H A R Z - L A B O U R niverenn 10 — numéro 10

occupation de la Maison du peuple, grève contre la loi El Khomri

Ti ar bobl okupet, harz-labour a-enep al lezenn El Khomri///////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////

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Tout ceux qui ont participé aux mouvements sociaux de la dernière décennie, peuvent témoigner d'une violence jamais vues de la part des forces de l'ordre ces derniers mois. Ce pour plusieurs raisons, déjà l'atirail toujours plus fournis dont disposent le corps policier. Mais aussi une impunité politique à tuer, mutiler, blesser sans être inquiété. Pour exemple, après la mort de Rémi Fraisse, aucun préfet, aucun policier, aucun ministre ne s'est vu démettre de ses fonctions. C'est un boulevard qui leur a été offert, et depuis il y a eu les attentats qui n'ont fait, avec l'état d'urgence, que renforcer les moyens d'un pouvoir sur sa population. Nous n'avons jamais vu un maintien de l'ordre aussi offensif, mais aussi politique. Ce choix politique nous l'avons bien senti à Rennes, lorsque nous avons été privé du centre ville dès le début du mouvement. En quelques jours de mobilisation, a force de vouloir nous faire rentrer

chez nous à coup de matraque, Cazeneuve a transformé la lutte contre la loi travail en

une lutte contre la police pour pouvoir prendre la rue. Il nous a ainsi rappelé un fait

historique. La police dès son apparition n’a servi qu’à remettre les choses à leur place, à la place qu’on leur avait

assigné. Au 19 ème siècle, alors que la police devient un réel appareil d'Etat, sa fonction principale était celle de

chasser les pauvres dans les villes pour les mettre au travail dans des ateliers. C'est à cette époque

que le délit de paresse fût constituer, qu'on vit naître le salariat.

Derrière les affrontements avec la police il n’y a pas qu'un délire de jeunesse

viriliste, mais la prise en compte d'un rapport de force, le début d'un

retournement de la normalité, le refus de la place que

l'on nous réserve.

Un rappel des faits : jeudi 28 avril, le cortège recouvre la ville et ses agences d’intérim de peinture et de messages le long du parcours officiel. La manif repart ensuite pour un deuxième tour et tente de forcer le barrage de police qui empêche depuis plus d’un mois l’accès à la place du parlement. Mais ce jour-ci, la violence des flics est encore plus forte que d’accoutumée. Un manifestant perd son œil, touché par une balle de LBD. L’émotion est vive quand la rumeur se répand dans la foule. Le cortège repart alors en manif sauvage et des vitrines de banque volent en éclats. Le soir même, lors de l’AG de la CIP et inter-pro au TNB, il y est décidé que le théâtre serait occupé de jour. Dimanche 1er mai, le pont où le camarade a été éborgne est repeint en rouge et à la fin de la manifestation, des centaines de personnes investissent le Gaumont place Charles-de-Gaulle où se tient les Nuit debout. L’occupation dure une bonne heure, le temps de redécorer les affiches de cinéma, de faire déborder ses poches de bonbons et de décider de partir en direction de la salle de la cité où est censé se tenir une assemblée intersyndicale. La suite dira que les syndicats ont annulé sous pression de la mairie. Mais les forces présentes réussissent à jouer de ruse et de persuasion et entrent dans la salle avant de décider son occupation illimitée. Une AG s’y déroule, rejointe par l’intersyndicale. Le dîner est servi et des concerts se succèdent. La journée se clôt par un feu d’artifice, illuminant la façade de la maison du peuple et le ciel de la place Saint-Anne.

