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Hors série

La XXIXe rencontre nationale des agences d’urbanisme, organiséedu 22 au 24 octobre 2008 au Havre, s’est saisie d’une nouvelleéchelle territoriale – les “grands territoires” – pour mieux en com-prendre les singularités et la diversité. Quels en sont les contours ?Sont-ils une conséquence ou une réponse à l’ouverture internatio-nale et à la mondialisation ? Constituent-ils les nouveaux“moteurs” de la compétitivité et du développement économique ?De quels sentiments d’identité sont-ils porteurs et quelles solidari-tés nouvelles font-ils naître ? Quelles formes spécifiques de gou-vernance et de coopération conduisent-ils à inventer ? S’agit-il decreusets de création artistique et culturelle ? Autant de questionsabordées et débattues au Havre par les 750 participants à cette ren-contre. Ce numéro hors série de la revue Urbanisme montre com-ment ces enjeux sont portés désormais par le milieu professionnelet les collectivités territoriales au bénéfice de “grands territoires” àla fois plus compétitifs et plus harmonieux. I

Broader Horizons: From the City to Major Territories

Held in Le Havre on 22–24 October, the 29th Congress of the FrenchFederation of Town Planning Agencies focused on the issue of thechange in scale towards “major territories” in all their distinctive-ness and variety. What shape are such territories assuming? Arethey a consequence of or a reaction to increased international awa-reness and globalisation? Are they the new motors for competitive-ness and economic development? What notions of identity do theyembody and what future senses of community are they generating?What fresh forms of governance and cooperation are they inducing?And do they represent artistic and cultural crucibles? These werethe issues tackled by the 750 participants at the encounter in LeHavre, and this special number of Urbanisme shows how they arebeing pursued by planning professionals and local government inthe interests of more competitive, more internally consistent “majorterritories”. I

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janvier 2009 - HORS SÉRIE n° 35 / URBANISME / 3

Durant le siècle écoulé, les villes ont grandi,desserré leurs activités vers la périphérie, élargileur zone d’influence. Elles ont tissé des rela-tions avecd’autres villes et d’autres aggloméra-tions au sein de leur région ou au-delà desfrontières. Les “grands territoires” vivent ainsien continudes relations économiques, socialeset culturelles à l’échelle dumonde. Sont-ils desmoteurs de la performance économique ? Dequels sentiments d’identité sont-ils porteurs etquelles solidarités nouvelles font-ils naître ?Quelles formes spécifiques de gouvernance

et de coopération institutionnelle amènent-ils àinventer ? Peuvent-ils constituer des creusets de créa-tion artistique et culturelle ? Toutes ces questionsétaient à l’ordre du jour de notre rencontre nationale,organisée auHavre du 22 au 24octobre 2008, et jemefélicite des débats passionnants et de la réussite intel-lectuelle des échanges dont elle a été l’occasion.

L’enjeu des “grands territoires” n’est en effet passeulement celui d’une nouvelle échelle des poli-

tiques publiques, mais également celui d’un chan-gement de paradigme que le “Grenelle de l’envi-ronnement” a particulièrement illustré. La FNAUentend prendre toute sa place dans le dispositif etl’animation de la mise en œuvre des décisions quien découlent. Elle a d’ailleurs renouvelé son parte-nariat avec le ministère, lors de la rencontre duHavre, sous la forme d’un “protocole de coopéra-tion”. Pour parvenir à des résultats et à rendre nosvilles plus durables et conformes à ce qu’en atten-dent les citoyens, l’énergie de tous est indispensa-ble : élus, professionnels, acteurs de la ville, sanslesquelles l’action publique ne trouve ni sa cohé-rence ni ses impacts. Ce nouveau numéro horssérie de la revue Urbanisme montre à quel pointces enjeux sont désormais portés par le milieu pro-fessionnel et les élus des collectivités territorialesau bénéfice de “grands territoires” à la fois com-pétitifs et harmonieux.

André Rossinotmaire de Nancy, président de la FNAU

L’APPEL DU LARGE ; DE LA VILLEAUX GRANDS TERRITOIRES

Avant-propos

The century just past saw cities expand as businessactivitymoved towards the periphery and their areasof influence expanded. They established relations-hips with other cities andmetropolitan areas in theirregion and even beyond national borders. Thustoday‘s “major territories” have become a logicalpart of economic, social and cultural relations on aglobal scale. Are they the newmotors for competiti-veness and economic development? What notionsof identity do they embody and what future sensesof community are they generating?What fresh formsof governance and cooperation are they inducing?And do they represent artistic and cultural crucibles?All these questions were on the agenda during ournational encounter in LeHavre on 22–24October, andI was delighted to see what a success the event wasin terms of ideas and impassioned debate.

The “major territories” question is not simply oneof a new scale for public policy; also involved is a

change of paradigm signalled notably by France’sGrenelle Environment Forum. Because the FNAUintends to play an appropriate part in shaping theemphases of the forum and implementing itsdecisions, a new “cooperation protocol” wassigned with the Minister for the Environmentduring the congress. If real results are to be achie-ved – if our cities to become more sustainable andbetter adapted to residents’ requirements – theremust be input from all the politicians, planningprofessionals and other urban stakeholders publicsector action depends on for its impact and cohe-rency. This special number of Urbanisme showshow these issues are being pursued by plannersand local government in the interests of morecompetitive, more internally consistent “majorterritories”.

André RossinotMayor of Nancy, President, FNAU

BROADER HORIZONS: FROM THE CITYTO MAJOR TERRITORIES

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4 / URBANISME /HORS SÉRIE n° 35 -

SOMMAIRE CONTENTS

P.3 Avant-propos : L’appel du large ;de la ville aux grands territoiresAndré Rossinot

OUVERTURE

P.7 Une nécessité : voir largeparPierre Gras

P.8 > ZoomUne coopération renforcée entre la FNAU et l’État

P.10 > Point de vue“Grand territoire”,parAnne-Michèle Donnet

P.11 > Table rondeVers des grands territoires liquides ?Synthèse parRichardQuincerot

P.14 > Table rondeDugrand territoire au grand projetSynthèse parOlivier Réal

P.16 Résumé en anglais

LE HAVRE - RIVES DE L’ESTUAIRE

P.18 Le Havre : la ville, le port, l’estuaire...par Pierre Gras

P.20 > ZoomL’Estuaire de la Seine, grand territoire pertinent ?par Pascale Decressac

P.22 > ZoomLa puissance du portpar Olivier Réal

P.23 > ReportageReconstruction : Perret déconstruitpar Richard Quincerot

P.27 > ReportageLes quartiers Sud “à l’Eure” des grands projetspar Pierre Gras

P.30 > ZoomLes Docks Vauban passent à l’offensivepar Pascale Decressac

P.31 Résumé en anglais

SYNTHÈSES DES ATELIERS

Économie globale, territoire local

P.33 Le territoire mondial des portsSynthèse d’atelier par Pierre Gras

P.37 L’odyssée de l’espace critiqueSynthèse d’atelier par Olivier Réal

P.40 La renaissance d’un grand territoire minierSynthèse d’atelier par Richard Quincerot

Art, identité, projet

P.42 De l’art comme facteur de développementSynthèse d’atelier par Pascale Decressac

P.45 Le projet, fabricant d’identitéSynthèse d’atelier par Pascale Decressac

Observer pour mieux gouverner

P.47 Connaître pour construireSynthèse d’atelier par Pascale Decressac

P.48 Grand territoire et mobilité : l’enjeu vaut ledéplacementSynthèse d’atelier par Olivier Réal

P.50 Peut-on gouverner sans/avec les institutions ?Synthèse d’atelier par Richard Quincerot

P.52 Espaces frontaliers, espaces (re)négociésSynthèse d’atelier par Pierre Gras

De la bonne gestion du “grand territoire”

P.55 Penser la périurbanisation : un enjeu centralSynthèse d’atelier par Richard Quincerot

P.57 Le grand paysage, fédérateur symbolique ?Synthèse d’atelier par Pierre Gras

P.58 Coordonner pour ne pas rester en planSynthèse d’atelier par Olivier Réal

P.60 Résumé des ateliers en anglais

PERSPECTIVES

P.63 Antoine Grumbach :“Créer une ville dont la Seine sera la grande rue”(propos recueillis par Richard Quincerot)

P.64 De la pertinence du grand territoire et autres réalités.Synthèse thématique par Bernard Pecqueur(propos recueillis par Olivier Réal)

P.65 > Table ronde conclusiveQuel développement pour les grands territoires ?(propos recueillis par Pascale Decressac)

P.68 Résumé en anglais

REPÈRES BIBLIOGRAPHIQUES

P.3 Broader Horizons: From the City toMajor TerritoriesAndré Rossinot

KEYNOTE CONSIDERATIONS

P.7 Crucial: a broader viewbyPierre Gras

P.8 > FocusCloser cooperation between the FNAU and the State

P.10 > Point of viewMajor TerritoriesbyAnne-Michèle Donnet

P.11 > Round tableTowards fluid “major territories”?Overview byRichardQuincerot

P.14 > Round tableFrommajor territory tomajor projectOverview byOlivier Réal

P.16 English abstract

LE HAVRE – ON THE ESTUARY

P.18 Le Havre: its city, port, estuaryby Pierre Gras

P.20 > FocusThe Seine Estuary: a relevant major territory?by Pascale Decressac

P.22 > FocusThe power of the portby Olivier Réal

P.23 > ReportAuguste Perret: reconstruction/deconstructionby Richard Quincerot

P.27 > ReportMajor projects: change to the southby Pierre Gras

P.30 > FocusThe Vauban Docks on the offensiveby Pascale Decressac

P.31 English abstract

WORKSHOP ROUNDUPS

Global economy, local territory

P.33 Ports as global territoriesWorkshop roundup by Pierre Gras

P.37 Maintaining a “critical space”Workshop roundup by Olivier Réal

P.40 The rebirth of a major mining territoryWorkshop roundup by Richard Quincerot

Art, identity, project

P.42 Art as a factor for developmentWorkshop roundup by Pascale Decressac

P.45 The project as a shaper of identityWorkshop roundup by Pascale Decressac

Better observation, better government

P.47 Knowing and buildingWorkshop roundup by Pascale Decressac

P.48 “Major territory” and transport: the stakesWorkshop roundup by Olivier Réal

P.50 Governing without/with institutions?Workshop roundup by Richard Quincerot

P.52 Crossborder spaces/(re)negotiated spacesWorkshop roundup by Pierre Gras

Sound management of major territories

P.55 Considered periurbanisation: a core issueWorkshop roundup by Richard Quincerot

P.57 The broader landscape: a symbolic force for unity?Workshop roundup by Pierre Gras

P.58 Coordinate – or get left behindWorkshop roundup by Olivier Réal

P.60 English abstract

LOOKING TO THE FUTURE

P.63 Antoine Grumbach :“A city with the Seine as its main street”,(summary by Richard Quincerot)

P.64 > SynthesisA question of relevance: the major territoryand other realities.Thematic overview by Bernard Pecqueur(summary by Olivier Réal)

P.65 > Closing round tableMajor territories: getting development right(summary by Pascale Decressac)

P.68 English abstract

SUGGESTED READING

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janvier 2009 - HORS SÉRIE n° 35 / URBANISME / 7

1/La filiale de la SCETau Havre est devenueune agence d’urbanismeautonome en 1974.Celle de Rouen adisparu.

2/Lire notammenten pages 22 et 33.

Le choix du Havre pour accueillir la XXIXe

rencontre nationale des agences d’urba-nisme n’était certes pas fortuit. Pour aumoins deux raisons rappelées d’embléepar lemaire Antoine Rufenacht en séanceplénière. D’une part, l’agence d’urba-nisme du Havre est l’une des plusanciennes du réseau, créée en 1964 àl’époque ou la SCET, filiale de la Caissedes dépôts, avait ouvert deux agences enNormandie/1. Elle a donc quelques titrespour proposer une réflexion d’ensemble.Et d’autre part, la mondialisation deséchanges impose d’avoir une vision large

du devenir et l’organisation des “places portuaires”comme Le Havre qui concentrent les grands flux demarchandises transportées par conteneurs /2. Au-delà de ce double ancrage, la réflexion sur les“grands territoires” trouve un écho particulier dansles enjeux actuels de l’estuaire de la Seine : “Il n’y apas de métropole mondiale qui n’ait de débouchémaritime. La relation entre Le Havre, Rouen et Parisvia la Seine nous paraît décisive dans cette perspec-tive de compétition entre les territoires à grandeéchelle”, a ainsi souligné le maire.

En ouvrant officiellement ce rendez-vous annuel, nuldoute que le président de la FNAU pensait aussi authème de la prochaine rencontre qui constituera à lafois la trentième édition de la rencontre des agenceset la 8e Biennale des villes et des urbanistes d’Europe,et qui aura lieu à Nancy en décembre prochain. Caril y a plus d’un lien entre le thème traité au Havre –“De la ville aux grands territoires” – et celui qui seraabordé en Lorraine – “Les villes dans l’espace euro-péen”. André Rossinot a esquissé quelques-uns des

objets fédérateurs soumis à la sagacité des 750 par-ticipants présents aux Docks Café, sur le bassinVauban. “Les grands territoires vivent en continu desrelations économiques, sociales et culturelles nonseulement à l’échelle de l’Europe mais aussi dumonde, il ne faut pas l’oublier”, a-t-il averti.

Renforcer le maillage du territoirepar les réseauxLa première dimension mise en avant par AndréRossinot est celle des réseaux qui maillent les terri-toires, grands ou petits, et dont les agences d’urba-nisme se veulent le fer de lance : “Les grandsréseaux de ville doivent revenir au centre des préoc-cupations de l’État, a souligné le président de lafédération, car ils sont faibles dans notre pays parrapport à ses voisins européens, et ils doivent êtrerenforcés et soutenus. Les enjeux sont en effet mul-tiples : les transports, la gouvernance, l’environne-ment, le paysage, la coopération transfrontalière,etc. Notre fédération, qui réunit 51 agences etregroupe 1 500 professionnels, est mobilisée surces sujets de société dans un contexte français mar-qué par une certaine dispersion des compétences.La variété des situations rencontrées est une diffi-culté supplémentaire. La région parisienne ne res-semble pas au projet métropolitain Rhin-Rhône etl’aire métropolitaine de Toulouse n’est pas iden-tique à l’agglomération franco-valdo-genevoise...”Pour parvenir à dépasser cette complexité et ces dif-férences de situations, le “protocole de coopéra-tion” signé quelques instants plus tard par leprésident de la fédération et le secrétaire d’Étatchargé de l’aménagement du territoire Hubert Falcodevrait jouer un rôle certain d’incitation et d’accom-pagnement.

Les “grands territoires” sont-ils le gage de la volonté des élus de travailler ensem-ble à une “échelle pertinente” ou bien le résultat de lamondialisation des échanges qui faitla part belle aux stratégiesmultinationales des firmes et des grands acteurs économiques ?La question n’a pas été tranchée lors de la rencontre nationale des agences d’urbanisme,mais elle a été largement débattue. Avec un consensus sur un principe : il faut désormais“voir large”...

UNE NÉCESSITÉ :VOIR LARGE

Ouverture

Antoine Rufenacht, maire du Havre.

Ouverture

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Unmonde “liquide” mais “intégrateur” ?Les échanges menés au cours des deux tablesrondes qui ont suivi ont montré que le constat estpartagé. Pour autant, les moyens pour parvenir àrelever le défi de l’“urbanité durable” ont paru par-fois volontaristes. Si, comme l’a rappelé le philo-sophe Olivier Mongin, “la ville est plus que jamaisl’espace intégrateur par excellence”, les qualitésessentielles d’une ville évoquées par le géographeMartin Vanier – “altérité” et “hybridité” – semblentrelever d’une sorte d’Eden. “Nous vivons dans unmonde de flux, unmonde liquide fait d’échanges, unmonde presque virtuel... Le grand territoire n’est pasune échelle territoriale supplémentaire, puisqu’on yest immergé”, a soutenu Olivier Mongin, s’interro-geant sur les progrès à réaliser en matière de gou-vernance, qui relèveraient du “devoir du politique”.Après tout, “la gouvernance n’est-elle pas de la sou-veraineté solide dans un monde liquide ?”/5

Développer la“maîtrised’ouvragepartagée”MartinVanier a formulépour sapart trois propositionsintéressantes : rendre compte au citoyen et pas seule-ment à l’électeur (la notionde “forumcivique”) ; orga-niser les mandats territoriaux à deux niveaux sansautre cumul possible (communal/intercommunal,intercommunal / départemental, départemental /régional ou régional / national) ; et enfin développer lamaîtrise d’ouvrage partagée pour améliorer la cohé-rence et l’impact des décisions publiques.

Dans la synthèse brossée à grands traits lors de laséance conclusive, le lendemain après-midi, l’écono-miste Bernard Pecqueur n’a pas éludé cet échangeinitial, mais l’a situé dans un questionnement straté-gique : “La compétition entre les territoires posele problème de ce qui est compétitif ou pas : leterritoire, les habitants, les entreprises qui y sontimplantées ? Avec quelles différenciations, quellesvocations, quelles stratégies de gouvernance ? Peut-

on vraiment gouverner en dehors ou à côté desinstitutions telles qu’elles sont ? Le chantier resteouvert”, a t-il jugé.

Temps de crise, temps favorables ?Dans son intervention finale, le président Rossinot asouligné combien la “violente crise économique etfinancière internationale” risquait de “peser sur lesméthodes et les formes anciennes et nouvelles defabricationde la ville” : lesnouveauxéco-quartiers, parexemple, pourront-ils résister à la crise du crédit ?Saluant la “réussite intellectuelle” de cette rencontrenationale, André Rossinot a estimé que, dans cecontexte périlleux, la coopération entre les territoiresest devenue indispensable, “dans le respect des parte-nairesetde la subsidiarité” : “Si elles restent isolées, lesvilles françaises ne pourront répondre à de tels défis !”Et de regretter le temps béni de la Datar (“pour sonépoque réseaux de villes”, a plaisanté le maire deNancy) : “La Diact/6 pratique la loi du silence vis-à-visdesprojetsmétropolitainspourtant attendusousuggé-rés par l’État il y a moins de cinq ans. Or il ne faut passous-estimer lepotentiel de tousces réseauxdevilles.”

André Rossinot s’est toutefois félicité de la “renais-sance” des agences, à travers “la culture profession-nelle issue du Grenelle de l’environnement” et grâceaux propositions portées par les nouveaux élus qu’ila invités à s’investir dans le “travail d’anticipation etde production d’idées : “Seul un président de régionou de département sur deux est présent au conseild’administration des agences, c’est trop peu...”Président du conseil d’orientationduCertu/7, lemairede Nancy sait à quel point la diffusion des connais-sances est nécessaire pour influer sur les pratiques :“Mobilisons les compétences,mais sachons aussi lesfaire partager, a-t-il lancé. Seuls réussiront ceux quiauront la force du rêve !” Comme il l’a suggéré enconclusion, les temps favorablesduGrenelle de l’envi-ronnement pourraient ne pas durer. I Pierre Gras

5/Cf. notamment PhilippeEstèbe, Gouvernerla ville mobile, PUF(coll. Ville en débat),2008.

6/La Délégationinterministérielleà l’aménagementet à la compétitivitédes territoires (Diact)a succédé à la Datar en2006.

7/Le Centre d’études surles réseaux, lestransports, l’urbanismeet les constructionspubliques a été créé en1994 par le ministère del’Équipement parregroupement deplusieurs servicestechniques. Son siègeest à Lyon.

UNE NÉCESSITÉ : VOIR LARGE Ouverture

Le second des thèmes de réflexion avancés a contri-bué à en préciser le champ : “Les projets et les idéessont aussi fondamentaux que les structures.

Car il n’y a pas de structure dura-ble sans adhésion aux projets dansune société démocratique. (...) LeGrenelle de l’environnement nousa ainsi engagés dans un renou-vellement profond des politiquesterritoriales dans le sens d’un déve-loppement plus durable, mais lareconnaissance du fait urbain estencore insuffisante”, a expliqué lemaire de Nancy, appelant de sesvœux un travail collectif soutenuentre les grandes associationsreprésentatives des villes/3.

Rechercher le “juste équilibre”environnementalLe secrétaire d’État Hubert Falco, bien qu’assumant lefait “d’avoir été un maire rural pendant dix-huit ansavant dedevenir celui de Toulon”, n’a pas esquivé cesquestions : “Je sais l’importance que le réseau desagences adans l’ingénierie territoriale. S’il faut s’inter-roger aujourd’hui sur les grands territoires, c’est aussiparce que chaque ville y puise une partie de son iden-tité. Pour autant, il leur faut rechercher le juste équili-bre, grâce à la mise en œuvre de trames vertes et

bleues, au respect de la biodiversité et de la qualité del’eau. Et elles doivent répondre elles aussi aux enjeuxénergétiques et climatiques”.

Le développement de l’habitat diffus autour des com-munes rurales pendant des années pose aujourd’huide sérieux problèmes, comme le vieillissement de lapopulation qui y vit, a poursuivi le ministre : “Nousconsommons deux fois plus d’espace pour assurernotredéveloppementqu’unpays comme l’Allemagne,qui est pourtant d’une taille comparable. Il faut revenirà la ville dense, des courtes distances, c’est-à-dire àl’échelle du bassin de vie...” D’où la nécessité de ren-forcer la capacité de diagnostic des collectivités et deles accompagner dans la mise en place des schémasdecohérence territoriale.Hubert Falcoaannoncédeuxdémarches convergentes : l’appuides servicesde l’Étatà la mise en œuvre d’une dizaine de SCoT “exem-plaires” pour approfondir certains enjeux majeurs/4,et la création d’“ateliers territoriaux” dans les écolesd’architecture et du paysage ainsi que dans les forma-tions enurbanismepour contribuer à “formerdespro-fessionnels pluridisciplinaires” dès 2009. “Le territoirene doit pas être le lieu d’exécution duGrenelle de l’en-vironnement, mais son laboratoire, son creuset. C’estun patrimoine communauquel nous devons accordertous nos efforts”, a conclu le ministre.

8 / URBANISME / HORS SÉRIE n° 35 - janvier 2009

UNE NÉCESSITÉ : VOIR LARGEOuverture

3/Le président de la FNAUa mentionnél’Association des mairesdes grandes villes deFrance (AMGVF),l’Association desprésidents decommunauté urbaine deFrance (ACUF) etl’Association des mairesville et banlieue deFrance (AMVBF).

4/Cf. le rapport intitulé“KaléïdoSCoT”,réalisé par les agencesd’urbanismeet disponible en lignesur le site www.fnau.org

Le document qui a été signé lors de

la rencontre du Havre entre la FNAU

et leministère de l’Écologie, de l’Éner-

gie, duDéveloppement Durable et de

l’Aménagement du Territoire actua-

lise de fait la “Charte de coopération”

paraphée en 2001 par André Rossinot

et Marie-Noëlle Lienemann, alors

ministre du Logement. Entre ces deux

dates, la coopération a progressé

puisque douze agences d’urbanisme

ont été créées en six ans et que le

mouvement se poursuit. “En dépit de

gels et d’aléas conjoncturels, l’État a

dans l’ensemble respecté ses enga-

gements et maintenu ses crédits”, a

observé le président de la FNAU en

préambule de la séance de signature.

Ce nouvel “engagement commun” est

organisé autour de “cinqgrands chan-

tiers” : les outils de planification, la

production de logements adaptés,

l’articulation urbanisme/transports,

la nature dans la ville et enfin le déve-

loppement des outils d’observation et

d’évaluation. Largement marqué par

les décisions prises lors du Grenelle

de l’environnement, ce “protocole de

coopération” vise à “mobiliser les

compétences et l’expérience des

agencespour promouvoir la ville dura-

ble dans toutes ses dimensions”, a

souligné André Rossinot. De son côté,

Hubert Falco, qui représentait leminis-

tre Jean-Louis Borloo, a expliqué que

cette signature sanctionnait la pro-

messe des services de l’État d’accom-

pagner “en tant que co-responsables”

le travail mené par les agences pour

“contribuer à façonner des villes dura-

bles”. La durée de ce protocole cor-

respond logiquement à la périodeque

la FNAU s’est elle-même fixée pour

appliquer son propre “plan straté-

gique” : 2008-2013. I P.G.

Une coopération renforcéeentre la FNAU et l’État

Hubert Falco, secrétaire d’État chargéde l’Aménagement du territoire.

“Le grand territoire n’est pas une échelle supplémentaire, nous y sommes tous immergés...”

> Zoom

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janvier 2009 - HORS SÉRIE n° 35 / URBANISME / 11

1/Martin Vanier, Le pouvoirdes territoires ; essaisur l’interterritorialité,éd. Economica, 2008.

2/Ibidem, p. 87.

“Je suis le maire d’une ville profondément cosmo-polite, s’est réjouit Michel Destot, maire de Grenobleet président de l’Association des maires des grandesvilles de France. Pas seulement par ses universités etses pôles de compétitivité, totalement ouverts sur lemonde ; mais aussi par la composition de sa popula-tion, qui devient chaque année plus internationale”.

Du territoire au réseauL’agglomération grenobloise présente de fait un bilanimpressionnant : le plus fort développement deFrancedepuis 1945, un remarquable essor industriel et intel-lectuel, une croissance toujoursmieuxmaîtrisée, unepolitique de déplacements vertueuse, avec l’un despremiers tramwaysde France... “Mais si Grenoble està la pointe des nanotechnologies, poursuit MichelDestot, elle ne le doit pas seulement à son génie pro-pre, mais aussi aux liens toujours plus étroits qu'ellea su tisser avec Lyon, l’aéroport de Saint-Exupéry, lesplates-formesdeRhône-Alpes, etc.Unevillemoyennese doit de compenser sa faible taille critique par unfonctionnement en réseau.”

Pas le choix, donc : après le décloisonnementintercommunal des dernières décennies, lesagglomérations doivent continuer à élargirleurs horizons, ouvrir sur le Grand Large.Du point de vue de la gouvernance, ce ren-dez-vous avec “l’immense” se présente plu-tôtmal. La perspective d’ajouter une coucheà l’épais mille-feuille des échelons territo-riaux n’a rien pour séduire. Michel Destoten témoigne : “Aujourd’hui, tous les pro-blèmes sont renvoyés au politique, ce quiconduit à une prolifération d’actions hétéro-

gènes,menées dans des cadresmouvants et dans unenchevêtrement d’institutions, brouillant les respon-sabilités face aux citoyens.”Commentmaîtriser ce foi-sonnement des échelons et des cloisonnements quifreine l’innovation technologique et sociale alors quec’est la première clé de l’attractivité ? Pour mieuxconcilier le local et le global, la complexité et la créati-vité, de nouvelles formes d’organisation sont néces-saires, a estimé le maire de Grenoble.

Une conjonction de coordination ?La réponse deMartin Vanier est d’abord une propo-sition de décentrement. Avançant malicieusementl’hypothèse que “les grands territoires ne sont nivraiment des territoires ni une question de gran-deur”, le géographe invite à échanger une “certi-tude de taille” contre une certitude plus politique.Il propose ainsi de définir le grand territoire comme“une conjonction de coordination : non comme unespace concret qui serait plus grand que les autres,d’une échelle supérieure ; mais comme une formede gouvernance de la complexité et des échellesmultiples, une famille de territoires qui décide dese coordonner au nom d’un référentiel commun(un projet, les citoyens, un idéal, la République...)“.Le passage d’une “vision ontologique” du territoirecomme chose à une “définition pragmatique” duterritoire comme champ de relations entre acteurspermet de lui donner toute sa dimension politique.“Bien sûr, la coordination des souverainetés et deséchelons n’est jamais simple, enchaîne MartinVanier, elle suscite souvent des tensions, voire degrandes batailles. Mais c’est le mode d’existencenormal des grands territoires : c’est ce que j’appellel’ère de l’interterritorialité”/2.

Depuis que les bassins de vie ont débordé des communes, les territoires plus vastesse sont multipliés, régis par diverses formes d’intercommunalité. Aussi fécond soit-il, cetélargissement reste insuffisant. Même alliées à leurs vastes couronnes, les villes françaisesnepèsent toujours pas lourddans lamondialisation. Faut-il créer des territoires plus grandsencore ? Le problème n’est pas là, a répondu la table ronde d’ouverture/1, en déclarantouverte l’ère de l’interterritorialité. Synthèse par Richard Quincerot.

Ouverture

10 / URBANISME / HORS SÉRIE n° 35 - janvier 2009

UNE NÉCESSITÉ : VOIR LARGEOuverture

* Directeur général del’Agence d’urbanismede la région du Havre etde l’Estuaire de la Seine

La rencontre annuelle des agences

d’urbanisme a choisi de ne pas se

focaliser, comme à l’accoutumée, sur

les villes, qui constituent un sujet

traité en abondance, quasi inépuisa-

ble. Elles attirent l’attention parce

qu’elles concentrent les flux, les

échanges, la création. Elles sont

toutes différentes et pourtant sem-

blables, chacune a son nom propre,

son patrimoine, son histoire, son

fonctionnement. Elles sont si visibles

que les recompositions territoriales

qui s’ébauchent sont souvent citées

à travers les noms des villes :

“Nantes-Saint-Nazaire”, “Rennes-

Saint-Malo”, etc.

