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Hors série n° 21 villes I sociétés I cultures Disparités territoriales Disparités territoriales mars - avril / 2004 Hors série Les inégalités économiques et sociales se sont toujours plus ou moins inscrites dans l’espace. Il semble pourtant que la “fracture territoriale”n’ait jamais été aussi profonde qu’aujourd’hui. Les dynamiques urbaines actuelles sont en effet porteuses d’étalement et d’éclatement.En même temps que la ville s’étend,elle a tendance à se fragmenter en de multiples “communautés”, chacune d’elles campant sur ses positions, affirmant ses valeurs, affichant ses codes sociaux. Dans ce contexte de fragmentation territoriale, comment maintenir la cohésion sociale, renforcer la solidarité entre les quartiers, mais aussi faire naître les opportunités indispensables à l’évolution des territoires? La XXIV e rencontre nationale des agences d’urbanisme a voulu dresser un “état des lieux” de ces disparités et en proposer une lecture prospective. Elle a largement donné la parole à des experts, à des acteurs sociaux et aux élus qui sont confrontés quotidiennement à ces disparités. Enfin,elle s’est efforcée de mettre en évidence les politiques et les dispositifs qui permettent de résorber ces décalages ou de les transformer au bénéfice d’un développement plus équilibré. Territorial Disparities To a greater or lesser extent economic and social inequalities always find expression in spatial terms – yet it would seem now that the gap between territories has never been wider. Today’s urban dynamics are forces for sprawl and fragmentation: our steadily expanding cities are tending to break up into a multitude of communities, each with its own agendas, values and social codes. In this context of territorial fragmentation, how are we to maintain social cohesion and enhance an inter-neighbourhood sense of community, while at the same time generating the opportunities vital to territorial evolution? The 24 th National Congress of France’s town planning agencies set out to inventory these disparities and size up their implications for the future. This meant extensive recourse to the opinions of specialists, together with the social actors and politicians who have to deal with these disparities at grass roots level. The goal was to highlight the policies and mechanisms enabling the bridging or management of these gaps in the interests of more balanced development. Revue Avec des contributions et des points de vue de / With contributions and comments from: Bernard Attali, Jean-Paul Bailly, Joël Batteux, Daniel Béhar, Jean-Marie Bockel, Pierre Bourguignon, Malek Boutih, Patrick Braouezec, Jean-Claude Bury, Marc-Philippe Daubresse, Laurent Davezies, Jean-Marie Delarue, Gilles de Robien, Vincent Fouchier, Brigitte Guigou, Gabriela Hernandez, Catherine Jung, Patrick Le Galès, Jacques Lévy, Jean-Pierre Lévy, Guy Loinger, Marco Oberti, Jocelyne Riou, André Rossinot, Jean-Pierre Rozenczweig, Maryse Scholtes, Michel Thiollière, René Vandierendonck, Jean Viard, Michel Wieviorka et Adrien Zeller, notamment. villes I sociétés I cultures n ° 2 1 mars avril 2004 hors série n ° 21 18 www.urbanisme.fr

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Hors série n°21

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Les inégalités économiques et sociales se sont toujours plus ou moins inscritesdans l’espace. Il semble pourtant que la “fracture territoriale” n’ait jamaisété aussi profonde qu’aujourd’hui. Les dynamiques urbaines actuelles sonten effet porteuses d’étalement et d’éclatement. En même temps que la villes’étend, elle a tendance à se fragmenter en de multiples “communautés”,chacune d’elles campant sur ses positions, affirmant ses valeurs, affichantses codes sociaux. Dans ce contexte de fragmentation territoriale,commentmaintenir la cohésion sociale, renforcer la solidarité entre les quartiers, maisaussi faire naître les opportunités indispensables à l’évolution des territoires ?La XXIVe rencontre nationale des agences d’urbanisme a voulu dresser un“état des lieux” de ces disparités et en proposer une lecture prospective.Elle a largement donné la parole à des experts,à des acteurs sociaux et aux élusqui sont confrontés quotidiennement à ces disparités.Enfin,elle s’est efforcée demettre en évidence les politiques et les dispositifs qui permettent de résorberces décalages ou de les transformer au bénéfice d’un développement pluséquilibré.

Territorial DisparitiesTo a greater or lesser extent economic and social inequalities always findexpression in spatial terms – yet it would seem now that the gap betweenterritories has never been wider. Today’s urban dynamics are forces forsprawl and fragmentation: our steadily expanding cities are tending tobreak up into a multitude of communities,each with its own agendas,valuesand social codes. In this context of territorial fragmentation, how are weto maintain social cohesion and enhance an inter-neighbourhood sense ofcommunity, while at the same time generating the opportunities vital toterritorial evolution? The 24th National Congress of France’s town planningagencies set out to inventory these disparities and size up their implicationsfor the future. This meant extensive recourse to the opinions of specialists,together with the social actors and politicians who have to deal with thesedisparities at grass roots level. The goal was to highlight the policies andmechanisms enabling the bridging or management of these gaps in theinterests of more balanced development.

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Avec des contributions et des points de vue de / With contributions andcomments from: Bernard Attali, Jean-Paul Bailly, Joël Batteux, Daniel Béhar,Jean-Marie Bockel, Pierre Bourguignon, Malek Boutih, Patrick Braouezec,Jean-Claude Bury, Marc-Philippe Daubresse, Laurent Davezies, Jean-MarieDelarue, Gilles de Robien, Vincent Fouchier, Brigitte Guigou, GabrielaHernandez, Catherine Jung, Patrick Le Galès, Jacques Lévy, Jean-Pierre Lévy,Guy Loinger, Marco Oberti, Jocelyne Riou, André Rossinot, Jean-PierreRozenczweig, Maryse Scholtes, Michel Thiollière, René Vandierendonck,Jean Viard, Michel Wieviorka et Adrien Zeller, notamment.

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6 / URBANISME / HORS SÉRIE n° 21 - mars-avril 2004

Posé comme un handicap,voireune difficulté majeure, pour ledéveloppement équilibré desterritoires, le thème de la XXIVe

rencontre nationale des agencesd’urbanisme,“Les disparités ter-ritoriales”, pouvait apparaîtrechargé d’a priori négatifs, bienque les organisateurs aient prisle soin d’indiquer,dans les docu-

ments de présentation de la rencontre, qu’il s’agis-sait aussi d’une opportunité pour entreprendre desactions innovantes ou audacieuses /1.Mais tout demême, le constat s’est avéré plutôt sévère. MyriamConstantin,vice-présidente du Conseil régional Île-de-France et de la FNAU,a donné le ton d’emblée ensoulignant que l’Île-de-France, “première régionurbaine d’Europe”,dont l’influence est comparableà celle du Grand Londres ou de la Ruhr, est aussi larégion française “où cohabitent les plus grandes for-tunes et les plus grandes précarités”. 12 % desquartiers y sont placés “en politique de la ville”.Le travail d’observation et d’analyse mené parl’Institut d’aménagement et d’urbanisme de laRégion d’Île-de-France /2 a ainsi permis de consta-ter que, loin de régresser, ces inégalités n’ont cesséde s’accroître depuis le milieu des années 80.

Les disparités se spécialisent aussiPour autant, ces disparités ne sont pas que sociales,loin s’en faut. Pôles plus aisés à l’Ouest et espacesde précarité à l’Est et au Sud-Est – comme dans bien

des métropoles régionales, d’ailleurs – confirmenten Île-de-France une appréciation que la plupart desétudes françaises détaillent à l’envi : plus les diffi-cultés se “spécialisent” et s’inscrivent dans desespaces particuliers, “plus les solutions deviennentdélicates, complexes, voire contradictoires”, a estiméMyriam Constantin. Aussi les territoires doivent-ilsparvenir à “compenser, par des politiques efficacesdes transformations sociales ou sociétales qui vonttoujours plus vite que les adaptations spatiales”.

Pour élaborer ces “politiquessouhaitables”, l’apport destechniciens est jugé par tous etpartout indispensable. Travailde conseil auprès des élus,vision prospective, objectiva-tion des données statistiques(toujours un peu “brutes” si onne prend pas le soin de lesreplacer dans un contexte plusglobal), capacités de média-tion entre la société civile et lesacteurs politiques : les missions des agences d’urba-nisme ne manquent pas dans ce domaine. Mais,comme l’a rappelé André Rossinot, maire de Nancy etprésident de la FNAU, le niveau local n’est pas le seul àdevoir être pris en compte du point de vue des dispari-tés territoriales, “à l’heure où les modes de vie citadinset les facteurs de mobilité sont en pleine évolution”.L’émiettement des communautés de vie est lui-mêmeun facteur jugé agressif vis-à-vis de la recherche d’une

La “fracture territoriale” n’a-t-elle jamais été aussi profonde qu’aujourd’hui ?Les dynamiques urbaines actuelles sont en tout cas porteuses d’étalement et d’éclate-ment, contribuant à fragmenter la ville en de multiples “communautés” aux intérêtsparfois très divergents. Comment maintenir la cohésion sociale, renforcer la solidaritéentre les quartiers, mais aussi faire naître les opportunités indispensables à l’évolutiondes territoires ? La XXIVe rencontre nationale des agences d’urbanisme a dressé un “étatdes lieux” complet de ces disparités et a cherché à en proposer une lecture prospective.Dans une certaine diversité… l par Pierre Gras.

*Disparités, diversités,divergences…

Ouverture

1/

Cf. notamment

Les Cahiers de l’IAURIFn°137, pages 7 et suiv.

2/

Cf. l’Atlas des

Franciliens réalisé en

commun par l’IAURIF

et l’INSEE.

Myriam Constantin

André Rossinot

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meilleure cohésion sociale. Et il n’est pas sûr, commele suggérait Jean-Pierre Rosenczveig, magistrat exer-çant dans un département “sensible”, la Seine-Saint-Denis, que “le quartier soit le niveau idéal pour éla-borer les réponses sociales aux dysfonctionnementssociaux qui y sont constatés”/3. D’autant plus que cesdisparités, a ajouté André Rossinot, “doivent être envi-sagées aussi au regard de la compétition que se livrentles grandes régions urbaines au niveau européen”,au-delà de la nécessaire diversité de l’offre territoriale.

Redistribuer, aménager, “conflictualiser” ?La lutte contre ces phénomènes est donc devenueincontournable pour maintenir ou développer “l’at-tractivité” de l’Île-de-France et des métropoles régio-nales. Les solutions vont-elles pour autant d’elles-mêmes ? Sans doute pas. Au-delà du constat,’’disparités’’ a rimé parfois avec ’’divergences’’. MalekBoutih, ancien président de SOS Racisme, a enfoncéle clou : “La politique urbaine, à qui l’on prête unevocation de redistribution des richesses, est arrivéeà une impasse sociale, car mieux aménager nerésoud pas forcément le problème des disparitéssociales”. De ce point de vue, pour le sociologueMichel Wieviorka, “les institutions ne sont pas enmesure de répondre aux promesses de la Répu-blique”, lorsqu’elle proclame fièrement “Liberté,égalité, fraternité”. Pour faire évoluer les choses, nefaut-il pas “reconflictualiser” les rapports sociauxdans la ville et “réorganiser le débat social” ? Nousn’en sommes peut-être pas encore là. Mais on a bienmesuré combien cette “reconflictualisation” (sic) de

la société pouvait se faire à l’encontre même desobjectifs de la lutte contre l’exclusion, par exemplequand les forces extrémistes apparaissent plus puis-santes que jamais sur l’échiquier politique…

L’État est-il à la hauteur des enjeux ?Alors, comment s’y prendre ? “Au fond, a expliquéJean-Marie Bockel, maire de Mulhouse et présidentde l’Association des maires des grandes villes deFrance, le défi, c’est de réintégrer le droit commundans la République pour faire en sorte qu’elle soitcapable d’agir avec efficacité, et pas seulement dansl’urgence”. René Vandierendonck, maire de Roubaix,a eu ce jugement très dur : “Jamais, en vingt ans depolitique de la ville, je n’ai vu l’État à la hauteur desenjeux !”. Jean-Louis Borloo, le ministre délégué àla Ville et à la Rénovation urbaine /4, n’a pas pourautant plaidé coupable : “L’intégration républicainea très bien fonctionné en France jusqu’au momentoù l’on a laissé s’installer des remises en cause et oùla République a rompu le pacte social avec certains

3/

Lire le compte-rendu

de la table ronde en

pages 9-10.

4/

Présent sous la forme

d’une interview

préenregistrée,

effectuée quelques

jours avant la

rencontre nationale

par Didier Adès.

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“ La politique urbaine, à qui l’on prête une vocation de redistribution de richesses,est arrivée à une impasse sociale, car mieux aménager ne résoud pas forcémentle problème des disparités. ”

Jean-Louis Borloo interrogé par Didier Adès.

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8 / URBANISME / HORS SÉRIE n° 21 - mars-avril 2004

Si le mot “territoire” possède de” nombreux sens (enéthologie, géographie, sciences sociales…), sonusage politique le plus fréquent privilégie un décou-page administratif particulier qui assure à la fois unecohérence géographique et une cohésion de sa popu-lation. En effet, on adhère à un territoire car il appa-raît “naturel”, “légitime”, “normal”, et l’on oublie qu’ila été modelé, façonné, fabriqué à un moment donnépour des ambitions locales partagées. En France, àla fin du XVIIIe siècle, les habitants qui souhaitaientque leur ville devienne le chef-lieu du départementn’hésitaient pas à vanter les mérites de leur territoire(climat “sain”, population “accueillante” et “indus-trieuse”, paysage “riant” et “enchanteur”, etc.), et àdénigrer les bourgades voisines. À présent, le “mar-keting urbain” liste et classe les qualités d’un terri-toire afin de bien le distinguer des autres et récol-ter la manne des entreprises et des touristes…À la notion souvent péjorative de “disparité”, qui sous-entend “inégalité”, il convient de préférer “disparate”

qui exprime le “différent”, ce parent de “diversité”, motmagnifique qui brille de toute sa “pluralité” et de soninaltérable “variété” ! Un territoire qui impose à toussa délimitation, se dote alors facilement d’une “iden-tité”, c’est-à-dire de cette qualité rare et enviée, d’“être reconnu pour tel”. Ainsi tous les territoires quis’équipent des mêmes infrastructures, misent sur lesmêmes atouts pour attirer le chaland, multiplient lesfestivals, pratiquent les mêmes “plans lumière” oules mêmes interventions paysagères, ne génèrentpas nécessairement de l’identité, mais plutôt du sem-blable, du déjà vu, du pareil au même. Là aussi, laconscience claire de ce qu’on possède en propre suf-fit à se valoriser, pas la peine d’en rajouter. On a cequ’on a, on est ce qu’on est. Et l’on devient ce qu’onabrite en soi. L’identité territoriale est une affirmationpoétique d’une ambition collective qui se refuse àporter l’uniforme de la modernité, mais cultive, à sonniveau et avec ses moyens, sa singularité à nulleautre pareille. l Th. P.

secteurs géographiques, avec certaines populations,avec certains quartiers blessés.” Le remède de la poli-tique de la ville a-t-il été pire que le mal ? “Quand laFrance réduisait son taux de chômage d’un tiers, ilaugmentait dans le même temps de 35 % dans cesquartiers !”, a rappelé le ministre. “La complexitéfrançaise a transformé la politique de la ville en pro-cédure d’instruction financière, et non en politiqued’action et de rénovation urbaine. Il faut inverser latendance, en simplifiant au maximum les procédures,en sécurisant les crédits et en rendant plus transpa-rentes les décisions. Ce sera le rôle de l’Agence derénovation urbaine” /5, a affirmé Jean-Louis Borloo.

D’abord une reconnaissance des acteursDes moyens plus concentrés sont certes nécessaires– bien que ce soit un peu contradictoire en période

de décentralisation. Mais il faut aussi une véritablereconnaissance du rôle des acteurs locaux, en par-ticulier des maires et des citoyens, dans la luttecontre ces disparités territoriales qui peuvent s’avé-rer dramatiques pour la cohésion sociale. Car, dansce domaine, comme l’a rappelé à juste titre l’écono-miste Hervé Hutzinger au cours du débat de conclu-sion de la rencontre, “il n’est de richesses qued’hommes. Il faut par conséquent travailler sur lestraces, sur la mémoire de la ville, et concilier aumieux l’amplification du rebond économique et lagestion du rattrapage social”. Un programme auxallures de mission impossible ? “Ce qui crée le plusde difficultés, a commenté Jean-Paul Bailly, qui pré-side aux destinées de La Poste après avoir pilotécelles de la RATP, c’est le statu quo dans un mondequi change…” l P.G.

*Territoires et identités Chaque territoire revendique la plus grande autonomie politique et économique possible et

souhaite connaître le développement le plus respectueux de son histoire, de ses terroirs et de ses popu-lations. Chaque territoire se considère aussi, sinon davantage, original et singulier que ses voisins.Pourtant, il existe des territoires plus ou moins gâtés que d’autres par la géopolitique, la longue histoiredes hommes, le jeu inégal de la mondialisation, la répartition des matières premières, les conditionsclimatiques et bien d’autres caractéristiques. Thierry Paquot rappelle que tout territoire résulte avanttout d’une construction culturelle. l

5/

La création d’une

“agence nationale

pour la rénovation

urbaine” est l’une des

dispositions prévues

par la Loi d’orientation

et de programmation

pour la ville et la

rénovation urbaine

adoptée le 24 juillet

2003. Établissement

public à caractère

industriel et

commercial (EPIC),

l’agence collectera

les crédits nationaux

consacrés à

l’aménagement et au

logement social et les

affectera aux projets

proposés par les

collectivités locales.

Elle bénéficiera de

financements de l’État,

de l’Union d’économie

sociale pour le

logement (1 %), de la

Caisse des dépôts et

consignations et d’une

partie des cotisations

versées par les HLM à

la Caisse de garantie

du logement locatif

social. Ce “guichet

unique” pilotera le

programme national

de rénovation urbaine

qui prévoit notamment

la démolition,

la construction ou

la réhabilitation de

600 000 logements

sociaux d’ici à 2008.

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Après plus d’une décennie de politiques de la villeet une dépense d’environ quarante milliards d’eu-ros /1, le “problème des quartiers” n’est toujourspas résorbé en France. Faut-il s’en étonner ? À vraidire, seuls s’en scandalisent ceux qui avaient pensépouvoir en venir à bout en quelques années en cir-conscrivant le problème. Or c’est précisément cetteméthode qui suscite aujourd’hui les critiques conver-gentes des chercheurs et des praticiens : isoler des“poches de pauvreté”semble être le plus sûr moyennon de réduire mais parfois de renforcer les inéga-lités sociales.

Ville compacte ou diffuse :un changement de paradigme ? Pour le géographe Jacques Lévy, les disparités terri-toriales sont l’un des aspects qui opposent deux“modèles” de ville /2. D’un côté, Amsterdam illustrele modèle d’une ville européenne compacte, dense,mixte, à la population diversifiée, attachée auxespaces et aux services publics et qui cultive un artde “vivre ensemble”.À l’autre extrême, Johannesburg incarne le modèled’une ville diffuse, étalée, ségréguée, aux quartiersétanches et où chaque groupe social vit pour l’es-sentiel “entre soi”. Pour le meilleur et pour le pire.

Une fois cette distinction posée, le modèle d’Am-sterdam apparaît comme plus performant. Au planéconomique, selon J. Lévy, ce sont les villes com-pactes qui se portent le mieux dans la durée. Enalliant concentration et ouverture à l’Autre, elles fonc-tionnent comme des lieux d’émergence de l’inat-tendu, du non programmable, de la créativité–desavantages absents du modèle de Johannesburg, quisépare physiquement fonctions et populations. Demême, au plan politique et social, on trouve moinsde disparités dans les villes compactes, qui entre-

tiennent leur cohésion, que dans les villes ségréguées– les problèmes de la Seine-Saint-Denis sont graves,mais sans commune mesure avec les émeutes pério-diques de Los Angeles. Cela commence à se savoir...Partout dans le monde, des agglomérations cher-chent à se distancier du modèle de Johannesburg età s’inspirer du modèle d’Amsterdam. Ainsi, chan-geant de paradigme, Houston, Chicago, Auckland,Vancouver ou Sydney multiplieraient les projets detransport public et les programmes de “décommu-nautarisation” réussie. Dans cette conjoncture,Jacques Lévy s’étonne qu’en France, les “quartiersdifficiles” soient traités “à la Johannesburg”, selonune logique ségrégative qui lui paraît le plus sûrmoyen d’aggraver le problème.

Le territoire, refuge du désespoir ? “Il ne faut pas mettre des murs, mais voir les hommes”,surenchérit Jean-Pierre Rosenczveig, président duTribunal pour enfants de Bobigny. Dans le départe-ment de la Seine-Saint-Denis, justement, un quart dela population a moins de dix-huit ans et se trouvesouvent en difficulté : “Ce département devient unghetto de l’Île-de-France, où se concentrent les souf-frances sociales”. Or, avec l’affaiblissement des grandsthèmes mobilisateurs (“Depuis la construction del’Europe, nous n’avons plus d’ennemi…”) et la sur-valorisation des trajectoires individuelles (genre“c’est mon choix”), les jeunes n’ont guère de projetscollectifs auxquels s’identifier. La seule grande ques-tion qui leur est offerte aujourd’hui est le débat sur…la retraite ! En fait, il ne leur reste pas d’autre choixqu’une rétractation, un repli sur le territoire. “Touchepas à mon quartier” : cette protestation de souverai-neté territoriale est aussi bien le fait des jeunes dému-nis, qui empêchent l’État de pénétrer dans “leur” ban-lieue, que des populations plus aisées retranchéesderrière leurs murs.

� � �mars-avril 2004 - HORS SÉRIE n° 21 / URBANISME / 9

“Dis-moi comment tu vas, je te dirai où tu vis…” La conjonction entre inégalités sociales etségrégations territoriales consolide et accentue les écarts entre populations riches et pauvres. Commentéchapper à la logique de l'enfermement ? Les réponses des intervenants à la table ronde d’ouverturesont toutes allées dans la même direction : il faut dissocier les politiques de lutte contre les inégalitéssociales de celles qui régissent les organisations territoriales. Quelques moments d'un débat à la tona-lité plutôt grave, l par Richard Quincerot.

Jacques Lévy

Jean-Pierre Rosenczveig

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*Des disparités à “déterritorialiser” ?

REGARDS CROISÉS

1/

Évaluation totale

de la Cour des

comptes, rapport

public particulier

sur la politique

de la ville, synthèse,

février 2002.

2/

Cf. Jacques Lévy,

“La mesure

de l'urbanité”, in

Urbanisme n° 296,

sept.-oct. 1997,

pp. 58-61 et

“Les trois paradoxes

de l'urbanité

européenne”,

in Urbanisme n° 314,

sept.-oct. 2000,

pp. 56-59.

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10 / URBANISME / HORS SÉRIE n° 21 - mars-avril 2004

Pour renverser cette logique, estime Jean-PierreRosenczveig, il faudrait développer des politiquessociales qui ne soient pas réservées aux quartiers endifficulté – ce qui ne fait que renforcer leur stigmati-sation –, mais s’appliqueraient à l’ensemble des ter-ritoires où jouerait la solidarité entre toutes lescouches de population. Sur le terrain, un repéragefin doit permettre de toucher les gens en souffrancelà où ils sont : “Attention aux services sociaux ‘scot-chés’ en bas de l’immeuble, avertit le magistrat, alorsque les besoins sont au huitième étage !”

Inégalité aussi devant la maladieLa santé est paradoxalement l’un des aspects les plusrésistants aux remèdes apportés aux disparités ter-ritoriales. Succédant aux “quartiers insalubres” repé-rés naguère par l’urbanisme hygiéniste, les “quar-tiers” d’aujourd’hui sont dits simplement “difficiles”,mais on y est malade et on y meurt toujours plusqu’ailleurs. Catherine Jung, médecin généraliste dansle quartier du Neuhof, à Strasbourg, analyse le pro-blème en termes d’accès aux soins : “Depuis vingtans, les choses se sont bien améliorées. Avec la cou-verture maladie universelle (CMU), les gens accèdentaux soins en cas de maladie grave. Mais il reste biendes problèmes, qui se situent en amont.”

Distance culturelle et distance spatiale se conjuguenten effet pour compliquer l’accès aux spécialistes ouaux kinésithérapeutes, réputés chers (“C’est pour lesriches !”) et localisés généralement au centre-villeou dans les “beaux quartiers”. “Une patiente illet-trée refusait de prendre un autre bus que le 4,témoigne Catherine Jung, parce que c’était le seulchiffre qu’elle connaissait. De même, bien des gens‘traînent’ parce qu’ils ont peur de ne pas se faire com-prendre par le docteur.” Enfin, la stigmatisation duquartier elle-même devient pathogène. Elle renforcedes sentiments de dévalorisation personnelle et d’im-puissance, causes de petites pathologies et de mal-être récurrent (“Si je suis coincé là, c’est que je nevais pas bien...”). Résultat : les populations les plusfragiles souffrent fréquemment de pathologiesgraves parce que détectées trop tard.

Ne pas se tromper d’objectifMalek Boutih, ancien président de SOS Racisme, ad’autres raisons de condamner la territorialisation dela pauvreté : “En regroupant les pauvres entre eux,en leur réservant des traitements particuliers, le toutsur fond de crise économique, on a paradoxalementaccéléré la ‘ghettoïsation’ au lieu de la réduire.” Lesgrands ensembles, qui avaient porté au départ desespoirs d’ascension sociale, sont devenus des lieuxde relégation, de zonage social, dont il est très diffi-cile de sortir.

Dans un tel contexte, les politiques réparatrices ne doi-vent pas se tromper d’objectif. “Inutile de construiretoujours plus d’équipements dans les quartiers, mar-tèle Malek Boutih, si les gens doivent continuer àdevenir de plus en plus pauvres. Le vrai problème,c’est la redistribution des richesses.” Et d’en appelerà la solidarité de la société dans son ensemble. “Je suisconvaincu que les exclus ont un rôle politique majeurà jouer en France, conclut Malek Boutih : pas en marge,pas à côté, mais au cœur de la société française.”

Conflits, institutions, solidaritéComment réduire les disparités territoriales sans lesmettre à part ? Une première piste proposée par lesociologue Michel Wieviorka est la notion de conflit :“Nous sommes orphelins d’un principe de conflic-tualité sociale qui, pendant les années 60-70, avaitpermis de résoudre bien des problèmes et irriguaiten profondeur toutes nos pensées et nos actions. Aulieu de les sectoriser, nous devons ‘reconflictualiser’les questions sociales : transformer les ‘problèmes’sociaux en ‘conflits’ sociaux est peut-être la meilleuremanière de les aborder.”

Comme deuxième piste d’action, Michel Wieviorkapropose un vaste chantier institutionnel : “Nousavons l’image d’institutions qui ne sont plus capablesde tenir les promesses de la République – Liberté,égalité, fraternité – n’ont pas le même sens dans le16e arrondissement et en Seine-Saint-Denis”. Ce défi-cit peut conduire à la nostalgie ou à la résignation.Le sociologue invite au contraire à “réinventer nosinstitutions”: “Personne n’est contre la République,mais le modèle hérité du passé connaît de grandesdifficultés dans un monde qui a changé. La questionest plutôt : qu’en faisons-nous ?”

Enfin, Michel Wieviorka constate la montée en puis-sance des particularismes culturels et des demandesd’individus entendant maîtriser leur existence commeils l’entendent. Trop souvent méprisés ou considéréscomme égoïstes ou sécessionnistes, ces phéno-mènes émergents seront au contraire de formidablesleviers d’action s’ils peuvent être branchés à nouveausur des projets communs. “Le problème n’est pas decombattre l’individualisme, conclut Michel Wieviorka,mais d’articuler les demandes individuelles avec dessolidarités collectives : de marier à nouveau le parti-culier et l’universel, l’individu et la République.” lR. Q.

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� � �mars-avril 2004 - HORS SÉRIE n° 21 / URBANISME / 11

“L’intégration à la française a très bien fonctionné jusqu’au moment où elle n’a plus fonctionné !”Ce jugement en forme de lapalissade, dû au ministre de la Ville, résume assez bien le malaise ressentidans les agglomérations par les élus et surtout les “disparités” vécues par les populations. À l’ère desgrandes mutations sociétales et institutionnelles, l’air de la ville semble manquer et les politiques confi-nent à l’asphyxie. Les maires ne baissent pas pour autant les bras et tentent de faire souffler le vent dulocal vers le global. Dur métier… l Regards d’élus sur les disparités territoriales, par Olivier Réal.

*Les maires veulent changer d’ère

REGARDS D’ÉLUS

Culturellement, les maires ont le sentiment d’avoirbeaucoup “avancé” sur leurs territoires, au pointqu’ils réclament plus que jamais à l’État d’en faireautant. Une nécessité évoquée à l’unisson par lesintervenants au cours de la seconde table ronde,illustré par les nombreux regrets exprimés vis-à-visdes insuffisances,voire des carences,des différentesépoques de la politique de la ville. Ce “peut mieuxfaire”s’est d’ailleurs vite transformé en “doit mieuxfaire”, au nom de l’équité et du droit commun.

Jean-Marie Bockel :“Le devoir et la parole du maire”“L’addition des politiques volontaristes me donne unsentiment d’échec du ’’vivre ensemble’’ dans ma ville”,affirme Jean-Marie Bockel, maire de Mulhouse et pré-sident de l’Association des maires de grandes villes deFrance, qui souligne que “le contexte de ghettoïsation

s’est accentué”. Mulhouse, c’est 50% des bénéficiairesdu RMI et des logements sociaux du département. L’ha-bitat ouvrier construit au XIXe siècle, puis la crise indus-trielle de la fin du XXe siècle ont créé cette situation de coha-bitation entre des “morceaux de ville” qui vont bien etd’autres pas. “Aujourd’hui la politique de la ville ‘à lafrançaise’ touche à ses limites. Je plaide pour un retourau droit commun dans le rapport à l’éducation, dansle soutien aux parents et aux familles, par rapportaux problèmes de sécurité et de prévention, à toutesles discriminations, au mythe de l’intégration – car lamachine à intégrer est grippée –, au logement, auxtransports ou à l’emploi… En même temps, il fautcontinuer à avoir l’esprit qu’il convient de donner plusà ceux qui en ont le plus besoin, et dans la dignité.”Et Jean-Marie Bockel de revendiquer un rôle majeur,mais exigeant : “Un maire a le devoir de faire et d’agir,et le devoir de dire. Dans le monde d’aujourd’hui, laparole du maire a autant d’importance que ce qu’il fait.”

