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Chapitre 1 1. Electrocardiologie et Electrocardiographie Préambule : Ce chapitre présente des notions fondamentales sur l’électrogenèse cardiaque. Il décrit succinctement les caractéristiques du tissu cardiaque auxquelles nous nous référerons dans ce mémoire ainsi que les processus de propagation de l'influx cardiaque, puis les principes fondamentaux de l'électrocardiographie et les différents types d'enregistrement. L’accent sera mis sur l'électrocardiogramme à haute résolution. 1.1. Rappels anatomique et fonctionnel Le coeur est situé au milieu du médiastin où il est partiellement recouvert par les poumons et antérieurement par le sternum et les cartilages des troisièmes, quatrièmes et cinquièmes côtes. Les deux tiers du coeur sont situés à gauche de la ligne passant par le milieu du corps. Il repose sur le diaphragme et est incliné en avant et à gauche de telle sorte que l'apex soit antérieur par rapport au reste du coeur. Le coeur est constitué de quatre cavités contractiles: les oreillettes reçoivent le sang veineux et les ventricules droit et gauche le propulsent respectivement dans la circulation pulmonaire et dans la circulation systémique (cf. figure 1-1). Chaque battement cardiaque est un processus mécanique engendré par des phénomènes bioélectriques, notamment ioniques. 1.2. L'électrogenèse cardiaque Excitabilité et contractilité sont les propriétés essentielles des tissus cardiaques. Elles varient selon la localisation de ces tissus dans le myocarde. Pendant la période d’activité (systole) et de repos (diastole) les cellules cardiaques sont le siège d’une suite complexe d'événements électriques membranaires et intracellulaires qui entraînent le glissement des filaments d’actine et de myosine à l’origine du raccourcissement de la cellule, donc de la contraction. 1.2.1. Potentiel d’action Ce sont les ions chlorure (Cl - ), sodium (Na + ), calcium (Ca ++ ) et potassium (K + ) qui sont impliqués dans les échanges membranaires. Leurs osmolarités intra-cellulaire et extra-cellulaire présentent des valeurs de potentiel électrochimique très différentes, spécifiques de chaque ion.

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Chapitre 1

1. Electrocardiologie et Electrocardiographie

Préambule : Ce chapitre présente des notions fondamentales sur

l’électrogenèse cardiaque. Il décrit succinctement les caractéristiques du

tissu cardiaque auxquelles nous nous référerons dans ce mémoire ainsi que

les processus de propagation de l'influx cardiaque, puis les principes

fondamentaux de l'électrocardiographie et les différents types

d'enregistrement. L’accent sera mis sur l'électrocardiogramme à haute

résolution.

1.1. Rappels anatomique et fonctionnel

Le coeur est situé au milieu du médiastin où il est partiellement recouvert par les poumons

et antérieurement par le sternum et les cartilages des troisièmes, quatrièmes et cinquièmes côtes.

Les deux tiers du coeur sont situés à gauche de la ligne passant par le milieu du corps. Il repose

sur le diaphragme et est incliné en avant et à gauche de telle sorte que l'apex soit antérieur par

rapport au reste du coeur. Le coeur est constitué de quatre cavités contractiles: les oreillettes

reçoivent le sang veineux et les ventricules droit et gauche le propulsent respectivement dans la

circulation pulmonaire et dans la circulation systémique (cf. figure 1-1). Chaque battement

cardiaque est un processus mécanique engendré par des phénomènes bioélectriques, notamment

ioniques.

1.2. L'électrogenèse cardiaque

Excitabilité et contractilité sont les propriétés essentielles des tissus cardiaques. Elles

varient selon la localisation de ces tissus dans le myocarde. Pendant la période d’activité (systole)

et de repos (diastole) les cellules cardiaques sont le siège d’une suite complexe d'événements

électriques membranaires et intracellulaires qui entraînent le glissement des filaments d’actine et

de myosine à l’origine du raccourcissement de la cellule, donc de la contraction.

1.2.1. Potentiel d’action

Ce sont les ions chlorure (Cl-), sodium (Na+), calcium (Ca++) et potassium (K+) qui sont

impliqués dans les échanges membranaires. Leurs osmolarités intra-cellulaire et extra-cellulaire

présentent des valeurs de potentiel électrochimique très différentes, spécifiques de chaque ion.

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Les gradients des concentrations ioniques sont régis par des mécanismes d’échange à

travers des canaux spécifiques de la membrane cellulaire. Les variations des potentiels observées

au cours du cycle cardiaque correspondent à des modifications de la perméabilité membranaire

pendant les différentes phases de ce cycle.

Pendant la phase de repos (diastole cellulaire), la polarisation membranaire à l’intérieur de

la cellule est négative par rapport à l’extérieur : c’est le potentiel de repos dont la valeur est

comprise entre -80 et -90 mV (cf. Tableau 1-1).

Figure 1-1 : représentation du coeur et de l’origine des gros vaisseaux. On distingue également

les voies de conduction normales de l'influx cardiaque [extrait de Tortora et al., 1988].

Pendant la phase de systole, le potentiel de membrane tend à s’inverser par suite des

variations de perméabilité aux ions Na+, Ca++ et du flux sortant de K+. L’intérieur de la

membrane peut alors atteindre des potentiels de +20 à +30 mV par rapport à l’extérieur de la

cellule. Cette variation de potentiel de membrane, caractéristique de la phase d’activité d'une

cellule, constitue le potentiel d’action (cf. Figure 1-2).