Comme si le territoire ainsi défini,

placé dans leur ombre portée, n’avait

pas d’identité propre, n’était

qu’un “entre-deux”, une sorte de

Zwischenstadt, un simple substrat

de la ville. Et pourtant… Au travers

des usages, de l’évolution desmodes

de vie, des gouvernances qui se cher-

chent, les limites bougent. La ville

ne peut se cantonner à son périmè-

tre historique et sa pérennité tient

peut-être aussi à son ouverture, à la

qualité de l’association qu’elle peut

proposer aux territoires.

Aujourd’hui, le concept de “ville

territoire” s’affirme. On reconnaît

plus facilement que l’attractivité des

villes se construit aussi sur l’identité

affirmée de leur arrière-pays. Aussi

“l’inversion du regard”, démarche

défendue dans l’élaboration du

SCoT de Montpellier par exemple,

fait-elle son chemin. En effet, les

espaces non urbains sont également

riches d’une histoire, d’une organi-

sation socio-économique, de struc-

tures paysagères originales, en un

mot, porteurs de sens. Dès lors, les

territoires ruraux détiennent des

qualités susceptibles de faciliter

l’émergence de stratégies d’aména-

gement spécifiques qui n’émanent

pas essentiellement du fait urbain.

C’est là un champ de réflexion pas-

sionnant qui invite à une réflexion

intégrant l’ensemble des atouts ter-

ritoriaux. De la capacité des agences

d’urbanisme à se saisir de l’emboî-

tement des échelles dépendra leur

pertinence.

“Grand territoire”par Anne-Michèle Donnet*

TABLE RONDE

> Point de vue

Michel Destot, présidentde l’Association des mairesdes grandes villes de France.

VERS DES GRANDSTERRITOIRESLIQUIDES ?

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janvier 2009 - HORS SÉRIE n° 35 / URBANISME / 13

Trois propositions provocatricesRamenant le débat sur un terrain pragmatique,Martin Vanier avance trois propositions. La pre-mière vise le citoyen : “Il faut organiser le “rendrecompte” devant les autres, sortir du face à faceentre élus et citoyens, dépasser le jeu de plus enplus faux qui consiste à traiter les enjeux par terri-toire et par échelon, alors qu’ils sont à cheval surplusieurs espaces et plusieurs échelles”. Ladeuxième proposition concerne les élus : à contre-courant des projets de refonte institutionnelle,Martin Vanier propose de systématiser les mandatspolitiques à deux échelons territoriaux, ce qui met-trait fin à la chasse au “mauvais échelon” et offi-cialiserait la responsabilité des élus vis-à-vis desenjeux – de plus en plus nombreux et décisifs – quise situent, non dans le champ clos d’un territoire,mais à l’articulation entre plusieurs échelons terri-toriaux. Enfin, le géographe s’adresse aux profes-sionnels : “Il faut cultiver les maîtrises d’ouvrage

partagées, dépasser le chacun pour soi d’adminis-trations territoriales trop souvent jalouses de leursprérogatives, voire concurrentes ; promouvoir lespostes à double mission, à double hiérarchie ; valo-riser les pratiques d’organismes comme les socié-tés d’économie mixte ou les équipes de maîtrised’œuvre urbaine et sociale, et les généraliser ; mul-tiplier les professionnels de l’articulation”.

En conclusion, Michel Destot a réaffirmé l’impor-tance du fait urbain : “Si tous les territoires sevalent, tous n’ont pas le même poids. C’est dansles villes que se développent les civilisations : il fautréhabiliter les agglomérations qui abritent80 % de la population française et sont le creusetdes innovations humaines dont profitent tous lesterritoires. En ce sens, l’outil de capitalisation de lapensée urbaine que constituent les agences d’ur-banisme et leur fédération est une chance pour lepays et pour l’Europe.” l R. Q.

VERS DES GRANDS TERRITOIRES LIQUIDES ? Ouverture

Hybridité et altéritéAinsi conçus, les grands territoires se caractérisent pardeux traits spécifiques : l’hybridité et l’altérité. “Lavaleur d’un grand territoire se mesure à l’élargisse-ment des questions que l’on se pose et de ceux avecqui on les pose, a préciséMartin Vanier. Par définition,c’est un lieu où l’on rencontre les autres – ceux d’enface, de l’autre rive, de l’autre ville, de la campagne,de la montagne... – et où l’on accepte d’affronter lesquestions des autres, celles que l’on ne se posait pasforcément oupas de lamême façon”. Et le géographeenappelle à la responsabilité despolitiquespour orga-niser unurbanismede l’Autre, un“alturbanisme” (sic),où chaque acteur en charge d’une question dans unterritoire donné – élu, citoyen, administration – accepted’en rendre compte devant d’autres acteurs, eux-mêmes en charge d’autres responsabilités dans d’au-tres territoires, avec les croisements de points de vueet d'intérêts que cela implique. Non par goût de l’exo-tisme ou de la complexité, mais parce que “nousvivons dans un monde où l’efficacité économique,sociale et environnementale des uns dépend de plusen plus de celle des autres”/3.

Des “limites intégratrices” ?Invitant de même à dépasser l’idée du territoirecomme substance, le philosophe Olivier Monginavanceune image forte : “L’univers hyperindustriel estun monde liquide – l’actuelle crise financière résulteprécisément d’un problème de manque de liquidité,d’assèchement. Nous sommes pris dans une logiquemondiale de flux, d’échanges de tous les horizons(proche, lointain) et de tous les types possibles (debiens, de populations, d’identités). Personne n’yéchappe, de la plus petite campagne à la plus grandemétropole. Les flux ne sont pas un facteur ou uneéchelle supplémentaires, qu’il s’agirait de maîtriser,mais lemilieuoùnous sommes immergés : tous inter-nautes, tous dedans”.

Cette nouvelle “donne” exclut, pour le philosophe,toute possibilité de retour à la ville “d’avant”, qui sedéfinissait précisément par sa maîtrise des flux, lecontrôle qu’elle exerçait sur ses échanges avec l’exté-rieur. Comment faire, dans ces conditions, pour éviterle double écueil de la séparation – l’impossible restau-ration du contrôle des flux – et de l’illimitation – desflux qui s’accélèrent, des mondes virtuels qui prolifè-rent : “Ça produit du naufrage et il y a des pirates àl’horizon, ironise OlivierMongin. Il faut cesser de par-ler du territoire comme si c’était du dur, de la souve-raineté solide dans un monde liquide ; renoncer àl’idée d’une bonne échelle territoriale qui permettraitde maîtriser les flux. Nous sommes attachés au

modèle d’une ville comme espace circonscrit qui per-mette d’intégrer des gens venusde l’extérieur, à l’idéede la ville comme espace intégrateur. Comment faire,pour réagglomérer, refaire cité dans une ville ouverteà tous les flux, reconfigurer des limites intégratricesqui jouent le même rôle que la ville européenne clas-sique, mais sans ses murailles ?”

Pour Olivier Mongin, une première piste de réflexionest la dimensionde l’imaginaire, dont il estimequ’ellen’est pas suffisamment prise en compte par les pro-fessionnels de l’urbain. “On ne peut pas créer unespace commun sans imaginaire, sans récit, sansreprésentation qui inscrive dans la durée. Trop sou-vent, les acteurs parlent projet et gouvernance, maisoublient l’imaginaire, qui jouepourtant un rôle centraldans le mode d’existence de la ville”. Suivant unedeuxième piste, plus sociologique, il souligne la fortedifférenciationdespratiques et des régimesdémocra-tiques, qui pose de manière nouvelle la question del’intégration des villes centres et de leurs couronnespériurbaines.

12 / URBANISME / HORS SÉRIE n° 35 - janvier 2009

VERS DES GRANDS TERRITOIRES LIQUIDES ?Ouverture

3/Annoncé au programmede la rencontre,mais finalement absent,Laurent Davezies auraitsans aucun douteabondé dans ce sens.Cf. notamment LaurentDavezies, La Républiqueet ses territoires ;la circulation invisibledes richesses, Le Seuil(coll. La Républiquedes Idées), Paris, 2008.

Olivier Mongin,philosophe (à g.),et Martin Vanier,géographe, ont échangésur les perspectivesà donner au terme“grand territoire”.

L’univers “hyperindustriel” est pris dans une logique de flux qui touche le secteur de l’immobilieret des services. Ici, la ville nouvelle d’Évry (Essonne).

“Des flux qui s’accélèrent, des mondes virtuels qui prolifèrent : ça produit du naufrage et il y a des pirates à l’horizon”, a ironisé Olivier Monginen filant la métaphore maritime.

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Tout comme les territoires sont multiples et spéci-fiques, leurs enjeux peuvent être nombreux et aty-piques. C’est d’autant plus vrai lorsque lesditsterritoires sont “grands” ou à inventer, au nom d’uncritère qui ne se discute plus : la masse critique del’attractivité, au plan européen – et international engénéral. La seconde table ronde introductive a ainsimis en exergue quelques exemples de “grands ter-ritoires” en gestation, tous différents mais marquésdu sceau du projet.

Le grand territoire toulousain est ainsi une nécessitéqui dépasse Toulouse, inspirée, selon NicoleBelloubet, première adjointe au maire et vice-prési-dente de la Communauté d’agglomération du GrandToulouse, par la Nouvelle Charte d’Athènes approu-vée lors du Conseil européen des urbanistes en 2003.Laquelle prône désormais la construction de “villescohérentes” à tous les niveaux et dans tous lesdomaines, pour le bien être des habitants. “Cela sup-posequelquespré-requis afin de conserver la richesseculturelle des territoires, de construire des plans d’ac-tions en réseau et de travailler sur les complémenta-rités, comme nous le faisons à Toulouse”,souligne-t-elle, en responsable d’un vaste territoireconcernant cinq départements et 1,3 million d’habi-tants. Le projet d’airemétropolitaine a ainsi été fondé

sur la notionde coopération. Samise enœuvre reposesur la construction d’un grand territoire “solidaire,structuré en réseau et accessible”, au sein duquel laculture est un “axe fort”. La candidature de Toulouseau titre de “capitale européenne de la culture” a per-mis d’avancer, selon l’élue, sur la démarche de “terri-toire créatif”. Une valeur qui conforte une métropoledéjà bien dotée, avec un potentiel universitaire parmiles premiers de France et ses industries de pointe.

Le pari de l’alliance Rhin-RhôneÊtre un territoire identifié géographique-ment et administrativement, comme lePays de Montbéliard, ne suffit pas pourexister. Lorsqu’il est situé en creux,à proximité relative de Mulhouse,Strasbourg, Zürich, Genève, voire Lyon,cela peut même constituer un handicap,affirme pour sa part Anne Pons, directricede l’Agence d’urbanisme et de développe-mentéconomiquedupaysdeMontbéliard.“Heureusement, àunmomentdonné, l’his-toiremetenplacedesopportunitésque lesélus savent saisir”. Il s’agit d’“inventer legrand territoire ensemble”, pasmoins, enprenant le pari de dépasser les compé-tences existantes et les partenariats “superposés”.Quand tous les pays deviennent une destination etle TGV une réalité apparaît le potentiel de cettealliance, qui favorise le projet à cette échelle. Celle-cipourra alors passer d’une somme de villesmoyennes en une “métropole jardin” innovante,avec ses pôles de compétitivité en réseau. Commel’a indiqué en substance Anne Pons, l’améliorationdesmobilités grâce au TGV, qui est à la fois le lien etla condition de la “fabrique du projet”, influe presqueobligatoirement sur un marché du travail d’autantplus accessible.

14 / URBANISME / HORS SÉRIE n° 35 - janvier 2009

Ouverture

janvier 2009 - HORS SÉRIE n° 35 / URBANISME / 15

L’atout mobilitéLa mobilité est au cœur du projet d’agglomérationtransfrontalière franco-valdo-genevoise, couvrantdeux “pays”, deux cantons, deux départements, unerégion et 204 communes (dont 112 françaises) entreRhône-Alpes et la Suisse. Cette importance du trans-port résulte du phénomène d’étalement urbain desdeux côtés de la frontière, accentué par une crise dulogement àGenève, qui repousse ceuxqui le peuventvers les territoires voisins vaudois et français. SelonNicole Surchat-Vial, chef de projet, trois accélérateursaccompagnent la charte d’agglomération signée fin2007 : la politique fédérale suisse de financement desinfrastructures de transport, la politique transfronta-lière de la France, le label “grand projet” de Rhône-Alpes accordé à Genève agglomération. Aujourd’hui,neufs partenaires suisses et autant de français seretrouvent dans un système de pilotage rassemblantl’ensemble des partenaires et visant à construire un“grand espace partagé”. L’un des problèmes résidedans l’attractivité fiscale d’une ville comme Genève,qui présente dix points demoinspar rapport à ses voi-sines, pour les entreprises : “Cela nécessite une soli-darité sur ce grand territoire qui attend, dans lesannées à venir, 200 000 personnes et 100 000 emploissupplémentaires.”

À la bonne échelleCar la gouvernance est, on l’a dit cent fois, indissocia-ble de la pertinence de l’échelle territoriale. S’agissantde la singularité parisienne décrite par VincentFouchier, directeur général adjoint de l’Institut d’amé-nagement et d’urbanisme (IAU) Île-de-France délégué

au schéma directeur,avec 1 300 communeset autant de mairesresponsables de l’ur-banisme, la couverturepar la Région est “unechance permettant demieux s’emparer desenjeux”. L’associationÉtat-Région et collecti-vités doit être pleine et

entière, compte tenu de l’immensité du projet et del’immense intérêt suscité. Si la Région Ile-de-Franceest ainsi “la” bonne échelle pour l’échelonmétropoli-tain du grand territoire, ce schéma n’est pas pourautant transposable au reste de la France. Concernantle pilotage, le découpage, l’organisation du dialogueavec l’État et entre toutes les collectivités, le Schémadirecteur (qui doit être en outre “grenello-compati-ble”) fixe un cadre. Une notion qui apparaît indispen-sable à Vincent Fouchier, en contraste avec lesstructures plus informelles qui se multiplient enrégion, des Inter-SCoT jusqu’aux “pays urbains”, etdont il entend souligner les limites. À grand territoire,grande responsabilité. De là à parler de “tutelle”, il n’yavait qu’un pas, allègrement franchi par l’intervenant.

Gouvernance et ouvertureCette idéede responsabilité principale est intéressantepour Antoine Rufenacht, grand témoin de ceséchanges, dans lamesure où “lemaire de la ville cen-tre d’une intercommunalité doit en être le président”.C’est selon lui une question de dynamique, impulséepar le “grand frère”. Les deuxmétropoles voisines, LeHavre et Rouen, sont en rivalité et le trio formé avecCaen ne fonctionne guère... Au regard de ces regrets,la satisfaction du travail des élus de l’Estuaire de laSeine, en partenariat avec le monde universitaire, lePort autonome et la Chambre de commerce et d’in-dustrie, n’en est que plus forte. Ici, le projet fédérateursusceptible de faire avancer les choses et lesmentali-tés s’intitule “LeHavremétropolemaritime internatio-nale”, avec l’ouverture vers le large comme atout deproximité pour le futur “Grand Paris”.

Car le “grandprojet” est porteur du “grand territoire”,de sonouverture à l’intérieur (la gouvernance) commeà l’extérieur (l’attractivité). Chacuna finalement rejointAnne Pons sur l’expression du “facteur-clé” queconstitue le dispositif de mise en œuvre du projet.Dans une économie évolutive, a-t-elle souligné, il nedoit pas être figé, mais “probabiliste”, autour d’unfaisceaudespossibles, ce qui n’empêcheaucunementun ensemble d’objectifs clairs. l O. R.

Ouverture

DU GRANDTERRITOIREAU GRAND PROJET

Hors des limites administratives classiques, les “grands territoires”méritent et néces-sitent d’être inventifs. La sommedes valeurs ajoutées de chacundoit contribuer à faire émer-ger le grand projet qui façonnera le grand territoire ou du moins créera une dynamiquepartagée.Synthèse des échanges par Olivier Réal.

TABLE RONDE

Nicole Belloubet et Anne Pons(au premier plan).

Le TGV Rhin-Rhône offre la capacité de créer enmême temps un territoireet un potentiel d’alliances entre des villes concurrentes.

La mobilité est certesune contrainte pour lesterritoires, mais aussiun atout pour ceux quipeuvent l’organiserà leur bénéfice.

Nicole Surchat-Vial. Vincent Fouchier.

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That vital broader view

Abstract / Keynotes considerations

Are “major territories” the proof of a political determi-nation to work together on a relevant scale? Or arethey simply the outcome of globalisation and itsemphasis onmultinational strategies bybusiness andthe big economic players? The question might nothave been settled at the 29th FNAU congress, but itwas certainly roundly debated, with consensus emer-ging on at least one point: the broader view hasbecome vital.

“Wemust not forget,”warned FNAUpresidentAndréRossinot in his opening speech, “thatmajor territoriesnow reflect economic, social and cultural relations onnot only a European but a world scale.” Pointing outthat the FNAU’s 51 agencies represent an enormousvariety of situations at a time when – despite theGrenelle Environment Forum – sustainable urbandevelopment is still not getting the recognition itdeserves, he stressed the need for broad networkingat all territorial levels. AndwithHubert Falco,Mayor ofToulon and Secretary of State for TerritorialDevelopment, hewent on to sign a new“cooperationprotocol” for 2008–2013, covering planning tools,creationof appropriate housing, planning& transport,nature in the city and tools for observation and eva-luation. Thus, said Falco, the state is committing itselfto partnership with the agencies in their contributionto shaping sustainable cities.

Larger territories basedondifferent formsof intermu-nicipal cooperation have become a fact of life inFrance, but even with their enormous peripheries thenation’s cities don’t always attain critical mass on theworld scene. At the round table devoted to “fluid”major territories Michel Destot, mayor of Grenobleand President of the Association of Mayors of MajorFrenchCities, spoke ofGrenoble’s rising cosmopolita-nism, enlightened transport policy and success in thenanotechnology domain. None of this could havebeenachieved, he said, if the city hadnot reinforced itsown efforts by further afield, to Lyon and the Rhône-Alpes Region generally: “A medium-sized city mustcompensate through networking.” There is no choicehere, he said, but the gambit also exacerbates thesempiternal issue of a tangle of institutions andactions; so only new forms of organisation canreconcile the local and the global, the complex andthe creative.

The response of geographer Martin Vanier centredless on actual size than on political stance: on themajor territory “not as a concrete space bigger thanothers […], but as a formof governanceof complexityand difference of scale, a family of territories thatdecides to work together for some common interest[…] This is what I call the age of interterritoriality.” Hecalled for an “alturbanism” at once hybrid and recep-tive to otherness. Philosopher Olivier Mongin wentfurther: there can be no return to the city of old, hesaid, for nowweare all internauts, caught up inuncon-trollable worldwide flows and exchanges that meanwe have to transcend the notion of territory as subs-tance, as something permanent and sovereign.Projects and governance are all very well, but theiradvocates often forget the need for imagination as acore element of a city’s existence.

No question,major territories functioning outside theclassical administrativeboundaries haveno choicebutto be inventive. But how to come upwith a project onan appropriate scale? The second round table fore-grounded someexamples.Greater Toulouse vice-pre-sident Nicole Belloubet spoke of the Athens Charterand its advocacy of cities consistent at all levels in theinterest of residents’wellbeing: preservationof territo-ries’ cultural wealth, networked plans of action andwork on forms of complementarity are crucial in theToulouse context,where themetropolitan areaprojectwas based first and foremost on cooperation.Fortunately, said Anne Pons of the Montbéliard plan-ning agency, “history sets up opportunities that poli-ticians succeed in seizing.” Inventing the majorterritory then becomes a shared affair. But while theIle-de-France Region, according to planner VincentFouchier, offers the scale for a major territory, themodel isn’t transposable to the rest of France. Andwhen, as LeHavre’smayorAntoineRufenachtpointedout, neighbours like Le Havre and Rouen remain in astate of rivalry and the trio they formwith Caen is run-ning below par, issues of governance, receptivenessand attractiveness have to be looked into: in a fluideconomy, as Anne Pons reminded those present, thepresence of a cluster of possibilities does not excludea set of clear aims.

16 / URBANISME / HORS SÉRIE n° 35 - janvier 2009

Le Havre - Rives de l’Estuaire

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janvier 2009 - HORS SÉRIE n° 35 / URBANISME / 19

2/Lire p. 22.

3/Lire le reportage etl’analyse de RichardQuincerot en pages 23et s.

4/Les bâtisseurs ; l’albumde la reconstruction duHavre, éditions Point devues/Musée Malraux -Ville du Havre,Bonsecours, 2002.

5/“L’aire urbaine du Havre :un bassin de vie pour300 000 habitants”, inAVAL, Lettre statistiqueet économique de Haute-Normandie n°60,INSEE / AURH, déc. 2006.

quelque sorte “précédé la ville”. Et son statut ultérieurd’autonomie lui a donné diverses occasions de pas-ser outre les attentes des collectivités territoriales, ycompris après les lois de décentralisation. Mais à l’in-verse, c’est sans doute ce contexte centralisateur quia déterminé à la fois la capacité de la ville à rebondir,commeaprès les destructionsmassives de la secondeguerre mondiale, et la puissance actuelle du port quedécrit plus loin Olivier Réal/2. La période deReconstruction elle-même est marquée par unevolonté extérieure – celle dugouvernement qui enten-dait marquer sa reconnaissance aux Havrais, maisaussi celle du ministère de la Reconstruction quiimposa Auguste Perret et le “style moderne” à unepopulationqui n’en voulait guère/3. Jusqu’à la recon-naissance par l’Unesco de la qualité et de l’originalitéexceptionnelle de ce patrimoine, quelque cinquanteans après sa réalisation, elle aussi “venue d’en haut”.Quoiqu’il en soit, cette histoire restera à jamais singu-

lière, et comme l’explique l’architecte Joseph Abramdans la préface d’un ouvrage de référence consacré àla Reconstruction, “cette expérience apparaîtaujourd’hui, avec le recul du temps, comme l’une desopérations les plus significatives du XXe siècle”/4.

Une communauté de projetsMais la géographie est têtue. L’Insee de Haute-Normandie et l’Agence d’urbanisme de la régionhavraise et de l’Estuaire de la Seine (AURH) ont tra-vaillé finement sur la complexité de cette aggloméra-tion particulière, à la fois terminal maritime etferroviaire, où se sontmultipliés depuis une trentained’années les implantations industrielles et les dépla-cements domicile-travail, mais où la population afortement décliné sur la même période. Le dévelop-pement local reste une œuvre de longue haleine.Selon leur analyse, l’agglomération havraise est ainsicaractérisée par “son manque d’attractivité à l’égarddes jeunes de 20 à 29 ans” et “un taux de chômageélevé qui ne baisse que lentement”, tandis que l’ap-pareil productif apparaît “très concentré sur quelquespôles d’emploi”/5.

Si Le Havre compte moins de 200 000 habitants, le“grand territoire”qui regroupe457 communesdepartet d’autrede laSeine, apparaît davantageavecprèsde600 000 habitants comme l’“espace pertinent” pourl’action, assure le maire : “L’idée nous est venue dès1995 lors de l’ouverture du pont de Normandie. Uncomitédesélusde l’Estuaire s’est formé, devenupar lasuite structure permanente avec une présidence tour-nante, raconte-t-il. J’avais moi-même échafaudé àl’époque un projet de communauté urbaine sur lesdeux rives, mais les réticences étaient nombreuses,avecun territoire réparti sur troisdépartementset deuxrégions ! Une autre hypothèse de travail a prévalu. Ils’agit d’une communauté de projets bâtie autour dethèmes fédérateurs sur lesquels les villes partenairespourraient être tour à tour tête de réseau, commeDeauville pour le développement touristique ou LeHavrepour le projet de troisième franchissement de laSeine...” Même s’il n’est pas toujours simple de fairetravailler ensemble élus et professionnels à grandeéchelle. Si l’on y ajoute la difficulté, avérée ou fantas-mée, de travailler en réseau avec les deux autresmétropoles normandesCaen et Rouen, comme l’avait(imprudemment) imaginé laDatar dans les années 90,on aura compris que le développement du Havre n’apas constitué un long fleuve tranquille, fût-il la Seine...

Des choix stratégiquesLes grands projets havrais actuels témoignent toute-fois d’unenouvelle étape, par leur ampleur –des suites

Le Havre - Rives de l’Estuaire

LE HAVRE :LA VILLE, LE PORT,L’ESTUAIRE...

“Laplupart des villes ressemblent à l’idéequ’on se faitd’une ville, note l’écrivain d’origine havraise BenoîtDuteurtre ;mêmedispositionconcentrique,partantdesbeaux vieux quartiers du centre vers les périphériesmodernes. LeHavrene ressemblequ’à lui-mêmeavecses boulevards interrompus par la mer, sa modernitérectiligne au cœur de l’agglomération, qui contrasteavec ses faubourgs ouvriers plus anciens. Il se dis-tingue aussi par ses deux niveaux : une ville basseimmergéedans leport, unevillehauteposéesur lepla-teau (...). Cette juxtaposition urbaine frappe l’imagina-tion ; elle peut paraître brutale ou grandiose, elle nelaisse guère indifférent.”/1 Mais ce site particulierentre terre etmer, construit (et reconstruit) sur des ter-rains marécageux, n’a pas connu que des périodesfastes. Choyée par l’État au moment de laReconstruction, même si 80 000 Havrais sinistréspatientaient dans des baraquements provisoires, la“villemartyre”a souvent attenduenvainqu’on ladotedesmoyens de son ambition.

Un pouvoir central dominantIntarissable sur le sujet, Antoine Rufenacht, maire dela ville depuis 1995 et président de la communautéd’agglomération (Codah) depuis 2001, n’a de cessed’exposer ce qui constitue la trame de l’histoirerécente de la ville : sa relation complexe avec la capi-tale. “La proximité deParis a toujours posé problème,souligne-t-il, car toutes les métropoles régionales, ycompris les plus lointaines, ne sont pas traitées de lamême manière par l’État, par exemple pour la miseen œuvre de la grande vitesse, les équipements uni-versitaires ou les moyens de la sécurité publique...”Un peu comme le disait jadis le président mexicain

Porfirio Diaz en parlant de son pays : “Si loin de Dieuet si près des États-Unis !”

Il est vrai que dans les rapports entre la ville et le pou-voir central, le second a toujours imposé son autoritéau premier. Voulu par François 1er qui cherchait, face àlamenacequeconstituait la perfideAlbion, un“havre”à la fois sûr et facile d’accès, destiné àprotéger l’entréede l’estuaire de la Seine et sa capitale, le port a en

18 / URBANISME / HORS SÉRIE n° 35 - janvier 2009

1/Dans la préface del’ouvrage de VincentDuteurtre, Le Havre enpleine lumière,Gallimard, 2006.

Le Havre - Rives de l’Estuaire

Une ville hauteposée sur le plateau,une ville basseimmergée dans le port...

La vocation industrielleet portuaire du Havren’a pas empêchéla reconnaissancede son patrimoinearchitectural et urbain.

La géographie et l’histoire ont joué bien des tours auHavre, tout en lui donnant unechancemajeure : être une ville singulière et ouverte sur lemonde. Pour autant, sondévelop-pement s’est souvent fait dans la douleur, de la Reconstruction aux débats autour des pro-jets d’extension du port. Désormais, l’agglomération regarde autour d’elle et se projetteà une plus grande échelle, celle de l’Estuaire de la Seine... Un grand tour du Havre et deses projets, avec PascaleDecressac, PierreGras, RichardQuincerot etOlivier Réal, illustrépar SergeMouraret.

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janvier 2009 - HORS SÉRIE n° 35 / URBANISME / 21

Le Havre - Rives de l’Estuaire

de “Port 2000” à la transformation spectaculaire desquartiers Sud/6 – mais aussi leur mode opératoire.Les partenaires sont enfin autour de la table, le portcédant là des terrains jugés stratégiques par lamuni-cipalité, négociant ici avec les écologistes un aména-gement plus durable des extensions de l’immensesite portuaire, la ville faisant appel ici à des architectesfort médiatiques, engageant là avec les investisseursprivés la transformation de telle ou telle friche enéquipement commercial et de loisirs, comme sur lesDocks Vauban/7.

L’agenced’urbanisme, qui a longtempspréparé le ter-rain, doit parfois mener les études tambour battant

pour ne pas retarder le rythme opérationnel des pro-jets et ne ménage pas sa peine. Le changementd’échelle – de la ville au grand territoire, justement –n’est pas seulement une question de survie pour l’ag-glomération,mais c’est bien, comme l’expliqueAnne-Michèle Donnet, directeur général de l’agence, àl’image de la reconquête des secteurs portuairesdélaissés, “un choix stratégique”. On verra dans lespages qui suivent lesmutations qui résultent de cettedémarche et quelles en sont les modalités. Elles pro-curent en tout cas aujourd’hui auHavre une incontes-table dynamique urbaine, sociale et culturelle. I P. G.

20 / URBANISME / HORS SÉRIE n° 35 - janvier 2009

LE HAVRE : LA VILLE, LE PORT, L’ESTUAIRE…Le Havre - Rives de l’Estuaire

6/Lire le reportage enpages 27 et s.

7/Lire p. 30.

“Paris, Rouen, Le Havre : une seule

ville dont la Seine est la grande rue”,

affirmait NapoléonBonaparte. La ville

du Havre peut-elle être considérée

indépendamment de ses voisines por-

tuaire et capitale ? Sans aller jusqu’à

Rouen ni même à Paris, partir à la

découverte du Havre et de ses envi-

rons jusqu’à Honfleur en traversant

la Seine par le pont de Normandie ou

celui de Tancarville permet de révéler

lesmultiples visages de l’estuaire de

la Seine et sa cohérence géogra-

phique.

