· vi Les Cur ieux des Gascons, des joueu rs, des avares, et de bien d’a u tres encore. La...
Transcript of · vi Les Cur ieux des Gascons, des joueu rs, des avares, et de bien d’a u tres encore. La...
Tm É A P ET l T N OM B R E .
Quelquesexemplai res sur chine,Whatman , vél in
et parchemin .
( 1 7 5 1 )
Précédée d ’une étude sur les
E UX A U T H É A T R E
Par
BARON C H . DAVILLI E R
A PAR IS
C H E… AU S AU BR !,É D ÏTEUR
LIBRAIRE D E LA SOCIÉTÉ D E S B IBL IOP H ILE S FRANÇOIS
1 8 , rue Séguier , 1 8
M DCCC LXX
âLGOTH EÇA!
Oîîn v a ñ8 33
LES CU RIEUX
DANS LES PIÈ CES DE TH ÉATRE .
L n ’est peut—être pas de passion,
ou de manie,s i l ’on veut , qui
soit plus entraînante que cel lede la curiosité aussi ceux qui sont atteints
de cette i nnocente manie méritaient assu
rémen t d’avoir leu r place sur la scène . Les
médecins,les avocats , les peintres , on t
fourni le su jet d ’un grand nombre de
p ièces ; ou peut en dire autant des Anglai s,
vi Les Cur ieux
des Gascons,des joueu rs
,des avares , et de
bien d ’
au tres encore . La célèbre bibliothèqu e dramatiqu e de M . de Solein n e con
tenait des séries très— importantes dans ces
différents genres , mai s fort peu de chose
su r les cu rieux .
Au jou rd’hu i les amateu rs , au nombre
desqu els on peut comprendre les biblio
ph iles,forment u n e phalange nombreu s e
et imposante qu i va s’
augmen tan t tous les
jou rs ; au ssi ai- je pensé qu’ i l ne serait pas
sans intérêt d'essayer une étude su r le rôle
qu ’ont jou é sur la scène nos devanciers,et
même nos contemporains curieux,anti
quaires, amateurs et collectionneu rs .
I l faudrait remonter très- loin s i l'onvou lait fai re l’h i stoire de la cu riosité ; cependant son importance ne date réellement
que du dix—septième siècle les curieuxétaient déjà assez nombreux à cette époque
pour que plu sieurs ouvrages en donnas
sent la l i ste ; au siècle suivant , le'
ur nom
bre augmente encore,grâce a ux -ventes
d ans les pièces d e théâtre . vi j
avec catalogues imprimés qu e G ersa in t
inaugura d ’
une manière s i brillante . Ger
sa int aimait son négoce , qu i n’
a,disait—il
lui -même,rien qu e d
’
agréable et d’
amu
sant,
et i l est resté le modèle du genre .
Les amateu rs d ’an tiqu i tés étaient déjà en
assez grand nombre à son époque pou r
obten i r les honneu rs d e la scène,et pou r
être tournés en ridicu le par l 'au teu r de la
pièce,devenu e rare
, que j e pub li e pour le
plai si r des cu rieux,et non autres .
La comédie de l’
Antiqua ir e est bien
loin d’
étre un chef—d
’œuvre ; on ytrouvera
cependant des vers assez b ien tourn és‘
et
quelqu es scènes assez joli es mai s c ’est
su rtout comme peinture d'
un côté peu
connu des mœurs du temps qu ’elle ’ est i n
téressan te pour les amateurs d’au jour
d’
hu i
1 . La pièce de l’An tiqua ire , imprimée à Paris en 1 751 ,ia - 1 2 , éta it destinée aux collèges
,et on remarquera qu'elle
ne renferme aucun rôl e de femme . Elle est att ribuée à l ’abbéde Laporte dans la Fr ance li ttéra i re de Quérard , et dansle Ca talog ue d e la B i bliothèque d rama ti que d e M . d e So
Les Cur ieux
Pan taxès, l’an tiqua ire , et Damocles
‘
, le
marchan d d’
antieailleS,rappellen t
'
d e loin
quelques -uns des curieux tournés en ridi
cule par La Bruyère . Qu i ne se souvient
de Démocèd e,qui vous étale et vous mon
tre s es estampes , et de Diognète , qui sait
d ’une médaille le f rust , le f eloux ,et la
fleur d e coin
I ci,c’est Va lère , le fils de l’an tiquaire ,
qui demande à son père
De quelle util ité son t ces meub les antiques,
Ces vieux morceaux de fer, ces restes d e bout iques ,
Que l ’on ne peut toucher san s '
se gâter le s doigts ,Tant i l s sont pleins de crasse ?
Le jeune homme,b ien entendu
,préfère
le inne . D ’
après une ancienne note manuscrite d'un exemplaire que j e possède, elle serait de Valois d ’
0 rville. Le catalogue de M . de Soleinne donne l’Antiqua i re comme rare .
L’
exemplaire de ce cél èbre bibli0 phile contenait des correetions manuscrites de l’auteur. J ’
ai corrigé dans la réimpression quelques fautes d ’ impression de peu d 'importance i lest cependant certains vers, peu nombreux il est vrai , quej'
ai cru devoir conserver avec leurs imperfections.I l n’existe qu’une édition de l‘An tiqua i re cependant les
deux exemplaires en ma possession présentent quelquesdifférences provenant de corrections faites pendant le ti rage..
d a ns les pièces d e théâtre. ix
la danse et la musique, ma i s son père a
réponse à tout
On trouve tout cela dans l’Art des anticailles,
° C‘est l'art un iverse l que celu i des médai l le s .Tu connai s Fad iu s, ce médail l i ste expert ,Qui sai t son G oltz iu s tout comme son pater ?
Ce Fad ius , un homme seavan t, qu i
revient un peu p lus loin,pourra it b i en
n’être autre que Caylus , le célèbre anti
quai re .
Au second acte on voit sorti r Cri spin,le
valet du jeune homme , ! pour a ller s‘
ha
bi ller en va let d'
antiqua ire . Quel pouvait
b ien être le costume d ’un valet d'anti
quai re ? La pièce ne nou s l’appren d pas ,mai s Cri spin fait mieux i l revi ent d e
'
g uise'
en ma rchand d’
Antica i lles, en g ué
tres et en Perruque à Ca d enette , ayant
une Cassette pend ue d evant lui . Voi là d es
détails de mise en scène qui on t bien leur
prix .
M ai s une scène qui offre un véritable
intérêt d’actualité , c'
est celle _où le mar
b
Les Cur ieux
chand ti re de sa cassette une petite collec
tion de faux autographes on cro i rait vra i
ment voir le tr0 p célèbre Vrai n Lu cas venant oñri r sa marchandise à M . Chasles .
L’ordonnance d u médecin de Pyrrhu s
l'arrêt de l’A réopage , la lettre de Pierre de
Provence à la belleM aguelonne,n ’ont rien
,
après tou t,de plu s invrai semblable qu e les
lettres de Cléopâtre à son tr ès-a imé Ju lesCésar
,de Lazare le ressu scité à sa int Pierre
,
son très—ami Petru s de Thalès,d
’A rchi
mède , ou qu e le lai ssez passer de Vercingé
torix. Voici,pour commencer
,
l ’ordonnanceQu é cri vait pour Pyrrhus son premier médecin
Le marchand d ’
an ti qu i tés ti re ensuite de
sa cassette u n vi eux parchemin . Qu’est—ce ?
demande Pan taxès
C'est la l et tre qu ecri t la bel le Maguelo nneA P ierre de Provence
,au camp devant Crémon e .
d a ns les pièces d e théâ tre xi
Voici encore u n autre document qui
n 'est pas moins cu rieux
C'es t un acqu it d ’un roulier Tyrien ,
Qui vo ituro it l e v in d ’un marchand Rho d ien .
