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2014 04 07 must mémoire transition vers le cloud du business model des editeurs de logiciels...
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1
EXECUTIVE EDUCATION
EXECUTIVE MASTERE
Participant : Gilles d’Arpa
Tuteur : Michel Barth
Executive Mastère
Management d’une Unité Stratégique
2014
Pourquoi et comment pour les
éditeurs de logiciels français faire
évoluer leur business model
traditionnel grâce au cloud
computing ?
Confidentiel
Non confidentiel & consultable
2
Sommaire
Table des matières
1) LE CLOUD COMPUTING VECTEUR D’AVANTAGE CONCURRENTIEL ET DE CREATION DE VALEUR ............ 9
1.1 LE CLOUD COMPUTING UNE SOLUTION INDUSTRIELLE ET FLEXIBLE POUR LE CLIENT 9
1.1.1 LES DIMENSIONS DU CLOUD COMPUTING : UNE INFORMATIQUE INDUSTRIELLE ET FLEXIBLE ..................................... 9
1.1.2 UNE REVOLUTION POUR LES DSI ET LES METIERS DES CLIENTS ............................................................................. 17
1.1.3 DES FREINS ENCORE PRESENTS A L’ADOPTION DU CLOUD COMPUTING PAR LES ENTREPRISES ..................................... 20
1.1.4 MAIS UNE REVOLUTION EN PHASE D’ADOPTION DU FAIT DE NOUVEAUX USAGES .................................................. 23
1.2 LE CLOUD COMPUTING UNE EVOLUTION MAJEURE POUR LES EDITEURS DE LOGICIELS EN FRANCE 27
1.2.1 UNE NOUVELLE PROPOSITION DE VALEUR BASEE SUR LA FLEXIBILITE ET LE COUT A L’USAGE ....................................... 27
1.2.2 UN AVANTAGE CONCURRENTIEL ..................................................................................................................... 28
1.2.3 UN LEVIER DE CROISSANCE ............................................................................................................................ 29
2 LES BUSINESS MODEL TRADITIONNEL DES EDITEURS DOIVENT EVOLUER VERS UN BUSINESS MODEL
CLOUD ................................................................................................................................................. 33
2.1 LE ROLE DOMINANT DES EDITEURS LOGICIELS DANS L'UNIVERS INFORMATIQUE MALGRE UN POIDS EN CHIFFRE D’AFFAIRE
RELATIF 33
2.1.1 UN MARCHE DES EDITEURS TRES DIVERS, AVEC UNE TAILLE INSUFFISANTE DES ACTEURS ET UN BUSINESS MODEL
LARGEMENT DOMINE PAR LA VENTE DE LICENCES. ...................................................................................................... 33
2.1.2 LA CHAINE DE VALEUR DANS LE MONDE INFORMATIQUE BOUSCULEE PAR L’ARRIVEE DU CLOUD COMPUTING .......... 38
2.3 L’ANALYSE DES DIFFERENTS BUSINESS MODELS DES EDITEURS 43
2.3.1 LE BUSINESS MODEL DES EDITEURS PROPRIETAIRES UN MODELE SOUVENT MENACE ................................................. 43
2.3.2 LE BUSINESS MODEL DES EDITEURS COMMERCIAL OPEN SOURCE, UNE PROPOSITION DE VALEUR EN DANGER. ........... 47
2.3.3 LE NOUVEAU BUSINESS MODEL DES EDITEURS EN SERVICES OPERES ................................................................... 50
3) UN CHANGEMENT DE BUSINESS MODEL QUI N’EST PAS FORCEMENT ADAPTE A TOUS LES EDITEURS ET
QUI AFFECTE L’ENTREPRISE A TOUS LES NIVEAUX ................................................................................. 54
3.1 UNE PROPOSITION DE VALEUR QUI CHANGE RADICALEMENT 55
3.1.1 UNE NOUVELLE PROPOSITION DE VALEUR ........................................................................................................ 55
3.1.2 UN MODELE DE PRIX QUI DOIT ETRE ADAPTE A CHAQUE CAS MAIS QUI RESPECTE QUELQUES REGLES COMMUNES POUR LE
PAAS ET LE SAAS. ................................................................................................................................................. 59
3.1.4 RELATIONS AVEC LE CLIENT ............................................................................................................................ 65
3.1.5 LES CANAUX D’ACCES AUX CLIENTS FINAUX SE DIVERSIFIENT ET L’APPROCHE VIS-A-VIS DE CEUX-CI CHANGE ................ 70
3.2 ARCHITECTURE DE VALEUR 76
3.2.1 UN IMPACT IMPORTANT SUR LA RECHERCHE ET DEVELOPPEMENT, LE CONSULTING ET DANS UNE MOINDRE MESURE LE
MARKETING. ........................................................................................................................................................ 76
3.2.2 DES PARTENARIATS CLES IMPORTANTS ............................................................................................................ 86
3
UN PARTENARIAT D’UN NOUVEAU GENRE AVEC L’OPEN SOURCE. ................................................................................. 86
3.2.3 LA MISE EN PLACE DE NOUVEAUX INDICATEURS ................................................................................................. 88
3.3 EQUATION DE PROFIT 93
3.3.1 UN EXEMPLE REUSSI DE PASSAGE AU CLOUD : EASYVISTA ........................................................................... 93
3.3.2 UNE EXTRAPOLATION A UN MODELE GENERIQUE D’EDITEUR PAAS OU SAAS ............................................. 97
3.4 UNE GESTION DU CHANGEMENT FONDAMENTALE A LA REUSSITE DE CETTE TRANSFORMATION 101
TABLE DES ILLUSTRATIONS .................................................................................................................. 112
INTERVIEWS REALISEES ....................................................................................................................... 114
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................................... 116
ANNEXES ............................................................................................................................................ 119
3.2.4 CHANGE MANAGEMENT 119
4
Remerciements
Ces deux années passées à suivre les cours du mastère Management d’Unité Stratégique ont été
particulièrement enrichissantes, les enseignements dispensés complètent et consolident la pratique au
quotidien. Je souhaite donc remercier l’ensemble des professeurs et en particulier Jacques Belly, directeur
du mastère, pour les connaissances acquises.
Ce mémoire constitue le point de convergence de toutes ces connaissances appliquées à un thème, je
souhaite donc remercier :
Michel Barth mon tuteur qui m’a éclairé sur les spécificités des mémoires à HEC et qui m’a
challengé,
Sabrina Djefal qui m’a aidé lors de plusieurs dîners sur la construction du plan.
Je souhaite aussi souligner l’aide apportée par Rody Jackson et Christine Amory qui sont deux
« participants» du Mastère avec qui nous avons beaucoup échangé, prouvant en cela que le travail en
réseau est toujours plus efficace que le travail en solitaire.
Par ailleurs, je remercie les différents professionnels qui m’ont accordé leur temps pour répondre à mes
questions à savoir :
Cymbeline Chaplin, Directrice ebusiness de Cegid,
Pascal Colin, PDG de Keynectics,
Gildas Leroy, VP EMEA d’Easyvista,
Philippe Honigman, PDG de Socialfinders,
Jerome Brun, VP cloud Atos,
Boris Auche, VP Head of sales enablement au sein de Bull, précédemment en charge de la stratégie
de Bull Integration System,
Arnaud Hess, en charge de l’offre cloud infrastructure au sein de Steria,
Pierre Seguret, PDG de BCS technologies
et trois autres personnes qui ont souhaité garder l’anonymat : deux au sein de Microsoft avec qui
nous avons parlé des pricing model traditionnels et du cloud computing et la dernière personne
chez ACE management avec qui nous avons échangé sur les valorisations des éditeurs.
Je souhaitais aussi remercier mes 3 relecteurs Olivier Arous, directeur business developpement de
BeeWare, Etienne Coulon, PDG de Pointgreen et Thierry Rouquet directeur non exécutif d’Arkoon et
administrateur de l’AFDEL
Enfin tout ceci n’aurait pas été possible sans le soutien de mon épouse Isabelle pendant ces deux années.
Elle a notamment été une efficace et habile relectrice du mémoire.
5
Synopsis
Le monde informatique connait avec le cloud computing, ou informatique dans les nuages, sa quatrième
révolution depuis le début de son existence. Pas une semaine ne passe sans que la presse écrite n’y fasse
allusion. On peut ainsi y relever quelques faits d’importance : le cloud est l’un des 34 plans de reconquête
industrielle lancés par l’Etat français en septembre 20131 et en février 2014, Sataya Nadella, vice-président
de Microsoft en charge des activités cloud et entreprise devient le nouveau directeur général de Microsoft.
Le cloud computing permet de proposer des offres où le service est rendu par un opérateur qui en assure
la production. Il se distingue des hébergeurs de solutions informatiques par le paiement, qui se fait à la
consommation. Les ressources sont mutualisées et fournies à la demande et le service est accessible par
tous types de terminaux (ordinateurs, tablette, smartphone ...).
Le cloud peut être déployé soit en mode privé, privatif, mutualisé, communautaire ou hybride un mélange
des 3 premiers modes. Il concerne toutes les couches de l’informatique. Il peut être proposé à la fois pour
les infrastructures (IaaS), les logiciels pour fabriquer les applications (PaaS) et les solutions (SaaS)
Le cloud computing est une révolution pour les directions des systèmes d’information (DSI), qui ne sont
désormais plus les seules à pouvoir fournir les applications aux directions métiers. Des offreurs externes
sont maintenant en mesure de le faire à des coûts souvent moindres sur des applications transverses, voire
sur des applications métiers et plus rapidement que la DSI. Ces solutions cloud sont prisées par les
directions métiers car elles leur apportent une rapidité de mise en œuvre avec un coût maitrisé. La DSI va
devoir s’adapter et devenir une architecte du système d’information qui sera à la fois interne et externe.
Ce mémoire se fixe 3 objectifs :
Analyser si les éditeurs de logiciels traditionnels doivent changer leur business model traditionnel à
base de licences ou de souscription vers un modèle d’affaire à base de services opérés.
Déterminer en quoi, le passage au cloud est un vecteur d’avantage compétitif et aussi un levier de
croissance.
Proposer des recommandations aux éditeurs sur la manière de faire cette transition le plus
efficacement possible. Ces recommandations sont issues de l’expérience de ceux qui ont déjà mené
cette évolution tout en prenant en compte les apports académiques à travers les enseignements
dispensés à HEC.
Contrairement à ce que l’on peut penser, l’ensemble des éditeurs n’ont pas forcément intérêt à aller vers
cette révolution. Si la société œuvre sur des marchés de souveraineté (type sécurité) ou si la société
propose des applications nécessitant une très forte interconnexion avec le système d’information du client
ou nécessitant des échanges temps réels très importants, alors le passage au cloud n’a pas d’intérêt ou
n’est pas faisable en l’état actuel des débits des réseaux informatiques sur internet. Cela représente entre
30 et 40% du chiffre d’affaires du secteur de l’édition logicielle.
Pour les éditeurs pouvant ou devant mener cette transition, celle-ci se révèlera un véritable avantage
concurrentiel si les éditeurs sont en mesure de la réaliser avant leurs compétiteurs. En effet, l’avantage
1 http://www.gouvernement.fr/gouvernement/34-plans-de-reconquete-pour-dessiner-la-france-industrielle-de-
demain : pour le détail des plans
6
concurrentiel n’est plus comme par le passé une rente qui se conserve mais un avantage temporaire qui
sera remplacé par un autre dans un laps de temps variable. Il y a clairement dans le monde du logiciel une
prime aux pionniers. Par contrecoup, cet avantage concurrentiel sera un levier de prise de parts de marché
donc de croissance. Le cloud permettra d’adresser de nouvelles cibles : les très petites entreprises (TPE),
les petites et moyennes entreprises (PME) et les directions métiers. Cela nécessitera une adaptation des
modes de distribution indirects et une approche des clients tournée vers la vente de solutions.
D’un point de vue financier, deux points sont essentiels lors du passage au cloud :
la durée d’engagement entre le client et l’éditeur.
le mode de perception des revenus : mensuel ou annuel, à terme échu ou à terme à échoir
Ainsi, si les contrats sont signés pour une période de 3 ans, cela assure un backlog2 de services de plus en
plus important au fil du temps. Ce backlog peut représenter au bout de 5 ans plus de 100% du chiffre
d’affaires annuel lorsque l’on part sur une durée de 3 ans d’engagement. Une telle visibilité sur les revenus
de la société, lui assure une stabilité importante. On peut penser que ce mode d’engagement est difficile à
mettre en œuvre. Cependant, parmi les sociétés interrogées une part importante d’entre elles parviennent
à l’applique avec succès.
Il est crucial en terme de trésorerie pour l’entreprise de réfléchir à la façon dont les revenus sont
encaissés. Si ceux-ci le sont au fur et à mesure comme le veut la logique cloud, alors les besoins en
trésorerie de la société seront importants. A l’inverse, si la société encaisse immédiatement un an
d’abonnement, son besoin en fond de roulement d’exploitation va devenir négatif. Ce mouvement sera
d’autant plus important que la société réalisera le mouvement vers le cloud très rapidement.
Il y a un dernier point financier à prendre en compte. Le passage au cloud entraine une baisse du chiffre
d’affaires et ce même avec une stabilité voire une hausse contenue des coûts. Cela entraine des pertes pour
l’entreprise. Ces pertes sont liées à la rapidité de passage au cloud. Plus la société réalise cette mutation
rapidement plus les pertes d’exploitation sont importantes. Cependant, cela ne signifie pas que la société
soit en danger du point de vue de son existence puisque sa trésorerie est de plus en plus élevée. Il y a
toutefois un risque. Si les pertes d’une année amènent l’éditeur à constater que le montant des capitaux
propres de la société est devenu inférieur à la moitié de son capital social, cela signifie alors que les
actionnaires devront recapitaliser. Or les rentabilités attendues par les sociétés en capital risque sont pour
les entreprises de hautes technologies de 30 à 40% en moyenne par an. Cela signifie que la société devra
faire une augmentation de capital au moment où son chiffre d’affaires baisse et où elle accuse des pertes.
Concrètement le pire moment en terme de valorisation.
Contrairement à une idée répandue, le passage au cloud n’entraine pas une importante hausse des coûts de
structures. Il implique surtout une adaptation de la R&D et la création d’un service en charge de la
production des services opérés. Le passage au cloud entraine également un changement de mentalité pour
les services back office où l’on passe d’une obligation de moyens à une obligation de résultats. Les forces
commerciales pour leur part auront à s’adapter pour aller vers la vente de solution. Le consulting est peu
affecté par la transition. Le marketing devra fournir des argumentaires tournés vers le coût total de
possession et le retour sur investissement. Il peut toutefois acquérir une dimension bien plus importante,
s’il aide la société à mieux cibler les marchés à adresser et s’il formalise une approche métier pertinente de
ces marchés. Le marketing est souvent le seul poste à voir ses moyens augmenter lors de la transition vers
le cloud.
2 Un backlog de service est la valeur des services commandés mais non encore réalisés et non facturés.
7
La réussite d’un tel projet de mutation est avant tout une aventure humaine. Comme tout changement, cela
suppose un engagement dans la durée du management. En moyenne pour les personnes interrogées cette
mutation dure deux ans. La gestion du changement est souvent réduite aux plans de communication et de
formation. Il est important, de ne pas négliger la conduite du changement en formalisant les différentes
étapes (cadrage, impacts, plan d’accompagnement, plan de formation, plan de communication et
indicateurs). Le niveau de formalisation sera plus ou moins important fonction des moyens de la société.
Cette étape est toutefois essentielle, car c’est la clé de l’échec ou de la réussite de la transition.
In fine, l’objectif du chef d’entreprise à travers le passage au cloud est de permettre à la société d’avoir un
avantage concurrentiel, qui entrainera un développement important du chiffre d’affaires, la récurrence des
revenus et à terme une meilleure rentabilité.
L’informatique a connu à ce jour quatre révolutions en 50 ans. Cette quatrième révolution est en route
depuis le début des années 2000. Nul doute que la cinquième arrivera d’ici quelques années. Une nouvelle
fois les éditeurs devront se réinventer pour conserver leur avantage concurrentiel afin de se développer.
Ce mémoire vise modestement à donner quelques clés pour faciliter le passage du modèle d’affaires actuel
au modèle d’affaires à base de cloud computing.
8
Introduction
" C’est de la stupidité, c’est pire que de la stupidité, c’est une campagne marketing »3 disait Richard
Stallmann fondateur de la free software foundation (une des deux associations majeures du monde Open
source) dans un article du Guardian en septembre 2008 à propos du cloud computing ou informatique dans
les nuages. Force est de constater que cette prédiction s’avère erronée.
Aujourd’hui le cloud computing représente d’ors et déjà 1,8 milliard d’euros soit 2,6%4 des dépenses
informatiques en France. La croissance de ce segment de marché représente 38% en 2013 et va
probablement croitre de 30% dans les 2 années à venir pour représenter 4,5% des dépenses informatiques
en France en 2015. Pour bien comprendre l’enjeu il faut savoir que la dépense informatique française est en
croissance de 1% au mieux et le marché des éditeurs de logiciels en croissance de 3% à 4% par an entre
2012 et 20145.
L’objet de ce mémoire consiste à étudier si un éditeur de logiciels en France devrait passer d’un business
model traditionnel à un business model à base de services opérés. Dans l’affirmative quelles sont les
meilleures pratiques pour le faire.
Le mémoire a été centré sur le secteur des éditeurs de logiciels en France qui représente 4 000 sociétés
(dont 2000 de plus de 1 salarié), 8 milliards d’euros de chiffre d’affaires et environ 50 000 emplois au global.
Il s’agit là d’un secteur modeste en taille (0,32 % du produit intérieur brut) mais stratégique en terme de
souveraineté, vecteur d’innovation et central dans le domaine de l’informatique.
Par ailleurs, le périmètre de cette étude est focalisé sur les éditeurs en relation business to business (le
client est une organisation et non un particulier). Ce segment représente 97,1 % du marché des éditeurs
de logiciels6.
Les sources d’informations sont nombreuses sur ce qu’est le cloud computing. Les intérêts et les freins
pour les clients sont largement étudiés. De même, on trouve quelques études et ouvrages sur l’intérêt
pour les éditeurs de passer au cloud. Si l’on se place au niveau de la France, il n’existe que l’étude
approfondie de l’AFDEL de février 2013 qui traite de l’intérêt pour un éditeur de passer à un business
model utilisant le cloud computing. Par contre il n’existe aucune étude, si l’on se pose la question du
pourquoi y aller et le comment le faire.
Ce mémoire a donc modestement pour but de déterminer sous quelles conditions un éditeur a intérêt à
aller ou pas vers le cloud computing dans le cadre de son business model.
Dans le cas où la réponse à cette interrogation serait positive, l’idée consiste à prendre les 3 éléments
principaux d’un business model à savoir : la proposition de valeur, l’architecture de valeur, l’équation de
profit eux même subdivisés en 10 axes d’analyse au total avec en plus la gestion du changement comme
dimension supplémentaire transverse.
On étudiera alors ces éléments pour en dégager les meilleures pratiques issues des différentes expériences
de passage au cloud computing des éditeurs français afin d’émettre des recommandations qui vont
s’abstraire au maximum des cas particuliers.
3 it s stupidity , it s worse than stupidity it’s a marketing hype campaign « Richard Stallmann
4 Etude Xerfi 2013/07 « l’édition de logiciels en France » et Etude AFDEL « étude des spécificités du marché du SaaS
en France » 2013/04 P35 5 Etude Xerfi 2013/07
6 Etude Xerfi 2013/07 p50
9
1) Le cloud computing vecteur d’avantage concurrentiel et de création de
valeur
1.1 Le cloud computing une solution industrielle et flexible pour le client
1.1.1 Les dimensions du cloud computing : une informatique industrielle et flexible
L’évolution de l’informatique des années 70 à nos jours vise successivement à accroitre la productivité, à
baisser les coûts des systèmes d’information puis à participer à conserver l’avantage concurrentiel des
sociétés.
Pour comprendre les intérêts du cloud computing ou informatique dans les nuages il faut comprendre les
différentes évolutions qui ont ponctué l’histoire de l’informatique. L’objectif de ces évolutions est
l’amélioration de la productivité ou l’établissement/conservation des avantages concurrentiels.
Il y a 4 phases dans l’évolution de l’informatique de sa naissance dans les années 60 à nos jours, chacune
porteuse d’une proposition de valeur.
La première vague, celle des années 1960 /1970, correspond à l’arrivée des mainframes. Des ordinateurs
centralisent les données, les traitements, et dont l’affichage se fait sur des terminaux passifs en mode
caractère. L’avantage est simple : automatiser des tâches auparavant manuelles dans un but
d’accroissement de la productivité.
La seconde vague arrive dans les années 1980/1990 : celle du client serveur. L’organisation de l’information
entre données, traitement et affichage est la même. Cependant on peut avoir un affichage en mode
graphique sur le poste client donc des applications plus ergonomiques. L’objectif est toujours le même,
accroitre la productivité des employés dans une économie de plus en plus marquée par le poids du secteur
tertiaire (70% des actifs).
La troisième vague est celle de l’architecture à base de services web ou plus techniquement appelée SOA
(Services Oriented Architecture). Cette troisième vague est liée au développement des réseaux dans les
entreprises dans les années 80 et à partir de 1990 lié au développement de l’internet. La promesse est la
suivante : assurer une interopérabilité ouverte entre les applications. Le but est de développer un service
applicatif (un programme) qui réalise une tâche, elle-même à la disposition d’autres programmes qui vont
utiliser ce service. La proposition de valeur est simple : permettre d’optimiser les développements en ne
refaisant pas ce qui a déjà été développé pour une autre application. Cela permet donc une
industrialisation des développements et surtout une réutilisabilité de composants logiciels déjà développés.
On assiste là à un mouvement d’industrialisation des systèmes d’information mais pas à une augmentation
de la productivité des employés. On est dans une logique de baisse des coûts qui débute avec les deux
crises économiques de 1973 et 1979 et qui s’est in fine propagée à l’informatique.
La quatrième vague des années 2000 débute dans un contexte de poursuite des baisses de coûts et non de
hausse de la productivité des utilisateurs et ce via une industrialisation des pratiques des directions des
systèmes d’information (DSI). A ce mouvement, s’ajoute un mouvement global d’accélération de
l’innovation et de plus grande flexibilité des business models afin de conserver l’avantage concurrentiel
des sociétés. Cette nouvelle évolution est caractérisée techniquement par l’extension du modèle de
10
composants logiciels réutilisables aux applications qui deviennent réutilisables et outsourçables.
Concrètement, une entreprise peut décider de garder au sein de la DSI les applications critiques métiers qui
participent à son avantage concurrentiel et elle peut externaliser les applications non stratégiques ou les
composants logiciels non stratégiques et les infrastructures informatiques (serveurs, stockage) si elles les
jugent comme n’étant pas un élément clé de sa différenciation. C’est dans ce contexte que s’inscrit
l’apparition du cloud computing.
Le cloud computing : 5 caractéristiques, 3 modèles de services, 5 modèles de déploiement.
Tout d’abord quelle est la définition du Cloud computing ?
Il existe de très nombreuses définitions. L’article « A break in the clouds toward a cloud definition »7
recense 22 définitions. Celles-ci sont fonction du point de vue de celui qui la formule.
Cisco fournisseur de réseau la définit comme des « ressources informatiques et des services abstraits de
l’infrastructure sous-jacente et fournis à la demande et à l’échelle dans un environnement partagé ». A
l’autre bout du spectre, Microsoft, fournisseur d’applications, la définit comme « l’ensemble des disciplines
technologiques et modèles commerciaux utilisés pour délivrer des capacités informatiques (logiciels,
plateformes, matériels), comme un service à la demande. Ce service comporte cinq caractéristique clés : le
service est à la demande, le service est accessible n’importe où grâce aux réseaux , le service est mesuré, la
quantité est modulable offrant une élasticité infinie, les ressources sont mises en commun ce qui réduit les
coûts »8
On prendra pour notre part comme base de départ la définition du NIST 9 (National Institute of Standards
Technology) qui est la plus communément utilisée. Le NIST le définit ainsi : « Le Cloud Computing est un
modèle proposant un ensemble de ressources partagées (réseaux, serveurs, stockage, applications et
services numériques) accessible partout et à la demande à travers le réseau et qui peut être rapidement
alloué et libéré avec un minimum de maintenance ou d’interaction avec le fournisseur du service «
Le NIST caractérise le cloud à travers :
5 caractéristiques
3 modèles de services
4 modèles de déploiement
7 « A Break in the clouds : Toward a cloud definition » L.M Vaquero, L Rodero Merino, J Caceres, M. Linder
8 Cf cloud computing de R Hennnion p8
9 http://www.nist.gov et pour une définition du cloud computing : http://www.nist.gov/itl/csd/cloud-102511.cfm
11
Figure 1 : le cloud en synthèse
Les 5 caractéristiques du cloud sont les suivantes :
Les ressources sont mutualisées et virtualisées : qu’elles soient matérielles ou logicielles. En effet
grâce à la virtualisation, les solutions peuvent être déployées de façons indistinctes sur différents
matériels formant ainsi une ressource globale.
Il y a élasticité de la demande : on alloue les ressources fonction des besoins uniquement.
On peut accéder au service par tous moyens : PC, Tablettes, smartphone grâce à internet.
Le mode de paiement est à la consommation : il y a un paiement à l’usage qui est la plupart du
temps sous forme d’un abonnement de durée variable.
L’architecture est la plupart du temps « multi-tenant » : on entend par là le fait que la solution
utilisée est partagée par plusieurs entreprises ou organisations mais les environnements de
chaque client sont séparés des autres clients. Seules sont mises en commun les capacités réseaux,
et à un degré plus ou moins important, les serveurs physiques et le stockage.
Les 3 modèles de services qui sont liés sont :
Le IaaS : Insfrastructure as a Service
Le PaaS : Platform as a Service
Le SaaS : Solution as a Service
12
Dans un environnement informatique il y a 3 couches : l’infrastructure, le middleware et l’application.
On retrouve donc ce distingo dans ces 3 modèles de services
Le IaaS consiste à mettre dans le cloud des serveurs partagés virtualisés, avec le système d’exploitation,
qui sont selon le modèle du cloud vendus à la demande. Ils sont généralement vendus selon des métriques
liées au nombre de sessions virtuelles, la quantité de mémoire allouée, l’espace de stockage utilisé ainsi
que le débit réseau utilisé. Parmi les fournisseurs on peut citer Amazon Elastic Compute Cloud (EC2),
Rackspace Cloud et en France Orange cloud, Numergy et Cloudwatt.
Le Paas correspond à la partie Middleware. Les middleware sont les bases de données, les serveurs web,
les serveurs d’application, les environnements de développement. Un environnement PaaS consiste donc à
proposer à l’usage ces outils sur un environnement en mode IaaS. On peut citer comme offreur
GoogleAppEngine, Force.com de Salesforce, Windows Azure de Microsoft, Workflowgen dans le BPM etc…
Le Saas : c’est le Gartner qui est à l’origine de cet acronyme. Le Saas a pour but de proposer une application
complète qui doit être plus ou moins personnalisée pour le client. L’application proposée dispose d’une
interface utilisateur, d’une interface pour le manager et les utilisateurs. Ces applications sont souvent
proposées selon des métriques business : nombre d’utilisateurs, nombre de transactions etc… Les offres
sont très nombreuses et dans tous les domaines mais principalement des domaines transverses pour le
moment. On peut citer SAP, Microsoft, Salesforce CRM, googleApps. Pour les offreurs Français Cegid
(offres métiers), Talentsoft (ressources Humaines) , Easyvista ( gestion de la DSI) etc…
Les 4 modèles de déploiement vus par le NIST (Cloud privé ; communautaire, Public et hybride) peuvent en
fait être étendus à 5 modèles de déploiement dues aux évolutions de la demande en y intégrant une
nouvelle catégorie le cloud privatif.
Le cloud Public : le fournisseur propose des solutions standard non personnalisables mais paramétrables. Il
n’y a aucun développement spécifique possible. Il y a des mécanismes qui permettent nativement d’isoler
les clients des uns des autres. Comme tous les couts sont mutualisés la solution a souvent un prix plus
abordable.
Le Cloud communautaire : il s’agit de partager des ressources ou des informations au sein d’organisations
partageant des intérêts communs. On trouve ce type de cloud beaucoup dans le secteur public, associatif,
centres de recherche, université où le travail en réseau est important et où la logique de l’Open Source10
est forte . On parle de forges logicielles. L’objectif est de partager des développements déjà réalisés.
Le cloud Privé : il s’agit d’un cloud hébergé par l’entreprise. C’est une évolution du datacenter. Le
datacenter est une structure visant à mutualiser au maximum les ressources (réseaux, serveurs, stockage,
bases de données, middleware, applicatifs). Un datacenter est souvent un centre de coûts dont les
dépenses sont réparties entre les centres de profits avec une clé de répartition propre à chaque entreprise.
10
L’Open Source défini en détail dans la partie 2.2 est un mode de distribution des logiciels qui permet de distribuer et modifier librement un logiciel. Une communauté de personnes se forme autour de ce logiciel de manière à l’améliorer.
13
Il devient un cloud privé si les services ont les 5 caractéristiques du cloud à savoir : au minimum une
mutualisation des ressources, un paiement à l’usage et une demande élastique. Les deux dernières
caractéristiques l’accessibilité par tous moyens et l’aspect « multi-tenant » des applications ne sont pas
forcément présentes. C’est l’absence de ces deux caractéristiques qui différenciera un cloud privé d’un
datacenter.
Le cloud Privatif11 : ce modèle n’est pas prévu par le NIST mais il émerge à l’heure actuelle. Il s’agit d’un
environnement dédié à une organisation mais hébergé par un opérateur externe à l’entreprise. Il a les 5
caractéristiques du cloud. Il se différencie du cloud privé en ce sens qu’il n’est pas hébergé par
l’organisation même. Il est chez l’opérateur et même s’il est dédié à l’organisation, il partage au minimum
les ressources réseaux, les aspects sécurité. Il peut avoir une sécurité renforcée en regard des autres
clients, les serveurs physiques sont souvent dédiés, les machines virtuelles et les applications sont
totalement dédiées. Il s’agit d’un cloud privé à la carte et externalisé. Les organisations ont recours à cette
offre soit parce qu’elles n’ont pas le savoir-faire ou les moyens financiers de le faire tout en ayant une
logique de sécurité forte.
Le Cloud Hybride : Il s’agit de composer des solutions cloud intégrant plusieurs clouds différents (public,
communautaire, privatif ou privé) . Dans la réalité, la plupart des entreprises sont dans ce cas de figure. Ce
cloud hybride constitue in fine une plateforme unique. Cela suppose donc qu’elle s’appuie sur des
technologies standards et interopérables. Il s’agit d’un enjeu important qui à ce jour est loin d’être clair car
la tentation est grande pour un offreur de cloud de vouloir verrouiller le client avec une technologie
propriétaire rendant le passage d’une offre cloud à une autre difficile.
