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    LES CONDITIONS DUNE

    TYPOLOGIE DES GENRESTLVISUELS DINFORMATION

    Patrick CHARAUDEAU

    Rseaux n 81 CNET - 1997

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    La notion de genre , comme cellede typologie qui lui est corrla-tive, est fort dbattue depuis long-temps, et se rfre finalement des aspectsde la ralit langagire assez diffrents lesuns des autres (1). Issue de la rhtoriqueantique et classique (2), abondamment uti-lise par lanalyse littraire avec des cri-tres multiples, reprise par la linguistiquedu discours propos des textes non litt-raires (3), on retrouve cette notion danslanalyse des mdias, accompagne dequalificatifs qui la spcifient selon le sup-port mdiatique : les genres journalis-tiques (entendons de la presse crite), les genres tlvisuels , les genres radio-phoniques .

    Nous nentrerons pas dans les dtails

    dune discussion qui mriterait plus dunarticle, mais il convient dapporter ici unedistinction sans laquelle on ne peut com-prendre vraiment le mcanisme de lcri-ture mdiatique (4). Cette distinction, que

    nous avons dj propose dans dautrescrits (5), a, nous semble-t-il, le mrite declarifier une question qui prte souvent confusion, mme quand on dclare quelleest tranche.

    Les problmes que pose la notion de

    genre rsident dabord dans la tradition lit-traire qui a propos depuis lantiquit descatgories dfinies laide de critresvariables. Tantt des critres de formespermettant de distinguer le roman de laposie et du thtre, et, lintrieur decelles-ci, de diffrencier des formes dites naturelles comme le lyrique, lpique etle dramatique, ou la tragdie et la comdie,et dautres dites conventionnelles comme le sonnet, lode ou la ballade ; tan-tt des critres de priodes historiques quiconcident avec des discours fondateursdcole se dfinissant en opposition lapriode qui les a prcds et selon des cri-tres de distance dans la reprsentationde la ralit comme les genres romantique,raliste, naturaliste, surraliste ; tantt descritres relatifs la structure du texte et

    son dispositif nonciatif comme le fantas-tique, lautobiographique, le roman histo-rique. En fait, bien de ces critres saddi-tionnent, bien de ces catgories serecoupent telle la tragdie qui en Francecorrespond une priode historique dter-mine (XVIIe) appuye par un discoursthorique, se caractrise par une formethtrale et une structure particulire (6).

    Aussi la pertinence de ces critresa-t-elle t souvent discute par les thori-

    ciens de la littrature, voire remise encause, ce qui a abouti deux positions.Pour les uns, la diffrenciation des genresreste valide jusqu lore du XIXe sicle,prcisment parce quils sidentifiaient et

    (1) Cet article est la reprise et fusion de deux chapitres de notre ouvrage paratre prochainement surLe discoursdinformation mdiatique (1997), dont certains termes ont t modifis pour les besoins de ce nouveau contexte.(2) Dans laquelle cette notion est limite trois genres oratoires (dlibratif, judiciaire, pidictique).

    (3) Sur des critres divers de caractristiques structurelles des textes : genres scientifique, didactique, publici-taire, etc.(4) criture entendue ici au sens de ce qui prside la mise en discours du texte en situation de communica-tion.(5) Voir particulirement CHARAUDEAU, 1992.(6) Voir TODOROV, 1978.

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    dination, de conclusivit communicative,de composition macro-structurante). Cesproprits ne sont rcuprables pour unetypologie quen termes de dominantes (touttexte rpondrait ces six fonctions, maiscertains utiliseraient davantage telle outelle fonction) ou la condition de sous-catgoriser chacun des principes (parexemple classer les textes selon leur degrde cohrence si la sous-catgorisation estpossible). A un degr de gnralisationmoindre, on trouve des principes de classe-ment un peu plus opratoires, mais quidonnent encore des classes dactes du lan-

    gage (12) (plus que de texte) trs amples.Cest la distinction propose par Bakh-tine (13) entre genres premiers, simples, etgenres seconds, complexes qui se fonde surdes conditions dinteraction spontanes ouinstitutionnalises ; cest lopposition entretextes dialogiques et textes monologiquesfonde sur une diffrence de situationdchange selon que celle-ci inclut un droit lalternance de parole ou non (14) ; cestaussi lopposition entre oralit et scriptura-

    lit (parfois on dit oral/crit), qui reposesur la diffrence de matrialit langagire(signifiant et condition de sa production).Ici donc se repose le problme de savoir sices caractristiques constituent des pro-pri ts consti tuantes ou spci-fiques . Comme proprits constituanteselles dfinissent de grandes classes anthro-pologiques (lacte de langage humain paropposition dautres langages ou dautres comportements humains), comme

    proprits spcifiques elles peuvent jouerle rle de traits dfinitoires dun acte delangage ou dun texte dont la conjonctionpourra spcifier un type (par exemple untype de texte se caractrisant par les traits : oralit + dialogisme + dominanteconative + en situation spontane + etc.Cependant il nest pas sr quune sommede traits dfinitoires suffise constituer ungenre. Nous reprendrons cette question

    plus loin, mais cette exploration permet decomprendre quil ne faut pas confondretypologie et genre, que, si celui-ci impliquecelle-l, la rciproque nest pas vraie.

    Accoler ces deux notions et parler detypologie des genres exige donc que londcide ce que sera la finalit dune typolo-gie et ce que sont les critres que lonretient pour dfinir des genres.

    Mais il est un autre problme que poseune typologie des genres, cest de savoir quel type dobjet elle sapplique, et, ici,sagissant dobjets discursifs, si elle sap-plique des textes dj produits que lon

    peut reprer dans le monde phnomnal,ou aux processus qui contribuent leurproduction. Bien des typologies confon-dent, de notre point de vue, ces deuxaspects du discours : le discours commeprocd dorganisation / le discourscomme texte. Les typologies qui proposentde distinguer des textes narratifs, descrip-tifs, argumentatifs, explicatifs (15), etc. oudes textes injonctifs, dclaratifs, promissifssont des typologies de procds discursifs.

    En effet, il suffit de prendre nimporte queltexte (un texte publicitaire par exemple oude presse) pour constater quil est, du pointde vue des procds dorganisation du dis-cours, composite : un peu de descriptif, unpeu de narratif, un peu dargumentatif. Iciencore on pourrait sen sortir par une op-ration de pondration, et constater que cer-tains procds sont plus dominants quedautres dans tel texte. Dans tel texte,certes, mais dans tel type de textes ? vi-

    demment, il y a parfois des concidencesentres dominantes et type de texte : parexemple les articles de dictionnaire ne sontque descriptifs, les panneaux de la circula-tion ne sont quinjonctifs. Mais quelquesconcidences font-elles un principe detypologisation des genres ? Il en serait demme pour une typologie des genresaudiovisuels. Des distinctions entredirect/diffr, continuit/montage, types de

    (12) Ici acte de langage nest pas pris au sens de la philosophie analytique mais dans une acception large deproduction langagire.(13) BAKHTINE, 1984.(14) Voir CHARAUDEAU, 1984.(15) Voir ADAM, 1994, et HAMON, 1981.

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    scnarisation, rgimes de monstration, etc.sont des procds dorganisation de lasmiologie visuelle qui ne peuvent treconfondus avec des genres de documentsaudiovisuels, bien que, ici aussi, il puisseexister des concidences.