OCCUPAT ION DE L A SA L L E DE L A C I T É À R ENNES : « ON EN A TOUS R ÊVÉ ,

I LS L' ONT FA IT »E X T R A I T D E L’A PP E L D E L’A G I N T E R PR O R E NN A IS E POU R

L A M A N I F E STAT I ON DU 1 4 M A I C ON T R E L E S V I O L E N C E S PO L I C I È R E S

Le calendrier universitaire avec ses examens courant avril et ses vacances début mai a rapidement permis de se rendre à l’évidence : le mouvement ne peut être restreint aux étudiants et aux lycéens. L’invocation de la «convergence des luttes», héritière de l’histoire ouvrière, anime les débats et les AG. Tracter devant les entreprises, organiser des comités de lutte hors du campus, participer aux meeting organisés par Sud, aux réunions avec l’intersyndicale, aux AG inter-pro, aux actions communes... Cette dynamique a rendu possible les trois occupations successives de jeudi 28 avril et de dimanche 1er mai : le Théatre National de Bretagne, le cinéma Gaumont et enfin la Maison du Peuple ainsi que leur soutien par l’intersyndicale. Pour autant, le rapport aux syndicats, à la grève et au travail parait figé, suspendu à un imaginaire issu des années de gloire des masses conquérant de nouveaux droits. Il y a un malaise à pousser ou à regretter que les syndicats n’appellent pas à la grève générale car ils le disent eux même : ils n’en ont pas la force.L’obsolescence du mythe de la grève générale s’explique par l’évolution même du travail, qui rend pratiquement impossible de s’organiser comme l’entendent des centrales syndicales. D’une part, l’alternance entre les contrats en intérim, les petits boulots et le chômage se généralisant, la précarité est devenue la norme. Et pour ceux qui caressaient encore le rêve d’obtenir ce Graal qu’est devenu le CDI, la loi travail le rend tout aussi malléable. D’autre part, l’économie est devenue totale et immatérielle. Amazon et Google rivalisent avec les puissances étatiques ; la culture, les flux financiers et les réseaux sociaux créent plus de valeur que l’industrie. L’opposition entre le travail et le capital n’est plus le nœud central qui sous-tend le rapport de force. Pour le dire autrement, le renversement du capitalisme ne réside plus seulement dans les mains des travailleurs. Enfin, le travail n’a plus aucune fonction émancipatrice, il n’est plus porteur d’aucune idée d’un bonheur autre que celle du confort et de la sécurité. L’illusion du travail comme participation à l’élaboration d’une société plus juste ou à la construction de l’hégémonie communiste est bien morte. L’ère de l’économie mondialisée où tout est mis sur un même plan d’équivalence comptable, où la circulation de la marchandise est plus importante que sa production et où la fabrication d’image crée le réel a fini d’achever cette croyance. Qu’on le veuille ou non, le travail même le plus alternatif est absorbé par le règne de l’économie. Car l’économie n’est pas une simple technique pour produire de l’argent mais un bien un mode de gouvernement.

Celui imposé par le capital, qui en s’appuyant sur le travail et la raison comptable dirige l’entièreté

de nos vies. Lutter sincèrement contre la loi travail ne peut donc se faire en vue de la défense du code du

travail. C’est là une perspective défensive perdue d’avance. Car même retirée

elle finira par réapparaître dans d’autres textes. Notre mouvement doit se poser les questions

suivantes : Quel mode de grève effectif existent quand le travail a été

désossé par le capitalisme lui-même ? Quels formes de lutte face l’économie-monde ? Quels chemins tracer pour

sortir de l’économie ?

