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La végétation en villes sénégalaises : quel modèle de distribution face à la croissance démographique, à l’évolution des usages et aux variations climatiques ? Cette communication se propose d’interroger la place du végétal dans les espaces urbains du Sénégal, dans le double contexte de la très forte urbanisation connue par le pays depuis l’indépendance et des changements environnementaux liés notamment aux variations du climat dans les domaines sahélien et soudanien, au cours de cette même période. Dans les villes d’Afrique de l’Ouest, la place de la végétation est originale. Par-delà les fonctions esthétiques, sociétales (aménités urbaines) et écologiques qu’on lui accorde généralement dans les espaces urbains (Alexandre & Génin, 2011), la liste des services fournis par la végétation aux sociétés urbaines africaines est, en effet, longue. Elle permet de satisfaire une partie des besoins alimentaires, notamment par le maintien d’une agriculture urbaine. La flore est également utilisée dans la pharmacopée. La végétation ligneuse, dans et en dehors des villes, répond aussi aux besoins énergétiques des populations urbaines (charbon de bois et bois de chauffage), ainsi qu’aux besoins en bois d’œuvre. Elle joue également un rôle socioculturel important. En dehors des parcs et jardins publics « à l’européenne » que l’on retrouve dans les quartiers coloniaux et résidentiels, dans les villes sénégalaises, la végétation est présente notamment autour des maisons (végétation domestique), le long des grandes artères (plantation d’alignement), dans les espaces libres (végétation spontanée), dans les zones cultivées urbaines et périurbaines (on citera le célèbre exemple des Niayes de Dakar où, dans les dépressions interdunaires, est pratiqué le maraîchage) et les espaces aménagés (parcs, jardins et forêts périurbaines). L’originalité de la place de cette végétation dans les villes d’Afrique de l’Ouest tient à la place qu’occupe l’agriculture urbaine, ainsi qu’à la dissémination dans les quartiers, y compris populaires, d’arbres qui rendent de nombreux services à la population. Comment ce modèle de distribution de la végétation dans la ville a- t-il évolué au regard du processus de croissance de la population urbaine, de l’évolution des usages de la ressource végétale et des variations climatiques (notamment au regard de la pluviométrie, très défavorable dans la période 1965-1995) ?

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La végétation en villes sénégalaises   : quel modèle de distribution face à la croissance démographique, à l’évolution des usages et aux variations climatiques ?

Cette communication se propose d’interroger la place du végétal dans les espaces urbains du Sénégal, dans le double contexte de la très forte urbanisation connue par le pays depuis l’indépendance et des changements environnementaux liés notamment aux variations du climat dans les domaines sahélien et soudanien, au cours de cette même période.

Dans les villes d’Afrique de l’Ouest, la place de la végétation est originale. Par-delà les fonctions esthétiques, sociétales (aménités urbaines) et écologiques qu’on lui accorde généralement dans les espaces urbains (Alexandre & Génin, 2011), la liste des services fournis par la végétation aux sociétés urbaines africaines est, en effet, longue. Elle permet de satisfaire une partie des besoins alimentaires, notamment par le maintien d’une agriculture urbaine. La flore est également utilisée dans la pharmacopée. La végétation ligneuse, dans et en dehors des villes, répond aussi aux besoins énergétiques des populations urbaines (charbon de bois et bois de chauffage), ainsi qu’aux besoins en bois d’œuvre. Elle joue également un rôle socioculturel important.

En dehors des parcs et jardins publics « à l’européenne » que l’on retrouve dans les quartiers coloniaux et résidentiels, dans les villes sénégalaises, la végétation est présente notamment autour des maisons (végétation domestique), le long des grandes artères (plantation d’alignement), dans les espaces libres (végétation spontanée), dans les zones cultivées urbaines et périurbaines (on citera le célèbre exemple des Niayes de Dakar où, dans les dépressions interdunaires, est pratiqué le maraîchage) et les espaces aménagés (parcs, jardins et forêts périurbaines). L’originalité de la place de cette végétation dans les villes d’Afrique de l’Ouest tient à la place qu’occupe l’agriculture urbaine, ainsi qu’à la dissémination dans les quartiers, y compris populaires, d’arbres qui rendent de nombreux services à la population.

Comment ce modèle de distribution de la végétation dans la ville a-t-il évolué au regard du processus de croissance de la population urbaine, de l’évolution des usages de la ressource végétale et des variations climatiques (notamment au regard de la pluviométrie, très défavorable dans la période 1965-1995) ?

