« Vinaigre de l’Anjou€¦ · c’est une évidence lorsqu’on ren-contre Patricia et Jérôme...

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E n cuisine comme en amour, tout est affaire de molécules. A Saint Lambert du Lattay, c’est une évidence lorsqu’on ren- contre Patricia et Jérôme Andrillat. Elle, sortie chef de rang de son école de Gastronomie et Sommellerie, lui, de ses études de biochimie. La fu- sion de ces deux âmes sensibles et passionnées devait tôt ou tard don- ner naissance à une aventure alchi- mique inspirée : offrir à l’Anjou un « vin aigre » digne de ses vignes. Comment une région aussi riche de bons vignobles a-t-elle pu rester or- pheline d’un bon vinaigre ? A cette question, Jérôme a une réponse lo- gique « Justement à cause de cette opulence : autrefois ce sont les terres pauvres qui forçaient l’émergence des petits métiers, des petits artisa- nats tels que celui du vinaigre. Rien ne se perdait, tout se recyclait. En Anjou, comme dans les régions aux vignobles réputés, le besoin ne se faisait pas sentir ». Mais aujourd’hui, une autre motiva- tion pousse les artisans : celle du goût. Le vrai, celui qui prend son temps et se forge à partir des ingré- dients simples mais justes. La naissance de vinaigre dans une région est un bon indicateur de la qualité de ses vins. Et un bel outil de valorisation qui n’échappe pas aux chefs et aux bons vignerons. De l’inédit et de l’insolite. En 2008, Patricia et Jérôme se lan- cent. Le potentiel angevin leur donne un terrain de jeu privilégié : Cabernet franc, Cabernet sauvignon, pineau d’Aunis, Chenin, Gamay… autant de cépages dont les qualités se retrou- veront dans le vinaigre. Quelques fûts plus tard, c’est le petit miracle acétique : un vinaigre de vin d’Anjou AOC splendide, puissant et aroma- tique ; un vinaigre de Chardonnay, frais et racé, aux notes d’agrumes, parfait avec les champignons ou les viandes blanches ; un vinaigre de Cô- teaux du Layon splendide, à manier avec de la cuisine exotique, « que l’on peut même emmener jusqu’à la cara- mélisation, avec de la banane ou de l’ananas ». Et puis il y a ce vinaigre de Gamay aux mûres sauvages… « On ramasse les mûres dans les boca- gères d’un terrain non traité ». Envi- ron cent kilos dans un fût de cent dix litres, laissés en macération pendant 3 mois. Une explosion de saveurs ! Arôme confituré, idéal pour le dégla- çage des foies de volaille, de veau ou de canard, les salades amères, les fraises ou les poires au vin. Enfin, leur vinaigre de betterave, insolite, magique, obtenu par macération de Crapaudines de jeunes agriculteurs en bio, à Chemillé. Un produit créatif, qui aime la mâche, les pousses d’épi- nard, le chèvre frais. Et pourquoi pas en réduction avec un foie gras ou du canard, ou même en apéritif comme dans les bars branchés au Japon… Pas de bon vinaigre sans bon vin. « On a choisi la méthode orléanaise, en élevant nos vinaigres en fûts de chêne pendant plusieurs mois. C’est la méthode qui donne les meilleurs résultats, et pourtant, curieuse- ment la moins utilisée. On n’est que quatre ou cinq en France à faire ces vinaigres-là ». C’est sûr, l’industria- lisation est passée par là. Plus de place pour ce qui prend du temps et de l’argent. Pour la qualité, on nage souvent à contre-courant. Mais dans le cabanon des Andrillat, le postulat de Pasteur est de mise : « pas de bon vinaigre sans bon vin ». Alors bien entendu, les vins que sélectionnent Patricia la sommelière et Jérôme le biochimiste ne sont issus que de vi- ticulture propre, et de vinification saine, dans le respect de la terre. « Pas de traitement des vignes, pas de sulfitage ou le minimum, pas de chaptalisation, pas de sucre ajouté… ». Pas de triche en somme. On est là pour pour se régaler en se faisant du bien. Le message est clair. Du très bon et du nature, pur et dur. Du bio ? « On s’est dit qu’on pouvait obte- nir l’agrément bio, mais on nous de- mandait 800 euros pour 500 litres de vinaigre, on a du laisser tomber ». Pas très grave, les connaisseurs ne s’y trompent pas, et les chefs de la région s’intéressent de plus en plus à leurs flacons. A Angers, « Autour d’un Cep », « Le petit comptoir » et « Une Ile », à Loiré, « L’auberge de la diligence » et aux Rosiers sur Loire « Le Domaine de l’Oie Rouge » » les ont fait entrer dans leur cuisine, quant aux particuliers, ils ont vite fait la différence ! Si Baudelaire avait goûté aux vi- naigres de Patricia et de Jérôme, peut-être aurait-il plutôt écrit : « Homme libre, toujours, tu chériras la mère ». Vous trouverez le vinaigre de l’Anjou à la Jardinerie Socali à St Nazaire ; Chez Anjou Terroir ; Aux Halles de la Roseraie ; à l’épicerie la Maison Blanche à Angers et sur internet. Renseignements professionnels : vi- [email protected] ou sur vi- naigredelanjou.jimdo.com. Le bon goût d’en parler « Vinaigre de l’Anjou », un gourmand à la table des grands. Par Valérie Gentil, photos François Darbé

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En cuisine comme en amour, tout est affaire de molécules. A Saint Lambert du Lattay,

c’est une évidence lorsqu’on ren-contre Patricia et Jérôme Andrillat. Elle, sortie chef de rang de son école de Gastronomie et Sommellerie, lui, de ses études de biochimie. La fu-sion de ces deux âmes sensibles et passionnées devait tôt ou tard don-ner naissance à une aventure alchi-mique inspirée : offrir à l’Anjou un « vin aigre » digne de ses vignes.

