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1 André PRESSIAT Maître de Conférences de mathématiques à l’IUFM d’Orléans-Tours DIDIREM - INRP L’enseignement des grandeurs

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André PRESSIATMaître de Conférences

de mathématiques à l’IUFM d’Orléans-Tours

DIDIREM - INRP

L’enseignement des grandeurs

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1. Des aires sans leurs mesures : d’Euclide à Hilbert

Euclide : notions communes1 - Les grandeurs égales à une même grandeur sont égales entre elles.2 - Si à des grandeurs égales, on ajoute des grandeurs égales, les touts seront égaux.3 - Si de grandeurs égales, on retranche des grandeurs égales, les restes seront égaux.4 - Si à des grandeurs inégales, on ajoute des grandeurs égales, les touts seront inégaux.5 - Si de grandeurs inégales, on retranche des grandeurs égales, les restes seront inégaux.6 - Les grandeurs qui sont doubles d’une même grandeur sont égales entre elles.7 - Les grandeurs qui sont les moitiés d’une même grandeur sont égales entre elles.

8 - Les grandeurs qui s’adaptent entre elles sont égales entre elles.9 - Le tout est plus grand que la partie.

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Les aires chez Euclide

La notion d’égalité de figures (triangles) est déjà présente.

Pour traiter les questions concernant ce que nous appelons “aire”, Euclide parle d’un nouveau type d’égalité des figures, sans utiliser un nouveau mot pour cela.

Propriétés satisfaites par la nouvelle relation d’“égalité”

3 - Les différences de figures “égales” entre elles sont “égales”

2 - Les sommes de figures “égales” entre elles sont “égales”

4 - Les moitiés de deux figures “égales” sont “égales”. (7’)5 - Le tout est plus grand que la partie. (9)

De plus, Euclide utilise deux autres propriétés admises :

1 - Des figures congruentes sont “égales”6 - Si deux carrés sont “égaux”, leurs côtés sont égaux.

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Euclide, revisité par Hilbert … Figures équidécomposables

Deux figures P et P' sont équidécomposables s'il est possible d'écrire chacune d'elles sous forme de réunions de triangles n'empiétant pas l'un sur l'autre :

P T1 T

2 ... T

n

P' T'1 T '

2 ... T '

n

telles que, pour chaque i, les triangles Ti et T'i soient “égaux” (Hilbert emploie le mot “congruents” au lieu de “égaux”).

En allemand, le mot correspondant est “zerlegungsgleich” qui signifie “égale décomposition”, ou “égal découpage”.

T1

T2

T3

T4T'1

T '2T '3

T '4

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Figures de même contenance (ou équicomplémentaires)

Deux figures P et P' sont équicomplémentaires s'il existe des figures Q et Q' telles que :

Dans les six premières éditions, Hilbert emploie le mot “inhaltsgleich”, qui signifie littéralement “contenu égal”, ou “superficie égale” ; dans les quatre éditions suivantes, il emploie “ergängzungsgleich” qui signifie “égal par complément”.

- P et Q n'empiètent pas l'une sur l'autre ;- P' et Q' n'empiètent pas l'une sur l'autre ;- Q et Q' sont équidécomposables ;- sont équidécomposables.P Q et P' Q'

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D C

A E FB

G

ABCD et CDEF sont les deux parallélogrammes dont il s'agit de démontrer qu'ils ont même contenance (Proposition I-35 d’Euclide)

Pour cela, on ajoute le triangle BEG à chacun des parallélogrammes. Il s’agit alors de démontrer que les deux figures ainsi obtenues :

D C

A EB

G

D C

E FB

G

sont équidécomposables.

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Pour cela, on décompose chacune d'elles en deux triangles :

D C

A EB

G

D C

E FB

G

- les triangles ADE et CDG pour la première,- les triangles BCF et CDG pour la seconde.Il suffit de démontrer que ADE et BCF sont congruents.

P ~ Q  : P et Q sont équidécomposables.P ≈ Q  : P et Q sont équicomplémentaires.

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Figures faites par Hilbert dans les “Grundlagen der Geometrie” pour illustrer la démonstration de la transitivité de l’équidécomposabilité.

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• On peut calculer des aires par la méthode de décomposition, qui repose sur le fait que deux figures équidécomposables ont même aire. En notant + les réunions de figures quasi-disjointes, pour calculer l’aire d’une figure F, on la décompose sous la forme : F = F1 + F2 + … + Fn, de telle manière qu’en faisant subir à chacune des Fn un déplacement convenable, on obtienne n figures H1, H2, … Hn quasi-disjointes dont la réunion H1 + H2 + … + Hn est une figure H dont on connaît déjà l’aire.

(1) (1')(2) (2')

?

Et dans nos classes ?

