2012-2015 La commande publique à la loupe - adcf.org · Au-delà des quelques gros agrégats ou...

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estimation 2015 + 1 % 558 344 112 338 2014 - 18 % 552 714 120 402 2013 - 3 % 672 930 115 071 2012 693 226 115 588 - 7 % + 0,5 % + 5 % Nombre de lots Valeur moyenne des lots 2012-2015 La commande publique à la loupe Proposer un instrument de mesure et d’analyse de la commande publique : telle est l’ambition du travail mené par l’AdCF et la Caisse des dépôts en partenariat avec la société Vecteur Plus. La collecte des données 2012-2014 permet des éclairages sur la nature des dépenses, l’identité des donneurs d’ordre ou encore leur répartition territoriale, dont les premiers résultats sont présentés dans ce Focus. Une base de données précieuse, à l’heure où l’investissement public reste encore exempt d’études approfondies. © William BEAUCARDET/REA Mesurer l’évolution de la commande publique L’AdCF et la Caisse des dépôts, en partenariat avec la société Vecteur Plus, ont élaboré un instrument analytique de mesure de l’évolution de la commande publique. Un outil précieux, dont les premières analyses reflètent l’ampleur de la dépression de l’investissement entre 2012 et 2015. D epuis plusieurs années, l’AdCF regrette la faiblesse des connais- sances statistiques en matière d’in- vestissement et de commande publique. Au-delà des quelques gros agrégats ou des pourcentages ressassés à l’envi, ce sont 60 à 80 milliards d’euros de dépenses annuelles qui s’apparentent en fait à une véritable « boîte noire », mal connue des économistes et des décideurs publics. Dans quels domaines s’opèrent ces dépenses d’investissement ? Comment se répartit la maîtrise d’ouvrage entre institutions ? Dans quels types de territoires et de régions cette dépense est-elle la plus élevée ? Telles étaient quelques-unes des questions que se sont posées l’AdCF et la Caisse des dépôts et consignations. Avec l’appui de la société Vecteur Plus, qui collecte depuis plusieurs années la totalité des appels d’offres et procédures de marché, les deux partenaires ont souhaité se doter d’un instrument analytique performant, capable de mesurer en temps réel l’évo- lution du nombre de lots et les montants de cette commande publique, mais aussi de la décomposer en champs thématiques et catégories de maîtres d’ouvrage. Une érosion de 22 % en trois ans Conçu à partir de la période de référence 2012-2015, cet outil d’analyse a vocation à être pérennisé sous forme de baromètre, alimenté par des données trimestrielles. S’il n’est pas totalement exhaustif, puisqu’il n’intègre que les achats et investissements faisant l’objet d’un marché soumis à publi- cité, il embrasse néanmoins l’essentiel de la commande et permet surtout des ana- lyses très fines. Au-delà des données issues de la comptabilité publique, le parti a été pris d’étendre l’ana- lyse à des marchés et investissements décidés par les acteurs publics mais effectués pour leur compte par leurs opérateurs (entreprises publiques locales, agences…) ou leurs délé- gataires (entreprises, associations…). Ce nouvel instrument d’analyse et de suivi sera mis au service du partenariat que l’AdCF développe avec les professionnels du secteur du BTP (Fédération nationale des travaux publics, Fédération française du bâtiment) et les grands réseaux éco- nomiques. Il pourra également éclairer les travaux des conférences régionales de l’investissement qui ont vu le jour au début de l’année 2015, répondant à une suggestion de l’AdCF. La période étudiée (2012-2015) confirme, sans réelle surprise, l’ampleur de la dépression de la commande publique, tant en nombre de lots qu’en valeur globale : 2012 était certes une année de haute intensité, avec près de 80 milliards d’euros de commande publique (répartis entre 691 000 lots), mais la chute est saisis- sante puisque 2015 s’est achevée avec seulement 63 milliards d’euros de com- mande et moins de 560 000 lots, soit une érosion de 22 % en trois ans ! Vers un sous-investissement structurel ? Les contraintes budgétaires pesant sur les acteurs publics affectent désormais l’ensemble des donneurs d’ordre. Si les collectivités et opérateurs de la « sphère » locale ont nettement décroché en 2014, l’État et ses opérateurs ont pris leur suite en 2015 avec une baisse de 10 %. Pour les collectivités, une amorce de stabilisation (ou une décélération de la chute !) s’est esquissée l’an passé mais à un niveau très bas, problématique à terme. Plusieurs années de commande à un tel niveau produiraient un sous-investissement structurel fragilisant les infrastructures du pays, à l’image de ce qu’a connu l’Alle- magne au cours des années 2000-2010 et qui impose aujourd’hui outre-Rhin un effort de rattrapage sans précédent. Nicolas Portier Les contraintes budgétaires  affectent l’ensemble des donneurs  d’ordre, de la sphère locale à l’État Total de la commande publique (en millions d’euros) Source : Étude AdCF/Caisse des dépôts, données Vecteur Plus, 2015. Évolution du nombre et de la valeur moyenne des lots (en euros) : estimation 2015 - 6 % 62 723 2014 - 14 % 66 548 2013 - 3 % 77 435 2012 80 128 - 3 % - 3 % + 0,5 % - 18 % + 5 % + 1 % - 7 % - 14 % - 6 % www.adcf.org • N° 206 JANVIER 2016 FOCUS 5