Jean-Marie Bockel

OUVE

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12 / URBANISME / HORS SÉRIE n° 21 - mars-avril 2004

Pierre Bourguignon :“La ville, c’est le lieu de la liberté”Maire d’une ville de banlieue, Sotteville-lès-Rouen,Pierre Bourguignon, président de l’Association desmaires Ville et Banlieue de France, se veut “un purproduit et acteur de la République démocratique,laïque et sociale”. Pour lui, “c’est bien un enjeu desociété de s’assurer que chacun puisse vivre dans sesdroits sur les choses premières. Il n’y a pas forcémentde contrepartie à des droits. Dans ma ville de 30 000habitants, historiquement ouvrière, il y a 3 400 loge-ments HLM, soit autant que dans l’ensemble d’uneagglomération de 50 000 habitants voisine de lanôtre. Il n’y a pas pour autant de problème majeur.Nous travaillons collectivement sur l’ensemble desservices de la ville, nous sommes le ’service aupublic’. Mais n’oublions pas que fondamentalement,la ville est le lieu de la liberté. Elle doit le rester, nousnous battons en permanence pour cela.”

Michel Thiollière :“Dynamiter la pyramide”Un plaidoyer partagé par le sénateur-maire de Saint-Étienne : “Le maire est celui qui peut faire changer leschoses”, se félicite Michel Thiollière, qui est aussi leprésident de la communauté d’agglomération Saint-Étienne Métropole. “Il faut imaginer la ville de demain,avec de nouveaux territoires, dans un monde en per-pétuelle évolution. Nous devons nous y adapter en gar-dant notre fonction de ville. Il existe une complémen-tarité entre les agglomérations de Lyon (1,2 milliond’habitants) et de Saint-Étienne (400 000 habitants). Sinous voulons atteindre une dimension européenne,que seul Paris connaît en France, c’est en gardant nosidentités.” Mais les relations avec l’État ne simplifient

pas la tâche de l’élu : “La politique de la ville, c’esttoute la ville, plaide-t-il, pas seulement certains quar-tiers. Quand je construis une salle de musique horsdes quartiers en difficultés, je n’ai pas le droit auxaides de l’État alors même que je fais de la politiquede la ville. Bâtissons de véritables contrats entre l’É-tat et les municipalités ! L’avenir des territoires passepar l’attractivité, par la valeur ajoutée autour de laqualité de vie et de culture. Le monde moderne s’or-ganise en réseau, il faut dynamiter la pyramide ducentralisme…”

René Vandierendonck :“Une politique pour et dans la ville”“Je suis fier d’habiter un pays qui s’intéresse à la poli-tique de la ville en dehors des périodes électorales!”René Vandierendonck, maire de Roubaix et vice-pré-sident de la Communauté Urbaine de Lille Métropole,n’a pas mâché ses mots : “Depuis vingt ans que jesuis maire, jamais l’État n’a été à la hauteur desenjeux. Méfions-nous de l’autre idéologie, avec leplan Marshall/Borloo sur la rénovation urbaine. Onprend le risque de concentrer les efforts, jusqu’à lacaricature, sur le seul bâti et sur le seul logementsocial. Mais cela ne recouvre pas l’ensemble de laproblématique. Pour faire de la politique de la ville,il faut aussi travailler globalement avec les habitants.L’État est certes celui qui intègre l’intérêt général, aunom du suffrage universel, et il est le garant de la soli-darité nationale. Mais les collectivités territorialespeuvent tout à fait co-produire avec l’État. Et ce n’estpas parce que l’on co-produit avec lui qu’il doit sedéfausser.” Un message qui n’aura pas manquéd’être entendu dans les étages de la Grande Archede La Défense… l O. R.

Saint-Étienne : l’avenir passe par l’attractivité.Mulhouse, ville ouvrière bousculée par la crise. Roubaix veut miser surtout sur ses habitants.

Pierre Bourguignon

Michel Thiollière

René Vandierendonck

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Abst

ract

What is a “territory”? Mainly – but far from exclu-sively – an administrative entity, indicated ThierryPaquot, with an identity based on its true uniqueness,rather than on attempts at a standardised appeal tobusiness and tourism.

Naturally there are differences between territories.But has the “territory gap” ever been wider than it isnow? With today’s urban trends towards sprawl, frag-mentation and the appearance of individual, diver-gent “communities”, the issue is how to maintainsocial cohesiveness and enhance an inter-neigh-bourhood sense of community while generating theopportunities required for sound territorial evolution.From the 24th National Congress of French town plan-ning agencies there emerged both a comprehensiveinventory of current disparities and ideas for the futurethat reflect all the diversity of today’s situation.

The initial overview was frankly realistic. As theFNAU’s Myriam Constantin pointed out, the Île-de-France Region is home to inequalities that have beenmounting steadily increasing since the mid-80s.Furthermore, as in the rest of France, increasing “spe-cialisation” of such disparities is giving rise to moreand more complex – and sometimes contradictory –solutions. Expert input is vital, but FNAU presidentAndré Rossinot and juvenile court magistrate Jean-Pierre Rosensczveig noted that in the European con-text the neighbourhood is not necessarily the bestplace to look for answers. While attractivenessremains a major economic issue, SOS Racism’s MalekBoutih and sociologist Michel Wieviorka stressed that“social debate” should not be ignored: as overallemployment in France fell by one third, the State’s“neighbourhood policy” failed to prevent a 35%unemployment rise in disadvantaged neighbour-hoods! One crucial matter, then, is reconciliation ofeconomic recovery with advances in social justice. Ifsocial “problems” are once again seen as social “con-flicts”, said Wieviorka, solutions may become morereadily apparent.

Health disparities are a particular source of concern:as Strasbourg general practitioner Catherine Jungnoted, illness and mortality rates are systematicallyhigher in “deprived” neighbourhoods, where peopletend to seek treatment later than elsewhere.

Geographer Jacques Lévy stressed the differencebetween the compact “European” city with itsemphasis on social variety (e.g. Amsterdam) and thesprawling version where social groups “sticktogether” (e.g. Johannesburg). He sees the compactmodel as superior: proximity and receptivity leavemore room for the spontaneous and creative, evenif, as Jean-Pierre Rosensczveig corrected, precautionssometimes need to be taken to ensure that the neigh-bourhood does not become a fortress.

Local mayors have a major role to play in the Frenchcontext, but feel, said Jean-Marie Bockel, mayor ofMulhouse and head of the Association of Mayors ofLarge Cities, that they are being held back by the Stateon such issues as crime prevention, discrimination,integration, housing, transport and employment.Pierre Bourguignon, mayor of Sotteville-lès-Rouen,cited his municipality as proof that large-scale publichousing need not be synonymous with social prob-lems. For St Etienne mayor Michel Thiollière, State“neighbourhood policy” can only work if it takesaccount of the global urban context; but whateverform this policy takes, added Roubaix mayor RenéVandierendonck, it is doomed to failure if residentsare not given their say in a context of State-territory“co-production”.

Setting the scene

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*Disparities, diversity, differences

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14 / URBANISME / HORS SÉRIE n° 21 - mars-avril 2004

*Région capitale,territoires à enjeux

L’Île-de-France n’est moins que jamais une région comme les autres. Régioncapitale dont la diversité – avec toutes ses disparités – est manifeste, voire parfoiscritique, elle est révélatrice des tensions qui “travaillent” les territoires français eteuropéens,mais aussi des solutions qui émergent pour y faire face.À défaut de pouvoir enaborder tous les aspects,la réflexion sur l’avenir de l’Île-de-France peut se nourrir d’exemplescontrastés,tirés des visites proposées dans le cadre de la rencontre nationale des agencesd’urbanisme. l Une enquête de Pierre Gras, Olivier Réal et Richard Quincerot, illustrée par Serge Mouraret.

Outre les démarches menées dans Paris intra muros,que les participants à la rencontre nationale étaientinvités à découvrir “par l’exemple”, de Montmartreau Marais,en passant par le vieux village de Charonne(quartiers Saint-Blaise et de la Réunion), Bercy et lanouvelle “rive gauche”,jusqu’aux lisières parisiennesdu périphérique Nord /1, les visiteurs ont pu décou-vrir – ou voir sous un jour nouveau – quelques-unsdes “sites à enjeux” de la Région Île-de-France.

Périphérique : la boucle est boucléeLongue de quelque trente-cinq kilomètres, la boucledu périphérique parisien illustre mieux qu’aucunautre exemple les problématiques du développementurbain actuel. Parcouru par plus d’un million de véhi-cules chaque jour – ce qui en ferait le monument le plusvisité de France s’il était inscrit au patrimoine /2 –, ilconstituait en quelque sorte la “frontière naturelle” –comme jadis les “fortifs” – entre Paris et sa “ban-lieue”, une notion d’ailleurs contestable et poly-morphe. De fait, c’était bien une coupure physiqueet symbolique majeure qui, depuis 1973 – date deson achèvement – et jusqu’à une époque très récente,entérinait le divorce entre la capitale et son environ-nement urbain immédiat.

Menés d’abord dans les communes limitrophescomme Aubervilliers ou Saint-Denis, puis sur le ter-ritoire même de Paris, les projets d’aménagement oude renouvellement urbain plus ou moins liés à la“politique de la ville” ont trouvé place dans cettedichotomie pour organiser progressivement la recon-quête de vastes territoires jusqu’alors délaissés etfranchir, autant que faire se pouvait, cette “frontière”.Une frontière autour de laquelle cohabitent plus de700 000 habitants, Parisiens ou “Banlieusards”, et

pas moins de douze ensembles importants de loge-ments sociaux. Six chartes de coopération ont ainsiété signées entre la Ville de Paris et les communesou intercommunalités limitrophes, décrivant enfinles “actions à entreprendre ensemble”.

De la désindustrialisation à l’émergence tertiaireL’exemple de la Plaine Saint-Denis, dont Olivier Réalbrosse l’histoire récente /3, est caractéristique d’uneépoque où la désindustrialisation signait l’arrêt demort de pans entiers du territoire francilien. Désor-mais fonds publics et investissements privés sontdirigés en priorité, sur un territoire six à sept fois plusvaste que celui de La Défense, vers les activités ter-tiaires à valeur ajoutée et jouent à contre-courant,aidés de manière non fortuite par de grands événe-ments sportifs leur servant de levier, comme la coupedu monde de football ou les candidatures de Parisaux Jeux olympiques…

Promu “pôle touristique européen” grâce aux équi-pements de Disneyland-Paris, le Val d’Europe consti-tue également un centre urbain régional majeur, maisd’une autre nature. La “mono-fonctionnalité” ludiqueinitiale lui fait courir un certain nombre de risques encas de retournement de tendance /4, mais ce terri-toire dispose d’un niveau d’équipement et d’infra-structures exceptionnel, bien supérieur à ce que lesmieux pourvues des villes nouvelles n’osaient espé-rer dans les années 90. Et il bénéficie d’un remar-quable développement universitaire, des activités derecherche et de filières “porteuses” comme lessciences de la vie, l’ingénierie urbaine ou les arts etspectacles, ce qui est prometteur pour les prochainesdécennies.

1/

Ces visites étaient

proposées par

l’IAURIF, l’Atelier

parisien d’urbanisme

et le Port autonome

de Paris.

2/

Mais cela pourrait

venir, comme

en témoigne

Périphérique,

ouvrage du

photographe

Patrick Tournebœuf

(du collectif

“Tendance Floue”)

qui lui est consacré

(éditions

Atlantica, 2003).

3/

Lire en page 16.

4/

Cf.“Eurodisney a cinq

mois pour prouver sa

viabilité”, in Le Mondedu 18 novembre 2003.

Lire aussi en page 17.

Paris / Île-de-France

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Richard Quincerot a, de son côté, rencontré un terri-toire a priori privilégié où le “bonheur territorial”semble être enfin au rendez-vous : celui de la valléede Chevreuse, dont les destinées sont gérées depuis1985 au sein d’un parc naturel régional, le plus ancienet le plus central des PNR d’Île-de-France. Mais l’opu-lence a ses limites, qui concernent la pénurie de loge-ments et l’affaiblissement de l’activité économiquelocale, donc de l’emploi. Et ce quasi vingt et unièmearrondissement de Paris, chic et naturel, connaît mal-gré tout des difficultés /5.

Nouveaux espaces, nouveaux usages ?Enfin, parce qu’ils constituent aujourd’hui des terri-toires extrêmement convoités dans le cadre d’unerelative rareté foncière, il faut évoquer ici les espacesfluviaux. L’une des visites en proposait l’approche,depuis Sèvres jusqu’à Ivry. Ces espaces sont deve-nus aujourd’hui emblématiques non seulement denouvelles formes de développement urbain – recon-quête de friches industrielles comme celle de Renaultsur l’île Séguin, réutilisation d’une partie de l’anciennezone artisanale de Bercy, opérations mixtes de loge-ments (haut de gamme ou sociaux) et d’équipements,reconnaissance du rôle des espaces portuaires dansles dynamiques d’aménagement, fonctions touris-tiques ou de transport à travers notamment les “bato-bus” –, mais également, comme en témoigne le suc-cès aussi récurrent que médiatique de l’opérationParis-Plage, de l’émergence de nouveaux usagessociaux à l’interface entre la ville et l’eau.

Au-delà des exemples qu’illustrent les reportages quisuivent, les enjeux franciliens apparaissent d’uneautre nature, plus politique et réglementaire quepurement économique ou sociétale. La révision duschéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF)soulève ainsi un ensemble de questions qu’il n’estguère possible de détailler dans le cadre de cetterapide présentation, mais auxquelles il était difficilede ne pas penser au fil des visites.

L’enjeu du schéma directeurDans son intervention de clôture de la rencontre natio-nale, Jocelyne Riou, vice-présidente du Conseil régio-nal et de l’IAURIF, ne s’y est d’ailleurs pas trompée :“Le SDRIF demeure à mes yeux le principal enjeurégional de demain […], le point d’appui à partirduquel la Région optimisera ses capacités de miseen œuvre de politiques structurantes.” Qu’il s’agissed’enjeux financiers (à travers le prochain contrat deplan ou les futurs contrats avec les intercommunali-tés émergentes), réglementaires (PLH pour l’habitat,PDU pour les transports, implantations universitairesou hospitalières) ou stratégiques (le positionnementde l’Île-de-France sur l’échiquier international), sans

parler de questions plus transversales comme lesproblèmes fonciers ou l’évolution démographique,le SDRIF tend à dominer les discours sectoriels : “Cen’est pas une machinerie technocratique, plaide ainsiJocelyne Riou, il s’agit d’un instrument de justicesociale et territoriale, une arme dans le combat contreles inégalités. C’est un instrument qui sera partagéavec l’État, les départements, les intercommunalitéset les habitants. Le temps d’un document rédigé parles seuls hauts fonctionnaires d’État et imposé mal-gré l’avis négatif de l’ensemble des assembléeslocales est aujourd’hui révolu.” De fait, joignant lesactes à la parole, le débat sur les enjeux régionaux aété largement ouvert par l’IAURIF à l’occasion de sixforums “techniques”, réunis de juin à octobre 2003,autour des principaux thèmes de réflexion straté-gique du SDRIF (contribution des territoires à la dyna-mique régionale, liens et mobilité, écosystème métro-politain, vivre en Île-de-France...) /6.

Affirmer le “projet de territoire”Optimisme de rigueur ? C’est en tout cas “en s’ap-puyant sur le SDRIF”, explique Jocelyne Riou qu’ilfaut aborder l’avenir et résoudre avec “plus d’effica-cité encore”, un certain nombre de difficultés vécuespar les habitants de l’Île-de-France : le logement, le“rééquilibrage à l’Est”, la qualité de l’environnementurbain et enfin la gestion du “cœur de l’aggloméra-tion capitale”, car “densité ne doit plus rimer avecrejet, mais avec qualité”. Pour y parvenir, il convientd’affirmer, à chaque fois qu’elle est possible, la via-bilité d’un “projet de territoire” qui se substitue à lalogique du “guichet à subventions” et parvienne à“habituer les différents niveaux de collectivités à tra-vailler ensemble”, pour “favoriser la coopération plu-tôt que la concurrence” et ainsi “mieux répondre àl’attente des citoyens”. Ce “projet de territoire”, quiprévaut déjà dans le Centre Essonne avec la créationd’une agence d’urbanisme ou dans l’Est parisien avecle travail de l’ACTEP /7, s’affirme progressivementdans la vallée de la Bièvre ou sur les “territoires prio-ritaires” définis avec l’État dans le cadre du contratde Plan /8.

Certes, tout au long de la rencontre nationale, la “dis-parité” des situations et des territoires est davantageapparue comme une source d’éclatement urbain etde “fracture sociale” que comme la base d’une com-plémentarité, sinon d’une véritable solidarité dansl’action, faute souvent d’une construction intercom-munale solide et ancienne. Mais l’exemple éclairantde l’Île-de-France dans ce domaine montre que cetétat de fait n’est peut-être pas, à terme, une fatalité.Car “diversité” peut également aller de pair – ne reculonspas devant le paradoxe – avec “unité”. lP. G., O. R. et R. Q.

PARI

S/Î

LE-D

E-FR

ANCE

5/

Lire en page 19.

6/

Cf. « Bilan stratégique

du SDRIF », Les Cahiersde l’Iaurif n° 140,

avril 2004.

7/

Association

des collectivités

territoriales de

l’Est parisien.

8/

Cf. le rapport

d’activités de

l’IAURIF 2002-2003,

sept. 2003, pp. 4-9.

Jocelyne Riou

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Plus vaste territoire d’Europe à vocation industrielleentre la deuxième partie du XIXe siècle et la premièremoitié du XXe, la Plaine Saint-Denis a été frappée deplein fouet,à partir des années soixante,par la désin-dustrialisation. Départs d’entreprises,déclin du sec-teur Nord-Est de la région parisienne et effritementde la population ont incité les collectivités locales àse rapprocher. Engagée dès 1985, la réflexion inter-communale s’est opérée au sein du Syndicat PlaineRenaissance, rassemblant les villes d’Aubervilliers,de Saint-Ouen,de Saint-Denis et le Conseil général.Ce premier acte a permis l’élaboration d’une “charteintercommunale pour l’aménagement et le déve-loppement de la Plaine Saint-Denis”,signée en 1990.La “Plaine nouvelle” était en route.

Le stade de la transformationÀ l’époque, la Plaine Saint-Denis présente d’im-menses friches industrielles et des infrastructureslourdes (voies ferrées, A1, A86) qui contribuent àmorceler le territoire. Les principes de base retenusdans la charte intercommunale consistent à s’ap-puyer sur les transports collectifs et sur un nouveau

maillage, à la fois Nord-Sud et Est-Ouest, pour ledésenclaver et le restructurer. À la suite d’une consul-tation urbaine lancée par le syndicat (via la SEMPlaine-Développement) et associant les différentsacteurs, le “projet urbain de la Plaine” est présentéen 1992. Il donne clairement la priorité au dévelop-pement durable et s’attache à mettre en valeur lesatouts urbains et économiques locaux, notammenten favorisant la mixité des fonctions activité-habi-tat-équipement et en valorisant le canal Saint-Denis,porteur “d’image positive”. L’implantation du Stadede France, décidée en 1993, viendra ensuite stimu-ler cette (r)évolution urbaine avec l’aide de l’État,tout en contribuant à adapter les schémas initiaux.

Entre 1993 et 1998, plus de cinq milliards de francs defonds publics ont ainsi été investis sur la Plaine Saint-Denis, incluant le grand stade, nombre d’infrastruc-tures de transport (autoroutes, gare RER, station demétro…) et d’aménagements urbains (voiries, places,parkings…), mais aussi un programme immobilier de125 000 m2. Bureaux, locaux d’activités, commerces,complexe cinématographique, restaurants, équipe-ments publics ou encore logements contribuent àdéclencher le “déclic économique” tant attendu.

Une lisibilité nouvelleAu cours de l’année 2000 est créée la Communautéde communes Plaine Commune. Elle se transformel’année suivante en communauté d’agglomérationpuis s’élargit à deux nouvelles communes, Stainset L’Île-Saint-Denis. Parallèlement, l’implantation decent cinquante entreprises et la restructuration de300 000 m2 de bâtiments appartenant aux Entrepôtset Magasins Généraux de Paris (EMGP) amènent unelisibilité nouvelle à l’attractivité de ce territoire/1. Etla volonté affichée d’“inclusion sociale” porte peuà peu ses fruits. Signes apparents du renouveau enmatière d’habitat, les logements en accession à lapropriété, qui étaient aux abonnés absents depuisdes décennies, reviennent d’actualité (déjà un mil-lier de réalisations). La “mayonnaise” semble prendred’autant mieux que les investissements privés

1/

Le site EMGP

accueille le premier

pôle national

de production

audiovisuelle et un

pôle textile majeur

comprenant des

grandes marques

comme Kookaï,

Pronuptia, La City…

De grandes enseignes

étaient déjà présentes

auparavant sur

la Plaine, comme

EDF-Industrie,

premier employeur

local, et les

laboratoires

de recherche

de Saint-Gobain

et Rhodia.

*La Plaine Saint-Denis mène sa “révolution urbaine”

Mise en lumière à travers son “phare”, le Stade de France, à l’occasion de la coupe du mondede football de 1998 de fameuse mémoire, la Plaine Saint-Denis a profité à plein de cet “accélérateur dedéveloppement”. Mais cette mutation territoriale et socio-économique ne se résume pas à un stade,aussi emblématique soit-il. Récit d’une lente maturation. l

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PARI

S/Î

LE-D

E-FR

ANCE

1/

35 000 habitants

et 40 000 emplois sont

visés à l’horizon 2015.

Une trop rapide visite de Marne-la-Vallée offre évi-demment l’inconvénient du puzzle. Car l’impres-sion,sans doute injuste,qui domine est que la tramepaysagère et les infrastructures tiennent lieu d’or-ganisation générale. Cité Descartes, Le Mandinet,Bussy-Saint-Georges, Chessy TGV… Dans les diffé-rents “secteurs” de la ville nouvelle (ils sont aunombre de quatre), les quartiers défilent, plus oumoins bien intégrés dans un environnement voulu

“naturel”, les bâtiments s’égrènent dans une rela-tive harmonie au gré parfois des “signatures” d’ar-chitectes. Jusqu’au Val d’Europe, la partie la plusrécente. On assiste ici à la réalisation d’une “vraie”ville de 12 000 habitants /1, bâtie de toutes piècescomme à l’accoutumée, mais selon un conceptencore inédit en région parisienne : la ville commeproduit d’un aménagement touristique.Villas piedsdans l’eau avec vrais cygnes alternent avec des parcs

emboîtent le pas aux fonds publics, notamment enmatière d’immobilier d’entreprise (avec un poten-tiel de 900 000 m2 de planchers).

Dans le même temps, Paris affiche sa volonté de neplus tourner le dos à sa banlieue /2. À l’occasion dela candidature de la capitale aux Jeux Olympiquesde 2008, qui s’est soldée (peut-être provisoirement)par un échec, mais qui plaçait le village olympiqueau centre de La Plaine, à l’intersection entre Saint-Denis et Aubervilliers, de bonnes habitudes ont en

effet été prises pour essayer de travailler ensemble.Elles ont été conservées. L’évolution politique vientainsi judicieusement accompagner les transforma-tions économiques ou sociales en cours sur des ter-ritoires comme le Nord de Paris dont les “pointsnoirs” en matière de disparités, mis en exergue lorsdu recensement de 1999, sont comparables à ceuxde la Plaine Saint-Denis. Même si quelques pro-blèmes persistent et si de nouvelles initiatives res-tent à entreprendre, le “bonheur territorial” /3 estdans la Plaine, ou en passe d’y arriver… l O. R.

Autour des deux parcs d’Eurodisney réalisés à l’Est de la ville nouvelle de Marne-la-Valléeémerge une “ville” de 12 000 habitants, créée pratiquement de toutes pièces, avec 4 700 logements,un demi-million de m2 de zones d’activités et “le plus grand centre commercial d’Europe” qui attein-dra bientôt 100 000 m2. Au-delà du parti pris d’un aménagement capable de séduire les classesmoyennes supérieures de l’Île-de-France, cette opération continue de soulever nombre de questions,tant en matière de développement durable que de réduction des disparités territoriales. l

2/

Cf. le dossier

“Paris/Banlieues”

du numéro 333

d’Urbanisme, daté

nov.-déc. 2003,

pp. 37-72.

3/

Selon la formule

employée par

le président de la

FNAU en clôture

de la rencontre

nationale.

Une population jeune et des infrastructures de qualité, un atout pour Saint-Denis

*Marne-la-Vallée :de Disneyland au Val d’Europe

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18 / URBANISME / HORS SÉRIE n° 21 - mars-avril 2004

high-tech aux pelouses parfaitement nivelées,dansune sorte de banlieue paysagée pour gens heureuxqui constitue l’environnement obligé des périphé-ries anglo-saxonnes.Cette ville n’est certes pas sansqualités formelles, mais cet aménagement sousinfluence rencontre tout de même ses limites.

Un montage “original”“Le partenariat public-privé est la caractéristique fon-damentale du projet Euro Disneyland, souligneBertrand Ousset, directeur général adjoint des deuxétablissements publics ayant autorité sur le site,ÉPAMARNE et ÉPAFRANCE /2. Elle se trouve à l’ori-gine même du projet dans le double choix de la WaltDisney Company de s’adresser aux pouvoirs publicspour implanter un grand complexe touristique en Île-de-France et demander de s’installer dans le secteurIV de la ville nouvelle”. L’ “originalité” du montageentre les pouvoirs publics et Disney réside dans lefait qu’on n’a pas abouti, comme c’est souventl’usage, à la création d’une société d’économie mixtechargée de réaliser l’opération, mais à un systèmeoù, selon B. Ousset, “le public et le privé assumentpleinement les responsabilités qui leur incombent”.

Originale, à coup sûr, l’opération l’est complètement,tant par le cadre conventionnel retenu, les engage-ments publics contractés que par les modalités del’aménagement. Tout, en effet, ou presque est placésous régime dérogatoire. Ainsi, il est prévu que leséventuels conflits entre les partenaires seront régléspar les tribunaux civils américains ; le Premier ministre– Laurent Fabius à l’époque – a signé lui-même le“Projet d’intérêt général” intégrant le plan d’aména-gement du site /3 et les infrastructures exception-nelles réalisées (gares TGV et RER, routes, échan-geurs...) l’ont été dans des délais difficilementcompatibles avec les procédures administratives “nor-males”. Sans parler de la revente des terrains par l’éta-

blissement public “à prix de revient” et un systèmetrès complexe de “régulation des bilans a posteriori”sur la base des dépenses réelles, autrement dit un sys-tème permettant de compenser les déficits.

Des moyens exceptionnelsÀ opération exceptionnelle, moyens exceptionnels,répond-on en quelque sorte à l’ÉPAFRANCE : la pre-mière phase d’aménagement du site, par exemple,aurait représenté 2,7 milliards de francs (412 millionsd’euros) d’investissements publics pour 23 milliardsde francs (3,5 milliards d’euros) de fonds privés : un“ratio remarquable”, souligne-t-on dans le milieu del’aménagement. Avant de prendre leur décision, dès1986, l’État et ÉPAMARNE avaient fait réaliser par unbureau d’études indépendant une étude d’impact éco-nomique précisant le rapport entre les avantages etles coûts entraînés par l’opération... De là à présenterce “montage original” comme un “modèle d’amé-nagement”, selon l’expression de Bertrand Ousset, ily a malgré tout de la marge. D’abord parce que lesrésultats de l’investissement privé ne sont pas à lahauteur des attentes des actionnaires. Si le premierparc réalisé en 1992 selon le modèle “classique” et lafréquentation des hôtels sont à niveau, le second parcà thème, ouvert en mars 2002 autour du concept “WaltDisney Studios”, n’a pas atteint la fréquentation espé-rée et pèse lourdement sur les comptes. Les pertesannuelles de la filiale européenne (à 39,1 %) de la firmeaméricaine se sont ainsi aggravées depuis dix-huitmois, passant de 33 à 56 millions d’euros /4.

Retournement de tendance ?Il est clair qu’en cas de retournement durable de ten-dance, c’est bien, au-delà d’Eurodisney, toute la villenouvelle qui pourrait se trouver en difficulté, non seu-lement en termes d’emploi, mais aussi en matièreimmobilière et foncière. Car Eurodisney est égale-ment très impliqué dans la construction d’un véritable

2/

ÉPAMARNE

est l’aménageur

de la ville nouvelle

de Marne-la-Vallée

depuis sa création.

ÉPAFRANCE, créé en

1987, est l’aménageur

du secteur IV. Il n’a pas

de personnel propre,

mais une convention

le lie à ÉPAMARNE

qui met à sa

disposition les

moyens nécessaires

à son action.

3/

Le décret portant

approbation du Projet

d’intérêt général

relatif au secteur IV

de Marne-la-Vallée

a été signé le

23 mars 1987, à l’issue

de près d’un an

de négociations.

Ce document

spécifique est voisin,

dans sa présentation,

d’un schéma directeur

local. Il a été notifié

par le préfet de

Seine-et-Marne

aux cinq maires

des communes

concernées pour

être “pris en compte

d’office dans leur

POS” et au Syndicat

d’agglomération

nouvelle des Portes

de la Brie à qui a été

transférée d’autorité

la compétence

d’urbanisme.

