Desautelsobserve avec contentement l’évolu-tion esthétique de la poésie québé-coise, de même que son foisonne-ment sur le plan de l’édition. Car dud é b u t d e s a n n é e s 1 9 7 0 à a u -jourd’hui, période marquée par deuxréférendums et bien des remous po-litiques, la poésie of fre maintenant« un grand éventail de possibles ».« Toutes les générations de poètesse côtoient, et participent à des évé-nements de toutes sortes, alors quetoutes les formes sont permises, del’extrême audace textuelle à l’oralitéla plus inventive. »

Cinéma

Voilà maintenant 20 ans que le mou-vement Kino demeure guidé par sonseul et même slogan : « Faire bienavec rien, faire mieux avec peu, maisle faire maintenant. » Foyer de créa-tion, incubateur de talents, rampe delancement de courts métrages sou-vent réalisés avec des bouts de fi-celle et plein de bonne volonté, l’or-ganisme a transformé à sa façon lecinéma québécois. Certains de sesfondateurs y prennent une part ac-tive, comme Stéphane Lafleur (Enterrains connus, Tu dors Nicole),d’autres y ont pris beaucoup de plai-sir, comme Philippe Falardeau (Mon-sieur Lazhar), mais son empreinte serévèle beaucoup plus grande.

« La perception du court métragea véritablement changé, se réjouitChantale Lacoste, directrice géné-rale de Kino Montréal depuis 2015.Avant, il était considéré comme desséances de pratique en attendantde faire un long métrage. Mainte-nant, de plus en plus de courts sedistinguent un peu par tout à tra-vers le monde, ce qui encouragenos membres. »

Depuis les premiers cabarets, oùles participants élaborent leurs filmsen quelques jours (par fois mêmequelques heures!), les présentationsfinales ne sont jamais accompagnéesd’une remise de prix. Une philoso-phie à laquelle Kino tient mordicus,

car elle crée « un climat très sain,parce que les gens ne sont pas encompétition, mais en collaboration »,selon Chantale Lacoste.

Cet esprit se prolonge avec le mi-lieu cinématographique québécois,alors qu’un important pourcentagedu financement provient du secteurprivé, et par l’entremise de gens qui,à une époque pas si lointaine, furentd’ardents «Kinoïtes» dans ce mouve-ment festif où le droit à l’erreur estpossible, et salutaire.

Arts de la scène

Dans les années 1980, on disait deMontréal qu’elle était la capitale de ladanse, statut acquis grâce à la créati-vité et la fougue de jeunes choré-g r a p h e s e t d a n s e u r s c o m m eÉdouard Lock, Louise Lecavalier etGinette Laurin. La métropole québé-coise peut-elle toujours revendiquerce titre ? « C’est encore une desgrandes capitales de la danse », pré-cise Marie Chouinard, une autre fi-gure impor tante ayant émergé decette époque charnière, reconnue àtravers le monde pour des œuvrescomme Prélude à l’après-midi d’unfaune, Le sacre du printemps, et plusrécemment Jérôme Bosch : Le jardindes délices.

Au téléphone, de l ’Italie et enplein travail de commissaire pour levolet danse de la célèbre Biennalede Venise, Marie Chouinard neverse dans aucune forme de nostal-gie, toujours aussi « heureuse et cu-rieuse » de travailler sur ses proprespièces, et d’être une obser vatriceprivilégiée de l’ef fervescence créa-trice aussi forte dans le domaine del a d a n s e . « A u j o u r d ’ h u i , n o u sn’avons pas à envier les gens quiétaient là il y a 25 ou 40 ans. Pas dutout. Montréal est toujours une villeabsolument fascinante. »

Et cela ne pourrait être possiblesans la présence essentielle duCALQ. Après de nombreux voyagesun peu partout à travers le monde, leconstat est clair pour Marie Choui-nard : « Dans beaucoup de pays, ladanse n’est pas soutenue, les ar-tistes ne sont pas soutenus. Je faispar tie de ce mouvement qui sou-haite une plus grande augmentationdu budget du Conseil, mais soyonstout de même reconnaissants decette situation privilégiée. »

Une œuvre chorégraphique de Marie Chouinard. Interprète : Chi Long.MARIE CHOUINARD

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É M I L I E C O R R I V E A U

Collaboration spéciale

S e déclinant en une quinzaine desous-secteurs qui regroupent

n o t a m m e n t l ’ a r c h i t e c t u r e , l e

design, la mode, les multimédias,les jeux vidéo, les arts numériquesainsi que les ar ts traditionnels, vi-vants et visuels, les industries cul-turelles et créatives québécoisessont une source de richesses pourla province.

