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1cç0 ))Çojk 9GSo AUGUSTE BOSVIEUX 22 janvier 1831 - 31 mai /871 je Lieue j nûsiincût plus à cc qu'on racle de mon pays quo de mni. » t ï ctu re i de Cosu»x). Il y a de cela dix-sept ans, le très érudit libraire Claudia livrait n'y vent des enchères la bibliollièque d'Auguste Bosvieux, ancien élève de lEcote des Chartes, ancien archivisle de la Creuse et du Lot-et-Garonne, enfin ancien magistrat. Bosvieux était-il un bibliophile dans toute l'acception du mol? Nous n'hésitons pas à répondre négativement. Qu'est en effet i'amateu r (le livres, q ualitié aujourd'hui du Li Ire devenu banal de bibliophile. Le plus souvent, Tes trois-quarts du temps, titi du livre, non pas du'conlenu, mais du contenant. Il attache plus d'importance aux questions du dehors qu'a celles du dedans. Pour titi livre ancien truc belle reliure contemporaine, voilà son desideratum, et méme contiendrait-il de grosses fanls typogra- phiques, l'exemplaire atteindra un prix exorbitant. Le célèbre Jérôme Pichon, lui-nième, surnommé ù bon droit le prince (les bibliophiles, ne savait plus s'arréter. La possession du livre désiré devient de la folie et les grands précurseurs, les de Thou, les Grolliei, seraient eux-mémes surpris de voir les progrès de la maladie (le leurs successeurs. Nous ne connaissons que deux exceptions â celte règle, le célèbre historien Auguste de Thon et le duc d'Aumate. Document l Il III ll\ ItIIII -I l 000000578205..

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AUGUSTE BOSVIEUX22 janvier 1831 - 31 mai /871

je Lieue j nûsiincût plus à cc qu'on

racle de mon pays quo de mni. »

t ï ctu rei de Cosu»x).

Il y a de cela dix-sept ans, le très érudit libraire Claudia livraitn'y vent des enchères la bibliollièque d'Auguste Bosvieux, ancienélève de lEcote des Chartes, ancien archivisle de la Creuse et duLot-et-Garonne, enfin ancien magistrat.

Bosvieux était-il un bibliophile dans toute l'acception du mol?Nous n'hésitons pas à répondre négativement. Qu'est en effeti'amateu r (le livres, q ualitié aujourd'hui du Li Ire devenu banal debibliophile. Le plus souvent, Tes trois-quarts du temps, titi

du livre, non pas du'conlenu, mais du contenant. Il attacheplus d'importance aux questions du dehors qu'a celles du dedans.Pour titi livre ancien truc belle reliure contemporaine, voilà sondesideratum, et méme contiendrait-il de grosses fanls typogra-phiques, l'exemplaire atteindra un prix exorbitant. Le célèbreJérôme Pichon, lui-nième, surnommé ù bon droit le prince (lesbibliophiles, ne savait plus s'arréter. La possession du livre désirédevient de la folie et les grands précurseurs, les de Thou, lesGrolliei, seraient eux-mémes surpris de voir les progrès de lamaladie (le leurs successeurs. Nous ne connaissons que deuxexceptions â celte règle, le célèbre historien Auguste de Thon etle duc d'Aumate.

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Bosvieux peut-il étre compté comme un bibliophile (le CC genre?Nous ne le pensons pas. Modeste dégoût et de fortune, il compritbien vile qu'il ne pouvait réussir qu'en se concentrant sur les oeuvresémanées d'auteurs de sa province natale. Aussi sa bibliothèquepouvait servir de modèle à tout amateur ne voulant pas s'étendreindéfiniment. Elle contenait douze cent seize numéros seulement,résumant d'une façon parfaite l'histoire du Limousin, dans sesgrands hommes, dans ses monuments, dans ses productions artis-tiques si multiples, dans ses institutions religieuses, etc.

Au moment de l'impression du catalogue, il eut éié désirable dele faire précéder dii portrait de Bosvieux ; malheureusement onn'avait rien qui pi11 remplir ce désir. Depuis celte époque, unmembre de la famille nous a communiqué une bonne photographiefaite à Strasbourg, hélas' ...alors qu'il était dans toute la force deFâge et allait prendre en Alsace possession de son poste de juge àWissembourg. Bosvieux avait â ce moment de trente-sept à trente-huit ans. Sur ce cliché, très ressemblant, un élève de l'Ecole desbeaux-arts, Emile Vaucanu, a gravé la belle eau-forte qui accom-pagne cette étude.

En voyant cette charmante physionomie, ce visage franc etouvert,on ne petit s'empêcher d'éprouver de la sympathie et, quandon a étudié l'homme, elle augmente encore davantage en consla-tant l'harmonie du moral avec le physique.

Quand on songe ù la vie si courte dellosvieux, mort à peine âgé.de quarante ans, â tout ce qu'ita;fail, surtout ce qu'il a laissé dedocuments macuscrils sur son cher Limousin, sur sa ville natale,Saint-Yrieix, on ne peut que profondément regretter une fin siprématurée. -

Certes, s'il eut vécu, Bosvieux eut été pour le Limousin ce quefut Dom Vaisselle pour le Languedoc, Marca pour le Béarn, Leboeufpour l'lle-de-France, Iiourdigné pour l'Anjou, Dom Lobineau pourla Bi'etagne7, etc. Les quelques trop rares oeuvres imprimées de luisont tracées avec une telle critique, une telle modération, un stylesi correct, si pondéré et si juste, que l'on ne peut éprouver qu'unsentiment de regret et de tristesse enprésence d'une vie si courte.

M. Leroux, archiviste de la Haute-Vienne, a déjà donné la nomen-clature complète des oeuvres de Bosvieux (1); nous ne reviendronsqu'en peu (le mots sur quelques-unes; il ne nous reste plus qu'àglaner des épaves dé sa vie intime ; nous allons essayer (le le faire.

(1) Bulletin, XXXVI, P . 186 et ro.

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Auguste Bosvicux était né à Saint-Yrieix, le 2 janvier 1831 (1),il est décédé dans la même ville le 31 niai 18 il. il élail le fini-1ième enfant d'un magistrat modeste, entouré de l'estime de tous,juge de paix pendant de longues années dans cette petite villetoute mouacale,qui s'est toujours ressentie destin originereligieuse.Elevé à j'ombre des murs sombres et sévères du vieux Moustierfondé par Médius au vi e siècle, c'est-à-dire le plus ancien menas-lève du Limousin, après Saint-Augustin de Limoges, Bosvieux âlâge de quatorze ans alla terminer ses études classiques au lycéede Limoges. Ses débuts y furent des plus heureux. Dès la premièreannée, il remporta tous les prix de sa classe (2).

Circonstance à noter, seule l'histoire fit exception et n'obtintaucune récompense. Ce ne fut qu'à sa quatrième année que nousle voyons figurer au Palmarès avec un, simple accessit d'histoire.Ainsi ce passionné amateur d'histoire ne trouve son chemin de

(1) Soit acte de baptême dressé le lendemain, 23 janvier, porte lasignature Bigorie, nom en quelque sorte /&.idique qui devait l'accom-pagner de sou l,ercea u jusqu'à la tombe.

(2) Nominations obtenues par Auguste llosvie,ix, élève au lycée deLimoges, de 18i5 h 4849.

