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    Whisky

    Dans les romans policiers, cest une boisson trs la

    mode. Dans ce rcit, fait dvnements authentiques et vcus,ce nest quun chien, mais pas un chien comme les autres Sa vie ? Des aventures, des voyages magnifiques, malgr

    linconfort, avec des hommes : Des Aviateurs, des PN etsurtout des rampants (ces inconnus de lArme de lAir) quilaimrent et le chtirent Il reut beaucoup de caresses .Et quelques fesses bien mrites !

    Un vtrinaire dIndochine la dcrit chien mtisbraque, sous poil marron avec une petite pelote en avant dusternum - Lair intelligent, lil vif et deux grandes oreillestombantes, mais nerveuses, qui se redressaient vite, aumoindre appel ou sifflet connu. Son poil ras et luisant, facile nettoyer. Sur son crne, une bosse : la bosse des maths disait-on en plaisantant. Son corps se terminait par une queuebien droite : son indicateur de joie ou de honte. Sous lescaresses et les compliments celleci sagitait, tel un essuie-glace dauto ; sous les engueulades , elle disparaissait, endemi-cercle, honteusement entre ses pattes arrire.

    Ds sa naissance au Maroc, il fut adopt par un pilotede chasse. Ce qui fait que tout petit, il connut livresse desvols, enfoui dans le blouson de vol de son matre, duquel, seul,le bout de son museau pointait. Il aima voler. Le bruit du

    moteur ne lui fit jamais peur. Il apprit trs vite se mfier delhlice (ce ventilateur pales longues et fines, qui tournaientdans le nez de ces machines voler !)

    Il devint trs vite un vritable chien de cirque, biendress. On lappelait, en levant une jambe, dun bond il lasautait. On mettait les deux bras en cercle, hop ! Il passait aumilieu dun saut. Il faisait aussi le coup du chasseur (1). Il

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    tait trs obissant et faisait parfois des choses trs drles, quinous amusaient beaucoup.

    Je vais lui laisser la parole. Il va vous raconter sa vie,

    ainsi que celle de ses amis, dans ces quelques pages que jeddierai au Groupe de Chasse 1/7 PROVENCE

    Et vive la Chasse Bordel !

    Jean Marty

    (1) Coup expliqu dans le rcit.

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    Ma carrire dans la Chasse commena enDcembre 1943 par suite de laffectation de mon matre,comme pilote , au groupe 1/3 CORSE , stationn

    BOU-SAADA, charmante station climatique du sudAlgrien.Aussitt, ma vie fut en piste et jappris trs vite

    connatre les Dewoitine 520 qui quipaient lunit. Monmatre ne mamenait plus en avion, parce que jtaisdevenu adulte. Aussi, je me contentais daccompagner, encourant, les avions qui allaient jusquen bout de piste

    pour dcoller. Arrivs l, les pilotes mettaient toute la gomme et je les voyais partir, un par un dans leurcage volante, mes oreilles claquant dans le vent deshlices.

    Aussitt, je revenais vers les gars de la piste , quimavaient dj adopt ; ils taient trs chics avec moi.Les uns me sifflaient, les autres mappelait Whisky toutsimplement.

    Je recevais moult caresses de tous ces gens l, maistout de suite je fus attir par Ferrari. Jaimais tre aveclui, il me parlait et je me pliais toutes ses prires ou sesordres.

    Mon premier matre, le pilote, navait presque plus detemps me consacrer, il sentranait beaucoup, volaitsouvent ou participait ces colloques tabous : les

    briefings ou tout simplement tapait le tarot avecles autres pilotes, sous la tente de relax .

    Je devins donc le compagnon assidu de Ferrari et detoute la piste .

    La Piste , cest lensemble des mcanos, armuriers,radios, lectriciens. Graisseurs, bouchons gras qui sont l pour soccuper des avions au sol. Ils

    bichonnent la mcanique, nettoient les engins, les

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    arment et les quipent de postes radios et batteries. En unmot, ils rendent les avions disponibles, en rparant toutesles pannes possibles, qui peuvent empcher un avion de

    voler. Leur temps nest pas compt ! Ils passent leur journe dans toutes les positions; sur ou en dessous delavion, les mains constamment dans lhuile ou la graisse.

    En plus de cela videmment, comme ils sont militaires,ils sont astreints, en dehors de la piste, diffrentsservices.

    A Bou-Saada, en ville, ils prenaient un service de

    garde, au quartier rserv ! Imaginez un grand chenil,avec des chiennes slectionnes et faciles la monte . Drle de quartier, fait de beaucoup de maisonscloses ouvertes tous les hommes en qutedpanchements amoureux. Dans ces maisons vivaientdes belles (et moins belles) fatmas, maquilleslourdement, danseuses nues loccasion et quiacceptaient, moyennant rtribution (qui se marchandait)de cogiter une nuit ou un moment avec les hommes.

    Donc, un soir mon play boy de Ferrari, avait tdsign comme Chef de Poste et je le suivis. Au cours dela nuit, tard, je participai avec lui une ronde dans ces villas , afin dy vider les militaires non titulaires dunepermission de nuit. Dans une carre je vis une souris.Mon sang de chasseur ne fit quun tour et aboyant,

    courant, saccageant tout sur mon passage, je me mis poursuivre la pauvre bestiole affole, dans les diffrentespices sous les cris dhorreur de ces dames . Celles cisenfuyaient ou se hissaient sur leur grabat. Au bout dequelques minutes, mon matre trouvant le jeu tropfracassant marrta en minterpellant : Whisky assez !Whisky ici ! .

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    Passant devant une autre maison, malgr la porteferme me vint aux narines une odeur connue. Je me mis aboyer en grattant la porte de ma patte avant droite. Une

    voix, galement connue et en relation directe aveclodeur, me cria allez coucher, Whisky ! . Cetteinjonction me stoppa net, mais il parait que sonpropritaire eut tout le mal du monde terminervictorieusement son action !

    Ce qui rapport par Ferrari, fit beaucoup rire en piste lelendemain, sauf lintress !

    Le travail, cette poque ntait pas crevant . Unautre soir, les gars du groupe dcidrent de donner un bal.Jassistais aux prparatifs en mouche du Coche .Dcoration dune salle dans un htel. Musique assurepar un orchestre damateurs, dans lequel un pilote seproposa et russit tre pianiste et chef dorchestre, silvous plait ! Enfin tout fut organis mais lheure dudbut du bal, pas une jeune fille nosait entrer. Il fallaitfaire quelque chose ! Quatre mcanos dont Ferrari, sedguisrent en jeunes demoiselles, avec la complicit deleur blanchisseuse, et bras dessus bras dessous avecdautres gars en tenue, par couple, ils firent leur entre aubal. Ce subterfuge russit faire entrer de vraies jeunesfilles. Quant moi, flairant soudain mon matre dans unetenue qui ntait pas la sienne dhabitude, je fis un

    vritable scandale en sautant et aboyant. Heureusement,lorchestre attaqua un paso doble endiabl, ce qui eutpour effet de me calmer et mme de mamuser. Le bal futune russite que lon estima devoir.recommencer dansquelque temps !

    Mais hlas, ds le lendemain, en piste je sentis que abougeait. On emballait le matriel, en caisses.

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    Des avions nouveaux arrivaient sur le terrain. Des Spits disaient les mcanos avertis. Puis des grosavions fuselage norme vinrent se ranger aussi au sol.

    Dans ces derniers, le matriel fut embarqu puis ce futle tour du personnel.Je montai donc dans lun deux avec Bbert Ferrari

    et aprs un vol sans histoire, nous atterrmes AMEUREL AM. Le vol sur Potez 540 mavait, comme toujours,procur du plaisir. Avec mon ancien matre, javais djd effectuer une centaine dheures de vol, sur plusieurs

    types davions.JUIN 1943 AMEUR EL AM

    Le Groupe 2/7 Nice nous avait prcds. Il taitquip de Spitfire , les nouveaux avions que nousavions vus Bou-Saada.

    Dewoitine 520 ou Spitfire voyez-vous unegrosse diffrence ? H bien moi, jen vis de suite une,puisque leur dpart vers laire de dcollage, je nepouvais mempcher de courir et daboyer aprs les Spits , alors que je me contentais seulement deregarder rouler les Dewoitine ? Par contre, je nefaisais aucune distinction entre les pneus de ces avions je dirigeais aussi bien mon pipi sur les uns, que sur lesautres. Ce qui me valut trs souvent de me faire

    enguirlander par les mcanos et mme de faire botter larrire-train ! Pourquoi alors, ne disait on rienaux pilotes, qui se soulageaient sur la roulette de queue,avant de monter dans lavion. Le Lieutenant PISSOTTEle premier hein ? Ferrari, un jour lui en fit la remarqueet jamais plus il ne le refit ! Ce fut autrement plusdifficile avec moi. Surtout quici, la nourriture tait

    maigre. Le lgume de base de la cuisine tait la courgette.

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    Comment vouliez vous ne pas avoir besoin de pisser avecun rgime pareil !

    Heureusement quavec les hommes, je logeais dans

    une ferme pas loin du terrain. La fermire eut piti de moiet cest bien souvent que de la viande garnissait moncuelle. Jtais bien vu, les hommes menviaientpresque !

    Ah ! Les beaux quipements que lon avait donns mes amis. Ils taient amricaniss de la tte auxpieds.

    On leur avait remis des paquetages, tout neufs. Ilsavaient une fire allure dans ces habits bien taills, avecdes plis partout. En piste, ils portaient une bellecombinaison vert olive, avec fermeture glissire et unemultitude de poches. Et tout cela pour faire voler desavions Anglais. Ils touchrent galement beaucoup degros matriels, des G.M.C, entre autres. Ces camions, quiallaient tant nous trimballer.

    AOUT 1943 BONE

    Premier convoi de G.M.C dAmeur El An Bone. Leshommes taient bien assis de chaque cot du vhicule, lesbches qui recouvraient les ridelles sentaient le neuf. Vuma nervosit persistante, on me fit une place privilgie,

    afin que je puisse passer la tte sous la bche (un peudesserre) juste derrire la cabine du conducteur.Pendant tout le trajet, mes oreilles claqurent au vent de la vitesse. Ah ! Il fallait avoir le cur bien accrochavec les chauffeurs de ces camions.

    Bne, la coquette. Tout y tait beau. Son stade : lenviede courir il vous donnait ! Son cimetire : lenvie de

    mourir il vous donnait ! Et tout lavenant. Mais en

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    arrivant larodrome, il fallut dchanter. Nous venionsde quitter le confort relatif de logements en dur, ici onmonta les tentes. Moi videment, je me contentais de

    regarder les hommes saffairer pour monter le village detoile. Tentes 6 places, je me trouvais donc avec Ferrariet cinq des ses potes dans un de ces palaces. En faiton y tait trs bien. Lits pliants amricains, en bois ettoile forte, couvertures en laine synthtique, sur laquelle je faisais beaucoup de bulles , dans mes moments derelax. La nuit, je dormais en bout du lit, sur les pieds

    de Ferrari.Le temps tait au beau fixe, aussi, vu la proximit de lamer, les attentes du retour des avions se passaient sur laplage. L, avec les hommes, je jouais comme un gamin.Ils lanaient leau des morceaux de bois Whisky vachercher ! En quelques bonds je me jetais la mer etleur ramenait leur bton que lon me rejetait leau jeu interminable. On se serait cru en vacances, par untemps splendide. Les avions volaient pour la protectiondes convois allis en Mditerrane, missions assezlongues, aussi, entre-temps on mamusait.