4/

Selon le journal

Le Monde du

18 novembre 2003.

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“pôle urbain” aux portes même du parc. Et toutes lesprévisions (ventes de logements ou de bureaux,congrès, hôtellerie, impact commercial, taxe profes-sionnelle…) ont été effectuées sur la base d’un suc-cès de l’ensemble de l’opération. Qu’adviendrait-il,par exemple, d’un programme immobilier avec deluxe avec golf 18 trous, d’un parc d’expositions inter-nationales, d’un hôtel façon western ou de la plupartdes “infrastructures Mickey” si elles devaient se trans-former – pure hypothèse d’école pour l’instant – enfriche ? Personne, semble-t-il, ne préfère y penser.

C’est aussi parce que les engagements qui courent lefont… pour longtemps. Si le temps de retour surinvestissement public, sous la forme du produit fis-cal direct du projet, a été très court pour l’État pour lapremière phase (il a été amorti en un an environ), ilest estimé à quinze ans pour le SAN des Portes de laBrie et à vingt ans pour la Région Île-de-France /5.Nul n’a donc intérêt à “jeter le bébé avec l’eau dubain”… Bien sûr, plaide l’ÉPAFRANCE, si “l’expérienced’Orlando et de Tokyo fait ressortir le formidable pou-voir d’attraction et de développement des complexestouristiques organisés autour de très grands parcs àthèmes”, “elle met aussi en lumière les risques quefait courir à des collectivités locales en termes d’amé-

nagement harmonieux et équilibre une concurrenceanarchique et sans limites”. Un argument qui anotamment permis à Eurodisney d’obtenir un strictcontrôle des “initiatives induites par la proximité duprojet” non seulement dans le secteur IV mais aussià la périphérie de la ville nouvelle…

Dans une perspective de développement durable etde réduction des “disparités territoriales”, thème dela rencontre des agences d’urbanisme, une telle opé-ration fait donc question. On peut en effet s’interro-ger sans fin, dans un contexte économique moinsfavorable, sur la “réversibilité” et sur l’“évolutivité”de certains des aménagements ou des infrastructuresréalisés, tant la part est faite belle à l’automobile, àun habitat plus que sélectif et à une ville davantage“communicationnelle” que vécue, en dépit des sou-haits des élus locaux, qui ont plaidé pour l’aména-gement qualitatif des bourgs et la création de liensplus forts entre ancienne et nouvelle urbanisation.D’autant plus que les engagements privés ne sau-raient être longtemps tenus à fonds perdus : à Tokyo,devant les difficultés de portage financier du parclocal rencontrées par la société-mère américaine,celle-ci a opté pour une solution “plus légère”, sousla forme d’une simple franchise. l P. G.

� � �mars-avril 2004 - HORS SÉRIE n° 21 / URBANISME / 19

Quittant les rues embouteillées de Paris, l’autocarfile sur les voies rapides d’une périphérie chaotique,débouche sur le plateau de Saclay avant de s’enga-ger sur de très petites routes aux frondaisons flam-boyantes sous le soleil d’automne. Nous sommes àmoins de trente kilomètres du centre de la capitale,mais nous pourrions tout aussi bien être au cœur duMassif central.“On oublie parfois que l’Île-de-France,c’est aussi la campagne !,rappelle Christian Thibault,directeur du Département environnement urbain etrural de l’IAURIF.La région se partage entre 20 % d’es-paces urbains et 80 % d’espaces ruraux, dont 52 %sont couverts par l’agriculture et 23 % par la forêt”.La ceinture verte de Paris – une couronne comprise

dans l’intervalle entre deux cercles de dix et trentekilomètres de rayon – compte aujourd’hui quatreparcs naturels régionaux (PNR) couvrant le cinquièmede l’espace rural : la haute vallée de Chevreuse (1985),le Vexin français (1995), le Gâtinais français (1999) etOise-Pays de France (en cours de constitution).

“Naturel” sans doute, mais pour qui ? Avec vingt et une communes réparties sur 25 000 hec-tares pour (seulement) 46 000 habitants, Chevreuseest, parmi les quarante parcs naturels régionaux fran-çais, l’un des plus petits et aussi le plus proche d’unegrande agglomération. Au plan institutionnel, rienne le différencie des autres. C’est un organisme régi

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*Vallée de Chevreuse : les paradoxes de l’opulence

À moins de trente kilomètres de Paris, la Haute vallée de Chevreuse est un secteur privilégié,abritant la population la plus aisée de la partie la plus prospère de l’Île-de-France. Le parc naturel régional,le premier créé dans la ceinture verte parisienne, réussit à préserver ce coin de nature bucoliqueassiégé par l’urbanisation – non toutefois sans quelques difficultés créées précisément par la prospéritéambiante. Succès et limites d’une belle aventure. l

5/

Selon une étude

du CESDO (Services

d’études de la

Direction générale

des impôts

du ministère

des Finances).

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par les élus locaux, financé majoritairement par larégion et par le département, fonctionnant sur la based’un plan d’objectifs (charte) renouvelé tous les dixans. Mais à la différence des parcs ruraux, confron-tés à des problèmes de désertification, le parc deChevreuse est assiégé par l’urbanisation.

La pression est tout d’abord physique. Ainsi, pour res-taurer un petit cours d’eau, le Rhodon, le parc doit enga-ger un diagnostic approfondi sur l’ensemble du bas-sin versant amont de l’Yvette, de façon à faire la partdes problèmes provenant de l’urbain et du rural. Le faitest que la petite rivière prend sa source dans une sta-tion d’épuration et que le territoire du parc récolte deseaux pluviales ruisselant sur les sols imperméables devastes aires urbaines, dont la ville nouvelle voisine deSaint-Quentin-en-Yvelines, avec les risques de crues,d’érosion et de pollution que cela implique. Mais le lienavec l’urbain est surtout économique et social. À deuxpas de Paris, la région s’est transformée en une cam-pagne résidentielle haut de gamme, découpée en par-celles de grande taille souvent imposées par les com-munes. “Ce sont ces nouveaux arrivants qui ont pousséà la création du parc, analyse Charles-Antoine deFerrières, directeur du PNR de Chevreuse, afin de péren-niser le cadre idyllique où ils se sont établis”.

Un bel éventail de réussitesLe parc remplit avec un bonheur indéniable sa mis-sion d’information et de sensibilisation de la popula-tion. Les moyens sont multiples : publications variées,valorisation du patrimoine historique (château de laMadeleine, chemin Jean Racine…), actions ciblées deprotection de la nature, conseils offerts par une équipetechnique de vingt-cinq personnes dans les domainesde l’architecture, de l’environnement, du patrimoine,de l’urbanisme et des paysages, mobilisation descommunes au service des objectifs de la charte…

Mais un parc naturel régional a aussi pour vocationde veiller à la vitalité de son territoire. Une opérationprogrammée d’amélioration de l’habitat intercom-munale (sur dix-huit communes) a révélé qu’il exis-tait encore, dans cette campagne de luxe, des mai-sons sans confort avec toilettes au fond de la cour.Les aides techniques et financières ont cependantconvaincu un nombre croissant de propriétaires auxrevenus modestes de moderniser et de réhabiliterleurs bâtiments. C’est ainsi que le noyau central deChevreuse a été rénové et densifié avec le soutiend’un conseil en urbanisme, une charte signalétiquecodifiant en outre les enseignes et les publicités.

De sévères limites Mais l’action du Parc se heurte aussi à de sérieuseslimites. L’objectif de préserver les 44 % de surfaces

agricoles et le même pourcentage de forêts impliquede contenir l’urbanisation dans les 12 % restants, c’est-à-dire les bourgs et les villages. Cette raréfaction volon-taire du sol à bâtir a pour effet de renforcer la sélectionpar l’argent imposée par le marché foncier. Il est d’au-tant plus difficile de corriger les tendances lourdes duterritoire : vieillissement de la population, pénurie delogements locatifs dans toutes les catégories (21 %des logements existants sont en locatif, avec 5 % delogements sociaux) et dans des villages-dortoirs où ilne se passe pas grand-chose, régression économique(avec un taux d’emploi qui a chuté de 0,55 à 0,49 endix ans), manque de locaux d’activités, difficultés pourmaintenir des commerces et des services sur place…

Pour trouver des ressources, pourquoi ne pas créerdes zones d’activités ? Le Parc a essayé, mais la popula-tion a refusé, au nom des risques de nuisances. Pour-quoi ne pas construire les logements locatifs abordablesqui manquent, notamment pour les jeunes ? Étantdonné le prix des terrains et l’absence d’un levier d’ac-tion foncière à la mesure des enjeux, ces opérationssont pratiquement irréalisables. Pourquoi ne pas den-sifier les bourgs et les villages, en concentrant lesdroits à bâtir dans des habitats groupés et en assu-rant une certaine mixité ? Dans les petites communesdu parc (entre 400 et 2 000 habitants), de telles opé-rations sont complexes à mettre en place, longues àconcrétiser et… politiquement risquées. Ne faudrait-il pas attribuer au parc des moyens financiers à lamesure de ses objectifs?/1“La population est déjàprivilégiée”, répondent en substance les pouvoirspublics. L’intercommunalité ne pourrait-elle pas per-mettre aux autorités locales de mieux maîtriser leurdestin ? “À quoi bon, il y a déjà le Parc !”, répondenten chœur les communes. Très efficace pour la pro-tection de la nature, la structure du Parc naturel régio-nal est-elle toujours adaptée à la gestion urbaine d’unevallée de Chevreuse qui, pour être une campagneparadisiaque, n’en fonctionne pas moins comme unesorte de quartier excentré de Paris ? l R. Q.

1/

Le Parc naturel

régional de Chevreuse

dispose annuellement

d'un budget de

fonctionnement

de 850 000 euros

et d'un budget

d'investissement

et d'études de

1,1 million d'euros,

couvert

principalement

par l'État, la Région

Île-de-France et

le Département

des Yvelines, avec

une contribution de

8,5 % des communes

(3 euros par habitant

pour les communes

membres du parc

et 0,8 euro par

habitant pour les

deux villes-portes

de Rambouillet

et Voisins-le-

Bretonneux).

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Le prix des terrains et l’absence d’action foncière rendent irréalisable la construction de nouveaux logements locatifs dans la vallée de Chevreuse.

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mars-avril 2003 - HORS SÉRIE n° 18 / URBANISME / 21

Abst

ract

With its diversity – and concomitant disparities – theÎle-de-France Region is revelatory both of the strainsother French and European territories are under andof emerging ways of coping with them. Delegateswere taken on tours of inspection of a number of keysites inside and outside Paris.

Among these was the 35-kilometre Paris ring road,used by more than a million vehicles daily. From 1973until very recent times the ring road marked a phys-ical and symbolic divide between the capital and itsimmediate urban surroundings: a “frontier” alongwhich live over 700,000 Parisians and suburbanites,and the residents of a dozen large social housingestates. Finally, however, six joint action charters havebeen signed between the City of Paris and the rele-vant municipalities and intermunicipal groupings.

For Jocelyne Riou, vice-president of the RegionalCouncil and the Region’s planning institute, the vitalfactor for the Île-de-France’s future is the revised mas-ter plan: not another bit of technocratic machinery,she insisted, but a tool for social and territorial jus-tice in such fields as housing, geographical balance,urban environmental quality and management of theRegion’s heartland.

Home to the “development accelerator” that is thenew Stade de France sports stadium, La Plaine Saint-Denis had been hard hit by deindustrialisation sincethe 1960s and was broken up by vast industrial waste-lands, railway tracks and motorways. The crucial stepwas the signing in 1990 of an intermunicipal devel-opment charter stressing improvements to publictransport and a new road grid.

Between 1993-98 over 750 million euros of publicmoney went into La Plaine Saint-Denis: the stadium,motorways, metro and regional rail stations, roads,squares, parking facilities – and a 125,000m2 propertyprogramme involving offices, business premises,shops, a multiplex, restaurants, public facilities andhousing. Sound use of these funds has attracted 150new businesses and generated strong private invest-ment, and the lessons learnt are now being appliedto such disparity black spots as the area north of thecapital.

Meanwhile, not far from the two Disney theme parksoutside Paris, a town for 12,000 people has been cre-ated practically from the ground up: 4700 housing units,500,000m2 of business parks and the “biggest shop-ping centre in Europe” (soon 100,000m2). Detachedwaterside homes, perfect lawns and overall a veryAnglo-American feel: the city as tourism offshoot,with its own formal qualities and its limitations.

Outcome of a partnership between the French author-ities and Disney, this is an unquestionably originalventure in every respect – financial, organisationaland legal (disputes to be settled by American civilcourts) – but may not be the “model of development”described by Bertrand Ousset, assistant director gen-eral of the two public bodies involved. In terms of sus-tainable development and reduction of territorial dis-parities, the operation raises a number of doubts: thecar is king, housing is economically highly selective,the town is more “communicational” and less “living”than local elected representatives wanted and Disneyhas strict control over any induced business initia-tives in the area. Further, Val d’Europe’s reliance onthe Disney parks, where mounting losses are causingconcern, could result in employment and propertydifficulties that nobody seems ready to think about.

Less than thirty kilometres from Paris, the uplandChevreuse valley is home to the wealthiest residentsof the most prosperous part of the Île-de-France – andto the first Regional Nature Park in Paris’ green belt.The Park, says director Antoine de Ferrières, was cre-ated at the instigation of new arrivals wanting to pro-tect the idyllic setting they had bought into.

Its successes in terms of heritage, environment, townplanning, landscape and public awareness are indis-putable. But with only 12% of land available for hous-ing – the rest being farmland and forest – undesirabletrends are becoming more pronounced: ageing of thepopulation, shortage of rental properties, dormitory-town lifelessness, lack of social variety and problemsin keeping retail and other services viable. Most ofthe proposed counter-measures are faced with resi-dent opposition, economic hurdles and fear of polit-ical risk-taking. Is this kind of park, then, appropriateto what is virtually an outlying Paris neighbourhood?

Paris / Île-de-France

PARI

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*In and around the capital: crucial territories

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*Les disparités sont-elles solublesdans la politique de la ville ?

Dans les villes et les agglomérations,les disparités territoriales se présentent sousdes dehors plutôt rudes. D’une part, les diverses formes de politiques de la ville n’ont pastenu toutes leurs promesses – encore ce relatif “échec”ne doit-il pas masquer les progrèsréalisés.D’autre part,les écarts entre territoires riches et pauvres n’ont pas diminué,mais sesont au contraire accentués, même si des politiques résolues ont réussi à relever dessituations réputées désespérées.Synthèse d’un atelier en secteur sensible. l par Richard Quincerot.

D’emblée,Manuel Valls,administrateur de l’Agenced’urbanisme et de développement Essone-Seine-Orge et député-maire d’Evry,a donné le ton.“En Île-de-France, l’amplification des disparités territorialessignale l’échec cinglant des politiques publiques deredistribution et d’égalité des chances.Le pacte répu-blicain est gravement atteint.” Dans cette région,pourtant l’une des plus prospères d’Europe, le fosséentre riches et pauvres n’a cessé de se creuser : 70 %de la population vit dans une commune qui a connudepuis vingt ans une forte hausse ou une fortebaisse de revenus. Les tensions sont particulière-ment aiguës à Evry, qui n’est plus ville nouvelledepuis le 1er janvier 2001 et abrite côte à côte l’élitedu monde économique et intellectuel et des quar-tiers en grande précarité, payant au prix fort l’ad-dition “chômage + RMIstes + immigrés + logementssociaux + pièces sur-occupées + effort fiscal impor-tant”, qui est celle des situations les plus difficiles.

Discours sur l’origine des disparitésSpécialiste des villes européennes /1, Patrick LeGalès, chercheur au Centre d’étude sur la vie poli-tique des Français (CNRS), souligne d’abord le flouqui entoure la notion de “disparités”. Aux hiérarchiessociales nettes d’antan, dont rendaient compte lesfameuses CSP (catégories socioprofessionnelles),ont succédé des hiérarchies multiples, enchevêtrées.Comment les mesurer, quels facteurs retenir, àquelles échelles ? Refusant toute simplification abu-sive, Patrick Le Galès s’attache aux sources de dis-parités actuelles. D’une part, les mécanismes deredistribution par les politiques publiques subissentune érosion certaine. D’autre part, la globalisationdes marchés et la dilatation de l’État vers l’Europe

multiplient les dépendances vis-à-vis des centres dedécision extérieurs, ce qui brouille les solidarités ter-ritoriales. Enfin, une “bourgeoisie internationale”émerge, dont les revenus et la culture se situent horscadres nationaux : “La ségrégation est d’abord celledes riches, qui ont le choix et les moyens de seconcentrer.”

Même refus de la caricature dans le bilan de la poli-tique de la ville dressé par Jean-Marie Delarue,conseiller d’État et ancien délégué interministériel àla Ville. Les “quartiers” furent d’abord délimités “àla force du cri qui s’en élevait”, les territoires les plusmédiatisés éclipsant des détresses plus discrètes. Ilsont évolué en nombre : de 50 en 1983 (300 000 habi-tants) à plus de 750 en 2003 (4,6 millions d’habitants),ce qui ne signifie bien sûr pas que le problème se soitaggravé d’autant. L’espoir initial de résoudre la diffi-culté “par un grand coup de collier” a été déçu : “IIfaut (hélas) dire aux victimes d’inégalités que c’estun problème à long terme.” Au total, conclut Jean-Marie Delarue, “bien des choses sont excellentesdans cette politique et doivent être maintenues –l’échec est retentissant, le succès silencieux ! Onretrouve simplement dans les quartiers, grossis, lesdéfauts ordinaires de notre société : une difficulté àla constance, à la coordination, à la diversité, à l’ur-gence, aux circuits financiers courts...”

Le “mal français” est aussi européenUne étude comparative /2 présentée par BrigitteGuigou, chargée d’études à l’IAURIF, montre que leproblème n’est pas spécifiquement français. À Berlincomme à Londres, dans la Randstad comme en Île-de-France, la ségrégation sociale est forte et les disparités

1/

Patrick Le Galès,

Le retour des villeseuropéennes.Sociétés urbaines,mondialisation,gouvernement et gouvernance,

Paris, Presses de

Sciences Po, 2003.

2/

A.-C. Davy, B. Guigou,

O. Mandon, M. Sagot,

La ségrégation socio-spatiale dans six métropoleseuropéennes : état des lieux et politiquespubliques, IAURIF,

étude en cours. Les cas

de Barcelone et Milan,

également étudiés,

semblent différents.

Villes et agglomérations

SYNTHÈSE

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s’aggravent, les quartiers riches devenant toujours plusriches et les pauvres toujours plus pauvres. De même,les politiques correctrices des quatre métropoles seressemblent : par le diagnostic (“La concentration depopulations défavorisées pose problème”) et par lemode d’intervention (des politiques territorialiséesimpulsées par l’État et concrétisées localement).

Elles se ressemblent aussi, déplore Brigitte Guigou,par leurs limitations. Alors que sont affichés d’ambi-tieux objectifs de construction de logements abor-dables, on assiste à un désengagement des pouvoirspublics en matière d’habitat social : la constructionest en baisse partout, l’Angleterre, l’Allemagne, l’Italierevendent des logements sociaux, des compétencessont transférées au local sans les ressources corres-pondantes. Dès lors, la dégradation du parc socialrenforce les processus de ségrégation. Alors que lespopulations aisées ont les moyens de se regrouper,les populations démunies n’ont d’autre choix qu’êtrereléguées dans “les quartiers”. “Faut-il en déduireque le vrai problème, ce sont les riches ?”, s’estinterrogé, non sans humour, Marcel Belliot, déléguégénéral de la FNAU. Loin de dégager une explicationsimple, les études des disparités territoriales rendentcompte de réalités décidément bien complexes…

Quartiers, vous êtes cernés ! “Pour identifier les territoires en souffrance, dégagerles priorités et suivre les effets des politiques répa-ratrices, nous avons besoin de données objectives”,

énonce Pierre Lemonier, directeur général du Grandprojet de ville de Lille Métropole. “C’est d’autant plusindispensable que nous travaillons dans un cadrepartenarial : il nous faut un langage commun fiable”.À cette fin, l’Agence de développement et d’urba-nisme de Lille Métropole avait créé, il y a dix ans, unobservatoire des évolutions sociales et urbaines, pré-senté par Agnès Démotié, responsable Habitat-observatoire de l’agence /3. La démarche a notam-ment mis en évidence l’importance d’une population“oubliée” de RMIstes ne résidant pas dans des “quar-tiers difficiles”, mais dans les tissus ordinaires de lamétropole lilloise. De même, en application de larécente loi Borloo, un Observatoire national des zonesurbaines sensibles est en cours de constitution.Philippe Chomel, chargé de mission à la Délégationinterministérielle à la ville, en a ainsi exposé l’étatd’avancement et les principaux paramètres.

Gare aux approches purement statistiquesFort d’une longue expérience en la matière /4, GérardLacoste, directeur général adjoint de l’IAURIF, a misen garde contre des approches exclusivement chif-frées : “La sophistication des méthodes statistiquesen apprend beaucoup sur les indicateurs, mais peut-être peu sur les habitants. Demander périodiquementaux gens ’ce qui va’ et ’ne va pas’ a peut-être autantde valeur que des batteries d’indicateurs multiples.”D’autant qu’une fois sortis du cadre strict de l’analyse,les chiffres donnent parfois lieu à des exploitationsmédiatiques qui ont bien peu à voir avec la science !

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3/

Lire en page 27.

4/

L’IAURIF a

notamment établi

un “Atlas des

Franciliens”,

une “Géographie

sociale de

l’Île-de-France”,

un Système

d’information

géographique

urbain et un tableau

de bord des Zones

franches urbaines

(ZFU).

Même si le problème n’est pas spécifiquement français, la ségrégation sociale est forte et les disparités sociales s’aggravent.

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De même, Christian Kesteloot, professeur de géo-graphie sociale et économique à l’Université catho-lique de Louvain-la-Neuve et chargé de cours àl’Université libre de Bruxelles, a réalisé en Belgiquede nombreux atlas de “quartiers en difficulté”. Il enretient deux sources de tensions. D’une part, l’af-frontement est direct entre les jeunes périurbains,majoritairement belges et opulents, qui réclamentdes politiques sécuritaires pour les centres-villes oùils vont se promener, et les jeunes pauvres et issusde l’immigration qui habitent ces centres-villes.D’autre part, l’écart se creuse entre les communespériphériques aisées, qui pratiquent une politique fis-cale favorable pour attirer les ménages fortunés, etles communes-centres en charge d’équipementsd’agglomération et condamnées à faire payer desimpôts élevés à leurs populations pauvres.

La “mixité sociale” : un dada de “bobos” ?Comment en est-t-on arrivé là ? Pour le géographeJean-Pierre Lévy, chercheur au Centre de recherchesur l’habitat (CNRS), le fait majeur est la périurbani-sation des années 70-80. Le déclassement des grandsensembles, transformés en “poches” de pauvreté,et la “gentryfication” des quartiers anciens par des“bobos” (bourgeois bohèmes) cultivant une “mixité”aussi idéalisée qu’improbable ont chassé les couchespopulaires vers des couronnes urbaines toujours plus

éloignées. Avec l’essor de la mobilité, le modèle rési-dentiel étrenné par les cadres en première couronnes’est démocratisé, mais au prix de lourdes inégalitésd’accessibilité à la ville, à l’emploi et aux loisirs.

L’école est l’un des facteurs majeurs de reproductiondes disparités sociales et territoriales. Marco Oberti,chercheur à l’Observatoire sociologique du change-ment (CNRS /FNSP), a conduit une enquête appro-fondie dans le département des Hauts-de-Seine. Sesconclusions sonnent comme d’accablantes évi-dences. Les communes pauvres sont mal équipéesen établissements scolaires, les communes richesbien dotées en établissements publics et privés. Lescouches sociales aisées envoient facilement leursenfants dans des écoles privées d’autres communes,par souci d’excellence ou de sécurité, alors que lespauvres n’ont pas le choix.

L’école, facteur de ségrégation ou d’intégration ? “C’est clair. Une personne qui envisage d’acheter unlogement va voir au commissariat du quartier et faitla sortie des écoles voisines”, témoigne GillesBouvelot, directeur général de la société Apollonia,spécialisée dans des opérations de “logement com-plexe en contexte difficile”. “Nous devons la rassureret lui donner envie d’habiter là”. Ainsi à Marseille, sur

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L’écart se creuse entre les communes aisées, qui pratiquent une politique fiscale favorable,et les communes pauvres en charge d’équipements qui les contraignent à pratiquer une fiscalité élevée.

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la ZAC de la Joliette (400 logements dont 30 sociaux),située dans un quartier très dévalorisé à l’arrière duport, Apollonia a développé des formes d’habitat ori-ginales offrant des qualités de maisons individuellesdans des immeubles collectifs (double hauteur, ter-rasses, accès différenciés, etc.). La construction d’unimmeuble témoin et l’organisation d’un week-end“portes ouvertes” ont ainsi suffi pour convaincre unecentaine d’acquéreurs d’appartements.

Mais revenons à l’école. Maurice Charrier, maire deVaulx-en-Velin, refuse le fatalisme autant que la com-passion. “Nous avons le pouvoir de faire de nosécoles des lieux de réussite et de créativité, il suffitde le vouloir !”. Les efforts engagés par sa commune,en liaison avec de grandes écoles locales, ont étépayants. En cinq ans, le retard scolaire à l’entrée en6ème a été réduit de moitié et le taux de réussite aubac a rejoint la moyenne nationale. “Il est vrai quecela nécessite plus d’efforts qu’ailleurs, convientMaurice Charrier. Ainsi, nous avons attendu vingt ansavant d’obtenir un lycée d’enseignement général àla suite d’une émeute. Mais c’est faisable et c’estmême essentiel pour attirer et retenir chez nous desfamilles et leurs enfants.”

Des filières d’excellence pour les enfants ?Une stratégie analogue appliquée à Lille rencontre

le même succès. René Dunoyer, inspecteur d’aca-démie du département du Nord, est sans doute “lepremier représentant de l’Éducation nationale invitéà une rencontre de la FNAU”, comme l’a suggéréPierre Dellon, vice-président de la communauté d’ag-glomération de Châlons-en-Champagne et présidentde l’Agence d’urbanisme, qui était par ailleurs chargéde rapporter les travaux de l’atelier en séance plé-nière. René Dunoyer a plaidé pour une localisationdes collèges favorisant la mixité sociale et pour uneforme de spécialisation : “Pour lutter contre l’évite-ment scolaire, la bonne solution n’est pas d’impo-ser une sectorisation aux familles, mais d’assurerl’attractivité de chaque collège par une filière d’ex-cellence originale, profitant de compétences pré-sentes sur place – science, musique, langue rare,technologie, sport, etc.”

Les filières d’excellence constituent aussi une despropositions émises dans le domaine de l’éducationpar le Conseil national des villes, par la voix de savice-présidente Véronique Fayet, vice-présidente dela Communauté urbaine de Bordeaux. Son deuxièmevœu est un décloisonnement des politiques publiques:“Il n’est pas toujours facile de travailler avec l’Édu-cation nationale, témoigne Véronique Fayet. Dans lecadre de la décentralisation, ce pourrait être le rôlede l’État, et plus précisément du préfet, de veiller à la

Le développement de " filières d’excellence " à l’école constitue l’une des propositions émises par le Conseil national des villes.

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“On retrouve dans les quartiers,grossis, les défauts ordinaires de notre société : une difficulté à la constance, à la coordination,à la diversité…”.

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cohérence des actions à l’échelon local – d’éviter que,sur place, les uns défassent ce que font les autres,comme cela arrive trop souvent.” Enfin, le Conseilnational des villes préconise une réforme des financeslocales qui permette aux communes pauvres d’avoirde bonnes écoles, capables d’attirer toutes les caté-gories de population.

Lutte contre les disparités :les efforts sont payantsRéfutant tout diagnostic d’échec à l’emporte-pièce,des acteurs ont témoigné d’autres progrès trèsencourageants réalisés dans des situations très dif-ficiles. Roger Deschaux, directeur du Grand projet deville de Marseille-Nord, a évoqué un territoire “récep-tacle de tout ce qu’on ne voulait pas ailleurs”, comp-tant 200 000 habitants, dont un tiers de chômeurs, etconcentrant 40 % des RMIstes de Marseille et la moi-tié des familles vivant sous le seuil de pauvreté. C’estaussi le principal espace de développement de l’ag-glomération et le voisin immédiat d’Euroméditerra-née : “L’action est moins motivée par la compassionque par une solidarité bien comprise”, souligneRoger Deschaux. Politiques ordinaires, politiques sec-torielles et Grand projet de ville sont mobilisés enparallèle pour créer des dynamiques de développe-ment et des emplois, renforcer l’accessibilité en trans-ports publics, enfin restructurer des secteurs d’habi-tat ancien et des grands ensembles très dégradés.

De même, Georges Bullion, directeur de l’OPAC deVilleurbanne, qui intervient dans plusieurs communesde l’agglomération lyonnaise, se refuse à abandon-ner les quartiers en si bon chemin. À Villeurbanne,des ensembles qui comptaient naguère 20 % de loge-ments vides affichent complet après cinq ans d’effortset commencent à attirer des populations plus aisées:

“Ce n’est pas le moment de renoncer aux politiquesde rééquilibrage, comme le taux obligatoire de loge-ments sociaux par commune. Ni de démolir desimmeubles trop vite réputés irrécupérables, solutiondu désespoir, alors que nous ne savons pas où relo-ger les habitants.” Pour les opérations de renouvelle-ment urbain, Georges Bullion revendique la construc-tion d’habitations exemplaires : “En habitat aussi, ilfaut des pôles d’excellence !” Encore faut-il que despolitiques foncières permettent de faire face à l’ac-tuelle flambée des prix du foncier...