Il y a là quelque chose de vertigineux qui ne correspond en rien à l’inconscient collectif des luttes. Pourtant bien des choses sont déjà en germes et nombre d’indices sont présents dans l’histoire. Les blocages économiques avec leur mot d’ordre d’attaquer les flux vont dans ce sens. Pour qu’ils ne soient pas des coups d’épée dans l’eau, il faut soit qu’ils se généralisent, soit qu’ils s’articulent à des grèves. Là réside l’intelligence de ce qui pourrait se mettre en place à l’AG inter-pro. Offrir à quiconque une aide pour arrêter son travail. Cela signifie ne plus partir de la sectorisation des luttes car elle ne permet que la juxtaposition des revendications et rend le plus souvent dépendant des centrales syndicales. Au contraire il faut appuyer toutes les volontés de faire grève. Tout comme les bourses du Travail sont nées avec les bureaux de placement pour les ouvrier au chômage, la Maison du Peuple pourrait devenir une « bourse de la grève » qui aurait pour fonction d’articuler ensemble et de rendre possible des grèves, de les soutenir par des blocages. On peut imaginer qu’à la manière dont les étudiants vont débrayer les lycées, des piquets volants pourraient obliger les entreprises à fermer quand il est trop compliqué pour ceux qui y sont de faire grève, pour ensuite partir en action ensemble. Toutes les modalités sont à envisager. L’idée de convergence est à repenser dans la perspective d’élaborer une force locale, une communauté de lutte capable d’une solidarité à toute épreuve. Paradoxalement, face au caractère mondialisé de l’économie notre puissance réside dans notre capacité à nous organiser localement. Ce n’est pas la soi-disant bêtise ou aliénation de chacun qui crée la passivité ambiante mais de ne pas sentir de prise sur le réel, de ne pas savoir par où commencer. Le plus difficile étant de se mettre en contact, d’établir un point de rencontre. Cela ne se crée pas seulement en l’espace d’un mouvement social. Il y a tout à gagner à faire perdurer cette dynamique même lorsque les temps seront plus calmes. Pour que la rupture avec l’ordre en place soit conséquente elle doit construire pas à pas des façons de nous déprendre de l’économie. Pour ce faire, plusieurs outils doivent continuer à s’allier : l’AG interpro, l’occupation d’un espace comme la Maison du Peuple, les cantines de luttes, une caisse de grève conséquente et si l’on ose voir plus loin des coopératives de partage nous permettant de ne plus dépendre des réseaux de consommation officiels. De telles dynamiques existent déjà. À Barcelone par exemple ce sont dans les activités sourdes des comités de quartier que se dessinent les perspectives révolutionnaires et non pas dans les médiatiques élections de la mairie « indignée ». Cela nous indique que s’il faut reprendre l’histoire du mouvement ouvrier, c’est pour sa capacité d’auto-organisation et de création de contre-mondes et non pour son mythe unitaire et progressiste.

Les grandes journées de manifestation appelées par l’intersyndicale parisienne ritualisent la lutte. Elles assument cette double fonction de permettre une mobilisation massive et de temporiser en en donnant le rythme. Pourtant, nous en sommes tous dépendants. Il nous appartient alors d’insuffler l’énergie du mouvement pour que tous ceux qui vivent ces journées avec un profond désir de se battre puissent le rejoindre. Quand des milliers de personnes restent même après la fin du parcours officiel, souvent sous les gazs, formant cette masse que les forces de l’ordre et les discours médiatiques tentent en vain de diviser, il est fondamental de savoir ressentir quelles sont les évidences politiques qui flottent dans le cortège. Les actions proposées par les AG étudiantes sont alors des paris, que la détermination des manifestants peut muer en victoire. L’attention à assurer le plus possible de communication pour que les objectifs soient partagés avant, pendant et après les heures passées dans la rue a permis que la lutte ait pu prendre cette forme physique que constitue les affrontements, les occupations, les blocages ou les destructions de vitrine de banques ou d’agences d’intérim. En se battant pour atteindre nos objectifs, c’est ce qui est perçu comme une normalité subie qui est renversé. Ainsi le 31 mars à Rennes, c’est l’action initialement prévue d’occuper la place du parlement qui a motivé une émeute de plusieurs heures. Le 9 avril, c’est l’assaut du centre ville qui a poussé à élever le niveau de conflictualité et à être mobile. Le 28, c’est l’appel à assiéger le dispositif de police qui à lancé la manifestation sauvage. L’enjeu de ces moments de rue est de savoir comment faire exister ce corps symbolique de la lutte, cette foule en fusion qui nous dépasse et nous galvanise tous. Une des leçons que nous avons tiré de nos récentes expériences, c’est la multiplicité des présence possible, où chacun peut trouver un équilibre entre ce le désir d’expérimenter des nouvelles pratiques tout en se sentant en confiance dans le cortège. Et c’est cette volonté de ne plus subir que le pouvoir attaque, dans la rue en tentant de séparer le cortège, dans les tribunaux et dans les médias. Il n’y a pas les casseurs et les autres. Il y a des gens qui se tiennent dans les affrontements, qui refluent, d’autres avec des mégaphones qui appellent à rester, des gens qui chantent, qui crient, qui dépavent, qui distribuent des masques qui relancent les palets de lacrymo, d’autres qui ne font rien d’autre que participer au cortège. Il y a les équipes médics, la légal team, le comité de défense collective, il y a sud PTT qui appelle à venir casqué, toute cette effervescence et