Une communauté d’intérêtsÀ moins de 200 kilomètres de Paris,

Le Havre était trop proche de la capi-

tale pour être considérée commeune

véritable métropole, mais trop éloi-

gnée pour faire partie de la grande

banlieue parisienne. Cette façade

maritime est donc à la fois un atout

et un inconvénient, l’agglomération

peinant à s’imposer réellement, en

raison également de sa compétition

historique avec Rouen, autre ville

L’Estuaire de la Seine,grand territoire pertinent ?

importante du département et de la

région, concentrant les pouvoirs

administratifs et politiques. Dans ce

contexte, l’agence d’urbanisme du

Havre a eu un rôlemajeur. Élargie en

2003 à l’ensemble du territoire de

l’estuaire, elle a porté la conviction

qu’un développement de l’agglomé-

ration aurait nécessairement un

impact positif sur la Normandie. Au

milieu des années 90, la construc-

tion duPont deNormandie avait déjà

modifié les relations entre Haute et

Basse-Normandie, donnant nais-

sance àun comité d’élus de l’estuaire,

amorce d’un travail en commun pro-

ductif. Au sein du réseaude l’estuaire,

des partenariats se sont également

développés avec les universités, le

Port autonome, les chambres consu-

laires ou encore les services de l’État.

Un travail commun indispensable

pour mener à bien des projets de

grande ampleur comme “Port 2000”,

projet déclaré d’intérêt national qui

a entrepris de faire du Havre une

métropole maritime en compétition

avec les grandes “places portuaires”

européennes, voire mondiales.

La nature maritimeet terrestre préservéeJusque dans les années 70, l’estuaire

de Seine n’avait qu’une vocation por-

tuaire et industrielle. Depuis lemilieu

des années 80, son intérêt écolo-

gique est reconnu : classé réserve

naturelle, son périmètre été étendu

en 2004 à 8 500 hectares et inscrit au

réseau européen Natura 2000.

Composé demilieux naturels excep-

tionnels –vasières, roselières,prairies

humides –, l’estuaire est riche d’une

diversité biologique extraordinaire

(anguilles, crevettes et même

phoques…). Il s’étenddepart et d’au-

tre de l’embouchure de la Seine, entre

le Pont de Tancarville et lamer, dans

la partie orientale de la baie deSeine,

à la frontière entre les deux régions,

à cheval sur les départements du

Calvados, de l’Eure et de la Seine-

Maritime, le tout sur dix-sept com-

munes. Préserver les différents

visages de l’estuaire de Seine et les

richesses naturelles qui existent est

un enjeu majeur pour toute la

Normandie. Concilier intérêts écono-

miques et environnementaux : l’es-

tuaire de Seine serait-il exemplaire

de la problématique du développe-

ment durable, enjeu du troisième

millénaire ? I Pa. D.

> Zoom

La puissance des grands armateurs mondiaux et l’influence des acteurs économiques locaux ont contribué à doter Le Havre d’infrastructuresà grande échelle.

Les multiples visages de l’estuaire n’interdisentpas d’observer sa cohérence géographique et,pourquoi pas, institutionnelle.

L’estuaire de la Seine (IGN, 2008).

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REPORTAGE

janvier 2009 - HORS SÉRIE n° 35 / URBANISME / 23

1/“L’Unesco est-elletombée sur la tête ?”,titrait Paris-Matchn°2934 en août 2005.

2/Le Havre fut la premièreville reconstruitedétentrice du label“Ville d’Art etd’Histoire”.

Les5et 6 septembre1944, laRoyalAir ForcebombardeLe Havre pour en déloger l'armée allemande, cram-ponnéeà lapositionaprès ledébarquement allié. Cetteultime bataille laisse aux Havrais un goût amer. La“ville martyre”, la plus sinistrée de France, est unchamp de ruines avec 5 000morts, 80 000 sans abri et12500 immeublesdétruits. Lesautorités localesparentaupluspresséet préparent unpland'urbanisme.Maisla table rasedes150hectaresducentre-ville retient l'at-tentiond'anciens élèvesd'AugustePerret, qui plaidentla cause du maître auprès du ministère de laReconstructionet de l'Urbanisme (MRU)et obtiennentsa nomination commearchitecte en chef duHavre. Enjuillet 1945, la cause est entendue : armée d'une puis-sante doctrine, la «machine Perret » balaie les opposi-tions locales, réduites à des escarmouchesd'arrière-garde. Pour l'essentiel, les plans du Havre sepréparent àNeuilly, siègede l'Atelier de reconstructionet de ses dix-huit architectes.

Les ISAI : une exterritorialisation ?L’optiondebase est un scénario de compensationdesdommages de guerre. À la différence des reconstruc-tions d’après 1918, les propriétaires sinistrés ne reçoi-vent pas un terrain en propre sur lequel ils pourraientconstruire individuellement, mais un appartement encopropriété dans un ISAI, “immeuble sans affectationindividuelle” construit par une société coopérativesous le contrôle de l’Atelier. Mal reçue par les acteurslocaux, cette “exterritorialisation” défait le lien de lapropriété foncière qui lie la ville au territoire – à l'in-verse des actuelles “résidentialisations” de grandsensembles, qui visent à renforcer l'appropriation dusol par les habitants. Les propriétaires partent vivredans les étages – ils sont plutôt de classemoyenne, lalogique des compensations ayant eu pour effet de

chasser du centre à la fois les habitants les plusmodestes et les plus fortunés. Reste le sol, libre d’at-taches individuelles : c’est l’espace du projet. Perretavait même proposé de construire un sol artificiel,plancher technique qui aurait caché les canalisationset mis la ville à l’abri des inondations : l‘idée séduisit,mais l’argent manquait et il fallut y renoncer.

Déconstruction et reconstructionSur cette table rase dégagée des contingences fon-cières, les architectes étaient libres de leurs actes. Or,

Le 15 juillet 2005, l’Unesco inscrivait la reconstruction du Havre sur la liste du patri-moinemondial de l'humanité. Ladécisionen surprit plusd’un/1. La “ville triste”d’hier deve-nait une “ville d'art et d’histoire”/2, la grisaille dubéton “un langagepoétique”, les façadesmonotones “un ensemble urbain unique”. La réhabilitation d’une ville mal-aimée est sansconteste un beau geste. Néanmoins, pour les amateurs de tourisme urbain, Le Havre resteun patrimoine déroutant. Proposition de visite par Richard Quincerot.

RECONSTRUCTION :PERRETDÉCONSTRUIT

Le Havre - Rives de l’Estuaire

22 / URBANISME / HORS SÉRIE n° 35 - janvier 2009

Le tempss’accélère sur leportduHavre

et les transformations aussi. Cap sur

l’horizon 2020-2030, par la multi-

plication des équipements et des

échanges. “Si vous revenez dans un

an, tout ceci aura été transformé” : au

gré de la visite de la zone industrialo-

portuaire et des nouvelles fonctions

tertiaires, cette remarque est un vrai

“fil rouge”.Unnouveaumillénaire s’est

ouvert sur cette zone en prise avec la

“façade atlantique” et à l’interface du

Grand Paris via l’estuaire de la Seine.

En mars 2006, quarante ans après le

traitementdupremier conteneur, nais-

sait “Port 2000”, fleuron économique

duHavre issu de 11 années de concer-

tation publique exemplaire, d’études

et de travaux gigantesques. 1,3 mil-

liardd’euros investis (dont 46millions

d’euros affectés au “développement

durable” des projets et aménage-

ments), le chiffre même résume l’am-

pleur du projet.

Entièrementdédiées aux trafics conte-

neurisés, les installations sont évolu-

tives, offrant un potentiel de douze

postes à quai (six actuellement,

pouvant recevoir les plus gros porte-

conteneurs du monde) sur une lon-

gueur dequatre kilomètres (1,4 kmde

quai aujourd’hui). Le second volet de

“Port 2000” n’est pas encore achevé

que les projections à l’horizon 2020-

2030 anticipent l’avenir avec ambi-

tion. Le grand projet “Le Havre

métropole maritime internationale”

est porté par un schémadirecteur aux

facteurs structurants multiples.

Il s’agit de prolonger le grand canal

entre le port et la Seine afin de sécu-

riser la fluidité des transports et

d’accélérer les flux, de doubler la

légendaire écluse François 1er (qui a

déjà deux fois la taille des écluses

de Panama), de restructurer le port

intérieur, incluant la réalisation d’un

nouveau terminal à conteneurs, de

développer le pôle énergétique

(pétrole, gaz, charbon, éolien), de

renforcer les capacités d’accueil en

activités logistiques, ou encore d’amé-

liorer les dessertes internes (ferro-

viaires entre autres)…

Pour l’heure, résolument tourné vers

le monde, Le Havre augmente sa pro-

ductivité à l’hectareetgagnedesparts

demarchégrâceà laprésenced’arma-

teurs internationauxparmi lespluspuis-

sants, àqui a été confiée l’exploitation

des terminaux à conteneurs. Avec

quelque 80 millions de tonnes manu-

tentionnéesparan, il s’agitaujourd’hui

du premier port de conteneurs de

l’hexagone,affichant2,6millionsd’EVP

(l’unitédemesuredesconteneurs), soit

environ 60 % du trafic national, et du

secondport françaisderrièreMarseille

(le cinquième en Europe). Près de

17 000 personnes sont employées par

la communauté maritime et portuaire

(enprogressionde11,6%sur lapériode

2000-2006). De quoi envisager l’ave-

nir avec optimisme, même si les

derniers événements économiques

mondiaux incitent à une certaine pru-

dence en termes de croissance

comme d’échanges. I O. R.

La puissance du port

Le Havre - Rives de l’Estuaire

> Zoom

“Des architectes libres de leurs actes” (détail décoratif d’un immeuble ISAI).

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janvier 2009 - HORS SÉRIE n° 35 / URBANISME / 25

4/Au sens où AugustinBerque, à la suite debien d’autres, en appelleà un réancragede l’habitation et à uneauthenticité des lieux.

Cette standardisation assure unegrande économiedeconception – il n’y a plus qu’à adapter. Il n’est pas sûren revanche qu’elle ait contribué à réduire les coûtspar la préfabrication. Les premiers immeubles sontconstruits avec les moyens du bord – une photogra-phie de 1949 montre des échafaudages de bois etcordes, par exemple. La construction est de qualité –et donc facile à rénover cinquante ans après.Mais elleest chère : en 1949, les Havrais s’indignent de ces“immeubles de luxe” construits en priorité, alors que80 000 d'entre eux s’entassent dans des baraque-ments provisoires. Le grand chantier semble avoir étéun foyer d’innovations techniques. Perret a fait venirde Paris “son” entreprise habituelle, la Société desgrands travauxenbétonarmé.Des entreprises localessont également engagées et y gagnent une envergurenationale – comme l’entreprise havraise Camus quiappliquera son procédé un peu partout en France etailleurs.

“Versailles pour le peuple” :habiter uneœuvreAlors que l’urbanisme est traditionnel, avec une hié-rarchie de rues et deplaces, l’architecture de la recons-truction réduit la ville à uneunité absolue. Longtempscondamnées commemonotones, grises, voire “stali-niennes”, les façades du Havre sont un degré zéro dela sémiologie urbaine. Si l’on excepte l’Hôtel de villeavec sa “tour-beffroi” et les 107mètres du clocher del’église Saint-Joseph, elles enveloppent tout l’hybridede l’habitation et de l’activité urbaine dans le moduleimplacable de 6.24 m avec cadre structurel, panneaude béton et fenêtre en hauteur (vraie ou fausse, selonles cas). Le résultat est ambivalent : la monumentali-

sation de l'ordinaire (sur le mode “Versailles pour lepeuple” comme Bofill à Montpellier) se paye d’uneperte de lisibilité des fonctions (où sont les logements,les activités ?), de la sociologie (où sont les riches, lespauvres ?) et des affectations (où commencent et oùfinissent les appartements ?). Commedansunebandedessinée deSchuiten&Peeters, cette ville est l’œuvred’un architecte : voilà lemessageque répètent à l’enviles façades de la reconstruction. Dans les rues, lessignes d’appropriation sont rares – un parasol sur unbalcon, quelques pots de géraniums sur une fenêtre.Après tout, est-ce si important ? Au Havre, le marchéimmobilier se porte plutôt bien, l’ambiance est bonenfant, l’accueil très sympathique. LesHavrais ne sem-blent pas souffrir d’une perte d’invidualité chroniquequi résulterait d'un défaut d'expression individuelledans le paysage urbain.

Déroutante, étonnante, uniquePas d'ancrage dans le territoire, pas d’habitationontologiquement fondée/4, mais une œuvre d’ar-chitecte ; pas de palimpseste ni d’épaisseur d’histoire,

RECONSTRUCTION : PERRET DÉCONSTRUIT Le Havre - Rives de l’Estuaire

loin d'imposer de l'absolument neuf, comme le ferapar exemple Georges Candilis en 1970-80 avec latrame à 60° de sa “Résidence de France” sur le frontde mer (900 logements), l’équipe Perret élabore unétrange compromis avec la ville d’avant. D’une part,LeHavre conserve son cardo et sondecumanus,maisannoblis par un redessin monumental inspiré d’es-paces parisiens : renonçant à lutter sur tous les fronts,Perret concentre ses efforts sur la place de l’Hôtel deville (une place royale), la rue de Paris bordée d’unedouble colonnade (une rue de Rivoli), l’avenue Foch(les Champs-Élysées ou l’avenue de Breteuil) et sondébouché sur la Porte Océane et la mer (un Arc deTriomphe ?). C’est sur ces espacesmajeurs que se réa-liseront les premiers ISAI et les appartements dumeil-leur standing. D’autre part, les petites rues serréesanciennes sont remplacées par une trame larged’îlots de cent mètres par cent mètres, bordés d’im-meubles de trois à cinq étages et pouvant intégrerdes immeubles-tours de dix à quinze étages. Cetordinaire de la ville se construira progressivement,d'abord dans la ligne Perret, puis selon d’autresvisages de la modernité.

Au total, rien n’est pareil,mais tout est reconstruit. Lesaxes principaux sont restés enplace,mais leurmonu-mentalisation les a rendusméconnaissables. La trameviaire a gardé son orientation générale, mais toutesles rues ont disparu, remplacées par des artères pluslarges apportant l’air et la lumière requis par l’urba-nisme moderne. Dans cette correction magistrale dela ville d’avant par la ville reconstruite, la densité d’ha-bitation a baissé demoitié (aujourd'hui 150 habitantsà l’hectare). La population passe de 46 000 habitantsen 1936 à 27 300 habitants en 1962, puis 19 000 habi-tants en 1982. Délaissé par le port transféré sur l’es-tuaire, réduit à une sorte de quartier résidentiel à lapopulation choisie, le centre-ville du Havre a long-temps souffert d'une certaine atonie et n’a retrouvéque récemment une véritable animation urbaine.

Le classicisme structurel :un modèle préfabriquéLa deuxième option de la reconstruction duHavre estarchitecturale. L’Atelier n’utilise pas la construction tra-ditionnelle – comme les immeublesdebriqueaux toitsd’ardoise régionalistes du quartier Saint-Françoisvoisin – ni la voie des modernes – l’esthétique déma-térialisée du Bauhaus, par exemple –, mais la troi-sième voie que JosephAbrama qualifiée “d’école duclassicisme structurel”/3. À la fin d’une carrière bienremplie, entouré d’anciens élèves, Auguste Perret saitcomment et quoi construire : des immeubles debéton(malgré la rareté du matériau au sortir de la guerre),aux structures exprimées en façade (malgré les pontsthermiques que cela implique), avec des fenêtres ver-ticales “à la française” et sur une trame de 6.24 m,choisie pour ses avantages techniques, fonctionnelset esthétiques.Aisément divisible, elle est en effet sup-poséegarantir une certaineharmonie. Commedans le“langage”de l’architecture classique, tous les compo-sants sont pré-dimensionnés, jusqu’à la modénaturedebéton lisse et bouchardédes colonnes, des façadeset des corniches, reprise avec de très petites varia-tions par les divers architectes de la reconstruction.

24 / URBANISME / HORS SÉRIE n° 35 - janvier 2009

RECONSTRUCTION : PERRET DÉCONSTRUITLe Havre - Rives de l’Estuaire

3/Spécialiste mondialde Perret, l’architecteet historien JosephAbram a été l’un desgrands acteurs de lapatrimonialisation de lareconstruction du Havreen deux temps : zonede protection (ZPPAUP)en 1995 et inscription surla liste de l’Unesco en2005.

L’appartement-témoin Perret contribue à entretenir la mémoire apaisée d’un processusconflictuel à l’origine.

Joseph Abram a qualifiél’option architecturalede la reconstruction“d’école du classicismestructurel”.

Les 107 mètresdu clocher de l’égliseSaint-Joseph, réaliséedans le cadre dela Reconstructiondu Havre, offrent unensemble spectaculairede vitraux.

Détails d’un escalier de secours et d’une colonne d’immeuble d’habitation.

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REPORTAGE

janvier 2009 - HORS SÉRIE n° 35 / URBANISME / 27

Les quartiers sud du Havre, 800 hectares, constituentun territoire médian et modestement peuplé (17 000habitants) entre ville et port, accueillant les bassinsportuaires connectés à l’estuaire de laSeinepar un jeud’écluses, à proximité du centre-ville mais coupé his-toriquement par un entrelacs de voies d’eau et devoies ferrées. Ce secteur a connuune richehistoire. Laplaine de l’Eure a été urbanisée auXIXe siècle lorsquela relative saturation du port de commerce et l’aug-mentation de la taille et du tirant d’eau des navires acontraint les autorités portuaires à déplacer l’essentieldes équipements du centre-ville vers de nouveauxdocks construits sur le modèle de ceux de Londres.Logements et équipements avaient suivi le port, pro-duisant un enchevêtrement depetits immeubles et demaisons d’armateurs, de petits bars ouvriers, defoyers de marins et d’activités connexes, dont la vieest rythmée par le tintement de la cloche des dockersà l’heure de l’embauche. Une ambiance digne desromans de PierreMcOrlan. Il n’en fallut pas plus pourdonner à ces quartiers portuaires un caractèremythique...

Une stratégie de reconquêteUne partie de ces bâtiments a ensuite échappé auxbombardements de la fin de la seconde guerre mon-diale et certains étaientmêmedans un état de conser-vation plutôt bon. Mais avec l’apparition desporte-conteneurs, à la fin des années 70, lemêmephé-nomène se reproduit. Leport sedéplace vers l’estuaireet laisse un ensemble de friches industrielles et dedocks désaffectés, ainsi qu’une population en grandedifficulté du fait des restructurationsqui affectent l’éco-nomie locale. Les travailleurs immigrés appelés pourfaire face aux besoins demain d’œuvre d’une écono-mie essentiellement secondaire ne peuvent guère

s’adapter aux nécessités d’une activité désormaisdavantage tertiaire, y compris sur le port à conteneurs,largement automatisé. La crise sociale s’installe. Unhabitant sur trois n’a aucun diplôme. À la fin desannées 90, le taux de chômage atteint 33 % dans lesquartiers sud, selon l’Insee.

Le constat est sévère. Et freine toute velléité d’inves-tissement pendant de longues années. Pour autant, leterritoire n’est pas sans atouts, tant stratégiques, dufait de sa position à l’interface entre ville et port et dela disponibilité du foncier, qu’urbains et humains, enraisonde la qualité dupatrimoinemaritime subsistantou de la jeunesse de la population. Progressivement,une politique de reconquête des quartiers sud semeten place avec l’appui de l’Union européenne. Quatreobjectifs principaux sont définis : réutiliser les espaceset le bâti intéressants dans une perspective de déve-loppement durable ; requalifier l’espacepublic et créerdes liaisons entre les quartiers ; créer une mixitéd’usages ; et enfin développer l’offre de logement,notamment en réhabilitant certains bâtiments indus-triels. L’un des enjeux forts consiste en effet à favori-ser la coexistenced’activités anciennes et nouvelles, etde renforcer la cohésion sociale en diversifiant lapopulation grâce à la réalisation de nouveaux loge-ments.

Saint-Nicolas, tête de pontLe quartier deSaint-Nicolas, directement connecté aucentre-ville par un nouveau pont, le pont des Docks,qui prend la suite d’unouvragedétruit pendant la der-nière guerre et qui n’avait jamais été reconstruit, estinstitué en “hyper-centre urbain” où seront concen-trés les nouveaux équipements commerciaux (DocksVauban), universitaires (école d’ingénieurs, implanta-

La mutation des quartiers Sud du Havre – l’ancienne plaine de l’Eure aménagée auXIXe siècle – est spectaculaire. Engagéeavec l’appui de l’Union européenne, elle contribueraà changer le destin dequartiers portuaires jusqu’ici engrandedifficulté et l’imagede la villetout entière. Jusqu’à quel point, telle est la question. Une visite contrastée “à l’Eure” desgrands projets havrais, guidée par Pierre Gras.

LES QUARTIERS SUD“À L’EURE” DESGRANDS PROJETS

Le Havre - Rives de l’Estuaire

tout fut détruit, tout est reconstruit, aujourd'hui“patrimonialisé” ; aucune diversité architecturale quidonnerait à voir l’hétérogène et l’imprévisible de laville, sa manière propre d’assembler l’individuel etle collectif : la reconstruction ne présente aucune desqualités d'histoire, de repérage et d'appropriation quele voyageur aime trouver dans les “villes qu'on visite”et que les urbanistes cherchent à créer dans les villesactuelles – par exemple dans le “quartier de centre-ville” en cours de réalisation auSudduHavrepar revi-talisation d'un vieux faubourg industriel.

Or, c'est paradoxalement ce qui rend la visite indis-pensable. Le Havre offre l’exemple extrême d’unethéorie urbaine incarnée, assumée en ses dernièresconséquences, à un point suffisamment exception-nel pour justifier son inscription sur la liste du patri-

moine mondial de l’humanité. Le plus étonnant estque cet artefact ait réussi à “faire ville” – une villevivante et aujourd’hui occupée à restaurer/5 et àvaloriser son patrimoine, avec notamment un“appartement Perret” reconstituant un universdomestique “modèle” des années 50. Déroutante,la reconstruction du Havre défie les certitudes urba-nistiques et elle n’est pas la seule. Le périmètreUnesco comprend d’autres objets étonnants quidonnent à penser sur la ville, l’architecture et letemps : le “Volcan” (1982) d’Oscar Niemeyer, laRésidence de France (1985) de Candilis, qui indignala Société des amis de Perret, et le Musée Malraux,construit en 1962 sous une toiture de Jean Prouvéet magnifiquement transformé en 1998 par LaurentBeaudoin. I R.Q.

26 / URBANISME / HORS SÉRIE n° 35 - janvier 2009

RECONSTRUCTION : PERRET DÉCONSTRUITLe Havre - Rives de l’Estuaire

5/Sous le pilotaged’Annabella De Araujo,Mission Unesco,ravalement des façadeset restitution des détailsarchitecturaux, miseen valeur des vitrinescommerciales,plan lumière (1996)et aménagementsd’espaces publics.

Du “Volcan” d’OscarNiemeyer au MuséeMalraux de Prouvéet Laurent Beaudoin(en haut, à g. et à dr.),les réalisationscontemporainessont venues doterle patrimoine Perretdu centre-ville “d’autresobjets étonnants quidonnent à penserla ville, l’architectureet le temps”.

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tion IEP Paris, département Génie civil de l’INSA deRouen, école nationale de la marine marchande...) etludiques (multiplex, salles de concerts, bains desDocks, jardin fluvial, projet “Odyssey 21” de JeanNouvel...).C’est également non loin de ce site qu’ont choisi des’implanter la Chambre de commerce et d’industrie(nouveau siège dû au cabinet Dottelonde& associés)ou encore l’hôtel Novotel (architecte Jean-PaulViguier) qui ont contribué dès 2005 àmarquer le pay-sage et à prendre date pour l’avenir. Les activités éco-nomiques ont suivi peu à peu avec l’implantation dela clinique des Ormeaux et l’installation annoncée, àproximité des gares, d’entreprises de servicescomme Groupama Transport ou Bertelsmann.D’autres, déjà présents au Havre, comme l’armateurmondial CMA-CGM, y prévoient de nouveaux inves-tissements dès 2010.

Sur les autres quartiers, unpeuplus éloignés, commeceux de Brindeau et de l’Eure, il s’agit plutôt de déve-lopper des “centralités périphériques” en s’appuyantsur des équipements existants ou nouveaux, commelaMédiathèque Léopold Sedar Senghor ou Le Parvis,équipement municipal polyvalent. Sans oublier les“parents pauvres” comme le grand ensemble deVallée Béreult (où il est prévu de réaménager le sec-teur du supermarché Champion pour le faire évolueren “pôle de services”), les Champs-Barets et surtoutle quartier des Neiges, un secteur enclavé, sinonoublié, au contact direct d’un dispositif industrialo-portuaire et d’infrastructures de plus en plus pré-gnants, où une opération de renouvellement urbainentraînant la démolition de sept barres est en coursavec l’appui de l’ANRU.

Mixité fonctionnelle et développementdurable ?En découvrant le “nouveau” Saint-Nicolas, qu’on aconnu moins pimpant, on a en effet de quoi être stu-

péfait des changements intervenus en quelquesannées, sinon quelques mois. La transformation desDocks Vauban, dominés par les hachures jaunes etnoires, aussi peu discrètes que possible, de deuxgrands parkings situés de part et d’autre du futur cen-tre commercial qu’aménage l’agence Reichen &Robert, est spectaculaire. Unpeuplus loin, la clientèleaffairée du café-restaurant des Grands Bassins – unpeu moins seul désormais – en témoigne : on n’ajamais vu autant degrues, de chantiers et d’animationdans le quartier depuis aumoins vingt ans. Quelquesusines toujours debout, des activités de réparationnavale et les façades plus ou moins dégradées demeublés – qui ne tarderont sans doute pas à êtreconcernées par l’opération programmée d’améliora-tion de l’habitat lancée en 2007 (425 logements privéssont visés sur cinq ans) – font évidemment pâle figureà côté des réalisations menées sur les DocksDombasle, ambitieuse opération privée de mixitéfonctionnelle (tertiaire +habitat). En tout, plus de 2 000logements doivent être réalisés d’ici à 2013, dont

28 / URBANISME / HORS SÉRIE n° 35 - janvier 2009

LES QUARTIERS SUD “À L’EURE” DES GRANDS PROJETSLe Havre - Rives de l’Estuaire

La transformationdes anciens docksindustriels du quartierde l’Eure est engagée,au bénéfice d’un“développementdurable” annoncé...

janvier 2009 - HORS SÉRIE n° 35 / URBANISME / 29

1/Fonds d'interventionpour les services,l'artisanat et lecommerce créé par la loide 1989 sur le commerceet l’artisanat.

2/Le financement publicdes projets a été évaluéà près de 150 Mv,dont 33 Mv au titre duprogramme Pic Urban 2(2000-2006), 25 Mv autitre du Feder et 85 Mvémanant de l’ANRU.

800 logements sociaux, et quelque 6 000 nouveauxhabitants y sont attendus.

Au-delà de l’impact visuel immédiat des nouveauxbâtiments, il est plus difficile d’imaginer la physiono-mie urbaine finale du secteur. Les relations avec l’eausemblent devoir se jouer autour d’espacespublics auxfonctions trop indéterminées ou faire l’objet d’une“scénarisation” ludique et commerciale au contactd’équipements dédiés. L’essai demixité fonctionnelledes Docks Dombasle mérite sans doute d’être déve-loppé par ailleurs. Lamixité sociale, quant à elle, sera-t-elle réellement au rendez-vous ? L’aide du Fisac/1

ne sera en tout cas pas de trop pour soutenir certainscommerces de proximité paupérisés, notammentdans le secteur de Brindeau. Enfin, l’usage du vélo oudes “modes doux” de déplacements ne semble pasparticulièrement encouragé dans un quartier peudense, il est vrai – l’automobile restera-t-ellemaître dujeu dans ce “morceau de ville” qualifié de “durable”? Mais il est peut-être un peu tôt pour en juger plusprécisément. Lamission d’assistance àmaîtrise d’ou-vrage de l’urbaniste Bruno Fortier, désormais termi-née, a produit des résultats intéressants comme lasauvegarde d’anciennes écuries, magnifique témoi-gnagede lapériodepréindustrielle, qui vont être trans-formées en école maternelle et primaire.

Mesurer l’effet “grands projets”Cevaste chantier est donc largement amorcé. L’impactdes financements européens, et notamment celui duprogrammePic Urban 2, explique pour une part cettebrusque progression des travaux/2. Mais de plusrécentes évolutions facilitent également la prise encompte d’un certain nombre de besoins. La domi-nante “développement durable” qui s’impose en toutlieu rend le projet de plate-formeOdyssey 21 de JeanNouvel un peu plus crédible. La remontée en Ligue 1de football de l’équipe locale, le HAC,milite en faveurde la réalisation d’un “Grand stade” (25 000 places)sur uneanciennegarede triage, dansun secteur assezbien articulé avec les quartiers Sud. Et la demande debureaux reste très forte sur l’agglomération, en dépitde la crise globale que connaît le secteur immobilier.

