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Des "sociétés de secours mutuel" au Code de la Mutualité La Mutualité française a eu pour ancêtres les confréries, les corporations puis les compagnonnages, qui furent à l'origine des "sociétés de secours mutuel" apparues dans quelques villes à la fin de l'Ancien Régime pour répondre à un besoin de solidarité et d'entraide des ouvriers. Celles-ci se sont surtout développées à partir du 19 ème siècle pour prendre en charge obsèques et maladies mais aussi assurer, par la suite, un minimum de ressources en cas d'accident ou de perte d'emploi. Mais leurs fonds pouvaient à l'occasion servir à soutenir une grève : c'est pourquoi elles furent longtemps surveillées dans un pays où la loi Le Chapelier de 1791, toujours en vigueur, ne reconnaissait pas au monde du travail le droit de s'organiser. En 1852, certaines sociétés furent reconnues d'utilité publique par Napoléon III mais placées sous tutelle et réglementées. Charte de la Mutualité : un premier statut en 1898 C'est la loi du 1 er avril 1898 qui donna un premier statut à la mutualité française dont les grands principes furent définis par la Charte de la mutualité. En reconnaissant le droit aux sociétés de secours mutuels de se créer librement, sur simple déclaration et sans agrément de l'administration, cette loi créa un système mutualiste libéral pouvant intervenir volontairement en marge de l'État sans être pour autant dans une logique lucrative, à l'inverse des compagnies d'assurances. L'assurance maladie fut d'abord le champ privilégié de l'action mutualiste mais ses domaines d'intervention furent progressivement étendus à tous les autres champs d'activité de la protection sociale : assurance- vie, assurance invalidité, retraite, oeuvres sanitaires et sociales (dispensaires par exemple), allocations chômage. L'influence de Beveridge Pendant la seconde guerre mondiale, l'économiste Beveridge fut chargé en 1941 par le gouvernement britannique de réfléchir à un modèle social propice à la reconstruction d'après-guerre. Le rapport qu'il publia en 1942 prévoyait de protéger tous les citoyens (et pas seulement les salariés les plus pauvres) contre tous les risques de l'existence par un système public, unifié et universel de sécurité sociale s'articulant avec une politique volontariste de plein emploi, la mise en place d'un service national de santé et se fixant pour objectif d'éradiquer les situations de pauvreté. Ce principe beveridgien d'un "droit à la sécurité sociale pour tous" a influencé le programme du Conseil National de la Résistance (CNR) qui préconisait un plan complet de sécurité sociale visant à assurer à tous, des moyens d'existence dans tous les cas où ils seraient incapables de se les procurer par le travail et dont la gestion serait confiée aux représentants des intéressés eux-mêmes et à l'Etat. Le tournant historique de 1945 La Sécurité sociale fut instaurée à la 6 Libération par l'ordonnance du 4 octobre 1945 : le système visait à généraliser une couverture sociale à toute la population française, mais il fut d'abord mis en place pour les seuls travailleurs et leurs familles. L'ordonnance prévoyait de mettre en place sur tout le territoire un réseau de caisses ayant compétences sur l'ensemble des risques. Elle fut complétée par d'autres lois : celle du 26 avril 1946 étendit le bénéfice à toute la population et celle du 30 octobre 1946 améliora la législation en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles. Mais le programme initial se heurta à l'opposition de nombre de professions (travailleurs indépendants, professions agricoles, libérales, mineurs, cheminots, gaziers-électriciens, fonctionnaires) qui refusèrent leur affiliation au régime général de la sécurité sociale et préférèrent conserver et améliorer leurs régimes particuliers. Le dispositif mis en place eut toutefois le mérite d'ouvrir un droit général à la sécurité sociale selon le principe "chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins". Comme la mutualité avait joué un rôle pionnier en matière de solidarité nationale, l'article 9 de l'ordonnance du 4 octobre 1945 fit une référence explicite à la tradition mutualiste ("Les caisses primaires de sécurité sociale sont constituées et fonctionnent conformément aux prescriptions de la loi du 1 er avril 1898 sur les sociétés de secours mutuels..."). Mais la Charte de la mutualité de 1898 fut abrogée par l'ordonnance du 19 octobre 1945 qui définit de nouvelles orientations aux "sociétés mutualistes", en complémentarité avec la Sécurité sociale. De puissantes mutuelles de fonctionnaires regroupées dans la MFP (Mutualité Fonction Publique) se constituèrent après la loi du 19 octobre 1946 sur la Fonction publique (1) . La loi du 27 février 1947 fit ensuite participer la mutualité au fonctionnement de la Sécurité sociale en lui reconnaissant le droit de gérer certains de ses centres. Celle du 9 avril 1947 confia aux mutuelles de fonctionnaires la gestion de leur régime spécial de Sécurité sociale. Monique Daume 1. FNMFAE (Fédération nationale des mutuelles de fonctionnaires et agents de l'Etat), MGEN (Mutuelle générale de l'éducation nationale), MGPTT (la Mutuelle générale des PTT)... Genèse © AFP 238.qxd 22/06/2015 10:58 Page 6

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Des "sociétésde secoursmutuel" au Code de la Mutualité

La Mutualité française a eu pour ancêtres lesconfréries, les corporations puis lescompagnonnages, qui furent à l'origine des"sociétés de secours mutuel" apparues dansquelques villes à la fin de l'Ancien Régimepour répondre à un besoin de solidarité etd'entraide des ouvriers.

Celles-ci se sont surtout développées à partirdu 19ème siècle pour prendre en chargeobsèques et maladies mais aussi assurer, parla suite, un minimum de ressources en casd'accident ou de perte d'emploi. Mais leurs fonds pouvaient à l'occasion servirà soutenir une grève : c'est pourquoi ellesfurent longtemps surveillées dans un pays oùla loi Le Chapelier de 1791, toujours envigueur, ne reconnaissait pas au monde dutravail le droit de s'organiser. En 1852, certaines sociétés furent reconnuesd'utilité publique par Napoléon III maisplacées sous tutelle et réglementées.

Charte de la Mutualité : unpremier statut en 1898

C'est la loi du 1er avril 1898 qui donna unpremier statut à la mutualité française dontles grands principes furent définis par laCharte de la mutualité. En reconnaissant le droit aux sociétés desecours mutuels de se créer librement, sursimple déclaration et sans agrément del'administration, cette loi créa un systèmemutualiste libéral pouvant intervenirvolontairement en marge de l'État sans êtrepour autant dans une logique lucrative, àl'inverse des compagnies d'assurances. L'assurance maladie fut d'abord le champ

privilégié de l'action mutualistemais ses domaines d'interventionfurent progressivement étendus àtous les autres champs d'activité dela protection sociale : assurance-vie, assurance invalidité, retraite,oeuvres sanitaires et sociales(dispensaires par exemple),allocations chômage.

L'influence de Beveridge

Pendant la seconde guerremondiale, l'économiste Beveridgefut chargé en 1941 par legouvernement britannique deréfléchir à un modèle social propiceà la reconstruction d'après-guerre.Le rapport qu'il publia en 1942prévoyait de protéger tous lescitoyens (et pas seulement lessalariés les plus pauvres) contretous les risques de l'existence parun système public, unifié etuniversel de sécurité sociales'articulant avec une politiquevolontariste de plein emploi, la miseen place d'un service national desanté et se fixant pour objectifd'éradiquer les situations depauvreté.

Ce principe beveridgien d'un "droit à lasécurité sociale pour tous" a influencé leprogramme du Conseil National de laRésistance (CNR) qui préconisait un plancomplet de sécurité sociale visant à assurer àtous, des moyens d'existence dans tous lescas où ils seraient incapables de se lesprocurer par le travail et dont la gestion seraitconfiée aux représentants des intéresséseux-mêmes et à l'Etat.

Le tournant historique de 1945

La Sécurité sociale fut instaurée à la

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Dossier “La Mutualité” Revue Unité et Action

Libération par l'ordonnance du 4 octobre1945 : le système visait à généraliser unecouverture sociale à toute la populationfrançaise, mais il fut d'abord mis en placepour les seuls travailleurs et leurs familles. L'ordonnance prévoyait de mettre en placesur tout le territoire un réseau de caissesayant compétences sur l'ensemble desrisques. Elle fut complétée par d'autres lois : celle du26 avril 1946 étendit le bénéfice à toute lapopulation et celle du 30 octobre 1946améliora la législation en matière d'accidentsdu travail et de maladies professionnelles.Mais le programme initial se heurta àl'opposition de nombre de professions(travailleurs indépendants, professionsagricoles, libérales, mineurs, cheminots,gaziers-électriciens, fonctionnaires) quirefusèrent leur affiliation au régime généralde la sécurité sociale et préférèrent conserveret améliorer leurs régimes particuliers. Le dispositif mis en place eut toutefois lemérite d'ouvrir un droit général à la sécuritésociale selon le principe "chacun cotise selonses moyens et reçoit selon ses besoins".Comme la mutualité avait joué un rôlepionnier en matière de solidarité nationale,l'article 9 de l'ordonnance du 4 octobre 1945fit une référence explicite à la traditionmutualiste ("Les caisses primaires desécurité sociale sont constituées etfonctionnent conformément aux prescriptionsde la loi du 1er avril 1898 sur les sociétés desecours mutuels..."). Mais la Charte de la mutualité de 1898 futabrogée par l'ordonnance du 19 octobre 1945qui définit de nouvelles orientations aux"sociétés mutualistes", en complémentaritéavec la Sécurité sociale.De puissantes mutuelles de fonctionnairesregroupées dans la MFP (Mutualité FonctionPublique) se constituèrent après la loi du 19octobre 1946 sur la Fonction publique(1). La loi du 27 février 1947 fit ensuite participerla mutualité au fonctionnement de la Sécuritésociale en lui reconnaissant le droit de gérercertains de ses centres.Celle du 9 avril 1947 confia aux mutuelles defonctionnaires la gestion de leur régimespécial de Sécurité sociale.

Monique Daume

1. FNMFAE (Fédération nationale desmutuelles de fonctionnaires et agents de l'Etat),MGEN (Mutuelle générale de l'éducationnationale), MGPTT (la Mutuelle générale desPTT)...