Figure 2 : modèles de déploiements et de services du cloud
11
Cloud Privatif ou encore appelé Cloud Privé Virtuel (CPV)
14
Les économies de coûts que peut espérer réaliser une organisation sont croissantes du cloud privé, au
cloud public en passant par le cloud privatif, le cloud communautaire. Le recours à l’une ou l’autre de ces
solutions ou combinaisons de celles-ci est fonction :
des contraintes de sécurité : si la société à des données sensibles elle aura des contraintes fortes
des contraintes légales : par exemple dans le domaine de la santé, le dossier médical partagé. Les
données doivent être hébergées en France et avec un contrôle du législateur
de la perception de la plus-value que cela apporte à l’organisation par la direction générale ou la
DSI
de la maturité des organisations : mettre en place un cloud suppose une réflexion importante de la
part de l’organisation et de la DSI
du poids des directions métiers : les directions métiers peuvent avoir une frustration vis-à-vis de la
DSI. En effet un projet informatique peut prendre entre 3 mois et 2 ans entre sa conception et sa
mise en service. Les directions voient les solutions Saas comme une alternative permettant de
mettre en œuvre une application en peu de temps (moins de 3 mois) et avec un coût qui peut
s’avérer moindre que celui proposé par la DSI. Ce dernier aspect étant surtout valable pour de
petites applications.
15
La promesse du cloud computing : une informatique flexible, industrielle et agile
Figure 3 : les promesses du cloud pour les clients
Au vu de la définition du cloud computing celui-ci a comme principale proposition de valeur :
L’optimisation des investissements : le paiement se fait à l’usage avec un coût de mise en œuvre
initial restreint voire nul du fait d’un paramétrage de la solution mais sans développements
spécifiques coûteux. De ce fait, la solution nécessite de faibles coûts d’investissement initiaux. Cela
ne veut pas dire que le retour sur investissement à 3 ans et surtout à 5 ans soit moins cher.
Le paiement à l’usage : le fait de ne payer que ce qui est réellement consommé est un des
arguments majeurs des offres cloud. Par ailleurs les modes de facturations sont proches de
métriques compréhensibles par les métiers.
La rapidité de mise en œuvre : une solution cloud, à l’inverse d’une solution développée par la
DSI, peut être mise en œuvre en moins de 3 mois pour une solution applicative, quelques jours
pour une solution PaaS et quelques heures pour une solution IaaS selon l’ensemble des intervenants
interrogés. Cela séduit donc les organisations surtout quand la DSI demande de quelques jours
pour une solution IaaS à 6 mois, à 2 ans pour une solution applicative. Ces différences de délais
viennent pour les DSI de leur organisation où la priorisations des projets n’est pas forcément celle
des directions métiers et où par ailleurs les ressources sont en quantités limitées avec un planning
de charge défini ne laissant que peu de place aux demandes impromptues.
L’agilité et la flexibilité de solutions : comme les solutions peuvent monter en charge de façon
invisible par le client, cela autorise une grande flexibilité. Par ailleurs, toutes les innovations
fonctionnelles sont disponibles pour tous les clients dès qu’une nouvelle version est lancée par
l’offreur. Le client en bénéficie immédiatement libre à lui de le mettre en œuvre ou pas. Comme les
offreurs ont un rythme de sortie des fonctionnalités bi-annuel c’est bien plus que ce qu’une
direction métier peut intégrer comme nouveautés. Le défi pour la direction métier est davantage
de se demander quoi mettre en œuvre parmi ce qui est disponible plutôt que de demander de
nouvelles fonctionnalités à mettre en œuvre à l’offreur.
16
Le possible affranchissement des directions métiers de la DSI : les directions métiers
trouvent via le cloud une façon de challenger leur DSI s’ils la jugent pas assez réactive ou trop
onéreuse. Dans un cas extrême, les directions métiers, qui ont de plus en souvent les budgets,
peuvent se passer de la DSI. En effet, les solutions cloud (applicatives) ne nécessitent aucune
compétence informatique pour les directions métiers, seulement des compétences métiers s’il n’y a
pas d’intégration au système d’information de l’entreprise.
L’étude Markess « Externalisation des infrastructures IT avec le cloud computing Approches, ROI &
tendances 2015 » d’octobre 2013 qui concerne uniquement le IaaS corrobore ces gains via des interviews
menées auprès de 81 décideurs
Figure 4: les apports du cloud aux clients finaux
On le voit bien, la promesse du cloud computing, dans le cadre du double mouvement de réduction des
couts à l’œuvre depuis les années 80 et le mouvement d’accélération de l’innovation à l’œuvre depuis les
années 2000, répond aux besoins d’une informatique plus réactive, plus flexible, qui privilégie des coûts
récurrents aux couts d’investissements initiaux, au vu de la volonté des actionnaires d’améliorer le retour
sur le capital en réduisant au maximum les investissements. Le cloud computing accompagne aussi le
mouvement d’industrialisation de l’informatique en mutualisant au maximum les ressources avec pour
finalité de faire baisser les coûts en regard d’une solution internalisée non mutualisée.
17
1.1.2 Une révolution pour les DSI et les métiers des clients
On peut dès lors s’interroger sur l’impact pour les DSI de l’arrivée du cloud computing. L’apparition du
cloud est une importante évolution pour la DSI et ce à deux niveaux :
Elle n’est plus la seule à proposer à l’organisation des solutions clés en main de bout en
bout. Avant le cloud, la DSI était le seul fournisseur d’applications aux différentes directions
métiers. Aucun prestataire, éditeur ou sociétés de services d’ingénierie en informatiques (SSII)
proposant des solutions à façon (développements spécifiques), ne pouvait facilement proposer
aussi d’assurer la production. En tout cas, pas sans que la DSI ne soit impliquée. La DSI est donc
mise en concurrence avec l’extérieur et pour chaque application si l’interfaçage au système
d’information de l’entreprise est nul ou faible.
Elle doit adapter son mode de facturation. Elle passe d’un mode de facturation au projet à un
mode de facturation à l’usage, ce qui suppose de calculer des retours sur investissement réalistes
au risque sinon de perdre beaucoup d’argent. Cela nécessite donc de mettre en place les outils
pour pouvoir facturer à l’usage.
Le rôle de la DSI sans disparaitre donc va se modifier. Elle va être amenée à assurer les rôles suivants :
Un rôle d’architecte du système d’information : comme dans le passé, la DSI va avoir un rôle
visant à faire fonctionner harmonieusement les différentes couches du système d’information. Le
cloud computing impose de faire coopérer l’informatique opérée en propre et les services opérés
à l’extérieur. La DSI se doit donc de réfléchir pour déterminer quelles briques il serait plus
pertinent d’opérer en propre et lesquelles il serait plus avantageux à la fois pour la société et la DSI
de faire opérer à l’extérieur. Au-delà de ces considérations stratégiques, d’un point de vue
technique, la DSI va devoir réfléchir à une informatique la plus interopérable possible. Cela signifie
que les briques internes et externes à la DSI devront coopérer le plus facilement possible tout en
18
restant performantes. Ces changements exigent l’acquisition de nouvelles compétences pour la DSI
autour des technologies du cloud computing.
Assurer la continuité de service quels que soient les environnements : dans un environnement
ouvert, la DSI devra assurer la continuité de service. Ce qui signifie dans un premier temps, fixer
quelle niveau de disponibilité on attend des différentes applications ou infrastructures. On peut
partir de 95% pour aller au classique 99% voire atteindre les 99,999%. Ce qui en clair signifie un
temps d’indisponibilité annuel de 18,25 jours à 5,26 minutes en passant par 3,65 jours12. En général
les applications cloud oscillent entre 99% et 99,99% soit entre 3,65 jours et 52 minutes par an.
Cela signifie donc que la DSI, au-delà du plan de reprise d’activité qu’elle a mise en œuvre dans les
années 2000, va devoir prendre en compte et suivre les temps d’indisponibilité des applications ou
infrastructures hébergées à l’extérieur pour assurer un niveau de service global.
La gestion de la sécurité. L’entreprise a été conçue au départ comme une forteresse en terme de
sécurité. Avec l’apparition des PC portables et autres smartphones, la sécurité a évolué vers une
sécurité où l’accès à l’entreprise devait être sécurisé tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de celle-ci. Le
cloud computing apporte une complexité supplémentaire importante. En effet, les applications ou
les infrastructures étant externalisées, il faut s’assurer que celles-ci soient sécurisées non seulement
en terme d’accès à l’entreprise mais aussi en terme de sécurité vis-à-vis des autres clients. Par
sécurité on entend que les données soient au minimum dans une session virtuelle indépendante
pour chaque client, l’accès aux applications se faisant via une liaison sécurisée (Virtual Private
Network), les infrastructures de l’opérateur doivent être sécurisées physiquement (politique
d’accès aux locaux où sont les données) et logiquement (politique de sécurité mise en place et
auditée régulièrement). A un niveau plus élevé de sécurité on demandera à l’opérateur de
proposer une sécurité au niveau des serveurs, c'est-à-dire qu’il doit s’assurer que les serveurs
physiques soient indépendants pour chaque client, que l’hyperviseur13 soit aussi sécurisé. Au-delà
de la sécurité physique ou logique se pose aussi la question de la territorialité des données. En effet
d’un côté, nous avons le client qui souhaite s’assurer que ses données soient bien hébergées en
France (pour les données relevant de la souveraineté nationale ou certaines données relevant de la
personne) ou en Europe (pour certaines données relevant de la personne). De l’autre côté, nous
avons le Patriot Act14 aux Etats Unis mais aussi d’autres législations15 nationales, qui imposent aux
fournisseurs originaires de ces différents pays de donner accès aux données hébergées, ce quelle
que soit la localisation géographique du site d’hébergement. On comprend donc que la mise en
place du cloud computing entraine pour le client le renforcement de ses compétences pour évaluer
sa sécurité en interne mais aussi celle de ses opérateurs externes. La sécurité doit être pensée au
niveau global en intégrant les interactions entre les infrastructures et les applications internes et
externes.
12
Pour le détail des temps d’indisponibilités : http://fr.wikipedia.org/wiki/Haute_disponibilit%C3%A9 13
Hyperviseur : c’est une plate-forme de virtualisation qui permet de superviser des sessions virtuelles qui exécutent des applications sur un ou des serveurs physiques. 14
Patriot act :uniting and strengthening America by providing appropriate tools required to intercept and obstruct terrorism act 2001 15
Pour avoir un panorama des législations internationales sur la confidentialité des données : http://www.informationshield.com/intprivacylaws.html
19
Développer avec la direction achats une expertise juridique notamment sur les contrats liés au
cloud computing. Le développement des offres cloud va entrainer un renforcement de l’expertise
de la DSI et de la direction des achats pour évaluer la pertinence des services proposés mais aussi
le développement de capacités à évaluer les contrats qui ne fonctionnent pas comme les contrats
de développements spécifiques ou les contrats d’infogérance que les entreprises connaissant. Ainsi
dans ces contrats les points clés sont :
o La mise en œuvre initiale du projet,
o Le niveau de services proposés et les pénalités associées,
o Les conditions de réversibilité : comment ré-internaliser ou transférer le service vers un
autre opérateur,
o La pérennité des fournisseurs.
La DSI va devenir un centre de services qui devra au moins être aussi compétitif que les offreurs
de services extérieurs vis-à-vis des directions métiers. La DSI va devoir proposer des applications
ou des infrastructures qui seront tarifées à l’usage réel et non plus au forfait à l’année selon une clé
de répartition définie en début d’année pour les dépenses de fonctionnement et avec des coûts
forfaitaires pour chaque nouvelle application . Cela suppose que la DSI s’organise comme un centre
de services capable de facturer les différentes directions métiers à l’usage tant pour les
infrastructures que les applications. Pour les nouvelles applications, les DSI seront mises en
concurrence avec des offreurs externes en mode cloud ce qui permet aux directions métiers de
comparer.
Comme l’écrit dans «Cloud Computing» R. Hennion et al page 28, le directeur des systèmes d’informations
(Chief Information Officer en anglais ) va devenir un Chief Innovation Officer. Son rôle en tant que membre
de la direction générale va être de penser l’informatique comme un outil générant un avantage
concurrentiel pour l’entreprise. Il va permettre de développer des applications ou des usages qui créeront
un avantage concurrentiel. Par exemple, dans un secteur comme le ramassage des ordures, lorsque la DSI
de Plastic Omnium développe un système grâce à des puces RFID16 permettant de savoir si les poubelles
ramassées sont pleines ou pas et ce fonction du type de poubelles. Cette solution permet à l’opérateur de
services d’optimiser ses tournées et donc la quantité de véhicules et de personnels qu’il doit mettre sur le
terrain. Cela permet à plastic Omnium de vendre non plus des poubelles mais un système de gestion des
ordures qui optimise les coûts de l’opérateur qui assure ce service. Pour ce type d’application cœur de
métier, aucun offreur cloud ne pourra être compétitif car l’effet mutualisation ne joue pas.
16
RFID : méthode pour récupérer des informations à distance dans le système d’information via des radio-étiquettes.
20
1.1.3 Des freins encore présents à l’adoption du cloud computing par les entreprises
Si le cloud computing entraine une révolution dans les DSI, il subsiste des freins qui limitent le
développement de son usage. Ainsi les principaux comme le rappelle l’AFDEL ou R. Hennion sont les
suivants :
Les résistances au sein des DSI : Les DSI ont des structures en terme de personnels, de
patrimoine informatique. Elles voient donc l’arrivée de ces offres cloud comme une remise en cause
de leur rôle, de leurs compétences mais aussi de leurs effectifs. Par ailleurs, comme les fournisseurs
s’adressent directement aux directions métiers, ce sentiment d’être en danger s’accroit. Il y a donc
une résistance des DSI à l’adoption de ces offres tant qu’elles ne sont pas maitrisées et que les
rôles respectifs entre l’offreur cloud et la DSI ne sont pas définis notamment par la direction
générale.
Les coûts de la solution sur le long terme : le coût à l’usage est sans conteste intéressant pour de
petites structures avec peu de personnes et en phase de montée en charge. Dans le cas
d’applications avec beaucoup d’utilisateurs, les coûts fixes de mise en œuvre et les couts
d’interfaçage avec le système d’information sont ramenés à un coût par utilisateur relativement
faible. Dans ce cas, il n’est pas sur si l’application est amenée à être utilisée plus de 3 ans que celle
en mode Cloud soit in fine moins chère qu’une solution développée en interne. En effet, les études
faites par les différents éditeurs consultés montrent une économie à 3 ans des solutions cloud par
rapport à une solution interne de 25% à 30%, hors coût de migration. Si on prend en compte les
coûts de migration de l’application existante ou les coûts de migration à l’issue des 3 ans, on tombe
alors à 10 à 15% d’économie. Aucun calcul au-delà de 3 ans n’est fait par les éditeurs. La question
de la comparaison du coût entre une application interne et une en mode cloud doit donc être
étudiée par la DSI si l’application est amenée à être utilisée sur une durée supérieure à 3 ans.
Les contraintes sur la localisation des données : dans le cadre des services opérés, les données
sont hébergées à l’extérieur de l’organisation. Celle-ci ne peut donc pas garantir leur lieu
d’hébergement puisque les données sont pour des raisons de sécurité des données répliquées au
minimum à deux endroits physiquement distincts. Les contraintes réglementaires qui peuvent
exister sont par ordre croissant d’importance de 4 types :
o La législation française impose que les données relatives à un client soient stockées sur le
territoire national,
o Les données qui sont le cœur de l’avantage concurrentiel de l’organisation, outre le simple
fait de devoir être stockées sur le sol français, doivent être protégées,
o Pour les données relatives aux personnes en particulier dans le secteur de la santé, on doit
pouvoir garantir que ces données ne seront pas divulguées à des personnes non autorisées.
o Le cas de données relevant de la souveraineté nationale. On parle là des domaines
« confidentiel défense », « secret défense « mais aussi des données qui touchent aux
organismes définis par l’ANSSI17 comme des opérateurs d’importance vitales (OIV) 18
17
ANSSI : 'Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d'Information 18
Un secteur d'activité d'importance vitale, tel que défini par l'article R1332-2 du Code de la défense français, est constitué d'activités concourant à un même objectif, qui : « Ont trait à la production et la distribution de biens ou de services indispensables (dès lors que ces activités sont difficilement substituables ou remplaçables): satisfaction des besoins essentiels pour la vie des populations ; exercice de l'autorité de l'État ; fonctionnement de l'économie ;
21
Dans ces cas et en fonction du niveau de sécurité, l’organisation peut être amenée soit à préférer un
cloud privé, soit à rechercher un opérateur de nationalité Française pour lui garantir que ses données
soient effectivement hébergées en France et pour se prémunir du risque de voir le fournisseur se
trouver dans l’obligation de donner accès à ces informations à son gouvernement (exemple : au titre du
Patriot Act des Etats Unis).
A ce titre, les éditeurs français sont en train de développer une certification dite « Cloud confiance »
afin d’assurer que les éditeurs respectant ces règles soient labélisés afin de s’en servir comme un
avantage concurrentiel.
Les contraintes sur la sécurité : comme définit plus haut dans les défis de la DSI, un de ses rôles
consiste à assurer la sécurité de données. Accéder à des données à l’extérieur de l’entreprise
représente un risque. Dans ce domaine, il y a donc un frein à l’adoption du cloud puisque dans son
étude de 2009, Mc Kinsey19 indique que la première préoccupation en matière d’adoption du cloud
est la gestion des risques. Cependant, les clients ne demandent que peu de détails sur ces aspects.
Les fournisseurs, pour qui la mise sur le marché la plus rapide des offres est primordiale et le fait
de proposer des offres attractives en terme de prix, investissent le minimum sur le sujet. Mais ce
point évolue au fur et mesure du développement des offres cloud, notamment lorsque les clients
demandent à leurs fournisseurs d’être certifiés ISO 2700020. Mais une norme ISO spécifique est en
cours d’élaboration pour le cloud par l’ISO qui devrait voir le jour entre 2014 et 2016.21
La réversibilité très relative des solutions et une interopérabilité relative : il n’y a pas de
standards sur les solutions cloud. Elles s’appuient beaucoup sur de l’open source, plutôt orienté sur
des technologies java mais il existe aussi beaucoup de solutions sous .Net (la technologie de
Microsoft) ou PHP. En particulier il n’y a pas de standard sur la portabilité des données. Il n’est en
effet pas toujours possible d’accéder aux données en format propriétaire s’il n’y a pas d’API 22
disponible. Par ailleurs cela introduit des ralentissements dans le système d’information. De plus, si
on peut récupérer les données qu’en est-il des processus développés ou paramétrés ? Ils ne sont
pratiquement jamais récupérables. Ce qui est finalement le frein le plus important à l’adoption du
cloud.
La pérennité des différents acteurs : Les offreurs cloud au niveau de l’infrastructure sont des
sociétés avec une assise financière importante. On peut citer pour les sociétés américaines
Amazon, Rackspace, pour les opérateurs télécom, en France Numergy, Cloudwatt, Orange, SFR,
au niveau des applications Salesforce, Google, Microsoft, Oracle, SAP, et en France Cegid. A côté
maintien du potentiel de défense ; ou sécurité de la Nation »; « Ou peuvent présenter un danger grave pour la population » 19
McKinsey quarterly « how IT is managing new demands : McKinsey Global survey results » 20
Iso27000 : est une norme de sécurité de l'information publiée conjointement en mai 2009 et révisée en 2012 par l'Organisation internationale de normalisation (ISO) et la Commission électrotechnique internationale (CEI, ou IEC en anglais), 21
Cf article usine nouvelle 2012/03/29 « cloud computing une norme ISO en préparation » http://www.usinenouvelle.com/article/cloud-computing-une-norme-iso-en-preparation.N171754 22
API : application programming interface est une façon pour un logiciel de mettre à disposition les fonctions de ce logiciel à d’autres logiciels.
22
de ces offreurs existe une pléthore d’offres tant au niveau de l’infrastructure que des applications
qui apporte une plus grande flexibilité ou une offre spécifique en regard des offres standards. Il faut
donc pour le client se poser la question de la pérennité de ces sociétés à 5 ans au moins. En effet
au vu de la réversibilité relative des solutions et aussi du fait que les clients ne vont pas changer
d’offreur tous les ans, le partenariat client/opérateur de services est amené à durer plutôt 3 ans
voir 5 ans ou plus.
Un mode locatif non adapté aux marchés public : en effet le code des marchés public distingue
bien les dépenses d’investissements et les dépenses de fonctionnement. Or les solutions en mode
opérés sont des coûts de fonctionnement et ce sont les budgets les plus restreints par l’actuel
effort de réduction des dépenses de l’Etat. Par ailleurs, pour les collectivités locales les dispositions
du fonds de compensation de la TVA ( FCTVA) 23 qui contribue aux dépenses d’investissement des
collectivités ne s’applique qu’aux budgets d’investissement et pour un bien destiné à être
durablement intégré dans le patrimoine de la collectivité, ce à quoi une offre opérée ne répond pas.
On voit donc qu’il y a un certain nombre de freins à l’adoption du cloud. Toutefois devant le
développement des usages du cloud, celui-ci se développe fortement.
23
Article L 1615-1 à -13 et R 1615-1 à D 1615-7 du CGCT précisent que 7 conditions sont nécessaires pour être éligible à la FCTVA dont : le bien doit être une dépense réelle d’investissement, concerner un bien intégré de manière durable au patrimoine de la collectivité et pour son usage propre
23
1.1.4 Mais une révolution en phase d’adoption du fait de nouveaux usages
La croissance en 2013 du marché des services opérés est de 38%24 en regard d’une croissance du marché
des logiciels de 4%. Cette croissance est soutenue par le développement de nouvelles offres et ce dans
tous les domaines de l’informatique. Même si l’offre ne crée pas la demande comme dans les années 50,
elle contribue au développement de celle-ci.
On peut analyser ce mouvement sous 3 axes :
Le développement d’offres transverses
Le développement des offres fonction de la typologie des organisations
Le développement des offres par secteur d’activité
Le développement des offres transverses le premier créneau de développement des offres cloud.
De par les caractéristiques des offres cloud qui se fondent sur la massification et la standardisation pour un
meilleur coût, les offres transverses sont le premier champ de développement des offres.
On a ci-dessous un panorama des solutions qui peuvent être proposées dans le cloud computing :
24
Sources Etude Xerfi 2013/07 éditeurs logiciels et Etude AFDEL 2013/04 P35
24
Figure 5: Panorama des offres cloud par famille
Les différentes couleurs au niveau des familles d’applications permet de séparer en grands blocs
fonctionnels les applications. Par exemple pour le SaaS, les solutions métiers, les applications transverses et
les applications liées à la productivité.
25
A ces offres transverses se développent des offres métiers dans tous les secteurs.
Il n’est pas possible d’être exhaustif sur le sujet, on se contentera de donner quelques éclairages pour
quelques secteurs d’activité :
Grande distribution : R. Hennion affirme ainsi en aout 2012 25 que l’on peut trouver près de 95% des
besoins de l’informatique de la grande distribution sous forme de services opérés
Secteur de la santé : la mise en œuvre du Dossier Médical Personnalisé va nécessiter la mise en place d’un
hébergeur tiers de confiance. L’idée est que le dossier médical d’un patient puisse être consultable par tous
les médecins traitant un patient. Cela suppose donc que le médecin de ville, celui de l’hôpital ou de la
clinique ou les personnels de santé des laboratoires d’analyses puissent y avoir accès. Le tiers de confiance
suppose donc une offre en mode cloud.
Secteur public : dans son livre «Economie du logiciel libre» François Elie appelle au développement de
«forges de développement». Concrètement, il s’agit de mettre en place des socles applicatifs utilisables par
plusieurs collectivités ou organismes publiques. La création de la DISIC26 a aussi pour objectif de mutualiser
les ressources pour faire des économies et le cloud est un des moyens d’y parvenir. Par ailleurs la mise en
place de l’Open Data de l’Etat Français qui consiste à mettre à disposition les données concernant les
activités de l’ETAT va nécessiter de mettre en place une structure de partage de cette information.
Pour l’enseignement : le cloud est totalement en phase avec l’esprit de celui-ci, caractérisé par un niveau
de partage de l’information qui est important. Le cloud sera utile sur deux plans :
Le partage de la puissance de calcul entre autre dans le domaine scientifique. Cet usage qui est déjà
développé au travers du concept du grid computing, va connaitre un essor encore plus grand grâce
aux technologies. Ainsi l’initiative UnivCloud27 qui regroupe 37 établissements d’enseignement
supérieur et de recherche en Ile de France, vise à proposer une offre à la demande et facturée
comme telle entre ces établissements.
La mise en place de cours en ligne va permettre un parcours d’apprentissage personnalisé et une
évaluation individuelle précise. Ainsi se développent les plate-formes telle Coursera ,
crossknowledge ou même tout simplement Apple ibooks qui sont des plate-formes virtuelles de
cours en ligne.
Parmi les autres usages que cite le livre blanc d’IBM 28 sur ce sujet il y a la possibilité de renforcer le travail
collaboratif, avoir un environnement numérique partagé entre plusieurs établissements tel celui mis en
place par l’Académie de Nantes et 5 conseils généraux pour les lycées et collèges.
25
« Cloud computing », R Hennion et al P31 26
DISIC : DSI transverse aux ministères de l’Etat Français 27
Site de Univ cloud : http://univcloud.fr/ 28
28
Livre blanc d’IBM sur le Cloud et l’éducation : http://www-935.ibm.com/services/be/en/cloud-computing/cloud_edu_fr.pdf
26
Pour le secteur de la vidéo numérique 29: Comcast est un opérateur télécom qui fournit des vidéos.
Comcast a mis en place une infrastructure cloud (Xcalibur) permettant de fournir des services de vidéo à
la demande sur tous les médias possibles (télévision, tablette, smartphones).
Si l’on prend les offres sous l’axe des typologies d’organisations, chacune à des réponses à ses
besoins.
Grands comptes :
Elles prennent en mode services opérées tout ce qui n’est pas cœur de métier et où l’effet volume/coûts
est le plus favorable aux offreurs. Concrètement les aspects réseaux, stockage et les applications
transverses génériques : type notes de frais, gestion des ressources humaines etc…
PME (Petites et Moyennes Entreprises) :
Les offres cloud leur permettent d’avoir une informatique de la qualité comparable à celle de grandes
entreprises. Les coûts sont proportionnels à l’usage et nécessitent peu d’investissements initiaux, ce qui
pour des sociétés en forte croissance sont deux avantages importants. Cette construction du système
d’information se fait certainement au détriment de sa cohérence mais ce n’est pas le problème de ces
sociétés, sauf à être liées par des contraintes réglementaires fortes.
TPE (Très Petites Entreprises) :
Pour celles-ci l’avantage est encore plus flagrant au vu de leurs très faibles moyens en matière
informatiques. Elles vont rechercher un offreur proche d’eux et pouvant couvrir le plus large spectre
d’applications possibles. Cela leur permet de se concentrer sur ce qui est vital pour elles : le
développement de leur chiffre d’affaires, la satisfaction de leur client tout en offrant des moyens
d’interactions avec les clients propres à des entreprises beaucoup plus grandes.
En conclusion, on a vu que le cloud computing était la matérialisation de la quatrième évolution de
l’informatique qui permettait aux organisations de concilier la double contrainte de la maitrise des coûts et
de l’agilité vis-à-vis de métiers en constante évolution afin de préserver des avantages concurrentiels
devenus périssables dans le temps. Le cloud computing renforce l’industrialisation des DSI en les poussant à
passer à une logique de services avec un paiement à l’usage ce qui suppose d’être capable de le faire et de
prédire ses coûts dans le temps. De par le fonctionnement à l’usage, l’informatique devient plus flexible
qu’auparavant. En somme le mouvement vers l’informatique dans les nuages permet aux DSI de devenir
non pas seulement un centre de coûts mais un levier permettant aux métiers de développer les avantages
concurrentiels de l’organisation en se concentrant sur ce qui fait la valeur ajoutée de l’organisation et en
mettant à l’extérieur les infrastructures ou les applications qui ne sont pas cœur de métier.
Regardons maintenant comment le cloud computing est une évolution pour les éditeurs et comment cela
les affecte.
29
IBM Global Services « La puissance du Cloud Réinventer vos activités métier » 2012 P 11 ftp://public.dhe.ibm.com/software/fr/businessconnect2014/GBE03470-FRFR-01_HR_BD.pdf
27
1.2 Le cloud computing une évolution majeure pour les éditeurs de logiciels en
France
1.2.1 Une nouvelle proposition de valeur basée sur la flexibilité et le coût à l’usage
Dans un modèle classique, l’éditeur propose une solution avec des fonctionnalités et des avantages sous
forme de licences perpétuelles30 avec un coût de maintenance additionnel par an ou un mode de
souscription incluant l’usage du produit et son support pour une durée donnée.
Cette solution doit être paramétrée soit par la DSI soit par un intégrateur, puis mise en oeuvre en
production soit par la DSI soit par un infogéreur. Le coût du logiciel est donc une part du coût total.
Il est difficile pour une direction métier de se faire une idée du coût global de la solution.
Maintenant, si l’on reprend les 5 caractéristiques du cloud :
Le mode de paiement à la consommation
L’élasticité de la demande où on alloue les ressources fonction des besoins uniquement
L’accès au service par tous moyens : PC, tablettes, smartphones grâce à internet
Les ressources mutualisées et virtualisées
L’architecture la plupart du temps « multi-tenant » : on entend par là le fait que la solution utilisée
est partagée par plusieurs entreprises ou organisations mais les environnements de chaque client
sont séparés des autres clients.
De ces caractéristiques découle une modification de la proposition de valeur de l’éditeur logiciel vis-à-vis de
ses clients :
Il leur assure un paiement à l’usage. Les coûts sont donc proportionnels à l’usage. Les
investissements initiaux sont plus faibles qu’une solution classique.
Il donne une visibilité sur les coûts globaux de la solution puisque la solution est entièrement gérée
par l’éditeur en production. Les coûts additionnels sont la mise en œuvre initiale et les coûts
d’administration fonctionnels de la solution côté client. Ces deux derniers coûts sont aisément
prévisibles. En effet la mise en œuvre initiale avec l’interconnexion au système d’information est
souvent déléguée à un intégrateur ou à un éditeur et les coûts d’administration humains sont
estimables par la DSI avec l’aide de l’éditeur ou de l’intégrateur.