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Concentrations ioniques Potentiels électrochimiques

à 37 °

Intra-cellulaire Extra-cellulaire

Cl - 30 mmoles 140 mmoles Ecl- = -41 mV

Na+ 10 mmoles 140 mmoles ENa+=+41 mV

Ca++ 100 mmoles 2 mmoles ECa++=+ 133 mV

K+ 140 mmoles 4 mmoles EK+ =- 94 mV

Tableau 1-1 : concentrations intra et extra-cellulaires des principaux ions impliqués dans les

phénomènes électrophysiologiques cardiaques et valeurs des potentiels électrochimiques d'équilibre

correspondant [extrait de Noble, "The initiation of the heartbeat", Londres, 1973, p 12-13].

Figure 1-2 : représentation schématique de différentes courbes du potentiel d’action [extrait de

Macfarlane, "Comprehensive electrocardiology", NY, 1989, p. 132].

La forme du potentiel d'action varie selon le tissu considéré. Son amplitude crête-à-crête

est de 100 à 120 mV. La phase de dépolarisation est la plupart du temps rapide ou très rapide. La

vitesse est à peu près proportionnelle à la vitesse de conduction des tissus. La phase rapide de

dépolarisation est suivie d'un plateau plus ou moins long et plus ou moins ample selon le tissu.

Le tissu nodal (c'est-à-dire des noeuds sinusal et auriculo-ventriculaire) présente, contrairement

aux autres, une phase de dépolarisation lente.

Durant la phase de dépolarisation et une partie de la phase de repolarisation appelée

"période réfractaire", les cellules sont inexcitables. Ces caractéristiques des cellules cardiaques

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contribuent à une bonne synchronisation des mécanismes de contraction de l'ensemble du muscle

cardiaque.

1.2.2. Propagation de l’excitation

La transmission de l’excitation dans les fibres cardiaques s’effectue de proche en proche.

Elle résulte d’un flux de courant entre les cellules qui viennent d’être activées et les cellules

adjacentes au repos.

L’excitation qui est à l’origine du battement cardiaque prend naissance dans le noeud

sinusal (ou noeud de Keith et Flack). Elle se propage de cellule à cellule dans toute la masse du

muscle auriculaire pour produire la contraction des oreillettes. L'excitation atteint alors le noeud

auriculo-ventriculaire (ou noeud d'Aschoff-Tawara, cf. figure 1.3).

Figure 1-3 : principales caractéristiques du système de conduction dans un cœur humain. SAN:

noeud sinusal (Keith et Flack), B: branche antérieure, W: branche médiane, T: branche postérieure,

AVN: noeud auriculo-ventriculaire, H: faisceau de His, LBB: branche gauche, RBB: branche droite, PF:

fibres de Purkinje [extrait de Macfarlane, "Comprehensive electrocardiology", NY, 1989, p. 111].

Ce noeud a un rôle de régulateur. Il impose à l’onde de propagation un certain retard avant

de la transmettre au faisceau de His. Celui-ci transmet l’excitation aux ventricules, plus

précisément au Faisceau de His et aux fibres de Purkinje qui cheminent sur toute la surface

interne des ventricules. Le noeud auriculo-ventriculaire et le faisceau de His constituent le seul

lien fonctionnel normal entre les étages auriculaire et ventriculaire. Grâce au retard imposé par le

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noeud auriculo-ventriculaire, les ventricules ne sont dépolarisés qu’après la fin de la contraction

des oreillettes, donc au moment où les ventricules sont remplis.

La conduction dans le réseau de Purkinje est très rapide ce qui permet d’obtenir une

contraction à peu près simultanée de l'ensemble des myocardes ventriculaires droit et gauche,

d’où une expulsion optimale du volume sanguin ventriculaire vers les artères. La repolarisation

se produit ensuite de façon plus lente.

1.2.3. La commande rythmique du coeur

Le coeur est un muscle caractérisé par une activité automatique, spontanée et régulière. Le

coeur isolé bat à une fréquence qu’on appelle "la fréquence cardiaque idiopathique". Elle est en

moyenne de 70 battements par minute chez l'adulte. Cette fréquence diminue avec l’âge et

l’entraînement physique. Sur le coeur normal, le noeud sinusal est soumis à une régulation extra

cardiaque qui a pour effet de réduire la fréquence cardiaque au repos et de l’augmenter au cours

de l’effort physique. Cette régulation est assurée en grande partie par le système nerveux

autonome.

1.2.3.1. Le système nerveux autonome

Le système nerveux autonome joue un rôle clé dans la régulation de l'activité cardiaque, de

la fréquence, de la force des battements cardiaques, de la pression artérielle (dilatation ou

vasoconstriction des vaisseaux sanguins). Il comprend deux systèmes d’effet inverses :

1.2.3.1.1. Le système parasympathique

C'est l'élément dominant de la régulation de la fréquence cardiaque chez l'homme. Il

permet le ralentissement de la fréquence cardiaque.

1.2.3.1.2. Le système sympathique

Il est surtout relié aux processus qui impliquent une dépense d'énergie. Lorsque l'organisme

est en homéostasie, la fonction principale du système sympathique est de combattre les effets du

système parasympathique. A l'inverse de la situation au repos, lors d'une tension extrême par

exemple, le système sympathique domine le système parasympathique, surtout dans des

situations de stress.

