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L'album de Yves Thuriès 6 - Thuriès Gastronomie Magazine- Juillet-Août 2013 - N• 251

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L'album de

Yves Thuriès

6 - Thuriès Gastronomie Magazine- Juillet-Août 2013 - N• 251

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Cordes sur Ciel

Yves Thuriès

Cordes sur Ciel La saga d'un grand nom de l'art culinaire français

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Yves Thuriès, un grand chef ... d'œuvres !

PAR PHILIPPE TURREL

SYBARIS ET THURIÈS

Les historiens affirment que le nom de Cordes dans le Tarn a pour racine la ville de Cordoue en Andalousie. Le patronyme Thuriès, très présent dans ce département, renvoie-t-il à un lieu d'origine ? Selon des textes anciens, il existait une cité de la Grande Grèce, l'an­cienne Sybaris, qui changea de nom en 444 avant notre ère, pour s'appeler ... Thuriès.

Cette cité opulente du sud de l' Italie était réputée pour son art de vivre. Les habitants de Sybaris préparaient leur festin un an à l'avance, avec somptuosité, le goût le dispu­tant au décor, dans les règles des meilleures tables de Sicile.

La légende raconte qu'Apollon guida les anciens Sybarites vers une fontaine du nom de Thuriè. Ils élevèrent autour leurs murailles et donnèrent le nom de Thuriès à cette nou­velle cité, qui, avec ses quatre grandes rues, était à ses débuts aussi grande que le village de Cordes aujourd'hui.

Hérodote, considéré comme le premier his­torien de la Grèce, y trouva refuge et la vi lle s'enorgueillit d 'abriter en ses murs le célèbre prosateur.

Il serait plaisant de voi r dans la biographie d'Yves Thuriès, un lien avec cette cité antique éponyme, lieu de plaisirs, de raffinements et de gourmandise, pour en faire sa légende dorée. Et de considérer cette fontaine du même nom comme la source d'une féconde généalogie.

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L'album de

Yves avec ses parents et sa sœur Monique.

SOUVENIRS DE LA BOULANGERIE PATERNELLE

Plus modestement, Yves Thuriès naît en 1938, à Lempaut dans le Tarn, dans ce pays cathare qui forgea autant l'esprit que la matière. Son père, Gaston, est boulanger à la coopérative du village. Cette dernière fonctionne sur le modèle de l'échange, les paysans troquant des sacs de blé contre de belles miches rondes à la croûte dorée.

La boulangerie était située en face de l'église. Après la sortie de la messe, la bénédiction du pain s'accompagnait de la vente de pains à l'anis, préparés par Gaston Thuriès pour cette occasion dominicale.

La maison familiale et la boulangerie ne font qu'un. Le four, trônant au-dessous de l'habi­tation, est l'âme de la boulangerie :«Je m'en rappellerai toujours, le matin au réveil, on sen­tait l'odeur du pain qui sortait du four et, dans les chambres au-dessus, on respirait cette odeur de pain chaud ou de brioche», se souvient Yves Thuriès.

Dans la famille, la cuisine s'inscrit d'abord dans le respect des traditions : «Quand j'étais enfant, par une vieille coutume religieuse, le vendredi était chez nous le jour du poisson. C'est ce jour-là que ma mère trouvait du poisson frais sur le marché du village et nous le cuisinait. »

Yves Thuriès garde le souvenir de son père instruit de la valeur de son métier, appelé toutes les nuits au four et au pétrin. «Quand, dans la matinée, il montait les escaliers, sa flûte sous le bras, son travail accompli, c'était un homme heureux.» Le chef pâtissier de Cordes

Le petit Yves devant la boulangerie, sa maison natale.

est fier de se revendiquer fils de boulanger. «L'homme pour lequel je garde la plus grande admiration, c'est mon père.»

Déjà, enfant, le jeune Yves rejoignait sou­vent le fournil. Sur un seau renversé, il tri­potait la pâte et, les vei lles de Noël, c'est à la fourchette qu'il trempait les chocolats. L'exemple de son père aura une grande influence sur lui: «À défaut d'avoir eu de mon père un héritage, j'ai eu de lui bien mieux que ça :son exemple. »

<<JE SERAI PÂTISSIER ! »

Mais l'homme tant admiré avait une faille. Il ne savait pas faire la pâte feuilletée ! Et dans la tête du jeune garçon, qui pensait que son père devait tout savoir, se dessine sa future vocation : «Je serai pâtissier!»

Il suit l'exemple de son père, en faisant, dès l'âge de quatorze ans, ses premiers pas dans l'apprentissage. Son père l'accompagne à Castres chez son ami Benoît Barné, du métier, conscient que dans la chaîne profession­nelle familiale s'ajoutera un nouveau maillon. Yves Thuriès se souvient : «Dans une exis­tence, le départ vers la vie professionnelle est une période que personne n'oublie. À l'heure qui m'avait été fixée, je descendis en tenue et franchis avec angoisse la porte du laboratoire. C'était le début de ma vie professionnelle.»

