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RELIGIOLOGIQUES, 23, printemps 2001, 11-25 11 Présentation Kailasatirthayatra En route vers Kailash Mathieu Boisvert * La genèse du projet Tibet 2000 remonte à l’année 1998, lorsque nous menions une session d’études en Inde avec seize étudiants de premier cycle de l’Université du Québec à Montréal. À ce moment, notre objectif premier était d’établir les paramètres d’une gestion coopérative des apprentissages au sein de laquelle les participants pouvaient discuter et assimiler les contenus pédagogiques 1 . Suite à dix mois de préparation soutenue et au voyage de deux mois en Inde, l’expérience paraissait si positive que nous avons décidé de la réitérer sous une autre forme, cette fois, non pas avec des étudiants, mais plutôt avec des professeurs de notre institution. Le but de ce deuxième projet était de tisser des passerelles entre les différentes disciplines, de favoriser le dialogue interdisciplinaire. D’un côté purement académique, deux éléments étaient centraux au projet : les sessions d’information sur les cultures indienne, népalaise et tibétaine que nous allions rencontrer, et les projets de recherche que chaque participant devait poursuivre en lien avec sa propre discipline, ainsi que la présentation subséquente de ceux-ci au groupe. En octobre 1999, nous avons donc proposé ce projet au corps professoral de l’UQÀM. Alors que certains de nos collègues doutaient de la possibilité de réunir un nombre suffisant de participants, quatorze professeurs ont eu l’audace de se joindre à cette merveilleuse aventure. Plusieurs disciplines étaient représentées au sein du groupe : études littéraires, informatique, * Mathieu Boisvert est professeur au département des sciences religieuses de l’Université du Québec à Montréal. Il a été l’instigateur et le responsable du projet Tibet 2000. 1 À ce sujet, voir BOISVERT (1997).

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RELIGIOLOGIQUES, 23, printemps 2001, 11-25

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Présentation

Kailasatirthayatra En route vers Kailash

Mathieu Boisvert*

La genèse du projet Tibet 2000 remonte à l’année 1998, lorsquenous menions une session d’études en Inde avec seize étudiants depremier cycle de l’Université du Québec à Montréal. À ce moment,notre objectif premier était d’établir les paramètres d’une gestioncoopérative des apprentissages au sein de laquelle les participantspouvaient discuter et assimiler les contenus pédagogiques1. Suite àdix mois de préparation soutenue et au voyage de deux mois enInde, l’expérience paraissait si positive que nous avons décidé de laréitérer sous une autre forme, cette fois, non pas avec des étudiants,mais plutôt avec des professeurs de notre institution. Le but de cedeuxième projet était de tisser des passerelles entre les différentesdisciplines, de favoriser le dialogue interdisciplinaire. D’un côtépurement académique, deux éléments étaient centraux au projet :les sessions d’information sur les cultures indienne, népalaise ettibétaine que nous allions rencontrer, et les projets de recherche quechaque participant devait poursuivre en lien avec sa proprediscipline, ainsi que la présentation subséquente de ceux-ci augroupe.

En octobre 1999, nous avons donc proposé ce projet au corpsprofessoral de l’UQÀM. Alors que certains de nos collèguesdoutaient de la possibilité de réunir un nombre suffisant departicipants, quatorze professeurs ont eu l’audace de se joindre àcette merveilleuse aventure. Plusieurs disciplines étaientreprésentées au sein du groupe : études littéraires, informatique,

* Mathieu Boisvert est professeur au département des sciences religieuses de

l’Université du Québec à Montréal. Il a été l’instigateur et le responsable duprojet Tibet 2000.

1 À ce sujet, voir BOISVERT (1997).

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histoire, sciences de l’éducation, sciences comptables, histoire del’art, design, et sciences religieuses. Nous avions parmi notregroupe trois conjointes qui devaient également développer un projetde recherche dans leur discipline respective, soit la neurologie, lalittérature allemande et la scénarisation.

photo : M. Poulin

Le groupe de Tibet 2000

(De gauche à droite)

Au fond : Jean-Philippe Uzel, Bertrand Gervais, Philippe Gabrini,Jacques Pierre

Au milieu : Hélène Masson, André Carpentier, Gorje Sherpa(sherpa), Denise Lanthier, Michelle Allen, Isabelle Lehuu, HelgaRudolf, Gilles Thibert, Alfred Halasa, Kuncho (guide tibétain)

