116888UVW Nouvelles LP - magnard.fr · De pouvoir leur apprendre à bien souffrir la faim, ... Et,...

28
Nouvelles animalières Classiques Contemporains & LIVRET DU PROFESSEUR établi par NATHALIE LEBAILLY ET MATTHIEU GAMARD professeurs de Lettres

Transcript of 116888UVW Nouvelles LP - magnard.fr · De pouvoir leur apprendre à bien souffrir la faim, ... Et,...

Nouvellesanimalières

Classiques Contemporains&

LIVRET DU PROFESSEURétabli par

NATHALIE LEBAILLY ET MATTHIEU GAMARD

professeurs de Lettres

SOMMAIRE

DOCUMENTATION COMPLÉMENTAIREAlfred de Vigny, Les Destinées, 1843 ........................................... 3Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, 1857 .......................... 6Guy de Maupassant, « La Pitié », 1881 ................................... 10Jean-Henri Fabre, Souvenirs entomologiques, 1882, 1897 ...................................................................................................... 13

POUR COMPRENDRE :quelques réponses, quelques commentaires

Étape 1 L’Amateur d’escargots ................................................... 21Étape 2 À la recherche du « *** Claveringi » ................... 22Étape 3 Le Chat noir ............................................................................. 23Étape 4 Coco ............................................................................................... 24Étape 5 Une vendetta ......................................................................... 25Étape 6 La Bête à maît’ Belhomme ......................................... 26Étape 7 La Mule du Pape ................................................................. 27Étape 8 Synthèse ..................................................................................... 28

Conception : PAO Magnard, Barbara TamadonpourRéalisation : Nord Compo, Villeneuve-d’Ascq

DOCUMENTATION COMPLÉMENTAIRE

Alfred de Vigny, Les destinées, 1843L’un des plus célèbres poèmes de Vigny utilise la figure du loup pour méditer sur l’exis-

tence humaine.

LA MORT DU LOUP

I

Les nuages couraient sur la lune enflammée Comme sur l’incendie on voit fuir la fumée, Et les bois étaient noirs jusques à l’horizon. Nous marchions, sans parler, dans l’humide gazon, Dans la bruyère épaisse et dans les hautes brandes, Lorsque, sous des sapins pareils à ceux des Landes, Nous avons aperçu les grands ongles marqués Par les loups voyageurs que nous avions traqués. Nous avons écouté, retenant notre haleine Et le pas suspendu. – Ni le bois ni la plaine Ne poussaient un soupir dans les airs ; seulement La girouette en deuil criait au firmament ; Car le vent, élevé bien au-dessus des terres, N’effleurait de ses pieds que les tours solitaires, Et les chênes d’en bas, contre les rocs penchés, Sur leurs coudes semblaient endormis et couchés. Rien ne bruissait donc, lorsque, baissant la tête, Le plus vieux des chasseurs qui s’étaient mis en quête A regardé le sable en s’y couchant ; bientôt, Lui que jamais ici l’on ne vit en défaut, A déclaré tout bas que ces marques récentes Annonçaient la démarche et les griffes puissantes De deux grands loups-cerviers et de deux louveteaux. Nous avons tous alors préparé nos couteaux,

3

Et, cachant nos fusils et leurs lueurs trop blanches, Nous allions, pas à pas, en écartant les branches. Trois s’arrêtent, et moi, cherchant ce qu’ils voyaient, J’aperçois tout à coup deux yeux qui flamboyaient, Et je vois au-delà quatre formes légères Qui dansaient sous la lune au milieu des bruyères, Comme font chaque jour, à grand bruit sous nos yeux, Quand le maître revient, les lévriers joyeux. Leur forme était semblable et semblable la danse, Mais les enfants du Loup se jouaient en silence, Sachant bien qu’à deux pas, ne dormant qu’à demi, Se couche dans ses murs l’homme, leur ennemi. Le père était debout, et plus loin, contre un arbre, Sa Louve reposait comme celle de marbre Qu’adoraient les Romains, et dont les flancs velus Couvaient les demi-dieux Rémus et Romulus. Le Loup vient et s’assied, les deux jambes dressées Par leurs ongles crochus dans le sable enfoncées. Il s’est jugé perdu, puisqu’il était surpris, Sa retraite coupée et tous ses chemins pris ; Alors il a saisi, dans sa gueule brûlante, Du chien le plus hardi la gorge pantelante, Et n’a pas desserré ses mâchoires de fer, Malgré nos coups de feu qui traversaient sa chair, Et nos couteaux aigus qui, comme des tenailles, Se croisaient en plongeant dans ses larges entrailles, Jusqu’au dernier moment où le chien étranglé, Mort longtemps avant lui, sous ses pieds a roulé. Le Loup le quitte alors et puis il nous regarde. Les couteaux lui restaient au flanc jusqu’à la garde, Le clouaient au gazon tout baigné dans son sang ; Nos fusils l’entouraient en sinistre croissant. Il nous regarde encore, ensuite il se recouche, Tout en léchant le sang répandu sur sa bouche, Et, sans daigner savoir comment il a péri, Refermant ses grands yeux, meurt sans jeter un cri.

4

II

J’ai reposé mon front sur mon fusil sans poudre, Me prenant à penser, et n’ai pu me résoudre À poursuivre sa Louve et ses fils, qui, tous trois, Avaient voulu l’attendre ; et, comme je le crois, Sans ses deux Louveteaux, la belle et sombre veuve Ne l’eût pas laissé seul subir la grande épreuve ; Mais son devoir était de les sauver, afin De pouvoir leur apprendre à bien souffrir la faim, À ne jamais entrer dans le pacte des villes Que l’homme a fait avec les animaux serviles Qui chassent devant lui, pour avoir le coucher, Les premiers possesseurs du bois et du rocher.

III

Hélas ! ai-je pensé, malgré ce grand nom d’Hommes, Que j’ai honte de nous, débiles que nous sommes ! Comment on doit quitter la vie et tous ses maux, C’est vous qui le savez, sublimes animaux ! À voir ce que l’on fut sur terre et ce qu’on laisse, Seul le silence est grand ; tout le reste est faiblesse. – Ah ! je t’ai bien compris, sauvage voyageur, Et ton dernier regard m’est allé jusqu’au cœur ! Il disait : « Si tu peux, fais que ton âme arrive, À force de rester studieuse et pensive, Jusqu’à ce haut degré de stoïque fierté Où, naissant dans les bois, j’ai tout d’abord monté. Gémir, pleurer, prier est également lâche. Fais énergiquement ta longue et lourde tâche Dans la voie où le sort a voulu t’appeler, Puis, après, comme moi, souffre et meurs sans parler. »

Écrit au château du M***, 1843.

5

Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, 1857Si le bestiaire baudelairien n’est guère développé, on rencontre néanmoins à plusieurs

reprises le chat, qui avait également fasciné Poe comme en témoigne la nouvelle du Chatnoir.

LE CHAT

Viens, mon beau chat, sur mon cœur amoureux ;Retiens les griffes de ta patte,Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,Mêlés de métal et d’agate.

Lorsque mes doigts caressent à loisirTa tête et ton dos élastique,Et que ma main s’enivre du plaisirDe palper ton corps électrique,

Je vois ma femme en esprit. Son regard,Comme le tien, aimable bêteProfond et froid, coupe et fend comme un dard,

Et, des pieds jusques à la tête,Un air subtil, un dangereux parfumNagent autour de son corps brun.

« Spleen et idéal », XXXIV.

LE CHAT

I

Dans ma cervelle se promène,Ainsi qu’en son appartement,Un beau chat, fort, doux et charmant.Quand il miaule, on l’entend à peine,

6

Tant son timbre est tendre et discret ;Mais que sa voix s’apaise ou gronde,Elle est toujours riche et profonde.C’est là son charme et son secret.