Année 4 81h. Classe de quatrième. -2' prix de version de latine; 2 1 prix(le vers latins; 2 1 prix d'excellence (Pâques) ; 4° prix (l'allemand (3e di-vision); 4r accessit de thème latin; jn accessit de version grecque.

Année i86. Clisse de troisième. - 2° prix d'excellence (1er semestre);.2° prix (le version latine; 2° prix de thème latin,; ter prix devers lutins;Il le prix d'nriilirnétiqu e; 4 prix d'allemand ; 2° accessit de versiongrecque; t accessit de thème grec.

Année 1847. Clisse etc seconde. - 4°" prix d'instruction sel igietse4cr prix d'excellence ;prix de version latine t er prix de thèmelatin ; ter de vers bains; jr prix de version grecque; l° prix dcthème grec; 41r prix d'allemand.

Année 18 ,58. Classe de rhétorique. - Prix d'honneur tIr discourslatin ; t er prix d'excellence ;ter prix (le discours lotit,; 2° prix de dis-coins français; J' 1 prix de version latine; 1°" prix de version grecqueor prix d'allemand; ter accessit d'instruction religieuse; 2° accessit tic

vers latins; 4cr accessit d'histoire; 4° accessit dé cosmographie.-Aimée 4849. Classe de philosophie. - Prix d'honneur de dissei'tation

française; t er prix d'instruction religieuse; f er )IIX (le dissertationfrançaise prix de dissertation latine; 2" prix (le physique ,..fer prixde chimie; t er prix d'histoire naturelle.

Extrait des palmarès du lycée de Limog ues, nnexès lu "ne lettre de).Port, proviseur dudit lycée. datée du 7 mars i'302 (M. Port est le lilsde Célestin Port, camariide de j3oievieuix à l'Eeole (les Charles).

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Damas qu'à l'âge de dix-sept ans, alors que toutes les branches del'instruction n'avaient plus de secrets pour lui.

Après des études aussi fortes, on comprend que le baccalauréatne fût qu'une barrière bien facile à franchir. Bosvicux à dix-huitans partit pour Paris, afin d'y étudier le droit.

Pour une nature aussi honnête, quel devait être le sentimentdominant? Le dernier enfant d'une famille nQmbreuse et PCufortunée cherchait surtout à alléger les sacrifices imposés (t sesparents. Non content de suivre les cours de lEcole de droit, ils'astreignait encore h les compléter en se rendant à l'Ecole desChartes, et sous la direction de ses savants professeurs à s'initierà tontes les difficultés de la paléographie.

Il se trouva là en compagnie de Céleslin Port, de La Borderie,Passy, Mabille, et dans cette assemblée d'élite, le jeune élève deLimoges, à peine âgé de dix-neuf ans, obtenait dans les examensde fin d'année le sixième rang.

Ainsi se passèrent deux années â Paris, deux des plus bellesassurément, 1850-1851, partagées entre l'Ecole de Droit et l.'Ecoledes Chartes.

A ce foyer d'intense lumière, Bosvieux acheva de former songoût, de s'initier à ces profondes sources, seules véritables basesde nos éludes actuelles. Désormais, ce fut l'unique but de toute savie.

o N'oublions pas que de l'Ecole des Chartes sont sortis LéopoldDelisle, le savant administrateur de la Bibliothèque nationale;Siméon Luce, l'auteur de la Jacquerie, le commentateur de Frois-sart et tant Jautres. »

Vers la fin de l'année 1851, les Archives départementales de laCreuse, étaient devenues vacantes. La famille de Bosvieux connais-sant ses goûts, ne crut mieux faire que de demander pour lui cetteplace, quoi qu'il n'eut pas encore passé sa thèse à 1'Ecole de droitni uni ses examens k l'Ecole de Chartes. Il n'en fûtpas moins, âgéde vingt ans à peine, nommé archiviste.

Ahl que souvent Bosvieux dut regretter ses deux bonnes annéesde séjour à Paris, pour aller s'enterrer dans le petit bourg préfec-toral de Guéret, alors sans communications par voies ferréesavec les provinces voisines. Mais c'était peu éloigné de son cherLimousin, de ses parents, et Bosvieux, malgré ses regrets, Ut no-blement ce sacrifice.

L'ancienne province de la Marche, par sa configuration, étaitdéjà, avant 1789, des plus morcelée. Le département actuel de la

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Creuse, qui en renferme la plus grande partie, se trouve composéd'enclaves du Berry, du Bonrbonnais.eL de l'kuvergne (1). Dc làune tâche difficile h surmonter pou' les débuts ULIU jeune archi-viste. il fait[ ajouter que l'état dans lequel il trouva: les archivesétait détestable ().

Bosvicux se mit bravement à l'oeuvre et pendant près de quatorzeans(I854-1864), il concentra tous ses efforts coordonner desdocuments poudreux et disparates Dans deux rapports très longscl très documentés, présentés au Conseil général en 1862 et 1863,il releva eu grandes lignes les institutions administratives et judi-ciaires de la province, leur étendue, lenrimpor;ancc, leurdiversité.

Pour se reposer de ce travail aride, il établit, comme en sejouant, l'histoire de la vieille demeure d'un bourgeois de Guéret,qualifiée pompeusement du nom d'hôtel des Comtes de la Marche.Bosvieux, pièces en mains, eut bientôt fait de démolir cette légende.l;anlïque palais des comtes devient tout simplement la demeurede riches habitants de Guéret, seigneus du petit Clef des Monney-roux, situé â peu de distance de la ville.

Il fut plus heureux encore, dans la publication de la vie de saintGeoffroy, fondateur du Chaland, vieux monastère placé aux envi-ions de Saiut-Yrieix, où reposent les cendres de Gonfler de Las-tour, le héros de la première croisade.

Dans un commentaire, sobrement écrit, Bosvieux se révèle toutentier. On ne peut exprimer le charme qu'en ressent à la lecturedes quarante et quelques pages, résumant la vie du pieux cénobiteet les débuts de la première Croisade, prêchée en 4095 à Limofls,par le pape Urbain II en personne. Sur ces temps reculés, on n'arien ou presque rien. Saint Geoifroy était présent et l'hagiographeraconlant sa vie, nous transmet in extenso les propres termes dudiscours du pape. Satis honcste, articule-t-il, et Bosvieux traduitces deux mots par l'épithète de peu éloqueuL Nous croyons cedétail absolument inédit, quoi qu'il en soit, éloquent ou peu élo-quent, le discours du chef de la chrétienté enflamma tes coeurs ettous les auditeurs se croisèrent immédiatement.

Ce n'est pas seulement sur ce premier épisode de la futurecroisade que Bosvieux s'étend. Il nous initie encore à la vie d'un

(1) ACri de s'en foire une idée, croirait-on que la paroisse de Châlenet-cu-Dognon, située à quelques kilomètres au N.-E. de Limoges, faisaitpartie (le la Marche.

(2) Ce sont les propres termes (le ta lettre du successeur de l3os,ieux,à Guéret.

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iche citoyen de Limoges qui avait été le premier protecteur dusaint; il se nommait Pierre Lebrun et faisait un grand commerced'échange et d'importation. On voit, dès le xi° siècle, cette puis-saute bourgeoisie de Limoges en relation d'affaires avec le mondeentier. En mourant, Pierre Lebrun n'aspire qu'à un honneur:reposer • dans le lieu même où les changeurs tenaient leursétaux (t).