Le jeune Yves est motivé par le désir d'ap­prendre. Non seulement son futur métier, mais aussi l'histoire de la pâtisserie et la particularité de son pays cathare. Il est aussi curieux du monde et des autres, lisant revues et livres professionnels.

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Yves sur les épaules de son cousin Roland.

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Réalisation d'une pièce montée.

Une livraison insolite!

Il débute son initiation au métier et se rap­pelle que ses premières préparations ont été marquées par une certaine émotion : «Je me revois encore, préparant en tâtonnant ma pre­mière sauce, ou dressant en tremblotant ma première pâte à choux.»

Il acquiert peu à peu l'intelligence et l'habi­leté qu'exige un travail manuel et prépare un C.A.P. de pâtissier, qu'il obtiendra à l'âge de dix-sept ans.

Cette période d'apprentissage, nécessaire pour comprendre les bases et révéler ses aptitudes, l'installe pendant plusieurs années chez un patron. Puis, curieux de s'ouvrir à des méthodes et des techniques différentes, il se perfectionne chez d'autres maîtres pâtissiers, découvrant des recettes et des tours de main, de rûche en rûche, pour butiner le secret des ateliers.

Mais Yves Thuriès, qui a la conscience aiguë du perfectionnement professionnel, pousse très loin la volonté d'acquérir, non seulement l'habileté du geste, mais aussi l'art du métier, sa relation à la beauté et à la sensibilité. Et nous verrons plus loin combien ce sens de l'esthétisme se révélera fécond dans la suite de sa carrière.

Il revendique souvent ce fil rouge de la trans­mission. Par le père d'abord, par les maîtres ensuite, enfin par les compagnons du Tour de France.

Yves Thuriès

LA VOCATION DU COMPAGNONNAGE

C'est le charpentier du village de Lempaut qui révèle au jeune Thuriès l'existence du compagnonnage. Dans ce village reculé du Tarn, il écoute les récits d'Elie le charpentier du village, relatant l'épopée des compagnons sur les routes de France. Il découvre le chef­d'œuvre d'Elie : la réplique de la charpente de l'église du village, que le charpentier avait restaurée avec d'autres compagnons.

«Il me disait : tu dois partir sur Je Tour de France, pour voir ce qui se passe ailleurs. Il était connu dans Je village comme un compagnon qui savait tout faire. Cela m'intéressait. Dès que j'ai pu, je suis parti. »

Pendant près de quinze ans, Yves Thuriès étire la pâte de ses connaissances en pâtisse­rie, à la recherche de son Graal professionnel : la réalisation de son chef-d'œuvre.

Il commence par la cayenne de Montauban, une des plus anciennes de France, où Elie le charpentier avait débuté son apprentissage. Ses haltes de compagnon le conduisent à Toulouse, où il passe son C.A.P. de pâtissier. Puis à Paris, à Marseille où il apprend beau­coup, notamment à la pâtisserie Villedieu.

Yves Thuriès est séduit par l'esprit des com­pagnons, pétri d'un attachement profond et sincère au métier, garant de l'attachement à la tradition, mais aussi des enjeux de l'inno­vation professionnelle. Ce qui lu i fait dire: «Je suis compagnon du Tour de France, et fier de

l'être. C'est au compagnonnage que je dois tous mes succès professionnels. C'est aussi au com­pagnonnage que je dois Je courage, la volonté, les connaissances et surtout l'esprit compa­gnonnique dont je suis imprégné. >>

Un buffet au Grand tcuyer.

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L'album de

Issu d'un terroir nourri de légendes et de vestiges du Moyen Âge, Yves Thuriès entre en compagnonnage comme un jeune noble en chevalerie, attiré par les valeurs idéales qui sous-tendent cette appartenance, pour en incarner l'esprit : la force, la morale et la bonté. Ne devient-il pas Tomais l'Indulgent, son nom de compagnon ?

Le jeune apprenti note avec conscience recettes et spécialités, elles constituent son bagage professionnel. li les consigne dans un cahier de recettes, le socle de sa future ency­clopédie. « Ce qui m'a fait, c'est l'ajout de toutes ces connaissances, de chez l'un, chez l'autre. Ce sont les sept ou dix chefs qui m'ont marqué et qui m'ont permis d'apprendre tout ce qui se faisait en France. Je connaissais la tradition de l'époque. »

Les compagnons troquent canne, grand cha­peau et tenue de velours noir contre des ins­truments professionnels, pour entrer dans cette chevalerie du travail où l'apprentissage, à partir de démonstrations et de stages, rem­place les tournois d'antan.

L'APPRENTISSAGE DE LA TRADITION PÂTISSIÈRE

Il apprend la pâtisserie et le fameux moka, le gâteau emblématique de l'époque, avec sa génoise et crème au beurre, décliné au Grand Marnier, au café ou au chocolat. On lui enseigne la pâtisserie de la tradition, issue d'Antonin Carême et d'Auguste Escoffier, les grands théoriciens de la pâtisserie des XVIII" et XIX" siècles.