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(2) (2')

(1)

(1')

(1)

(1')(2) (2')

(5)

(1) (2)

(2')

(1')

(3')

(3)

(4)

(1)

(1')

(2)

(2')

(3)

(3')

(4)

(4')

(5)

(5')

(8)

(8')

(2)

(2')

(5)

(5')

(3)

(3')

(6)

(6')

(7)

(7')

(1)

(1')

(4)

(4')

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• On peut calculer des aires par la méthode de complémentation, qui repose sur le fait que deux figures équicomplémentaires ont même aire.

(P)(T) (T)

(R)

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CC1

C2

T1

T'1

T2 T'2

T3 T'3T4

T'4

(P)

(P')(T1)

(T'1)

(T2)(T'2)

• Technique élémentaire pour “redresser” un parallélogramme

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• Appliquée dans le cas de deux parallélogrammes ayant une base en commun et de même aire, voici une technique (utilisée par Hilbert) qui fournit une T- équidécomposition des deux parallélogrammes, lorsqu’aucun des deux ne contient entièrement une de ses hauteurs.

A(1)

(2) (2')

(3) (3')

(4) (4')

(5) (5')

(6) (6')

(7) (7')(8) (8')

D

B

FC E

Cette technique est une adaptation d’une méthode proposée par Montucla pour décomposer un rectangle en un carré de même aire.

Pour aller plus loin …

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• Technique de Montucla (décrite dans Ozanam, 1778)

Elle permet d’obtenir une T-équidécomposition de deux rectangles de même aire. 3

(1) (1')

(2)(2')(3)(3')

(4)

(4')(5) (5')

Et pour les volumes ?

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On peut adapter à l’espace la relation d’équidécomposabilité vue dans le plan, en remplaçant les triangles par des tétraèdres (pyramides à base triangulaire).Euclide, pour établir que deux pyramides ayant même base et même hauteur ont le même volume sans recourir aux mesures, a besoin d’autre chose que de la relation d’équidécomposabilité. Il utilise un procédé, appelé procédé d’exhaustion, qui du point de vue moderne s’apparente à un passage à la limite.

En 1900, le mathématicien Max Dehn a montré qu’il était possible que deux solides aient le même volume (un cube et un tétraèdre régulier) sans être équidécomposables.

De manière étonnante, du point de vue de la théorie, la question des volumes est plus compliquée que celles des aires.

Le troisième problème de Hilbert

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2. La mesure des airesLebesgue, La mesure des grandeurs, Albert Blanchard, 1975.Boltianskii, Hilbert’s third problem, John Wiley & Sons, 1978.Rogalski M., avec Robert A., Pouyanne N., Carrefours entre analyse, algèbre, géométrie, Ellipses, 2001.

Un carré C

Le réseau R plan construit à partir de C (niveau 0).

Une partie F bornée du plan

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Un carré CLe réseau R plan construit à partir de C (niveau 0).Une partie F bornée du plan

a0 : nombre de carrés du réseau R formés entièrement de points de F.b0 : nombre de carrés du réseau R dont certains points appartiennent à F.

On subdivise chaque carré de R en 100 carrés de même côté.

Réseau R1 (niveau 1), et on recommence indéfiniment … Réseaux Rk (niveau k).

Au niveau k :ak : nombre de carrés du réseau Rk formés entièrement de points de F.bk : nombre de carrés du réseau Rk dont certains points appartiennent à F.

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a0 a1

102

a2

104...

ak

102k...

bk

102k...

b2

10 4

b1

102b0

F est quarrable si : n lim

bn – an

102n0

Invariance par déplacement du réseau initial ? (Voir plus loin)

On définit ainsi une application s qui associe à chaque figure quarrable F du plan un nombre réel s(F), appelé “aire de F”.

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Propriétés de l’aire

() La fonction s est positive.

() s est additive : si F et F’ sont deux figures quarrables n’ayant pas de points intérieurs en commun, s F F' s(F) s(F' )

() s est invariante par translation.

() s est normalisée  : s(Q) = 1, Q désignant un carré du réseau initial R.

Tout polygone est quarrable.

Il existe une fonction s et une seule définie sur l’ensemble des polygones qui satisfait les conditions (), (), () et ().

Ce dernier résultat permet de définir axiomatiquement l’aire, sans recourir aux réseaux précédents : on a seulement besoin d’un carré unité (qui est fixé).

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Invariance par déplacement du réseau initial ?

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Autres propriétés de l’aire

•  () s est croissante. En remplaçant (), (), (), () par (), (), () et () on obtient un système d’axiomes équivalent.