Nous ne parlerons (lue pour mémoire de la troisième oeuvreimprimée à Guéret; c'est la réimpression d'une plaquette uniqueintitulée

Brie[ discours sur la de/Taicte des Huguenots advenue le 10 juin1588 au pays et comté de la Marche, in-80 , 12 pages, tiré â seizeexemplaires seulement. Cette plaquette est devenue aujourd'huiaussi rare que son original.

Mais cette vie si calme, si paisible, si consacrée au travail devaitsubir un dur réveil, Bosvieux ne s'occupait pas de politique ; sesfonctions l'obligeaient à de fréquentes tournées d'inspection desarchives communales, paroissiales et hospitalières de son départe-menLVula.difficulté des communications, il se voyait souvent obligé(le recourir à l'obligeance d'amis, de fonctionnaires également entournée. Les luttes électorales dans la Creuse ont toujours été assezvives; elles l'étaient sous le second empire, et cela n'a fait qu'aug-menter.

En 4864, deux candidats, tous deux conservateurs et égalementagréables au pouvoir, se disputaient les suffrages, l'un était lecomte dc Beaufranchet, le second se nommait Delamarre. Leministre Routier soutenait l'un; Fialiu de Persigny l'autre.

Afin de faire à moins de frais ses tournées d'archiviste, Bosvieuxeut la malencontreuse pensée «accepter une place dans la voiturede M. de Beaufranchet qui de son côté faisait ses visites électorales.Après une lutte fort vive entre les concurrents, M. Delamat'rcobtint la majorité et devint député de la Creuse. Malgré ce succèsdéfinitif, il n'en fut pas moins froissé de l'attitude du malheureuxfonctionnaire, qui paraissait avoir donné à son adversaire-uneapparence de candidature officielle. Il exigea le changement (lerésidence de l3osvieux et l'obtint.

(1) M. Chartes de La Tour, ancien procureur impérial de Saint.Yrieix,président honoraire du même tribunal, a donné en 1879, une traductionde la Vie de Saint Geoffroy. - Sceaux, in-8°.

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Le gouvernement que l'on avait alors n'était peut-être pas aussdespotique que certains écrivains ont tenté de le faire dire à l'his-toire. Nous en connaissons qui, dans de semblables circonstances,auraient brutalement cassé aux gages,autrement dit révoqué l'infor-luné archiviste. Il n'en fut rien, Bosvieux eut même de l'avance-ment; de l'obscur bourg préfectoral de la Marche il fut envoyé àAgen, ancienne capitale d'une des plus riches provinces, chef-lieud'une cour royale ou impériale, etc., etc.

Là Bosvieux devait rester moins longtemps, trois ans.à peine,mais combien occupée fut sa vie. Certes il n'avait plus la proximitéde Limoges, de Saint-Yrieix, do ses parents; comme il était heu-eux de s'en occuper encore et quand, dans les titres ou lesregistres, il rencontrait des noms du Limousin, Pierre-Buffière,Chamberet, Bonneval; du Périgord, Bourdeille; du Bordelais,Pontac, il s'empressait de consigner sur un registre spécial tousces noms pour y avoir recours un jour.

C'est ainsi que nous trouvons à la date du 11 octobre 1632 ceIi'ès curieux contrat de mariage passé au château de Bourdeille enPérigord de la fille de l'illustre historien de Thou, premier prési-dent du parlement de Paris avec un Pontac, fils du premier prési-dent du parlement de Bordeaux; contrat auquel assistaient lesplus grands seigneurs du royaume et le frère de la mariée, l'infor-tuné de Thon, la future victime de Richelieu.

A Agen, Bosvieux comme partout avait su se créer de solidesamitiés, (lui le suivirent plus tard en Alsace et lui survécurentmême après sa mort. Nous avons nommé M. Magen, qui lui aconsacré des pages émues auxquelles nous emprunterons plusloin des passages intéressants.

Mais une véritable fatalité s'attachait aux moindres détails de savie. N'eut-il pas une affaire avec la cour des comptes en personneet voici comment.

l3osvieux travaillait très lard, la nuit elle-même ne pouvaitt'arracher à ses chères archives. Naturellement il fallait des flam-beaux pour éclairer ce travail nocturne et il en acheta. Cettedépense fut jugée excessive et dangereuse pour la sécurité desarchives et l'archiviste incorrect fut blâmé par la haute cour dejustice financière I

C'en était trop 1 Depuis longtemps son proche parent, M. Bigoriede Laschamps, premier président de la cour de Colmar le sollicitait

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d'entrer dans la magistrature; il lui vantait l'indépendance, l'ina-movibilité, assurées à ses membres, et lui promettait un avance-cement rapide. Le dernier déboire qu'il venait d'éprouver le décidaet il accepta de débuter dans le modeste poste de juge à Wissem-bourg, et peu de temps après fut nommé en avancement juge àSchles lad t.

Là encore il rendit service à ses amis. Une inscription tombaledans l'église de Sainte-Fo y consacrée à un Monluc, de la grandefamille du maréchal de ce nom, faisait le désespoir des savants.Bosvicux essaya de la traduire et eut à cette époque une corres-pondance suivie avec son ami M. Magen.

Mais de terribles événements se préparaient. Dans sa corres-pondance, il avait pressenti les préparatifs de nos ennemis. Laville de Schlestadt fut une des premières investie après la déclara-tion de guerre de 1870. Pendant deux longs mois la ville eut àsubir un terrible bombardement. L'on s'imagine aisément quellesangoisses dut subir le malheureux Bosvieux. Voir son pays accabléde revers comme il n'en avait jamais éprouvé; ses chers trésorsbibliographiques exposés à être incendiés par le feu de t'ennetni,il ne put y résister. Celte nature profondément bonne, ouverte ktoutes les impressions devait recevoir un coup fatal. Une maladiede coeur dont il avait- les germes fit pendant le siège des progrèsconsidérables. Aussitôt la ville rendue, octobre 1870, Bosvieuxcomme l'oiseau blessé regagna son cher Limousin et vint mourirà Saint-Yrieix le 31 mai 1871. -

L'on peut diviser l'oeuvre laissée par Bos'ieux en deux partiesbien distinctes : 1 0 l'oeuvre imprimée comprenant tes trois commu-nications faites par lui à notre société : registres dus Consulairesde la ville de Saint-Yrieix; des extraits (tu Journal historique dePierre et Pardoux de Jarrige les bains romains d'Evaux.

A Guéret, pendant qu'il était archiviste départemental Le pré-tendu Hôtel des comtes de ta Marche; la vie de saint Geoffroy, fon-dateur et premier abbé du Chutant; enfin deux rapports adressésau Conseil général de la Creuse en 1862-1803, ['œuvre assurémentta plus parfaite de Bosvieux et qui offrait le plus de difficultés.

Nous passons sous silence une plaquette de la BibliothèqueMazarine dont il fut simplement l'éditeur et non lauteur. Nousomettons égatemuit quelques appréciations publiées dans le jour-nal local de Saint-Yrieix que Bosvieux regrettait bien d'avoir faites,car elles ne reposaient que sur des légendes peu dignes de foi.