Seule ombre potentielle au tableau : la récession enChinequi, si elle se confirme, pourraitmettre àmal outout du moins limiter le développement attendu desactivités portuaires (trop ?) largement tournées vers letraitement des conteneurs enprovenanced’Asie, dontdépend en grande partie la bonne santé économiqueduHavre. Pour lemoment, le Port autonomene ralen-tit nullement ses efforts et prévoitmêmede reconqué-rir le secteur de l’anciennegaremaritime –à réhabiliter

ou à démolir, le choix ne semble pas encore acquis –dans le cadre du projet “Port 2020”, non loin du cen-tre-ville, là encore. L’optimisme reste de rigueur. “Ladynamique du changement s’est de nouveau accen-tuée en 2008”, explique-t-on à la mairie du Havre.Néanmoins, une nouvelle visite s’imposera sûrementpour mesurer jusqu’à quel point l’effet “grands pro-jets” aura rejoint l’effet d’annonce pour forger, sousforme de “mieux-vivre”, le bonheur annoncé deshabitants des quartiers Sud. I P. G.

LES QUARTIERS SUD “À L’EURE” DES GRANDS PROJETS Le Havre - Rives de l’Estuaire

Logements et locaux d’activité sont en chantier, en attendantde nouveaux secteurs à “reconquérir”.

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janvier 2009 - HORS SÉRIE n° 35 / URBANISME / 31

Abstract / Le Havre - On the Estuary

30 / URBANISME / HORS SÉRIE n° 35 - janvier 2009

Les Docks Vaubanaccueillerontà l’issue du chantierde réhabilitation(ci-contre et en bas)un centre commercialflambant neuf de45 000m2 et denombreuses activités deservices (ci-dessous, unesimulation du projet).

Construits en 1846 sur le modèle

anglais autour des nouveaux bassins

qui serviront notamment à l’importa-

tion du café, les Docks ont subi un

déclin durant la deuxième moitié du

XXe siècle. Dès les années 70, toute-

fois, une reconquête s’amorcequi s’in-

tensifie à la fin des années 90 avec

l’implantation d’équipements d’ag-

glomération à l’entrée de la ville

comme le parc des expositions (Docks

Café) et une salle de sport et specta-

cles (Docks Océane). Actuellement,

la friche restant le long du bassin

Vauban engage une grandemue afin

de devenir une véritable destination

pour les résidents et les touristes et

de donner sens à un secteurmorcelé.

La première étape a été la construc-

tion d’une passerelle piétonne sur le

bassin et du Pont des Docks qui faci-

lite l’accès au quartier depuis la gare.

Du commerce du caféà celui des loisirsSeul ensemble urbain historique qui

ait survécu aux démolitions de la

guerre, les Docks Vauban sont pour-

tant méconnus des Havrais qui n’y

avaient guère accès. C’est en s’inspi-

rant de la situation particulière des

Docks, associés dans l’imaginaire col-

lectif au grand large, des Caraïbes à

l’Amérique latine, que les architectes-

urbanistes Reichen et Robert ont

conçu leur projet de requalification.

À l’issue du chantier qui s’achèvera

l’été prochain, les Docks devraient

devenir un pôle de commerce, de loi-

sirs et de culture très fréquenté. Une

“zone touristique d’affluence excep-

tionnelle” a d’ailleurs été définie de

la plage à la presqu’île au quartier

Perret, classé au patrimoinemondial

de l’humanité par l’Unesco. Les

anciensDockshébergeront 45000m2

de commerces de consommation non

courante, 10 000m2 d’espaces de loi-

sirs (dont un cinéma multiplex et

un bowling), 3 000 m2 d’activités et

8 000 m2 de galeries et de parties

communes. Plus qu’une reconversion,

le projet d’aménagement vise à

“sublimer les Docks” en respectant

l’architecture existante pour en

conserver l’intégrité, tout en donnant

une nouvelle fonction et une identité

modernisée à un ensemble constitué

de métal, verre, bois et brique. Non

sans cacher leur ambition, les Docks

Vauban se conçoivent comme la

“nouvelle place forte” du commerce,

de la culture et des loisirs en

Normandie.

L’eau comme élément d’identitéÀ côté de ces espaces de divertisse-

ment, le bassin et les Docks Vauban

accueilleront Odyssey 21, centre de

lamer et du développement durable,

un centre d’interprétation en prise

directe avec la réalité du port et de

l’estuaire pour découvrir et observer,

depuis un belvédère situé à 100 m

d’altitude, les activités maritimes et

industrielles, l’environnement et ses

composantes naturelles. Ce centre,

dont la construction a été confiée à

l’agence Jean Nouvel et dont l’inau-

guration est prévue pour la fin 2013,

sera un lieu de sensibilisation, d’ex-

plication, de réflexion et de ressources

sur les activitésmaritimes et les zones

littorales. Il s’appuie d’ores et déjà

sur la réalisation desBains desDocks,

piscine du troisième type également

réalisée par Nouvel et qui a ouvert

ses portes récemment. I Pa. D.

Les Docks Vauban passent à l’offensive

Le Havre - Rives de l’Estuaire

Le Havre:its city, port, estuary…Despite the tricks played on it by history and geogra-phy, LeHavre has remained a city both distinctive andreceptive to the largerworld.Nonetheless its develop-ment – from postwar reconstruction to extension ofthe port – has often been a painful process. Right nowthe LeHavre urbanarea, including its busyport, is loo-king further afield and imagining things on a biggerscale: that of the Seine Estuary.

“Most cities,” says writer Benoît Duteurtre, “look likeour idea of a city: same concentric form radiating outfrom a handsome, central old town towards themodern periphery. Le Havre looks only like itself:boulevards cut off by the sea and the straightedgemodernity of downtown contrasting with older, wor-king-class suburbs. […] The lower city down in theport, the upper city on the plateau […] Stark for some,splendid for others, it rarely leaves people indifferent."

Mayor since 1995 and president of the UrbanCommunity since 2001, Antoine Rufenacht sees acomplex relationship with Paris as a crucial elementin his city’s history, one going back firstly to François Iand the need to protect the Seine Estuary – and thusthe French capital – from Perfidious Albion; andsecondly, after the Second World War, to the Paris-imposed decision to rebuild the city to the modernistplans of Auguste Perret. Current statistics include apopulationof 200,000, a “major territory” that is hometo 600,000 people, a high rate of unemployment anda low rate of attractiveness for the 20–29 age group.

However, LeHavrehas alwayshadavery real capacityfor bouncing back, and strategic choices are nowbeing implemented: cedingof parts of the port area tothe city for other purposes, negotiationswith the eco-logists about sustainable development of the vast portsite, and cooperation with private developers onbrownfields like theVaubanDocks. Things aremovingfast, and the local planning agency has to work hardto keep up with the pace of advancing operations.

Less than 200 kilometres from Paris, Le Havre is tooclose to be considered a truemetropolis and too far tobe embraced by the capital’s suburbia. In addition,local administrative and political power is concentra-ted in the rival city of Rouen. Whence the question: isthe Seine Estuary relevant as a major territory?

Until the 1970s the Estuary was home solely to theport and to industry. By themid-80s its ecological inte-rest had been recognised –mudflats, reedbeds,watermeadows; eels, shrimps and even seals – and it nowincludes an 8500-hectare nature park. So what is thefuture for sustainability in and around Le Havre, withspectacular changegoingaheadnotably in the formofdevelopment of the city’s 800-hectare southern part:home to 17,000 people and close to the city centre,while historically cut off from it by a tracery of water-ways and railway tracks?

Cranes and building sites are everywhere. Spearheadof the operation is the Saint-Nicolas neighbourhood,now directly connected to the station and downtownbyanewbridge (its predecessor, destroyedduring thewar, had never been rebuilt). Combining sustainabi-lity, socialmixity, and integrationwith other neighbou-rhoods, this “urban hyper-centre”will be home to thenew Vauban Docks retail complex, tertiary educationestablishments, and entertainment facilities includingamultiplex cinema and concert venues. The only his-toric part of the city centre to have survived the War,the Vauban Docks were long little known to residentsbecause of their difficulty of access; now an “excep-tionally busy tourist zone”will extend from the beachto theUnesco-listedPerret neighbourhood.More thanjust a conversion, the development project aims atpreserving the Docks’ existing architecture of metal,glass,woodandbrickwhile bringing in new functionsand a modernised identity. This “new stronghold”for retailing, culture and leisure in Normandy isbacked up by the Dombasle Docks venture, a privateoffice/accommodation operation involving 2000 hou-singunits (800 of themsocial) by 2013 andan influx ofsome 6000 new residents. Then there are the JeanNouvel-designed Odyssey maritime centre and, pro-bably, a 25,000-seat football stadium.

So things in Le Havre are well under way, the onlycloud on the horizon being the recession in China: theport's economic health depends largely on containersarriving from Asia. It's still too early to say what theultimate urban setting is going to be, but AntoineRufenacht insists that “the dynamic for change wasonce again confirmed in 2008.”

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ÉCONOMIE GLOBALE, TERRITOIRE LOCAL

janvier 2009 - HORS SÉRIE n° 35 / URBANISME / 33

1/“Le territoire des ports”,atelier n°1 préparé parles agences d’urbanismede Marseille, Dunkerqueet Le Havre, présidépar Claude Vallette,président de l’Agenced’urbanismede Marseille et animépar Gérard Blanc,directeur des projetsurbains de l’Agenced’urbanisme de la régionFlandre-Dunkerque(Agur).

2/Lire page 22.

L e s p o r t s s o n tdes “grands terri-toires” bien spéci-fiques. Pour ceux quiauraient pu endouter,Claude Vallette, prési-dent de l’agence d’ur-banisme deMarseilleet de l’atelier consacréà la question por-tuaire, a d’embléemisles points sur les “i”.“Ville et port sont trèsétroitement interdé-

pendants. Dans le cas de Marseille, 2 600 ans d’his-toire ont façonnéou transformé la ville comme leport.La situation est restée figée à partir du XIXe sièclejusqu’à ces dix dernières années où des mutationsconsidérables sont denouveau en cours”. Ces “muta-tions” ont pour nom Euroméditerranée avec ses10 000 logements neufs, ses 500 000 m2 de bureauxet près de 10 000 emplois créés ou confortés.Mais au-delà de l’histoire et des chiffres auprésent, la ville por-tuaire se conjugue au futur, associant le potentiel del’économiemondiale et des échanges internationauxavec les transformations urbaines qui lui sont asso-ciées : les infrastructuresde transports (rocades, tram-way, métro), l’aménagement des espaces publics, latransformation des quartiers et même la récentedésignation de Marseille comme capitale euro-péenne de la culture... Un sacré chantier !

Le port fait “entrer le monde dans la ville”Pour Cyril Chedot, directeur du développement localet des affaires européennes au Port autonome duHavre, il est clair que “le port fait entrer lemondedansla ville”.Non seulement, les échanges sont de plus en

plus mondialisés, mais les partenaires eux-mêmes lesont aussi. Ainsi quelques armateurs – cinqou six, pasdavantage – contrôlent la majorité du trafic mondialde conteneurs et, de plus en plus, conditionnent lesplaces portuaires qui les accueillent. Cequi suscite desréactions diverses, etmême les plus protectionnistes.Onavu récemment le congrès américainbloquer avecsuccès le rachat de six grands ports américains, dontcelui deNewYork, par unopérateur dugolfe Persique,DP World, implanté à Dubaï. En France, les positionssont moins tranchées, et les ports accueillent cesarmements dans le cadre de grands projets d’aména-gement engagés par l’État en concertation avec lescollectivités, comme au Havre avec “Port 2000” et“Port 2020”/2.

Aujourd’hui, avec vingt-sept kilomètres de long et sixde large, et desaménagementsqui s’étendent surplusde dix mille hectares, le Port autonome du Havre faitfigure, sinon de géant, dumoins de grande place por-tuaire : il assure en effet 40 % de l’approvisionnementénergétique de la France et près des deux tiers du tra-fic de conteneurs. Dans le même temps, la taille desnaviresqu’il accueille apresquedoublé, certainsporte-conteneurspouvant approcher les 400mètresde long.Les enjeux de cette croissance exponentielle,mêmesiLe Havre n’est pas Shanghai, sont eux-mêmesénormes. “Entre ces changementsd’échelle et l’accep-tabilité sociale des aménagements nécessaires, qui vaen se réduisant, l’insertion territoriale d’un port est dif-ficile à organiser, reconnaît Cyril Chedot. On doit plusfortement tenir compte des contraintes d’environne-ment, au sens large. En1974, le schémadirecteur rem-plissait tout l’estuaire de la Seine jusqu’au pont deTancarville ! Depuis 1997, la Directive territorialed’aménagement accorde une bien plus forte protec-tion à l’environnement naturel et humain...” Il s’agit

Si le port fait entrer le monde dans la ville, il y provoque aussi bien des mutations.Comment les “grands territoires” s’efforcent-ils de répondre à la mondialisation deséchanges face à des acteurs à la fois plus puissants qu’eux etmettant enœuvre des straté-gies très globales, telle était la vocationd’unatelier dehaut niveau et très animé, qui a tenuses promesses/1. Synthèse par Pierre Gras.

LE TERRITOIREMONDIALDES PORTS

Synthèses des ateliers

Claude Vallette, président del’Agence d’urbanisme de Marseille.

Synthèses des ateliers

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janvier 2009 - HORS SÉRIE n° 35 / URBANISME / 35

stratégie tient fortement compte des territoires oùelle se situe, qu’il s’agisse de processus de fabrica-tion ou de distribution de produits, car c’est là quela valeur ajoutée se situe. Aujourd’hui, les vingt pre-miers armements (MSC, Maersk, CMA, etc.)concentrent plus de 80 % du trafic mondial deconteneurs, ce qui n’est pas sans risque pour lesports où ils sont implantés : les terminaux eux-mêmes, comme au Havre, sont privés et gérés parces opérateurs, la puissance publique se contentantd’en faciliter l’accès et d’en financer l’aménage-ment. Sortes d’État dans l’État au service de puis-sants intérêts privés mondialisés, ils ne dépendentguère des collectivités territoriales. Heureusement,a nuancé Antoine Frémont, “le territoire est devenuune ressource” et s’y implanter durablement estune nécessité pour nombre de ces géants. Au-delàde la concurrence, très sévère, qu’ils se livrent enpermanence, on voit ainsi se dessiner des allianceset des partenariats sur certains sites à travers lesjeux de leurs filiales/3.

Entre concurrence et alliancesEn effet, a renchéri Thierry Baudouin, sociologue etdirecteur de recherches au CNRS, “la ville est le terri-toireessentiel de lamondialisation”, et lavilleportuaireplus encore. Par “ville portuaire”, il entend non pas lescités situées au bord de l’eau et disposant d’un port,mais bien lesmétropoles connectées aux systèmes deflux internationauxpardegrandséquipementsdu typeport, aéroport ou plateformemultimodale. Comme l’aexpliqué Saskia Sassen/4, dont Thierry Baudouinconcède qu’on ne l’a pas toujours bien comprise, les“villes globales” commeNew York, Londres ou Tokyosont aussi de grandes villes portuaires dont les fonc-tions concentrent les fluxmatériels (lesmarchandises)et immatériels (les services, qui constituent l’essentielde la valeur ajoutée) du monde entier. Mais toutes lesplaces portuaires sont condamnées à coopérer entreelles comme le font déjà Hambourg et Brême, Anverset Rotterdam, Gênes et Barcelone (avec Marseille,depuispeu),même lorsqu’ellessont concurrentes,pourrésister à la puissance des “métropoles-monde”.

3/Cf. A. Frémont,“L’Europe, puissancemaritime”, in Atlasde l’Europe dansle monde, Paris,Belin/Reclus, 2008.

4/Saskia Sassen, La villeglobale ; New York,Londres, Tokyo,préface de SophieBody-Gendrot, Paris,Descartes & Cie, 1996.

LE TERRITOIRE MONDIAL DES PORTS Synthèses des ateliers

en particulier de pratiquer une sélectivité accrue desactivités et d’éviter de concentrer matières dange-reuses ou équipements industriels sensibles sur dessecteurs proches de l’habitat ou des espaces naturels.Car, comme le précise Cyril Chedot, “le port est terri-toire fini et contraint, où toute évolution nécessite descoopérations approfondies et un dialogue constant”.

Un destin commun ?Ariella Masboungi, chargée de mission “projeturbain” au MEEDAT, en est parfaitement convaincue: les ports ont tous un destin commun, mais ils diffè-rent par leur histoire ou leurs stratégies. Évoquant l’art“comme puissant levier d’imaginaire” et de transfor-mation d’image pour les villes portuaires (Saint-Nazaire ou Bilbao), elle s’est appuyée sur plusieursexemples récents de reconquête urbaine pratiquée àpartir d’un déclin du port ou de son environnementurbain. ÀGênes, la valorisation duPortoAntico à l’oc-casion de grands événements (400e anniversaire dela découverte de l’Amérique par Christophe Colomb,tenue du “G7”, capitale européenne de la culture...),dans l’unedes villes transalpines les plus endifficulté,a étéunatout décisif pour la redynamisationde la ville.Et même si d’autres grands projets comme le centrecommercial et de loisirs de Ben van Berkel ou l’exten-sion off shore du port à l’est de la ville, proposée parRenzo Piano, sont restées pour l’instant dans leslimbes, cette démarche a été nécessaire pour com-mencer à recoudre le tissu urbain entre ville et port, etdonner ainsi un avenir à la vieille ville.

À Helsinki, on a été encore plus radical encréant de toutes pièces un port de haute tech-nologie, le Vuosaari Harbor, appelé à rempla-cer les équipements existants et à permettre àlamunicipalité demettre enœuvre une straté-gie urbaine complexe. Enfin, dans le casd’Anvers, il s’agit moins de déplacer le portvers l’aval (cemouvement est historique dansl’estuaire de l’Escaut) que de reconfigurer defond en comble l’organisation urbaine des ter-ritoires en friche demeurés au contact immé-diat de la ville. Dans tous ces projets, asouligné Ariella Masboungi, “le partenariatpublic/public est tout aussi important et indis-pensable pour réussir que les relations établies avecles acteurs privés”. En outre, la dimension culturellede ces projets vient en général abonder la dynamiquede développement, quand elle ne la provoque pas,comme dans le cas bien connu de Bilbao.

Le rôle des grands armateursAntoine Frémont, directeur de recherche à l’Institutnational de recherche sur les transports et leur sécurité(Inrets), a également souligné à quel point l’économieglobale s’ancre dans des structures historiques parti-culières. Citant l’économiste Pierre Veltz, il a affirmé :“L’image d’une pure économie de flux sans aucunancrage territorial, çane tient pas !” Le rôledesgrandsarmateurs commeMaersk (Danemark), présent sur latotalité des continents, des grandes places portuaireset des routes maritimes, prouve a contrario que leur

34 / URBANISME / HORS SÉRIE n° 35 - janvier 2009

LE TERRITOIRE MONDIAL DES PORTSSynthèses des ateliers

Saint-Nazaire a su croiser les atouts d’une ville portuaire avec les qualités d’un urbanisme imaginatif.

Gênes a réussi à redresser une image négative et une économiesinistrée en utilisant le levier des “grands événements”.

“L’image d’une pure économie de flux sans aucun ancrage territorial, cela ne tient pas !”, a souligné Antoine Frémont (ici, le port de Barcelone).

Ariella Masboungi, chargéede mission “projet urbain”au MEEDDAT.

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ÉCONOMIE GLOBALE, TERRITOIRE LOCAL

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Synthèses des ateliers

“Il s’agit de collaborations complexes et probléma-tiques, a expliqué le chercheur, mais elles sontporteuses d’avenir comme pour l’axe Le Havre-Rouen-Paris-Gennevilliers, à une autre échelle. Car ils’agit d’imaginer ou de consolider de nouveaux ter-ritoires susceptibles de s’inscrire de façon positivedans la mondialisation.” Les villes portuaires n’au-raient-elles d’autre choix que de s’adapter ou dedisparaître ? Comme l’a souligné Michèle Collin,chercheur au CNRS et professeur à l’Institut français

d’urbanisme, “la logique des armateurs est de fairecirculer au plus vite les flux d’un bout à l’autre de laplanète et non de permettre aux ports de retenir lesmarchandises. Celle des territoires est au contraired’attirer ces flux et de chercher à ancrer la valeur ajou-tée et les milliers d’emplois qui vont avec.”

Les principales places portuaires européennes sont, ilest vrai, de grandes villes, sans pour autant être descapitales. C’est le cas de Rotterdam, de Barcelone, deHambourg, d’Anvers ou de Marseille. Il reste auxautres à lutter avec leurs propres moyens en accen-tuant leur collaboration avec les collectivités territo-riales.Mais, selonThierryBaudouin, “l’autonomiedesports, voulue par l’État centralisateur, ne donne guèreaux collectivités locales les moyens demaîtriser véri-tablement leur avenir”. Entre autonomie et responsa-bilité, la voie est étroite pour les autorités portuaires.Ledébat animéqui a suivi ces interventions, et notam-ment la dernière,montre que l’on n’est pas encore aubout du tunnel, deMarseille àDunkerque,mais qu’onen prend le chemin. I P. G.

36 / URBANISME / HORS SÉRIE n° 35 - janvier 2009

LE TERRITOIRE MONDIAL DES PORTSSynthèses des ateliers

1/“Stratégieséconomiques etperformances desterritoires”, atelier n°7préparé par l’Agenced’urbanisme EssonneSeine Orge (Audeso) etle réseau des chambresde commerce etd’industrie ; atelierprésidé par MichelBerson, présidentdu Conseil généralde l’Essonne, et animépar Anne-VéroniqueVernardet, directricede l’Audeso.

Àquelle(s) condition(s) ungrandterritoire peut-il être concurren-tiel ? Anne-VéroniqueVernardet,directrice de l’Agence d’urba-nisme et de développementEssonne Seine Orge, est d’em-blée entrée dans le vif du sujet.Comme l’a justement rappeléMichel Berson en sa qualité deprésident du Conseil général de

l’Essonne, les élus de ce département ont anticipé, il ya maintenant plus de dix ans, les futurs développe-ments économiques du “grand territoire” francilienen rassemblant les entreprises et les partenaires scien-tifiques, en les aidant financièrement et en étant enquelque sorte les catalyseurs des pôles de compétiti-vité apparus ensuite. À Saclay et à Evry, ces projetsont ainsi forgé l’attractivité des territoires. Les collec-tivités ont non seulement pris leur place d’acteurspublics aux côtés du secteur privé,mais elles ont véri-tablement piloté ces changements. C’est la mêmedémarche aujourd’hui avec le pôle d’Orly, impliquantde nouveau l’Essonne avec le Val-de-Marne, qui estpotentiellement le second pôle de services d’Île-de-France après celui de La Défense.

Dans cette concurrence effrénée à la compétitivitédurable, le point nodal est la taxe professionnelle,sachant que celle-ci est plutôt à la baisse et pourraitêtre remise en cause concernant les nouveaux équi-pements et investissements.Or, cet impôt est précisé-ment le seul lien direct avec la responsabilité descollectivités territoriales en matière économique.Autre facteur, plus transversal, entre des territoires quine correspondent pas ou plus forcément à des fron-tières administratives : celui des déplacements. En Île-

de-France, quand un département imagine un projet,il doit raisonner à l’échelle de la région. Et si c’est unprojet de pôle de compétitivité, il doit être envisagédans un contexte européen. La globalisation n’estdoncplus seulement une affaire demarché,mais bienunequestion, essentielle, de positionnement partagé.

Globalisation, proximité, leadershipJoost van Iersel, président de la Commission desmutations industrielles à Bruxelles, membre duGroupe des employeurs au Conseil économique etsocial européenet anciendéputé desPays-Bas, reven-dique pour sa part ce partage de responsabilitéséconomiques et politiques au service de la richessedu territoire et de ses habitants. Dans les airesmétro-politaines, souligne-t-il, “globalisation, proximité etleadership” sont les trois étages combinés de l’attrac-tivité des “grands territoires”, comme à Paris,Londres, Milan, Hambourg, Birmingham ou Madrid.Le point commun entre ces différentes échellesmétropolitaines se situe dans la politique volontaristedes États et des villes pour atteindre une “masse cri-tique” en rapport avec l’exigencemoderne de compé-titivité. Quant au volet “leadership”, la disparitéconstatée d’une aire à l’autre est intimement liée auxpouvoirs en place. L’amorce du développement estsouvent due à l’action des autorités publiques locales,à l’exemple de Bilbao, très en retard il y a trente anset qui a “pris son destin en main pour changer devisage” : “Cette réussite a été organisée par la Villede Bilbao qui a désigné une personne responsabledes concepts, tout en intégrant dans le processusl’État Basque et le gouvernement de Madrid”.Différents niveaux d’accord ont été mis en place,créant la base de l’évolution spectaculaire de la régionBiscaye.

On avait l’habitude de constater que l’aménagement du territoire était l’affaire descollectivités et de leurs élus, et que le développement économique relevait de la responsa-bilité des entreprises et des acteurs privés. Cette frontière n’existerait plus – ou moins – àl’ère des partenariats multiples, de la “culture du projet”, de la compétitivité à outrance etdes ambitions partagées. Mais à condition de faire vivre un “espace critique”/1. Compte-rendu d’un atelier “structurant” par Olivier Réal.

L’ODYSSÉEDE L’ESPACECRITIQUE

La logique desterritoires est d’attirerles flux et de chercher àancrer la valeur ajoutéeet les milliers d’emploisqui l’accompagnent(la nouvelle garemaritime de Marseille).

Hambourg (en haut), Dunkerque (ci-dessus) et Le Havre (à dr.),trois ports du Nord en connexion avec le monde – et en compétition.

Anne-Véronique Vernardet, Pierre-Yves Savidanet Jean-Louis Lazuech (de g. à dr.).

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Un espace concurrentiel clés enmain ?L’intérêt du secteur privé s’exprime plus souvent quede coutume dans la capitalisation de l’attractivité et lacompétitivité du territoire, via le projet. Quitte à agir en“aménageur local” pour mieux servir son dessein. Lemétier de Jean-Louis Lazuech, premier vice-présidentde la société ProLogis, aménageur de plates-formeslogistiques, est de “mettre à la disposition des acteursde la logistique des solutions immobilières”. Dans lemondeentier (50millionsdem2d’entrepôts), enEurope(12 millions de m2), en France (2,5 millions de m2) ouplus spécifiquement auHavre (130000m2), la structurese comporte en développeur local et en investisseurpatrimonial. Ce qui l’oblige, en grand consommateurde foncier, à s’adapteràchaque foisau territoire, ens’in-sérant tant géographiquement que visuellement dansson environnement. Cela inclut notamment la limita-tiondes impacts et desnuisances, ouencore lagestiondes flux de déplacements qui peuvent être considéra-bles, comme dans le parc de Chanteloup, sur la com-mune de Sénart (Seine-et-Marne), où 1 100 personnestravaillent et 2000véhiculescirculent tous les jours.Au-delà de l’organisation du fonctionnement interne decette“petiteville” (avecunecrèche,un restaurant inter-entreprises, etc.), “comparable aux soucis d’un mairequi crée ses équipements et services”, la question dudéveloppementdurableest trèsprésente. Elle toucheàla gestion de l’eau, du bruit, des espaces verts, desdéchets, de la sécurité et de l’énergie, comprenant enl’occurrence une immense surface de panneaux pho-tovoltaïques (20 000m2 couverts).

Accès aux ressourcesMais tout lemonde n’a pas forcément, dans la sphèreprivée, les capacités de ProLogis. Dans un contexted’intérêt commun attaché à la réussite des territoires,quelles sont les conditions favorables au développe-ment des entreprises ? Michel Corset a apporté savaleur ajoutée sur ces thèmesqu’il connaît bienen tantqu’ingénieur-conseil, ancien directeur de la CCI deNantes et acteur du rapprochement entre Nantes etSaint-Nazaire. “L’accès aux flux et aux ressourceshumaines” est selon lui au cœur du problème. Il s’agitdu fluxdeshommes, desmatières, desmatériaux, desmarchandises, mais aussi de l’immatériel, comme laculture, la recherche, l’innovation : “Lesentreprisesont

L’ODYSSÉE DE L’ESPACE CRITIQUEL’ODYSSÉE DE L’ESPACE CRITIQUE Synthèses des ateliers

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Synthèses des ateliers

besoindecompétenceset sedéplacentdeplusenplusvers les lieux où elles se trouvent”. Les villes et lesrégions doivent se donner les moyens de les accueil-lir, d’intégrer les familles, d’améliorer la qualité de vie.Sans oublier que pour réussir elles ont aussi besoind’autres entreprises. Le clustering est un facteur decompétitivité. L’ensemble rejoint la notion de “massecritique” évoquée par Joost van Iersel. La dimensionmétropolitaine acquise par Nantes Atlantique s’est enen effet exprimée à la faveur de l’association objectiveavecSaint-Nazaire et a été initiée par unpetit cercle ausein de la CCI, s’est souvenuMichel Corset...

Intérêt général et besoins d’anticipationLe développement économique répond à l’intérêtgénéral, mais il crée aussi des nuisances qu’ilconvient de maîtriser pour mieux les faire accepter,à défaut de les faire disparaître. Ainsi, Pierre-YvesSavidan, directeur d’études transports au BIPE, aintroduit dans le débat la question de la contributiond’un aéroport au développement économique etdurable. Une donnée encore peu analysée mais quiest d’actualité, dans la mesure où le pôle de compé-titivité d’Orly dépasse la seule notion d’équipement

aéroportuaire. Anticipation, stratégie,masse critique,vision partagée, qualité de vie, gouvernance : auniveau du grand projet “structurant” dans la métro-pole, la bonne échelle paraît se situer au niveau régio-nal, même si ces frontières semblent elles-mêmesdépassées.