• Quelles que soient les figures quarrables F et F’, s F F' s(F) s(F' ) – s F F '

• L’aire d’un rectangle est égale à ab, produit des longueurs de ses côtés.•  () s est invariante par déplacement.• s ne change pas si l’on remplace le carré initial par un carré isométrique, (d’où l’invariance de s par rapport au déplacement du réseau initial).

• Si F est quarrable et f est une similitude de rapport k, f(F) est quarrable et s(f(F)) = k2 s(F).

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Une autre méthode de calcul pour les aires

• L’axiome () (ou l’axiome ()) peut être utilisé pour obtenir des inégalités d’aires, et par passage à la limite des égalités d’aires.

Méthode d’exhaustion

F étant une figure quarrable, et (Gn) une suite de parties de F telle que l’aire de F \ Gn puisse être rendue aussi petite que l’on veut à condition que n soit suffisamment grand, alors .

s(F) n lim s(Gn )

F étant une figure quarrable, et (Gn) une suite de parties de F, et (Hn) une suite de parties contenant F telles que , alors .(Calcul de l’aire du disque).

n lim s(Hn – Gn ) 0

s(F) n lim s(Gn )

Et chez nos voisins ?

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a = 6 cm

h = 9 cmu = 6 a

M = u . h M = 6 . 6 cm . 9 cm M = 324 cm2

M = u . hM = 6 . 6 cm . 9 cmM = 324 cm2

G = 6 . a 2

4 . 3

G = 6 . 6 cm 2

4 . 3

G 93,53 cm 2

V = G . hV 93,5 cm2 . 9 cmV 841,5 cm3

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Source : Elemente der Mathematik10. SchuljahrSchroedel Schulbuchverlag

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Source : MatemáticasEso: Curso 3 (correspond à la classe de 3e)Edelvives

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Un train part de Palencia à 8 h du matin vers Alicante à la vitesse de 80 km/h. Une heure et demie plus tard, un deuxième train part de la même gare en direction d’Alicante à la vitesse de 100 km/h. Combien de temps le deuxième train mettra-t-il pour rattraper le premier ? A quelle distance de Palencia le rattrape-t-il ?

On peut exprimer de deux manières la distance parcourue par chacun des deux trains au moment où le deuxième rattrape le premier. On peut choisir comme inconnue x le temps en heures mis par le deuxième train pour rattraper le premier.Au moment où ceci se produit, le premier train a roulé pendant une durée de

(x + 3/2) h. La distance parcourue par le premier train jusqu’à ce que le deuxième le rattrape est donc : 80 km/h (x + 3/2) h soit 80 (x +3/2) km.Quant à la distance parcourue par le second, elle est égale à 100 km/h x h, c’est-à-dire 100x km.En égalant les nombres de kilomètres parcourus on obtient l’équation permettant de répondre à la première question : 80 (x + 3/2) = 100x …

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Les grandeurs pourraient y être aisément présentes sous la forme de “nombres concrets” :

15 km est une longueur,50 km/h est une vitesse, …

Or les unités - et donc les grandeurs - ont disparu pendant quelques dizaines d’années.

« Triangle des Bermudes ».Exemple :En 6e (ou 5e) il s’agit de déterminer combien il y a de minutes dans une demi-heure, dans un quart d’heure, dans un cinquième d’heure.

3 - La question des unités

En classe de mathématiques, les objets supports des grandeurs (une règle de telle longueur, un vase de telle capacité, …) sont évoqués, mais ne sont pas amenés dans la classe pour y être exploités (sauf exception).

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Les traces écrites d’un élève au tableau sont les suivantes :

12

30 min 14

15 min 15

12 min

Le professeur commente la solution de l’élève, mais ne la corrige pas. Il est pourtant clair que ces égalités ne sont pas correctes : le nombre 1/5 (= 0,2) ne saurait être égal à la durée 12 min, pas davantage que 12 cm n’est égal à 12 kg. Les écritures correctes auraient été simplement :

12

h = 30 min 14

h = 15 min 15

h = 12 min

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Un manuel de mathématiques de 5e (assez ancien) commence ainsi fort à propos par indiquer les normes de l’AFNOR (Association française de normalisation) en la matière :

Il est tout à fait autorisé d’écrire :1,825 km = 1 825 m2 m  3,5 m = 7 m2

Mais les auteurs reprennent dans un exercice l’usage traditionnel :

aire de base A2 = (6  6) : 2 = 18 cm2

aire de base A3 = 72 – 18 = 54 cm2

V2 = 18  12 = 216 cm3

V3 = 864 – 216 = 648 cm3

Technique de calcul bien installé en France dans la classe de sciences physiques (oubli des unités dans les calculs intermédiaires).

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La technique généralement mise en place, illustrée sur l’exemple suivant, extrait d’un manuel de 3e, est fort complexe et peu fiable.