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estimation 2015

+ 1 %

558 344

112 338

2014

- 18 %

552 714

120 402

2013

- 3 %

672 930

115 071

2012

693 226

115 588

- 7 %+ 0,5 % + 5 %

Nombre de lotsValeur moyenne des lots

2012-2015La commande publique à la loupeProposer un instrument de mesure et d’analyse de la commande publique : telle est l’ambition du travail mené par l’AdCF et la Caisse des dépôts en partenariat avec la société Vecteur Plus. La collecte des données 2012-2014 permet des éclairages sur la nature des dépenses, l’identité des donneurs d’ordre ou encore leur répartition territoriale, dont les premiers résultats sont présentés dans ce Focus. Une base de données précieuse, à l’heure où l’investissement public reste encore exempt d’études approfondies.

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Mesurer l’évolution de la commande publiqueL’AdCF et la Caisse des dépôts, en partenariat avec la société Vecteur Plus, ont élaboré un instrument analytique de mesure de l’évolution de la commande publique. Un outil précieux, dont les premières analyses reflètent l’ampleur de la dépression de l’investissement entre 2012 et 2015.

D epuis plusieurs années, l ’AdCF regrette la faiblesse des connais-sances statistiques en matière d’in-

vestissement et de commande publique. Au-delà des quelques gros agrégats ou des pourcentages ressassés à l’envi, ce sont 60 à 80 milliards d’euros de dépenses annuelles qui s’apparentent en fait à une véritable « boîte noire », mal connue des économistes et des décideurs publics. Dans

quels domaines s’opèrent ces dépenses d’investissement ? Comment se répartit la maîtrise d’ouvrage entre institutions ? Dans quels types de territoires et de régions cette dépense est-elle la plus élevée ? Telles étaient quelques-unes des questions que se sont posées l ’AdCF et la Caisse des dépôts et consignations. Avec l’appui de la société Vecteur Plus, qui collecte depuis plusieurs années la totalité des

appels d’offres et procédures de marché, les deux partenaires ont souhaité se doter d’un instrument analytique performant, capable de mesurer en temps réel l’évo-lution du nombre de lots et les montants de cette commande publique, mais aussi de la décomposer en champs thématiques et catégories de maîtres d’ouvrage.

Une érosion de 22 % en trois ansConçu à partir de la période de référence 2012-2015, cet outil d’analyse a vocation à être pérennisé sous forme de baromètre, alimenté par des données trimestrielles. S’il n’est pas totalement exhaustif, puisqu’il n’intègre que les achats et investissements faisant l’objet d’un marché soumis à publi-cité, il embrasse néanmoins l’essentiel de la commande et permet surtout des ana-lyses très fines. Au-delà des données issues de la comptabilité publique, le parti a été pris d’étendre l’ana-lyse à des marchés et investissements décidés par les acteurs publics mais effectués pour leur compte par leurs opérateurs (entreprises publiques locales, agences…) ou leurs délé-gataires (entreprises, associations…). Ce nouvel instrument d’analyse et de suivi sera mis au service du partenariat que l’AdCF développe avec les professionnels du secteur du BTP (Fédération nationale des travaux publics, Fédération française du bâtiment) et les grands réseaux éco-nomiques. Il pourra également éclairer les travaux des conférences régionales de l ’ investissement qui ont vu le jour au début de l ’année 2015, répondant à une suggestion de l ’AdCF. La période

étudiée (2012-2015) confirme, sans réelle surprise, l ’ampleur de la dépression de la commande publique, tant en nombre de lots qu’en valeur globale : 2012 était certes une année de haute intensité, avec près de 80 milliards d ’euros de commande publique (répartis entre 691 000 lots), mais la chute est saisis-sante puisque 2015 s’est achevée avec seulement 63 milliards d’euros de com-mande et moins de 560 000 lots, soit une érosion de 22 % en trois ans !