À l’avant plan : Surya Tamang, Nema Sherpa et Laxmi Lama(sherpas), Michel Vincent (caméraman), Mathieu Boisvert, MarcelPoulin (guide)

Au premier plan : Alex Friedmann

Afin de fournir des informations minimales sur les religions etles cultures de l’Inde et du Tibet, le groupe s’est réuni à huitreprises avant le départ. Six de ces rencontres ont pris place à

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l’UQÀM, un soir de semaine ; une journée complète fut égalementorganisée durant laquelle sont intervenus Elijah Ary (candidat audoctorat en études tibétaines, Harvard) et Serge Granger (chargé decours en histoire politique chinoise, UQÀM). Nous avionségalement organisé un weekend complet à la campagne pour quechacun puisse formellement partager avec le groupe l’orientation deson projet de recherche, et pour aborder le pèlerinage indien sousses aspects phénoménologiques et sociologiques. Ceci dit, l’objectifprincipal du weekend était l’établissement de liens entre lesparticipants, liens qui allaient devenir la pierre angulaire deséchanges une fois sur place, en route vers Kailash (Kailasa ensanscrit, Kelasa en pali, et Gangs Ti se rimpoche en tibétain).

Mais pourquoi donc avoir choisi le mont Kailash commedestination ? Plusieurs raisons ont motivé cette décision. Notonspremièrement que cette montagne est située au Tibet occidental, à81° 18’ de longitude est, et 30° 26’ de latitude nord ; sa base est à4 500 m d’altitude et son sommet s’élève à 6 714 m (22 027 pieds).Le mont Kailash est le site de pèlerinage le plus difficilementaccessible au monde. S. Batchelor, dans son Tibet Guide affirme :« Today, it is still very difficult to reach the region, and theobstacles that people meet in trying to get here are frequentlyattributed to the sacred power of the mountain itself, which allowsonly those with sufficient preparation to gain a glimpse of itsmagical presence. » (Batchelor, 1998, p. 269) En soi, ces difficultéssont inhérentes au processus de pérégrination ; comme lesoutiennent la majorité des traditions religieuses, plus le pèlerinageest ardu, plus celui-ci est méritoire. Simplement pour nous rendreau mont Kailash, quatre journées complètes (de dix à quinze heurespar jour) de jeep étaient nécessaires. Une fois au pied de lamontagne, quatre autres journées de marche étaient requises pouren effectuer la circumambulation. Ces difficultés étaient un atoutpour le projet, car nous étions d’avis qu’elle contribueraient à nouscatapulter hors de notre contexte universitaire et à transformer lescollègues que nous étions en complices.

En ce sens, le voyage de groupe peut ressembler au pèlerinagecollectif car la communauté a la possibilité de tisser de nouveauxliens hors de son contexte d’origine. Déjà au VIIe siècle, les moineschrétiens pratiquaient la xeniteia, le fait d’être constamment enroute afin d’échapper à la lourde contrainte des liens sociauxhabituels. L’individu devait cultiver le sentiment de n’être qu’un

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passant dans ce monde, un étranger exilé de sa terre d’origine. Unedes raisons derrière cette pratique, selon Victor Monod2, est que leretrait de son environnement peut permettre de développer unenouvelle perspective, un nouveau regard sur sa situation. Unchangement temporaire de milieu et d’habitudes permet souventune transformation ultérieure du style de vie de l’individu3. Àl’encontre de celle des moines irlandais, en revanche, notredémarche avait pour but d’établir de nouveaux liens, et non derompre les anciens. La « décontextualisation » peut ici jouer un rôleclé.

Dans ses cours de didactique des sciences, Gilles Thibert, l’undes participants au projet, utilise une théorie de métacognitionpremièrement pour déconstruire les paradigmes déjà en place chezses étudiants et, par la suite, pour en reconstruire de nouveaux. Ens’exilant temporairement de l’institution universitaire qui nous uniten tant que professeurs, et en plongeant dans un contexte différent,un nouveau paradigme relationnel, de nouveaux liens ne pouvaientqu’émerger. Régis Airault remarque que l’Inde (et par extensionl’Asie du Sud et le Tibet) est propice à l’émergence de phénomènesde déréalisation et/ou de dépersonnalisation qui mènent del’angoisse à l’extase4. Cette extase pourrait-elle être notamment liéeà l’habileté de faire émerger un nouveau paradigme et de pouvoir lemanipuler de façon pragmatique ?