Convertir les unités de grandeurs composéesMéthode : Convertir successivement les unités des deux grandeursExemple : Convertir 1,25 g/cm3 en kg/m3

Réponse :– On convertit l’unité de masse : 1,25 g = 0,001 25 kg donc 1,25 g/cm3 = 0,001 25 kg/cm3. – On convertit l’unité de volume : 1 m3 = 1 000 000 cm3.0,001 25  1 000 000 = 1 250donc 0,001 25 kg/cm3 = 1 250 kg/m3.– On conclut : 1,25 g/cm3 = 1 250 kg/m3.

L’absence ou la raréfaction des unités pose un problème majeur : celui du changement d’unités.

La technique apparaît lourde, avec une accumulation de calculs partiels non intégrés, qui en diminuent la fiabilité.

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Par contraste avec cette technique “ abstraite ”, voici une technique “ concrète ” qui consiste à calculer avec les unités, c’est-à-dire sur des nombres “ concrets ”.

Le fait mathématique essentiel est le suivant : les durées constituent un demi-espace vectoriel de dimension 1 sur R.

Le problème posé aux élèves est exactement un problème de changement de base.

La durée qui a pour coordonnée 1/5 dans la base {h} a pour coordonnée 12 dans la base {min} :  1/5 h = 12 min.

15

h = 15

60 min = 15

60

min = 12 min

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On peut montrer que cette technique concrète s’étend à tous les problèmes de changement d’unités.

 Considérons ainsi le problème suivant :Un réservoir parallélépipédique a 0,6 m de longueur, 10 cm de largeur, et 50 mm de profondeur. Quelle est, en litres, sa capacité ? (1 litre = 1 dm3.)

 Dans la technique concrète, on utilise bien la formuleV = L    p

mais L, , p sont alors, non des nombres (“ abstraits ”), mais des grandeurs (des “ nombres concrets ”).

 Puisque on a L = 0,6 m, = 10 cm, p = 50 mm

il vient simplement : V = 0,6 m  10 cm  50 mm.

 Si l’on décidait de prendre pour unité de volume le produit = m  cm  mm

on aurait : V = 0,6 m  10 cm  50 mm = (0,6  10  50) m  cm  mm = 300 .

 Si, comme ici, on cherche à exprimer le volume en dm3, on peut par exemple procéder ainsi :

V = 0,6 m  10 cm  50 mm = 0,6 (10 dm) 10 (10–1 dm) 50 (10–2 dm) = 6 dm 1 dm 0,5 dm = 3 dm3 = 3 litres.

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Comparaison des techniques “abstraite” et “concrète”, la technique abstraite étant le corrigé fourni par un professeur de physique de lycée :

Problème I. Un barreau d’acier de section constante et de 4 dmde l ongueur pèse 2,85 kg. Déterminer sa masse linéique eng/cm.

Technique concrète Technique abstraite

=

m

l2,85kg

4 dm2,85(1000g)

4 (10cm)

=

285

4 g/cm = 71,25 g/cm

Convertir la masse en gM = 2,85 kg = 2,85103 gEt la longueur en cm = 4 dm = 40 cm

La masse linéique =

m

l

=

2,85103

40 = 71,2 g/cm

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Problème II. Au tennis les balles atteignent lavitesse de 95 mi les par heure. Que représente cettevitesse en mètres par seconde ? (On a : 1 mile =1 mi = 1,609 km.)

Technique concrète Technique abstraitev = 95 mi/h =

95mi1 h

95 (1609m)

3600 s 42,5 m/s

v = 95 miles/heure

v =

d

t95 miles

1 heureConvertir les miles enmètresd = 95 mi = 951,609 km= 951,609103 m= 1,53105

Convertir t = 1 h= 3600 sD’où v = 42,4 m/s

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Problème III. La masse volumique du zinc est de7,29 kg/dm3. Que lle est, en grammes, la masse de9 cm3 de ce métal ?

Technique concrète Technique abstraitem = v =(7,29 kg/dm3)(9 cm3) =7,29 kgdm–3  9 cm3 =7,29 (103 g)(10 cm)–3  9 cm3 = 7,29  9 g 65,6 g

=

m

v = 7,29 kg/dm3

Convertir en g/cm3

= 7,29 kg/dm3

=

7,29 kg

1 dm37,29103g

103 cm3

= 7,29 g/cm3

D’où m = v = 7,299 65,6 g

Dans le corrigé du problème III, le professeur utilise subrepticement l’arithmétique concrète.

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Importance dans cette technique de :h = 1 h

à rapprocher du

de la définition d’un espace vectoriel.

