1096 Cap sur la paix - Advence | The time to market … · Volume 28 Chapitre 4 3 ... b Daimoku :...

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Cap sur la paix JOURNAL BIMENSUEL DES ASSOCIATIONS SOKA DU BOUDDHISME DE NICHIREN 3 au 17 aVRIL 2017 • 3,50 € S’éveiller à l’éclatante nature de sa vie Karim Benfadel Créer une société au xxi e siècle... Toshihidé Soga Faire l’expérience victorieuse... Les femmes du mouvement Soka... P.3 LE MOT DE LA JEUNESSE P.4 MESSAGE DE D. IKEDA P.14 EXPÉRIENCE [FRANCE] P.16 LA TRIBUNE DES ÉTUDIANTS 1096 P.7 AU CŒUR DU SÛTRA La Nouvelle Révolution humaine Volume 28 Chapitre 4 3 © Pixabay Public Domain L’hiver se change en printemps P.6 ÉDITORIAL DE D. IKEDA

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Cap sur la paixJOURNAL BIMENSUEL DES ASSOCIATIONS SOKA DU BOUDDHISME DE NICHIREN

3 au 17 aVRIL 2017 • 3,50 €

S’éveiller à l’éclatante nature de sa vie

Karim Benfadel

Créer une société au xxie siècle...

Toshihidé Soga

Faire l’expérience victorieuse...

Les femmes du mouvement Soka...

P.3 LE MOT DE LA JEUNESSE

P.4 MESSAGE DE D. IKEDA P.14 EXPÉRIENCE [FRANCE]

P.16 LA TRIBUNE DES ÉTUDIANTS

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P.7 AU CŒUR DU SÛTRA

La NouvelleRévolutionhumaineVolume 28Chapitre 4

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P.6 ÉDITORIAL DE D. IKEDA

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Lexique des termes bouddhiques

b Daimoku : signifie prière bouddhique. Désigne l’invocation de Nam-myoho-renge-kyo.b Gohonzon : signifie « objet de respect fondamental ». Cette synthèse en une page du Sûtra du Lotus est confiée aux pratiquants et enchâssée à leur domicile.b Gongyo : « pratique assidue » (matin et soir). C’est la lecture, face au Gohonzon, de passages du Sûtra du Lotus, ainsi que l’invocation de Nam-myoho-renge-kyo.b Kosen rufu : expression que l’on trouve dans le XXIIIe chapitre du Sûtra du Lotus. Assurer un bonheur et une paix durables à l’humanité, fondés sur les valeurs humanistes du bouddhisme de Nichiren.

Fondateur de la publication : E. YAMAZAKI • Directeur de la publication : P. MORLAT • Rédacteur en chef : B. ROSSIGNOL • Conseillers de la rédaction : M. SATO L. COLLIAS et H. KOBO • Secrétaire général de rédaction : F. DINH • Coordination de la rédaction : M. GENAIVRE, L. LEYOUDEC et J. VIENNE • Conception graphique et illustrations : Y. MOËSS et D. CHÉRY • Rédacteurs : C. GUILLOT, S. SARADOV • Traducteurs : I. AUBERT, M. TARDIEU, C. THOMAS et V. T. OKADA • Maquettiste : R. TARDIEU • Correctrice : P. KINGUÉ

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Rateau - Parc des damiers 93120 La Courneuve. Dépôt légal : Avril 2017 •

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la responsabilité de leurs auteurs • ISSN 1271 - 2981.

Cap sur la paix est un journal réalisé par les jeunes du mouvement Soka de France.

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Journal de Jeunessede Daisaku Ikeda

Les références aux écrits bouddhiques sont abrégées selon les exemples suivants :b Écrits, 25 : Les Écrits de Nichiren, Soka Gakkai, Herder, 2012, page 25.b GZ, 432 : Gosho Zenshu, page 432 (Édition japonaise des Écrits de Nichiren Daishonin).b WND-I, 543 : The Writings of Nichiren Daishonin, volume 1, Soka Gakkai, page 543 (version anglaise).b OTT : The Record of the Orally Transmitted Teachings, version anglaise du Recueil des enseignements oraux, en japonais : Ongi Kuden.b SdL-XX, 255 : Sûtra du Lotus, chapitre XX, Les Indes savantes, 2007, page 255, traduction française de The Lotus Sutra, version anglaise de Burton Watson du texte chinois de Kumarajiva.b D&E-mai 2016, 7 : Discours et entretiens de Daisaku

Ikeda, mai 2008, ACEP, page 7.

Abréviations utilisées

Lundi 18 janvier 1960Beau temps

Suis retourné à Tokyo. Ai pris un train express spécial depuis Osaka. De nombreux responsables sont venus me voir partir malgré le froid. Reconnaissant. Me suis fait le serment de ne pas attendre de tels adieux à l’avenir. Ai dormi dans le train jusqu’à ce que nous arrivions aux environs de Shizuoka. On aurait dit que j’avais attrapé un gros coup de froid. J’ai repris le livre Introduction à une l’histoire de la science de Sarton où je l’avais laissé la dernière fois. Je veux faire de ce livre ma référence quand j’écrirai sur la science et la religion un jour. J’ai pris un taxi pour rentrer à la maison depuis la gare de Yokohama. J’ai passé un coup de téléphone au siège pour faire un rapport. n

Mardi 19 janvier 1960 Temps clair

Je perds du poids. J’ai perdu environ 11 kilos depuis avril de l’an dernier. Je me sens perturbé. L’œuvre destructrice de la maladie et de la mort est rude et effrayante.Tant que je garde la foi en la Loi merveilleuse, je peux considérer ma maladie comme un aspect intrinsèque à ma vie et en aucun cas une circonstance qui ferait que j’échouerais à transformer un grand mal en grand bien. Je vais recouvrer la santé absolument cette année. Changer le karma d’une seule personne n’est pas une tâche facile.Je me suis traîné de tout mon long au siège. C’était comme si je portais une douzaine de poids sur mon dos. J’ai participé à la réunion de préparation d’un séminaire. J’ai donné des encouragements aux responsables du groupe de contrôle de la circulation. Je me remets toujours en question quand je suis sévère avec eux, bien que je ne partage pas leur lutte en ce moment.Vous, jeunes responsables du groupe de contrôle de la circulation – faites de votre mieux ! Luttez de tout votre cœur ! Je n’ai d’autre choix que d’entraîner rigoureusement les jeunes et leur demander de protéger le mouvement Soka à l’avenir.

À partir de 18 heures, une réunion des responsables des jeunes femmes et des jeunes hommes. J’ai partagé ma vision globale sur la signature du traité de sécurité révisé.À la maison plus tôt que d’habitude, pour me reposer. J’ai récité beaucoup de daimoku. Mes progrès dans la foi mènent aux progrès de ma propre révolution humaine. n

Hiromasa Ikeda, Betty Williams et Dario Nardella, maire

de Florence, le 11 mars dernier.

ERRATUM :

Dans le numéro 1095, page 6, le témoignage de Lionel a été tronqué. La fin de son témoi-gnage est : « L’union de nos 10 doigts sym-bolise l’inclusion mutuelle des 10 états de vie qui sont illustrés sur le mandala.»

1. Le traité de sécurité nippo-américain, signé en 1951 est re-négocié en janvier 1960. Le Japon n’est plus seulement un allié coopératif des États-Unis, il se voit désormais doté d’un rôle consultatif concernant les actions des forces militaires américaines sur son sol.

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LE MOT DE LA JEUNESSE

Se lancer le défi de se développer chaque jour !

NICHIREN DAISHONIN écrit : « Ce qu’on appelle la “Loi bouddhique” détermine la victoire ou la défaite, alors que l’autorité séculière se fonde

sur le principe de la récompense ou de la punition 1. » Mais quelle est précisément la victoire dont parle Nichiren ici ? Il s’agit vraisemblablement de la victoire sur nous-même, sur nos propres faiblesses ou notre incroyance qui nous pousse à croire que nous ne pouvons rien faire ou que nous sommes impuissants. Mais il s’agit probablement aussi d’obtenir des résultats concrets, en nous basant sur notre croyance bouddhique là où nous sommes, ici et maintenant.

Daisaku Ikeda a récemment écrit qu’en tant que jeune, la victoire c’était : «  Se  lancer  le  défi  de  se développer chaque jour basé sur une croyance forte et gagner, dans la société, le plus grand des trésors que nous  appelons,  la  confiance.  C’est  aussi  devenir  une personne indispensable sur qui les autres puissent compter et dire : “Tant qu’elle est là, tout se passera bien” ou “j’ai l’esprit tranquille quand elle est avec moi 2.” »

Alors, comment remporter la victoire dont parlent Nichiren Daishonin et Daisaku Ikeda ? La victoire se joue chaque matin, en commençant notre journée par une prière sincère et dynamique devant le Gohonzon tout en faisant surgir une grande force vitale inhérente à notre vie.Notre comportement change du tout au tout lorsque nous avons un bon état de vie. Notre environnement n’a lui peut-être pas du tout changé, mais nous, nous avons changé et c’est bien cela qui fait toute la différence. Nous ne sommes plus ballotés par les flux et les reflux de notre environnement mais nous pouvons y trouver de la sérénité et même mieux, un bonheur profond.