De fait, le mal d’altitude sous ses multiples facettes, la fatigue,le camping et son absence de confort, les maux d’estomac ainsi quel’inexorable promiscuité à laquelle nous étions constammentassujettis nous ont vite fait oublier le personnage que nousentretenions. Rapidement, nous avons pris conscience qu’il nousserait presque impossible de survivre sans le groupe, sans notre

2 « Les Voyages, le déracinement de l’individu hors du milieu natal constituent-

ils un des éléments déterminants de la conversion religieuse ? » (MONOD, 1936,p. 385-399) Pour une discussion plus approfondie sur la pratique de xeniteiadans la tradition chrétienne, ainsi que son parallèle dans la tradition bouddhiquetheravada, voir BOISVERT (2000).

3 Ceci est également inhérent au phénomène du pèlerinage. À ce sujet, voirROUSSEL (1954), plus particulièrement p. 239-250. Arnold Van Gennep etVictor Turner soutiennent également la même opinion.

4 Voir AIRAULT (2000, p. 194). Il faut noter que les observations d’Airault sonttoutes tirées d’un contexte précis : le consulat de France à Bombay, où ledocteur Airault recevait, en tant que psychiatre, des ressortissants français endifficulté psychologique.

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guide tibétain et sans nos diligents sherpas népalais. En fait, sansces derniers, il aurait été périlleux de tenter de franchir le DrolmaLa, ce col de 5 600 m toujours couvert de neige lorsque nous yétions à la mi-juin. Ce groupe hétérogène auquel nous participions,ce contexte à la fois féérique et menaçant ont tous deux stimulél’émergence de nouveaux rapports. Bien que les exposés formelsdurant l’expédition aient été d’une grande richesse, lesconversations informelles (soit durant les innombrables heures dejeep, entre deux respirations lors de la circumambulation, ou toutsimplement le matin en tentant de se réchauffer les orteils et le boutdes doigts) furent, elles aussi, des plus enrichissantes.

Par ailleurs, le mont Kailash a été retenu comme destinationpuisqu’il est un endroit de pèlerinage reconnu par plusieurstraditions religieuses, diversifiant ainsi les possibilités de recherche.Tant pour le bouddhisme que pour l’hindouisme, pour le jaïnismeque pour le sikhisme, et même pour la tradition bön (traditionautochtone du Tibet), le mont Kailash est en effet perçu commeétant le centre du monde, l’axis mundi à partir duquel tout le restedu cosmos a émané. Ce simple fait le rend unique. Il est intéressantde noter, cependant, que la majorité des pèlerins que nous avonsinterrogés en Asie du Sud5 confirment implicitement le fait que peuimporte le lieu de pèlerinage, le site où ils effectuent ce pèlerinageest à leurs yeux le plus sacré de tous. S’ils se rendent à un autre sitel’année suivante, celui-ci obtient alors, à son tour, la mentiontemporaire de « site le plus important ». Nous pourrions expliquerceci, d’une part, par le besoin du pèlerin de légitimer, de donnersens à son périple — pourquoi donc se rendre à Kailash (ou à toutautre site) si celui-ci n’est pas la destination la plus propice pourremplir les objectifs fixés, pour légitimer et valider de profondescoyances ? D’autre part, nous pourrions reprendre la notiond’hénothéisme6 développée par Max Müller, et l’appliquer au

5 Ces données furent recueillies au cours de trois voyages, soit de janvier à avril

1998, de décembre 1999 à avril 2000, et de décembre 2000 à janvier 2001 ; lessites visités étaient Sabarimala (Kerala), Madurai (Tamil Nadou), SravanaBelagoda (Karnataka), Girnar (Gujarat), Bindyachal (Uttar Pradesh), Kamakhya(Guhawati, Assam), Bénarès et Allahabad (Prayag).

6 Selon Max Müller, l’hénothéisme est une forme de polythéisme où la divinitéimplorée est temporairement la plus importante, jusqu’à ce qu’une autre divinitésoit approchée et s’empare de sa position. Le panthéon hindou reflète donc une

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pèlerinage. Le pèlerinage hindou serait « hénospatial », carl’espace, le lieu de pèlerinage où le pèlerin se rend est toujours leplus sacré, le plus favorable, le plus propice à satisfaire ses attentes.Si le pèlerin effectuait un deuxième pèlerinage, mais à un autre site,l’importance attribuée à ce deuxième endroit surpasserait celleattribuée au premier, tout au moins lorsque le pèlerin se retrouvedans le limen, au cœur même de l’espace sacré.