    Par ailleurs, tout texte, on le sait, sins-crit dans une situation de communication,laquelle est dtermine entre autres chosespar la vise dune finalit qui dtermine letype dinfluence que linstance dnoncia-tion veut avoir sur linstance de rception.Une entre par les vises situationnellesnous donnerait des textes informatifs (pour

    faire savoir), didactiques (pour faireapprendre), dmonstratifs (pour prouver),persuasifs (pour convaincre), lgislatifs(pour lgifrer), religieux (pour fonder ledivin), etc. Si de plus on combine une deces vises avec un type de propos (corres-pondant un domaine de la pratiquesociale), on obtient des typifications plusfines, comme par exemple persuasif +domaine de la pratique du pouvoir = typepropagandiste ; persuasif + domaine de la

    pratique commerciale = type publicitaire ;information + domaine de la pratiqueinformative sur lespace public = type jour-nalistique. On se trouve ici en prsencedune typologie des conditions situation-nelles de la production dun texte, puisquilsagit des lments de la situation qui doi-vent tre reconnus par les deux partenairesde lchange et qui du mme coup dfinis-sent lobjet dchange comme rsultat de laproduction textuelle.

    Il conviendrait cependant pour tre com-plet, dune part de dterminer quelle estlorigine de cette vise, son lieu de perti-nence : vise de linstance de programma-tion, de linstance de ralisation ou delinstance dnonciation ; dautre part detenir compte des caractristiques du dispo-sitif matriel dans lequel est produit letexte (ici les supports radio, tlvision,presse).

    En rsum, les conditions gnrales deltablissement dune typologie des genresexigent que soit prcis le type dobjet-texte auquel sapplique la typologie, quesoit dtermin le lieu de pertinence danslequel agit la typologie et que soient dfi-

    nis des axes de typologisation selon les cri-tres homognes dorganisation discursive(que le matriau soit verbal ou visuel).

    Propositions pour une typologiedes genres mdiatiques

    En fait, ce dtour par la revue des pro-blmes que posent les notions de genre etde typologie montre que la question desgenres et particulirement celle desgenres mdiatiques est une question pi-ge. Dune part la notion est encore tropimprgne de la tradition littraire qui lui a

    donn son heure de gloire une poque oles modes dcriture se diffrenciaient plusnettement les uns vis--vis des autrescomme des dominantes qui correspon-daient en mme temps une forme de pen-se et une vision du monde (ainsi en est-ildu genre rcit objectivant du nouveauroman en opposition au rcit raliste-natu-raliste, lequel se dfinit en opposition aurcit romantique). Or, la modernit na eude cesse que casser lhomognit de ces

    types de rcit. Dautre part, les objets cat-goriss en genre (textes crits dans ledomaine de la littrature) procdaientdune origine unique, lauteur, et partici-paient dune matrialit smiologiqueunique homogne, le signifiant verbal crit.Or, lobjet tlvisuel, lui, procde duneorigine et dune matrialit smiologiquecomposites. Enfin, cette question est dau-tant plus pige quelle rpond unedemande sociale qui a besoin de repres

    pour pouvoir prtendre matriser les objetsdu monde qui lui sont proposs (ainsi lesprogrammateurs classent-ils les missionsselon des critres et des dnominations quisont censs constituer des modes de rep-rage pour le comportement lectif du tl-spectateur). Or ces mmes programmateurssont les premiers mlanger ces genres.

    Pour ce qui nous concerne, notre prin-cipe de typologisation sera celui que nousvenons de rsumer, sans tre persuad quece que nous classons puisse continuer tre dnomm genre, mme si, nous-mme, continuons demployer ce terme.

    Annonons donc de prime abord que,pour nous, un genre est un type de texte

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    et non un type de procd discursif ; quenous nous intressons plus particulire-ment au discours mdiatique en tant quediscours vise informative (ce qui exclut,provisoirement, les genres ne correspon-dant pas cette vise) ; et que les genrestlvisuels tant des types de textes nous neretenons ici que ceux qui appartiennent un contrat dinformation (16), ce qui nousamne dfinir au pralable des notions serfrant au discours dinformation mdia-tique en gnral.

    Un texte est le rsultat dun acte de lan-gage produit par un sujet dans une situation

    dchange sociale contractuelle. Du faitquil est un acte de langage, il se caract-rise par les proprits gnrales de tout faitlangagier savoir sa matrialit signifiante(orale, scripturale, mimo-gestuelle, ico-nique) organise en systmes, ses rgles deformation et construction linguistique(morphologie, syntaxe aussi bien du verbalque du gestuel ou de liconique), ses proc-ds dorganisation discursive. Du fait quilest produit dans une situation contractuelle,

    il dpend pour sa signification de ce quicaractrise une situation savoir : unefina-lit-vise nonciative, une identitdes par-tenaires de lchange, un propos commecontenu thmatique de lchange, un dis-

    positifparticulier comme circonstancesmatrielles de lchange. Du fait quil apour origine un sujet, ce texte se prsente, la fois, avec les proprits de la situationqui surdtermine en partie le sujet, et avecdes proprits singulires du fait de linter-

    vention individuante de celui-ci.Un type de texte, linstar de Todorovpour qui le genre littraire est un lieu derencontre entre une potique gnrale etune histoire littraire, est le lieu de ren-contre des proprits gnrales de lacte delangage et de celle dune situation de com-munication contractuelle, les caractris-tiques gnrales tant adquatement slec-tionnes pour rpondre aux donnes de lasituation. Les proprits gnrales sont dedivers ordres : smantique, elles organisent

    le contenu thmatique en cho aux condi-tions du propos de la situation ; dagence-ment, elles procdent lorganisation dis-cursive par la slection et la combinaisonde modes discursifs en cho aux conditionsde la vise et de lidentit du sujet ;formel,elles matrialisent le type de texte en choaux conditions du dispositif matriel. Dansune telle perspective, un type de textedpend essentiellement des contraintessituationnelles : une certaine finalit, unecertaine identit des partenaires, un certainpropos, un certain dispositif. Ainsi serontreconnus comme appartenant des genres

    diffrents : un texte journalistique, un textepublicitaire, un texte scientifique, un texteromanesque ou un texte de loi. Mais cettereconnaissance nest quun premier tempsdapproche global dun type de texte, carencore faut-il tre en mesure de reconnatredans les diffrentes ralisations textuellesdu genre des spcificits rcurrentes quisinstituent leur tour en types, constituantainsi des sous-genres lintrieur de ce quelon pourrait appeler un genre global (ou

    macro-genre). De cette faon, lon pourraparler des diffrents sous-genres du genrescientifique, lesquels varient selon le pro-pos (la discipline), des diffrents sous-genres du genre publicitaire, lesquelsvarient selon le support (spots tlviss,affiche, magazine, etc.), des diffrentssous-genres du genre didactique, lesquelsvarient selon divers paramtres (manuelscolaire, parole de lenseignant, guide, ins-tructions officielles, etc.), enfin des diff-

    rents sous-genres du genre mdiatique(reportage, ditorial, brve, dbat, etc.),lesquels varient selon les paramtres quenous allons prsenter ci-dessous.

    Mais auparavant, il importe de soulignerdeux choses. Lune qui est quavec unetelle dfinition on ne peut plus confondregenre etprocd. Le genre est du ct de laconfiguration textuelle comme rsultat glo-bal de ce qui a prsid sa construction(rsultat global et en mme temps compo-site, ce qui rend si difficile et si discutable

    (16) Pour cette notion de contrat dinformation qui est au centre de notre ouvrage paratre prochainement(voir note 1), on pourra se rfrer notre article Le contrat de communication de linformation mdiatique , inLe Franais dans le Monde,juillet 1994.