60 km/h 60 km

1 h

60 000 m

3 600 s

60000

3600m/s =

100

6m/s 16,67 m/s

1 u u

1 cm

2 km

1

200 000

1 cm

2000 m

1 cm

200 000 cm

Toute question qui conduit à une multiplication est un problème de changement d’unité, ou d’objet : 5 sacs de 300 pommes ; 2m.75 d’étoffe à 28 fr. 45 le mètre.

Henri Lebesgue, La mesure des grandeurs.Note en bas de page 13.

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• Les calculs avec unités rendent visible le travail sur les grandeurs, et permettent d’assurer un contrôle plus grand sur les calculs.

Ils permettent de rendre plus visible les raisonnements sur les grandeurs proportionnelles.

Pour faire une expérience de chimie, un professeur verse dans un récipient 6 dL d’eau et 15 g de sucre. Il distribue à chacun de ses élèves un récipient contenant de l’eau. Dans le récipient de Jacques, il y a 8 dL d’eau, dans celui de Pierre il y a 18 dL, dans celui d’Isabelle 15 dL, dans celui de Benoît il y a 30 dL et dans celui de Laurence il y a 12 dL. Le professeur demande ensuite à chaque élève de mettre juste ce qu’il faut de sucre dans son récipient pour obtenir une eau aussi sucrée que la sienne, pas plus, pas moins.

Problème : L’eau sucrée

Quelle quantité de sucre doit mettre chaque élève dans son récipient ?

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Résolution par procédure scalaire

• 18 dL, c’est trois fois 6 dL.Donc, il faudra trois fois 15 g de sucre, c’est-à-dire 45 g.• 12 dL = 2  6 dL. Donc il faudra : 2  15 g de sucre, c’est-à-dire 30 g.• … 30 dL = 5  6 dL … 5  15 g de sucre … 75 g de sucre. • 15 dL c’est la moitié de 30 dL. Donc, pour 15 dL, il faudra la moitié de 75 g, soit 37,5 g.

Cette procédure trouve sa justification dans la définition suivante de deux grandeurs proportionnelles, que l’on trouve dans de vieux dictionnaires à l’article “Proportionnel”.

Deux grandeurs proportionnelles sont des grandeurs telles que :si l’on multiplie (ou divise) l’une d’elles par un nombre, la grandeur correspondante est multipliée (ou divisée) par le même nombre.

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Emploi de la procédure dite “du coefficient de proportionnalité”

• Il faut 15 g de sucre pour 6 dL. Pour obtenir 15, on peut multiplier 6 par 2,5.Donc, pour 8 dL, on multiplie 8 par 2,5 : on trouve 20. Il faut donc 20 g de sucre pour 8 dL.

Avec le registre des tableaux, cette procédure se traduit ainsi :

6

15

8 15 2,5

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RemarqueLe traitement précédent s’appuie sur les nombres (mesures de grandeur) plutôt que sur les grandeurs. On peut rester dans le cadre des grandeurs, comme le montre ce qui suit :

6 dL

15 g

8 dL 2,5 g / dL

Il apparaît alors que 2,5 est la mesure, exprimée en grammes par décilitre, d’une troisième grandeur : la concentration en sucre, grandeur quotient de la masse (de sucre) par le volume d’eau. (Ces grandeurs quotients figurent explicitement au programme de 4e et de 3e).

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Cette procédure trouve sa justification dans la définition suivante de deux grandeurs proportionnelles, que l’on trouve dans les dictionnaires d’aujourd’hui :Deux grandeurs sont proportionnelles si leur rapport est constant.

Si on ne s’intéresse qu’aux mesures des grandeurs en question, ce rapport constant est un nombre, appelé coefficient de proportionnalité (entre les deux suites de mesures apparaissant dans le tableau) : 2,5 dans l’exemple.

Si on reste dans le cadre des grandeurs, ce rapport est une grandeur constante, appelée “concentration en sucre” : 2,5 g/dL dans l’exemple.

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En revanche, quand on utilise la concentration en sucre 2,5 g/dL pour trouver la masse de sucre correspondant à 8 dL :8 dL 2,5 g/dL = 20 g, 2,5 g/dL n’est pas un scalaire.

La procédure dite “du coefficient de proportionnalité” masque cette difficulté : elle ne fait apparaître que le nombre 2,5 tout comme la procédure scalaire fait apparaître le nombre 3. Ces deux nombres ne jouent cependant pas le même rôle.Alors que 3 est un “nombre pur”, 2,5 n’a de signification qu’en tant que mesure d’une grandeur, pour laquelle l’unité g/dL a été choisie.Pour contourner cette difficulté, on évite de parler de 2,5 g/dL, en disant : pour 1 dL, il faut 2,5 g de sucre. On fait de même pour les prix unitaires, ou les prix par kilogramme (dont l’affichage est obligatoire dans les commerces) :

15 €/ u 15 € l’unité || 12 €/kg 12 € au kilo 12 € le kilo

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• Les calculs avec unités permettent de rendre plus visible le passage des grandeurs proportionnelles à la fonction linéaire.