Vers un sous-investissement structurel ?Les contraintes budgétaires pesant sur les acteurs publics affectent désormais l ’ensemble des donneurs d’ordre. Si les collectivités et opérateurs de la « sphère » locale ont nettement décroché en 2014, l’État et ses opérateurs ont pris leur suite

en 2015 avec une baisse de 10 %. Pour les collectivités, une amorce de stabilisation (ou une décélération de la chute !) s’est esquissée l’an passé mais à un niveau très bas, problématique à terme. Plusieurs années de commande à un tel niveau produiraient un sous-investissement structurel fragilisant les infrastructures du pays, à l’image de ce qu’a connu l’Alle-magne au cours des années 2000-2010 et qui impose aujourd’hui outre-Rhin un effort de rattrapage sans précédent.

Nicolas Portier

Les contraintes budgétaires affectent l’ensemble des donneurs d’ordre, de la sphère locale à l’État

Total de la commande publique (en millions d’euros)

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Évolution du nombre et de la valeur moyenne des lots (en euros) :

estimation 2015

- 6 %

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www.adcf.org • N° 206 • JANVIER 2016

FOCUS 5

Commande publique : quelles destinations sectorielles ?Les analyses de l’étude AdCF/CDC permettent de dresser un panorama de l’évolution de la commande publique par destination entre 2012 et 2015. Les secteurs les plus affectés par les contraintes budgétaires : le logement et l’habitat, le domaine sanitaire et social et la gestion des déchets.

M algré l ’existence de quelques t r a v a u x e x p l o r a t o i r e s e t d’études conduites à l’initiative

de branches professionnelles du secteur du BTP, il est frappant de constater le peu d’informations disponibles sur les « des-tinations » de la commande publique. Cette absence d ’ informations fiables est ce qui autorise tous les préjugés et caricatures, à l ’ image des formules toutes faites lues ou entendues l’an passé à plusieurs reprises sur les dépenses supposées somptuaires des collectivités et les 6 milliards d’euros qui seraient, à en croire des personnalités comme Matthieu Pigasse ou Michel Pébereau, investis annuellement en ronds-points ! Des montants qui correspondent en fait au total des dépenses engagées par les acteurs publics sur l ’ensemble des voiries au niveau national… Il était donc nécessaire d’objectiver et chiffrer l ’état des dépenses tout en les qualifiant. En décomposant finement les volumes de la commande publique, l ’étude AdCF/CDC vise à objectiver la réalité et mieux connaître la distribution sectorielle des investissements et marchés publics.

La construction chuteDans la classification en 30 destinations retenue pour l’étude, six grands thèmes regroupent deux tiers de la commande publique en valeur en 2014 : les bâti-

ments des collectivités (8,5 milliards d’euros), l’habitat (8,3 milliards d’euros), la voirie (6,9 milliards d’euros), la santé et l’action sociale (6,8 milliards d’euros), les équipements scolaires (6,3 milliards d’euros) et les autres bâtiments publics (5,7  milliards d ’euros). Derrière ces six grands secteurs, plusieurs autres

destinations dépassent ou approchent le seuil des 2 milliards d’euros de dépenses annuelles : l ’eau, l ’assainissement, les transports, les déchets, les aménage-ments urbains, les équipements culturels et sportifs, le numérique...En termes d’évolution, les contractions budgétaires n’ont pas impacté les diffé-rents secteurs de manière symétrique. Les secteurs les plus affectés entre 2012

et 2014 ont été le logement et l’habitat (avec la chute marquée de la construction), le domaine sanitaire et social mais aussi la gestion des déchets : 80 % de la baisse globale du volume de la commande publique est en

effet imputable à ces trois domaines. Les secteurs de la culture et du sport, comme l ’équipement numérique, ont connu également d’importantes contrac-tions, contrairement aux aménagements urbains, à la voirie ou aux équipements scolaires demeurés plutôt stables.