“Tout est dans tout endéfinitive... et réciproquement”,s’est amusé Michel Berson pour imager cette muta-tion par laquelle des collectivités vont gérer des aéro-ports ou accompagner la recherche-développementdes sociétés, alors que des entreprises commeProLogis se comportent commedes aménageurs. Onvit dans la culture du partenariat (public-privé, public-public, privé-privé...) au sein d’un système de coopé-ration fondée sur le projet, ce qui permet de répondreau défi de la compétitivité et de son insertion dans ungrand territoire. Plus grand, même, que celui qui sertde référence au projet et dont l’échelle peut (ou doit)être régionale, nationale, européenne, voire mon-diale… L’économie n’a pas de limites spatiales, maiselle a plus que jamais besoin d’espaces critiques pours’exprimer. I O. R.

L’amorce du développe-ment est souvent dueà l’action des autoritéspubliques locales,à l’instar de Bilbao(ici, la passerelle surla Ria réalisée parS. Calatrava).

Les mouvements deshommes, des matièreset des matériauxsont essentiels, maisl’immatériel, la culture,la recherche etl’innovation le sonttout autant.

Les pôles et lesentreprises de logis-tique constituent lacible privilégiée desaménageurs et descollectivités territorialesà proximité des plates-formes de communica-tion aériennes etterrestres.

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ÉCONOMIE GLOBALE, TERRITOIRE LOCAL

Pascal Vanacker et Jean-François Caron.

Le pari de l’IBA Emscher Park a reposé en grande partie sur les changements d’usage.

Peu de territoires sont aussi nettement et violemment identifiés par l’histoire. Surune bande de 80 km au sud de Lille, les 250 communes du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais partagent le lourd héritage d’un siècle et demi de surexploitation monoindustrielle,suivis par le désastre économique d’il y a vingt ans. Aujourd’hui, le pays de l’après-char-bon relève la tête et cherche à transformer ses anciennes plaies en atouts patrimoniaux/1.Synthèse par Richard Quincerot.

LA RENAISSANCED’UNGRANDTERRITOIREMINIER

Yves Dupont, maire d’Annequin, commune situéeentre Lens et Béthune, a dressé tout d’abordun rapideportrait du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, quiconstituerait la quatrième aire urbaine française sil’Insee ne l’avait découpé en trois secteurs (Béthune,Lens-Douai, Valenciennes)/2. Ce grand territoire estune conurbation en ligne de 1,2 million d’habitants,faite d’un tissu serré de localités petites et moyennescréées par l’industrie sur le gisement houiller, admi-nistrativement morcelée en quatre arrondissementsrépartis sur deux départements, sans ville majeuremais avec de nombreuses villes moyennes, souventrivales. En 1990, la fermeture dudernier puits demineest l’électrochoc politique qui conduit à la prise deconscience d’un destin partagé.

Les défis de la reconversion“Nous sommes une zone de vieille industrie quipeine à réussir sa reconversion”, témoigne YvesDhaudecuypere, directeur de la Mission Bassin Miniercréée en 2000. Le bassin souffre de handicaps graves :des séquelles physiques (un territoire creusé, desdérangements hydrauliques, des affaissementsminiers), des problèmes sociaux (maladies, précarité,déqualification), des difficultés économiques (chô-mage, emplois à faible valeur ajoutée, revenusmodestes), des insuffisances urbaines (manque decentralité, cités ouvrières dégradées) et de sérieuxpassifs symboliques (image négative persistante,honte du déclin).

Mais l’effort de redressement entrepris porte ses fruits.En vingt ans, 60 000 emplois nouveaux ont été créés,qui ont compensé une partie des 120 000 emploisdisparus pendant la même période. Et le rythmes’accélère. “Depuis 1998, il se crée dans le bassin plus

d’emplois qu’on n’en supprime, l’hémorragie a prisfin”, se félicite YvesDhaudecuypere, tout endéplorantque l’effort ne profite pas suffisamment à la popula-tion locale. “L’emploi s’améliore, mais les problèmessociaux continuent de s’aggraver : les salariés desnouveaux emplois ne viennent pas habiter dans lebassin, la population locale n’a que des emplois peuqualifiés etmal payés. Au total, le tauxde chômage semaintient à 15 %, proche de la moyenne régionale,nettement supérieur à la moyenne nationale”.

N’empêche ! Même lente, la renaissance est enga-gée. S’appuyant sur un réseau de travail et une ingé-nierie de projet aujourd’hui solidement établis, fortde disponibilités foncières et d’un patrimoine immo-bilier intéressants, bénéficiant d’un soutien nationalappréciable (le volet “après-mines” du Contrat dePlan État-Région 2000-2006), le bassin minier Nord-Pas-de-Calais accélère sa mutation territoriale.

Courage et solidaritéD’une part, les politiques ciblées se multiplient, por-tant sur l’emploi, la formation, la santé, lamobilité etl’accessibilité, la modernisation descorons et des cités-jardins, la mixitéurbaine. D’autre part, des projets emblé-matiques transforment les handicaps enavantages : une zone d’affaissementdevient un étang de loisirs, un parc natu-rel urbain entoure une ancienne cokerie,des puits demine sont convertis en pôlesculturels et tertiaires, le Louvre s’implanteà Lens et le bassin demande son inscrip-tion sur la liste du patrimoine mondial del’Unesco, dans la catégorie des “paysagesculturels évolutifs”. “Nous revenons de

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1/“Territoires en quêtede réalité”, atelier n°3prépare par l’Agenced’urbanisme deBéthune, présidépar AlainWacheux,président de laCommunautéd’agglomérationArtois-Comm et del’Agence d’urbanismede l’arrondissementde Béthune (AULAB),et animé par Pascal VanAcker, directeurde l’AULAB.

2/Le Bassinminier duNord-Pas-de-Calais 1998-2018 :20 ans pour réussir legrand tournant, MissionBassinMinier, juin 2008.Cf. aussi Pascal Vanackeret Yves Dhaudecuypere,“L’ancien bassinminierduNord-Pas-de-Calaisveut résister audécrochage social eturbain”, Techni.Cités,supplément au n°155du 23 septembre 2008,pp. 47-49.

Synthèses des ateliers

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3/Ainsi, le Livre Blancpublié en 1998 par laConférence permanentedu bassin minier a-t-ilété discuté par plusde 1 200 personnes.

4/L’exposition itinéranteC.O.A.L (Carboniferousto Open-eyed Artiston Landscape)organisée dans le cadredu Programme Culturede l’Union européenne2007-2013 s’est concluepar une vidéoconférencepublique entre le Nord-Pas-de-Calais, la Ruhret la Silésie -www.coalexpo.eu

loin, témoigne Jean-François Caron, conseiller régio-nal, président de la Conférence permanente du bas-sin minier et maire de Loos-en-Gohelle. Le bassinavait été entièrement formaté pourmettre le mineurau travail : tout appartenait aux Houillères, qui sur-veillaient la présence de l’ouvrier à l’église et labonne tenue de son jardin. Chacun avait un destintracé d’avance. Le passage au XXIe siècle individua-liste représente un saut énorme. La bascule s’opèresur deux points fixes : une tradition de solidarité etd’intégration des immigrants, des valeurs robustescomme le courage au travail ; et les repères territo-riaux du paysage industriel, que nous entendonsvaloriser en leur donnant un autre sens”.

Et lemairedeLoos-en-Gohelle cite l’exempledesacom-mune,héritièrede7puitsdeminedésaffectésetde8 ter-rils hauts comme des pyramides d’Egypte, qui atransformé l’ancienne fosse 11/19 en un lieu d’accueild’unescènenationaleetd’activitésorientéesvers ledéve-loppement durable. “La crise, c’est lourd, conclut Jean-François.Caron,maiscelacréedesoccasionsd’initiativesimprobables. Il faut rêver ensemble : abandonner lemodèle illusoire d’une société encadrée, dire ce qu’ona envie de faire, le discuter largement/3 et lancer desprojets concrets...”

Une comparaison internationaleStigmatisés par une histoire d’une rare violence, lesbassins miniers se ressemblent d’un pays à l’autre.Sur la lancéeduprojet culturel européenC.O.A.L, dontl’événement final a précisément eu lieu en décembredernier à Loos-en-Gohelle/4, AdamProminski, chargéde mission Europe au Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais et élu d’Oignies, conduit une étude compa-rative entre les bassinsminiers duNord-Pas-de-Calais,de la Ruhr en Allemagne et de la Silésie (Pologne).

Les points communs sont évidemment nombreux :une surexploitation cataclysmique, puis un effondre-ment économique dramatique, enfin une reconver-sion en cours en agissant sur tous les fronts pourredresser la situation. La Silésie polonaise présentesimplement un retard d’une vingtaine d’années, avecun apogée de l’âge industriel en 1980 plutôt qu’en1960 : elle entame aujourd’hui sa transition, avec uneaide massive des Fonds structurels européens. Dansla Ruhr allemande, la dynamique lancée par l’IBAEmscher Park dans les années 80 semble être un peuretombée, mais elle est relancée par de nouvelles ini-tiatives comme la consécrationd’Essen comme“capi-tale européennede la culture” en2010. “Les échangesinternationaux aident à vaincre les inerties, a concluAdam Prominski. Après le “premier pas” culturel, lacoopération s’élargit avec des projets concrets sur lesclusters, le changement climatique ou lamétropolisa-tion. Le dialogue permet surtout de capitaliser leserreurs des autres : c’est essentiel pour gagner dutemps sur la voie difficile de la reconversion territo-riale...” I R. Q .

Synthèses des ateliers

La cité Declercq, l’une des 600 citésminières du bassin Nord-Pas-de-Calais.

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ART, IDENTITÉ, PROJET

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Une expérience culturelledu “grand territoire”L’agence d’urbanisme de Lille apris unegrandepart dans ce suc-cès et dans l’élaboration du dos-sier. Mais tout le territoirerégional, d’Arras àDunkerque enpassantparTourcoing, Lenset les

communes voisines belges comme Courtrai, s’estmobilisé à cette occasion.Un“pass culturel” innovanta ainsi été créé, permettant, pour la somme de septeuros, d’accéder à toutes les expositions organiséesdans les villes participantes accessibles en transportsen commun, cette carte faisant office de titre de trans-port. Le rapprochement des distances – avec notam-ment la liaison ferroviaire Lille-Dunkerque en trenteminutes – adonnéunenouvelleunité au territoire. “Aulieu de concevoir le territoire en termes de kilomètres,nous avons pris le temps comme indicateur demesure, ce qui, dans les faits, correspond bien au rap-port que leshabitants entretiennent avec lui”, a remar-qué Didier Fusiller. Succès sans précédent en France,

“Lille 2004” a été suivie, deux ans plus tard, de “Lille3000” qui a métamorphosé la ville centre en citéindienne. Au-delà de ces manifestations délimitéesdans le temps, ces événements ont profondémentmodifié la conception de la culture dans le “grand ter-ritoire” nordiste. C’est à la suite de Lille 2004 qu’a étédécidée l’implantation du “musée du Louvre 2” àLens... “Vivre ensemble, ce n’est pas seulement fairede lamixité sociale et spatiale. Ce peut être aussi ima-giner un futur basé sur un imaginaire commun”, acommenté Jean-Yves Chapuis, vice-président del’Agenced’urbanismeet de développement intercom-munal de l’agglomération rennaise et vice-présidentdélégué aux formes urbaines de Rennes Métropole,qui présidait aussi l’atelier. LeSCoTduPaysdeRennesaainsi étéprésenté sous la formed’unemaquette... enchocolat.Unemanièreoriginalede travailler qui aattirécurieuxet gourmands, preuvequedans ledomainedel’aménagement, la création est souvent mobilisatrice.

Un territoire maillé de projets artistiquesEn février 2008, Lyon a officiellement déposé sa can-didature pour devenir à son tour capitale européennede la culture en 2013. La ville a justifié sa candidaturepar sa volonté de développer le territoire régional.“En devenant capitale européenne de la culture, Lyonaurait été un laboratoire au service de l’Europe”, aexpliqué Jérôme Delormas, directeur artistique de“Lyon 2013”. “Nous voulions sortir du sacro-sainttempsde consommation culturelle pour créer des évé-nements quotidiens pour les Lyonnais et les visiteurs.Chaque matin et fin d’après-midi, il se serait passéquelque chose... L’histoire de Lyon, terre de créationnotamment dans les domaines du textile, du cinémaet de la lumière, donne une légitimité certaine à cesprojets...” Au-delà des frontières de la ville, les projetsmontés dans le cadre de la candidature “Lyon2013”avaient vocation à “sortir du clivage entre cen-tre et périphérie”, mobilisant les villes limitrophescomme Villeurbanne ou plus lointaine comme Saint-Étienne, Annecy – autre terre de prédilection pour lecinéma – et même Genève.

Synthèses des ateliers

L’intervention culturelle est devenue un élément-clé pour construire la ville et le ter-ritoire. Dans les expérimentationsurbaines, les artistes aussi ont leurmot àdire. L’atelier surl’intervention culturelle, artistique et événementielle dans les “grands territoires” a mis enlumière leur rôle dans l’invention d’un territoire rêvé/1. Synthèse d’atelier par PascaleDecressac.

DE L’ART COMMEFACTEUR DEDÉVELOPPEMENT

2004 auramarqué à jamais l’histoire de Lille. Au coursde cette année où elle était “capitale européenne dela culture”, Lille a connuuneaffluence sansprécédent,avec neufmillions de visiteurs pour un budget, relati-vementmodéré, de 74millionsd’euros.Au soirmêmede l’ouverture, alors que certains annonçaient déjàl’échec de l’opération, 650 000 personnes se pres-saient pour assister à l’inauguration ! “Ce sont leshabitants qui ont fait l’événement”, a rappelé DidierFusiller, directeur artistique des projets “Lille 2004” et“Lille 3000”.

Un vecteur de changementAu-delà de la métropole lilloise, “Lille 2004” a mobi-lisé 193 communes et engendré un développementéconomiqueà lahauteur de l’enthousiasmepopulaire.Multiforme, l’impact aura aussi été... poétique. Le suc-cès de la forêt inversée – 1 000 m2 d’arbres disposés

tête en bas devant la grand-place – a été symptoma-tique de la capacité des artistes à “imposer l’inat-tendu comme référence”. Face au foisonnementd’expériences artistiques (2 500 manifestations entout genre et 17 000 artistesmobilisés sur un an), lesvisiteurs ont dû faire des choix. “Tous ces chocs poé-tiques a priori inutiles et coûteux ont été des révéla-tions ; un lien s’est créé entre les artistes, si pointusqu’ils soient, et le public”, a expliqué Didier Fusiller.Cette première impulsion a permis la création,ensuite, des “Maisons folies”, issues de la reconver-sion d'anciennes usines ou de lieux appartenant aupatrimoine architectural en lieux de création. Cesdouze maisons, réparties entre Lille, la région Nord-Pas-de-Calais et la Belgique, ont été construites ouréhabilitées dans le cadre de “Lille 2004”, mais onteu dès l’origine vocation à perdurer et elles mobili-sent aujourd’hui près de 18 000 bénévoles.

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1/Atelier n°2,“L’interventionculturelle, artistique etévénementielle dans lesgrands territoires”,préparé par les agencesd’urbanisme duGrand Lyon et dela région stéphanoise,présidé par Jean-YvesChapuis, vice-présidentde l’Agence d’urbanismede l’agglomérationrennaise, et animépar Olivier Frérot,directeur général del’Agence d’urbanismepour le développementde l’agglomérationlyonnaise.

Synthèses des ateliers

Le succès de “Lille3000”, sur le thème del’Inde, s’est appuyé surles mêmes ingrédientsque “Lille 2004”mais sur une échelleterritoriale plusrestreinte.

“Lille 2004” a suscité près de 2 500 manifestations et mobilisé 17 000 artistes avec un budget“raisonnable” de 74 millions d’euros.

La candidature de Lyon au titre de“capitale européenne de la culture”en 2013 misait notamment sur le succès populaire du défilé dela Biennale de la Danse.

Jean-Yves Chapuis,vice-président deRennes Métropole.

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ART, IDENTITÉ, PROJET

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1/Atelier n°6, “Projet degrand territoire, facteurd’identité”, préparépar l’Agenced’urbanismede Toulouse, présidépar Claude Raynal,président déléguéde la Communautéd’agglomérationdu Grand Toulouse,et animé par ClarisseSchreiner (AUAT)et Anne-Marie Maür(AURG).

Dans une démarche de construction d’un projet de“grand territoire” porteur de cohésion, la premièreétape consiste souvent à gommer les complexitéspour déterminer des “critères d’organisation et de lisi-bilité” permettant la construction effective du projet.Or il est très difficile de faire émerger des solidaritésou des représentations nouvelles au sein d’un terri-toire. “Comment fabriquer du projet collectif et repé-rer des intérêts communs ? Comment construire uneidentité ?”, s’est ainsi interrogée en introductionClarisse Schreiner, directrice d’études de l’Agenced’urbanisme de l’agglomération toulousaine.

L’énergie, source de renaissanceBerlin accueille ainsi une multitude de projets ayanttous pour ambition de créer une ville européennemêlant mémoire et modernité. “Berlin est marquéepar des utopies qui ont échoué”, a constaté UrsulaHermann, urbaniste consultante auprèsde laDirectionde l’urbanisme de Berlin. Située au cœur de l’Europe,à 60 km de la Pologne, Berlin s’étend sur près de900 km2 et 12 arrondissements ayant chacun la tailled’une ville moyenne. Elle compte 3,4 millions d’habi-tants (dont 466 000 étrangers). La chute du mur, en1989, a entraîné une réunificationphysique et psycho-logique à l’origine d’un schéma directeur offrant unetotale liberté sur les lieuxd’implantationdesnouveauxéléments d’identité de la ville. La reconstruction a dû

prendre en compte lechangement démogra-phique, les modifica-tions économiquescontinuelles, la compé-tition entre les métro-poles et les restrictionsfinancières imposées(la dette de Berlins’élève à 60 milliardsd’euros). Mais aussi la

concentration d’habitations au centre-ville, du fait deson attractivité et de loyers avantageux.

Un plan de management des quartiers a été déve-loppé afin d’éviter la ségrégation des populations“autochtones” et pour favoriser la mixité sociale. Ledéveloppement économique du territoire est passépar celui du secteur tertiaire, des industries créativeset des espaces en friche situés le long des canaux.Nommée par l’Unesco championne du design en2006, Berlin – avec ses 2 300 entreprises dans le sec-teur de la création, 20 % de son PIB réalisé grâce auxactivités créatives et 6%de la population exerçant uneprofession artistique – a été reconnue en 2007 parmiles villes les plus créatives d’Allemagne. “Berlin aacquis une nouvelle image, celle d’une ville vivante eténergique”, a observé Ursula Hermann.

Construire les “grands territoires”métropolitainsIllustrant la difficulté de construire une identité com-muneauseind’un territoire sur la based’uneenquête,Anne-MarieMaür, directriced’étudesde l’Agenced’ur-banisme de la région grenobloise (AURG), a présentél’expériencemenéeautourduSillonalpin –qui s’étendsur 250 km et concerne quatre départements, quatrevilles centres et trois communautésd’agglomération –à la suite du lancement d’un projet de coopérationmétropolitaine. Malgré les différences de perceptionentre l’identité drômoise, ressentie à Valence, la colo-ration scientifique autour de Lyon et de Grenoble,l’image savoyardeàChambéryou la culture transfron-talière àAnnecy, unconsensus s’est opéréautourd’en-jeux communs : les flux transeuropéens est-ouest,l’innovationet uncadredevieprivilégié,maismenacé.

Selon Stéphane Cordobes, conseiller de l’équipeProspective et études au sein de la Diact, il est justifiéde construire un “grand territoire” s’il se présente un

Innée ou fabriquée, l’identité territoriale n’est ni un préalable ni le résultat de laconstruction d’un grand territoire. Pourtant, aborder cette question semble indispensablepour dégager des marges de progression dans un contexte de mondialisation et de mobi-lité accrues/1. Synthèse d’atelier par Pascale Decressac.

LE PROJET,FABRICANTD’IDENTITÉ

Synthèses des ateliers

L’imaginaire comme référenceLe projet devait s’appuyer en particulier sur les liens àconforter entre Lyon et Saint-Étienne, sous l’angle dupaysage, des transports ou encore des friches indus-trielles, qui auraient été réinventées grâce à l’implan-tation d’équipements artistiques. “Plutôt quedepartird’une approche trop technique du territoire prenanten compte sa structure existante, nous avons construitnotre projet autour de l’imaginaire industriel, des uto-pies, du champ symbolique”, a expliqué FrançoisBrégnac, directeur adjoint de l’Agenced’urbanismeduGrand Lyon. Artistes et paysagistes ont imaginé com-ment réinterpréter le patrimoine culturel et industriel,s’appuyant par exemple sur l’expériencemenée dansla Ruhr par l’IBA Emscher Park, véritable projet régio-nal de revalorisation urbaine basé sur une gouver-nance métropolitaine équilibrée, le Land accordantdes subventions, les communes et les investisseursprivés étantmaîtres d’ouvrages selon les cas. Dans ceprojet urbain rhénan, il s’agissait d’accepter un impactéconomique différé en préparant d’abord le territoireavec la conviction qu’une politique d’innovation éco-nomique et technologiquenepouvait fonctionner quesi l’environnement de la région devenait attractif.Plutôt que de nier un passé industriel pesant, il s’agis-sait pour le territoire de l’assumer et d’en faire uneforce. La “mise en culture” des friches lui a donnéunenouvelle raison d’être.

L’eau comme valeur de projet“Entre Lyon et Saint-Étienne, le grand territoire peutsuivre le chemin de fer ou les autoroutes A7 et A47,mais il peut aussi prendre comme élément d’unitél’eau ou les sites emblématiques”, a observé AlainAvitabile, directeur d’études d’Epures, l’agence d’ur-banisme de Saint-Étienne. Pour recréer un sentimentd’appartenance durable à ce territoire, il s’agit deconcevoir un grand projet métropolitain autour del’art, du paysage et du design, organisé autour de“sites emblématiques” porteurs de symboles commele futur Musée des Confluences à Lyon, la Cité dudesign àSaint-Étienne, l’usineArkemadans la courbedu Rhône (source de richesse pour la région, maisaussi de craintes sur le plan environnemental,puisqu’il s’agit d’un site classé Seveso) ou encore laraffinerie de Feyzin où s’est produit le premier incidentindustriel français en 1966, mais qui a fait l’objet en2004 d’une opération de Nice Looking. Les atouts nemanquent donc pas : “L’eau est l’énergie qui a permisau territoire de se développer,mais c’est aussi un élé-ment d’utopies”, a observé François Brégnac.

Le rêve comme électrochoc“Aujourd’hui, nouspensonsdéjàauxJeuxolympiquesde 2028 et nous voulons y associer intimement lapopulation. Il est essentiel de créer des électrochocs,de permettre aux habitants du territoire de le rêver”, aremarqué Didier Fusiller. “Il faut créer des chocs, ducharme, du rêve”, a renchéri Jérôme Delormas. Maispour construire un projet urbain ayant pour origine lacréation culturelle ou artistique, l’existence d’un évé-nement fédérateur semble indispensable. Clé de laréussite du projet, l’énergie dégagée et même l’hu-mour, selon Jean-Yves Chapuis. “Les agences d’urba-nisme doivent effectuer une mutation complète. Nesoyez pas ennuyeux en ne parlant que de SCoT et dePLU ! Construisez de nouveaux imaginaires, amusez-vous, soyez en vacances dans votre ville...”L’imaginaire est un formidable accélérateur deprojets.Ainsi, malgré l’échec de la candidature de Lyoncomme capitale européenne de la culture, lesréflexions engagées n’ont pas été vaines. “Pour qu’unévénement ponctuel perdure dans le temps, il fautrévéler la puissance et l’imaginaire du territoire”, aestimé Olivier Frérot, directeur général de l’agenced’urbanisme du Grand Lyon. “Il existe une autremanièredeparler de la ville, de la créer avec ses conci-toyens.Même lorsque l’événement s’arrête, le charmepeut rester, comme ce fut le cas à Lille. Mais il fautsans cesse rester dans le mouvement. Le politiquedoit toujours pouvoir anticiper, avancer, compren-dre les demandes des citoyens”, a conclu Jean-Yves Chapuis. I Pa. D.

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DE L’ART COMME FACTEUR DE DÉVELOPPEMENTSynthèses des ateliers

La Cité du design de Saint-Étienne dispose d’un véritable emblèmeavec sa tour-signal.

Claude Raynal (à g.)est attentif aux proposde Stéphane Cordobes,conseiller à la Diact.

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1/« Observation etconnaissance desterritoires », atelier n°9préparé par les agencesde Caen, Rennes etLe Havre, présidépar Karine Hurel,chargée de missionà la Diact, et animépar Patrice Duny,directeur de l’Aucame.

“L’observation et la productiondes connaissances surles territoires constituent l’une des missions fonda-trices et le cœur demétier des agences d’urbanisme”,a expliqué Patrice Duny, directeur de l’Agenced’études d’urbanisme de Caen-Métropole. Observerun territoire présuppose déjà son existence en tantqu’entité et sa pertinence en tant qu’objet d’évalua-tion. “Il s’agit d’un des piliers de l’intelligence écono-mique qu’il nous appartient, notamment dans lesagences, de transformer en intelligence territoriale”.Toutefois, les évolutions sociétales rendent obsolètesles périmètres observés jusqu’alors. Les nouvelleséchelles territoriales et l’émergence des grands terri-toires, imposent un travail mutualisé et partenarialentre une multiplicité d’acteurs devant être à la foisréactifs, stratégiques et évaluatifs. “Cela interrogedirectement les agences sur leurs modes de produc-tion, d’animation, de représentation et de diffusion”,a estimé Patrice Duny.

Recours aux nouvelles technologiesLesnouvelles technologies fournissent désormais desoutils de qualité aux acteurs du territoire, permettantdavantage de réactivité et de lisibilité. L’agence deCaen a ainsi établi un “mode d’occupation des sols”numérisé réalisé sur la base du Scan 25 de l’Institutgéographique national, un outil précieux pourconduire ses travaux, et notamment l’élaboration duSCoT. Il donneunevisionprécisedesdifférentsmodesd’utilisation de l’espace, au plan spatial et quantitatif,permettant de calculer les densités et d’évaluer lesfutures consommations d’espaces et les besoinsd’aménagement. L’exploitationde la basededonnées“Corine LandCover” apar ailleurs permis uneanalysedes infrastructures vertes et bleues du territoire duSCoTCaen-Métropole. Yves Riallant, secrétaire géné-ral de l’Association française pour l’information géo-graphique, a présenté la directive européenne

“Inspire” qui fixe un cadre d’infrastructures de don-nées spatiales, facilitant le partage de données desÉtatsmembres grâce à des règles d’interopérabilité etd’harmonisation.

Au service de la cohérence du projetRonan Viel, chargé d’études au sein du service “Éco-nomie et prospective” à l’Agenced’urbanismede l’ag-glomération rennaise a exposé le diagnostic territorialeffectué enBretagne sur l’axe regroupant Saint-Malo,Rennes, Nantes et Saint-Nazaire, “territoire virtuel”regroupant 1,9million d’habitants et 800 000 emploisoù coexistent deux bassins de vie. Le projet s’estdéroulé en trois phases : uneobservation quantitativedu territoire, des études qualitatives sur les enjeux(intégrant notamment des données sociologiques) etune phase “événementielle” pour dynamiser leterritoire en faisant participer les acteurs politiquesdécisionnaires...

Si l’observation territoriale est devenueunoutil d’aideà la décisionpour les décideurs politiques, la difficultéde l’exercice d’observation sur les “grands territoires”reste de choisir le bon échelon (statistique, adminis-tratif, de gouvernance...) ou de varier les échelonspour comprendre aumieux les systèmes. Forte de ceconstat, Karine Hurel, géographe et cartographe à laDiact, a présenté l’Observatoire des territoires, créé en2004, qui proposedes “indicateurs pertinents et cohé-rents pour observer, comprendre le fonctionnement,la dynamique et la diversité des territoires”. “L’objectifde l’observation est la construction pour le partage”,a remarqué Karine Hurel. Et aussi pour la stratégie, acomplété Patrice Duny. I Pa. D.

Comprendre et agir sur le territoire nécessite dedisposer d’informations construites,de références, de référentiels, depratiques communes... L’observationdu territoire est doncessentielle à sa connaissance, elle-même indispensable à toute démarche de constructionstratégique, en particulier sur les “grands territoires”/1. Synthèse d’atelier par PascaleDecressac.