Et comme « Les voix font l’œuvre du Bouddha 3», utilisons notre voix chaque jour pour élever l’état de vie de notre environnement afin d’égayer l’atmosphère et faire apparaître un souffle positif et chaleureux là où nous sommes. n

par Toshihidé Soga,vice-responsable de la jeunesse

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Une victoire, un défi, un combat, une expérience à partager ? Contactez l’équipe de Cap !ACEP, Cap sur la paix, 17 rue de la Citadelle, BP 6, 94111 Arcueil cedex • [email protected]

1. Le héros du monde, Écrits, 842.2. Daisaku Ikeda, message adressé aux participants du séminaire jeunesse de l’Europe de l’Est, qui s’est tenu à Vienne (Autriche) du 17 au 19 mars. Non publié. 3. La naissance de Tsukimaro, Écrits, 190.

Cérémonie en l’honneur de Daisaku Ikeda, citoyen honoraire de la ville de Florence

Début 2016, Daisaku Ikeda, président honoraire de la SGI a reçu le titre de citoyen d’honneur de la ville de Florence (Italie) à la réunion du Conseil municipal. Cette décision a été approuvée à l’unanimité.Pour célébrer l’événement, une cérémonie publique a été organisée le samedi 11 mars 2017, au Palazzo Vecchio, à Florence.

Le maire, Dario Nardella, et la présidente du Conseil municipal, Caterine Biti, ont accueilli Hiromasa Ikeda, venu pour représenter Daisaku Ikeda. Betty Williams, lauréate du prix Nobel de la paix en 1976, a donné un discours à cette occasion. Elle a fait un éloge de l’engagement et des actions pacifiques de Daisaku Ikeda. L’événement pouvait être suivi par tous les citoyens sur un écran géant sur la place de la mairie.

Le maire de la ville a, quant à lui, souligné les efforts de Daisaku Ikeda pour la promotion universelle de la paix, l’abolition des armes nucléaires, pour le respect de la dignité de la vie, pour un dialogue continu et une compréhension mutuelle entre personnes de différentes cultures et religions. n

CAP SUR L’EUROPE

Événement

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Hiromasa Ikeda, Betty Williams et Dario Nardella, maire

de Florence, le 11 mars dernier.

Cap sur la paix 1096 | 3

MESSAGE DE DAISAKU IKEDA

Message de Daisaku Ikeda à l’attention des représentants de la réunion des responsables de la nouvelle ère du kosen rufu mondial, tenue conjointement avec la réunion nationale du département des hommes et la réunion générale du Nouveau Tohoku, au centre culturel de la Soka Gakkai de Tohoku dans la ville de Sendai, dans la préfecture de Miyagi, le 5 mars 2017. Des pratiquants de la SGI venus de onze pays et territoires étaient également présents.

Paru dans le journal Seikyo, quotidien affilié au mouvement bouddhiste Soka au Japon, le 6 mars 2017.

Faire l’expérience victorieuse de « l’hiver se transforme toujours en printemps »1

TOUT D’ABORD, mes félicitations pour l’éclatant nouveau départ du département des jeunes femmes

[avec l’annonce de nouvelles nominations à l’échelle nationale au Japon] ! J’ai eu le plaisir de rencontrer les responsables nationales des départements des femmes et des jeunes femmes au Centre des jeunes femmes Soka (à Shinanomachi, à Tokyo), le 3 mars, jour de la traditionnelle fête des poupées, ou fête des filles, au Japon. J’étais très heureux de voir que chacune se portait à merveille. Mon épouse et moi prions pour le bonheur et la victoire de chaque pratiquante de ces deux départements, qui agissent ensemble dans une si belle harmonie.

Je suis également très touché de pouvoir accueillir aujourd’hui tant de merveilleux représentants de la SGI dans le nouveau centre culturel de Tohoku (à Sendai), où s’élève le chant inspirant de la victoire du maître et du disciple. Mon cœur est avec chacun de vous, mes très chers disciples du monde entier, qui vous êtes réunis dans ce magnifique hall, qui brille à l’instar d’un phare d’espoir.

Et, avec vous, mes nobles amis pratiquants des six préfectures de Tohoku (Aomori, Akita, Iwate, Miyagi, Yamagata et Fukushima), dont les sourires rayonnants et victorieux éclairent le visage, j’aimerais dire avec fierté à mon maître, le deuxième président de la Soka Gakkai, Josei Toda : « Sensei, regardez ! Comme vous l’aviez souhaité, un illustre et majestueux château de personnes de valeur se dresse à Tohoku, et suscite l’admiration des gens partout au  Japon et dans  le monde.  Il a été édifié par ces “porteurs de drapeaux de la Loi merveilleuse sortis de la terre ”, parce qu’ils ont refusé d’être vaincus par les conséquences déchirantes et tragiques du séisme et du tsunami, qui ont frappé la

région il y a six ans (le 11 mars 2011). » Mes plus profondes et sincères félicitations pour votre réunion générale du Nouveau Tohoku, tenue conjointement avec la réunion générale des responsables de la Soka Gakkai et celle du département des hommes ! Partout dans le monde, la famille Soka célèbre cet événement avec vous, tandis que les divinités célestes font votre éloge.

Sans vous laisser décourager par le vent hivernal et la neige, vous, les pratiquants de Tohoku, avez continué à déployer des efforts exceptionnels. Chacun de vos districts, avec la jeunesse à l’avant-garde, a obtenu de remarquables résultats en termes de propagation. Et tout le mouvement Soka de Tohoku, avec les pratiquants des départements des femmes et des hommes en première ligne, a agi pour élargir le lectorat du journal Seikyo, en vous propulsant à la première place nationale ! Nichiren Daishonin se réjouit certainement de vos efforts et vous félicite.

J’aimerais beaucoup partager un passage d’une des lettres de Nichiren avec vous, pratiquants de Tohoku, qui avez fait entrer un printemps victorieux qui brille de la lumière éclatante du bonheur et de la reconstruction : « Ceux qui croient dans le Sûtra du Lotus vivent comme en hiver, mais l’hiver se transforme toujours en printemps. Jamais, depuis les temps anciens, personne n’a vu ni entendu dire que l’hiver s’était transformé en automne. De même, jamais nous n’avons entendu parler d’un croyant du Sûtra du Lotus qui se soit transformé en être ordinaire. On lit dans le Sûtra : “Quant à ceux qui entendent la Loi, aucun ne manquera d’atteindre la bouddhéité.”2 » Cette lettre est adressée à une famille de pratiquants du bouddhisme de

Nichiren. Ils ont continué à suivre ses enseignements même après que leurs terres ont été confisquées lors de la vague de persécutions qui suivit l’exil de Nichiren sur l’île de Sado. Malheureusement, le mari, qui priait sincèrement pour le pardon et la libération de Nichiren, ne vit pas le jour où son maître rentra victorieux. Mais sa femme résolue avait hérité de son esprit et, tout en élevant leurs deux enfants, dont un était malade, fit surgir une foi encore plus forte en se fondant sur le lien inséparable qui l’unissait à son maître bouddhique. Pour moi, c’est comme si Nichiren avait écrit cette lettre pour vous, admirables pratiquants du mouvement Soka à Tohoku.

Les trésors du cœur ne peuvent jamais être détruits, pas même par les plus violentes tempêtes de l’adversité. Au contraire, c’est au cœur des orages des hivers de la vie que de tels trésors se multiplient à l’infini. Beaucoup d’entre vous, mes chers amis de Tohoku, avez récité inlassablement Nam-myoho-renge-kyo pour votre bonheur et celui des autres, malgré toute la tristesse et la peine que vous traversiez. Vous vous êtes dressés pour accomplir votre vœu de kosen rufu dans les conditions les plus difficiles et les plus éprouvantes. Avec une foi forte motivée par un esprit invincible, vous avez fait se lever l’éclatant soleil du temps sans commencement dans votre cœur. À travers vos expériences personnelles de victoires sur l’adversité pour mener une vie remplie d’une joie profonde, vous prouvez la véracité de ces mots de Nichiren : « L’hiver se transforme toujours en printemps. »Au cours des six dernières années, vous n’avez jamais cessé de vous développer et vous êtes toujours restés unis. Votre histoire perdurera dans l’avenir lointain, en insufflant de l’espoir et de l’inspiration aux gens dans le monde entier. Profitez

MESSAGE DE DAISAKU IKEDA4 | Cap sur la paix 1096

de cette occasion pour vous féliciter mutuellement de briller comme le « soleil du temps sans commencement » pour illuminer même l’obscurité la plus profonde !