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    toute tentative de classement en genre) ; leprocd est du ct de loutillage smio-discursif dont chacun des lments nesignifie en soi que partiellement et contri-bue au processus de configurationtextuelle : une argumentation, une imagede montage ou une feintise (17) sont autantde procds qui, certes, peuvent intervenircomme trait dfinitoire dun genre, mais nepeuvent tre confondus avec celui-ci.Lautre qui est que, comme nous le disionsen commenant, les genres sinscriventdans une relation sociale de reconnais-sance, tmoignant dune codification qui

    leur est propre (propre leur contextesocioculturel) et peut donc varier duncontexte lautre (un talk show la fran-aise se diffrencie dun talk show lita-lienne ou la catalane (18), et dunepoque lautre (un JT des annes soixanteest diffrent dun JT des annes 90).

    Un lieu de pertinence (19). Si lon admetque tout acte de communication est lersultat de la production dun texte qui estobjet dchange entre deux instances, lune

    dnonciation lautre de rception, et dontle sens dpend de la relation dintentionna-lit qui sinstaure entre celles-ci, alors onpeut dterminer trois lieux de pertinence :celui dans lequel se trouve linstancednonciation quon appellera lieu desconditions de production, celui dans lequelse trouve linstance de rception quonappellera lieu des conditions dinterprta-tion, celui dans lequel se trouve le textecomme produit fini quon appellera lieu de

    construction du discours. Sagissant dudiscours dinformation mdiatique, lins-tance dnonciation est reprsente par leproducteur dinformation, linstance derception par le consommateur dinforma-

    tion, et le texte par le produit mdiatiquelui-mme.

    Nous choisissons comme lieu de perti-nence celui de la construction du discourscomme produit fini. Il sagit du lieu danslequel se configure un texte porteur de senscomme rsultat dune mise en scne signi-fiante qui inclut les effets de sens viss parlinstance mdiatique et ceux, possibles,qui sont construits par la pluralit des lec-tures de linstance de rception dans unrapport de co-intentionnalit.

    Ce lieu nest pas le seul dans lequelpuisse tre construite une typologie. Le

    lieu de product ion en est un autre. Syconstruirait une typologie des modes deproduction des textes ou des documentsselon des paramtres qui ne seraient pasncessairement les mmes que ceux utili-ss pour une typologie du produit fini, carceux-ci ne sont pas susceptibles dtrereconnus par linstance de rception, ce quipour nous est une condition indispensable ltablissement dune typologie des genresdans une problmatique de co-intentionna-

    lit. Il nest dailleurs pas certain que cesmodes de production puissent sintitulergenres, mais ils nen constituent pas moinsun objet de typologisation (20).

    Les axes de typologisation sont divers.Ils dpendent des composantes qui dfinis-sent un texte tant dans ses proprits gn-rales que dans ses caractristiques situa-tionnelles, mais en mme temps du choixdes variables que lon dcide de mettre enregard, car il est difficile de construire une

    typologie avec de nombreuses variables.On se heurte ici un problme defficacitdu modle propos. Soit on essaye dint-grer le plus grand nombre de variables pos-sibles au nom de la complexit des genres,

    (17) Voir JOST, 1995. Comme me le rappelle Franois Jost, la feintise appartient, pour K. Hamburger, lalogique des genres littraires. Cela nempche pas que, dans notre logique, cette notion puisse faire partie desprocds.(18) Voir CHARAUDEAU et GHIGLIONE, 1997b.(19) Cette notion est dfinie sous lintitulLes lieux de pertinence de la machine mdiatique dans lIntroductiongnrale de notre ouvrage, paratre, op. cit.(20) Voir la tentative fort prometteuse de Guy Lochard dont un premier aperu se trouve dans les Ateliers derecherche mthodologique de lINA (Rapport 1996, paratre). Par ailleurs, il faut rappeler que, dune autrefaon, les guides de rdaction qui sont rdigs par les professionnels ou les coles de journalisme participent pourune part dune typologie de production (puisquils sont dans le faire), pour une autre du produit fini (puisquilssont dans le dire).

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    ds lors on gagne en comprhension maison perd en lisibilit, car la reprsentation dela typologie est complexe, et elle devient dumme coup inoprante. Soit on ne retientque deux ( la rigueur trois) variables, dslors on gagne en lisibilit mais on perd encomprhension, car la typologie devientpar la force des choses rductrice. On peutcependant sortir de ce dilemme en proc-dant par hirarchisation : on construit unetypologie de base, puis en faisant intervenirdautres variables lintrieur des axes debase, on construit des typologies succes-sives qui senchssent dans le modle de

    base.Voyons dabord quelles sont les compo-

    santes du texte mdiatique qui, priori,sont toutes susceptibles de constituer lesparamtres dune taxinomie. Il resteraensuite dcider lesquelles seront retenuespour construire les axes dune typologie debase, lesquels seront complts par desvariables supplmentaires qui permettrontde discriminer des sous-genres lintrieurde cette typologie.

    Le type de mode discursif

    Les modes discursifs sont des procdsqui permettent de construire lvnementmdiatique en nouvelle lui attribuant desproprits qui relvent du traitement gn-ral de linformation. Ils sorganisent autourde trois finalits de base qui correspondent lattitude du traitement de linformationque choisit linstance mdiatique : rap-porter lvnement , commenter lv-

    nement , provoquer lvnement . Celapermettra de dfinir par exemple le repor-tage comme relevant du procd vne-ment rapport , lditorial comme rele-vant de l vnement comment , ledbat de l vnement provoqu (voirci-dessous).

    Le type dinstance nonciatrice

    Linstance nonciatrice peut tre discri-mine selon son origine et son degr din-

    tervention. Lorigine peut se trouver dansle mdia lui-mme (un journaliste) ou horsdu mdia (un homme politique, un expert,une personnalit appele parler-criredans le mdia). Cette origine est reprable la manire dont est identifie la source dela nouvelle, la manire de donner la paroleaux protagonistes de lespace public et lamanire de procder au dcoupage mdia-tique. Cela permettra de distinguer parexemple le texte crit par une personnalitdu monde politique ou intellectuel (ins-tance quon appellera externe) et qui paratdans une tribune, de lditorial crit par le

    directeur dun journal (instance quonappellera interne).

    Le type de contenu

    Il est jug la nature du thme quiconstitue le macro-domaine sur lequelporte, en dominante, le discours faisantlobjet de la nouvelle ou de lchange dansun dbat. Cela permettra daffiner un typede mode discursif en croisant par exemple

    le mode vnement rapport avec lundes macro-domaines : vnement de poli-tique nationale ou trangre, vnementsportif, vnement culturel, etc. Cela per-met dapporter une distinction qui nest pastoujours claire dans les mdias entre sec-tion et rubrique. La section relverait plu-tt dun dcoupage du monde de lvne-ment en macro-thmes qui permet dans un

    journal de presse crite ou tlvise daffi-cher les grandes aires de traitement de lin-formation (Politique, tranger, Socit,Sport, Culture). La rubrique correspon-drait davantage la combinaison dunmode discursif et dun type de thme parti-culier qui se trouverait lintrieur dunesection (dans Culture : cinma, thtre, artsplastiques). Mais il est vrai que la dnomi-nation est instable et que, dans lusage cou-rant ainsi que dans celui des profession-nels, on parle aussi bien de la rubrique deschiens crass que de la rubrique ou sec-tion tranger, que de la rubrique culture et

    (21) Voir CHARAUDEAU, 1991.

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    de la rubrique cinma... Toujours est-il quecest de la combinaison entre modes dis-cursifs et thme que lon est en mesure dedistinguer des sous-genres. Nous avons pudiffrencier ainsi diffrents types de dbatselon que le thme plongeait les partici-pants dans un univers culturel, scientifiqueou de socit (21).