Il a conscience d'être au cœur d'une pratique professionnelle qui puise sa légitimité et ses fondements dans un patrimoine inestimable, garant de la transmission du savoir-faire. Mais aussi d'un savoir-être, visant l'éléva­tion morale de ses membres, et Yves Thuriès

A droite, Yves Thuriès lors de son «Tour de France».

n'aura de cesse d'en revendiquer l'héritage et la transmission tout au long de sa longue carrière. C'est de ce creuset de valeurs, ce chaudron forgé par des hommes de métier souvent fidèles à la tradition du compagnon­nage qu'Yves Thuriès puise la connaissance.

Cette tradition idéalisée n'en nourrit pas moins la volonté de laisser derrière soi la valeur d'un héritage :« Les artisans, les compa­gnons qui construisirent tous les chefs-d'œuvre que nous visitons aujourd'hui, musées, monu­ments, cathédrales, pensaient-ils que des siècles plus tard, nous les admirerions encore?»

En terminant les nombreuses étapes de son Tour de France, Yves Thuriès est comme un pèlerin des routes de Saint-Jacques-de-Com­postelle, l'âme constellée des feux de la Jéru­salem céleste.

Mais sa route doit s'arrêter un jour devant les murs de sa pâtisserie idéale. Après avoir mitonné ses secrets et décanté son savoir­faire, il franchit le cap de ses multiples apprentissages en pleine tourmente poli­tique de 1968, pour prendre son essor avec sa première pâtisserie, installée dans le Sud­Ouest, à Gaillac.

RÉVOLUTION, CONCOURS ET CONSÉCRATION

Au terme de cette exigeante initiation, entre­coupée de trente-six mois de service mili­taire en Algérie, Yves Thuriès prend, à trente ans, sa première affaire. En 1968, il rachète la pâtisserie de son dernier employeur à Gaillac et s'installe donc rue Portal avec un apprenti.

!:époque est aussi à la révolution du palais. Les papilles font de la résistance au lourd et au sucré, l'heure est à l'innovation. De futurs grands chefs, Paul Bocuse, les frères Trois­gros, Roger Vergé, Michel Guérard et Alain

Le retour d'Algérie.

Avec ses amis compagnons.

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Yves Thuriès en démonstration.

Chapel commencent à soulever les pavés de la haute cuisine française. En pâtisserie, les blancs en neige voient rouge et Gaston Lenôtre renverse la pièce montée dans son laboratoire. En 1971, il ouvre sa propre école et jette les bases d'une autre approche de la pâtisserie française. Mais Paris n'est pas le seul épicentre de ce choc des spatules contre la tradition.

Dans son laboratoire de Gaillac, un jeune pâtissier, bouillonnant d'idées et de talent, Yves Thuriès, fait lui aussi claquer le fouet sur le cul-de-poule. Désireux de préparer le concours de Meilleur ouvrier de France, il se lance dans de nombreux concours natio­naux et internationaux. À Deauville, Arpa­jon, Marseille et Toulouse, il constate que la profession fait sa révolution de l'écuelle, dopée par l'arrivée des congélateurs pro­fessionnels qui vont bientôt permettre la mise au point de nouvelles pâtisseries. Un style est en train d'émerger, porté par les meilleurs pâtissiers de l'époque.

LE DOUBLE SACRE DU M.O.F.

Inspiré par cette scène culinaire novatrice, il se destine au must des concours, celui du Meilleur ouvrier de France (M.O.F.) en préparant la création de son chef-d'œuvre. Véritable arche d'alliance entre un savoir­faire technique et une inspiration artistique, née dans le sillon de cette modernité pâtis­sière en marche.

Dans l'atelier de sa pâtisserie de Gaillac, il imagine cette pièce de prestige. Il s'entraine

Yves Thuriès

Yves Thuriès devient l'un des grands artisans de cet essor de la pâtisserie française.

depuis des mois, parfait ses gestes tech­niques, construit les premiers projets entre innovation et respect des traditions. Il vise l'excellence pour décrocher le couronne­ment suprême du jury: devenir un Meilleur ouvrier de France.

La consécration arrive en 1976 avec la présen­tation d'une mousse appelée «la mousse à Indulgent », en hommage à son nom de compagnon. Yves Thuriès décroche ainsi le titre de Meilleur ouvrier de France dans la catégorie pâtissier-traiteur. Mais il réussit l'ex­ploit, unique dans les annales du concours, jamais égalé depuis, d'enlever la même année le titre de Meilleur ouvrier de France dans les catégories pâtissier-traiteur et gla­cier-confiseur. Une véritable performance !

Les portes de la notoriété et du succès lui sont ouvertes. La presse est unanime pour saluer l'exploit du jeune prodige dans la mesure où il reçoit ce prix à la fois pour les glaces, les sorbets, les entremets glacés, mais aussi pour son activité de traiteur, confiseur et pâtissier.