Rien ne témoigne de manière plus éloquente le pouvoir de la foi que l’expérience personnelle. En juillet 1951, date à laquelle le département de la jeunesse a été fondé il y a soixante-six ans, je me suis rendu à Tohoku pour la première fois. Là, j’ai participé à une réunion de discussion (le 15 juillet), où j’ai partagé avec joie et confiance mon expérience d’avoir surmonté la tuberculose grâce à la pratique du bouddhisme de Nichiren. Je me souviens que huit invités présents ont décidé de commencer à pratiquer. Ce fut une avancée majeure dans nos efforts pour élargir le mouvement Soka à Tohoku à l’époque.Nichiren cite un passage du Sûtra du Lotus : « Quant à ceux qui entendent la Loi, aucun ne manquera d’atteindre la bouddhéité [SdL-II, 59]. 3 »Plus nous dialoguons et partageons nos expériences, plus nous pouvons aider les autres à créer un lien avec le bouddhisme de Nichiren. Ce faisant, nous semons les graines du bonheur dans notre propre cœur et dans celui des autres – des graines qui un jour fleuriront avec éclat comme les « fleurs » de la révolution humaine et donneront le « fruit » de l’atteinte de la bouddhéité en cette existence.

Jour après jour, nous prions pour le bonheur de chacun. Nous déployons avec persévérance des efforts sincères pour nous tourner vers les autres dans le dialogue afin de promouvoir kosen rufu et de concrétiser l’idéal de Nichiren, l’« établissement de l’enseignement correct pour la paix dans le pays. » De cette manière, nous bâtissons un

réseau d’individus qui ouvrent la voie, en s’engageant à apporter un printemps d’espoir et d’humanisme, et à créer une coexistence harmonieuse au sein de la société dans son ensemble.

Ce matin, alors que mon épouse et moi chantions le chant de Tohoku, « Le serment d’Aoba » que j’apprécie tant, et le « Chant du nouveau siècle », qui vient de Tohoku, nous nous sommes souvenus des nombreux et inoubliables pratiquants de Tohoku, qui ont contribué de manière si significative à notre mouvement au fil des années. Dans le « Chant du nouveau siècle », les auteurs ont exprimé notamment la fierté de poursuivre l’esprit de propagation de Nichiren, l’indomptable conviction qu’il décrit avec ces mots : « Il est comparable au roi-lion, le monarque de tous les animaux qui courent sur la terre, et à l’aigle, roi de tous les oiseaux qui volent dans le ciel 4.» Tel est l’esprit éternel de la Soka Gakkai.Comme de jeunes aigles, comme des rois lions, continuons à lutter et à avancer avec confiance et sans crainte. En unissant nos efforts dans l’esprit de « différents par le corps, un en esprit », surmontons tous les obstacles en tant que piliers de notre pays, des personnes ordinaires, de la jeunesse et de la paix !J’aimerais conclure mon message avec ce poème :

Lève-toi soleil du temps sans commencement !Brille avec éclatafin que l’hivercède la place à la lumière du bonheurdu printemps.

Portez-vous bien ! n

MESSAGE DE DAISAKU IKEDA

1. L’hiver se transforme toujours en printemps, Écrits, 539

2. Ibid.

3. Ibid.

4. Le Sûtra du véritable acquittement des dettes de reconnais-

sance, Écrits, 940

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ÉDITORIAL DE DAISAKU IKEDA AU CŒUR DU SÛTRA DU LOTUS

Éditorial paru dans le Daibyakurenge, mensuel d’étude affilié au mouvement Soka au Japon, d’avril 2017.

Les femmes du mouvement Sokasont les soleils toujours rayonnantsde kosen rufu

LE printemps est la saison de l’espoir où tous les êtres vivants se réjouissent. Il apparaît parce que

le soleil ne cesse jamais de briller, jour après jour. Nichiren Daishonin écrit : « Quand le soleil se lève dans la partie est du ciel, tous les cieux  au-dessus  du  grand  Jambudvipa,  le continent sud sont illuminés par sa vaste lumière. (Le Maître des Trois Corbeilles Shanwuwei, Écrits, 172) » De la même manière, le mouvement Soka manifeste une joie lumineuse parce que la foi des pratiquantes du département des femmes, les soleils toujours rayonnants de kosen rufu, brille d’un éclat éternel dans le cœur de notre mouvement.

En faisant l’éloge de l’épouse de Shijo Kingo, Nichigen-nyo, au nom de toutes les femmes disciples qui gardaient une foi ferme et constante au milieu des persécutions auxquelles elles étaient confrontées à l’époque, Nichiren écrit : « Je me demande si le bouddha Shakyamuni en personne n’est pas entré dans vos cœurs et cela m’émeut tant que je peux à peine contenir mes larmes (Réprimander les oppositions à la Loi et éradiquer les fautes, Écrits, 440). » Ce passage peut également s’adresser aux femmes du mouvement Soka d’aujourd’hui, car Nichiren connaît certainement tous leurs efforts.

Chaque jour le soleil se lève, qu’il pleuve ou qu’il neige. Il est toujours là, derrière les nuages, et brille sereinement. Comme le soleil, constant et immuable, allons de l’avant sans dévier de la voie de notre mission. C’est notre foi dans le bouddhisme du soleil de Nichiren qui nous propulse avec force sur ce chemin.Nous menons des vies actives et trépidantes. Nos journées sont remplies d’un nombre impressionnant de tâches à accomplir, de problèmes à régler, qui semblent souvent nous dépasser. En avançant en âge, nous ne pouvons pas échapper aux dures réalités engendrées

par le vieillissement et le déclin de la santé. De plus, nous vivons dans une société où les « huit vents » – prospérité, déclin, disgrâce, honneurs, louanges, critique, souffrance et plaisir – soufflent sans cesse. C’est pourquoi notre foi, en tant que sages champions au courage invincible, est si importante. En effet, Nichiren nous explique : « Plus notre foi est grande, plus la protection des divinités est grande. » (La suprématie de la Loi, Écrits, 619) En d’autres termes, une foi inébranlable active les forces positives de l’univers.La nonne séculière Ueno, la mère de Nanjo Tokimitsu, endura beaucoup d’épreuves difficiles, notamment le décès de son cher époux puis de son fils cadet tant aimé, ainsi que les âpres défis apparus avec la persécution d’Atsuhara. Cependant, dans son cœur brûlait la flamme de l’espoir allumée par Nichiren. Il lui avait écrit ces mots rassurants : « Ceux qui adoptent le Sûtra du Lotus peuvent inverser [ce type de souffrances de l’enfer]. L’enfer devient [alors] la Terre de la lumière paisible. » (L’enfer est la Terre de la lumière paisible, Écrits, 459) La Loi merveilleuse peut illuminer même l’obscurité la plus profonde.

Un jour mon épouse, Kaneko, a envoyé un message d’encouragement à une responsable du Kansai, qui venait juste de quitter le département des jeunes femmes : « Je prie pour que vous renforciez toujours davantage votre engagement, qui ne doit jamais changer malgré les divers changements auxquels vous serez confrontée dans la vie. » Tel le soleil éclatant du Kansai-toujours-victorieux, cette responsable ne cesse d’illuminer par sa joie la vie de nombreuses femmes et jeunes femmes aujourd’hui. Elle est restée fidèle à son vœu de jeunesse de consacrer sa vie à kosen rufu, quels que soient les changements.Un jour mon maître, le deuxième président de la Soka Gakkai, Josei Toda, a

déclaré : « Dans un monde plein de visages méprisants et malveillants, de rumeurs envieuses, tournez-vous plutôt vers les visages souriants et rayonnants de bonne fortune des pratiquantes des départements des femmes et des jeunes femmes, et écoutez leurs voix éclatantes et bienveillantes ! »

Les réunions des femmes du mouvement Soka brillent véritablement telle une lumière de la paix qui répand la joie, l’harmonie et le bonheur dans notre environnement et dans la société.Dans une lettre adressée à la nonne séculière Myoho, qui recherchait sincèrement ses enseignements, Nichiren décrit le pouvoir de la récitation du Daimoku : « Quand nous récitons une fois Myoho-renge-kyo 1, par ce seul son, nous faisons surgir et rendons manifeste la nature de bouddha de tous les êtres vivants. Ce bienfait est incommensurable et illimité. » (Comment ceux qui aspirent initialement à la Voie peuvent atteindre la bouddhéité, Écrits, 896)

Sans jamais cesser de faire résonner le son de Nam-myoho-renge-kyo dans le monde entier, tournons-nous avec courage vers les autres pour dialoguer et faire apparaître le soleil de l’espoir dans le cœur de celles et ceux que nous rencontrons.