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Syndicalisme et mutualitéLa présence de militants issus du mondesyndical dans la mutualité n'est un secretpour personne. Mais il y eut dans le passé bien des césuresentre le syndicalisme et la mutualité, commeen 1902 au moment de la création de laFédération nationale de la mutualité française(FNMF), les organisations professionnellesdénonçant alors le "compromis social" quereprésentait à leurs yeux le "mutuellisme". A la Libération, le contexte politico-socialfavorisa les organisations syndicales audétriment du mouvement mutualiste. Et les comités d'entreprise instaurés parl'ordonnance du 22 février 1945 dans lessociétés de l'industrie et du commerce sevirent confier la gestion des oeuvres sociales. Ce que n'apprécia pas la FNMF qui craignait

de voir les mutuelles disparaître avecl'instauration d'une sécurité socialeobligatoire. Mais elle s'adapta peu à peu grâcenotamment à la montée en puissance de lamutualité d'entreprise à partir des années1960 et à l'émergence de puissantesmutuelles de fonctionnaires.En 1967, mutualistes et syndicalistesmanifestèrent ensemble contre lesordonnances du 21 août qui majoraient lescotisations, réduisaient les prestations,supprimaient les élections aux caissesprimaires et séparaient les régimes famille,maladie et vieillesse en trois caissesnationales autonomes. Quand, en juillet 1979, le ministre de la Santédu gouvernement de Raymond Barre tentade rétablir un "Ticket modérateur d'ordrepublic" qui laissait à la charge obligatoire des

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assurés une part de leurs dépenses maladie(puisque ce ticket modérateur n'était pasremboursable par la protectioncomplémentaire maladie), la FNMF organisasous la direction de son président RenéTeulade un vaste mouvement de protestationcontre une atteinte au droit mutualiste. Et les 7 millions de signatures recueilliesobligèrent le gouvernement à retirer sonprojet. La présence de mutuelles patronales au seinde la FNMF ne permet toutefois pasd'assimiler complètement le mouvementmutualiste avec le mouvement syndical. Les deux mouvements furent d'ailleursdivisés en 1995 au moment des mobilisationscontre le plan Juppé portant réforme de laSécurité sociale que la FNMF soutenait.

Rapport au syndicalisme

La FNMF : 1ère fédérationde mutuelles

La France comptait 630 mutuelles fin 2012(contre 973 en 2008). Celles-ci peuvent seregrouper en Unions et en fédérations. Créée en 1902, la FNMF (Fédérationnationale de la mutualité française)regroupe aujourd'hui la quasi-totalité desmutuelles de santé régies par le Code dela mutualité, lesquelles représentent 38millions de personnes adhérentes etgèrent près de 2500 centres de soins etcliniques. Issue de la FNMO (Fédération nationaledes mutuelles ouvrières créée en 1960avec Henri Raynaud, de la CGT, comme1er président), devenue en 1968 la FNMT(Fédération nationale des mutuelles detravailleurs), la FMF (Fédération desmutuelles de France) regroupaitprincipalement des mutuellesd'entreprises. Elle décida de rejoindre laFNMF en 2002 (une réunification dumouvement mutualiste voulue par la FNMTdès 1971). La FNMF représente le mouvementmutualiste auprès des pouvoirs publics etest force de proposition dans les grandsdossiers de santé. Elle est représentéedans les structures qui pilotent l'assurancemaladie, où elle défend des positions quiallient une volonté d'optimiser le rapportqualité/coût du système et la défensed'une protection sociale obligatoireétendue.

Les valeurs mutualistes

Les mutuelles sont régies par le Code de la Mutualité(1) . Elles sont définies (article L. 111-1) comme des groupements à but non lucratif qui " mènent,notamment au moyen des cotisations versées par leurs membres, et dans l'intérêt de cesderniers et de leurs ayants droit, une action de prévoyance, de solidarité et d'entraide, dans

les conditions prévues par leurs statuts, afin decontribuer au développement culturel, moral,intellectuel et physique de leurs membres et àl'amélioration de leurs conditions de vie ". Mais elles jouent de fait aujourd'hui un rôledéterminant dans l'accès aux soins. En tant qu'entreprises de l' "économie sociale etsolidaire", elles doivent satisfaire à quatreobligations : liberté d'adhésion et de sortie dusecteur ; gestion démocratique selon la règle "unhomme, une voix" ; liberté d'action au regard despouvoirs publics ; absence de but lucratif individuel.Le fait qu'il n'y ait pas d'actionnaires à rémunérern'exclut pas la réalisation de bénéfices mais cesderniers doivent être réutilisés ou provisionnés.La gestion démocratique est plus théorique queréelle tant la gestion financière d'une mutuelle est

devenue lourde et complexe. Dans la plupart des cas, le principe "un homme, une voix" a donc plutôt laissé la place à unedélégation permanente de pouvoir et à la constitution de véritables technostructuresmutualistes dont le sort ne dépend pas vraiment des votes des adhérents. Quant à la liberté d'action au regard des pouvoirs publics, elle n'a guère de sens pour tout cequi concerne les prestations qui s'ajoutent au remboursement de la sécurité sociale, et nepeut s'exercer véritablement que dans la complémentarité "qualitative" pour concrétiser lesvaleurs de la mutualité.Note1. Le Code de la mutualité publié en 1955 fut notamment modifié en 2001.

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complémentaires individuelles. Cette généralisation risque en outre d'inciterl'assurance-maladie obligatoire à sedécharger davantage encore sur lescomplémentaires santé... et donc de créerdavantage d'inégalité en transférant unecouverture financée sur un mode solidaire surune couverture financée majoritairement pardes primes indépendantes du revenu.

Les mutuelles soumises aumarché de l'assurantiel

Les directives européennes de 1992,transposées dans le Code de la mutualitéfrançaise en 2001, ont complètementbanalisé le fait mutualiste : les mutuelles sontmises en concurrence avec les institutions deprévoyance et les sociétés d'assurancesdans le cadre d'un "marché" très porteur(3) :celui de la santé. Les règles comptables et financièresapplicables aux mutuelles ont été modifiéeslors de cette refonte du Code de la mutualité.Soumises au régime prudentiel Solvabilité 2qui s'applique à toutes les famillesd'assurances, les mutuelles doivent justifierd'un capital minimum appelé "marge desolvabilité" pour garantir leurs engagementsvis-à-vis de leurs assurés, quitte à souscrire àune réassurance . Ce régime imposé au nom de la protectiondes consommateurs vise en fait à constituerun secteur assurantiel européen fortementcapitalisé et compétitif à l'échelle mondiale. Particulièrement fragilisées, les mutuelles quisont déjà conduites à augmenter leurscotisations et/ou à diversifier leur offrecomplémentaire pour survivre, cherchentainsi à se rapprocher entre elles, voire àfusionner. Leur nombre s'est déjà réduit mais l'ACPR(4)

en recensait encore 630 fin 2012 dont 202dites "substituées" (le risque financier estporté par une autre mutuelle).

Selon un cabinet de conseil en management,Sia Partners, cité par le journal Les Echos,leur nombre serait réduit de moitié à l'horizon2016 et celui des mutuelles non substituéesdivisé par 4 en 2018.

Monique DaumeNotes1. Ces dépassements sont plus ou moins prisen charge par les complémentaires santé2. Avec la CFDT en pointe sur ce sujet3. Plus de 700 sociétés se partageaient ce"marché" pour un chiffre d'affaires de 31milliards d'euros en 2013. 4. Contrat par lequel un organisme assureurcède à un réassureur tout ou partie des risquesqu'il a lui-même souscrits.

Complèment aires santé

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IPA

Comme leur nom l'indique, lescomplémentaires santé sont censéscompléter l'assurance maladie

obligatoire (AMO) en remboursant tout oupartie des dépenses de santé qui ne sont pasprises en charge par la Sécurité sociale. Obligatoire, la Sécurité sociale fonctionne surla base de cotisations proportionnelles aurevenu ("chacun cotise selon ses moyens")mais l'autre principe fondateur selon lequel"chacun reçoit selon ses besoins" s'estconsidérablement érodé au fil desdésengagements successifs depuis 1978,qui transfèrent vers les régimescomplémentaires des charges toujours pluslourdes.

Un désengagement de la Sécu...

Tous les plans de redressement financier del'AMO se sont traduits pour les assurés parune réduction des remboursements et uneaugmentation de ce que l'on appelle le "resteà charge" du patient. Aux déremboursements, franchises et forfaithospitalier... se sont ajoutés à partir de 1980les dépassements d'honoraires pratiqués parles médecins du secteur 2(1). La Sécurité sociale rembourse aujourd'hui75 % des soins de santé. Mais en moyenneseulement car elle s'est concentrée sur les"gros risques" comme l'hôpital (pris en chargeà 90 %) et les ALD (affections longue durée,prises en charge à 100 %) et elle nerembourse que 50 % des soins de ville (horspatients en ALD) et encore moins pour lessoins d'optique, dentaires et d'audio-prothèses.

… et un transfertinégalitaire vers lescomplémentaires santé

Pour être mieux remboursé, il faut doncsouscrire à une assurance complémentairedans un système extrêmement concurrentielqui va à l'encontre des logiques de solidarité.Les tarifs des complémentaires ne sontgénéralement pas proportionnels auxrevenus : ils varient considérablement selonl'âge des assurés sociaux et la gamme desprestations offertes. Le taux d'effort élevé pour s'octroyer unecomplémentaire amène bon nombre deménages modestes à renoncer à unecouverture complémentaire. Or, 30 % de ceux qui n'ont pas decomplémentaire santé renoncent aux soins.

Les effets redoutables de l'ANI de 2013

A compter du 1er janvier 2016, lacomplémentaire santé sera généralisée àl'ensemble des 17 millions de salariés duprivé, conformément à l'accord nationalinterprofessionnel du 11 janvier 2013(2),transposé dans la loi de sécurisation desparcours professionnels du 14 juin.Cette généralisation permettra à environ400 000 personnes d'avoir une couverturecomplémentaire santé, ce qui est pour ellesune avancée. Mais elle permettra aussi àenviron 4 millions de personnes, jusqu'iciassurées à titre individuel, de basculer dansun système de complémentaires collectivesd'entreprises largement subventionnées(exonérations fiscales et sociales). De nombreux fonctionnaires risquent de ne

plus adhérer à leurmutuelle historique parcequ'ils seront couverts par lac o m p l é m e n t a i r ed'entreprise de leurconjoint-e. Le périmètre demutualisation de tous ceuxque l'accord ne concernepas (fonctionnaires,retraités, chômeurs,étudiants...) va donc serétrécir, ce qui ne peut querenchérir le coût de leursa s s u r a n c e s

Le marché concurrentiel des complémentaires santé Une conception très libérale

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de la FNMF, qui avait demandé cette mise surle marché concurrentiel de la complémentairesanté.L'obligation pour les entreprises du privé desouscrire avant le 1er janvier 2016 un contratcollectif auprès d'un organismecomplémentaire pour tous leurs salariés vafavoriser les instituts de prévoyance etfragiliser davantage les mutuelles enréduisant leurs marges de solvabilité

(puisque le périmètre demutualisation desf o n c t i o n n a i r e s ,étudiants, retraités etchômeurs sera réduit).