Puis c c’ st le b illet qu i gagna le gros lot
d ’une loterie que fit Créu se,femme d ’É
née,quand celu i—c i quitta sa patrie ; et
enfin
C’est un arrêt du Sénat de la G rèceQu’on nomme Aréopage
Et comme la crédu l ité de l’
an tiquaire est
i népu i sab le le faux marchan d d’
anti
ca i lles lu i vend encore
La lanterne qu ’avo it autrefo i s Diogène ,
Lorsqu 'i l ch erch o it un homme en la place d ’Athèn e .
Enfin vient l’anneau du roi de Lydie ,anneau qui jou e un très-grand rôle dans la
pièce
La bague qu’
autrefo i s avoit G ygès au do igt ,
Les Cur ieux
Anneau miracu leux dont la vertu sensib leFa it d i sparoître un homme et le rend invi s i b le .
J e vous la lai sserai pour d ix- hu it mi ll e francs .
La comédie qu ’on l i ra p lus loi n n ’est
pas la première p ièce d e théâtre qu’on a it
fa ite sur les curieux , ou , pour mieux dire
contre les curieux . Dans un opéra- comique représenté à Pari s le 7 juillet 1742 ,également sous le titre de l
’
Antiqua ire,
p ièce médiocre,du reste , et qui n
’a pas
été imprimée , le principal personnage por
ta it le nom de M éd a illon , entêté de mé
d ailles et d’
an tiques . M édai llon refusait
d ’
accorder la main de sa fi lle à Léandre , et
réservait sa préférence à un méd a illiste
comme lu i , appelé‘
Le Buste . Parmi les
autres personnages figurait,comme dans
la comédie un va let d'
an tiqua ir e seule
ment il portait le nom de S tras .
Passons maintenant à une petite pièce
intitulée la Boutique d u Bÿ'
outier , sa tir e
d rama tique , traduite de l'
anglai s,s i l'on
d ans les pièces d e théâtre . xi i i
en croit le titre '. C’est u ne simple p ièce à
ti roir, où l'i ntrigue fa it absolument défaut ;
on voit success ivement entr er dans la
boutique du b i joutier d es à cheteu rs qui
lui demandent différents objets , et le mar
chand se l ivre , suivant les d ivers person
nages qui se présentent , à des réflexions
plus ou moins sati riques ou ph ilosoph iqu es .A ce point de vue
,cette satire ne conti ent
rien qui mérite d’être reproduit ; je me bor
n erai à extra i re les passages qui offrent
quelque i ntérêt au point de vue de la cu
riosité
La toi le levée,on decouvre une bout1
que de bi jou tier le maître est assi s derrière
son comptoir, regardant ses
La Bu our rnn .
I l me semb le que j ’ai fa it une assez bonne j ourneeune montre d ’
or, trente—c inq gu inées . Voyons un peu
1 . Cho ix d e peti tes pi èces d u thea tre ang la i s , tra
d ui tes d es or ig inaux. Londres et Paris, 1 756, in- 1 2 .
b.
Les Cur ieux
à combien el le me reven o it. (Il par cour t ses r eg istres .)M
’
yvoic i : Ptêté à Mylady Bassette d ix-hui t guinée s sursa mont re . Fort bien e l le est morte sans la reti rer.
Un cabaret d e v ie i l le porcelaine,c inq l ivre sAcheté d ’un brocanteur c inq ch elms . Unecoqui l le curieuse
,pour faire une tabat ière , deux gui
achetée d ’un pauvre pêcheur un demi Sij e n ’
avoi s fait cette coqu i l le que six sols,
‘ personnen
'
auro it vou lu l ‘acheter . Tant mieux : grâces aux fo l ie set à l’extravagance d u genre humain
,j e croi s q u’
avecces j oujoux d ’
en fan s et ces misères dorées j e me fera ib ientôt un jol i état sur le pavé de Londres .
U n e au tre scène , où figure un petit—mai
tre,donne u n e idée d’un certai n genre de
curiosités qu e recherch a i ent quelques ama
teurs d u dix—huitième siècle
La PET1T—MA I STRE .
Faites—mo i vo ir , Mons ieur , une d e vo s plus bel lestabat ières .
LE Bu our rnn .
Monsieur,en vo ic i une de pur or , une très—be lle
boëte en vérité . En voici une autre d ’or émail lé,une
t ro is ième de vermei l,c i selée a ravir ; une qu atn eme,
d ‘une coqu ille très— curieuse , montée en or .
Ln Pnr 1r —Mxrsr nn.
Le d iab le emporte vo s coqu i l les . I l n'y en a pas une
d a ns les p ièces d e théâtre . xv
où un homme de ma sorte pui sse décemment mettrese s d oigts . J ’en veux une
,moi , qu i a it quelque j o l ie
min iature au revers du couvercle,quelque
qu i pui sse fourni r d e j o l is mots , des sai l l ies ingénieuse s ,de bonnes
Le Bu our 1nn .
Des sai l l ie s i ngénieuses et de s ob scénités ! Voi làdonc , Monsieur, deux termes synonymes ?
Le peti t—ma istr e sorti , entre un person
nage d’
un âge mû r
G énom e .
On m'
a d it , Mons ieur, que vous teniez magasin decurio s ités . Avez—vou s mai ntenant dans votr e boutiquequelque chose de j ol i
,de rare
,d e vraiment curieux ?
LE Bu ovr rna .
Oui,Mons ieur, j ’en ai un très- gran d nombre ; mai s
la plus ancienne curiosité que j ’aye dan s ma bout ique ,c‘est un peti t p lat de cu ivre sur lequel est gravé l ed iscours qu
’
A d am fit à notre mère , à leur premièreentrevue
,et la réponse de la bonne Eve . Les caractères ,
par laps de tems , sont devenus inintel l igib les ma i sc ’est justement ce qu i en fai t l e prix . Ce qu ’
i l y a d etrès- remarquab le dans ce morceau
,c’ est que le (11 8
cours d ’
Eve est tro i s fo i s plus long que celu i d e ‘
so n
xvi Les Cur i eux
mari . J ’
ai , de plus , une de ce s trompettes qu i ai dèrent àrenverser le s murs d e Jérich o ; une
“ boucle d u manteaude Samson
,enfermée dans un morceau du manteau
de Joseph ; que sai s—j e, moi ? Mille autres anti
qu ités j udaïques , que j’
ai achetées de ces honnêtesmes s ieurs au prix qu’ i ls ont vou lu . J
’ai encore le ton
sur lequel Orphée toucha sa lyre pour enchanter led iab le et pour ramener sa femme .
Domme .
On ne l'a pas cru , j 1magine, u n ton fort amusant ,car , depu i s Orphée , personne ne s’est soucié de l‘
ap
prendre .
Liz Bn our rna .
J’ai auss i , dans une petite ph io le , quelques unes d es
larmes que versa Alexandre de colère d e n’avoi r plus
de mal à causer . J 'ai une tabat iere faite du boi s d e cefameux tonneau qu
’
habito it Diogène . J’ai l e fi let presque
impercept ib le dans lequel Vulcain prit s on épouse etson galan t ; mai s no s femmes d ‘
au j ourd ’hu i sont d evenues s i prod igieusement chastes qu ’ i l n ‘y a pas eu uneseu le occasion d ’en fai re usage depu is b ien des an
nées .Domm e , part, à d eux d ames .
Avec un peu de mal ice, on supposero it ai sément
qu‘
au l i eu de chastes,i l a voulu d ire rasées.
La Bu our rnn .
I tem. La célèbre flûte de G racchu s, le célèbre orateur
xvi ii Les“ Cur i eux
petit garçon après de s j upons et des colifichets pourtoucher le
'
cœur d ’une j eune fi l l e‘
.
Et là—dessus le b i j ou tier fait l eloge desa profession
,car i l pense comme G ersai nt
que le négoce des curiosités n'
a rien que
d’
agréable et Puis i l conti
nue à se l ivrer à des réflexions ph i loso
ph iques su r son métier
I l me conduit très—souvent à des spéculat ions p lu sagréables que j e ne pu i s l’exprimer . J em’
ass ied s,quand
j e veux,derrière mon compto ir ; j e regarde ma boutique
et le s marchés qu ’ on y fait comme une représentat ionen petit d e ce qu i se passe sur l e théâtre du monde .