Les sourires des mèresbienveillantes de kosen rufu,qui ont fait le vœu de ne jamais être vaincues,font se lever le soleil du bonheur et de la victoire. n

1. Myoho-renge-kyo s’écrit avec cinq caractères chinois alors

que Nam-myoho-renge-kyo en comprend sept (nam ou namu

comptant pour deux caractères). Nichiren utilise souvent Myo-

ho-renge-kyo comme synonyme de Nam-myoho-renge-kyo

dans ses écrits.

6 | Cap sur la paix 1096

ÉDITORIAL DE DAISAKU IKEDA AU CŒUR DU SÛTRA DU LOTUS

Les enseignements bouddhiques sont réunis au sein d’un grand ensemble de textes appelés sûtras. Les pratiquants du bouddhisme de Nichiren considèrent que le Sûtra du Lotus représente l’enseignement le plus élevé de Shakyamuni car il révèle que tous les êtres humains possèdent le potentiel de manifester la bouddhéité. Replongeons au cœur de ce texte fondateur à travers ses sept paraboles, dont nos expériences sont la concrétisation moderne. Dans ce numéro, nous revenons sur la première des sept paraboles : la parabole des trois chariots et de la maison en feu.

S’éveiller à l’éclatante nature de sa vie

L’ENSEIGNEMENT du Sûtra du Lotus ne fut pas transmis sous la forme d’une doctrine théorique

obscure, mais se trouve rempli de paraboles, outils pédagogiques efficaces utilisés par le Bouddha afin de transmettre son désir de soulager les personnes de la souffrance et leur permettre de s’éveiller à l’immense potentiel inhérent à leur vie. Dans ces récits, certains aspects reflètent nos propres désirs, espoirs, peurs ou combats. Ils sont donc à la fois une source de compréhension de la Loi bouddhique et d’encouragements nous permettant de remporter des victoires, que nous partageons ensuite autour de nous. Aspect essentiel de notre pratique, nos expériences sont des illustrations concrètes des paraboles du Sûtra du Lotus et, en elles-mêmes, de nouvelles paraboles modernes.

La parabole des trois chariots et de la maison en feu raconte comment un homme très fortuné sauve ses enfants de l’incendie qui ravage sa vaste demeure : «  Lorsque  leur  père  vit  les  flammes immenses lécher les murs de tous côtés, affolé,  terrifié,  il  se  dit  :  “mes  fils  sont  à l’intérieur de cette maison qui brûle, ils jouent et s’amusent en toute insouciance, ignorant qu’il y a le feu et inconscients de tout danger. Le brasier se rapproche et va les cerner, des souffrances terribles les menacent, mais comment songeraient-ils à s’échapper puisqu’ils n’ont aucune notion du péril qui les guette ?” (…) Le père connaissait parfaitement  ses  fils,  il  savait pertinemment quels jouets et quels objets curieux attireraient précisément chaque enfant et lui plairaient, c’est pourquoi il leur dit : “Ce qui vous amuse est rare et difficile à trouver. Si vous ne le prenez pas quand l’occasion se présente, vous le regretterez plus tard. Par exemple des chars tirés par des chèvres, des daims ou des bœufs. Il y en a juste de l’autre côté du portail, vous pouvez jouer avec ! Sortez donc tout de suite de cette maison en flammes, et je vous donnerai tous ceux que vous voudrez !”

À  cet  instant,  quand  les  fils  entendirent leur père parler de ces jouets très rares et dont ils avaient précisément envie depuis longtemps, chacun fut dévoré d’envie et tous se ruèrent hors de la maison en flammes en se bousculant. (…) Shariputra, l’Ainsi-Venu est bien comme cela. En fait, il est comme un père pour le monde entier. D’abord il prêche les trois véhicules pour attirer et guider les êtres vivants, mais ensuite il ne se sert que du Grand Véhicule pour les sauver. Pourquoi ? L’Ainsi-Venu possède une sagesse incommensurable, le pouvoir, l’absence de crainte, la resserre de la Loi. Il a le pouvoir de donner à tous les êtres vivants la Loi du Grand Véhicule, mais tous ne sont pas capables de la recevoir. Shariputra, voilà pourquoi tu dois comprendre que les bouddhas ont recours au pouvoir des moyens opportuns. »

Nous vivons dans un monde où la recherche d’une position sociale, de la richesse et du plaisir est vantée et encouragée, nous aveuglant maintes fois sur la valeur véritable de notre propre vie. En conséquence, notre échelle des valeurs peut fluctuer en fonction de ces marqueurs strictement extérieurs. Dans le Sûtra du Lotus, le bouddha Shakyamuni dévoile clairement que, au-delà de leur intelligence, de leur réussite ou de leur richesse, tous les êtres vivants possèdent la même dignité et le même potentiel que le Bouddha. Comprenant qu’il puisse leur être difficile de saisir pleinement cette profonde vérité, Shakyamuni leur raconte alors cette histoire des trois chariots et de la maison en feu.

À l’image des enfants décrits dans ce récit, nous pouvons aisément nous laisser absorber par des préoccupations relativement superficielles et éphémères, sans parvenir à prendre conscience de la précarité d’une telle existence et en sous-estimant le potentiel de notre vie. Le président de la SGI, Daisaku Ikeda, le souligne : « Submergés par l’illusion et l’ignorance, les êtres humains échouent

non seulement à comprendre que leur propre  demeure  est  en  flammes  et  qu’ils s’y consument, mais ils ne parviennent pas non plus à réaliser que leur vie même est celle du Bouddha. En usant de paraboles, celui-ci cherche à les éveiller à l’éclatante nature de leur propre vie. »

Grâce à cette parabole, Shakyamuni a l’ambition d’ouvrir la perception souvent limitée que nous avons de notre propre potentiel. Il est difficile en effet de croire en la grandeur de notre vie, en notre capacité à vaincre les difficultés et à orienter celle-ci dans une voie nouvelle et inexplorée. Les trois chariots promis aux enfants afin de détourner leur attention sont à considérer comme une métaphore des « trois véhicules » conduisant aux états d’étude, d’éveil pour soi et de bodhisattva – autrement dit, des enseignements antérieurs du Bouddha répondant aux capacités intellectuelles et aux attentes de ses disciples d’alors. L’étendue véritable de notre nature de bouddha excédant largement ces attentes.

Nous posons souvent des limites à nos idéaux et à notre propre développement, ou versons facilement dans la complaisance et l’autosatisfaction. Le bouddhisme nous encourage à un développement constant et à cultiver une éternelle jeunesse d’esprit. Daisaku Ikeda écrit : « Le char tiré par un grand bœuf blanc faisant route librement par-delà les sommets les plus difficiles représente l’état de Bouddha, qui ne connaît pas de limites. »Telle est la véritable nature de notre vie, synonyme d’une liberté et d’une dignité profondes, et d’un développement toujours plus joyeux. n

1. Valeurs humaines, hors-série n°5, février 2016, pp. 8-12

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SUR cette « île des mines », une explosion provoquée par une inflammation de poussières de

charbon, survenue en juin 1962, avait coûté la vie à six personnes et en avait gravement blessé neuf. La mine avait allongé le temps de travail de ses ouvriers afin de pouvoir remplir des normes journalières astreignantes, ce qui avait suscité un mécontentement grandissant parmi ces derniers. Après l’accident, le bruit avait commencé à courir qu’un deuxième syndicat était sur le point d’être créé puisque celui qui existait déjà se rangeait plutôt du côté de l’employeur. L’entreprise nourrissait pour sa part une certaine défiance vis-à-vis des ouvriers. En effet, certains se volatilisaient dès qu’ils avaient perçu l’avance sur salaire versée lors de l’embauche tandis que d’autres quittaient le travail plus tôt pour s’adonner au jeu,

ou bien d’autres encore s’absentaient à cause de la boisson. Ceux qui s’opposaient au mouvement Soka prétendaient qu’ils n’avaient pas pu venir travailler par la faute de certains des pratiquants ; ils soutenaient, par exemple, que ceux-ci étaient venus chez eux pour les convaincre de pratiquer et étaient restés jusque très tard dans la nuit, ce qui les avait privés de sommeil, tandis qu’en réalité, ils avaient simplement regardé la télévision ensemble. Les logements attribués aux ouvriers au sein de la mine étaient séparés par une simple cloison, et on entendait tout ce qui se passait chez les voisins. Si une réunion de discussion avait été organisée, les opposants à la pratique s’en servaient de prétexte au détriment des ouvriers pratiquants, affirmant sur leurs justificatifs d’absence que les bruits de la réunion les avaient empêchés de dormir.

Les pratiquants menaient toujours leurs activités en prêtant la plus grande attention au voisinage. Néanmoins, l’entreprise avait commencé à porter un regard extrêmement hostile sur les employés qui faisaient partie du mouvement Soka. Elle exerçait des pressions injustes sur eux et leur ordonnait de demander l’autorisation de tenir des réunions de discussion. Certains étaient menacés de devoir quitter leur logement s’ils voulaient organiser des réunions. Afin de ne pas déranger leur voisinage, les pratiquants avaient pris l’habitude de se réunir à la belle étoile.