Cette voix, qui perle et qui filtreDans mon fonds le plus ténébreux,Me remplit comme un vers nombreuxEt me réjouit comme un philtre.

Elle endort les plus cruels mauxEt contient toutes les extases ;Pour dire les plus longues phrases,Elle n’a pas besoin de mots.

Non, il n’est pas d’archet qui mordeSur mon cœur, parfait instrument,Et fasse plus royalementChanter sa plus vibrante corde,

Que ta voix, chat mystérieux,Chat séraphique, chat étrange,En qui tout est, comme en un ange,Aussi subtil qu’harmonieux !

II

De sa fourrure blonde et bruneSort un parfum si doux, qu’un soirJ’en fus embaumé, pour l’avoirCaressée une fois, rien qu’une.

C’est l’esprit familier du lieu ;Il juge, il préside, il inspireToutes choses dans son empire ;Peut-être est-il fée, est-il dieu ?

7

Quand mes yeux, vers ce chat que j’aimeTirés comme par un aimant,Se retournent docilementEt que je regarde en moi-même,

Je vois avec étonnementLe feu de ses prunelles pâles,Clairs fanaux, vivantes opalesQui me contemplent fixement.

« Spleen et idéal », LI.

LES CHATS

Les amoureux fervents et les savants austèresAiment également, dans leur mûre saison,Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires.

Amis de la science et de la voluptéIls cherchent le silence et l’horreur des ténèbres ;L’Érèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres,S’ils pouvaient au servage incliner leur fierté.

Ils prennent en songeant les nobles attitudesDes grands sphinx allongés au fond des solitudes,Qui semblent s’endormir dans un rêve sans fin ;

Leurs reins féconds sont pleins d’étincelles magiques,Et des parcelles d’or, ainsi qu’un sable fin,Étoilent vaguement leurs prunelles mystiques.

« Spleen et idéal », LXVI.

8

L’HÉAUTONTIMOROUMÉNOS

À J.G.F.

Je te frapperai sans colèreEt sans haine, comme un boucher,Comme Moïse le rocherEt je ferai de ta paupière,

Pour abreuver mon SaharahJaillir les eaux de la souffrance.Mon désir gonflé d’espéranceSur tes pleurs salés nagera

Comme un vaisseau qui prend le large,Et dans mon cœur qu’ils soûlerontTes chers sanglots retentirontComme un tambour qui bat la charge !

Ne suis-je pas un faux accordDans la divine symphonie,Grâce à la vorace IronieQui me secoue et qui me mord

Elle est dans ma voix, la criarde !C’est tout mon sang ce poison noir !Je suis le sinistre miroirOù la mégère se regarde.

Je suis la plaie et le couteau !Je suis le soufflet et la joue !Je suis les membres et la roue,Et la victime et le bourreau !

9

Je suis de mon cœur le vampire,– Un de ces grands abandonnésAu rire éternel condamnésEt qui ne peuvent plus sourire !

« Spleen et idéal », LXXXIII.

Guy de Maupassant, « La Pitié », 1881Dans cette courte chronique parue dans Le Gaulois, Maupassant appelle le lecteur à

ne pas confondre sensibilité et sensiblerie à une époque où le regard sur les animaux com-mence à changer. C’est l’histoire d’un chameau qui lui permet d’illustrer son propos. Leton n’est pas tellement éloigné de celui de Coco.

LA PITIÉ

M. le docteur de Cyon publiait dernièrement ici même une étude sur la vivisec-tion et sur le ridicule attendrissement qui fait s’indigner les bonnes âmes devant lestravaux cruels des physiologistes expérimentateurs. J’ai entendu dire souvent, depuisque cette question remue de nouveau l’opinion : « Cela devrait être défendu de mar-tyriser ainsi les bêtes au nom d’une science féroce et souvent impuissante. » Or il neserait pas difficile de citer les immenses résultats obtenus déjà au bénéfice de l’hu-manité. Le public, n’en percevant pas les avantages immédiats, les méconnaît. Simpleignorance de sa part. Mais, puisque nous avons une telle provision de commisérationà dépenser, on la pourrait mieux employer.

Il est un misérable animal dont la vie entière n’est qu’un martyre, un horrible mar-tyre, dont toutes les heures douloureuses sont données à notre service ; qui ne connaîtaucun repos, aucune gaieté, aucune gambade libre, aucun répit dans son effroyableexistence de coups reçus, de fatigues torturantes, de labeur violent, incessant, meur-trier, que nous voyons dans les rues, saignant sous le collier qui le déchire, avec desplaies hideuses aux flancs, les jambes déformées par des travaux trop durs, geignant,râlant dans les rudes montées, sous les coups de lanière et de manche de fouet. C’estle cheval. Et nous trouvons naturel l’horrible sort de cette lamentable bête parce quedu matin au soir sa souffrance nous est utile. Nous passons, le cœur tranquille, devantces régiments de squelettes attachés à ces boîtes en sapin nommées fiacres ; nouscontribuons, par les gros pourboires pour les courses rapides, à hâter l’agonie de ceforçat du brancard. Et, quand nous voyons ces victimes de notre odieuse indifférence

10

abattues sur le pavé, soufflant d’angoisse, l’œil navrant, les jambes inertes, nous nousarrêtons à regarder comme devant un spectacle plein d’intérêt. Eh bien, puisqu’il setrouve des gens pour demander une loi contre les vivisecteurs, ne s’en trouve-t-il pasd’autres qui demanderont, réclameront, au nom de la pitié pour les bêtes que noussacrifions férocement à nos besoins, que tout cheval ait droit à un mois de prairiechaque année, comme les employés ont droit au dimanche ?

Cela va paraître absurde. Ça ne l’est pas autant que cet attendrissement déplacépour des chiens qui sont moins martyrisés dans les laboratoires que les chevauxdans les rues, et qui, en tout cas, seraient le lendemain affreusement massacrés àla fourrière.

Nous confondons presque toujours la sensiblerie avec la sensibilité. Pour saisirdans la vie même le secret vivant de nos infirmités, on sacrifie quelques bêtescondamnées à la mort, et nous hurlons. Puis quand, pour satisfaire on ne sait quellesambitions, on ne sait quels antiques préjugés de gloire et de vanité nationale, onenvoie des milliers d’hommes combattre et mourir sur la terre inféconde d’Afrique,nous trouvons cela simple et naturel. La mort de ces bêtes nous est utile ; celle de cesenfants français ne nous servira de rien ; nous nous indignons de l’une ; nous nousinclinons devant l’autre. Qu’est-ce donc qu’on appelle la Raison ?

La commisération pour les bêtes est d’ailleurs un des sentiments les plus respec-tables qui soient. Elle est, de plus, la marque certaine des civilisations avancées. Lepaysan confine à la brute ; son cœur est dur aux animaux, sa main féroce. Les char-retiers, ces sortes d’êtres à la jambe traînante, qui savent à peine parler, parce qu’ils nepensent pas, assomment leurs chevaux lorsque ceux-ci sont impuissants à traîner detrop lourds fardeaux. Le peuple des villes est charitable aux bêtes. Je viens de nom-mer l’Afrique. C’est la terre de l’indifférence pour toute souffrance, du mépris de lavie, du stoïcisme odieux. J’ai ressenti là une des plus fortes émotions de pitié qu’onpuisse avoir. L’image ineffaçable de cette courte et simple vision d’une bête agoni-sante me poursuit depuis lors, me hante ; et je revois tout, le paysage, la place, lesmoindres détails de cette scène qui m’a remué presque jusqu’aux moelles.

Depuis deux semaines nous parcourions à cheval d’immenses espaces de terrebrûlée ; couchant sous la tente dans le voisinage des douars, puis repartant avant lesoleil levé.