L’originalité de cette réflexion tient aussi au choix des échelles géographiques, puisque nous proposons de travailler :

- d’une part, à l’échelle de l’ensemble du Sénégal en envisageant le rôle de la végétation aussi bien dans l’agglomération dakaroise, une des principales métropoles africaines, que dans les villes moyennes et les centres régionaux ;

- d’autre part, à l’échelle de chacune de ces aires urbaines, constituées par les agglomérations urbaines et leurs auréoles périurbaines et rurales.

L’intérêt d’une telle réflexion est enfin d’envisager la place future des espaces végétalisés dans les villes sénégalaises sur la base du diagnostic de leur état actuel en restituant la trajectoire qui les a mis en place au regard des changements socio-environnementaux. Pour ce faire, nous envisageons une analyse rétrospective (depuis 1973) de l’évolution de la végétation dans le but d’identifier et de localiser les principaux changements enregistrés par le couvert végétal urbain.

Contexte - Problématique La dynamique des paysages végétaux urbains dépend, en premier lieu, de la croissance urbaine des villes sénégalaises. En effet, la croissance de la population urbaine s’est accompagnée d’une extension spatiale considérable des villes sénégalaises, souvent de façon spontanée et précaire avec le développement de quartiers populaires et de bidonvilles sur des terrains appartenant à l'Etat ou achetés à des lotisseurs privés. L’urbanisation a gagné en périphérie, au détriment d’espaces qui, naguère,

étaient plus ou moins naturels ou à vocation agricole (Merlin, 2000). C'est ainsi que Niang (2004) soulignent la tendance à l'artificialisation des milieux naturels à Dakar. Cette tendance aboutit à «la conversion des zones de végétation naturelle en zone de cultures ou la conversion des zones de cultures en zone d'habitation » (Niang, 2000). Selon Diop (2000), cette évolution a fait que « à partir de 1999, il n'y a pratiquement plus d'espaces couverts par une végétation naturelle urbaine excepté le domaine classé dans la région de Dakar ».

La croissance démographique a amplifié et accéléré la réorganisation de l’espace urbain, avec des conséquences souvent dommageables sur la couverture végétale et donc sur les services que la population peut en attendre (Oura, 2012). Cette situation est aggravée par le déséquilibre qui existe entre, d’une part, des ressources disponibles décroissantes, d’autre part, la croissance brutale de la population urbaine. Ceci peut engendrer une pression sur les végétaux urbains, voire leur surexploitation. A cela s’ajoute un constat lié au manque d’intérêt accordé à l’avenir de ces espaces végétaux urbains dans les politiques d’aménagements urbains. Mais également d’une population riveraine souvent peu voire mal renseignée sur les services et les fonctions (Selmi, 2014) que peut apporter la végétation dans un environnement urbain fréquemment pollué par les activités humaines et abritant des îlots de chaleur. Pourtant, l’urbanisation n’est pas toujours synonyme de dégradation du couvert végétal dans les villes et des formes novatrices peuvent naître de cette recomposition de l’espace urbain. Parallèlement à l’extension urbaine, la croissance de la population urbaine a engendré une explosion de la demande en produits végétaux et d’origine végétale. En effet, la conjonction des facteurs de dégradation naturelle, notamment liés à la fluctuation de la pluviosité (Dacosta et al. 2002), et du facteur anthropique (dégradation des systèmes traditionnels de production, exode rural et croissance urbaine) ont engendré un phénomène de surexploitation des terres urbaines marqué par des prélèvements incontrôlés des ressources végétales (Boye, 2000). Ces prélèvements, généralement effectués pour satisfaire les besoins cités précédemment, sont rarement identifiés comme des facteurs de dégradation de la végétation. Quel est réellement leur impact sur la dynamique des paysages végétaux urbains ?