Les coûts pour le client sont moindres en regard d’une solution classique. Ainsi en regard d’une
solution classique, le retour sur investissement (ROI) 31 à 3 ans est de 10 et 30% moins cher.
Cette estimation vient des différents éditeurs interviewés. On est à 30% s’il n’y a pas de coûts de
migration des données d’une application antérieure mais l’économie est à 10% s’il faut tenir compte
d’une migration. Cette estimation est une estimation moyenne. Aucun ROI n’a été fait par les
éditeurs sur un horizon à 5 ans. Les solutions informatiques étant amorties sur 3 ans cela explique
aussi pourquoi le besoin ne s’est pas fait sentir du côté des clients.
L’agilité : le temps de mise en œuvre de la solution par rapport à un projet classique d’intégration
est bien moindre. En moyenne un projet informatique met de 3 à 24 mois à être opérationnel et
30
Une licence perpétuelle : est un droit d’usage de la solution accordé par l’éditeur sans limitation de durée. Cependant, si le client ne prend pas de maintenance il n’a pas accès aux nouvelles versions du logiciel. 31
Retour sur investissement ou Return on Investment en anglais (ROI) qui sera le terme utilisé par la suite.
28
seul un 1/3 des projets sont un succès32. Aujourd’hui même s’il n’y a pas de statistiques fiables, les
éditeurs interviewés avancent un temps de mise en oeuvre pour une solution logicielle de 3 à 6
mois avec un taux de succès à 2/3. Or plus le temps de mise en œuvre sur le marché (time to
market) d’une innovation est rapide plus l’avantage concurrentiel est important.
Les directions métiers peuvent au choix s’abstraire de leur DSI si celle-ci ne peut répondre à leurs
besoins ou au minimum challenger celle-ci sur les solutions proposées en terme fonctionnel, prix et
délais.
L’application est accessible via tout type de médias : PC, smartphones, tablettes. Ce qui étend les
usages possibles notamment à des flottes nomades de commerciaux et de techniciens.
Le cloud computing est plus respectueux de l’environnement. En effet en mutualisant les
ressources, on consomme moins d’énergie, d’eau pour refroidir les machines, moins de recyclage
de machines. Mais il n’existe rien de fiable comme étude sur le sujet.
L’étude du gartner «Economic of the cloud business value assesments» 33reprend pour partie cette nouvelle
proposition de valeur en la quantifiant en terme de pourcentage dans la prise de décision de la manière
suivante :
Aspect économique : 25%
Agilité : 25%
Créativité et innovation 15%
Simplicité 10%
Confiance et prise de risque 20%
Impact social 5%
1.2.2 Un avantage concurrentiel
En quoi cette nouvelle proposition de valeur apporte-t-elle un avantage concurrentiel aux éditeurs.
On peut analyser sous 3 angles :
L’éditeur propose une solution que ces concurrents ne proposent pas et qui correspond à
une attente de marché. Il y a donc création d’un avantage concurrentiel transitoire jusqu’à ce que
les concurrents comblent le retard.
Dans le domaine informatique, le premier entrant sur un marché va prendre des parts de marché
et devient donc la référence. Si en terme d’exécution, l’offre peut être portée sur l’ensemble des
marchés au niveau mondial alors l’éditeur acquiert un avantage. En effet, si un logiciel a une base
installée importante, il sera en mesure de renforcer sa position en bénéficiant d’une communauté
de développeurs et d’utilisateurs importante et devient de facto un standard in fine. Le modèle de
l’Open source est le modèle de dissémination logiciel qui applique ce principe le plus. En mettant à
disposition une version logicielle gratuite et souvent une payante avec des fonctions avancées, le but
32
Cf étude « Chaos report de 2004 » du standish group : 55% des projets d’intégration de moins de 750 000$ sont un succès, 8% des projets au-dessus de 8 millions de $ sont un succès. En moyenne 33% des projets sont considérés comme un succès. On considère un projet comme un succès si les utilisateurs acceptent l’application et l’utilisent. 33
Gartner « Economic of the cloud business value assessments » 2009 /09
29
évident est de développer une base d’utilisateurs et de développeurs la plus large possible et ce le
plus vite possible34. En ce domaine une société comme Red Hat en est un bon exemple. La société
réalise 1,3 milliard de $ de CA après 18 ans d‘existence.
Une nouvelle barrière à l’entrée se crée. Traditionnellement sur le secteur informatique, les
barrières à l’entrée sont doubles : la barrière technologique (à travers le patrimoine logiciel crée
par la R&D qui est protégé par les brevets) et la capacité à distribuer la solution au niveau mondial
afin de bénéficier de l’effet « base installée ». Cette dernière barrière est très importante mais son
frein est fortement diminué par le fait que la solution en mode cloud est disponible partout sans
contrainte géographique. Cependant, cette barrière qui disparait est remplacée par la maitrise et le
verrouillage de la relation client. La vente initiale peut être réalisée par un réseau partenaire ou par
la force commerciale directe. Cependant, comme la société exploite la solution au quotidien, le lien
avec le client est forcément intime. L’éditeur connait l’usage de la solution de façon précise. Il
maîtrise donc le client.
L’éditeur devient plus agile. Comme la solution est hébergée et opérée par l’éditeur, celui-ci a
accès aux usages précis (uses cases) des clients et à la façon dont la solution est utilisée. Il devient
donc plus facile pour les chefs de produits d’avoir une vision argumentée de l’expérience client et
donc de la façon de la faire évoluer.
1.2.3 Un levier de croissance
On peut en préambule, se poser la question de la cannibalisation des offres traditionnelles de l’éditeur par
celle du cloud.
L’éditeur qui fait évoluer son offre vers une offre cloud peut choisir deux approches :
Etendre son offre vers de nouveaux segments de marché qu’il n’est pas possible de traiter avec
l’offre traditionnelle. C’est dans ce cas soit une nouvelle offre spécialisée sur un métier soit en
adressant une cible de marché nouvelle (petite PME ou TPE). Dans ce cas il n’y a aucune
cannibalisation
Transformer son business actuel à base de licences vers un business le plus possible tourné vers le
mode cloud. Dans ce cas de figure ce n’est pas une problématique de cannibalisation mais une
problématique de passage d’un modèle à l’autre.
Il faut envisager la discussion sous deux aspects principaux :
La politique de prix faite entre le business model traditionnel à base de licences et maintenance est-
il compatible avec le modèle de prix mis en place pour les solutions cloud ? Ce point étant
largement abordé dans la partie 3.2.1.2 on ne rentrera pas pour l’instant dans une explication
détaillée.
La problématique est une question de modèle de revenus. La société, en passant d’un modèle de
prix de licences ou souscription à un modèle de prix à l’usage, subit un fort décalage de ses
34
Pour plus de détails lire « impacts des logiciels libres sur l’industrie du logiciel : vers un nouveau modèle productif « Marie Coris Université de Bordeaux 2001 : http://2001.jres.org/actes/impactloglibres.pdf
30
revenus et elle augmente fortement son besoin en fonds de roulement. La question est donc de
savoir si la société a les moyens en matière de trésorerie de faire ce mouvement. Ce point sera
détaillé dans la partie 3.
Finalement, le fait que les offres cloud remplacent les offres traditionnelles à base de licences ou
souscription, n’est pas une vraie cannibalisation. C’est juste un changement de flux de revenus et de
politique de prix.
Qu’en est-il des solutions cloud en terme de levier de croissance ?
Les solutions cloud permettent de cibler une nouvelle cible de clientèle :
Au sein des entreprises traditionnellement ciblées par l’entreprise, l’éditeur va cibler les directions métiers
et les directions générales. La solution pouvant être présentée facilement et sous forme de ROI et en coût
total (licences, intégration, coûts de production), elle devient compréhensible pour ce nouveau public.
Cette approche ouvre le champ des ventes au-delà des discussions exclusivement avec le DSI.
La typologie des entreprises ciblées s’élargit. En effet, la solution cloud, qui propose une approche globale
associant un coût proportionnel à l’usage avec un cout d’investissement initial de mise en oeuvre beaucoup
plus faible qu’une solution traditionnelle, permet de cibler le bas de la pyramide dans la cible Business to
Business à savoir les PME et le TPE.
La dépense informatique représente au global 3,44%35 du Produit intérieur brut en 2012.
La répartition en France selon l’INSEE des sociétés est la suivante :
Type d’entreprise : Nombre de salariés : Chiffres d’Affaires (CA) - Euros :
Micro-entreprise < 10 salariés < 2 Millions
Petites et Moyennes
Entreprises (PME)
10 < x < 250 salariés 2 < CA < 50 Millions
Entreprise de Taille
Intermédiaire (ETI)
250 < x < 5 000 salariés 50 < CA < 1 500 Millions ou un
bilan < 2 Milliards d’euros
Grandes entreprises > 5 000 salariés CA > 1 500 Millions ou un bilan >
2 Milliards d’euros
Dans chacune de ces catégories le nombre d’entreprises est pour l’année 201236:
Type d’entreprise : Nombre : % du CA global des sociétés :
Micro-entreprises 3 398 000 16%
PME 198 000 22%
ETI 6 369 28%
Grandes entreprises 510 33%
35
Le PIB de la France est de 2032 milliard d’euros en 2012 (source) la dépense informatique représente 70 milliards d’euros ( source Xerfi) 36
Source et champ : France activités marchandes hors agriculture. Insee, REE (Répertoire des Entreprises et des Établissements - Sirene). Et http://bts-banque.nursit.com/La-diversite-des-entreprises-3 données de 2012
31
Traditionnellement les éditeurs ciblent les Grandes entreprises les ETI et une part des PME (les plus
importantes). Elles ont une grande tendance à laisser de côté le reste. On parle in fine d’une cible de
sociétés ou organismes de plus de 200 salariés, soit 7 700 sociétés et 61 % du marché en valeur.
Dans ces conditions, élargir la cible de clients potentiels suppose aussi que les coûts commerciaux
d’approche des clients ou d’animation d’un réseau partenaires adressant ces nouveaux clients soient
acceptables par l’éditeur. Ce niveau acceptable va dépendre du spectre fonctionnel de la solution et de son
coût unitaire.
Dans l’hypothèse où un éditeur souhaite et peut élargir son champ d’action aux PME :
Entre 50 et 200 salariés, on élargit le nombre de cibles de 26 935 sociétés
Ente 10 et 49 salariés, on élargit le nombre de cible de 170 000 sociétés
Soit au global un élargissement de la cible de clientèle à 22% additionnels du CA global des sociétés,
représentant 197 00 sociétés.
Comme l’écrit Osterwalder dans « business model Génération »37 on entre dans un business model dit de
la longue traine. Ce business model est un modèle dans lequel « on offre un grand nombre de produits de
niche, chacun de ces produits étant vendus relativement rarement ». Ces modèles « doivent s’accompagner
de coûts de stockage faibles et de plateformes de distribution performantes assurant une bonne visibilité
aux contenus de niche». C’est tout l’intérêt de la mise en place de place de marché ou de passer par un
réseau de revendeurs.
37
P67 et suivantes et P118 pour la synthèse « business model Génération » Osterwalder et al.
32
En conclusion, le cloud computing concerne l’ensemble des couches du système d’information, de
l’infrastructure aux applications au travers les offres IaaS, PaaS et SaaS. Ces solutions apportent de
nouvelles évolutions du système d’information vers toujours plus d’industrialisation, de réduction de coûts
et d’agilité des organisations pour préserver leurs avantages concurrentiels. L’informatique dans les nuages
réalise cela grâce à une nouvelle proposition de valeur où le retour sur investissement est plus facilement
prédictible, avec une mise en œuvre plus rapide, des coûts d’investissements initiaux moindre, et un
paiement à l’usage.
Le rôle de la DSI va s’en trouver transformer, celle-ci conserve son rôle d’architecte, de sécurisation et de
gardien de la résilience du système d’information mais dans un espace qui va au-delà du cercle de
l’organisation. Elle va se transformer en centre de services qui sera mis en concurrence avec des sociétés
externes. Mais c’est aussi pour elle l’occasion de se recentrer sur les activités qui permettent à
l’organisation de conserver ou développer ses avantages concurrentiels.
Du point de vue des éditeurs, adopter le cloud permet de créer un avantage concurrentiel et un levier de
croissance.
L’avantage concurrentiel se situe au niveau de la proposition de valeur apportée via une offre cloud que ses
concurrents ne proposent pas ou avec un spectre fonctionnel moindre et/ou un coût plus élevé. C’est
l’occasion de développer une plus grande agilité et de créer une barrière à l’entrée via la maîtrise du client.
C’est également un levier de croissance qui permet d’adresser les PME voir les TPE qui représentent un
CA additionnel de 22% du CA global des organisations, là où les cibles traditionnelles étaient des ETI et
grandes entreprises soit 61% du marché. Par ailleurs, c’est un levier de croissance car ces offres permettent
d’adresser les directions métiers en se passant des DSI.
Enfin les offres cloud permettent à une société d’adresser directement le marché mondial aux contraintes
près des coûts commerciaux et des lois sur la protection des données ou sur la divulgation des
informations.
33
2 Les business model traditionnel des éditeurs doivent évoluer vers un
business model cloud
L’objectif de cette partie est d’analyser le rôle des éditeurs dans l’écosystème des fournisseurs
informatiques et d’étudier l’impact de la révolution du cloud sur la chaine de la valeur de cet écosystème.
Dans un second temps, on analysera les business models des éditeurs traditionnels dits propriétaires, ceux
des éditeurs Open source et enfin ceux des pure players cloud38. L’objectif est de dégager les forces et les
faiblesses de ces 3 typologies d’éditeurs vis-à-vis de la révolution cloud.
2.1 Le rôle dominant des éditeurs logiciels dans l'univers informatique
malgré un poids en chiffre d’affaire relatif
2.1.1 Un marché des éditeurs très divers, avec une taille insuffisante des acteurs et un
business model largement dominé par la vente de licences.
La dépense informatique en France représente 70 milliards d’euros soit 3,44 % du produit intérieur brut.
Cette dépense est en décroissance de 1,1 % en 2013. Elle est estimée à 0,5% en 201539 . Le marché
informatique peut être découpé entre matériels, services et logiciels. La répartition en % est celle-ci :
Figure 6: dépense informatique par nature en France (2012)
La segmentation est définie comme suit :
Matériels : ordinateurs, tablettes, réseaux et périphériques, serveurs
Services : conseils, audit, intégration, externalisation, maintenance
Editeurs : bureautique, progiciels et applications. Les jeux vidéo sont exclus du champ 4
38
On entend par pure player cloud un éditeur dont le modèle de revenus et d’opérations est uniquement basé sur une tarification à l’usage et avec des solutions répondant à la définition d’une solution cloud, telle que définie dans la première partie. 39
Etude xerfi 2013 07 marché logiciel en France
34
Le marché des éditeurs logiciels représente 7,9 milliards d’euros de CA soit 10,2% de la dépense
informatique en France
Le segment est en croissance de 3 à 4% par an entre 2012 et 2014.
Le marché est segmenté par type de logiciels :
Source Xerfi 2013/07
Figure 7 : répartition du chiffre d'affaires logiciel en France par type de solution
La part de l’applicatif est le plus important avec 75,1% de l’ensemble.
Par ailleurs, le marché est très atomisé et certaines sociétés sont de taille très insuffisante en regard de la
concurrence venue de l’étranger qui ont, elles, une taille en terme de CA très importante. La répartition
des éditeurs par nombre de salariés est la suivante :
Source Xerfi 2013/07
Figure 8 : répartition en % des éditeurs en France par nombre de salariés
systèmes de réseaux 15%
outils de développement et
langages 4%
outils middleware 6%
applicatifs PLM 28%
applicatifs banques et assurances
8%
applicatifs gestion - ERP 6%
applicatifs CRM 6%
applicatifs autres logiciels
27%
éditeurs avec 0 salarié 50,4% de 1 à 5 salariés
23,6%
de 6 à 9 salariés 7,1%
de 10 à 19 salariés 8,6%
de 20 à 99 salariés 8,9%
plus de 100 salariés 1,5%
35
Les ventes sont réalisées à 77% en France, 14% en Europe et à peine 9% dans le reste du monde alors que
la France représente 3,4% de la dépense mondiale en informatique, l’Europe 30% , le reste du monde 70
%40. Nos éditeurs ne sont en clair pas assez présents à l’étranger, ce qui est une conséquence de la taille
moyenne des éditeurs français.
Enfin, la répartition des revenus des éditeurs de logiciel est en 2012 la suivante :
Source données 2011, Xerfi issues de données de KPMG sur un panel de 408 sociétés et « panorama-open-
source « 2013 CNLL (Conseil National du Logiciel Libre)
Figure 9 : modèle de revenus de l'édition de logiciel en France
Les ventes Cloud représentent 8%, l’open Source 6% et les business models traditionnels à base de
licences représentent le reste, soit près de 86%. On voit donc que le secteur est largement dominé par le
business model traditionnel à base de ventes de licences.
L’étude Xerfi 41 indique par ailleurs que le secteur au global réalise en 2012 une marge brute de 68,7%,
avec un excédent brut d’exploitation de 11,6% et un résultat net de 7%.
En synthèse le marché du logiciel français est dominé par quelques grands acteurs : les 50 premiers
représentent 56% du CA du secteur alors qu’il y a près de 4200 éditeurs en France. Il y a beaucoup de
petits éditeurs. La santé financière est bonne avec un résultat net à 7%. Il faut cependant relativiser car les
grands éditeurs tels Oracle ou Microsoft sont plutôt à 22% de résultat net. Par ailleurs, les éditeurs ne sont
pas assez présents sur les marchés internationaux. De plus, le secteur est encore très largement basé sur
un business model traditionnel à base de licence ( 86% du CA).
40
Source Forrester 2012 « European Information And Communications Technology Market 2012 To 2013 » 41
Etude xerfi p 34
maintenance et services
51% licences
32%
Open Source 6%
cloud 8%
autres 3%
36
Quel est la place traditionnelle des éditeurs dans la chaine de la valeur globale du monde
informatique ?
L’ensemble de cette partie s’appuie largement sur les travaux de l’étude de l’AFDEL, en synthétisant les
points essentiels aux propos de ce mémoire.42
En Synthèse, le document de l’AFDEL permet de situer le positionnement des acteurs traditionnels comme
suit :
Source AFDEL
Figure 10 : le positionnement des acteurs traditionnels du monde informatique
Dans ce modèle traditionnel, les éditeurs sont des producteurs de solutions qui sont portées sur le marché
par des distributeurs et des intégrateurs qui distribuent et/ou mettent en œuvre les solutions chez les
clients ou dans leurs propres centres d’hébergement.
Les hébergeurs font de même mais uniquement dans leurs locaux.
Les cabinets de conseil font soit de la maîtrise d’ouvrage en conseillant les clients sur la meilleure solution
(progiciels, business process management, développements spécifiques) en regard des besoins clients soit
du conseil en système d’information, en aidant les clients à bâtir leur système d’information en associant les
briques matérielles et logicielles.
42
2013 01 CDC-AFDEL -Etude des spécificités du marché du SaaS en France p63 à 73
37
Dans cet écosystème, la répartition de la valeur peut être perçue au travers des niveaux de marge brute
générés par chacun des acteurs.
Nous avons pour chacun d’eux :
Editeurs : 68,7%43
Opérateurs télécom : 70%
Hébergeurs : autour de 50%
Audit & conseil : entre 30 et 40%
Intégrateurs : 25 à 30% en intégration (forfait ou centre de services ou régie)
Distributeurs : entre 10 à 20%
En synthèse, même si les éditeurs ont une part de la dépense relativement faible dans l’écosystème du
monde des fournisseurs informatiques (10,2 % pour mémoire), leur niveau de marge fait qu’ils concentrent
l’essentiel de l’innovation, du fait de leur niveau de marge brute leur permettant d’investir énormément en
R&D. Par ailleurs, les éditeurs sont les primo-fournisseurs des solutions informatiques. Tous les autres
acteurs, en dehors des constructeurs de matériels, sont des assembleurs de solutions à un degré plus ou
moins élevé. En clair ce sont les éditeurs qui font le marché en ce sens que les évolutions du marché
viennent d’eux.
Analysons maintenant l’impact du cloud computing.
43
2013 07 Etude Xerfi marché du logiciel en France P 34 + interviews de l’auteur avec des acteurs du marché
38
2.1.2 La chaine de valeur dans le monde informatique bousculée par l’arrivée du cloud
computing
La chaine de la valeur des éditeurs se trouve modifiée par l’apparition du cloud. On peut le synthétiser de la
façon suivante :44
Source AFDEL
Figure 11 : nouveau positionnement des acteurs du monde informatique suite à l'arrivée du cloud
On voit que toutes les catégories de fournisseurs sont affectées de manière plus ou moins importante :
Les distributeurs sont très menacés
Les sociétés d’intégration sont fortement et négativement impactées
Les opérateurs télécom doivent faire évoluer leurs offres
Les sociétés de conseil doivent faire évoluer leurs compétences
Les fournisseurs de matériels sont affectés positivement
Les éditeurs voient leur rôle et leur contrôle du marché s’accroitre
44
Même source que la note 30 à la page 65
39
Le marché va se recomposer en 3 nouveaux segments que sont :
Les cloud builders : ils regroupent les sociétés de conseils et d’intégration
o Les sociétés de conseils deviennent des architectes du cloud. Leur objectif est de penser
les solutions mêlant les solutions traditionnelles et les solutions en mode cloud.
o Les sociétés de services deviennent des intégrateurs du cloud :
D’infrastructures : pour des solutions performantes et sécurisée,
De solutions cloud : intégration de solution au système d’information (SI)
Intégrateurs globaux multi-applications avec intégration au SI
Les cloud Providers : ils fournissent des solutions en cloud IaaS, PaaS, Saas
o Les opérateurs télécoms : deviennent des fournisseurs de solutions IaaS.
o Ils cohabitent avec des opérateurs pure players spécialisés dans ce domaine (Cloudwatt ou
Numergy, OVH, Celeste …) en France mais aussi des opérateurs internationaux (Amazon
, Google..)
Les Clouds enablers : ce sont les éditeurs, ils fournissent soit
o les technologies nécessaires au fonctionnement du cloud. Elles peuvent être soit
directement mises en oeuvre chez les clouds providers, soit mises en œuvre directement
par les éditeurs ou chez les clients finaux.
o les solutions souvent métiers directement exploitées en cloud par les éditeurs
On notera que les distributeurs qui traditionnellement proposent des solutions ou des produits avec une
marge d’intermédiation sont les plus menacés. Ils ont une faible marge 10 à 20% donc peu de capacités à
investir et il leur faut trouver leur place dans un environnement fortement tourné vers le service. Or ils
sont absents de ce domaine vu que ce sont principalement des intermédiaires.
Cela entraine une recomposition de la chaine de la valeur :
En reprenant les travaux de l’AFDEL on peut distinguer 2 chaines de la valeur :
Une pour la construction des solutions cloud
Une pour la distribution des solutions cloud aux clients finaux.
Chaine de la valeur pour la construction des solutions cloud :
Dans cette chaine de la valeur il s’agit de concevoir une solution cloud.
On a deux grands cas de figure
création d’une plateforme IaaS
création d’une plateforme PaaS ou SaaS
40
Dans le cas de la création d’une plateforme IaaS :
L’objectif est de fournir de la puissance de traitement en garantissant des niveaux de services ou Services
Level Agreement (SLA) qui sont la garantie du temps de disponibilité des solutions.
L’opérateur ou le pure player va principalement se tourner vers
Les opérateurs télécom pour la fourniture de la bande passante réseau,
Les constructeurs de matériels qui fournissent les serveurs et les matériels réseaux,
Les éditeurs pour les Operating systems, la virtualisation, la supervision
Les cabinets de conseils qui aideront à bâtir l’architecture de la solution si l’expertise en interne
n’est pas disponible en particulier sur les aspects choix des briques performances, sécurité , plan
de reprise d’activité, résilience45.
On notera dans ce secteur un appel à l’Open source et aux solutions éditeurs propriétaires. L’Open
source fournit des logiciels disponibles en code source donc adaptables au contexte de l’opérateur IaaS
car il peut modifier le code et assembler différentes briques Open Source facilement. Lorsque la question
se pose de bénéficier d’un support et de fonctionnalités avancées l’opérateur IaaS fait appel aux solutions
propriétaires.
Dans le cas d’une plateforme PaaS ou Saas :
L’objectif ici est de fournir une solution middleware ou une solution métier en garantissant là aussi que des
SLAs s’appliquent. On notera que les SLAs demandés par le marché ne le sont que sur la disponibilité et
non pas sur un temps de réponse minimum, ou une garantie sur l’exploitation de la solution
L’éditeur ou le pure player va principalement se tourner vers
Un hébergeur IaaS lui fournissant la mise à disposition de ressources matérielles, operating system,
virtualisation
Les éditeurs pour des logiciels spécialisés : pour la facturation, les tests de charge, supervision,
etc…
Les cabinets de conseils : qui aideront à bâtir l’architecture de la solution si l’expertise en interne
n’est pas disponible en particulier sur les aspects choix des briques performances, sécurité , plan
de reprise d’activité, résilience
Dans le cas du IaaS, les opérateurs télécom et les pure players de IaaS vont devenir incontournables. La
course à la taille en terme de capacité à proposer de la ressource à bas prix et flexible est l’élément
essentiel. A ce jeu-là les gagnants sont ceux qui ont la capacité à investir dans de grands datacenter et à
disposer de bande passante à bas coût. En clair les opérateurs et les plus grands pure players déjà établis
(Amazon, Google, Rackspace) ainsi que quelques grands éditeurs tel Microsoft sont les mieux placés. Il
reste une place pour les intégrateurs sur des segments tels que le IaaS avec un fort niveau de sécurité ou
respectant la territorialité des données et non liés par le Patriot act. Le chantier EuroCloud lancé par le
président de la république en septembre 2013 et piloté par Thierry Breton PDG d’Atos et Octave Klaba
DG d’OVH vont dans ce sens.46
45
La résilience dans un contexte informatique est l’ensemble des moyens pour faire en sorte de garantir que les systèmes restent opérationnels 46
Magazine Solutions et logiciels février mars 2014 P 34 le « plan d’EuroCloud »
41
Chaine de la valeur de la distribution des solutions cloud aux clients finaux.
La distribution des solutions cloud se fait selon 2 schémas.
Distribution directe par les éditeurs cloud : l’éditeur propose sa solution aux clients finaux.
L’intégration au système d’information et la personnalisation est faite soit :
o Par l’éditeur via ses services de consulting
o Par un intégrateur
Distribution indirecte via des intermédiaires
o Distribution via des revendeurs ou distributeurs. C’est le mode de distribution privilégiée
pour adresser les PME et les TPE. La marge de revente pure d’une solution standard en
mode cloud est faible, de l’ordre de 12 à 15%47. Il faut donc, pour ces revendeurs ou le
distributeur qui devient à cette occasion un offreur cloud, proposer une personnalisation
métier de la solution cloud leur permettant d’augmenter leur marge en vendant plus cher
que la solution standard. Cela suppose donc d’investir pour bâtir ces solutions en montant
des offres. Il est à noter qu’ils peuvent assembler les différentes briques sans supporter des
coûts initiaux d’investissement importants en matériels et infrastructures notamment via les
offres IaaS.
o Distribution via des intégrateurs qui personnalisent la solution aux besoins du client et le
connecte au système d’information
o Distribution via une plateforme, ce sont les places de marché. Ces places de marché (ou
marketplace) peuvent être privées, par exemple Salesforce avec AppExchange, Azure de
Microsoft. Elles peuvent aussi être publiques comme les forges logicielles que l’on trouve
dans le secteur public. L’intérêt est de créer un écosystème de solutions apportant une
valeur ajoutée additionnelle à la solution ou aux solutions de l’éditeur mettant en œuvre la
marketplace. Dans le cas des places de marché publiques, l’objectif est de créer une
communauté d’applications complémentaires et compatibles entre elles afin de développer
l’usage de ces applications en créant une grande base installée. Il n’y a pas de but lucratif.
o Distribution via une intégration de l’offre Saas par un partenaire métier. Celui-ci
personnalise la solution pour un segment de marché. Le partage de la valeur est fonction du
mode de distribution en marque blanche (l’éditeur est invisible du client) ou au contraire
en affichant le nom de l’éditeur. En marque banche la marge est supérieure de l’ordre de
60% du prix net pour le distributeur alors qu’en s’affichant avec l’éditeur elle est plutôt de
30 ou 40 % pour le distributeur.
47
Discussion de l’auteur avec divers professionnels
42
Quelles sont les modifications de la chaine de la valeur liées à ces modifications de la distribution ?
Les deux enjeux cruciaux sont par ordre décroissant :
le contrôle de l’exploitation de la solution ce qui permet de tout connaitre du client.
le contrôle de la relation client
Dans ces conditions et suite à l’analyse ci-dessus, on peut noter :
Les acteurs qui renforcent leurs positions sont :
les Editeurs proposant des solutions cloud car ils contrôlent l’exploitation et souvent la relation
client.
Dans le cas où ils passent via une distribution indirecte ils conservent l’exploitation sauf s’ils sont en
marque blanche via un intégrateur de solution auquel cas ils ne contrôlent plus rien.
Les acteurs pour qui cela ne change pas leur position :
Les cabinets de conseils : ils conservent leur relations avec les clients comme précédemment
A l’inverse, les acteurs dont la position va devoir changer sous peine de disparaitre :
Les intégrateurs : ils maitrisent la relation client mais pas l’exploitation. Ils vont se retrouver
concurrencés par les éditeurs qui leur enlèvent la partie exploitation voire la partie relation avec le
client.
Par ailleurs sur une solution traditionnelle : pour 100 € de licences, les intégrateurs interrogés
indiquent réaliser entre 100 et 600 € de services. Pour les solutions en cloud computing, le niveau
de services oscille entre 20 et 200 € pour 100 euros de solutions Saas. L’impact pour les SSII est
donc très sérieux sur le niveau de chiffre d’affaires puisque si tout le marché était en mode cloud, à
périmètre constant d’activité, la baisse d’activité serait selon leurs estimations de l’ordre de 2/3.
Dans ces conditions, les SSII auraient à faire un très important redimensionnement de leurs
effectifs.
Les distributeurs : ils ne contrôlent pas la relation avec le client final ni l’exploitation. Ils doivent
muter vers l’exploitation de solutions cloud à destination des revendeurs PME/TPE sous peine de
disparaitre.
Les opérateurs télécom : ils doivent impérativement passer de la fourniture de bande passante dont
les prix vont fortement chuter à des solutions de IaaS. Dans le cas où ils ne réalisent pas cette
mutation, ils perdront au fur et à mesure la relation avec le client qui passera sous le contrôle des
offreurs Iaas.