Lorsque j e vo i s entrer u n sot qu i va me j eter cinquanteou cent gu inées pour une m i sère qu i n ’
a'
pas pour unécu de valeur réel le
,j e sui s d ’
abord très-surpri s ; mai squand j e regarde ce monde et que j ’y vo is des terres
,
des châteaux,des contrats troqués contre des équ ipages
fastueux,de grands b ien s contre un titre
,une vie ai sée ,
l ibre,honnête à la campagne ,
contre un pompeuxesclavage à la Cour ; quand j
’y vo i s la santé troquéeavec fureur contre le s malad ies
,l e bonheur contre le
hasard du j eu,et tant d ’
autres fo l i es , mon étonnementcesse . A coup sûr
,l e monde n ’est qu ’une grande bou
t ique de b i j outerie,et tous ses habitants sont fous d e
On trouve encore quelques déta ils i nté
d a ns les pièces d e théâtre . x ix
ressau ts sur les curieux du siècle dernierdans l’
Amateur,
comédie en vers et en
u n acte,par M . Barthe, de l
’
Acad émie de s
Belles - Lettres de M arsei lle ,représentée
pou r la première fois par les Comédiens
François Ordi nai res d u Roi,le 3 mars
1 764 . Les_rôles éta ient bien distribués
celu i de Valère l’amateu r éta it jou é par
Molé ; Grandva l faisait Damon ami de
Valère ; le rôle de Constance , fi lle de Damon
,était remp l i par M l le Doligny, et
celu i de Pasquin,valet de Valère
,par
Préville,
Damon destine sa fi lle à Valère , qui ne
l’a pas vue depu is son enfance ; i l ava it
fait fai re la statue en marbre de safi lle . Or
la statue a di sparu ,et c ’est en vai n que
Constance la cherche partou t ; elle la demande à son père
, qu i lu i fa it la confi
dence d ’un tou r qu ’i l veut jouer à Va1ère
J ’
avols résolu de le taire ,Mai s i l te faut céder . Eh b ien
,tu sçauras donc
Les Cur ieux
Qu’ i l aime tous les Arts, qu’ i l es t fou de Peinture,
D’Arch itecture , de Sculpture .
CON STANCE .
Seroit-cc un de ces gens qu ’on appe l le Amateurs ?
Damon .
C’est mon intent ion
Qu i l n e te sache pas même dans la mai son.
De ses gens tu n’es po int connue,
Mai s i l te verra sans te vo i r .J e lu i fai s vendre ta statue
Pour une Ant ique . Eh b ien ! sens—tu tout le pouvo ir,
Tout l 'effet d 'une Antique ? Elle aura son suffrageEl le pas se pour G recque . Heureu sement pour nousLa mode est pour le G rec no s meub les
, n os b ij oux,Étofi
‘
e,coëfl
‘
ure , équipage ,Tout e st G rec , excepté nos âmes ; et d
'
ai l leursTa statue a trompé jusqu'à des Connoisseurs .
Con sr an ce .
Cela me re;ou it d'
avance .
Pour lu i j e serai d onc une Antique ? J e penseQu‘ i l sera b ien surpri s .
Du ron .
J e te le d i s encor, j e veux absolument
d ans les pièces d e théâtre .
Le corriger d ‘un rid icu le .
_
C ’est un enthous iaste ! Ennuyé d e Paris,
I l brûle d 'habiter l’ Italie,un pays
Où tout charme,d it—i l
,mes yeux et mes ore il le s ,
Où j e marche entouré des plus rares merve i l le s .
Il faut avo ir l ’honneur de le fixer en France .
Pasquin entre tout ému ; son maître est
amoureu x fou ! Damon veut connaître l ’ob
jet de cette passion subite
PASQU IN .
une An t ique .
Daxon .
Une Antique !PASQU IN .
Oui , Monsieur, la chose étoit comique .J ’en ri s encor ce la fai so it tab leau .
Par j e n e sai s quel homme i l se lai s se conduireChez l ’heureux possesseur de ce rare morceau .
A peine on vient d e l'in tro d u ire ,Tout à coup un objet nouveau
Le frappe, le sai s i t (ce n’e st qu ’une statue) .
Toute son ame est dans ses yeux ;I l se tait
,i l admire
,i l est rêveur
,j oyeux
,
Quest ionne, i nterrompt , et pour en juger mieuxChange vingt foi s d e point d e vue .
Les Cur ieux
Oh ! ce marchand est un n igaud,
Si d ans ce moment même el le n’est pas vendueQuatre fo is plus qu ’el le ne vaut .
Damon .
El le lu i plai t, cette statue .
PASQU IN , d un a zr impor ta nt .
Elle me plai t aussi,car el le n ’est pas mal;
Je l’estime un original .
Entre Valère, qu i ne se ti ent pas de j oie ;
i l fait part à Damon de sa récente acquis ition : une statue Grecqu e, la mervei lle dela scu lptu re
,u n e Antique ! M ai s
,lu i
d it Damon,s i vous vous trompi ez ?
VALÈRE .
Et le co in de l ‘antiqu ité !Oui , quo ique de s an s respecté,
Ce marbre même atteste une viei l lesse auguste .
Par i ntérêt pour moi , ne soyez pas inj uste ;On ne me trompe point. Le moderne ciz eau
Rend—il ce s imple,ce vra i beau
,
Ce moêlleux des contours,ces attitudes fières ?
DAMON,i ron iquement .
I l est vrai,nous vivons dans de malheureux tems .
d a ns les pièces d e théâ tre .
Pigal peut— i l être un grand homme ?Rien n’est beau s
’ i l n '
a deux mil le an s ,Et s’ i l ne vient ou d ’
Athèn e ou de Rome .G i rard on et Puget n ’
éto ien t que des en fan s .
Damon veu t savoir de qu i est ce beaumarbre et dans que len d i o it i l a été trouvé
VALÈRE .
Il est de Praxitèle,ou b ien d e Ph i d ias .
Dans un Château royal maintenant en oubl iCe marbre éto i t ensevel i ;
C ’est quelqu’un de nos Ro is,Franço is premier sans doute ,
Ce prince aimo it le s Arts .
Dax on .
Et le s femmes aussi .
Dans la scène su ivante on voit entrerp lu s ieu rs laquai s qu i
'
porten t la statu e .
Valère les renvoie pour la contempler tout
à son a i se et pou r la faire admirer au père
du modèle,u n barb are qui n
’
aime pas les
Les Cur i eux
Vous n’
avez la qu’
une poupée,
l’
A n tiquaire , reprend Damon ,
Mai s vous fa ites la cour,Je pense
,à Célian te ?
VALÈRE .
A cette j eune
Un laquai s vi ent à ce moment annoncer
la vi s ite de Célian te
Ce n ’ est pas mo i qu’e l le vient vo ir
,
C ’est mon cabinet .
Et Célian te, à qui Valère vi ent de fai re
admirer la statue de sa rivale
I l est excel lent, votre ami .De son Cab inet magnifiqueA peine ai- j e vu la moit ié .
Pour me montrer je ne sai s quel le AntiqueI l m ’en a fait sort i r . C ’est un homme noyéS ’ i l continue . Avec quelle grave importanceI l vous montre
_en détai l se s marbres
,ses tab leaux !
I l s’arrête avec complai sanceSur d es ch iffons qu ’ i l t rouve beaux .
xxvi Les Cur ieux
Pygmalion et lui donne sa fille, qu i le
corrigera de sa man ie pour les antiqu ités .
Parmi les pièces de théâtre où figu rent
des curieux,i l fau t encore citer le Conna is
seur,comédie en troi s actes et en vers ,
par u n médecin-ocul i ste,le baron de St” ’
(Lefebvre de Saint—Ild ephon t) , gendarmede la garde ordinaire du roi l . J e citera i
seu lement qu atre vers de la comédie d u
Conna isseur
Pour Monsieur d e l’Exergue , i l est savan ti ssimeLe ti tre de moderne à ses yeux est un crime ;Les s iècles , su ivant lu i , donnent la qual ité ,I l veut dans une fi l le un air d
’an tiqu ité .