Désignons par V la grandeur “volume”, et par M la grandeur “masse”. À un volume d’eau v dL, il correspond une masse de sucre, que nous noterons provisoirement “m. pour v dL”.

On a alors :m. pour (v + v’) dL = m. pour v dL + m. pour v’ dLm. pour kv dL = k m. pour v dL,m. pour v dL = 2,5 g/dL v dL = 2,5v g

m. : R + dL R + g

v dL 2,5v g

Désignons par M la grandeur “masse”, et par P la grandeur “valeur marchande”

(autrement dit les prix). À une masse m kg de fromage, il correspond un prix, que nous noterons provisoirement “p. de m kg”.

On a alors :p. de (m + m’) kg = p. de m kg + p. de m’ kgp. de km kg = k p. de m kg ,p. de m kg = 16 €/g m g = 16m €.

p. : R+ kg R+ € m kg 16m€

V = R + dL M = R + g

M = R+ kg P R+ €

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m : R+ R+

v 2,5v

p : R+ R+

m 16m

f : R R

x a x

p(m + m’) = p(m) + p(m’)

p(k m) = k p(m)

p(m) = 16m

m(v + v’) = m(v) + m(v’)

m(k v) = k m(v)

m(v) = 2,5v f(u + v) = f(u) + f(v) f(k u) = k f(u)

La fonction linéaire …

… que l’on peut aisément recontextualiser avec deux grandeurs proportionnelles quelconques.

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De même, des relations quadratiques entre plusieurs couples de grandeurs permettent d’introduire les fonctions polynômes du second degré …

…des couples de grandeurs inversement proportionnelles permettent de motiver l’étude de fonctions numériques de la forme

x kx

Et donc de motiver celle de la fonction “inverse” …

Toutes ces fonctions vont permettre de construire un nouveau domaine, celui de l’analyse …

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4. Entre Objets et Mesures : les Grandeurs

Il est essentiel de rappeler qu’un même objet est le support de plusieurs grandeurs d’espèces différentes, usuelles ou non, dont la considération a ses raisons d’être. C’est ce que rappelle l’extrait suivant d’une brochure consacrée autrefois par l’APMEP aux mots “ Grandeur ” et “ mesure ” (Mots, tome VI, Paris, APMEP, 1982) :

“ À propos d’un même objet, plusieurs grandeurs peuvent être envisagées. Le type de manipulation à laquelle on soumet cet objet permet de préciser la grandeur dont il s’agit, ce qui conduit à un vocabulaire approprié :

- pour une feuille de papier : la longueur de son bord, ou périmètre, et l’aire de sa surface ; on suit le bord du bout du doigt, on balaie la surface de la paume de la main ;

- pour une portion de route, sa longueur s’il s’agit de la parcourir, son aire s’il s’agit de la goudronner, [...] sa pente s’il s’agit d’y faire passer de lourds convois [...]. ”

L’abord de la notion de grandeur à partir du langage ordinaire recèle en conséquence quelques pièges qu’il convient de bien repérer. Considérons les deux cas suivants :

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“ Ce récipient est plus grand que cet autre” : s’agit-il de sa hauteur, de sa plus grande dimension horizontale, de son volume intérieur ou capacité, de son volume extérieur ?“La planète Saturne est grosse comme 95 Terres” : s’agit-il de volumes, de diamètres, de masses ? ”

Dans ce dernier cas, bien sûr, des données supplémentaires permettent de trancher  :“ Le diamètre équatorial de Saturne, anneaux exclus, est 9,4 fois celui de la Terre : son volume est 745 fois celui de la Terre (et non 9,43 [ 831], car elle est sensiblement plus aplatie que la Terre). Sa masse est 95 fois celle de la Terre.”

Les mots “grosse comme” signifiaient donc : “lourde comme”. 

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Pour préciser la notion d’espèce de grandeurs, on suppose un ensemble X d’objets et une relation d’équivalence ~ sur X qui définit une certaine espèce de grandeurs (volume, longueur, etc.) : deux objets x1, x2 X équivalents seront dits avoir même grandeur.

Bien entendu, il existe en général plusieurs relations d’équivalence “ intéressantes ” définissant autant d’espèces de grandeurs différentes.

On suppose d’abord qu’on a défini sur X une relation de préordre total associée à ~ : pour tous x, y, z

 un et un seul des énoncés x y, y x, x ~ y est vraisi x y et y z alors x z.

En d’autres termes, on suppose qu’on peut dire que deux objets ont même grandeur ou non, et, dans ce dernier cas, on peut comparer ces deux objets.