43
2.3 L’analyse des différents business models des éditeurs
Au vu des modifications de la chaine de la valeur apportées par le cloud et de la nécessaire évolution des
éditeurs qui en découle, on va analyser les différents business model des éditeurs (propriétaire, Open
source, pure Player cloud) afin de dégager les menaces potentielles qui pèsent sur eux. On va donc se
concentrer sur les points du business model qui sont menacés.
Comme présenté dans l’avant-propos méthodologique, l’analyse des business model sera faite selon cette
grille d’analyse :
Proposition de valeur
o Proposition de Valeur
o Pricing model
o Segmentation client,
o Relations clients
o Canaux
Architecture de la valeur
o Activité clés
o Partenaires clés
o Ressources clés
Equation de profit
o Structure de couts
o Flux de revenus
2.3.1 Le business model des éditeurs propriétaires un modèle souvent menacé
Le Logiciel dit propriétaire ou privateur est défini par l’April48, qui est une association promouvant le
logiciel Open Source. Il s’agit d’un logiciel qui ne permet pas techniquement et légalement de réaliser les 4
actions suivantes : la libre exécution du logiciel pour tout type d’applications, l’accès au code source et son
étude, la modification du code source, la libre distribution de copies. Ces limitations sont encadrées par un
contrat dit contrat de licences. L’objectif est de vendre ces licences qui seront tarifées selon diverses
métriques dont les plus courantes sont le nombre d’utilisateurs, le nombre de serveurs, la puissance de
ceux-ci etc... Les licences s’accompagnent d’une redevance de maintenance permettant à l’utilisateur final
de bénéficier d’un support technique pour résoudre principalement les bugs49, des mises à jour au minimum
mineures du logiciel. Ces mises à jour apportent des corrections des bugs et des modifications
fonctionnelles mineures. Les mises à jour fonctionnelles majeures apportant des modifications
fonctionnelles importantes sont ou non inclues dans le contrat de maintenance.
Aujourd’hui, 86%50 en valeur du marché des éditeurs obéissent à ce modèle.
48
April, définition du logiciel propriétaire : http://www.april.org/articles/intro/privateur.html 49
Un bug : est une erreur du programme logiciel. 50
L’étude Xerfi 2013/07 » marché logiciel en France » évalue à 8% le marché du cloud pour les éditeurs, et le rapport « Panorama de l'open source en France », le CNLL (Conseil National du Logiciel Libre) 2013 évalue la partie du marché de l’open source logiciels et service à 6% , on peut en déduire la part du logiciel propriétaire à 86%.
44
Au vu de ce que l’on a analysé dans les parties précédentes, quels sont les risques affectant ce business
model suite à l’émergence du cloud computing ? On peut en déterminer 4 impacts majeurs :
La proposition de valeur est menacée.
Dans un modèle à base de licences, le client, en plus des coûts de licences et de maintenance, doit ajouter
des coûts d’intégration qui sont de l’ordre de 1 fois à 6 fois le coût des licences et les coûts d’exploitation
de la solution qui peuvent représenter sur 3 ans, 50% des coûts de licences, maintenance et intégration
initiale. Le métier et même la DSI ne savent que très approximativement ce que va leur coûter la solution.
Par ailleurs, le Standish group indique dans son « chaos report » de 2004 que 55% des projets d’intégration
de moins de 750 000$ sont un succès et que 8% au-dessus de 8 millions de $ sont un succès51. Il peut donc
y avoir des dérives additionnelles coûteuses au-delà du budget initial. Dans le cas du cloud, le coût du
logiciel et ses coûts de production sont intégrés au prix. Seuls subsistent les coûts d’intégration à ajouter à
ce prix. Comme on l’a vu plus haut, la facture globale est entre 5 et 3 fois moins élevée que celle d’une
solution à intégrer, avec un délai de mise en œuvre entre 2 et 6 mois, là ou une solution intégrée par la DSI
peut prendre entre 3 mois et 2 ans.
Le modèle de prix est un handicap.
Dans le cas du modèle traditionnel, le client supporte un investissement initial important lié aux licences
avec une mise de départ incompressible et ce quel que soit l’usage. Dans le cas du cloud le client paie à
l’usage sans mise de départ importante avec une montée en charge des coûts au fur et à mesure de la
montée en puissance de l’application.
Par ailleurs pour le secteur privé les coûts de licences sont considérés comme un investissement amorti
alors que les services opérés sont vus comme un coût de fonctionnement. Or Les actionnaires recherchent
au maximum à avoir le meilleur retour sur capitaux employés (ROCE en anglais). La réduction des
investissements concourt pour un résultat net identique, à améliorer ce ratio puisque qu’il y a moins de
capitaux employés. Le modèle de prix permettant de loger un maximum de dépenses en fonctionnement au
lieu de les mettre en dépenses d’investissement est donc préféré du point de vue de l’actionnaire.
Ce levier défavorise donc le modèle de prix à base de licences.
La capacité à innover rapidement et de façon judicieuse est menacée.
Le processus d’innovation compte 5 sources : les analystes, la vision future de la solution par le comité
produit52 , les remontées du support, les résultats du club utilisateurs, le travail en réseau en échangeant
avec d’autres et l’expérience client grâce à l’observation des comportements de celui-ci.
Or l’expérience montre que l’observation de l’expérience client (la façon dont le produit est utilisé et
perçu) est le meilleur vecteur de l’innovation incrémentale voire de l’innovation de rupture. A ce niveau
dans un modèle classique, la R&D et le chef de produit ont une vision très faible de l’usage réel de la
solution, ce qui obère la capacité à innover rapidement et surtout de façon utile. A l’inverse en cloud,
l’usage de la solution est monitoré en permanence.
Les théories de l’innovation telle celle de Lean Start up53 ou User-Led Design ou stratégie Ocean Bleue
insistent toutes sur le feed-back permanent par l’observation du client pour trouver des usages en rupture.
51
Par succès on entend que le projet est délivré dans les délais et que les fonctionnalités sont conformes aux attentes
des utilisateurs 52
Le comité produit est composé du PDG, du Chief Technology Officer (le directeur R&D généralement), du
directeur marketing et/ou de son chef de produit et parfois du directeur commercial)
45
Le niveau de qualité globale de la solution est moindre que celui des solutions en mode cloud.
En mode cloud, le moindre arrêt de la production signifie automatiquement que tous les clients sont dans
l’incapacité d’utiliser l’application concernée. Dans ces conditions, la stabilité de la solution est primordiale.
Ce qui signifie donc que les versions des logiciels doivent avoir le minimum de bugs possibles.
Dans un mode traditionnel la R&D dispose d’une équipe de tests qui au minimum a mis en place des tests
unitaires des logiciels 54. Si cette équipe est plus avancée, elle a mis en place des tests globaux et dans un
troisième temps des tests d’ergonomie, de montée en charge voir des scénarios typiques clients avec tests
de charge. Il faut noter qu’il n’est pas rare que les 2 derniers tests ne soient pas mis en place, faute de
personnels principalement. Dans ces conditions une R&D classique performante passe au moins 10% de
son temps à corriger des bugs voir 20% pour l’industrie et bien pire dans certains cas. Un tel niveau de
qualité nuit à la réputation du logiciel et donc à son développement commercial surtout si l’alternative
cloud annonce un taux de disponibilité à 99% (soit 3,65 jours d’indisponibilité par an).
En synthèse, les risques et les forces des éditeurs traditionnels peuvent être schématisés de la façon
suivante :
Figure 12 : SWOT du business model des éditeurs traditionnels
53
« Lean Startup » (2008, E. Ries) ; User-Led Design (1986, E. Van Hippel), Blue Ocean Strategy (2005, W.C. Kim & R.
Mauborgne 54
Tests unitaires : chaque fonction du logiciel est testée séparément. Il peut y avoir plusieurs milliers ou dizaine de milliers de tests unitaires pour une solution
46
Cependant même s’il existe des menaces sur ce business model, tous les éditeurs ne sont pas concernés.
En effet, certains segments de l’édition logicielle ne sont pas adaptés au mode cloud.
Sont concernés :
Les logiciels de sécurité à destination des OIV55. Par définition, du fait des contraintes de sécurité, il est hors
de question de mettre ces solutions en dehors de l’entreprise. Cela ne signifie pas pour autant que leur
modèle de prix ne doit pas évoluer vers un prix à l’usage.
Les logiciels dont l’adhérence au système d’information est forte et pour lesquels le fonctionnement à haut
débit en mode synchrone est essentiel. La détermination des logiciels couverts par ce segment est plus
difficile à faire. On peut donner pour exemple les logiciels de CAO /DAO56, les logiciels de production ou les
logiciels avec une très forte logique transactionnelle et qui s’interfacent avec d’autres applications dans le
système d’information (logiciels de salle de marché par exemple). Dans ces cas, l’usage du cloud s’avère
impossible d’un point de vue technique à l’heure actuelle. Cela ne veut pas dire qu’à terme cela ne sera pas
possible.
Il est difficile d’évaluer la part du marché concernée par ces 2 types d’acteurs. En reprenant la répartition
en pourcentage du CA des éditeurs, on peut estimer ce segment à 30 ou 40% (une part du PLM57 qui
représente 28% du marché, une part des logiciels bancaires ou financiers estimé à 8% du marché, la part
sécurité dans la part de marché système et réseaux qui représente 15% du marché) .
On peut cependant considérer qu’une très grosse part du marché va devoir évoluer vers le cloud computing
au vu des menaces qui pèsent sur le business model traditionnel des éditeurs propriétaires.
55
OIV : Organismes d’intérêts vitaux définis par l’ANSSI, ce sont des sociétés concourant au bon fonctionnement de la France ou à son indépendance cf note 16 pour une définition détaillée. 56
CAO : Conception Assistée par Ordinateur. DAO : dessin assisté par Ordinateur pour le design et la conception de pièces d’avions, automobiles. 57
PLM : Production Life Cycle Management : logiciels servant à suivre ou mettre en œuvre les différentes étapes du cycle de vie d’un produit de sa conception à sa maintenance en passant par sa production.
47
2.3.2 Le business model des éditeurs Commercial Open Source, une proposition de valeur
en danger.
Le modèle Open Source ou libre est défini par François Elie dans «Economie du logiciel Libre » comme
«un logiciel dont l’auteur a rendu les secrets de fabrication (code source) librement accessibles et librement
réutilisables». En cela à l’inverse des logiciels propriétaires, il respecte les 4 libertés du logiciel définies dans
le paragraphe précédent.58
Il existe dans ce modèle de distribution du logiciel 3 familles de logiciels libres qui sont considérés selon la
notion de copyleft.
La définition que donne F. Elie59 du copyleft est la suivante : «c’est une disposition qui fait hériter de sa
licence toute dérivation d’un logiciel». Il en existe 3 types :
Sans copyleft : le logiciel A a un type de licence libre, le logiciel A+B prend soit la licence de A soit
celle de B au choix
Copyleft faible : le logiciel A a un type de licence, le logiciel B un type de licence. Dans le logiciel
A+B, A garde sa licence et B la sienne
Copyleft fort : le logiciel A+B doit prendre la licence de A
Les personnes ou organisation qui produisent du logiciel ont pour objectif d’enrichir le patrimoine logiciel
afin que tout le monde en bénéficie. C’est un principe similaire à celui de la recherche scientifique. L’enjeu
final est d’optimiser et faire progresser la production informatique.
Les 3 motivations selon F Elie 60qui poussent ces personnes sont :
La reconnaissance
Le souci de faire des économies
L’espérance de gains.
Dans le cadre de ce mémoire on va s’intéresser au troisième.
Dans un business model Open source la génération de revenus se fait selon 4 modes possibles61 :
Le modèle de service qui considère qu’il y a création de valeur au travers du service réalisé autour
d’une souche technologique. Cette création de valeur est reversée à la communauté, permettant au
logiciel de s’améliorer.
Les communautés : principalement des intégrateurs réalisent une communauté autour d’un logiciel.
L’objectif est de créer un standard de facto. Ils se rémunèrent sur le service. C’est une version plus
élaboré du modèle précédent. Ce modèle permet aussi de faire participer les clients finaux. On
peut citer Apache (serveurs web) , OW2, Tomcat…
Le modèle de valeur ajoutée à travers la vente de garantie. Le logiciel est libre mais l’éditeur
garantit que l’assemblage des différentes briques Open Source est testé et fonctionnel et il assure
un service de maintenance. Le leader dans le domaine est Red Hat
58
On trouve d’autres définitions à peu près similaires, dont celle de la Free software foundation un des mouvements historiques de l’Open source) et celle de l’OSI L’Open Source Initiative (l’autre mouvement historique) 59
F. Elie « économie du logiciel libre « P 5 60
Même livre p 16 61
Même livre p 35
48
Le modèle de la double licence : l’une est gratuite, l’autre est payante avec des fonctionnalités
additionnelles. Dans le second cas, on est dans un modèle propriétaire avec un mode de
tarification particulier.
Il existe de nombreux éditeurs sur ce modèle Alfresco, Liferay, Bonitasoft, OpenERP etc..…
Les éditeurs sont concernés par les deux derniers modèles.
Ces modèles sont caractérisés par le fait que le modèle de revenus est sous forme de souscriptions
annuelles. Les clients bénéficient des garanties ou des fonctions avancées du logiciel tant qu’ils souscrivent
et pour la durée de la souscription.
Les avantages de ce modèle en regard du modèle propriétaire sont de trois types :
La génération de souscription autour de la solution est facilitée par le fait qu’il existe une base
installée non payante très importante. Le ratio communément admis de conversion est que 10% de
la base installée prendra des souscriptions là ou 90% n’en prendra pas62.
Le modèle à base de souscription est très souvent moins cher, de l’ordre de 40 %63 que celui à base
de licences, sur un retour sur investissement calculé sur 3 ans ou 5 ans. Comme cet écart de coût
est fortement influencé par la situation concurrentielle c’est une valeur indicative. De manière
générale l’offre Open Source est perçue par les clients finaux soit comme une offre low cost soit
comme une offre de rupture64.
Le modèle Open Source permet au client final de lisser son investissement dans le temps. Le ROI
est calculé sur 3 ans par les sociétés car c’est le temps d’amortissement utilisé en comptabilité.
Dans un modèle de licence, pour une base 100 de licence, la première année représente 120 (dont
100 en investissement et 20 en frais de fonctionnement), la seconde et troisième année 20 en frais
de fonctionnement. Pour un modèle Open Source, le coût, en supposant un coût global équivalent,
est de 53 par an, le tout en frais de fonctionnement. Or à l’exception du secteur public pour lequel
ce n’est pas avantageux, pour le secteur privé cela permet de lisser le coût dans le temps et
d’imputer ces coûts en frais de fonctionnement donc de diminuer les coûts d’investissement.
62
François Elie, Smile « livre blanc introduction à l’Open Source et les logiciels Libres « 63
Expérience personnelle de l’auteur sur le sujet 64
Offre low cost : offre offrant moins de valeur pour moins cher qu’une offre de référence sur un marché donné Offre de rupture : offre offrant plus de valeur pour moins cher qu’une offre de référence sur un marché donné
49
Pour autant au regard de l’arrivée du cloud computing, ce business model est aussi en
danger :
La même analyse que pour les éditeurs traditionnels s’applique aux 3 éléments suivants :
La proposition de valeur
Le niveau de qualité globale de la solution en regard de celle du cloud
La capacité à innover rapidement et de façon judicieuse
Seule la menace sur le modèle de prix ne concerne que partiellement les éditeurs Open Source.
Ainsi, comme on l’a vu il n’y a pas de coûts de licence initiaux. Seuls existent des coûts de souscription.
Cependant le prix n’est pas réellement à l’usage. En effet les coûts de souscriptions se font selon une
tarification minimum dont les éléments de calculs sont différents d’un éditeur à un autre. On peut citer un
coût minimum à la puissance du serveur, au nombre de serveurs, à la quantité de mémoire vive, au nombre
de développeurs etc..
50
2.3.3 Le nouveau business model des éditeurs en services opérés
Le chiffre d’affaires en 2012 du cloud représente 8% du marché des éditeurs logiciels avec 712 M€ .
Il n’est pas possible de connaitre la part de chiffre d’affaires réalisé par des éditeurs réalisant 100% de leurs
chiffres d’affaires en cloud.
Par définition, les éditeurs en services opérés dit pure player, démarrent avec un business model répondant
aux caractéristiques du cloud computing, avec un modèle de prix conforme aux pratiques du cloud et
surtout sans aucun historique.
C’est notamment, le cas en ce qui concerne l’adéquation entre les flux de revenus en regard des charges
qui pèsent sur la société.
Cependant en reprenant l’étude de l’AFDEL sur le sujet et les interviews de l’auteur et en comparant avec
l’Etude Xerfi sur les éditeurs logiciels, on constate qu’il y a certaines caractéristiques spécifiques en terme
de structure de coûts65 des pure players comparé à l’ensemble des éditeurs qui représentent 86 % du
chiffre d’affaires dans un modèle traditionnel.
Des couts de R&D importants : pour un CA de 0,6 Millions d’Euros, les coûts R&D sont de 34% , à 6
Millions d’Euros, ils sont de 18%. Ce qui à l’horizon de 3 ans est dans la norme du marché qui est de 20%.
Des coûts commerciaux importants mais proches du secteur: les coûts commerciaux sont de 32%
à comparer à ceux du marché de 28% en moyenne. Cette différence vient du fait qu’il faut évangéliser
davantage les clients et que la cible de clientèle est plus axée globalement sur des structures plus petites. Il
est à noter que des acteurs tels Salesforce dans le domaine du CRM ou Successfactors dans le domaine de
l’analyse de la performance, sont plutôt autour de 37 à 41% du CA.
Des coûts marketing au-dessus de la norme du marché : La norme du marché logiciel est autour de
4%. Dans le cas du cloud, les coûts marketing sont en moyenne de 11% du CA. Ce coût élevé s’explique
par plusieurs facteurs :
Le marché est en phase d’évangélisation et nécessite de se faire connaitre
La cible première du Saas sont les PME / ETI et dans une moindre mesure les directions
métiers des grandes entreprises. Au vu de la taille du marché il est impératif de faire venir
le client à soi. On est entre une approche marketing Business to Business caractérisée par
la dominance de l’approche commerciale et une approche Business to Consumer
caractérisée par une approche marketing. Il faut donc mener des actions marketing
importantes : salons, investissements en visibilité sur internet sur les sites fréquentées par
les prospects, relations presse etc..
65
L’ensemble des coûts sont exprimés en % des revenus, si la globalité des couts est supérieure à 100 % alors l’éditeur enregistre des pertes. Etude Xerfi marché logiciel en France 2013/07 p 40
51
Des coûts d’infrastructure très variables : Les coûts d’exploitation de la solution oscillent selon
l’AFDEL entre 2% et 20% du CA. Les discussions menés avec les différentes personnes interviewées font
apparaître des coûts plutôt entre 4% et 30%, avec plus un coût moyen autour de 15%. Sur ce point, la
différence entre les différentes structures de coûts se fait sur 2 points majeurs :
La capacité de la solution à être réellement « multi-tenant ». Il existe dans le « multi-tenancy » 4
schémas différents avec des coûts de production en décroissance :
Des serveurs séparés avec pour chaque serveur une session et une base spécifique
Sur des serveurs mutualisés, des sessions différentes avec des bases séparées à chaque fois
Sur des serveurs mutualisés, des sessions différentes partageant la même base, l’intérêt est
de mutualiser et de privilégier la montée en charge avec un bon niveau de sécurité mais
forcément moindre que si tout était séparé.
Dans la dernière option, tout est mutualisé, des serveurs, aux sessions et aux bases. Les
sessions et les données sont identifiées par un numéro ( le tenant )
Le logiciel est paramétré mais il n’y a jamais de version spécifique à un client. Si c’est le cas les coûts
exploseraient car il faut maintenir différentes versions de la solution.
On trouvera ci-dessous une analyse comparée des répartitions des coûts fonction du stade de
développement de la société et des hypothèses d’analyse.
Les coûts sont ventilés selon les catégories suivantes : frais généraux, direction, infrastructures ou frais
externes, R&D, commerce, marketing et frais divers. Ils sont exprimés en % de 100 € de CA. Si la société
fait des pertes elle enregistre un poste bénéfice négatif.
Les hypothèses retenues sont :
celles de l’AFDEL pour un CA de 0,6 M€
celles de l’AFDEL pour un CA 6 M€ après 3 ans
celles de l’AFDEL pour un CA de 6 M€ avec les coûts les plus bas
celles de l’AFDEL pour un CA de 6 M€ avec les coûts les plus élevés
une hypothèse pour un CA de 2,4 M€ à 3 ans avec une croissance de 60% en partant d’un CA de 0,6 M€
le rappel des moyennes du marché à l’heure actuelle selon les données de Xerfi de 2013.
On notera en synthèse que fonction de la structure de coûts le pure player peut faire entre 40% de
bénéfice et 18% de perte. La situation est donc très contrastée et doit s’apprécier entreprise par
entreprise. La moyenne étant que la société est à l’équilibre malgré les coûts initiaux de mise en oeuvre et
des revenus qui montent en puissance au fur et à mesure.
Le modèle du pure player contrairement à une idée reçue peut être rentable quasiment dès le départ.
52
Figure 13: Compte de résultat selon différentes hypothèses de structure de coûts pour les pure players
cloud
AFDEL CA 0,6 M€
AFDEL CA 6 M€ AFDEL CA 6 M€ couts bas
AFDEL CA 6 M€ couts élevés
modèle mémoire CA
2, 4 M€
etude Xerfimoyenne du
secteur
4 4 3 6 4 5
6 5 4
9 6 5
9 7
5
11 15
21
34
22
18
27 25
20
32
32
20
40
32 28
11
11
10
15
11
4
4
12
0
10
6
10
0 7
40
-18
1 7
Compte de résultat selon différentes hypothèses de structure de coûts pour les pure players cloud
frais généraux direction infrastructures ou frais externesR&D commercial Marketing & frais divers
53
En conclusion de cette seconde partie, il apparait que le marché des éditeurs de logiciels en 2013 est à
86% encore dans un business model traditionnel à base de licences, à 6% sur un business model Open
Source à base de souscriptions et à 8% sur un modèle cloud.
Une part non négligeable, autour de 20 à 30% du CA du secteur, n’a pas d’intérêt ou d’urgence à évoluer
vers le cloud principalement le secteur de la sécurité et celui des solutions ayant une forte synchronisation
avec le SI. Toutefois, on peut noter pour cette dernière catégorie une certaine évolution. Ainsi récemment,
Dassault Systèmes leader du PLM en France a décidé de lancer un cloud souverain autour de ses offres d’ici
juin 2014.
Le business model traditionnel à base de licences mais aussi celui des éditeurs Open Source est très
sérieusement menacé par l’arrivée des solutions cloud qui présentent des avantages en terme de :
proposition de valeur (coûts initiaux moindres, coûts globaux de la solution moindres d’au moins
20% et prédictibles, plus grande rapidité de mise en œuvre, paiement à l’usage)
capacité pour l’éditeur à innover rapidement et de façon pertinente grâce à une bien meilleure
observation des usages clients
un niveau de qualité de la solution bien meilleur
Par ailleurs les pure player cloud sont sur un trend de développement de 38% par an en regard des 3 à 4%
du secteur des éditeurs et le tout globalement dans une équation économique rentable. Il est donc urgent
pour les éditeurs (représentant près de 70% du CA du secteur) d’évoluer sous peine de disparaitre ou d’être
marginalisés.
54
3) Un changement de business model qui n’est pas forcément adapté à
tous les éditeurs et qui affecte l’entreprise à tous les niveaux
Dans cette partie, l’objectif est d’analyser l’impact du passage à un business model tourné vers le cloud
computing pour un éditeur existant commercialisant des licences.
Comme on l’a vu dans la deuxième partie, certains segments d’activité de l’édition logicielle n’ont pas
besoin de le faire ou du moins pas immédiatement pour certains.
Une évolution réussie nécessite d’adapter l’entreprise. On peut synthétiser l’ensemble des adaptations à
réaliser sous la forme du schéma suivant :
Figure 14 : les principaux impacts du passage au cloud pour un éditeur traditionnel
55
3.1 Une proposition de valeur qui change radicalement
On va examiner ici ce qu’entraine le cloud au niveau de la proposition de valeur, de l’élaboration des prix,
de la relation aux clients et de l’approche des canaux pour accéder aux prospects.
3.1.1 Une nouvelle Proposition de valeur
Reprenant la définition de Gerald Karsenti et Al « Busines model des services » 2013, « la proposition de
valeur représente le point d’entrée stratégique pour donner toutes les chances au modèle d’entreprise
de réussir sur le marché ».
Pour rappel, la proposition de valeur amenée par les solutions cloud pour les clients finaux est caractérisée
par 66:
Un paiement à l’usage
Une garantie de service
Pour certains éditeurs, la garantie de la territorialité des données
Une visibilité sur les coûts globaux de la solution
Des coûts globaux moindres en regard d’une solution classique
L’agilité : le temps de mise en œuvre de la solution en regard d‘un projet classique d’intégration est
bien moindre
L’application est accessible via tout type de médias : PC, smartphone, tablette
Le cloud computing est plus respectueux de l’environnement
Les directions métiers peuvent ou non s’abstraire de leur DSI
On va détailler les différents attributs de la proposition de valeur sur lesquels des précisions sont
intéressantes.
Un Paiement à l’usage très modéré dans la pratique
Dans le domaine du IaaS, la consommation est typiquement à l’usage comme on le verra dans le modèle de
prix (section 3.1.2). Cependant, les budgets dans les organisations sont à l’année et le périmètre de
fonctionnement est assez clairement identifié, par conséquent, il est souvent demandé au fournisseur un
prix forfaitisé à l’année. Habituellement, le contrat est signé pour une période minimum de 1 an ou de 3 ans
en contrepartie de remises sur le prix67 . Le mode de paiement peut être à terme échu68 mais avec une
facturation mensuelle voire trimestrielle (si les montants sont faibles)69. Cependant, les éditeurs proposent
aussi du paiement en terme à échoir70 généralement pour une période d’un an.
Dans le domaine du PaaS et du SaaS, les prix sont à l’usage au sens où l’on peut ajouter des utilisateurs ou
facturer avec tout autre métrique fonctionnelle. Les métriques pour les prix peuvent être très diverses ainsi
66
Cf section 1.2.1 pour le détail 67
Entretien avec M. Arnaud Hess de Steria 68
Paiement à terme échu : paiement une fois le service réalisé 69
Cf entretien avec M. Seguret de BCS technologies 70
Paiement en terme à échoir : paiement avant que le service ne soit rendu
56
pour Cegid, fonction des offres, les métriques peuvent être à la caisse enregistreuse, au poste utilisé, au
salarié, à la quantité de factures etc… Bien souvent, le fournisseur propose un engagement sur un nombre
minimum d’utilisateurs (ou toute autre métrique business) en échange d’un prix avec une remise. Des
entretiens menés, il ressort clairement que la durée minimum d’engagement est de 1 an et souvent 3 ans
toujours en échange de remise commerciale.
Les conditions de facturation sont par ordre de préférence :
Paiement global au moment de la commande 1 an ou 3 ans, avec un impact très positif sur la
trésorerie
A terme à échoir par année
A terme échu par mois ou au trimestre. Ce mode de facturation a un impact négatif sérieux sur
la trésorerie de la société
Ce point est très important, car il a des conséquences importantes sur les besoins en trésorerie dans le
cadre d’un passage d’un business model traditionnel à un autre.
Une garantie de service axée sur la disponibilité avec des pénalités discutées au cas par cas
La garantie de service peut s’exercer en théorie sur plusieurs indicateurs71 :
Le temps de disponibilité de l’application de 95% à 99,999%
La performance : notamment la garantie des temps de réponse
La garantie des pertes d’exploitation
Par ailleurs, deux points sont à préciser :
Qui a la charge de la preuve de la qualité de service (en cas de non-respect du SLA) ?
Quelles sont les pénalités associées ?
La qualité de service peut se voir de façon globale ou pour chaque couche de services avec les garanties
énoncées ci-dessous :
Source comPaaS 2013 « SLA et qualité de service pour le Cloud Computing » Yousri Kouki et al
Figure 15 : SLA selon les couches de services cloud
71
Pour un article détaillé sur le sujet notamment avec la notion de Cloud SLA (CSLAaaS) on peut lire le document suivant : http://membres-liglab.imag.fr/bouchenak/publications/ComPAS-MyCloud-2013.pdf comPaaS 2013 « SLA et qualité de service pour le Cloud Computing » Yousri Kouki et al
57
Concrètement des différentes interviews menées, il ressort que seule la dimension garantie de temps de
disponibilité est proposée. Elle est très variable selon les fournisseurs. Pour BCS technologies, fournisseur
IaaS, elle va de 99,999% à 95%, en fonction de la demande du client. Pour Easyvista fournisseur de solution
SaaS elle est de 99,9%. Pour Salesforce fournisseur de solution CRM (SaaS) il n’y a aucun engagement de
service 72
Aucun offreur n’est challengé sur la garantie des temps de réponse. Tous les offreurs refusent la garantie
sur perte d’exploitation. On peut comprendre ce dernier point puisque cela peut faire peser un risque
illimité sur l’éditeur et donc le mener à sa perte.
Par contre les offreurs proposent tous une reprise d’activité en moyenne autour de 4h à 8h. C’est le cas
pour Atos, Steria pour des offres IaaS ou Easyvista en SaaS .
Des pénalités limitées :
De manière générique et en standard, aucun éditeur n’en propose sauf les très grands éditeurs. On trouve
ainsi dans les conditions de souscriptions de Salesforce à l’article 1173 que Salesforce « ne pourra payer des
pénalités supérieures à 100% de ce que le client aura réglé à Salesforce l’année précédant le/les incidents
amenant à payer des pénalités ». Les modalités de calcul et les conditions d’applications des pénalités ne
sont pas détaillées.
Après négociations, les éditeurs peuvent être amenés à accepter le paiement de pénalités mais l’ensemble
des pénalités dues sur une année est généralement limité autour de 20% des abonnements payés
annuellement. Les pénalités sont calculées avec un montant fixe en Euro par incident.
La réversibilité un enjeu finalement peu abordé :
Le point de la réversibilité peut concerner deux aspects : celle des données et celle des processus. Comme
l’indique R. Hennion et al dans « cloud computing » c’est un point de vigilance du point de vue du client. A
ce stade, la pression des clients sur le sujet est faible. Les contrats des éditeurs sont muets sur le sujet.
C’est toutefois un point à inclure. L’idée n’est pas de favoriser le départ des clients mais au contraire de les
mettre en confiance en indiquant dans le contrat, la procédure prévue pour la transférabilité des données.
La transférabilité des processus n’est pas à l’ordre du jour du fait de la complexité que cela implique.