Synthèses des ateliers

enjeu auquel les autres périmètres ne permettent pasde répondre. “La compétitivité nationale dépend decelle des métropoles”, a-t-il observé, soulignant lesous-dimensionnement des métropoles françaises.D’où l’idée de réunir les grandes villes françaises pouratteindre une taille critique permettant de peser auniveaueuropéenetmondial, et demettre enplacedeséquipements “structurants” favorisant les flux inter-nationaux et jouant la complémentarité entre les dif-férentes “strates” des territoires métropolitains.L’appel à projet de coopération métropolitaine lancéen 2004 avait justement cette ambition. “Si celaimplique une volonté commune des acteurs d’avan-cer ensemble, l’existence de moyens n’est, enrevanche, pas forcément une condition indispensa-ble”. Mais la représentation et l’identité du grand ter-ritoire agissent comme des freins à sa construction.Entre identité nationale et locale, la place de l’identitéterritoriale semble compromise. “L’approche parl’identité est une fiction” : à la notion d’identité sesubstitue celle de “culture du territoire” qui agitcommeun capital social et se construit par les usages.Cette construction se heurte au schéma organisation-nel institué, le “grand territoire” étant d’abord perçucomme le territoire enplace, accumulationde couchesadministratives ne laissant guère de place à l’“inter-territorialité” chère à Martin Vanier.

La fabrique de l’identité culturelleD’ailleurs peut-on “fabriquer” une identité ? PourGhislaine Soulet, consultante, “l’identité n’est ni unecondition nécessaire ni un objectif obligatoire”. Il estimpossible de faire coïncider parfaitement territoire etidentité, car “il s’agit de constructions politiques etsociales qui renvoient à un contrat social opposant lepouvoir politique à la société locale”. En France, entreune identité nationale construite auXVIIe siècle par l’at-tribution des territoires seigneuriaux aux administra-teurs, et la création, à la Révolution française, despetits territoires paroissiaux, “le débat sur l’identité estun débat franco-français, car les autres pays euro-péens n’ont pas été soumis à ce type de constructionpolitique”.Au-delà des schémasétablis, il faut prendreen compte l’identité du territoire qui est “le rapport dusujet seul hanté de l’être collectif”... Des alliances stra-tégiques doivent être mises en œuvre, mais elles necorrespondent pas nécessairement à une “conjonc-tion de coordination” de territoires. Ce sont desalliances thématiques, des valeurs mobilisatrices detalents, créatrices d’innovation et donc, dans ce sens,de développement économique.

“La culture correspond aux représentations esthé-tiques des formes de l’identité”, a encore souligné

Ghislaine Soulet. Avec sa double dimension esthé-tique et politique, la culture rendrait évidente l’identitédes acteurs. Mais pour “faire” culture, lien et identité,encore faut-il que les pratiques culturelles soient lisi-bles, accessibles et mises en scène. Or la mondialisa-tion et les nouvelles technologies dévalorisent lesidentités nationales au profit d’identités micro-indivi-duelles ou micro-communautaires, car les identitéscollectives, “constructions politiques qui sentent lesoufre”, sont considérées comme génératrices defrustrations et de conflits guerriers. L’adhésion et l’ap-partenance àdes valeurs de cohésion sociale – jugéespolitiques par les fabricants du territoire en France –sont nécessaires pour lutter contre le repli identitaire.Mais il manque souvent un lien fort entre politique etcitoyens, ces derniers étant fréquemment absents desdémarches de projet. “Les images produites par lestechniciens ne fabriquent pas de l’identité. Celle-cirésulte d’une articulation au niveau du réel, du sym-bolique et de l’imaginaire”, a estiméau finalGhislaineSoulet.

“L’identité du territoire n’est pas indispensable pourfaire le projet, mais c’est un facilitateur”, a remarquéen conclusion Claude Raynal, président délégué de laCommunauté d’agglomération duGrand Toulouse etde cet atelier, soulignant le manque de souplesse dûaux pesanteurs structurelles des “mille-feuilles terri-toriaux”. Il endécoule, pour les acteurs politiques, unedifficulté supplémentaire : trouver un“modèle de réfé-rence” dans un système confronté à une compétitioninterterritoriale et internationale à laquelle ils ne sontpas préparés. Ce qui est à la fois source de confusionpour le citoyen et facteur de remise en cause de l’uti-lité de l’administration territoriale. I Pa. D.

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LE PROJET, FABRICANT D’IDENTITÉSynthèses des ateliers

OBSERVER POUR MIEUX GOUVERNER

CONNAÎTREPOUR CONSTRUIRE

Reconnue par l’Unesco“ville créative enmatière de design”en 2006, Berlin a acquisl’image d’une villevivante et énergique.

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OBSERVER POUR MIEUX GOUVERNER

Conséquencedeplusieurs décenniesdepolitiquespubliques, tous les territoires doi-vent véritablement gérer l’étalement urbain en même temps que le défi climatique. Car àdéfaut de réponses satisfaisantes en matière de transports collectifs ou de “véhicules dufutur”, l’automobiliste solitaire restera la référence dans les “grands territoires” français.Synthèse d’atelier par Olivier Réal.

GRANDTERRITOIREETMOBILITÉ : L’ENJEUVAUTLEDÉPLACEMENT

“Il faut répondre aux attentes de l’usager qui n’en arien à faire de nos problèmes d’élus…“ Le sénateurdes Alpes-Maritimes Louis Nègre, maire de Cagnes-sur-Mer, vice-président de la Communauté d’agglo-mération Nice Côte d’Azur et du Conseil général desAlpes-Maritimes, a introduit sans langue de bois ledébat sur cet atelier qu’il présidait/1. Pour sortir dumaquis des couches administratives conduisant parexemple à de multiples autorités organisatrices destransports urbains sur “son” grand territoire (pasmoins de huit AOTU aujourd’hui, contre quinze il y adix ans), une solution innovante a été trouvée sous laforme d’un syndicat mixte de type loi SRU – il n’y ena que cinq en France à l’heure actuelle. “C’est compli-qué, mais avec la volonté politique d’avancer, on aréussi à mettre en place une tarification unique à1 euro le trajet, quelle que soit la distance, sur l’ensem-ble du département”. Une livrée unique pour tous lesmoyens de transport, hors TER jusqu’à présent, a étécréée, mais un accord avec la Région Provence AlpesCôte d’Azur devrait permettre d’“unifier” 1,2 milliond’habitants sur l’ensemble des Alpes-Maritimes.L’avenir se prépare, d’autant plus que les autoritésorganisatrices ont demandé la création d’un schémamultimodal de transport, y compris maritime.

Simplifier le quotidienLa volonté politique est aussi l’un des éléments fon-dateurs du projet “REAL” (Réseau Express de l’Airemétropolitaine Lyonnaise), fruit de la rencontre, en2004, du nouvel exécutif régional avec le Grand Lyonet émanationd’une volonté commune traduite depuispar des partenariats élargis. Il s’agit d’une construc-tion “bâtie à partir de l’usager”, a précisé PhilippeDhenein, directeur général adjoint des services de larégion Rhône-Alpes, en charge des transports.Aujourd’hui, deMâcon à Vienne, de Firminy à Bourg-

en-Bresse, de Tarare à Saint-André-le-Gaz, unerégion, quatre départements, une communautéurbaine, quatre communautés d’agglomérationet deux établissements publics ferroviairesconstituent les forces motrices du projet. Cesdouze partenaires ont initié vingt et une actionsréfléchies et coordonnées, selon une organisa-tionprécise : pilotage stratégiquedu comité desprésidents, puis transmissiondesdécisions versle pilotage opérationnel que représente lecomité des directeurs... Il s’agit de travailler surles gares et leurs abords, l’ensemble desréseaux ferroviaires, départementaux ouurbains…et de simplifier le quotidiendespopu-lations. C’est dire que le chantier est immense,incluant la poursuite des grands projets d’infra-structures (gares, réseau ferroviaire, tramwayexpress…), l’articulation entre transports eturbanisme dans les démarches de SCoT etd’interSCoT, ou encore la mise en place d’unsyndicatmixte de transport à l’échellemétropo-litaine (qui pourrait être, lui aussi, de type loiSRU). Investissement total : un milliard d’euros, dont600millions en “grands projets”.

L’alternative, sinon rienPour ce spécialiste des transports qu’est le chercheurde l’École polytechnique fédérale de LausanneChristophe Jemelin, la multimodalité tant recherchéedans les différents schémas de déplacement ne setrouve pas forcément dans les gares ou les parkingsrelais,mais aussi “à lamaison”. 21%desVaudois, parexemple, changent de système de transport à domi-cile, sachant que la rive sud du Lac Léman fait l’objetd’une absence totale d’intermodalité, mais que celas’améliore petit à petit sur la rive nord, grâce parexemple à la voie maritime. “La vraie complémenta-

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1/“Grand territoire ettransports”, atelier n°5préparé par l’Agenced’urbanisme de la régionde Nîmes (AUDRN),en partenariat avec leGART ; atelier présidépar Louis Nègre,président de l’Agencede déplacementset d’aménagementdes Alpes-Maritimes, etanimé par Isabel Girault,directrice de l’AUDRN.

Synthèses des ateliers

janvier 2009 - HORS SÉRIE n° 35 / URBANISME / 49

rité à la voiture, c’est d’offrir le choix. Si on ne l’a pas,il n’y a pas de complémentarité possible”, a-t-il sou-tenu, refusant de “taper sur l’automobile” par principeet cherchant d’abord à comprendre pourquoi les gensl’utilisent. Une approche intéressante alors qu’unenouvelle ère se dessine peut-être à la faveur du grandprojet d’agglomération transfrontalière franco-valdo-genevoise au sein duquel 204 communes réfléchis-sent à l’avenir des déplacements de leurs populationsrespectives, dans le cadre d’unemobilité dont le déve-loppement paraît exponentiel. Dans cette constructionencore en gestation, tout aménagement futur est for-cément “stratégique”, la compréhension des usages“essentielle” et l’alternative “capitale“...

Le choix de l’humainMais les véhicules et la notion demobilité elle-mêmepeuvent aussi évoluer, simultanément aux nouvellessolutions proposées par les transports collectifs. Leprogramme Systèmes et services de mobilité quedirige Bruno Grandjean dans le pôle de compétitivité“Véhicule du futur“ et qui couvre le “grand territoire“d’Alsace et de Franche-Comté, travaille sur les alter-natives, les mobilités, les usages, les usagers et le…développement durable. Au regard des engagementsmondiaux, et donc nationaux, de réduction des gaz àeffet de serre à l’horizon 2050, les usages en questiondevront diminuer de 37 % ! Et pour changer “d’air , ils’agit de “passer de l’automobile pour tous àune solu-tion de mobilité pour tous“ : plutôt une solution “jevous amène jusqu’à votre destination “ que la propo-sition traditionnelle“je vous vends un véhicule et lesroutes qui vont avec“. Dans ce contexte, de nouveauxtypes de véhicules bien sous tous rapports sont àl’étude – collectifs, individuels, propres, économiques; de nouveaux modes aussi, organisés et dimension-nés selon les besoins. En réalité, le frein au(x) change-ment(s) n’est pas tant technologiquequ’humain. Pourchanger les pratiques et les mentalités, il faut sansdoute veiller davantage à ce que le nouveau systèmesoit “global“ sur toute la chaîne du déplacement.

En piste(s) pour demainIl s’agit désormais de faire autrement, mais tout enassumant l’existant, façonnédurant desdécennies parl’étalement urbain, dans un contexte où la France secaractérise par des villes de petite taille ou insuffisam-ment préparées à la compétition mondiale. Le trans-port permet justement, selon Chantal Duchène,directrice générale duGroupement des autorités orga-nisatrices de transports (GART), de répondre point àpoint à ces insuffisances, à l’échelle des grands terri-toires commedu territoire périurbain. Parmi les pistesde travail, le GART et la FNAU ont lancé l’an dernierune réflexion sur la densification autour des gares.Elles portent ensemble l’idée de renforcer l’intercom-munalité sur des territoires pertinents permettant derechercher des alternatives performantes et de proxi-mité à l’“autosolisme“. Car l’enjeu, tout mondial qu’ilsoit, est aussi local, dans la gestion du détail, del’attente de l’usager individuel à l’analyse de l’usagecollectif, de l’encombrement au déplacement... Touten “conduisant“ avec application l’inévitable gouver-nance. I O. R.

Synthèses des ateliers

Louis Nègre,vice-président duConseil général des Alpes-Maritimes.

Isabel Girault,directrice de l’Agenced’urbanisme de la région nîmoise.

La rive sud du lacLéman ne fait pasl’objet de la moindreintermodalité, maisla connexion voieferroviaire - voiemaritime, par exemple,pourrait y contribuer.

Chantal Duchêne,directrice généraledu GART.

L’un des axes dutramway à l’estde l’agglomérationlyonnaise.

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Les grands territoires ont pour raisond’être d’ouvrir sur des horizons neufs, dont nes’occupent pas forcément les autorités établies. Par définition, ils échappent aux institu-tions. Mais alors, comment et par qui sont-ils gouvernés ? Ce très hérétique atelier réunis-sait des témoignages de praticiens de la “soft gouvernance”, qui sont apparus finalementmoins soucieux de légitimité que d’efficacité/1. Synthèse d’atelier par Richard Quincerot.

PEUT-ONGOUVERNERSANS/AVECLES INSTITUTIONS ?

“En principe, cet ateliertraite d’un sujet quin’existe pas, a lancéPascalGarrido,maire deLa Talaudière et prési-dent d’Epures, puisquenous vivons dans unpays qui prétend toutgérer à coup d’institu-tions”. La provocationsera à peine relevée.Conscients d’opérerdans les marges despouvoirs institués etpleinement convaincusde leur utilité, les intervenants présentent sans étatsd’âme des démarches peu formalisées, qui n’en opè-rent pas moins aux premières lignes de l’actionpublique.

La fécondité de la Région urbaine de LyonPierrickArnaud, chargédemissionà laRégionurbainede Lyon (RUL), a dressé le premier le portrait de “son”grand territoire : prèsde troismillionsd’habitants dansun rayon de 60 km autour de Lyon, 1,2 million d’em-plois et un fortmorcellement institutionnel – 810 com-munes, 67 communautés de communes, quatredépartements, etc. Créée en1989. laRULest uneasso-ciation constituée par le Grand Lyon, Saint-ÉtienneMétropole, les départements et les communautésd’agglomération, avec l’appui de la Région Rhône-Alpes. Ses leviers d’action sont l’organisation de“forums” sur les grands enjeux – un par an depuisquinze ans – et l’incubationdeprojets concrets, débou-chant sur des réalisations. Elle est dotée d’un budgetminimaliste de 633 000 euros (en 2008) et d’un effec-tif de quatre personnes.

Cette petite structureprésente pourtantun bilan fort intéres-sant. Ainsi la concer-tation entre lesautorités organisa-trices de transportsa-t-elle permis decréer une centraled’information devoyageurs (portail“Multitud”). Dans ledomaine écono-mique, un schémade cohérence logis-

tique, un schéma de promotion des grands sites éco-nomiques et un observatoire de l’économie ontpermis de fédérer les institutions, demutualiser leursmoyens et de renforcer leur attractivité en “neutrali-sant” certaines rivalités internes. Sur le tourismeurbain, lamise en réseaud’élémentsmajeurs dupatri-moine débouche sur un produit-phare de l’architec-ture du XXe siècle intitulé “Les utopies réalisées” (LeCorbusier, Tony Garnier, Morice Leroux, Renaudie...).Enfin, la mobilisation de la société civile s’amorce : laRUL est le lieu où se rencontrent les quatre conseilsde développement formalisés dans le “grand terri-toire” lyonnais.

Sheffield, paradis du partenariat ?Une structure aussi légère et non moins ambitieuseexiste àSheffield (500 000habitants), pôlemondial dela métallurgie pendant sept cent ans et aujourd’hui“paradis du partenariat”. Dans le cadre de la décen-tralisation à l’anglaise (devolution), Londres soutientles villes sur la base d’objectifs précisément fixés etcontrôlés. LeSheffield First Partnership enorganise la

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1/“Peut-on gouvernerles grands territoiresautrement que parles institutions ?”,atelier n°4 préparépar Epures,agence d’urbanismede l’agglomérationde Saint-Étienne,présidé par PascalGarrido, présidentd’Epures, et animé parRémi Dormois (Epures)et Brigitte Fouilland(IEP Paris).

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mise enœuvre locale. La démarche est pilotée par uncomité de hauts responsables et animée par uneéquipe de cinq femmes. Sa mission est de mettre encohérence les stratégies générales dedéveloppementurbain et lesmultiples actions desorganismespublicset privés locaux – autorités politiques, administrations,universités, acteurs économiques, associations pri-vées et communautés locales, réunis dans une seulestructure, Sheffield First Family.

La démarche vise la performance, a témoignéJane Brown, directrice de la structure. Ellepart de la conviction qu’une coordination desinitiatives peut les rendre plus efficaces etaccélérer le développement urbain. Son dis-positif central est le contrat, l’engagementréciproque sur une série de documents : laSheffield City Strategy, vision générale à

l’horizon 2010 ; des contrats de trois ans avec lesquartiers ; et un Local Area Agreement récapitulantles lignes d’actions et chiffrant les objectifs visés. Laphilosophie est pragmatique : qu’il s’agisse de santé,d’emploi, de sécurité, de formation ou de démocratiede quartier, l’accent est mis sur les résultats, labureaucratie réduite au strict minimum et les respon-sables rendent compte auprès des élus et descitoyens.

De Nantes à Saint-Nazaire, un pilotageinformelLa métropole Nantes Saint-Nazaire s’est forgée surdes modes de coopération encore plus informels.“Nous sommes loin de l’institutionnalisation d’ungouvernement métropolitain, selon Stanislas Mahé,chargé de mission de la Société d’aménagement de

l’Ouest atlantique (SAMOA). Depuis une vingtained’années, le grand territoire ne se nourrit ni de procé-dures ni de règles, mais de l’adhésion d’acteurs diffé-rents à des projets variables au fil du temps”.

Identifié par l’Etat comme“métropole d’équilibre”dèsles années 70, l’estuaire de la Loire connaît sa pre-mière émergence locale en 1989 avec un clubdedéci-deurs politiques et économiques – amorce d’unrapprochement qui débouchera en 2006 sur unefusiondes chambresde commercedeNantes etSaint-Nazaire. En 1998 est créé l’Observatoire de l’estuaire,chargé du bilan écologique, de la planification et de larestauration des milieux naturels, qui deviendra en2004 un groupement d’intérêt public (GIP). Offremul-timodale de transports collectifs unifiée de Nantes auCroisic, SCoT commun sous le pilotage d’un syndicatad hoc, conférence métropolitaine à partir de 2005,tout y est passé : la conférence 2008 a posé la ques-tion de la gouvernance – faut-il rester souple ou for-maliser davantage ? –, mais surtout a débouché surun atelier citoyen ressemblant fort à ces “forums durendre compte” que Martin Vanier a appelé de sesvœux au Havre même.

“Le territoire de l’estuaire est néd’unpilotagepar pro-jets : rien n’assure qu’il doive s’institutionnaliser”, aconclu Stanislas Mahé en citant les projets dont cegrand paysage (“notre monument, notreGuggenheim...”) est devenu de facto la matrice : labiennale d’art contemporain (770 000 visiteurs en2007), la revue Place Publique, le nouveau centre-villedeSaint-Nazaire, le projet urbain de l’Île deNantes quiest précisément unmodèle de planification souple...

En guise de conclusion, Brigitte Fouilland, maître deconférences à l’Institut d’études politiques de Paris,s’est saisie de la participation citoyennepour s’interro-ger sur les relations entre gouvernants et gouvernés :une participation est-elle possible sans une volontéexplicite des institutions ? la formalisation desdémarches ne limite-t-elle pas le pouvoir des autorités? Pascal Garrido est revenu sur l’exemple de Sheffieldet avoué sa fascination pour le modèle anglo-saxon,où les relations entre autorités et citoyens sontmédia-tisées par de multiples corps établis : ne serait-ce pasune voie à suivre pour “décrisper” le paysage institu-tionnel français ? I R.Q.

Synthèses des ateliersSynthèses des ateliers

Les Gratte-Cielde Villeurbanne.

Sheffield a su renouvelerla notion de partenariatpour l’appliquer à toutessortes d’objets et deprojets.

Jane Brown,directrice de SheffieldFirst Partnership.

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OBSERVER POUR MIEUX GOUVERNER

L’espace transfrontalier est d’abord un “territoire vécu”. Forts de ce principe, lesintervenants à cet atelier /1, illustrant tous des cas de figure particuliers, n’ont eu de cessed’en tisser les liens... Car, au-delà d’une observation partagée de ces territoires, l’absencede réalité institutionnelle ne rendpas les choses faciles.Mais les démarches s’approfondis-sent à nos frontières... Synthèse par Pierre Gras

ESPACES FRONTALIERS,ESPACES (RE)NÉGOCIÉS

La constitution de réseaux plus ou moins formels etplus oumoins capables de répondre auxbesoins opé-rationnels des habitants ou des acteurs économiquesapparaît comme l’unedes réponses appropriées à cesphénomènes récurrents – et à vrai dire la seuleaujourd’hui.

La Lorraine Nord entre attractionet distorsionsPour Louis-François Reitz, directeur de l’agenced’aménagement du Pôle européen Lorraine Nord,“créer un territoire commun” sur ce périmètre à che-val sur trois Etats (France, Luxembourg, Belgique)constitué autour du pôle de conversion de Longwy,à la suite de la restructuration de la sidérurgie fran-çaise, est cependant plus aisé que de “bâtir une iden-tité”. car ce sont les travailleurs frontaliers qui leconstruisent tous les jours : ils étaient 58 000 à se ren-dre tous les jours au Grand Duché du Luxembourgen 1993, ils sont aujourd’hui plus de 105 000 et cechiffre pourrait atteindre ou dépasser les 150 000 àl’horizon 2020-2050.

Les effets de ces mouvements “pendulaires” sur lesaires urbaines de Thionville et deMetz, donc bien au-delà du pôle de conversion lui-même sont loin d’être

négligeables, tant en matière de mobilité ou d’habi-tat que dans la nature des emplois proposés. Lesrevenus générés par les frontaliers atteignent déjà 4milliards d’euros chaque année et ils pourraient dou-bler d’ici vingt ans. Ils irriguent toute la Lorraine,maisbien entendu créent des disparités et des dysfonc-tionnements qu’il n’est pas simple de corriger. Ainsi,du fait du développement exponentiel de l’économietertiaire au Grand Duché, les prix de l’immobilier enlimite de la zone frontalière avec le Luxembourginterdisent auxménages aux revenusmodestes – oumême moyens – d’y habiter, accroissant le volumeet la distance des déplacements domicile-travail.

Sillon lorrain et “MetroBorder”Ces impacts et ces distorsions ont conduit les élus desgrandes villes de Lorraine à constituer, dans lesannées 90, une libre association baptisée “Sillon lor-rain” et regroupant les villes de Thionville, Metz,Nancy et Épinal sur un axeNord-Sud croisant géogra-phie et politique, avec l’appui de ce qui était alors laDatar. Cette association s’est formalisée, a rappeléGérard Rongeot, vice-président du Grand Nancy, àl’occasion de l’appel à projets de coopérationmétro-politaine et porte des projets visant à la fois à facili-ter le “transfrontaliermitoyen” et à confirmer “le rôleéminent des villes de Lorraine” dans cette coopéra-tion multiforme (culture, tourisme, développe-ment...). Paradoxalement, ce rapprochementvolontaire se trouve en concurrence, ou dumoins enrelation, avec un phénomène dont Gérard Rongeot asouligné la récente émergence : le projet de “métro-polepolycentrique transfrontalière” lancépar leGrandDuché du Luxembourg. Une démarche encore pourpartie théorique mais dans laquelle les villes parte-naires pourraient trouver leur place à l’échelle de lagrande régionmétropolitaine (“MetroBorder”).

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1/“Espacestransfrontaliers, espacesnégociés”, atelier n°8préparé par les agencesd’urbanisme de Nancy,Metz et Lorraine Nord,présidé par GérardRongeot, vice-présidentde la Communautéurbaine de Nancy,et animé parJacques Houbart,directeur général de laMission opérationnelletransfrontalière (MOT).

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Un “territoire virtuel”de développement ?Car, comme l’a expliquéDetlev Goetz, coordinateurdu réseau LELA (réseaux deville et Ville de Luxembourg),la ville de Luxembourg aprisla mesure des enjeux trans-frontaliers et de la valeur éco-

nomiquedes transferts financiers et des phénomènesd’immigrationque son fort développement engendre.Avec seulement 85 000 habitants la nuit (et trois foisplus dans la journée), Luxembourg est une ville donton peut faire en tour aisément en vélo mais qui esttournée vers un immense “territoire virtuel” en crois-sance qui, selon D. Goetz, s’étend de Paris à Berlinautour d’axes communs de développement commeles réseaux numériques à haut débit ou l’apprentis-sage des langues européennes. L’objectif du réseauLELAest par conséquent de convaincre les gouverne-ments, les acteurs économiques et les différentes col-lectivités territoriales de travailler ensemble quellesque soient les stratégies propres à chacund’entre eux.“Malgré l’absence de contrainte directe, cela reposesur une motivation forte, poussée par la croissanceéconomique, où les couleurs politiques ne jouent(presque) plus...”, a commenté D. Goetz.

Genève agglomération, record européende mobilitéEntre Annemasse, le pays de Gex et Genève, l’en-tente est aussi cordiale qu’indispensable, car ellerepose sur un périmètre politique et administratif(deux cantons suisses, une région et deux départe-ments français) où les communes n’ont guère lechoix que de bâtir des projets communs pour préser-ver l’avenir. 60 000 frontaliers font ici le lien sur l’en-

semble du bassin d’emploi, Genève détenant lerecord européen de franchissement de frontière avecplus de 500 000 passages par jour toute l’année –dont la moitié environ depuis ou vers Annemasse.Les trois quarts sont liés à l’activité professionnelle,mais on constate, avec Frédéric Bessat, chef de pro-jet de l’agglomérationGenève-Annemasse, une fortehausse des autres causes demobilité transfrontalière(commerce, loisirs, culture, consommation...). Letaux de vacance extrêmement bas des logements àGenève produit, on le sait, une pression considéra-ble sur les territoires de la “France voisine”, qui s’ac-compagne d’effets non désirés sur le paysage,l’urbanisation et la circulation automobile (moins de10 % des déplacements transfrontaliers sont effec-tués en transports en commun). C’est pourquoi l’onmultiplie, depuis une dizaine d’années, de part etd’autre les documents de coopération transfronta-lière (charte d’agglomération en 1995, projet d’agglo-mération en 2007...) et les plans d’investissement enmatière de transports, qualifiés de “stratégiques”,dans une agglomération qui comptera quelque200 000 habitants de plus d’ici 2030 !

Flandre occidentale-Dunkerquois :un duo obligéPhilippe Nouveau, président de l’Agence d’urbanismede la région Flandre-Dunkerque (Agur), et SébastienDebeaumont, chargé de mission transfrontalier, ontévoquépour leurpart l’expériencedecoopérationentrela Flandre occidentale belge et le Dunkerquois (deuxmillions d’habitants). Déjà ancienne, celle-ci a étémar-quéepar “la volontédedépasser la frontière créée arti-ficiellement par un traité qui n’a pas effacé toutes lestraces historiques”, comme l’a souligné Ph. Nouveau.La créationd’unannuaire transfrontalier des responsa-bleset acteurspublicsde l’aménagement, le traitementcommun des déchets ou la gestion commune desquestions de santé ont en effet contribué à faciliter lerapprochement.Mais celui-ci estunpeuobligé, commel’a rappelé S. Debeaumont : “Il existe un déficit

Philippe Nouveau,Gérard Rongeot,Jacques Houbartet Detlev Goetz(de g. à dr.).

Synthèses des ateliersSynthèses des ateliers

Le pôle sidérurgique de Longwy a connu une longue reconversion.

Plus de 100 000 travailleurs frontaliers se rendent chaque jour au Grand Duché du Luxembourg.

L’attractivité fiscale de la Suisse est inversement proportionnelle aucoût du foncier et de l’immobilier local.

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DE LA BONNE GESTION DU “GRAND TERRITOIRE”

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1/“La périurbanisation etles grands territoires”,atelier n°10 préparé parl’Agence d’urbanismeBordeaux métropoleAquitaine (a’Urba),présidé parAlain Lescouet,vice-président de ReimsMétropole et animépar Jean-ChristopheChadanson, directeurd’études de l’a’Urba.

2/Voir aussi MarcWiel,Pour planifier les villesautrement,L’Harmattan, 2007.

3/L’“autoroute apaisée àhaut niveau de service”est en cours delabellisation,avec une publicationdu Certu annoncéepour février 2009.

Alain Lescouet, maire de Saint-Brice-Courcelles(Marne), vice-président deReimsMétropole et conseil-ler général, a ouvert l’atelier sur le contre-exemplerémois. “Entourée de territoires agricoles et viticolespuissants et organisés, la ville de Reims n’a pas eule loisir de s’étaler. C’est une question de rapport deforce : en situation de libre marché, une périphériemusclée peut bloquer l’étalement de la ville centre”.Tous les problèmesn’en sont pas résolus pour autant.Comme les autres, l’agglomération rémoisedoit com-poser avec le développement durable, le partage descharges financières entre centre et périphérie, lescoûts du foncier et de lamobilité pour lesménages etles aspirations de vie des populations. “Ces quatredynamiques appellent un arbitrage, conclut AlainLescouet, qui nécessite un dialogue interterritorial ;que l’urbanisation soit concentrée, étalée, mitée, enarchipel ou éclatée, nous sommes dans une mêmebarque et devons apprendre à ramer ensemble”.