Il y a une impérieusenécessité à sortir duglissement opéré depuisplusieurs années versune "complémentairepour tous" sommée depallier les insuffisances

d'une AMO repliée sur les seuls risqueslourds (patients les plus gravement atteints). Car les organismes complémentaires sontmoins égalitaires et solidaires que la Sécuritésociale (leurs tarifs varient selon la "gamme"des prestations remboursées et sont plusélevés pour les familles et les personnesâgées) et leur gestion plus onéreuse.

Les mutuelles ont un rôle à jouer pourdéfendre la Sécurité Sociale et faire respecterles principes de solidarité en combattant lalogique libérale du marché concurrentiel de lasanté. Elles ne pourront pas faire cela sans lemouvement syndical et l'engagement descitoyens pour reconquérir une Sécuritésociale de haut niveau pour tous et pour fairerevivre l'esprit mutualiste.

La FSU dénonce la dérive observée depuisplusieurs années. Elle revendique une politique ambitieuse desanté publique qui revienne sur lesrégressions imposées, avec une assurancemaladie qui couvre tous les besoins entendant vers un taux de remboursement de100 % des soins médicaux utiles etdéveloppe la prévention à tous les âges de lavie avec un budget conséquent.L'objectif d'un remboursement à 100 % peutparaître totalement irréaliste dans le contexteactuel de crise économique mais il s'agit d'unobjectif à long terme. Il conviendrait dans un premier temps derevenir progressivement au taux deremboursement par la Sécurité sociale de80 % des soins courants tel qu'il était prévu à

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la Libération (avec un ticket modérateur de20 % laissé aux mutuelles) au lieu des 50 %actuels.Il est vrai qu'à l'époque, les dépenses desanté ne représentaient que 2,5 à 3 % du PIB(contre plus de 12 % aujourd'hui). Mais cette ambition suppose d'affirmer hautet fort que la santé est un bien prioritaire, quela solidarité et l'équité doivent se manifesterau niveau de son financement (2) tout enpratiquant l'égalité des prestations, derenforcer la lutte contre les dépensesinjustifiées....

Les mutuelles devraient à terme seconcentrer sur ce qui n'est pas médicalementindispensable, comme les cures thermalespar exemple, sur la prévention et l'innovation.

Comme le rappelait l'Appel "Pour un débatpublic sur la santé" en août 2013(3), "noussommes en train de passer, sans débatdémocratique, d'une logique de prise encharge solidaire pour tous à une logiqued'assistance pour les plus pauvres etd'assurance pour les plus riches".

Il faut se mobiliser "pour arrêter cette dérivequi sonne le glas de notre Sécurité socialeuniverselle et solidaire, et contribue à creuserles inégalités sociales de santé " et obtenir "que s'ouvre un large débat citoyen, suivi d'unvote solennel de la Représentation nationale,sur le choix entre le financement desdépenses de santé par la Sécurité sociale oupar un assureur privé dit "complémentaire".

M.D.

Notes

1. Pour financer notamment l'ACS (aide pourl'acquisition d'une assurance complémentairesanté) qui est une aide accordée sous conditionde ressources aux plus démunis pour leurpermettre de se payer une complémentairesanté. 2. En mettant à contribution tous les revenussans plafonnement et en supprimant toutes lesniches sociales inutiles...3. Appel lancé notamment par André Grimaldi,Frédéric Pierru et Didier Tabuteau et signé parBernadette Groison au nom de la FSU

Reconquérir la Sécu

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L'urgence d'unereconquête de la SécuLes mutuelles ne devaient occuper en1945 qu'un rôle de développement decentres de prévention et de centres desoins.

L'ordonnance du 19 octobre abrogeant laCharte de la mutualité de 1898 etdéfinissant de nouvelles orientations aux

"sociétés mutualistes", en complémentaritéavec la Sécurité sociale, stipulait dans sonarticle 1 que les sociétés mutualistes seproposent de mener, dans l'intérêt de leursmembres ou de leur famille, "une action deprévoyance, de solidarité ou d'entraide visantnotamment la prévention des risques sociauxet la réparation de leurs conséquences,l'encouragement de la maternité et laprotection de l'enfance et de la famille et ledéveloppement moral, intellectuel etphysique de leurs membres". D'après son article 42, elles pouvaient créerdes oeuvres sociales (dispensaires,maternité, consultations de nourrissons) ettoutes œuvres d'hygiène, de prévention oude cure, ainsi que des maisons de repos etde retraite.

Mais au fil des désengagements successifsde la Sécurité sociale, elles ont pris une placede plus en plus importante dans leremboursement des dépenses de santé.Elles se retrouvent donc aujourd'hui à jouerun rôle déterminant dans l'accès aux soinsalors qu'elles sont soumises à la concurrenceexacerbée des assurances privées qui offrentdes prestations en fonction des sommesversées, à des contraintes fortes en matièrede solvabilité financière et qu'elles sontécrasées par des taxes élevées(1).

Elles ont toutefois une part de responsabilitédans cette évolution dangereuse car c'estRené Teulade lui-même, président à l'époque

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entre une couverture classique et des soinsparticuliers avec prise en charge desdépassements d'honoraires, des médecinesalternatives et forfait prévention,l le niveau 3 (Référence) correspondrait àl'offre globale actuelle avec un renforcementen dentaire et optique,l le niveau 4 (Intégrale) serait l'offre la pluscomplète et la plus chère.Les cotisations enfants seraient par ailleursréévaluées pour limiter l'écart entre laconsommation et la cotisation(3) avec unecotisation forfaitaire unique nettement plusélevée qu'aujourd'hui pour un enfant demoins de 18 ans pour l'offre de référence.

… qui traduit unchangement de paradigme

Les cotisations ne seraient plusproportionnelles au revenu mais calculées enfonction de l'offre choisie par l'adhérent, de sacatégorie (actif / retraité) et de sa tranched'âge. En faisant de l'âge un critère de modulationdes cotisations, la MGEN renonce ainsi àl'objectif de solidarité horizontale quicaractérisait (et justifiait) l'adhésion à unemutuelle plutôt qu'à une assurancecomplémentaire.Nous n'avons pas tous les détails pourchacune des offres mais l'augmentation descotisations pour le niveau 3, de plus en plusélevée pour les actifs à partir de 40 ans,risque de faire fuir une grande partie de ceuxsur lesquels compte la mutuelle pour rétablirson équilibre. La hausse serait très substantielle pour lesretraités (+ 14,67 % au moins), sans compterles effets de l'élargissement de l'assiettepuisque la cotisation sera désormais calculéesur l'ensemble des pensions personnelles(4)

et non plus sur les seules pensions issues del'activité dans la fonction publique (ce quipénalisera les polypensionnés). Pour les actifs, l'assiette serait élargie auxéléments de rémunération n'apparaissantpas sur le bulletin de paye(5).Le précompte calculé par l'employeur risquede disparaître au profit d'une cotisationprélevée directement par la MGEN sur lecompte bancaire de l'adhérent(6).

Un manque d'informationet une absence de débatcontradictoire

On sait que la MGEN joue une partie de sasurvie dans les décisions qu'elle a fait voter àson AG du 11 avril. Mais en l'absence d'information dans sarevue nationale "Valeurs Mutualistes", seule

MGEN : nouvelle offre

Un changementde paradigme à la MGEN Dans la Fonction Publique d'État et laTerritoriale, les menaces sur l'avenir de laMutualité sont d'autant plus fortes quel'aide des employeurs publics estdérisoire et que la taxation est élevée etparticulièrement injuste. Ce qui a déjà desincidences sur le niveau des cotisationset des prestations servies. S'y ajoute le risque d'un retrait de lagestion du régime obligatoire desfonctionnaires par leurs mutuellesprofessionnelles(1).

Comme d'autres mutuelles, la MGENfait face à une population-cible quivieillit car l'adhésion n'est plus

automatique pour les jeunes collègues. Les nouvelles générations sont en effetsollicitées par des organismes d'assurancescomplémentaires qui offrent une gamme deprestations diversifiées (en échange de tarifsnon proportionnels aux revenus maismodulés selon l'âge des assurés et l'offre decouverture choisie) et remboursent unepartie des dépassements d'honoraires. Elle avait déjà pris des mesures pour attirerles jeunes collègues : augmentation de lacotisation des seuls retraités (3,56 % contre2,97 % pour les actifs) ; cotisation moinsélevée (2,38 %) pour les actifs de moins de30 ans ; mise en place cette année deMGénération initiale (offre moins chère etmoins complète qui conserve toutefois leprincipe d'une offre globale).

Une nouvelle offre à compter du 1er janvier2016...

Elle a prévu d'aller plus loin avec une refontecomplète de son offre. Mais seuls lesdélégués à l'AG extraordinaire du 11 avril ontreçu fin mars un document partiel que la FSUa réussi à se procurer.La nouvelle offre comporte des taux decotisation différents par tranches d'âge (8tranches pour les actifs, 2 pour les retraitésselon qu'ils ont moins ou plus de 70 ans) quidépendraient par ailleurs du choix de l'offrede prestations parmi quatre optionspossibles :l le niveau 1 (Initiale) pour séduire lesentrants dans le métier couvrirait les besoins"essentiels" en matière de santé (fraismédicaux courants),l le niveau 2 (Équilibre) serait intermédiaire

une minoritéd'adhérents a euconnaissance duprojet de refonteen assistant auxR e n c o n t r e sm u t u e l l e sdépartementales. La FSU a relayéleurs inquiétudeset leursi n t e r r o g a t i o n sauprès de laMGEN. En mettant en place des taux de cotisationdifférents selon l'âge et le niveau deprestations souhaité, la MGEN s'éloigne desprincipes fondateurs de la solidarité,notamment intergénérationnelle, pour serapprocher de la logique des assureursprivés.