    Et ce fut la grande refonte des Groupes de Chasse.Cest ainsi, que par suite de la mutation de Ferrari danscette unit, je fus affect au Groupe de Chasse1/7 PROVENCE .

    Cette rorganisation opre, nous devions tre de trop Bne, aussi nous partmes nouveau. Tout le matrielfut rassembl et embarqu dans les camions. Et en route !

    OCTOBRE 1943 LA REGAHIA

    Les hommes montrent les tentes dans un bois, pas

    loin de la piste. Moi qui aimais chercher et courir

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    derrire les souris et les rats je fus servi ! Il y avait mmedes lapins que a court vite ces animaux !

    Trs vite lon saperut que nous ne resterions pas ici

    trs longtemps, les affaires furent peine dballesquil fallut remballer, pour repartir.

    NOVEMBRE 1943 TAHER

    Voyage par la route, trs agrable au point de vuetouristique. Nous passmes par BOUGIE, la ville aux

    nombreux escaliers et, le convoi se faufila le long de labelle corniche dominant la Mditerrane jusqu' Djidjelli.Encore quelques kilomtres et nous arrivmes au terrainde Taher, pas trs loin dun village.

    Le Capitaine DORANCE, commandant de Groupeinstalla son PC dans une gare dsaffecte. Les hommesinstallrent les tentes en un parfait alignement, sur deuxfiles. Le terrain tait tout proche. Une route sparait leterrain du cantonnement. Ds larrive, pour medgourdir les pattes, je fis le tour du propritaire et jeremarquais la piste, toute faite de grilles de fer, une bandedenviron 900mx50m.

    Aussitt, les avions du Groupe arrivrent. La Piste sinstalla sous diffrentes tentes et le travail dmarra trsvite. Car de ce jour le groupe fut lanc dans le bain des

    missions de Costal Command ; celles-ci sesuccdrent au maximum. Les convois pullulaient enMditerrane et ceux-ci, demandaient une couverturearienne pour circuler plus en scurit. Les mcanos,les armuriers et les autres taient sur la brche longueur de journe.

    Cest ici, quarriva celui qui aurait d tre un

    compagnon, mais hlas, malgr toute ma bonne volont,

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    je ne pus men approcher. A chaque fois, il me mettait enfuite en me montrant des dents terribles et des mains quime giflaient ! Lui, ctait boubou , un singe assez

    grand, au pelage roux sur le dos, et blanc de poitrail ; desfesses dun joli bleuciel. Ah ! Que de frousses a-t-il pume donner celui l. Heureusement quil tait toujoursattach avec une ceinture ventrale et une chane assezlongue, lui donnant pas mal de libertlimite. Si parmalheur, je passais dans son primtre, il mattendait ;me guettant au travers de ses yeux russ, demi ferms, me

    laissait approcher et soudain en criant faisait mine demattaquer. Pris de panique subite, je dmarrais entrombe. Mais en quelques mtres, au moment o jtaisen plein galop, il me rattrapait en deux bonds et de samain agile, dune pichenette me touchait une pattearrire. A chaque fois ctait la bche en roul-boul ! Lui arrt par sa chane, se mettait sauter dejoie. Je suis sr quil riait ce macaque !

    Je pris donc lhabitude de lviter au maximum. Et direque bien souvent, la nuit, nous dormions sous la mmecouverture.

    A Taher, il pleut assez frquemment et il ny fait pastrs chaud parfois. Aussi il marrivait de passer mes journes sous la tente. Je ne me levais que pour lesmoments casse-crote Ce qui neut pas lair de

    plaire au Capitaine DORANCE, qui avait plutt dessympathies pour Boubou jusquau jour o, celui-ci,mit son bureau sac ! Le lieutenant SIMARD quelquepeu port sur la discipline Une deux , en souvenir deson pass cyrard ; au cours de ses vires dinspectionsous les tentes, me pria souvent de dguerpir. Je merfugiais en piste prs de mes amis. Cest fou, ce que

    pouvaient tre pnibles ces promenades sur les grilles des

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    parkings avions. Javais toujours une patte qui secoinait dans un des trous ronds, remplis deau !

    Un autre jour, Boubou disparut de la Piste et tout le

    groupe sinquita. Malgr mon peu damiti son gard,ce fut pourtant moi qui le dcouvris, enchan (chanetoute entortille) depuis trois jours, dans un eucalyptusbordant le terrain. Je me mis grogner et aboyer enregardant le haut de larbre. Attirs par ma faon de faire,les hommes aperurent le singe qui avait, pour subsister,mang toute lcorce sa porte. On le dlivra de sa

    fcheuse posture, mais jamais il ne me fut reconnaissantde ce sauvetage, car il reprit presque aussitt lestracasseries mon encontre.

    Javais tout de mme plus la cote que lui auGroupe, puisque au cours de leurs sorties DJIDJELLI,les hommes mamenaient au restaurant. Ils allaientpresque toujours au mme, lAstoria Htel , danslequel la patronne, une charmante dame qui mestimaitbeaucoup, me donnait en douce, quelques bonsmorceaux.

    Pour le soir de Nol 1943, mon patron et deux de sesamis (Yvon et Arthur Rouvire) y furent invits.Pendant la dure de leurs agapes, moi, jen profitai pourfaire une cours assidue la chienne de la maison sousla table !

    Une autre fois, jassistai un gueuleton de mesamis au Casino de Djidjelli. On avait fait quelquesmanires pour madmettre dans ce lieu chic et mondain.Je me tins donc tranquille, prs des pieds de Ferrari. Lerepas commenc trs dignement tourna bientt en cirque avec chants de Corps de garde ! La trshonorable direction de cet tablissement dut sen

    plaindre, car le lendemain, le Capitaine Dorance se fcha

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    tout rouge. Heureusement que personne ne fit remarquerque jtais de la fte, sinon, mon sjour au groupe auraitt vite abrg.

    Les pluies cessrent, le beau ciel revint, toujours plusbleu. Les avions volrent beaucoup plus. Les hommestravaillaient dur en piste afin dassurer le maxi de disponibles , sous les ordres du Chef de Piste,limpitoyable Maurice. Bourru au travail, mais sachant dgager , lui aussi, en dehors du service. Malgr cela,nos pistards , trouvaient le temps de faire un peu de

    sport.Ils avaient mme mis sur pieds une quipe defootball dont la rputation DJIDJELLI tait trsgrande, tout cela grce aux racontars dufactieux Yvon ! Ce dernier organisa pour Pques, unerencontre les opposant une belle slection rgionale,renforce de quelques lments anglais (cinq !) Il y eut unmonde fou ! Et pendant quArthur et Yvon (trs srieux),qutaient, laide de leur calot, dans la foulenos braves soccers encaissaient quelques 9 buts 0 !

    Ce qui ne les priva pas dun bel arrosage , pay parle produit de la qute.

    Et ce fut larrive dun autre groupe. Des drlesdavions : train tricycle, canon dpassant du cnedhlice, moteur derrire lhabitacle du pilote. Ils roulent

    au sol comme des autos (Aircobra).Ce qui prvoyait un prochain dpart, mais le travail en

    piste navait pas diminu pour autant.Quant moi, je gambadais. Le printemps commenait

    me donner des fourmis dans les pattes, et dlaissant unpeu mes amis, cest vers la cuisine roulante ducantonnement que mon nez, flatt par les odeurs, me

    conduisait souvent. Il y avait l, rgnant en matre queue,

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    un monument de cuistot Nnesse. Il chiquait longueur de journe, son tablier tait luisant de graisse.Malgr tout, sa cuisine tait trs apprcie. Officiers,

    Sous-officiers et soldats du groupe, mangeaient lagamelle. Ctait de la dmocratisation force, typeUSA.

    Un jour, le feu prit dans la baraque en bois, servant derserve vivres. Tout le monde accourut pour teindrecet incendie, et, force seaux deau, eurent assez viteraison de ce sinistre lorsque Nnesse, voulant avoir

    lhonneur dtouffer la dernire flammche, prit unbidonau hasard. Il lana le contenu toutevolectait de lessence, et la baraque brlaentirement !

    Avec le printemps, les hirondelles reviennent Cest ce que lon dit en France.Nos avions taient-ils des hirondelles ? Ils

    sapprtaient partir vers le Nord.Depuis quelques jours dj les missions avaient un peu

    diminu. Les nouveaux arrivants prenaient la relve. Legroupe commena rassembler son matriel, le mettre encaisse. Les hommes, librs de leur travail journalierfirent quelques sorties dadieu, dont une grande, genrecavalcade dans les rues de DJIDJELLI, derrire un pilotearmdune guitare !

    Puis de gros avions de transport, frapps de ltoileblanche amricaine (Dakotas) arrivrent sur le terrain. Ilfut constitu un chelon prcurseur, volant. Celui-ciembarqua un beau matin avec son matriel.

    Comme Ferrari en faisait partie, je montais avec luidans un Dakota. Ce fut un vol trs agrable, par un tempssuperbe. Sitt le dcollage, nous fumes au dessus de la

    mer. Puis nous survolmes toute la Sardaigne en rase-

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    mottes et trois heures dix minutes aprs nous nousposmes sur le terrain de BASTIA-Borgo en ayant longla cte Est de la Corse. Sur notre droite, 40 kilomtres,

    ctait lItalie, que les armes allies envahissaientpniblementmais srement.

    1er MAI 1944. BASTIA Borgo.

    A peine la porte de lavion qui me transportait futouverte, je sautai dans lherbe, et courant, sautant, je me

    mis asperger tous les arbustes rencontrs. Il faisait unechaleur, pire quen Afrique ! Les hommes se mirent louvrage, ils dbarqurent paquetages, matriel. Sous cesoleil de plomb, ils ruisselrent vite de sueur. Aussicommencrent ils se dshabiller pour tre plus laise.Tout le dchargement termin, ils saffalrent sur leur sacen attendant que des camions viennent les chercher pourles amener au nouveau cantonnement. Durant cetteattente, pas mal dentre-eux attraprent des coups desoleil.

    Puis les vhicules. Court trajet, quelques kilomtres peine par des routes troites et sinueuses, en direction duvillage de Lucciana.

    Bien avant, cette bourgade, sur le dos dune colline,cest l que sinstalla le cantonnement. Les tentes furent

    prestement dresses, on alluma la roulante et djles hommes furent vite prts regagner la piste pour rceptionner pilotes et avions.

    De ce jour, commencrent les voyages en camion :cantonnement, piste et vice-versa ; quatre fois par jour.Dans les GMC dbchs, les hommes entasss debout,chantaient. Quant moi, dress sur mes pattes de

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    derrire, les pattes avant appuyes sur le bord avant duplateau, je prenais lair plein museau.