72
http://www.crmsearch.com/salesforce-hosting.php CRMresearch Salesforce.com Hosting Review 73
http://www.sfdcstatic.com/assets/pdf/misc/salesforce_MSA.pdf sur les conditions de souscriptions de Salesforce
58
Garantie de la territorialité des données
Dans l’étude Markess « Externalisation des infrastructures IT avec le cloud computing, référentiel de
pratiques 2013-2015 » d’octobre 2013, soixante-treize décideurs informatiques IT favorables à la mise en
œuvre de solutions cloud ont été interrogés sur la modification de leurs intentions d’achat si le fournisseur
doit se plier à des lois de type Patriot Act sur la protection des données. Les réponses ont été les
suivantes :
Source Markess International
Figure 16 : modification des intentions d'achat si l'offreur cloud doit se soumettre à une législation
étrangère
On voit donc que seuls 39% des personnes interrogées vont modifier leurs intentions d’achat. Maintenant
si on y inclut ceux qui pensent que cela modifiera moyennement leur intention d’achat, alors le pourcentage
de ceux qui seraient sensibles à l’espionnage des données atteint 67%. La réponse à cette problématique
est la localisation de la donnée en France ou en Europe. Cette notion est regroupée sous la notion de
territorialité de la donnée. Comme le mouvement de prise de conscience de l’importance de la
territorialité des données est un mouvement de fond, on peut penser que ce critère prendra de plus en
plus d’importance et sera un des attributs de la valeur. Rappelons que ce sont les attaques informatiques
spectaculaires qui font progresser cette notion telles que l’attaque des ordinateurs de Bercy en date de
mars 201174, ou bien la révélation faite en juin 2013 par Edward Snowden de la CIA de l’ampleur des
écoutes de la National Security Agency. Bien que les attaques aient peu de choses à voir avec la notion de
territorialité de la donnée, elles font prendre conscience aux décideurs des risques d’espionnage.
Les éditeurs français sont en train de développer une certification dite « Cloud confiance » qui garantit
justement que les données soient bien hébergées en France. L’objectif est d’assurer que les éditeurs
labellisés puissent s’en servir comme un avantage concurrentiel, en faisant intégrer ce point dans les appels
d’offre.
74
http://www.01net.com/editorial/350759/lestonie-denonce-les-cyber-attaques-terroristes-russes/ Pour plus de détails
ne sait pas 4%
pas du tout 11%
peu 18%
moyennement 28%
beaucoup 27%
extrêmement 12%
59
Les autres points de la proposition de valeur :
Une visibilité sur les coûts globaux de la solution
Des coûts globaux moindres en regard d’une solution classique
L’agilité : Le temps de mise en œuvre de la solution en regard d‘un projet classique d’intégration est
bien moindre.
L’application est accessible via tout type de médias : PC, smartphone, tablette.
Le cloud computing est plus respectueux de l’environnement.
Ces aspects sont spécifiques aux différentes solutions cloud. Ils seront mis en valeur via les documents
fournis par le marketing :
Mise en place d’outils de CTP (Coût Total de Possession). Les CTP sont calculés sur 3 ans, qui est
la durée maximale d’engagement demandée aux clients. Ces CTP font ressortir une baisse de 25%
à 30% en moyenne s’il n’y a pas de migration de données et de 15% s’il y a en a une75. Cet outil est
indispensable car le client compare toujours la solution cloud par rapport à la solution en mode
licence opérée au sein de l’entreprise. Pour certains éditeurs le travail sur le CTP a aussi été fait en
comparaison avec les offres concurrentes en cloud.
Mise en place d’outil de ROI. L’idée étant de montrer que le retour sur investissement est rapide,
en général autour de 8 mois à un an. Il faut cependant nuancer car tout dépend de la solution.
3.1.2 Un modèle de prix qui doit être adapté à chaque cas mais qui respecte quelques règles
communes pour le PaaS et le SaaS.
L’équilibre du modèle de prix est un des éléments centraux à la réussite de cette transition.
Il y a quatre objectifs dont certains sont contradictoires :
Permettre de conquérir de nouveaux clients
Ne pas cannibaliser les revenus des clients existants
Amener la base installée de clients à adopter les offres cloud
Assurer qu’il y a une cohérence de prix entre les différents modes d’adressage du client (canaux de
distribution : vente directe, vente via les intégrateurs, les opérateurs cloud, les OEM)
On va séparer les modèles de prix pour les solutions Saas et PaaS de ceux pour les solutions IaaS.
Pour les premiers on est sur des modèles de prix qui sont basés sur des éléments simples à comprendre et
liés au métier tel le nombre d’utilisateurs, de développeurs, de factures. Pour le IaaS on est sur des
métriques techniques telles la quantité de mémoire, de disque dur, de bande passante.
75
Entretien avec Pascal Colin et Gildas Leroy
60
Dans le domaine du IaaS les modèles de prix sont proches de la technique et loin des métriques
business.
Les modes de facturation utilisent une combinaison de métriques à base de quantité de mémoire vive
utilisée, de quantité de stockage, de nombre de machines virtuelles, de débit de bande passante utilisée
(sécurisée ou pas) et enfin du niveau de SLA demandé. Comme chaque offreur possède son modèle de prix
propre, il est impossible d’en tirer une règle générique.
Dans le domaine des solutions Saas, PaaS. Sur ce point on va prendre différents exemples.
Commençons par la politique de prix de Microsoft76, un des leaders du secteur, avec l’examen de la suite
bureautique de Microsoft : le pack office sous forme de licence et Office 365 en mode cloud.
Nb : Les prix sont comparés par rapport à une base 100 qui est le prix de 3 ans de la suite Office avec
maintenance. Evidemment le prix d’une licence office n’est pas de 100 €. Les prix sont exprimés en € HT.
Figure 17 : coût d'une offre Microsoft Office sur site et une offre cloud Microsoft office 365
L’offre cloud vaut donc 2 fois plus cher sur 3 ans que l’offre licence et 2,25 pour un client ayant déjà des
licences office ( avant remises éventuelles). Pour autant à fin 2013, Microsoft a déjà migré 30% de ses
grands comptes qui représentent 40 à 50% du marché vers ses offres cloud.
76
Les personnes interviewées sur la politique de prix Microsoft ont désiré garder l’anonymat
61
Une gestion cohérente des prix vis-à-vis des canaux de ventes indirectes.
Les revendeurs ont une marge lors de la conversion initiale d’un client d’un mode licence à un mode cloud
qui est de 12% et de 5% lors des renouvellements. A côté des revendeurs, il existe des sociétés qui
assurent le service opéré d’Office, donc en théorie en concurrence avec le service Office 365. Ce sont
principalement des opérateurs télécom ou des pure players. Microsoft ne les considère pas comme des
concurrents mais les intègre dans son modèle de prix. Ces acteurs signent un contrat SPLA77. La licence est
vendue autour de 75 pour 3 ans. Ce qui permet ensuite à l’opérateur de services de faire sa propre offre.
On trouvera ci-dessous un tableau de construction du prix de l’offre de l’opérateur intégrant le prix des
licences Microsoft, les coûts d’infrastructure (20% du coût global de la solution) et une marge brute de la
solution à 50% au global 78
Figure 18 : coût de Microsoft office assuré par un opérateur sur 3 ans pour un utilisateur nommé
Le prix du service opéré sera donc sensiblement équivalent ou plus cher que celui de Microsoft 257 €
contre 200 €. On voit donc que le modèle de prix bâti est cohérent et qu‘il ne cannibalise pas l’offre
licence vendue au client final et qu’il permet d’avoir un prix cohérent pour les canaux qui ne concurrence
pas l’offre cloud de Microsoft même.
Analysons le cas de Easyvista, un éditeur d’ERP du SI (Solution de type SaaS). La facturation dans un mode
traditionnel est pour 10079 € hors Taxe (HT) de licences, de 20 € HT de maintenance par an soit sur 3
ans : 160 € HT. La facturation est un mix d’utilisateurs simultanés et de différents modules proposés à la
vente.
Par contre, l’offre cloud est tarifée 66€ HT par an, incluant tous les modules mais sur une base à
l’utilisateur nommé. En général le ratio entre utilisateur nommé et simultané est de 1 utilisateur simultané
pour 2 utilisateurs nommés. Si l’on compare le TCO80 sur 3 ans hors coût de mise en œuvre initiale, on
obtient le tableau suivant :
77
Contrat SPLA : Service Provider Licence Agreement, contrat pour opérateur de service 78
Ce modèle est établi à partir des interviews de Boris Auche de Bull, Jerome Brun d’Atos et Pierre Seguret de BCS. 79
Les coûts sont aussi comparés par rapport à une base 100 qui ici est le prix de la licence. 80
TCO ou CTP en français ; Cout total de possession
62
Figure 19 : coût sur 3 ans d'une offre Eayvista sur site et en mode cloud
En résumé, la solution cloud n’est pas moins chère qu’en mode licence au prix par utilisateur.
Pour les nouveaux clients cela ne pose pas de problèmes puisqu’ils vont comparer par rapport à d’autres
offres. Pour la base installée, l’idée est de vendre la notion de sécurité, de simplicité et le fait que le client a
accès à l’ensemble des modules de la solution et pas seulement ceux qu’il avait initialement achetés.
Les offres cloud ne sont donc pas moins chères que les offres licences sur 3 ans pour ces deux exemples
qui sont représentatifs sur le marché de l’offre cloud. Ainsi sur 3 ans, elles apparaissent comme 2,2 à 2,5
fois plus chères que l’offre licence et maintenance associée sur la même période. Bien entendu, dans le cas
de l’offre cloud, les coûts de production, sauvegarde, et la garantie de niveau de service sont présents là où
aucun de ces attributs de valeur ne sont présents dans l’offre licence traditionnelle.
Par ailleurs il est possible de créer un modèle de prix dans lequel on peut faire cohabiter le prix classique à
base de licences, le prix d’une offre cloud éditeur, un prix de revente à des opérateurs de services et un
modèle de prix de revente aux intégrateurs.
63
3.1.3 Un élargissement de la segmentation clientèle qui ne cannibalise pas les ventes
traditionnelles
Osterwalder81 distingue 5 types de segments de clients :
les marchés de masse : l’offre s’adresse à tous
les marchés de niche : l’offre dessert un segment de marché restreint ou spécialisé
les marchés segmentés : on personnalise les offres par segment de marché
les marchés diversifiés : une même offre cible des segments de clients différents
les plateformes multilatérales pour des clients interdépendants
Dans le cas des éditeurs de logiciels, spécialement ceux en B to B, seuls les 4 derniers modèles s’appliquent
avec par ordre de préférence décroissant des marché diversifiés aux marchés de niche car le segment se
restreint de plus en plus, donc les revenus décroissent en regard des coûts d’adaptation à un marché
spécifique.
Donc comme l’écrit Gerald Karsenti et al 82 « l’entreprise… » doit avoir la capacité « à segmenter le
marché des services » le plus finement possible et à cibler les clients prioritaires» et reprenant la citation
d’un de ses interlocuteurs : « la tentation est forte de poursuivre toutes les opportunités sans s’imposer de
priorités » … « sans ciblage correct, le risque est de finir par diluer les efforts et de se retrouver avec une
rentabilité exécrable ».
La définition des cibles clientèles adressées « consiste finalement à identifier les clients pour lesquels la
société peut créer le plus de valeur à travers son offre »83. Les mêmes auteurs définissent cinq catégories
de variables pour travailler sur la segmentation :
Variables d’environnement : secteur économiques visés
Variables d’exploitation : niveau d’autonomie des clients en terme d’autonomie technologique et de
savoir faire
Variables d’achats : procédures d’achats, critères de décision et pratiques d’achats
Variables conjoncturelles : y-a-t-il des déclencheurs d’achats identifiés
Variables personnelles : « perception du niveau relationnel entre le client et l’entreprise »
La mesure objective est de plus en plus difficile à mesure que l’on va vers les dernières variables.
Il va falloir partir de cette analyse afin de définir des segments de marché.84
Comme on l’a vu dans la section 1.2.3, les offres cloud permettent d’élargir la clientèle sur deux segments
principaux :
Les PME voire les TPE
Les directions métiers.
81
Osterwalder et al « business model Nouvelle Génération « p 20 82
Geral Karsenti et al 2013/05 « le business model des services » p 92 83
Geral Karsenti et al 2013/05 « le business model des services » p 93 84
« Un segment de marché est un groupe de clients qui partage les mêmes désirs face aux produits » kotler , Manceau et Dubois 2009
64
Cibler les PME et TPE :
Il est clairement impossible d’avoir une proposition de valeur pertinente pour les deux simultanément. Par
ailleurs, à moins de proposer une offre totalement transverse type IaaS ou une offre SaaS (pour la gestion
note de frais par exemple) ou autres applications transverses, il va falloir les adapter au secteur d’activité,
ce qui représente un travail important. La solution est de co- construire la solution avec des partenaires
spécialisés adressant ces segments. Cela permet de limiter fortement les coûts et de transférer les risques
pour une bonne part vers le partenaire.
Cibler les directions métiers
Si la solution est transverse en terme de secteurs d’activités, l’approche des directions métiers peut se faire
avec l’offre cloud standard sans changement particulier. Par contre le discours commercial et marketing
devra lui être adapté. Là encore la co-construction de valeur avec des partenaires est indispensable. Aucun
éditeur ne peut avoir les compétences en interne pour adresser les différentes directions métiers.
65
3.1.4 Relations avec le client
Osterwalder définit que la relation avec le client85 peut servir trois objectifs :
Acquérir des clients
Fidéliser des clients
Réaliser des ventes supplémentaires
Il distingue ensuite 6 types de relations clients possibles pour atteindre ces buts :
Self-service, principalement via l’internet ou le téléphone
Services automatisés : ce sont des selfs services associés à des processus automatisés
Assistance personnelle
Assistance personnelle dédiée
Communautés : des communautés d’utilisateurs qui s’impliquent auprès des clients et des prospects
sur le modèle de l’Open Source
Co création de valeur entre le client et l’entreprise
Le cloud est une approche de services. Ce service est plus ou moins standardisé fonction de l’offre
proposée. Elle peut être soit très standardisée (exemple Amazon dans le IaaS) soit personnalisée
(exemple : ServiceNow, Salesforce dans le SaaS….). On trouve plus fréquemment ce cas dans le SaaS.
Le niveau de standardisation de l’offre va définir le type de relations établies avec le client.
Une approche la plus automatisée possible pour les offres standardisées
Les offres cloud les plus standards sont celles qui délivrent un service avec un minimum voire aucune
personnalisation. On trouve nettement plus ces offres dans le domaine du IaaS comme Amazon, Oodrive
etc.
Il s’agit dans ce cas de proposer une relation automatisée. La relation de type self-services et services
automatisés sera privilégiée. L’objectif est d’avoir les coûts de vente les plus bas possibles.
Pour autant cela n’empêche pas d’être dans une notion de co-création de valeur avec les clients.
Cependant celle-ci se fera de la façon la plus automatisée possible. Les moyens utilisés seront les sondages
sur internet et les réseaux sociaux pour recueillir des retours plus personnalisés.
Les canaux d’accès privilégiés avec le client seront l’internet et le téléphone si le client traite en direct avec
l’éditeur. On verra dans la partie canaux que pour ces offres, la relation avec le client peut aussi passer par
une relation indirecte avec des intégrateurs ou des revendeurs.
Les offres personnalisées : passage d’une approche vente de produits à une approche vente de
solutions
Les offres cloud nécessitant une personnalisation et une intégration au système d’information vont exiger
une vente de type vente de solutions86.
Gérald Karsenti et al indiquent dans « business model des services » s’appuyant sur les travaux de
Anderson, Narus et van Rossum (2006) qu’il existe 4 types de vente de proposition de valeur :
85
« Business model generation » Osterwalder et al 2012 P 28 86
On trouve couramment le terme en anglais « consultative selling ».
66
« Tous avantages » : lister la somme des avantages
« Points favorables de différenciation » ce qui revient à se poser la question « pourquoi devrions-
nous choisir votre société … plutôt qu’une autre »
« Résonance » : cela consiste « à identifier les points qui vont… créer de la valeur, distancier les
concurrents », ce qui revient à se poser la question « que devrions-nous garder à l’esprit à propos
de votre offre »
« Force de proposition » : chaque client « est traité de façon spécifique par le biais d’une approche
individualisée »
La vente de produits est bien souvent cantonnée à la première ou deuxième approche. On est dans une
vente dite transactionnelle, qui a pour but de réaliser une vente dans le temps le plus court possible. Cette
démarche vise prioritairement les produits banalisés. Une fois la vente faite, l’éditeur a peu d’interactions
avec le client.
La vente de solutions de services nécessite d’aller vers la troisième offre voire la quatrième offre. La vente
des services comme le dit Gérald Karsenti87 contient deux phases avant la signature du contrat afin de
convaincre le client et après la signature lors de la mise en œuvre du service. On peut schématiser ce
processus de vente de la manière suivante :
Figure 20 : les étapes d'un processus de ventes de service : G Karsenti « business model des services » 2013
Ce type de démarche demande d’adapter le profil des commerciaux.
Quelles qualités les commerciaux doivent-ils avoir pour ce type de vente ?
La vente de solution vise à comprendre le besoin client et à dégager des éléments de la proposition qui
vont engendrer des gains business importants.
Il faut donc être en mesure d’écouter et de questionner le client afin de faire émerger les attentes à
la fois pour l’entreprise mais aussi souvent pour les différents interlocuteurs à titre personnel.
Ces attentes sont à la fois conscientes et rationnelles mais, aussi dans bien des cas, inconscientes voire
irrationnelles. Le commercial doit donc non seulement savoir écouter mais aussi savoir ressentir. Il faut
comme le définit David Goleman avoir une intelligence émotionnelle.88 Ce type d’intelligence a été
formalisé à travers cette définition : « l’habileté à percevoir et à exprimer les émotions, à les intégrer pour
87
Gerald Karsenti et al « Business model des services » 2013 p 225 88
David Goleman « l’intelligence émotionnelle » 2003
67
faciliter la pensée, à comprendre et à raisonner avec les émotions, ainsi qu’à réguler les émotions chez soi
et chez les autres » (Mayer & Salovey, 1997)
Au-delà de ces deux qualités le commercial doit aussi être en mesure de présenter un gain au
minimum quantifiable à grande maille. Il doit pouvoir faire émerger un Retour sur Investissement (RSI
ou ROI89 en anglais) et un Coût Total de Possession (CTP ou TCO90 en anglais) en forte amélioration. Le
RSI détermine en combien de temps les gains générés ont couvert l’investissement. Le TCP résume
l’ensemble des coûts participant à la mise en œuvre de la solution.
Enfin les commerciaux doivent générer de la confiance aux yeux du client. Le commercial incarne
d’une certaine manière la société. Il représente la capacité de l’entreprise à servir le client, à respecter ses
engagements, à représenter la réputation de la société. Le commercial crée une forme d’intimité avec le
client.
En terme d’approche de comptes, le commercial dans une vente service est amené à parler aux
directions métiers et aux directions générales en plus de la DSI. Cela suppose que le commercial
identifie ceux-ci et développe un discours adapté. Si l’on reprend la méthode « Target Account Selling
(TAS) » de Siebel ou « Complex sales » de complex sales Inc, cela revient à identifier les différents
interlocuteurs impliqués sur le projet dans le compte en cherchant pour chacun leurs attentes
professionnelles et personnelles et déterminer quels messages on apporte à chacun.
Par ailleurs, au-delà des capacités intrinsèques nécessaires comme vu précédemment, il lui faut aussi pour
créer une intimité client connaitre le métier de celui-ci. Cette connaissance peut résulter de son
expérience commerciale. Mais la société a aussi une importante responsabilité pour former sa force
commerciale sur ce sujet.
Quels impacts ce nouveau type de ventes a-t-il sur les forces commerciales ?
Gerald Karsenti et al expliquent que dans les milieux industriels, le taux de remplacement de la force
commerciale a oscillé entre 33% et 70% 91 d’après une étude qu’ils ont menée.
Les interviews menées dans le cadre de ce mémoire mettent en évidence deux cas de figures distinctes.
Les ventes de produits complexes évoluant vers des solutions cloud, à forte valeur ajoutée
n’entrainent pas un fort turnover de la force commerciale
Pascal Colin, CEO de Keynectics (monde de la sécurité), Cymbeline Chaplin, Directrice Ebusiness de Cegid
(monde des solutions métiers) ou Gildas Leroy, VP Sales EMEA de Easyvista (solution d’ERP pour le SI)
ont tous les trois confirmé que le passage au cloud n’a pas significativement augmenté le turn-over de la
force commerciale. Par contre, un effort important de formation et de sensibilisation a été mené.
Les points majeurs de ces formations ont porté sur :
La présentation de la proposition de valeur en regard des offres classiques
La compréhension du RSI associé aux offres
L’intégration des spécificités des contrats cloud
La sensibilisation au métier du cloud en allant visiter le centre des opérations cloud et en discutant
avec ceux qui opèrent les solutions cloud
89
ROI : Return on investment 90
TCO : Total Cost of Ownership 91
Gerald Karsenti et al « business model des services « 2013
68
Aucun n’a cité la mise en place de formations métiers. Probablement un champ d’investigation à venir.
Les ventes de produits banalisés vers des solutions complexes ont un impact sérieux sur la force
commerciale
Des discussions menées avec Arnaud Haas de Steria et différentes personnes d’Orange, il apparait que le
passage aux ventes de services cloud est plus complexe dans ce cas tant d’un point de vue culturel que de
l’acquisition des qualités nécessaires à ce type de vente. Les efforts de formation sont nettement plus
importants.
Aux efforts de formation cités précédemment il faut ajouter des formations aux ventes solutions ou ventes
complexes.
Dans le cas d’organisations importantes, une solution consiste à mettre en place des commerciaux
spécialisés sur les ventes cloud qui vont, au fur et à mesure des affaires traitées, évangéliser et former par la
pratique les commerciaux produits. Pour être efficace, cette approche va nécessiter de mettre en place un
double commissionnement par nature coûteux et devoir durer entre 2 et 3 ans.
Oracle à la fin des années 90 et Microsoft au début des années 2000 ont mis en place avec succès ce type
d’organisation. Pour Oracle, il s’agissait d’évoluer des ventes de bases de données à des solutions ERP,
CRM et à des offres Middleware. Pour Microsoft, il fallait passer de la vente de la suite Office et Windows
à des solutions Dynamics CRM.
Quelles sont les bonnes pratiques mises en œuvre pour faciliter la transition d’un modèle de ventes
à un autre ?
Tout d’abord il faut garder à l’esprit que la motivation première des commerciaux est l’argent qu’ils
génèrent grâce à leurs commissions. Cela n’en fait pas des mercenaires pour autant mais ils vont aller
vendre en priorité ce qui est le plus facile à vendre pour eux et ce qui leur rapporte le plus en terme de
commissionnement.
Cela nécessite donc que dans le cas où la force commerciale vend à la fois les offres classiques et les offres
cloud que le plan de commissionnement favorise la vente de solution cloud. En effet, il ne faut pas
perdre de vue que la vente de solution cloud va demander plus d’efforts aux commerciaux. Ils maitrisent
nettement moins ces offres et elles nécessitent d’aller adresser de nouvelles personnes dans l’organisation
du client.
Easyvista, Keynectics ou Cegid ont mis en œuvre une politique de rémunération dans laquelle les
commerciaux sont commissionnés sur la vente initiale et pour certains sur le récurrent. Dans tous les cas,
les commerciaux sont rémunérés sur l’intégralité de la durée d’engagement qui est vendue dans le contrat
initial avec une limite à 3 ans d’engagement. Ainsi si la durée d’engagement souscrite est de 2 ans, le
commercial est alors rémunéré sur 2 ans.
Des coefficients de sous pondération s’appliquent ou non, fonction des sociétés au-delà de 1 an.
69
Ainsi pour l’un des éditeurs interviewés, le mode de commissionnement est décrit ci-après.
Les commerciaux sont reconnus sur le modèle classique : sur la licence mais pas sur la maintenance, soit
une base de reconnaissance de 100€.
En mode Cloud, la souscription cloud vaut 66€ par an (vs la licence à 100€). Les commerciaux sont
reconnus comme suit :
Pour la vente d’un contrat 2 ans : ils sont commissionnés à 2/3 de la valeur globale du contrat sur 2
ans, soit (66 x 2) x 2/3 = 88 € vs une vente de licence rémunérée à 100 €.
Pour la vente d’un contrat 3 ans : ils sont commissionnés à 2/3 de la valeur globale du contrat sur 3
ans, soit (66x 3) x 2/3 = 132 € vs une vente de licence rémunérée à 100 €.
Les commerciaux sont donc incités à vendre des contrats 3 ans.
Ce qui est valable pour les commerciaux de l’éditeur est aussi valable pour les commerciaux des autres
canaux de vente. Le point de la motivation des commerciaux des canaux de vente indirects sera abordé
dans la section 3.1.5 canaux.
Un dernier point doit être pris en compte pour les commerciaux de l’éditeur. C’est le cas de revente via
des canaux de ventes indirects. Pour que la synergie se fasse avec les ventes canaux indirects, il faut que les
commerciaux soient rémunérés non pas sur le prix de vente au canal mais sur le prix de vente avant
application de la marge donnée au canal.
Par exemple, si le prix de vente avant marge au canal est de 100 et que le prix de cession au canal est de
78. Le commercial doit être rémunéré sur 100.
70
3.1.5 Les canaux d’accès aux clients finaux se diversifient et l’approche vis-à-vis de ceux-ci
change
On a vu dans la section précédente que les cibles de clientèle évoluent sous deux axes:
Les personnes adressées dans l’organisation : traditionnellement la DSI et maintenant les directions
métiers
Le type de clients adressés : traditionnellement les grandes entreprises et maintenant les ETI, les
PME voire les TPE.
La sélection des canaux est donc prépondérante pour adresser ces nouvelles cibles.
Dans le modèle traditionnel, on s’adresse principalement à la DSI, donc aux partenaires qui entretiennent
des relations avec celle-ci à savoir :
Intégrateur
Cabinet de conseil qui influence le client en assistance à maîtrise d’ouvrage
Distributeur qui revend aux petits intégrateurs ou aux revendeurs qui eux même
revendent au client final.
Une approche via un modèle two tiers des PME et TPE.
A partir du moment où l’on cible des PME ou des TPE, il faut choisir les canaux de ventes qui adressent
cette nouvelle cible. Les coûts commerciaux pour l’éditeur seraient non supportables financièrement d’aller
adresser directement ces cibles.
On a ainsi vu que l’on élargit la cible de 7 000 sociétés (Grandes entreprises et ETI) à environ 200 000 si
l’on ne prend en compte que les PME et à 3 millions si on intègre aussi les TPE.
Les coûts commerciaux d’une approche directe sont inenvisageables. Cette cible achète soit comme un
particulier (si on se place au niveau d’une TPE) soit auprès d’un intégrateur (TPE et PME) à qui il sous
traite tout ou partie du système d’information.
Les canaux qui adressent cette cible sont proches d’une approche BtoC mais pas totalement. En effet, il ne
faut pas perdre de vue que la solution doit être paramétrée et intégrée au SI. Dans ces conditions, les
meilleurs moyens d’une approche BtoC pour un produit technologique avec paramétrage sont le canal
internet et/ou une approche via de petits intégrateurs.
L’approche internet va convenir à des solutions cloud public avec un minimum de paramétrage. La cible
principale est la TPE. On est dans une approche de création de la demande où le rôle du marketing va être
important. On peut imaginer, comme pour les opérateurs des centres d’appels qui vont permettre un
paramétrage basique et un site internet qui sert à la fois à l’information, la prise de commande et une aide
au paramétrage via des outils en self-service.
Pour les PME, le besoin est plus complexe. Il faut paramétrer l’application et l’intégrer au système
d’information. Leurs moyens sont cependant limités. Les intégrateurs locaux sont de bons vecteurs de
vente pour ces solutions. Ils sont proches du client qui leur sous traite tout ou partie de leur SI. On va
donc chercher à recruter ces intégrateurs locaux. On peut soit développer un recrutement par une
approche directe, efficace mais couteuse (modèle dit « One Tier ») ou par une approche via un
distributeur, qui adresse lui-même les intégrateurs qui adressent ensuite les clients finaux (modèle dit
71
« Two Tiers »). Cette seconde approche est moins coûteuse commercialement mais beaucoup plus longue.
Il faut en effet recruter les distributeurs, les former, les accompagner et que eux même recrutent les
intégrateurs qui iront alors vendre la solution.
Une approche multiple et via de nouveaux canaux
Dans le cas de l’élargissement de la cible aux directions métiers, l’approche va concerner
fondamentalement les grandes entreprises, les ETI et les grosses PME. L’approche vente directe va être
prépondérante dans ce cas. Les coûts commerciaux restent acceptables en regard du niveau moyen de
chiffre d’affaires généré par client. Par ailleurs, le cloud est encore en phase d’évangélisation auprès des
clients finaux et cela nécessite un effort commercial important. Cependant, les directions métiers sont
adressables par de nouveaux canaux qui n’existaient pas auparavant. On peut citer notamment, les
associations métiers (par exemple l’ordre des experts comptables pour les directeurs financiers) ou les
banques pour des petites structures. Cela suppose cependant que l’offre soit simple et banale comme le
précise Eurocloud dans son livre blanc de 2011 « Le Cloud et la Distribution «
Une approche des ventes encore dominée par la vente directe
Globalement l’approche vente directe reste prépondérante. Selon une étude Markess international 92de
2011, 87% des vendeurs cloud avaient une démarche directe ou hybride (directe et indirecte). En effet, le
cloud est encore en phase d’évangélisation auprès de clients finaux DSI ou direction métier. De ce fait,
l’effort visant à convaincre porte d’abord sur eux. Les canaux de ventes indirects (distributeurs, revendeurs,
SSII) ne sont efficients et ont un effet démultiplicateur de l’offre que dans la mesure où il existe une
demande non adressée. Les canaux de ventes ne créent pas la demande, il la développe, il la démultiplie93.
Par ailleurs, les éditeurs commencent à prendre la mesure du phénomène cloud. La mise en œuvre d’une
politique partenaire suppose que le modèle de prix comme on l’a vu avant soit cohérent entre les différents
canaux de vente. Ces canaux étant la revente, l’intégration, le mode solution opérée par un tiers, le mode
solution opérée par l’éditeur, le mode OEM.
Les facteurs clés de succès de la démarche partenaire
Les partenaires permettent de proposer l’offre de l’éditeur à un grand nombre de clients en rendant
variables les coûts de vente. Si le partenaire ne vend rien, cela ne coûte rien à l’éditeur, si ce n’est les coûts
commerciaux qu’il a engagé pour convaincre le partenaire de vendre la solution.