Lourde de conséquences, la décisionprise le 11 avril aurait mérité a minima uneinformation de tous les adhérents MGENet un débat largement contradictoire, enmettant sur la table d'autres pistesd'évolution comme, par exemple, uneaugmentation uniforme des cotisations ouune modulation de leur taux selon lesrevenus plutôt que l'âge.

Monique Daume

1. Rapport IGAS/IGF, Cour des comptes...2. Actuellement, le ratio moyenprestations/cotisation est de 354 %. 3. Autorité de contrôle prudentiel et derésolution4. Régimes de base et complémentaires, dontle montant global est connu de la CNAV.5. Rémunération des cantines dans le 1er degré,vacations dans le supérieur...6. Certains adhérents ont déjà reçu un courrierleur demandant de renvoyer un RIB avant le13/04/15.

Extrait desCahiers de MGEN(mars-avril)

Le magazine de la MGEN 73Mai 2015

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Interview deLionel Barre

présidentde la sectionMGEN du Val-de-Marne

Comment avez vous préparé l’AGExtraordinaire dans ta section ?

Nous avons préparé cette AGextraordinaire depuis plusieurs mois.

Il faut rappeler qu'elle s'inscrit dans leprolongement de l'AG de Juillet 2013 quiavait notamment acté le principe d'une offred'entrée et d'une évolution de l'offre globale. Les régionales de novembre en IDF ontévoqué longuement cette question, despropositions ont été émises, des critiquesconstructives ont d'élaborer un projet quenous voulions toujours fondé sur lesprincipes de maintien des notions desolidarité intergénérationnelle, d'équilibredurable entre les cotisations reçues et lesprestations versées tout en permettant uneinnovation nécessaire de nos offresmutualistes. Ensuite, les grandes lignes ont étéprésentées lors des rencontres mutuelles du11 février où les mutualistes ont eu l'occasionde questionner - parfois avec inquiétude - ladirection de la mutuelle sur les changementsqui s'opéraient avec ces offres. Il est à noter qu'aucun des participants à cesrencontres mutuelles ne s'est déclaréopposé au projet, car le statu quon'apparaissait pas tenable. Les remarques, les suggestions ont étéenvoyées à la direction du groupe MGENpour enrichir le projet.Le Bureau départemental du 94, à quelquesjours de l'assemblée générale extraordinaire,a estimé que les offres proposées soumisesau vote devaient permettre de pérenniser

l'offre mutualiste dans un contexte délicat, etde répondre ainsi aux attentes de nosmutualistes. Consciente des enjeux, la délégation a doncvoté pour cette proposition.

Quels points ont fait débat ? Qu'est ce quia fait consensus ? Quelles décisions ontété prises /actées ?

Beaucoup de débats ont porté sur la limited'âge à 70 ans, sur l'augmentation desenfants notamment pour les famillesmonoparentales, mais aussi les huit tranchesd'âge pour les actifs et deux pour lesretraités. Christophe Laffond en charge de cesquestions au groupe MGEN a présenté leprojet. La limite d'âge des 70 ans a été discutée carcertains délégués ne comprenaient pas que70 ans soit une borne de différenciationtarifaire, car on n'était pas plus riche à 70 ansqu'à 69 ans, mais il a été répondu questatistiquement la demande de soins est plusforte entre 70 et 80 ans qu'entre 60 et 70 ans.

MGEN Référence sera pour les adhérents lacontinuation, avec quelques améliorations del'offre globale d'aujourd'hui, MGEN Initiale, laporte privilégiée pour les plus jeunes ; MGENEquilibre et MGEN Intégrale deux possibilitésoffertes pour celles et ceux qui veulent mieuxajuster leur couverture globale.En continuité avec les principes fondateursde la MGEN, ces quatre offres sont des offresglobales, accessibles à tous, volontairement.Elles disposent de prestations et de servicesen santé, prévoyance, dépendance, actionsociale, et des services d'assistance. Enfin, le principe de contribution aux revenusest également réaffirmé, organisé par tranched'âge. Enfin les augmentations de cotisations sontafférentes aux offres.

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Dossier “La Mutualité”

Certes, la mutuelle aurait pu décider de nerien changer, mais dans un contexte quigrève les finances du groupe par destaxations, avec un âge moyen desmutualistes qui est de 57 ans, la concurrencetoujours plus forte des groupes privés,comment la MGEN aurait-elle pu continuer àassurer des prestations élevées auxmutualistes, une action sociale importante,continuer à faire de la prévention… ? Les délégués à l'assemblée générale ontdonc voté à une large majorité cespropositions.

Quel avenir pour la MGEN ?

La mutuelle n'a d'avenir que si elle s'inscritdans son temps, c'est le principe bien connuen histoire de rupture et de continuité.Continuité dans des solidarités fortes,historiques du modèle mutualiste MGEN :solidarités intergénérationnelles, solidaritésfinancières et solidarités familiales, maisrupture dans un monde en perpétuelmouvement où il faut toujours innover dansle contexte de l'ANI, de volatilité desmutualistes, d'attentes aujourd'hui plusindividuelles et différenciées des adhérents,de concentrations, de voracité de groupesfinanciers qui n'ont aucun état d'âme. Le groupe MGEN n'a pas d'autres choix des'ouvrir aux autres et de trouver despartenaires aux mêmes valeurs humaines etsolidaires. Enfin, disons-le clairement, notreappartenance mutualiste au sein du groupeMGEN est plus forte que nos divisionssyndicales que nous connaissons àl'extérieur. Chacun à la MGEN fonde son engagementsur des valeurs humanistes qui ont à cœurd'améliorer les services aux mutualistes faceaux puissances de l'argent.

Interview réalisée par Elizabeth Labaye

La section du 94 et la “nouvelle offre ”

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La contribution ci dessous nous a étéenvoyée avant l’Assemblée généraleextraordinaire MGEN du 11 avril, maiscependant trop tard pour que nous ayons pula publier dans la revue n° 237. Même si la position de nos camarades estminoritaire eu égard aux votes émis lors del’Assemblée générale extraordinaire (cfl’article de Robert Riquois et l’interview deLionel Barre), il nous a semblé légitime de lapublier.

Au moment où, du fait de lamondialisation et de l’hégémonie d’uneéconomie ultra libéralisée, les inégalitéssociales s’accroissent d’une manièreinégalée depuis la Libération, la pauvretéaugmente, l’accès aux soins est de plusen plus difficile pour un nombre toujoursplus important d’individus, le bureaunational de notre mutuelle envisage debouleverser le système de solidarité quifonde la MGEN.

C ertes, ces dernières années des coupsde canif avaient été portés aux principes

fondateurs de notre mutuelle - les adhérentsétant égaux devant la maladie, ils doiventl’être dans l’accès aux soins aussi chacuncotise selon ses moyens et reçoit selon sesbesoins.l Existence d’un plancher et d’un plafondencadrant les cotisations,l Création de trois tranches de cotisation,l Création de MGEN-Filia et de sonsystème de cotisations fondées uniquementsur l’âge,l Création de l’offre d’entrée Mgénération…

Le 11 avril prochain, lors de l’AGE, un pasrisque d’être franchi qui signera la fin de notreconception de la solidarité et celle d’une desdernières mutuelles vertueuses (la dernière?), la MGEN.Le projet qui sera soumis au vote n’a que trèsparcimonieusement été présenté aux

adhérents et aux militants, notamment lorsdes « Rencontres Mutuelles » ; il prévoit unevéritable révolution : la cotisation sera enpartie calculée sur l’âge avec unesurcotisation à 70 ans (et une autre à 80 ans)et l’offre globale sera déclinée en 4 optionsaux contenus et tarifs différents : ainsi l’offrerestera globale… mais elle sera plus globalepour ceux qui pourront payer plus et moinspour les plus défavorisés d’entre nous : laMGEN pratiquera alors ce qu’elle a toujoursdénoncé, l’individualisation chère auxsociétés d’assurance. Ce sera la fin - même si nos responsabless’en défendent - de la solidaritéintercatégorielle et intergénérationnelle.Cette orientation est à mettre en perspectiveavec d’autres évolutions récentes et desprojets plus ou moins diffusés :l Modification de l’organisation politique dela mutuelle actée à l’AG de 2013,l Refus réitéré de manière péremptoire parRoland Berthilier lors de l’AG de 2013 derevenir sur la décision de rendre inéligiblesles adhérents ayant plus de 65 ans –oncomprend mieux pourquoi lorsqu’on voit lamanière dont on envisage de traiter les vieuxdans la nouvelle offre !,l Evolution de la communication : publicitéassociée à Météo-France, entreprise qui n’apas grand’ chose à voir avec les objectifs dela MGEN, élimination des photos de vieillardsdes documents…l L’insistance dans les réunions sur le coûtdes retraités sans jamais tenir compte du faitqu’ils ont été jeunes ni de dire ce que leschiffres montrent : les enfants coûtent pluschers à la mutuelle que leurs grandsparents…l Le rapprochement avec Harmonie jadisadversaire d’Unité (donc de la MGEN) ausein de la Mutualité, mutuelle qui se targued’aider les patrons (pub sur France Inter justeaprès la météo…) et dont les offres serventen partie de modèle à ce qui nous serait

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Contribution

proposé en 2016,l Les rumeurs de projets de disparition dessections départementales et des comités desection au détriment de ce qui restait dedémocratie et de vie militante, leremplacement des directeurs-collègues auprofit de professionnels de l’assurance -qu’on ira débaucher à prix d’or chez Allianz ?-à la tête de grandes sections régionales,et tout ce que les adhérents et les militantsignorent car l’information est pour le moinsinsuffisante : Valeurs Mutualistes n’a toujourspas présenté les projets qui seront soumis auvote le 11 avril et aucune AG départementalene préparera cette AGE…Thierry Baudet remarque avec justesse dansValeurs Mutualistes de mars/avrilqu’«aujourd’hui, les clignotants de l’accèsaux soins alertent» et que «sept Français surdix auraient déjà renoncé à des soinsmédicaux» : la nouvelle offre en donnant plusà ceux qui en ont les moyens et moins auxplus démunis aggravera cette situation. Il est urgent d’organiser un vrai débat, derappeler nos valeurs auprès de nosadhérents, d’ouvrir notre mutuelle et derenoncer à ce qui risque d’être un véritableabandon de nos principes fondateurs.