Mais Yves Thuriès a le succès modeste. Un trait de caractère qui se vérifiera à chaque étape de son éblouissante carrière au ser­vice de la gastronomie française: «Meilleur ouvrier de France, je dirais que nous avons obtenu notre C.A.P. d'adultes, mais après, le plus difficile reste encore à faire. Le grand chef­d'œuvre est devant nous! Le vrai! Aux qualités professionnelles de Meilleur Ouvrier de France doit se joindre celle, d'une importance capi­tale, de la modestie. Ce ne sont pas les bons ouvriers qui me contrediront.»

LE TRIOMPHE DES MOUSSES EN PÂTISSERIE

Si la haute cuisine française s'oriente à cette époque vers une cuisine de chefs inspi­rés et talentueux, la pâtisserie connait elle aussi une nette évolution. L'arrivée de créa­tions comme les mousses aux fruits, les gâteaux en cercle, non montés à la spa­tule, les décors en gelée à la place des fon­dants, créent l'événement. Les distinctions de Meilleur ouvrier de France d'Yves Thu­riès consacrent ce tournant de la pâtisserie française.

À partir des années 1970, les laboratoires des pâtisseries s'équipent de congélateurs. Il faut adapter de nouveaux produits à ces avancées technologiques. L'avantage pour le pâtissier est de travailler en plus grande série. Il suffit de passer au congélateur une mousse fouettée, aux blancs d'œufs ou en meringue, pour la glacer, avant de la pré­senter en vitrine. Mais la crème au beurre et la crème pâtissière ne peuvent se congeler.

Une véritable révolution alliée au plaisir de déguster des pâtisseries allégées, en main­tenant la qualité et la saveur. L'aspect du dessert a changé. Aux décors aussi lourds et chargés que caloriques de la pâtisserie tradit ionnelle, se substituent de nouvelles formes géométriques à partir de montage en cadre ou en cercle.

Yves Thuriès devient l'un des grands arti­sans de cet essor de la pâtisserie française. Mais son éclair de génie est de vouloir consigner en 1977, un an après son titre, ses

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L'album de

Rédaction des recettes pour la réalisation d'un tome.

recettes dans un livre de vulgarisation qui fera vite connaître les mousses et la Nouvelle pâtisserie dans le monde entier.

YVES THURIÈS, L'HÉRODOTE DE LA PÂTISSERIE FRANÇAISE

Auréolé de ce titre prestigieux, il se lance dans la rédaction du premier livre culinaire illustré, intitulé Pâtisserie française, somme de ses recettes et tours de main, appris durant son Tour de France et fruits de ses nombreux concours.

Grand admirateur d'Antonin Carême, dont le buste trône toujours sur son bureau à Cordes, Yves Thuriès se déclare proche de ce grand pâtissier français. Il est comme lui d'extrac­tion modeste et se reconnaît dans la vie du célèbre cuisinier, quand ce dernier, lors de son apprentissage, transcrivait ses tours de main dans des notes, future base de son livre Le Pâtissier pittoresque.

Le pâtissier de Gaillac prépare un ouvrage révolutionnaire pour la profession. Le pre­mier livre de recettes entièrement illustrées de photos en couleurs. Il prend conscience de l'absence d'ouvrages de recettes autres que les dictionnaires et classiques de l'art culinaire, tels que les livres d'Urbain Dubois.

Dans son laboratoire, il fait jouer le stylo autant que la spatule pour prendre langue avec les métiers de bouche. Il ouvre ainsi les guillemets autant que les entremets à la modernité pâtissière. En 1979, il se lance dans le mille-feuille de son encyclopédie.

Avec ses ektas sous le bras, Yves Thuriès monte à Paris pour faire la tournée des édi­teurs. Mais aucun d'eux n'est prêt à tenter

Une démonstration de glace sculptée.

l'aventure en finançant un livre totalement illustré de photos grand format en couleurs. Sans se décourager des vents contraires de l'édition, il suit sa propre boussole, comme le plus célèbre des Tarnais, La Pérouse, pour lever l'ancre avec son encyclopédie.

Il a une vision claire de son projet : com­mencer avec la pâtisserie traditionnelle fran­çaise dans les deux premiers tomes. Puis, par son apport original, élargir les frontières du métier et jeter les bases de la Nouvelle Pâtis­serie, inscrite en lettres d'or sur son tome 8. C'est la nouvelle vague pâtissière, qui se défi­nit autant par le recours à des techniques inédites que par ceux qui la composent, nou­veaux acteurs de la scène culinaire dont Yves Thuriès est l'un des promoteurs.

En 1977, il crée sa propre société d'édition, Editar, qui publie son premier volume : le tome 1 de Pâtisserie française, le livre de recettes d'un compagnon du tour de France.

Avec ce premier volume, il dévoile sa pro­fession de foi : rendre la pâtisserie française accessible à tous, notamment aux profes­sionnels et aux jeunes du métier. Il désire s'appuyer tout d'abord sur la tradition pour promouvoir l'excellence de la pâtisserie, héri­tière des Brillat- Savarin, Carême, Dubois et autres Darenne, Duval et Franchiolo. Il ne se contente pas d'éditer des recettes ; il parsème son ouvrage de «pages noires», citations issues de la philosophie du compa­gnonnage, dont le but est d'associer savoir­faire et savoir-être.