1.2.3.2. Le baroréflexe

L'arc baroréflexe est un mécanisme de rétro-contrôle de la pression artérielle par lequel

toute modification de la pression artérielle entraîne une variation opposée de la fréquence

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cardiaque (baroréflexe cardiaque) et des résistances périphériques (baroréflexe vasomoteur). Ce

rétro-contrôle a pour objectif de réguler de façon rapide l'état tensionnel du système circulatoire.

Il réduit la labilité tensionnelle et maintient en toutes circonstances le niveau de pression autour

d'une valeur moyenne.

1.3. Electrocardiographie

Une fibre cardiaque en cours de dépolarisation peut être assimilée à un dipôle de courant.

A un instant donné le front de l’onde d’activation formé par l’ensemble des dipôles élémentaires

crée un champ électrique qui est fonction des moments dipolaires. L’enregistrement de

l’évolution temporelle du champ électrique résultant, effectué au moyen d’électrodes cutanées, se

nomme l'électrocardiogramme de surface.

L'apparition de l’électrocardiographie il y a une centaine d'années coïncide avec la création

du premier système d’enregistrement suffisamment sensible pour mesurer les potentiels

électriques cardiaques à partir de la surface du corps. Ce système fut réalisé en 1903 par Willem

Einthoven [Eint 03][Eint 55], physiologiste néerlandais de Leyde (1860-1927), considéré comme

le père de l’électrocardiographie. Il décrivit la succession des ondes P,QRS,T dans le signal

électrocardiologique.

Il fut également le premier à découvrir certaines anomalies électrocardiographiques [Eint

08] telles que les tachycardies et les bradycardies ventriculaires. Il reçut en 1924 le prix Nobel

pour l'ensemble de son travail sur l’électrocardiographie. Le système d’enregistrement

d’Einthoven, produit et commercialisé pour la première fois en 1908 par la «Cambridge

Scientific Instrument Company of London», obtint un succès important et bien d’autres modèles

furent développés par la suite. D'autres scientifiques ont activement contribué à l'évolution de

l’électrocardiographie. Citons notamment Samojloff [Sam 09], Lepeschkin [Lep 51], Lewis [Lew

11] et Wilson [Wil 34].

1.3.1. Enregistrement de l’ECG standard: les dérivations

Un système de dérivations consiste en un ensemble cohérent de dérivations, chacune

définie par la disposition de ses électrodes sur le thorax du patient. L'emplacement des électrodes

est choisi de sorte à explorer la quasi totalité du champ électrique cardiaque en offrant un

ensemble cohérent de dérivations non redondantes. Plusieurs systèmes standardisés existent.

Dans le paragraphe suivant, nous décrirons chronologiquement les systèmes de dérivations les

plus utilisés et les différents types d’ECG associés.

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1.3.1.1. Les dérivations périphériques bipolaires standards

Les dérivations I, II et III sont des dérivations bipolaires qui explorent l’activité cardiaque

dans le plan frontal. Ce système de référence est schématisé par un triangle équilatéral dit triangle

d’Einthoven, dont les sommets représentent les localisations des électrodes (cf. figure 1-4). Les

trois électrodes sont placées respectivement : au bras droit pour R, au bras gauche pour L et à la

jambe gauche pour F. On considère que tous les vecteurs résultants instantanés ont pour origine

commune le centre du triangle équilatéral et on recueille leurs projections sur les côtés de ce

triangle en mesurant les différences de potentiel entre ses sommets :

D V V

D V V

D V V

I L R

II F R

III F L

= −= −= −

Théoriquement, on a la relation : D D DI III II+ =

Figure 1-4 : triangle d'Einthoven. Le corps est supposé avoir une configuration triangulaire du

point de vue de ses caractéristiques électriques [extrait de Macfarlane, Comprehensive

Electrocardiology, NY, 1989, p. 317].

1.3.1.2. Les dérivations périphériques unipolaires

En 1934, Wilson introduit les dérivations unipolaires [Koss 85]. Dans ce cas, il mesure la

différence de potentiel entre un point de référence et chacun des points R, L et F. Dans le système

dit de Wilson, ce point de référence appelé "borne centrale de Wilson" est virtuel, il est supposé

demeurer à un potentiel invariable et de valeur pratiquement nulle.

Goldberger [Gol 42] propose en 1942, les «dérivations unipolaires augmentées des

membres» (aVR, aVL, aVF). Celles-ci permettent d'obtenir des signaux de plus grande amplitude

que ceux du système de Wilson. Ces dérivations mesurent la différence de potentiel entre chacun

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des trois points et le potentiel moyen des deux autres. On obtient ainsi des déflexions augmentées

d’un facteur 1,5 par rapport aux dérivations de Wilson (cf. figure 1-5) :

aVR VV V V

aVL VV V V

aVF VV V V

RL F R

LF R L

FR L F

= − − = ×

= − − = ×

= − − = ×

23

2

23

2

23

2

Figure 1-5 : circuit utilisé pour l'acquisition des dérivations augmentées. Sur ce schéma, le

galvanomètre permet de mesurer aVR [extrait de Macfarlane, Comprehensive Electrocardiology, NY,

1989, p. 318].

En 1935, Kossman [Koss 35] propose les dérivations unipolaires précordiales (V1 à V6)

(cf. figure 1.6).

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Figure 1-6 : positions d'électrodes recommandées pour l'enregistrement du système de dérivations

unipolaires précordiales (V1-V6)[extrait de Macfarlane, Comprehensive Electrocardiology, NY, 1989, p.

319].

Ces six dérivations unipolaires parcourent transversalement la région précordiale antérieure

et latérale gauche. Elles correspondent à la mesure de différence de potentiel entre chaque

électrode et la borne centrale de Wilson.