cette solidarité dans le cortège de tête. Notre puissance vient de cette composition, de cette masse dont les gestes sont multiples et imprévisibles et qui sont à faire grandir. Parallèlement, la perception de la police par le mouvement a singulièrement changé. D’un obstacle à contourner, elle est devenue une force dangereuse face à laquelle il est nécessaire se défendre, de résister et parfois même d’attaquer physiquement dans le but d’atteindre nos objectifs. Désormais, sa présence est tellement massive, systématique et violente qu’elle incarne la volonté du gouvernement d’écraser le mouvement et elle est ainsi devenue une cible politique. De la même manière que les blocages perturbent l’économie, le débordement des forces de police met à mal la gestion de l’ordre et le fait même de gouverner. Ne pas céder à la peur, renoncer à rentrer chez soi à la fin de la manifestation, harceler toujours plus la police sont des gestes qui doivent se multiplier pour qui veut voir la loi travail repartir dans les tiroirs. A ceci près, bien sûr, que lorsqu’un système ne tient plus que grâce à sa force répressive, quand on l’attaque, c’est ce système dans sa totalité que l’on combat.

Depuis le début du mouvement à Rennes, un certain hiatus règne entre les actes et les discours que l’on entend dans les assemblées générales ou que l’on peut lire dans les tracts : les gestes viennent plus vite que la parole. Ils revêtent alors un sens multiple, plus difficile à décrypter, à expliciter. L’attitude commune a été de partir de la situation, de ce qui est là pour faire grandir et construire peu à peu ce mouvement qui n’en finit plus de nous surprendre. C’est ainsi que nous avons réussi à tenir ensemble des AG, des gestes offensifs, une convergence des luttes de plus en plus réelle et une non-dissociation à toute épreuve. De l’isolement et de la fragilité des individus, bandes d’amis ou groupes politiques, nous avons construit une force. En mettant de côté les habitudes idéologiques de chacun, le mouvement a gagné en efficacité. Mais force est de constater qu’une faiblesse en résulte : celle de cantonner notre réflexion commune au langage restreint que nous partageons. C’est pour cela que nous avons besoin d’occuper des espaces, pour permettre des débats de fond pour confronter nos conceptions du monde, pour joindre une densité politique à nos pratiques sans laquelle nous ne saurons jamais comment renverser ce monde. Il n’y a aucune raison pour que les discussions importantes soient cantonnées aux bruits de couloir. Elles peuvent avoir lieu à aussi nombreux que nous sommes en AG, mais avec régime de parole différend que celui de la déclaration et du vote. Qu’est-ce que le travail, l’économie, pourquoi pas une insurrection plutôt qu’une sixième constitution, comment après avoir gagner on va bloquer les élections ? … La Maison du peuple occupée nous permet cette conspiration ouverte au centre de la ville. Saisissons-nous en, prenons un peu de recul par rapport à la temporalité effréné de la lutte. Ne serait-ce que pour savoir prendre les bonnes directions. La Maison du Peuple n’a sûrement jamais été aussi effervescente. Des centaines de personnes s’y activent ou non tout le journée, font les milles petites choses utiles ou non qui font vivre le mouvement. C’est ainsi que prend forme une grève qui ne s’arrête pas à un arrêt du travail ou des études. Une grève qui transforme déjà le rapport à l’activité et au temps. « Fin du travail, vie magique » a été tagué de nombreuse fois sur les murs de Rennes : c’est incroyable tout ce qui se réalise quand il n’y a plus l’obligation absurde de gagner de l’argent pour le dépenser ensuite, quand un sens commun se dessine. Ne plus travailler, c’est à dire ne plus être soumis à des impératifs de temps et d’activité pour un salaire permet de repenser non seulement comment envisager ensemble notre propre subsistance mais ouvre également un champ de possible libérateur et créateur. Pour le comprendre il faut décaler un peu le regard. Ne plus voir seulement la geste officielle de la lutte : les AG, les actions, les