Diffusé par annonces ou «mailings », l'ou­vrage rencontre aussitôt un grand succès auprès des professionnels, séduits par cette approche pédagogique, très novatrice pour

Yves Thuriès devient membre de l'Académie Culinaire.

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L'encyclopédie en 12 volumes. «La plus grande et la plus prestigieuse encyclopédie culinaire de tous les temps» (5. G. Sender).

l'époque, qui présente avec force détails le montage d'un entremets en cercle.

La pâtisserie de Gaillac est ainsi la première pâtisserie de France, à servir en boutique des­serts et entremets et, dans une arrière-pièce, à expédier ce premier ouvrage de référence.

Aux paris-brest, saint-honoré et autres malakoff, Yves Thuriès et Jacqueline son épouse associent mille autres adresses et destinations en partance de Gaillac.

Devenu l'ambassadeur de la pâtisserie fran­çaise, il se fait aussi le garant de la charte du métier : «Présenter de bonnes choses en s'ef­forçant de les rendre belles, telle pourrait être la 'devise du pâtissier», pouvait-on lire sous sa plume.

Dès la première année de vente, l'ouvrage sera réédité deux fois, et atteindra les 10000 exemplaires vendus.

LA NOUVELLE PÂTISSERIE À L'ÉPREUVE DES GRANDS CHEFS

Avec sa verve de l'art culinaire et sa volonté de transmettre les recettes du métier de pâtissier, le plus célèbre des ouvriers de France continue d'œuvrer pour la vulgarisa­tion. Il édite le tome Il, consacré aux glaces, petits fours glacés, chocolat et confiserie. Il rend hommage à ses pairs : de l'école de la Coba à Gilbert Poney, en passant par ses maîtres d'apprentissage.

Yves Thuriès

Puis, c'est la consécration, avec la parution du tome Ill, intitulé: La Nouvelle Pâtisserie, les pièces montées, le travail du sucre.

Il devient le premier chef pâtissier à publier ce concept, dans le sillage de la Nouvelle cui­sine, ce qu'il revendique dans son ouvrage : «Le tome Ill met en évidence les innovations de toutes sortes qui peuvent et doivent servir au développement de notre métier. Il traite la pâtisserie telle que je la conçois à notre époque et que je nomme "Nou.velle pâtisserie". Je sou­haite, par mon style, apporter à mon métier une évolution, un changement vers des méthodes modernes, parfaitement adaptées à notre époque et souhaitées par notre clientèle.»

Ces paroles fondatrices aux allures de mani­feste vont marquer la cu lture pâtissière de l'époque. Il fait partie des maîtres pâtissiers et des Relais Desserts, association qui regroupe, dès 1980, les 70 pâtissiers de France, la «crème » de la profession. C'est le labora­toire des tendances de cette vague pâtissière où l'on remarque les Meilleurs ouvriers de France: Daniel Giraud de Valence ou le Lyon­nais Gabriel Paillasson, futur organisateur de la coupe du monde de pâtisserie.

L'heure est à l'innovation, aux démonstra­tions. Yves Thuriès fa it résonner l'écho de sonorités gourmandes et de techniques originales : mousses aux fruits, décors à la gelée, coulis d'accompagnement, gâteaux en cercle et présentoirs à pâtisserie et décors Magyfleur ...

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L'album de

Très vite, le succès appelant le succès, il emboîte le pas des grands chefs, comme Bocuse (avec lequel il est rentré en amitié). Porte-parole de la Nouvelle pâtisserie, il réa­lise en 1979, après son Tour de France, un tour du monde pour porter la parole sucrée de son art culinaire, laissant sa pâtisserie de Gaillac aux bons offices de son second.

Il reçoit des propositions de grandes maisons parisiennes, de célèbres établissements de la Côte d'Azur pour exercer ses talents. Mais Yves Thuriès est un homme de terroir. li choi­sit le village médiéval de Cordes dans le Tarn pour un véritable retour aux sources.

CORDES SUR CIEL, LE TERROIR DES INNOVATIONS

Enfant, il découvre Cordes avec son institu­teur. C'est le village médiéval abandonné aux mille légendes qui lui laissera une forte impression. Au milieu des années 1970, Cordes est devenu un site touristique. Yves Thuriès souhaite y retourner. Il ouvre dans le village La Boutique de la Cité pour 'y vendre les fameux «croquants», biscuit médiéval dont il a relancé la spécialité dans le village.

Yves Thuriès a pour habitude de montrer comment, entre les bulles d'un bon cro­quant, on peut voir du haut de la place de Cordes, le clocher du village d'en face. C'est donc en homme visionnaire qu'il déplace son croquant d'observation vers le restau­rant le Grand Écuyer, qui devient la table la plus appréciée de la région, attirant amateurs gastronomiques et célébrités, jusqu'en 201 O.