En 2017, elles ont engendré desretombées économiques estiméesà 9,4 milliards de dollars pour leQuébec. La même année, elles gé-néraient environ 101 000 emplois àMontréal, soit 4,7 % de l’emploi to-tal de la métropole.

Penser autrementMalgré leur dynamisme, ces indus-tries sont aujourd’hui confrontées àd’impor tants défis induits par lamondialisation et les récents pro-grès technologiques. Devant lestransformations en cours, pourconser ver leurs acquis et assurerleur pérennité, les acteurs culturels

sont nombreux à devoir repenserleurs façons d’être et de faire.

« C’est un changement de para-digme », indique David Moss, codi-recteur général de La Piscine, unorganisme à but non lucratif dontla mission est de catalyser et de dé-velopper le premier écosystèmeconsacré au développement del’entrepreneuriat dans les secteursculturels et créatifs à Montréal etau Québec.

«Les artistes ne peuvent plus s’ap-puyer uniquement sur le financementpublic, signale-t-il. Le défi auquel ilsfont face, c’est de penser autrement àla valorisation de leur offre.»

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L’UNEQ FAIT LA FORCE !

Depuis 1977, l’UNEQ est le syndicat professionnel qui défend les droits socio-économiques

des écrivains et travaille à la promotion et à la diffusion de la littérature québécoise,

au Québec, au Canada et à l’étranger.

uneq.qc.ca

CULTURE VISIONSOLIDARITÉ AUDACE

,À l’échelle du Canada comme ailleurs dans le monde, le Québec est ré-puté pour ses artistes et sa culture. Dans un contexte de vive concurrenceinternationale dans les secteurs des industries créatives, comment la pro-vince peut-elle tirer profit de son effervescence et créer de la prospérité?En poursuivant le développement de son réseau structurant et en valori-sant l’entrepreneuriat culturel, répondent des acteurs concernés.

Un réseau fort, la clé d’une industrie culturelle et créative en santé

Page 9: 25ans à soutenir les artistes d’ici...prend la valse des contrats, on pose les bonnes questions», fait valoir Mme Cojocaru. Pour en arriver-là, la Caisse de la Culture a appris

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Philippe Demers, cofondateur etdirecteur général de MASSIVart, uneagence basée à Montréal qui produitdes expériences propulsées par l’artet la culture et qui travaille en étroitecollaboration avec des créateurs demême qu’avec des développeurs im-mobiliers, des architectes, des es-paces commerciaux, des marques etdes institutions culturelles, abondedans le sens de M. Moss.

« La diversification des sources derevenus, c’est quelque chose de trèsimportant aujourd’hui pour les ar-tistes. C’est pourquoi je milite pourtrouver de nouveaux créneaux où,sur le plan commercial, les entre-prises bénéficient d’une collabora-tion avec des artistes», indique celuiqui, depuis la fondation de son orga-nisation, s’ef force de connecter lesartistes aux publics et de rendre l’artplus accessible.

Travailler en partenariatAu Québec, l’écosystème des indus-tries culturelles et créatives est large-ment por té par de pe t i t es e tmoyennes organisations. À Montréal,par exemple, 64% des entreprises quicomposent ces industries sont detrès petites tailles, c’est-à-dire qu’ellescomptent moins de cinq employés.Les travailleurs autonomes sont aussinombreux à œuvrer dans ce secteur.Dans la métropole, ils comptent pour27,7% de l’emploi.

«Pour ces individus et ces petites or-ganisations, la clé, c’est de se former,

de s’informer et de s’entourer degens qui ont la capacité de les ac-compagner», indique M. Moss.