Il existe cependant une grande différence entre la vente de solution à base de licences et celle à base de
services opérés. En effet dans le cas d’une vente de licence, le partenaire doit acquérir un savoir-faire pour
installer, paramétrer, intégrer la solution au système d’information et opérer la solution. Dans le cas d’une
solution cloud, ces efforts sont moindres. L’éditeur prend à sa charge l’installation et l’opération de la
solution. Le revendeur prend à sa charge la partie paramétrage et la partie intégration au SI. La montée en
compétence est donc moins complexe, donc plus rapide et moins coûteuse.
Cela suppose aussi que le partenaire choisisse ses offres de services cloud en fonction des marchés qu’il
adresse, de la demande de ses clients, de ses compétences métiers. L’idéal en terme de valeur ajoutée est
92
Livre blanc d’Eurocloud de 2011 « Le Cloud et la Distribution « étude réalisée par Markess International p 9 93
Expérience de l’auteur
72
que l’intégrateur construise une offre globale où se mêle à la fois les offres cloud éditeurs et ses propres
prestations et/ou offre de services.
Quelle sera la plus-value des canaux ?
Comme on l’a vu dans la seconde partie, ils vont :
Paramétrer la solution
Intégrer celle-ci au SI au sens large, que les applications soient en interne ou en mode cloud.
On a cependant vu dans la section 2.1.2 que là où les intégrateurs réalisent sur une solution traditionnelle
pour 100 € de licences entre 100 et 600 € de services, pour les solutions en cloud computing, le niveau de
service oscille entre 20 et 200 € pour 100 euros de solutions Saas.
En clair, le Chiffre d’affaire réalisé par affaire va être au moins 3 fois inférieur. Donc pour que l’intégrateur y
trouve son compte :
soit le niveau de marge est significativement plus élevé
soit les coûts commerciaux c’est–à-dire les moyens mis en œuvre pour convaincre le client sont
notablement plus faibles
soit le partenaire accroît grâce à ces offres son parc de clients
soit le partenaire étend sa présence chez un même client via ces nouvelles offres.
Si on prend le point de la rémunération du partenaire, celui-ci reçoit en moyenne autour de 15 à 30% sur la
revente de solution cloud94 avec une moyenne à 22%. Pour Microsoft on est à 12% pour la vente initiale et
à 5% pour les renouvellements d’abonnements. Pour les éditeurs français interviewés, on est entre 12% et
20%.
Dans un modèle traditionnel, la marge théorique, c’est-à-dire avant remise, est entre 20% et 40% et la
marge réelle n’est presque jamais en dessous de 10%95 mais elle est en moyenne autour de 15 à 20%. On
peut donc noter que la marge réalisée sur la revente de licence est globalement un peu meilleure que dans
le modèle cloud. Cependant, dans ce dernier modèle, elle a l’avantage de la récurrence. L’effort commercial
dans le temps sera donc moindre.
Le partenaire accroit sa présence chez le client et étend son parc client : selon le livre blanc d’Eurocloud de
2011 « Le Cloud et la Distribution », celui-ci permet au revendeur, intégrateur d’accroitre sa présence au
sein du SI du client. Le partenaire devient de plus en plus un assembleur de solutions qui conseille son client
et le partenaire devient de plus en plus orienté métier puisqu’il a de moins en moins besoin de maitriser le
côté production de la solution ». En connaissant et en maîtrisant de mieux en mieux le métier du client, le
partenaire est d’autant plus à même de vendre la valeur ajoutée des solutions cloud et de pénétrer de
nouveaux clients de manière plus aisée. Cela implique en revanche de se spécialiser sur des segments de
clientèle et donc d’être moins généraliste.
94
Cf livre blanc d’Eurocloud de 2011 « Le Cloud et la Distribution « p11 95
Expérience de l’auteur
73
Une adaptation nécessaire des types de contrats passés avec les partenaires
Aujourd’hui comme le note l’étude d’Eurocloud, les contrats partenaires y compris pour le cloud sont dans
une logique classique de revente, d’apporteur d’affaire ou de marque blanche.
Les nouveaux contrats de partenariat doivent intégrer aussi une part de la rémunération basée sur d’autres
critères que le seul chiffre d’affaires, notamment :
Le nombre de nouveaux clients signés par trimestre
Le taux de départ des abonnés (Churn en anglais) afin d’encourager la fidélisation
La formation des équipes commerciales du partenaire et pas seulement des équipes techniques. On
doit aller jusqu’à la motivation des équipes commerciales via divers incentives ou un mode de
rémunération des commerciaux qui rend plus attractif la vente de solutions cloud que celles des
solutions classiques à base de licences. Cette politique n’étant possible que dans la mesure où le
partenaire l’autorise.
Sur les points juridiques à ajouter au contrat : « Le mode de facturation, la propriété des clients, le
mode de facturation du client, les relevés de consommation des clients, les niveaux de support, les
clauses de sortie, la durée des rémunérations »96 , les Service Level Agreement (SLA) garantissant
une qualité de services aux partenaires et aux clients.
Une approche différenciée des partenaires à recruter fonction de l’offre cloud
Comme l’indique la présentation du Cabinet PAD « Stratégie de partenariat des éditeurs en mode SaaS »
de novembre 2011, l’approche de vente des solutions diffère selon que l’on traite des offres volumiques ou
des offres à forte valeur ajoutée ainsi :
« - Pour les ventes simples de solutions banalisées, les fournisseurs de services Cloud vont utiliser les
marques blanches (OEM) et les revendeurs classiques pour assurer le volume mais vont aussi ouvrir de
nouveaux canaux tels que les banques, les experts comptables, les opérateurs »
- Pour la distribution de solutions à valeur ajoutée avec des ventes complexes, les fournisseurs de services
Cloud ont tendance à faire appel aux partenaires classiques : VARs, SS2I, outsourceurs, hébergeurs,
cabinets de conseil … »
On trouvera ci-dessous les principales catégories de revendeurs privilégiées par les fournisseurs de
solutions cloud computing :
Source Markess International cf livre blanc Eurocloud 2011
Figure 21 : principales catégories de revendeurs privilégiées par les fournisseurs de solutions cloud
96
Cf livre blanc d’Eurocloud de 2011 « Le Cloud et la Distribution « p7
74
L’approche OEM ou marque Blanche pour les marchés banalisés ou inaccessibles pour l’éditeur.
L’OEM (Original Equipment Manufacturing) désigne dans le monde informatique un éditeur ou un fabricant
qui fournit une solution qui est un sous ensemble d’une autre solution plus vaste.97
Le principe d’une approche OEM est de proposer la solution de l’éditeur à une cible de clients inaccessible
pour l’éditeur via sa force de vente traditionnelle ou son réseau de partenaires. Le choix de mettre en
œuvre un OEM doit donc répondre négativement à la question : « le fait de proposer l’offre en OEM
cannibalise-t-elle les segments déjà adressés par la société » ? 98
L’OEM peut cependant recouvrir deux modes de fonctionnement :
L’éditeur est invisible dans la solution globale
L’éditeur est visible dans la solution globale, par exemple le célèbre « Intel Inside »
Généralement cela influe sur le partage de la valeur entre l’OEM et la société qui propose la solution
globale.
Dans le cas où l’éditeur revend en marque blanche le partage sur le revenu généré est partagé entre 20%
et 40% pour l’OEM et entre 80% et 60% pour celui qui propose la solution globale. Les sociétés
interviewées sont dans ces ratios.
Dans le cas où l’éditeur revend en étant visible dans la solution globale, le revenu généré est partagé entre
40% et 70% pour l’OEM et entre 60% et 30% pour celui qui propose la solution globale. Les sociétés
interviewées sont également dans ces ratios. Bien souvent, la société qui revend la solution globale a besoin
de citer son OEM afin de bénéficier de sa notoriété, ce qui justifie ce partage de valeur différent.
L’avantage des solutions cloud réside dans le fait que la mise en œuvre de la solution en OEM est plus
simple puisque l’éditeur propose un sous-système complet où l’exploitation de la solution est comprise.
97
Définition d’après Wikipédia. 98
Discussion avec Thierry Rouquet : PDG d’Arkoon
75
On peut résumer l’approche des canaux selon le schéma suivant :
Figure 22: approche des canaux dans une offre cloud
Les canaux permettent donc comme dans le modèle traditionnel d’obtenir rapidement une taille critique
qui favorise l’atteinte d’un équilibre financier plus rapidement. Cependant, du fait de l’élargissement de la
cible aux PME voire aux TPE et direction métiers, le recrutement ciblé des partenaires devient encore plus
important. L’éditeur doit mener une démarche visant à identifier les segments métiers les plus intéressés
par ses offres pour sélectionner les partenaires pertinents sur les segments métiers adressés, en rajoutant
comme dimension le type de clients qu’ils adressent (grandes entreprises à TPE).
Les partenaires sont des relais importants pour adresser ces nouvelles cibles en évitant d’avoir des coûts
commerciaux trop importants en regard de la valeur des contrats générés, tout en assurant à l’éditeur une
bonne couverture des clients adressables.
76
3.2 Architecture de Valeur
L’architecture de la valeur se décline autour de 3 notions.
En premier lieu, les ressources clés à mettre en œuvre pour faire fonctionner le business model. On a
choisi de se focaliser sur les ressources de l’entreprise les plus affectées par le passage au cloud à savoir, la
recherche et développement, le consulting et le marketing.
On verra ensuite l’impact sur les partenariats clés à créer pour l’éditeur.
Enfin on analysera les indicateurs clés à mettre en œuvre pour suivre ce nouveau business model.
3.2.1 Un impact important sur la recherche et développement, le consulting et dans une
moindre mesure le marketing.
Un impact important sur le mode de fonctionnement des services de production de l’éditeur.
Un impact très important sur le fonctionnement de la R&D.
Le mode de fonctionnement de la R&D dans un modèle traditionnel suit ces étapes :
- développer les fonctionnalités du logiciel, puis à faire des tests unitaires (test sur chacune des
fonctions),
- effectuer des tests globaux (la fonction développée dans l’ensemble du logiciel). Plusieurs milliers ou
dizaines de milliers de tests, la plupart automatiques, ont été réalisés à cette étape.
- l’équipe de développement passe la main à l’équipe de test qui déroule des scénarios de tests qui
sont normalement techniques (test de charge) et fonctionnels (comment le produit est utilisé). Si
les scénarios de test sont bien conçus, ils reflètent à 80% l’usage du logiciel chez le client. Souvent
dans ces scénarios de tests, c’est plus la vision dont la R&D pense que le logiciel est utilisé que
l’utilisation réelle du logiciel qui est testée.
- la version une fois testée passe dans un programme de beta test. Cela signifie que le logiciel est
testé par des partenaires ou des clients qui sont suivis par la R&D pour avoir leur retour et
corriger les erreurs qui pourraient être découvertes.
Malgré toutes ces précautions, le temps que passe la R&D en moyenne à faire de la correction de bugs est
souvent autour de 10 à 20% du temps une fois la version commercialisée pendant les premiers mois. Cela
peut être bien plus élevé s’il s’agit d’une version majeure et que celle-ci est sortie trop précipitamment sur
le marché. Le temps passé par la R&D peut aller jusqu’à 50% de son temps dans ce cas.99 Ce mode de
fonctionnement de la R&D a un impact négatif important auprès des clients puisque la stabilité perçue de la
solution est perturbée par les bugs.
Le cloud suppose lui que le logiciel soit en permanence en état de fonctionner. Un arrêt de la solution veut
dire que tous les clients (sauf ceux qui auraient une session à part) sont non opérationnels. De cette simple
contrainte l’éditeur se doit d’avoir une qualité logicielle très élevée pour respecter les SLAs qu’il se fixe vis-
à-vis de ses clients. Cela force donc l’éditeur à changer le mode de fonctionnement et la mentalité de la
R&D. Par ailleurs dans le cas des solutions cloud, l’éditeur opère la solution, ce qui suppose d’acquérir et
de mettre en place les compétences nécessaires.
99
Expérience de l’auteur au sein de plusieurs sociétés d’édition de logiciels et discussions avec d’autres éditeurs.
77
Une organisation scindée entre la R&D et la production.
Au sein de leur organisation, toutes les sociétés interviewées ont séparé la R&D et le service de
production qui opère les solutions cloud. Dans certains cas le directeur R&D reste le directeur de
l’ensemble, dans d’autres un directeur de la production est au même titre que le directeur R&D membre
du comité de direction. Le fait que le management du service de production soit ou non rattaché au
directeur R&D est plus le fruit de l’histoire de la société et des personnalités en place qu’une volonté
ferme100. Le seul point intangible est la séparation des deux équipes. Un point ressort cependant comme le
souligne Cymbeline Chaplin de Cegid, le directeur R&D doit être pluridisciplinaire : à la fois technique et
orienté métier. Plus les équipes auront cette double compétence métier et technique, meilleure sera la
qualité de la solution et son adéquation aux besoins des clients.
L’équipe de production agit comme un censeur très nettement plus efficace que les équipes de test dans
une équipe R&D classique. Cette équipe, étant soumise à des SLA importants à respecter, ne tolère pas
des versions non stables.
Par ailleurs, comme le souligne Gildas Leroy d’Easyvista, le service de productions se dote aussi d’un
« customer care ». Ce service a pour objectif selon les organisations de faciliter la mise en œuvre de la
solution ou de développer l’usage de la solution afin de fidéliser les clients et donc de réduire le taux de
non renouvellement des contrats ou churn) et favoriser des ventes additionnelles ultérieures (Upsell).
Cegid a une organisation similaire. Ce service est non payant et est à la limite du consulting dans certains
cas. Il s’agit comme le souligne Gerald Karsenti d’un service qu’il n’est pas possible de faire payer au client.
Un changement de mentalité de la R&D d’une obligation de moyens à une obligation de résultats
Le passage d’un produit à un service impacte la mentalité de la R&D. Celle-ci était globalement dans un
esprit d’obligations de moyens dans une organisation classique. Avec le cloud, elle passe dans une notion
d’obligation de résultats. On a vu que la production agit comme une équipe de test inflexible. Par ailleurs
comme l’équipe R&D voit directement les solutions en production, les problèmes sont donc très visibles
et très concrets. Les SLA créent l’urgence. Cette urgence se transmet à la R&D. Ces évolutions entrainent
une forte industrialisation des méthodes de R&D et de production.
Une organisation services industrialisée
L’obligation de résultat, à laquelle tendent la R&D et la production, pousse à la mise en œuvre d’une
industrialisation des services.
Une R&D qui change de méthodes de travail
La plus grande urgence mise sur la réactivité et la nécessité que la production ne s’arrête pas, poussent la
R&D à rendre disponible plus rapidement des versions logicielles. Easyvista est passé d’une version
majeure tous les 15 mois à une version mineure tous les deux mois. Ainsi au lieu de sortir des versions
majeures intégrant de nombreuses fonctionnalités, la R&D a tendance à sortir des versions plus souvent
100
Cf interviews réalisées.
78
avec des ajouts plus modestes de fonctionnalités. Cela a pour avantage d’éviter des problèmes en
production.
Cela impacte également la façon dont la R&D travaille. Du fait des sorties rapprochées de versions, celle-ci
adopte, si ce n’est pas déjà le cas, les méthodes de développement agiles. Ces méthodes de développement
dont la plus connue en France est Scrum101 consiste à découper le temps de développement en phase de 2
à 4 semaines (sprint), en créant des équipes de développement de 4 à 8 personnes. Pendant ce sprint,
l’équipe de développement a un ensemble de fonctionnalités à développer. Ces fonctionnalités ont
préalablement été estimées en terme de charge par l’équipe et challengé par un responsable de
l’ordonnancement des fonctionnalités à développer (product owner) qui est souvent un product
manager102.
Ces méthodes agiles sont complétées par la mise en œuvre de tout un arsenal de techniques appelées
intégration continue. L’intégration continue consiste à s’assurer qu’une modification du code source n’induit
pas de régressions de fonctionnement du logiciel. Cela suppose de partager le code source dans un
référentiel (CVS, Subversion…), de mettre en œuvre un référentiel de tests (Junit) et un outil dit
d’intégration continue qui permet de tester le code source globalement (type Jenkins en java ou Team
foundation server en .Net). L’intégration continue permet de détecter rapidement les incompatibilités entre
les nouveaux codes et le code du logiciel au global et de façon précoce. Cela permet donc de réduire
fortement la non qualité.
Ces méthodes peuvent aussi être mises en œuvre pour du logiciel classique mais elles sont d’autant plus
adaptées pour du développement où l’obligation de résultat est de mise.
Le bénéfice au global de ces méthodes est justement de permettre de sortir des versions tous les deux
mois avec la capacité d’adapter ou de changer, entre deux sprints, les fonctionnalités qui seront
développées tout en assurant un niveau de fiabilité important.
L’enjeu technologique du multi tenancy le saint graal du cloud
On a vu dans les caractéristiques du cloud que la solution doit être « multi-tenant » pour être considérée
comme une solution cloud. Le « multi tenancy » est défini dans wikipedia comme suit : « le multi-tenant,
ou multi-entité désigne un principe d'architecture logicielle permettant à un logiciel de servir plusieurs
organisations clientes (tenant en anglais, ou entité en français) à partir d'une seule installation. Elle s'oppose
à une architecture multi-instance ou chaque organisation cliente a sa propre instance installation logicielle
(et/ou matérielle). Avec une architecture multi-tenant, un logiciel est conçu pour partitionner virtuellement
ses données et sa configuration, et chaque organisation cliente travaille avec une instance virtuelle adaptée
à ses besoins. »103
101
http://fr.wikipedia.org/wiki/Scrum_%28m%C3%A9thode%29 pour plus de détails 102
Un product manager dans une équipe R&D coordonne les efforts des équipes R&D afin de mettre en œuvre dans les délais impartis les nouvelles fonctionnalités que le comité produit a décidé de faire développer. Ce poste est donc tourné vers l’interne. Le product marketing lui est plus tourné vers l’extérieur, il compile les besoins marché pour le product manager et il transforme en proposition de valeur compréhensible par tous les fonctionnalités développées par la R&D. 103
http://fr.wikipedia.org/wiki/Multi-tenant
79
On comprend de par la définition du « multi-tenancy » que s’il est possible pour un logiciel de fonctionner
en mode multi-tenant » les coûts d’exploitation seront bien moindres qu’un fonctionnement en mode
multi-instance. C’est sur ce critère que se joue grandement la différence des coûts de production de la
solution cloud. En supposant qu’un premier niveau de mutualisation existe en virtualisant les serveurs104, on
comprend que gérer N instances différentes du logiciel avec chacune une configuration et N bases de
données coûte beaucoup plus cher qu’une seule instance avec des tenants différents et une seule base de
données où les données sont séparées.
Selon Cymbeline Chaplin ou Pascal Colin, c’est sur ce point que se joue la différence des coûts de
production entre 5 et 15% du CA en multi-tenant ou des coûts en multi-instance proches de 30% du CA.
L’écart de coût entre 5 et 15% du CA, tient au fait qu’il y a 3 grands modes de mise en œuvre du multi-
tenancy au niveau des données :
Première approche : Chaque tenant a une base de données propre. Simple à mettre en œuvre mais très
coûteux à administrer. Il y a plusieurs bases de données à administrer et par ailleurs un serveur physique
donné peut supporter un nombre limité de base de données.
Deuxième approche : une seule base de données et chaque tenant se voit allouer dans la base de données
un ensemble de tables. Cette approche est appelée « shared database, separated schemas ». L’avantage est
que l’on peut supporter plusieurs tenants par base de données. C’est un schéma technique facile à mettre
en œuvre mais il se fait avec une sécurité relative des données entre les tenants.
Troisième approche : on utilise une même base de données et les mêmes tables pour stocker les
informations des différents tenants. Chaque information dans une table a un numéro de tenant qui lui est
attaché. Cette approche est appelée « shared database, shared Schema ». Cette solution a un très
important avantage car les coûts d’exploitation sont faibles, l’augmentation des volumétries est
parfaitement gérée, la sécurité est assurée grâce au fait que chaque information est reliée à un numéro de
tenant spécifique, empêchant ainsi qu’un autre tenant ait accès à cette information. En revanche les
développements à faire par la R&D sont plus complexes donc plus coûteux et plus longs à mettre en place
et les opérations de sauvegarde et restauration des données sont plus complexes.
Ces trois approches peuvent être schématiquement résumées ainsi :
Source : Microsoft105
Figure 23 : approche haut niveau du "multi-tenancy" PaaS ou SaaS
104
La virtualisation consiste à voir un ensemble de ressources physiques (serveurs, mémoire, espace disque) comme une seule entité logique que l’on peut partager à loisir en plusieurs sessions virtuelles ou virtual machine en anglais 105
http://msdn.microsoft.com/en-us/library/aa479086.aspx#mlttntda_topic2 « Multi-Tenant Data Architecture » Microsoft
80
Source e-com canada inc 2011/06 Sri Prakash106
Figure 24 : Approche détaillée du "multi-tenancy" PaaS ou SaaS
La sécurité un incontournable du cloud
Un des freins à l’adoption du cloud est la sécurité. Ainsi Markess International 107indique que c’est une des
cinq raisons du choix d’une solution cloud, pour Romain Hennion et al c’est un des six risques du cloud.
Pour simplifier, la sécurité peut être centrée sur deux enjeux majeurs :
La confidentialité des données et des processus pour les solutions SaaS
L’autorisation d’accès par une personne habilitée à l’application
La confidentialité des données peut se traiter comme on l’a vu en 2.3.2 de plusieurs façons avec des coûts
de production en décroissance et une sécurité qui varie aussi :
Des serveurs séparés avec pour chaque serveur une session et une base spécifique.
Des serveurs mutualisés, des sessions différentes avec des bases séparées à chaque fois
Des serveurs mutualisés, des sessions différentes partageant la même base, l’intérêt est de
mutualiser et de privilégier la montée en charge avec un bon niveau de sécurité mais
forcément moindre que si tout était séparé. C’est comme on l’a vu l’enjeu du multi-tenancy
Evidemment la question est essentiellement économique et là concrètement en matière industrielle la
troisième option est celle qui a la meilleure rentabilité.
106
Sri Prakash « Multi tenancy in cloud » http://ecomcanada.wordpress.com/2011/06/29/multi-tenancy-in-cloud-computing/ 107
Markess International « Externalisation des infrastructures IT avec le cloud computing » 2013 p 12
81
L’autorisation d’accès et l’authentification est un point bien balisé.
La norme iso 27000108 (qui est une norme pour vérifier son niveau de sécurité) détaille bien ces aspects.
Elle peut faire l’objet d’une certification pour l’éditeur. En synthèse, il faut s’assurer que :
la connexion entre le client et le site internet de l’application est sécurisé
la personne qui s’identifie est authentifiée (c’est bien la bonne personne)
la société est bien protégée contre l’intrusion (que cela soit par déni de services ou des attaques
applicatives)
on doit pouvoir garantir que la personne accédant à l’information est authentifiée (on sait qui
accède), qu’elle est autorisée à y accéder, que l’information est intègre (on garantit sa non
modification) et non répudiable (on ne peut pas nier que l’on a accédé à l’information).
Dans un futur proche, la question de la sécurité du cloud sera bien prise en compte. Ainsi, une norme iso
est en préparation pour le cloud mais elle ne sera pas opérationnelle avant 2016. Les éditeurs Français
travaillent au développement d’une certification dite « Cloud confiance » afin d’assurer que les éditeurs
respectant ces règles soient labélisés afin de le mettre en avant comme un avantage concurrentiel.
Industrialisation du service :
La mise en œuvre d’une organisation de production de services suppose une démarche industrielle de
service. Si le nouveau service production qui est créé au sein de l’entreprise en est la conséquence dans
l’organisation, cette démarche d’industrialisation concerne aussi en partie le reste de l’entreprise.
Karsenti et al (2013)109 définissent une approche dite « blueprinting » qui a pour objectif d’industrialiser
l’approche service. Cette approche permet de « décrire [...] les étapes d’un service d’un point de vue des
clients », d’identifier les problèmes dans la mise en œuvre du service, de décrire les processus qui
interviennent dans le service de façon simple et graphique.
108
Iso27000 : est une norme de sécurité de l'information publiée conjointement en mai 2009 et révisée en 2012 par l'Organisation internationale de normalisation (ISO) et la Commission électrotechnique internationale (CEI, ou IEC en anglais), 109
« business model des Services » Karsenti et al 2013 p 202
82
On trouvera ci-dessous une matrice du « Blueprinting « avec les différentes étapes à analyser :
source modèle adapté service blueprinting : Karsenti et al 2013 " business model des services " Figure 25 : matrice "blueprinting" Karsenti et al d’industrialisation des services
En utilisant cette démarche, l’entreprise est en mesure de mettre en œuvre le service en gardant à l’esprit
la valeur délivrée au client.
Une des préoccupations majeures, comme le souligne Gerald Karsenti, est de trouver un équilibre
entre « l’exigence interne (de rentabilité) liée à la production des services et le besoin de s’adapter en
permanence aux besoins (spécifiques) des clients ».
Du point de vue du service de production, en tant que tel, l’industrialisation va demander de répondre à la
question suivante : doit-il monter toute la structure visant à mettre en œuvre la solution lui-même ou doit-
il la monter avec des partenaires clés ?
Dans le cas du IaaS la réponse est simple. Il doit monter la plateforme par lui-même. Si l’on regarde les pure
player, Cloudwatt (actionnaires Orange et Thales) ou Numergy (actionnaires SFR et Bull) la plate-forme
est leur propre plateforme.
Pour un éditeur PaaS ou SaaS la question a un vrai sens.
L’intérêt de monter la plateforme de production avec un partenaire IaaS pour toute la partie infrastructure
permet un go-to-market très rapide surtout que l’offre est très large. La contrepartie est qu’il faut choisir
un partenaire avec une bonne pérennité, l’éditeur est dépendant des SLA du partenaire et cela a forcément
un coût. Ce point sera étudié en 3.2.2 si cette option est choisie.
A l’inverse l’option de faire cela en interne génère un coût initial d’investissement, de mise en œuvre et
d’expérience à acquérir. Par contre l’option de tout faire en interne permet une maitrise totale du service.
L’éditeur peut espérer améliorer la marge à terme en optimisant les coûts de production. Cegid a choisi un
mode tout interne par exemple. A l’inverse, UserCube110, qui est un jeune pure player ou Easyvista ont
choisi l’externalisation. De façon empirique plus la société est petite, plus elle aura tendance à choisir
l’externalisation pour des raisons de coûts initiaux de mise en place de l’infrastructure et de « time-to-
market ».
110
Solution qui permet la gestion informatique des personnes dans l’entreprise (PDG Christophe Grangeon)
83
Au-delà de cette question, il va falloir mettre en œuvre tout un ensemble de procédures pour assurer la
production et tenir les SLA définis. Au-delà de la simple capacité à opérer, cela nécessite la mise en place
d’un outillage de supervision d’un point de vue technique et l’organisation humaine nécessaire pour assurer
un suivi 24h/24 et 7j/7. L’objet de ce mémoire n’est pas d’entrer dans le détail sur tous ces aspects.
Un impact sur le fonctionnement du consulting très limité.
On pourrait penser que le passage de la R&D d’une mentalité d’obligation de moyens à une obligation de
résultats ainsi que la création d’un service production ait aussi le même impact sur le consulting.
Il ressort des interviews que ce n’est pas le cas sur ce point, ce pour deux raisons.
Premièrement la mise en œuvre des solutions est largement sous traitée aux partenaires (87% des acteurs
cloud ont une stratégie partenaire, pour mémoire cf étude Markess 2013). De facto le consulting de
l’éditeur intervient en mode expertise sur l’architecture, les bonnes pratiques etc …. Il n’est donc pas
envisageable de prendre des obligations de résultats lorsque l’éditeur ne réalise qu’une faible part de la
prestation. Cette position est confirmée par Gildas Leroy ou par Christophe Grangeon PDG de Usercube.
Deuxièmement, d’un point de vue juridique les éditeurs ne souhaitent pas prendre des forfaits d’intégration
pour leurs clients car cela peut faire peser des risques sur la société par l’application des pénalités. Dans ces
conditions et disposant d’une solution via les partenaires, les éditeurs ne prennent pas d’affaires en
forfait.111
Un impact sur le marketing limité mais de nouveaux champs à venir.
L’impact sur l’activité du marketing est selon les différentes personnes interrogées relativement faible dans
les premières années.
Les activités principales, dont la mise en œuvre a été citée, sont les suivantes :
Création de formations expliquant la valeur ajoutée des offres pour l’externe et pour l’interne
Mise en place d’outils de CTP (Coût Total de Possession). Pour mémoire ces CTP ont été calculés
sur 3 ans, qui est la durée maximale d’engagements demandée aux clients. Ces CTP font ressortir
une baisse de 25% à 30% en moyenne s’il n’y a pas de migration de données et de 15% s’il y a en a
une112. Cet outil est indispensable car le client compare toujours la solution cloud par rapport à la
solution en mode licence opérée au sein de l’entreprise. Pour certains éditeurs le travail sur le CTP
a aussi été fait en comparaison avec les offres concurrentes en cloud.
Mise en place d’outil de ROI. L’idée étant de montrer que le Retour sur investissement est rapide,
en général autour de huit mois à un an.
On peut cependant aller plus loin que ces actions notamment sur quatre axes :
La segmentation client
Le discours métier
La formalisation des programmes de partenariats adaptés aux canaux pour vendre les offres cloud.
Le développement d’un marketing relationnel
111
Un forfait est un mode de contractualisation dans lequel l’entreprise prend une prestation pour un prix donné. Ce forfait est assorti d’un périmètre et de pénalités en cas de non-respect des délais ou de non réalisation du périmètre technique et fonctionnel de la prestation. 112
Entretien avec Pascal Colin et Gildas Leroy
84
Le marketing comme un acteur de la segmentation client
On a vu qu’il était nécessaire de segmenter la clientèle plus finement car les offres de services doivent être
adaptées en terme de proposition de valeur. Parmi les éditeurs interviewés seul Cegid pratique cette
approche. Or comme l’explique Gérald Karsenti il est nécessaire dans le service « de choisir ses segments
de marché pour lesquels l’entreprise est la plus efficace et la plus compétitive. En couvrir plusieurs implique
généralement de définir un socle de base qui rassemble les fonctionnalités les plus attendues de tous puis
un système d’options à la carte.»113. Clairement, cette démarche pourtant importante est faite de façon
empirique voire au gré des affaires commerciales qui se présentent.