    A peine installs, les missions de guerre des avions

    allrent en croissant. Les mcanos, les pilotes sendonnrent cur joie ! Les armuriers allaient avoirbeaucoup de pain sur la planche . On leur amena desobus, des cartoucheset des bombes, car les avions(chasseurs ns) furent rapidement transforms enchasseurs bombardiers ( on ajoutait, entre le canon et lamitrailleuse 12mm7, un systme daccrochage , le tour

    tait jou !).Le Lieutenant Perier inventa (en faisant un trait derepre sur le plan gauche) le viseur de bombardement enpiqu. Ctait en gnral des missions de straffing (mitraillage) ou bombardement sur tout ce qui bougeaiten Italie (convois de camion, locomotives, trains).Finies les missions ennuyeuses et ppres du CostalCommand , ici commena le vrai baroud, avec tout ceque cela peut comporter : Certains mcanosattendirenten vain le retour de leur pige ! Cestainsi que le groupe perdit : le Sergent Chef Lescurain, leLieutenant Bouttier furent abattus par la Flak. LeLieutenant De Seboulin, tomb en mer, fut rcupr, maisil avait tellement mang du collimateur, quon ne lerevit plus. Le lieutenant Madon se fit attendre galement :

    ayant saut en mer prs des cotes Italiennes, il avaitnavigu pas mal de temps en dinghy .

    A force de recevoir nos bombes (auxquelles, lesarmuriers farceurs accrochaient des cartes de visite, avecmot gentil !) les allemands vinrent nous rendre lapolitesse ! Un soir nos avions venaient peine de rentrerde mission, la nuit tombe, les mcanos et les armuriers

    faisaient rapidement les pleins dessence et de munitions.

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    Les Jerrys arrivrent une bonne trentaine, et, dansla clart trs vive des premires bombes clairantes, ilsnous balancrent des paquets de grenades.

    Je fus trs surpris et apeur (ctait un peu monbaptme du feu), les hommes couraient dans tous lessens, en gueulant. Ferrari me siffla, me prit dans ses braset nous nous retrouvmes affals dans un foss. Il meparlait beaucoup, me caressait, car je tremblais de mesquatre pattes. Quel tintamarre ! Les canons de DCAqui crachaient , les grenades qui ptaient , les clats

    qui passaient en sifflant.Ce soir l, je pus mesurer tout lamour que meprodiguait Ferrari et je lui rendis bien.

    Parmi le personnel de piste du groupe, il ny eut quunbless, le seul soldat corse du groupe (lautre tant notreSergent Chef Marchetti), larmurier Castola qui, pressdaller se mettre labri dans le petit bois longeant leterrain, sempala les bijoux de famille avec unebranche darbuste, quels cris !!

    Depuis notre arrive ici le temps tait dsesprmentau beau fixe , et lappel de la nature se faisant sentir,je flnais en pisteen allant vers Biskra une chiennecharmante qui appartenait au G.C.1/3 Corse (sur lemme terrain que nous lpoque) et, pour qui javaisdes penchants amoureux, pendant trois ou quatre jours !

    Rassasi, je revenais ensuite vers mes amis qui merevoyaient amaigri, pteux , la queue entre les jambes,minable ! Quelques jours de bon soins et plus rien nyparaissait ; je redevenais aussi vloce quavant.

    Jallais chez les armuriers, quand ils sortaient lesbombes des caisses. Il y avait toujours une petitesouris faire galoper Je tuais rarement !

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    Et pendant ce temps l Boubou attach sa chane,et celle-ci un pieu, attrapait des sauterelles dans lherbe.Dun geste vif, il les prenait dune main, dlicatement

    entre les doigts, les portait la bouche o dun coup deses dents terribles, il leur crasait la tte puis suait et lesrejetait. Un sadique ce singe l !

    Le travail en piste tait devenu harassant pour leshommes. Ils chantaient bien dans les camions, mais lafatigue leur creusait les visages. Certains mme,navaient plus le courage de se raser chaque jour. Leur

    linge se salissait plus vite du fait de la chaleur, de leursueur et de la poussire quil y avait sur les Taxiways .Cette dernire, souleve par le vent des hlices, formaitcertains jours de vritables nuages quil fallait laisserpasser, pouss par le vent du large, pour permettre auxavions le dcollage avec un maximum de visibilit.

    De tout cela il dcoule que les hommes avaient unsrieux problme de lavage de linge. Aussi malgr leurlassitude, ils allrent vers Lucciana, le soir pour trouverdes lavandires.

    Il mest arriv bien souvent daller avec eux dans cevillage corse typique, avec la bande Ferrari, Marty,Berdot et le petit Georges. Ils se rendaient dans unefamille comprenant : le pre, la mre, deux charmantesfilles et une vieille demoiselle (autrefois dans

    lenseignement). Cette dernire avait un faible pour notre ptit Georges ! Nous tions tous reus dans la sallecommune la nappe de la table tait blanche et les filles tires quatre pingles . Mes amis donnaient leurlinge laver et rcupraient le propre bien repass. Lestransactions termines, tout le monde tait invit boirele bon vin (de derrire les fagots, quils disaient) autour

    de la grande table. Le pre racontait ses belles histoires

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    de bandits corsesen rveillant sa femme coups depieds discrets (que je voyais bien, moi qui tais affalsous la table !) pour quelle puisse confirmer ses dires.

    Mes potes eux, racontaient des histoires daviationbien souvent cravates ! Famille charmante, en touscas, vritable havre de paixen ce temps de guerre.Lhospitalit corse nest pas un vain mot.

    Quelque fois, pris par le tempset leur furieuse enviede sortir, ils lavaient leur tenue de sortie (chemise etpantalon kaki) dans un bidon dessence davion ! Ce qui

    donna lieu quelques surprises dsagrables certains(lessence fort taux doctane, procurant de vritablesdouleurs aux parties sensibles de lindividu) sans parlerde lodeur particulirement tenace.

    Une ou deux fois, galement, je me rendis Bastia, encamion. Un spectacle affreux lentre de la ville nousattendait, les amricains ayant lch quelques bombes,lors des combats pour la libration de la ville, le cimetiretait vraiment le seul endroit bien touch ! Il taitcompltement ventr, et aux arbres dchirs, pendaientdes lambeaux de vtements de morts. Ceux-ci mmes,montraient leurs pieds ou leur tte par les bouts decercueils briss. La route le longeant, dans le camion jevoyais les hommes se boucher le nez et fermer les yeux.

    Puis ce fut larrive de lchelon lourd, Les hommes

    du prcurseur se sentirent soulags, surtout que ce jour lpresque, les missions diminurent. Lle dElbe taittombe aux mains des forces franaises. Nous avions puvoir de nombreux prisonniers allemands dbarquer auport de Bastia. Avant cette victoire, chrement acquise,nous avions eu loccasion de voir souvent le Gnral DELATTRE, sur le terrain de Borgo, arrivant avec son avion

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    bimoteur ( un Glenn Martin) et sa fameuse devise Nepas Subir ( chose assez facilepour un Gnral).

    Cest galement Borgo, que nous apprmes le

    dbarquement de Normandie. Des cris de joieaccueillirent cette nouvelle. Cet vnement alimentabeaucoup les discussions des quelques jours quisuivirent : Tiendront-ils ? .

    Dj des bruits de dpart circulrent. Et pourtant noustions bien ici. Le caporal Gros, larmurier chassait aufusil de guerrele poisson dans la lagune. Et il en

    attrapait pas mal ! Do amlioration de lordinaire. Lhaut sur notre colline, pour moi la vie tait belle. Lalibert, le maquis dans lequel jaimais aller gambader.La cuisine de la roulante tait bonne et abondante etjtais au mieux avec Nnesse.

    Un matin donc, de trs bonne heure, ce fut dcid,nous partions. Les hommes rechargrent les camions. Lecamp fut prestement dmont. Avec Ferrari, je meretrouvai juch sur un vhicule, oreilles au vent. Ah ! lebeau voyage dans ce superbe pays sauvage. Partis deBorgo, nous traversmes la Corse en diagonale, passantpar Corte, le col de Vizzavona et sa fort splendide.

    Et ce fut larrive Campo di Loro larodromedAjaccio.

    21 JUILLET 1944 AJACCIO

    Linstallation du camp de toile se fit de nouveau surune colline, do lon dominait le terrain et la superbebaie dAjaccio, peine de bateaux. Ici un peu de rpit pourla piste et les pilotes. Il y eut peu de vols et demissions. On allait souvent se baigner, dans la mer, toute

    bleue en bout du terrain. Je suivais les hommes

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    joyeusement, car jaimais beaucoup le bain. Pour me fairecourir leau, on me jetait des morceaux de bois, quennageant jallais chercher et ramener dans ma gueule.

    Pendant quelques jours, quel spectacle ! Il y avait enrade dAjaccio, des bateaux perte de vue. Les hommesparlaient dun prochain dbarquement dans le sud de laFrance (pays inconnu, pour moi !). Ils en discutaienttellement, avec une telle ferveur, qu moi aussi, il metardait dy parvenir.

    Au pied de la colline o nous campions, coulait une

    rivire. Sur celle-ci les amricains avaient install une Laundry , autrement dit une blanchisserie. Leshommes y portaient leur sac plein de linge sale, on leurrendait le lendemain, propre et artistiquement repass.Donc, ici plus de problme de lessive.

    Cest dans cette rivire, du moins cause delle, que Boubou fit un tour de force. Il est vrai que, par lafaute des hommes qui voulaient le jeter leau, il sefcha. Il se cramponna lun de ses tortionnaires et lemordit cruellement une cuisse. Vilaine blessure qui mittrs longtemps gurir. Plus conciliant, moi, je melaissais faire. En nageant de mes quatre pattes, jeregagnais la rive o je mbrouais, en aspergeant les garsqui riaient.

    Les sorties en ville dAjaccio furent rares. Une fois,

    pourtant, on mamena la visiter. Jeus droit la visite dela maison de Napolon. Il ny avait pas grand-chose voir, part du mobilier (si peu !) en mauvais tat ; la rueFesch, prsentait plus de curiosit, surtout le linge penduaux fentres et balcons. Face la mer, une belle placeavec de splendides palmiers et en son centre lamajestueuse statue du hros de lle.

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    Mais le sjour en ce lieu fut assez bref. De nouveaunous repartmes en camion, en convoi. Il fut admis que jepuisse minstaller sur la banquette avant, prs de la vitre

    de la portire droite, le museau au vent.Ah !quel autre beau voyage nous fmes l. PartisdAjaccio, nous empruntmes la route ctire passant aupr des les Sanguinaires. Sur notre gauche la mer toutebleue, de lautre le maquis ou zzayaient les cigales.Route troite, sinueuse, en corniche, longeant de petitescalanques, les falaises rouges de Pianaautant de sites

    merveilleux.19 aot 1944 CALVI

    Le convoi ne sarrtaquaprs Calvi dpass : Prsde la plage nord de la ville, sous les pins. Ici pas degrandes tentes ; les hommes dplirent la tenteindividuelle et moi leurs pieds, sur le sable dor etchaud, trente mtres peine de la mer calme.

    Ah ! La belle vie pendant plusieurs jours, on aurait ditquon tait en vacancespayes ! Mes amis, en maillotde bain toute la journe jouaient ou se baignaient. Jen fisde mme. Il y eut bien quelques ennuis de vhiculesensabls, mais tout sarrangea dans la joie, sous lil dela camra de Bras dAcier (le lieutenant Lesaulnier).