Le système d’électrodes standard utilisant 12 dérivations est finalement constitué de

l'ensemble des dérivations: aVR, aVL, aVF, DI, DII, DIII et V1 à V6 .

1.3.2. Ondes enregistrées

Pour chaque battement cardiaque, l’électrocardiogramme enregistre 3 ondes successives

(cf. Figure 1-7):

Figure 1-7 : le cycle cardiaque complet [extrait de Tortora et al., 1988].

- L’onde P : elle représente la dépolarisation auriculaire. Sa durée est de l’ordre de 90 ms.

C'est une onde positive dont l'amplitude est normalement inférieure ou égale à 0.2 mV.

- Le complexe QRS : il correspond à la dépolarisation ventriculaire précédent l’effet

mécanique de contraction. Sa durée normale est comprise entre 85 et 95 ms.

- L’onde T : elle correspond à la repolarisation des ventricules. L'onde T normale à une

amplitude plus faible que le complexe QRS.

L'intervalle PR mesure la durée entre le début de l'onde P et le début de Q ou de R. Sa

durée est comprise entre 120 et 180 ms. La phase de repolarisation ST-T est beaucoup plus

longue (300-400 ms) que la phase de dépolarisation ventriculaire (85-95 ms).

La phase de repolarisation auriculaire n’apparaît pas sur l’ECG car elle est noyée dans le

complexe QRS.

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1.3.3. Le vectocardiogramme

C’est en 1914 qu'apparut pour la première fois le concept de vectocardiographie décrit par

Williams [Wil 14]. Ce médecin proposa une représentation du signal cardiaque, non plus sous

deux dimensions (amplitude, temps), mais sous quatre dimensions: le temps et l'espace à 3

dimensions comprenant les axes frontal, sagittal et transversal du corps humain. La

vectocardiographie se réfère à la théorie du dipôle unique d’après laquelle l’information qui se

manifeste dans les zones activées du coeur, en un instant déterminé, peut s’exprimer sous forme

d’un vecteur champ électrique unique ayant pour origine le point O représentant le centre

électrique de la masse ventriculaire. Ce point O reste fixe et on l’utilise comme point d’origine

de tous les vecteurs résultants instantanés qui évoluent au cours du temps.

Chaque séquence du champ électrique cardiaque, P, QRS et T, peut être représentée par

l’enveloppe des vecteurs résultants successifs et constitue une courbe spatiale appelée le

vectocardiogramme.

Le vectocardiogramme fut, dans un premier temps, enregistré par l'intermédiaire de quatre

électrodes placées sur le thorax. Ces dérivations ne convenaient cependant pas à la mesure des

composantes vectorielles du vecteur résultant de la force électromotrice du coeur. En effet, pour

la mesure vectocardiographique, la condition géométrique d’orthogonalité des dérivations est

essentielle. Les travaux de Frank [Fra 56] apportent en 1956 un système de dérivations

orthogonales X, Y et Z (cf. figure 1-8) applicable en pratique clinique et demeurant aujourd'hui

un des systèmes vectocardiographiques les plus utilisés.

Les trois dérivations sont obtenues par un réseau de résistances ou par calcul mathématique

réalisant une combinaison linéaire des potentiels recueillis par 8 électrodes cutanées: une

électrode de référence placée à la jambe droite (non référencée dans la figure 1-8), 5 électrodes

thoraciques dans un même plan transversal (deux électrodes situées de part et d'autre du thorax

sur la ligne axillaire, une sur le sternum, une autre dans le dos et une autre à la hauteur du

mamelon gauche), une électrode sur la nuque et la dernière sur la jambe gauche.

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Figure 1-8 : schéma de la position des 7 électrodes d'après le système de Frank [extrait de

Arnaud, Diagnostic Electro-Vectocardiographique, Beauchevin, 1995, p. 22].

Figure 1-9 : schéma d'un vectocardiogramme spatial normal (onde QRS). Il s'inscrit dans un

système de référence qui est le trièdre orthogonal OX, OY, OZ composé par les trois dérivations

orthogonales corrigées X, Y, Z. L'origine de la courbe est le point O, centre du trièdre. Dans cet

exemple, la courbe débute à droite en avant et en bas. Elle s'oriente ensuite en arrière et développe sa

plus grande élongation dans l'octant postérieur gauche inférieur [extrait de Arnaud, Diagnostic Electro-

Vectocardiographique, Beauchevin, 1995, p. 19].

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Le système de référence est un repère tri-orthogonal dont les axes sont liés à la géométrie

du thorax : OX transversal, OY vertical, OZ sagittal (cf. figure 1-9). Les signaux enregistrés sur

X, Y et Z sont les projections du vecteur instantané sur ces trois axes. D’un point de vue

pratique, les boucles vectocardiographiques des ondes P, QRS et T sont représentées par leurs

projections sur les plans frontal (OX,OY), horizontal (OX,OZ) et sagittal (OZ,OY).

En définitive, l’électrocardiogramme et le vectocardiogramme représentent des moyens de

diagnostic puissants [Arn 95] et peu coûteux. Ces méthodes sont triplement avantageuses: en

plus d'être rapides, elles sont non invasives et donc atraumatiques, et lorsqu'elles nécessitent une

période de mesure plus longues, elles peuvent être rendues ambulatoires.

1.3.4. Electrocardiogramme ambulatoire de Holter

L’enregistrement électrocardiographique ambulatoire fut mis au point par Holter [Hol 61]

en 1961. Ce type d’enregistrement est surtout employé pour détecter l’apparition d’arythmies et

la modification du segment ST-T sur une durée de 24 heures.