Il n'est pas rare de rencontrer dans les vil­lages pittoresques de France de prestigieuses

tables, comme La Colombe d'Or à Saint­Paul-de-Vence, ou Baumanière aux Baux­de-Provence. Artistes, comédiens, hommes politiques fréquentent ces hauts lieux gas­tronomiques, contribuant ainsi à leur renom­mée. En s'installant au cœur de son pays natal, Yves Thuriès ne tarde pas à faire de Cordes une autre étoile dans la constellation hexago­nale de la cuisine française. Au Grand Écuyer, un des plus prestigieux «Châteaux et hôtels collection>> de France, étoilé au guide Miche­lin, il reçoit les têtes couronnées du monde, de la Reine Mère Elisabeth d'Angleterre à l'impératrice et l'empereur Akihito du Japon. François Mitterand y avait ses habitudes.

On s'y bouscule pour apprécier son fameux gratin de fraises des bois au citron et son coulis d'abricot. Quitter le Grand Écuyer de Cordes, flottant au-dessus du monde, provo­quait bien des regrets d'épicurien ! À Cordes, le chef étoilé devient un véritable alchimiste de la cuisine et de la haute pâtisserie. Il fait de cet ancien village le lieu de résistance du bon goût, adoptant la doctrine de perfection des cathares, où la science côtoie le mystère. Sa pâtisserie est un laboratoire, son restaurant l'apprentissage du merveilleux culinaire.

Sa cuisine est un périple initiatique, qu'il continue de promouvoir à travers la publi­cation de ses ouvrages. Dans son repaire cordais, le nouvel Hérodote de la cuisine française ajoute des milliers de recettes au catalogue de son encyclopédie. En 1988, il tient sa pierre philosophale : il transforme l'art de servir les desserts en restauration. Le tome VIII présente plus de 500 desserts et 1 000 recettes, servis à l'assiette, alors que la tradition clouait les desserts de restauration sur un chariot.

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Avec son équipe dans la cuisine du Grand tcuyer. Gérard Praud, Frédéric Gernez, Sergio Calderon, aujourd'hui, sommelier chez Michel Bras et Emmanuel Renaut 3 étoiles michelin.

Des animateurs de la télévision lors d'une soirée au Grand tcuyer.

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Avec la Reine Mère Elisabeth d'Angleterre.

Avec l'empereur Akihito du Japon.

Avec le président François Mitterand.

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L'encyclopédie en 12 volumes. «La plus grande et la plus prestigieuse encyclopédie culinaire de tous les temps>~ (S. G. Sender).

l'époque, qui présente avec force détails le montage d'un entremets en cercle.

La pâtisserie de Gaillac est ainsi la première pâtisserie de France, à servir en boutique des­serts et entremets et, dans une arrière-pièce, à expédier ce premier ouvrage de référence.

Aux paris-brest, saint-honoré et autres malakoff, Yves Thuriès et Jacqueline son épouse associent mille autres adresses et destinations en partance de Gaillac.

Devenu l'ambassadeur de la pâtisserie fran­çaise, il se fait aussi le garant de la charte du métier : "Présenter de bonnes choses en s'ef­forçant de les rendre belles, telle pourrait être /a'devise du pâtissier», pouvait-on lire sous sa plume.

Dès la première année de vente, l'ouvrage sera réédité deux fois, et atteindra les 10000 exemplaires vendus.

LA NOUVELLE PÂTISSERIE À L'ÉPREUVE DES GRANDS CHEFS

Avec sa verve de l'art culinaire et sa volonté de transmettre les recettes du métier de pâtissier, le plus célèbre des ouvriers de France continue d'œuvrer pour la vulgarisa­tion. Il édite le tome Il, consacré aux glaces, petits fours glacés, chocolat et confiserie. Il rend hommage à ses pairs : de l'école de la Coba à Gilbert Poney, en passant par ses maîtres d'apprentissage.

Yves Thuriès

Puis, c'est la consécration, avec la parution du tome Ill, int itulé : La Nouvelle Pâtisserie, les pièces montées, le travail du sucre.

Il devient le premier chef pâtissier à publier ce concept, dans le sillage de la Nouvelle cui­sine, ce qu'i l revendique dans son ouvrage : «Le tome Ill met en évidence les innovations de toutes sortes qui peuvent et doivent servir au développement de notre métier. Il traite la pâtisserie telle que je la conçois à notre époque et que je nomme "No~ velle pâtisserie". Je sou­haite, par mon style, apporter à mon métier une évolution, un changement vers des méthodes modernes, parfaitement adaptées à notre époque et souhaitées par notre clientèle. »

Ces paroles fondatrices aux allures de mani­feste vont marquer la culture pâtissière de l'époque.ll fait partie des maîtres pâtissiers et des Relais Desserts, association qui regroupe, dès 1980, les 70 pâtissiers de France, la «crème » de la profession. C'est le labora­toire des tendances de cette vague pâtissière où l'on remarque les Meilleurs ouvriers de France: Daniel Giraud de Valence ou le Lyon­nais Gabriel Paillasson, futur organisateur de la coupe du monde de pâtisserie.