    Les hommes, biens nourris et insouciants, refaisaientleur force. Ils allaient en avoir bien besoin.

    29 AOUT 1944 - Embarquement Maritime

    Le soir, grand branle bas de combat. Les hommesreprirent leurs habits de guerre. Les camions furent

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    chargs, et, en convoi, nous nous dirigemes vers le porttout embras par les lumires des projecteurs.

    Attente sur les quais, beaucoup de bruits, ordres,

    appels et enfin on embarqua avec les camions sur un longbateau fond plat (Landing-ship Amricain US.659 ).Ds que tout le monde fut bord, le dpart vers le

    large eut lieu. Mais sitt la sortie du port, presque en facede la plage que nous venions de quitter, le bateau se mit lancre. Nous restmes l, le reste de la nuit, et toute la journe suivante. En fin de soire seulement le voyage

    commena. Il y avait pas mal de houle et a bougeaitdur . L jai senti que je navais pas trop les pattesmarines et encore moins lestomac ! Je restai doncpelotonn toute la nuit prs du paquetage de mon matre,dans la cale.

    De bonne heure, le lendemain, les hommes coururentsur le pont, se juchant sur les camions amarrs.

    Ils voulaient tous voir approcher cette terre tantattendue qui apparaissait petit petit dans la brumematinale : LA FRANCE ! Que jallais dcouvrir, quant moi.

    1er SEPTEMBRE 1944- SAINTE MAXIME

    Entre Saint Tropez et Sainte Maxime, le bateau piqua

    droit vers la grve et sarrta, frein, sur la plage degraviers blancs. Les portes souvrirent et Ladjudantchef Jean (dit 15000 tours ) rassembla tout lepersonnel en sections par trois et le fit dbarquer,dignement au pas cadenc ! Une, deux, Une, deux Les amricains de lquipage taient plis de rire. Il fitrompre sur la plage. Ce fut la joie gnrale, les hommes

    chantaient, riaient, pleuraient se jetant sur le gravier pour

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    lembrasser ! Mis en gat par ces bats, jarrosaicopieusement tous les arbustes du secteur, au-del de laplage. Javais tellement d me retenir, durant ce voyage

    en mer.Ce moment de liesse pass, les hommes et le matrielfurent rassembls dans un vaste champ, parsem de trousdobus attenant la plage. Casse crote rapide (rations),juste le temps dapercevoir a et l, les dgts causs parle fer et le feu qui taient tombs ici depuis peu.Maisons endommages, casemates bouleverses, trous de

    bombes ou dobus, carcasses de vhicules brls(vhicules croix noire). Le combat avait d tre dur, en voir les traces. Et dj il fallut de nouveau enfourcher nos camions dbchs, because lachaleur et le dsir de mieux voir.

    On traversa des forts, o chantaient les cigales, puisce fut un arrt du convoi Brignoles, sur la placecentrale. La population alerte, accourut et ds quellesaperut quelle avait affaire des aviateursfranais,ce fut la rue vers les camions et les hommes Cesderniers invits dans les cafs qui bordaient la place,furent rgals gracieusement et joyeusement. Un deshabitants leur donna une barrique de vin, qui futembarque illico presto dans un camion et nousrepartmes, la joie au cur. Les hommes un peu pris

    chantaient pleine voix : sur le chemin du retourquil fait bon, quil fait bon, chaque jour ! .

    Boubou, qui avait d boire trop frais, fut pris decoliques. Il se mit sauter, gesticuler en emmdant toutle chargement de son camion et les hommes aussi. Ah !Quelle joie ! Sa chane se brisant, il se sentit libre etslana hors du vhicule pour disparatre dans la

    campagne environnante. Il ne put tre rcupr que le

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    lendemain, par des gens du coin, qui nous le fmesparvenir.

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    SEPTEMBRE 1944 SALON-le vallon

    Nous traversmes Salon de Provence. Bon accueil deshabitants. Et lon sarrta quelques kilomtres plus loin,sur la route dArles, au terrain du Vallon. Un sacrterrain, jonch de tas de cailloux, perte de vue (chaquetas mesurait prs de 1m de haut) dont il fallut

    dbarrasser la piste. Les hommes samusrent !Installation du camp de toile, dans un champ, prs dunmas, labri des ifs. Et les avions arrivrent, avec les cochers . Depuis quelques jours nous ne les avionsvus, ce fut un plaisir pour moi de remonter surles plans pendant les points fixes . Les missionsreprirent : straffing le long de la valle du Rhne. LeLieutenant Perier, tait tout heureux davoir retrouv savoiture Salon, je crois !

    Un soir, une bande de mes amis, organisa un chease Mouris, village voisin lest du terrain. LeGroupe PROVENCE retrouvait sa patriergionale.Pas mal de G.D.B le lendemain !

    Cinq jours peine, de nouveau en route !Embarquement dans les GMC et direction le Nord. La

    progression du convoi fut trs lente. Beaucoup de villes etvillages (Avignon, Orange) taient trs abms, lesroutes dfonces, les ponts coups. Ce qui fait qu lanuit tombante nous narrivions qu Lapalud.

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    5 SEPTEMBRE 1944 LAPALUD

    Il fut dcid dy passer la nuit. Folle nuit ! Ce village

    endormi et tranquille, se transforma vite en bourg agit etdlirant, du fait de notre prsence. Mes amis Sous-Officiers firent un gueuleton au champagne dans un cafdont une grande verrire dbordait sur le trottoir. Les litspliants furent monts dans les salles de la mairie, misesgracieusement la disposition des hommes. Peu secouchrent, car un bal fut improvis. On trouva un

    accordoniste, qui se chargea de faire lorchestre. Lescamions, placs en rond, phares allums, firent le ring de danse et la fte commenapour finir trs tard.

    Cette journe mayant fatigu, jallais dormir dans lundes G.M.C au milieu des paquetages. Sur le matin lapluie se mit tomber et leur rveil, les hommestrouvrent leurs affaires etle chien, tout mouills. Ilsavaient omis de rebcher ! Mais le soleil refit sonapparition et le convoi repris sa marche vers le Nord. Laplupart de mes amis, fatigus et repus sendormirent ple-mle. Ah !ces lendemains de fte !

    Et lon traversa Montlimar, Valence, Vienne. A unendroit, nous passmes au milieu des restes calcins ettordus dun convoi de vhicules allemands (peut tre lersultat dune mission de mitraillage de nos avions.) Des

    chevaux morts, gonfls, normes et puants, jonchaient lesbas cts de la route. Quel spectacle affreux ! Une grandeville nous apparut.

    06 SEPTEMBRE 1944 LYON - Bron

    Lyon Bron fut notre premire grande base arienne

    depuis notre arrive en France. En ruine, des trous de

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    bombe partout, des hangars crass ou percs, desbtiments souffls, crouls. Heureusement, le GnieAmricain avait dj refait la piste et ses abords

    immdiats. On nous logea dans un chteau Bron(banlieue lyonnaise), pas un chteau fort, mais unegrande btisse seigneuriale, que les allemands avaientgalement occup et dont ils taient partis depuis peu, ennous laissant des souvenirs dangereux. Des munitions etdes grenades manche tranaient partout. Le dpartdes fritz avait d tre trs press !

    Dans la cour intrieure, il y avait des baraques, cest lque logrent les sans grades, dont je ne vous ai encorerien dit et pourtant parmi eux, de drles de phnomnes !Tous les soldats (mis part une faible partie) tait des pieds noirs : Alcaraz, Mirailles (chauffeur de taxi Sidi Bel Abbes et champion de la conduiteauto) Oler,Ben-Ayoun, Ascensio, Sanchez, Ben Soussan etc.Gouailleurs, rleurs, fanfarons, batailleurs, coureurs dejupons ; mais dans lensemble travailleurs, consciencieuxet dont la bonne humeur tait communicative.

    La population lyonnaise, nous accueillit trs bien etvint mme nous voir, en piste au milieu des avions. Leshommes furent invits partout. Je fus gav de caresses.

    Les avions peine arrivs, le travail reprit de plusbelle. Rveil 3 ou 4 heures du matin, en piste 5

    heures : prparation des vols, missions avec maximum dedisponibles, pleins dessence, dpannages, prparationdes munitions, rvisionsRetour vers le chteau vers 12ou 13 heures (suivant le retour des missions) pour manger sur le pouce et repartir en piste jusqu 20, 21 ou 22heures suivant le cas. A ce train de vie l, les hommesfurent vite fourbus, mais la tentation tait trop forte.

    Aussi, ils arrivaient le soir, se lavaient, dnaient en vitesse

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    (ou ne dnaient pas !) Se mettaient sur leur 31 etsortaient en ville, en jeep quelques fois. Je suivisquelques sorties nocturnes. Sur le pont de la Guillotire,

    des jeunes filles (ou des moins jeunes) montaient bordde nos vhicules et je recevais moult caressespendantquelles se laissaient cajoler et embrasser par mescompagnons. Dans les quelques boites de nuit djouvertes, on me fit faire des exhibitions la fte duraonze nuits, le travail onze jours !

    Avant de quitter Bron, nous assistmes un joli feu

    dartifice, sur la piste mme. Des gros bombardiersamricains, se suivant la queue leu leu, sapprtaient dcoller lorsque le feu prit bord de lun. Quelle paniquesur la piste ! Ces avions qui allaient faire duravitaillement, taient chargs de fts dessence et debombes. Il fallut isoler en vitesse celui qui brlait,lquipage layant abandonn presto ; un courageux(Officier anglais) russit ouvrir les trappes etcommencer lvacuation des bombes et des ftsle restede lavion brla entirement, non sans explosions, malgrles pompiers.

    Et ce fut un nouveau dpart, toujours en camion.Pendant plusieurs heures, je fus ballott, roul en boulesur les sacs de mes amis. Les plus rsistants de ceux-ciavaient encore la force de chanter Sur le chemin du

    retour , Les autres, fatigus, les yeux battus,dormaient comme des brutes.

    Aprs nous tre plusieurs fois tromps de route, leCapitaine Sgala (Officier mcanicien champion )savra cartes en main un pitre navigateur. Pendant plusdune heure, nous avions navigus entre 10 et 12kilomtresautour de Lyon.

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    Enfin, remis sur la bonne route par quelques pkins rencontrs, nous arrivmes avant le soir Dijon.

    17 SEPTEMBRE 1944 DIJON

    Patrie de la moutarde ! Peut tre cause de cela, lesallemands qui taient partis la veille nous avaient laissune caserne (Vaillant) toute emmerde ! Les planchersde certaines chambres taient parsems de sentinelles puantes souhait ! On aurait dit, quils avaient organis

    des sances de soulagement , par section de trentehommes par chambre. Il fallut toute la maestria de lasection de dbroussaillage pour nettoyer tout cela, carl fut install le cantonnement. Ctait presque en ville !