Ceci dit, et indépendamment de cette hénospatialité duphénomène du pèlerinage, le mont Kailash demeure un endroitcentral, un point clé dans les mythologies et les hagiographieshindoues et bouddhistes. Dans la tradition hindoue, le mont Kailashest la montagne privilégiée par Shiva pour y pratiquer sonascétisme. Selon la mythologie hindoue, Shiva y pratiquait uneardente ascèse. Parvâti, désirant séduire Shiva, y expédia Kama, lecupidon hindou, avec la mission d’atteindre Shiva de l’une de sesflèches d’amour. Mais Shiva, exaspéré de se voir troublé dans saconcentration, réduisit Kama en cendres grâce au pouvoir de sontroisième œil. Mais comme Parvâti était résolue à atteindre sonobjectif, elle se rendit elle-même à Kailash, s’assit en positionyoguique et surpassa dans l’ascèse le maître du yoga lui-même,Shiva. Celui-ci reconnut donc les prouesses de Parvâti et, depuis,réside avec elle — comme épouse — sur cette montagne sacrée.Pour les hindous, un pèlerinage à Kailash n’est donc pas seulementun voyage au centre du monde, au cœur de la représentationgéographique traditionnelle (mandalique) de l’Inde (Bharata), maiségalement une visite en la demeure même de Shiva et Parvâti. Laroute menant à Kailash ainsi que la circumambulation de lamontagne permettent de développer le tapas, cette énergieascétique requise pour brûler les karmas. Lorsque suffisamment detapas est accumulé, que tous les karmas sont dissous, la libération(nirvana, moksa) est atteinte. Ainsi nous retrouvons dansl’hindouisme, tout comme dans le bouddhisme, un lien direct entrel’atteinte de la libération et la circumambulation (parikrama) dumont Kailash. Le Buddhavatamsakasutra, à titre d’exemple,affirme qu’un parikrama de ce grand palais purifie les karmasd’une vie ; dix parikrama successifs purifient les karmas d’un eon,alors qu’une centaine assurent la libération dès cette vie. Pour le

hiérarchie en constante mutation, selon la disposition du dévot. À ce sujet, voirMÜLLER (1976, p. 136-137 et 414-415).

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dévot, le pèlerinage à Kailash est avant tout sotériologique, il est unmoyen d’atteindre l’émancipation de la chaîne des renaissances.

Mais ce n’est pas seulement dans la tradition hindoue shivaïteque l’importance de Kailash est reconnue. La tradition vishnouïteattribue également une importance toute particulière à cettemontagne. L’épopée du Ramayana raconte l’exil de Rama, de sonépouse Sita et de son frère Laksmana. Au cours des douze annéespassées en forêt, la vertueuse Sita s’est fait enlever par le démonRavana, habitant le Sri Lanka. L’histoire raconte en détail commentles deux frères, aidés d’une armée de singes dirigée par Hanuman,parvinrent à délivrer Sita. Durant le combat, Laksmana futgravement blessé et le seul remède pouvant assurer sa guérison étaitune poudre brillante provenant de Kailash. De l’extrême sud del’Inde, Hanuman entreprit cette quête et se rendit au cœur del’Himalaya. En atteignant Kailash, il découvrit que toute lamontagne brillait. Ne sachant quelle portion de Kailash guériraitLaksmana, il saisit l’ensemble de la montagne, la transporta dans lesud de l’Inde, puis la rapporta à son site d’origine. Ainsi, grâce à laforce d’Hanuman et à la magie de Kailash, le frère de Rama futsauvé. Il est intéressant de noter que lorsqu’Hanuman transportaitKailash du nord au sud, une parcelle de la montagne tomba dans lavallée de Katmandou. Cet endroit est connu du nom deSwayambhunath, haut lieu de pèlerinage pour les bouddhistes ;ceux-ci reconnaissent également cette portion du Ramayana.