Pendant les premiers jours, nous avions traversé des plaines où l’on retrouvaitencore, par places, des touffes d’herbe séchée, une sorte de paille hachée menu, cuitepar six mois de soleil sans une goutte de pluie tombée du ciel. Là-dedans erraientdes troupeaux. Tantôt c’étaient des armées de moutons de la couleur du sable.

11

Tantôt à l’horizon se profilaient des bêtes singulières, que la distance faisait petiteleur dos en bosse, leur grand cou recourbé, leur allure lente, pour des bandes dehauts dindons.

Puis, en approchant, on reconnaissait des chameaux, avec leur ventre gonflé desdeux côtés comme un double ballon, comme une outre démesurée, leur ventre quicontient jusqu’à soixante litres d’eau. Eux aussi avaient la couleur du désert, commetous les êtres nés dans ces solitudes jaunes, le lion, l’hyène, le chacal, le crapaud, lelézard, le scorpion, l’homme lui-même prennent là toutes les nuances du sol calciné,depuis le roux brûlant des dunes mouvantes jusqu’au gris pierreux des montagnes. Etla petite alouette des plaines est si pareille à la poussière de terre, qu’on la voit seule-ment quand elle s’envole.

Puis on ne rencontra plus même de petits oiseaux. Il n’y avait pas un puits, pasune source, pas une goutte d’eau, à deux cents kilomètres autour de nous. Cinq centsmètres en avant de notre petite troupe, un cavalier servant de guide nous dirigeait àtravers la morne et toute droite solitude. Pendant dix minutes, il allait au pas, immo-bile sur la selle, et chantant, en sa langue, une chanson traînante, avec ces rythmesétranges de là-bas. Nous imitions son allure. Puis soudain il partait au trot, à peinesecoué, son grand burnous voltigeant, le corps d’aplomb, debout sur les étriers. Etnous partions derrière lui, jusqu’au moment où il s’arrêtait pour reprendre un trainplus doux.

Je demandai à mon voisin :– Comment peut-il nous conduire à travers ces espaces nus, sans points de repère ?Il me répondit.– Quand il n’y aurait que les os des chameaux.En effet, de quart d’heure en quart d’heure, nous rencontrions quelque ossement

énorme rongé par les bêtes, cuit par le soleil, tout blanc, tachant le sable. C’était par-fois un morceau de jambe, parfois un morceau de mâchoire, parfois un bout decolonne vertébrale.

– D’où viennent tous ces débris ? demandai-je.Mon voisin répliqua :– Les caravanes laissent en route chaque animal qui ne peut plus suivre ; et les cha-

cals n’emportent pas tout.Et pendant plusieurs journées nous avons continué ce voyage monotone, derrière

le même Arabe, dans le même ordre, toujours à cheval, presque sans parler.Or, un après-midi, comme nous devions, au soir, atteindre une oasis, j’aperçus,

très loin devant nous, une masse brune, grossie d’ailleurs par le mirage, et dontla forme m’étonna. À notre approche, deux vautours s’envolèrent. C’était une cha-

12

rogne encore baveuse, malgré la chaleur, vernie par le sang pourri. La poitrine seulerestait, les membres ayant été sans doute emportés par les voraces mangeursde morts.

– Une caravane nous précède, dit le lieutenant.Quelques heures après, on entrait dans une sorte de ravin, de défilé, fournaise

effroyable, aux rochers dentelés comme des scies, pointus, rageurs, révoltés, semble-t-il, contre ce ciel impitoyablement féroce. Un autre corps gisait là. Un chacal s’en-fuit qui le dévorait. Puis, au moment où l’on débouchait de nouveau dans une plaine,une masse grise, étendue devant nous, remua, et lentement, au bout d’un cou déme-suré, je vis se dresser la tête d’un chameau agonisant. Il était là, sur le flanc, depuisdeux ou trois jours peut-être, mourant de fatigue et de soif. Ses longs membres qu’onaurait dit briscaillés, inertes, mêlés, gisaient sur le sol de feu. Et, lui, nous entendantvenir, avait levé sa tête, comme un phare. Son front rongé par l’inexorable soleiln’était qu’une plaie, coulait ; et son œil résigné nous suivit. Il ne poussa pas un gémis-sement, ne fit pas un effort pour se lever ; on eût cru qu’il savait ; que, ayant déjà vumourir ainsi beaucoup de ses frères dans ses longs voyages à travers les solitudes, ilconnaissait bien l’inclémence des hommes. C’était son tour, voilà tout. Nous pas-sâmes. Or, m’étant retourné longtemps après, j’aperçus encore, dressé sur le sable, legrand col de la bête abandonnée regardant jusqu’à la fin s’enfoncer à l’horizon les der-niers vivants qu’elle dut voir.

Une autre fois, ce fut un chien, tapi contre un roc, la gueule ouverte, les crocs lui-sants, incapable de remuer une patte, l’œil tendu sur deux vautours qui, près de là,épluchaient leurs plumes en attendant sa mort. Il était tellement obsédé par la terreurdes bêtes patientes, avides de sa chair, qu’il ne tourna pas la tête, qu’il ne sentit pasles pierres qu’un spahi lui lançait en passant.

Une autre fois, ce fut un homme foudroyé sur la route par un coup de soleil. Onle porta jusqu’au caravansérail (c’était en Kabylie) et on le laissa mourir sur une bottede paille, à l’ombre d’un mur.

Mais jamais, jamais, je n’ai eu le cœur aussi profondément remué qu’à la vue dutriste chameau laissé derrière nous dans le désert.

Chronique publiée dans Le Gaulois du 22 décembre 1881.

Jean-Henri Fabre, Souvenirs entomologiques, 1882, 1897Dans « Histoire de mes chats », le naturaliste mêle souvenirs autobiographiques et

observation scientifique.

13

Dans le second extrait, Fabre propose une relecture de La Fontaine à la lumière de sespropres observations de terrain en Provence. Il renverse quelques idées reçues sur la cigaleet la fourmi.

HISTOIRE DE MES CHATS

[…] Jusqu’à quel point le chat mérite-t-il le renom de savoir revenir au logis aimé,aux lieux de ses ébats amoureux, sur les toits et dans les greniers ? On raconte sur soninstinct les faits les plus curieux, les livres d’histoire naturelle enfantine regorgent dehauts faits qui font le plus grand honneur à ses talents de pèlerin. Je tiens ces récitsen médiocre estime ; ils viennent d’observateurs improvisés, sans critique, portés àl’exagération. Il n’est pas donné au premier venu de parler correctement de la bête.Lorsque quelqu’un qui n’est pas du métier me dit de l’animal : c’est noir, je com-mence par m’informer si par hasard ce ne serait pas blanc ; et bien des fois le fait setrouve dans la proposition renversée. On me célèbre le chat comme expert envoyages. C’est bien : regardons-le comme un inepte voyageur. J’en serais là, si jen’avais que le témoignage des livres et des gens non habitués aux scrupules de l’exa-men scientifique. Heureusement j’ai connaissance de quelques faits qui ne laissentaucune prise à mon scepticisme. Le chat mérite réellement sa réputation de perspi-cace pèlerin. Racontons ces faits.

Un jour, c’était à Avignon, parut sur la muraille du jardin un misérable chat, lepoil en désordre, les flancs creux, le dos dentelé par la maigreur. Il miaulait de famine.Mes enfants, très jeunes alors, eurent pitié de sa misère. Du pain trempé dans du laitlui fut présenté au bout d’un roseau. Il accepta. Les bouchées se succédèrent si bienque, repu, il partit malgré tous les « Minet ! Minet ! » de ses compatissants amis. Lafaim revint et l’affamé reparut au réfectoire de la muraille. Même service de paintrempé dans du lait, mêmes douces paroles ; il se laissa tenter. Il descendit. On putlui toucher le dos. Mon Dieu ! qu’il était maigre !