    Ce qui tait loin par exemple, ctait le terrain. A prsde huit kilomtreset en avant, les alles et venues encamion ! La base de Longvic tait presque anantie, touty tait pilonn, mitraill ou sabot. Le gnie dactiva pourrparer la piste et le taxiways . Le Groupe perut desavions neufs, plus perfectionns que nos vieux engins.Fini les Mark V . Le commandant de groupe reut sonavion personnel, un beau Mark VIII avec roulette dequeue rentrante. Ce fut lavion bichonner plusparticulirement que les autres. Il fut cir ! Ctait cassegueule pour les mcanos, les armuriers et moi-mme,

    quand on montait sur les plans . Les chemins deroulement taient tellement mauvais, que pour allerdcoller en bout de piste, il fallait un pistard monteren bout daile pour guider le pilote pendant le trajet. Il yavait tellement de trous viter. Il mest arriv biensouvent, de me trouver en bout de plan, dans les brasdun mcano ; nous y tions bien secous.

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    Le soir on rentrait de piste, assez tard, ce quinempchait pas les hommes de sortir en ville pour courir la gueuse . La mme vie qua Lyon reprenait !

    Une baraque la Maladire , sans lectricit, desbougies sur les fentres pour clairerfaiblement, voilqui attirait nos hommes et les jeunes filles du secteur,pour y danser toute la nuit.

    En ville (dserte notre arrive, mais bourre de rsistants jeunes et arms, ds le lendemain) il y avaitquelques bals, mais une certaine incompatibilit

    dhumeur entre mes amis et ces rsistants (trop de ladernire heure) causa quelques heurts, par suite dequelques vols dhabits (les blousons Jacket Field) auprjudice de nos hommes du groupe. Je prfrai quant moi rester au cantonnementprs des cuisines et de mesamis les cuisiniers !

    Les Allemands, fuyant au devant de nous, il fallutencore repartir. Au rythme o nous vivions depuisquelques semaines, les paquetages des hommes taienttoujours prts tre embarqus. Quant moi jtaistoujours disponible.

    Le convoi de GMC, toujours guid par lOfficiermcano, transportait des morts . Tout le mondedormait poings ferms, la fatigue avait enfin vaincu !Pris dans cette ambiance soporifique, je dormis aussi.

    27 SEPTEMBRE 1944 Luxeuil les Bains

    Nous arrivmes donc Saint Sauveur, prs de Luxeuil.La guerre ne devait pas tre trs loin, car on entendaitdistinctement le son du canon. Le plus gros du Groupe :les soldats, le garage, la cuisine et certains services

    pailleux sinstallrent dans une filature (usine arrte)

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    pas loin de la piste. Juste en face de lusine, un caf servitde popote aux Sous-officiers (abandon de la roulante pourtous !). Ils durent trouver lendroit pas trs commode

    puisquils changrent de crmerie .En face du petit monument aux morts de SaintSauveur, un autre caf les accueillitavec Alice ! Ctaitla fille des patrons, elle devint leur madelon . Audessus du caf, trois tages dappartements. Cest lquavec mes amis Ferrari, Berdot, Guemas, Marty, lepetit Georges et dautres, je vins loger.

    Comme a sentait un arrt longue dure, la Pistesorganisa : Il y eut les tentes : des pilotes (la plusconfortable), des mcanos, des armuriersetc. Bizet, lesoutier lhomme la citerne se construisit sa petiteguitounepour lui tout seul !

    Il pleut sur la route cette chanson. Les missionsfurent peu nombreuses.

    Et puis arrivrent le 1/3 Corse et le 2/7 Nice .Depuis longtemps, lescadre tait au complet, sur lemme terrain. Cest avec une grande joie que je pusaccueillir Biskra . Je pus donc lui prouver combienmon amour pour elle tait devenu sincessaire masant ! Je ne sais si lair de Luxeuil y fut pour quelquechose, mais cela favorisa sa fcondit etjeus des fils. Ilparait que Luxeuil les bains est une station thermale

    recommande aux femmes, non fcondes et que depuislarrive de larme de lair dans la ville (cest dj l quefut form le Groupe LAFAYETTE en 14-18) la curecombine deau et daviateurs russit trs bien !

    Sil y eut peu de missions, pourtant deux au moinsfurent payantes. La premire se solda par deux victoires :Un Messer (qui obligea notre pilote Le Lieutenant

    Rebire court dessence, se poser prs de Dle)

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    etun Mustang Amricain ; Le Yankee ne fut pastrs heureux lorsquon alla le chercher dans le bois, o iltait tomb aprs son jection. A la seconde, le

    Commandant dEscadre resta accroch une cheminedusine, prs dune gare allemande. Et au cours dunretour de mission, le Sergent Caraguel dut se crasher avant de pouvoir revenir au port cause dune simplepannedessence !

    Un jour, en piste, une explosion dtruisit la cabane Bizet . Pour attendre le retour des avions (il tait

    responsable des pleins) il stait install dans sa cagna , celle-ci, aux dimensions rduites, ne pouvaitcomporter que la chaise et le pole. Sur lequel il avaitpos de la poudre mouille, faire scher. (cepersonnage, sombre, tait un grand chasseur invtravec fusil de chasse ! cette arme tait accroche dans lacabine de la citerne, et lorsquil en avait le temps etlenvie, il battait la campagne en qute de gibier.) Doncassis prs du fourneau, il devait rvasser lorsque lapoudre sche explosa ! Rsultat : le toit de la cabane futsouffl. Bizet, lui sjecta prcipitamment avec la moitide son cuir chevelu grill et sa veste de cuir raccourcie.

    Mon compagnon Boubou disparut un jour. Il staitrfugi chez des amricains, qui avaient install, en boutde piste, un hpital ambulant. Il avait d demander le

    droit dasile car nous ne me revmes plus. Jappris celaavec un soulagement vident ; finies les tracasseries decet animal mon gard !

    Aprs la pluie, le froid fit son apparition. Les hommes,pour se rchauffer, non contents davoir install dansleurs tentes des poles autour desquels se faisait lacausette , organisrent un bal. Celui-ci se fit dans une

    usine decharcuterie entre Saint Sauveur et Luxeuil. Ce

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    fut une complte russite tellement ils avaient dcors sibien ce local.

    Le Nol approchant, ils sapprtrent dj en donner

    un plus beau avec distribution de jouets. Jouets quilsavaient commenc fabriquer, pendant les longsmoments dinactivit en piste.

    Hlas, lAlsace libre avait besoin de nous. Le dpartde Saint Sauveur eut lieu la veille de Nol pour lchelonprcurseur et moi-mme, puisque Ferrari, Marty,Berdot...et mes autres amis en faisaient partie.

    Toujours en convoi de camions, par un froid piquant, je me pelotonnais contre eux. Beaux paysages vosgienssous la neige. Nous emes un lger accident en cours deroute, en croisant un convoi de GMC the red ball Amricain. Un de nos camions accrocha un de leurvhicule en se croisant. Les hommes engourdis de froid,assis le long des ridelles gauches, reurent le choc. Arrtdu convoile mdecin Capitaine distribua ses cachetsdaspirine aux plus touchs et lon redmarra. Strasbourgfut traverse en vitesse.

    24 DECEMBRE 1944 - HAGUENAU

    Le soir nous arrivions Haguenau (Bas Rhin). L lefront ntait plus loin, on entendait distinctement dparts

    et arrives des obus. Le cantonnement sorganisa, dans lelyce de la ville, que lon occupa entirementjusquedans la salle de musique, pleine dinstruments divers,dont un superbe piano.

    Notre premier repas, fut un repas froid. En fait de gueuleton de Nol, ce fut russi ! Nous mangemesles dlectables Meat and Beans sortis des rations.

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    Heureusement que la roulante avait suivi et que lescuisiniers firent des merveillespar la suite.

    Accueil de la population : comme la temprature, ce

    fut trs froid. On ne voyait pratiquement personne dansles rues part les rideaux aux fentres qui de tiraient.Des amricains occupaient galement la ville, en bordure.Puis quelques gens du coin se montrrent, ils parlaient unfrancais bizarre, ou entre eux un langage que nous necomprenions pas. Ils furent tout de mme assezaccueillants, quand ils apprirent avoir chez eux des

    aviateurs francaisles premiers depuis si longtemps !La piste pour avions tait quelques kilomtres. Unebonne bande cimente de 900 m, avec des chemins deroulementdu mme mtal ! Autour, des restes dehangars, dans lesquels les mcanos se firent des pices-ateliers, avec pole ou brasero, car il faisait trs froid. Sile temps tait beau, ciel bleu continu et soleil, latemprature avoisinait -25 ! Avec mon poil ras, jentais pas de la fte, et, lon me voyait plutt roul enboule prs dun pole, qu courir en piste ou sur lesavions. Les mcanos avaient les mains qui collaient surles plans ou leurs outils.

    Nous aurions t parfaitement bien dans notrecantonnement si les bruits de la guerre ne nous avaientempch de dormir. Mme enroul, sous les couvertures,

    aux pieds de Ferrari, je sursautais trs souvent. Je sentaisgalement cette inquitude chez les hommes.

    26 Dcembre 1944. Jour de gloire pour le Groupe. Huitavions avaient dcoll pour une mission de routine, un sweep , vers Fribourg. Ils tombrent tels des aigles,sur une vingtaine de Fritz . Ils revinrent tous avec unevictoire accroche leur tableau. Le plus heureux de

    tous, notre Sergent Picois, dont ctait la premire sortie.

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    Mais lexploit du jour revint un de nos matafs (delAro Navale) qui priv de collimateur ds le dbut du Dog-Figt , nen abattit pas moins son frisou , en

    quelques gicles de balles traantes. Le lendemain,arrosage monstre et gai dans la salledes professeurs dulyce ! Le tapis vert reut moult champagne, qui coula flot. Le Lieutenant De Chavagnac aimait a !

    Malgr les consignes svres, les hommescommencrent sortir la nuit. La canonnade saccentuait.Un soir, dans une villa o Roy et Marty avaient trouvs

    des jeunes filles accueillantes, ils neurent la vie sauve(par suite de lentre fracassante et intempestive dans lamaison de plusieurs noirs amricains, tonns dy voir dela lumire et dy entendre du bruit) que grce unelicence de basket que Marty put montrer aux agresseurs arms de colts redoutables. Ah !you playbasket, youre my friend ! La sueur de la peur staitglace dans le dos de mes deux amis, qui se jurrent dene plus sortir jusqu la prochaine.

    Dcembre 1944 se terminait, en mme temps que serapprochaientles obus. En piste, le gnie amricaintait venu pour miner la base. Ca sentait mauvais !

    1er Janvier, on se coucha ce soir ici avec beaucoupdapprhension. Dans la rue longeant le lyce, desconvois amricains, des chenillettes passaient dans une

    direction qui ne nous paraissait pas la bonne, a sentait laretraite acclre !

    Vers 22 Heures le capitaine Sigala donna lordre debranle-bas. Les hommes se levrent rapidement, plirentleur lit et ficelrent leur paquetage. Ils chargrent envitesse tout cela dans les camions. Allrent en piste pourramasser le plus possible de matriel, caisses clous

    en particulier. Ils revinrent pour former le convoi dans la

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    cour du lyce. Appel il manquait le Ptit Georges !Heureusement, Roy sut aller le chercher et larracher desbras dune coiffeuse, qui laimait !