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L’absence d’informations fiables autorise tous les préjugés et caricatures

Même s’ils sont les plus visibles et les plus emblématiques, les travaux neufs ne représentent que 16 % de la commande publique, contre 40 % pour les services. / © Shutterstock / Epiceum

Les travaux neufs beaucoup plus affectésLa commande passée aux acteurs économiques se décompose à la fois en marchés de travaux d’entretien et de maintenance, en réalisations nouvelles mais aussi en marchés d’études ou prestations d’ingénierie. Un poids conséquent correspond, en outre, à des prestations de services. Même s’ils sont les plus emblématiques et les plus visibles, les travaux neufs ne représentent qu’une part modeste de la commande publique (16 %), moins que les travaux d’entretien et de renouvellement (21 %) ou les services (40 %). L’ingénierie atteint 9 % de la commande et les achats de fourniture environ 14 %.

- 28 % en 2014Depuis 2012, les contractions des commandes publiques ont affecté diversement ces différentes natures de prestation. Il se dégage nettement de l’étude que les efforts d’ajustement budgétaire ont massivement sacrifié les projets neufs au profit des dépenses d’entretien ou de services. Amplifiée par le cycle électoral, la baisse des travaux neufs a atteint 28 % en 2014 et s’est poursuivie en 2015, ce qui témoigne d’un report ou d’un ajournement des nouveaux projets. Les opérations de rénovation ont également chuté mais dans une moindre mesure (- 19 %), alors que les autres natures (fournitures, ingénierie, services) ont un peu mieux résisté, avec des baisses inférieures à 10 %.

Montant de la commande publique par secteur (en millions d’euros)

0 2 000 4 000 6 000 8 000 10 000

Batiments territoriaux 8 498 8 102 Logement, habitat 9 548 7 206 Voirie 7 229 6 951 Scolaire 6 925 6 840 Santé social 7 717 5 760 Autres bâtiments publics 6 449 5 316 Eau / assainissement 5 377 4 447 Culture / sport / loisirs 5 356 3 896 Aménagements urbains 2 603 2 898 Transport 2 653 2 346 Déchets 2 293 1 619 Numérique 2 387 1 616 Communication 1 530 1 097 Aménagement économique / 938 tourisme 597 Énergie 403 329

2012 2013 2014 estimation 2015

Bâtiments

territoriaux

Logement,

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Voirie

Scolaire

Santé / social

Autres bâtiments

publics

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Aménagements

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FOCUS COMMANDE PUBLIQUE6

Qui sont les donneurs d’ordre ?L’analyse AdCF/Caisse des dépôts de la commande publique permet de mettre en lumière l’identité des « donneurs d’ordre » et leur évolution depuis 2012. Sans surprise, la sphère locale porte l’essentiel de la commande (74 % en moyenne entre 2012 et 2014), et le bloc local (communes, communautés, syndicats) contribue pour près de la moitié du montant total de la commande publique.

L e baromètre de la commande publique mis en place par l’AdCF et la Caisse des dépôts a vocation à suivre les marchés

publics de l’État, de ses opérateurs, des col-lectivités territoriales et des établissements publics qui leur sont rattachés. Au sein de cet ensemble, la sphère locale domine largement, en concentrant 74 % des marchés passés. Les collectivités du bloc communal, communes et communau-tés, sont les principaux donneurs d’ordre, avec un volume global de commandes de 30 milliards d’euros en moyenne sur la période 2012-2014 ; les syndicats (5,5 milliards d’euros), les conseils départementaux et régionaux (7,5 milliards d’euros) et les principaux opérateurs des collecti-vités – établissements publics locaux (2,6 milliards d’euros) et bailleurs sociaux (9,3 milliards d’euros) – viennent complé-ter cet ensemble qui dépasse les 55 mil-liards d’euros.

Une forte concentration L’analyse de la commande publique des collectivités du bloc local illustre un double phénomène : un éparpillement des marchés publics pour de faibles montants sur de petites entités souvent commu-nales, et une concentration des volumes sur les grands territoires urbains. Ainsi les communes, notamment en raison de leur nombre important, concentrent 71 % (22 milliards d’euros) de marchés, dont près de la moitié est le fait de villes de

moins de 10 000 habitants. Leur niveau de commande est faible, 217 000 euros en moyenne, tandis que le montant annuel moyen des marchés conclus par les communes de plus de 50 000 habi-tants s’élève à 28,5 millions d’euros. En revanche, le phénomène ne se retrouve pas pour les communautés  : celles de moins de 3  500  habitants globalisent un volume de commande publique très

faible, tandis que les communautés plus importantes (supérieures à 50 000 habi-tants par exemple) concentrent 60 % de la commande publique des groupements. À l’échelle des ensembles intercommu-naux, ce phénomène de concentration est plus vif encore : 176 ensembles intercom-munaux concentrent 50 % des marchés passés à cette échelle.