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2' Les manuscrits légués aux Archives dépàrtementales de laHaute-Vienne sont bien autrement importants. Là, sont réunis destravaux considérables sur l'histoire de la Marche, du Limousin etde sa chère ville natale, Saint-Yrieix.

Ils ont êté déjà consultés avec fruit par M. l'abbé Lecler. De niémedans la Géographie du testament de Saint-Yrieix, qui paraîtra souspeu dans l'introduction au Cartulaire de Vigeois, on pourra se ren-dre compte par la lecture de ce document à quel point Bosvieuxsavait creuser une question et l'amener k bonne tin. Douze nomsde lieux mérovingiens du vi' siècle y sont savamment identifiés, alorsque des érudits de la capitale avaient souvent erré, et que ceux deprovince avaient ignoré. Bosvieux d'une plume magistrale met toutau point et éclaircit tout.

Dans ses trois communications inséréesà notre Bulletin en1850 (1), 1852 et 1854, Bosvieux ne se révélait pas seulement,malgré ses vingt ans â peine comme un chercheur heureux; il faisaitpressentir surtout dans la troisième, les bains romains d'Evaux, cequ'il devait devenir plus tard. En effet vers 1854 on venait demettre de nouveau à jour, à Evaux (Creuse), d'antiques thermesromains abandonnés depuis des siècles. Bosvieux, placé à ce mo-ment à peu de distance, put suivre avec un vif intérêt les recherchesfaites à ce sujet. -

Eû lisant son travail, condensé dans six pages de notre Bul-letin (année 1854, page 225 à 231), on ne peut regretter qu'unechose, qu'il soit resté si peu de tout ce qui avait été mis au jourparles nouvelles fouilles. --

En effet, sauf le musée de Guéret qui en a recueilli quelquesdébris, il reste peu de traces à Evaux des thermes antiques décritsavec soin par le jeune archiviste.

Nous ne reviendrons rias sur ce que nous avons déjà dit de lalégende si accréditée à Guéret du prétendit château des comtes dela Marche, à laquelle Bosvieux a mis fin une fois pour toutes. Lavie de saint Geoffroy, avec sa préface, est une véritable révé-lation d'un épisode de la première Croisade. Tout le discoursdu pape Urbain II est rapporté par un témoin oculaire; la vie dePierre Lebrun, riche négociant de Limoges, si fier de son état qu'il

(1) Nous disons année 1850-1851 au plus tard et non 1848, comme lele porte par erreur le t. 111 du Bulletin. En effet cet article est signéfièrement par l3osvieux, élève de l'Ecole des chartes. Or, il ne l'étaitpas en 1848. Il ne le fut que deux ans après, 1850-1851,

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veut être enterré sous les bancs des changeurs (rue des Taules?),confirme ce que nous savions déjà sur cette bourgeoisie de Limoges,si laborieuse, si riche au moyen âge, qui avait porté dans le mondeentier la renommée du nom Limousin.

Mais l'oeuvre la plus remarquable de Bosvieux consiste évidem-ment dans les deux rapports faits au Conseil général de la Creusependant les années 4862 et 1863, qui résument dix ans d'un travailobstiné.

Le premier, celui de 1862, est consacré à l'étude au point de vuehistorique de la composition du territoire du département de laCreuse.

Après avoir donné un plan à suivre pour écrire une histoire decette division territoriale il examine successivement les parties quiont appartenu aux provinces de la Marche, de la Combraille,du Poitou, du Limousin, du Franc-Alleu, du Bourbonnais, du Berryet aussi de l'Auvergne.

Jt s'occupe ensuite du gouvernement civil, dans lequel il faitentrer les Justices, le Présidial et la Sénéchaussée de la Haute-Marche, les Ch&tcllenies et les Justices royales et subalternes.

Dans la même division, il aborde les juridictions de police, àsavoir la maréchaussée, puis les juridictions consulaires et enfin lajuridiction financière, maitrise des eaux et forêts, puis les élections.

Son rapport se termine par des articles consacrés au gouver-nement militaire, au gouvernement ecclésiastique, à l'organisationféodale et en dernier lieu aux communes.

Ace premier rapport sont annexés deux très importants tableauxintitulés le premier:

« Tableau indicatif des anciennes divisions ecclésiastiques, judi-ciaires et administratives auxquelles appartiennent tes différentescommunes du département de la Creuse o.

Le second« Distribution par communes des établissements religieux qui ont

existé sur le territoire du département de la Creuse -Ce premier rapporta vingt-six pages in-folio.Le premier tableau a quatre pages in-folio.Le deuxième tableau a seize pages in-quarto.Le second rapport (1863) n trente-cinq pages; il traite dans une

première partie des principaux ouvrages imprimés qui doiventêtre consultés pour l'histoire de la Marche.

Dans la seconde partie il envisage les- sources pour traiter lesdifférents sujets suivants

Agriculture, industrie, langage, coutumes, événements généraux,

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comtes de la Marche, seigneurie de Combraille, communautésmunicipales, fiefs et familles, archéologie, hagiographie et biographie.

Correspondance de Bosvieux

Le style c'est l'homme a-t-on dit souvent. On Pouffe dire surtoutdu style épistolaire. Les lettres qui vont suivre font bien connaîtreAuguste Bosvieux. IL nous apparait dans sa simplicité, son amourpour sa petite patrie, sa terre natale. Sa première lettre est de 1856,alors qu'il venait de (loir son droit et de passer sa thèse delicencié (4).

Voici k quelle occasion nos entrâmes en relations avec lui.Je savais par Maurice Adant, alors archiviste de la Haute-

Vienne, qu'un ancien élève de l'Ecole des Chartes, actuellementarchiviste de la Creuse, cherchait â se procurer tous les documentsrelatifs à l'histoire du Limousin en général, de sa ville nataleSaint-Yiieix en particulier.

J'avais découvert dans les archives du marquis de PermangleCl'ouly de son nom patronymique (l'une des plus anciennes famil-les de Saint-Yrieix), une pièce très curieuse. C'était le procès-verbalcomplet de Félection faite en 4565 par les habitants de Saint-Yrieix d'un maire et de quatre échevins. Cette élection ne s'étaitpas accomplie sans soulever de graves difficultés.

La ville de Saint-Yrieix, en effet, était plâcée sous le pouvoirtemporel et spirituel du chapitre de cette ville. Evidemment, ledoyen et les chanoines n'avaient pas l'autorité suffisante petit-maintenir l'ordre dans ces temps si troublés. Dès 1562, Yrieix deGentils, appartenant et famille des seigneurs de ce nom,autrefois chanoine du chapitre, s'était fait ministre de la nouvellereligion.

Le journal de Pierre de ,larrige, publié en 1868, donne à ce sujetles détails les plus intéressants (2). Il y avait donc urgence à mettre

(1) Bosvieux passa sa thèse de licencié en droit au mois d'avril M56.Nons avons sa thèse imprimée sous les yeux.

(2) Nota, que le douze d'aoust 0'62 , ceutx de la Religion nouvellefirent la Cène, en la cille ville, en la mai sou au para va ,it f, icte et fui

administrée par Me \'rieix Gentils, ministre de la dite religion; lequelavait été curé et chanoine (le Saint-Sulpice. (Journal de Pierre et Par-doux 'le Jarrige. - Atgou1êne, 1868, 1w- 4 et 6.)