    Il tait minuit, heure de tant de choses, lorsque leconvoi quitta la ville, par un couloir restreintlesallemands arrivaient en force (contre-attaque Von-Rusted), les hommes et moi-mme, se retrouvrententasss dans les camions par une nuit, sous la lune et-30 ! Le souffle des dormeurs et des autres qui nepouvaient dormir, se figeait au plafond des GMC. Chaque

    bche de vhicule semblait un ciel scintillant dtoiles.Nous tions tous engourdis par le froid intense et le bruitrgulier des moteurs. Vers 1 heure du matin, noustraversmes Strasbourg dont les rues dsertes taientclaires par un clair de lune fantastique.

    Un avion se fit entendre, vite le convoi sarrta dansune avenue, un camion sous chaque arbre. Lalertepasse, nous repartmesje russis mendormir, blotticontre un de mes amis.

    Un arrt de camion me rveilla. Que se passait-il ? Uneciterne stait mise en travers de la route, en pleinemonte dun col vosgien. De chaque cot, de la neige, surla route une couche de glace. Le convoi fut coup. Laciterne remise en place nous repartmes. Les chefs devoitures, trop spars les uns des autresprivs de cartes,

    se tromprent de route. Au petit matin nous tions perdus trois vhicules. Nous arrivmes tout de mme Epinalo nous dmes laisser lhpital, trois soldats isralitesqui avaient les pieds gels ! Je me demande comment jaipu rsister un tel froid avec mes pattes nues. Casse-crote dans les camions, les hommes ouvrirent des boitesde conserves. Des saucisses (geles qui craquaient sous la

    dent !) et des haricots sucrs.

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    Aprs renseignements par-ci, par-l nous arrivmes lesoir au village de Bicqueley, entre Toul et le terraindOchey.

    2 janvier 1945 BICQUELEY-OCHEY

    L nous retrouvmes tous les autres. On nous logeadans une cole. Nous emes l, le soir un repas chaud.Bravo Nnesse ! Ce cantonnement ne fut queprovisoireune nuit. Le lendemain on nous transporta

    Toul.3 janvier 1945 TOUL

    On nous installa dans une des nombreuses casernes quiceinturaient la ville. Le genre de caserne modle1918non modifie, aux planchers trous danslesquelles semblaient encore rgner lombre de ladjudantFlick !

    La piste dOchey tait donc 15 kilomtres environ, cequi fait que chaque jour, nous faisions au moins 60kilomtres de route verglace pour aller retrouver lesavions, puis aller mangerde nouveau en piste et retourle soir. Malgr tout il ny eut pratiquement pasdaccident. Une fois pourtant, et jtais du voyage, sur un

    coup de frein, le camion dans lequel les hommeschantaientse mit en travers de la route (un dbut devalse !) Autant dire que le chant sarrta au fond desgosiers ! Malgr cela la joie rgnait chez mes amis ;quand nous traversions Bicqueley, les lavandires (et il yen avait au lavoir, malgr le froid !) nous bombardaientde boules de neige nos passages. Elles rpondaient

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    celles quelles recevaient depuis nos camions. Leshommes prparaient leur stock, en piste ou la caserne !

    En plus de la neige qui recouvrait toute la piste, un

    vent glacial ! Les hommes taient emmitoufls dans leursvtements fourrs et moi dans mon costume poil ras !Aussi, je recherchais le plus possible les coins abrits etencore mieux, chauffs, sous les tentes des mcanos. Centait pas le moment daller se coller derrire unpige au point fixe ! pourtant jaimais gambader dans laneige ; ce qui membtais plus tat de traverser les

    chemins de roulement verglacs o de temps en temps, jtais oblig desquisser des pas de danse qui navaientrie dartistique ! Les hommes galement avaient deproblmes dquilibre, surtout quils taient plus hautssur pattes que moi !

    Les avions du Groupe rassembls (il fallut quelquesjours) il y eu quelques missions. Sur le mme terrain desP47 amricains dcollaient et se posaient en noria . Ilsallaient craser de leurs bombes la contre attaque Von-Rusted.

    Y avait-il trop de monde Ochey ? Etions nous troploin du front ? Tout le Groupe fit mouvementversNancy-Essey.

    15 JANVIER 1945 NANCY ESSEY

    L nous allions tre seulstout un mois, car dans lanuit succdant notre arrive, il neigea tellement, que lesavions furent clous au sol. Ce fut loccasion pour lesmcanos de se reposer un peu. Juste un peu, car, aprsavoir balays les avions et leur pourtour, ils lesfaisaient tourner chaque jour : Point fixe, taxi

    amarr.

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    La base : toute anantie, les hangars dtruits oumitraills, des trous de bombe, dans tous les coins.Quelques btiments tout de mme restaient encore

    habitables. Cest l que sinstallrent les hommes ; leurschambres taient trs froides et ares (beaucoup decarreaux casss). Le travail de piste tant vite fait, ilrestait beaucoup de temps pour les jeux. Batailles deboules de neige : pilotes contre mcanos, a bardait et ilssamusaient beaucoup, en se rchauffant. Patinage : onarrosa une aire cimente, sous un hangar. Ce fut un

    championnat darabesques et de chutes spectaculaires !Pour moi, ils avaient trouv un jeu terrible. On melanait des cailloux sur la glace et les hommes ravis deme voir draper, patiner, rouler. Dans la neige, il y avaitpire ! On me lanait, tratreusement un morceau de boisdans un trou de bombe camoufl par le linceul blanc. Jesautais et dun seul coup, je disparaissais dans un bonmtre de neige poudreuse la recherche du bton. Jeressortais de l tout blanc, de la tte la queue, seulmes yeux paraissaient ; chaque fois, cette sortieburlesque, en Pre Nol, mettait les hommes en joie, etmoi aussi dailleurs. Quel jeu merveilleux !

    Un autre jour, Bizet, qui partait la chasse, avait voulumamener dans les bois je mtais sauv toutespattes ! A part les rats et les souris, que je faisais galoper,

    par plaisir je ne me savais pas un foudre de guerre courant derrire un sanglier ! Sil avait eu le malheur dese retourner, dans ma direction, mes quatre pattesnauraient sans doute pas suffit pour fuir ! Surtout quece jour l, comme par hasard, Bizet en tua deux, quiamliorrent les repas des hommes et les miens.

    Comme le travail tait presque nul, avec ce beau

    fixe mcano , tous mes amis sortirent souvent en ville.

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    Les dragueurs entrrent en action, Trat-Trat entte ! le Mutzig , le Glacier , la BrasserieLorraine , le Palais de la Bire , la rue Saint Jean,

    reurent beaucoup de visitesqui furent rendues par cesdames, en piste !Au bout dun mois et demi de cette vie l, le beau

    temps revint avec la fonte des neiges.Ds que ce fut possible, les avions dcollrent pour

    aller se poser Luxeuil, de nouveau, o nous partmes lesrejoindre, toujours en camion.

    1er Mars 1945 Luxeuil les bains ( 2dition)

    Les hommes retrouvrent leurs amis et amies. Moi, jerevis Biskra avec plaisir, elle me prsenta mes enfants !Malgr tous leurs tmoignages daffection, je mcartaideux ; je ne sentais pas lme dun pre fidle. Les yeuxdoux de Biskra et le reste, mattiraient beaucoup plus.Ah !quelle matresse !

    Les Sous-officiers installrent leur popote dansLuxeuil mme, presque dans le centre, ce qui ne lesempcha pas daller dire un bonjour Alice, toutheureuse de ce retour. Lhtel dAlsace , nouveaumess, tait tenu par des patrons trs sympathiques aids

    par leurs deux filles charmantes, qui firent tourner biendes ttes dhommes ! Dans ce lieu, ce fut un peu lorgie,des gueletons et des cuites profusion, entre deuxtournes de flchettes : un jeu dadresse, sur une cibleaccroche au mur. Les filles de la maison durent subir,avec le sourire, les assauts de tous les beaux gars dugroupe. Kiki (S/c Kieffer) russit en dgeler une.

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    Quand moi, cest dans ce havre que lon mappritmon plus beau tour de Cirque. Le Coup du Chasseur Ferrari y employa toute sa patience. On me faisait asseoir

    sur mon postrieur, mes deux pattes avant replies, lecorps bien droit. Sur le bout du museau (au bout de latruffe) on me posait un morceau de sucre ou de viande.

    Mes deux yeux louchaient, en regardant cet appt siprs. Et l, dans cette position, on me racontait unelongue, longue histoire de chasseur et son fusil, qui sebaladait dans la campagne la recherche de gibier.

    Lhistoire se terminait toujours ainsi : Soudain, dansune clairire, le chasseur voit le petit lapin il pauleil vise et pan ! . A ce dernier mot, magique, dunbrusque coup de museau, je faisais sauter le morceau desucre et le rattrapais au vol, la grande joie de monmatre et de mes amis et de la mienne !

    Ce coup je ne le faisais bien quavec Ferrari ou sesamis Marty et Guemas (Titou) surtout.

    Un beau matin, il se passa un vnement, tous leshommes du Groupe, furent rassembls, bien habills etbien rangs en lignes. Le Capitaine Dorance, passait sespouvoirs au Capitaine Madon, qui devenait le nouveaucommandant du Groupe Provence . Ensuite, il y eut undfil des troupes et je marchais ct de mes amis,les Sous-officiers, sous lil attendri et souriant de notre

    nouveau patron . Ds cet instant, je me sentispleinement adopt.

    Et ce fut un nouveau dpart, toujours en GMC. Voyagetrs agrable, par beau temps, qui nous amena de Luxeuil Colmar en passant par Mulhouse.

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    23 Mars 1945 Colmar

    Dans une auberge de Mulhouse un gasthaus , les

    hommes purent admirer quelques jeunes colonelschefs , six galons dors sur les paules. Dans unecertaine arme, on ntait pas chiche avec les galonsCase parachutait !

    Le printemps dAlsace, nest sans doute pas un vainmot. Quoique les journes fussent superbes, les matinstaient encore frais.

    Les hommes installrent leur cantonnement dans lacaserne Walter, situe pas trs loin du terrain daviation,sur la route de Slestat.

    Si laccueil dHaguenau, fut froid, ici Colmar ce nefut pas le cas. Larrive du Groupe fit sortir tous les gensde la ville. Ils vinrent en grand nombre sur le terrain, entel nombre quils devinrent vite gnants pour les mcanosde piste. Et lorsquils apprirent que je faisais partie duGroupe, je reus une multitude de caresses de ces dames,demoiselles et messieurs.

    La guerre, (le front ntait pas loin) et les avions,envahis par ces alsaciens enthousiastes, taient emptrssur la piste. Tous ces gens, regardaient, touchaient,embrassaient mme les cocardes franaises quils necroyaient plus revoir un jour. Ah ! Quelle joie

    dbordante. Et pourtant, dans cette pagaille les missionssuccdaient aux missions. A chaque dpart, les avionstant aligns, ctait une grande envole de chapeaux,chles et mouchoirs de ces dames et messieurs ! Lesdemoiselles taient pourtant si belles, dans leur costumenoir, rehauss du grand nud sur la tte avec en soncentre la cocarde tricolore ! Je me sentais tout heureux de

    cette ambiance de kermesse ou de meeting arien ,

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    les mcanos et les pilotes, le devenant de moins en moins,au fil des jours. Il ny eu pas daccident un vritablemiracle !