En entendant courir le bruit d’une tentative de création d’un deuxième syndicat, l’entreprise minière, absolument convaincue que c’était le mouvement Soka qui avait pris cette initiative afin de s’attaquer à lui, manifestait désormais ouvertement sa malveillance et sa haine à son égard. Tout cela était dû à une méconnaissance totale de ce qu’était le mouvement. En réalité, l’entreprise n’avait pas bonne conscience pour la mesure qu’elle avait prise vis-à-vis de celui-ci et était assaillie de doutes. Se trouvant sur la défensive, elle adoptait une posture agressive.

Persuadée qu’il était en passe de créer un deuxième syndicat, l’entreprise minière estimait qu’il fallait affaiblir le mouvement Soka. Les responsables de l’entreprise rendaient visite aux employés pratiquants chez eux, usaient de pressions à leur égard et repartaient avec les Gohonzon de ces derniers. Apprenant cela, des jeunes hommes de Soka habitant dans cette « île des mines » étaient passés à l’action. Trois ou quatre représentants, dont Hirosuke Tayama, responsable du groupe, avaient obtenu un entretien avec les responsables du personnel de l’entreprise afin de protester. « La liberté de croyance est un  droit  dont  tous  les  Japonais  devraient jouir de manière équitable. Vous, qui êtes l’employeur, n’avez pas le droit de retirer le Gohonzon, un objet de culte, à vos employés. Vous portez atteinte à leur

La Nouvelle Révolution humaineSuite du roman La Révolution humaine, La Nouvelle Révolution humaine paraît sous forme de feuilleton dans le Seikyo Shimbun (quotidien de la Soka Gakkai au Japon). Daisaku Ikeda, sous les traits de Shin’ichi Yamamoto, y retrace l’histoire de la Soka Gakkai à partir du 2 octobre 1960, date où il s’envole pour la première fois à l’étranger en tant que nouveau président du mouvement. Par ce récit, il désire transmettre l’esprit de son maître, Josei Toda, en racontant le combat que lui-même a mené en tant que disciple.

VOLUME 28 CHAPITRE 4

Îles de la victoire

3

En octobre 1978, les responsables d’Okinawa et des îles éloignées (Ishigaki et Miyako) décident d’organiser une réunion à Naha, capitale de la préfecture. C’est en 1974 que Shin’ichi s’y est rendu pour la dernière fois. Les responsables locaux décident que cette fois, ce sont eux qui iront à sa rencontre pour lui faire part du développement et de l’avenir de leur région.

Résumé des épisodes précédents

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liberté de croyance. C’est une persécution que vous nous faites subir. Rendez-nous immédiatement les Gohonzon que vous avez confisqués ! »Le responsable du personnel avait alors rétorqué, plein d’arrogance : « Le Gohonzon ? Ce rouleau qui décorait l’autel ? Nous l’avons pris et nous nous contentons de le conserver avec le consentement de l’intéressé. Vous parlez de liberté de croyance, mais n’est-ce pas aussi au nom de la liberté de croyance que les gens quittent le mouvement Soka lorsqu’ils en ont assez ? — Alors, je vous le demande : pourquoi vous, l’entreprise, intervenez-vous dans la foi d’un individu ? On dit que vous n’embauchez pas de pratiquants. Ce que vous faites équivaut à une discrimination fondée sur la religion. Nous allons lutter résolument  afin  de  protéger  les  droits fondamentaux de nos amis.— Vous dites que nous interférons dans la vie privée, mais c’est parce qu’il y a un risque que les pratiquants perturbent l’entreprise et nous causent un grave préjudice.— Comment ? Sur quoi vous basez-vous pour  affirmer  cela  ?  Savez-vous  quelles 

orientations nous donne notre mouvement en ce qui concerne le travail ? »Tayama avait expliqué, en toute sincérité, que le mouvement Soka incitait à faire autant d’efforts que les autres dans la pratique, mais à en déployer trois fois plus dans les activités professionnelles ; et que Shin’ichi Yamamoto ne cessait de répéter qu’il fallait devenir une personne indispensable sur son lieu de travail. En échangeant avec les délégués, les jeunes gens avaient compris que les mesures abusives de l’entreprise avaient pour origine des préjugés et une incompréhension à l’égard du mouvement Soka. Cette entrevue de protestation était tout naturellement devenue une occasion de faire connaître le bouddhisme.

Hirosuke Tayama avait expliqué en détail aux dirigeants de l’entreprise minière, notamment au responsable du personnel, ce qu’était l’enseignement pratiqué au sein du mouvement Soka et son objectif. Il avait constaté qu’à mesure qu’il parlait, l’attitude de ses interlocuteurs, ainsi que leur visage, se transformaient progressivement.

Certains hochaient la tête de temps à autre en signe d’approbation. Le responsable du personnel avait posé cette question : «  Je  vais  être  direct,  la Soka Gakkai a-t-elle l’intention de créer un deuxième syndicat pour s’opposer à l’entreprise ?— Nous n’avons aucune intention de ce genre. Mais si l’entreprise bafoue la législation ou menace nos droits, nous la combattrons jusqu’au bout. »Tayama avait alors demandé pourquoi l’entreprise avait confisqué le Gohonzon de certains pratiquants. Quinze foyers étaient concernés et leurs noms avaient été divulgués. On lui avait répondu que les Gohonzon étaient conservés par ceux qui les avaient confisqués. Bien évidemment, l’entreprise n’avait nullement le droit de confisquer un objet de culte personnel, et de ce fait, ceux-ci allaient être restitués à leurs propriétaires. Grâce à cet entretien, l’entreprise avait compris que le mouvement Soka ne s’apprêtait pas à créer un deuxième syndicat, et qu’il accordait une grande importance à la sociabilité. Les pratiquants avaient pu désormais mener librement des activités bouddhiques au

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La Nouvelle Révolution humaine

Afin de ne pas déranger leur voisinage, les pratiquants avaient pris l’habitude de se réunir à la belle étoile.

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sein des logements miniers, ce qui avait permis au mouvement de prendre de l’ampleur.

Le Mahatma Gandhi proclamait qu’il fallait élever la voix et se dresser pour exprimer ses convictions. 1 Il faut faire entendre sa voix pour protéger les droits de la personne humaine, en faisant jaillir le courage. C’est toujours le silence qui a permis au mal de se manifester et de proliférer. En 1972, toutes les mines de l’île avaient été fermées. Nombreux étaient les habitants qui l’avaient quittée pour chercher un autre emploi. Toutefois, une cinquantaine de foyers de pratiquants avaient décidé de rester.

Par la suite, l’île avait misé sur l’élevage de crevettes grises et sur le tourisme comme industries phares, et ces pratiquants avaient considérablement contribué au développement de ce terroir. Les deux îles de Kyushu évoquées ici se situaient près du territoire principal et n’étaient pas perdues au milieu de l’océan. Cependant, des persécutions acharnées s’y étaient abattues sur les pratiquants qui, avec persévérance, avaient continué à préparer le terrain de kosen rufu.

À 215 km de Sapporo, au Hokkaido, en prenant le train vers le nord, on trouve la ville minière de Haboro, qui fut autrefois prospère, sur la côte nord-ouest de cette région. À 30 km à l’ouest de Haboro, sur la mer du Japon, on arrive à l’île Teuri, d’une circonférence de 12 km, connue pour ses guillemots de Troïl (Uria aalge). Les bateaux qui assuraient la correspondance avec l’île se réduisaient à une seule navette par jour, entre octobre et avril. Chaque année, au mois de mars, de nombreuses espèces d’oiseaux marins, notamment le guillemot de Troïl, venaient faire leur nid sur cette île pour se reproduire. Durant la période de reproduction, d’avril à août, un nombre impressionnant

d’oiseaux tapissaient littéralement les rochers en gradin de l’île. La mer d’un azur infini, l’écume d’un blanc immaculé dansant sur les roches, les ribambelles d’oiseaux planant dans les airs comme s’ils recouvraient le ciel… Le paysage était d’une beauté grandiose, la nature offrait là une véritable toile de maître.

En débarquant du bateau et en levant les yeux vers le haut de la colline, on apercevait un bâtiment de deux niveaux aux murs blancs. C’est le plus grand hôtel de l’île, proposant une trentaine de chambres, géré par Taichi Sada, un pratiquant. En 1978, l’île comptait environ 800 habitants, répartis entre 260 foyers. Elle abritait un groupe conséquent du mouvement Soka dont Sada était le responsable.