L'heure est à l'innovation, aux démonstra­tions. Yves Thuriès fait résonner l'écho de sonorités gourmandes et de techniques originales : mousses aux fruits, décors à la gelée, coulis d'accompagnement, gâteaux en cerclé et présentoirs à pâtisserie et décors Magyfleur ...

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Confidences avec san ami Gaston Len6tre.

Avec Poul Bocuse son ami de la première heure.

Yves Thuriès réussit ainsi la «transmu­tation» de la nouvelle pâtisserie dans la restauration, avec, à la clé, la nécessaire présence d'un chef pâtissier dans les plus grands établissements, pour un dessert à l'assiette en fin de repas. En visionnaire, il déclarait à l'époque : «Partant sur des bases acquises durant le xx• siècle, je suis sûr que cet ouvrage donnera les bases de la pâtisserie de cuisine pour le début de ce XXI' siècle.»

Poursuivant son œuvre de développement local, il achète l'Hostellerie du Vieux Cordes pour en faire un bistrot, à base d'une cui­sine jeune, décomplexée face à la tradition. Locomotive économique de Cordes et de sa région, Yves Thuriès enfonce le clou en 1989 en créant le musée de l'Art du sucre. Pour ce passionné qui transforme en patri­moine tout ce qu'il touche, Cordes devient ainsi l'épicentre des cinq sens où la matière, du sucre au chocolat, devient œuvre artisa­nale et artistique.

De son bastion du Grand Fauconnier, s'éta­gent désormais ses bureaux, le musée et la rédaction du nouveau magazine consacré à l'art culinaire français, que notre chef pâtis­sier inventif vient de créer. Ce ne sont plus les effluves du four paternel qui s'élèvent dans la maison familiale de son enfance, mais le murmure des touristes, les sen-

teurs du laboratoire de pâtisserie, et bien­tôt l'écho des éditos qui parviennent au nid d'aigle de son bureau.

Car en homme de livres et d'édition, convaincu de la nécessité de démocratiser la cuisine française, il se lance en 1988 dans la presse spécialisée et inscrit une autre corde à son arc tarnais. C'est de son village d'adoption que part la flèche du Thuriès Magazine (aujourd'hui Thuriès Gastronomie Magazine), t iré à 30000 exemplaires tous les mois. Promoteur de l'art culinaire frança is, le magazine propage les tendances de la cuisine et de la pâtisserie. Facilement recon­naissable par sa page de couverture sobre et épurée, flatteur à l'œil par sa présenta­tion, il invite le lecteur à la dégustation des styles et à la découverte raffinée des créa­tions des chefs de l'Hexagone. Le magazine se fait l'écho de l'évolution de la pâtisserie, avec l'arrivée des jeunes magiciens de la pâtisserie et de la cuisine françaises.

La saga d'Yves Thuriès est récompensée par ses pairs. Il reçoit de nombreuses dis­tinctions, trophées, prix, lauriers, étoiles ... Reconnaissance qui vient couronner 50 ans d'une activité foisonnante au service de la gastronomie française, comme en témoigne le «Grand prix 2008 du livre des Meilleurs Ouvriers de France» décerné au

Yves Thuriès

Avec Michel Guérard.

chef cordais pour les 350000 exemplaires des ouvrages de son encyclopédie culinaire vendus à ce jour à travers le monde.

YVES THURIÈS FAIT SON ONE MAN CHOCOLAT

Mais le chef du Grand Ëcuyer préfère la mousse des projets aux gâteaux d'anni­versaire. Il vient de rentrer en chocolat, comme d'autres en religion. Du sacré au sucré, il continue d'innover pour se rap­procher d 'une matière première, la fève de cacao, dont l'histoire remonte aux origines : «le fais un chocolat dont le raffinement vient de sa simplicité. Marier moins d'ingrédients et rester proche de la matière première, de sa personnalité. Un chocolat originel plutôt qu'original.>>

Fidèle à sa philosophie, Yves Thuriès est séduit par le chocolat, dont l'histoire se conjugue à celle des produits d'un terroir : cc Le chocolat me fascine car c'est l'exemple même du travail de la nature et du travail des hommes. De la fève, insipide, l'homme est capable de faire un produit travaillé, fermenté, grillé et sublime, c'est le chocolat. Le pain, c'est pareil. Le vin également. Le chocolat, c'est un des derniers métiers modernes, qui a moins de cent ans, avec le confiseur faisant ses pralinés et ses ganaches. Puis le métier de chocolatier

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L'album de

est arrivé après la guerre de 14-18. Le métier de pâtissier est plus ancien, celui de boulanger encore plus, le métier de chocolatier est donc le plus récent.»

Mais l'époque commence à être rude pour les pâtissiers indépendants devant la concur­rence des grandes surfaces, qui s'orientent de plus en plus vers la qualité en embauchant de jeunes pâtissiers.