slogans et les affrontements, mais également tout le bruit imperceptible qu’il y a autour. Il y a toute une micro-politique du mouvement qui se cache derrière la façon dont chacun s’im-plique, dans la manière dont les initiatives s’agencent, dont la confiance grandit au fil des semaines. Bien que les questions sectorielles continuent à être présentes dans les assemblées de lutte, la quotidienneté partagée au sein de l’occupation de la Maison du Peuple brouille les identités militantes. Ce n’est plus seulement le plan de la lutte, du conflit dont il est question mais également celui de l’éthique, de la vie. Pourtant il faut recon-naître le caractère éminemment politique de cette densité éthique qui s’immisce à la fois dans la vie de chacun mais qui est aussi collective. D’une part elle crée des points de non-retour : une expérience comme la Maison du Peuple occupée ouvre des potentialités nouvelles et illimitées, des précédents impen-sables auparavant. De l’autre ce sont des nouveaux rapport entre les êtres qui se dessinent en creux. Des rapports en rupture complet avec ce que nous a injecté le capitalisme : la propriété, la méfiance, la concurrence, la reconnaissance personnelle. Toute cette zone grise qui au quotidien n’a pas besoin de mot compose les conduites de vies qui corres-pondent positivement à la lutte que nous menons négative-ment, contre la loi travail, le gouvernement et la police. Sans prendre soin de ce lien entre l’éthique et le politique, entre la vie et la lutte il ne peut exister des horizons de changement global. Car ce n’est pas par les urnes ou par la prise du palais d’hiver que des perspectives révolutionnaires se réalisent, mais bien par notre capacité à étendre ce qui se passe là, à creuser des trous dans la carte de la domination économique. Toute la question est de savoir comment faire perdurer ce miracle au-delà de la beauté des commencement ?

L A P R E M I È R E C H O S E À FA I R E E S T D ’ É TA B L I R L E R A PPOR T D E FOR C E POU R A R R AC H E R L A M A IS ON DU P E UP L E AU S S I L ONG T E M PS QU E PO S S I B L E À L A M A I R I E D E R E NNES . Q U E C E T T E M A IS ON S O I T C E L L E O Ù L A L U T T E S ’ O R G A N IS E E T OÙ UN C OM MUN IS ME D ES L I E N S S ’ I NV E N T E .

BLOCAG

E POUR

TOU. TE. S ! Ceux d’entre nous qui sont salariés ont fait grève

quelques jours, et sont en lutte depuis deux mois. Dans la plupart des cas, la grève a permis de libérer du temps, de créer des espaces qui échappent aux règles habituelles, et de réfléchir aux stratégies pour faire plier le gouvernement. Rapidement, les nécessités d’occuper l’espace et de bloquer les flux se sont imposées.

Au delà de l’occupation de la rue, des affrontements avec la police et de la solidarité éprouvée dans ces moments, nous avons eu besoin d’un endroit pour nous retrouver, discuter, nous organiser. Dans la Maison du peuple, des cantines collectives à la radio pirate, des AG aux concerts à prix libre, nous renouons avec la joie de nous organiser en dehors de l’État et des rapports économiques. Très vite, les discussions tournent autour du pouvoir logistique et de la nécessité de bloquer l’économie pour faire plier le gouvernement.