    Les caractristiques du dispositif

    scnique

    Celles-ci, de par leur matrialit discur-sive, apportent des spcifications au texte

    et tendent diffrencier les genres selon lesupport mdiatique (presse, radio, tlvi-sion). Cela permettra de distinguer parexemple une interview tl du fait de laprsence de limage dans cette dernire etde ses multiples incidences sur les rlesque peuvent tenir interviewer et inter-view. De mme, pourront tre mises envidence des diffrences autour dun mmegenre (interview ou dbat) selon lecontexte socioculturel dans lequel il est misen scne (22). Quelques-unes des caract-ristiques de ces dispositifs seront tudiesplus loin.

    Pour construire notre typologie de base,nous choisissons de croiser les principauxtypes de modes discursifs du traitement delinformation, placs sur un axe horizontal,avec les principaux types dinstance non-ciatrice, placs sur un axe vertical.

    Les types dinstance nonciatrice sontceux que nous avons dfinis prcdem-ment : instance origine externe , ins-

    tance origine interne , auxquels noussuperposons un degr dengagement (+/-) de celle-ci.

    Les types de modes discursifs, qui nepeuvent tre dfinis de faon dtaille dansle cadre de cet article (23), sont au nombrede trois :

    l vnement rapport qui com-prend des faits et du dit. Des faits, parceque ce qui se produit dans lespace publicrelve pour une part du comportement des

    individus, lesquels travers les actions

    dont ils sont les agents ou les patients pro-duisent des tats de fait . Du dit, parceque ce qui se produit dans cet espacepublic dpend galement des dclarationsdes uns et des autres :

    l vnement comment qui pro-pose du monde une vision dordre explica-tif. Il ne se contente pas de montrer oudimaginer ce qui a t, ce qui est ou ce quise produit ; il cherche mettre au jour cequi ne se voit pas, ce qui est latent etconstitue le moteur (causes, motifs etintentions) de lvnementialisation dumonde. Il problmatise les vnements, fait

    des hypothses, dveloppe des thses,apporte des preuves, impose des conclu-sions. Ici on nest plus appel se projeterdans un monde racont mais valuer,mesurer, jauger le commentaire pour dci-der, en raison, si lon y adhre ou si on lerejette ;

    l vnement provoqu par lesmdias eux-mmes, car ceux-ci ne secontentent pas de rapporter les paroles quicirculent dans lespace public, ils

    contribuent de faon beaucoup plus active la ralisation du dbat social en mettanten place dans un lieu particulier le leur,quils matrisent des dispositifs quipermettent surgissement et confronta-tion de paroles diverses. Ce surgissementet cette confrontation napparaissent pasde faon spontane, ou au gr du dbatsocial qui sinstaure par ailleurs danslespace public. Il sagit au contraire dunemise en scne organise de telle sorte que

    ces confrontations de paroles deviennenten elles-mmes un vnement saillant.Cette mise en scne est alors exhibe,comme au thtre, dans des dispositifspropres la presse, la radio ou latlvision.

    videmment, une typologie fonde seu-lement sur ces deux types daxes pourraparatre rductrice dans la mesure o ellene tient pas compte des sous-catgories desmodes discursifs, des caractristiques pr-

    cises des dispositifs ni de lapport discrimi-

    (22) CHARAUDEAU et GHIGLIONE, 1997.(23) Voir louvrage paratre, op. cit.

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    nant de la composante thmatique. Mais ilsagit dchapper ici au dilemme (typolo-gies complexes et illisibles/typologiessimples et rductrices) en procdant endeux temps : dune part une typologie dece que lon pourrait appeler les genresmdiatiques de base, dautre part une dfi-nition plus prcise de chacun des genres

    laide dautres variables.Nous reprsentons cette typologie debase par le schma suivant, avec tous lesrisques que cela comporte.

    Commentaires

    1) Laxe horizontal nest pas un axe gra-du entre deux ples opposs. Il sagit delaxe sur lequel se situent les modes discur-tifs en trois grandes zones : une extr-mit, l vnement rapport , zone o

    cest lvnement extrieur qui simpose ; lextrmit oppose, l vnement pro-voqu , zone o cest le monde mdia-tique qui simpose ; entre les deux, l v-

    nement comment , car celui-ci peut por-ter sur chacun des deux autres.

    2) Laxe vertical oppose les deux zonesdinstanciation du discours mdiatiqueselon quinterviennent des journalistes oudes personnes extrieures lorgane din-formation. Dans chacune de ces zonessinscrit un axe gradu qui reprsente le

    plus ou moins grand degr dengagementde linstance dnonciation. Il fautentendre par engagement le fait que lnon-ciateur manifeste plus ou moins sa propreopinion ou ses propres apprciations danslanalyse quil propose ou dans la faon demettre lvnement en scne (comme dansles interviews ou dbats).

    3) Dans la zone suprieure, les commen-taires et analyses des experts journalistes

    se situent au milieu de laxe horizontal car

    ils relvent de l vnement comment et sont le plus haut placs sur laxe vertical,car bien que les journalistes soient des sp-cialistes, ils engagent leur point de vue

    Instance

    interne

    (+ engage)

    Commentaire-Analyse Dbats de socit

    (dexperts journalistes) (talk show)

    Reportage

    (Magazine) Enqute

    J.T

    (- engage)

    E.R ____________________________________ E.C ______________________________E.P

    (- engage)

    Analyses

    dexperts extrieurs

    Face face lectoral

    Dclaration dhomme politique

    (+ engage)

    Instance

    externe

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    danalystes (lditorial et la chronique depresse seraient placs encore plus haut). Lereportage est davantage centr sur l v-nement rapport et lenqute plus orien-te vers une problmatique et donc plusproche de l vnement comment . Maisil est bien difficile dtablir une distinctionquant leur degr dengagement qui tientau mode de prsence du journaliste dansson nonciation. Disons quidalement,dans lenqute, le journaliste devrait treplus effac que dans le reportage (24). Laposition du genre dbat(type talk show) se

    just if ie par le fa it que ces t l ins tance

    mdiatique qui monte de toutes piceslvnement par lexhibition spectaculairede la parole, mme si cette instance doitobligatoirement jouer le jeu de la transpa-rence. Ce que les professionnels desmdias appellent un magazine est de cepoint de vue un genre hybride qui mlangereportages, enqutes et dbats.

    4) Dans la zone infrieure, on souligneraseulement que les experts-analystes sontplutt des spcialistes des sciences

    humaines et sociales ou des techniciensdun domaine particulier, do leur faibleengagement. Quant aux hommes politiqueson ne peut nier que malgr tout le dsirquils auraient de se liver une analyseobjective des faits, ils le font de leur pointde vue partisan (engagement +), soit tra-vers des dclarations, soit dans les face face lors des campagnes lectorales.

    5) On pourra toujours discuter la posi-tion de ces types de textes mdiatiques.

    Mais il faut accepter que, hors quelquesrares textes entirement codifis (commeles textes sacrs), tout texte est compositedu point de vue discusif, et donc un type detexte ne peut tre dfini que comme uneclasse de proprits semblables, cest--direun reprsentant abstrait des textes qui sontcenss y correspondre. On na affaire iciqu un positionnement doublement relatifdes types : dune part par rapport aux ples

    des deux axes, dautre part les uns par rap-port aux autres.