Ce fut la grande question du jour. On en parlait à table ; on apprivoiserait le vaga-bond, on le garderait, on lui ferait une couchette de foin. C’était bien une belleaffaire ! Je vois encore, je verrai toujours le conseil d’étourdis délibérant sur le sort duchat. Ils firent tant que la sauvage bête resta. Bientôt ce fut un superbe matou. Sagrosse tête ronde, ses jambes musculeuses, son pelage roux avec taches plus foncées,rappelaient un petit jaguar. On le nomma Jaunet à cause de sa couleur fauve. Unecompagne lui advint plus tard, racolée dans des circonstances à peu près pareilles.Telle est l’origine de ma série de Jaunets, que je conserve, depuis tantôt une vingtained’années, à travers les vicissitudes de mes déménagements.

14

Le premier de ces déménagements eut lieu en 1870. […]Le déménagement des chats ne fut pas sans nous donner des soucis. Nous y

tenions tous et nous nous serions fait un crime d’abandonner à la misère, et sansdoute à de stupides méchancetés, ces pauvres bêtes si souvent caressées. Les jeunes etles chattes voyageront sans encombre : cela se met dans un panier, cela se tient tran-quille en route ; mais pour les vieux matous, la difficulté n’est pas petite. J’en avaisdeux : le chef de lignée, le patriarche, et un de ses descendants, tout aussi fort que lui.Nous prendrons l’aïeul, s’il veut bien s’y prêter, nous laisserons le petit-fils en lui fai-sant un sort.

Un de mes amis, M. le docteur Loriol, se chargea de l’abandonné. À la tombée dela nuit, la bête lui fut portée dans une corbeille close. À peine étions-nous à table pourle repas du soir, causant de l’heureuse chance échue à notre matou, que nous voyonsbondir par la fenêtre une masse ruisselant d’eau. Ce paquet informe vint se frotter ànos jambes en ronronnant de bonheur.

C’était le chat. Le lendemain je sus son histoire.Amené chez M. Loriol, on l’enferma dans une chambre. Dès qu’il se vit prisonnier

dans une pièce inconnue, le voilà qui bondit furieux sur les meubles, aux carreaux devitre, parmi les décors de la cheminée, menaçant de tout saccager. Mme Loriol eutfrayeur du petit affolé : elle se hâta d’ouvrir la fenêtre et l’animal bondit dans la rue,au milieu des passants. Quelques minutes après, il avait retrouvé sa maison. Et cen’était pas chose aisée : il fallait traverser la ville dans une grande partie de sa largeur,il fallait parcourir un long dédale de rues populeuses, au milieu de mille périls, parmilesquels les gamins d’abord et puis les chiens ; il fallait enfin, obstacle peut-être encoreplus sérieux, franchir un cours d’eau, la Sorgue, qui passe à l’intérieur d’Avignon. Desponts se présentaient, nombreux même, mais l’animal, tirant au plus court, ne lesavait pas suivis et bravement s’était jeté à l’eau comme le témoignait sa fourrure ruis-selante. J’eus pitié du matou, si fidèle au logis. Il fut convenu que tout le possible seraitfait pour l’amener avec nous. Nous n’eûmes pas ce tracas : à quelques jours de là, il futtrouvé raide sous un arbuste du jardin. La vaillante bête avait été victime de quelquestupide méchanceté. On me l’avait empoisonné. Qui ? Probablement pas mes amis.

Restait le vieux. Il n’était pas là quand nous partîmes ; il courait aventures dans lesgreniers du voisinage. Dix francs d’étrennes furent promis au voiturier s’il m’amenaitle chat à Orange, avec l’un des chargements qu’il avait encore à faire. À son derniervoyage, en effet, il l’amena dans le caisson de la voiture. Quand on ouvrit sa prisonroulante, où il était enfermé depuis la veille, j’eus de la peine à reconnaître mon vieuxmatou. Il sortit de là un animal redoutable, au poil hérissé, aux yeux injectés de sang,aux lèvres blanchies de bave, griffant et soufflant. Je le crus enragé, et quelque temps

15

le surveillai de près. Je me trompais : c’était l’effarement de l’animal dépaysé. Avait-il eu de graves affaires avec le voiturier au moment d’être saisi ? avait-il souffert envoyage ? L’histoire là-dessus reste muette. Ce que je sais bien, c’est que l’animal sem-blait perverti : plus de ronrons amicaux, plus de frictions contre nos jambes ; mais unregard assauvagi, une sombre tristesse. Les bons traitements ne purent l’adoucir. Iltraîna ses misères d’un recoin à l’autre encore quelques semaines, puis un matin je letrouvai trépassé dans les cendres du foyer. Le chagrin l’avait tué, la vieillesse aidant.Serait-il revenu à Avignon s’il en avait eu la force ? Je n’oserais l’affirmer. Je trouve dumoins très remarquable qu’un animal se laisse mourir de nostalgie parce que les infir-mités de l’âge l’empêchent de retourner au pays.

Ce que le patriarche n’a pu tenter, un autre va le faire, avec une distance bienmoindre, il est vrai. Un nouveau déménagement est résolu pour trouver à la fin desfins la tranquillité nécessaire à mes travaux. Cette fois-ci ce sera le dernier, je l’espèrebien. Je quitte Orange pour Sérignan.

La famille des Jaunets s’est renouvelée : les anciens ne sont plus, de nouveaux sontvenus, parmi lesquels un matou adulte, digne en tous points de ses ancêtres. Lui seuldonnera des difficultés : les autres, jeunes et chattes, déménageront sans tracas. Onles met dans des paniers. Le matou à lui seul occupe le sien, sinon la paix serait com-promise. Le voyage se fait en voiture, en compagnie de ma famille. Rien de saillantjusqu’à l’arrivée. Extraites de leurs paniers, les chattes visitent le nouveau domicile,elles explorent une à une les pièces ; de leur nez rose, elles reconnaissent les meubles :ce sont bien leurs chaises, leurs tables, leurs fauteuils, mais les lieux ne sont pas lesmêmes. Il y a de petits miaulements étonnés, des regards interrogateurs. Quelquescaresses et un peu de pâtée calment toute appréhension ; et du jour au lendemain, leschattes sont acclimatées.

Avec le matou, c’est une autre affaire. On le loge dans les greniers, où il trouveraampleur d’espace pour ses ébats ; on lui tient compagnie pour adoucir les ennuis dela captivité ; on lui monte double part d’assiettes à lécher ; de temps en temps, on lemet en rapport avec quelques-uns des siens pour lui apprendre qu’il n’est pas seuldans la maison ; on a pour lui mille petits soins dans l’espoir de lui faire oublierOrange. Il paraît l’oublier en effet : le voilà doux sous la main qui le flatte, il accourtà l’appel, il ronronne, il fait le beau. C’est bien : une semaine de réclusion et de douxtraitements ont banni toute idée de retour. Donnons-lui la liberté. Il descend à la cui-sine, il stationne comme les autres autour de la table, il sort dans le jardin, sous la sur-veillance d’Aglaé qui ne le perd pas des yeux, il visite les alentours de l’air le plus inno-cent. Il rentre. Victoire ! le chat ne s’en ira pas.

Le lendemain : « Minet ! Minet !… » pas de Minet. On cherche, on appelle. Rien.

16

— Ah ! le tartufe, le tartufe ! Comme il nous a trompés ! Il est parti, il est à Orange.Autour de moi, personne n’ose croire à cet audacieux pèlerinage. J’affirme que ledéserteur est en ce moment à Orange, miaulant devant la maison fermée.