Les électrodes utilisées sont comme pour tous les ECG, des électrodes en Ag/AgCl. Une

préparation de la peau est nécessaire afin de limiter les interférences générées par l’interface

peau-électrode. Des recommandations liées au choix des voies enregistrées lors de l’acquisition

des ECG Holter ont fait l'objet d’un article publié par l’American Heart Association (AHA) [She

85,1].

Les enregistreurs sont soit analogiques (bande magnétique) soit numériques.

L'inconvénient majeur des systèmes numériques était jusqu'à très récemment leur manque de

résolution lié à l'utilisation d'algorithmes de compression numérique permettant de stocker les

données dans des mémoires solides dont la capacité est limitée à quelques méga-octets. Pour

avoir des performances comparables à celles des enregistreurs, il faudrait des capacités d'environ

80 Mo pour pouvoir stocker 24 heures sur trois voies avec une résolution acceptable. L'évolution

technologique permet d'envisager de disposer de telles capacités dans un avenir proche

(mémoires Flash ou micro-disques).

L’ECG Holter est reconnu comme un outil très efficace pour le diagnostic des arythmies

transitoires.

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1.3.5. Electrocardiogramme à haute résolution moyenné

La qualité de l’enregistrement électrocardiographique est tributaire des performances du

système d’acquisition, du taux d’échantillonnage du signal (500 échantillons par seconde pour un

ECG standard) et de la présence d'interférences générées par les muscles thoraciques

(myogramme). Ces interférences sont très difficiles à éliminer. Elles sont évidemment plus

faibles lorsque l’acquisition est effectuée au repos que lorsqu'il s'agit d'enregistrements

ambulatoires.

La présence d’interférences devient un problème primordial lorsque l’on considère des

phénomènes électrophysiologiques complexes générant des signaux transitoires de faible

amplitude et de fréquence élevée, tels que les potentiels tardifs qui apparaissent chez les patients

en post-infarctus avec des crises de tachycardies ventriculaires. Dans ce cas bien précis, les

caractéristiques techniques des systèmes d’enregistrement classique (fréquence

d’échantillonnage, gain en tension, résolution en amplitude et pré-traitement du signal) sont

insuffisantes.

Dans le paragraphe suivant, nous décrirons les caractéristiques et l’intérêt d’utiliser un

enregistrement de haute résolution en électrocardiographie quantitative.

1.3.5.1. Historique

Cette technique est relativement récente puisque c’est en 1972 qu’elle fut décrite pour la

première fois dans le cadre de l’analyse de signaux physiologiques [Eva 72].

L’ECG haute résolution moyenné (ECG-HR) est une méthode classique pour augmenter le

rapport "signal sur bruit" de l’ECG. Cette méthode est largement utilisée pour enregistrer les

signaux cardiaques transitoires de très faible amplitude et de haute fréquence, impossibles à

détecter sur l’ECG classique. L’utilisation du moyennage du signal est une méthode s’appuyant

sur le fait que le signal interférentiel présent dans l’ECG est du bruit aléatoire tandis que le signal

ECG se répète égal à lui-même à chaque cycle cardiaque. Moyenné sur un nombre de cycles

importants ( [ ]N ∈ 50 300, cycles), il permet de réduire considérablement le bruit dans un rapport

proche de 1 N , tout en conservant les informations qui sont synchrones sur chaque cycle.

Le calcul du moyennage demande un pré-traitement pour détecter et aligner les cycles

cardiaques successifs avant d’en faire la sommation. La qualité du signal final est le plus souvent

liée à la qualité de l’acquisition des données, du fait de la nature statistique du signal moyenné

[Ber 88]. Initialement, cette technique a été utilisée pour enregistrer par voie externe les signaux

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de faible amplitude du système de His [Ber 73]. La mise en évidence de ces signaux dans le

segment P-R a permis de montrer l'intérêt et les possibilités de cette méthode.

Tandis que l’enregistrement des potentiels du faisceau de His a été abandonné, une

nouvelle application a pris un essor considérable : la détection des potentiels tardifs chez les

patients ayant subi un infarctus du myocarde [Gom 72]. L’intérêt toujours croissant des

rythmologues pour la compréhension des mécanismes générateur d’arythmies ventriculaires a

conduit, dès la fin des années 1970, à l’étude des mécanismes anormaux de la dépolarisation

ventriculaire, notamment de sa partie terminale (fin du complexe QRS) [Boi 73] [Wal 73].

L’étude la plus remarquable, et qui reste une référence dans ce domaine, est le travail de Simson

mettant en évidence la relation entre la présence de potentiels tardifs et le risque de tachycardie

ventriculaire [Sim 81,1]. Cette étude fut suivie de nombreuses autres. Cependant, les méthodes

d’acquisition et de traitement du signal ECG-HR ont été si diverses que les résultats restent

difficiles à comparer. Afin de standardiser cette méthode, un consensus international est

intervenu [Bre 91], imposant certaines normes sur les techniques d’acquisition des données de

l’ECG-HR moyenné.

1.3.5.2. Acquisition de l’ECG haute résolution

La première génération des appareils d'électrocardiographie moyennée reposait sur des

systèmes analogiques. Dès 1979, il apparut indiscutable qu’un appareillage d’ECG-HR devait

utiliser les techniques de traitement informatique de signaux préalablement numérisés [Var 79].