Cet homme de 69 ans avait connu une existence mouvementée. Son grand-père était originaire de l’actuelle préfecture d’Aomori, dans la région de Tohoku. Il s’était installé sur l’île Teuri au début de l’ère Meiji, dans les années 1870, et en avait été l’un des premiers défricheurs. Sa réussite dans la pêche avait attiré de nombreuses autres personnes, qui étaient venues s’installer sur l’île avec son aide, depuis les préfectures d’Aomori ou d’Akita. La famille Sada avait prospéré en tant que notables de l’île, propriétaire de bateaux et de filets de pêche. À l’apogée de la pêche au hareng, l’île avait connu un âge d’or comme centre de cette activité et sa population avait atteint jusqu’à deux mille personnes.La mer apportait la richesse, mais se montrait parfois sanguinaire et impitoyable. Il arrivait que les vagues déchaînées dévorent des vies humaines de leurs crocs carnassiers. Une pêche réussie ou une vie perdue ? Nul ne savait ce qui arriverait le lendemain. En vivant face à une nature sur laquelle la force humaine n’avait guère de prise, on se rendait souvent compte que l’homme demeurait impuissant. C’est pourquoi, certaines personnes cultivaient une foi forte.

Le père de Taichi Sada était animé d’une croyance fervente au point d’avoir fait construire un autel dédié au dieu-dragon ou fait sculpter une statue consacrée aux âmes d’enfants disparus, installée au bord d’un chemin ( jizô). Il conseillait également aux pêcheurs de nourrir une croyance, quelle qu’elle soit, estimant qu’il s’agissait du meilleur comportement à observer dans la vie. Taichi avait été

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Sur l’île de Teuri, de nombreuses espèces d’oiseaux marins viennent en période de reproduction.

« Il faut faire entendre

sa voix pour protéger les droits

de la personne humaine »

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fortement influencé par son père. Il avait organisé un groupe de jeunes bouddhistes dont il était lui-même devenu le premier président. Accompagné de jeunes gens de l’île, il pratiquait zazen (méditation zen) et partait demander l’aumône. Malgré tout, l’affaire familiale avait périclité et avait fait faillite en 1919. Étant l’héritier, Taichi s’était efforcé de redresser l’entreprise, partant pêcher jusqu’à la pointe nord des îles Kouriles et au large de la péninsule du Kamtchatka. Il avait également tenté la pêche en rivière, dans la province de Heilongjiang, en Mandchourie (actuelle région nord-est de la Chine). Toutefois, sa famille ne cessait d’être ballotée par les tumultes de l’époque, et aucune perspective de renversement de la situation n’était en vue. En 1939, son père était décédé. Bien qu’il ait fait faillite, il avait légué à son fils un vaste terrain d’environ 100 000 m². Taichi avait poursuivi ses activités même après la Seconde Guerre mondiale, mais le poisson n’était guère abondant. À cela étaient venus s’ajouter plusieurs accidents de bateau. Avant même de s’en rendre compte, il avait déjà accumulé des dettes colossales. Sur les 100 000 m² de terrain, il avait réussi à vendre les deux tiers pour une somme dérisoire, mais

qui avait servi à rembourser une partie des dettes ; le restant du terrain n’avait jamais trouvé preneur. Les créanciers le harcelaient chaque jour, mais Taichi n’avait aucun espoir de pouvoir payer ce qu’il devait. Il empruntait pour rembourser, et la dette augmentait à une vitesse fulgurante. Il ne savait plus que faire. Il avait alors eu l’idée de fuir dans la nuit, à l’insu de tous. C’est ainsi qu’il s’était installé dans la ville de Rumoi, à Hokkaido, et avait commencé à vivre en évitant tout contact avec les autres habitants. Il y avait un jour rencontré un ami de longue date qu’il n’avait pas revu depuis longtemps. Lorsque Taichi lui avait confié qu’il s’était enfui de l’île, cet ami lui avait parlé d’un enseignement religieux : « Tu as dû déployer des efforts sincères dans ton travail. Mais la pêche n’était plus fructueuse, et tu as subi des accidents. Et tu en souffres. Tu es bel et bien confronté à ton karma négatif. Mais il y a un enseignement qui te permettra à coup sûr de transformer tout cela. »Pouvons-nous triompher de notre destinée ou la subir ? Là est bien la clé du bonheur ou du malheur de notre vie. Taichi Sada ne cessait de s’interroger : «  J’ai  toujours  conservé  une  foi  plus  forte 

que les autres, et depuis ma jeunesse, j’ai pratiqué  différentes  croyances.  Je  peux affirmer que je suis plus fervent et sérieux que quiconque dans ce domaine. Pourtant, les malheurs s’abattent sur moi et me voilà contraint de mener une vie de misère, sans même avoir de quoi me nourrir. Pourquoi tout cela ? »Au fond du désarroi, il avait commencé à se dire que ni Dieu ni Bouddha ne l’aideraient jamais. Son ami, comprenant ses tourments intérieurs, lui avait dispensé des mots d’encouragement et expliqué qu’il existait des différences de profondeur entre les enseignements : « Dans la vie, il importe de savoir en quel enseignement on doit avoir foi. Par exemple, si tu vis cette année avec le calendrier de l’année dernière, que se passera-t-il ? Tout sera décalé, et tu ne pourras mener correctement ta vie sociale. Un autre exemple : tu te trouves dans l’île Teuri et tu cherches un chemin, mais si tu as le plan de l’île voisine de Yagishiri, tu ne pourras jamais arriver à destination. Un enseignement religieux est comme une carte où est tracé le chemin fondamental pour devenir heureux. Si tu crois dans le bon enseignement et avances sur cette base, tu ne manqueras pas de trouver le bonheur. Cet enseignement, c’est le

Vivre de la pêche sur une île expose les êtres humains à la puissance d’une nature parfois sévère.

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bouddhisme de Nichiren ; et le mouvement Soka est un mouvement qui le pratique tel que Nichiren l’a enseigné. Tu as jusqu’à maintenant cheminé avec le plan d’une autre île, et tu t’es perdu dans un labyrinthe. C’est pour cela que même si tu déploies de gigantesques efforts, tu ne fais que tourner en rond et ne parviens pas à en sortir. C’est peut-être ce qu’on appelle le mauvais karma. Mais je te garantis que la croyance pratiquée au sein du mouvement Soka te remettra sur la bonne voie. Elle permet de transformer cette destinée. D’ailleurs, je le ressens pleinement moi-même. Ta vie est loin d’être terminée. Faisons des efforts et remportons la victoire ! »Taichi Sada avait quarante-six ans à ce moment-là. En échangeant avec cet ami,

il avait senti l’espoir rejaillir en lui. Il ne comprenait certes pas tout, mais il avait décidé de lui faire confiance ainsi qu’à cet enseignement, et de le pratiquer au sein du mouvement Soka. Le dialogue sur le bouddhisme est un acte de stimulation spirituelle qui fait naître espoir et courage chez l’interlocuteur. En mai 1955, Taichi Sada avait adhéré à la pratique bouddhique au sein du mouvement Soka.

Taichi avait commencé à pratiquer avec sa femme. Tous les deux récitaient des Daimoku avec ferveur afin de sortir de leur situation extrêmement délicate. En suivant les orientations du mouvement Soka, ils s’étaient efforcés de parler du bouddhisme aux autres et de diffuser ses enseignements. Ce faisant, la douleur cardiaque et les difficultés respiratoires de sa femme, dues à une maladie valvulaire du cœur, se dissipaient progressivement. Le couple ressentait le premier bienfait de la pratique et était profondément reconnaissant de l’aide procurée par la croyance dans le Gohonzon. Cinq mois après avoir adhéré au mouvement Soka, armé d’une ferme conviction dans la pratique, Taichi avait décidé de retourner dans son île natale. Il

devait toujours une somme considérable, et sa situation n’avait pas changé. Mais son cœur s’était transformé : contrairement au moment où il s’était enfui de l’île, croulant sous les dettes, désormais la flamme du serment d’accomplir kosen rufu sur l’île et d’aider ainsi les habitants à devenir heureux brûlait en lui. Sur l’île Teuri, il avait repris ses activités de pêcheur, tout en sillonnant le territoire pour parler du bouddhisme. Tous les habitants de l’île le connaissaient bien ; autrefois propriétaire de filets depuis des générations, il s’était enfui pour échapper à ses créanciers. Par conséquent, lorsqu’il parlait du bouddhisme, tout le monde ricanait et lui jetait parfois du sel pour « purifier » les traces de son passage selon la tradition. Les gens chuchotaient derrière lui : «  Sada  a  fini  par  perdre la tête ! Cette fois-ci, il est hanté par une religion bizarre. Quelle misère ! »