    6) Il est noter que si ces genres sontcomme des genres fondateurs, il nendemeure pas moins quils peuvent changeravec le temps, selon lvolution mme dela technologie des supports, selon lesmodes ambiantes concernant la faon deraconter, danalyser, dinterviewer, dedbattre, etc. Ainsi peut-on observer deschangements dans la faon dinterviewerles hommes politiques (25), dans la faonde mettre en scne et danimer les dbats,(des face face lectoraux aux talk shows

    les plus dbrids), dans la faon de prsen-ter les journaux tlviss ou radiodiffussavec une tendance marque au raccourcides plans-squences et la segmentationdes phrases, suivant en cela le modle du clip qui fait fureur dans la prsentationdes chansons. Sagit-il de variantes degenres, de sous-genres ou de nouveauxgenres? La question reste pose car il esttoujours difficile de discerner ce qui, sousles variations de forme, fait coupure et

    donc consacre lapparition dune nouvellecatgorie.

    Ltablissement dune typologie doitconstituer en fait lacte final et non pre-mier dun travail minutieux de descrip-tion et danalyse. Ce que nous venons deproposer ne peut tre que dordre mthodo-logique, comme les bases dun modlepossible de traitement de cette question. Ilfaut ensuite prciser les caractristiques de

    tel ou tel genre en fonction des particulari-ts propres au dispositif du support mdia-tique (radio, presse, tlvision), ce dontnous donnerons maintenant un aperu.

    Spcificits de quelquesgenres tlvisuels

    La tlvision, on le sait, est le domainedu visuel et du son, lieu de la combinaison

    (24) Cette distinction est particulirement difficile tablir pour la tlvision cause de tous les possibles jeuxde scnarisation.(25) Voir lmission 7/7 dAnne Sainclair sur TF1.

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    de deux systmes smiologiques, celui delimage et celui de la parole.

    Il y a plusieurs faons daborder la des-cription du rapport entre la parole etlimage, et selon le point de vue que lonchoisit plusieurs typologies sont possibles.Certains smiologues poursuivent en laffi-nant (26) le point de vue de Roland Barthesqui dj en son temps (27) avait montr la fois lautonomie de ces deux systmessignifiants en ce quils sont porteurs cha-cun dunivers socio-discursifs propres, etleur interdpendance du fait de rapportsdancrage rciproques o se construit la

    signification. Dautres cherchent dfinirla spcificit des documents audiovisuels(28) ; dautres encore, plus centrs sur latlvision et ses processus de ralisation,proposent dautres critres de distinction(29). Parfois aussi sont donnes, commeprincipe de classification des genres tlvi-suels, des grandes catgories (30), telles :les fonctions (informer, distraire, cultiver),les effets (motif, cognitif), les modes(informatif, fictif, ludique). Mais nous nous

    mfions de ces critres car, outre quils ontun caractre de grande gnralit, ce qui lesrend peu discriminants, il est bien difficilede distinguer fonctions, effets et modes dufait quils se superposent constamment enraison de la double finalit de crdibilit etde captation qui caractrise tout discoursdinformation mdiatique.

    Pour ce qui nous concerne, nous propo-sons une mthode de dtermination desgenres qui part du croisement de deux types

    de variables : celles du mode vnementiel(ER, EC, EP) et celles du mode dinterven-tion de linstance mdiatique ; cette pre-mire catgorisation autour de ce que nousavons appel les axes de base est compltepar la prise en compte, dans un secondtemps, des caractristiques du dispositif par-ticulier dans lequel apparaissent les types dediscours, dispositif qui apporte des variables

    supplmentaires permettant de spcifier cer-tains de ces genres en sous-genres.

    Sagissant du discours tlvisuel, doi-vent tre prises en compte deux sortes devariables : celles qui caractrisent le dispo-sitif tlvisuel et celles qui caractrisentles deux matriaux smiologiques que sontla parole et limage, car cest, noussemble-t-il, la confluence de ces deuxtypes de catgories et au type de domi-nance qui caractrise leur combinaison quese construisent les formes tlvisuelles.

    Le dispositif

    Malgr la surface plane de son cran, latlvision essaye darticuler entre eux troisespaces qui constituent chacun un lieuparticulier de construction du sens : unespace externe cens tre le lieu de laralit o surgissent les vnements delespace public, un espace interne censtre le lieu o se joue la scne mdiatiquede reprsentation de cette ralit, et unespace interne-externe cens tre le lieu ose noue un rapport symbolique de contact

    entre linstance mdiatique et linstancetlspectatrice. Ainsi, linstance mdia-tique tlvisuelle se trouve bien dans uneposition charnire doublement oriente :rfrentielle lorsquelle regarde le mondeextrieur quelle montre, rapporte etcommente, de contact lorsquelle regarde letlspectateur quelle cherche intresseret mouvoir, quelle sollicite et interpelle.Elle est la fois instance montrante vis--vis du monde extrieur et instance

    montre vis--vis du tlspectateur, celui-ci tant instance regardante .Ce dispositif gnral est donc gr par

    une instance montrante qui intervient enutilisant divers procds (qui spcifient lespropits de laxe vertical) : dune part desprocds defilmage et de montage, dautrepart des procds de disposition des l-ments se trouvant dans le studio et de

    (26) Voir HOUDEBINE, 1994.(27) BARTHES, 1967.(28) JOST, 1996.(29) Cest le cas de LOCHARD, voir note 20.(30) Catgories proposes par JOST et LEBLANC, 1995, p. 35.

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    monstration de ceux-ci par la rgie, lieupar excellence de larticulation entre lemonde extrieur et le tlspectateur :

    Le filmage de lvnement, cest--direle moment o se fait la prise de vue en rap-port de continuit avec le droulement dela scne montre (par exemple un incendieou un dbat), a la facult de jouer avec lecadrage (gros plan, plan rapproch, planamricain, plan densemble, etc.) et lesangles de vue (plonge, contre-plonge,niveau, etc.), procds qui produisent despoints de vue diffrents sur ce qui est mon-tr (point de vue anonyme, personnalis,

    dobservateur, etc.) (31).Le montage , en rupture avec la

    continuit du filmage (le temps du filmageest par dfinition diffrent du temps dediffusion), tmoigne de lintervention delinstance de monstration : sur le filmagelui-mme par des procds artfactuels(inserts, incrustations, images composites,virtualisation, etc.) qui rendent co-visiblesdivers lments qui ne le seraient pas lil nu (visualisation), procds qui

    produisent un effet d irralit maisdune irralit qui, la tlvision, estrcupre des fins didactiques (fairesavoir, faire comprendre), sur lacomposition du produit diffus, par laslection de certains des lments films etpar lassemblage particulier de plans et desquences (raccords), procds destins crer un certain rythme et des effets dedramatisation ; sur la diffusion du produittlvisuel qui peut tre faite en direct, dans

    ce cas linstance montrante ne peutintervenir que par la rgie (slection etcadrage) (32), ou en diffr, et dans ce cas,soit linstance montrante a t contem-poraine du droulement de lvnement(un match de rugby diffus aprs coupmais avec le commentaire du direct), soitelle se situe elle-mme dans laprs-vnement (diffusion et commentaire dumatch de rugby se font tous deux aprscoup). Le montage peut produire un effet

    de suspicion dans la mesure o on peut luiprter des intentions manipulatoires, maisil peut aussi produire une jouissance, celledu regard distanci .

    La disposition des lments dans le stu-dio construit une topologie qui est destinedune part favoriser le surgissement detel ou tel type de parole (polmique ouconsensuelle), dautre part prfigurer unecertaine gestion de limage, certains scna-rios de monstration qui cette fois sont misen uvre par la rgie.

    La parole

    Mise en scne par les mdias, elle estsusceptible de relever de cinq typesdnonciation qui proviennent descontraintes du contrat de communicationmdiatique : de description (du fait et dudit), dexplication, de tmoignage, depro-clamation, de contradiction.