Les enregistrements d’ECG-HR actuellement utilisés ont une architecture commune dont les

éléments modulaires sont décrits dans la figure 1-10.

Le système que nous utilisons est l’enregistreur ART 1200 EPX dont la méthode d'analyse

du signal électrocardiologique est basée sur le système défini par Simson [Sim 81, 2]. Il est à

noter que la description précise des méthodes et des algorithmes utilisés par cet appareillage n'est

pas accessible. La description qui suit présente donc uniquement les techniques de base de cette

méthode.

1.3.5.2.1. Système de dérivations

Le positionnement des électrodes d’acquisition de l’ECG-HR a évolué en même temps que

les capacités et les limitations des outils de traitement. Actuellement, le système de dérivations

recommandées, quoique empirique, relève d'un consensus international préconisant l'utilisation

de trois dérivations pseudo-orthogonales positionnées selon le schéma présenté dans la figure 1-

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Chapitre 1

11. Notons que jusqu’à présent, aucune étude n’a déterminé un positionnement ou un nombre

d’électrodes permettant d’obtenir une mesure optimale des potentiels tardifs.

Dérivations

X Y Z

Pré-ampli. C.A.N. U.C.

Ecran

StockageDisque durDisquette

Imprimante

Unité de traitement

Figure 1-10 : synoptique de la chaîne d’acquisition d’un ECG-HR. C.A.N.: convertisseur

analogique/numérique; U.C.: unité centrale [extrait de Gomes JA, Signal Averaged

Electrocardiography, NY, 1993, p. 51].

Figure 1-11 : positionnement des électrodes pour l'acquisition de l'électrocardiogramme haute

résolution moyenné [extrait de Gomes JA, Signal Averaged Electrocardiography, NY, 1993, p. 52].

1.3.5.2.2. Interface peau-électrodes

La qualité de l’interface peau/électrode doit être optimale. Des électrodes Ag/AgCL sont

utilisées. Ces électrodes sont les plus fiables pour les enregistrements standard mais aucune étude

n’a vérifié cette fiabilité pour l’enregistrement électrocardiographique à haute résolution.

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Chapitre 1

La préparation de la peau est indispensable pour éviter la présence de dérives de la ligne de

base ou d’interférences issues du secteur (50Hz). Une mauvaise interface introduit un

déséquilibre de l’impédance d'entrée du système et contribue à l’augmentation des interférences.

En général, ce déséquilibre est compensé par un taux de réjection des amplificateur qui est au

minimum de 120 dB.

1.3.5.2.3. Amplification et pré-filtrage du signal

Le gain de l’amplificateur des systèmes d'acquisition de l'ECG-HR est généralement fixé

entre 1000 et 8000 pour des fréquences comprises 0.05-300 Hz. Cette valeur d'amplification est

liée au convertisseur analogique numérique. Par exemple pour un convertisseur permettant un

signal d'entrée de ± 5 volts crête à crête, le gain est de 2000, ce qui permet d’obtenir une

amplitude de l’ECG de ± 2 volts pour une amplitude en entrée de ±1 millivolt. Ces

amplificateurs doivent impérativement être protégés et isolés de l’environnement dans lequel ils

se trouvent. Les caractéristiques du système ART 1200 EPX que nous utilisons sont les suivantes

:

L'amplificateur assure un gain de 1000 sur les fréquences comprises entre 0.05 et 300 Hz.

Le taux de réjection en mode commun est de 140 dB. Le signal de chaque dérivation est filtré

avant la numérisation, par un filtre anti-aliasing avec une fréquence de coupure de 250 Hz.

1.3.5.2.4. Numérisation du signal

Après l’amplification et le filtrage analogique, le signal est numérisé. Le convertisseur

analogique/numérique doit échantillonner le signal avec une fréquence élevée (entre 1000 et

2000 Hz) pour permettre la conservation des potentiels de fréquences élevées. Certains travaux

ont montré que l’analyse du signal moyenné à partir d’enregistrements ECG Holter [Kel 89]

n'était pas fiable. Les limites de ce type d’enregistrement sont liées à la bande passante de

l’enregistrement qui est trop faible pour la mesure de micro activités anormales. Une étude [Ber

91] a montré qu’un système ayant une fréquence d'échantillonnage inférieure à 1000 Hz distord

l’ECG et dégrade l’analyse des potentiels tardifs.

Le système que nous utilisons utilise une fréquence d'échantillonnage de 1000 Hz.

La seconde caractéristique du convertisseur analogique/numérique est sa résolution en

amplitude. Elle représente le nombre de bits utilisés pour le codage de l’amplitude du signal

analogique. Le codage des systèmes commerciaux est effectué sur 12 à 16 bits. Dans notre étude,

le signal est codé sur 16 bits avec une résolution de 0.03 µV.

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Chapitre 1

1.3.5.3. Méthode d’obtention du signal moyenné

1.3.5.3.1. Détection des complexes QRS

Les différentes étapes de détection des complexes utilisent des heuristiques mises au point

pour l’analyse et la surveillance automatique de l’électrocardiogramme [Pal 84]. La détection des

complexes QRS implique un filtrage passe-bande, typiquement de 5 à 30 Hz, destiné à éliminer

la dérive de la ligne de base. Généralement, un redressement est appliqué à l'ECG avant de le

soumettre aux algorithmes de détection des QRS. Plusieurs algorithmes existent : localisation du

début et de la fin du complexe QRS à partir d’un seuil en amplitude [Uil 79] , ou par

comparaison du signal avec le contour d’une courbe type [Goo 76], ou par localisation du

maximum de corrélation avec un complexe QRS de référence [Abb 84] [Arn 77].