En 1991, Yves Thuriès ouvre sa première cho­colaterie artisanale de chocolat à Carmaux, ancienne ville minière de charbon. L'ancien or noir de Carmaux devient le nouvel or noir du chocolat. Toujours passionné par l'inno­vation, il est au cœur de la matière noire à l'avant-garde de la création chocolatière. Fort des recettes du tome Il de son encyclopé­die consacré en partie au chocolat, il donne le jour à des tablettes de chocolat marbré, bientôt suivies de chocolats macarons qui lui permettent de décrocher, en 2001, le prix de Leader de l'innovation.

"Le chocolat donne beaucoup plus de possibili­tés que le sucre. Le sucre est un bon appoint. On ne peut le manger tout seul, tandis que le cho­colat se suffira. On peut faire des décors avec le

Yves Thuriès est Président d'honneur de la Coupe du Monde de la Pâtisserie en compagnie de Gabriel Paillasson.

sucre, mais avec le chocolat, c'est à l'infini. On vit actuellement l'ère du chocolat, pas celle du sucre. Rien ne dit qu'il faut freiner la consomma­tion de chocolat. Certains pays sont à 12 kilos de chocolat par an et par habitant. On y arrivera aussi, c'est certain.»

Pour relever ce défi d'une consommation en hausse de chocolat de qualité, Yves Thuriès transfère son usine artisanale à Marssac, terre de vignobles réputés et horizon de sa pre­mière aventure professionnelle. Plus grand et plus moderne, le nouveau centre de produc­tion assure aujourd 'hui la distribution d'une gamme complète de chocolats, en direction d'un public de plus en plus large, séduit par les nombreuses boutiques franchisées qui fleurissent sur le territoire.

Récemment, le T.G.V. du chocolat a porté la parole du goût et de la qualité d'Yves Thu­riès de Paris à Perpignan. Une opération de communication originale pour un homme se définissant comme une des locomotives de la profession pour la reconnaissance de la pâtis­serie comme un art de France.

Utilisant des matières premières de tradition, le plus grec des chocolatiers français défend

Une finale des M.O.F. Cuisine à Toulouse.

Avec son ami Jean-Pierre Coffe.

Dans les cuisines de /'[lysée. Yves Thuriès entouré de ses amis.

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La collection " Les Apologues d'Yves Thuriès "·

Propos recueillis par Philippe Turrel

Philippe Turrel est auteur et concepteur

de projets du patrimoine. Il a publié

plusieurs ouvrages sur des familles

industrielles, notamment dans la ntière

chocolatière de l'Est de la France.

Il a réalisé en 2012, la scénographie

de l'exposition du TG.\/. «Les secrets

du chocolat» à Paris avec Yves Thuriès.

Il a également publié plusieurs livres

sur le patrimoine archéologique

de Vaison-la-Romaine.

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sa démarche qualité : «Notre différence est de pouvoir garantir dans l'ensemble de nos fabri­cations un chocolat sans graisse végétale (hor­mis celles présentes naturellement dans nos fruits secs), pur beurre de cacao, non seule­ment dans notre chocolat de couverture mais également dans tous nos fourrages (ganaches, pralinés ... ). »

Lors de la tentative d'introduire des graisses végétales dans le chocolat au début des années 2000, le double Meilleur ouvrier de France a été un des premiers à prendre posi­tion, magazine à l'appui, pour défendre un chocolat au pur beurre de cacao.

UN SAGE DE L'ART CULINAIRE

Aujourd'hui, ce deux fois M.O.F. est considéré comme un des sages de la pâtisserie et de la cuisine françaises. Il est membre de l'Aca­démie culinaire de France et de l'Académie française du chocolat. Yves Thuriès est déjà inscrit, de son vivant, au Grand Larousse de la gastronomie.

Il peut contempler l'étendue de son œuvre. li est le créateur de tendances avec les décors Magyfleur ou les présentoirs à pièce montée. Il est l'inventeur d'une terminologie culinaire avec Goûtisme en trilogie, tome Xli de son encyclopédie, il est restaurateur au Grand Ëcuyer, éditeur d'une encyclopédie culinaire en douze volumes aujourd'hui encore la plus importante de tous les temps et d 'un maga­zine. Il est le créateur de techniques de pré­sentation, il est artisan chocolatier, formateur à I'Ëcole Nationale Supérieure de la Pâtisserie d'Yssingeaux, franchiseur ... Depuis plus d'un quart de siècle, l'apport d'Yves Thuriès à la profession est immense.

Yves Thuriès

Partagé entre la rédaction de ses apolo­gues et les éditoriaux de son magazine, il est aujourd'hui une sentinelle, à l'image des imposantes tours médiévales de Cordes sur Ciel. Il incarne l'attachement charnel de l'homme au terroir, veillant à la défense de la qualité de la pâtisserie et de la cuisine fran­çaises, croisant l'héritage de mémoire d'Hé­rodote : «afin que Je temps n'abolisse pas les travaux des hommes », et la devise du compa­gnon: « il consacra sa vie au métier qu'il aimai t, à le perfectionner et Je faire connaÎtre ». •

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