Et l’intercommunalité vint !Michel Sevin, maire de Mantes-la-Jolie et présidentde l’Agence d’urbanisme du Mantois, hérite égale-ment d’une histoire chargée. Les 7 500 logementsdu Val-Fourré avaient été construits pour répondreaux besoins de l’industrie d’après-guerre (Renault,Simca…). La désindustrialisation a transforméles ouvriers en chômeurs et le grand ensemble enghetto. “Pour redresser la barre, nous avons joué lacarte locale, raconte le maire. Nous avons une popu-lation riche de volontés : c’est la ressource essentiellepour dynamiser la ville par l’économie, créer desemplois, aider les jeunes, assurer l’égalité deschances. Et nous avons un environnement excep-tionnel : en valorisant la nature, les services, lamémoire des peintres impressionnistes, nous avonsdonné à la population des raisons de relever la têteet d’être fière de son territoire”. À l’échelon commu-nal, des opérations de requalification des tissus etdes espaces urbains atténuent progressivement lacoupure entre le grand ensemble et le centre-ville.“Et avec l’émergence de l’intercommunalité, s’en-thousiasme Michel Sevin, l’esprit de clocher reculeet la qualité de la vie augmente régulièrement.” Enfinune bonne nouvelle ! l R. Q.

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La jeunesse d’une population et sa volonté d’agir sont une ressource essentielle pour dynamiser une ville,créer des emplois, assurer l’égalité des chances…

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“Outil de l’Agence de développement et d’urbanismede Lille Métropole, l’Observatoire des évolutionssociales et urbaines a été créé à l’issue du contrat d’ag-glomération 1992-1994 par la communauté urbaine(LMCU), l’État et le Conseil régional Nord-Pas-de-Calais. Il n’est pas producteur de données originales,mais centralisateur de données émanant de diverspourvoyeurs d’information comme l’Insee,la DRE,laDDE, l’ANPE, les Assedic, la DGI, les CAF, l’Inspectionacadémique,le Rectorat, l’ORS,l’Inserm,l’Urcam,lesCPAM, la DDSP, et bien sûr la Communauté urbainede Lille Métropole.Fonctionnant sur un budget annuelde 600 à 700 000 euros,sa mission est double.D’unepart,il homogénéise des bases de données disparatespour faciliter leur partage par les multiples acteursconcernés. Et d’autre part, il produit des synthèsesciblées sur les centres d’intérêt des politiquespubliques.La population de l’agglomération (1,1 mil-lion d’habitants) est abordée à diverses échelles,allantde vastes aires d’influences aux secteurs fins IRIS 2000(quartiers de 1 800 à 5 000 habitants).

Pérennité de l’outil et évolution des problématiquesEn 1994, les champs d’observation retenus pour lacréation de la base de données reflétaient les préoc-cupations larges de l’époque : la solidarité territoriale(richesses et charges), les mutations et la vitalité desquartiers, la pauvreté-précarité (profil des ménages),l’utilité sociale (équipements et transports en com-mun), le déplacement des hommes et des capitaux(attractivité des territoires). Les trois premiers champssont aujourd’hui largement couverts, les deux der-niers restent encore à développer.

Depuis septembre 2001, en application du Contratd’agglomération 2000-2006, l’Observatoire cible sestravaux sur les quartiers prioritaires. Le but est de sai-sir les dysfonctionnements internes de la métropolelilloise et de mesurer la pertinence des actions enga-

gées pour réduire les disparités. Sur les 126 com-munes de l’arrondissement de Lille, 23 communessont approchées à un échelon infra-communal. Lesquartiers identifiés sur cette base comme souffrantd’un écart plus ou moins prononcé regroupent425 000 personnes réparties en 162 000 ménages,soit 36% des ménages de l’arrondissement.

Six thématiquesIls sont observés au travers de six thématiques, quicroisent bien sûr les grands enjeux du contrat de ville:la délinquance, l’éducation, le chômage et l’emploi, lapauvreté et la précarité, l’habitat et le renouvellementdu parc, et enfin la santé. Après la publication d’un atlasdes politiques prioritaires de “rattrapage”, ces six thé-matiques font actuellement l’objet d’un suivi perma-nent, dont rendent compte des publications alternéestous les deux ans, consacrées chaque fois à deux indi-cateurs. Ainsi, les résultats publiés en 2002 ont portésur les thèmes de la délinquance et de l’éducation. Ilsont alimenté en données fiables plusieurs débats entreacteurs concernés à l’échelon de l’agglomération.Incontestables, régionalisés et quantifiés, ces étatsdes lieux permettent de dépasser les discours d’opi-nion sur l’inégalité et de poser concrètement les ques-tions opératoires d’équité sociale.” l A. D.

*Lille Métropole : un observatoire

des évolutions sociales et urbainesLa Communauté urbaine de Lille Métropole a souhaité compléter les données qualitatives

recueillies sur le terrain et dans les processus de décision et de participation par un socle de donnéesstatistiques fiables et pérennes sur la population et ses territoires. Constitué en 1994, l’Observatoiredes évolutions sociales et urbaines rassemble et exploite ces informations au service des politiquespubliques. Il centre actuellement son intérêt sur les quartiers prioritaires de la métropole, fondantle diagnostic et le suivi des interventions. l par Agnès Démotié. * * Agnès Demotié

est responsable

Habitat-observatoire

à l'Agence de

développement

et d'urbanisme de

Lille Métropole.

Ce texte résume

la teneur de l'article

“Lille : comprendre et

agir sur les territoires

de la métropole”,

in Cahiers de l'IAURIFn° 137, novembre

2003, pp. 144-146.

Depuis septembre 2001, l’observatoire cherche à comprendre les dysfonctionnements internes de la métropole lilloise età mesurer la pertinence des actions engagées pour les résoudre.

ZOOM

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La Suisse s’est longtemps pensée comme un paysessentiellement rural et montagnard, au territoireétroit et menacé par le développement urbain(qui n’en assure pas moins la prospérité). Ainsi, auXIXe siècle, la protection des sites naturels a-t-elleprécédé celle du patrimoine architectural.De même,l’aménagement du territoire fut institué contre lesvilles,pour protéger l’agriculture et les espaces natu-rels de leur expansion supposée corruptrice. En1979, au nom d’une utilisation parcimonieuse dusol, la loi fédérale sur l’aménagement du territoireinstaurait au plan national une séparation netteentre des zones à bâtir,affectées aux constructions,et des zones agricoles où l’on ne construit pas, saufpour des motifs strictement agricoles /1. Parallèle-ment, la Confédération luttait contre les disparitésrégionales en mettant en place une redistributionde richesses (des villes) au profit de régions péri-phériques ou défavorisées (régions LIM, dites “demontagne”).

Dans ce domaine comme dans d’autres, la Répu-blique-canton de Neuchâtel joua un rôle de pionnier:planification communale dès les années 1940, légis-lation protégeant la nature et l’environnement dansles années soixante, création en 1976 d’une régionintercantonale Centre-Jura qui reçut des aides fédé-rales dès 1981, etc. L’image d’un canton rural, fier deson agriculture traditionnelle et de ses beautés natu-relles, était l’idéal de référence fédérant, tout en lesmasquant, les réalités urbaines et industrielles d’unlittoral en développement rapide et de vallées et devilles horlogères dans les hauteurs.

Renversement de perspectiveLa crise des années 90 a brisé ce robuste équilibre.Fermetures d’usines, reconversions brutales, chô-mage et pauvreté ont frappé les vallées industrielleset les villes montagnardes du Locle et de La Chaux-de-Fonds. Les disparités se sont accentuées avec laville de Neuchâtel et l’agglomération du bord du lac,qui voyaient se renforcer leur vocation tertiaire etrésidentielle. Les faillites, fusions et rachats d’entre-prises faisaient fondre les élites locales et augmen-taient la dépendance du canton à des centres dedécision extérieurs, nationaux et internationaux. Paral-lèlement, la mondialisation accélérait le déclin del’agriculture, la baisse de revenus et les cessationsd’exploitations.

Cette conjoncture a sonné le glas de la gestion éga-litariste traditionnelle des disparités territoriales,consistant à assurer un haut niveau de services dansles territoires les plus reculés, tout en préservant les“mythes vivants” des espaces agricoles et naturels.Au plan fédéral, après vingt-cinq ans de bons etloyaux services, la politique régionale d’aide auxrégions défavorisées LIM était dénoncée commeinadaptée. Il n’était plus temps de redistribuer larichesse en saupoudrant “de tout partout”. Menacée,fragilisée, la prospérité économique devenait la prio-

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Il y aurait sans

doute beaucoup

à apprendre de cette

“préfiguration”

de la loi SRU et des

deux décennies

de sa mise en œuvre.

*“Atout ville” : les réponses d’un réseau urbain un observatoire

Les disparités territoriales existent aussi en Suisse. Comment tirer son épingle du jeu quandon est un petit canton de 166 000 habitants, coincé contre une frontière nationale dans un massifjurassien qui ne brille pas par son dynamisme, fragilisé par une dure reconversion industrielle et toujoursplus dépendant de centres de décision extérieurs ? À défaut de moyens, Neuchâtel a des idées.Fidèle à une tradition de créativité, le canton se recompose à partir d’un ambitieux projet fédérateur,le réseau urbain neuchâtelois (RUN). l L’enquête de Richard Quincerot.

VU DE NEUCHÂTEL (SUISSE)

Les disparités se sont accentuées dans le canton entre les vallées industrielles, les villes montagnardes et l’agglomération neuchâteloise, située au bord du lac.

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rité des priorités. La vision d’un pays opulent aidantses régions périphériques cédait la place à un décou-page en grandes régions supposées compétitives,polarisées sur des agglomérations urbaines recon-nues comme les clés essentielles du développement.

Surmonter le handicap de la tailleN’appartenant clairement à aucun de ces ensembles,le canton de Neuchâtel a multiplié les initiatives pourtraverser aussi bien que possible cette période de tur-bulences. Depuis deux ans, ses actions sont fédéréesdans un projet global, le “réseau urbain neuchâte-lois” (RUN). Le point de départ est une stratégieglobale de développement. Neuchâtel a la chanced’avoir trois villes, mais dont aucune ne dépasse les50 000 habitants. Pour atteindre une taille respectabledans la compétition nationale et internationale, leprojet RUN les rassemble en un seul et même“réseau urbain” de 120 000 habitants – soit 70 % dela population cantonale. L’opération permet àNeuchâtel d’être présent sur la carte géopolitique hel-vétique, non comme une périphérie perdue à l’ex-trême ouest de la Suisse, mais comme la troisième“ville” de Suisse occidentale occupant une positionavantageuse de relais entre les pôles de Genève-Lausanne, Bâle et Berne. Elle renforce l’autorité ducanton dans ses relations extérieures avec d’autresvilles et régions. Et elle renouvelle de fond en comblela question des solidarités et des disparités internes.

Cultiver l’excellence et trouver des alliancesAu contraire d’une attitude de repli sur soi, le cantonentend s’affirmer sur les scènes extérieures où sejouent ses grands enjeux économiques, sociaux etculturels. Le handicap de la petite taille est surmontéde deux manières. D’une part, des efforts de formation,de stimulation et de promotion valorisent les domainesd’excellence où Neuchâtel occupe des premièresplaces nationales et internationales (microtechniques,biologie, spatial, ethnographie, sport, etc.). D’autre

part, dans les domaines où il est trop faible pour assu-mer seul un haut niveau de performances, le cantonnégocie des alliances avec des partenaires extérieurs.Il est ainsi à l’origine d’un organisme commun depromotion économique fédérant les cantons deNeuchâtel, Vaud et Valais, le Development EconomicWestern Switzerland (DEWS). De même, des fonc-tionnements en réseau avec des cantons voisins sedéveloppent dans les domaines de l’enseignementet de la recherche, de la santé ou de la culture.

Réinventer la cohésion interneLe canton de Neuchâtel se croyait rural. Avec le pro-jet RUN, il se découvre urbain. Ce changement dereprésentation s’accompagne d’une profonde recom-position des structures internes. L’ancienne rivalitéentre le haut (industriel et montagnard) et le bas (gou-vernemental et lacustre) laisse la place à un dialogueentre les villes – à la fois motrices du développement,responsables des grands équipements et abritant despopulations en souffrance – et les régions, dont cha-cune combine de manière originale des fonctionsagricoles, industrielles, environnementales, rési-dentielles et touristiques.

Hors des villes, le canton entend renforcer les dis-positifs de protection de la nature, mais en les resi-tuant dans le contexte des défis du jour. En particu-lier, l’alliance des villes et des régions s’effectue surl’objectif prioritaire de maintenir une agriculture forte,qui ne transforme pas les agriculteurs en simples“jardiniers du paysage”, mais les aide à vivre de leurproduction en intégrant les contraintes écologiqueset paysagères.

Un développement coordonnéMais l’option la plus innovante est, bien sûr, celle quiconcerne les villes, longtemps les grandes oubliéesdes politiques cantonales. De vieilles rivalités avaientconduit chaque ville à construire son théâtre, sa sallede concert, ses équipements sportifs, etc. Leur inté-gration dans un seul et même réseau vise à atteindreune performance supérieure : au lieu de multiplierles doublons, un développement mieux coordonnépermettra de porter les équipements et les servicesau niveau d’une ville de 120 000 habitants – biensupérieur à ce que peuvent offrir isolément trois villesmoyennes.

Le mouvement est lancé, mais réclamera du temps.Si les villes de La Chaux-de-Fonds et du Locle multi-plient les rapprochements, la ville de Neuchâtel paraîtmoins immédiatement disposée à rompre avec la

Hors des villes, le canton entend renforcer la protection de la nature.

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Le canton deNeuchâtel se croyaitprofondément rural.Avec le projet deréseau, il se découvreurbain…

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logique du “chacun pour soi”. Il revient au canton decontinuer à jouer son rôle d’incitateur, notammentpour la valorisation en réseau d’espaces urbains lar-gement méconnus et passablement maltraités. Lespistes de réflexion ne manquent pas : promotion d’untourisme urbain et architectural, des hôtels particu-liers du XVIIIe siècle de la ville de Neuchâtel à l’urba-nisme de La Chaux-de-Fonds et aux premières mai-sons réalisées par Le Corbusier ; traitement unifié desespaces publics valorisant les spécificités de chaqueville ; développement de transports publics resser-rant les liens entre les agglomérations ; création d’es-paces verts urbains valorisant les compétencesacquises en matière de protection de la nature; mul-tiplication d’expériences de construction et d’urba-nisme écologiques, dans la continuité des opérationsen cours dans les trois villes du canton, etc.

Intégré depuis 2002 dans le programme du gouver-nement fédéral, aujourd’hui formalisé dans une“conception directrice cantonale de l’aménagementdu territoire” /2, le projet de réseau urbain neuchâ-telois connaît aujourd’hui une diffusion élargie aucours de trois journées citoyennes, qui se déroulentde février à avril 2004. Si l’on en croit la mobilisationsuscitée à cette occasion, la course de Neuchâtel versson avenir ne fait que commencer. l R. Q.

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Disponible

sur demande au

Département de

la gestion territoriale,

service.amenagement

[email protected] et unifier le traitement des espaces publics.

Le tourisme urbain et architectural (ici, l’une des premières maisons réalisées par Le Corbusier) est l’une des pistes de travail du nouveau réseau.

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France’s cities and urban areas point up territorial dis-parities in a very direct way: as parliamentarian andmayor of Evry Manuel Valls emphasised, widening“territory gaps” highlight the failure of attempts atgreater equality of opportunity. Like other commen-tators, researcher Patrick Le Galès homed in on socialsegregation as reflecting the ability of the rich to con-centrate in specific areas. Whatever the case, remarkedConseil d’Etat member Jean-Marie Delarue, the hardfact is that the problem is a long-term one.

And not just for French society, pointed out BrigitteGuigou in a study covering Berlin, London, theRandstad and the Ile-de-France. The problems are sim-ilar, she said, as are the diagnoses and modes of inter-vention – and their limitations: reduced public-sectorinvolvement in housing and decentralisation unac-companied by appropriate financial means are asource of ongoing socio-geographical division.

The IAURIF’s Gérard Lacoste warned against exces-sive faith in statistics: they can tell you a lot about indi-cators, but maybe not much at all about people, andsometimes it can be more productive to ask residentswhat’s working and what’s not.

Social geographer Christian Kesteloot stressedanother aspect of the rich/poor divide: in Belgiumyoung people from the well-off suburbs are calling forstricter policing of the inner-city areas where they lookfor entertainment – and which are largely inhabitedby the immigrant poor. At the same time, commentedFrench geographer Jean-Pierre Lévy, the decline instatus of public housing estates and ongoing gentri-fication of older urban areas is pushing working peo-ple further and further out to the periphery, away fromurban, employment and leisure facilities.

For researcher Marco Oberti education is a vital domainin which the rich/poor divide is once again flagrantlyobvious: poor areas are poorly equipped while richareas fare much better. Vaulx-en-Velin mayor MauriceCharrier, however, has no time for fatalism or com-passion: what counts is the political will needed to cre-ate educational excellence and in his working-classmunicipality it has taken only five years to bringschools up to national standards. Lille schools inspec-

tor René Dunoyer opposes rigid residential zoning:each school should be able to attract committed stu-dents by developing its own specialities.

Other speakers backed this positive action approach:Roger Deschaux, in charge of the large-scale MarseilleNord project, talked about combining local solidaritywith different policies and urban projects to get devel-opment and employment on the move, while GeorgeBullion, director of public housing in Villeurbanne,pressed for exemplary building practices. Inter-municipal measures that make the most of local assetswere cited by Mantes-la-Jolie mayor Michel Sevin.

In every case, sound information is vital. The LilleMetropolis Urban Community opted for comple-menting on-site qualitative data with a system of reli-able statistics-gathering. Set up in 1994, its Social andUrban Change Unit now provides statistical back-ground for diagnosis, action and follow-up in priorityneighbourhoods. The overall goal is to home in ondysfunctions within the metropolis and assess the rel-evance of measures taken to reduce disparities. In all36% of the city’s households are concerned and sixmain themes are pursued: delinquency; education;work and unemployment; poverty and social precar-ity; housing and renewal of the housing stock; andhealth. The material obtained replaces mere expres-sions of opinion with concrete issues in the field ofsocial equity.

Is smallness of scale an asset? Depends on what you dowith it. With 160,000 inhabitants, the Swiss canton ofNeuchâtel was rocked by the slump of the 1990s andthe realisation that the back-up policies of the past nolonger worked in the face of closures, unemploymentand poverty. Part of the answer for the last two yearshas been the RUN urban network, which unites the120,000 people of the canton’s three cities – 70% of thepopulation. The network sets out to make the most ofits grouped assets and specialities – microtechnology,biology, aerospace, ethnography, sport, etc – with realemphasis on looking to the world outside and creationof external partnerships. The old rivalry between thecities is being replaced by a new solidarity and shar-ing of resources, at the same time as the ongoinghealth of the canton’s farming is being ensured.

Cities and urban areas

*Can “neighbourhood policy” resolve disparities?

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La ville change,la vie change,les désirségalement.À une époque où la mobi-lité évolue à grande vitesse, le socio-logue Jean Viard évoque la “démo-cratie du sommeil”,celle “où l’on votelà où on dort”,et“où l’on veut du déve-loppement là où on travaille”.On est“dans un processus de démocratisa-tion d’un modèle. Je suis à la fois à laville et à la campagne, bi-lieu, bi-culture”. L’accroissement de cettemobilité et de la durée de vie font que

ce désir historique est en phase de généralisation,alorsque,parallèlement,“on stocke les pauvres”,ceux quin’y ont pas droit, en hauteur. L’investissement loge-ment a dépassé aujourd’hui celui, alimentaire, quiétait autrefois la priorité.Par ailleurs,on ne passe plusdésormais que le dixième de son temps de vie au tra-vail.Ce renversement profond de la diversité des tempsfait que ceux qui le peuvent modifient leur stratégiespatiale. Les personnes qui en ont les moyens vontse réinstaller dans des secteurs à forte charge patri-moniale (centre-ville ou campagne).

Disparités des chiffresLe décor étant planté, peut-on dès lors dresser unetypologie des agglomérations françaises selon l’ho-mogénéité ou la diversité que l’on retrouve en leursein ? Jean-François Royer, chef du département del’action régionale à l’Insee, tente de répondre à laquestion à travers une synthèse des “Portraits desaires urbaines” réalisée en partenariat avec les

agences d’urbanisme. À l’échelle nationale, dans larépartition des populations récentes, il y a certes desexceptions, mais l’on retrouve généralement plusd’immigrés à l’intérieur de l’aire urbaine et une sous-représentation des moins de vingt ans au cœur decette même aire. Globalement, les disparités se res-semblent et l’on peut parler de population de l’aireurbaine. Laquelle est scindée en trois parties : lecentre (commune d’origine) pour le tiers de l’espace,la banlieue urbaine (communes proches de la villed’origine) pour moitié, et la périphérie (communesde l’aire urbaine se rattachant par les modes de dépla-cement) pour 18 à 20 %. Cet ordre général évoluantselon les cas. Par exemple, à Marseille, Le Havre ouPerpignan, les centres sont plus forts, à Paris c’est labanlieue, et à Rennes ou Dijon la périphérie. Il estintéressant de constater que les écarts de revenussont identifiés à hauteur de seulement 1 à 2 % enmoyenne entre le centre et la périphérie. Ces indica-teurs faibles de disparités entre ces composantessont par ailleurs moindres qu’entre chaque partie :4 à 7 %. On entre là dans une approche d’espacessubis, à propos desquels Jean-François Royer recon-naît que l’on manque encore de repères. “Le seulmoyen d’avancer au-delà de ces définitions est depousser les études aire urbaine par aire urbaine avecles acteurs de terrain que sont les agences d’urba-nisme”. “On mesure donc mal les effets de disparités”à l’écoute des seules statistiques, constate PhilippeMéjean, urbaniste, maître de conférence à l’Institutd’aménagement régional d’Aix-Marseille et anima-teur de la première journée d’atelier.

*Des régions urbainesà la croisée des chemins

Dans une société en évolution permanente, y compris dans son contexteinstitutionnel, la fracture sociale se mue en fracture territoriale et les disparitéss’accroissent. Dès lors, comment créer de l’appartenance quand l’individuel supplantele collectif, et comment les grandes aires urbaines arrivent-elles, partiellement etglobalement,à lutter contre ces disparités ? Éclairages sur un atelier en ombre et lumière,entre le divers et le… disparate. l par Olivier Réal.

Aires urbaines

SYNTHÈSE

Jean Viard

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Disparités des villes et des champsL’analyse de Philippe Perrier-Cornet, directeur derecherche à l’INRA-ENESAD de Dijon, apporte un éclai-rage tout à fait intéressant s’agissant du clivage entremondes urbain et rural. Celui-ci est-il toujours opéra-toire ou les disparités tendent-elles à se gommer ? Letravail mené avec le groupe de prospective de la DATARqu’il conduit sur le thème “Espaces naturels et rurauxdans une société urbanisée” met en exergue trois figuresde la “campagne en tensions”: la campagne ressource(rural productif), la campagne nature (espaces rurauxcomme espaces naturels) et la campagne résiden-tielle (rural résidentiel et récréatif). Quatre scénariospossibles et plausibles sur l’avenir des espaces rurauxont ainsi été bâtis. Celui de la campagne résidentiellegénéralisée stigmatise la montée en puissance de latendance actuelle : périurbanisation et économie rési-dentielle, par extension plus que par densification.L’espace rural devient de plus en plus urbanisé etl’agriculture plus marginalisée. Cela suppose que lesinvestisseurs publics se focalisent sur le périurbain,en dehors des politiques de ville. C’est le scénario descouches moyennes et des préférences individuelles.

Celui des villes durables et du rural agro-industriel cor-respond aux aménageurs, grandes agglomérations etprofessions agricoles. La campagne cadre de viedevient secondaire, la ville s’étend et se densifie à sapériphérie immédiate. Le rural devient moins peupléet l’activité agricole gagne en marge de manœuvre.Le troisième scénario opère une sorte de bifurcationdans les trajectoires des deux premiers vers la “cam-pagne nature”. L’espace rural est plus mobilisé versles marchés environnementaux au détriment de la pro-fession agricole qui se transforme. L’urbanisation estréorientée, le périurbain freiné. Enfin, le scénario descampagnes industrieuses et concurrentielles est celui

des entrepreneurs, des initiatives locales et des terri-toires, mais aussi des métropoles en crise et de la mon-tée en puissance des régions. Les ruraux vivent et tra-vaillent au pays et apparaît une mosaïque de territoiresplus ou moins spécialisés. Dans ce cas de figure, lesdisparités inter-régionales sont accentuées, entre“régions qui gagnent” et “régions qui perdent”.

“Jouer le jeu de la métropole” ?Au regard de cette mutation des territoires qui ten-dent à se spécialiser et à changer d’échelle, le déve-loppement des grandes métropoles a-t-il un effetd’entraînement – ou au contraire d’assèchement –sur celui des villes moyennes alentour ? Selon JoëlBatteux, maire de Saint-Nazaire, président déléguéde la Fédération des maires des villes moyennes, sisa commune n’avait pas “joué le jeu de la métropolenantaise, l’assèchement aurait été inévitable”. “C’estquoi la ville, pose-t-il en préambule, on ne sait plustrès bien ! C’est d’abord un lieu de toutes les repré-sentations. Les exclus de la ville sont ceux qui ne sontplus représentés, qui n’ont plus pignon sur rue. Lesgens cherchent des racines. Le patrimoine des villes,c’est la conscience que l’on en a. À Saint-Nazaire, onn’avait pas de patrimoine, on est en train de le fabri-quer et de fabriquer cette conscience”.

Entre Nantes, agglomération de 550 000 habitants,métropole tertiaire et cité historique, et Saint-Nazaire,150 000 habitants, pôle industriel, littoral touristique,ville reconstruite, les liens existent : le fleuve, le port,l’histoire maritime. Entre 1989 et 1999, à travers unecharte d’objectifs, l’idée de métropole a été réactivéeentre les deux anciennes rivales pour que leurs stra-tégies de développement convergent. Conférencemétropolitaine et contrats d’agglomération coor-donnés ont permis cette année de porter sur les fonts

Les disparités entre ville, périphérie et campagne ont-elles tendance à s’effacer ? De nouveaux regards sont nécessaires…

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baptismaux le Syndicat mixte du SCOT métropolitainsur la Communauté urbaine de Nantes, la Commu-nauté d’agglomération de Saint-Nazaire et l’inter-communalité alentour. Joël Batteux a livré quelquesclefs du succès pour la ville moyenne qu’il dirige : com-plicité entre élus et techniciens des deux entités, maisaussi entre acteurs locaux (CCI…), capacité de réflexionautonome de la ville moyenne, stratégie propre (enl’occurrence “Saint-Nazaire, projet global de déve-loppement”), opérations emblématiques (Ville-Port,Centre République…), identité forte…

Vincent Feltesse, maire de la petite commune deBlanquefort et président de l’Agence d’urbanisme deBordeaux Métropole, l’un des présidents de l’atelier,n’a pas tardé à réagir : “Le problème n’est pas tant auniveau du projet, mais dans les inégalités entre lesmoyens dont disposent les maires ruraux et les mairesurbains”. Pour sa part, Jean Viard dit apprécier “l’idéeselon laquelle le patrimoine est un projet. Le capitalculturel est aujourd’hui dans la tête des gens. Faireune société ensemble, c’est mettre ce capital enréseau. Toutes les questions sur la diversité n’ont desens que s’il y a des processus de solidarité”.

Intercommunalité contre disparitésCes processus découlent des nouvelles organisationsterritoriales. “Qu’est ce qu’on entend par disparités”,s’est judicieusement interrogé Daniel Behar, géo-graphe, professeur à l’Institut d’urbanisme de Paris etsecond animateur de l’atelier. C’est la montée descontrastes territoriaux, pas seulement des inégalités.Depuis 1999 {et la loi Chevènement}, on assiste à unemontée en puissance de diverses formes de coopé-ration intercommunales, d’organisation des institu-tions publiques. Est-ce une réponse aux disparités ?”

Le projet du Grand Clermont, au cœur de l’Auvergnea apporté un premier témoignage, celui de Jean-Claude Zicola, maire de Riom et vice-président de laCommunauté de Communes Riom Communauté. Leterritoire du Grand Clermont comprend 400 000 habi-tants (c’est-à-dire les deux tiers du département duPuy-de-Dôme) et 105 communes regroupées au seinde neufs établissements publics de coopération inter-communale. Ce territoire très disparate a des compo-santes urbaines, périurbaines et rurales, des grandesentités agricoles (Limagne) et de vastes espaces natu-rels (parc des volcans d’Auvergne avec la chaîne desPuys à l’Ouest, parc du Livradois Forez et Val d’Allierà l’Est). Sensiblement plus petit que l’aire urbaine, ilcorrespond à celui du Schéma Directeur approuvé en1995, élargi à la totalité du territoire des structures inter-communales. Il est par conséquent devenu un terri-toire de référence pour de nombreux acteurs, focali-sant par ailleurs la plupart des problématiques liéesau phénomène urbain clermontois. Selon Jean-ClaudeZicola, “l’opportunité d’un projet partagé est d’orga-niser de fortes solidarités en créant les conditions d’unestratégie “gagnant-gagnant” entre des territoires quiappartiennent au même bassin de vie et qui partagentune communauté de destin.

L’originalité du projet du Grand Clermont tient en lavolonté des élus de traiter, au sein d’une seuledémarche, l’ensemble des défis qui se posent au ter-ritoire, en recherchant systématiquement la com-plémentarité urbain-rural dans leurs actions. Les élusont formalisé cette coopération au sein d’un enga-gement des présidents d’EPCI et du président duConseil général sur la mise en œuvre du projet : maî-trise d’ouvrage, démarches d’approfondissement,modalités de contractualisation, association de la

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Entre Nantes et Saint-Nazaire, les liens existent : le fleuve, le port, l’histoire maritime…

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société civile…”. Ladite maîtrise d’ouvrage du pro-jet est, dans ce contexte de solidarité territoriale, exer-cée par un seul syndicat mixte (le SEPAC), ce qui auto-rise un cadre général d’action.