Tout comme les hindous, les bouddhistes tibétains sontconvaincus que le mont Kailash est la demeure de l’une de leursdivinités importantes, bDe mchong ‘khor lo, qui y réside enpermanence avec sa consœur Dorje Phangmo. bDe mchong‘khor lo revêt une peau de tigre et un collier de crânes humains ;dans une main, il tient un damaru, dans l’autre, un trident (khatam).L’iconographie tibétaine le représente souvent entrelacé avec DorjePhangmo. On ne peut s’empêcher d’établir un parallèle entre Shivaet bDe mchong ‘khor lo : le damaru et le trident sont en effet dessymboles associés à chacune de ces divinités ; la langoureuseétreinte de Dorje Phangmo et bDe mchong ‘khor lo rappelle cellede Shiva et de Parvâti ; la peau de tigre et le collier de crânesreprésentent un ascétisme tantrique rigoureux dont Shiva etbDe mchong ‘khor lo sont tous deux perçus, dans leur traditionrespective, comme les représentants.

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L’importance de Kailash dans la tradition tibétaine ne s’arrêtecependant pas au fait que la montagne soit la demeure d’unedivinité, aussi importante soit elle. Voyons ici ce qu’en dit le lettrécontemporain Chos dbying rdo rje, résident de Darchen (point dedépart de la circumambulation de Kailash) dans son guide depèlerinage au mont Kailash :

[Le mont Kailash] qui est décrit [...] dans les écrituresbouddhiques, les sutra et les tantra, est le véritable palais desbuddha, le site où se rassemblent les mères, les dakini et lesprotecteurs du territoire, le lieu où résident les sages divins. Ce Tise, Montagne Blanche Enneigée [Kailash], dont le nom estuniversellement connu, est fait de glace et a une forme semblable àcelle d’un stupa de cristal. Autrefois, le Buddha, dans sesprophéties, l’a désignée [sous le] nom de « Montagne Enneigée ».Cette montagne neigeuse semblable à un stupa de cristal est lepalais de bDe mchong ‘khor lo. Il est entouré, aux confins, par desmontagnes enneigées où résident de nombreux arhat. D’unemanière générale, les Buddha des Trois Temps s’y assemblent telsdes nuages [dans le ciel]. Les mères, les dakini, et les Protecteurss’y regroupent tels leurs serviteurs et, de même que des turquoisessont serties dans un anneau d’or, dans chaque grotte de ce lieu saintréside un ermite. Il y a toute sortes de choses merveilleuses à voir :images corporelles de divinités, empreintes de pied du Buddha etmarques de réalisations extraordinaires de Mi la ras pa et de Na robon chung : toutes sortes de signes miraculeux apparaissent. [...]Ce lieu saint excellent et extraordinaire, quelle joie ! En ce lieu onest heureux car les bénédictions des buddha et des bodhisattva desdix directions ont transmué toute affliction. Ici, à la frontière entrele samsara et le nirvana, aucune des perfections du monde ne faitdéfaut mais, quoiqu’elles s’y trouvent, elles sont trompeuses,comme une inconsistante fantasmagorie.7

Au XIe siècle, l’éminent saint Mi la ras pa aurait résidé onzeannées dans diverses grottes autour de Kailash ; ce grand sagebouddhiste occupe une place privilégiée dans l’hagiographietibétaine. Tout au long de la circumambulation de Kailash, lespèlerins tibétains se remémorent les hauts faits de l’hagiographie deMi la ras pa et visitent les endroits associés à celui-ci. C’est

7 Extrait d’un guide de pèlerinage au mont Kailash rédigé en 1990 par le lettré

Chos dbying rdo rje, résident de Darchen (point de départ de lacircumambulation de Kailash). Traduction de Katia BUFFETRILLE (2000, p. 45-47).

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pendant cette période qu’une grande compétition aurait pris placeentre Mi la ras pa et Naro Bönchung, grand maître de la traditionbönpo — religion autochtone du Tibet, qui aurait été présente avantmême l’arrivée du bouddhisme sur le territoire. Lequel de ces deuxhéros allait atteindre le premier le sommet enneigé de Kailash ?Nous pouvions nous douter que la tradition bouddhique allaitdéclarer Mi la ras pa vainqueur. Cependant, celui-ci aurait permisaux adeptes bönpo de maintenir leur tradition de circumambulation(kora en tibétain) de Kailash, mais dans le sens opposé à celui desbouddhistes. Ainsi, à l’heure actuelle, alors que les bouddhistes etles hindous circumambulent dans le sens des aiguilles d’unemontre, les bönpos le font dans le sens inverse. Tout au long de leurpérégrination, les pèlerins s’arrêtent aux sites « historiques » pourse commémorer les hauts faits des personnages clés de leurtradition, tel Mi la ras pa. Dans les articles « Men in Black :Journey to the Ayyappa Country » et « La Cérémonie birmane dushin pyu et ses ramifications sociales », je suggère justement que lepèlerinage permet une « re-mise en scène » du mythe, uneappropriation du récit traditionnel. Kailash n’échappe pas à cettedynamique.