Cette p i ece est imi tée du conte bien connude M armon tel qu i porte le même titre , etdont le su jet ava it déjà inspi ré deux pièces
également i ntitu lées le Conna isseur , l’une
de La Coste de Mézières,en trois actes et en
prose 2,et l ’au tre de Marsollier cette der
1 . G enève et Paris , 1 77 3 , in2 . La Haye, 1 766 , in
d a ns les p ièces d e théâ tre . xxvi i
n ière était une comédie de société que l’
au
teu r avait publ iée sous le nom d u Cheva
lier D . G . N ,in itiales qui sign ifia ient
d u g ran d nez.
En ou tre , la comédie d u baron de Sai ntIld ephon t fu t ré imprimée l
’
année qu i su ivit
son apparition,sous le \titre de M . d e F ih
tac,ou leFaux Conna isseur , comédie , etc
par l’aveugle de Ferney et on représenta
à Paris , en 1 7 99 , su r le théâtre des Trau
ba d aurs un vaudevi lle en u n acte de
M . Pain,portant le même titre , pièce très
fa ib le et qui n’
obtin t au cun su ccès .
Ces différentes pièces sont également
imi tées d u conte de Marmon tel et on yvoit figurer les mêmes personnages
, tels
que M onsieur d e l’
Ex ergu e, sa nièceAgathe
,etc .
Un e dizaine d ’
années plu s tard,Favart
fils fai sait représenter le D éménag emen t
1 . G enève,1 774 , in
xxvi ii Les Cur i eux
d'
Ar lequin ,marchan d d e tableaux , com
plimen t de clôture du théâtre I tal ien, en
prose et en vaudevilles
On trouve encore après un assez long
intervalle , et pou r finir le siècle , l’
An ti
qua-M an ie , ou le M ar iag e sous la chemiÀ
née,comédie en un acte et en prose , mêlée
de Vaudevilles,par J A . Jacquelin ,
rept é
sen tée pour la première fois , à Paris , sur
le théâtre des Jeunes Artistes rue de
Bondy,le 8 prai rial de l ’an V I I (27 ma i
Pari s,an VI I
, i n —8 . JacquesAndré Jacquelin ,
inspecteur des th éâtres ,est l
’
auteur d’une quarantaine de p ièces,
toutes oubl iées au jourd ’hui . Voici la d istri
butian des rôles
P E R S O N N A G E S . A n r 1 s r n s.
CASSANDRE , grand amateur d ’antiqu ités
G ILLE S, son vieux ami (sic), ayant le mêmegoût
COLOMB INE , fi l le d e Cas sandre !
1 . Paris, 1 783 , ia Cette pièce fut jouée pour la première fois le samedi 5 avril 1 783 .
d a ns les p ièces d e thecitrc . xxix
ARLEQU IN , amant de Co lombine .
H écar n, gouverneur de CassandreLA M i me JAD I S, caricature .
Le Théatre représente un Sa lon avec ameublemen t
antique ; a u f ond d u Théa tre, une Console d e chaquecôté, et sur cha cune d '
elles un vase antique ; d e chaquecôté
,d es bras et d es j ambes en plâtre et d e vi eux tableaux ;
à d ro i te, une chemi née d ’une a rch i tecture anci en ne
,avec
un d evant d e cheminée d ans le même g oût.
Cette arlequinade,des plus médiocres
,
mérite à peine . une analyse ; cependantquelques passages sont assez curieux
,en
ce sens qu 'ils font allusion à certains évén emen ts qui préoccupaient à Cette époque
les amateurs d ’
art. A ins i,A rlequin d i t à
Cassandre,au su jet de l ’expédition d ’É
gypte J e dois aller ce mati n chez un
savant vi s iter de nouvelles antiquités ve
nues et plu s loin
Comment ! s’écrie Cassandre vous allez
vous occuper d ’un contrat de
tandis que dans ce jour tout Pari s va voir
les ob jets de curiosité,les médailles , et sur
Les Cur i eux
tout les statues des grands hommes qu i
sont arr 1ves d Ital i e ?
CASSANDRE .
Que me d ites—vous là ? Dans que l l ieu sont ces obj etsadmi rab les ?
ARLEQU IN .
Au Muséum ,dans la gal lerie
Su it u n couplet,assez plat
,d u reste ,
dans lequ el l’au teur fa it rimer Brutus avecTi tus
,Spa r tacus avec Caylus , et mi lle
autres en us . Pu i s i l exprime dans u n
au tre cou plet ses regrets de n e pouvoi r
p lai re à Casêan d re,car i l n’a pas une figure
antique,la tête de Caracalla
Oh ! oh ! oh ! oh ! ah ! ah ! ah ! ah !Que ne sui s—je Caracal la, la ! la !
Colombine elle-même se moque d e la
passion de son père
I l est san s cesse au Muséum ,
I l e st l ’ami d e chaque art i ste ;I l me par le d ’
H ercu lanum
d a ns les p ièces d e théâtre .
Loin des antiques i l est t ri ste ;En médail les
,dont i l fait cas
,
I l d is sipe son patrimo ine,
Et veut à tous ses grand s repasUn à la Macédoine .
On voit arriver ensu ite la M ère J adis,
une vi ei lle caricatu re qui,conna i ssant la
passion de Cassandre pou r tou t ce qui est
antique,vient lu i proposer de l’épou ser ,
comme je ne sai s plus qu el le reine qu i fu ts’offri r elle—même àA lexand re pou r avoir desa race Voici ce qu ’e lle lu i chante , surl ’ai r Unef emme est un oiseau
Au premier coup d ’œ i l j e p lai s ,Et Cassandre l’An t iqu aireM’épou sera, j e l
’espère,
En regardant mes attra it s .
CASSAND RE .
Vo s offres on t de quo i me p lai re,
J ’
aime beaucoup l’An tiqu ité ,Mai s , quo ique j e so i s antiquai re,Je chéris la j eune beauté ;Et
,tenez
,dans vous
,sur mon âme
,
Je n ’aperço is aucun appas .
Les Cur i eux
L'antiqu ité dans une femme
Est la seu le qu'on n ’aime pas .
Cassandre , bien entendu , finit par don
ner Colombine à son aman t Ou i réjou is
toi,fortuné Arlequ i n !… Après ma mort
tu posséderas toutes mes médai lles !
J e trouve u n brocanteur d e tableaux
dans le Peintre f rança is à Lond r es , co
méd ie anecdotique en un acte et en prose ,mêlée de vaudevi lles
,par les Comédiens
Barré,Badet , Desfon tain es et Bourguei l,
représentée pour la première fois , sur le
Théâtre du Vaudevi lle le 27 G erm1nal
an X ( 1 7 avri l 1 80 2
Cette p ièce d u t avoir un certai n succès ,pui squ’elle fut repri se douze ans plus tard ,en 1 8 14 , corrigée et augmentée On re
trouve dans la réimpression le rôle du bro
can teur de tableaux,un homme qui a un
1 . Paris,an X, 1 80 2 , in
Paris, 1 8 14, in
Les Cur ieux
Ce passage et la l i ste des principaux
sonnages suffi ront pour donner une
de la p ièce
L'
ANTIQUAIRB (60 an s) .
Pnévxn, frère d e l’antiquaire (50 an s) .
Junrxn , enfant adopté , secrétai re de l’antiquaire(20 an s).
Baocmnmr,fabricant d 'antiqu ités (40 an s) .
FIRM IN,valet, confident de l’antiquaire an s) .
G arn xxnus, savant voyageur (60 an s).
ANNA,
fi l le‘ d e l‘antiquaire ( 1 6 ans) .