Le poids des communesL’analyse consolidée de la commande publique confirme le poids important des communes, très attentives à l’impact de

leurs achats sur l’économie locale et favo-risant les circuits courts. Ce poids pourrait d’ailleurs être plus conséquent encore, les achats de faible montant (moins de 15 000 euros) échappant au radar du baro-mètre AdCF/Caisse des dépôts alimenté par les marchés déclarés. Cette strate se révèle néanmoins assez fragile et accuse, avec le durcissement des contraintes financières, une baisse importante sur la période suivie, passant de 7,8 milliards d’euros de commande publique en 2012 à 4,5 milliards d’euros en 2014. Sur cette période de trois ans, les communes de moins de 10 000 habitants concentrent près du tiers de la baisse enregistrée sur l’ensemble du secteur local en matière de commande publique.

Avec un montant moyen de com-mande publique de 476 euros par habitant, les communes sont concer-nées par les deux tiers des marchés passés par le « bloc local », tandis que les groupements sont donneurs d’ordre à hauteur d’un tiers, progres-

sion qui tend à augmenter au cours des trois années observées. On note toutefois une très grande diversité de situations sur le territoire national selon les compétences transférées au niveau intercommunal, le degré d’intégration des communes et l ’ancienneté du groupement : dans un quart des territoires communautaires, la commande publique est essentiellement pilotée par la communauté.

Place importante des bailleurs sociauxLa destination de la dépense selon le donneur d’ordre (commune ou com-munauté) apporte un éclairage sur leur répartition des rôles en matière d’inves-tissement. Les communes sont encore très présentes sur les travaux neufs et les travaux d’entretien et de renouvel-lement. En revanche, en matière d’achat de prestations de services et surtout dans le domaine de l’ingénierie, le poids des communautés progresse, illustrant à la fois leur rôle de pilotage et de mise à disposition de services au bénéfice des communes.

Enfin, les bailleurs sociaux, avec un volume de marché de 8,3 milliards d’euros, occupent une place importante en matière de commande publique au sein de la sphère locale. La crise que traverse le secteur du BTP imprime depuis 2013 une lente érosion du volume global des marchés passés. Du côté de la sphère étatique, on recense les marchés passés par l ’État (l ’action civile), pour un volume moyen de 9,3 mil-liards d’euros, et par ses grands opérateurs (3,5 milliards d’euros), ainsi que le secteur de la santé (hôpitaux publics) et du social à hauteur de 6,5 milliards d’euros.

Claire Delpech

Les communautés renforcent leur présence dans le domaine de l’ingénierie

Avec 74 % des marchés, la sphère locale domine largement

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2014 estimation 2015

Sphère locale

Montant de la commande publique par commanditaire en millions d’euros

Sphère État

Le montant annuel moyen des marchés conclus par les communes de plus de 50 000 habitants s’élève à 28,5 millions d’euros. / © Shutterstock / Epiceum

Répartition de la commande publique en % entre les commanditaires

Sphère ÉtatTotal : 26%

Sphère localeTotal : 74 %

13 %

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10 %

9 %5 %3 %

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EPCI + syndicats

Conseils régionauxet départementaux

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Batiments territoriaux 9 774 7 953 Logement, habitat 3 969 3 551 Voirie 6 633 5 300

État

Grands opérateurs

Santé / social

Total sphère État

2012 : 20 376 millions d’euros

Estimation 2015 : 16 803 millions d’euros

0 10 000 20 000 30 000 40 000 50 000

Batiments territoriaux 39 337 28 882 Logement, habitat 7 499 7 508 Voirie 2 935 2 283 Scolaire 9 981 7 219 Santé social

Communes +

EPCI + syndicats

Conseils régionaux

et départementaux

Entreprises

publiques locales

Bailleurs sociaux

Total sphère locale

2012 : 59 753 millions d’euros

Estimation 2015 : 45 892 millions d’euros

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7FOCUS

La commande publique cartographiéeLa territorialisation des données recueillies en matière d’analyse de la commande publique permet une lecture cartographique de l’investissement dans les territoires. La carte réalisée met en valeur le poids des territoires urbains, mais reflète également le niveau d’intégration des ensembles intercommunaux selon la part d’investissement portée ou non par la communauté.