Dans la tradition bouddhique theravada (Sri Lanka, Thaïlande,Myanmar, Cambodge) dont les textes oraux canoniques ont étérédigés vers le Ier siècle avant l’ère commune, nous retrouvons peude références au mont Kailash. En fait, dans l’ensemble du canon(plus de 85 volumes), on ne trouve que six références, provenanttoutes des Jataka, et où Kailash n’est utilisé qu’à titre comparatif8.Cependant, la littérature exégétique palie, dont la première partiefut rédigée vers le Ve siècle, toujours au Sri Lanka, regorge deréférences sur Kailash. Serait-ce qu’à ce moment l’importancevouée à cette montagne mythique dans l’imaginaire indien, etvéhiculée par le Mahabharata et le Ramayana, aurait rejoint le SriLanka, et que les exégètes palis auraient cru bon d’insérer dansleurs commentaires l’importante référence géographique quedevenait Kailash en Asie du Sud ? L’un des principaux exégètes dela tradition est Buddhaghosa, moine indien vivant au Sri Lanka auVe siècle, qui traduisit plusieurs commentaires cinghalais en pali, et

8 Kelasasadisam (tel Kailash), Kelasakatasadisam (tel le sommet de Kailash), etc.

(J. I, 321 ; V, 39, 52, 53 ; VI, 490, 515). Cette recherche informatique tientcompte de toutes les déclinaisons possibles du nom « kailash ».

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composa lui-même de nombreux textes exégétiques. Dans l’une deses œuvres (Udana-atthakatha), il précise que le lac du nomd’Anotatta (l’équivalent pali pour Manasarovar) est entouré par lesommet de Kailash et d’autres chaînes himalayennes. Il affirme queles buddha, les paccekabuddha (buddha qui ne peuvent enseigner),les iddhimanto (personnes de pouvoir), les savaka (disciples), lesisi (sanscrit rsi : sages védiques ayant reçu les veda) s’y baignent ;les deva et les yakkha s’y adonnent à des jeux aquatiques9, et de celac coulent quatre fleuves : le Sihamukha (Bouche du lion), leHatthimukha (Bouche de l’éléphant), l’Assamukha (Bouche ducheval) et l’Usabhamukha (Bouche du taureau), coulantrespectivement vers le nord, l’ouest, l’est et le sud10. Un autreparallèle peut être établi, mais cette fois avec un texte tibétain, leKailas Purana, qui nomme également quatre fleuves émergeant deManasarovar. Dans le tableau ci-dessous, on peut constater quetrois des noms sont identiques, mais que ces cours d’eau nesemblent pas couler vers la même direction ; seule la traditiontibétaine indique l’orientation exacte du courant des fleuves.

Les quatre fleuves émanant de Kailash

N.B. Le tableau suivant indique : le nom indien contemporain —le nom tibétain (et sa traduction) — (la traduction du nom selonBuddhaghosa) (le nom pali du fleuve) / la direction du courantattribuée au fleuve — SON ORIENTATION RÉELLE

Sutlej ou Shatadru — Langchen Khambab (« Fleuve sortant de labouche d’un éléphant ») — (« Fleuve [provenant] de la bouche d’unéléphant ») (Hatthimukha) / sud — OUEST

Karnali — Mapcha Khambab (« Fleuve sortant de la bouche d’unpaon ») — (« Fleuve [provenant] de la bouche d’un taureau »)(Usabhamukha) / nord — SUD

9 Udana-atthakatha, Sonavaggo (5).10 S. Batchelor voit également une marque particulière à l’émergence de ces quatre

fleuves au pied de Kailash : « Mount Kailash is remarkable in that four of thelargest rivers of Asia have their sources within 100 km (62 miles) of it : theIndus flowing to the north, the Brahmaputra to the east, the Stulej to the west,and the Karnali (leading to the Ganges) to the south. » (BATCHELOR, 1998,p. 269)

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Brahmapoutre — Tamchok Khambab (« Fleuve sortant de labouche d’un cheval ») — (« Fleuve [provenant] de la bouche d’uncheval ») (Assamukha) / ouest — EST

Indus ou Sindhu — Senge Khambab (« Fleuve sortant de la bouched’un lion ») — (« Fleuve [provenant] de la bouche d’un lion »)(Sihamukha) / est — NORD