L’auteur de l’Antiqua ire , au l ieu de fa i re
une peinture vivante des amateurs de son
temp s , s’est borné à rééditer les plaisante
teries s i souvent répétées sur ceux d ’autre
fois ; i l ne suffi sait pas de dire
De Pari s au Japon , et du Japon au Cai re ,Le p lu s sot animal, morb leu , c‘est l’
antiquaire l
L’auteu r aurait mieux fait de peindre un
d a ns les pi èces d e théâtre . xxxv
type vrai ; or , qui reconnaîtra it un amateur
d ’au jourd'
hui dans ce vi eux fou qui s’en
thou siasme pour des objets tels que des
momies,la quenoui lle de la reine Berthe
,
la lance de Roland , le portrait en p ied duGrand-Mogol
,le premier orgu e inventé par
Tubal , manière d'orgue étroit s urmonté de
deux vi eux tuyaux , et autres antiqu ités
impossibles,fabriquées par le signor Bro
candini,un
‘
Italien de Rome
Le grand Brocan d in i,sub l ime brocanteur
En somme,la phalange corrompue
qu i siñi a l'
Antiqua ire était bien dans son
droit, car c'est une comédie des plus tristes ,
et parfaitement ennuyeuse d’un bout à
l ’autre .
On n ’en peut pas di re autant des Mys
tères d e l’
hôtel d es Ven tes, comédie-vaude
vi lle en trois actes, par H enri Rochefort et
A lbertWo lff, une pièce qu i a au mo in s ‘
le
xxxvj Les Cur i eux
mérite d ’être gaie et amusante . On y voit
défiler tou t le personnel qu i fréquente l’hô
tel de la rue Drouot .
Voici d ’
abord César-Mach iavel Tourne
dos,le corhmi ssai re-priseur
, qu i a embrassé
cette profession parce qu ’ i l avait un coup
de marteau pu i s u ne de ses cl ientes ,M“ ° M i liton a
,qui fa it sa vente tous les
qu inze jours,et lui a déjà donné à vendre
qu atorze mobi l i ers ; voici Adrien, l’expert
qu i écorne , pour le fa i re paraître ancien ,
unvase du J apon fabriqu é àVaugi rard ; qu i
sali t les étoffes,saUpou d re les meub les de
pou ssière . C'est encore Lé0 pold G ran d sé
cot, jeune gandin , u n amateu r d
'
occasion ,qui a horreu r des curios ités Qu and on
n ’
a pas pou r trente mille francs de b ibelotschez soi
,d it-i l les femmes vous mé
prisent alors j e su i s en tra in de me fai remonter u n e collection , pas pour moi , ma i s
pour elles .
d ans les pièces d e théâtre . xxxvii
Le s marchands vous fon t un tableauAvec du bon j us d e régl isse ;Pour fabriquer des ob j ets d ‘
art,
I l s on t plu s d ’un pet i t manëgeTant pi s s i l 'on vous prend au piégéI l s vous vendront plu s d ’un CortëgeQui sera fait par Cabochard .
Enfin c ’est Ericali , A rcachon n a is , qu is ’ improvi se crieur et contrefait le ti t”: et lesgrimaces de Jean
,ce personnage à mo itié
épi leptiqu e bien connu des habitués de
l ’
hôtel Drouot
Bureau .
Nous vous vendons d ’
abord un Raphaë l dans sa
trente-deuxième manière .
TOURNED O S .
On peut en fai re un très-beau d evant de cheminée .
Ba 1 cor. 1 .
Quarante mi l le francs,l e quarante m ille
francs !
xxxvi ii Les Curi eux
G …n sécor , sans reg ar d er le
Un franc !
TOURNED OS , vivement .
Adjugé
G …nsâcor .
J e su is vo lé !
Barcou .
Nous vous vendons maintenant cette magn ifiquepotiche . Elle arr ive d e D ix—hu it mi ll efrancs la Personne ne d it Quinze
D ix Cinq Troi s Unfranc vingt—c inq .
TOURNED O S .
Mai s,Mess ieurs , vou s ne voyez donc pas qu’e l le e st
raccommodée en c inquante—troi s morceaux ?
UN vœux MON S IEUR.
E l le est raccommodée ? J ’en donne c inquante francs .
UN AUTRE .
So ixante
UN AUTRE .
Cent !
d ans les pièces d e théâtre .
Ba 1cou .
On a annoncé c inquante—tro is morceaux , c‘est une
erreur ! i l y en a so ixante— cinq .
UNE: v0 1x .
Cinq cents franc s !
UNE aur as .
Deux mil le !Tounm no s .
Personne ne d it mot ? c'est b ien vu ? b ien entendu ?rien ? plus ri en non s i ? ou i non pas d e regret s ?vu ? Ad jugé à Mons ieur , pour deux mil le francs , unemagnifique pot iche en so ixante—c inq morceaux .
Bureau la la isse tomber ; elle se casse ; la ramassant .
Bon ! la voi là en so ixante—qu inze morceaux !… Vousavez de la chance . (Il la passe à l
’
a cquéreur .)
Terminons cette énumération en disant
quelques mots d ’une jolie pièce en un acte,
de MM . Eug. Labiche et A lph . Jolly , la
G ramma ir e, jouée en 1 867 su r le th éâtre d u
Palais—Royal Le personnage principal,
1 . Paris , 1 867 , in
x l Les Cur i eux
M . Poi trin as, président de l'
Acad ém1e d ’É
tampes , est des p lus d ivertissan ts l ce sa
vant archéologue n e rêve que poteries
vieux c lou s et autres antiqu ités gàlIo -ro
mai nes ; i l n’
a qu’
à regarder un terrain,et
i l d i t tou t de su ite Ça sent le romai n ici !i l y a d u romai n là-dessou s .
L’
acad émicien d’Étampes voit des tumu
lus partou t ; quand i l fait des foui lles , i l
déterre un fragment de cuisi nière qu’ i l
prend pou r u n bouclier scu
le bou cl ier long , vous
I l trouverait du romai n dans une a l lumettech imique
,et i l s
’
écr ie en brandissant tr iom
phalemen tu n eviei lle broch e : Voici le g la
l ’
épéed u pièce ex
trêmemen t rare . On le voit tou jou rs avec
des vaisselles ébréchées,des petits pots cas
1 . La G ramma ire a été représentée cette année aux Tuileries, le 1 8 ? mars, jour du Mardi G ras . Un petit théâtre aveccoulisses
,rampe
, souffleur , etc. , ava it été improvisé dans lasalle à manger . Le rôle de M . Poi trinas était rempli par lePrince Impérial , qui s'en est, dit—on , acquitté à merveille, etqu i a été couvert d
'
applaud issements lorsqu‘ il est entré en
scène, cha rgé de débris de vieilles pote ries.
NTIQUA IRE
C O M E D I E
C OME
TR O I S
A LONDRE S .
M . DC G . L I .
D IE
A C TE S .
A V E R T I S S E M E N T .
d’
ex écuter cette i d ée ; ma is comment aura it-on
pû l’
y eng ag er , pu isqu’il ne voulaitpasmême con
sentir à ce qu’on d onnâ t sa Comed ie a u Public ,
et que c’est à son insçu qu
’on l
'
impr ime d uj our
d ’hu i ? E lle fut r eprésentée l’année d ern ier e à
Pa r is d ans un d es Colleg es d e l’Un iversi té le
succès qu’elle y eut nous fi t souha i ter d
’en avo ir
une copie , et nous esp é rons que l’Auteur nous
pa r d onnera ce petit la rcin d ont le Public nous
sçaura bon g ré .
PROLOG UE .
Un homme extrême en ses capr i ces
Est sourd aux cris d e la raison
Et n e vo it pas les préc ipices
Où le con d u i t sa pass io n .
L’
un s’appauvrit par ses largesses
Et d on n e sans d iscernemen t ;Un au tre av id e d e r ichessesMeurt afi’
amé su r son argen t .
P R O L O G U E .
Le fo u rb e , par ce n t art ifi ces ,Ve u t se cache r auxyeux d ’
aut ru i ;Mais i l a b eau fa i re
,ses v i ces
Le fo nt co n naît re malg ré lu i .
Vo i là,Messieu rs
,ce d o n t la scène
A cen t fo i s tracé le tab leau ;Au jou rd ’hu i la fo ib lesse humaineNo us présente u n po r t ra i t no u veau .