Comment une région aussi riche de bons vignobles a-t-elle pu rester or-pheline d’un bon vinaigre ? A cette question, Jérôme a une réponse lo-gique « Justement à cause de cette opulence : autrefois ce sont les terres pauvres qui forçaient l’émergence des petits métiers, des petits artisa-nats tels que celui du vinaigre. Rien ne se perdait, tout se recyclait. En Anjou, comme dans les régions aux vignobles réputés, le besoin ne se faisait pas sentir ».Mais aujourd’hui, une autre motiva-tion pousse les artisans : celle du goût. Le vrai, celui qui prend son temps et se forge à partir des ingré-dients simples mais justes. La naissance de vinaigre dans une région est un bon indicateur de la qualité de ses vins. Et un bel outil de valorisation qui n’échappe pas aux chefs et aux bons vignerons.

De l’inédit et de l’insolite.

En 2008, Patricia et Jérôme se lan-cent. Le potentiel angevin leur donne un terrain de jeu privilégié : Cabernet franc, Cabernet sauvignon, pineau d’Aunis, Chenin, Gamay… autant de cépages dont les qualités se retrou-veront dans le vinaigre. Quelques fûts plus tard, c’est le petit miracle acétique : un vinaigre de vin d’Anjou AOC splendide, puissant et aroma-tique ; un vinaigre de Chardonnay, frais et racé, aux notes d’agrumes, parfait avec les champignons ou les viandes blanches ; un vinaigre de Cô-teaux du Layon splendide, à manier avec de la cuisine exotique, « que l’on peut même emmener jusqu’à la cara-mélisation, avec de la banane ou de l’ananas ». Et puis il y a ce vinaigre

de Gamay aux mûres sauvages… « On ramasse les mûres dans les boca-gères d’un terrain non traité ». Envi-ron cent kilos dans un fût de cent dix litres, laissés en macération pendant 3 mois. Une explosion de saveurs ! Arôme confituré, idéal pour le dégla-çage des foies de volaille, de veau ou de canard, les salades amères, les fraises ou les poires au vin. Enfin, leur vinaigre de betterave, insolite, magique, obtenu par macération de Crapaudines de jeunes agriculteurs en bio, à Chemillé. Un produit créatif, qui aime la mâche, les pousses d’épi-nard, le chèvre frais. Et pourquoi pas en réduction avec un foie gras ou du canard, ou même en apéritif comme dans les bars branchés au Japon…

Pas de bon vinaigre sans bon vin.

« On a choisi la méthode orléanaise, en élevant nos vinaigres en fûts de chêne pendant plusieurs mois. C’est la méthode qui donne les meilleurs résultats, et pourtant, curieuse-ment la moins utilisée. On n’est que quatre ou cinq en France à faire ces vinaigres-là ». C’est sûr, l’industria-lisation est passée par là. Plus de place pour ce qui prend du temps et de l’argent. Pour la qualité, on nage souvent à contre-courant. Mais dans le cabanon des Andrillat, le postulat de Pasteur est de mise : « pas de bon vinaigre sans bon vin ». Alors bien entendu, les vins que sélectionnent Patricia la sommelière et Jérôme le

biochimiste ne sont issus que de vi-ticulture propre, et de vinification saine, dans le respect de la terre. « Pas de traitement des vignes, pas de sulfitage ou le minimum, pas de chaptalisation, pas de sucre ajouté… ». Pas de triche en somme. On est là pour pour se régaler en se faisant du bien. Le message est clair. Du très bon et du nature, pur et dur. Du bio ? « On s’est dit qu’on pouvait obte-nir l’agrément bio, mais on nous de-mandait 800 euros pour 500 litres de vinaigre, on a du laisser tomber ». Pas très grave, les connaisseurs ne s’y trompent pas, et les chefs de la région s’intéressent de plus en plus à leurs flacons. A Angers, « Autour d’un Cep », « Le petit comptoir » et « Une Ile », à Loiré, « L’auberge de la diligence » et aux Rosiers sur Loire « Le Domaine de l’Oie Rouge » » les ont fait entrer dans leur cuisine, quant aux particuliers, ils ont vite fait la différence ! Si Baudelaire avait goûté aux vi-naigres de Patricia et de Jérôme, peut-être aurait-il plutôt écrit : « Homme libre, toujours, tu chériras la mère ».

Vous trouverez le vinaigre de l’Anjou à la Jardinerie Socali à St Nazaire ; Chez Anjou Terroir ; Aux Halles de la Roseraie ; à l’épicerie la Maison Blanche à Angers et sur internet. Renseignements professionnels : [email protected] ou sur vi-naigredelanjou.jimdo.com.

Le bon goût d’en parler

« Vinaigre de l’Anjou »,un gourmand à la table des grands.Par Valérie Gentil, photos François Darbé