Il est fort probable que les six références canoniques palies aumont Kailash que nous ayons trouvées aient été ajoutéestardivement par une tradition soucieuse d’insérer certaines allusions(sous formes de comparaisons, essentiellement) au centregéographique que Kailash était venu à représenter. Maisl’abondance de références dans la littérature canonique et les détailsde chacune de celles-ci viennent souligner l’importanceconsidérable que le mont Kailash vint à obtenir dans l’imaginairebouddhique theravada du Ve siècle ; notons également l’étenduegéographique de cette influence : de l’Inde du nord jusqu’àBuddhaghosa, à Sri Lanka.

Comme nous l’avons mentionné déjà, Kailash fait égalementpartie de l’imaginaire collectif des traditions religieuses indiennes.Nous avons présenté des exemples concrets pour les traditionshindoue et bouddhique, mais cette montagne joue également unrôle important dans le construit religieux sikh et jaïn. La traditionsikh soutient que son fondateur, Guru Nanak, se serait rendu aumont Kailash lors de son expérience mystique. La tradition jaïn,quant à elle, soutient que le premier tirthankara, Adinath, auraitatteint le nirvana au sommet même de Kailash (prakrit : Astapada).Le terme tirthankara signifie « passeur de gué », celui qui établitune passerelle permettant de passer d’une rive à l’autre, du samsaraau nirvana. Que le jaïnisme situe l’expérience d’éveil de sonpremier tirthankara au mont Kailash semble révélateur ; de par sonexpérience d’éveil, Adinath ne transforme-t-il pas symboliquementle mont Kailash en tirtha, en lieu de passage et de pouvoir, en lieude pèlerinage ?

Les pèlerins bouddhistes, jaïn et sikh se perçoivent tous commedes tirthayatrika, des voyageurs vers un tirtha. Kailash, commetous les tirtha, a des périodes plus favorables pour un pèlerinage,celles-ci étant déterminées par les périodes d’accessibilité du tirtha,ainsi que par l’astronomie indienne ou tibétaine. Selon cette

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dernière, le moment le plus favorable pour un tel pèlerinage est lequatorzième jour du quatrième mois tibétain (le sa ga zla ba) ,moment où Siddhartha Gautama serait né, aurait atteint le nirvana,et serait mort. Notre circumambulation du mont Kailash eut lieu enplein cœur de cette période. C’était l’occasion rêvée d’observer deprès bon nombre de pèlerins, tant tibétains qu’hindous, et de nousquestionner sur la notion de pèlerinage. En quoi notrecircumambulation différait-elle de celle accomplie par les pèlerins ?Où donc se situe la frontière entre pèlerinage et tourisme ? Ce typede réflexions a nourri nos discussions tout au long de notre voyage.Nos observations personnelles indiquent que le pèlerinage joue unrôle important dans la formation de l’identité de l’individu. Lepèlerinage qui peut être accompli à plusieurs reprises constitue unepériode bien précise dans la vie de l’individu. Celui-ci est assujettià une stricte préparation morale et rituelle avant d’entreprendre lepériple. Puis, le pèlerinage lui-même, qui peut durer de deux jours àdeux semaines, selon la provenance et le temps disponible despèlerins, permet une expérience au sein d’un groupe, totalementdifférente de celle de la vie quotidienne. Les pèlerins ayant déjàeffectué le trajet s’assurent de transmettre le sens du pèlerinage (lesmythes, l’hagiographie de Kailash). Ainsi, le dévot ayant effectuéle pèlerinage à Kailash dans sa jeunesse avec sa famille immédiateprend conscience de l’importance trans-générationnelle des idéauxmoraux inhérents au pèlerinage. Le fait d’accomplir ce mêmepèlerinage à l’adolescence ou au début de l’âge adulte, mais cettefois avec un groupe de pairs (amis, frères, cousins), vient égalementaccroître la nécessité de se rapprocher de ces idéaux. Nonseulement ceux-ci sont mis de l’avant par les générationsantérieures, mais également par leur propre génération. Puis, à l’âgeadulte, le pèlerin ayant accompli le périple nombre de fois viendragraduellement à assumer un rôle clé, rôle de celui qui est chargé detransmettre le sens et les valeurs associés au pèlerinage à Kailash.Ainsi, la tradition est préservée et l’individu est intégré en tant queparticipant actif au sein de cette activité qui vient regénérer le sensindividuel et collectif.