C ’est u n faux Sçavan t qu i m
’exhorte
A su i vre en tou t l ’antiqu i té
Et qu i , jusqu ’en l ’hab i t qu ’i l po rte ,
Veu t évi ter la no uveau té .
Un L ivre u n vieux meub le un e an tique
Exci te son attent ion
r n o c op u z .
Tand is que d an s so n Domes t ique
Il laisse tou t à l 'aband o n .
vo us parle avec co n na issance
Du v ie i Empi re Assyrien ;Mai s d emand és lu i il la Fran ceEst Mo na rch ique i l n ’
en scalt rien .
Quo ique mo i ns in st ru it qu’auc u n h o mm e
De ce qu’o n fa i t d ans sa mai so n
I l sçai t c epe nd an t ce qu ’à RomeLe b l e d Se vend ait so us Ne ron .
Il veu t sçavo ir ce que l’H isto ire
D i t d e s Calen d e s d ’au t refo i s ,
P R O L O G U E .
Le fo u rb e , par c en t artifi ces ,Ve u t se cache r auxyeux d ’
au t ru i ;Mais ila b eau fai re
,ses v i ces
Le fo nt co n naît re malgré lu i .
Vo i là,Mess ieu rs
,ce d o n t la scène
A cen t fo is tracé le tab l eau ;Au jo u rd ’hu i la fo ib lesse humaineNo u s présente u n po r t rai t nou veau .
C ’est u n faux Sçavan t qu i m
’exhorte
A su i vre en tou t l ’antiqu i téEt qu i , j usqu ’
e n l ’hab i t qu ’i l po rte ,
Veu t évi ter la no uveau té .
v
U n L ivre u n v ieux meub le un e an tiqueExci te son atten tio n
r a o c o_o u z .
Tan d is que d ans so n Domest ique
I l laisse tou t à l ’aband o n .
I l vous pa r le avec co nna issance
Du v ie i Empi re Assyrien ;Mai s d emand és lu i fi la Fran ceEst Mo nar chique il n ’
en scalt rien .
Quo ique mo i ns i nst ru i t qu’auc u n homm e
De ce q u’o n fait d ans sa ma iso n
I l sçai t cepend ant ce qu ’à RomeLe b led Se ven d oit so us Ne ron .
I l ve u t sçavo i r ce qu e l’H isto ire
D i t d e s Calend es d ’au t refo is
,
P R O L O G U E .
Tand is qu’i l se fait une glo ire
D’ign orer jusqu’au jour d u mo is .
On le verro it d e la lumiere
Mécon n oi tre l'u ti l itéSi l
'
astre bri l lan t qu i l’éclaireN’eû t éclairé l’an tiqu ité .
Voilà tou jours sans la pru d en ce ,
Où la science n ous co nd u i t ;On s
'
applau d it d’une ignorance
Qu’un fo! en tê temen t prod u it .
Et l’on n’amet rien pour conna itre
Ce qu i n’est—pou r n ous d
’aucu n fru i t ;
P E R S ONN A G E S .
PANTAXÈS, ANT IQUAI RE.
VALERE, F i ls de Pantaxè5.
POLÉMARQUE , Capitaine d 'Infan terie.
DAMOCLÈS, Marchand d ’
antica illes.
CRISPIN , Valet de Valere.
LA FLECHE,Valet de Pantaxès .
La Scène est d ans un d es appa rtemens d e Pa ntaxès
L’
ANTIQUA IRE
COM E D IE .
ACTE PREMIER .
S CEN E P R EM I ER E .
PANTAX È S ,VALERÊ .
PANTAX ÈS
u t ’
obstin es tou j ours à me d ésobe 1r ,Fil s ingrat dont j amai s j e ne pourrai j ou 1rSans le moindre respect pour les avi s d ’un père
,
Tou j ours tu te feras un j eu de me déplai re
VALERE .
De grace, épargnés moi ces reproches amers ,Mon père , vos avi s me seront touj ours chers ;
1 2
Touj ours obéi s sant, respectueux , doci le ,V as ordres n ‘
auront ri en pour mo i de d iffic i le,
Vous me verrés soumis à tou s vos sentimen s ,
S'i l n ’entre r i en d ’in juste en vos comman d emens .
PANTAX ÈS
J e veux te rendre heureux le reste d e ta vie,
Que trouves—tu d ’in juste en cela, j e te prie ?
VALERE .
C'est êtr e heureux , vraiment, que de se vo ir forcéD
’entrer dans un état qu'on n ’eut pas embrassé ,
Tandis qu’
in terposan t l'autorité de pere
,
On s'oppose à celu i qu i seu l pourra i t me p lai re .
PANTAXÈS .
Je veux , ains i qu e moi , dans le mon d e sçavant,
Parmi l es gens d‘e sprit te vo ir ten ir un ran g,En su ivant u n état où tu sçais que mo i—mêmeJe passe mes v ieu x j ours dans un plai s i r extrême ,Qui j o int tant d ’
avantage à tant d e d ignitéQue j ’en ai que lquefoi s un peu de vanité .
VALERE .
De que l le d ignité son t ces meubles antiqu es ,
c ommu n . 1 3
Ces vieux morceaux d e fer,ces reste s de bout iques
,
Que l‘on ne peut toucher sans se gâter le s do igts ,Tant i l s sont p le ins d e cras se , et tout ce q ue j e vo i sChez vou s de vieux jettons , d ite s—moi , j e vou s prie .De quel le uti l ité tout cela dans la vie
PANTAXÈS.
Que tu te conna i s mal en meub les‘
précieux !Oui
,tous ces médai l lons
,ces mon umen s poudreux
,
Qui para i ssent s i vi l s aux yeux de l ’ ignorance,
Renferment d es trésors d ’e sprit et d e sc ience .
VALERE .
Qua i,ce fer à cheval qu ’
h ier on vou s venditRenferme des trésors de sc ience et d ’espri tC ’e st un fer tou t u sé, ple in de rou i l le et d e crasse ,Qu'un gu eux ne voudra it pas mettre dans sa besace .
J e n’en donnera i s pas un den ier.
r amaxÈs.
L‘
animalUn denier pour l e fer du p lus fameux ChevalDont le nom ait jamai s ex isté dans l’hi sto ire ,De Bucéphale enfin
, d’etei n elle mémoire ;
Mais y penses—tu b ien ?
L’A N T I Q U A I R B ,
VALERE .
J ’y pense,assurément
,
Et j e ne penserai jamai s d ifi‘
eremmen t.
PANTAX ÈS
O le fou ! Mai s sçais—tu
,car i l faut tout t ’
appren d re ,
Dis—moi , sçais- t u le tems où viva it Alexandre ?
VALERE.
PANTAXÈS
Tu sçai s b ien auss i qu 11 monta i t un ChevalQu i dans l e monde entier n ’eut jamai s son égal.O r
,ce fer tout u sé qu i b le sse ic i ta vue
,
Que tu ne voudra i s pas ramasser dans la rue ,Et dont i l me para i t q u'on fait s i peu de cas
,
Par la seu le rai son qu ’on ne le conna i t pas ,Ce fer, de ce Cheval fut jad i s la ferrure .
VALERE .
Eh b ien,que s'en su it— i !
PANTAX ÈS
0 la cerve l le d ure
c o n n a ra 1 5
Le fer d e Bucephale , eh bien euh ! l'ig no ran t,Qui confond une pierre avec un d iamant .Vas
, vas , j e te mettra i chez un hab il e mai tre
Qu i dans fort peu de tems te fera mieux conna itreLes secret s d e la riche et nob le antiquité .
VALERE .
J e n ’a i po int pour ce la de curios ité ;
I l est d ’
autres secrets qu i pressent davantageEt qu ’ i l n'est pas permi s d
’ ignorer à mon âgeLa danse et la musique ont pour moi p lus d ’
attraits
Le reste , s’ i l le faut,pourra ven ir après .