Le marketing doit porter les discours métiers
Une fois les segments de clientèles définis, le marketing doit participer à la présentation des offres cloud
selon les métiers abordés. Il s’agit de présenter la proposition de valeur sous l’axe des métiers visés. Là
aussi, aucun éditeur interviewé, sauf Cegid ne pratique cette approche. Il est à noter que cette approche
peut être menée, et le sera probablement, par le marketing en collaboration avec les partenaires qui ont
eux intérêt à développer leurs compétences métier, comme on a vu précédemment.
Le marketing comme vecteur de développement des partenariats
Les éditeurs ont traditionnellement mis en place des programmes partenaires pour vendre les licences.
Dans la plupart des cas, ces programmes partenaires sont à 3 niveaux. Plus le niveau est élevé plus le
partenaire doit former de consultants techniques, ils paient ou non un droit d’entrée annuel (fees) et il
bénéficie en contrepartie de remises sur les licences, sur la maintenance, sur les services de plus en plus
importantes. Ces programmes s’accompagnent de référencement voire de mise en avant du partenaire sur
le site web, d’un accès à un portail partenaire intégrant de la documentation et des supports marketing
divers.
Comme on a vu dans la section 3.1.5 canaux, le programme partenaire va évoluer juridiquement.
L’accompagnement aux partenaires aussi. Le marketing va pouvoir proposer les matériels créés pour les
offres cloud (CTP, ROI, proposition de valeur, voire discours métiers). Cependant, il est plus que probable
que, faute de compétences sur ce dernier point, il soit en co-création marketing sur les aspects valeur
métier. Cette co-création se concrétisera via des supports documentaires communs (livres blancs,
présentations), par la mise en œuvre de séminaires réguliers via le web (webinar), via des démonstrations
live permettant de voir la solution dans le contexte métier du client.
Le développement d’un marketing relationnel
In fine le marketing va développer une approche vis-à-vis des clients et des prospects de relations
individualisées, durables avec des moyens de communication divers mais cohérents. L’objectif étant de
porter des messages personnalisés, qui comme le précise Gerald Karsenti, vont permettre « de créer ou
d’entretenir… une attitude positive à l’égard des produits et services » de l’éditeur. Si on associe la
segmentation client à un marketing ciblé, il est alors possible de soutenir les efforts des commerciaux.
L’idée est de cibler les actions selon la loi de Paretto114 sur les 20% de clients qui génèrent 80% du chiffre
d’affaires.
113
Gerald Karsenti et al « le Business Model des services » p 121 114
La loi de Paretto est une théorie qui indique que 20% des clients contribuent à 80% du chiffre d’affaires
86
3.2.2 Des partenariats clés importants
Un partenariat d’un nouveau genre avec l’Open Source.
L’objectif pour un éditeur visant à créer des alliances avec des partenaires clés consiste à optimiser le
modèle d’affaire, à réduire le risque ou à acquérir des ressources. C’est la réponse au dilemme entre
« make » (faire soi-même avec les risques associés en terme de non réussite, temps passé, coûts mais
marge importante en cas de réussite) ou « buy » (aucun des risques évoqués mais marge moindre).
Comme l’a indiqué Mme Lehmann Ortega lors de son intervention sur l’innovation stratégique à HEC 2013,
nous sommes dans une économie en réseau où la coopération est source de valeur. L’entreprise devient
donc ouverte. Elle ne crée pas tout par elle-même.
Dans le cas des éditeurs cloud, les principaux partenariats, si l’on met de côté les aspects canaux de vente,
sont des partenariats autour de la technologie.
L’évolution majeure pour les éditeurs est l’apparition de l’Open Source et des communautés Open Source.
On a vu dans la section 2.3.2 que le modèle Open Source ou libre est défini par François Elie dans
«Economie du logiciel Libre » comme «un logiciel dont l’auteur a rendu les secrets de fabrication (code
source) librement accessibles et librement réutilisables». Les développeurs le font soit pas plaisir soit pour
la reconnaissance ou pour l’argent. Ils se regroupent par ailleurs en communautés (on peut citer Apache,
OW2, Eclipse …). L’objectif est comme le rappelle le CNLL115 de « construire un patrimoine de
connaissance sous forme de code source »
Pour le cloud et spécialement dans le cadre de la Recherche et Développement (R&D), cela a un impact
important. La R&D peut ainsi bénéficier d’avancées technologiques qu’elle n’a pas créées elle-même.
Cela suppose de faire attention au type de copyleft116 qui est lié au code source qui est pris dans l’Open
Source pour l’incorporer dans la solution cloud et de bien documenter ce qui est du domaine du libre et ce
qui est du domaine propriétaire dans le code global de la solution en cloud. Une fois ces précautions prises,
il existe une forme de partenariat non conventionnel qui s’établit entre l’éditeur et le monde Open Source.
Il ne s’agit pas d’un partenariat classique. Il n’y a pas de contrat signé, de relations pluriannuelles définies
mais les règles énoncées ci-dessus sont à respecter. Ainsi 65% des éditeurs utilisant de l’Open Source
reverse du code à la communauté du logiciel libre tout en bénéficiant de celui des autres participants117.
Donc tout ce qui est mutualisable et qui ne participe pas au cœur de la valeur de l’éditeur peut être partagé
afin d’économiser des coûts de développement.
Pour les éditeurs PaaS et SaaS un partenariat clé avec les opérateurs IaaS.
L’autre partenaire clé pour un éditeur PaaS ou SaaS, s’il n’a pas décidé de faire lui-même sa plateforme
cloud, est le fournisseur de solution IaaS qui lui permet de disposer d’une infrastructure de production
stable, flexible et pérenne. Le choix du fournisseur IaaS pour l’offreur de solution PaaS ou SaaS est
important voire crucial. Il existe à ce niveau en France une multitude d’offreurs nationaux ou
internationaux. En fonction des impératifs de coûts, de niveaux de service, de territorialité des données, de
réversibilité des données le choix se portera sur un offreur ou un autre.
115
Commission Nationale Du Logiciel Libre (CNLL) dans sa présentation « Panorama de l’Open source en France « 2011 p 18 116
Voir section 2.3.2 pour une définition détaillée. 117
Source CNLL
87
On trouvera ci-dessous une cartographie des acteurs du IaaS en France selon l’étude Markess118 . Cette
cartographie permet à l’éditeur de faire un choix selon l’offre de service voulue et la couverture territoriale
de l’hébergeur IaaS :
Source Markess International
Figure 26 : choix de partenaires IaaS pour un éditeur PaaS ou SaaS
L’analyse des ressources clés qui vont être impactées chez l’éditeur est un point important. Il va ensuite
s’agir de pouvoir suivre ce nouveau modèle d’affaires avec des métriques adaptées.
118
Etude Markess « Externalisation des infrastructures avec le cloud computing Approches, ROI & tendances 2015 » 2013.
88
3.2.3 La mise en place de nouveaux indicateurs
Les indicateurs traditionnels pour mesurer la santé financière d’un éditeur sont classiquement la croissance
du chiffre d’affaires en licences et la part en pourcentage des services de maintenance. Le premier
indicateur permet de savoir si la société gagne des parts de marché et la seconde permet de connaitre la
part du business récurrent. Il y a évidemment d’autres indicateurs notamment la marge, les coûts de ventes,
du marketing etc…. Cependant, ceux qui à terme donnent une vision du développement de la société sont
les deux premiers indicateurs cités.
Dans le cas des services cloud, les indicateurs sont différents pour mesurer la santé de la société à terme.
En effet le client prend une souscription dont le paiement est mensuel. La valeur réelle du client se révèle
sur la durée et la valeur du client peut devenir très importante s’il étend l’usage de la solution et qu’il utilise
l’application de nombreuses années. A l’inverse si le client est insatisfait il peut aussi de désengager
rapidement.
De ce fait, contrairement au modèle de vente licences il y a trois points importants à regarder :
l’acquisition d’un client
le fait de garder le client le plus longtemps possible
faire en sorte qu’il étende l’utilisation de l’application pour générer le plus haut niveau de chiffre
d’affaires
Il faut définir de nouveaux indicateurs. On peut d’ailleurs utiliser les indicateurs des modèles d’affaires
Open source, qui en terme de flux de revenus et de gestion des clients sont proches des modèles
d’affaires cloud pour répondre à ces questions.
Les deux premiers indicateurs clés sont :
• CAC – Customer Acquisition Cost : coût d’acquisition d’un nouveau client. Il est calculé en fonction des
coûts marketing et commerciaux pour obtenir la signature d’un nouveau client. Idéalement, un nouveau
client doit être amorti sur une durée inférieure à un an afin de pouvoir réaliser des bénéfices sur cette
période. M Causse de PAD indique ainsi que celui-ci doit être inférieur à 30% du CA, cependant on peut
voir en prenant les comptes de résultats de Salesforce ou Successfactor 119 que le CAC est plus proche de
66% du CA annuel.
• CLTV - Customer Lifetime Value est le chiffre d’affaires généré par un client durant la durée de son
contrat. Il est calculé sur la base du revenu mensuel généré par un client.
Dans son étude120 David Skoke indique que suite à un travail avec différents éditeurs, il en a tiré
deux indications empiriques pour savoir si un modèle d’affaire Cloud est viable :
119
Salesforce : leader mondial du CRM en mode cloud, Successfactor racheté par SAP est un des leaders du cloud dans le domaine de l’analyse de la performance. Comptes de résultats 2012 120
« SaaS Metrics 2.0 – A Guide to Measuring and Improving what Matters » Davis Skoke 2013/01. Pour aller plus loin : http://chaotic-flow.com/saas-metrics-joels-magic-number-for-saas-companies/ Et http://chaotic-flow.com/saas-metrics/
89
Figure 27 : indicateurs de suivi : CAC et LTV
Cela ne signifie pas que ceux qui ne respectent pas ces ratios ne réussiront pas. Mais cela veut juste dire
que le temps requis pour devenir rentable sera être long. Or le coût des capitaux pour un éditeur en phase
de développement est élevé (le revenu attendu par l’investisseur étant couramment entre 30 et 40% par
an121)
A ces deux notions, il faut ajouter un indicateur additionnel que l’on peut décliner sous deux formes,
fonction de la manière dont les revenus sont encaissés : Le MRR (Monthly recurring revenue) si les
contrats sont sur une base mensuelle ou l’ACV (Annual Contract Value) si les contrats sont encaissés sur
une base annuelle.
MRR -Monthly Recurring Revenue ou revenu mensuel récurrent signé. Il s’agit « du revenu moyen par
client ». Cet indicateur « permet de mesurer l’évolution des revenus de l’entreprise par addition des
contrats existants, des renouvellements d’abonnement, de l’upsell (adoption de nouvelles fonctionnalités
payantes par les clients) et des nouveaux contrats. »122.
L’ACV se mesure de la même manière mais sur une base annuelle.
Le MRR est affecté par deux variables majeures ;
les nouvelles ventes qui affectent positivement celui-ci
le churn ou pourcentage de non renouvellement qui l’affecte négativement
Le Churn ou taux d’attrition est le pourcentage de baisse des revenus mensuels qui est lié au nombre
de clients perdus. La maitrise du Churn est importante. Selon l’étude de l’AFDEL « une baisse de 20% par
an entraîne une division du MRR par deux en trois ans » ce qui est fatal à l’éditeur. La rupture des contrats
par les clients est généralement due aux problématiques suivantes :
problème de rapport qualité / prix,
interfaces trop complexes pour les utilisateurs
problèmes d’indisponibilité de la solution.
David Skoke fixe un indicateur complémentaire afin de voir si l’éditeur est en expansion ou pas
121
Cf interview avec ACE management et d’autres fonds d’investissement. 122
Etude AFDEL : « Etude des spécificités du marché du SaaS en France »
90
le « Net MRR ou Net ACV, qui est défini ainsi :
Source david Skoke
Figure 28 : définition du Net MRR ou Net ACV
On peut dès lors suivre ces trois composantes sous forme d’un graphique sur une période considérée, qui
permet de savoir quelles composantes du MRR évoluent dans le bon sens. Il s’agit ici selon l’expérience de
David Skoke, des indicateurs les plus importants pour suivre la santé de l’éditeur.
Source David Skoke
Figure 29 : indicateurs MRR détaillés
Par ailleurs David skoke a déterminé de façon empirique que le taux de Churn détermine à terme la taille
maximum du business atteignable par la société. La société se dirige, fonction du taux de Churn vers une
asymptote de revenus. Il définit ainsi, pour une société donnée, la croissance du revenu sans Churn et avec
Churn ce qui donne le tableau suivant :
91
Source David Skoke
Figure 30 : impact du Churn sur l'Annual Recurring Revenue
La réduction du Churn est donc un enjeu crucial. Le taux de Churn maximum pour que la société soit
rentable varie d’une société à une autre car il dépend de la marge générée en pourcentage sur le chiffre
d’affaire123. M René Causse de PAD indique dans sa présentation de 2011 que ce taux de Churn doit être
impérativement inférieur à 12%. Pour Cegid celui-ci est à 3,5 %. David Skoke indique lui qu’au-delà de 2%
de Churn sur le revenu mensuel, il y a un réel problème. Ainsi, Avec un taux de churn de 2% mensuel,
l’éditeur perd au global 22% de son CA annuel.
La société peut agir sur le Churn de 4 manières :
En améliorant les facteurs générant du Churn
o en optimisant le rapport qualité / prix,
o en rendant le logiciel le plus simple possible pour les utilisateurs
o en réduisant le temps d’indisponibilité de la solution.
En faisant en sorte que le client s’engage sur des périodes longues : 1 an au moins ou bien pour une
plus longue durée comme 3 ans voire 5 ans, avec idéalement un paiement global en début de
contrat en contrepartie de remises sur le prix. Ce modèle d’engagement est courant chez un
éditeur Open Source, qui de ce point de vue fonctionne comme un éditeur cloud. Cette démarche,
même si elle n’est pas dans l’esprit du cloud, est commercialement efficace. Ainsi selon les
personnes interrogées on atteint jusqu’à 50% des ventes en nombre de clients en mode 3 ans.
En réalisant des études de satisfaction régulières afin de détecter les clients qui sont insatisfaits
donc susceptibles de résilier. On peut dès lors concentrer les efforts de la cellule de suivi client
pour améliorer l’indicateur de satisfaction et alerter la force commerciale.
En analysant comment la force commerciale vend la solution, notamment si elle survend les
bénéfices attendus de la solution.
123
Source David skoke même article
92
Un autre axe d’analyse intéressant consiste à suivre le pourcentage de clients qui demeurent fidèles à la
solution à travers le temps. Ce type d’analyse permet de savoir si pour un groupe de clients donnés, acquis
un mois donné, le taux de Churn se stabilise dans le temps. Cette analyse permet aussi de savoir si on
améliore le taux de rétention des clients au fil du temps. Ci-dessous un exemple fournit par David Skoke :
Figure 31 : analyse du pourcentage de clients demeurant fidèles à la solution à travers le temps
Cette analyse permet ensuite de réfléchir sur les causes du Churn.
David Skoke indique une dernière notion qu’il appelle le « négative Churn » qui se définit de la manière
suivante :
Figure 32 : définition du negative churn
Concrètement et toujours de façon empirique, si l’augmentation des ventes sur les clients existants
(l’upsell) dépasse le montant des ventes perdues sur une base mensuelle, alors l’asymptote sur les ventes
liées au taux de Churn disparait. David Skoke indique ainsi que les ventes peuvent atteindre trois fois le
niveau de CA à l’asymptote.
Comme on peut le voir, l’analyse d’un modèle d’affaires Cloud nécessite des indicateurs différents des
traditionnels indicateurs pour un modèle d’affaires à base de licence.
Nous allons maintenant analyser l’impact sur l’équation de profit de tous ces éléments
93
3.3 Equation de Profit
Denis Dauchay124 définit l’équation de profit comme la capacité d’un modèle d’affaires « à créer
effectivement du profit ». Cela se traduit par la différence entre les revenus de l’entreprise et les « coûts
attachés aux opérations de la chaine de la valeur.».
Pour explorer l’équation de profit, on va prendre l’exemple d’un éditeur qui a mené l’opération de
transformation de son modèle d’affaires vers le cloud : Easyvista. Ses comptes étant publics car la société
est cotée l’analyse est relativement plus aisée. Dans une seconde partie, on va généraliser le modèle et
examiner les impacts sur le compte de résultat d’exploitation de différentes hypothèses de structures de
coûts et de rapidité d’évolution du modèle de revenus.
3.3.1 Un exemple réussi de passage au cloud : Easyvista
Easyvista est une société d’édition dans le domaine de l’ITSM ( IT service management). La société réalise
en 2008 un chiffre d’affaires de 11,3 Millions d’Euros en progression de 2 % par rapport à 2007 et avec un
résultat net négatif de 1,3 M€. Les ventes à l’étranger représentent 1,9 ME soit 17% du CA . Les filiales
sont en Espagne, Italie, Royaume Uni, Portugal, Etats Unis. Les activités des filiales ne sont pas rentables et
la société mère doit supporter les pertes qu’elles génèrent
Les activités de la société sont centrées sur l’activité logicielle.
La société décide en 2009 de faire un virage radical vers le cloud. Ce virage est décidé du fait de sa position
de challenger au niveau mondial face à des sociétés telles HP qui a racheté Peregrine, BMC, ou ServiceNow.
L’objectif est pour Easyvista de disposer d’une offre différenciante vis-à-vis de ses concurrents. Par ailleurs ,
dès cette époque l’équipe dirigeante suppose que le logiciel en service opéré va se développer. La société a
une forte culture de solution à valeur ajoutée et a mis en œuvre dès les années 2000 une solution en mode
web pour quelques centaines de clients.
On trouvera ci-dessous une analyse du Chiffre d’affaires de 2009 à 2012 et des principaux chiffres clés : 125
124
Denis Dauchay « 7 étapes d’un business model solide » 2010 p 87 125
L’ensemble des données sont consultables sur le site d’Easyvista : http://www.easyvista.com/fr/societe/investisseurs/documents/
94
Figure 33 : comptes de résultats simplifiés et backlog SaaS d'Easyvista de 2008 à 2012
Figure 34 : indicateurs clés pour l'analyse des résultats
Quels sont les impacts du passage au cloud sur le compte de résultat
Si on analyse, on note une baisse du chiffre d’affaires de 19% entre fin 2008 et fin 2010 et une baisse des
charges d’exploitation de 15% sur la même période .Le résultat d’exploitation apparait en perte cumulées
de 1,5 M€ sur la même période.
Cependant dans le même temps la variation en fonds de roulement devient négative. Ce qui signifie que
l’activité génère une trésorerie positive forte. Par ailleurs, on peut analyser que le CA SaaS passe de
presque rien en 2009 ; année du lancement des solutions ( backlog à 200 ke ) ; à 11% du chiffre en 2010 (
augmentation du récurrent de 34% en 2009 à 45% en 2010 ( on suppose que les maintenances n’ont été
que faiblement affectées par ce mouvement vers le SaaS).
Par contre on observe une baisse des capitaux propres de 4,3 ME à 3 ME principalement du fait des pertes
de l’exercice et du report à nouveau ( 2,5 ME).
Comment est-ce explicable ?
Une bonne maîtrise des coûts
95
En fait la R&D a mené le projet de passage au cloud en restant avec des coûts stables (autour de 1,1 ME par
an. 126 ). Dans le même temps la mise en oeuvre de la production a bénéficié des expériences antérieures
de Easyvista dans le domaine. On constate aussi que les investissements restent faibles ( flux nets de
trésorerie liés aux investissements stables). La société a fait appel principalement à des couts externalisés
(hébergeur IaaS) et a redéployé des personnels pour étoffer le service de production préexistant. De son
côté le marketing a vu ses moyens augmenter passant progressivement de 4% à 5% du CA en 2009 /2010 à
près de 9% en 2012.
Pour autant, l’ensemble des coûts ont été réduits de 15% entre fin 2008 et fin 2010. Cette réduction est liée
à 70% à la compression de frais de personnels 4 en France et des coûts commerciaux notamment dans les
filiales. Ainsi dans les comptes consolidés de 2009 il y a 27 personnes dans les filiales et 23 en 2010.
Si les couts ont été contrôlés le passage au cloud a entrainé une baisse du CA.
Cela est dû au fait que tout ce qui est vendu n’est pas reconnu sur l’année en cours. Le corollaire est
l’explosion du backlog qui passe de 0,2 M€ en 2009 à 1,6 M€ en 2010 et près de 8,2 M€ en 2012.
Cela a pour conséquence de faire plonger les résultats de -0,2 M€ en 2009 à -1, 3 M€ en 2010 et
-1, 27 M€ en 2011.
Une évolution très positive du BFR grâce à une politique commerciale judicieuse
La société n’est cependant pas en danger. On constate que la variation du besoin en fond de roulement (
qui mesure le besoin additionnel en trésorerie pour financer l’activité) devient fortement négatif ( -1,3 M€
en 2010, -1,4 M€ en 2011). Cela signifie que l’activité génère de plus en plus de cash et ce même si le CA
baisse de 3,9% entre fin 2009 et fin 2011. Cette performance va à l’encontre de ce que l’on peut penser sur
les besoins en financement d’une activité cloud. En effet, on engage les coûts à T0 et on encaisse des
revenus étalés dans le temps. Le retour à zéro du CAC (Client Acquisition Cost ) étant on l’a vu dans les
indicateurs à près de 12 mois .
La solution a consisté à mettre en place un modèle commercial dans lequel les clients au maximum sont
incités à prendre un engagement sur 3 ans et à payer à terme à échoir ( donc tout de suite) un an minimum
de service en contrepartie de remises commerciales. Cette décision est la clé ici d’un passage réussi au
cloud en terme de trésorerie.
126
Source comptes sociaux Easyvista 2009, 2010
96
Le risque d’obligation de recapitalisation est finalement le risque majeur d’un point de vue financier
Les sociétés ( SARL, SAS, SA) ont l’obligation de recapitaliser si les capitaux propres de la société sont
inférieurs à la moitié du capital social. Les capitaux propres127 sont égaux à la somme :
des apports ;
des écarts de réévaluation ;
des bénéfices autres que ceux pour lesquels une décision de distribution est intervenue ;
des pertes ;
des subventions d'investissement ;
des provisions réglementées.
En cas de non recapitalisation la société peut être dissoute. Les actionnaires ont l’obligation de le faire sous
peine de sanctions pénales. La société pourra décider soit de dissoudre la société, soit de maintenir son
activité en régularisant la situation (diminution du capital social reconstitution des capitaux propres.).
Ainsi en 2009 Easyvista a des capitaux propres de 4,3 M€ pour un capital social de 2,9 M€. A fin 2012,
Easyvista a des capitaux propres à 985 K€ pour un capital social à 2,9 M€. Cela signifie qu’en 2013 la
société a du se recapitaliser impérativement.
Easyvista a cependant une visibilité forte sur son activité à terme.
Le récurrent de la société passe de 34% en 2009 à 63% à fin 2012. Les ventes de licences s’amenuisent
entre 2008 et 2012. Elles passent de 5,1 M€ à 2,6 M€. De ce fait les nouvelles maintenances générées
diminuent et la part des maintenances accumulées s’érodent naturellement.
Ce qui signifie par contrecoup que la part du Saas augmente dans le récurrent entre 2009 et 2012 de
presque 0% à près de 29% du CA. Le cercle est donc très vertueux et continuera sur les années à venir. Ainsi
Easyvista a annoncé début avril 2014 ses résultats préliminaires avec un backlog SaaS en hausse de 33% à
presque 11 M€ et un Chiffre d’affaires en hausse de 20 % à près de 14,7 M€. La part du récurrent dans le
CA passe de 63% à 66%. La différence entre la hausse de CA et la hausse du récurrent venant du fait que
l’action de migration des clients « mode licence » au mode SaaS impacte les revenus de maintenance qui
sont comptabilisés dans le récurrent.
Pour autant la société n’est pas encore rentable.
La société a cumulée entre 2009 et 2012 au total en perte d’exploitation près de 3,3 M€ pour un chiffre
d’affaires cumulé sur la période de 42, 4 M€ soit une perte d’exploitation moyenne de 7,7% par an. Les
résultats de 2013 font apparaitre un chiffre d’affaires de 14,7 M€ et une perte d’exploitation à 1 M€ soit
presque 7%. Le modèle est donc vertueux mais pas encore rentable et nécessite de se recapitaliser.
127
article R. 123-191 du Code de commerce
97
3.3.2 une extrapolation à un modèle générique d’éditeur PaaS ou SaaS
A partir de cet exemple, on a essayé de modéliser un modèle de revenus et de coûts afin d’extrapoler
l’impact sur l’équation de profit pour des solutions PaaS ou SaaS.
Dans le cadre de cette analyse on reste au niveau du résultat d’exploitation qui est la traduction de
l’efficience du modèle d’affaires. On ne s’intéresse aux opérations financières du compte de résultat
Les hypothèse suivantes ont été retenues pour bâtir le modèle de revenus et de coûts :
Pour le modèle de revenu :
Les services sont commandés à 100% sur 3 ans et seuls 6 mois de service sont reconnus la
première année puis 12 mois chaque année suivante (on prend ce biais afin de simplifier le modèle)
La croissance du CA SaaS est de 30% par an
Si la croissance du Saas est de 30% on suppose dans ce cas que le taux d’érosion des ventes de
licences est de 30% aussi.
Le taux de Churn en SaaS est de 20% après 3 ans ( on suppose un taux cumulé de 6% par an qui ne
se réalise qu’après la première période d’engagement de 3 ans)
Pour le modèle de coûts
On est parti de la structure moyenne de coûts d’un éditeur logiciel selon l’étude Xerfi de 2013 « marché
logiciel en France »
L’évolution de celle-ci est la suivante :
Les frais R&D/ service de production sont stables en pourcentage du CA.
Les frais commerciaux sont stables en pourcentage du CA
Les frais d’infrastructures qui incluent aussi toutes les charges externes sont stables en
pourcentage du CA à 21%. On a gardé la moyenne établie par Xerfi. Ce choix est fait car on
suppose que les aspects infrastructures sont externalisés, ce qui variabilise les coûts . Pour
mémoire Ils peuvent varier de 5% à 40%. Ce seul poste peut faire varier considérablement
l’équation économique.
Les frais de commissions sont aussi considérés comme stables. On considère que 50% du CA est
réalisé via les réseaux indirects et que la marge moyenne est de 20%
Seuls les frais marketing sont revus à la hausse au fur et à mesure de 4% du CA en année 0 à 10%
en année 5. Cela reflète l’effort d’évangélisation autour de la solution.
Les frais de direction et les frais généraux sont stables en pourcentage du chiffre d’affaires.
Afin de pouvoir comparer les années entre elles, et l’évolution des coûts, tous les % sont
exprimés par rapport à une base 100 de CA en année 0.
98
Les résultats sur la structure de revenus sont les suivants :
Figure 35 : structure de revenus sur 5 ans de l’éditeur selon les hypothèses de migration vers le cloud
Il faut à peu près 5 ans avec ces hypothèses pour avoir un CA à 82 % en récurrent.
Le chiffre d’affaires double pratiquement sur la période. Le backlog SaaS représente 1,43 fois le CA annuel
en année 5. Cela donne une visibilité très forte sur l’avenir de la société.
Les comptes de résultats d’exploitation apparaissent comme suit :
Figure 36 : compte de résultat sur 5 ans selon les hypothèses de migration vers le cloud
On observe que dans ces conditions .le bénéfice d’exploitation est faible malgré une forte augmentation du
CA. Cela signifie que pour restaurer le niveau de rentabilité, il faut abaisser en pourcentage les frais
d’infrastructures, d’où l’importance de la notion de solution « multi-tenant ». On a gardé les frais
commerciaux et les frais marketing au même niveau en pourcentage car leur baisse aurait un impact sur le
CA
99
On a fait ci-dessous une simulation en ramenant les frais d’infrastructures respectivement de 21% à 15%
en 3 ans à partir de l’année 3.
Figure 37 : simulation sur 5 ans du compte de résultat en réduisant les frais d’infrastructures
L’impact sur le compte de résultat d’exploitation est tout de suite très important puisque la société génère
alors un profit opérationnel de 7% en année 5. Cela confirme que la clé du modèle est dans la maîtrise des
coûts d’infrastructures.
L’impact de la vitesse de transition est très important sur le compte de résultat d’exploitation.
On a mené une dernière simulation qui vise à voir l’impact sur le compte de résultat d’exploitation d’une
société qui irait vers le cloud avec une progression de 50% par an , une autre avec une progression de 30%
par an et une dernière avec une progression de 10%/. Les 3 sociétés optimisent leurs coûts
d’infrastructures comme vu précédemment de 21 % à 15% en 3 ans.
Figure 38 : impacts sur les bénéfices et le niveau de CA fonction de la croissance du CA SaaS ou PaaS
Ce tableau de synthèse permet de constater assez logiquement que plus on essaie de faire le mouvement
de transition rapidement plus le risque est élevé mais plus la récompense est importante.
Empiriquement on peut dire qu’un rythme de transition à 30% par an minimise le risque mais permet
d’afficher de bons résultats ( 7% de bénéfices d’exploitation à 5 ans et un CA doublé en 5 ans).
100
En conclusion
D’un point de vue équation de profit il y a plusieurs clés pour limiter les risques.
La première est d’impérativement engager les clients sur une durée de contrat la plus longue possible et
d’obtenir un paiement des services immédiatement pour une durée d’1 an. Dans le cas contraire la baisse
du chiffre d’affaires reconnu serait concomitante avec une augmentation du besoin en fond de roulement ce
qui peut être fatale si la trésorerie vient à manquer.
Plus le rythme de transition vers le cloud sera rapide plus la baisse de chiffre d’affaires sera importante en
année 1 de la transition et l’impact sur les comptes de résultats sera important. Par contre à l’inverse le
résultat à 5 ans tant en terme de récurrence du chiffre d’affaires que de niveau de chiffre d’affaires sera
important. Empiriquement le meilleur ratio de prise de risque sur gains espérés et impacts sur le résultat
d’exploitation opérationnel semble se situer à un taux de croissance du CA cloud à 30% par an du chiffre
d’affaires global.
D’un point de vue de la structure de coûts, le passage au cloud ne nécessite pas un accroissement des
investissements en R&D mais un redéploiement de ceux-ci. La solution technique choisie en regard de la
notion du « multi-tenancy » est le point majeur qui permettra de ramener les dépenses d’opérations du
service vers 15% ou moins au lieu de 20%. Cela a un impact majeur sur la rentabilité opérationnelle. Le
choix technique du multi-instances fait bondir les coûts d’opération du service à 30% et plus ce qui est
suicidaire pour l’éditeur. Le marketing est la seule entité qui voit ses moyens augmenter en pourcentage
dans la structure de coûts ( de 4% à 8 à 10% du CA en moyenne). Tous les autres coûts restent stables en
pourcentage du chiffre d’affaires: frais commerciaux, frais de commissions etc..