Notre voyage au mont Kailash nous a peut-être permis derégénérer ou de remodeler notre sens individuel et collectif, maissûrement d’une manière fort différente de celle d’un pèlerin hindouou bouddhiste. Comment pourrait-il en être autrement puisqueKailash n’est pas un référent fondamental pour les Occidentaux ?

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Les articles présentés dans ce numéro de Religiologiquesproviennent des professeurs ayant participé au projet Tibet 2000.Ce regroupement d’articles constitue le partage d’une expérienceintellectuelle unique en son genre, que nous avons vécue à 5 000 md’altitude. Pour Religiologiques, ceci est une innovation, car lagrande majorité des collaborateurs proviennent de disciplinessouvent fort éloignées des sciences des religions ; ceux-ci sepermettent humblement de jeter un regard différent sur lepèlerinage ou, alors, sur un aspect de la religion ou de la culturetibétaine.

Une première série d’articles pourrait former une catégorie« récits de voyage ». Le texte rédigé par notre guide, MarcelPOULIN, décrit les préparatifs inhérents à un tel périple ainsi quel’itinéraire de celui-ci. Puis vient le texte d’Isabelle LE H U U

(histoire) qui analyse les récits de quatre femmes de la fin du XIXe

siècle qui se rendirent au Tibet (Isabella Bird Bishop, AlexandraDavid-Néel, Annie R. Taylor et Susie Carson Rijnhart). Isabelleintroduit donc ainsi les réflexions subséquentes de quatre desmembres de notre équipe sur cette expédition aux frontières dupèlerinage, de l’aventure et du tourisme. Ainsi, André CARPENTIER

(études littéraires) et Jacques PIERRE (sciences religieuses)présentent leur propre récit du voyage. Michelle ALLEN

(scénariste), pour sa part, nous offre le scénario qui sert de trame audocumentaire Kailash, la route du ciel, réalisé par Marcel Poulin.Hélène MASSON (neurologue à l’Hôpital Notre-Dame) partageégalement sa vision de l’expérience vers Kailash, mais sous laforme de lettre à son frère défunt.

La seconde catégorie d’articles regroupe des textes sur unethématique plus précise. Bertrand GERVAIS (études littéraires)aborde le Bardo Thödol, ce « livre des morts tibétain » qui a jouéun rôle clé dans l’appropriation du bouddhisme par l’Occident. Cetarticle permet premièrement au lecteur de situer le Bardo Thödoldans son contexte. Bertrand en vient ensuite à montrer le clivageentre les visions occidentale et indo-tibétaine de la fin : alors qu’enOccident la mort monopolise l’imaginaire de la fin, les philosophiesindiennes et tibétaines la perçoivent comme simple « lieu detransition ». Ceci dit, l’auteur vient à établir les balises pour unimaginaire de la fin dans un contexte bouddhique ou, tout au moins,dans celui du Bardo Thödol. De son côté, Jean-Philippe UZEL

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Mathieu Boisvert

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(histoire de l’art) observe comment certaines catégoriesbouddhiques, plus particulièrement celle de l’éphémérité (pali :anicca), peuvent transformer la conception et la perception del’œuvre d’art. Helga RUDOLF (études allemandes, CollègeMarianopolis), quant à elle, approfondit sa passion pour les fableset les contes en analysant les Ja taka , ce genre littérairehagiographique et canonique de la tradition bouddhique theravadarenfermant les histoires des vies antérieures de SiddharthaGautama. Le texte de Helga se concentre principalement sur laréception de ces textes en Allemagne au tout début du XXe siècle ;elle observe également une fonction particulière de l’imageféminine au sein des Jataka. Philippe GABRINI (informatique) tentede regrouper les caractéristiques fondamentales du pèlerinage afinde pouvoir les utiliser pour la construction d’un modèle expert eninformatique. Finalement, Gilles THIBERT (sciences de l’éducation)nous explique qu’un parallèle peut être établi entre lamétacognition, en tant que prise de conscience du processusd’apprentissage, et la technique de méditation vipassana, de latradition theravada.

Comme responsable de ce projet, j’aimerais conclure enremerciant sincèrement le directeur de Religiologiques, GuyMénard. Alors que le projet était encore dans sa genèse, il nousproposa cette avenue pour la publication des articles ; cette offre asu nous encourager, nous stimuler dans nos efforts pour mener ceprojet à terme.

Ouvrages cités

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Présentation

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