Aglaé et Claire partirent. Elles trouvèrent le chat comme je l’avais dit, et le rame-nèrent dans une corbeille. Il avait le ventre et les pattes crottés de terre rouge ; cepen-dant le temps était sec, il n’y avait pas de boue. L’animal s’était donc mouillé en tra-versant le torrent de l’Aygues, et l’humidité de la fourrure avait retenu la poussièrerouge des champs traversés. La distance en ligne droite de Sérignan à Orange est desept kilomètres. Deux ponts se trouvent sur l’Aygues, l’un en amont, l’autre en avalde cette ligne droite, à une distance assez grande. Le chat n’a pris ni l’un ni l’autre :son instinct lui indique la ligne la plus courte, et il a suivi cette ligne comme l’indiqueson ventre crotté de rouge. Il a traversé le torrent en mai, à une époque où les eauxsont abondantes ; il a surmonté ses répugnances aquatiques pour revenir au logisaimé. Le matou d’Avignon en avait fait autant en traversant la Sorgue.

Le déserteur est réintégré dans le grenier de Sérignan. Il y séjourne quinze jours,et finalement on le lâche. Vingt-quatre heures ne s’étaient pas écoulées qu’il était deretour à Orange. Il fallut l’abandonner à son malheureux sort. Un voisin de monancienne demeure, en pleine campagne, m’a raconté l’avoir vu un jour se déroberderrière une haie avec un lapin aux dents. N’ayant plus de pâtée, lui, habitué à toutesles douceurs de la vie féline, il s’est fait braconnier, exploitant les basses-cours dans levoisinage de la maison déserte. Je n’ai plus eu de ses nouvelles. Il a mal fini sansdoute : devenu maraudeur, il a dû finir en maraudeur.

IIe série, chapitre 8, 1882.

LA FABLE DE LA CIGALE ET LA FOURMI

La renommée se fait surtout avec des légendes ; le conte a le pas sur l’histoire dansle domaine de l’animal comme dans le domaine de l’homme. L’insecte, en particu-lier, s’il attire notre attention d’une manière ou de l’autre, a son lot de récits popu-laires dont le moindre souci est celui de la vérité.

Et, par exemple, qui ne connaît, au moins de nom, la Cigale ? Où trouver, dansle monde entomologique, une renommée pareille à la sienne ? Sa réputation de chan-teuse passionnée, imprévoyante de l’avenir, a servi de thème à nos premiers exercicesde mémoire. En de petits vers, aisément appris, on nous la montre fort dépourvuequand la bise est venue et courant crier famine chez la Fourmi, sa voisine. Mal

17

accueillie, l’emprunteuse reçoit une réponse topique, cause principale du renom dela bête. Avec leur triviale malice, les deux courtes lignes :

Vous chantiez ! j’en suis fort aiseEh bien, dansez maintenantont plus fait pour la célébrité de l’insecte que ses exploits de virtuosité. Cela

pénètre comme un coin dans l’esprit infantile et n’en sort jamais plus.La plupart ignorent le chant de la Cigale, cantonnée dans la région de l’olivier ;

nous savons tous, grands et petits, sa déconvenue auprès de la Fourmi. À quoi tientdonc la renommée ! Un récit de valeur fort contestable, où la morale est offensée toutautant que l’histoire naturelle, un conte de nourrice dont tout le mérite est d’être court,telle est la base d’une réputation qui dominera les ruines des âges tout aussi crânementque pourront le faire les bottes du Petit Poucet et la galette du Chaperon Rouge.

L’enfant est le conservateur par excellence. L’usage, les traditions deviennentindestructibles, une fois confiés aux archives de sa mémoire. Nous lui devons la célé-brité de la Cigale, dont il a balbutié les infortunes en ses premiers essais de récitation.Avec lui se conserveront les grossiers non-sens qui font le tissu de la fable : la Cigalesouffrira toujours de la faim quand viendront les froids, bien qu’il n’y ait plus deCigales en hiver ; elle demandera toujours l’aumône de quelques grains de blé, nour-riture incompatible avec son délicat suçoir ; en suppliante, elle fera la quête demouches et de vermisseaux, elle qui ne mange jamais.

À qui revient la responsabilité de ces étranges erreurs ? La Fontaine, qui nouscharme dans la plupart de ses fables par une exquise finesse d’observation, est ici bienmal inspiré. Il connaît à fond ses premiers sujets, le Renard, le Loup, le Chat, le Bouc,le Corbeau, le Rat, la Belette et tant d’autres, dont il nous raconte les faits et gestesavec une délicieuse précision de détails. Ce sont des personnages du pays, des voisins,des commensaux. Leur vie publique et privée se passe sous ses yeux ; mais la Cigaleest une étrangère là où gambade Jeannot Lapin ; La Fontaine ne l’a jamais entendue,ne l’a jamais vue. Pour lui, la célèbre chanteuse est certainement une sauterelle.

[…]La fable nous vient néanmoins de la Grèce, pays par excellence de l’olivier et de

la Cigale. Ésope en est-il bien l’auteur, comme le veut la tradition ? C’est douteux.Peu importe après tout : le narrateur est grec, il est compatriote de la Cigale, qu’il doitsuffisamment connaître. Il n’y a pas dans mon village de paysan assez borné pourignorer le défaut absolu des Cigales en hiver ; tout remueur de terre y connaît lepremier état de l’insecte, la larve, que sa bêche exhume si souvent quand il faut, àl’approche des froids, chausser les oliviers ; il sait, l’ayant vu mille fois sur le bord dessentiers, comment en été cette larve sort de terre, par un puits rond, son ouvrage ;

18

comment elle s’accroche à quelque brindille, se fend sur le dos, rejette sa dépouille,plus aride qu’un parchemin racorni, et donne la Cigale, d’un tendre vert d’herbe rapi-dement remplacé par le brun.

Le paysan de l’Attique n’était pas un sot, lui non plus ; il avait remarqué ce qui nepeut échapper au regard le moins observateur ; il savait ce que savent si bien mes rus-tiques voisins. Le lettré, quel qu’il soit, auteur de la fable, se trouvait dans lesmeilleures conditions pour être au courant de ces choses-là. D’où proviennent alorsles erreurs de son récit ?

[…]Essayons de réhabiliter la chanteuse calomniée par la fable. C’est une importune

voisine, je me hâte de le reconnaître. Tous les étés, elle vient s’établir par centainesdevant ma porte, attirée qu’elle est par la verdure de deux grands platanes ; et là, dulever au coucher du soleil, elle me martèle de sa rauque symphonie. Avec cet étour-dissant concert, la pensée est impossible ; l’idée tournoie, prise de vertige, incapablede se fixer. Si je n’ai pas profité des heures matinales, la journée est perdue.

Ah ! bête ensorcelée, plaie de ma demeure que je voudrais si paisible ; on dit queles Athéniens t’élevaient en cage pour jouir à l’aise de ton chant. Une passe encore,pendant la somnolence de la digestion ; mais des centaines, bruissant à la fois et voustympanisant l’ouïe lorsque la réflexion se recueille, c’est un vrai supplice ! Tu faisvaloir pour excuse tes droits de première occupante. Avant mon arrivée, les deux pla-tanes t’appartenaient sans réserve ; et c’est moi qui suis l’intrus sous leur ombrage.D’accord : mets néanmoins une sourdine à tes cymbales, modère tes arpèges enfaveur de ton historien.

La vérité rejette comme invention insensée ce que nous dit la fabuliste. Qu’il y aitparfois des relations entre la Cigale et la Fourmi, rien de plus certain ; seulement cesrelations sont l’inverse de ce qu’on nous raconte. Elles ne viennent pas de l’initiativede la première, qui n’a jamais besoin du secours d’autrui pour vivre ; elles viennentde la seconde, rapace exploiteuse, accaparant dans ses greniers toute chose comestible.En aucun temps, la Cigale ne va crier famine aux portes des fourmilières, promettantloyalement de rendre intérêt et principal ; tout au contraire, c’est la Fourmi qui, pres-sée par la disette, implore la chanteuse. Que dis-je, implore ! Emprunter et rendren’entrent pas dans les mœurs de la pillarde. Elle exploite la Cigale, effrontément ladévalise. Expliquons ce rapt, curieux point d’histoire non encore connu.