C’est ce que croit aussi M. De-mers, même s’i l concède que lacompréhension des rouages entre-preneuriaux n’est pas donnée àtous. « C’est un peu comme si on de-mandait aux acteurs ou aux réalisa-teurs de comprendre toute la lo-gique de production d’un film ou lamise en marché à l’échelle interna-tionale, soutient-il. En cinéma, ontravaille en équipe, et je pense qu’ilfaut voir l’entrepreneuriat culturelde la même façon. Ce qui est impor-tant, c’est de savoir s’entourer entant qu’ar tiste pour aller chercherles compétences qu’on ne possèdepas nécessairement. »

Heureusement, au cours des der-nières années, plusieurs initiativesfacilitant l’acquisition de connais-sances ainsi que le maillage entre lesartistes et les dif férents acteurs dumilieu des affaires ont vu le jour. No-tamment, des incubateurs et des ac-célérateurs se consacrant au dévelop-pement de l’entrepreneuriat culturelont été créés et divers programmeset parcours visant à développer lescompétences de gestionnaire des en-trepreneurs des industries créativesont été mis sur pied.

« Du soutien adapté et intéressant,il y en a de plus en plus », confirmeMarie-Christine Cojocaru, directricegénérale de la Caisse Desjardins dela Culture, une coopérative finan-

cière établie à Montréal qui est entiè-rement réservée aux ar tistes, ar ti-sans, créateurs, organismes et entre-prises culturelles. « Il y a une meil-leure compréhension des besoinsdu milieu culturel et la collaborationentre les dif férents partenaires estde plus en plus fluide, note-t-elle.Mais on peut encore s’améliorer ; ilfaut continuer à solidifier ces parte-nariats et il faut aussi s’ef forcerd’outiller tôt la relève pour qu’ellepuisse dès ses débuts se concentrersur son talent principal. »

Valoriser l’entrepreneuriat culturelAu cours des dernières années, lareconnaissance du poids et de l’im-portance économique des activitésliées à la production de biens et deser vices à caractère créatif s’estbeaucoup accélérée au Québec.D’après M. Demers, la structurationdu réseau entourant les entrepre-neurs culturels n’y est certainementpas étrangère.

« Depuis quelques années, on sentvraiment une acceptation plus géné-rale de la contribution des entrepre-neurs culturels, assure le cofonda-teur de MASSIVart. Ça se traduit dedif férentes façons, comme parl’adoption de la nouvelle politique dedéveloppement culturel de la Ville deMontréal. La nouvelle politique cul-turelle du Québec, qui fait mentiond’entrepreneuriat culturel, est aussiun bon exemple. »

Mais tout n’est pas gagné pour lesentrepreneurs des industries cultu-rel les et créat ives. Bien qu’au-jourd’hui ils aient en général plus defacilité à s’entourer de partenairesque par le passé et que leur contribu-tion au développement économiquede la province soit désormais recon-nue, obtenir du crédit auprès desbanques demeure un enjeu.

« Lorsqu’ils s’adressent aux institu-tions financières traditionnelles, cestravailleurs sont souvent victimesd’a priori, reconnaît Mme Cojocaru.Sur le papier, ils représentent un cer-tain risque, mais dans la réalité, cen’est pas nécessairement le cas.C’est sûr qu’il y a encore du travail àfaire de ce côté-là ! »

« Ce qui est important, c’est de savoir s’entourer en tant qu’artiste pour allerchercher les compétencesqu’on ne possède pas nécessairement »

ISTOCK

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Le Musée de la civilisation et le Musée national des beaux-arts du Québec souhaitent longue vie au Conseil des arts et

des lettres du Québec qui ne cesse, depuis 25 ans, de soutenir la création et

de rapprocher les communautés par l’art.

À l’occasion des 25 ans du CALQ

BONNE FÊTE !

RÉSEAU ART ACTuEL.ORg

Les artistes et organismes cultu-

rels agissent comme pivot du dé-

veloppement de leur région grâce

au soutien d’un écosystème dura-

ble et à des mesures efficaces.

C A T H E R I N E M A R T E L L I N I

Collaboration spéciale

N é à Chicoutimi, le réalisateur Sé-bastien Pilote, notamment der-

rière les films primés Le démantèle-ment et La disparition des lucioles,avait déposé sa candidature il y a plusde dix ans pour obtenir une boursedu Conseil des arts et des lettres duQuébec (CALQ) pour son premiercourt métrage, Dust Bowl Ha! Ha!.

« Au départ, les 10 000 à 12 000 $de bourse devaient servir à l’écrituredu scénario, mais finalement, j’ai dé-cidé de tout faire le film avec le mon-tant comme il n’exigeait pas unegrande équipe ni beaucoup de joursde tournage», raconte-t-il.

Le film s’est fait remarquer au Festi-val de Locarno en compétition. Cettevisite a aussi permis au réalisateur derencontrer les producteurs BernadettePayeur et Marc Daigle, qui ont produitles longs métrages qui allaient suivre.