L’histoire climatique des 50 dernières années du Sénégal a oscillé entre des périodes de pluviosité faible, culminant pendant les grandes sécheresses des années 1972/1973 et 1983/1984) et des périodes de reprise de la pluviosité (depuis les années 2000) de façon presque cyclique (sur des intervalles de 10 ans) (Ndong, 1999). La dynamique de la végétation est très sensible à cette variation de la pluviosité en Afrique de l’Ouest (Alexandre, Mering & Andrieu, 2008). Ainsi, la reprise des précipitations de ces dernières années affecte-t-elle de façon positive l’évolution de la végétation dans les zones urbaines sénégalaises ? Si c’est le cas, cette évolution de la végétation contribue-t-elle vraiment à l’amélioration des conditions du microclimat urbain ? Dans cette situation comprendre comment la variabilité du climat actuel interagit avec le milieu urbain est devenu une nécessité afin d’anticiper les conséquences du changement climatique dans les villes sénégalaises et essayer d’apporter des solutions. La problématique générale qui se dégage de ce contexte met en jeu la vulnérabilité des paysages végétaux face à la variabilité de la pluviosité, à la croissance de la population urbaine et à l’extension spatiale des villes et aux multiples usages que les populations urbaines font des végétaux. Il s’en suit une compétition importante pour l’espace (ECOCITE, 2004), ce qui guide une de nos préoccupations liées à la maitrise de la planification urbaine, afin de prendre en compte de façon durable toutes les composantes du paysage, ici la composante végétale.

L’approche combinera, dans une démarche pluridisciplinaire, la géographie et des disciplines connexes comme l’aménagement et l’urbanisme, l’histoire et la sociologie urbaines, l’ethnobotanique, l’écologie végétale, la climatologie, voire des domaines de recherche plus éloignés comme l’utilisation des plantes dans la médecine traditionnelle.

La place du végétal dans l’espace urbain sénégalais

En zones urbaines et périurbaines, la végétation pousse dans différents espaces aux vocations diversifiées et couvre une gamme de formations arborées et arbustives aux espèces infinies (Bellefontaine et al, 2001). Ceci explique en grande partie, la diversité des formes végétales et la place des végétaux au sein des villes sénégalaises :

Des parcs et des jardins urbains, ce sont des espaces aménagés, plantés d’arbustes et d’arbres ;

Des plantations d’alignements, plantés le long des artères d’accès d’un seul côté ou de part et d’autre de la chaussée, formant une sorte de haie ;

De la végétation spontanée occupant les espaces libres de très faible étendue ;

De l’agriculture urbaine et périurbaine ;

De la végétation domestique, les arbres de cour et les espèces ornementales qui occupent l’espace vide à côté des bâtiments ;

Des forêts naturelles ou plantations forestières urbaines et périurbaines

La place occupée par les végétaux dans le tissu urbain (tableau) est dictée par la convergence de plusieurs facteurs, le plus important est la pression exercée par l’urbanisation sur l’occupation du sol. Cette pression urbaine est différente en fonction de nos zones d’études et elle dépend fortement de l’ancienneté urbaine et de la vitesse de croissance de la population urbaine.

D’autres facteurs d’ordre socio-culturels ou climatiques peuvent également influer sur l’emplacement des végétaux urbains, c’est le cas, par exemple, de certaines pratiques culturelles ou spirituelles nécessitant obligatoirement la présence d’arbres (comme le bois sacré ou l’arbre sacré).

Espaces urbains et périurbains

Espaces agricoles en zones protection, de récréation, périurbaines et urbaines espaces de forêts naturellesornementale et écologique) (fonction alimentaire et financiére) (fonction énergétique, alimenataire

et de bois d'œuvre) Vergers ou plantations d'arbres

des artéres d'accés d'un côté ou des fruitiers permanents essentiellement Les plantations forstieres ou forêts artificielles sodeux côtés de la chaussée constitués de manguiers et d'ancardier des espaces boisés où le couvert est inférieur à

10 % où la diversité des espéces est très pauvre Arbres et arbustes isolés Cultures annuelles et pluviales à l'exemple de la forêt de Mbao dans la périphérie dans les cours des maisons souvent pratiquées dans l'espace périurbain de Dakaril s'agit de l'Azadirecta Indica grâce à la disponibilité des terres arbl

les espéces cultivées sont le maïs, le Forêt artificielle de Filaos servant de rideaux-abr Parc urbain, l'exmple du parc Han mil et l'arachide de brise vent localisée sur la grande côte dont le but

premier de contrer l'avancée des dunes de sable Jardins publics et privés Culture maraîchère pratiquée en zo

urbaine ou à la proximité immédaite Forêt naturelle avec un couvert supérieur à 10 %des consommateurs et dans des zones et une grande diversité des espéces présenteshumides : Niaye de Dakar et les bas- à l'exemple de la forêt située dans le sud de villefonds de Ziguinchor de ziguinchor et la forêt de mangrove