En juillet, aux heures étouffantes de l’après-midi, lorsque la plèbe insecte, exté-nuée de soif, erre cherchant en vain à se désaltérer sur les fleurs fanées, taries, la Cigalese rit de la disette générale. Avec son rostre, fine vrille, elle met en perce une pièce desa cave inépuisable. Établie, toujours chantant, sur un rameau d’arbuste, elle fore

19

l’écorce ferme et lisse que gonfle une sève mûrie par le soleil. Le suçoir avant plongépar le trou de bonde, délicieusement elle s’abreuve, immobile, recueillie, tout entièreaux charmes du sirop et de la chanson.

Surveillons-la quelque temps. Nous assisterons peut-être à des misères inattendues.De nombreux assoiffés rôdent, en effet ; ils découvrent le puits que trahit un suinte-ment sur la margelle. Ils accourent, d’abord avec quelque réserve, se bornant à lécherla liqueur extravasée. Je vois s’empresser autour de la piqûre melliflue des Guêpes, desMouches, des Forficules, des Sphex, des Pompiles, des Cétoines, des Fourmis surtout.

Les plus petits, pour se rapprocher de la source, se glissent sous le ventre de laCigale, qui, débonnaire, se hausse sur les pattes et laisse passage libre aux importuns ;les plus grands, trépignant d’impatience, cueillent vite une lippée, se retirent, vontfaire un tour sur les rameaux voisins, puis reviennent, plus entreprenants. Les convoi-tises s’exacerbent ; les réservés de tantôt deviennent turbulents agresseurs, disposés àchasser de la source le puisatier qui l’a fait jaillir.

En ce coup de bandits, les plus opiniâtres sont les Fourmis. J’en ai vu mordiller laCigale au bout des pattes ; j’en ai surpris lui tirant le bout de l’aile, lui grimpant surle dos, lui chatouillant l’antenne. Une audacieuse s’est permis, sous mes yeux, de luisaisir le suçoir, s’efforçant de l’extraire.

Ainsi tracassé par ces nains et à bout de patience, le géant finit par abandonner lepuits. Il fuit en lançant aux détrousseurs un jet de son urine. Qu’importe à la Fourmicette expression de souverain mépris ! Son but est atteint. La voilà maîtresse de lasource, trop tôt tarie quand ne fonctionne plus la pompe qui la faisait sourdre. C’estpeu, mais c’est exquis. Autant de gagné pour attendre nouvelle lampée, acquise de lamême manière dès que l’occasion s’en présentera.

On le voit : la réalité intervertit à fond les rôles imaginés par la fable. Le qué-mandeur sans délicatesse, ne reculant pas devant le rapt, c’est la Fourmi ; l’artisanindustrieux, partageant volontiers avec qui souffre, c’est la Cigale. Encore un détail,et l’inversion des rôles s’accusera davantage. Après cinq à six semaines de liesse, longespace de temps, la chanteuse tombe du haut de l’arbre, épuisé par la vie. Le soleildessèche, les pieds des passants écrasent le cadavre. Forban toujours en quête debutin, la Fourmi le rencontre. Elle dépèce la riche pièce, la dissèque, la cisaille, laréduit en miettes, qui vont grossir son amas de provisions. Il n’est pas rare de voir laCigale agonisante, dont l’aile frémit encore dans la poussière, tiraillée, écartelée parune escouade d’équarrisseurs. Elle en est toute noire. Après ce trait de cannibalisme,la preuve est faite des vraies relations entre les deux insectes.

Ve série, chapitre 13, 1897.

20

POUR COMPRENDRE : quelques réponses,quelques commentaires

Étape 1 [L’Amateur d’escargots, p. 126]2 Les escargots sont successivement comparés à des « serpents hypnotisés » (l. 36),

« un coussin bosselé » (l. 249), des « galets » (l. 261), une « guirlande » (l. 266), « desgouttes de rosée » (l. 316) et enfin à « une armée » (l. 317). On note également que « lesœufs ressemblaient très fort à du gros caviar » (l. 116).

3 La supériorité de M. Knoppert en ce qui concerne la connaissance des escargotsest rappelée de façon lancinante (l. 58-61, 96-98, 137-140).

4 Les éléments qui permettent de présenter les escargots comme les êtres humainssont :

– « têtes » (l. 37, 40) ;– « baiser d’une voluptueuse intensité » (l. 37-38) ;– « oreille » (l. 40) ;– « en plein ravissement » (l. 45-46) ;– « flirter » (l. 67) ;– « s’embrasser » (l. 68).6 La femme semble gênée par les conversations de son mari sur la sexualité des

escargots. À noter qu’elle « se tortillait d’embarras », ce qui fait écho au comportementdes escargots pendant leur activité sexuelle : « ils ondulaient » (l. 35) et « se trémous-saient » (l. 46).

7 Voir également lignes 216 à 220.12 On peut comprendre que M. Knoppert devient quelqu’un qui apprécie beau-

coup les escargots, mais également que celui qui se croyait si connaisseur en matièrede gastéropodes s’est comporté comme un véritable amateur puisqu’il n’a pas prévuce à quoi sa passion risquait de le mener.

14 Le personnage principal accommode sa conscience morale au gré de sa plon-gée dans le monde des escargots : « vicieux » (l. 170) et « pour ses opérations privées »(l. 216).

21 Jean-Henri Fabre est né en 1823 dans le sud de la France. C’est un homme descience et un écrivain. Souvenirs entomologiques reste son ouvrage le plus célèbre. Ontrouve une biographie très détaillée sur le site Internet Wikipédia à partir du lien sui-

21

vant : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Henri_Fabre. Voir également documen-tation complémentaire pages 13 à 20.

23 La racine gastéro- vient du grec et signifie « ventre, estomac ». Elle est utiliséepour former des mots en rapport avec l’estomac. Parmi ces mots, on trouve gastrique,gastéropodes, gastérostées, gastro-entérologue, gastro-entérite, etc.

24 Monomanie : passion excessive pour quelque chose.

Étape 2 [À la recherche du « *** Claveringi », p. 128]1 Le nom du personnage est mis au génitif, cas utilisé en latin pour les complé-

ments du nom.3 L’expression « mangeurs d’hommes » (l. 10) est un indice de la fin du récit.5 Tous ces verbes qui expriment une certitude vont être ridiculisés par l’expérience

du personnage principal.8 L’anticipation est repérable ligne 129 : « Le professeur Clavering allait regretter

chacun de ses kilos. » La forme verbale « aller » + verbe conjugué exprime un futur durécit.

10 Cf. lignes 171-172, 187, 188. Aucune de ces comparaisons ne laisse présagerun quelconque danger. L’effet de contraste n’en sera que plus fort.

13 Dans ces lignes, le professeur se montre bien sûr de lui comme dans les lignes245 à 248.

14 Le moins que l’on puisse dire, c’est que le but du professeur n’est plus le mêmequ’au début de la nouvelle !

15 Au contraire, la fin du récit montrera que le professeur Stead a eu plus dechance que le professeur Clavering. L’auteur piège ici le lecteur par une fausse pistemais le relecteur ne peut y voir qu’une marque d’ironie tragique.

16 Le mot effacé à ligne 41 est probablement carnivore ou anthropophage. Cetteabsence permet de maintenir le suspense le plus longtemps possible.

23 Légende est emprunté au latin legenda (à proprement parler « ce qui doit êtrelu ») qui signifie « vie de saint ». Par extension, le mot désigne un récit à caractère mer-veilleux.