PANTAX ÈS
On trouve tout cela dans l’Art des An ticailles ,C 'e st l’art °
u n iversel que celu i de s médai l les .Tu conna i s Fad iu s , ce Médai l l i ste expert ,Qui spai t son G onr zws tout comme son pate r ?
C'est près d e lu i que j ’ai réso lu de te mettre .
On e st b ien- tôt sçavan t sou s un hab ile mai tre .
VALERE .
J e vou s sui s ob ligé de s so ins que vous pren és ,Mai s j e sens pour l ’état où vous me dest inésUn dégoût trop marqué .
L A N T I Q U A TR E ,
PANTAXÈ&
Le commencementMai s Padins spaura t
'en adoucir la peine .
C ’est un homme sçavant
VALERE .
Sçavant tant qu’ i l vaudra.
Jamai s j e ne pourrai consentir à ce la.
J e me sen s en trai né vers l'état m i l itai reDe grace à mes dés irs cessés d ’être contraire,Et pu isque Po lémarque a reçu l'agrémentDe qu itter le service avec l e Régiment ,Et qu ’ i l d o i t auj ourd 'hu i vendre sa Compagnie
,
Achetés la pour mo i,mon pere, j e vou s prie ;
L’occasion est bel le,et s i - vou s la
PANTAXÈS .
Obe1s,mes dés i rs t e sont assez marqués ;
Je ne veux pas qu'un fi ls me rai sonne et s’
obstine
A refuser l’état auque l j e l e d est ine .
O r,j e veux et j ’ordanne
,en vertu d e mes d ro its
,
Sans p lus me ré p l iquer,que tu suives mes lo ix
J e sui s las,à la fin , de tant d e rés istance ;
Moins de raison n emen s et plu s d ’abéissmce .
1 8 1.’e 1 0 u xm n ,
SCEN E I I .
VALERE , seul.
NON , j e ne conçoi s pas de, plus affreux martyreQue le genre de vie où l’on veut me rédu ire
,
Et j e “ sens par avance à quel dest in cruelMe condamne auj ourd 'hu i cet ordre paterne lMai s s i , pour éviter un dest in s i contrai re ,J e brave ouvertement les ordres d e mon pere
,
I l est homme sans doute à m’
ôter tout son b ien,
Et par— l à mon pro j et se vo it réduit à r ien .
Cependant s i Crispin , la bourse b ien remp l ie ,Peut me mettre en état d ’
avoi r la Compagnie,
J e l’achette,et d’
abord j e jo ins le Régiment .Ce Va let ne vient po int , et son retardementMe fait craindre que… Mai s j e vo is veni r mon homme .
Eh b ien ! reviens— tu riche ? apportes—tu la somme ?
SCE N E I I I .
VA LERE, CR I SP I N .
CRISP IN.
Je m ’en reviens,Monsieur
,comme éta i s al lé,
Excepte que j e su 1s un peu p lus essouflîé ;
C O M E D I E .
J e n ‘
ai reçu partout que de s refus honnêtes ,Et l'on a mis néant au bas de mes requêtes .
J ’ai couru de la Vi l le et l'un et l'autre bout
,
Et j e n ’ai rencontré que misere par-tout .
J’ai prié, j
’
a i pressé , toute chose inuti le,L'argent s'est envo lé cette nu it d e la vi l le ,I l n ’en reste parbleu pas ce la .
VALERE .
Tu n’
as pas
L'
argent dont j’
ai beso in pour sort i r d ’embarras
CRISPIN .
J e ne rappo rte pas seulement deux obolesOn ne donne par- tout que de bel les paroles .
VALERE .
Ne leur as—tu pas d it que mon
CRISPIN .
du b ien .
VALERE .
Que j e su i s fi ls un ique .
CRISPIN .
Oui,qu ’ il s ne ri squent r ien .
! 9
L'A N T I Q U A I R E ,
VALERE .
Et que répondent—il s à cela ?
CRISPIN .
Des somettes
Que l'on ne peut contraindre à rembourser les d ettesQu ’à l’ in sçu de son pere u n fi ls a contracté .
VALERE .
Mai s j e leur donnerai pou r p le i ne suretéUn b i l let d e ma main , en faut—il davantage
CRISPIN .
Mai s i ls d i sent enco r que vous n‘
avez pas l ’âge ,Et que votre b il let ne servira it d e r ien .
VALERE .
J e donne vingt pour cent d'i ntérêt .
CRISPIN .
J'
entens b ien ,J e d isa i s tout ce la .
VALERE .
La rente est bien honnête .
C O M E D I E .
CRISPIN.
C ’est ce que j e ne pui s leur fourer dans la tête ;I ls vous d i sent touj ours Nous n ’
avons point d '
argent,
D ’un ton pol i d 'ai l leurs,d ’un air fo rt obl igeant.
VALERE.
Tu peux du moins
CRISPIN .
Pas un denier, qu
’
éd iable !
Ne me croyez—vou s pas ?
VALERE .
Ah voi là qu i m'
accable !
J e ne doi s pourtan t pas me chagriner s i fortSi tu veux seulement fai re en core un effo rt ,Ton esprit pénétrant et fert i le en ressourcesTrouvera l e moyen de m
'
ouvrir que lques bourses .
CRI SPIN .
Vraiment, de le s ouvrir ce n’est pas l’embarras ,
Mai s d ’en t irer l ’argent,d ’en avoi r le s ducats
,
C'est le d iab le , Mons ieur, et mal gré cette adresseQue vous me prod igués avec tant de largesse ,
L’A N T 1 Q U A 1 R E ,
VALERE .
Et que répondent—i l s à cela ?
CRISPIN .
Des somettes
Que l'on ne peut contraindre à rembourser les d ette sQu ’à l’ in sçu de son pere u n fi ls a contracté .
VALERE .
Mai s j e leur donnerai pour p leine suretéUn b i l let de ma main , en faut—i l davantage
CRISPIN .
Mai s i ls d isent encor que vous n'
avez pas l ’âge ,Et que votre b i l let ne servira it d e r ien .
VALERE .
Je donne vingt pour cent d’intérêt .
CRISP IN .
J ’
entens b ien ,Je d isai s tout cela .
VALERE .
La rente est bien honnête .
C O M E D I E . 3 l
CRISPIN .
C ’est ce que je ne pui s leur fourer dans la tête ;I l s vou s d isent touj ours :‘ Nous n’
avons point d 'argent,
D ’un ton po l i d ’ai l leurs
,d ’un air fort obl igeant .
VALERE.
Tu peux du moins
CRISPIN .
Pas un denier, qu
'
éd iable !
Ne me croyez—vou s pas ?
VALERE .
Ah voi là qu i m’
accable !
J e ne doi s pourtan t pas me chagriner s i fo rt ;Si tu veux seu lement fai re en core un effort ,Ton esprit pénétrant et . fert i le en ressourcesTrouvera le moyen de m’
ouvri r quelques bourses .
CRISPIN .
Vraiment, de le s ouvrir ce n ’est pas l’embarras ,
Mai s d ’en tirer l 'argent,d 'en avo ir le s ducats
,
C ’e st le d iab le,Monsieur , et malgré cette adresse
Que vous me prod igués avec tant de largesse,
L’A N T I Q U A I R l—Z ,
Malgré tou s les talen s dont le Cie l m’
a pourvû ,
J e n’en tirera i s pas seu lement un écu .
‘
VALERE .
Quoi,ces premiers refus te font perd re courage
Ignores- tu,Cri sp in
,qu ’ i l est d ’un homme sage
De ne point se lai sser abattre au premier choc ?Oui
,quand tu trouvera i s d es cœurs plus durs qu’un roc ,
I l faut les amoll ir . Cherche donc en to i-mêmeQuelque autre expéd ient dans
'mon beso in extrême .
CRISPIN .
Eh b ien penson s y donc . J e m ecarte un momentUn esprit ret iré pense plu s sainement .Elo ign ez
- vou s de mo i,pass ions nébuleu ses
Qu i répan d és sur nous vo s vapeurs ténébreusesQue la seule rai son gouverne mon esprit .