    Comme description, elle dpeint desvnements du monde tels quils sont cen-ss stre produits (se reporter l vne-ment rapport ).

    Comme explication, elle cherche rv-ler les causes des vnements (se reporter l vnement comment ).

    Comme tmoignage, elle rvle, ou aumoins confirme, lexistence dune ralitavec laquelle lnonciateur a t en contact ;il est donc amen dire ce quil a vu,entendu, ou touch, sans analyse ni juge-ment. La parole de tmoignage engagedonc le sujet sur une vrit qui procdede son seul corps (comme on dit en

    Droit), ce qui donne celle-ci les traits dela puret et de lauthenticit. La parole detmoignage instaure limaginaire de la vrit vraie . Le tmoignage peut trenonc par un sujet anonyme ou aucontraire par un sujet ayant une certainenotorit. Sil est anonyme (pour le tl-spectateur), et pour que son dire participequand mme de lvnement mdiatique,le tmoignage quil portera sur lui-mmeou sur la vie sera cens valoir pour tous

    (31) Voir les tudes de LOCHARD et SOULAGES, in CHARAUDEAU, 1992.(32) Surtout lorsque le direct est prpar. Pour la distinction entre direct prpar et direct non prpar , voirF. JOST, 1996.

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    ceux qui appartiennnent la mme catgo-rie (en cela il ne sera pas confondu avec lesimple tmoin dune interview de rue). Ilsera institu en archtype social dunmodle de vie professionnel (un horloger,un artisan), dindividu souffrant (victimede maladies, daccidents, dexactions) oude comportement extrme (hros du jour),ce que les Reality et autres Talk showsmettent abondamment en scne. Si le sujeta une certaine notorit, la valeur de sontmoignage sera relative aux traits diden-tit psychologique (sincrit, bluff, men-songe) que le tlspectateur sera en mesure

    de lui attribuer.Comme proclamation, elle participe

    dune nonciation performative qui engagele sujet nonciateur faire ce quil dit ( Legourvernement ne cdera pas aux pressionsextrieures ). La valeur de cette formednonciation dpend donc du statut du sujetqui nonce, lequel devra tre en position de dcideur (homme politique, responsablede parti, de syndicat, dentreprise, etc.) ayantnon seulement pouvoir de dire , mais

    galement et surtout pouvoir de faire .Enfin, comme contradiction, elle sins-

    crit dans une nonciation interactive quiconsiste apporter un point de vuecontraire un autre dj expos, ce qui apour effet de mettre en cause celui-ci, denattnuer la valeur dvidence quil auraitpu avoir tant seul, et de montrer que lavrit concernant le thme trait est frag-mente, partielle, laissant celui qui esttmoin, extrieur lchange, le soin de

    lutiliser pour sa propre qute de vrit etla construction de son opinion.

    Limage

    Limage tlvisuelle, quant elle, peutavoir trois fonctions (33) dans sa vise derfrenciation : de dsignation, de figura-tion, de visualisation.

    La dsignation (34) consiste dsignerle monde dans sa ralit perceptive commeun tre-l prsent, se convertissant en objet montr ayant sa propre autono-mie dexistence par rapport au processusde monstration, percevable dans sonimmdiatet sans rien qui sinterpose entrecelui-ci et le sujet regardant. Ce dernierpeut donc avoir lillusion quil est lui aussidans ce monde, en contact avec cette ra-lit physique (35). Cette fonction met enscne des effets d authenticit .

    Lafiguration consiste reconstituer lemonde dans ce quil a t , non perce-

    vable dans son immdiatet mais reprsen-table par simulation, ce qui le rend possible-ment vrai. Le sujet regardant ne peut doncpercevoir ce monde reconstitu que par ana-logie une certaine exprience et connais-sance du monde, en se projetant dans celui-ci. Ici, il ne sagit donc pas dune analogiecomme calque de la ralit, mais commeconstruction-reprsentation dun certainimaginaire de la ralit. Cette fonction meten scne des effets de vraisenblance .

    La visualisation consiste reprsentersur un certain support, travers un certainsystme de codage, une organisation dunon visible lil nu (reprsentations gra-phiques, gros plans ou virtualisation). Lesujet regardant ne peut donc percevoir cemonde que dans la mesure o il a connais-sance de ce code de reprsentation qui luipermet par calcul de conceptualiser cettepartie du monde cache. Mais ce procddpend pour son effet du contrat de com-

    munication. Ce nest que dans la mesureo le contrat dinformation construit unpropos, lequel est cens tmoigner duneralit extrieure aux sujets, que cettefonction peut mettre en scne des effets de dcouverte de la vrit . Dans uncontrat o prvaut la fiction, cet effet seraitplutt de dramatisation (36).

    (33) Voir CHARAUDEAU et GHIGLIONE, 1977.

    (34) Parfois on dit monstration, mais ce terme a galement une valeur gnrique (cf. rgimes de monstration ).(35) Cest ce que suggre le titre de lmission La preuve par limage , diffuse sur France 2 et supprimeaprs le premier numro.(36) Comme un gros plan dans un film dhorreur, alors quun gros plan sur un joueur au cours dun match defootball aurait plutt leffet de dcouverte des sentiments du joueur (peut-tre est-ce aussi une autre forme de dra-matisation).

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    De la combinaison de ces caractris-tiques composantes du dispositif, fonc-tions de limage et types dnonciation etde leur rapport de dominance rsultent desformes tlvisuelles souvent fort com-plexes car elles peuvent intgrer plusieursde celles-ci. Nous ne les dcrirons pastoutes dans le dtail, car notre propos estici mthodologique, et dailleurs larecherche continue den affiner la descrip-tion. Nous en examinerons seulement troisque lon peut considrer comme desgenres de base de la tlvision : le JT, ledbatet le reportage.

    Le JT

    Le JT, sigle bien connu du journal tl-vis, est le genre qui intgre le plus grandnombre de formes tlvisuelles, en rac-courci pourrait-on dire : des annonces, desreportages, des rsultats denqute, desinterviews, des mini-dbats parfois, desanlyses dexperts, etc. Aussi, peut-onconsidrer que sur les axes de typologisa-tion (voir tableau) il occupe une position

    moyenne. Par rapport laxe vertical, il setrouve dans la partie suprieure correspon-dant linstance interne, car tout estorchestr par la rdaction sous la houlettede son responsable, par la rgie qui devraen excuter les instructions et par le pr-sentateur qui en assure la coordination etapporte sa patte personnelle de sduction ;du point de vue de lengagement il devraitse trouver vers le bas de ce mme axe car ilest cens seffacer derrire la ralit du

    monde et ses commentateurs, mais ilimpose quand mme sa vision dramatisantedu monde du fait de la prgnance de lavise de captation. Par rapport laxe hori-

    zontal, on pourrait penser quil se trouveplutt du ct de lvnement rapport(ER), au nom dune idalit du contrat decommunication et de sa vise de crdibi-lit : rapporter les faits tels quils sont. Enralit, il couvre lensemble des modes dis-cursifs, car il sagit pour lui non seulementde rendre compte des faits, mais galementde les commenter (EC) en faisant appel des experts, et de provoquer des dbats(EP) sur les thmes les plus prgnants eninvitant des responsables des divers sec-teurs sociaux. Le JT fait donc lobjet dunesquentialisation autour de ces trois modes

    discursifs ; le temps consacr chacune deces squences est variable, mais la quantitnest pas forcment pertinente pour jugerde lorganisation dun JT, car les momentsforts pas toujours prvisibles peuventse produire dans lune ou lautre de cessquences (37).

    La spcificit du JT tient, par comparai-son avec dautres genres (38), deuxaspects dominants de sa mise en scne dis-cursive, lune concernant lepropos, lautre

    la construction de lidentitdes partenaireset de leurs relations.