Christian Baritaud militant syndical, militant mutualiste, ancienprésident de la section MGEN de la Haute-

Vienne,Gérard Bombel

militant syndical FGR-FP, militant mutualisteMarie-Mélanie Dumas,

militante syndicale, membre du comité desection MGEN de la Haute-Vienne

Jean-Claude Mathivetmilitant syndical, militant mutualiste,

ancien vice-président de la section MGENde la Haute-Vienne,

Gérard Wermelinger militant syndical FGR-FP, militant mutualiste

L’avis de milit ants MGEN de Haute-V ienne

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Certains points pourraient être plus positifssur les politiques développées dans les deuxmutuelles en tant qu'acteur global de santé(la politique de conventionnement avec lesprofessionnels de santé, la gestion descentres mutualistes de santé, lepositionnement face aux contrats collectifs del'ANI…)Le deuxième rendez-vous était l'assembléegénérale extraordinaire présentant lanouvelle offre globale et ses conséquencestarifaires sur les mutualistes. Le constat qui est fait est un vieillissement dela population mutualiste (moyenne d'âge de57 ans) avec pour conséquence des résultatstechniques déficitaires (sauf pour lesmembres participants actifs) sur toutes lesautres catégories (retraités, conjoints,enfants). Une évolution était nécessaire et est àl'origine du lancement de l'offre globale MGI(M Génération Initiale lancée en 2013) plus

attractive pour lesjeunes et qui remporteun certain succès. Cette évolutions ' a c c o m p a g n eégalement de lacréation de troisautres options. Par sécurité,l'ensemble desadhérents (hors MGI)sera automatiquementtransféré vers l'offreMGEN Référence (ex-santé 3). Est créée une offreintermédiaire MGEN 2équilibre (ex-santé 2)et une offre haut de

gamme MGEN Intégrale (Ex-santé 4). Les changements d'options ne serontpossible que courant 2016, probablement au1er janvier 2017. Des facteurs extérieurs expliquent cettesituation préoccupante comme le faiblepouvoir d'achat de nos collègues entrantdans le métier (125 % du SMIC) et ledéveloppement concurrentiel de mutuelles"bas de gamme" ne prenant en compte queles risques légers et censés (à tort) concernerdavantage les jeunes. Le problème est que beaucoup de ceschangements proposés au vote des déléguésn'ont guère été débattus puisque les comitésde sections de la MGEN n'ont pas été saisisdes propositions importantes (y compristarifaires) alors qu'elles étaient déjà priseslors du Conseil d'Administration du 23 janvier.

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Dossier “La Mutualité”

Même si on peut regretter que les réunionsrégionales de printemps n'aient pu se teniravant cette AG. Pourtant ces évolutions constituent unchangement important dans nos traditionsmutualistes où tous les adhérents nebénéficiaient jusqu'à présent que d'une seuleoffre globale et d'un seul taux de cotisation(2,97 % - sauf pour les moins de 30 ans à2,38 %). Sont donc créées huit tranches tousles 5 ans avec des taux de cotisationsdifférents. Ces taux seront inférieurs au tauxactuel pour les actifs de moins de 50 ans etaugmenteront jusqu'à 3,34 %. Par contre l'augmentation sera beaucoupplus forte pour les retraités (4,02 %), d'autantplus qu'une tranche est créée au- dessus de70 ans (avec un taux de 4,19 %). Ce qui représente pour les retraités uneaugmentation pouvant aller jusqu'à 15 %.Ces augmentations peuvent être plus forteencore pour les bénéficiaires conjoints (parex : 29,7 % pour les BC de plus de 80 ans). Il y a également une augmentationimportante de la cotisation concernant lesenfants (passage de 9 à 15 euros par enfant).A cela, il faudra ajouter une augmentation liéeà la prise en compte de l'ensemble desrevenus fiscaux de l'adhérent issu des DADS(déclaration annuelles des donnéessociales). Le critère employé pour déterminer ces tauxdifférenciés est le P/C (prestations/consommation). Il est de 78 % pour les actifs,354 % pour les enfants, 115 % pour lesretraités et 106 % pour les conjoints. C'est un critère par ailleurs assez controverséet qui de plus nous éloigne de nos principesoù chacun contribue selon ses moyens etreçoit selon ses besoins. Compte tenu de cette analyse et des réalitésauxquelles malgré tout nous devons faireface, j'ai demandé en tribune (comme les ¾des délégués intervenants) une atténuationde l'application comptable de ce critère au vudes difficultés rencontrées par nombre demutualistes actifs et retraités les plus endifficultés (familles, retraités aux carrièresincomplétes, personnels administratifs…).Par exemple, la possibilité d'appliquer auxbénéficiaires conjoints un lissage par lesrevenus dont certains sont supérieurs auxsalaires de la fonction publique (et nonforfaitaire comme prévu). La possibilité d'une décote de cotisation pourreconnaitre la fidélisation des adhérents(alors qu'on a supprimé la participation desolidarité pour les adhésions hors délaisstatutaires).

La Mutualité solidaire...

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Deux rendez-vous importants pour lesdélégués MGEN des sectionsdépartementales ces 10 et 11 avril 2015. Le premier pour nous informer sur lesraisons du rapprochement de la MGENavec “Harmonie Mutuelle”, le deuxièmepour avaliser les nouvelle offres globalesproposées aux adhérents.

Ce rapprochement des deux entitésMGEN et Harmonie Mutuelle est laconséquence depuis 2005 de la

libération du "marché" de l'assuranceimpliquant une forte pression sur les tarifs etde l'exigence de plus en plus forte au niveaueuropéen des règles prudentielles et desolvabilité des risques demandant toujoursplus de capitalisation en fonds propres (quifavorise évidemment les assurances privéeslucratives au détriment des mutuellessolidaires vivant des cotisations de leursadhérents).

“Harmonie Mutuelle”, née de la fusion de 5entités, est la première mutuelleinterprofessionnelle et le premier opérateurde l'assurance complémentaire santé enFrance et la MGEN est la première mutuellefonction publique. La MGEN et “Harmonie Mutuelle” vont doncconstituer une Union Mutualiste de deGestion (elles sont par ailleurs majoritairesdans leurs deux Union Mutualistes - UMGISTYA et UMG Groupe Harmonie). Il faut noter que ce rapprochement intervientaprès une panne dans l'élargissement d'Istyaet malheureusement un échec dans laconstitution d'une Union de Gestionregroupant les mutuelles de la FonctionPublique gérant le régime obligatoire del'assurance maladie (UMFGAM).

Joseph Deniaud (président d’Harmonie Mutuelle) et Thierry Beaudet, président du groupe MGEN

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De plus, au regard des prestations rendues, ily aura quasi obligation (pour ceux qui lepeuvent !) de passer à l'offre haut de gamme(non prise en compte des dépassementsd'honoraires, de forfait sur les médicamentspeu ou pas remboursés, de certains bilansdans l'option MGEN Référence). Aucune de ces propositions n'a été retenue.Ce sont ces considérations qui ont fait seprononcer en “vote contre” la majorité desmembres délégués de notre section desHauts-de-Seine (4 sur 7). Néanmoins l'ensemble du dispositif a étéadopté à 80 % de l'assemblée (400 pour, 55abstentions et 38 contre).

Des éléments d'inquiétude de plus grandeampleur s'accumulent dans le paysage. Le référencement (procédure de mise enconcurrence au niveau européen de nosmutuelles historiques de la fonction publiqueavec les opérateurs privés) doit normalementintervenir en 2015 dans un contexte moinsfavorable et dont nous ne connaissons pasles règles, alors qu'en 2008, lors du premierréférencement, nous avions déjà dû menerune bataille avec les organisationssyndicales. Nous devons opérer les rapprochementsnécessaires entre la MGEN et lesorganisation syndicales du carrefour santé-social (MGEN, FSU, UNSA, SGEN-CFDT)d'autant plus que la Loi de rénovation dudialogue social de 2010 renforce et légitimisele rôle des organisations syndicales defonctionnaires dans la négociation avecl'employeur public en matière de protectionsociale complémentaire. Le 92 organise un stage de formationsyndicale du Carrefour Santé Social le 5 mai.L'autre élément d'inquiétude est la remise encause via la Cour des Comptes et certainsrapports d'inspections (IGAS-affairessociales et IGF Finances) de la gestion duRégime Obligatoire (R.O) de la SécuritéSociale par les Mutuelles de la FonctionPublique (dont la MGEN). Cette remise en cause est d'autant plusmystérieuse que tous les audits de la CPAM

(Caisse Primaire de l'Assurance Maladie)concernant nos sections départementalessont excellents et nous classent dans le 1er

tiers des CPAM les plus performantes. Une explication pourrait être contenue dansl'article 57 de la Loi Macron qui autoriseraitl'ouverture des marchés publics à descontractants privés concernant certainsservices de sécurité sociale.

Pour mémoire, la DirectiveBolkenstein prévoyait déjàla mise en concurrence dusecteur de la santé et de lasécurité sociale. Les résultats du vote sur letraité constitutionnel aenterré cette directive. La commission est revenueà la charge en 2007 enrévisant le système de

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Dossier “La Mutualité”

classification applicable aux marchés publicsqui accueillent désormais les régimesobligatoires de la sécurité sociale, lesservices sociaux et de santé. Cet article de la Loi Macron ne fait d'ailleursque reprendre la directive européenne de2014 sur l'attribution des contrats deconcession.

La gestion par nos mutuelles du régimeobligatoire ne seraient-elles pas le grain desable gênant dans le rouage visant àprivatiser certains services de gestion de laSécurité Sociale elle-même ?

Robert Riquois

... Entre le marteau et l’enclume

Frits Bolkestein

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La MGEN fondatrice du groupe ISTYAconsidère depuis longtemps que desregroupements sont nécessaires afin d' atteindre une masse critiquesuffisante, face aux difficultés durablesauxquelles la mutualité est confrontée. Mais c'est avec surprise que lesadhérents de la MGEN ont découvertdans la presse début janvier que leur mutuelle était en pourparlersavec le groupe “Harmonie Mutuelle” en vue d'un rapprochement. Ces deux grandes mutuelles couvrent à elles seules plus de 8 millions depersonnes. Si leurs adhérents respectifs se prononcent favorablement sur ce rapprochement, elles se donnentpour objectif de créer, fin 2015 - début2016, une organisation commune au seinde laquelle elles occuperont une placeégale, peut-être sous la forme d'une UMG(union mutualiste de groupe). UA-Enjeux a interrogé Fabrice Henry vice-président de la MGEN sur cette perspective. Nous en avons profité pour le questionner sur la place et le rôle de l'UNOCAM dont il est le président.