La carte des montants moyens conso-lidés des communautés et de leurs communes membres en matière

de commande publique offre plusieurs niveaux d’analyse.Dans un premier temps, la répartition des niveaux de commande par territoire intercommunal dessine une France de l ’investissement public local des grands centres urbains. On y retrouve les « gros investisseurs » en volume : communautés urbaines et d’agglomération, métropoles. Les 100 premiers territoires principalement

urbains concentrent à eux seuls 40 % de la commande publique des collectivités du bloc communal.

Second niveau de lecture, l’ap-proche consolidée de la com-mande publique pour le bloc local rapportée en euros par habitant. Elle met en relief la carte de richesse des territoires qui, en raison d’un niveau de ressources important au regard de leur taille démographique, disposent d’un « pouvoir d’achat » élevé. Cette seconde carte se rapproche de la carte des potentiels financiers agrégés (PFIA), indicateur de richesse cumulé à l’échelle

des territoires, utilisé dans le cadre du fonds de péré-quation intercommunal et communal (FPIC). La carte fait clairement apparaître les secteurs présentant une concentration de richesses (existence d’un barrage,

d’une installation industrielle…) et un faible nombre d’habitants. C’est le cas de certains sites de montagne, ou de

communautés installées dans des vallées industrielles (communautés de communes Gavarnie-Gèdre, du Haut-Champsaur, de Haute Maurienne Vanoise, Vallée de l’Ubaye, du Briançonnais, de la Hague…). Ces territoires ont un niveau moyen de commande publique entre cinq et dix fois supérieur à la moyenne de la France entière, cette dernière s’établissant à 476 euros par habitant pour la période 2012 à 2014. Pour certains d’entre eux, le niveau élevé de commande publique peut traduire des charges importantes en matière d’investissement (station de sports d’hiver par exemple) associées à un fort endettement.

Carte de l’intégration communautaireEn creux de cette seconde lecture appa-raissent les territoires où le niveau de commande publique est très faible, voire atone. Ainsi, près de 300 ensembles inter-communaux ont un niveau inférieur à 200 euros par habitant sur la moyenne des trois dernières années. Il s’agit de territoires ruraux pauvres et faiblement peuplés, et de collectivités appartenant à des secteurs en décroissance économique et démographique qui apparaissent en couleur claire sur la carte. En troisième niveau de lecture, les données offrent une analyse des niveaux d’intégration communautaire. Un niveau important d’investissement peut relever d’une dynamique portée par la commu-nauté ou par ses communes membres. Pour près de 150 ensembles intercom-munaux, la commande publique est quasi intégralement portée par la com-munauté (communautés de communes du Bocage, du Nord de l ’Aube, du Pilat Rhodanien, du canton de Cadours, du Pays de Commercy, du Comté de Grimont Poligny, Cœur du Nivernais, Lannion-Trégor Communauté…). Il s’agit souvent de communautés où la solidarité agit pleinement. L’intercommunalité joue ici un rôle décisif pour le développement du territoire.

SuiviÀ l’opposé, sur certains territoires, c’est la commune (ou les communes lorsqu’il y a des polarités multiples) qui domine en matière d’achat public, la part de la communauté dans la commande publique restant très faible voire inexistante. Cette carte est assez proche de celle de l’inté-gration, et finalement du coefficient d’intégration fiscale (CIF).Si ces approches appellent à des ana-lyses complémentaires, elles apportent un premier éclairage sur le pilotage de la commande publique dans les territoires. Le baromètre développé par l’AdCF et la Caisse des dépôts est destiné à opérer un suivi de la capacité des territoires à faire face aux contraintes financières.

CD

La carte fait apparaître les secteurs présentant une concentration de richesses et un faible nombre d’habitants

Pour près de 150 territoires, la commande publique est quasi intégralement portée par la communauté

Montant moyen de la commande publique par territoire communautaire entre 2012 et 2014, en €/hab.France par epci 2014

EI_en_euros_/hab_ -

© CGET 2014 - IGN GéoFla

Carte réalisée à partir de données importées par l'utilisateur.

773 à 7 607 €/hab.

385 à 772 €/hab.

196 à 384 €/hab.

0 à 195 €/hab.

C’est le montant moyen de la commande publique par habitant sur la France entière, pour la période 2012 à 2014.

476 €

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JANVIER 2016 • N° 206 • www.adcf.org

FOCUS COMMANDE PUBLIQUE8