La proximité au secours du grand territoirePartant d’une analyse de fond des logiques d’urbani-sation, JérômeGrange, directeur de l’Agence d’urba-nisme de la région grenobloise (AURG), invite àdévelopper un chrono-aménagement du territoire. “Laconstruction de voies rapides a ouvert de vastes terri-toires à l’urbanisation, rendant possible une sous-utilisation du foncier et une fuite loin des fonctionsurbaines quotidiennes. Or, le budget-temps de trans-port des ménages est stable – dans la région greno-bloise, la différence entre trajets proches et lointainsn’est que de huit minutes. C’est dire que la vitessene fait pas gagner du temps, mais de l’espace”/2.La conclusion fonde l’élaboration en cours du SCoTgrenoblois : l’aménagement du territoire est aussi unegestion du temps.

“Le grand territoire de l’étalement et de la périurbani-sation pose deux problèmes, précise J. Grange : uneboulimiede ressources foncières, énergétiqueset sani-taires, et une amplification de la ségrégation socialepar la mise à distance spatiale. Il faut trouver unemanière de vivre qui génère moins de déplacementset facilite les interactions sociales : instiller du “ni tropprès”, “ni trop loin”, construire la proximité. Le levierd’action déterminant est la carte mentale des acteurs,la géographie desdistances-tempsqu’il s’agit de réor-ganiser, en contrôlant la vitessede fonctionnement duterritoire à toutes les heures de la journée”. Grenobleavait déjà joué un rôle de pionnier en réintroduisant letramway, outilmajeur de crédibilisationdes transportspublics. La région développe aujourd’hui un autre“chrono-produit” emblématique, “l’autoroute apaiséeà haut niveau de service” : la limitation de la vitesse à70 km/h pourrait améliorer la capacité routière, fiabili-ser les temps de parcours et ouvrir des possibilités derevitaliser les abords des voies/3.

La mobilisation contre l’étalement urbain est-elle plus qu’un slogan incantatoire ?Si l’affichage de bonnes intentions fait l’unanimité, il n’est pas sûr que les ressorts du phé-nomèneaient été bien compris – ni les leviers d’actionutilisables, par conséquent. Le thèmede la “périurbanisation et desgrands territoires” a témoignéde lamaturationde la réflexionsur une question qui n’a rien de périphérique/1. Synthèse par Richard Quincerot.

PENSER LAPÉRIURBANISATION :UNENJEUCENTRAL

Synthèses des ateliers

d’attractivité du territoire dunkerquois qui a exportédavantage de travailleurs vers la Belgique que l’in-verse...” Pour formaliser son action, cette coopérationa généré un outil du troisième type sous la forme d’unGroupement européen de coopération territoriale(GECT) dont le cadre juridique repose sur une initiativeeuropéenne lancée en 2006 /2 et dont l’Agur est à lafois membre et cheville ouvrière. Cette nouvelle struc-ture a son siège à la Communauté urbaine deDunkerqueetest co-dirigéeparunélu françaisetunélubelge,MichelDelebarreassurant actuellement laprési-dence.Elleporteradésormais lesprojets communsdesdifférentes collectivités des deux côtés de la frontière.

Transformer les handicaps en ressourcesLa Mission opérationnelle transfrontalière, créée àla fin des années 90 et qui regroupe aujourd’huiune cinquantaine de collectivités locales situées depart et d’autre des frontières françaises (intercom-munalités, départements ou régions) sur la base de

l’expérience de Longwy, s’en réjouit. Pour sondirecteur général, Jacques Houbart, les processusà l’œuvre dans les territoires transfrontaliers génè-rent de telles difficultés en matière d’accès auxsoins, aux services publics ou à un habitat à coûtmodéré qu’il faut agir fortement. Et il est possible,selon lui, de “transformer ces handicaps en res-sources”, en partageant davantage les chargessociales et les dynamiques économiques. Le cas dela Guyane, territoire transfrontalier d’outre-Mer, nemanque pas d’ailleurs d’interroger l’observateur...Mais les promesses de ce type de coopération sontévidentes, surtout si l’on considère que l’intégrationeuropéenne va contribuer à accélérer, ou en tout casaccentuer, ces phénomènes vécus à nos frontièresou à celles de nos voisins développés. Une raisonsupplémentaire pour y réfléchir à la bonne échelle.Le rôle des agences d’urbanisme apparaît dans cedomaine incontournable, a conclu Jacques Houbart.

I P.G.

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ESPACES FRONTALIERS, ESPACES (RE)NÉGOCIÉSSynthèses des ateliers

2/D’autres projetsde GECT sont en coursen Catalogne, autourdu parc régionaldu Mercantouret de l’EurodistrictStrasbourg-Ortenau.

De part et d’autre de frontières qui peu à peu s’effacent, il est possible, a expliqué en substance Jacques Houbart, de transformer ses handicaps en ressources.

Entourée de terrains agricoles et viticoles à forte valeur ajoutée,Reims n’a pas eu le loisir de trop s’étaler.

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DE LA BONNE GESTION DU “GRAND TERRITOIRE”

janvier 2009 - HORS SÉRIE n° 35 / URBANISME / 57

1/“Des grands paysagesaux grands territoires”,atelier n°11 proposé parles agences d’urbanismede Tours, Orléans etAngers en partenariatavec les CAUE, présidépar Dominique Tremblay,directeur de la MissionVal de Loire Unescoet animé par JérômeBaratier, directeurde l’ATU 37.

2/Lire page 40.Cf. également “L’ancienbassin minier du Nord-Pas-de-Calais veutrésister au décrochagesocial et urbain”, in“L’appel du large ;de la ville aux grandsterritoires”, supplémentà Techni.Cités n°155du 23 septembre 2008.

Dupaysage“remarquable”aupaysage“ordinaire”, enquoi les grandspaysages constituent-ils un “territoire”etpeut-on leurassignerd’autres fonctionsqu’une“pro-tection” toute relative ? Telle était la question formuléepar les organisateurs ligériens de cet atelier/1 toutentier consacré à cette thématique. Pour Alfred Peter,paysagiste, à qui l’on doit notamment l’aménagementpaysagerdu tramwaydeStrasbourget la réflexionpay-sagère sur le SCoT de Montpellier en compagnie deBernard Reichen, il s’agit tout d’abord d’“inverser leregard” : “En France, explique-t-il, on a réussi à géné-raliser la banlieue alors même que l’on prétendait à lafois favoriser laville etprotéger lanature !”Mais lepay-sagen’estpas“unevictime”, c’estplutôt“unobjetd’ac-tion aumême titre que d’autres, dont la réalité est plusfortement éclairée par les questions d’environnementcomme le réchauffement climatique”. Ainsi àMontpellier, l’actionaconsistéà“construire lepaysageen s’appuyant sur le vignoble et à constituer les limiteset les intensités du développement urbain”. Dans lesespacesnonbâtis,AlfredPeterestimeque l’onadavan-tage d’outils d’interdiction que de développement oud’organisation du territoire. Les règles d’urbanismeseraient, de ce fait, “assez pauvres”. Il faut donc “trou-ver des solutions adaptées à des objectifs neufs”,comme dans l’agglomération rennaise où l’extensionde la forêt et celle de la trame urbaine ont été penséessimultanément...

Transformer les représentationsPour Jean-François Caron, maire de Loos-en-Gohelleet président de la conférence permanente du Bassin

minier Nord-Pas-de-Calais/2, lorsqu’un “problèmelourd de reconversion industrielle et de mutationsociale” sepose, commesur cevaste sitequi a comptéjusqu’à 600 citésminières et près de 400 terrils, il n’y apas d’autre choix que de s’appuyer sur la consciencequ’enont les habitants et sur la “culture ouvrière”, plu-tôt que de les nier. Mais c’est pourmieux “changer lesreprésentations”en replaçant lepatrimoineconstruit etson paysage dans une dynamique de développementlocal etdansuneperspectiveplus“immatérielle” : c’esttout le sens de la candidature du bassinminier à l’ins-cription sur la liste du patrimoinemondial. Les discus-sions avec l’Unesco sur la notion de “paysage culturelévolutif” (sic) et la préparationdecette candidatureontainsi constitué le levier, parmi d’autresmoyensmoinsmédiatisés, d’un véritable bouleversement culturel etd’unemobilisation collective inédite sur le bassin.

Unmeccano subtilDominique Tremblay, fort de l’inscription du Val deLoire (un territoire de plus de 800 km2 et de 120 kmde long compris entre Angers et Orléans) au titrede ce même “paysage culturel évolutif” en 2000,pouvait fournir quelques précieux conseils à sonvoisin. “Transformer, c’est aussi imaginer !”, lan-çait-il. La maîtrise du développement urbain rési-dentiel y est essentielle, a-t-il souligné, mais lacohérence de l’action – “un défi quotidien” pour lesélus et les professionnels –, la recherche d’homo-généité de traitement des fronts de Loire ou despaysages viticoles, par exemple, ne prennent leursens que portées par une “vision collective” supé-rieure aux contingences territoriales immédiatesqui prendrait la forme d’un meccano subtil. Il exis-terait une dimension “existentielle”, touchant à lafois à l’identité du territoire, à sa capacité de com-munication, au partage des valeurs”, pouvant aller,comme l’a suggéré Jean-François Caron, jusqu’àune “coproduction du paysage symbolique”. Unambitieux programme que l’on ne peut qu’encou-rager, non sans quelques doutes sur la durabilitéde ce type de pilotage, malgré tout. I Pierre Gras

LE GRAND PAYSAGE,FÉDÉRATEURSYMBOLIQUE ?

Synthèses des ateliers

“La périurbanisation n’existe pas”“La périurbanisation est l’artefact intellectuel d’unepensée urbanocentriste”, s’insurge Olivier Piron, ins-pecteur général de l’Équipement. De fait, l’évolutiondémographique de la période 1999-2005 ne montrepas une séparation des villes et des campagnes,maisdes choix de vie de plus en plus différenciés –celui de vivre la ville sans l’habiter n’étant qu’un choixparmi bien d’autres. Pour l’avenir, Olivier Piron pré-sente quatre scénarios élaborés par l’INRA/4 impli-quant différentes conditions demobilité, d’économie,de patrimoine et de gouvernance : une poursuite dela diffusion des villes dans les campagnes (typeMidi-Pyrénées) ; des urbains vivant “à cheval” sur les villeset les campagnes (le Sillon alpin) ; une croissanceconcentréedans les villes et délaissant les campagnes(à l’image de Provence-Alpes-Côte d’Azur) ; desréseaux de villes moyennes en symbiose avec lescampagnes (comme la Manche). “Bien des chosespeuvent changer au cours de ces prochaines années,avertit Olivier Piron.Des industries oudes commercespourraient quitter les villes, par exemple. Dans tousles cas, l’avenir des territoires ne dépend pas desseules métropoles : il faut du même geste, comme yinvite la loi SRU, contenir le milieu urbain et dévelop-per le milieu rural.”

Le cas du SCoT de MontpellierAgglomérationTel est le but du SCoT inaugural/5 établi par l’archi-tecte-urbaniste Bert Mc Clure avec Bernard Reichenpour Montpellier Agglomération. “Trois valeurs fon-dent le schéma, la préservation du capital nature ; lapromotion d’une ville des proximités ; et l’intensifica-tion de l’urbain pour concilier le développement et les

paysages”, explique-t-il. Inversant le regard de l’urba-niste, le projet donne la priorité à l’armature des videssur les pleins. Les terres agricoles, les bois, les gar-rigues, les étangs sont lamatrice du territoire : le SCoTles préserve en organisant leurs usages urbains – unevallée inondable supporte un “agriparc”, unbassin derétention un site de loisirs, etc. L’agglomération pour-suit sa croissance à un rythme soutenu (+ 100 000habitants en 2020), mais se densifie à l’intérieur d’unpérimètre limité, le long d’axes de transport public etsur des sites stratégiques. Au total, ce “grand terri-toire” devrait conserver en 2020 son équilibre actuel,avec un tiers de surfaces urbanisées et deux tiers d’es-paces agricoles et naturels.

Interrogée sur l’impact du SCoT montpelliérain,Sylvaine Glaizol, architecte-urbaniste au CAUE del’Hérault, témoigne : “Ce SCoT a été moins importantpar son pouvoir de planification que par la qualité deses représentations territoriales, qui ont fait évoluer lesmentalités des élus et des citoyens. Samise enœuvreest difficile : elle supposeune ingénierieurbainequi faitdéfaut dans les communes du périurbain. Mais ladémarche a accéléré la prise de conscience de la fragi-lité desmilieux naturels et rappelé les élus à leurs res-ponsabilités enmatière de logement et demaîtrise dudéveloppement”.

En revanche, tout reste à faire pour la concertationavec les SCoT voisins, kaléidoscope complexe de ter-ritoires parfois plus soucieux d’autonomie que decohérence. “Beaucoup de petits pas en avant ont étéfaits à l’échelon communal et intercommunal, conclutSylvaine Glaizol. Mais beaucoup de chemin reste àfaire vers une planification.” I R. Q.

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PENSER LA PÉRIURBANISATION : UN ENJEU CENTRALSynthèses des ateliers

4/Prospective. Lesnouvelles ruralités enFrance à l’horizon 2030,rapport du groupede travail Nouvellesruralités, juillet 2008.

5/Premier SCoT approuvédes agglomérationsde plus de 200 000habitants (février 2006).

Du“périurbain” français (ici, dans la périphérie grenobloise) à la “ville diffuse” façon italienne (en Toscane), une même préoccupation émerge : concilier mobilité, environnementet qualité de vie.

Le site de Chenonceaux,inscrit au Patrimoinede l’humanité avecl’ensemble du Val deLoire.

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janvier 2009 - HORS SÉRIE n° 35 / URBANISME / 59

À l’échelle des“grands territoires”et de leur réalité,les frontièresinstitutionnelles,pas plus que leslogiques purementfonctionnelles, n’ontguère de sens.

traiter les problèmes à l’échelle la mieux adaptée, degarantir la cohérence des différentes politiquespubliques sectorielles, de recueillir l’adhésiondes éluset des acteurs concernés, rien de moins... Cela sup-pose que le principe de subsidiarité joue pleinementson rôle. Dans ce cadre, l’État est davantage “réga-lien” que “conseiller”. Roland Peylet a estimé, à justetitre, qu’il “serait sage de faire un meilleur usage dece que l’on a”. Mais l’évolution environnementalistede l’urbanisme risque de produire une situation oùl’on demande aux documents de tout gérer. “Qui tropembrasse mal étreint” ?

Simplification utileMartin Vanier, directeur du laboratoire “Territoires” etprofesseur de géographie à l’Institut de géographiealpine de Grenoble, a utilisé pour sa part “l’outil ver-bal” de la métaphore aérienne pour clarifier – sinonsimplifier – le débat de la planification : commentdécolle-t-on pour atteindre la grande échelle, com-ment atterrit-on et, entre les deux, quel est le plan devol ? L’interSCoT lyonnais, qui regroupe onze SCoTsur un territoire comptant 2,5 millions d’habitants,s’est positionné sur la piste d’envol depuis 2003, avecun important travail effectué sur les “représentations”,qui n’est toujours pas achevé. Cenouveau “grand ter-ritoire” n’ayant ni nomni formepolitique, cela ne faci-lite pas son appropriation. Une panne de cohésiondans le partage du pouvoir ?

En matière d’atterrissage, Martin Vanier aperçoit undébut de réponse dans la décision de la RégionRhône-Alpes d’articuler les SCoT avec les contrats deterritoire. Quant au plan de vol, il implique de la péda-gogie entre les nombreux pilotes de l’avion : “Il y a laRégion qui s’imagine en chef de file articulateur. Il y al’État déconcentré qui voudrait, via les DTA, retoquerles copies des SCoT. Il y a les collectivités dont le défiest de s’auto-coordonner en co-partenaires... Et puis,il a le quatrième acteur, qui a les compétences pourfaire le job : il s’agit des agences d’urbanisme”, a-t-ilconclu en forme de boutade. Tout en suggérant que,dans cette affaire, l’acteur-clé est bien “celui qui coor-donne plus que celui qui pèse par sa puissance finan-cière”. Bref, il convient de savoir faire la synthèsepourne pas rester... en plan. I O. R.

“Ce nouveau grand territoiren’ayant ni nom ni forme politique,cela ne facilite pas son appropria-tion”, a souligné Martin Vanier.

Synthèses des ateliers

Tandis que la planification se “grenellise” peu à peu/1, ajoutant une ligne straté-gique et transversale auxnouveauxdocuments de référence, l’“appareil territorial” disposed’autant de pilotes que d’épaisseurs administratives. Il reste donc difficile d’avancer demanière cohérente. Pourtant, la questionde lamise enœuvredoit désormais dépasser celledu leadership/2. Synthèse d’atelier par Olivier Réal.

COORDONNERPOUR NE PASRESTER EN PLAN

À la question de l’efficacité des outils, VincentFouchier, directeur général adjoint de l’Institut d’amé-nagement et urbanisme (IAU) Île-de-France, déléguéauSchémadirecteur, a ajouté celle de la “tutelle” dansle paysage décentralisé français. Une notion qu’ilconsidère comme essentielle dans lamesure où il y abeaucoup (trop ?) de “strates” sur le territoire, et à plusforte raison sur le “grand territoire”. Le concept de“tutelle” avait suscité quelques remous lors de laséance d’ouverture, mais son auteur a tenu bon enatelier. La décentralisation a montré son efficacité, a-t-il souligné, mais la cohérence d’ensemble interpelleles observateurs au regardd’objectifs comme la cohé-sion sociale, l’équilibre du développement territorialou encore la consommationd’espace. La planificationapparaît alors d’autant plus importante, comme l’arappelé le conseiller d’État RolandPeylet, qu’il faut par-fois (souvent ?) concilier des intérêts locaux contraires.Sans parler de l’État central qui veut (toujours ?) reve-nir sur le devant de la scène…

Pour le juriste Jean-Pierre Lebreton, membre duGroupementde recherche sur les institutionset ledroitde l’aménagement, de l’urbanismeet de l’habitat (GRI-DAUH), s’il existe un catalogue d’instruments sur des“grands territoires” particuliers (Île-de-France, Corse,outre-mer ou périmètres ad hoc des Directives territo-riales d’aménagement), le grand territoire en questionne fait que rarement l’objet d’une planification – aucontraire de ce qui se passe chez certains de nos voi-sins allemands, suissesouespagnols. Enoutre, le pro-blème de la subsidiarité (mais où s’arrête-t-elle ?)accentue la question de la compatibilité limitée entreles documents élaborés, y compris dans le cadre deprocédures de concertation. “Au-delà du contrasteentre l’anarchie gauloise et l’ordre germanique (sic),nous avons des dispositions lacunaires et circonstan-

ciéesqui posent autant deproblèmesqu’ellesn’en résolvent. Il faut en sortir”, a suggéréRoland Peylet.

Planification utileFaut-il par conséquent attendre des outils lasolution, ou bien faire rechercher, par l’appli-cation des outils, les dites solutions ? Tout enaffirmant le besoin d’outils efficaces en vuede la recherche de performance, SilvinaRodrigues-Garcia, urbaniste à l’Agence d’ur-banisme de Reims (AUDRR), a commencépar “évacuer” la question de la tutelle sélec-tive, lien direct avec la tendance naturelle à hiérarchi-ser : “Il faut une articulation dans une approchesystémique plus qu’une intégration. Il faut négocierdavantagequehiérarchiser !”. Peut-être par la contrac-tualisation. Sur quel périmètre pertinent, s’est-elleinterrogée, comme pour mieux répondre : la néces-sité dépasse le périmètre, car il s’agit de la mise enœuvre, qui est plus difficile que la planification.

En réalité, l’heure est à la “planificationutile”, incluantune définition commune des objectifs et résultats àatteindre (c’est le mode idéal) et une certaine hiérar-chisation, mais plutôt des enjeux. On se trouve dansla “ville négociée” entre urbain, périurbain et rural, àl’aidedesSCoTet autres outils d’organisationdesbas-sins de vie, hors structures administratives.L’articulation entre tous les documents demeurenéan-moins complexe, des DTA aux SCoT, des lois“Montagne” et “Littoral” aux schémas d’aménage-ment et de gestion des eaux (entre autres...). SilvinaRodrigues-Garcia a tenté de mettre en rapport cebesoind’articulation avec la réalité du fonctionnementterritorial “qui dépasse les simples frontières desSCoT”. Le “bon”périmètre est celui qui permet de

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1/Dans le sens où lesdécisions du Grenellede l’environnementtendent, sinon à entrerdans les faitsimmédiatement,du moins à être prisesen considération dansl’esprit des opérationsd’aménagement,par exemple.

2/“Les outils deplanification des grandsterritoires et leurtraduction au niveaulocal”, atelier n°12proposé par l’IAU-IDF,présidé par RolandPeylet, conseiller d’État,et animé parVincent Fouchier,directeur général adjointde l’IAU-IDF.

Synthèses des ateliers

DE LA BONNE GESTION DU “GRAND TERRITOIRE”

Silvina Rodrigues-Garcia.

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Global economy,local territory

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Abstracts /Workshop roundups

How do “major territories” go about coping withtrade globalisation when faced with powerful com-petitors skilled in worldwide strategies? In thiscontext ports play a very special role. For ClaudeVallette, director of the Marseille planning agency,city and port remain closely interdependent – asthey have in his city for 2600 years. And things areon the move there now – after a long period of ossi-fication – in the form of the Euromediterranean pro-ject, with its 10,000 new housing units, 500,000 sqmof offices and 10,000 new or reinforced jobs.

“The port brings the world into the city,” said CyrilChedot, of the Le Havre Port Authority. But most ofthe world's container traffic is in the hands of five orsix companies and scale is huge: Le Havre’s port is27 km long and 6 kmwide, and is welcoming contai-ner ships up to 400 metres long; so close coopera-tion, fulltime dialogue and an increased awarenessof sustainability are more important than ever.

Still, as INRETS transport safety researcher AntoineFrémont emphasised, the notion of a “pure” eco-nomy free of all geographical attachment remainsuntenable. For sociologist Thierry Baudouin, “thecity is the basic territory of globalisation” and theport city even more so – this latter category nowembracing cities with ports, major airports or multi-modal platforms.

A different kind of territory came up for considera-tion in the form of the Nord-Pas-de-Calais miningbasin, emblematic of 150 years of overexploitationand the catastrophic collapse of twenty years ago.Yves Dhaudecuypere, head of the Mining BasinReconversion Unit set up in 2000, acknowledged thecomplex of geological, social, economic, urban,image and self-image obstacles to be overcome, butstressed that current efforts are bearing fruit: even ifunemployment is still running at 15%, and localpeople tend to be in unskilled, badly paid work,more jobs have been created than lost since 1998and territorial change is under way.

Art, identity, projectJean-Yves Chapuis observed that “Living together

isn’t just a matter of social and spatial mixity. It canalso mean getting together to imagine a sharedfuture.” Which might explain why cultural activityhas become a key element in the shaping of citiesand territories. With a quite respectable budget of 74million euros, Lille as European Capital of Culture in2004 pulled in nine million visitors, and “it was theresidents who made it happen”, recalls DidierFusiller, artistic director of Lille 2004: all in all, 2500 artevents involving 17,000 artists. One interesting out-comewas a faster Lille-Dunkirk rail link – 30minutes –which means, says Fusiller, that “we now measurethe territory in terms of time rather than kilometres,and this matches residents' relationship with it.”

Lyon’s bid in 2008 for European Capital of Culture2013 hinged on the idea of developing the regionalterritory. As artistic director Jérôme Delormas put it,“Wewanted to break with the sacrosanct schedule ofcultural consumption and organise events every dayfor locals and visitors.” The project was also foundedon the notion of reinforced links with nearbyVilleurbanne and more distant cities like Saint-Etienne, Annecy and even Geneva. Territorial identityseems vital in a context of increasing globalisationand mobility. Berlin, said planner Ursula Hermann, isa city of failed utopias, but is now welcoming a hostof projects aimed at creating a European mix ofmemory and modernity. Not for nothing is thisstatistically one of Germany’s most creative cities.Ultimately, though, for consultant Ghislaine Soulet,“identity is neither a necessary condition nor a man-datory goal.”

Better observation, better governmentUnderstanding and acting on a territory call forsound information and sharing of points of referenceand practices; and thismakes observation vital to anyapproach to strategic construction, especially inmajor territories. For Patrice Duny, director of theCaen planning agency, observing a territory presup-poses its existence as an entity and its relevance asan object to be evaluated. With this in mind theagency has digitised its land use data to allow for anexact spatial and qualitative perception of land usemodes, with a view to calculating future density,consumption, and planning needs. Ronan Viel of theRennes agency outlined a diagnosis of the "virtualterritory” of Saint-Malo, Rennes, Nantes and Saint-Nazaire – 1.9 million people, 800,000 jobs, two mainconcentrations of population – in the context of athree-phase project: quantitative observation ofthe territory, qualitative studies of the issues, andan “events” phase to set a dynamic in motion.Observation requires, of course, the right choice ofscale: presented by geographer/cartographer KarenHurel, the Territories Observatory provides “relevant,consistent indicators for observing and understan-ding territories’ functioning, dynamics and diversity.”

Observation of and response to user needs counttoo, and notably in the transport field, as senator andmayor of Cagnes-sur-Mer Louis Nègre said of hisown major territory; and you can now travel anyw-here in theAlpes-Maritimes département for a flat feeof one euro, whatever the time or distance involved.For the future there are plans for a multimodal sys-tem that also includes travel by sea. Political will wasthe crucial element in overcoming the complexitiesinvolved, just as in the Lyon Metropolitan AreaExpress Network (“REAL”) rail project for Macon,Vienne, Firminy, Bourg-en-Bresse, etc. The aim, saidthe Region’sPhilippe Dhenein, is to simplify everydaylife for the user via better stations and services, moretrack, trams and improved transport/urbanism struc-turing. Then, of course, there’s sustainability, oftenheld back less by technology than by people; and iftheir resistance is to be overcome, pointed out trans-port specialist Bruno Grandjean, the new system hasto be “global”, covering the entire “movementchain”.

Major territories must look towards broader horizonsand these, by definition, fall outside the ambit of theusual authorities. Is government possible withoutinstitutions? The congress’s advocates of “soft gover-nance” got together on this point, very much awarethat despite the fact of being in the front line they stillenjoy only marginal status in an “institution-ridden”country like France. Patrick Arnaud, a project officerat RUL (Lyon Urban Region) presented his “majorterritory”: almost 3 million people in a 60-km radius

around Lyon, 1.2 million jobs – and institutional frag-mentation represented by 810 municipalities, fourdépartements, etc., etc. Despite a tiny budget and astaff of four, RUL has been organising forums andtriggering successful projects for fifteen years now inthe fields of transport, economics, urban tourism andmobilisation of civil society.

Opting for a similarly uncluttered style, Sheffield FirstPartnership and Sheffield First Family take advantageof British-style devolution to ensure consistencybetween local projects backed by London in a contextof clearly defined aims and rigorous monitoring. Thepartnerships comprise politicians, administrativebodies, universities, economic players and privateand community associations; the underlying philoso-phy – whether the project hinges on health, employ-ment, public safety, education or neighbourhooddemocracy – is strictly pragmatic; emphasis is onresults; bureaucracy is kept to aminimum; and thosein charge have to account for themselves to politicalrepresentatives and residents.

The organisation of the Nantes/Saint-Nazaire metro-polis is looser still. “For twenty years now,” said pro-ject officer Stanislas Mahé, this major territory hasbeen fuelled not by rules and procedures, but byinput fromdifferent actors for different projects.”Onesuch project, the Contemporary Art Biennial, drew700,000 visitors in 2007. Others include the newSaint-Nazaire city-centre, and the Ile de Nantes urbanproject, a model of flexible planning.

Soundmanagement of major territoriesIs mobilisation against urban sprawl no more thanpious cant? And do we actually understand the realcauses of the problem? AsAlain Lescouet, vice-presi-dent of Reims Métropole, pointed out, absence ofurban sprawl doesn’t solve all the problems: Reimsmight not have perirurbanisation generating thegobbling-up of resources and accenting of socialsegregation denounced by Jérôme Grange of theGrenoble agency, but it still has to face the demandsof sustainability, an equitable centre/periphery ratesspread, accommodation and transport costs for hou-seholds, and residents’ lifestyle aspirations.

One unambiguous message that came through was“Coordinate or get left behind”. Planning in France isstill hampered by its plethora of administrativelayers, but for researcher Jean-Pierre Lebreton plan-ning is rarely applied to major territories in the way itis in other countries. French conseiller d’État RolandPeylet looked beyond “Gallic anarchy and Germanorderliness” to planning provisions whose combina-tion of incompleteness and excess detail means theypose as many problems as they solve. It’s time tocoordinate, then.

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ANTOINE GRUMBACH

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“Paris, Rouen, Le Havre, une seule ville dont la Seineest la grande rue.” Cette phrase de Jules Michelet(Histoire de France IV, p. 33) citant Napoléon, dit toutel’évidence du projet. Aujourd’hui, Paris est étouffédans les cernes d’un développement concentrique oùla capitale perd son identité. Toutes les grandesnations ont une façade maritime, toutes les métro-poles mondiales ont un port : pour exister à uneéchelle européenne, la France du XXIe siècle a besoind’un Grand Paris qui fasse craquer ses murailles et setrouve un débouché sur l’Atlantique.