Comment s'est construite l'hypothèsed'un rapprochement MGEN / Harmonie ?

“Harmonie Mutuelle” souhaitait se rapprocherd'un grand groupe et s'est tourné vers legroupe MGEN.Dans une période où des rapprochements demutuelles s'organisent en dehors du secteurmutualiste, cette sollicitation permettaitd'affirmer une volonté forte, à savoir que desmutuelles pouvaient encore s'associer, enfinde peser sur l'offre de soins au travers d'unmaillage d'établissements de santé - etenvisager également de trouver desréponses de grande ampleur pour agir dansla régulation des soins (coûts et qualité allantde paire) avec l'existence de réseauxpuissants.Trop de dépenses de santé échappent à larégulation par la Sécurité Sociale parabsence de tarifs opposables auxfournisseurs ou aux professionnels de santé.Afin de diminuer les restes à charge subis parles patients, il est nécessaire d'organiser uneréponse collective. Cela devient possible dès lors que lesmutuelles sont en capacité d'agir là où lasécurité sociale n'est pas ou plus présente :prothèses et dispositifs médicaux, coûts deshospitalisations (frais d'hébergement), etc.Mais l'hypothèse de cette alliance pourraitaussi permettre de trouver des réponsesconjointes pour mieux accompagner lesadhérents lors d'événements qui les laissentdémunis face au secteur marchand.

N'y a-t-il pas un risque de perte d'identitéde la MGEN, ancrée dans des champsprofessionnels identifiés dans lesquels seretrouvent les adhérents ?

Il va de soi que les pratiques, la culture, leschamps d'intervention, les dispositifs desolidarité de MGEN et Harmonie ne sont pasidentiques et que chaque groupe souhaiteconserver son empreinte et son accrochehistorique dans un cadre decomplémentarité. L'identité Harmonie s'est construite dans uncadre interprofessionnel et territorial.L'identité "fonction publique" est essentiellepour la MGEN, mutuelle nationale del'Education, de la Recherche et de la Culturecaractérisée par un engagement militant fort ;de même les pratiques solidaires dans lecadre des offres et des services auxadhérents, au niveau des cotisations, sontfortement marquées par un attachement àune vision globale de la protection de sesadhérents. Cela n'a pas empêché la MGEN et Harmoniede se retrouver ensemble pour répondre

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Dossier “La Mutualité”

dans le cadre de l'aide à la complémentairesanté (ACS) et de s'associer avec ATD QuartMonde.Des discussions exclusives ont été ouvertesentre Harmonie et MGEN pour une durée de6 mois. Rien n'est donc décidé. Les instancesde chaque groupe mutualiste (CA et AG)seront évidemment sollicitées pour statuer.

Tu es président de l'UNOCAM (Unionnationale des organismescomplémentaires de l'assurance maladie)depuis 2009. Peux-tu nous expliquer lerôle et la place de cet organisme ?

l L'UNOCAM existe depuis 10 ans, depuis le23 mai 2005 (AG constitutive).Sa création résulte de la loi du 13 août 2004relative à la réforme de l'Assurance Maladie.Association "Loi 1901", l'UNOCAM regroupetous les organismes complémentaires :FNMF, FFSA, CTIP, régime Alsace-Moselle,GEMA, FNIM.Son bilan peut s'apprécier à l'aune de sesmissions : avis sur les PLFSS (projets de loide Financement de la Sécurité Sociale),négociation des accords conventionnels avecles professionnels concernés et l'UNCAM(Union nationale des Caisses d'AssuranceMaladie), participation au CEPS (Comitééconomique des Produits de Santé), à laConférence Nationale de Santé (CNS) et auniveau des ARS (commissions de gestion desrisques - GDR).Deux périodes peuvent être distinguées dansl'activité de l'UNOCAM : avant et après 2012.Avant 2012, l'UNOCAM a dû trouver sa placedans les négociations conventionnelles avecles professionnels de santé. L'UNCAM et les syndicats de professionnelsde santé pouvaient, à l'origine, déciderd'inviter - ou non - l'UNOCAM. Il a fallu attendre 2009 pour que laparticipation de l'UNOCAM devienne un droitdans les négociations conventionnelles.L'année 2012 fut celle des premiers accordssignés par l'UNOCAM dans un cadretripartite. Accords avec les syndicats de pharmacienspuis avec des syndicats de médecins(avenant 8 sur les dépassementsd'honoraires) ; puis en 2013, accords signésavec le principal syndicat de chirurgiensdentistes (CNSD) et l'UNCAM mais aussi(une première) entre l'UNOCAM et la CNSD(accord bilatéral).Depuis ce dernier accord se poursuivent desrencontres directes avec la CNSD pourélaborer "une charte de bonnes pratiques".Désormais l'UNOCAM a trouvé sa place vis-à-vis de l'UNCAM et des syndicats

MGEN et “Harmonie”

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Fabrice Henry, Vice-Président délégué «Mouvement, Viemilitante, Modèle mutualiste» à la MGEN et président del'UNOCAM, également membre du conseil supérieur de lamutualité.

Interview deFabrice Henry

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La création de la Sécurité Sociale

Cette création, œuvre du ConseilNational de la Résistance, s'inscrit encontinuité avec les politiques

précédentes, mais aussi en rupture. Cette rupture repose sur l'idée quecontrairement à la première guerre mondialeoù on voulait retrouver en 1918 la société de1914, le CNR s'inscrivait en rupture avec lasociété de 1939 qui avait engendré lenazisme, la collaboration et le clivage entreles citoyens. La Sécurité sociale, dans l'idée de sonfondateur et Directeur Pierre Laroque, devaitassurer un cadre de protection socialeglobale du citoyen, pour qu'il exercepleinement sa citoyenneté et participe ainsiactivement à la reconstruction du pays. On ne se posait donc pas alors la question deson "coût" dans un pays pourtant exangue et

en grande partie détruit. Les réussites de ces ordonnances sontincontestables en matière de protection desfamilles ouvrières, mais aussi en matière deprogrès sanitaire, du système hospitalier. Le modèle initial prévoyait même une CaisseUnique, que seule la CGT soutiendra.Le MRP et la CFTC réclament l'autonomiedes CAF, les régimes spéciaux sontmaintenus (cheminots, mineurs) et la gestiondu régime obligatoire des mutuelles defonctionnaires. Il est vrai que la guerre froide, l'éliminationdes ministres communistes dugouvernement, la dure grève des mineursde 1947 devant le projet de suppression deleur statut et de leurs caisses de secoursmutuel ne favorisent pas l'unité de gestionsous l'égide de la Sécu. C'est aussi l'échec de la Cotisation socialeunique dès octobre 1945 : seules lesassurances sociales sont financées par lescotisations sociales des salariés et desemployeurs, les cotisations des allocationsfamiliales sont financées par les seulsemployeurs et la cotisation "accident dutravail" varie selon l'importance des risquesde l'entreprise. S'écroule ainsi la possibilitéofferte par le jeu de la cotisation socialeunique d'une meilleure répartition desrichesses et des revenus. Se trouvent ainsi amputées les étapessuivantes prévues par les fondateurs (unepolitique du plein emploi, une politiqued'équipement sanitaire et de prévention etune politique tendant à modifier le répartitiondes richesses et des revenus). Pour éviter le repli égoïste des salariésbénéficiaires de cette protection globale, lescaisses de sécu devaient être gérées par desélus des salariés eux-mêmes et chargés

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Dossier “La Mutualité”

d'une mission d "éducation à la solidarité". Ce modèle de protection sociale globale,financé par une cotisation unique a d'embléeété combattu par le patronat et le milieu desmédecins, qui refusèrent (déjà)l'encadrement de leurs honoraires par lesCaisses de Sécu. Le résultat obtenu est une grande obscuritédes différents systèmes et de leur mode definancement. Ceci encourage ce qui va devenir l'obsessiongestionnaire du fameux "trou" de la Sécu. On voit comment ce grand projetdémocratique et social a été peu à peuentamé dès les ordonnances de 1967supprimant les élections directes desreprésentants des caisses et le"désengagement programmé" de la Sécumultipliant depuis les “restes à charges” pourles patients (déremboursement desmédicaments, forfaits divers, 50 ct dur laboîte de médicament, dépassementsd'honoraires…). Devant toutes ces formes de désengagementde la Sécurité Sociale, ce sont les Mutuellessolidaires qui sont alors amenées à tenir lerôle d'acteur global de protection sociale(santé et prévoyance, prévention, régulationdes coûts par une politique deconventionnement avec les professionnelsde santé (optique et dentaire par la MGEN,chambre individuelle en milieu hospitalier parla Mutualité Fonction Publique-MFP).

Robert Riquois

Une première partie du livre de Colette Becconcerne l’apport historique : c'est la RévolutionFrançaise qui initie le droit à protection du citoyenen rupture avec la charité de l'Eglise, par le projetdu Comité de Mendicité de 1790 et la notion de"dette sacrée" envers les citoyens démuniscontenue dans la constitution de 1793.

Suite de l’interview de Fabrice Henry

professionnels. Un regret cependant :il n'a jamais été possible de trouver un accordde méthode avec l'UNCAM pour faire valoirun point de vue commun…Au contraire, l'UNCAM a souvent"instrumentalisé" les négociations. Pour les fédérations qui composentl'UNOCAM la question de la banalisation nese pose pas puisque le champ d'interventionest strictement défini. De plus, la FNMF, fédération majoritaire, peuts'appuyer sur un dispositif qui lui permet dene se faire imposer aucune décision. En effet, au sein du Conseil de l'UNOCAM, la

FNMF ne peut décider seule (il lui faut aumoins l'accord d'une des deux autresfédérations historiques - FFSA ou CTIP) maisà l'inverse - FFSA et CTIP ne peuvent rienimposer à la FNMF.Depuis plus de 10 ans les évolutionsréglementaires (directives "assurances",réglementations sur la mise en concurrencedes organismes complémentaires, définitionsde divers paniers de soins (CMU-C, ANI,contrats responsables et bientôt règles desolvabilité) ont sans doute bien plus contribuéà une banalisation et une marchandisation du

secteur de la santé que la création del'UNOCAM…Ces évolutions constantes, avec tous lesbouleversements qui se sont succédés cesdernières années, n'ont sans doute passuffisamment été analysées, les effetsproduits pour les mutuelles sont, sans doute,bien plus importants sur leurs activités etinduisent une restriction de leurs capacités àdécider (donc portent atteinte à la démocratiemutualiste et à leur mode de gouvernance).