La méthode de détection la plus couramment utilisée est basée sur une approximation

numérique de la «vélocité spatiale», courbe issue des trois dérivations synchrones. La détection

se fait sur le dépassement d’un seuil d'amplitude ou sur une valeur limite de corrélation avec un

complexe type. L’intérêt d’utiliser un seuil d’acceptation des complexes QRS est basé sur la

nécessité de ne moyenner que des cycles identiques.

La méthode de détection des complexes du système d'acquisition ART EPX 1200 n'est pas

documentée.

1.3.5.3.2. Classification des complexes QRS

Après l’étape de détection, la classification des complexes QRS est essentielle pour exclure

les battements ectopiques ou les battements trop bruités. Diverses méthodes de classification des

complexes existent. Elles sont généralement basées sur l'analyse de la morphologie des ondes

détectées. Ces méthodes se distinguent principalement par les options prises pour l’extraction de

paramètres caractérisant la forme des QRS et pour la mesure de la dissimilitude entre ces mêmes

QRS. Pour l’ECG-HR, la sélection des QRS est effectuée par un algorithme utilisant une mesure

de corrélation entre le complexe à analyser et un complexe de référence et ceci sur une fenêtre

d’au moins 40 ms incluant la déflexion la plus rapide des complexes à comparer. La valeur du

coefficient de corrélation, recommandée par les auteurs pour l'insertion d'un complexe dans la

série de cycles à moyenner, est généralement supérieure à 0.95 [Gom 93] [Ber 88]. Avec ce seuil

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Chapitre 1

de corrélation, le programme de reconnaissance de forme rejette de 0 à 2% des complexes

normaux mais est une méthode fiable pour l’élimination des complexes ectopiques.

1.3.5.3.3. Synchronisation et moyennage des QRS

Une synchronisation des complexes est effectuée par l'intermédiaire d'une fonction de

corrélation calculée entre le complexe de référence et le complexe à aligner:

ρ = =

= =

∑ ∑

x y

x y

i ii

M

ii

M

ii

M

1

2

1

2

1

équation 1-1

où xi and yi sont respectivement les M valeurs constituant le signal du cycle de référence et

du cycle à aligner. Une valeur minimale de seuil d'acceptation de la valeur de ρ fixée à 0.97

définit une synchronisation acceptable. Cette valeur devrait théoriquement être égale à 1 mais la

présence de bruit la diminue [Ber 89]. En pratique et d'après l'étude de Lander [Lan 92], la valeur

optimale de ρ est comprise entre 0.95 et 0.999.

Le signal moyenné x n( ) sur un ensemble de R cycles est donné par:

x n x n R s n R b n Ri i ii

R

i

R

i

R

( ) ( ) / ( ) / ( ) /= = +===∑∑∑

111

équation 1-2

où si(n) et bi(n) sont respectivement le signal utile et le signal de bruit du nième échantillon

du cycle i du signal à moyenner xi(n)= si(n)+bi(n). L'origine des n est déterminée relativement à

un point de synchronisation lié au signal utile.

Le rapport signal sur bruit (RSB) est définis comme le module du signal divisé par la

puissance du bruit [Sch 70] :

RSBs n

E b n

s n

nb

= =( )

[ ²( )]

( )

( )σéquation 1-3

où σb(n) est l'écart type des valeurs du bruit sur l'échantillon n. Le rapport signal sur bruit

pour un signal moyenné sur R cycles (RSBR ) s'écrit alors :

RSBs n

nRR

b

=( )

( )σéquation 1-4

Ainsi la réduction du bruit par la technique de moyennage est proportionnelle à la racine

carrée du nombre de cycles moyennés [Ber 91] [Hom 82] [Ber 88]. En pratique, il est difficile de

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Chapitre 1

fixer le nombre de cycles sur lequel le moyennage doit être effectué car pour un nombre de

cycles trop grand (>300) le rapport signal sur bruit est dégradé.

1.3.5.4. Incidence du bruit

L'incidence du bruit sur l'analyse du signal ECG est très importante. Le bruit nuit à la phase

d'alignement des complexes. Chaque battement sera aligné plus ou moins tôt ou tard selon que le

maximum de la fonction de corrélation croisée a lieu plus tôt ou plus tard à cause du bruit.

Rompelman et Ros [Rop 86] ont montré que ces fluctuations estompent le signal moyenné et

produisent un effet de filtrage passe-bas. La fréquence de coupure associée à cet effet de filtrage

est égale à 0.132/σ Hz où σ est la déviation standard des erreurs de synchronisation sur

l’ensemble des complexes moyennés. Ainsi une dérivation standard de 1 ms induira une

atténuation des composantes fréquentielles supérieures à 132 Hz.

Un autre phénomène de dégradation peut se produire si le complexe QRS de référence, qui

est utilisé pour aligner les battements par corrélation, contient du bruit. Les complexes détectés

sont alors alignés de façon à reproduire une partie du bruit contenu dans le signal de référence, et

l’amplitude du bruit du signal moyenné ne diminue plus selon l’inverse de la racine carrée du

nombre de battements, mais atteint un plateau [Lip 89]. Ceci peut être corrigé en employant un

battement de référence déjà moyenné et qui possède un niveau de bruit réduit.