Espaces bâtis ( fonction de Espaces de plantations forestieres et

Plantations d'alignements le long

Tableau : Essai de classification de la végétation dans l’espace urbain et périurbain sénégalais (terrains d’étude) (Diouf, 2016)

Plantation d’alignement, Fann résidence

Jardin public de la place de l’indépendance

Arbre (Azadirecta Indica) de devanture à Touba Jardin maraichère dans les Niayes de Pikine

L’emplacement de la végétation dans l’espace urbain sénégalais est très divers :

- La végétation domestique y occupe l’intérieur et la devanture des maisons et elle est essentiellement constituée d`Azadirecta indica. Il existe cependant une grande différence entre les maisons des quartiers résidentiels et celles des quartiers de banlieues. Effectivement, dans les banlieues, la présence de la végétation dans les maisons est très rare à cause de l’étroitesse de celles-ci et d’un aménagement mal contrôlé contrairement aux quartiers résidentiels. - Plusieurs espaces ont été aménagés dans le but d’accueillir de la végétation, ces espaces ont des fonctions et des législations différentes ce qui permet de les caractériser. Il s’agit notamment du parc forestier de Hann, du jardin public au niveau de la place de l’indépendance et de la place de l’obélisque, des bandes de filaos sur la grande côte et de la forêt de Mbao. Ce type d’emplacement de la végétation n’existe presque pas dans les autres zones urbaines du pays.

- Les artères boisées issues de projets communaux sont présentes que dans les centres villes, ce type d’emplacement de la végétation est absent dans les périphéries de la ville. Dans ces dernières, les arbres de devantures des maisons donnent parfois l’impression de plantation d’alignement. - Les bas-fonds des espaces urbains sont généralement colonisés par les cultures notamment les maraichages et une végétation luxuriante souvent spontanée. C’est l’exemple des Niayes de Dakar et des bas-fonds de la ville de Ziguinchor.

À cause de la forte pression foncière et fourragère dans les villes sénégalaises, la végétation spontanée s’y développe très difficilement. Les seules espèces composant ce type de végétation ne sont souvent pas comestibles par le bétail et pas utilisées par la population.

La végétation spontanée est essentiellement constituée de Calotropis Procera à Touba (image), elle est plus présente dans les villes du sud du pays.

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Dacosta H., Kandia Y. & Malou R., 2002. La variabilité spatiotemporelle des précipitations au Sénégal depuis un siècle, in FRIEND 2002—RegionalHydrolog): BridgingIhe Gap betweenResearch and Practice (Actes de la 4e conférence FRIEND, Le Cap, mars 2002), IAHS Publ. n° 274,499-506 [en ligne :http://iahs.info/uploads/dms/iahs_274_499.pdf ] . Diop A., 2006. Dynamique de l’occupation du sol des Niayes de la région de Dakar de 1954 à 2003 : exemples de la grande Niaye de Pikine et de la Niaye de Yeumbeul. DEA en géographie, Université Cheikh Anta Diop Dakar, [En ligne :http://www.memoireonline.com/07/09/2241/Dynamique - de loccupation - sol - dans - des - niayes - de - la - region - de - Dakar - de - 1954 -- 2003 - exemples - de - la.html ].

ECO CITE, 2004. Enjeux environnementaux des espaces agricoles et naturels urbains ou périurbain . Rapport scientifique annuel, 19 p.

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Niang A. M.,2004. Dynamique des espaces agricoles urbains et péri-urbains. Cas de la région de Dakar au Sénégal, [En ligne : www.iao.florence.it/documentation/landcovermapping.

Ndong J.-B., 1999. Analyse de la variabilité des précipitations dans la zone cotonnière du Sénégal de 1951 à 1998 : détermination de périodes de semis. Publications de l'Association Internationale de Climatologie, vol. 12 : 124-131. Oura R. M., 2012. « Extension urbaine et protection naturelle : La difficile expérience d’Abidjan », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [En ligne], Volume 12 Numéro 2 | septembre 2012, mis en ligne le 31 octobre 2012. URL : http://vertigo.revues.org/12966 ; DOI : 10.4000/vertigo.12966. Selmi W., 2014. Services écosystémiques rendus par la végétation urbaine. Application d’approches et d’évaluation de la ville de Strasbourg. Thèse de doctorant en sciences de la terre et de l’environnement, université Strasbourg, 343 p.