Dans cette petite île, les dires des gens parvenaient immédiatement aux oreilles de Taichi. Il ressentait une amertume qu’il ne pouvait évacuer, d’autant qu’il n’avait aucun responsable ni camarade de pratique sur l’île à qui demander conseil. Il ne pouvait que serrer les dents et endurer les critiques. En récitant de tout son cœur Daimoku, il avait réfléchi : « Si je reste pauvre sans pouvoir rembourser mes dettes, personne ne m’écoutera, c’est certain. Il me faut des preuves factuelles du pouvoir de la pratique ! Je voudrais accomplir ma révolution financière pour réaliser kosen rufu sur mon île ! »Une théorie sans preuve est vaine, comme l’affirme résolument Nichiren Daishonin : « Il déclare alors que, si la preuve textuelle et la preuve doctrinale sont importantes pour évaluer l’efficacité d’un enseignement bouddhique, bien plus importante encore est la “preuve apportée par les faits réels” 2. »

Taichi avait donc prié avec ardeur, déterminé à remporter une victoire dans sa vie qui servirait de preuve factuelle de la foi. La récitation de Daimoku est la source de la force vitale et de la sagesse. Il avait mûrement réfléchi à la possibilité de s’engager dans une autre activité que la pêche, et avait opté pour l’ouverture d’un gîte en aménageant une partie de son domicile. Il n’avait que trois lits ; cependant, de mai à septembre, sa maison ne désemplissait pas. En hiver, presque personne ne venait visiter l’île Teuri. La mer se déchaînait, le ciel est toujours couvert de nuages couleur de plomb, le blizzard soufflait en ouvrant sa gueule féroce. Le bateau, qui

Taichi Sada en proie à ses difficultés, dialogue avec son ami et retrouve espoir.

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« Pouvons-nous triompher de

notre destinée ou la subir ?

Là est bien la clé du bonheur

ou du malheur de notre vie »

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ne faisait qu’un aller-retour par jour, se raréfiait selon la météorologie. Taichi se disait que c’était le moment de dialoguer en profondeur avec les habitants. Il se déplaçait sous la tempête de neige pour partager l’enseignement bouddhique. Il avait appris à lire et à écrire dans ce but, lisait le magazine d’étude bouddhique Daibyakurenge et le journal affilié au mouvement Soka, Seikyo Shimbun, et étudiait les écrits de Nichiren. Ainsi, deux ans après être retourné sur l’île, huit foyers avaient adhéré au bouddhisme de Nichiren. Il tenait patiemment son gîte ; chaque année, il le réaménageait pour mieux accueillir les clients.

En automne 1961, l’île Teuri s’était soudain retrouvée sous les feux des projecteurs. Une série télévisée intitulée « Île d’Ororon 3 », produite par la chaîne locale, avait été diffusée sur le réseau national. Les protagonistes de la série étaient deux enfants de l’île, une sœur et un frère. Le rôle du frère était tenu par le fils de Sada, Kazuhiro. Cette émission avait fait connaître très largement l’île comme un lieu, plein de charme, de reproduction de l’oiseau marin, ce qui avait entraîné une hausse de la fréquentation touristique.

Le chiffre d’affaires du gîte de Taichi Sada avait augmenté régulièrement. Mais le réseau d’alimentation en eau de l’île était insuffisant. En 1962, pour ne pas causer d’ennui à ses clients, Taichi avait décidé d’installer une canalisation en tuyaux de caoutchouc, à partir d’un étang sur la colline, qui se trouvait derrière son établissement. Il avait commencé ses travaux sur une falaise haute de 30 mètres. Un moment, il avait perdu l’équilibre et avait fait une chute libre. Il avait perdu connaissance et été transporté aux urgences sur le territoire principal. Les examens avaient révélé qu’il avait eu le crâne enfoncé et une vertèbre cervicale décalée. Il avait eu la vie sauve, mais le médecin lui avait annoncé qu’il ne pouvait pas l’opérer, car cela risquait de mettre sa vie en danger. n

Taichi reprend avec vigueur son activité de pêcheur.

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1. « Speech at prayer meeting » (Discours lors d’une réunion

de prière), Bombay, Œuvres complètes du Mahatma Gandhi,

volume 83 (Publication du gouvernement indien).

2. Trois maîtres des trois corbeilles prient pour qu’il pleuve,

Écrits, 602.

3. Ororon est un nom populaire japonais donné à l’oiseau

marin guillemot de Troïl.

« Si la preuve textuelle

et la preuve doctrinale

sont importantes pour

évaluer l’efficacité d’un

enseignement bouddhique,

bien plus importante encore

est la “preuve apportée

par les faits réels” »

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J’AI rencontré le bouddhisme de Nichiren par ma cousine qui a commencé à réciter Daimoku au début des années 1990. À l’époque,

je pensais que le bouddhisme n’était que « des chinoiseries de bobo-hippies, naïfs ». Adolescent, je suis un jeune homme plutôt en colère, aigri, déprimé et sévèrement misanthrope. Jusqu’à l’âge de 27 ans, j’ajoute à cette négativité, une forte consommation de cannabis. Pendant cette période, ma cousine et son mari continuent de m’encourager à réciter Daimoku, convaincus que cette pratique me ferait du bien.

Aujourd’hui, avec le recul, je peine à me souvenir de la cause de ce mal-être.

Je crois que j’étais frustré d’aimer de nombreuses choses tout en n’osant croire qu’elles étaient à ma portée. Né avec un handicap incompris par les médecins, je souffrais d’une incapacité totale à croire au bonheur tel que j’étais. Enfant, j’étais combatif, animé par un sentiment d’injustice par rapport à ma situation. Grâce au soutien de ma mère, je me bats pour être le plus autonome possible, allant jusqu’à contredire les diagnostics des médecins prédisant une incapacité de marcher et une durée de vie qui ne dépasserait pas 30 ans.

Arriver au point de ruptureNéanmoins, cette combativité s’émousse petit à petit. La naissance de mon petit

frère, plus lourdement handicapé que moi, renforce ce sentiment d’injustice. Quelques années plus tard, la poussée de croissance de la puberté et mon manque de force physique provoquent chez moi une scoliose assez grave. On me force à porter des corsets plutôt moches et douloureux. À l’école, je m’en servais pour faire croire aux plus jeunes que j’étais un robot. Malgré ces protections, la scoliose s’aggrave et me confère un physique disgracieux et difficile à assumer. Je subis une opération qui me sauve la vie même si tout n’est pas parfaitement redressé.

À cette opération s’ajoute une autre blessure : mes parents divorcent. Les relations père-fils en pâtissent pendant plusieurs années. À 27 ans, je fais le bilan : j’ai grandi dans un quartier très populaire, dans une famille très modeste, j’ai subi le racisme dans les milieux scolaire et professionnel. J’en arrive à un point de rupture, des idées noires émergent. C’est à ce moment que je me rappelle du poème que le mari de ma cousine m’a offert un jour. Ce poème s’intitule « Ose croire », composé par Josei Toda, second président de la Soka Gakkai. Je le lis plusieurs fois et un déclic se produit, je me dis « Pourquoi pas ? ». Je me rends chez ma cousine et nous récitons alors Daimoku tous les deux.

Changer d’environnementPar la suite, je continue à pratiquer par moi-même et, très vite, mon environnement change. Je déménage à Montpellier avec ma sœur, je quitte donc le nid familial et commence à goûter à une vraie indépendance. Ma sœur, qui ne pratiquait pas, souhaite que je puisse continuer à assister aux activités bouddhiques. Elle m’accompagne en réunion. Peu à peu, elle décide de commencer à pratiquer le bouddhisme de Nichiren. Moins de deux ans après mes débuts de pratique, je fais le vœu d’engagement et reçois le Gohonzon. La pratique du bouddhisme de Nichiren et l’étude

EXPÉRIENCE [FRANCE] EXPÉRIENCE [FRANCE]©

DR

Karim Benfadel, 39 ans, habite à Montpellier. Il revient sur son parcours de vie au sein du département de la jeunesse et son combat pour apprendre à respecter la dignité de sa propre vie.

Oser croire

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EXPÉRIENCE [FRANCE] EXPÉRIENCE [FRANCE]

bouddhique me font beaucoup de bien, je trouve des réponses à certaines questions que je me posais depuis très longtemps. Les réponses apparaissent naturellement et sont de l’ordre du bon sens. Avec le bouddhisme, le sens de la vie et mon identité deviennent claires. Je continue les activités qui représentent une source de vitalité et créent un lien social avec des personnes en qui je peux avoir confiance. Je suis touché par la sincérité avec laquelle plusieurs jeunes hommes m’encouragent à l’époque. Ils ont un tel sens de l’écoute ! Nous partageons la même envie de créer une belle communauté de jeunes, soudée par des liens forts. Le résultat est sans attente : de vraies relations d’amitié émergent. Je suis très fier de faire partie de ce « gang de bodhisattvas » !