Si l’idée d’étendre la grève est encore présente dans certains discours, la grève générale apparaît le plus souvent pour ce qu’elle est : un mythe. Si un mythe peut être fédérateur ou permettre d’ouvrir des discussions, il est important qu’un mythe soit traité comme tel, et que les incantations à propos de la grève générale ne soient pas un obstacle à l’action ici et maintenant. Tout aussi indispensable est de nous rappeler que l’apparition de l’idée de grève générale est contemporaine de la création des Unions Locales syndicales dans les grands bastions industriels au début du XXème siècle.

Pour les syndicalistes révolutionnaires ou les anarcho-syndicalistes, la grève générale était donc synonyme du blocage total de la production industrielle (ou de la réappropriation de celle-ci) en vue de la révolution. En 1905, dans ses Réflexions sur la violence, Georges Sorel faisait l’apologie de la grève générale, en tant que mythe permettant de remplacer la téléologie

marxiste, son déterminisme et son paradis communiste censé advenir au bout d’une crise qui, on le voit aujourd’hui, n’en finit plus de finir.

Il est donc indispensable de percevoir ce que la grève générale a pu mobiliser comme imaginaire, notamment dans les villes ouvrières et dans les syndicats de l’industrie. Cependant, il serait absurde de l’invoquer dans les mêmes formes sans s’interroger sur les mutations de l’économie ou sur les effets de la désindustrialisation, des délocalisations ou de la précarité sur nos luttes. S’il est important de savoir ce que le mythe de la grève générale a pu avoir de fédérateur, c’est plutôt pour en saisir la puissance et l’adapter à notre époque. Les fermetures d’usines, le faible taux de syndicalisation,

ou encore le fait que des précaires, des chômeurs et des ouvriers se rassemblent sur des places pour discuter et s’organiser plutôt que dans des entreprises dont ils voudraient prendre le contrôle, sont autant de conséquences des évolutions de l’économie. Le fait que de nombreux travailleurs disent que leurs contrats précaires ne leur permettent pas de faire grève, tout en remerciant les manifestants qui bloquent l’accès à leur lieux de travail pousse maintenant de nombreuses personnes à réfléchir à ce qui pourrait remplacer l’idée d’une grève générale. Les tags « Bloquons tout » ou « Blocage pour tous » qui fleurissent sur les murs de nos villes sont le fruit de cette réflexion.

En effet, ces quarante dernières années, des raffineries aux entrepôts stockant les produits fabriqués dans des camps de travail en Asie, le rapport entre travail et production a été inversé. En Europe de l’ouest, la majorité des travailleurs n’ont plus pour rôle de produire, mais de gérer la circulation d’une production effectuée par des machines ou des ouvriers de pays récemment industrialisés. Pour faire plier le patronat, les luttes ont donc dû s’adapter aux évolutions de l’économie. Le but de la grève n’est plus d’arrêter de produire, mais de quitter son poste de travail pour aller bloquer les flux qu’on avait pour tâche de gérer.

Le samedi 7 mai, à Bordeaux, les entrepôts d’Auchan étaient bloqués. Au Havre, chaque jour de grève, quelques milliers de survivants de la désindustrialisation bloquent le port, la zone industrielle et les entrées de la ville.

Pour ce qui est aujourd’hui de la production de services, celle-ci est à la fois parasitée lorsque les travailleurs ont des difficultés à se déplacer, et lorsque les communications sont rompues. C’est peut être ce qui explique que quand le 6 mai dernier, la CGT Energie a revendiqué le sabotage de ligne téléphonique en Haute-Loire, privant les personnes et les entreprises abonnées à SFR et Bouygues de téléphone et d’internet pendant neuf heures, nombreux ont été les médias à marquer leur sidération. Pour ce qui est des biens fabriqués dans des camps de travail en Asie, nos territoires ne manquent pas de cibles, de gares, de routes, de rond-points ou d’entrepôts à bloquer pour empêcher l’acheminement. Enfin,la grève des routiers contre la loi travail, annoncée dès le 16 mai, ne peut que nous motiver !