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fin à un semblable état de choses constaté par les lettres duroi Charles IX, en date du 10 octobre 1561J. Certes, les registresdits consulaires cités par Bosvieux sont fort intéressants, mais ilssontloin de l'être autant et surtout aussi complets que le papierjournal (le Pariloux Roch, greffier de la cour royale du communpariage de Saint-Yrieix, qui rend compte de la façon la plus dé-taillée de tous les incidents survenus avant cette élection, énon-çant les noms, prénoms, professions et qualités de plus de deuxcents familles ayant pris part à ces évènements.

Je pris la copie textuelle de ce long procès-verbal, offrant toutesles marqués de l'authenticité la plus absolue.. (Elle est revêtue d'unvidimus du notaire Thouron, faite à la requête de Chouly Perman-gle, en date du jfl juin 466.) Je m'empressai de l'offrir à M. Bos-vieux; dont je connaissais la compétence pour ces sortes de docu-ments. t

Ce fut à cet offre qu'il répondit par la lettre longue et détailléequi va suivre. Je n'y ajouterai aucun commentaire. Ce qu'it.y a decertain, c'est que la même pièce très écourtée, qui se voit encoredans les archives de la Haute-Vienne, ne porte pas la longue énu-mération de tous les habitants notables de Saint-Yrieix. Notre copieétait donc d'un tout autre intérêt et méritait bien d'être in extensopubliée au Bulletin:

Guéret, 20 septembre 1856.

Monsieur,

J'accepte avec empressement les offres de collaboration quevous voulez bien me faire et si je ne vous ai pas écrit plus tôt pourvous remercier, c'est que les nombreuses occupations que j'ai trou-vées ici, après une longue absence, ne m'ont l ai s sé jusqu'à présentaucun instant.

» Que n'avez-vous pas eu plus tôt, Monsieur, la bonne pensée dem'écrire, j'aurais eu le plaisir de faire votre connaissance, car deuxjours avant l'arrivée de votre lettre, j'étais encore à Saint-Yrielx etil m'eût été tacHe alors de me trouver au rendez-vous que vousm'auriez indiqué, tandis que maintenant, il m'est tout i fait impos-sible de m'absenter.

J'espère, du reste, que cc ne sera que plaisir remis et à bien-tôt s'il ne dépend que de moi.

Puisque vous habitez Paris, ayez la bonté de me donner votreadresse quoique je n'aie plus la perspective d'y faire des voyagesaussi fréquents que par le passé, car je n'ai plus la raison de mondroit que j'ai terminé le mois dernier. Je compte bien cependant

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obtenir de temps en temps quelques permissions de mon préfetpour aller chercher les renseignements qu'on ne trouve que 1k etsoyez assuré, Monsieur, que nia première visite sera pour vous.

Comme vous l'a dit M. Ardant, je m'occupe beaucoup de l'his-toire de Saint-Yrieix, mais ce n'est ni par passe-temps ni parvanité de me faire imprimer, c'est par un fanatisme de clocherpoussé aux dernières limites. Aussi, suis-je prêt à partager montravail avec quiconque voudra apporter sa part de recherches etde matériaux, et ne me déciderais à le publier que lorsque jen'e.4pérerais plus rien découvrir qui puisse le compléter encore.C'est vous dire que je ne sais nullement quand mon histoire verrale jour. Il y a quelques années, j'avais commencé à publier dans lepetit journal de Saint-Yrieix quelques chapitres composés sur lesnotes que j'avais recueillies jusque-là. Mais j'ai reconnu depuis queles documents sur lesquels Ç'avais travaillé étaient trop incompletset je m'en suis tenu k ce premier essai quoique j'aie déjà rassem-blé un grand nombre de renseignements, ils sont loin d'être suffi-sants. Les archives du Chapitre ayant été brûlées lors des guerresde Religion, peu de documents ont été conservés, et ceux-ci je lesai en partie. La préfecture de Limoges ne possède presque aucuntitre relatif à Saint-Yrieix.

» Il ne me reste de chance d'en trouver qu'à Tours (parce quele Chapitre de Saint-Yrieix dépendait de Saint-Martin) ou k Pau,parmi les papiers du royaume de Navarre. Dans ce dernier dépôt,les titres relatifs eu Limousin, particulièrement k Saint-Yrieix et kNontron, sont nombreux, mais l'ordre n'y ayant pas encore été éta-bli, il est difficile d'en avoir communication. Du reste, j'ai formé leprojet d'aller me renseigner en personne et dès que le classementsera terminé, j'irai y recueillir une abondante moisson de notes.

» Je ne vous parle pas des collections de Paris, des Archives etde la Bibliothèque impériales, ce sont là les mines les plus riches,mais aussi les plus difficiles à fouiller. Combien je vous auraisd'obligation, si vous voulez avoir le courage de vous hasarderdans ce dédale inextricable.

» Les .manuscrits concernant l'histoire du Limousin ne sont pasrares, mais ils ne contiennent presque aucun • renseignement surSaint-Yrieix. Dom Estienne[, dans ses antiquités de l'ordre deSaint-Benoit, consacre un article au Chapitre de Saint-Yrieix, niaisces notes peu substantielles d'ailleurs, ont été reproduites dans leGauia Cliristiana. Il en est de même de la transaction de 1305entre le roi Philippe-le-Bel et le Chapitre au sujet de la justice.Elle a été éditée dans le Recueil des ordonnances des rois deFrance.

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Ce document est tin des plus intéressants sans contredit pour

l'histoire de noire ville.» C'est aussi Je seul rapporté par Dom Col qui concerne Saint-

Yrieix Je connais à fond cette collection et je n'en ai pas rencontréd'autres.

» En revanche elle contient des documents sur • le reste du Li-mousin du plus haut intérêt.

» Le procès-verbal de Malvergne, du 16 octobre 166, que vousm'offrez est très curieux, mais je vous en remercie. Je possèdel'original qui se trouve sur le registre de l'ancienne mairie deSaint-y'ieix, après les lettrès royales de création que j'ai publiéesdans le tome HI du Bulletin de la SocitéarcIidologique du Limousin.

» Il n'en est pas de même de la prise de possession du Q mars189, qnje vous serais très reconnaissant de mc communiquer.

Quant à la publication des Mémoires de Pierre et de Pardouxde .larnge, sur laquelle vous me demandez mort je vousdirai quej'avais songé à en enrichir le Bulletin de la Société archéo-logique, mais deux raisons m'en ont empêché; la première c'estque ma copie avait prise sur une autre copie et que n'ayant pula collationner sur l'original, je craignais qu'elle ne fut pas assezexacte. La seconde c'est que je réservais ces mémoires pour lespièces justificatives de mon histoire de Saint-Yiieix. PuisqueM. de La Borderie vous a confié le manuscrit original, conservez-le,je vous en prie, le plus longtemps possible et lorsque j'aurai lePlaisir de vous voir je m'en servirai pour rectitii- ma copie.

» Je crois d'ailleurs avoir publié dans le Bulletin, toute la partiequi est d'un intérêt général pour l'histoire de la province; le resteserait mieux à sa place à la fin d'un ouvrage sur Saint-Yrieix. Ceserait l'occasion de deux articles biographiques intéressants s'ilsétaient suivis de ces noies et plus curieux s'ils étaient réunis en unseul.