    Le propos est marqu par lactualit, ilest toun vers les vnements du jour quifont nouvelles (39), prsents en une sortede menu de ce que lon aura se mettre sousla dent pour le meilleur et pour le pire (40).On attend donc du JT un dcoupage dumonde vnementiel en petits morceaux,dcoupage qui tmoignerait de ce qui sestpass dans lespace public, au cour dune

    unit de temps, le quotidien, unit detemps qui serait la mme pour tous lesspectateurs. Le JT procde une fragmen-tation thmatique (sur le modle du rubri-

    (37) On aura remarqu, cependant, une tendance rcente des JT prolonger les squences dEC et dEP au pointde prolonger certains journaux au-del du temps habituel. Mais il conviendrait de faire un travail de comparaisonsystmatique entre les JT de diffrentes poques (comme ont commenc le faire H. Brusini et F. James) et sur-tout de diffrents pays.(38) Rappelons que toute taxinomie, toute typologie, na de sens que dans la comparaison diffrentielle. Aucungenre na dexistence dans labsolu. Il ne signifie que par diffrence aux autres. Il faut se garder dune tendance la naturalisation des catgories avec lesquelles on travaille.

    (39) Rappelons ltymologie : un journal tait lespace de terre qui pouvait tre travaill en une journe. Par ana-logie, les nouvelles sont les faits qui peuvent tre rcolts dans lespace dune journe.(40) Autre mtaphore : un menu prsente lensemble des mets du jour au client-consommateur qui veut se mettrequelque chose sous la dent. De mme les nouvelles constituent cet ensemble de faits du jour qui vont alimenter letlspectateur en information, bonne ou mauvaise, agrable ou dsagrable, quil pourra ensuite digrer et ven-tuellement rutiliser.

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    un monde vnementiel construit par lui-mme et parcellis. De mme, sous couvertde nous permettre de mieux comprendre lesphnomnes en faisant appel des commen-tateurs, il ne peut que fournir des explica-tions ponctuelles et fragmentes. On est enpleine illusion de ralisme et en plein simu-lacre de vrit, on le sait, mais cest traversce faire croire que se dfinit le JT.

    Le dbat

    Le dbat tlvisest galement un genrecentral, particulirement de la tlvisionfranaise. Il ne faut pas considrer ce

    genre dans un sens troit et ny classer parexemple que les missions que la tlvi-sion elle-mme dnomme ainsi. Il peut yavoir du dbat dans des magazines, dansdes talk shows, dans des missions poli-tiques, culturelles, sportives, etc.

    Nous avons tudi ce genre deuxreprises, sous des formes diffrentes : le dbat culturel (47), le talk show (48),ce qui nous permettra den reprendre lescomposantes stables qui correspondent aux

    variables de ce genre.Le dbat est une forme tlvisuelle qui,

    cest banal de le dire, met en prsence plu-sieurs invits autour dun animateur pourtraiter dun certain thme, et qui est com-pltement organis et gr par linstancemdiatique. De ce point de vue, il setrouve plac dans la partie suprieure (ins-tance interne) droite (vnement provo-qu) de nos axes de typologisation. Maisce qui importe ici, cest den dgager les

    enjeux.Les invits sont convoqus pour des rai-sons prcises didentit en rapport avec lethme trait. Ils sont connus ou inconnusdu public selon la nature de celui-ci. Ilssont ncessairement connus dans lesdbats thme politique (encore quon ymle de plus en plus des inconnus repr-sentant le citoyen de base) ; ils sont incon-nus dans les dbats thme de socit

    (encore quil y apparaisse parfois uninvit-vedette connu). Ils sont choisis ga-lement en fonction de leur positionnementdans le champ des opinions, faisant ensorte que celui-ci soit, sinon antagoniste,du moins diffrent de celui des autres invi-ts. Cela oblige les invits assumer cer-tains rles langagiers. On sattend parexemple ce quils rpondent aux sollici-tations de lanimateur (ou ventuellement celles dautres participants-invits),quils ragissent aux diffrents proposmis au cours des changes, soit en contrede ceux-ci, ce qui les placera dans des

    relations symtriques dopposition par rap-port aux autres invits, soit en pour, ce quiles placera dans des relations complmen-taires dalliance vis--vis des autres invi-ts. Ainsi, les invits sont-ils pigs paravance. Ce quils diront ne sera pas prispour ce quils pensent mais pour leffetque cela produit sur les autres. Lopinionici na pas de valeur expressive en soi,mais une valeur relationnelle de dissensusou consensus. Tout dabord, ils doivent

    lutter pour la prise ou la conservation de laparole. Ensuite, ils doivent chapper auxprsupposs des questions qui leur sontposes. Enfin, ils doivent tenir compte dufait que, au-del des effets quils produi-sent sur les interlocuteurs directs, il y a leseffets quils produisent sur les tlspecta-teurs quils ne voient pas, dont ils ne per-oivent pas les ractions, mais dont ilspeuvent deviner le poids du jugement.

    Lanimateur reprsente linstance

    mdiatique. Il joue essentiellement un rlede gestionnaire de la parole. Il questionne,distribue les prises de parole, tente datt-nuer les changes trop vifs, demande desexplications, et mme parfois cherche provoquer des ractions en se faisantlavocat du diable, en forant le trait dra-matique ou motionnel dune accusation,ou en jouant le confident (49). De plus, estconstruit un plan de traitement du thme

    (47) Dans le cadre du CAD, voir CHARAUDEAU, 1991.(48) Dans le cadre du CAD en collaboration avec le GRP, ayant donn lieu deux publications, CHARAUDEAU,1997, et GHIGLIONE, 1997.(49) Tout ce jeu a t mis en vidence dans nos travaux ci-dessus cits, et par ailleurs, cest ce qua dnoncPierre Bourdieu aprs son passage malheureux lmission Arrt sur image , diffuse sur La Cinquime (lesamedi 11 mai 1996), anime par Daniel Schneidermann et Pascale Clark.

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    nombre. Il nest pas reli de faon directe lactualit, mme sil lui est raccroch. Ilprexiste donc au surgissement de la nou-velle, comme une ralit acquise, ce qui le

    justifie comme ne relevant pas de la fiction,et pouvant faire lobjet dune observation.De l, le quil tente dexpliquer , quisignifie, la fois, que cet tat de dsordresocial ou dnigme pose question lintelli-gence humaine celle-ci cherchant encomprendre le pourquoi et le comment etque cest travers la faon mme de rap-porter lvnement quapparatront desrponses aux questions. Cest pourquoi il se

    trouve plac, par rapport nos axes detypologisation, dans la partie suprieuregauche (il est ordonnanc par linstanceinterne cense rapporter lvnement avecun commentaire intgr).