Disparités en ville nouvelleUn principe de solidarité que reprend et développeà son tour Robert Cadalbert, président de l’Associa-tion des élus des villes nouvelles, président du SANde Saint-Quentin-en-Yvelines. Basé (notamment) surcette approche “anti-disparités et anti-exclusions”,le mécanisme des villes nouvelles, lancé il y a plusde trente ans par le Général De Gaulle, répondait àla volonté de l’État, relayée ou non par les élus locaux,d’amener de l’emploi et du logement dans de nou-veaux pôles de vie. Si la réussite du concept est plusou moins avérée, selon les lieux et la structure mêmedu tissu économique alentour, il apparaît globale-ment qu’en matière de logement, la mixité d’hiern’est plus celle d’aujourd’hui. Les réponses quanti-tatives des années 70 ont engendré les mêmes pro-blèmes que dans les villes anciennes… Mais l’équi-libre emplois-logements est largement atteint,souligne Robert Cadalbert : à Saint-Quentin-en-Yve-lines, “il y a plus d’emplois que d’actifs”. Un bonrésultat, “d’autant que l’on a fait en sorte qu’endehors du travail l’on puisse se former, pratiquer desactivités sportives, de loisirs, mais aussi culturelles”.Et l’élu d’évoquer en parallèle le lien économiqueindispensable au développement local : “Il faut uneressource globale dans une vision globale de terrainpour éviter les disparités.”

Le modèle rennaisReste que la constitution de cette vision globale etd’une péréquation fiscale n’est pas facilement trans-posable à l’échelle des grandes régions urbaines. Le“modèle” rennais présenté par Philippe Tourtelier,président du Pays de Rennes, premier vice-présidentde Rennes Métropole et député-maire de La Chapelle-du-Fougeretz, illustre la coopération d’une grandeagglomération avec les communautés de communespériphériques au sein d’un “pays urbain”. “Il y avaitdes disparités réelles, mais aussi des disparités res-senties, témoigne ce dernier, qui ne correspondaientplus à la réalité et illustraient surtout la méfiance despetits par rapport au gros…”. Le Pays de Renness’est constitué en novembre 1999 sous la forme duvolontariat au sein d’une association /1 rassemblant67 communes, majoritairement incluses dans cinqétablissements publics de coopération intercommu-nale. Les grandes orientations d’un projet présentécomme “partagé et cohérent”, base de réflexion del’indispensable “charte du territoire”, ont été confiéesen pré-diagnostic à l’Agence d’urbanisme et de déve-loppement intercommunal de l’agglomération ren-

naise (Audiar), en collaboration avec l’associationdes EPCI de la grande Couronne rennaise (“sorte decontre-expertise” ou de “contrepoids des petits faceaux grands”, selon Philippe Tourtelier).

Dans cette ambiance de confiance-méfiance – àlaquelle se greffait une différence de culture d’actionet surtout une absence de projets dans les quatrecommunautés de communes, accentuant leurs frus-trations par rapport à la communauté d’aggloméra-tion –, il a fallu rassembler toutes les forces vives etles bonnes volontés pour parvenir à un projet équi-libré. Interlocuteur privilégié du Pays de Rennes, unconseil de développement /2 comprenant les entre-

prises, organisations syndicales, associations dansles domaines de la santé, la culture, l’environnementa en outre été mis à contribution. Le diagnostic a per-mis l’élaboration un “langage commun” qui va gran-dement faciliter la concertation dans le cadre du pas-sage au SCOT. Ainsi, la notion de “pays”, fort de sesdifférences mais avec des disparités internes impor-tantes, nécessite-t-elle d’équilibrer et de diversifierles fonctions des différents territoires qui le compo-sent, mais aussi de mettre en œuvre une réelle soli-darité financière.

Le SCOT en “régulateur”Les nouveaux outils de planification stratégique faci-litent-ils ces rééquilibrages entre territoires ? MichelReverdy, directeur du Syndicat mixte du Schémadirecteur de cohérence territoriale de la région stras-bourgeoise (SCOTERS), et Hervé Leroy, directeurde l’Agence de développement et d’urbanisme del’agglomération strasbourgeoise (Adeus), ont euxaussi témoigné de leur démarche. Selon ce dernier,

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1/

Association à laquelle

a succédé, en juillet

2002, un Groupement

d’intérêt public.

2/

Par modification

des statuts du

Codespar (Comité

de développement

économique et social

pour l’aménagement

du bassin d’emploi

de Rennes) qui existait

avant la loi Voynet.

Le “modèle rennais” illustre la coopération d’une agglomération avec son environnement.

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en phase sur ce point avec les propos de Jean Viard,dans une société où le citoyen est consommateur àtitre individuel de services et d’espaces, l’aire urbainene crée pas de culture commune et le projet collectifne va pas de soi. Dans un contexte peu propice àl’émergence d’un projet partagé, où l’on retrouvetreize structures intercommunales aux territoires trèsdivers, membres du Syndicat mixte, 140 communeset quatre pays, le SCOTERS répond à un fort besoinde régulation et de lisibilité, mais avec des moyenslimités. Lieu de réflexion collective au sein d’un syn-dicat “lieu de gouvernance”, il tente d’incarner ceprojet commun négocié au rôle à la fois précis et pré-cieux pour les communes. “Soit le projet préexisteau projet politique – et l’agence le met en place –, soitil ne préexiste pas et, dans ce cas, il faut l’expliquerde manière itérative”, affirme Michel Reverdy, préci-sant qu’il serait plus simple, en termes de communi-cation territoriale, de disposer “d’un pays par SCOT”.

“L’existence du projet élaboré, structuré, voire tota-lement construit et voté, est essentiel”, remarqueCharles-Eric Lemaignen, second “grand témoin” del’atelier et président de la communauté d’agglomé-ration Orléans-Val de Loire, qui s’interroge sur leseffets pervers, en matière de développement écono-mique, d’une trop grande répartition des rôles entreinstitutions. La mission de l’élu reste, selon lui, “devaloriser la diversité des territoires pour créer uneimage cohérente dans le cadre d’un projet politique”.

Interaction à l’allemandeentre transport et urbanismeCette recherche de structuration de l’espace territorial,Marc Perez, chef de projet au bureau d’études TTK(Transport Technologie-Consult Karlsruhe GmbH), lareprend volontiers. L’exemple de Karlsruhe, construitautour du projet tram-train, présente en effet descaractéristiques intéressantes. Et d’expliquer, sur lethème des interactions entre transport et urbanisme,les clés de l’alternative à une “périurbanisation nonmaîtrisée”. Il s’agit d’une planification des transportset de l’urbanisme à long terme et intégrée présentantdes schémas de en transports en commun en sitepropre (TCSP), à inscrire dans les plans d’urbanismeet programmés à vingt ans ans, associée à une véri-table politique de protection du foncier. Le tout encomplémentarité entre les réseaux urbains (métros,tram) et périurbains (tram-train, RER), et en limitantles investissements dans le réseau routier.

En Allemagne, précise Marc Perez, “85 % des inves-tissements dans les TCSP sont pris en charge parl’État et les Länder”. Appliquée à Karlsruhe, cetteméthode a produit des effets probants : “Pas de nou-velle radiale autoroutière depuis quinze ans, une pla-

nification de transports en commun vers tous les vil-lages de plus de 5 000 habitants, 100 kilomètres delignes à dix minutes dans le centre, 400 km de lignesà vingt minutes dans la région et 150 millions d’eu-ros investis chaque année pendant dix ans…” Lerésultat ne s’est pas fait attendre : dans Karlsruheintra-muros (300 000 habitants), la fréquentation destransports en commun a doublé, passant de cin-quante millions de voyageurs par an en 1982 à centmillions en 2002 ! Mais les limites territoriales de l’in-frastructure peuvent créer également des disparités,car à partir d’un certain temps de déplacement, lesplus riches, libérés du coût social de leur mode dedéplacement, reprennent inévitablement leur voiture– tout du moins en France.

Jean-Yves Chapuis, vice-président de Rennes Métro-pole, administrateur de l’Audiar et rapporteur de l’ate-lier, a mis en exergue, au cours de son interventioncomme au cours du rapport présenté en séance declôture de la rencontre, la différence existant entreun projet d’infrastructure et un projet de territoire.Les choses deviennent plus difficiles lorsque les airesurbaines ne correspondent plus au cadre institu-tionnel : “On a changé d’échelle territoriale et demode de vie, et le monde politique est hors champ”,a-t-il expliqué sous le regard approbateur de PauletteGuinchard-Kunstler. La présidente de l’Agence d’ur-banisme de l’agglomération de Besançon, ancienneministre et députée du Doubs, conclut d’ailleurs surun constat de “déconnexion avec les discussions auParlement sur la décentralisation” : “Il faut donneraux élus des données fiables de connaissance desdisparités. Les outils aujourd’hui ne le permettentpas. C’est peut-être cela, la contribution des agencesd’urbanisme... C’est en tout cas une question dedémocratie.” l O. R.

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Dans une société où le citoyen est consommateur à titre individuel de services et d’espaces, l’émergence d’un “projet partagé” est parfois laborieuse (ici, Strasbourg).

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Comptant près d’un million d’habitants et 342 com-munes sur près de 400 000 hectares, l’aire urbainede Toulouse présente des disparités territoriales pro-portionnelles à l’éloignement de la ville centre.“C’estun paradoxe récurrent : d’un côté, une forte crois-sance tant démographique qu’économique, uneattractivité reconnue ; et de l’autre des disparitéssociales qui s’accroissent,des écarts entre territoiresqui se creusent…”/1. Face au phénomène de déve-loppement concentrique de l’aire urbaine autour dela capitale régionale, le préfet de Région, craignantl’apparition de schémas de cohérence territoriale(SCOT) trop “anarchiques”,a donc organisé lui-mêmela réflexion prospective.

Cette démarche, lancée il y a moins d’un an, a ras-semblé au sein d’un groupe de travail conduit par lepréfet de Région et les services de l’État, des repré-sentants des communes, des établissements publicsde coopération intercommunale, du Département,de la Région Midi-Pyrénées et des chambres consu-laires. Confiée à l’Agence d’urbanisme et d’aména-gement du territoire de Toulouse aire urbaine, la mis-sion s’est développée, dans le cadre de l’applicationde la loi Solidarité et renouvellement urbains, autourde la question des périmètres de SCOT. Un véritablediagnostic a été réalisé à cette occasion sur cette aireurbaine au(x) territoire(s) vaste(s) et à la forte crois-sance démographique et économique /2.

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*Aires urbaines en mutation :l’exemple toulousain

L’aire urbaine de Toulouse, par sa taille et sa diversité, constitue presque un cas d’écolepour la mise en place des schémas de cohérence territoriale et la mise en œuvre d’un projet de terri-toire concerté. Mais cet exemple, par certains aspects caricatural, montre aussi comment l’interventionde l'État peut aider, bon gré mal gré, à faire émerger la prise de conscience d’un avenir sinon partagé,du moins largement interdépendant. Quitte à ce qu’il sache se retirer, décentralisation oblige. l

ZOOM

1/

Extrait de

“Toulouse : un

diagnostic territorial

à l’échelle de l’aire

urbaine”, in LesCahiers de l’IAURIF,

n° 137, pp. 183-185.

2/

Extrait de

l’intervention

de Clarisse Schreiner,

directrice d’études

de l’AUAT, lors de

l’atelier consacré

aux grandes régions

urbaines.

L’aire urbaine de Toulouse se caractérise par une forte croissance démographique et économique.

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Quel partage de la croissance ?Sur la base de l’incontournable “développementdurable”, mais aussi autour de la question de gou-vernance du territoire, le travail de l’agence s’est portésur “des croisées qui avaient du sens” et sur uneapproche globale des disparités, de préférence auxplus classiques “entrées thématiques”. Principauxobjectifs à partir desquels l’évaluation a été réalisée:“Assurer la diversité des territoires, favoriser l’inté-gration des populations, valoriser le patrimoine, assu-rer la santé publique, veiller à l’utilisation économe desressources et organiser la gestion des territoires.”Cette approche n’était pas aisée dans la mesure oùcertains écarts – liés à des changements structurelset conjoncturels – se creusent entre des territoires béné-ficiant plus ou moins de la même intensité de crois-sance. Elle a mis en exergue – et en débat – des culturesd’élus différentes, opposant parfois l’urbain et le rural.Mais ce contexte a également invité l’aire toulousaineà se repositionner autour du partage de la croissance:de nombreux élus se sont interrogés sur ses bienfaits,d’autres allant même jusqu’à la refuser. Après étudedes potentialités et en fonction des objectifs de déve-loppement durable déjà évoqués, plusieurs scénariosont été mis en tension afin de déterminer sur quelsterritoires la croissance devait être dirigée en priorité.

Une démarche formatrice et structuranteLe schéma retenu a été celui d’un “pôle urbain élargi”,accompagné de “pôles d’équilibre” au centre des bas-sins de vie périurbains. Ont ainsi été privilégiés la diver-sification de l’offre de logement en faveur d’un meilleur

équilibre emploi-habitat, l’agriculture en tant qu’élé-ment structurant du territoire périurbain (l’urbanisationreprésente à 12 % à peine des sols), mais aussi les rela-tions entre territoires. Sur ce dernier point, l’un des enjeuxconsiste à garantir l’accès à la ville en s’appuyant surun réseau de transport multimodal performant et àdensifier l’urbanisme à proximité des infrastructuresde transport. “Il était important, explique l’agenced’urbanisme, de discuter des enjeux de périmètre deSCOT avant d’en définir les limites. Nous travaillonsaujourd’hui à l’élaboration d’un projet à l’échelle del’aire urbaine. Dix élus pilotent désormais l’opérationet le préfet s’est retiré…” Un point de passage obligédans le cadre de la décentralisation. l O. R.

Les questions de mobilité (le VAL) et d’équilibre entre habitat et activité se posent avec acuité à l’échelle de l’aire urbaine toulousaine.

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Vue d’avion, la réalité d’une ville dégringolant engradins vers un rivage encombré d’équipements por-tuaires,d’usines,de docks où s’éparpillent des conte-neurs orange,de voies rapides et de milliers de toitsroses serrés les uns contre les autres, occupant le

moindre espace disponible, vous saute aux yeux.Mais vue du sol, l’impression n’est pas moins fla-grante. C’est une sorte de “chaos urbain” qui peutrappeler,par sa topographie,sa confusion et sa géné-rosité, Marseille ou Naples.

*Une métropole portuaire en “phase chantier”

La perspective, désormais proche, de devenir – avec Lille – “ville européenne de la culture” en2004 a donné des ailes au port de Gênes et, derrière lui, à la ville tout entière. C’est une véritablemétropole qui est en mouvement pour mettre à niveau ses équipements, améliorer son fonctionnementurbain et tout simplement se rendre désirable aux yeux du monde. Du jamais vu dans une cité marchandeplus secrète qu’extravertie, davantage habituée à la discrétion qu’à la communication. Mais c’estau prix d’un équilibre parfois instable. l Le reportage de Pierre Gras à Gênes.

VU DE GÊNES

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Comprendre la ville et s’y perdreOn ne perçoit pas tout de suite la juxtaposition, cettesorte de collage, entre la cité médiévale, la ville clas-sique du XIXe siècle et la cité moderne frappée, dansle courant des années 60, par les mêmes maux queles autres villes occidentales, le “miracle italien” enplus. Il faut commencer par la parcourir à pied. Prenezla ville classique, par exemple, à partir de l’esplanadede la gare de Brignole. De larges rues à angle droit, devastes espaces publics un peu vides, des immeublesde type haussmannien avec cours intérieures et bal-cons ouvragés : tout se prête au jeu des ressemblancesavec la Baixa du marquis de Pombal à Lisbonne ouavec l’Ensanche de Cerdà à Barcelone. Mais aux limitesde la ville médiévale, on perd déjà ses repères. Larue, jusqu’ici piétonne, se transforme brusquementen tunnel routier à quatre voies, ou bien une voie sur-élevée coupe toute perspective sur le littoral. Il fautmonter, redescendre, se perdre, grimper à nouveau,ruser avec les remparts et les venelles, prendre là unescalier, ici un funiculaire, piquer plein sud jusqu’à lamer, croit-on, mais on tombe alors sur un mur. Lamer est de nouveau inaccessible. Un vrai labyrinthe…

L’expression convient tout aussi bien à la vieille ville,toute en recoins, en ruelles, en placettes et autresespaces minuscules. Seule la majesté intérieure despalais et des églises – qui se comptent par centainesdans la ville – donne une idée de ce que furent larichesse et la puissance de la République de Gênesaux XVe et XVIe siècles. Comprendre la cité génoise,c’est donc d’abord s’y perdre.

Changement d’imageGênes, c’est entendu, a en partie changé d’imagedepuis 1992, année au cours de laquelle le mondes’est souvenu que Cristoforo Colombo, commeon appelle ici le fameux découvreur, était Génois.L’architecte Renzo Piano, natif de Gênes lui aussi etqui y a toujours son atelier, a eu l’idée géniale des’appuyer sur le cinq-centième anniversaire de la“conquête des Indes”, pour commencer à réaména-ger le Vieux-Port. Non pas dans une perspective fonc-tionnelle – celle qui avait dominé tous les aménage-ments depuis la fin des années 50, entérinant lacoupure entre la ville et le port – mais dans unelogique davantage ludique et touristique. Gênes s’est

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engagé dans la même démarche que Barcelone ouSéville, mais avec un peu de décalage dans le lance-ment des opérations. Le Porto antico est désormaiscélèbre dans le monde entier. Les caissons gris del’aquarium géant posé par Renzo Piano sur l’un desmôles libérés par le port – version post-moderne duconteneur – reçoivent plusieurs millions de visiteurspar an : c’est aujourd’hui le troisième monument leplus visité en Italie, derrière la Chapelle Sixtine et lemusée des Offices !

Plus de dix ans se sont écoulés et le chantier du Portoantico n’est qu’à moitié terminé, comme en témoi-gnent les grues, les palissades et les immeubles enpartie rénovés qui obstruent encore la perspectivedu Lungomare. Et la fameuse Sopraelevata est tou-jours là, suscitant interrogations, polémiques et pro-positions d’aménagement aussi séduisantes quevaines… pour l’instant. La décision de maintenir oude détruire cette infrastructure n’est pas encore priseofficiellement. Mais il est à peu près certain – c’est dumoins ce que le maire Giuseppe Pericù, à la tête dela coalition de centre-gauche qui gère la ville depuis

de nombreuses années, a suggéré récemment – quela partie centrale de cette infrastructure sera suppri-mée et enterrée, sans doute jusqu’à la gare centrale,libérant ainsi le front de mer pour des opérations“d’image”.

“Shopping is living”La ville se prépare en effet à devenir “capitale euro-péenne de la culture”. Et tout ce que Gênes comptede têtes pensantes et de décideurs financiers sepenche plus particulièrement sur l’aménagement dusite de Ponte Parodi. Cette darse du Vieux-Port ser-vit longtemps de chantier naval. Y subsistent lesentrepôts des douanes et quelques beaux bâtimentsà charpente métallique. Ponte Parodi doit recevoir lenouveau musée de la navigation, une extension del’université et surtout un ensemble commercial et deloisirs à demi enterré (lui aussi !), le tout couvert parune terrasse-promenade, conçu par le NéerlandaisBen van Berkel /1, façon “shopping is living” /2. Leport et la ville doivent apprendre à vivre ensemble.On ne sait si cette transformation pour le moins “bru-taliste” les y aidera beaucoup.

1/

Auteur notamment

du célèbre pont

Erasmus, édifié sur

la Meuse à Rotterdam.

Lire Urbanisme,

supplément au n° 323,

mars-avril 2002,

pp. 23 et s.

2/

C’est le slogan,

devenu classique,

proposé par

Rem Koolhaas

pour caractériser

la nouvelle société

marchande

contemporaine.

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Gênes est une métropole en mouvement qui met à niveau ses équipements et se rend désirable aux yeux du monde.

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Derrière l’image, que l’on peut contester, mais quis’avérait tout de même nécessaire dans une cité mar-chande davantage habituée à la discrétion desaffaires qu’au tapage de la communication moderne,la réalité est certes composite. La tenue du “G8” àGênes, en 2001, avec les dérapages policiers qui l’ontaccompagné, a jeté une sérieuse ombre sur untableau jusque-là exagérément optimiste : celui d’unemodernisation relativement consensuelle. Lesdrames qui ont endeuillé la ville n’avaient certes prisGênes que pour cadre, mais personne n’était dupe.La mondialisation soulève ici comme ailleurs – etpeut-être un peu plus ici qu’ailleurs – un certainnombre de questions, comme l’accentuation de laségrégation sociale et spatiale et la répartition desfameux “fruits de la croissance”. Les pauvres restentconcentrés à l’Ouest et dans le centre historiquedégradé, coupés de la mer par les infrastructures detoutes sortes ; les riches et les classes moyennesvivent à l’Est et sur les hauteurs, avec vue imprenablesur l’horizon azuré.

Banlieue industrielleMidi, gare centrale. Le train bleu flambant neuf qui des-sert la banlieue ouvrière vers l’ouest serpente entreles équipements industriels, tantôt en tunnel tantôt àciel ouvert. Pas d’importance, puisqu’on ne voit pas lamer. Les habitants du Ponente en sont privés depuislongtemps et, de toutes façons, l’accès leur en seraitinterdit par la succession des barrières physiquesmises en place au fil des décennies. On croise une acié-rie, des entrepôts, des bâtiments à usage ferroviaire,des parkings et, de temps en temps, une barre de loge-ments qu’on suppose sociaux, cernée de toutes parts.On passe au large de l’aéroport, nouvelle métaphoredu conteneur, dont l’emprise a entièrement été gagnéesur la mer. On s’arrête dans de petites gares encom-

brées d’objets rouillés. On sent qu’on s’éloigne de laville, car la distance entre l’habitat et les installationsportuaires augmente progressivement.

Voltri, gare terminus. Le nouveau port “de Voltri” esten réalité situé, pour l’essentiel, sur la commune voi-sine de Pra, dont les habitants affirment avoir été“sacrifiés” par le développement du port. Dans lesannées 70-80, il leur a fallu se battre, parfois au senspropre du terme, avec les autorités portuaires pourobtenir de ne pas être expulsés totalement du litto-ral. Quelques immeubles anciens, bâtis sur lesrochers, donnent en effet sur la mer, des barquesbleues à leur pied. Mais ce n’est plus qu’un clichépour cartes postales. Pra est coupé du large par unedigue de plusieurs kilomètres, qui a permis précisé-ment de créer le nouveau port. Les gens de Voltri, quidisposent encore d’un accès direct à la mer, ne redou-tent qu’une seule chose : que le sort de Pra ne leuréchoie. À Pra, disent-ils en substance, c’est trop tard: le port ne peut que se développer sur place. Les pro-jets d’aménagement prévoient en effet, au grand damdes habitants et des écologistes, de combler par desremblais une darse qui permettrait de doubler lacapacité du port en un temps record.

L’enjeu portuaire demeureLa question n’est pas simple, car le port a généré prèsde trois mille emplois en six ans – et même près dutriple en comptant les emplois indirects qui bénéfi-cient à toute la population et aux commerces de l’ag-glomération. Comme le port ne peut plus s’agrandirà proximité du centre historique, où l’on préfèreaccueillir les croisières et les activités commerciales,et parce que le relief la côte ligure interdit tout autreprojet, où pourrait-il s’étendre ? Pour l’instant, on secontente de transférer peu à peu les activités dange-reuses, sans remettre en cause la logique de l’ex-tension. “Gênes est une ville portuaire qui n’a paspu, contrairement à Barcelone ou à Marseille, sépa-rer les activités lourdes nécessaires au développe-ment du port et les activités urbaines liées à la pré-sence de la mer, rappelait l’an passé, à Marseille, lepuissant président du Port autonome GiulianoGallanti /3. Maintenir l’activité industrialo-portuaireen ville soulève de gros problèmes d’acceptationsociale. C’est un vrai défi pour la plupart des villeshistoriques.” Face à la concurrence des grandesplaces méditerranéennes, mais aussi celle, plus insi-dieuse, des “petits voisins dynamiques” que sont lesports de Savone et de La Spezia, Gênes doit s’adap-ter rapidement, mais sans se renier. Concilier lesimpératifs d’image et la réalité industrielle. Traiter sesdisparités sans ignorer sa diversité. La quadrature ducercle. Cependant, foi de Christophe Colomb, impos-sible n’est pas Génois… l P. G.

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3/

Lire son intervention

lors de la précédente

rencontre nationale

des agences

d’urbanisme,

in Urbanisme,

hors série n° 18,

mars-avril 2003,

pp. 10 et 21-22.

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Sociologist Jean Viard kicked off with the notion of“sleep democracy”: you vote where you sleep anddemand development where you work. The well-offset up in urban or rural “heritage” areas and the poorare stored vertically. Jean-François Royer of France’sNational Institute of Statistics (INSEE) sees urbanregions as 3-part affairs: the original area (a third ofthe population), the near suburbs (50%) and theperiphery (18-20%) – with town planner PhilippeMéjean insisting that purely statistical analysis givesan inadequate idea of the disparities involved.

One point of interest was the future of the city/coun-try gap, as examined by researcher Philippe Perrier-Cornet: four possible scenarios were advanced,according as the middle classes “go rural”, cities con-centrate or sprawl, farming survives or declines, envi-ronmental considerations gain ground or cities evolvetowards crisis.

A further issue was the effect of metropolises onsmaller neighbours. Saint-Nazaire mayor Joël Batteuxis convinced that not “going along with” nearbyNantes (over three times larger, with a population of500,000) would inevitably have “drained the city dry”.His ideas for success in the urban region contextinclude close understanding between politicians andplanning specialists in both the entities concerned,and between local actors; independence of thinking;a local strategy; emblematic planning operations; anda strong sense of identity. But the real problem,reacted Blanquefort mayor Vincent Feltesse, is thedisparity in financial means between city and smallcountry municipalities.

Since 1999 there has been an upsurge of intermunici-pal ventures, of which Greater Clermont is an inter-esting example: 105 municipalities in nine urban, outer-urban and rural groupings. Jean-Claude Zicola, mayorof Riom and head of one grouping, pointed out thatthe originality of the approach lies in local politicians’determination to meet all the challenges the territoryis facing in a spirit of urban-rural complementarity.

Founded in 1999, the “Pays de Rennes” – 67 munic-ipalities – entrusted initial project planning to theRennes Town Planning Agency and, with a view todefusing local suspicions, an intermunicipal cooper-ation body. The outcome was a situation in which

everybody was at least speaking the same language. France’s SCOTs (Territorial Uniformity Schemes) aredesigned to counter imbalances, but as Hervé Leroypointed out, the lack of a shared vision and the pro-liferation of (often ill-adapted) institutions in urbanregions makes collective action difficult. French newtowns are having their troubles too, with the quanti-tative solutions of the 70s generating the same prob-lems as in older cities.

An interesting example of territorial structuring wasoutlined by Marc Perez of the TTK Consultancy inKarlsruhe, Germany. With continuing State and Landbacking for improvements, the city’s public transportsystem has doubled its number of users in twentyyears.

In Toulouse a standard paradox prevails: strikingdemographic and economic growth accompaniedby widening social and territorial gaps. The ToulouseUrban Region Town Planning Agency carried out adetailed diagnosis aimed at establishing the area tobe covered by the SCOT: using the twin criteria ofsustainable development and governance, theAgency took a global look at social, spatial and eco-nomic disparities and came up with a proposal foran “enlarged urban zone” accompanied by “balancezones” in periurban living areas. Improved hous-ing/job ratios, farming as a structural periurban fac-tor and closer inter-territorial relationships would bebacked by an efficient multimodal transport systemand greater residential concentration near transportinfrastructures.

At once medieval, 19th-century and modern, Genoais currently – and painfully – coming to terms withchange. A new image, partly due to locally-born archi-tect Renzo Piano, is giving the city a more playful,“touristy” edge and pulling in millions of visitors ayear. However the poorer locals, concentrated inthe West and the rundown central area, are payingthe price: areas like Pra-Voltri are less than happywith their separation from the sea, while the wealthyto the East continue to enjoy splendid views.Genoa is under acute economic pressure from otherMediterranean ports and its vigorous smaller neigh-bours, but to remain true to itself it must reconcileimage and industrial needs and at the same time dealwith its disparities without ignoring its diversity.

Urban regions

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*At the crossroads

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“L’intégration européenne et la mondialisation peu-vent avoir des effets importants sur l’attractivité desterritoires et donc sur les localisations économiques”,a rappelé tout d’abord Nadine Massard, professeurde sciences économiques à l’Institut national dessciences appliquées de Lyon et chercheur au labora-toire Creuset.Dans ce “contexte d’interdépendance”,les marges de manœuvre des collectivités territo-riales apparaissent souvent limitées.Qu’en est-il vrai-ment en Europe ? Dressant une sorte d’état des lieuxdes disparités spatiales au sein des pays de l’Union,Nadine Massard a souligné que la fameuse “bananebleue” concentre toujours les mouvements et lesindices de développement à l’échelle européenne.Mais ce schéma déjà ancien, puisqu’il domine lesreprésentations depuis la fin des années 70, nerecouvre pas entièrement une réalité plus complexe.