    Les allemands, en face de nous, cot Est, de lautrebord du Rhin ( peine une douzaine de kilomtres)avaient d tre informs de notre arrive.

    Le 29 Mars 1945 laide de canons de gros calibre, ilsdclenchrent vers 20h00, un tir continu longue portesur nos positions. Mais une erreur de vise (peut tre ?)faisait tomber les obus, sur la caserne o nous logions. Le

    mess des Sous-officiers, o le repas venait de se terminer,reut les deux premiers projectiles Adieu, la vaissellequi tait encore sur les tables ! Dans la cour de la caserne,une citerne essence brla et plusieurs vhicules furentendommags. Ds le premier obus, tout le personnel etmoi-mme courmes labri, dans les caves de lacaserne. Dans cette singulire agitation, je me mis gambader de lun lautre de mes amis en aboyant. Ondut me faire entrer de force dans labri. Javais pris celapour un jeu, mais la mine des hommes, inquiets, me fitvite comprendre quun danger planait et tombait avecla rgularit dun mtronome, toutes les 10 minutes jusqu 3 heures du matin. Le 1/7 navait pas dechance !

    La plus triste chose arriva ce soir l. Le lieutenant

    Boileau (un ex de la fameuse patrouille acrobatiquedEtampes) qui tait Officier de jour, fut oblig de sortirde labri, pour y faire entrer du personnel, dans un tatdinsouciance Vineuse et qui chantait dans la cour(ils taient deux). Juste linstant o il arrivait prsdeux, un obus fusant tomba non loin de lui, et un clat lefrappa au ventre. Nos hros sen tirrent sans une

    gratignure. Il y avait eu encore un Dieu pour ces

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    disciples de Bacchus ! Quand au lieutenant Boileau, nousapprenions sa mort deux jours aprs. Triste fin pour unpilote de cette classe et si gentil garon. Beaucoup

    dhommes le pleurrent. Ce soir l, galement, dautrespersonnes furent blesses, dont un anglais qui couchaitdans une remorque atelier.

    Pendant les quelques jours qui suivirent, des obuscontinurent tomber ou passer en sifflant, desintervalles trs irrguliers. Ce qui mettait les nerfs deshommes et les miens, rude preuve. Le capitaine

    Simard, renouvela ses inspections de chambres avectatillonnement ! Quelques gars de la piste commenaient trouver cela saumtre (hein MrStempert,) car aprs le travail toujours plus harassant, quileur tait demand, sur les avions, ils se seraient passs decette corve de piaule . La discipline faisant la forceprincipale des armes, il importe que

    La base tant dcidment trop encombre et tropexpose aux coups de lennemi, on dcida encore de nousdplacer.

    Nous quittmes Colmar avec regret, du fait de la sichaleureuse rception que nous y avions reue. Et denouveau, tout le monde en camions, en convoi sur lesroutes dAlsace. Nous traversmes Slestatparticulirement amoche. Des ruines partout. Ah ! Ces

    hommes, ils se donnent du mal pour construire, afin detout dmolir lorsquils ne sont plus daccord !

    Soudain, dassez loin, nous apermes la flcheorgueilleuse de la cathdrale de Strasbourg. Mais au lieude rentrer dans la ville, nous bifurqumes vers le petitvillage dEntzheim, typiquement alsacien peine neufkilomtres de la capitale dAlsace.

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    06 Avril 1945 Strasbourg-Entzheim

    Avec Ferrari, Berdot, Marty et quelques autres, je vais

    loger chez lhabitant, dans le grenier dune maison, pasloin de la nouvelle piste. Nos propritaires : un vieilhomme, sa femme, leur fille et son bb dont le preservait dans la Wermacht.

    Le gnie amricain avait, depuis peu termin la bandede dcollage, en grilles, quand les avions sy posrent dsle lendemain. Une piste encastre entre deux vritables

    murs (on avait d dfoncer une lgre colline au bull ).Un jeune pilote amricain du 2/7 sembarqua sonpremier lch sur Spit et se tua en allant scraser pleine gomme contre un talus. Son Spit avaitexplos. Trois pilotes du Provence connurent desfortunes diverses sans mal ! Le lieutenant Restoux et lesous lieutenant Berthet pylonnrent . Le lieutenantRoesch, lui, tomba en panne et se posa sur le ventre en rase campagne. Bilan trois avions casss.

    Chez les pistards, un accident malheureux dans la tentedes armuriers, par suite de lclatement dun obus de20m/m quils sciaient ! Stempert fut rempli deminuscules clats. Il dut nous quitter pour aller se fairesoigner, avec celui qui tenait la scie (Morozeau, chef delarmurerie !). Une autre fois, un taxi au rglage

    darmes se mit tirer quelques obus. Rsultat : quelquestrous dans une tente de piste.

    Toute la premire escadre tant de nouveau runie, javais retrouv Biskra et nous filions le parfait amour,dans lherbe assez haute du terrain pendant que leshommes jouaient leurs jeux dangereux. Je faisaislamour et non la guerre !

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    Le mess des Sous-Officiers, install dans un charmant gasthaus rsonnait de plus en plus des chants et de la joie des gars qui parlaient dj de leur entre en

    Allemagne.Nous emes la visite, un soir dun avion ennemi. Nousle vmes mme passer dans la nuit claire, sous la lune. Ilrisqua quelques rafales de mitrailleuses, qui ne firentaucun dgt et accroch par la DCA du terrain, trslongue ragir, senfuit toute vitesse.

    Le grand jour arriva. Lchelon roulant, avec le plus

    gros du matriel, sen alla par la route, toujours enconvoi, pour traverser le Rhin et prparer notre arrive enpays conquis. Avec Ferrari, jeus droit au voyage enavion de transport avec le personnel ncessaire audcollage de nos avions.

    25 Avril 1945 OBERRIEXIGEN (Allemagne)

    A latterrissage des avions, un norme nuage depoussire sleva de la piste cimente, rendant difficile latche des mcanos, qui guidaient leur pilote au sol,depuis le bout de bande. Pendant quelques minutes (quiparurent trs longues certains) tous les avions entasssles uns prs des autres, moteur tournant, ne se virent pas !Par quel miracle, on ne dplora pas daccrochage ? Les

    mcanos, assis en bout daile ne voyaient pas leur pilotetant la poussire tait dense.

    Il y eut quand mme un ppin Le Sergent Boulet,qui avait sans doute pris trop court remis la gomme , mais son moteur refusa de reprendre aussi, ilse posa et roula. Il dpassa la piste, puis un champlabour, traversa deux ranges de pommiers, en y

    laissant ses bouts de plume , pour finir sur le dos, dans

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    le champ suivant. Plus de peur que de mal, mais un taxi bousill !

    Quant moi, cest une toute autre histoire qui

    marriva. A peine poss, je sautai de lavion pour allerfaire mes petits pipis dans la nature. Jtais en actionderrire un buisson, lorsquun coup de feu claqua( Titou Gumas avait voulu dcharger son fusil etrussi !) Une vive douleur me fit hurler. La balle mavaitsectionn deux des doigts de ma patte arrire gauche,vous parlez dun jeu ! Je hurlais de plus belle, perdant

    mon sang en abondance. On vint enfin mon secours et je fus transport linfirmerie. Nettoyage de la plaie,sulfamide, pansement recouvert dune pochette encaoutchouc lger (dorigine anglaise ma-t-on dit !). Etpendant plusieurs jours, je fis du trois pattes pour medplacer. Jeux droit videmment des rationssupplmentaires de caresse (les hypocrites va !). Chaque jour, on me soigna, jusqu complte gurison. Il paraitque je fus trs courageux. Nempche que jtais toutsimplement un amput sans pension !

    Le village o nous logions (chez lhabitant, que lonavait gentiment pri daller habiter ailleurs) tait troiskilomtres du terrain. Un charmant village au bord dunerivire (lEnz) o les hommes se mirent pcher laligne et la grenade !

    Le mess, endroit si sensible mes narines, et monestomac, sinstalla au centre du village dans un gasthaus tenu par un ancien prisonnier de guerrefranais, qui vivait maritalement avec la jeune etplantureuse patronne. Qu navait pas lair de senplaindre. Ancien apprenti boucher Paris, avant guerre,Monsieur Pierre (comme lappelaient rvrencieusement

    les allemands) faisait la pluie et le beau temps dans le

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    village, il fut un trs bon popotier . Et dans ce hautlieu de la cuisine germanique, que de grands repas,arross par les vins les plus fins Emprunts au

    Baron Von Neurath, en son chteau situ dans lesenvirons. A la fin du repas, les hommes fumaient desgenres de barreaux de chaise en provenance du mmeendroit.

    Mais cela ne pouvait faire oublier la piste et ses avions.Les hommes mettaient les bouches doubles, on sentaitque ctait la cure , la fin approchait. Aides en cela

    par le beau temps ; les missions allaient bon train.Mes amis eurent enfin la rcompense de tous cesefforts. Dans laprs midi du 07 mai 1945, les gaziers apprirent que les allemands taient prts capituler unemission tait en lair. Ce fut la joie spontane qui dmarrade la tente des radios, o depuis quelques jours dj, oncoutait tous les communiqus des forces allies.

    08 MAI 1945 Jour dArmistice

    Ah ! Quelle journe ! Ce fut une fte qui dbuta tt lematin pour ne se terminer que le soir trs tard.

    Tous les hommes du Groupe : les soldats (qui logeaientdans une petite usine de fers repasser), les SousOfficiers et les Officiers, se rassemblrent dans le parc de

    la grande maison bourgeoise (occupe par les Officierspilotes).

    Le Capitaine Madon y alla de son petit discours, en sefrottant les mains et la tte (tic de contentement) puis cefurent les chants. Une maison de champagne, parrainantle groupe ayant envoy son cadeau maison, ce liquidecoula flots dans les gosiers amis. Ils le buvaient dans de

    multiples contenants : verres, coupes, pots de fleurs

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    chaussures ! De son stick, le Capitaine Madon brassale champagne dans un vase pour le faire boire lAumnier. Ce fut une beuverie gnrale. Des jeux

    voyous sorganisrent : on arriva faire courir un100m entre le Capitaine Segala et un Caporal (pied-noir,grand teint) qui devait peser au moins200 livres ! Leschefs des services de la piste furent dcors de beauxrubans aux couleurs chatoyantes (Mrites allemands,rcuprs). On me fora mme dguster le breuvage quime piquait la langue. Leffet fut immdiat : ma vue se

    troubla, mes sens smoussrent, mes pattes ne voulurentplus me porter ! Aprs quelques pas titubants, je tombailourdement, hbt, au milieu des rires de mes amisqui ntaient gure mieux que moi.

    Puis ce fut le dfil (en pagae couvrez !) brayant etchahutant de tout le personnel dans les rues du villagedsert (les allemands se camouflaient dans leurs maison)et tout se termina dans le temple protestant (qui servait dechambre pour certains). Marty, que le champagne avaitrendu trs loquace (le goteur deau du Groupe) semit dbiter un discours, en chaire, ponctu par les crisdes autres. Pendant ce temps l, je me mis ronfler (carje ronflais) sur un lit.