Lâcher priseLors des activités bouddhiques, on me propose parfois de lire un texte, de présenter l’activité. Pour accepter ces responsabilités, je lutte contre mes tendances négatives. Je me rends compte que j’éprouve de la reconnaissance pour tout ce que cela m’a apporté. Cette reconnaissance me donne l’envie de me dépasser. Je réalise alors des choses que je n’aurais jamais imaginées, comme participer au festival commémorant le 50e anniversaire de la première venue de Daisaku Ikeda en France, en 2011. Je relève le défi d’être sur scène, participer à une chorégraphie contemporaine, faire des mouvements difficiles à effectuer en écho à l’œuvre Guernica de Picasso. Je suis très pudique vis-à-vis de mes limites physiques. Mais à ce moment-là, l’envie de donner me permet de surmonter mes peurs. J’avais presque du mal à me reconnaître !

Toutes ces choses participent à un changement intérieur chez moi. Je rencontre des gens qui me rapprochent de tous ces domaines que je n’osais jusqu’ici côtoyer. Je noue des amitiés avec des musiciens, graphistes, danseurs,

rappeurs. Je me rends à de nombreux concerts. J’emménage donc seul, ma sœur et les amis avec qui je vivais repartant à Rouen. Je suis de plus en plus à l’aise dans le monde et j’ose ! Je participe à un petit label avec un ami, je fais des vidéos, des clips … Je joue même dans une web-série produite avec un autre ami, moi qui détestais mon image !

La plus belle chose qui me soit arrivée jusqu’ici est de réaliser qu’en restant moi-même, j’encourageais les jeunes hommes autour de moi dans un climat détendu, de confiance, où tout le monde ose partager à sa façon, où tout se dit sans jugement. J’ai commencé à pratiquer le bouddhisme de Nichiren pour oser être moi-même, je suis devenu celui avec qui les gens osent être eux-mêmes. J’en suis venu à considérer certains jeunes hommes comme des petits frères.

Aujourd’hui, je suis entré dans le département des hommes. J’ai choisi, pour le faire, la date du 16 mars, comme un joli pied de nez. Décision difficile car, intérieurement, je me sens encore comme un gamin. Il y a quelques semaines, je me suis rendu chez un de mes meilleurs amis qui connaît des soucis de santé afin de l’encourager. En pleine recherche spirituelle et ayant entendu parler du bouddhisme de Nichiren depuis quelques années, il manifeste aujourd’hui de l’intérêt pour cette pratique. Me voilà donc en train d’encourager et de pratiquer avec un homme, que je connais depuis tout jeune, depuis le collège. La boucle est bouclée, quelle belle conclusion pour ces années dans le département de la jeunesse ! n

Un bateau pour traverser l’océan des souffrances (extrait)

« À l’époque de la Fin de la Loi, le pratiquant du Sûtra du Lotus se distinguera de façon certaine. Plus les persécutions qui s’abattront sur lui seront grandes, plus il ressentira de joie grâce à la force de sa foi .Un feu ne brûle-t-il pas avec plus d’intensité lorsqu’on y ajoute des bûches ? Tous les fleuves se jettent à la mer et a-t-on déjà vu la mer repousser leurs eaux ? Le flot des persécutions se déverse dans l’océan du Sûtra du Lotus et assaille celui qui le pratique. Mais l’océan ne repousse pas les eaux des fleuves, ni le pratiquant la souffrance.Sans les eaux des fleuves, il n’y aurait pas de mer. De même, sans épreuves, il n’y aurait pas de pratiquant du Sûtra du Lotus. Comme l’a dit Tiantai : “Tous les fleuves se jettent dans la mer , et les bûches attisent le feu.” »

(Écrits, 33)

« Avec le bouddhisme, le sens de la vie et mon identité

deviennent claires. Je continue les activités

qui représentent une source de vitalité et

créent un lien social avec des personnes en qui je peux avoir

confiance »

Cap sur la paix 1096 | 15

Créer une société au XXIe siècle où la dignité de la vie est respectée

LA TRIBUNE DES ÉTUDIANTS

EXTRAITS

À L’ESSENTIEL

AU COEUR DU MOUVEMENT

Dans le prochain numéro de Cap sur la paix

À paraître le 18 avril 2017 !

EXPÉRIENCE [FRANCE]

L’ÉTUDE EN QUESTION

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CRÉER une société fondée sur le respect de la dignité de la vie de chaque être vivant est le message

essentiel du traité Sur l’établissement de l’enseignement correct pour la paix dans le pays*, légué à toute l’humanité par Nichiren. Dans ces extraits issus de La Jeunesse et les écrits de Nichiren Daishonin**, Daisaku Ikeda partage ses éclairages sur cet écrit majeur. L’occasion de nous rappeler que la paix démarre dans notre cœur et par des dialogues de personne à personne. C’est ce que nous vous proposons d’étudier pour les réunions du mois d’avril. Nous vous souhaitons de magnifiques échanges !

LE MOT DES ÉTUDIANTS

UN ÉCRIT MAJEUR DÉDIÉ À LA PAIXLe principe de « l’établissement de l’enseignement correct pour la paix dans le pays » est le cœur du bouddhisme de Nichiren. Comme l’a expliqué Nichikan (1665-1726), un des grands réformateurs du bouddhisme de Nichiren : « On dit que tous les enseignements dispensés par le Daishonin au cours de sa vie commencent et s’achèvent par le traité Sur l’établissement de l’enseignement correct pour la paix dans le pays. » Il n’est pas exagéré de dire que si l’on arrêtait d’œuvrer pour l’objectif enraciné au cœur de ce traité, le bouddhisme de Nichiren cesserait d’exister.

FONDER NOTRE EXISTENCE SUR LE RESPECT DE LA DIGNITÉ DE LA VIE(...) Je suis heureux que les étudiants réfléchissent sérieusement à [la signification de ce traité]. C’est une question concise qui va directement à l’essentiel. Nous vivons à une époque où cet enseignement est d’une importance accrue, il s’agit là d’un principe

indispensable pour permettre à l’humanité de réaliser la paix mondiale, ce vœu qu’elle chérit depuis si longtemps.Des désastres considérables se produisent de nos jours à travers le monde. La crise économique se poursuit, les gens vivent dans une ère chargée d’incertitudes. Ils sont de plus en plus nombreux à rechercher une assise spirituelle et philosophique.« L’établissement de l’enseignement correct » signifie affirmer ce qui est juste, élever la bannière de la vérité et de la justice. Cela signifie faire du véritable respect de la dignité de la vie le fondement de notre existence. « L’établissement de l’enseignement correct » revient pour l’essentiel à ce que vous, les pratiquants de la jeunesse qui adoptez une philosophie véritablement humaniste et des principes de vie remarquables, vous vous dressiez courageusement pour agir dans la société. Daisaku Ikeda, La  Jeunesse  et  les  écrits  de Nichiren, ACEP, p. 58-59.

LE BONHEUR DES ÊTRES VIVANTS COMME SOCLE DE LA SOCIÉTÉ(…) La « paix dans le pays » ne renvoie pas à la protection d’un système politique ou social en particulier mais au bonheur des gens, à leur paix et à leur sécurité quel que soit le lieu où ils vivent. C’est pour le bien du peuple, pour l’humanité, et plus particulièrement pour la jeunesse, que nous devons établir l’enseignement correct pour la paix dans le pays. Il est bien connu que le caractère chinois employé par Nichiren dans ce traité pour écrire le mot « pays » consiste en l’idéogramme représentant le « peuple » enfermé dans un carré. Il définit le pays comme l’endroit où vivent les êtres humains.

(…) Ce qui compte, ce sont les gens, ce sont eux qui représentent les fondations. Nous

devons bâtir une société où les êtres humains vivent en paix et en sécurité, et pour ce faire, nous devons établir solidement les principes de la dignité de la vie et la dignité humaine. Chaque vie est précieuse, au-delà de toute mesure. Nous devons empêcher la tendance consistant à rabaisser la valeur de la vie et des êtres humains de prendre racine. Il nous faut absolument, au contraire, nous efforcer de créer une société qui reconnaît la valeur de la vie et du bonheur de chaque individu. C’est ce que signifie établir l’enseignement correct pour la paix dans le pays, au xxie siècle. Ibid., p. 60.

LE DIALOGUE DE PERSONNE À PERSONNE COMME ACTION POUR LA PAIX(…) Le monde d’aujourd’hui est gagné par les fonctions destructrices de la vie qui font souffrir les gens et provoquent désaccords et désordres sociaux. Établir l’enseignement correct pour la paix dans le pays consiste à vaincre ces fonctions destructrices grâce à la Loi merveilleuse, et construire un royaume de paix et de bonheur. En d’autres termes, c’est une lutte entre le Bouddha et les fonctions destructrices qui se joue dans le cœur même et dans l’esprit de la vie de chaque individu. Tout part de là. C’est la raison pour laquelle l’établissement de l’enseignement correct pour la paix dans le pays commence par le dialogue de personne à personne. Ibid., p. 61.

* Écrits, 6.

** Acep 2016.