24 La liste des douze travaux d’Hercule connaît des variantes. Nous proposons icil’une des listes les plus classiques.

1. Tuer le lion de Némée.2. Tuer l’Hydre de Lerne, monstre à neuf têtes.3. Ramener vivant un cerf aux cornes d’or consacré à Artémis.4. Capturer le gigantesque sanglier d’Érymanthe.5. Nettoyer les écuries d’Augias.

22

6. Exterminer les oiseaux du lac Stymphale qui se nourrissait de chair humaine.7. S’emparer du taureau de Poséidon et le dompter.8. Enlever les chevaux mangeurs d’homme du roi de Thrace, Diomède.9. Voler la ceinture d’Hippolyte, reine des amazones.10. S’emparer des troupeaux de bœufs de Géryon.11. Enlever les pommes d’or du jardin des Hespérides.12. Délivrer Thésée de la chaise de l’oubli et ramener Cerbère (le chien des Enfers

à trois têtes) des Enfers.28 De nombreux récits rapportent l’histoire plus ou moins réaliste d’hommes qui

se retrouvent seuls sur une île inhospitalière. Daniel Defoe, Robinson Crusoé (1719) ;William Golding, Sa majesté des mouches (1954) ; Michel Tournier, Vendredi ou lesLimbes du Pacifique (1967), Vendredi ou la Vie sauvage (1971) sont les récits de nau-fragés les plus célèbres.

Étape 3 [Le Chat noir, p. 130]3 On peut repérer le rythme ternaire et la gradation qui permettent de dramati-

ser le récit.7 Le narrateur a plus pitié de ses chats que de sa femme !8 Les occurrences du mot démon se retrouvent aux lignes 55, 76, 283, 376 et 384.11 On peut aussi considérer que le narrateur est fou, rongé par la culpabilité ou

tout simplement ivre étant donné ce que l’on sait de son penchant pour l’alcool. Poechoisit de laisser le lecteur dans l’hésitation, propre au texte fantastique.

12 Le narrateur écrit depuis sa cellule, ce qui comble une lacune de la fin du récit(c’est-à-dire le sort réservé au narrateur après la découverte du corps de sa femme) etce qui permet d’associer ce texte à une confession, à des aveux. Nous sommes à laveille de son exécution : « Mais demain je meurs » (l. 6).

14 On peut aussi considérer qu’il a tapé dans ce mur parce qu’il voulait êtredécouvert et qu’il recherchait son châtiment à la manière de Raskolnikov dansCrime et châtiment de Dostoïevski qui, après l’assassinat d’une vieille femme àcoups de hache, se jette littéralement dans la gueule du loup en faisant tout pourque la police le découvre. Woody Allen a lui-même repris cette situation dansMatch point.

15 Le chat pourrait être le double du narrateur et même représenter sa consciencecomme incitent à le penser les lignes 391 à 394.

23 L’adjectif baroque vient du portugais barroco et signifie étymologiquement« perle irrégulière ». En littérature, ce mot caractérise un mouvement littéraire etculturel de la fin du XVIe et du début du XVIIe siècle. Par extension, on se sert de l’ad-

23

jectif baroque pour qualifier une œuvre qui comporte des traits propres à cette esthé-tique, qu’elle soit postérieure ou antérieure au mouvement lui-même.

Au XIXe siècle, le mot a pris un sens péjoratif et renvoie aux idées de profusion,d’emphase, d’ornementation exagérée, de fantaisie qui s’opposent à la rigueur clas-sique.

S’il qualifie un objet, cet adjectif peut encore signifier « bizarre, inattendu, sur-prenant, choquant », voire « ridicule ». S’il qualifie une personne, il est plus ou moinssynonyme d’« original, excentrique ». Dans le contexte, l’adjectif qui se rapporte à« une série de simples événements domestiques » peut être synonyme de « bizarres ».

24 Pluton est le Dieu des enfers et le narrateur insiste beaucoup sur le côté démo-niaque de ce chat.

25 On voit bien, notamment au travers de cette citation, que Baudelaire aretrouvé dans ce texte des préoccupations très proches des siennes.

26 Héautontimorouménos signifie « bourreau de soi-même ». C’est, à l’origine, letitre d’une comédie de Térence, auteur latin du IIe siècle avant J.-C. À noter que,ligne 394, le chat est appelé « bourreau », ce qui est encore un signe que celui-ci peutêtre vu comme un double du narrateur (cf. p. 9).

28 Baudelaire avait une prédilection pour les chats (cf. documentation complé-mentaire p. 6 à 10).

Étape 4 [Coco, p. 132]1 La description de la ferme qui ouvre le récit fait penser à un incipit de conte

merveilleux.2 Les désignateurs de Coco sont « cet invalide » (l. 27), « cette vieille rosse » (l. 37-

38), « cette bête inutile » (l. 49), « ce bidet paralysé » (l. 52), « vieux cheval » (l. 65),« cette misérable rosse » (l. 86), « la bête » (l. 92), « cette carcasse » (l. 97-98), « la vieillebête » (l. 111). Ce relevé permet de montrer que parfois voix du narrateur et voix dupersonnage se confondent, ce qui renforce le réalisme de la nouvelle.

Les désignateurs de Zidore sont : « goujat » (l. 26), « Coco-Zidore » (l. 42), « le gars »(l. 43), « l’enfant » (l. 79), « son ennemi » (l. 82), « le petit paysan » (l. 118).

4 On peut relever les éléments péjoratifs suivants dans le portrait de Zidore :« C’était un maigre enfant haut sur jambes, très sale », « il semblait stupide, parlait enbégayant, avec une peine infinie, comme si les idées n’eussent pu se former dans son âmeépaisse de brute », « de paysan rapace, de paysan sournois, féroce, brutal et lâche ».

10 Cette remarque insiste sur la vacuité de l’esprit de Zidore qui n’a été momen-tanément rempli que par son désir de nuire au cheval.

24

11 Ce discours narrativisé permet de ne pas redonner des informations déjà livréespar le récit et l’emploi des termes « la chose » montre aussi le peu de cas que Zidorefait de cette mort.

18 On peut penser à la fin de la nouvelle de Maupassant, Miss Harriet : « Elleallait maintenant se décomposer et devenir plante à son tour. Elle fleurirait au soleil, seraitbroutée par les vaches, emportée en graine par les oiseaux et, chair des bêtes, elle redevien-drait de la chair humaine. […] Elle avait changé sa vie contre d’autres vies qu’elle feraitnaître. » La même impression de calme et de sérénité de la mort, conçue comme unmoment dans un grand cycle toujours renouvelé, se retrouve.

23 Tantale, fils de Zeus, était accueilli à la table des dieux pour savourer le nectaret l’ambroisie. Mais il tua son fils unique Pélops et le servit à manger aux dieux. LesOlympiens refusèrent avec horreur ce festin et condamnèrent Tantale à rester éter-nellement au milieu d’un cours d’eau sans jamais pouvoir étancher sa soif, l’eau dis-paraissant à chaque fois que ses lèvres s’en rapprochaient. De même, au-dessus duruisseau, se trouvent de magnifiques arbres fruitiers mais chaque fois que Tantaletend la main pour les saisir, le vent les élève plus haut. Donc Tantale ne peut assou-vir ni sa soif ni sa faim alors qu’il vit dans un monde d’abondance. On voit bien quedans ces lignes, Coco vit exactement le même supplice que Tantale et queMaupassant utilise consciemment cette référence mythologique.

25 Cf. documentation complémentaire (p. 3-5).

Étape 5 [Une vendetta, p. 134]3 Les guillemets utilisés par le narrateur invitent à y voir une allusion à un fait

divers tragique : en 1855, une frégate française en partance pour la Crimée coula aularge de Bonifacio avec 700 hommes ; aucun ne survécut. Le nom du chien est doncmortifère. Le naufrage a également été l’objet d’une nouvelle d’Alphonse Daudet(« L’agonie de la Sémillante » parue dans Contes du lundi, en 1866) auquelMaupassant rend ici un discret hommage.