Le nécessairecycle de créationet de diffusion en région

Chaque année, la ville de Saguenay accueille le Festival international ducourt métrage Regard, dont le démarrage a été en partie soutenu par leCALQ.ISTOCK

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Complices des arts depuis 25 ans ! Bravo aux fiers partenaires de l’imaginaire qui contribuent à l’essor de nos créatrices et créateurs.

Le CALQ s’est doté d’un cadred’inter vention régional cinq ansaprès sa fondation, en 1994. Une me-sure jugée essentielle dans les pre-mières années, après qu’il fut arrivéau constat que les ar t istes desgrands centres se voyaient plusfinancés que ceux en région, men-tionne Anne-Marie Jean, présidente-directrice générale du CALQ.-

Si Sébastien Pilote n’a pas vécucette situation, il estime toutefoisque ce type de soutien sert souventde bougie d’allumage et stimule lavie artistique de sa région.

Parce qu’au-delà des ar tistes,ceux-ci doivent pouvoir compter surdes organismes qui facilitent leur tra-vail. Thomas Casault, un des mem-bres du duo Fjord, de Québec, a pu

évoluer dans le carrefour musicalqu’est devenue la ville de Québec aufil du temps.

Des endroits comme le Pantoume,dans le quartier Saint-Roch, permet-tent aux artistes de la ville d’avoiraccès à des studios et des salles depratique. « On a loué, par exemple,l’endroit avant notre dernière tour-née européenne pour tester lecontenu qu’on allait produire, en pro-fitant de la scène et des services deson qui y sont of fer ts, illustre-t-il.L’équipe est très accommodante, etles services sont abordables. »

Même si le succès du groupes’est bâti de lui-même, c’est-à-diresans maison de disque, mais par laqualité de leur musique qui s’estfait connaître sur Spotify, il estimeque des aides financières permet-tent de pousser la création plusloin. « À un moment donné, si onveut amener la musique DIY (do ityourself) à un autre niveau, ça passenotamment par des techniquesd’enregistrement et d’autres équi-pements, donc par des investisse-ments », mentionne celui qui a reçuun appui financier d’une source au-tre que le CALQ pour le deuxièmealbum du groupe, Shallow Waters.

Après leurs études universitaires,Éric Bachand et Sébastien Piloteavaient aussi lancé le Festival interna-tional du court métrage Regard, auSaguenay, dont le démarrage avaitété en partie soutenu par le CALQ.

C’est le cas également des ateliers

Tout tout, dans cette même région, quiont aidé des artistes comme Carl Bou-chard, Patrice Duchesne, Guy Black-burn et Martin Dufrasne dans leursdémarches et ont contribué conséquem-ment au rayonnement de la région.

En effet, le programme de partenariatterritorial du CALQ soutient autantles artistes que les organismes. Il sedécline en 20 ententes actives, cou-vrant toute la province.

Mais au-delà de l’appui aux artistes etaux organismes, c’est tout l’écosystèmeartistique qui est visé par les efforts duCALQ. Ainsi, ce dernier, en collabora-tion avec les conseils régionaux de laculture, mobilise plus d’une centaine devilles et de MRC pour investir dans desprojets d’artistes et d’organismes, dessommes qu’il apparie ensuite.

«Les maires et les préfets de MRCsavent depuis un bon moment la diffé-rence que peut faire une vie culturelledynamique dans leur communauté,notamment quant à leur capacité derétention des citoyens et des artisteschez eux, souligne Anne-Marie Jean.Ils ont un grand rôle à jouer dans ledéveloppement d’une offre culturelleintéressante et ont appris à s’adjoindredes partenaires et des diffuseurs.»

Le réalisateur Sébastien Pilote

SÉBASTIEN RAYMOND

« Les maires et les préfets deMRC savent [...] la différenceque peut faire une vieculturelle dynamique dansleur communauté »

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Toute l’équipe du TNM ainsi que son conseil e anniversaire

au Conseil des arts et des lettres du Québec en reconnaissance du rôle essentiel qu’il joue dans le dynamisme et l’évolution de la culture québécoise.