Grandeurs de même espèce

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 On suppose ensuite qu’on a défini sur X une opération binaire, notée , telle que

 xy est défini si, et seulement si, x ≠ y ;

 si x ≠ y, alors xy ~ yx, et si, de plus, x ≠ z et y ~ z, alors xy ~ xz ;

 si (xy)z et x(yz) sont définis, alors (xy)z ~ x(yz).

 On suppose enfin que sont satisfaites trois conditions unissant ~, et  :

 si x ≠ y, alors x xy ;

 si x z, alors il existe y tel que xy ~ z ;

 pour tout x et tout entier n  N*, il existe y1, …, yn tels que y1 ~ … ~ yn, y1 … yn est défini et x ~ y1…yn.

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Désignons par G (comme grandeur) l’ensemble des classes d’équivalence pour ~ dans X : G = X/~. Dans la suite, la classe de x est notée c(x) ; un élément de G sera désigné par g.

 À partir de la structure (X, ~, , ) ainsi supposée, on définit alors sur G :

 un ordre total, noté < ;

 une addition, notée + ;

 une soustraction, notée – ;

 une division par n  N* : si y ~ y1 ~ … ~ yn, avec x ~ y1…yn,

c y c x

n

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 Pour tout g G, posons en outre 1g = g. On a alors le résultat suivant : pour tous g, g1, g2, g3 G,

 Gr1. Un et un seul des énoncés g1 g2, g1 = g2, g1 g2 est vrai

 Gr2. Si g1 g2 et g2 g3 alors g1 g3

 Gr3. g1+g2 = g2+g1

 Gr4. (g1+g2)+g3 = g1+(g2+g3)

 Gr5. g1 g1+g2

 Gr6. Si g1 g2 alors il existe un élément h de G et un seul tel que : g1+ h = g2

 Gr7. Pour tout entier naturel n N* il existe un élément h de G et un seul tel que : g = nh.On obtient ainsi une axiomatique de la notion d’espèce de grandeurs (G, , +).

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Revenons alors sur les restrictions imposées aux opérations sur les objets dans la mathématisation précédente. On ne saurait ajouter, concrètement, un objet x à lui-même : on ne peut l’ajouter qu’à un autre objet, y, ayant même grandeur que x.

Plus encore, c’est la condition relative au fractionnement qui doit être méditée : les objets y1, …, yn de même grandeur tels que

y1…yn ~ x

ne sont pas uniques.

Pour n = 2, par exemple, on ne peut pas parler de la moitié de x, tout simplement parce que, en dehors d’une convention sociale plus ou moins explicite, l’“ objet moitié ” d’un objet x n’existe pas : il existe en effet une infinité de couples d’objets distincts (yi, yj) tels que yi ~ yj et yiyj ~ x.

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Les figures ci-dessous illustrent ainsi la non-existence d’une “ moitié de triangle ” et d’un “ quart de carré ” du point de vue de l’aire (on notera en passant que les périmètres de ces “ moitiés ”, d’une part, de ces “ quarts ”, d’autre part, sont inégaux).

Nombre d’énoncés proposés dans des manuels sont à cet égard fautifs, tels les suivants :“ Dites, pour chacun des dessins ci-dessous, quelle fraction du cercle a été peinte en rouge ” “ Quelle fraction de tarte reste-t-il ? Quelle fraction de tarte a-t-on déjà mangée ? ”

“ L’aire d’un champ est de 6394 m2. On vend les 3/4 du champ. Quelle est l’aire de la partie vendue ? ”

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Ces remarques sur l’impossible arithmétique des objets expliquent la nécessité indépassable d’une théorie des grandeurs : elle seule en effet fournit des entités sur lesquelles on puisse opérer comme d’aucuns rêvent vainement, on l’a vu, d’opérer sur les objets eux-mêmes. Il convient donc d’assumer le détour par les grandeurs dans le trajet qui conduit des objets aux mesures.

C’est, non une pièce de ruban, mais sa longueur, non un champ, mais sa surface, non le contenu d’un tonneau de vin, mais la quantité correspondante de vin que l’on peut diviser “ en un nombre absolument quelconque de parties égales ”, ces parties étant des parties (“ aliquotes ”) de grandeurs (h G est une partie aliquote de g G s’il existe n N* tel que g = nh), et non des parties (“ concrètes ”) d’un ruban, d’un champ, ou du contenu d’un tonneau.

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La grandeur “Longueur”

Objets x : les segments de droiteX = ensemble des segments de droite

Relation d’équivalence : ~ Deux segments sont équivalents (ont même longueur) s’ils sont superposables.À un autre niveau d’enseignement, [AB] ~ [CD] si on peut obtenir [CD] en faisant subir à [AB] une succession de symétries orthogonales.