Interview réalisée par Elizabeth Labaye

Note de lecture : création de la Sécu...

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La MFP indispensable et au cœur d'enjeuxmajeurs

Seule la Mutualité Fonction Publique, quirassemble 23 mutuelles et unions demutuelles(1), peut être porteuse au sein

de la Mutualité Française et de la société (enlien avec les organisations syndicales defonctionnaires), de valeurs qui constituent lesocle de sa Charte de refondation de juin2009(2), et sont toujours pleinementd'actualité, notamment pour affirmer à la fois :l ''la nécessité de renforcer le servicepublic comme une garantie pour chacun et lasociété'', en soulignant qu'une ''sociétémoderne doit garantir à tous un service publicde qualité apte à répondre à l'intérêt général,en dehors des logiques de marché et deconcurrence''. l ''la Sécurité Sociale est un facteur clé dela cohésion entre les citoyens d'une sociétémoderne'', en soulignant la volonté dedéfendre ''avec détermination une conceptionambitieuse d'une assurance maladiecollective obligatoire, universelle dans sesprestations et son financement, ancrée sur lasolidarité et le progrès social pour tous''. Simultanément, cette Charte soulignel'attachement des mutuelles de

fonctionnaires, en concertation avec lesOrganisations Syndicales, à l'améliorationdes droits sociaux ''de celles et ceux quiservent l'intérêt général, et attentives à leursbesoins, particulièrement en matière deprotection sociale''.Sensible à ''l'inégal accès aux soins à tous'',au dénigrement récurrent de la gestion duRégime obligatoire d'assurance maladieeffectué par les mutuelles defonctionnaires(3), la MFP rappelle que cettegestion est constitutive du mutualisme dansla fonction publique, et exprimepubliquement, dès août 2013, sa ''volonté des'engager en faveur d'un débat citoyen sur lathématique du système de santé et de laprise en charge solidaire des frais de santéface au désengagement progressif del'assurance maladie'' (voir encadré sur lesColloques). Bien que forte de ses valeurs,d'un réseau de militants dans chaquedépartement, d'une vingtaine d'années dedéveloppement d'outils au service desmutuelles de fonctionnaires, en particulier enmatière de conventionnementd'établissements et de professionnels desanté sur la base de critères de qualité…,diverses menaces pèsent sur l'avenir desfonctions publiques, des mutuelles defonctionnaires et de la MFP qui en rappelle le

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Dossier “La Mutualité”

caractère indispensables(4) dans un contexteéconomique et social où les solidarités sontplus que jamais à développer.

Philippe Laville Ancien président du Bureau MFP 92, coordonnateur du1er Colloque régional en 2011, animateur de la table-ronde de celui de mars 2015.

1. Avec de nombreux regroupements de mutuelles, surles 34 en 2007, notamment au sein de MGEFI (pourl'ensemble des mutuelles des finances, impôts,douanes...), des départs et des arrivées, c'estsensiblement le même nombre de mutuelles, mais avec10 fois plus d'adhérents (autour de 5 millions aujourd'hui,des 3 fonctions publiques), qu'en avril 1945 lors de lacréation de la 1ère fédération de mutuelles defonctionnaires, la FNMFAE qui deviendra la MFP en1988. 2. Quelques mutuelles de fonctionnaires, en désaccordavec cette Charte, ont alors quitté la MFP. Elles ontdepuis été accueillies par le groupe Harmonie mutualité,et cela interroge de ce point de vue le rapprochementMGEN-Harmonie, alors que la MGEN est de loin la plusimportante mutuelle de la MFP (près de la moitié desadhérents), même si divers autres éléments sont sansdoute à prendre en compte, en particulier lesconséquences prévisibles de l'ANI avec la généralisationd'une couverture complémentaire obligatoire d'entrepriseassortie de nombreux avantages fiscaux permettant unfinancement dans le secteur privé à un niveauincomparablement supérieur à celui octroyé auxmutuelles de fonctionnaires par l'Etat employeur pour lacouverture complémentaire (autour de 6€/an/parfonctionnaire de l'Education Nationale)3.Encore en décembre 2014 par un rapport IGAS-IGFqui pointe pourtant la bonne gestion constatée par lesaudits annuels effectués par les CPAM.4. "Indispensables" est le titre de sa nouvelle publicationtrimestrielle, accessible sur www.mfp.fr

La Mutualité Fonction publique

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Une volonté de débatspublics dans chaque région

Le 21 mars 2015 s'est tenu à Paris, dansle grand amphi du CNAM, un colloque

régional titré "Pour notre santé: soignonsles solidarités !", organisé par le Comitérégional Ile-de-France de la MFP, dans lecadre de la campagne nationale pour enorganiser dans chaque région enchoisissant parmi 3 grands thémes (1). Même s'il a rassemblé un public moinsnombreux que pour le précédent et uniqueColloque régional MFP organisé à Paris en2011 sous le titre ''Liberté, égalité, santé :l'heure des choix !'' (2), ce fut avec un publicpresque aussi diversifié, en âges etimplications, et des questions tout aussipertinentes et nombreuses. Il avait de faitun caractère spécifique par la notoriéténationale des intervenants rassemblésautour de Serge Brichet, président nationalde la MFP, pour une table-ronde en 2parties avec Jean-Pierre Dubois(professeur de Droit Public Université ParisXI, Président d’honneur de la Ligue desdroits de l’Homme), Martine Lalande(médecin généraliste à Gennevilliers, vice-présidente du Syndicat de la Médecine

Générale [non gréviste, favorable au tierspayant généralisé et pour un service publicpluriprofessionnel de soins primairesorganisé en fonction des besoins de santéde la population] co-rédactrice en chef de larevue ''Pratiques-les cahiers de lamédecine utopique'' www.pratiques.fr),Frédéric Pierru (sociologue, chercheur ensciences sociales et politiques au CNRS-CERAPS Lille 2, membre du comité dedirection de la Chaire santé de Sciences PoParis), Jacques Rigaudiat (économiste,membre de la Fondation Copernic, de lacommission économique du PCF, ancienConseiller social de deux premiersministres socialistes (Michel Rocard etLionel Jospin)... spécialiste du financementde la protection sociale). Une présentation détaillée des

interventions, de la biographie et des liensvers les publications de chaque intervenantest accessible sur le site de la MFP :www.mfp.fr/sites/default/files/documents/Programme%20ColloqueMFP%20IDF%2021mars2015

Philippe Laville

1. Les modalités de régulation du système de soins parles mutuelles ; Les agents publics face à lagénéralisation de la complémentaire santé ; La placede la solidarité et de l'assurance maladie obligatoiredans la prise en charge des soins.2. En 2011, le colloque, accueilli par Axel Kahn dans

l'amphi historique de l'Université Paris-Descartes, étaitporteur de grands espoirs de changement etd'alternatives en santé et protection sociale pour 2012: venait de sortir le "Manifeste" (cf. note de l'encadréIMM) ouvrant sur la possibilité d'une autre politique desanté; près d'un million de signatures étaient en coursde collecte sur l'appel de la Mutualité française contrela taxation des mutuelles…

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Dossier “La Mutualité”

... Au coeur d’enjeux majeurs

Fondé par la Mutualité Fonction Publique,ouvert à tous (participant au servicepublic), reconnu nationalement pour laqualité des soins, l'accueil hospitalier etses actions innovantes,www.mfp.fr/sites/default/files/documents/Programme%20ColloqueMFP%20IDF%2021mars2015www.imm.fr, est depuis plusieursannées en grandes difficultés financières,comme la plupart des hôpitaux publics quisubissent les conséquences des choixpolitiques décrites dans les livres d'AndréGrimaldi et de Frédéric Pierru (1).

Il ne doit sa survie qu'aux mutuelles qui ontaccepté de contribuer à son équilibrefinancier, au-delà de celles de la Fonction

Publique qui étaient déjà très impliquées.L'IMM a ainsi intégré le GroupementHospitalier de la Mutualité Française etassocié une mutuelle d'assurance, laMatmut(2). Ce n'est pas sans conséquence surl'orientation, avec l'impératif de l'équilibrefinancier avant tout, qui a déjà engendré une''externalisation'' d'un certain nombre detâches, notamment celles de l'entretien, donton sait pourtant qu'elles peuvent participer àla qualité hospitalière (au-delà du fait qu'onne nettoie pas une chambre comme un halld'immeuble, ce qui peut s'apprendre, larotation des personnels d'une entrepriseextérieure et leur non participation à unmême collectif de travail privent les patientsde leurs possibilités d'implication et decomplémentarité notamment en signalant àl'équipe soignante tout problème constaté)...

L'IMM n'a heureusement pas fait le choix decertains hôpitaux publics ayant développé enleur sein un secteur privé lucratif et unetarification exhorbitante des chambresparticulières, comme variables d'ajustementdu budget, mais les professionnels de santéde l'IMM qui partagent les valeursfondamentales de la mutualité et qui ontgrandement contribué à sa renommée, sontactuellement très inquiets : après l'échec,semble-t'il, d'un projet de rapprochementavec un Centre de Lutte Contre le Cancer,l'Institut Curie, qui pouvait être mutuellementavantageux, il semble que soit envisagémaintenant le Groupe hospitalier Saint-Joseph qui expérimenterait un moyen deréduire la masse salariale en demandant àdes médecins hospitaliers de renoncer à leurstatut en devenant ''libéraux'' avec descompensations par dépassementsd'honoraires... On ne peut qu'espérer que ne soient pasfondées ces informations et que la Mutualitésoit plus offensive - et sollicite la mobilisationdes mutualistes - pour que le projet de loisanté intègre mieux les propositions poursauver l'hôpital public et les établissementshospitaliers participant au service public ! Comme nous le disait il y a quelques mois unpraticien hospitalier de l'IMM, si la Mutualiténe parvient pas à sauver l'IMM on peutcraindre qu'elle ne puisse à terme se sauverelle-même...

Ph. L.

1. Réinventer l'hôpital public - contre l'hôpital entreprise,Textuel 2005; L'hôpital malade de la rentabilité, Fayard

2009 ; La santé écartelée : entresanté public et business, Dialogues2013, d'André Grimaldi (diabétologue, co-initiateur du Mouvement dedéfense de l'hôpital public). L'hôpital en réanimation(coordination) Ed. du Croquant10/2011; L'hôpital en sursis idéesreçues sur l'hôpital Ed. Cavalier Bleu10/2012, de Frédéric Pierru,également co-auteur avec Grimaldi(ainsi que Tabuteau, Bourdillon, etLyon-Caen) du Manifeste des 123pour une santé égalitaire et solidaireOdile Jacob 9/2011.2. La Matmut a obtenu en contrepartiele poste de trésorier général del'Union mutualiste gérant cetétablissement et les autresréalisations de la MFP, ''MFPass'',dont la création résultait du Code dela mutualité impliquant une gestionspécifique des établissementssanitaires et sociaux mutualistes.