J E A N - F R A N Ç O I S V E N N E

Collaboration spéciale

E n 2015, le danseur et choré-graphe Manuel Roque s’envole

vers Potsdam, en Allemagne, pour unséjour de deux mois riche en re-cherche et en création. Un luxe dansun domaine où la pression de pro-duire rapidement est omniprésente. Ilemmène sa complice de longue date,Lucie Vigneault, et fera aussi venirSophie Corriveau le temps de deuxsemaines. «Pendant deux mois, nousavons disposé d’un studio pour explo-rer et créer et nous avons travaillécomme des fous!» se remémore avecdélice Manuel Roque.

Ce séjour à l’étranger s’est fait dansle cadre de l’une des nombreuses rési-dences de création offertes chaqueannée par le Conseil des arts et deslettres du Québec (CALQ). Décernéeau terme d’un concours, cette rési-dence permet aux artistes de séjour-ner à la fabrik Potsdam, un haut lieude la danse contemporaine. Enéchange, Circuit-Est accueille au Qué-bec des chorégraphes allemands.

C’est pendant cette résidencequ’est née la chorégraphie BangBang, lauréate du Prix du CALQ pourla meilleure œuvre chorégraphiquede la saison 2016-2017. «Tout ce quenous avons exploré en Allemagne n’apas nécessairement fini dans cettechorégraphie, mais nos interroga-tions et nos recherches documen-taires ont étoffé ce projet et les sui-vants», note le chorégraphe.

Quadriller la FlandreDe son côté, c’est vers Bruxelles quela poète Violaine Forest s’est envoléeen 2008, pour un séjour à Passa Porta,la maison internationale des littéra-tures belges, fondée en 2004 par Hetbeschrijf et Entrez Lire.

Violaine Forest s’intéresse alors à laFlandre-Orientale, d’où viendrait sonancêtre, un drapier flamand huguenot,si l’on se fie à une tenace légende fami-liale. Elle s’installe au-dessus d’une li-brairie, dans un appartement du quar-tier de la Bourse. Un bel écrin, duquelelle n’hésitera toutefois pas à s’éloigner.«J’avais énormément de recherches àfaire dans les archives de bibliothèqueset de musées et plusieurs villes à explo-rer, confie l’auteure. J’ai besoin de“marcher” les lieux sur lesquels j’écris,d’entendre ce qu’ils ont à me raconter.»

Au rythme de ses déplacements àNamur, Liège, Gand ou Anvers, où elles’attarde à la Maison de Rubens, elleaccumule une partie de la matière quiformera Magnificat, un récit poétiquepublié en 2012. «Ces résidences, toutcomme les bourses littéraires, sont né-cessaires pour soutenir l’activité desécrivains, incapables de payer lescoûts de tels séjours d’écriture àl’étranger», affirme Violaine Forest.

La résidence a aussi mené à descollaborations avec les revues L’Ar-bre à paroles et L’Étrangère, ainsiqu’à une participation à la Foire du li-vre de Bruxelles et à quelques entre-vues médiatiques, notamment dansLa Libre Belgique.

Des lieux inspirantsCertains artistes prennent goût à cesrésidences. Olivier Kemeid, drama-turge et auteur du colossal Five Kings.L’histoire de notre chute, a effectué troisrésidences, seul ou avec sa compagniethéâtrale, à la Chartreuse de Villeneuvelez Avignon. En 2007, il y a rédigé lapièce L’Énéide. Sa troupe en a fait unelecture au Festival d’Avignon lors d’uneseconde résidence en 2008. Il y est re-tourné quatre ans plus tard pour yamorcer la rédaction de Five Kings.

C’est peu dire qu’il est convaincu dela nécessité de ces résidences. «Ellespermettent d’être reconnu et soutenucomme auteur avant que l’œuvreexiste, un peu comme un scientifiquefinancé pour faire de la recherche», il-lustre-t-il. Ces séjours permettent de tis-ser des liens avec des artistes étrangerset favorisent la diffusion de l’œuvre.

«Écrire sur des rois shakespeariensentourés de bâtiments datant de leurépoque, c’est incroyablement inspirant,raconte l’auteur. C’est aussi en lisant pu-bliquement la première partie de FiveKings à Avignon que nous avons su quenotre parti pris de mise en scène intem-porelle fonctionnait. Ces résidencessont cruciales pour les créateurs.»

Des lieux où prendre le temps de créerLe Conseil des arts et des lettres du Québec offre aux artistes québécois de nombreuses résidences de création à l’étranger

Le CALQ offre à des artistes de partir enrésidence, notamment à la bibliothèque duCornate, à Monterrey au Mexique.ANAGRAMA