OCCUPER DEVIENT VITAL !C’est le premier mai dernier à Rennes que l’occupation de la

Maison du Peuple à commencé. Ce jour là, le cortège a envahi le Gaumont pour une assemblée. C’est là que la décision fût prise

de rejoindre l’intersyndicale qui devait se tenir à la salle de la Cité (Maison du Peuple).

Pendant que le cortège s’y rendait avec une partie des syndicalistes (Sud Solidaires, SLB, CNT), le préfet paniqué

demanda à l’intersyndicale de s’enfuir et d’annuler son assemblée. C’est de manière surprenante que nous avons pu atteindre le bâtiment, face à une police désorganisée.

La menace de forcer les portes suffit à nous y faire entrer. Les syndicats ont été appelé à revenir. Victoire, l’occupation

était lancée.Mardi, la maison du peuple fût assiégée pendant près de 6

heures, barricades, présence sur les toits et dans la rue, banderoles de soutien déployées par les voisins, divers

syndicats appelant à soutenir. Nous étions déterminés à nous défendre et à rester. En parralèle le conseil

municipal fût chahuté pour rappeler à la Maire de Rennes sa responsabilité dans les violences policières

des derniers mois.Depuis nous avons obtenu un bail de sept jours, pile

le temps de s’organiser pour la suite, de faire consister quelque chose dans ces lieux. Si nous

convenons que l’occupation de la Maison du Peuple à Rennes a été rendue possible par un

concours de circonstance pratique, nous devons cette victoire surtout pour une

grande part à la conflictualité assumée largement dans les rues depuis deux mois, contre les volontés politiques d’étouffer

le mouvement sous une pression policière, contre la volonté du préfet

de nous interdire le centre ville.Il était clair qu’il nous fallait un lieu

pour le mouvement, un endroit duquel partir pour que toutes les forces politiques, que tout ceux qui prennent part à la lutte puissent se trouver en dehors des secteurs et des catégories : étudiants, lycéens, chômeurs, travailleurs, enfant des foyers, mère, fils, etc.Dans cet endroit nous constituons une force, multiple, capable de prolonger la lutte engagée depuis deux mois et de maintenir le rapport de force.Cela se matérialise dans l’organisation de blocage économique, d’action, de manifestations, de perturbations, de grèves...Nous avons trouvé en cette occupation la possibilité de se rencontrer en dehors des rendez-vous des

manifestations et des AG. Une vie commence a s’y installer. 50 à 100 personnes y dorment chaque soir,

des textes y sont rédigés, une radio pirate a été mise en place, le ravitaillement quotidien s’organise, une cuisine

collective se monte, les Ags du mouvement et des débats s’y tiennent. Ensemble nous apprenons à faire

nous même, à nous organiser en dehors des rapports économiques existants.

Le mouvement a besoin de tels lieux, il a besoin de ce type de victoire : celle d’arracher des espaces comme il a fallu

arracher la rue à chaque manifestation.Pour que ce qui se passe à Rennes ne reste pas circonscrit

à une exeption locale, pour que le mouvement s’épaississe, pour que les différentes forces puissent se rejoindre,

nous invitons à répéter notre geste, à ce que naissent des occupations partout où les conditions sont réunies.

Nous appelons à ce que les forces qui ont pris la rue, les facs, les lycées, les lieux de travails, les places lancent

des occupations communes là où ils se trouvent.À Rennes cela fait deux mois que l’on nous confisque le centre

ville, nous n’avons rien lâché, et nous avons reussi à nous y installer, nous faisons désormais partis de son

paysage et on ne peut plus nous rater.

Nous avons vitalement besoin d’espaces.

A PPE L D E L A M A IS ON DU P E U P L E O C C U P É E AU MON DE E N T I E R !

V I V E L A C O M M U NE , V I V E L A G R Ê V E , V I V E L’ O C C U PAT I ON !