1.3.5.4.1. Mesure du bruit

Les premières études basées sur l'ECG-HR ont utilisé un nombre R fixe de cycles pour le

moyennage des données. Or l’observation des enregistrements bruts a montré que le moyennage

sur R cycles ne permet pas de réduire systématiquement le bruit d'un facteur R car les cycles

cardiaques retenus ne sont pas réellement identiques. D’où l’idée d’effectuer le moyennage

jusqu’à ce que le niveau du bruit du signal atteigne une valeur limite à ne pas dépasser.

Le bruit est un phénomène aléatoire dont seule une estimation peut être réalisée. Nous

décrivons ci-après les deux méthodes d'estimation les plus utilisées.

Dans la méthode classique d'analyse de l'ECG-HR, il est recommandé d'utiliser une mesure

du bruit effectuée sur le "vecteur amplitude" (VA)1 moyenné filtré [Brei 91]. Cette méthode

1 Le vecteur amplitude est une combinaison mathématique simple des trois dérivations

utilisées dans la méthode conventionnelle, pour la mesure des potentiels tardifs. Ce vecteur est

décrit dans le chapitre 3, § 3.1.2.2.

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Chapitre 1

mesure le bruit contenu dans une fenêtre de référence de N=40 échantillons (en fait 40 ms) située

dans le segment ST. Nous verrons dans le chapitre 3 que cette mesure est également utilisée pour

la détermination du début et de la fin du complexe QRS filtré. L'estimation du bruit dans cette

fenêtre est alors calculée de la façon suivante :

b VA n NVAn

N

==

∑ ( ) /1

équation 1-5

Pour un nombre de cycles compris entre 50 et 300 et pour une bande passante comprise

entre 25 et 250 Hz, la valeur du bruit bVA est généralement inférieure à 1 µV. Pour une bande-

passante comprise entre 40 et 250 Hz, elle est inférieure à 0.7 µV. L'inconvénient majeur de cette

méthode est que l'estimation du bruit bVA est fortement affectée par la localisation de la fenêtre de

mesure dans le segment ST.

La seconde méthode est basée sur l'estimation de la variance du signal dans la fenêtre de

100 ms localisée dans le segment ST [Ruc 65]. La puissance du bruit sur un échantillon n est

calculé par l'intermédiaire de l'équation 1-6 :

σ µ µR i i i ii

R

i

R

n x n R x n R2

1

2

1

( ) ( ( ) )² / ( ( ) ) /= − − −

==

∑∑ équation 1-6

où xi(n) est la valeur du nième échantillon de la fenêtre d'analyse du cycle i, et µi la valeur

moyenne des échantillons de la fenêtre d'analyse du cycle i. La soustraction de cette valeur

moyenne permet d'éliminer la composante continue pouvant intervenir dans l'estimation du bruit.

Pour avoir une estimation robuste du bruit, on évalue σ R n2 ( ) pour l'ensemble des 100

échantillons de la fenêtre d'analyse du bruit et on calcule la valeur moyenne des 100 valeurs de

σ R n2 ( ) . Certains systèmes pour des questions de temps de traitement se contentent de calculer

σ R n2 ( ) pour un point sur 10 régulièrement espacés de 10 ms tout au long de la fenêtre d'analyse.

Il existe deux avantages majeurs à ce dernier type de mesure du bruit: (1) s'ils sont

stationnaires d'un complexe à l'autre, les signaux de faible amplitude masqué par le bruit ne sont

pas inclus dans l'estimation du bruit car il se répètent à chaque cycle; (2) la mesure de la variance

selon l'équation 1-6 procure la meilleure estimation possible de la puissance du bruit d'un ECG

(biais et erreur quadratique moyenne minimum) [DeW 79].

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Chapitre 1

1.3.5.5. Stockage des données

L’électrocardiogramme haute résolution moyenné peut être archivé sous différentes formes :

édition sur un support papier (cf. figure 1-12), visualisé sur un moniteur et stocké sur un disque

dur ou sur une disquette. Généralement, pour les enregistrements ECG-HR, seule l'édition papier

est insérée dans le dossier du patient. Il est cependant intéressant de noter que ces données

comportant des informations cliniques et signalétiques sur le patient ainsi que les

électrocardiogrammes des trois dérivations (signaux de durée de 800 ms échantillonnés à 1000

échantillons/s sur 16 bits) sont de plus en plus souvent stockées électroniquement dans une base

de données. La taille d'un enregistrement est d'environ 5Ko.

Figure 1-12 : exemple de résultat d'une analyse de l'ECG-HR sur un patient avec TV. (a):

dérivation X, (b): dérivation Y, (c): dérivation Z, (d): vecteur amplitude filtré entre 40 et 250 Hz.

1.4. Conclusion

L’électrocardiologie a beaucoup évolué durant cette dernière décennie. Quelle que soit la

méthode d’acquisition utilisée, elle reste un outil incontournable pour le diagnostic des troubles

du rythme, des infarctus et d’un grand nombre de pathologies cardiaques.

Si les méthodes d’acquisition les plus anciennes telles que l’ECG à 12 dérivations et la

méthode vectocardiographique conservent un attrait clinique important, il apparaît que

l’électrocardiologie dite "quantitative" ouvre un nouveau champ d'investigation en permettant de

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Chapitre 1

découvrir et de quantifier des phénomènes électrocardiologiques de surface traduisant des

anomalies fonctionnelles graves. L'ECG-HR moyenné apparaît comme une technique majeure

qui trouve de nombreuses applications cliniques telle que l'évaluation de l'efficacité d'un acte de

chirurgie antiarythmique ou la prédiction des TV chez les patients ayant subi un infarctus [Cai

96].

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