» Quelle bonne fortune aussi pour notre histoire de pouvoir yjoindre le manuscrit de Pardouz Roch. Jusqu'ici je n'cn connaissaispas l'existence. Je crois qu'où il y a le plus de découvertes â fairec'est dans les papiers des familles de Saint-Yrieix, du moins desfamilles importantes, telles que celles des Chouly, des Jarrigc, desGentils, des Du Carreau, qui doivent se trouver au cabinet destitres à la Bibliothèque impériale. Je n'ai pas encore consulté cescollections, mais je nie promettais bien de les étudier à mon pro-chain voyage. Du reste puisque vous les avez eues sous les yeux,vous savez bien mienx que moi à quoi vous en tenir à cet égard etje vous serais très obligé si vous vouliez me faire part de vos ren-seignements.

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n Quels qu'ils soient, ils me seront utiles; car mon plan est leplus étendu possible. Il comprend l'histoire proprement dite deSaint-Yrieix, celle de ses monuments, de ses personnages célèbreset de ses familles importantes; subsidiairement, j'y ajouterai Phis-Loire des autres localités de l'arrondissement, toujours sur le nièmeplan. Il y aura donc place pour toutes les notes.

» Une autre fois, je vous donnerai un aperçu des renseignementsque je possède déjà etje n'en serai bien sûr que si vous vouliez mepermettre de vous considérer déjà comme associé à mon travail.S'il en était ainsi je vous prierais de m'indiquer quelles sont lesnotes que vous avez entre les mains afin que je ne dirige pas mesrecherches de ce côté. Mais je dois vous prévenir d'avance que jevous donnerai pent-étre un troisième collaborateur, si toutefois ilne vent pas garder pour lui seul l'honneur de son entreprise. C'est-un avocat de Saint-Yrieix, M. F.-R. du Garreau qui a devers lui dosdocuments très curieux et que je ne pourrai probablement meprocurer qu'à cette condition.

Voyez, Monsieur, si ma proposition vous convient, pour moi jele désire sincèrement.

s Avant de terminer ma lettre, permettez-moi une rectificationqui vous intéresse puisque vous appartenez par votre mère à lafamille des Jarrige. Les armes de votre cachet ne sont pas je croistrès exactes, il y manque deux palmes d'argent à chaque côté duchevron. Ces palmes se retrouvent au château de Montluc quiappartenait aux Jarrige et sur un plan de la ville de Limogesdressé par Jouvin de Rochefort et dédié aux présidents trésoriersde France, généraux des finances, grands-voyers de ta généralitéde Limoges, dont Paul de Jarrige était au commencement duXVIII' siècle, je crois. Je ne pense pas que la branche des Biardsait rien changé aux armoiries de la famille. Les La Morclio lesportaient telles que je vous les ai décrites. Paul de Jarrige lui-même était seigneur de La Morelie (1).-

(1) ]3osvieux ignorait des détails particuliers h cette famille. LesJarrige de Laniorelie ont formé plusieurs branches l'aînée fondue dn,isla maison de Lasteyrie du Saillant la seconde e seigneurs de Puyreclonla troisième, seigneurs des Dia nia, qui u subsisté jusqu 'en 180. Lesderniers représentants de cette branche ont été le chevalier de L,,mo-relie des l3iar1718, ileutenant de vaisseau de la marine royale, échappé deQuiheron, grièvement blessé, et son neveu, le ma rqn i s db Lamorehie,ancien préfet rl'Alençori et de Moulins Sons la !kesiaurati on - La bran-che des seigneurs (les Dia rds (paroisse de Glandnii , près Sa in t-ïrieix)pour se distinguer des autres branches, as-ait supprimé les pilules.On voit e acore an chèteau des Biards, sur h:i porte (les écuries, unvieux blason supporté par deux auges. Les palmes n'y Figurent jas.

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Pardonnez-moi, Monsieur, mon verbiage, art s'y exposelorsque l'on me fait parier de Sainl-Yricix.

» Recevez, Monsieur, l'assurance de mes sentiments les plusdévoués o.-

-A. BosvIEux.

Quelques années pins tard, en 1868, nous lui titres part de notreintention de publier le journal de Pierre et Pardoux de Jarrige,viguiers de la ville de Sain[-Yrieix (1560-1590).

Tout autre que Bosvietrx eut certainement éprouvé quelquedésappointement de voir un profane se permettre de marcher surses brisées et lui enlever l'espoir qu'il avait toujours nourri depublier lui-même ce document curieux aux pièces justificatives del'histoire de sa ville natale (1).

Il n'en fut rien, au contraire, Bosvieux m'encouragea- dans ce.travail et me donna ses sages conseils.

Il terminait une de ses lettres par ce post seriptumu , Il va sans dire que je n'ai pas la prétention de figurer comme

éditeur ni même comme annotateur, dans la publication du journald'Antoine de Jarrige, au cas où vous joindriez cette petite chroni-que k celle dont cite est le complément (2). Je suis, encore plusLimousin qu'archéologue et je tiens infiniment plus à ce qu'onparle de mon pays que de moi. o

Tout Bosvieux est là 1 quelle leçon pour certains auteurs, dont larèclame à outrance est le principal, l'unique mérite.

,Quelque temps avant de recevoir cette lettre, j'avais proposé àBosvieux de publier en soit personnel le journal d'Antoine deJarrige, neveu ou Fils de Pierre et Pardoiix.

Comme on le voit, il se désintéressait complètement et ne vou-lait même pas figurer comme annotateur. Du reste, longtempsaprès (en 1880), j'ai eu en main la communication de cette piècequi était loin d'offrir le même intérêt que celle de ses prédéces-seurs et je dus renoncer à en (aire la suite du journal historiquedes viguiers de Saint-Yiieix.

Nous allons maintenant donner quelques extraits des lettres deBosvieux à son ami Magon. Il avait visité l'Espagne et successive-ment parcouru les villes de Burgos, Avila, Tolède, Simancas, Val-ladolid

(1) Et cela eut été d'autant plus naturel qu'il avait le premier signalé,dans notre Bulletin, le manuscrit original.

(2) C'est-à-dire Faisant la suite (lu journal (le Pierre et Parcloux.

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A Eurgos, j'étais gelé et j'aurais maudit, de tout mon coeur, leprintemps éternel de l'Espagne si j'avais eu le temps de songer auxSéguidilles d'Alfred de Musset et C I-. Mais j'avais la cathédrale àvisiter, et au milieu de ce trésor, j'oubliais complètement le froidet la pluie. J'ai passé (rois jours entiers et une soirée à Burgosil m'aurait fallu deux mois pour tout voir. Mais que de richessesj'ai entrevues I Soixante tombeaux ait dans la calllédraleun calvaire en lave, en marbre d'Italie, en bronze, eu cuivrerepoussé et émaillé (opus Lemovicense fil). Des inscriptions à tousles pas; des tableaux de maUres dans tous les coins allemands,flamands, italiens, espagnols; des merveilles de serrurerie, desforêts de bois sculpté.