Une “hyperconcentration” continue et sélectiveEn fait, quatre groupes de villes et de pays se distin-guent sur le Vieux Continent : les “grands pays” ducœur de l’Europe (Allemagne, France et Royaume-Uni), les “petits pays” du cœur (Autriche et Benelux,pour l’essentiel), les pays scandinaves (Danemark,Suède, Finlande) et enfin les “petits pays pauvres”(Grèce, Irlande, Portugal…), tandis que l’Italie (sauf

peut-être la Lombardie) ou l’Espagne semblent plu-tôt “atypiques”, au moins du point de vue de l’at-tractivité économique /1. Cette typologie à caractèregéostratégique se double d’une “carte de la spécia-lisation” qui a tendance à gommer progressivementla première depuis le début des années 80. SelonMme Massard, les territoires ont d’autant plus decapacité à se positionner qu’ils se dotent d’avantagesconcurrentiels. Mais ils subissent simultanément desforces dynamiques qui les différencient : contraintesde proximité, logiques de filières, liaisons interin-dustrielles... Ainsi, dans les zones les plus “agglo-mérées”, notamment au Nord-Ouest de l’Europe, laspécialisation s’accroît, mais la concurrence est plussoutenue, alors qu’ailleurs c’est souvent l’inverse.D’où l’émergence de plusieurs scénarios de déve-loppement allant de la désertification progressive decertaines régions à l’hyperconcentration continue etsélective de certains territoires privilégiés.

La recherche-développement accentue la sélectivitéPhilippe Laredo, directeur d’études au LATTS (Écolenationale des ponts et chaussées), confirme qu’enmatière de recherche, la logique à l’œuvre est sensi-blement la même : “Avec le développement des tech-nologies de pointe, on se dirige vers une sociétéhypertechnique où les sciences semblent devenir le

*Vers une stratégieurbaine européenne :choisir ou subir ?

“Les grandes villes d’aujourd’hui ne résultent plus des territoires qui lesentourent,mais produisent autour d’elles des régions urbaines”,expliquait en substancele document préparatoire à l’atelier. Si la fameuse “banane bleue”, qui relie la plainedu Pô à la mer du Nord, constitue sans doute la traduction européenne de cette affir-mation, la réalité peut-elle s’enfermer dans cette seule et très vaste conurbation ?Non à l’évidence, même si les stratégies des collectivités territoriales apparaissent,de près ou de loin, placées sous influence. l Synthèse d’atelier par Pierre Gras.

Territoires français et européens

SYNTHÈSE

1/

On peut noter qu’en

l’état cette typologie

n’intègre pas les

dix nouveaux pays

devenus membres

de l’Union en 2004.

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facteur différenciant dans la dotation en capital.”Entendez par là que l’argent finit toujours par aller làoù il est déjà concentré. Aux États-Unis, par exemple,“les États fédérés sont devenus acteurs du dévelop-pement technologique grâce à la formation et à larecherche-développement. En Europe, la mêmedémarche commence à émerger. Mais il ne faut pasoublier que l’innovation reste le fait des entreprisesprivées, quelle que soit leur taille”, a expliqué Phi-lippe Laredo. La construction des compétences estpourtant un “bien collectif”, en partie générée etfinancée par les services publics, peut-on objecter.Les frontières public-privé seraient-elles plus flouesdès lors que leur complémentarité s’affirme ?

Une économie immatérielle et “branchée”François Denieul, consultant en stratégie de dévelop-pement territorial, n’a pas dit autre chose en soulignantque “la matière grise devient la base du développe-ment économique”, comme dans le “modèle scandi-nave” où 4 % environ du produit intérieur brut estconsacré à la R&D, pour 2,2 % seulement en Franceet à peine mieux (2,8 %) aux États-Unis. “La puissanceinformatique a changé de nature, a-t-il indiqué. Ellecontribue à intégrer tous les outils de l’intelligence auprofit d’une valeur ajoutée accrue qui caractérise lasociété post-industrielle.” Mais l’économie de l’intel-ligence est une économie immatérielle, affranchie –en principe – des contraintes de distance et d’immo-bilier, qui pose problème aux collectivités et aux terri-toires moins “branchés” que d’autres sur les grandsréseaux d’information. Comment “ancrer territoriale-ment cette intelligence collective”? François Denieula sa réponse, même si elle a pu paraître quelquepeu théorique aux participants: il s’agit de construiredes “systèmes territoriaux d’intelligence collective”articulant capital intellectuel, capital social et déve-loppement territorial. Il suffisait d’y penser…En France, cette approche est déjà manifeste. Troisrégions (l’Île-de-France, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur) concentrent les deux tiers des“fonctions métropolitaines majeures” et, dans chaque

région, les trois quarts des emplois de ce type sontsitués dans la capitale régionale ! Mais pour LouisMaurel, directeur d’études à l’Agence d’urbanismede l’agglomération grenobloise et animateur du clubÉco-FNAU, cette sélectivité est à double tranchant :“Les territoires attractifs subissent des effets sociauxproblématiques. Car le succès économique ne garan-tit nullement une baisse du chômage et pose parfoisen termes sévères la question de la cohésion sociale.”

Des facteurs de localisation“subjectifs, voire irrationnels”Marc Lhermite, lui aussi consultant et dirigeant associéd’Entrepreneurs Conseils, a achevé de semer le douteen soulignant à quel point les critères de localisationdes entreprises sont parfois “subjectifs, peu analytiques,voire irrationnels”. Ils évoluent peu sur la durée et sontdonc récessifs. Les entreprises se détermineraient leplus souvent “sur des bases exogènes au territoire can-didat” comme l’état du marché, la flexibilité du code dutravail ou encore les bouleversements technologiques.Toutefois, certains facteurs pèsent plus lourd qued’autres : ainsi la décision de “délocalisation” d’une acti-vité industrielle ou tertiaire “repose sur un nombre réduitde critères” – en gros, le coût de la main d’œuvre.

Face à ces stratégies lourdes des entreprises dont lesbâtiments et les ressources humaines apparaissentfinalement aussi volatils que leurs capitaux, quellesstratégies les collectivités peuvent-elles utilementdévelopper ? On lira par ailleurs le point de vue déran-geant du prospectiviste Guy Loinger. Mais on a éga-lement compris, à entendre les explications embar-rassées des acteurs et des élus réunis pour unepremière “table ronde” animée par l’économiste PaulBoino, professeur à l’Université Lyon II, que lesréponses ne sont pas évidentes.

Quelles stratégies pour les collectivitésterritoriales ?Claude Guillerme, président de l’Agence de dévelop-pement et d’urbanisme de l’agglomération nancéienne,

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et Michel Thiollière, sénateur, maire de Saint-Étienneet président de la communauté d’agglomération Saint-Étienne Métropole créée en 1996, ont expliqué en sub-stance que leur stratégie de réponse reposait sur deuxtypes d’outils : la constitution d’un appareil de forma-tion qui soit à la hauteur des attentes des entreprises(avec son quota de grandes écoles d’ingénieurs) et lamise en place de partenariats croisés qui contribuentà “fidéliser les entreprises et les investisseurs sur unterritoire plus vaste que l’échelle communale, voireintercommunale”, selon l’expression de ClaudeGuillerme. Les outils d’aménagement viennent ensuite,mais il n’est sans doute pas anodin que le futur SCOTde Nancy concerne le plus vaste périmètre de France :400 communes et plus de 500 000 habitants.

En Provence-Alpes-Côte d’Azur, on ajouterait volontiersune quatrième composante : l’adéquation entre le pro-jet de développement et “l’identité territoriale”. PourBernard Morel, économiste, directeur général adjointdes services du Conseil régional, “les mutations éco-nomiques doivent être liées aux identités territoriales,sinon ça ne marche pas !” Et de plaider pour une plusgrande diversité des modes d’intervention, des critèresd’aide et… des méthodes de gestion : “La transversalitéadministrative ne fonctionne pas. C’est souvent là quele bât blesse souvent face aux entreprises…” La solu-tion? Construire un territoire “assuranciel” où l’entre-prise qui s’implante minimise les risques qu’elle prendpar rapport au volume de son investissement. À titred’exemple, la “réactivité de la population” ou “l’absencede concertation entre les territoires” sont des facteursde risque pour les entreprises, selon Bernard Morel.

La “réactivité” de la société civileÀ propos de concertation et de réactivité justement,l’intervention de Jean-Joseph Régent, président duConseil de développement de l’agglomération nan-taise, aura peut-être contribué à rassurer M. Morel,sinon les entreprises elles-mêmes. La “conférenceconsultative” lancée dans cette agglomération dès1995 et qui a abouti, en application de la Loi Voynet, àla création du conseil de développement, a eu assu-rément des effets positifs : “Les villes sont devenuesdes communautés d’intérêts, a souligné M. Régent. ÀNantes, chacun a ainsi pris conscience du fait que parti-ciper à la préparation des choix enrichit la démarche dedéveloppement des territoires.” Cette expérience –dont le bilan mérite d’être tiré sur une certaine durée –a permis en quelque sorte de commencer à “intégrerles expertises de la vie quotidienne”, selon l’expres-sion de Jean-Joseph Régent. Un vrai défi.

L’évaluation, une “culture” à mieux partager ?L’évaluation n’est toutefois pas encore le point fortde nos politiques publiques. Jean-Paul Pronost,

chargé de mission au Conseil national des écono-mies régionales (CNER), n’en fait pas mystère :“L’évaluation ne relève pas de la décision politique,c’est un problème de culture, d’ailleurs peu déve-loppée dans notre pays.” Quels sont les freins ? Toutd’abord, l’appareil statistique qui, selon M. Pronost,“ne s’y prête pas”. Ainsi les investissements écono-miques des collectivités locales sont-ils estimés à“seulement” 2,2 milliards d’euros chaque année, soitmoins de 2 % de leurs budgets (et moins de 15 % desaides étatiques aux entreprises). En réalité, cet inves-tissement est plutôt de l’ordre de 5 %, selon un rap-port de la Cour des comptes publié en 1996, ce quin’est pas la même chose. Second type de frein : laculture collective. Pour être davantage partagée etcrédible, la “culture de l’évaluation” suppose la défi-nition d’objectifs clairs et… la certification des opé-rateurs à l’issue d’une démarche qualité. “La décen-tralisation pourrait donner un coup de pouce décisifà cette démarche et le choix des interventions éco-nomiques possibles être notablement élargi”, aobservé sobrement Jean-Paul Pronost.

Le temps des certitudesAprès les incertitudes du développement écono-mique venait le temps des certitudes de l’aménage-ment du territoire européen. Bien qu’accompagnéed’un prudent surtitre (“Les politiques publiques à larecherche de la cohésion territoriale”), la seconde“table ronde” de l’atelier, animée par Gérard Blanc,directeur général adjoint des services du Conseilrégional Nord-Pas-de-Calais, n’en a pas moins adoptéune sorte de méthode Coué, l’Europe y jouant le rôlede leitmotiv. Jean Peyrony, chargé de mission sur lespolitiques européennes à la Délégation à l’aména-gement du territoire et à l’action régionale, a donnéle ton : “L’Union européenne a vocation à s’appuyerplus que jamais sur les villes. Travailler à vingt-cinqne sera pas simple, mais nous sommes convaincusqu’il faut associer davantage les régions et les villesà l’élaboration de ces politiques, etc.” Plus tard, MmeGabriela Hernandez, directrice adjointe de l’unitéRegio A1 à la Commission européenne, renchéris-sait : “La DG Regio se préoccupe de la qualité de vieau niveau européen, en particulier dans le cadre del’élargissement de l’Union, mais cette question vaau-delà du seul maintient du niveau de vie global despays membres… Actuellement, les États membressont partagés sur les moyens à mettre en œuvre pourprendre en compte l’ensemble des problèmes tou-chant à la cohésion sociale et territoriale…” Les “cas”français ou étrangers présentés /2 ne manquaientpourtant pas d’intérêt, l’animateur s’efforçant de“créer du lien” entre une litanie d’interventions –treize en une seule matinée – et le thème proprementdit de la rencontre.

48 / URBANISME / HORS SÉRIE n° 21 - mars-avril 2004

2/

On lira en particulier

en pages 55 et s.

une analyse du

développement

transfrontalier entre

la France et le

Luxembourg, intégrant

plusieurs exemples,

dont celui du

“quattropole” constitué

entre Metz-Sarrebrück-

Trêves-Luxembourg,

présenté au cours

de cet atelier par

Mme Christine Raffin,

conseillère déléguée

auprès du maire

de Metz et

vice-présidente

de la Communauté

d’agglomération.

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Les entreprises déterminentleurs implantations et mobilisentleurs investissements le plus souvent “sur des bases exogènes au territoire candidat”.

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Entre statistiques et pragmatismeIl a fallu patienter encore, au rythme de propos par-fois convenus, pour que l’on s’attaque à l’essentiel :qu’est-ce qui ne marche pas ici et qui, pourtant,semble parfois bien fonctionner ailleurs, mais àquelles conditions ?

• D’abord les statistiques (encore elles). Elles comp-tabilisent parfois des notions totalement différentesd’un pays à l’autre. La création de l’observatoireeuropéen ORATE, implanté au Luxembourg, est des-tinée, selon Maryse Scholtès, attachée au gouver-nement du Grand Duché, à “améliorer la connais-sance de la réalité territoriale européenne”, vis-à-visde laquelle un déficit a été constaté. Cet observatoirecouvre un territoire cohérent, c’est-à-dire l’ensembledes pays de l’Union mais aussi les dix nouveauxpays membres et la Suisse. Il servira à fonder surdes bases sérieuses les futures politiques territo-riales européennes menées dans le cadre de l’Euro-pean Spatial Development Perspective adoptée en1999 et à orienter les stratégies globales de l’Unioneuropéenne “élargie”.

• Il s’agit ensuite du pragmatisme, indispensable lors-qu’on aborde le champ du développement territorial.

Mme Flo Clucas, leader de la majoritémunicipale de Liverpool, en a donné unexemple particulièrement frappant,s’agissant d’une agglomération litté-ralement vidée par la crise industrielleet portuaire des années 80. L’airemétropolitaine du Merseyside a certesreçu beaucoup de l’Europe (plus dedeux milliards d’euros de fonds struc-turels et autres aides), mais elle a sules utiliser avec intelligence, associantautant que faire se peut fonds publics

et investissements privés. Actions de promotion éco-nomique, formation professionnelle des jeunes,

appui aux micro-initiatives locales, concertation avecla population, ébauche d’un système de gouver-nance, politique de reconquête du centre-ville, tra-vail sur les quartiers en difficulté : toute la gammedes interventions possibles a été abordée… et 40 000emplois ont été créés en cinq ans.

À l’Est, du nouveauL’euphorie n’est pas retombée quand Robert Tropartz,conseiller au ministère de la Construction et desTransports de Saxe-Anhalt (région peuplée de 2,5millions d’habitants et dont la capitale est Magde-bourg) a raconté comment ce “nouveau Land” issude l’ex-Allemagne de l’Est avait réussi à soulever lerideau de fer et à sortir de la crise économique. Ledéfi semblait pourtant impossible à relever : un parcde logements dans un état déplorable, une “fuite descerveaux” considérable (jusqu’à la construction dumur, en 1963), une chute brutale de la production

industrielle et un taux de chômage de l’ordre de 20%,entraînant une émigration massive vers l’Ouest del’Allemagne (100 000 personnes pour le seul Land deSaxe-Anhalt). “Depuis 1989, notre objectif dans cetterégion a été d’amener le niveau de vie de la popula-tion à celui de l’Ouest. Nous en sommes environ à70 %”, a expliqué M. Tropartz. Avec quelles méthodesce résultat a-t-il été obtenu ? De gros moyens, pourl’essentiel : plus de 27 milliards d’euros depuis 1990.Grâce à ces investissements publics (le secteur privéétait quasi inexistant à la chute du mur), plus de 7 200projets économiques ont été lancés, de grandes infra-structures de transport (voies ferrées et autoroutesprincipalement) ont été réalisées ou modernisées, etles institutions économiques ont été “restructurées”,de façon à pouvoir attirer de nouveaux investisseurs.

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Maryse Scholtès

40 000 emplois ont été créés en cinq ans à Liverpool.

Le niveau de vie de l’ex-Allemagne de l’Est a été porté à 70 % de celui de l’Ouest (ici, Magdebourg).

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“La situation reste cependant très préoccupante pourles autorités, a souligné M. Tropartz, car le renouvel-lement de la population ne se fait plus et plus de180 000 logements sont vides.” /3

Quelles perspectives pour les régionsmétropolitaines ?Ces expériences étrangères n’ont en tout cas pasmanqué d’interpeller les participants et d’influencerle discours des intervenants suivants. Se concen-trant pour sa part sur “l’attractivité du site France”,Jean-Claude Bury, membre du Conseil économiqueet social, vice-président de la commission aména-gement du territoire, a plaidé en faveur du dévelop-pement de partenariats entre les régions et leursagglomérations, de façon à “accompagner par essai-mage la création de pôles d’activités forts dans lesvilles”. Il s’agit d’éviter le “saupoudrage” et d’inter-dire les investissements “dans des puits sans fond”lorsque la structuration urbaine n’est pas suffisantepour les pérenniser. Fort de cette analyse, le Conseiléconomique et social a ainsi émis cinq propositionsqui sont autant de bases de discussion : la recon-naissance du “fait urbain” à travers un large débatà organiser dans le pays ; l’organisation de la gou-vernance des agglomérations par l’élection de leurexécutif au suffrage universel direct ; la redéfinitiondes rapports région-agglomération, en mettant l’ac-cent sur la dimension prospective ; le renforcementpar contractualisation des principaux pôles urbainspour un meilleur “maillage du territoire” ; et enfin lacréation de véritables “métropoles européennestransfrontalières”.

Vers une stratégie de l’offreVincent Fouchier, chargé de mission pour le déve-loppement urbain durable à la Datar, a confirmé “lesoutien du gouvernement à l’offre métropolitaine”en particulier depuis la réunion du comité intermi-nistériel à l’aménagement du territoire du 9 juillet2002. Les services de l’État et la délégation travaillentà la “définition de cette stratégie”, en s’appuyant surles études déjà entreprises. Le rôle de l’État étant biende “conforter l’attractivité des métropoles”, VincentFouchier, confirmant en cela l’analyse du CES, a rap-pelé quelques constats, comme l’insuffisance dupoids démographique des métropoles régionalesfrançaises – qu’il faut néanmoins, selon lui, “relati-viser”, car le problème est peut-être “moins quanti-tatif que qualitatif” – et la difficulté à “trouver desformes de gouvernance adaptées, comme dans lereste de l’Europe d’ailleurs”. L’attractivité à la fran-çaise apparaît ainsi moins comme le produit d’unehyperconcentration que comme un modèle “multi-polaire” reposant sur un maillage de “métropolesintermédiaires”.

Au-delà du diagnostic, les objectifs gouvernemen-taux formulés à l’occasion de la préparation du pro-chain CIAT sont liés à trois champs d’action : lesgrandes infrastructures, la contractualisation et lesstratégies métropolitaines. Dans ce contexte, le rôledes agences d’urbanisme – qui gagneraient sansdoute à mieux analyser l’utilité d’une présence de laRégion au sein de leur conseil d’administration – peutêtre considéré comme un pivot dans la mise en placedes futurs “contrats métropolitains” entre l’État, lesrégions et les grandes agglomérations, a estimé Vin-cent Fouchier.

Un certain volontarisme à StuttgartSans contredire tout à fait cette description, troistémoignages portant sur des “démarches métropo-litaines” contrastées ont contribué à l’éclairer d’unefaçon nuancée. Bernard Steinacher, directeur régio-nal du Verband Region Stuttgart /4, a ainsi affirméque “la croissance démographique et la producti-vité accrue d’une grande métropole, accompagnéed’une compétition entre sites pour l’accueil d’entre-prises, pose toujours d’importants problèmesurbains” : équilibre en matière d’emploi, gestioncommune des services urbains comme le traitementdes déchets ou les transports urbains, etc. Dans lecas de Stuttgart, le Verband Region est une réponsede niveau régional à ces questions, a-t-il expliqué,“car l’échelle d’agglomération n’est pas suffisantedans un Land qui accueille plus de dix millions d’ha-bitants”. Cette prise en compte de l’échelle indis-pensable pour agir efficacement en matière d’amé-nagement durable, de concertation avec la sociétécivile (avec notamment la création d’un “conseil dedéveloppement métropolitain”) et de coordinationdes politiques de développement a permis d’at-teindre plus rapidement les résultats escomptés.Mais il a fallu pour cela imposer certaines contraintesaux communes “récalcitrantes”, ce qui ne va jamaissans mal.

Rhône-Alpes : une région métropolitaine “de fait” ?Dans le cas de la Région Rhône-Alpes, exposé parBénédicte Chassagne, directrice de la prospective auConseil régional, et Nicolas Millet, directeur des poli-tiques territoriales, un système aussi coercitif n’estpas de mise. Question de culture politique. C’est aucontraire un “système en réseau”, valorisé dès lesannées 90 dans le cadre du premier schéma régio-nal d’aménagement du territoire, qui a permis derépondre à un certain nombre de défis. Le réseau desvilles de Rhône-Alpes est ainsi devenu une référence:il a facilité au cours des dernières années “l’émer-gence d’une région interactive s’appuyant sur unmaillage de huit métropoles et de vingt-deux villes

mars-avril 2004 - HORS SÉRIE n° 21 / URBANISME / 51

3/

Le taux de natalité,

dans toute l’ancienne

Allemagne de l’Est

(hors Berlin),

n’atteint pas 1,2

alors qu’un taux

de 1,9 est nécessaire

au renouvellement

des générations.

4/

Autorité

métropolitaine

compétente

sur un ensemble

de 179 communes

peuplées par

2,6 millions

d’habitants.

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moyennes” qui est l’un des plus denses de notrepays. “Désormais, c’est la région tout entière qui pos-sède les moyens d’afficher des ambitions de ’’régionmétropolitaine’’ au niveau européen”. Aujourd’hui,40 % des moyens dégagés par la Région Rhône-Alpesen faveur des territoires passent par la contractuali-sation. 120 millions d’euros ont en particulier étéaffectés au fonctionnement des réseaux de villes dansla région.

Marseille Métropole : une première étapeClaude Vallette, vice-président de l’Agence d’ur-banisme de l’agglomération marseillaise et de laFNAU, a souligné pour sa part que “les ambitionsde Marseille Métropole correspondent bien auxobjectifs exposés par le Conseil économique etsocial et la Datar. Nous vivons dans des airesmétropolitaines, mais sans en tirer véritablementtoutes les conséquences… Or la dynamique éco-nomique et sociale se trouve bien concentrée à ceniveau-là”. La constitution relativement récented’une communauté urbaine associant dix-septcommunes autour de la ville centre est une pre-mière étape dans la construction d’un niveaumétropolitain qui soit influent au sein d’un GrandSud-Est “où le duopole Lyon-Marseille joue sonrôle depuis 1995”. Cette démarche n’en est qu’audébut, a ajouté l’élu marseillais, car la constructionde cet espace d’analyse et d’action collective per-tinent est appelée “se poursuivre dans des ins-tances plus informelles entre les différentes inter-communalités” /5.

À la fois “grand témoin” de l’atelier et actrice de cespolitiques, Maryse Scholtès a fait observer qu’ils’agissait bien, dans tous les cas de figure, d’undébat “avant tout politique et non pas seulementtechnique”. Philippe Nouveau, président de l’Agenced’urbanisme et de développement de la régionFlandre-Dunkerque et rapporteur de l’atelier enséance plénière, a exprimé en conclusion la même

idée, mais dans des termes différents : “Le rôle desgrandes agglomérations comme facteur de crois-sance est devenu incontestable. D’où l’importancedes réseaux urbains dans l’élaboration des poli-tiques de développement. Mais l’insuffisantereconnaissance du fait urbain pose partout pro-blème. À la lumière des expériences présentées,la place réelle des citoyens dans les démarches degouvernance continue de nous interroger…” C’estdire si les questions d’attractivité et de disparitésterritoriales, loin de constituer un objet d’étudequelque peu technique ou formel, se trouvent aucontraire au cœur d’un débat déjà ancien danstoute l’Europe : quel modèle de développementvoulons-nous ? l P. G.

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Cf. sur ce

thème Urbanisme,

hors série n° 18,

mars-avril 2003,

pp. 12 et s.

Les développements autour d’Euroméditerranée constituent l’une des étapes de la construction d’un espace métropolitain autour de Marseille.

Rhône-Alpes se vit de plus en plus comme une “région métropolitaine” (ici, Annecy).

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“Même à une époque où le discours sur la mondia-lisation est omniprésent, en matière de développe-ment territorial,la relation homme/nature,ressourcehumaine/ressource naturelle reste à la base de tout.Et à travers elle, la capacité des hommes à maîtriserleur environnement,à s’adapter au contexte qui leurest donné. Ce contexte détermine un certain typede relation entre l’homme et son environnement,tout en produisant les conditions de sa propre sur-vie. Ce long apprentissage séculaire est à l’originedes cultures locales, de la diversité et de l’identitédes territoires.

Ce qui influe principalement sur cette relation, c’estl’échange. La leçon de David Ricardo demeurevalable : il vaut mieux être bon dans un seul domaineque médiocre dans tous les domaines. Mieux vautse spécialiser, quitte à être dépendant des autres pourle reste : ce lien entre spécialisation et dépendanceest le ressort même de l’échange. Les difficultés com-mencent lorsque l’échange devient une force en soi,qui s’impose à ses acteurs, sur le mode suivant : ‘’Sivous n’acceptez pas de vous spécialiser en fonctionde la logique de cette figure imposée, vous n’existezpas, vous êtes éliminés du jeu…’’

Or, quels sont les facteurs-clés de l’échange ? Il s’agiten premier lieu des réseaux cognitifs, qui sont déter-minants (l’information). C’est ensuite l’économie dessavoirs (recherche, science, technologie). C’est, entroisième lieu, le système productif, qui est globalisésur l’ensemble de l’économie-monde. Enfin, c’est lemarché lui-même qui évolue sans cesse : il est erra-tique, volatil, instable.

Les territoires eux-mêmes présentent plusieurs carac-téristiques déterminantes. Tout d’abord, ils ne sontpratiquement pas ou plus encadrés, régulés, proté-gés par les États-nations : les filets protecteurs opè-rent de moins en moins. Entre les territoires et lemonde, il n’y a pratiquement aucune intermédiation,ce qui fragilise les territoires. Ensuite ces territoiresne sont pas des entités à réactivité rapide. Ils sontcaractérisés par un fort degré d’inertie, précisément

par ce qu’ils sont le produit de l’histoire longue, quiles entraîne sur des trajectoires difficiles à infléchir.Les territoires sont des systèmes lents et complexes :face aux ‘’temps courts’’ de la dynamique écono-mique, les ‘’temps longs’’ des territoires ne les pla-cent pas a priori en position de s’adapter facilementaux logiques dominantes.

l par Guy Loinger.*

*Les “sucres lents” du développement d’un territoire

POINT DE VUE

* Guy Loinger

est universitaire,

responsable

de l’Observatoire

international des

politiques régionales.

Ce texte est tiré

de son intervention

en atelier au cours

de la rencontre

nationale des agences

d’urbanisme.

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Dès lors, comment construire les conditions pouraccepter les logiques du développement ? Il convientde prendre en considération les “sucres lents des ter-ritoires”, pour reprendre l’expression de l’économistePierre Veltz. Ce sont les conditions du développe-ment, les externalités qui le rendent possibles : lesexternalités physiques (infrastructures, équipe-ments…), que tous les aménageurs connaissent etqu’ils savent maîtriser ; mais aussi les externalitéscognitives (savoirs, réseaux, capacités de coordina-tion…), c’est-à-dire la société prise comme phéno-mène relationnel actif. Or, sur ce deuxième point, onne sait pas bien faire. Les réseaux, les systèmes rela-tionnels sont segmentés, séparés et largement déter-ritorialisés. Il faudrait parvenir à territorialiser lasociété du savoir.

Il faut ensuite reconnaître l’importance de la notiond’espace pertinent – mais d’espace pertinent à géo-métrie variable, selon la nature du problème et del’enjeu ; à chaque territoire son type d’espace per-tinent. En tout état de cause, il faut s’appuyer surquelques pôles agglomérés forts, des métropolesqui seules sont capables de faire l’interface avecle système-monde. C’est toute la logique de lamétropolisation.

Il s’agit également de reconnaître l’importance desreprésentations. Un territoire n’existe pas en soi, ilexiste d’abord dans l’image subjective que l’on s’enfait. À cet égard, il convient que les territoires soientporteurs d’une certaine ‘’désirabilité’’, qu’il soientcapables de donner envie, car les personnes, lesménages et les jeunes en particulier sont de plus enplus mobiles. Ils ‘’zappent’’ sur les territoires et, dece fait même, parviennent à créer une dynamiquedémographique et économique particulière.

Les territoires doivent aussi être capables de sepenser collectivement : à la base de la cohésion,il n’y a pas seulement de la redistribution des reve-nus. La notion de partage, du ‘’vouloir vivreensemble’’ autour d’un projet – et donc autour dudébat public, de l’expression collective et de sonoutil, la prospective participative – est essentielleaujourd’hui.

Enfin, la reconnaissance des différences, de la diver-sité, de la spécificité et de l’identité des territoirescomme des Hommes qui y vivent, c’est-à-dire lareconnaissance des origines dans la constructiond’un futur partagé et accepté, est une condition sinequa non de la réussite.” l G. L.

“Il s’agit de reconnaître l’importance des représentations. Un territoire n’existe pas en soi,il existe d’abord dans l’image subjective que l’on s’en fait.”

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1/

Cf. l’article “[Metz]

Lorraine du Nord

et Luxembourg :

des évolutions

divergentes”,

in Cahiers de l’IAURIFn° 137, Paris, 2003,

pp 242-244.

2/

Cent mille frontaliers

sont employés

aujourd’hui au

Luxembourg, ce

qui représente plus

de 37 % de l’emploi

salarié total. Ces

frontaliers viennent

de France (environ

la moitié), de Belgique

(30 %) et d’Allemagne

(20 %).