    Il sensuit que le reportage doit adopterun point de vue distanci et global (prin-cipe dobjectivation) et doit proposer enmme temps un questionnement sur lephnomne trait (principe dintelligibi-lit). De l quil fasse appel divers types

    de scnarisations, utilisant les ressourcesprsentatives, figuratives et visualisantesde limage, pour dune part satisfaire auxconditions de crdibilit de la finalit din-formation (scnarios denqutes (55), detmoignage, de reconstitution dtailleapportant la preuve de lexistence des faitset de la validit de lexplication), dautrepart satisfaire aux conditions de sductionde la finalit de captation (scnarios dedramatisation destins toucher laffect du

    spectateur.Enfin, sil est attendu de lauteur dunreportage quil colle le plus possible lasuppose ralit du phnomne puisquilnest pas dans la fiction (56), il est gale-ment attendu de celui-ci quil fasse uvredimpartialit, cest--dire que son ques-

    tionnement et la faon de traiter lesrponses ne rvlent pas un engagement desa part, puisquil est journaliste (il en seraitautrement si lon savait que lauteur dureportage tait un ralisateur hors m-dias (57)). Cest cette contrainte qui pigele journaliste ralisateur de reportages. Caril nest pas de questionnement ni de tenta-tive danalyse (y compris dans le domainescientifique) qui ne se fasse hors dunmode de pense critique, cest--dire encontre dautres points de vue. Le ralisa-teur de reportage, en effet, se trouve dansune situation inconfortable du fait que, au

    nom de la vise dinformation du contratmdiatique, il doit sinterdire dapporterson point de vue personnel, alors quedune part cela est impossible (touteconstruction de sens tmoigne dun pointde vue particulier), dautre part cela estncessaire (toute dmarche danalyseimplique des prises de position). Docette technique du balancier , gale-ment adopte par les commentateurs, quiconsiste pour lauteur dun reportage

    proposer des points de vue diffrents, voirecontraires, sans quil se risque oprer unehirarchie (ou le moins possible), et dontla conclusion se rsume en une srie denouvelles questions, de celles qui juste-ment nosent prendre parti. Paradoxale-ment, cette technique a un faible pouvoirexplicatif. Elle suscite lmotion, lexpec-tative, linterrogation permanente, mais nepropose au tlspectateur aucun mode depense, aucune mthode de discrimination

    conceptuelle des faits, pour quil se fassesa propre opinion.Les autres genres tlvisuels sont

    hybrides, dans la mesure o ils incluentplusieurs de ces formes tlvises de base.Les magazines, par exemple (ou du moinsce que la profession dnomme ainsi), sont

    (55) L enqute , ce titre, nest pas proprement parler un genre. Elle est prcde dinvestigation qui relvede laction et qui ne peut ensuite que faire lobjet dune description qui sinscrit dans un rcit plus vaste, commecest le cas dans le roman policier.

    (56) Cest ce qui distingue le reportage du documentaire. En cho cette dfinition, le journaliste Jean-ClaudeBringuier : ... le reportage ne dpend pas de soi : il faut couvrir un vnement. Il y a un mort, un incendie, unscandale financier ou sexuel, on va le chercher et on essaie de le ramener vivant et vrai. (...) le documentaire com-mence l o finit le reportage, quand il ny a plus dvnement. Nous travaillons dans les interstices , inLibra-tion.

    (57) Par exemple, Bernard-Henri Lvy faisant un reportage sur le conflit en ex-Yougoslavie.

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    tantt dominante entretien avec unrsum des nouvelles de la semaine (lesmissions type 7/7, sur TF1), tantt domi-nante de dbat avec insert de micro-repor-tages (les missions type Bouillon deculture, sur France2), tantt dominantereportage avec quelques analyses en pla-teau (les missions typeEnvoy spcial) ouinterviews (le type magazine sur lhistoire :

    Brlures de lHistoire, Histoire parallle,

    Mercredis de lHistoire), tantt quilibrantces diffrentes formes (les typesLa marchedu sicle, et divers magazines cono-miques). Les reality shows mlent repor-

    tages reconstitution joue par des com-diens, interviews, entretiens, dbats enplateau (58). Les talk shows enfin mlentgalement dbat politique, dbat de socitet de divertissement, en insrant dessquences de mini-reportages (59).

    Reste que ces genres sont sujets chan-gement travers le temps, parfois de faonnotable (comme pour les dbats (60)), par-fois de faon discrte (comme dans lesface face ou les reportages (61)). Ces

    changements se produisent selon diversfacteurs. Parfois, cest lvolution de latechnique (par exemple lallgement et laminiaturisation du matriel) qui amne modifier les dispositifs, parfois ce sont lesrationalisations du monde professionnelqui simposant comme des modes (plus oumoins passagres) finissent par influencerces dispositifs. Pour ce qui concerne cedernier facteur, on peut observer actuelle-ment trois grandes tendances. Celles-ci ne

    sont pas ncessairement propres ungenre, mme si tel ou tel de ceux-ci peuten avoir t llment dclencheur (62) ;elles traversent plusieurs genres en laissantun impact plus ou moins visible :

    une tendance la multiplication et laccumulation dans les mises en scneactuelles des indices de contactavec lins-tance public : par la prsence dans les stu-dios dun public qui est cens jouer un rlede reprsentant-relais du tlspectateur ;par une gestion des missions (du dbat auJT) de plus en plus oriente vers le tl-spectateur, soit que lanimateur sadressedirectement celui-ci, soit que diversmoyens lui permettent dintervenir (appelstlphoniques en direct, sondages imm-diats, etc.). Cette tendance aboutit crerlillusion dune tlvision du contact, de la

    convivialit, de la connivence, par opposi-tion la tlvision dautrefois qui marquaitune certaine distance entre linstancemdiatique et le public ;

    une tendance, comme on vient de levoir, au mlange des genres, particulire-ment dans les talk shows et reality shows.Cette tendance construirait une tlvisionde l hybride par opposition la tlvi-sion dautrefois qui se caractrisait par lasparation des genres ;

    corrlativement, une tendance fairede cette tlvision un flot continu dmis-sions qui se succdent et se ressemblent,crant un univers uniformis dans lequeltout tlspectateur pourrait se reconnatreet se sentir en famille . Cette tlvisionsopposerait celle du pass plus nette-ment dcoupe en moments de rendez-vous diffrents pour publics diffrents. Icidonc sopposerait une tlvision du continuum une tlvision de dcou-

    page (63) ; corrlativement encore, une tendanceau raccourcissement des missions,comme une compensation aux phno-mnes dhybridation et de continuum, ten-

    (58) Voir la liste quen dresse Dominique Mehl dans la revueRseaux n 63, p. 121, CNET, Paris.(59) Voir Dossiers de laudiovisuel n 59, INA-Documentation franaise, janvier-fvrier 1995.(60) Il suffirait de comparer les missions des annes 70 celles de maintenant, en passant par les droits derponse de Michel Polac et les absents ont toujours tort de Guillaume Durand.(61) Les face face politiques nont gure chang dans leur dispositif malgr lintervention de certaines rgles

    imposes par les services de communication des dbattants. Les reportages non plus, malgr lvolution de latechnique ; dailleurs dans ce domaine ce sont les reportages type Cinq colonnes la une qui font toujours rf-rences.(62) Mais comment savoir exactement quel fut llment dclencheur ? Une histoire de linfluence entre lesgenres, en termes de construction thmatique , de modes discursifs et de dispositifs , reste faire.(63) Encore que lon observe un certain retour au dcoupage .

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    dance au montage de type clip (quelon pourra galement remarquer dans unecertaine criture de presse) ;

    enf in , tendance au mlange desthmes, ceux qui appartiennent lespacepublic se fondant dans ceux qui relventde lespace priv et inversement. Cest unedes dominantes des reality et talk showsvoque plus haut qui soppose la tlvi-sion dhier caractrise par le respect de lafrontire entre ces deux univers.

    * **

    Les genres ne sont quune tape dans ladescription des caractristiques dun typede discours. Tmoignant de ce que sont lesconstantes textuelles de lorganisation dis-cursive dactes de production langagireen situation de communication, ils consti-tuent dune part un point darrive unedescription qui sattachera ne retenir queles proprits stables du type de discoursen question, dautre part un point de dpart une description qui sattachera releverles caractristiques propres chaque texte.Ils sont donc une tape intermdiaire fon-damentale pour lanalyse des discours

    sociaux.

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