» On se perd dans tous ces détails qui sont charmants et onn'éprouve nullement le besoin de reconstituer l'ensemble et l'unitéde l'édifice qui disparaît sous le fouillis des rétables, des grilles,des tentures et des boiseries. Val rempli un carnet dc noies et j'aii peine étudié une rangée de stalles. La table, qui se relève, lapartie sur laquelle on s'asseoit est décorée de marqueteries incroya-bles. Oit une ciselure sur enivre, avec nielles et hachures.C'est dans ces sujets que l'artiste a déployé toute sa verve. Il y ades caricatures qu'on dirait d'aujourd'hui ; il est vrai que but celadate du xvr siècle. o

A Mita, c'est une autre gamme I nous sommes dans la patrie desainte Thérèse. Bosvieux s'attendait à trouver une sainte extatique,diaphane, toute en Dieu; aussi quel n'est pas son étonnement envoyant son portrait ((qui vous désillusionne agréablement du resteOit à rencontrer un corps maigre, une face anémique; lasculpture et la peinture vous montrent, au contraire, un visagegrassouillet, à peine pAle, avec quelques traces de bistre nulle-ment effrayantes o (4). Les accessoires des tableaux sont chargés devous révéler .les étranges exaltations de la sainte que ses portraitsne font pas soupçonner. Là, c'estJésus-Christ qui lui souffle dansla bouche ['esprit divin au moyen d'une longue sarbacane; ailleurs,des anges qui lui écartent les bras pendant qu'un amour ailé vientlui percer le coeur d'une flèche, etc., etc. ».

(4) Il n été publié dans le Correspondant, il y n quelques années, uneétude sui' sainte Thérèse, qui confirme pleinement ic jugement de Boa-vieux. Cette étude du comte de Meaux fait connaître la grande saintesous un nouvel aspect. Héglant les questions les plus pratiques pourl'établissement de ses nombreux couvents; s'occupant du mariage desa soeni' donnant de sages conseils nu roi Philippe Il, qui ne craignaitpas de la consultet' et de suivre ses avis.

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Mais Tolède, l'antique capitale de la vieille Castille, a toutes lespréférences de Bosvieux ; qu'on en juge

« Lorsqu'on ne petit pas visiter toute l'Espagne, c'est Tolèdequ'il faut voir, parce qu'on trouve réuni là lotit ce qui est clissé-miré dans les dilîérente.s régions du royaume le site le plus pitto-resque, l'aspect le mieux conservé des vieilles villes espagnoles etles souvenirs de toutes les civilisations qui se sont succédé dansce beau pays. Ruines romaines, wisigothiques, synagogues, mos-quées, cathédrales chrétiennes, palais de la Renaissance, rien n'ymanque. k. côté de l'Alcazar, qui est bien le monument le plusimposant qu'ait produit le xvi 0 siècle, on a à admirer encore l'im-mense cathédrale, avec ses sept cent cinquante fenétres, toutesgarnies de leurs vitraux, son peuple de statues, sa forêt de boissculptés, ses trésors dont une seule pièce, le manteau de la Viergede Sagrario, renferme pour plus de quatorze millions de diamants,de rubis, de saphirs, de perles et autres joyaux. L'église de San-J rit an-de-Los-Re ues, avec son cloître, le bijou le plus fouillé dugothique fleuri, autour duquel se déroulent les chaines de fer descaptifs chrétiens enlevées par les rois catholiques, Ferdinand etIsabelle, à l'émir de Grenade Boabdil, etc., etc.....

À Tolède, j'ai éprouvé la plus vive émotion archéologique quej'ai ressentie dans tout mon voyage- Quelle ville unique au monde:il est impossible de faire un pas sans se heurter k quelques mer-veilles; toutes les portes sont des chefs-d'oeuvres de serrurerie.Quels clous, quelles serrures, quels marteaux I chacun est un objetd'art. Des clous, gros comme des têtes d'enfants, forgés en formede casque, bordés de bandes de fer sculpté en roses, en étoiles.Il y aurait de quoi faire un splendide musée rien qu'avec cetteferraille. J'aurais bien voulu en rapporter une collection ; maisimpossible Les Tolédins, qui vendraient bien leur porte, n'enveulent pas arracher un seul clou ». -

Nous voici maintenant à l'Eseurial, ce sombre tombeau des roisd'Espagne. J'arrivais, prévenu par la description qu'en donneTU. Gautier et je l'avoue d'avance, je regrettais la journée quej'allais dépenser à visiter cel . immense sépulcre. Le temps étaitfroid, pluvieux, je m'étais levé matin, je grelottais, j'étais fort malà l'aise tout cela me disposait fort peu à l'admiration et un pre-mier coup d'oeil jeté sur l'espèce de caserne, nue, sans ornement,aux mille fenélres basses et étroites, placée au fond d'un enton-noir, qu'une ceinture de montagnes arides entoure de tout côtés,ce premier coup d'oeil, dis-je, me séduisit très médiocrement.Mais lorsque j'eus erré pendant cinq ou six heures dans ce laby-rinthe de couloirs, d'escaliers, de cellules, dans cette demeure de

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- 21 -moines, k laquelle vient se souder, comme un appendice insigni-liani, un palais qui, isolé et loin (le ce colosse darcliitecture, seprésenterait avec des proportions très imposantes lorsque j'euscompris enfin l'Escurial, je m'expliquai l'admiration des Espagnolsqui en font la huitième merveille du monde. -

Tout cela est triste, froid, sans vie mais l'émotion qu'on enrapporte n'en est pas moins très vive et très empoignante. Cettevisite à l'Escurial m'a mieux fait connaître Philippe il, que tout ceque j'en avais lu dans l'histoire. Ce monument est le rêve réaliséd'un moine fanatique, misahlhrope et tout puissant c'est, avanttout un tombeau, mais un tombeau royal qui devait concentrerautour de lui une armée de prêtres et prouver en même temps parquelque hors-d'oeuvres somptueux qu'il aurait pfl être un palais...

» Le palais est tendu de magnifiques tapisseries clos Flandres etd'Espagne, ces dernières d'après des dessins de Goya, charmantscomme tout ce qu'a fait ce mailre Il y a bien quelques tapisseriesdes Gobelins, mais peu remarquables. Elles repréentent, dit leguide, des scènes des Aventures de Télâna que, d'après des dessinsde Rubens. 11 est vrai que le même guide montre aux visiteurs unemédiocre copie du beau portrait d'Hortense Mancini., qu'il y a dansle salon de la préfecture d'Agen, comme un portrait de Mme dePompadour! »

Mais le plus piquant du voyage de Bosvieux fut certainement savisite aux célèbres archives de Sinuincas. Alors que la monarchieespagnole dominait le monde entier, ce dépôt renfermait les plusriches documents. L'accès en a été toujours très difficile, aussiBosvieux s'était-il muni dune autorisation ministérielle, mais il nese doutait pas, il ne pouvait se douter à quel personnage il allaitavoir à faire. Certes le pays de Cervantès et de Don Quichotte nousa souvent causé bien des surprises, niais qui pouvait s'attendre auspectacle, auquel nous fait assister Bosvieux. u Siinancas est àdix kilomètres de Valladolid, par une fort belle route, qui traversela campagne la plus peuplée et la mieux cultivée que j'aie vue enEspagne. Quand j'arrivai, vers neuf heures du matin, le senorGonzatès, archiviste général de l'Espagne, n'était pas encore à sonbureau oit travaillaient une dizaine d'employés. L'huissier memena ii la recherche de mon illustre collègue. Comme nous appro-chions de sa maison, je vis passer un monsieur â cheval, en hottesfortes, drapé jusqu'au nez dans son manteau (le 30mai), sous lequelil me semblait entrevoirle bout d'une rapière démesurée. Dans unbois, je me serais signé à cette rencontre. Quelle ne fut donc pasma surprise, quand mon guide me présenta à ce personnage demauvaise mine.