S’ils présentent de fortes similitudes, les territoiresdu nord de la Lorraine et le Luxembourg ont connudes évolutions divergentes depuis le début desannées 60,expliquent Delphine Thiry et Alain Ognierdans une étude publiée par l’Agence d’urbanisme del’agglomération messine /1. Crise économique etdémographique d’un côté de la frontière,croissanceet attractivité de l’autre, le contraste est saisissantau tournant des années 80 qui marquent la ferme-ture des mines du bassin de Longwy et le déplace-ment de la sidérurgie vers les régions portuaires(Dunkerque, Fos), entraînant une déqualificationurbaine et une désertification d’une grande partiedu bassin industriel lorrain.

Un processus de modernisation décalé“Au Luxembourg, rappellent les auteurs de l’étude,l’évolution a été beaucoup moins dramatique, cardès les années 50, l’État a pris des mesures pour sau-

ver la sidérurgie tout en favorisant la diversificationde l’économie. De 1975 à 1987, 5 % des dépensesbudgétaires moyennes du pays ont été alloués à lamodernisation de l’industrie sidérurgique luxem-bourgeoise. Le Grand Duché a pu ainsi maintenir unsecteur industriel productif et compétitif même si sonimportance dans l’économie luxembourgeoise s’estréduite d’année en année.”Le coût social de cetteadaptation de l’outil industriel s’est du même couprévélé moindre. Par la suite, outre l’implantation d’ins-titutions européennes dans la capitale qui a permisla création de nombreux emplois de service, en par-tie pourvus par les frontaliers /2, Luxembourg a pudévelopper un rôle de place financière internationaleoù elle supplante peu à peu Genève. Alors même quela Lorraine continuait de subir les effets d’une restruc-turation beaucoup plus tardive, en dépit de l’im-plantation de nouvelles industries largement soute-nues par les aides européennes…

*Coopération ou concurrence transfrontalière ?

La coopération transfrontalière entre villes et territoires est déjà une longue histoire, écriteentre concurrence et complémentarités. L’exemple de la relation entre la Lorraine et ses voisins luxem-bourgeois et allemands est d’autant plus intéressant qu’il s’éclaire d’un jour nouveau sous l’effet dudéveloppement rapide du Grand Duché hors de ses modestes frontières. l Analyse par Pierre Gras.

VU DE LORRAINE

Le contraste est saisissant entre le Grand Duché du Luxembourg, au développement rapide, et certains secteursurbains du bassin industriel lorrain déqualifiés par la crise.

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Depuis plusieurs années, forts de ce constat en demi-teinte, “les pouvoirs publics [des deux pays] tententd’atténuer les écarts d’attractivité et développementpar le biais de coopérations transfrontalières, pour-suivent D. Thiry et A. Ognier. Néanmoins, l’expériencedu pôle européen de développement, créé dès 1985entre les anciens bassins sidérurgiques de Longwy,Rodange (Lux.) et Athus (Belg.) afin de favoriser lareconversion économique des trois espaces et l’émer-gence d’une identité commune, montre que les dif-férences de développement entravent les projetscommuns d’aménagement du territoire”. C’est pour-quoi, concluent-ils, “cette coopération transfronta-lière devra être renforcée […] en prenant en considé-ration les atouts et les limites de chaque espace, afinde les rendre complémentaires et non concurrents”.

Un “territoire commun”Le “quattropole” Metz-Sarrebrück-Trèves-Luxembourg est l’une des réponses : unréseau de villes, sinon frontalières, dumoins distantes entre elles de moins desoixante kilomètres et reliées entre ellespar l’autoroute en trente ou quaranteminutes. Il s’agit d’un “territoire com-mun”constitué de plateaux situés entre laMoselle et le Rhin et ayant engagé desdémarches “convergentes”en matière

d’aménagement du territoire et de développementéconomique, explique Christine Raffin, conseillèredéléguée auprès du maire de Metz, qui pilote ce dos-

sier. L’histoire récente de la Lorraine est révélatriced’une “prise de conscience partagée” : celle del’existence d’un destin collectif. Craignant que l’élar-gissement de l’Union européenne et le décalagevers l’Est de son centre de gravité ne provoque unecertaine marginalisation des anciennes régionsindustrielles constitutives de l’Europe de JeanMonnet – celle du charbon et de l’acier –, les res-ponsables de ces agglomérations ont décidé d’anti-ciper ces évolutions en mettant en œuvre des moyenscommuns pour “renforcer l’attractivité de cetteportion du territoire lotharingien”. Celui-ci a com-mencé en effet à subir, il y a plus de vingt ans, lesrésultats des profondes mutations économiques età devenir ensuite l’“espace de délestage”des grandesaires urbaines européennes, selon l’expression deMme Raffin.

Pragmatisme et souplesseDéjà, au cours des années 90, avait eu lieu un pre-mier rapprochement entre Metz et Sarrebrück. Dixans plus tard, en février 2002, une nouvelle étape étaitfranchie avec la constitution d’un réseau formel entreles quatre villes. “Il existait certes un certain nombred’espaces de coopération transfrontalière commel’Eurorégion Sarlorlux /3 reconnaît Mme Raffin.Mais l’initiative du ’’quattropole’’ se caractérise parun fort pragmatisme dans l’approche territoriale etune plus grande souplesse dans le travail transfron-talier.” Concrètement, la démarche a consisté mettreen place des accords techniques dans plusieurs

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3/

Elle associe au niveau

européen les régions

frontalières

de Sarre (Allemagne),

de Lorraine

et le Grand-Duché

du Luxembourg.

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Les difficultés ont été moindres au Luxembourg qu’en Lorraine, car, dès les années 50, l’État a pris des mesures pour sauver la sidérurgie et diversifier l’économie.

Christine Raffin

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domaines comme les télécommunications et les nou-velles technologies de l’information /4, la promotiontouristique et l’action culturelle. Au plan politique, uncomité directeur associant les quatre villes définit lesstratégies communes, accompagné par des groupesde travail thématiques qui se réunissent plusieursfois par an. Même si cette structuration ne résoudpas tout – elle ne le prétend d’ailleurs pas –, les pre-miers résultats sont encourageants pour les élus. S’ilfaut à l’évidence un certain volontarisme en phasede lancement, il est possible d’obtenir sur la duréeune forme de consensus souvent plus efficace quela concurrence sauvage.

L’émergence du “Sillon lorrain”Une autre démarche lorraine, émanant de collectivi-tés territoriales “soucieuses d’optimiser leur dyna-misme et la cohérence de leurs initiatives”/5, a étélancée il y a quelques années : celle du “Sillon lor-rain”, épine dorsale qui associe les agglomérationsde Thionville, Metz, Nancy et Épinal. Ce territoire, quiconcerne près de 1,2 million d’habitants, s’appuie surune certaine réalité socio-géographique, traversanttrois départements et s’ouvrant sur les aggloméra-tions et régions européennes voisines. Il dispose d’in-frastructures autoroutières et ferroviaires qui contri-buent à développer un bassin de vie et d’emploicommun. Animé alternativement par le maire del’une des quatre villes, ce réseau a eu pour objectifaffiché, dans la foulée du Comité interministérield’aménagement du territoire de Mende /6, de consti-

tuer une alternative à la concurrence territoriale etde la rendre crédible au niveau européen en mettanten réseau notamment leur offre d’équipementset leurs capacités foncières. Depuis deux ans, parexemple, les quatre villes participent ensemble aucélèbre MIPIM (Marché international de la promotionimmobilière), Metz et Nancy ayant montré l’exempledès 1999.

Le retour de la concurrence territorialeToutefois, le lancement d’initiatives économiquesimportantes sur des territoires partenaires risque deposer la question de la concurrence en termes plusaigus. En phase de tensions économiques et de tas-sement de la croissance européenne, elle pourraitmême contribuer à perturber la belle mécaniquetransfrontalière. Ainsi, à Esch-sur-Alzette, communede la périphérie de Luxembourg, la réurbanisationdu site de Belval Ouest s’inscrit dans la volonté dugouvernement luxembourgeois de poursuivre lareconversion des anciens territoires industriels duGrand Duché : “La valorisation des friches sidérur-giques – plus de 650 hectares répartis sur dix sites ausud du pays – a donné lieu à une ’’union sacrée’’ entrel’État, l’Arbed, principal producteur d’acier, et les orga-nisations syndicales”, souligne ainsi Le Moniteur /7.À Belval, cette démarche a abouti à la création, à l’au-tomne 2000, de la société d’économie mixte Agora,constituée à parts égales entre l’Arbed et l’État, etdont le siège social se trouve précisément sur le siteconcerné. La mission d’Agora est de “viabiliser et

mars-avril 2004 - HORS SÉRIE n° 21 / URBANISME / 57

4/

Les quatre métropoles

disposent ainsi

d’une tarification

identique pour

leurs communications

internationales et

d’un site web commun

(www.quattropole.org,

ainsi qu’une “carte

de vie quotidienne”

valable dans chacune

des quatre villes.

5/

Cf. Marie Pouplet,

Aduan,“[Nancy]

Le Sillon lorrain,

un réseau de

dialogue et de projets

communs”, in Cahiersde l’IAURIF n° 137,

op. cit.

6/

Lors du CIAT

de Mende, réuni

le 12 juillet 1993, l’État

a affirmé sa volonté

de “donner un nouvel

essor à la politique

d’aménagement

du territoire”

et établi “la nécessité

de disposer sur

le territoire national

de métropoles

susceptibles de se

positionner au niveau

international”.

La “métropole

Nancy-Metz”

a été mentionnée

explicitement.

7/ Cf. l’enquête

de Sandra Heiss

publiée le

19 septembre 2003.

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Les différents réseaux de villes (Quattropole, Sillon lorrain…) constituent une réponse politique à la nécessité de travailler sur les complémentarités plutôt que d’exacerber les concurrences, dans un contexte de ralentissement des investissements.

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58 / URBANISME / HORS SÉRIE n° 21 - mars-avril 2004

développer les friches industrielles […] dans un sensfavorable à l’intérêt général, dans les domaines éco-nomiques, social, écologique, culturel et de l’amé-nagement du territoire”, selon le vaste objet sociald’Agora.

Un développement exponentiel au Luxembourg ?Il y a deux ans, Agora a donc lancé un concours inter-national d’urbanisme, remporté par l’équipe néer-landaise Joe Coenen, qui vise à concilier dans le pay-sage le passé industriel et l’avenir tertiaire du GrandDuché. Tout un symbole. L’aménagement de BelvalOuest intervient en effet alors que le Luxembourgmanque de foncier urbanisable et qu’il hésite à sacri-fier des terrains situés en “zone verte”. Cette préoc-cupation lui a fait préférer une option transfrontalière,car les capacités foncières sont importantes côté fran-çais, avec notamment le site des Terres-Rouges, situéà proximité de la commune d’Audun-le-Tiche.

Le gouvernement luxembourgeois table en effetsur un développement allant bien au-delà du seul(petit) marché national. Conjugué à l’essor démo-graphique attendu (le Grand Duché devrait compter700 000 habitants en 2050 pour 430 000 aujourd’hui,sans compter les travailleurs frontaliers), ce déve-loppement exponentiel posera pourtant assurémentau Luxembourg des problèmes de mobilité, de loge-ment, de localisation d’activités nouvelles auxquelsle réaménagement du site de Belval ne répondra

qu’en partie, en tout cas sur la durée. Les territoirespartenaires du Luxembourg seraient bien avisés, nuln’en doute, de prendre en compte cette évolution s’ilsne veulent pas subir à nouveau leur destin.

Pour le moment, le Grand Duché peut encore appa-raître comme un réservoir de richesses sans limites.Il donne également des gages à ses voisins en ten-tant de construire avec les autorités françaises lesbases d’un partenariat “afin de définir ensemble lameilleure forme de collaboration pour développerles friches [industrielles]”/8. En outre, la désignationde Luxembourg comme “capitale européenne dela culture”en 2007 devrait avoir des retombées posi-tives sur l’ensemble de la région. Au final, c’est doncmoins une stratégie épuisante de recherche d’avan-tages concurrentiels – y compris fiscaux – qu’une véri-table adaptation de leur démarche de développe-ment économique que les territoires frontaliersdu Luxembourg sont appelés à imaginer. Car cette“petite guerre”des investissements pourraits’avérer, dans une hypothèse pessimiste, coûteuseen matière économique, sociale, voire environne-mentale, avec l’accroissement inévitable de la mobi-lité. À titre d’exemple, plus de 25 000 personnes,Luxembourgeois et frontaliers, se rendront chaquejour sur le site de Belval d’ici 2008-2010. Le tram-traininitialement envisagé pour le desservir, trop coûteux,a finalement été écarté. Plus que jamais, c’est l’au-tomobile qui risque de sortir victorieuse de la coopé-ration transfrontalière. l P. G.

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L’accroissement de la mobilité de la main d’œuvre ne sera sans doute pas sans conséquence sur l’environnement des régions transfrontalières.

8/

Le Moniteur, op. cit.

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Abst

ract

As the Workshop’s introductory document pointedout, “Today’s big cities are not created by the territo-ries around them; rather, they produce urban regions.”Researcher Nadine Massard pointed out that whilethe “blue banana” stretching from the Po Valley tothe North Sea is a concentrate of Europe’s developmenttrends and indicators, the overall reality remains morecomplex. Each territory has its own set of pressuresand dynamics. “Denser” zones, especially in NorthwestEurope, combine increasing specialisation and toughercompetition, while elsewhere the opposite is oftenthe case. And the possible results? Scenarios rang-ing from gradual desertification to ongoing, selectivehyperconcentration.

Academic Philippe Laredo saw the same selectivetrend in research, stressing that innovation comesfrom private enterprise. But given that skills creationis partly provided and financed by the public sector,is complementarity not blurring certain boundaries?And in this age of intangibility, asked François Denieul,how do we set collective intelligence into a specificterritorial framework? Via, he replied, “territorial sys-tems” associating intellectual capital, social capitaland territorial development.

All very well, interposed Louis Maurel, but territorialeconomic success can be double-edged, in no wayguaranteeing increased employment and sometimesthreatening social cohesion. A firm’s choice of loca-tion, consultant Marc Lhermite pointed out, is oftenbased on factors external to the territory itself.

So what is local government to do? Provision of rel-evant skills and measures generating loyalty by firmsand investors are important, urged Claude Guillermeand Michel Thiollière, but require sufficiently largeterritories: no point, warned Jean-Claude Bury, in“sprinkling” inappropriate structures with money.Jean Peyrony likewise felt that in a Europe of 25, citiesand regions were more important than ever.

The prerequisites for territorial development are reli-able statistics backed by a healthy pragmatism:Liverpool’s Flo Clucas cited the example of a city rav-aged by the crisis of the 80s and now back on its feetafter judiciously using public and private money tocover an enormous range of economic and socialmeasures. Robert Tropartz recounted how the for-

mer East German Saxe-Anhalt region (2.5 million peo-ple) has likewise used large-scale, carefully-targetedspending to gain ground on enormous problemsrelating to business, housing, infrastructures and eco-nomic institutions. Saxe-Anhalt is still being held backby a demographic shortfall, but Vincent Fouchierpointed out that the Europe-wide problem was maybemore qualitative than quantitative: what about appro-priate forms of governance?

Still in Germany, Stuttgart is working on a regionalapproach to the problems that inevitably arise whenincreased productivity and demography in a largecity coincide with competition in attracting business.In France, the Rhône-Alpes Region’s city network –8 large and 22 medium cities – has become a modelof interactivity. Such urban networks, said MaryseScholtès, are now vital to the creation of developmentpolicy.

Lorraine, in France, and Luxembourg are currentlydeveloping their own networks – sometimes withGermany – as crossborder competition evolvestowards cooperation. Luxembourg emerged less bat-tered from the steel crisis, but pragmatism has dic-tated such steps as the four-city alliance – Metz,Saarbrücken, Trier, Luxembourg – with its “conver-gent” approaches to territorial planning and eco-nomic development. Consensus is gradually turningout to work better than unbridled competition.

Lorraine is forming its networks within France as well,with Thionville, Metz, Nancy and Epinal: the result isa territory of 1.2 million people whose infrastructuresare contributing to the growth of a residential andemployment basin. Among persisting sources of con-cern, however, is the emphasis this kind of network-ing puts on car use.

In a dense, tightly-argued paper Guy Loinger spokeof the “slow sugars” of territorial development:infrastructures, knowledge, networks, coordination.Specialisation is preferable to global mediocrity, hesaid, and judicious exchange of information, research,science, technology and systems of production willhelp do the rest. Nor should we, even in this age ofglobalisation, ignore the importance of the relation-ship between man and nature, between human andnatural resources.

French and European territories

*Towards a European urban policy:choice or acquiescence?

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*Lutter “contre”et vivre “avec”

Comment combattre ou utiliser les “disparités territoriales” pour une plusgrande solidarité et un développement plus efficace ? Il était plus aisé de poser la questionque d’y répondre, même si, au regard des bouleversements contemporains, les notionsd’attractivité et d’adaptabilité sont apparues comme un fil rouge dans le débat. À lanouvelle mobilité des hommes dans des territoires à géométrie variable, les institutionspolitiques peuvent,grâce à des stratégies urbaines teintées de démocratie participative,éviter que les territoires ne soient condamnés à subir leur destin. l Paroles d’acteurs, relevéespar Richard Quincerot et Olivier Réal.

“Si l’économie de marché, c’est la création destruc-trice,alors il faut faire en sorte qu’elle soit moins ’’demarché’’, plus créative et moins destructrice”, aaffirmé avec force Patrick Braouezec, député-mairede Saint-Denis.Si certains élus mettent plus souventqu’à leur tour les pieds dans le plat de la mondiali-sation, c’est parce qu’ils revendiquent une capacitéd’anticipation pour s’adapter mais aussi, pourquoipas, s’opposer aux mutations en cours. Florilège depoints de vue d’acteurs.

Bernard Attali :“La diversité est une richesse”“Les choses ont changé depuis quinze ans”, aconstaté Bernard Attali, président de l’Agence régio-nale de développement d’Ile-de-France, s’empres-sant d’ajouter, comme pour entrer dans le vif du sujet,“mais pas uniquement dans le bon sens”. “Le terri-toire a évolué, nécessitant une grande capacité d’ex-

pertise de la part des équipesen charge du développementlocal. Car la concurrence estvive entre les grandes placeseuropéennes qui se livrentune lutte d’influence, dansune sorte de jeu de Go entreacteurs de plus en plus pro-fessionnels. Il ne peut y avoirattractivité sans consensusentre tous ces acteurs. Il faut

à la fois une stratégie claire, bien identifier les filièreséconomiques que l’on veut développer en priorité,mais aussi savoir défendre l’emploi existant et rete-nir les entreprises sur son territoire”. Sans oublier,face “aux problèmes de diversité auxquels toutes lessociétés occidentales sont confrontées”, que celle-ciest “une richesse”.

Gérard Mermillod :“Un atout au plan international”Au plan international, certaines dispa-rités territoriales peuvent en effet consti-tuer un atout. Gérard Mermillod est ledirecteur du réseau à l’Association fran-çaise pour les investissements interna-tionaux (AF2I), vouée à attirer en Francedes investisseurs internationaux. Ilconnaît bien ce qu’il appelle “les fac-teurs d’attraction déterminants” : liai-sons internationales, bassins d’emploi et de compé-tences, pôles universitaires et technologiques, maisaussi tous les détails de la vie quotidienne. Ainsi,avant de s’implanter à Valenciennes, Toyota avait prisla précaution de visiter les étals de poissonnerie dela ville à l’intention de son personnel japonais… Maissi l’AF2I connaît un taux de réussite remarquable –sur cinq cents projets étudiés au cours de ces der-nières années, un tiers a débouché sur une implan-tation en France –, elle le doit aussi à la valorisationdes différences : “Recevant la demande d’un inves-

Table ronde

PERSPECTIVES

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tisseur, nous mettons en concurrence plusieursrégions françaises, en les invitant à mettre en avantleurs atouts originaux. Grâce à l’excellente réactivitédes régions, nous sommes très vite en mesure d’of-frir, pour un même projet, une dizaine de solutions.Cette diversité accroît sensiblement nos chancesd’aboutir.”

Jean-Paul Bailly : “Dialogue et décentralisation”Si le monde change, les modes devie des gens aussi. “Comment lesservices publics peuvent-ils contri-buer à s’inscrire dans ces change-ments ?”, s’est interrogé le présidentdu groupe La Poste, Jean-Paul Bailly.“La Poste a toujours été un acteurimportant et reste le grand service

public le plus ancré dans les territoires. C’est aussiune entreprise industrielle dont 60 % de l’activité estdéjà mise en concurrence et qui tire 95 % de ses res-sources des administrations et entreprises – et donc5 % seulement des particuliers”. Sa vision de la luttecontre les disparités repose sur deux principes : lelien social et la proximité, même si “la présenceexceptionnelle de La Poste sur le territoire” néces-site d’être, selon J.-P. Bailly, “repensée en termesd’accessibilité”, dans la mesure où elle est “mal adap-tée et mal répartie”. Les entreprises publiques, ajoute-t-il, “sont toujours au point d’équilibre entre les objec-tifs de cohésion sociale et de rentabilité. Dans unmonde de plus en plus concurrentiel, il faut accroîtrenos capacités d’adaptation et surmonter les conser-vatismes par le dialogue – c’est-à-dire l’échange, laconviction – et par la décentralisation, c’est-à-direl’évaluation des capacités locales à agir.”

Adrien Zeller :“Des institutions politiques fortes”À propos de “capacités à agir”, comparant la Franceà l’Allemagne et à la Suisse, Adrien Zeller, présidentdu Conseil régional d’Alsace, a estimé “qu’un paysdécentralisé n’est pas, par nature, plus inégalitairequ’un pays centralisé. Il y a réduction des inégalitésquand la question est prise en charge par des insti-tutions politiques fortes, qui s’emploient à rééquili-

brer les situations”. Ainsi, en sauvantdes lycées de la fermeture, en main-tenant des lignes de chemin de fersecondaires, en implantant des équi-pements dans les quartiers défavo-risés, l’Alsace a peu à peu retrouvéune compétitivité comparable à cellede ses voisins allemand et suisse.“On ne peut plus vivre entre soi, ainsisté Adrien Zeller. Les ségréga-

tions sociales mettent à mal la cohésion territoriale,elles sont sources de tensions, d’antagonismes quiaffaiblissent toute la région. Tout le monde a quelquechose à gagner à la mixité sociale. On y parvientpar de multiples actions, en construisant des loge-ments sociaux dans un quartier résidentiel ou bien,à l’inverse, en construisant une piscine de qualitédans un quartier en difficulté. C’est une affaire devolonté politique.”

Marc-Philippe Daubresse : Des “facteurs d’attractivité” aux “réalités quotidiennes”Marc-Philippe Daubresse, vice-pré-sident de l’Assemblée nationale etpremier vice-président de la Com-munauté urbaine de Lille Métropole,a rappelé pour sa part que l’agenced’urbanisme lilloise avait dégagé, ily a quelques années, six facteursmajeurs d’attractivité pour une ville:accessibilité-intermodalité, dynamique économiquede développement, fonctions de solidarité fiscale,financière et territoriale, qualité urbaine, réactivité etvolonté du territoire d’atteindre un objectif de pro-grès /1. Dans cette liste, a-t-il estimé, “la solidaritéest la notion essentielle” : “Il y a dix ans, l’agglomé-ration lilloise était partagée en deux groupes de com-munes, avec les riches d’un côté (dites ’’axe des émi-rats’’) et les pauvres de l’autre. En rompant avec cesféodalités, nous avons produit un effet boule de neige: une meilleure cohésion interne permet de démulti-plier les dynamiques extérieures qui, à leur tour, ren-forcent l’égalité des chances à l’intérieur”. Malheu-reusement, les réalités administratives ne sont pastoujours à la hauteur des ambitions urbaines. Marc-Philippe Daubresse déplore par exemple qu’un dos-sier comme le plan local d’urbanisme de Lille puisseréclamer – le compte a été fait – quelque 136 000 tam-pons et signatures. Un temps… certain, pris au détri-ment d’initiatives plus concrètes.

Hervé Huntzinger : “Le destin des territoires n’est jamais scell锓Il n’est de richesse que d’hommes”:citant Jean Bodin (1530-1596),Hervé Huntzinger, économiste, ajugé les disparités entre les terri-toires moins importantes que lesinégalités entre les hommes :“Avec la diminution du temps detravail, les hommes bougent de plusen plus, tandis que les territoires res-tent”. Cette mobilité conduit pro-gressivement à l’émergence de

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Université de Lille I

et Agence de

développement

et d'urbanisme

de la métropole lilloise,

Métropolisation, unenouvelle géographie du développement,in Urbanismehors série n° 2,

mai-juin 1993.

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deux systèmes parallèles : une économie de la pro-duction, animée par les critères classiques d’effica-cité et de performance ; et une économie de la “rési-dentialité”, et même de la “présentialité” – habilenéologisme pour désigner des lieux où l’on se réunitentre amis, la semaine ou le week-end… Quant auxterritoires, leur destin n’est jamais scellé une fois pourtoutes, comme en témoignent les formidablesrebonds d’Emscher Park, dans la Ruhr, ou duValenciennois. Ce dernier, qui avait perdu 25 000emplois en 1975 à 1990, en a ainsi regagné 12 000depuis 1995. “Dans ces régions, certaines popula-tions n’ont pas encore profité du rebond. Celles-làont de vrais problèmes de santé ou d’éducation, aestimé Hervé Hutzinger. Pour elles, un rattrapages’impose : non en vertu de l’égalité, mais de l’équité.”

Patrick Braouezec :“L’attractivité est dépendanted’un projet politique”Se disant, ce n’est pas une surprise,“très attaché au service public”, PatrickBraouzec en a souligné toute l’utilité“pour des gens qui n’ont pas d’autresmoyens de bénéficier de services”. Etle député-maire de Saint-Denis d’en-chaîner : “Comment apprécier la ren-tabilité sociale d’un service public qui,

s’il n’était pas là, coûterait encore plus cher à lasociété ? Cela revient aussi à lutter contre les dispa-rités.” Fidèle à son pragmatisme et à son franc-par-ler, l’élu a interpellé les autres intervenants et la salle:

“Attirer qui, pour quoi faire, dans quel but, pour avoirplus d’habitants ou pour en chasser d’autres ?L’attractivité est dépendante d’un projet politique.Elle doit permettre d’atténuer les inégalités et nonpas d’en créer d’autres ailleurs. Notre responsabilité,c’est que les territoires ne créent pas davantage dedisparités qu’il n’en existe déjà entre les catégoriesd’hommes et de femmes.” C’est en effet un mini-mum. l R. Q. et O. R.

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Selon Jean-Paul Bailly,“La Poste reste le grand service public le plus ancré dans les territoires”.

On assiste à l’émergence de systèmes économiques parallèles : une économie de la production et une économiede la “résidentialité”, dont les critères d’efficacité ne sont pas les mêmes (ici, le centre commercial d’Euralille).

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Les rencontres organisées par la FNAU se veulent“en phase avec les préoccupations des élus et desresponsables des agglomérations françaises”, selonl’expression de son président André Rossinot. C’estdire si, cette année, traitant du thème des “dispa-rités territoriales” en région parisienne, cette adé-quation touchait à son paroxysme ! Pour autant,au-delà d’un constat assez aisément partagé parles intervenants, élus,“acteurs” et autres expertsde la ville, l’émergence de réponses consensuellesà la persistance, voire à l’aggravation, de ces dis-parités territoriales, a paru plus difficile. Certes, ona pu constater avec satisfaction,au fil des échanges,le développement de l’intercommunalité, en par-ticulier en Île-de-France (qui accusait vingt ans deretard sur le reste du pays), ou encore, à défaut deréformes spectaculaires, l’évolution progressive dedispositifs politiques, techniques ou réglementairesencore trop marqués par la période des TrenteGlorieuses et par la fameuse “redistribution desfruits de la croissance”. Mais il y a encore loin,semble-t-il, de la coupe aux lèvres, c’est-à-dire del’urgence de la question soulevée à la cohérencedes réponses apportées.

Un aménagement volontariste et… décalé“La région Île-de-France est la première régiond’Europe, a rappelé dans son propos de conclusionJocelyne Riou, vice-présidente du Conseil régionalet de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme dela région d’ Île-de-France. Elle bénéficie de poten-tiels énormes qui doivent être encouragés. Maisc’est aussi l’une des régions où les inégalitéssociales et territoriales sont les plus marquées, etcela n’est pas acceptable. […] Aménager, c’est des-siner un visage, c’est rendre l’Île-de-France plusprospère, plus juste, plus belle.” Développant, à titred’exemple, la question de la mobilité, la vice-prési-

dente de la Région a indiqué : “Pour les Franciliens,se déplacer n’est pas un luxe, c’est une nécessitéabsolue. Pour nos entreprises, se déplacer n’estpas un luxe, c’est un gage de développement.Enfin, pour notre institution, fluidifier les déplace-ments, ce n’est pas non plus un luxe : c’est un enjeumajeur”. Brossant un rapide tableau historique del’évolution de la région, Jocelyne Riou a ensuite évo-qué l’avenir : “Une politique d’aménagement volon-tariste, l’Île-de-France en a déjà connu. Des exten-sions urbaines de la commune de Paris entre le XIXe

et le XXe siècle – qui se sont traduites par un formi-dable maillage du réseau métropolitain – aux villesnouvelles des années soixante et à la naissance desRER, notre région est depuis longtemps un labora-toire, doté de son schéma de planification, maisdont les réussites sont diverses. Le contexte actuelest complexe, les acteurs plus nombreux, lesmoyens partagés, et les habitants souhaitent êtredavantage associés…”

Rééquilibrage régionalLe prochain schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF) sera sans nul doute, pour JocelyneRiou, “le point d’appui” à partir duquel la région,“forte d’une vision globale du territoire suffisammentéloignée des intérêts locaux et suffisamment prochedes gens, optimisera ses capacités de mise en œuvrede politiques structurantes”. L’Île-de-France, a pour-suivi l’élue, souffre en particulier “du manque delogements et d’une offre de transports collectifs insuf-fisante”, qui nécessitent “une action volontariste dansles deux domaines”. Ainsi “le rééquilibrage à l’Est”de la région devrait être accéléré dans le cadre dufutur SDRIF.