Si la transition vers les revenus récurrents du cloud est bien menée et que le taux de churn est maitrisé
alors au bout de 5 ans la société peut avoir 80% de son revenu en mode récurrent. Cela lui assure donc un
niveau de pérennité très important avec un niveau de rentabilité opérationnelle dans la norme du secteur
autour de 7%.
101
3.4 Une gestion du changement fondamentale à la réussite de cette
transformation
Une résistance naturelle au changement et des moyens incomplets
L’étude IFOP sur « les processus de changement » pour Bcom Best de juin 2010 fait ressortir les réactions
suivantes face au changement :
Source IFOP etude Bcom Best 2010/06
Figure 39 : réactions des employés face au changement
Ce constat nous permet de comprendre que mener une transformation nécessite une conduite du
changement importante.
Toujours selon l’étude IFOP, les entreprises ont opté pour les moyens suivants :
Figure 40 : Moyens mis en œuvre pour la conduite du changement
On voit bien que si les entreprises pensent à communiquer ou informer à 70%, elles n’associent
que relativement peu les salariés au changement autour de 40%. Or ce sont les salariés les acteurs
du changement.
Quels moyens/méthodes peuvent-ils être mis en œuvre pour gérer de la façon la plus efficiente possible
cette transformation et réussir ce changement ?
102
Le management se doit impérativement de s’impliquer sur la durée
Gerald Karsenti indique dans « business model des services » que le changement « doit être piloté au plus
haut niveau de l’entreprise et le rôle de la direction générale est primordial pour réussir ».
En effet, le changement suscite des résistances. Cette implication doit se faire sur la durée (entre
deux et trois ans) et avec constance. Gildas Leroy d’Easyvista indique ainsi que la société a mené des
réunions spécifiques au niveau du comité de direction de façon régulière pendant deux ans.
Dans un groupe plus grand tel Cegid, une Business Unit à part a été créée, avec la mise en place d’un suivi
régulier et constant de la direction générale.
Il faut également choisir un style de conduite du changement et définir une méthode. Or sur ce point, la
façon de procéder est très liée à l’expérience des intervenants, au bon sens et suit peu ou pas de méthode.
Selon David Autissier et al dans « La Boîte à outils de la conduite du changement », mener cette politique
coûterait 5% du montant global des projets mais en contrepartie, la probabilité de réussite
augmenterait d’environ 20% en terme de respect des délais. Par ailleurs, cela permet aussi de
réduire le taux d’échec sur les projets de transformation, mais sans le quantifier. Ils précisent que
50% des projets de transformation échouent au global faute d’avoir été bien gérés.
Une méthode de conduite du changement dictée par le niveau d’urgence, le niveau de
transformation à réaliser et par les styles de management des dirigeants
En préambule, comme le rappelle Patrick Provenzano, professeur à HEC, la méthode du changement va
être dictée par le degré d’urgence dans le temps pour l’éditeur et le niveau de transformation demandé à
l’organisation. Ainsi si la société perd de l’argent, et que sa survie est en danger alors le mode le
changement sera rapide. Par ailleurs si le changement dans l’organisation à réaliser vis-à-vis des modes de
fonctionnement existants, des comportements des personnels est plus ou moins important, la méthode
sera différente.
Par ailleurs la méthode à choisir est aussi fonction de la culture des dirigeants. Ils peuvent être dans un
mode de changement négocié ou dans un mode imposé. Ils peuvent également être dans un mode de
changement permanent par niveaux successifs ou au contraire dans un mode de rupture
.
Cette double dichotomie se retrouve dans la littérature sur la conduite du changement.
Les auteurs ayant travaillé sur la conduite du changement oscillent entre ces 2 axes. On retrouve :
Lewis et Kotter du côté du changement négocié en rupture,
Kanter et Hannan et Freeman du côté du changement en rupture et imposé,
Nonaka et Takeuchi du côté du changement négocié et permanant,
Johnson et Scholes du côté du changement permanent et négocié 128.
128
Pour approfondir le sujet le livre « Conduite du changement concepts clés » David Autissier et al 2013 donne un panorama complet des conceptions des 50 plus importants auteurs sur la conduite du changement autour de ces deux axes.
103
David Autissier et al dans « conduite du changement » et Patrick Provenzano le résument de la manière
suivante :
Source Patrick Provenzano cours « conduite du changement » 2013
Figure 41 : le mode de conduite du changement : imposé/négocié et permanent/rupture
Le choix de la méthode n’est pas anodin. Il est dicté par l’urgence, par le niveau de la transformation à
exécuter et par le style de management des dirigeants. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise méthode parmi
ces 4 méthodes, il faut choisir le mode adapté à l’entreprise.
Quel que soit le style pour mener ce chantier, la conduite du changement doit passer un certain nombre
d’étapes pour être menée avec efficacité.
104
Une nécessaire structuration de la conduite du changement
Gerald Karsenti définit dans « business model des services » une démarche de transformation d’une
société centrée sur le produit à une société focalisée sur les services, on retrouve une méthode similaire
proposée par David Autissier et al dans « méthode de conduite du changement « et dans les cours de
conduite du changement de Patrick Provenzano, professeur à HEC.
Nous décrirons ci-après une synthèse pragmatique de ces approches centrées globalement sur la méthode
de David Autissier, notamment pour les outils opérationnels.
Cette démarche peut se schématiser de la façon suivante :
105
La première étape de la conduite du changement consiste comme le souligne Gerald Karsenti à définir la vision de la société : que veut-elle faire, pourquoi et avec quelle finalité ? Que doit apporter à la société le passage au cloud ? Cela semble basique mais ce n’est pas forcément réalisé.
Cependant comme l’indiquent Bruno Jarrosson et al dans « Oser la confiance », « le fait d’avoir une
vision ne remet pas automatiquement en marche les petits ruisseaux »
Dans une seconde étape, il faut définir la complexité du changement et la stratégie de changement
à mettre en œuvre ainsi que les outils qui en découlent
Pour cela David Autissier et al dans la « Boite à outils de la conduite du changement » propose une grille
simple afin de déterminer l’ampleur du changement et la stratégie à adopter : la grille de cadrage de la
conduite du changement
Cette grille se présente sous forme de 20 questions dont les réponses donneront un score de 0 à 100 :
Score entre 100 et 60 = le changement est complexe
Score entre 25 et 59 = le changement est important
Score entre 0 et 24 = le changement est simple
Grille de Cadrage de la conduite du changement129 :
129
Source David Autissier et al « la boite à outils de la conduite du changement « 2013
106
Figure 42 : grille de cadrage du changement David Autissier
Un fois la grille de cadrage remplie, l’entreprise connaitra à la fois le type de stratégie à mener et l’ampleur
du changement à réaliser.
107
David Autissier et al définissent ainsi 6 stratégies :
Changement planifié : Il n’y a pas de débat sur la finalité et la cible visée est connue de tous « ainsi que
l’échéance temporelle. Il est possible de construire un plan d’action pour la réalisation du changement
poursuivi ».
Changement imposé : « Les évènements obligent à opérer une action rapide. Les possibilités de co-
construction sont challengées par l’obligation d’agir ». Les dirigeants optent pour un plan « qui prévoit la
réalisation d’actions obligatoires dans un délai le plus court possible. »
Changement processé : Le changement est décidé et fait l’objet de plusieurs projets. Ces projets « ont un
planning des objectifs, des phases et des productions ».
Changement émergent : « Il s’agit de réaliser de multiples micro-actions qui font évoluer les
représentations des principaux acteurs pour les engager dans la voie du changement ».
Changement co-construit : « Le point d’arrivée du changement est impossible à définir et va nécessiter la
participation et la créativité de tout ou partie des parties prenantes de l’organisation ».
Changement développement humain : Il « consiste à mettre les acteurs concernés dans une logique de
co-construction. De ce mouvement où émergera un changement en lien avec la vision définie à l’origine ».
Les 3 premières stratégies sont de type imposé, les trois dernières sont de type négocié.
Généralement, les sociétés mettent en œuvre un mix de ces stratégies pour prendre en compte
l’urgence, le style des dirigeants et les changements à opérer.
David Autissier130 et al définissent ensuite une feuille de route du changement qui se décline en cinq
grandes étapes :
Le diagnostic afin de
o Faire la cartographie des changements à mener par service
o Faire la cartographie des acteurs et leur attitude vis-à-vis du changement, permettant de
définir la carte des alliés et de traiter les opposants au projet
o Mettre en place le réseau du changement : il s’agit d’identifier les personnes qui seront
susceptibles de relayer le changement en dehors de l’équipe qui en est responsable. Ces
personnes doivent être associées au changement en participant à celui-ci. Elles doivent
être valorisées en interne. L’objectif est qu’elles deviennent les ambassadeurs de ce
changement.
130
David Autissier et al « la boite à outil de la communication » 2013/04 p 36
108
Les études des impacts du changement : pour préciser ce qui va changer aux différents niveaux de
l’entreprise :
o Etude d’impacts globaux : au niveau organisation, fonctionnement, management, outils
utilisés, comportements, compétences, indicateurs de performance, culture de la société.
L’objectif est de définir par quels moyens (formation, communication, accompagnement
personnalisé) ces points peuvent être adressés.
o Etude d’impacts humains : il s’agit d’analyser pour les différentes personnes touchées par
le changement comment sont satisfaits leurs besoins de participation, de reconnaissance,
de sécurité ou d’avenir. Chaque personne est sensible à un ou plusieurs critères. Il s’agit
une fois l’analyse faite de définir comment y répondre.
o Etude des impacts sur la qualité de vie au travail : il s’agit ici de déterminer en quoi le
changement améliore ou dégrade les conditions de travail, le bien-être au travail (le niveau
de stress), les relations entre les personnes, le sens du travail. L’évaluation de ces impacts
permettra de juger de la pertinence de mettre en œuvre un plan pour traiter ces points.
La communication :
o Elle commence par l’attribution d’un nom attractif relatif au projet de changement,
o La définition des messages pour chaque population (Mix de communication),
o Un plan de communication définissant toutes les actions de communication associées aux
différentes phases du projet pour chaque cible, accompagné d’un kit de communication
destiné à tous les bénéficiaires expliquant les informations pratiques sur le projet.
La formation est essentielle dans une conduite du changement pour accompagner les populations
impactées.
o Une analyse des besoins nécessaire pour identifier les actions de formation
o Mettre en place un dispositif adapté aux caractéristiques des populations concernées
o Un plan de formation planifié pour respecter les échéances du projet
L’accompagnement au changement, phase qui consiste à définir les dispositifs d’aide au
changement grâce à quatre grands outils :
o Le plan d’évolution managériale : Les managers au-delà de la direction générale sont ceux
qui vont créer l’adhésion au changement. Les changements peuvent nécessiter des
formations ou un accompagnement ou un reclassement de ceux-ci. Ce plan a pour but de
formaliser ces actions en explorant les sept dimensions du management que sont :
« l’organisation du travail, l’animation d’équipe, la mise en place de dispositifs de contrôle,
la gestion du changement, la prise de décision, la capacité de délégation, le pilotage de la
performance »
o Les ateliers de co-développement : Pour les problématiques et les impacts détectés il s’agit
de créer des groupes qui vont réfléchir aux solutions. La démarche développée par P.B
Vail131 où il y a un seul « client » qui présente son/ses problèmes et les autres personnes
sont là pour l’aider à trouver des solutions. Cette méthode apprend à s’approprier le
changement et à travailler ensemble.
131
PB Vail : « Learning as way of being. Strategies for survival in a world of permanent White Water » 1996
109
o La gestion des relations sociales : pour les sociétés supérieures à 50 personnes cette
dimension est une obligation légale. Cependant, plutôt que de la voir comme une
contrainte, autant la transformer en vecteur du changement en associant l’ensemble des
salariés et les partenaires sociaux au changement.
o Le plan de transition : il résume l’ensemble des actions à mener avec un planning, une
criticité, un responsable, des participants et des livrables attendus. Il est issu des études
d’impacts et prend en compte les trois plans précédents. C’est une sorte de guide du
déploiement du changement
Le pilotage : il consiste à mettre en place des indicateurs de progrès sur les actions faisant l’objet
du changement pour s’assurer de l’avancement du changement ainsi que de la compréhension des
enjeux.
L’ensemble de ces actions sont mises en perspective dans le temps avec un planning132.
L’accompagnement au changement est donc un point essentiel de la démarche de transformation de la
société pour mener à bien le passage vers le cloud. Ce point est traité selon toutes les personnes
interviewées mais de façon plus ou moins structurée.
Selon Vineet Nayar dans « Les employés d’abord, les clients ensuite », la conduite du changement est une
phase structurante pour le développement d’une stratégie et lorsqu’une entreprise fait passer ses
employés en premier, c’est en réalité le client qui se retrouve mis en avant et en retire le plus
d’avantages. »
Evidemment entre un éditeur de quelques personnes et un éditeur avec plusieurs milliers de
collaborateurs, la conduite du changement va être plus ou moins formalisée. Les moyens humains et
financiers pour la mettre en œuvre ne sont pas les mêmes. Pour autant, le fait de formaliser la démarche
permet de minimiser les échecs.
132
Pour plus de détails sur l’ensemble des outils disponibles à chaque étape décrite ci-dessus et fonction de chaque stratégie du changement, le lecteur peut se reporter au tableau en annexe.
110
Conclusion
Sataya Nadella, vice-président de Microsoft en charge des activités cloud et entreprise est devenu en février
2014, le nouveau directeur général de Microsoft. Ce n’est certainement pas un hasard si celui qui succède
au mythique binôme Bill Gates/Steve Balmer vient de l’activité cloud. Pour les éditeurs, c’est un signe parmi
d’autres que le mouvement vers une informatique industrialisée et répartie est pour la plupart d’entre eux
inéluctable.
On a pu voir au travers de ce mémoire que tous les éditeurs n’ont pas intérêt à aller vers cette révolution.
Ainsi si la société œuvre sur des marchés de souveraineté (type sécurité) ou si la société œuvre sur des
applications nécessitant une très forte interconnexion avec le système d’information du client ou
nécessitant des échanges temps réels très importants alors le passage au cloud n’a pas d’intérêt ou n’est
pas faisable en l’état actuel des infrastructure réseaux.
Pour les éditeurs menant cette transition, celle-ci se révèlera un véritable avantage concurrentiel si les
éditeurs sont en mesure de la réaliser avant leurs compétiteurs. En effet, l’avantage concurrentiel n’est plus
comme par le passé une rente qui se conserve mais un avantage temporaire qui sera remplacé par un autre
dans un laps de temps variable. Il y a clairement dans le monde du logiciel une prime aux pionniers. Par
contrecoup, cet avantage concurrentiel sera un levier de prise de parts de marché donc de croissance. Il
permettra d’adresser de nouvelles cibles : les petites et moyennes entreprises, TPE et les directions
métiers. Cela nécessitera une adaptation des modes de distribution indirects et d’approche des clients.
D’un point de vue financier, deux points sont essentiels lors du passage au cloud :
la durée d’engagement entre le client et l’éditeur.
le mode de perception des revenus : mensuel ou annuel, à terme échu ou à terme à échoir
Ainsi, si les contrats sont signés pour une période de 3 ans, cela assure un backlog133 de service de plus en
plus important au fil du temps. Ce backlog peut représenter au bout de 5 ans plus de 100% du chiffre
d’affaires annuel lorsque l’on part sur une durée de 3 ans d’engagement. Une telle visibilité sur les revenus
de la société, lui assure une stabilité importante. On peut penser que ce mode d’engagement est difficile à
mettre en œuvre. Cependant parmi les sociétés interrogées une part importante d’entre elles parviennent
à l’appliquer avec succès.
Il est crucial en terme de trésorerie pour l’entreprise de réfléchir à la façon dont les revenus sont
encaissés. Si ceux-ci le sont au fur et à mesure comme le veut la logique cloud, alors les besoins en
trésorerie de la société seront importants. A l’inverse, si la société encaisse immédiatement un an
d’abonnement, son besoin en fonds de roulement d’exploitation va devenir négatif. Ce mouvement sera
d’autant plus important que la société réalisera le mouvement vers le cloud très rapidement.
Il y a un dernier point financier à prendre en compte. Le passage au cloud entraine une baisse du chiffre
d’affaires avec une stabilité voire une hausse contenue des coûts. Cela entraine des pertes pour
l’entreprise. Ces pertes sont liées à la rapidité de passage au cloud. Plus la société réalise cette mutation
rapidement, plus les pertes d’exploitation sont importantes. Cependant, cela ne signifie pas que la société
soit en danger du point de vue de son existence (elle a une trésorerie de plus en plus importante si elle a
133
Un backlog de service est la valeur des services commandés mais non encore réalisés et non facturés
111
choisi une perception en terme à échoir). Il y a toutefois un risque. Si les pertes d’une année amènent
l’éditeur à constater que le montant des capitaux propres de la société est devenu inférieur à la moitié de
son capital social, cela signifie alors que les actionnaires devront recapitaliser. Or les rentabilités attendues
par les sociétés en capital risque sont pour les entreprises de hautes technologies de 30 à 40% en
moyenne par an. Cela signifie que la société devra faire une augmentation de capital au moment où son
chiffre d’affaires baisse et où elle accuse de fortes pertes. Concrètement le pire moment en terme de
valorisation.
Contrairement à une idée répandue, le passage au cloud n’entraine pas une hausse importante des coûts de
structures. Il entraine une adaptation de la R&D et la création d’un service en charge de la production des
services opérés. Il opère surtout un changement de mentalité pour les services back office où l’on passe
d’une obligation de moyens à une obligation de résultats. Les forces commerciales pour leur part auront à
s’adapter pour aller vers la vente de solution. Le consulting est peu affecté par la transition. Le marketing
va fournir des argumentaires tournés vers le coût total de possession et le retour sur investissement. Il
peut toutefois acquérir une dimension bien plus importante, s’il aide la société à mieux cibler les marchés à
adresser et s’il formalise une approche métier pertinente de ces marchés. Le marketing est souvent le seul
poste à voir ses moyens augmenter lors de la transition vers le cloud (de 4% à 8 ou 10% du CA).
La réussite de la mutation vers le cloud est avant tout une aventure humaine. Comme toute mutation, cela
suppose un engagement dans la durée du management. En moyenne pour les personnes interrogées cette
mutation dure deux ans. La gestion du changement est souvent réduite aux plans de communication et de
formation.
Il est important, de ne pas négliger cette phase en formalisant les différentes étapes (cadrage, impacts, plan
d’accompagnement, plan de formation et plan de communication, indicateurs). Le niveau de formalisation
sera plus ou moins importante fonction des moyens de la société. Cette étape est toutefois essentielle, car
c’est la clé de l’échec ou de la réussite de la transition
In fine, l’objectif du chef d’entreprise à travers le passage au cloud est de permettre à la société d’avoir un
avantage concurrentiel qui entrainera un développement important afin d’en assurer la pérennité.
Du point de vue des actionnaires, l’objectif est d’assurer le meilleur retour sur capitaux investis. Le passage
au cloud répond-il à cette exigence ? Les points de vue sont partagés entre chef d’entreprise et
investisseurs en capital-risque.
Pascal Colin, PDG de Keynectics considère que cela valorisera la société d’au moins 30 à 40% de mieux que
précédemment. Il envisage même que 80% de son activité sera dans cloud dans les trois à cinq ans à venir.
Les deux investisseurs interrogés sont d’un avis plus mitigé. En effet, parmi les critères de valorisation des
sociétés, il y a la prédictibilité du modèle d’affaires. On a vu que les revenus sont fortement prédictibles
mais pour autant il y a peu de recul sur les modèles d’affaires cloud et leur valorisation. Il y a encore
moins de visibilité sur les éditeurs opérant la transition d’un modèle traditionnel à base de licences à un
modèle services opérés. Par ailleurs, les modèles cloud abaissent les barrières à l’entrée, ce qui signifie que
l’avantage concurrentiel peut être de faible durée. Enfin dernier point, les résultats des sociétés passant au
cloud se détériorent pendant un laps de temps plus ou moins long. Il est difficile pour l’investisseur de
pronostiquer à quelle échéance la société deviendra profitable. Il y a là un champ d’investigation important
sur ces sujets de valorisation qui sont in fine l’objectif de tout investisseur.
112
Table des illustrations
Figure 1 : le cloud en synthèse ........................................................................................................................ 11
Figure 2 : modèles de déploiements et de services du cloud ......................................................................... 13
Figure 3 : les promesses du cloud pour les clients .......................................................................................... 15
Figure 4: les apports du cloud aux clients finaux ............................................................................................ 16
Figure 5: Panorama des offres cloud par famille ............................................................................................. 24
Figure 6: dépense informatique par nature en France (2012) ......................................................................... 33
Figure 7 : répartition du chiffre d'affaires logiciel en France par type de solution ......................................... 34
Figure 8 : répartition en % des éditeurs en France par nombre de salariés ................................................... 34
Figure 9 : modèle de revenus de l'édition de logiciel en France ..................................................................... 35
Figure 10 : le positionnement des acteurs traditionnels du monde informatique .......................................... 36
Figure 11 : nouveau positionnement des acteurs du monde informatique suite à l'arrivée du cloud ............ 38
Figure 12 : SWOT du business model des éditeurs traditionnels .................................................................. 45
Figure 13: Compte de résultat selon différentes hypothèses de structure de coûts pour les pure players
cloud ................................................................................................................................................................ 52
Figure 14 : les principaux impacts du passage au cloud pour un éditeur traditionnel .................................... 54
Figure 15 : SLA selon les couches de services cloud ...................................................................................... 56
Figure 16 : modification des intentions d'achat si l'offreur cloud doit se soumettre à une législation
étrangère ......................................................................................................................................................... 58
Figure 17 : coût d'une offre Microsoft Office sur site et une offre cloud Microsoft office 365 ..................... 60
Figure 18 : coût de Microsoft office assuré par un opérateur sur 3 ans pour un utilisateur nommé .......... 61
Figure 19 : coût sur 3 ans d'une offre Eayvista sur site et en mode cloud .................................................... 62
Figure 20 : les étapes d'un processus de ventes de service : G Karsenti « business model des services » 2013
......................................................................................................................................................................... 66
Figure 21 : principales catégories de revendeurs privilégiées par les fournisseurs de solutions cloud .......... 73
Figure 22: approche des canaux dans une offre cloud .................................................................................... 75
Figure 23 : approche haut niveau du "multi-tenancy" PaaS ou SaaS ................................................................ 79
Figure 24 : Approche détaillée du "multi-tenancy" PaaS ou SaaS .................................................................... 80
Figure 25 : matrice "blueprinting" Karsenti et al d’industrialisation des services ........................................... 82
Figure 26 : choix de partenaires IaaS pour un éditeur PaaS ou SaaS .............................................................. 87
Figure 27 : indicateurs de suivi : CAC et LTV................................................................................................ 89
Figure 28 : définition du Net MRR ou Net ACV............................................................................................. 90
Figure 29 : indicateurs MRR détaillés .............................................................................................................. 90
Figure 30 : impact du Churn sur l'Annual Recurring Revenue....................................................................... 91
Figure 31 : analyse du pourcentage de clients demeurant fidèles à la solution à travers le temps ................ 92
Figure 32 : définition du negative churn .......................................................................................................... 92
Figure 33 : comptes de résultats simplifiés et backlog SaaS d'Easyvista de 2008 à 2012 ............................... 94
Figure 34 : indicateurs clés pour l'analyse des résultats ................................................................................. 94
Figure 35 : structure de revenus sur 5 ans de l’éditeur selon les hypothèses de migration vers le cloud ..... 98
Figure 36 : compte de résultat sur 5 ans selon les hypothèses de migration vers le cloud ........................... 98
113
Figure 37 : simulation sur 5 ans du compte de résultat en réduisant les frais d’infrastructures .................... 99
Figure 38 : impacts sur les bénéfices et le niveau de CA fonction de la croissance du CA SaaS ou PaaS ..... 99
Figure 39 : réactions des employés face au changement ............................................................................. 101
Figure 40 : Moyens mis en œuvre pour la conduite du changement ............................................................ 101
Figure 42 : le mode de conduite du changement : imposé/négocié et permanent/rupture ........................ 103
Figure 43 : grille de cadrage du changement David Autissier ....................................................................... 106
114
Interviews réalisées
EDITEURS
CEGID
Cymbeline Chaplin directeur Ebusiness Cegid
Email [email protected]
Interview le 27/11/2013
EASYVISTA
Gildas LEROY Gildas Vice President Sales EMEA
E-mail [email protected]
Interview le 24/09/2013
KEYNECTICS
Pascal Colin CEO de Keynectics
Email : [email protected]
Interview le 22/10/2012
MICROSOFT
Les personnes ont souhaité garder l’anonymat
interview autour des modèles de prix le 06/12/2013
SOCIAL FINDERS
Philippe Honigman CEO Socialfinders
interview 10/07/2013
INTEGRATEURS
BULL
Boris Auche Head of Global Sales Enablement précédemment en charge de la stratégie de Bull Intégration
systems
Email : [email protected]
Interview le 16/10/2013
STERIA
Arnaud Hess - Steria responsable offre cloud infrastructures
Email :
Interview le 27/09/2013
BCS TECHNOLOGIES
Pierre Seguret PDG
Email : [email protected]
Interview le 25/10/2013
115
ATOS
Jerome Brun Vice-président offre Cloud Atos
Email : [email protected]
Interview le 25/11/2013
FONDS D’INVESTISSEMENT
ACE MANAGEMENT
la personne désire garder l’anonymat
interview autour de la valorisation des sociétés de logiciels adoptant un modèle services opérés
interview le 24/10/2013
116
Bibliographie
EDITEURS DE LOGICIELS
- Xerfi 700 étude l’édition logiciels 2013/07
- Xerfi 700 étude les cabinets de conseil en management en France 2013/09
- Top 250 panorama top 250 des éditeurs et créateurs de logiciels français Ernst & young / Syntec
numérique 2013 /10
- Global Software Leader AFDEL Price Waterhouse 2013/07
- Continued gloom for European ICT markets Andrew Bartels Forrester 2013/07
- Les Cahiers du FSI N°2 L’économie numérique FSI 2013
- France numérique 2012/2020 bilan et perspectives Ministère de l’Économie, des Finances et de
l’Industrie 2011/11
CLOUD COMPUTING
LIVRES
Cloud computing : Décider, concevoir, piloter, améliorer Romain Hennion, Hubert Tournier,Eric Bourgeois
2012/09
The evolution process of the Cloud Computing Business Model [anglais] Jan Morgenthal 2013/01
Cloud Networking Simplified: An Illustrated Guide to Cloud Networking Concepts and Business Models
[anglais] by Jim Doherty, Dave Asprey cisco press 2013/10
ETUDES
Etudes des spécificités du marché du SaaS en France rapport de Synthèse AFDEL / CDC 2013/02
livre-blanc-afdel-cloud-computing-une-feuille-de-route-pour-la-France 2013
Webographie
SaaS Metrics – A Guide to Measuring and Improving What Matters David skok 2013/01
http://www.forentrepreneurs.com/saas-metrics-2/
The Saas Drivers and Business model David Skoke 2010/12
http://fr.slideshare.net/MassTLC/matrix-partners-david-skok
Inside sales for Cloud David Skok : 2012
http://www.bridgegroupinc.com/tysamc.html
Crossing Cloud and Open Source Business Models Bob Bickel Sunday, 2013/04
http://bobbickel.blogspot.fr/2013/04/crossing-cloud-and-open-source-business.html
117
The Business of Cloud, Mobile, and Big Data Kamesh Pemmaraju Blog Finding the Right Open Source
Cloud Business Model : www.cloudel.com/finding-the-right-open-source-cloud-business-model/
OPEN SOURCE
LIVRES
Open Source business model
- Economie du logiciel libre François Elie 2009 janv Eyrolles
- Profit from Software Ecosystems Karl Popp (Auteur), Ralf Meyer (Auteur) 2010 synomic academy
Gmbh
- Advances in Software Business [Anglais] Karl Popp ed synomic Gmbh 2011 synomic academy
Gmbh
- Business Models for Open Source Software Frederic P. Miller (Sous la direction de), Agnes F.
Vandome (Sous la direction de), John McBrewster (Sous la direction de) 2010
Open source aspects juridiques
- Intellectual Property and Open Source de Van Lindberg (2008/07)
- Understanding Open Source And Free Software Licensing de Andrew M. St. Laurent (2005/01))
- Free and Open Source Software: Policy, Law and Practice Noam Shemtov (Sous la direction de),
Ian Walden 2013/11
ARTICLES
- The Commercial Open Source Business Model Dirk Riehle
- Value Creation in E-Business Management Lecture Notes in Business Information Processing
Volume 36, 2009, pp 18-30 http://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-642-03132-8_2?no-
access=true
- The single-vendor commercial open course business model Dirk Riehle Information Systems and e-
Business Management March 2012, Volume 10, Issue 1, pp 5-17
http://link.springer.com/article/10.1007/s10257-010-0149-x
BUSINESS MODEL
LIVRES
- Business model nouvelle Génération Alexander Osterwalder [français] Yves Pigneyr 2011/08
- Le business model des services Gerald Karsenti , Wolfgang Ulaga , Eyrolles [français] 2013/05
- 7 étapes pour un business model solide - 2e éd. - Réinventer la création de valeur avec méthode de
Denis Dauchy Association Progrès du management [français] 2013/06
- Profit from Software ecosystems Karl Michael Popp et ralf Meyer [anglais] edition synomic
118
- The Business Model Innovation Factory: How to Stay Relevant When the World Is Changing
Saul Kaplan 2012
- Seizing the White Space: Business Model Innovation for Growth and Renewal Mark W. Johnson ,
Stephen Wunker 2010
- The Change Leader's Roadmap: How to Navigate Your Organization's Transformation 2010 Dean
Anderson , Linda Ackerman Anderson
WEB
http://drkarlpopp.com/OpenSourceBusinessModels.html business model open source
CHANGE MANAGEMENT
LIVRES
- Méthode de conduite du changement - 3e éd. - Diagnostic - Accompagnement - Pilotage Jean-
Michel Moutot (Auteur), David Autissier (Auteur) aout 2013
- La boite à outils de la conduite du changement David Autissier 2012
WEB
http://www.changeleadersroadmap.com/freeresources/
Innovation - The innovation Manuel David Mindgley [anglais] edition Wiley 2000
119
ANNEXES
3.2.4 Change management
David Autissier et al dans « la boite à outils du change management » fournissent une grille des outils
utilisables fonction de la stratégie qui a émergé lors de la phase de cadrage de la conduite du changement.
On trouvera ci-dessous la présentation de ceux-ci. L’objet de ce mémoire n’étant pas la conduite du
changement en elle-même, on peut se référer au livre pour le détail de chaque outil.