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• « C'était le seigneur Gonzalès qui se rendait dans cet accoutre-ment de voyageur russe, partant pour la foire de Nijni-Novogorod,à ses archives situées à deux cents pas tout au plus de sa maison.Il est vrai qu'il est beaucoup vieux à ce qu'il me dit, ce que jen'aurais pas deviné, à sa manière teste dô sauter de cheval et deparcourir, toujours dans ses hottes de sept lieues, les quarante-sixpetites salles qui (arment son domaine

Le terrible archiviste ne fut pas d'ailleurs très généreux pourson collègue limousin. Il ne lui permit qu'il!] examen très super-ficiel, prétendant qu'il fallait Ordou Béai, ordre du Roi, pour con-sulter les manuscrits confiés à sa garde.

Heureusement, il devait trouver quelques compensations auxArchives départementales des l3asses-Pvrénées. Elles se trouvaientsur son chemin en revenant d'Espagne en France et il ne manquapas de s'y arrêter, sachant quelles richesses elles offraient pourl'histoire du limousin. Là, pendant plus d'un mois, Bosvieux putglaner à foison des documents inédit; sur sa chère province.

Malheureusement, l'inventaire terminé plus tard par le savantarchiviste de Pan, M. Raymond, était ù peine commencé et ce nefut qu'avec de grandes difficultés qu'il butina à pleines mains danscet immense capharnaum, concernant taules les provinces ayantautrefois appartenu aux maisons de Navarre, de Faix et d'Albret.La moisson fut abondante cependant, tant Bosvieux savait tirerparti des moindres détails, des plus petites circonstances pouraugmenter son bagage historique.

Bosvieux rentra donc à Agen chargé de documents précieuxqu'il s'empressa de consigner dans des noies manuscrites, (lui sontaujourd'hui aux Archives de la haute-Vienne,

Mais revenons à Bosvieux et â sa nominalion comme juge àWissembourg, au fond de l'Alsace, à la lin du mois de décembrede l'année 1866.

A peine installé dans ses nouvelles fonctions, il apprenait la mortde Maurice Ardant, archiviste de limoges!

Quels ne furent pas ses regrets car, on peut l'affirmer sanscrainte, le désir d'occuper ce poste avait été l'unique ambition detoute sa vie!

Son protecteur, il est vrai, ne tarda pas à lui donner une com-pensation. Il fut nommé en avancement juge à Schlestadt, placefortifiée sur la frontière d'Allemagne.

Mais même là devaient l'attendre de nouveaux déboires.La guerre de. 18'O survenait terrible et Schlestadt placé au

premier rang ne tarda pas k être investi, assiégé, bombardé.

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L'on devine quelles durent être les angoisses de notre infortunécompatriote. Il voyait, dans l'avenir, la perte de ce qu'il avait deplus cher, -sa patrie meurtrie et démembrée, sa position perdue,ses chers livres, ses manuscrits, résultats de vingt ans d'études etde recherches, exposés à tôus les dangers de l'incendie et au pillagede l'ennemi!

Ç'en était trop pour cette nature profondément sensible. Sa santés'altéra gravement.

Nous allons emprunter à son ami Magen le récit de leur dernièreentrevue

e Nos cordiales préoccupations allaient vers lui clans ces heuressombres où tout semblait s'effondrer. Les scènes dont il était letémoin dans une ville tombée aux mains de l'ennemi devaient luimettre la mort dans l'âme. Il avait, dans le cours ordinaire de lavie, une sorte de tranquillité philosophique et de dédain qui lerendait fort contre les petits chagrins ; mais un séjour de trois anssur la frontière l'avait attaché plus étroitement encore à sa natio-nalité et son coeur saignait de toutes les blessures faites à la patrie.Il nous arriva tin soir d'octobre, pale, l'oeil éteint, la voix atone,affectueuse comme toujours, mais triste à navrer. Il s'était échappéde Scltlestadt, en trompant les sentinelles badoises, et n'emportaitnul bagage avec lui. Ses livres, empilés sans soin dans des caissesplus ou moins solides, étaient restés là-bas à l'abandon. Lesreverrait-il? qui le savait? Au reste que lui importait la possi-bilité d'une satisfaction égoïste, quand la ruine et le deuil étaientpartout. Il ne songeait plus qu'à sa famille où il serait reçu lesbras ouverts, au Limousin, dont son désir était toujours de pré-parer l'histoire. »

En quittant son ami, Bosvieux rentra dans sa famille à Saint-Yrieix, où il fut entouré par son frère des soins les plus affectueuxet les plus éclairés (J).

La maladib de coeur qui avait débuté à Scl;lestadt et depuis faitdes progrès effrayants, ne lui donna plus que quelques mois d'exis-tence. Il s'éteignit doucement et chétiennemcnt, le 31 mai 1871,entouré des siens et consolé par cette religion qu'au début de lavieil avait si bien étudiée et appréciée. Et cependant une suprêmeamertume, étendu sur son lit de douleur, lui était encore réservéedans les premiers mois de l'année 1874, les archives de Limogesétaient devenues vacantes. Bosvieux n'aurait eu qu'à dire un mot

(I) M. le docteur 130svieii x -

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pour les obtenir; et ce mot, il n'eut môme pas la force de le prononcer (4).

Toutes ces infortunes accumulées n'avaient pas aigri son carac-tère, il se montra bienveillant et doux jusqu'à la lin. Par son testa-ment, il donnait le droit à plusieurs de ses amis de choisir dans sabibliothèque un livre à leur convenance

De plus, il léguait par le même acte tous ses manuscrits auxarchives de la Haute-Vienne.

Espérons que ces pages lues par tin des jeunes compatriotes del3o3vieux lui inspireront la pensée de les publier.

Ce serait rendre un véritable service à l'histoire du Limousin, enmôme temps qu 'un supréme hommage à la mémoire dc cet hommede bien (e).

li- l)I M. L.

(I) il est h notre conu;, I ssa nec personnelle que M. Faute, chef dedivision à la préfecture (le In 1 IouLe-Vienne, fi tics pius vives insistancesprès d'un de l'os amis, ancien magistrat (révoqué en 18 -7 0 commec'ireu impérial et engagé volonlairc, 1870), pour lui faire accepter lesfonctions d'archiviste, à ce moment vacant es.

(2) M. Paul Ducourtieux, dons le Bull. ne 19 Soc. arch. du Limousin(XXXVI, 3) n publié une excellence notice sur la bibliothèqued'Auguste ilosvieux, vendue en 1887 ; sur les noms des acquéreurs, lesprix de vente, etc., etc. Il n été fait un tirage à part de ce travail (-1880,16 p. in-8 0). liii le lisant, on comprend mieux encore que par les pagesqui précèden t, quelle somme tIc ira yail , persévérant, obstiné, iln liii 1)001' former ce que l'on peut appeler u,' fond s de Id bu othèqtielimousine et mnrchoise.