“Demain, il faudra mieux orchestrer la gestion ducœur de l’agglomération, car densité ne doit plus

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*Disparités territoriales :l’introuvable consensus ?

Lorsque le diagnostic est pratiquement unanime,les solutions proposées peuvent-elles être également consensuelles ? Rien n’est moins sûr. Les échanges sans concession,de part et d’autre de la tribune,qui ont nourri la conclusion de la XXIVe rencontre nationaledes agences d’urbanisme l’ont confirmé. Ils suggèrent en particulier que les principauxenjeux de la décentralisation recoupent fortement les problèmes liés à la lutte contreles fortes disparités territoriales ou sociales existantes. l Une synthèse des interventions declôture par Pierre Gras.

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rimer avec rejet mais avec qualité”, a soulignéJocelyne Riou. Et de lister une série d’initiatives,allant de la maîtrise du Syndicat des transports d’Île-de-France par le conseil régional à la création d’unétablissement public foncier francilien, que laRégion, “un peu comme Sœur Anne”, attend de l’É-tat dans le cadre de la nouvelle phase de décentra-lisation : “Nous attendons du gouvernement qu’ilsache donner à toutes les collectivités territorialesles compétences qui leur permettent d’œuvrer,depuis leur place, au mieux des intérêts des Françaiset, pour ce qui nous concerne, des Franciliens. Pourl’heure, nous restons sur notre faim”, a conclu lavice-présidente, tout en se félicitant “de la qualité etde la pertinence” des échanges intervenus à l’ini-tiative de l’IAURIF et de la FNAU dans le cadre decette nouvelle rencontre nationale. Elles témoignent,selon Jocelyne Riou, du rôle indispensable joué parles agences d’urbanisme dans un espace régionalde plus en plus complexe /1.

À contrastes persistants, réponses cohérentes ?“Les contrastes au sein même des agglomérationspersistent, voire s’accroissent, en région parisiennecomme dans les agglomérations de province”, aconfirmé François Delarue, directeur général de l’ur-banisme, de l’habitat et de la construction au minis-tère de l’Équipement, des Transports, du Logement,du Tourisme et de la Mer, qui représentait Gilles deRobien, empêché, et a par conséquent lu l’allocutionque le ministre avait prévu de prononcer. “La Loiurbanisme et habitat adoptée par le Parlement chercheà apporter des réponses à ce constat, indique leministre dans ce texte. Par d’importantes mesuresde simplification et d’allégement des contraintes, ellevise à libérer le foncier et à favoriser l’action desmaires bâtisseurs. Car construire, dans tous les seg-ments du logement, c’est un moyen puissant derecréer des parcours résidentiels et de la fluiditéurbaine. Mais ceci doit se faire dans la recherche dela cohérence du développement urbain, qu’elleconcerne l’habitat, les transports ou l’organisationde la ville. C’est pourquoi la loi confirme l’intérêt etl’importance d’une planification stratégique à labonne échelle territoriale. C’est le rôle des SCOT pré-vus par la loi SRU – un rôle que je reprends entière-ment à mon compte, une fois supprimées [certaines]des contraintes inutiles qui pesaient sur les élus, alorsqu’il faut , au contraire, leur faire confiance.”

Des “responsabilités éminentes” de l’État…“La lutte contre les disparités territoriales fait partiedes responsabilités éminentes de l’État, souligne éga-lement le ministre dans ce document. Mais elleimplique évidemment, et de façon déterminante, les

collectivités locales qui doivent disposer pour celades compétences nécessaires. Cela fait partie desobjectifs de la seconde étape de la décentralisation.À cet égard, le rôle des collectivités, et notammentcelui des agglomérations qui le souhaiteront, seraconsidérablement renforcé dans le domaine du loge-ment. J’insiste que sur le fait que la plus-value qu’ap-porteront les agglomérations en la matière n’aura sapleine efficacité que dans la mesure où seront crééesles conditions d’une bonne observation notammentdans leurs dimensions sociales et économiques desquestions d’habitat, sur des sujets aussi divers quel’observation des loyers […] ou celle du foncier. Lefoncier est en effet la matière première de l’aména-gement, donc à la fois une composante nécessairede tout exercice de planification et un produit dontles collectivités publiques doivent pouvoir s’assurerla maîtrise pour développer leurs politiques, en par-ticulier en matière d’habitat.”

… aux “responsabilités nouvelles”des collectivités et des agences“Au-delà de l’observation, complète Gilles de Robien,les nouvelles responsabilités qui vont échoir auxagglomérations en matière de logement supposentqu’elles se dotent de politiques de l’habitat quidevront à la fois fixer le cap à moyen et long termes,et être capables de s’adapter en permanence aux réa-lités conjoncturelles. Ceci demande beaucoup deréflexion et de matière grise. Les agences ont là aussiun rôle important à jouer, comme le font déjà plu-sieurs d’entre elles.”

Concernées au premier chef par “l’exigence d’uneréflexion territoriale menée sur le périmètre le plusadapté possible aux réalités humaines et écono-miques”, selon l’expression du ministre, les agencesd’urbanisme constituent “une solution originale per-mettant d’associer dans la réflexion les différentsacteurs de l’aménagement, à une échelle où peut êtremise en œuvre une bonne gouvernance territoriale,tout en laissant à chacun ses pleines prérogatives etattributions de compétences.” En ce sens, “les agencesd’urbanisme, dont l’État plus que jamais se considèrecomme un partenaire actif, sont prêtes aux évolu-tions qui prendront progressivement corps à partirdes mois prochains dans le cadre du grand chantierde la décentralisation”, estime le ministre.

Le “troisième round” de la décentralisationLe cadre institutionnel et les moyens de l’actionpublique dans les agglomérations et les territoiresurbains sont en effet en train de changer. Une nou-velle étape de décentralisation a été annoncée par lePremier ministre lors de sa rencontre avec les élusde l’Association des maires des grandes villes de

1/

Jocelyne Riou a par

ailleurs confirmé

la prochaine création

d’une agence

d’urbanisme sur

le plateau de Saclay

(Essonne), survenant

après celle du

Centre-Essonne en

début d’année 2003.

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En matière d’infrastructures de transportou de santé, la question sensible est d’éviterles disparités territoriales tout en assurantla cohérence des investissements publics.

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France, le 3 novembre dernier, comme l’a rappelé leprésident de la FNAU en clôture de la rencontre. Ilreste à évaluer l’ampleur des changements annon-cés et la nature des compétences effectivementdévolues, en tout ou partie, aux villes et aux agglo-mérations. “Ce troisième round doit se faire au béné-fice des communes et de leurs intercommunalités,a affirmé André Rossinot. À la différence des régionset surtout des départements, les communautés decommunes et d’agglomération sont des structurestrès jeunes, dont l’évolution est loin d’être stabilisée.Le cadre juridique et institutionnel d’intervention desintercommunalités est en devenir, et aucune situa-tion locale ne ressemble vraiment à une autre.Statuer aujourd’hui de manière définitive sur leurrôle futur serait sans doute prématuré… Mais lesélus des agglomérations qui sont motivées pourrecevoir des délégations de compétence doivent yêtre encouragés.”

Les agglomérations et la loi BorlooLa Loi Borloo approuvée par le Parlement en juilletdernier prévoit la mise en place prochaine d’une“agence nationale de rénovation urbaine” /2. Le pré-sident Rossinot s’est voulu optimiste à ce propos :“Sous réserve du respect d’un certain nombre deconditions (l’approbation d’un programme local del’habitat, par exemple), les intercommunalités d’ag-glomération vont disposer de nouvelles et importantes

possibilités d’intervention. Il faudra toutefois trouverdes points de passage entre les crédits de rénovationurbaine et les crédits liés à la nouvelle compétence surle logement social – y compris dans les aggloméra-tions où l’on n’a pas encore approuvé un PLH.”Dans ce contexte, les agences d’urbanisme sontappelées à jouer un rôle essentiel “pour appuyer lesagglomérations et leur permettre de prendre en chargepleinement ces responsabilités naissantes, a soulignéAndré Rossinot. D’autres problématiques, liées à denouveaux partages de pouvoirs, sont en train d’émer-ger dans les territoires. Elles correspondent aux défisque doivent affronter les agglomérations. Elles s’ins-crivent dans une logique de décentralisation, au pro-fit des communes et des intercommunalités, de com-pétences jusque-là du ressort de l’État (santé,éducation, sécurité…) et qui constituent les vecteursd’une démocratie plus équilibrée. Ces dynamiquesvont conduire les agences à investir de nouveauxchamps disciplinaires, à défricher de nouvelles thé-matiques et à développer leurs missions.”

Des agences plus “conquérantes” ?À titre d’illustration, la FNAU a organisé en juin der-nier une journée nationale consacrée à l’ingénierieterritoriale. Elle a notamment questionné l’État sur laplace qu’il entend occuper dans ce nouveau cadreinstitutionnel : quelle est sa stratégie dans les terri-toires ? Comment envisage-t-il d’y affecter et d’ymobiliser ses crédits ? Et avec quels moyens d’ingé-nierie ? Questions pour le moment sans véritableréponse. “La mission impartie aux agences toucheaussi à la prospective, au devenir des aggloméra-tions”, a ajouté le maire de Nancy. Les agences seveulent ainsi disponibles pour “concevoir et évaluerles expériences qui seront lancées dans les terri-toires.” Le réservoir est important. Il existe aujour-d’hui quarante-quatre agences d’urbanisme et leurnombre pourrait être porté soixante d’ici quelquesannées, “en accord avec l’État”, a précisé AndréRossinot (lire ci-contre).

Quels sont les nouveaux défis qui les attendent ? “Lesélus et les directeurs des agences d’urbanisme doi-vent être conscients des opportunités qu’offre lapériode actuelle, a indiqué le président de la FNAU.Les agences doivent être ambitieuses et avoir uneâme de conquérantes. Elles doivent repousser leursfrontières traditionnelles pour devenir de véritablesaiguilleurs du bonheur territorial”. En attendant cebonheur annoncé, le président de la fédération avaitune bonne nouvelle plus immédiate : l’organisationde la vingt-cinquième rencontre nationale desagences d’urbanisme à Reims, du 15 au 17 décembreprochain. Champagne ! l R. Q. et O. R.

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Lire en page 8.

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La FNAU comporte deux agences de plus depuis la dernière rencontrenationale de Marseille. Une agence s’est ainsi créée dans l’Essonneen début d’année 2003 : une “première”en Ile-de-France où aucuneagence nouvelle n’avait été créée depuis une trentaine d’années.Une seconde agence a été mise en place à l’automne sur l’aire urbainetoulonnaise. Une troisième doit en outre être installée prochaine-ment dans la région d’Avignon. Enfin,comme nous l’avons déjà indi-qué (cf. Urbanisme, hors série n° 18, mars-avril 2003), une quinzainede projets sont à l’étude ou sur le point d’aboutir à Valenciennes,Calais, Bastia, Ajaccio, Lens, Amiens, Perpignan, Rodez, Quimper ouBéthune… La fédération, selon son président,“se porte bien” et son“succès actuel” serait lié à un “rôle original d’outil de gouvernanceterritoriale”.“Dans les espaces urbains, a souligné André Rossinot,les responsabilités des politiques de développement territorial sonttrès dispersées entre les communes, les intercommunalités, l’État,la région, le département… La juxtaposition des politiques secto-rielles menées par les uns et les autres ne suffit pas à faire une poli-tique territoriale cohérente. C’est pourquoi les agences d’urbanisme,outils partenariaux d’échanges et d’harmonisation, sont indispen-sables aux politiques de développement territorial.”

Une fédération “qui se porte bien”

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“How are we to fight against or work with territorialdisparities in the interests of greater solidarity andmore effective development?” Bernard Attali of theÎle-de-France Regional Development Agency, notedthe sheer level of competition within Europe, amongever more professional actors: “To succeed, therehas to be a well-defined strategy, clear identificationof economic priorities and a capacity to retain exist-ing businesses and the jobs they provide.”

Gérard Mermillod, network director at the FrenchAssociation for International Investment (AF21), wasfirm about the basic attractiveness factors: interna-tional travel connections, labour and skills basins,and university and technology centres. But localassets count too: “By suggesting several Frenchregions to a potential investor…we can very quicklycome up with a dozen offers.” And a full third ofAF21’s ventures are crowned with success.

For French Post Office president Jean-Paul Bailly,countering disparities hinges on two principles:social ties and community service. “Any public com-pany is faced with a balancing act between socialconsiderations and profitability” – even when only5% of its business involves private individuals.

As far as Adrien Zeller, president of the AlsaceRegional Council, is concerned, “A decentralisedcountry is not by nature more inegalitarian than acentralised one. Inequalities are cut back when…strong political institutions set about bringing bal-ance to situations”: building social housing in “bet-ter class” areas, for example, or a quality swimmingpool in a sensitive neighbourhood.

National Assembly vice-president Marc-PhilippeDaubresse outlined Lille Metropolis’ six-point attrac-tiveness list, drawn up by the local town planningagency some years ago: accessibility/intermodality;economic dynamics; fiscal, financial and territorialsolidarity; urban quality; reactivity; and determina-tion to achieve a specific goal. Solidarity is the keyelement in all of them, he said, and the last ten yearshave seen a socially and geographically divided cityfind new cohesiveness and capacity for outreach.

For economist Hervé Huntzinger, disparities betweenterritories are less important than those betweenpeople. Shorter working hours mean the classicalproduction economy now exists in parallel with a

new economy of sociability. Nor are weakenedterritories necessarily locked into failure, as theValenciennes region and Emscher Park in the Ruhrprove.

Parliamentarian Patrick Braouezec’s emphasis wason community needs: “How can you assess thesocial profitability of a public service whose absencewould cost society even more?… Our responsibilityis to ensure that territories don’t create more dis-parities than we have already.”

But can this near-unanimity of diagnosis be trans-posed to the domain of solutions? Unfortunately itwould seem not, as FNAU president André Rossinotacknowledged. But even in the absence of sweep-ing reforms, he said, the spread of intermunicipalapproaches and evolution of political, technical andregulatory mechanisms are encouraging.

Jocelyne Riou pointed out that despite its unac-ceptable level of social and territorial inequalities,the Île-de-France has long been a social laboratoryand that things are going to change. The key factorwould be the revised master plan, with the freshcapacity for action it would bring in terms of housing,public transport and geographical balance. It wasvital, she said, that the government grant all territo-ries the right to take measures in their best interests.

Speaking for Gilles de Robien, Minister of Housing,Roads and Transport, François Delarue stressed gov-ernment determination to fight territorial disparitiesin the context of fresh decentralisation gambits. Theessential thing, he said, was to ensure across theboard consistency in urban development.

In closing André Rossinot expressed real hopesfor decentralisation and the capacity of the recent“Borloo law” to create a more mature role for still-youthful intermunicipal groupings. Given this chang-ing context, he declared, France’s town planningagencies and the FNAU had a steadily increasingpart to play in designing and assessing experimentsin the country’s different territories. There are now44 agencies and the figure could rise to 60 in the nextfew years. With implementation of current devel-opment policies widely dispersed over different ter-ritorial bodies, the agencies were more vital thanever to the processes of creation, interchange andharmonisation.

Prospects

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*Fighting “against” and living “with”

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Repères bibliographiques*

Ouvrages ou articles de référence

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BESSY-PIETRI Pascale, “Les formes récentes de lacroissance urbaine”, in Économie et Statistique n°336,2000, pp. 35-52, cartes, tabl., bibliogr.

BRÉMOND Christine, “La réorganisation du territoire en marche”, in Territoires 2020, n°2, déc. 2000, pp. 37-45, tabl., bibliogr.

BRUNET Roger, “La France réinvestie par ses villes”, in Mappemonde n°63, septembre 2001, pp. 11-15.

BRUYELLE Pierre, “Les très grandes concentrationsurbaines”, Paris, SEDES/HER (DIEM n°26), 2000, 318 p., cartes, tabl., bibliogr.

CALAME Pierre, “Un territoire pour l’homme”, La Tour d’Aigues, éditions de l’Aube (coll. Monde en cours), 1994, 94 p.

DAMETTE Félix, “La France en villes”, Paris, La Documentation française, 1994, 272 p. ill., cartes, bibliogr.

FRÉMONT Armand, “Portrait de la France : villes etrégions”, Paris, Flammarion, 2001, 782 p., ill., bibliogr.

HUSSON Claude, SAVY Robert, “L’Europe sans territoire ;essai sur le concept de cohésion territoriale”, La Tour d’Aigues, éditions de l’Aube (coll. Monde en cours), 2002, 202 p.

GUILLY Christophe, “Atlas des fractures françaises ; les fractures françaises dans la recomposition sociale et territoriale française”, Paris, L’Harmattan (coll. Logiques sociales), 2001, 181 p., tabl., bibliogr.

NOIN Daniel, “Le nouvel espace français”, Paris, Armand Colin (coll. Cursus – Géographie), 247 p., cartes, tabl., bibliogr., annexes.

STRAGIOTTI Pierre et alii, “La France des villes ; le temps des métropoles ?”, Rosny, Bréal, 2000, 336 p., tabl., cartes.

Études, rapports et documents spécialisés

CAHIERS DE L’IAURIF, “Les disparités territoriales”, n°137,Paris, 2003, 272 p. ill., cartes, tabl. [Il s’agit du numérospécial de cette publication parue à l’occasion de la XXIVe rencontre nationale des agences d’urbanisme.Il comporte quelque 70 contributions émanant desdifférentes agences sur le thème de cette rencontre.]

CAZES Mélanie et alii, “Les jeunes dans les villes : de la formation à l’emploi”, Paris, La Documentationfrançaise, 2001, 255 p., tabl., bibliogr.

CONSEIL D’ANALYSE ÉCONOMIQUE, “Aménagement du territoire”, rapport au Premier Ministre, Paris, La Documentation française, 2001, 253 p., ill, bibliogr.

DATAR, “Une nouvelle politique de développement des territoires pour la France, contribution au débat sur la décentralisation, l’Europe et l’aménagement du territoire”, rapport au Premier Ministre, Paris, La Documentation française, 2003, 72 p., tabl.

FNAU, “Atlas des aires urbaines”, Paris, FNAU, 2001, 72 p. cartes, tabl. [Une “photographie” du monde urbaindans la France de la fin du XXe siècle]

GUIGOU Jean-Louis, PARTHENAY Dominique, “De la Franceéclatée à la France maillée ; la nécessaire modernisationde nos cadres territoriaux d’action publique”, Premier Ministre, Conseil d’analyse économique, Paris, La Documentation française, 2001, 34 p., cartes.

JONAS Olivier, “Territoires numériques ; interrelations entre les technologies de l’information et de communication et l’espace, les territoires, lestemporalités”, Lyon éditions du Certu (coll. Dossiers),2001, 141 p., cartes, ill., bibliogr.

MIGNOT Dominique, Agence d’urbanisme du Grand Lyon,LET, Predit, “Mobilité et grande pauvreté”, Paris,Ministère de l’Équipement/PUCA, 2001, 222 p., tabl.,bibliogr, annexes.

MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE, “Géographie de l’école”, Paris, Ministère de l’Education, 2003, 111 p., cartes, bibliogr.

PONCET Jean-François, “L’exception territoriale : un atout pour la France ; rapport d’information sur l’étatdu territoire”, Paris, Sénat (coll. Rapports du Sénat),Paris, 2003, ill. tabl. Et annexes.

ROUXEL Michel, “La carte de France des revenusdéclarés”, in INSEE Première n°900, mai 2003, cartes, tabl., bibliogr.

ROZENBLAT Céline, CICILLE Patricia, “Les villeseuropéennes ; analyse comparative”, Paris, La Documentation française, 2003, 94 p., cartes, tabl.,bibliogr., annexes.

TRANSIT CONSULTING, “Cinq scénarios de mobilitéurbaine ; cinq scénarios pour un débat”, Paris, Predit/Transit Consulting, 2001, 163 p., tabl.

VIGNERON Emmanuel (sous la dir.), DATAR, “Pour une approche territoriale de la santé”, La Tour d’Aigues,éditions de l’Aube (coll. Bibliothèque des territoires),2002, 285 p., tabl., ill.

WIEL Marc, ADEUPa, “Les raisons institutionnelles de la périurbanisation”, DRAST, Predit, ADEUPa, 2002,48 p., ann. {agglomérations traitées : Brest, Dunkerque,Caen, Strasbourg}.

*À lire sur le thème

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Études de cas et expériences locales

ADUAN, AGURAM, “Diagnostic partagé ; réseau de villesdu Sillon lorrain”, 2002, 56 p., cartes.

AGAM, “Euroméditerranée ; recherche d’indicateursd’impact ; la richesse créée et les investissementsprivés”, Marseille, AGAM, 2002, 45 p.

AGENCE D’URBANISME DU MANTOIS, “Disparitésterritoriales et performances scolaires”, Mantes-la-Jolie,AUMA, 2003.

AUAT, DRE MIDI-PYR., “La couronne périurbaine de l’agglomération toulousaine ; éléments pour un diagnostic territorial”, Toulouse, AUAT, 2002, 82 p., cartes, annexes.

AURAN/COMMUNAUTÉ URBAINE DE NANTES,“Observatoires des modes de vie et des changementssocioéconomiques”, Nantes, AURAN, 2003, 116 p.

BACCAINI Brigitte, “Les migrations internes en France de 1990 à 1999 : l’appel de l’Ouest”, in Économie et Statistique n°344, 2001, pp. 39-79, tabl., ill., bibliogr.

DATAR, PRÉFECTURES DE RÉGIONS, “Le Bassin parisien ;contribution de l’Etat à de nouveaux enjeuxinterrégionaux”, Paris, La Documentation française,(coll. Aménager la France de 2020) 2002, 311 p., cartes, tabl.

GOLLAIN Vincent et alii, IAURIF, APUR, DREIF, “[Île-de-France] Géographie de l’emploi 2000”, Paris,2003, 84 p. ill., cartes, tabl., bibliogr.

“Industrie et territoire : l’innovation en E-territoire”,Paris, Géostore/Usine Nouvelle, 2001, 31 p. ill.

LATTS/ENPC, ŒIL, ACADIE, “Inégalités et intercommunalités en Île-de-France ; pour une territorialisation stratégique de l’action publique”,in 2001+ n°57, octobre 2001, tabl., bibliogr.

ROPARS Gervaise, AGAPE, “Le peuplement des lotissements de l’agglomération de Longwy”,AGAPE, 2002, 15 p. ill.

SARAFIAN Victor, “Les disparités économiques régionalesen Grande-Bretagne”, Paris, L’Harmattan (coll. Logiquessociales), 2003, 320 p., cartes, ill.

SCHMITT Guy, “[Lorraine] Construction de logements : de fortes disparités selon les unités urbaines”, in Économie Lorraine n°211, septembre 2001, pp. 24-26.

THIRY Delphine, OGNIER Alain, AGURAM, “[Metz] Lorrainedu Nord et Luxembourg, des évolutions divergentes”, in Cahiers de l’IAURIF n°137, op. cit., pp. 242-244.

* Cette bibliographie sélective a été établie par Pierre Gras (PGC),avec l’aide du dossier bibliographique réalisé conjointement par les agences d’urbanisme et le Centre de documentation sur l’urbanisme (CDU) de la DGUHC, ministère de l’Équipement,des Transports, du Logement, du Tourisme et de la Mer, sous la coordination de Claire Paulet (IAURIF). Ce dossier est notammentconsultable sur le site de la FNAU (www.fnau.org).

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Ce numéro hors série de la revue Urbanisme, consacré au thème“Les disparités territoriales”, a été réalisé à partir des travaux dela XXIVe rencontre nationale des agences d’urbanisme, organiséeà Paris en novembre 2003, à l’initiative de la Fédération nationale desagences d’urbanisme, par l’Institut d’aménagement et d’urbanismede la région d’ Île-de-France.

Il a été élaboré sous la direction de Marcel Belliot, délégué généralde la FNAU, et de Hervé Gay, directeur général de l’IAURIF. Il aété conçu, rédigé et mis en œuvre par une équipe de journalistesprofessionnels réunis autour de Pierre Gras (PGC).

Les organisateurs de la rencontre tiennent à remercier le ministèrede l’Équipement, des Transports, du Logement, du Tourisme et dela Mer (DGUHC), la Région Île-de-France et la Ville de Paris, ainsique tous les partenaires publics et privés, pour leur participationà la réussite de cette manifestation.

La FNAU remercie les auteurs de contributions, cartes, documentsd’étude et autres éléments d’information utilisés pour réaliser cenuméro. Elle adresse également ses remerciements à toutes lespersonnes ayant aidé à préparer cette publication, ainsi qu’auxcollaborateurs des agences membres du réseau de la FNAU.

Fondée en 1932176, rue du TempleTél. : (33) 01 45 45 45 00Télécopie : (33) 01 45 45 60 [email protected]

Hors série n° 21 de la revueURBANISME, mars-avril 2004,publié à l’initiative de la Fédération nationale des agences d’urbanisme(FNAU). Il est rappelé que les textes signés n’engagent que leurs auteurs,à l’exception des titres, chapeaux,intertitres et légendes qui sont du ressort de la rédaction.

Rédaction en chef et coordination du hors série : Pierre GrasSecrétariat de rédaction, documentation, choix iconographique : PGCRédaction : Pierre Gras,Richard Quincerot, Olivier Réal,Serge Mouraret (reportages photographiques et illustration du numéro), avec la collaboration de Thierry Paquot.Révision : PGC Traductions et résumés anglais :John Tittensor

Directrice de la publication :Sylvie HarburgerÉditeur : Thierry [email protected]édacteur en chef : Antoine Loubiè[email protected]

Conception, réalisation : Démosthène & Associés 83 A, rue Bobillot75013 ParisDirection artistique : Caroline Hartley Maquettiste :Marius LemariéScans :Patricia FerreiraImage de couverture :Olivier Cransac/IAURIF /© Taconet-P.A.C.Crédit photos : CRIF/IAURIF/C. Abron (p. 20),Département de la gestion du territoiredu canton de Neuchâtel (pp. 29 à 32),Pierre Gras (pp. 7g, 39, 40 en bas, 41 à 44),Norbert L’Hostis/Ville de Mulhouse (p. 12g en haut), DR (pp. 50g en bas et dr., 55). Toutes les autres photos sontde Serge Mouraret.

Gérante : Sylvie HarburgerService comptabilité : Christiane BocatService abonnements : Marie-Christine BellocheLigne directe : 01 45 45 40 00Télécopie : 01 45 45 60 37Publicité : à la revue

Diffusion : Dif’Pop21ter, rue Voltaire, 75011 PARIS.Tél. : 01 40 24 21 31/Fax : 01 40 24 15 88RCS Paris : 572070175

Impression : Monterreina S.A., Madrid

Commission paritaire : numéro 58332ISSN : 1240-0874Code TVA : FR-1357-2070175Dépôt légal : mars 2004

URBANISME est éditée par la SARLles Publications d’architectureet d’urbanisme au capital de 532 500 euros (groupe CDC)

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Page 67: 1+4 couv.bis-Fnau 2004 · Jean Viard,Michel Wieviorka etAdrien Zeller, notamment. villes I sociétés I cultures n ° 2 1 mars avril 2004 hors série n° 21 18 € 1+4 couv.bis-Fnau

La Fédération nationale desagences d’urbanisme (FNAU) rassemble une quarantained’agences, organismes partenariaux chargés des étudesde planification et d’aménagementdans les agglomérations françaises.

Les agences d’urbanisme associent,autour des collectivités locales concernées, l’Etat et les autres partenaires du développement en vued’une plus grande coordination et del’harmonisation des politiquespubliques dans les territoires urbains.La FNAU est une association d’élus qui offre aux responsables de l’aménagement des agglomérationsun lieu de dialogue et d’échanges sur les questions urbaines.Elle participe activement aux grandsdébats nationaux ou internationauxsur l’avenir des villes.Le réseau technique de la FNAU rassemble plus de 1 300 professionnels,très au fait des réalités locales.

La Fédération leur permet de disposerd’un espace de rencontre etd’un réseau d’échanges où ils peuventmutualiser leurs informations,capitaliser leurs savoirs et se mobiliser sur des projets collectifs.

La FNAU assure, avec le concours desagences, l’animation de nombreux “clubs techniques” :planification, transports, habitat,environnement, économie…

Elle organise chaque année une Rencontre nationale centrée sur un thème d’actualité et ouverte à tous les responsables politiques et professionnels intéressés.Elle diffuse régulièrement le résultatde ses travaux et de ses réflexions dansdes publications spécialisées ou surson site Internet : www.fnau.org

La FNAU entretient des relations suivies avec les grandes associationsfrançaises d’élus qui se préoccupentd’aménagement et de développementurbains. Elle a noué avec certainesd’entre elles des accords particuliersde coopération.

La FNAU contribue à développerparmi les élus et les techniciens chargés de l’aménagementdes agglomérations françaises une culture professionnelle commune fondée sur la recherche de la transversalité, la volonté de partenariat et l’exigence de développement durable.

La Fédération nationaledes agences d’urbanisme

FNAU1, rue de Narbonne75007 ParisTél. : 01 45 49 32 50

Les Dossiers FNAU :documents de synthèse portant sur une question d’actualité

Retrouvez toutes

les publications de la

FNAU sur son site internet

www.fnau.org

FNAU1, rue de Narbonne - 75007 ParisTél. : 01 45 49 32 50

Les Rapportsd’études

Club Projet Urbain

Les Contributions

et les Actesde la rencontre annuelle

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