Quel avenir pour l'InstitutMutualiste Montsouris ?Référencement

mode d'emploi

Depuis 2008, le «référencement» est laprocédure qui organise pour lafonction Publique d'Etat les règles de

participation de l'Etat employeur à laprotection sociale complémentaire desagents actifs et retraités. Chaque ministère établit un cahier descharges et lance un appel d'offres qui meten concurrence tous les typesd'organismes (mutuelles assurances,institutions de prévoyance) Lors du 1er référencement, les ministèresavaient choisi dans la quasi totalité des casde référencer leur mutuelle professionnelle,avec une convention établie pour unedurée de 7 ans.Les nouvelles procédures deréférencement devraient donc être lancéesdans les prochains mois, mais pour l'instantfaute d'information, et face aux attaquesdont le référencement a été l'objet,l'inquiétude est réelle. Depuis plusieurs années, MFP etorganisations syndicales de la FP seréunissent régulièrement en groupes detravail pour réfléchir et s'exprimer sur lesvaleurs communes de solidarité et dedéfense de la Sécurité sociale, agir etporter ensemble des revendications et desexigences envers l'état employeur.Notamment elles portent en commun uneexigence d'homogénéisation des cahiersdes charges afin de favoriser l'égalité entreles agents, l'exigence du couplagesanté/prévoyance. Elles mettent enévidence la faiblesse de la participationemployeur (3 % en moyenne à compareraux 50 % dans le privé) dont ellesdemandent l'augmentation, et les inégalitésde contribution entre ministères (de 6euros par agent à l'EN contre 120 eurosaux Affaires étrangères). Elles se mobilisent ensemble pour lemaintien de la gestion du régimeobligatoire (RO) par les mutuelles et leprécompte (calcul et prélèvement sur lafeuille de paie ou la pension de la cotisationdu fonctionnaire, reversée à l'opérateur).Au delà du référencement lui-même qui estun enjeu majeur, la FSU s'est prononcéepour que soit débattue dans le cadre del'agenda social la question de la protectionsociale complémentaire des agents.

Elizabeth Labaye

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L'enjeumutualiste dans la FonctionPubliqueterritoriale

La Mutuelle nationale territoriale est lapremière mutuelle de la fonction publiqueterritoriale en santé comme en prévoyance,avec 798000 adhérents. Créée et administrée par les agentsterritoriaux eux-mêmes, la MNT protège1,134 million de personnes, est présentedans 83 sections départementales et compte9000 correspondants en collectivité. Avec d’autres mutuelles territoriales, la MNTa créé Uni-ter. Leur objectif : agir auprès despouvoirs publics pour défendre la protectionsociale des territoriaux. Cette structurerassemble un agent territorial sur deux.

Enjeux a posé quelques questions àJerome Saddier, directeur général de laMNT

La MNT se définit comme une mutuelleprofessionnelle au service des agentsterritoriaux : quels enjeux, projets... A quels besoins doit-elle répondre ?

La MNT a été créée il y a cinquante ans,notamment par fusions successives desociétés mutualistes locales créées par desagents communaux. Depuis, elle n’a jamais cessé de se définircomme une Mutuelle dédiée aux agents desservices publics locaux, qu’ils soientfonctionnaires ou non. Elle entend bien le demeurer dans le

nouveau contexte mutualiste et territorial. C’est ce qu’elle vient de décider dans leprojet stratégique qu’elle a adopté en févrierdernier, pour plusieurs raisons.

D’abord parce qu’elle considère que dansune fonction publique aussi diverse que laFPT, une mutuelle professionnelle contribueà une certaine unification au moyen d’uneforme de statut social. Ensuite parce qu’il reste encore beaucoup àfaire pour répondre aux besoins des agents,que ce soit en matière de prévoyance ou plusgénéralement en matière d’accompagnementsocial et de services. Enfin, parce qu’elle est attachée à uneconception concrète et militante de lasolidarité, en refusant de n’être considéréeque comme un assureur complémentaire.A la MNT, nous ne voulons pas nouspositionner comme des auxiliaires del’assurance maladie ou des employeurs.Nous sommes un acteur collectif deprotection sociale, composé d’individusengagés librement, même s’il n’est pastoujours simple de faire face à la diversité desattentes de nos adhérents, y compris les plusconsuméristes. Notre conviction est que la solidaritémutualiste, lorsqu’elle est considérée dans uncadre professionnel, permet de la rendre plusconcrète, alors que tout concourt, par l’effetcumulé de la concurrence exacerbée et de lanormalisation des garanties, à sabanalisation. A notre mesure, nous faisons ce pari de lamutuelle professionnelle pour lutter contre lamarchandisation de la complémentaire santé.

Mais ne faut-il pas "changer d'échelle" auvu des bouleversements actuels (ANI,concurrence etc...) ?

On peut changer d’échelle dans ses offres,s’interroger sur ses pratiques et sa relationaux adhérents, transformer une entreprisemutualiste, sans pour autant se dénaturer.Considérer que l’ANI constitue uneopportunité pour tous les assureurs est unleurre : toutes les mutuelles ne seront pasaptes à aller chercher des adhérents au-delàde leur périmètre historique, sauf à banaliserleurs pratiques et à devenir des assureurscomme les autres.

La MNT ne veut pas se lancer dans cettecourse au large car elle a déjà beaucoup àfaire dans son secteur historique, ne serait-ceque pour éviter une déperdition desadhérents qui pourront être rattachés à leurconjoint dans le cadre d’un contrat collectifd’entreprise ou de branche (c’est déjà le cas

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L’enjeu mutualiste

mais cela pourrait concerner jusqu’à 20 % denos adhérents actifs). Mais nous devrons être mieux à même derépondre aux appels d’offres dans le secteurconstitué par les entreprises publiqueslocales, qui fonctionnent avec des contratscollectifs à adhésion obligatoire.

Quant à la concurrence, nous l’avonstoujours connue dans les collectivitéslocales, et nous avons appris à être uneréférence sans être hégémoniques. Cela ne se décrète pas, cela se construit,grâce à une approche fine des protectionsprofessionnelles comme la prévoyance, à unréseau militant et salarié de proximité qu’ilfaut sans cesse renouveler, et à une relationforte avec notre environnement c’est-à-direavec les élus locaux, les dirigeantsterritoriaux et les organisations syndicales.C’est en ce sens que nous avons innové enannonçant un rapprochement avec lamutuelle SMACL Assurances, spécialiséedans les risques des collectivités locales.Nous confirmons ainsi notre identité et notreancrage, tout en étant prêts à participer àd’autres constructions si elles confortent lemodèle mutualiste et ses spécificités enmatière de protection sociale.

La MNT participe au groupe Istya :comment envisagez-vous lesrapprochements de certaines mutuellesd'Istya, - la MGEN pour ne pas la nommer -avec le groupe Harmonie ? La MNT souhaite-t-elle s'inscrire dans ceprocessus ?

La MNT est l’une des fondatrices d’Istya, carelle souhaitait en 2010 construire avecd’autres mutuelles de fonctionnaires ungroupe lui permettant d’une part de partagerdes approches et des moyens afin deconforter le développement de son modèlede mutuelle professionnelle, et d’autre partde créer les conditions d’une solidaritéfinancière entre les mutuelles

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membres. Ce projet a été fragilisé parle départ de la MNH qui a préféré construireseule sa stratégie, et par la difficulté à faireaboutir des projets communs, mais chacunede nos mutuelles en garde la conviction qu’ilfaut chercher à être plus forts ensemble.L’annonce du projet entre la MGEN etHarmonie a pu surprendre mais il a sacohérence dans un mouvement mutualistequi a besoin d’un moteur politique fort, et plusgénéralement dans le paysage de laprotection sociale où les mutuelles onttendance à s’effacer derrière les stratégiesfortes d’assureurs ou d’institutions deprévoyance.

Leur projet est de construire ensemble un«acteur global de protection sociale», quipourra peser fortement face aux pouvoirspublics nationaux et locaux, et qui se donnerales moyens d’illustrer concrètement la plus-value mutualiste pour ses adhérents. La MNT ne peut que souscrire à cetteambition, mais elle veut trouver sa place dansce nouveau groupe en y intégrant son projetmutualiste, sans concurrence interne, et enétant associée à sa gouvernance politique ettechnique, sans jamais verser dans unelogique technocratique qui éloignerait lesadhérents.

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Pour la MNT, l’ambition de construire ungroupe ne se suffit pas à elle-même.L’important demeure le projet mutualiste etses déclinaisons concrètes pour lesadhérents.

Comment - face à la concurrence - laMutualité peut-elle "faire la différence"dans la Fonction Publique (etparticulièrement dans le champ descollectivités pour la MNT ?)

Les valeurs dites mutualistes ne doivent pasêtre seulement des incantations. L’utilité sociale que revendiquent lesmutuelles doit être concrète. La FNMF y travaille, mais les mutuellesdoivent décliner dans leur action quotidiennecette utilité sociale, que ce soit en matière deprotections (je pense notamment à desgaranties adaptées en prévoyanceprofessionnelle, ou en santé par rapport àdes modes de vie qui changent), ou deservices et d’accompagnement social.

Ce n’est pas simple dans un environnementtoujours plus réglementé voire normalisé par

les pouvoirs publics, qui ont mis la main surl’assurance complémentaire santé(principalement mutualiste) sans débourserun centime. Nos pratiques d’assurance sont trèsencadrées, et le renforcement des règlesprudentielles (abusif selon moi), vacontribuer à une nouvelle vague deconcentration et de disparition de mutuelles. Il faut pourtant que nous redevenionsimaginatifs, ce qui nous amènera sans douteà individualiser plus fortement nos approchestout en conservant un socle solidaire, et àconstruire des offres de services quidépassent nos métiers historiques.

Dans une mutuelle comme la MNT, il s’agitde multiplier les raisons et les moyens d’êtreau plus près des agents territoriaux et de nosadhérents.

Interview réalisée par Elizabeth Labaye

L’enjeu mutualiste

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