Addition des segments : la somme des segments [AB] et [CD] est le segment obtenu en mettant “bout à bout” deux segments équivalents à [AB] et [CD].

Multiplication par un nombre entier, …

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61

Importance de l’outil “guide-âne” pour partager un segment en n parties égales (dessiné dans le document d’application du cycle 3)

Faire manipuler réellement aux élèves de tels réseaux de parallèles équidistantes.

Division par un nombre entier n :

Cas où n est une puissance de 2 Et sinon ?

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a) Construis un segment dont la longueur est de la longueur du segment donné.

14

Résultats

Code 1 54,9%

Code 6 (segment de 4 carreaux) 21,5 %

Code 9

Code 0

20,6 %

3 %

Résultats de l’évaluation nationale 2004 et 2005 en 6e

Voici un segment :

2004 (échantillon national représentatif)

2005Population entière

49,76%

Les résultats pour 2005 sont disponibles sur le site suivant : http://evace26.education.gouv.fr

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63

b) Construis un segment dont la longueur est de la longueur du segment donné.

16

Résultats (échantillon national représentatif) en 2004

Code 1 41,9%

Code 6 (segment de 6 carreaux) 25,8 %

Code 9

Code 0

26,0 %

6,3 %

Résultats (population entière) en 2005

Code 1 44,14%

a été remplacé par

16

13

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c) Construis un segment dont la longueur est de la longueur du segment donné.

54

Résultats

Code 1 34,6%

Code 6 (segment de 4 ou 5 carreaux) 12,7 %

Code 9

Code 0

36,2 %

16,5 %

2004Echantillon national représentatif

2005Population entière

36,79%

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Résultats (en %)

item 84   code 1 (0,8 ou 8/10) 60,5code 6 (8) 16,0code 9 12,8code 0 10,7

item 85

code 1 (1,6 ou 1 + 6/10) 54,9code 6 (16) 10,2code 7 (6 ou 0,6) 4,2code 9 19,4code 0 11,3

(2004)

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2004

Code 1

78,6%

78,4 %

76,5 %

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67

2005

Code 1

80,78%

74,38 %

73,76%

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5. Grandeurs et mesures

L’un des problèmes de l’enseignement des mathématiques est la construction d’un système de nombres N vérifiant la condition suivante :

Si (X, ~, , ) est le support d’une certaine espèce de grandeurs G, alors il existe, à un facteur multiplicatif près, une application unique  : X N telle que : la relation d’équivalence définie par sur X est identique à ~ : équivaut à x ~ y ; la relation de préordre définie par sur X est identique à  : équivaut à x y ; par l’application , l’image d’une somme est la somme des images  : (xy) = (x) + (y).

x y

x y

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Pour les longueurs, si on choisit une longueur u comme unité, posons u(u) = 1.

De quels nombres a-t-on besoin pour mesurer les longueurs ?

Soit g = nu.Alors u(g) = u(nu) = n.

Donc on a besoin des nombres entiers : N N

Soit g tel que ng = u.Alors n u(g) = 1. Donc u(g) est un nombre r tel que nr = 1.

Plus généralement, si v = mu et ng = v, on a besoin d’un nombre r tel que nr = m.

Ainsi s’introduisent les fractions d’entiers.

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Fractions ou quotients d’entiers ?

Deux constructions d'un segment ayant pour longueur cm.

12

7Construction sollicitant l'aspect “fraction” et l'expression

“Douze septièmes”

Construction sollicitant l'aspect “quotient” et l'expression

“Le septième de 12 cm”

Les deux segments obtenus ont-ils bien la même longueur ?

1,00 cm

7 fois “douze septièmes” 84 septièmes

12 fois 7 septièmes 12 fois 1 12

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Bibliographie :

Chevallard Y. Bosch M., 2000-2001, Les grandeurs en mathématiques au collège. Partie I : Une Atlantide oubliée, Petit x n°55, pp. 5-32, IREM de Grenoble.Chevallard Y. Bosch M., 2002, Les grandeurs en mathématiques au collège. Partie II : Mathématisations, Petit x n°59, pp. 43-76, IREM de Grenoble.

Encyclopædia Universalis, article “Dimensionnelle (analyse et similitude)”.

Pressiat A., 2002, Grandeurs et mesures : évolution des organisations mathématiques de référence et problèmes de transposition, in Dorier J.-L., Artaud M., Artigue M., Berthelot R., Floris R., Actes de la 11e Ecole d’Eté de Didactique des Mathématiques, Corps - 21–30 Août 2001.

Pressiat A., 2006, Calculer avec les grandeurs, Actes de l’Université d’été de Saint-Flour 2005 “Le calcul sous toutes ses formes”, site académique de Clermont-Ferrand.