Ce “grand territoire” métropolitain de 200 km de longet de plus de onze millions d’habitants sera plutôt uneréémergence. Renouant avec une identité géogra-phique et historique multiséculaire, il rétablira la Seinedans son rôle d’axe fédérateur d’un ensemble écono-mique, social et paysager profondément solidaire.Dès1965, le SDAU de Paris avait vu l’intérêt de sa revitali-sation. Mais les grandes idées mettent du temps às’imposer. Aujourd’hui, avec le double défi de la mon-dialisation et du réchauffement climatique, le rétablis-sement d’un lien fort entre Paris, Rouen et Le Havres’impose comme une nécessité. Le projet vise l’hori-zon 2050. À cette date, d’une manière ou d’une autre,la stratégie du “facteur 4” se sera concrétisée. LeGrand Paris sera une métropole à la fois linéaire etmultipolaire, ayant dépassé l’opposition entre ville etnature. De Paris à l’océan, l’urbanisation sera tresséeavec une nature proche, accessible, régénérée. Lataxation des produits agricoles selon leur bilan car-bone aura permis le retour à une agriculture urbaine,maraîchère, de proximité, telle qu’elle se développedéjà dans une ville comme San Francisco...La réorganisation des mobilités sera aussi un facteur-clé de cohésion sociale. Les transports fluviaux, rou-

tiers et ferroviaires seront réarticulés de façonàexploi-ter toutes les infrastructures et toutes les opportunitésde combiner déplacements lents, à moyenne et àgrande vitesse – comme le bus à haut niveau de ser-vice et à forte capacité qu’étudie actuellement laSociété des autoroutes Paris-Normandie. Les pôlesd’intermodalité seront des “lieux d’intensité urbaine”,connectés par une offre de transports publics deniveau urbain. Au total, tous les quartiers du GrandParis (la capitale, la mer, les bourgs, la nature) serontaccessibles en une heure.

Mobilisant une équipe d’experts, l’étude pilotée parAntoine Grumbach produira dès 2009 un “diagnosticprospectif” assorti depropositions concrètesdessinantà grands traits le “Paris de l’après-Kyoto.” Elle répon-dra à la volonté du président de la République “quesoit réalisé rapidement un projet d’exception pourl’aménagement de la capitale française, un projet fort,original, réaliste” : avec l’assurance (?) que la gouver-nance suivra, la priorité étant donnée à la réflexion surles structures technico-administratives. I R.Q.

Répondant à l’appel du président de la République/1, la consultation internationaledu “Grand Pari de l’agglomération parisienne” a retenu en juin 2008 dix équipes pluridisci-plinaires français et étrangers pilotées par un architecte-urbaniste. Pour l’architecteAntoineGrumbach, à la têted’undesgroupementssélectionnés, c’est l’occasiondedévelopper lepro-jet qu’il caressait depuis des années : prolonger Paris jusqu’auHavre...Propos recueillis parRichard Quincerot.

“CRÉERUNEVILLEDONTLASEINESERALAGRANDERUE”

Perspectives

Le pont de Normandie, inauguré en 1995.

1/Appel pour un “nouveauprojet d’aménagementglobal du Grand Paris”,lancé le 17 septembre2007 à l’occasionde l’inaugurationde la Cité du patrimoineet de l’architecture.

Perspectives

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TABLE RONDE CONCLUSIVEBERNARD PECQUEUR

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1/Table ronde animée parStéphane Bugat età laquelle participaientMireille Ferri, vice-présidente de la RégionÎle-de-France,Joost van Iersel, membredu Conseil économiqueet social européen,Serge Pugeault, adjointau maire de Reimset président de l’Agenced’urbanisme et dedéveloppement de larégion de Reims,Gérard Roussel,directeur de Total -Établissement deNormandie, et AntoineRufenacht, maire duHavre et présidentde l’Agence d’urbanismede la région havraise..

“L’aire métropolitaine est un labora-toire de l’économie mondiale, un toutet des atouts”, a estimé Joost vanIersel, membre du groupe desemployeurs au Conseil économique etsocial européen, soulignant la relationétroite existant entre les pouvoirspublics et la société civile. Pourtant, la

notion d’aire métropolitaine recouvre des réalités trèsdiverses, entre le “petit Paris” et le “grand Mexico”,par exemple... Si elles sont à l’ordre du jour dans tousles pays européens, les réflexions sur les aires métro-politaines semblent laisséesde côtépar les institutions

européennes. Des démarches intéressantes existentdans de nombreuses métropoles, “mais il manqueune structurationdudébat” : “Lamétropolisationn’estpas seulement l’affaire des administrations, mais cellede tous les citoyens. Car nous pouvons survivre avecdes métropoles plus petites que dans d’autres conti-nents...”, a ajouté Joost van Iersel.

Le “Grand Paris”… jusqu’où ?Définir de nouvelles formes de “polycentralités” pourcréer des réseaux mettant en relation les pôles métro-politains de l’archipel, c’est ce postulat qui a fondé leSchéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF).

Alors que le développement durable semble devenu une préoccupation pour tousles acteurs du territoire, comment définir des politiques de développement du même typedans les “grands territoires” ? C’est à cette question qu’ont tenté de répondre les partici-pants à la table ronde finale de la rencontre du Havre/1. Propos recueillis par PascaleDecressac.

QUELDÉVELOPPEMENTPOUR LESGRANDSTERRITOIRES ?

Perspectives

L’histoire urbaineest unéternel recommencement,mais ce sont les échellesqui chan-gent, les périmètres comme les époques. L’ère du “multiscalaire simultané” a sonné, navi-guant commeunpoissondans l’eau sur le “grand territoire” émergent...Bernard Pecqueur,professeur à l’Université Joseph Fourier de Grenoble, a livré sur cette base une“synthèse d’ambiance” de la rencontre, pour laquelle Olivier Réal était tout ouïe.

DE LAPERTINENCEDUGRANDTERRITOIREETAUTRESRÉALITÉS

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Perspectives

BernardPecqueur a su“picorer” lesdifférentes théma-tiques abordées au Havre et tenté, avec inspiration,d’en restituer la richesse, assortie de quelquesréflexionsd’ensemble.Àcommencerpar lapertinencede la question des “grands territoires” qui aurait puapparaître comme “un machin de plus”… Était-il eneffet nécessaire de sortir cela du chapeau, alors que lecitoyensenoiedéjàdans l’enchevêtrementdes institu-tions ? En clair, les grands territoires sont-ils de trop ?Pour y répondre, le professeur Pecqueur a souhaitélever les ambiguïtés. S’agissant de la signification duterritoire, il propose ainsi deux acceptions : soit celui-ci est “donné”, découpé administrativement et facile-ment identifié ; soit au contraire, il est construit etengage ses acteurs à le faire connaître et reconnaître.C’est donc sur la base des territoires donnés que seconstruiraient les territoires construits… Du mêmecoup, il n’y a plus de “bonne échelle” de grand terri-toire, mais plutôt de nécessaires coordinations (et les“conjonctions” qui vont avec). Et pour être pertinente,la coordination doit reposer sur un vrai projet. CQFD.

Une question chassant l’autre, l’interrogation suivantedenotre “synthétiseur” aporté sur l’utilité proprementdite du “grand territoire”. Celui-ci sert peut-être à pen-ser à toutes les échelles en même temps : voici venule temps du “multiscalaire simultané” (sic). Mais c’estaussi la possibilité, à l’ère de la mondialisation, de“répondre au global par du local collectif et compéti-tif”, sans laisser au bord la route le “mieux vivreensemble”. Les objectifs habituels de la ville se répé-teraient donc sur le grand territoire, sauf que celui-cipeut permettre, dans certains cas, de desserrer lescontraintes de compétition pour tous et à tout prix. Ilconvient par conséquent demieux répartir les espaceset les rôles de chacun, ce qui exige une certaine diffé-renciation : tout le monde ne peut et ne doit pas toutfaire, en somme. Savoir s’extraire de la compétitivitédu voisin pour mieux “asseoir la sienne” est devenule nouvel enjeu territorial contemporain, selonBernard Pecqueur.

Un nouveau chantier s’ouvre par ailleurs : celui de la“gouvernance spécifique des grands territoires” parrapport à la gouvernance spécifique des territoirestout court. Vaste sujet, mis à l’échelle du temps ! Lescontextes changent, les hiérarchies aussi, mais lesmêmes questionnements reviennent. Et il faudra levercertaines inquiétudes sur les réponses avancéesaujourd’hui, comme la “grenellisation de l’urba-nisme” (re-sic). Comme le “grand territoire”, cettenouvelle notion est un “objet émergent” qui devientpeu à peu un impératif, mais pas forcément un diktatdevant d’autres impératifs déjà avérés ou avancés (lamondialisation, la cohésion et la mixité sociales, leretour à la densité urbaine, etc.). C’est dire si l’épreuvedu terrain, comme toujours, sera décisive. BernardPecqueur, comme nous tous, en est persuadé. I O.R.

“Une société ne peut pas entrer en mutation sans avoir réappris sa robustesse, c ‘est-à-dire ses modes de solidarité”, a estimé Mireille Ferrià propos du “Grand Pari de l’agglomération parisienne”.

Joost van Iersel.

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“Ce qui nous a motivés pour sa réalisation, ce sontles mutations du monde dans lequel nous entrons”,a expliqué Mireille Ferri, vice-présidente de la RégionÎle-de-France. Ces mutations sont à la fois particu-lières et mondiales, les lieux de production, deconsommation et de gouvernance globale à l’échelledu monde ayant tout autant changé. Pour continuerd’exister, l’Île-de-France doit s’interroger sur son posi-tionnement, ses liens avec les autres villes par rap-port à ce qu’elle produit et consomme, notammenten matière énergétique. “Une société ne peut pasentrer en mutation sans avoir réappris la robustesse,c’est-à-dire ses modes de solidarité”. Une robustessesociale qui se crée autour du logement, des bénéficesentre les territoires, de la localisation de l’emploi, desservices publics et des déplacements. Une soliditéenvironnementale qui est liée à la question de l’éner-gie, des ressources rares, et de l’aménagement del’espace. Une amature économique, enfin, quiimplique une réflexion sur la réindustrialisation desterritoires, “mais pour produire quoi et où ?” LeSDRIF est le résultat de compromis, de négociationsentre l’ensemble des acteurs de la région et des terri-toires environnants. Ainsi, l’Association des grandesvilles du bassin parisien, mais aussi les présidents desdépartements et des Régions avoisinantes, ont-ils lar-gement participé au processus.

La périphérie comme identité ?Situé à 45 minutes de Paris par TGV et 40 minutes del’aéroport de Roissy, Reims est déjà presque enrégion parisienne. Si plus 80 % des 230 000 habi-tants de l’agglomération vivent à Reims, des com-munautés de communes se sont construites enopposition avec l’agglomération pour éviter d’êtreabsorbées par elle... tout en bénéficiant des servicesapportés par la ville centre. “Mais il existe plusieurséchelles”, a observé Serge Pugeault, président del’Agence d’urbanisme et de développement de larégion de Reims (AUDRR). En termes économiqueet politique, il faut nouer des partenariats avec lesvilles proches de taille importante, a-t-il expliqué ensubstance. À une échelle plus réduite – celle d’un“G10” des villes où s’effectuent l’essentiel deséchanges, un territoire à la fois interdépartementalet interterritorial – se pose la question de la mutua-lisation des équipements. Pour Reims Métropole sepose le problème du dépassement des frontièresadministratives pour nouer le dialogue et des parte-nariats avec les intercommunalités voisines. “Lesélus doivent rendre des comptes. Or, ce qui compten’est pas forcément qu’une entreprise s’installe àReims, mais que les emplois créés bénéficient auterritoire rémois”, a assuré Serge Pugeault.

Le projet de métropole “Reims 2020” impliquera desréflexions sur la métropole rémoise et ses relationsavec leGrandParis. L’étalement urbainquestionne for-tement sur “la création d’un vrai réseau en matière decréation d’universités ou de transports”, a d’ailleursadmisMireille Ferri. La réflexion sur le développementdoit impérativement tenir comptede ce qui se passe autour du ter-ritoire. “L’ouverture sur la façademaritime, c’est l’avenir de Paris.C’est ce qui fera de Paris unerégion métropole, une région-monde, a estimé à son tourAntoine Rufenacht, maire duHavre. C’est pourquoi nous vou-lons mettre en place, au-delà duHavre, un grand territoire de pro-jet à géométrie variable, afin depouvoir travailler ensemble surdifférents thèmes comme letroisième franchissement del’estuaire de la Seine, le déve-loppement du tourisme ou lestransports en commun…“

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QUEL DÉVELOPPEMENT POUR LES GRANDS TERRITOIRES ?Perspectives

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Le rôle-clé des acteurs économiques“Il faut gérer l’espace comme une denrée rare, fairevivre ensemble avec les territoires urbains et lesacteurs économiques”, a suggéré Gérard Roussel,directeur de l’établissement de Normandie deTotal, gros employeur de la région havraise. Dansla logique de construction d’un plan de préventiondes risques technologiques, la question d’un amé-nagement du territoire dans une perspective dedéveloppement durable se pose crûment. “Je plé-biscite le Grenelle local de l’Estuaire de la Seine quiest envisagé, car les problématiques qui y serontabordées nous permettront de travailler en com-plémentarité”, a-t-il indiqué, soulignant la vocationénergétique de la Seine. “En mettant en réseau lescompétences, peut-être pouvons-nous imaginer laproduction de l’énergie de demain...”

Définir une ligne de conduite lisible présupposedes coopérations public-public et public-privé, aremarqué Joost van Iersel. L’idée d’un contrat par-ticulier entre les grandes entreprises et les terri-toires a ainsi été étudiée dans le cadre du SDRIF.“Certains territoires se définissent comme des ter-ritoires servants sans que le territoire en tire forcé-ment bénéfice”, a noté de son côté Mireille Ferri,soulignant la nécessaire amélioration de la corré-lation entre l’activité, l’entreprise et le territoire quil’accueille. “Si nous voulons réussir, trois condi-tions doivent être réunies et partagées : un constat,un projet, une stratégie”, a affirmé Serge Pugeault.Dans le cadre du projet “Reims 2020”, des struc-tures de dialogue faisant intervenir chambresconsulaires, entreprises et habitants sont mises enplace et les différents conseils de développementà l’échelle du territoire pertinent entourant Reimssont présidés par des chefs d’entreprise. Au Havre,depuis 1995, fonctionne un système moins struc-turé mais qui mobilise tous les acteurs importantscomme la chambre de commerce, le port auto-nome, la Région, l’université, etc. La consigne estde ne rien engager sans avoir obtenu auparavantl’avis des différents acteurs, car “le projet partagése fait en marchant”, a conclu Antoine Rufenacht,soulignant la nécessité de faire preuve de beau-coup de pragmatisme, d’écoute et de respect del’autre. Une conclusion ouverte pour une rencon-tre qui ne l’était pas moins... I Pa. D.

QUEL DÉVELOPPEMENT POUR LES GRANDS TERRITOIRES ? Perspectives

Mireille Ferri, vice-présidente de la RégionÎle-de-France.

Serge Pugeault, adjoint au maire de Reims.

Gérard Roussel.

Les projets d’aménage-ment ambitieux(ici, l’une des entréesdu quartier Saint-Nicolasau Havre) contribuent àrendre crédible le travailà plus grande échelleentre différentspartenaires.

Le futur “Grenellelocal”, évoqué dansle débat, devra préciserla place du secteur del’énergie dans l’estuairede la Seine.

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Ouvrages de référence

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BRAUDEL Fernand, Le modèle italien, Paris,Flammarion (coll. Champs Arts), 2008, 224 p.

CHOAYFrançoise,Pouruneanthropologiede l’espace,Le Seuil (coll. La Couleur des idées), 2006, 410 p.

DAVEZIES Laurent, La République et ses territoires ;la circulation invisible des richesses, Paris, Le Seuil(coll. La République des idées), 2008, 110 p.

DOLEZ Bernard, PARIS Didier, Métropoles enconstruction : territoires, politiques et processus,Paris, L’Harmattan, 2004, 294 p.

HEALEY Patsy, Urban Complexity and SpatialStrategies, London, Routledge, 2007, 340 p.

MASBOUNGI Ariella (sous la dir. de), Aménager lesgrands territoires, Paris, éditions Le Moniteur (coll.Ville-aménagement), 2008, pag nc.

MOTTE Alain (sous la dir. de), Les agglomérationsfrançaises face aux défis métropolitains, Paris,Economica/Anthropos (coll. Géographie), 2007, 160 p.

PANERAI Philippe, Paris métropole, formes etéchelles du Grand Paris, Paris, éditions de LaVillette, 2008, 246 p.

PAQUOT Thierry, Petit manifeste pour une écologieexistentielle, Paris, éd. Bourin, 2007, 160 p.

SECCHI Bernardo, Première leçon d’urbanisme,Marseille, Parenthèses (coll. Eupalinos), 2005, 156 p.

SIEVERTS Thomas, Entre-ville ; une lecture de laZwischenstadt, Marseille, Parenthèses, 2004, 188 p.

VANIER Martin, Le pouvoir des territoires : essai surl’interterritorialité, Paris, Economica/Anthropos (coll.Géographie), 2008, 160 p.

Ouvrages sur Le Havre et la Reconstruction

ABRAM Joseph (et alii), Les bâtisseurs ; l’album dela reconstruction du Havre, Bonsecours, co-éd. Pointsde vues/Musée Malraux, 2002, 132 p. ill.

ABRAM Joseph, COHEN Jean-Louis, LAMBERT Guy,L’encyclopédie Perret, Monum/Ifa, Paris, 2002.

COLLINS Peter, Splendeur du béton ; les prédéces-seurs et l’œuvre d’Auguste Perret, Paris, Hazan, 1995,576 p. ill.

DELAPORTEGilles (sous la dir. de), Le Havre, volonté,modernité, Le Havre, éd. de la Galerne, 1992.

DUTEURTRE Vincent et Benoît, Le Havre en pleinelumière, Paris, Gallimard, 2006, 112 p. ill.

ÉTIENNE STEINER Claire, Le Havre, un port, desvilles neuves, Paris, Monum/éd. du Patrimoine, 2005,368 p. ill.

GRAS Pierre, Ports et déports ; de l’imaginaire desvilles portuaires, (cf. notamment chapitre “Le Havresans paix ?”), Paris, L’Harmattan (coll. Carnets de ville),2003, 164 p.

REPÈRESBIBLIOGRAPHIQUES

Bibliographie / Suggested reading

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Abstract / Looking to the future

Urban history might be an eternal process of startingover, but scales and areas change with the times. Weare now, said academic Bernard Pecqueur, in the eraof the “simultaneous multiscalar” as it swims like afish through the waters of the emergent “major terri-tory”. What is the relevance, he asked, of the majorterritory at a time when the average citizen is lost in abaffling snarl of institutions? By way of reply he pro-vided definitions of two kinds of territory: one comespredetermined – administratively designatedandeasyto identify – and the other is constructed, demandingof its actors that they come to know and acknowledgeit. So it's on the basis of the predetermined territorythat the constructed one gets built. Which means theissue is no longer the “right scale” for a major terri-tory, but rather the rightness of the coordination. Andto be relevant, the coordination has to be based on areal project. QED.

Next question:what is the actual usefulness of a majorterritory. This is where the “simultaneous multiscalar”comes in. Maybe the major territory enables us tothink on all scales at the same time; but it also offersthe possibility of replicating the city’s goals and“responding to the global through the collective,competitive local” without worthwhile communalliving falling by the wayside. Time is a crucial consi-deration here: notions like “major territory” and“Grenellisation” of planning have generated disquiet,but they must be considered “emergent objects” gra-dually evolving into imperatives to be seen and relati-vised in the context of such other imperatives asglobalisation, social mixity and cohesiveness, and thereturn tourbandensity. AsBernardPecqueur is aware,the proof of this pudding will certainly be in the eating.

And since talking about major territories also meanstalking about development – of the sustainable variety,of course – where exactly is Greater Paris headed?Mireille Ferri, vice-president of the Ile-de-FranceRegion, explained that the Region’s master plan isbased on the definition of new “polycentralities” len-ding themselves to networking within the regionalarchipelago. To remain viable the Ile-de-France mustrethink its links with other cities in relation to its ownproduction and consumption, notably in the energyfield. At the same time a changing society in a chan-

ging world needs to acquire solidity in terms of “itsown modes of solidarity”, as well as on the environ-mental and economic levels.

Which brings us to the French president’s call in 2007for international approaches to the future of GreaterParis, and the selection in 2008 of six teams totalling250 professionals from France and abroad. ForAntoineGrumbach, head of one of the teams, this hasbeen the chance to elaborate on a project that hasbeen his darling for years now: extending Paris all theway to Le Havre.

Today’s Paris, his argument runs, is suffocating – andlosing its identity – inside concentric rings of develop-ment.Nineteenth-centuryhistorian JulesMichelet hadalreadywrittenof “Paris, Rouen, LeHavre: a single citywhose main street is the Seine”; and to assert itself ona European scale, the France of the 21st century needsa Greater Paris that has burst its bonds and gainedaccess to the Atlantic.This metropolitan major territory – 200 kilometreslong, with over 11 million residents – will re-establishthe Seine in its role as the unifying factor for a land-scaped economic and social entity. The need for thisrevitalisationwaspinpointedas early as theParismas-ter plan of 1965, but great ideas need time beforebeing accepted; today, given the challenges of globa-lisation and climate change, the necessity of broade-ning the city’s horizon to include Rouen and Le Havreseemsself-evident. This newGreater Pariswill bebothlinear and multipolar, transcending the nature/citydichotomy: from Paris to the sea urbanisation and thenatural environment will be carefully intertwined andwill include the kind of local fruit and vegetable pro-duction now developing in San Francisco. Transportwill include road, rail and river, integrating intermoda-lity and ensuring that any point can be reached fromany other point in an hour.

Grumbach’s study will culminate in 2009 with a “pros-pective diagnosis” and proposals for a “Post-KyotoParis”. The presidential call was for a “powerfully ori-ginal and realistic project”, and included a promise(?)regarding the necessary governance, with an initialemphasis on setting up the appropriatetechnical/administrative mechanisms.

Major territories: gettingdevelopment right

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LE MÉNOREL Alain, MÉRIEL Olivier, Le Havre entreréel et imaginaire, Cabourg, éd ; Cahiers du Temps,2005.

LIOTARDMartine, Le Havre 1930-2006 ; la renaissanceou l'irruption du moderne, préface de Paul Chemetov,Paris, Picard, 2007, 168 p.

Appartements témoins de la reconstruction du Havre,Bonsecours, co-éd. Points de vues/Musée Malraux,2007, 144 p. ill.

Brasilia, Chandigarh, Le Havre ; portraits de ville, Paris,co-éd. Somogy/Musée Malraux, 2007, 208 p. ill.

Le Havre ; la ville reconstruite par Auguste Perret -Patrimoine de l’Humanité, Paris, co-éd. Gallimard/Villedu Havre, 2007, 24 p. ill. + Dvd,

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Études et documents de recherche

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ROUX Jean-Michel et alii, “Réflexion sur les outilsdu projet à grande échelle ; habiter les berges”,Bureau de la recherche architecturale, urbaine etpaysagère - Ministère de la Culture / Plan urba-

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Études de cas, expériences locales, articles

* Le Havre et sa région :Agence d’urbanisme de la région du Havre et del’Estuaire de laSeine, Analyse et typologies des repré-sentations des habitants à l’égard de leur environne-ment et de leur cadre de vie : quartier Eure-Brindeau,Ville du Havre/PIC URBAN II, 2006, 100 p.

Agence d’urbanisme de la région du Havre et del’Estuaire de la Seine, L’Estuaire de la Seine : un passécommun, un avenir en construction, Rouen, éditionsPTC, 2008, 160 p.

Agence d’urbanisme de la région du Havre et del’Estuaire de la Seine, “Dynamique des mobilités,dynamique de l’occupation de l’espace”, Le Bulletinde l’Observatoire de l’Estuaire, n°9, sept. 2007, 12 p.,cartogr.

INSEEHaute-Normandie /AURH, “Les déplacementsdomicile-travail dans l’Estuaire de la Seine”, Cahierd’Aval n°77, sept. 2007, 12 p., cartogr.

* Territoires transfrontaliers :Agence d’urbanisme de la région grenobloise,Coordination des SCoT & projet d’agglomération dufranco-valdo-genevois ; 1ère phase : identification dessecteurs stratégiques et questions pour la Région,AURG, mai 2007, 44 p.

Agence d’urbanisme et de développement dela région Flandre-Dunkerque, Provincie West-Vlaanderen, West-Vlaasme Intercommunale, Atlastransfrontalier Côte d’Opale - West-Vlaanderen, unefrontière, deux territoires, un seul horizon ; des cléspour comprendre le territoire, Agur, 2006, 147 p.

Agence de développement et urbanisme de LilleMétropole,AiremétropolitainedeLille /Metropolitaangebied Lille / Lille Metropolitan Area : construireensemblepouruneambitioneuropéenne, Adulm,mai2005, juin 2006, nov. 2007, multipag.

SURCHAT-VIAL Nicole, “Vers une agglomérationtransfrontalière franco-suisse durable ?”, inTechni.Cités, op. cit.

70 / URBANISME / HORS SÉRIE n° 35 - janvier 2009

Bibliographie / Suggested reading

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Fondée en 1932176, rue du TempleTél. : (33) 01 45 45 45 00Télécopie : (33) 01 45 45 60 [email protected]

Hors série n° 35 de la revueURBANISME, janvier 2009,publié à l’initiative de la Fédérationnationale des agences d’urbanisme(FNAU). Il est rappelé que les textessignés n’engagent que leurs auteurs,à l’exception des titres, chapeaux,intertitres et légendes qui sontdu ressort de la rédaction.

Rédaction en chef et coordinationdu hors série : Pierre GrasSecrétariat de rédaction,documentation,choix iconographique : PGCRédaction : Pascale Decressac, PierreGras, Richard Quincerot, Olivier Réal,Serge Mouraret (reportages photogra-phiques et illustration du numéro).Révision : PGCTraductions et résumés anglais :John Tittensor

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Commission paritaire : numéro 58332ISSN : 1240-0874Code TVA : FR-1357-2070175Dépôt légal : janvier 2009

URBANISME est éditée par la SARLles Publications d’architectureet d’urbanisme au capitalde 532 500 euros (groupe CDC)

Ce numéro hors série de la revue Urbanisme, consacré au thème “L’appeldu large ; de la ville aux grands territoires”, a été réalisé à partir des tra-vaux de la XXIXe rencontre nationale des agences d’urbanisme, organiséeau Havre en octobre 2008, à l’initiative de la Fédération nationale desagences d’urbanisme, par l’Agence d’urbanisme de la région du Havre etde l’Estuaire de la Seine (AURH).

Il a été élaboré sous la direction de Marcel Belliot, délégué général de laFNAU, et d’Anne-Michèle Donnet, directeur général de l’AURH. Il a étéconçu, rédigé et mis en œuvre par une équipe de journalistes profession-nels réunis autour de Pierre Gras (PGC).

Lesorganisateursde la rencontre tiennent à remercier leministère de l’Éco-logie, de l’Énergie, du Développement durable et de l’Aménagement duTerritoire (MEEDDAT), la communauté de l’agglomération havraise(Codah), la Ville du Havre, le Port autonome du Havre, ainsi que l’ensem-ble des partenaires publics et privés pour leur participation à la réussite dece projet.

La FNAU remercie également les auteurs de contributions, documentsd’étude, cartes et autres éléments d’information utilisés pour réaliser cenuméro.

Cette sélectionbibliographique surle thème de la rencontredu Havre a été établiepar Pierre Gras (PGC).Un choix d’ouvrages oud’études publiés par lesagences d’urbanisme surle même thème, réalisépar le Club FNAU Doc etcoordonné par JocelyneLemarchand (AURH),est disponible sur le sitede la FNAU.Une bibliographie sur lesdouze ateliers organisésau Havre est en ligne surle sitewww.rencontrenationale2008-havre.fr

* Autres expériences :Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise, Propositionspour l’aménagement des interfaces ville-port de Marseille, Agam,2008, 70 p. + Dvd.

Agence dedéveloppement et d’urbanismeduPays deMontbéliard,EntreRhin et Rhône, une métropole d’un nouveau type, Adu, 2007, 56 p.

Agence d’urbanisme de l’aire toulonnaise / JOURDAN Gabriel, “Quandles ‘’nouveauxpôles’’ structurent les airesmétropolitaines”, inTechni.Cités,op. cit.

Agence d’urbanisme et de développement de l’agglomération rennaise /LALAU-KERALY Alain, “Rennes, laboratoire du ‘’grand territoire’’ ?”, inTechni.Cités, op. cit.

VANACKER Pascal, DHAUDECUYPERE Yves “L’ancien bassin minier duNord-Pas-de-Calais veut résister au décrochage social et urbain”, inTechni.Cités, op. cit.

* Divers :Techni.Cités, supplément au n° 155 du 23 septembre 2008 : “L’appel dularge ; de la ville aux grands territoires”, document préparatoire à la ren-contre nationale des agences d’urbanisme de Toulouse, 56 p., ill, biblio{disponible en téléchargement sur le site www.fnau.org}.

Page 37: R De la ville aux grands territoires - FNAU · n ° 35 20 € Hors série LaXXIXerencontrenationaledesagencesd’urbanisme,organisée du22 au24 octobre2008 auHavre,s’estsaisied’unenouvelle