6 L’emploi de l’article défini peut recevoir plusieurs explications qui ne sont pasexclusives. Maupassant peut connoter par là un emploi paysan ou régional : le déter-minant jouerait donc comme indice pittoresque au même titre que les éléments cen-sés creuser l’écart entre le monde de la nouvelle et celui du lecteur parisien. On peutégalement voir dans cet emploi une sorte d’allégorisation de la mère, représentantede toute mère dont on a tué l’enfant et prête à tout pour que justice soit rendue.

15 Il s’agit d’un sommaire.16 La foi de la veuve ne l’empêche nullement de venger son fils et il est même

probable qu’elle se confesse de son crime avant de le commettre (cf. l. 141).

25

17 Entre la mort du fils et la vengeance, il s’est écoulé au moins trois mois, si l’onen croit l’indice de temps ligne 131.

18 Le narrateur respecte ici le point de vue des gens extérieurs à l’histoire mais,grâce aux éléments du début du récit, le lecteur identifie que la périphrase désigne leboudin noir et que le maître est en fait la veuve Saverini.

27 Dans Colomba de Mérimée, c’est une sœur qui doit venger son père et qui,pour ce faire, va tenter d’utiliser son frère.

28 La Vendetta de Balzac relate l’histoire d’amour tragique d’une jeune fille corse,Ginevra Piombo, qui s’oppose à son père pour épouser l’homme de son choix, LuigiPorta, seul rescapé de la vendetta que les Piombo ont menée contre sa famille.

Étape 6 [La Bête à maît’ Belhomme, p. 136]5 Le prêtre et l’instituteur ont une importance capitale dans la société rurale de

l’époque. Ils représentent le savoir et une forme d’autorité qui dépasse le strict cadredu village.

9 Maupassant donne une très sombre image du paysan cauchois. Rares sont lesnouvelles qui les traitent avec quelque indulgence. Coco fait un peu exception si l’onsonge aux maîtres de la ferme. Mais c’est faire bon compte de la présence idiote etcruelle de Zidore…

15 Les êtres humains sont animalisés dans ce passage : le curé est associé à l’âneet les deux femmes aux poules.

16 « Colère joyeuse » marque une opposition et presque un oxymore. L’expressionsouligne les sentiments contradictoires qui animent le paysan.

20 Ce texte est une satire dans la mesure où il critique tout un monde au-delà desquelques figures évoquées dans le cadre de la nouvelle.

24 L’expression, d’abord grivoise, a pris ensuite son sens actuel. Claude Dunetona écrit La Puce à l’oreille : anthologie des expressions populaires avec leur origine (Stock,1978, nouvelle édition revue et augmentée, Balland, 2001). L’ouvrage constitue uneexploration des origines souvent surprenantes de quantité d’expressions françaises.

26 Un patois est un parler local employé par une population peu nombreuse etdont la culture est jugée de façon plutôt négative. Par exemple, le cauchois est unpatois normand. Un dialecte est la forme régionale d’une langue. Par exemple, le wal-lon est un dialecte français utilisé en Belgique. Le pidgin est une langue composée del’anglais et de langues d’Extrême-Orient. Le créole est un système linguistique mixtecomposé du français, de l’espagnol, du portugais, de l’anglais, du néerlandais, avecdes langues indigènes. En réalité, ces définitions ne sont pas étanches et certaines serejoignent.

26

Étape 7 [La Mule du pape, p. 138]1 et 16 Le récit-cadre va des lignes 1 à 30 et reprend de la ligne 331 à la fin, le

récit encadré va des lignes 31 à 330. Les rôles du récit-cadre sont d’introduire le récit,de donner envie de le lire en créant des attentes de lecture et de participer à l’atmo-sphère joyeusement fantaisiste du conte. La bibliothèque des cigales, c’est la cam-pagne dans laquelle l’auteur puise son inspiration. Au vrai, il n’y a qu’une fiction derécit encadré. Le narrateur met en scène une reformulation alors même qu’il s’agitd’une pure invention !

4 Les marques du récepteur sont nombreuses dans le texte, ce qui contribue à luiconférer une dimension orale comme si s’établissait une forme de dialogue directentre le lecteur-auditeur et le narrateur. On peut noter la présence de deux datifséthiques qui participent du même effet : « Il vous riait si bien » (l. 59) et « Et elle vouslui détacha un coup de sabot » (l. 327).

5 La périphrase « bibliothécaires à cymbales » désigne les cigales (cf. question 1).7 L’énumération produit un effet d’accumulation qui souligne l’atmosphère fes-

tive et religieuse de la ville.13 Cette intervention du narrateur sert à insister sur la véracité du récit tout en

en soulignant l’artifice. Daudet est assez coutumier du fait, comme le montre la finde L’Homme à la cervelle d’or, nouvelle parue dans le même recueil : « Telle est,madame, la légende de l’homme à la cervelle d’or. Malgré ses airs de conte fantastique,cette légende est vraie d’un bout à l’autre… »

17 Il s’agit d’un conte puisque Daudet tourne le dos à tout réalisme.24 On trouve de nombreux contes qui font la part belle aux animaux dans Les

Lettres de mon moulin : « Installation » où Daudet parle des animaux qui ont éludomicile dans le moulin (lapins, hiboux, etc.), « La Chèvre de monsieur Seguin »,« Les Sauterelles ».

« Le Secret de Maître Cornille », « La Chèvre de monsieur Seguin »,« L’Arlésienne », « Le Curé de Cucugnan » sont, quant à eux, quelques-uns des nom-breux récits encadrés du recueil.

25 On ne badine pas avec l’amour, Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée, Il nefaut jurer de rien, autant de titres de Musset constitués par un proverbe ou unemaxime.

27 Une mule est un passeur de drogues.

27

Étape 8 [Synthèse, p. 140]1

© Éditions Magnard, 2007www.magnard.fr

www.classiquesetcontemporains.fr

28D

e que

l L’a

nim

al es

t-il

L’ani

mal

agit-

ilCe

tte ve

ngea

nce

Qui

a le

dessu

sPo

ur q

ui le

lecte

urL’a

nim

alan

imal

bour

reau

ou

par v

enge

ance

es

t-elle

per

sonn

elle

de l’

hom

me

est-i

l cen

sé re

ssent

ires

t-il

s’agi

t-il?

victim

e?

ou n

on?

ou co

mm

andé

e?ou

de l

’anim

al?

de la

piti

é?pe

rsonn

ifié?

Text

e1Es

carg

ots

Bour

reau

Non

–L’a

nim

alPe

rsonn

ePa

rfois

Text

e2Es

carg

ots

Bour

reau

Non

–L’a

nim

alLe

pro

fesseu

rN

on

Text

e3Ch

atVi

ctim

e que

leO

uiPe

rsonn

elle

L’ani

mal

La fe

mm

ePa

rfois,

narra

teur p

résen

te et

l’ani

mal

asso

cié au

com

me b

ourre

audé

mon

Text

e4Ch

eval

Victi

me

––

L’hom

me

L’ani

mal

Non

Text

e5Pu

ceBo

urrea

uN

on–

L’hom

me

L’hom

me

Non

Text

e6Ch

ienBo

urrea

u O

uiCo

mm

andé

eL’a

nim

alL’a

nim

alN

onde

Nico

las

Text

e7M

ule

Victi

me p

uis

Oui

Perso

nnell

eL’a

nim

alL’a

nim

alO

uibo

urrea

u

N.B

. La q

uesti

on d

e la p

itié e

st di

fficil

e à tr

aiter

dan

s la m

esure

où le

regis

tre d

e cer

tains

text

es est

avan

t tou

t com

ique

.