    Le 9 Mai, grand dfil, drapeau en tte, de toutelescadre runie Grossaxenheim, non loin du terrain

    galement. L, quelques allemands, des femmes et desvieux qui avaient os montrer leur nez, taient refoulsdans leur maison par les gendarmes de lair, rvolver aupoing !

    Puis la fte termine, la vie de piste reprit. Les avionsrevolrent, comme avant, sauf en ce qui concernelarmement. Je ne voyais plus les armuriers, avec leurs

    colliers de cartouches ou dobus autour du cou grimper

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    sur les avions. Ceux l au moins soufflaient un peu.Marty, qui avait t vu fatigu par le toubib , futenvoy dans un centre de repos, sur les bords du lac de

    Constance. Les mcanos, eux avaient repris leur train-train. Certains obtinrent enfin leur premire permission.Ferrari en profita pour aller convoler en justes noces en sa Nice natale. Le Sergent chef Leplan, nous quittaaprs un grave accident, il tait tomb dun vhicule laface contre terre !

    Un jour en piste, ce fut le passage sur notre terrain

    dun Groupe pas ordinaire. Leurs avions ressemblaientaux ntres mais plus petits. Les pilotes, parlaient commemes amis (puisquils taient franais !) mais les mcanosbizarrement accoutrs, ne se faisaient comprendre que pardes gestes et mimiques. Ctaient des russes, le GroupeNormandie-Niemen qui regagnait Paris.

    Pendant que mes amis travaillaient, je musardais par-ci, par-l et lorsque je ne savais plus que faire, jallaismassoupir sous une aile davion ou sur le coussin dunecabine de camion. En somme, javais une belle vie dechien. Au grand air, bien nourri, caress quelquefoisengueul !

    Javais en effet un vice idiot, jaimais aller me roulerdans les pires salets. Quand a marrivait, dailleurs, jesavais toujours ce qui allait madvenir. Je rentrais au

    cantonnement les oreilles basses et la queue entre les jambes, pour affronter les reproches mrits de monpatron Ferrari ou de ses proches copains. On me lavaitrudement, je faisais triste mine ! Ds la premire caresse,tout tait oubli jusqu la prochaine fois !

    Comme la guerre tait finie, les hommes dont le travailarien stait bien calm, trouvrent un nouveau passe-

    temps. On dnazifia ! Cela se solda par des perquisitions,

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    des arrestations, des interrogatoires mens par la brigade des acclamations (qui rappelaient desmthodes rprouves !) et surtout, surtout de la

    rcupration. Mais tout le monde ne participait pas cesjeux. Aussi, fallut-il trouver autre chose pour amuser lesautres qui ne savaient plus quoi faire de leur peau, letravail termin et les jours de repos. Car ils netravaillaient plus le dimanche !

    Le Capitaine Madon fit installer un tablissement debain, sur la rivire, et, un terrain de football dans un

    champ. Quelques courageux allrent courir derrire ettaper dans un ballon. Jaurais bien voulu participer ce jeu, mes les hommes men chassrent toujours. Jaimaismieux aller la baignade.

    En plus de la pche, les hommes se mirent chasser.Tout le secteur tait couvert de belles forts danslesquelles pullulaient des lapins, des livres, des biches etdes chevreuils. Un dimanche je participai une battuegrandiose, au chevreuil. Quel massacre ! Plus dunedouzaine de btes furent tues, la carabine amricaine.Pensez ces animaux ntaient plus chasss depuis silongtemps ! Tout cela donna lieu amlioration delordinaire et de ma pte.

    Dix Sous Officiers, accompagns par le CapitaineVidon, furent dsigns pour aller dfiler Paris (dfil de

    la Victoire, le 18 Juin 1945). Ils revinrent enchants deleur voyage (aller et retour en car allemand) mais assezdus de leur rception au Ministre de lAir, lavant-veille du dfil. Ils taient pourtant attendus, et on leuravait prpar dans le Ministre une belle pice avec dela paille ! Offrir cela des hommes qui venaient de finirla guerre en Allemagne, et qui couchaient l bas dans de

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    vrais lits, avec draps blancs ! Le Capitaine Vidon devintrouge de colre et il envoya tout son monde lhtel.

    On tait sans doute trop bien Oberreixingen o les

    hommes trouvaient la vie belle. Ils commenaient mme fraterniser avec les habitants malgr linterdictionformelle.

    Quand moi, javais bien repr une jolie chienne,mais elle avait un ami berger allemand qui, mayantun jour montr ses crocs, menleva toute ide depoursuite.

    Et ce fut un nouveau dpart. Convoi de camions, leshommes chantaient tue-tte ; les allemands lesregardaient passer tristement. Quelques sourires pourtantsur les visages fminins. Nous traversmes le Danube,qui na de bleu que la chanson. Et nous longemes le lacde Constance, jusqu Friedrichshafen, notre nouvellebase.

    11 juillet 1945 FRIEDRICHSHAFEN

    La ville tait dtruite prs de 80%. Mais dj lesruines taient propres. Chaque soir la population, sousles projecteurs, triait, dblayait et vacuait le plus bon rien . Quelle discipline !

    Les soldats furent logs dans un grand btiment, qui

    devait tre une cole. Les pailleux y installrent leursbureaux ainsi que celui du commandant de Groupe, cesera le PC. Les Sous Officiers furent hbergs la citDornier (genre HLM aux logements tous pareils) o ilsfurent rpartis trois par appartement. Le mess tait loinde tout cela, au bord du lac, sur le port, face une jete,au premier tage dun gasthaus . Ctait un endroit fort

    sympathique do les hommes, par les fentres donnant

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    sur le lac, faisaient faire la ronde aux mouettes, en leurjetant du pain, quelles attrapaient du bout de leur bec, chaque passage.

    En piste , des hangars encore debout, mais touscribls de trous de balles ou dclats dobus ou debombes. A lentre du terrain, une usine souterrainenoye, et nos avions impeccablement aligns.

    Quelques maris, firent dj venir la bobonne .Madame Ferrari arriva donc (fini pour moi, part le repasde midi, de vivre avec les autres). Elle fut de suite trs

    gentille avec moi et elle aurait bien voulu que je reste lui tenir compagnie lorsque son poux ntait pas avecelle. Mais, ds le dpart de Ferrari le matin pour la piste,je tournais, virais, et sitt que je le pouvais, mchappais toute allure. Je connaissais le chemin me conduisant auterrain, et l jy rejoignais mes amis. Il mtait devenuimpossible de vivre autrement que prs des avions. Je lessuivais en piste lorsquils circulaient au sol, les pilotes mefaisaient des gestes de leur main. Je ne me sentais bienque dans ces odeurs dhuile, dessence et leronronnement des moteurs. Un vritable chienaronautique !

    Un bel t dbutait, avec beaucoup de baignades dansle lac. Mais la vie commenait tre terriblementmonotone : des horaires bien prcis, des jours de repos

    sans piste avec Monsieur et Madame Puis lautomnevint.

    Les soldats pieds-noirs nous quittrent, ce fut unebelle quille (ils en pendirent une norme entre deuxmts !) Ils taient tous engags pour la dure de la guerre,celle-ci tant termine ils neurent quune pense,revenir chez eux et cest ce quils firent. Cest ainsi,

    galement que partirent des pilotes tels ; De Beaupuis, De

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    Chavagnac et dautres. Cest avec une certaine tristesseque lon en vit partir certains, car aprs ces longs mois devie commune, des amitis staient crs.

    Une bonne partie des autres, ceux qui restaient, semirent courir la gueuse . Tous les clibataires, mmecertains maris-clibataires , sauf les vraiment timides,furent vite placs et dj des ventres germaniquesfminins commencrent sarrondir ! Chaque soir,beaucoup de couples franco-germaines , sepromenaient, serrs dans le splendide parc longeant le

    lac. Les Allemandes taient si sentimentales ! La vie taitbelleMais un beau dimanche doctobre, tout le restant du

    Groupe fut rassembl, le matin au PC. Commedhabitude, je suivis mon monde et dans le grand hall, tous runis, le Capitaine Madon annona que lon avaitbesoin daviation de chasse pour rprimer un dbut derbellion en Indochine ! Comme si ctait la porte cot ! Ah la tte des hommes cette annonce ! Jentendisdes alors, cest toujours les mmes les pigeons ? Aprs lAFN, la Corse, la France, lAllemagne, nepeut-on nous foutre la paix ? et les autres alors ? Ensuite, chaque homme fut convoqu passer dans lebureau du commandant du Groupe. Etes vousvolontaire, pour un tel voyage ? Dans six mois, au plus

    vous serez de retour Telle tait lallchante propositionqui tait faite mes amis. Leurs ttes se baissrent, cellesdes maris surtout (ceux dont lpouse venait peine desinstaller Friedrichshafen), car il ntait nullementquestion damener femmes et enfants dans une pareilleaventure. Rsultat de la consultation : part quelquesclibataires non engags , il ny eut que trs peu de

    volontaires. Et tout le monde se dispersa les paules

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    basses. Ferrari que javais raccompagn chez lui, parla son pouse de ce qui venait de passer le reste de lajourne fut trs triste.

    Malgr le peu denthousiasme des hommes (trscomprhensible dailleurs) les Groupes 1/7 et 2/7 furentdsigns volontaires doffice ! pour partir enlointaine Indochine.

    25 Octobre 1945 Dpart de FRIEDRICHSHAFEN

    Donc peu de jours aprs la dsignation ! Ce fut nouveau le grand branle-bas du dpart. Cette fois, parexemple, pas de convoi routier. Nous fmes tousembarqus par le train. Quelle animation en gare deFriedrichshafen ! Jembarquai donc, avec mes amis engrande tenue de guerre, dans un wagon classe touristefritz .

    Mes deux pattes avant poses sur le rebord de lafentre du compartiment, je pus voir certains adieuxdchirants. Maris et pouses se quittaient dj, aprs sipeu de mois de vie commune et de bonheur retrouv.Quelques clibataires engags sarrachrent des brasde leur fraulein Un long coup de sifflet et le traindmarra au milieu des cris, des pleurs et des mouchoirsagits. Quelque part, dans le convoi Biskra suivait elle

    aussi.Ce fut un long voyage, pendant lequel je dormis

    beaucoup. Il y eut de nombreux arrts (ce train spcial,laissait passer les trains rguliers). Dans les grandesgares : marche avant, marche arrire, dviations brusqueset criardes, tamponnement, puis course dans la naturepour faire mes besoins naturels, pendant les arrts.

    Question nourriture, beaucoup de biscuits et de viande en

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    conserve. Pour les hommes beaucoup de fromages. Ah !Ce dernier coulant, puant, certains pourtant en raffolaient,surtout mon ami Berdot. Il en avait un norme stock et

    lavait dpos nu, sur le porte bagage du compartiment.Aprs une nuit de train, le fromage stirait en vritablesstalactites. Jaime assez les odeurs fortes, mais celle lPouha !

    Puis les hommes disputrent dinterminables parties decartes, en sclairant la nuit la bougie. Ce ntait pas untrain de luxe ! Nous traversmes la Fort Noire,

    Strasbourg (avec un long a