(Il rêve .)
Il me faudra changer et de nom etEt du nouveau venu j
’appren d rai le
Pui s , fa isant un amas de meub les d edéj à l’affaire e st en bon train
,
Notre homme en a dans Vive,vive Cri sp in !
(A Va lere .)
Oh ! pour le coup , Mons ieur, nous tenon s le bon homme ,
L A N T I Q U A I R B ,
Malgré tou s les talen s dont le Cie l m'
a pourvû ,
J e n’en t irera i s pas seu lement un écu .
‘
VALERE .
Quoi,ces premiers refus te font perd re courage
Ignores—tu,Cri sp in
,qu ’ i l est d ’un homme sage
De ne po int se lai sser abattre au premier choc ?Oui
,quand tu trouvera i s d es cœurs p lus durs qu’un roc ,
I l faut les amoll ir . Cherche donc en to i-mêmeQuelque autre expéd ient dans in on beso in extrême .
CRISPIN.
Eh b ien penson s y donc . J e m ecarte un momentUn esprit ret iré pense plus sainement .Elo ign ez
— vaus de moi,pass ions nébuleu ses
Qu i répan d és sur nous vo s vapeurs ténébreusesQue la seule rai son gouverne mon espri t .
(Il rêve . )
Il me faud ra changer et de nom etEt du nouveau venu j
’appren d rai le
Pui s , fa isant un amas de meub les d edéjà l ’affai re e st en bon trai n
,
Notre homme en a d ans Vive,vive Cri sp in !
(A Va ler e .)
Oh ! pour le coup , Mons ieur, nous tenon s le bon homme ,
c o u ran t e . 2 3
Pas plus tard que ce so i r nous aurons notre somme .
J e vou s promets d '
avance un succès très—certa inNotre homme en a dans Allons
,vive Crisp in !
Nous aurons cet argent d e Monsieurvotre pere .
VALERE .
Te riwcques-tu
CRISPIN .
Non pas , voic i toute l'
affai reVous sçavez b ien , reten és b ien cec1
Mai s pour un tel d iscours sommes- nous b ien ic i ?
Car j e sera i s fâché que l ’on vi n t nous surprendre .
VALERE .
Non,non
,d i s seu lement
,on ne peut nous entendre .
CRI SP IN .
I l est venu depui s quatre j ours envi ronUn certain. Ah ! mon Dieu , j e n e sçai s plus son nomC'est un de ce s marchands de Livres , de médai l les ,De Tal i smans ; enfin
,un vendeur d '
an ticailles
I l ai dez—moi,son nom finit en
Le vo i là,c’ est lu i
,c’e st Damoclès .
L’AN T 1 Q U A 1 R B .
VALERE .
Eh b ien, qu
’à tout cela d e commun , j e te prie ,Avec l ‘argent qu ’ i l faut pour notre Compagn ie ?
CRISPIN .
Donnés—vou s pat ience , écoutés seu lement,Et vou s serez i nstru it d e tout dans un moment .O r
,j e vou s d ira i donc que Monsieur votre p ere ,
Qui fait,pour nos péchés , l e mét ier d ’
An tiquaire ,
L‘
a fait pr ier tantôt de ven ir auj ourd ’hu iLu i montrer ce qu ‘ i l a de plus rare ch és lu i .S’ i l va it quelque morceau , quelques r iches médai l lesQui ne se trouvent pas parmi ses an ticailles ,I l veut les Le voic i j u stement ;Ret irés—vous
,Mons ieur, sortés pour un moment .
VALERE .
Pourquo i veux
CRI SPIN, en le prenant par le bras.
Sortés.
VALERE .
Mai s que veux— tu donc faire ?Ma présence pourra it être ici nécessai re .
C O M E D I E . 25
CRISPIN , en le poussa nt j usqu a la por te .
Si vou s étiés présent , vou s pourriez tout gâter ;I l ne faut pas qu
’on pu is se ic i nou s écouter
CRISP IN, seul, ava nt que Damoclés paraisse.
J e sui s embarrassé plus que j e ne pui s d ire,
Car i l faut l ’écoute r quelque tems pour m’
in stru ire ;
Si pendant ce tems là Pan taxès nous surprend,
Adieu mon beau proj et , ad ieu tout mon argent .N ’importe , i l faut l ’entendre au moins quelques m inutes ,Et sur ce qu ’ i l d ira j
’
aju sterai mes fiutes,
Pui s,lorsque j e sçaura i ce qu’ i l me faut sçavo ir,
J e lu i présenterai proprement le bon so i r .
S CEN E I V .
CR I SPIN ,DAMOCLÈ S .
DAMOCLÈS.
SALUT au plus parfait serviteur de notre âge .
CRISPIN .
Honneur à Damoclès, très—sçavan t personnage .
L’A N T I Q U A I R B,
DAMOCLÈS.
Le spavent Pan taxès, qu i m’a fa it appeler,
Est— il à la mai son et peut—ou lu i parler ?
CRISP IN .
Le Seigneur Pan taxès ne fa it que d e descendre ;I l n’
aura i t pas manqué, Monsieur, de vou s attendre ,S' i l ava it pû prévo ir que vou s vinssiez s itô t .
DAMOCLÈS .
Le mal n'est pas b ien grand , j e reviendrai tantôt .J e vai s
,en attendant , vo i r un autre Ant iquaire
Avec—
lequel j e do is terminer une affaire .I l s‘
agit entre nou s d ’un certai n médai l lonQu' i l prétend être avant le s iege d ’
i l ian,
Tand is que j e su is sûr qu’ i l est du bas Empire .
CRISPIN .
I l a to rt d e vou lo ir ains i vou s contred ire .
DAMOCLÈS.
Vous vous y conna i ssez ?
C O M E D I E . 27
CRISPIN .
Non , mai s l 'on voi t d ’
abord
Que quand l ’un a rai son , i l faut que l ’autre a it to rt .
DAMOCLÈS
Ici tout fai t pour moi leType , la Legende ,
CRISP IN .
0 Dieu ! quel s mots ! j e veux bien qu ’on me pendeSi j e
DAMOCLES
Et le com C’est par l e co in surtou tQue j e veux auj ourd ’hu i pou sser mon homme à bout .I l prétend d e Priam y remarquer la bouche ,Tand is que de Neron et le s traits e t l’ œ i l l oucheS ’y trouvent exprimés s i man ifestementQu’on les reconna îtra i t au toucher seulement .
Mai s son entêtement va j usqu ’à la fol ie ,I l veut y vo ir Priam
,Priam est sa manie .
CRISPIN .
Pantaxès aura b ien d u regret de sçavoir
Que vous soyés venu sans qu’ i l ait pû vous voi r,
L’A N T I Q U A I R E ,
Vous dont on vante tant la sc ience profonde,Et qu i d e votre nom remplissés tout le mon d e .
DAMOCLÈS .
Hélas j e ne sui s pas d igne d e tant d’honneur ;
Mai s d ’où conna i ssez- vous votre humb le serviteur ?
CRISP IN .
D ’où j e vou s conna i s , moi ? que‘ la d eman de est bonne !
Eh ! dans toute la Vi l le est—il une personneQui ne par le d e vou s ?
DAMOCLÈS.
J ’en sui s surpri s vraiment ,Etant ic i d epu i s quatre j ours seu lement .
CRISPIN .
I l en est d es SçavanS de votre caractereAinsi que des Héros dont la vertu guerr iereNe peut
,d it—ou , l ong—tems se dérober aux yeux .
DAMOCLÈS.
C ’est ce que nous l i sons d ’
Ach ille en d ivers l i euxI l s ’éta it dégui sé sou s des hab it s de femme ;
L’A N T I Q U A I R B ,
J e me fai s auj ourd ’hui d’autres amu semen‘
s
La noble antiqu ité , ses r iches monumen s ,Vo i la ce qu i m'occupe , et , pour m
'y rendre habi le,
Depui s p lus d e d ix an s j e cours de Vi l le en Vi l leJ ’aypenetré partou t et j
’ayvû de mes yeux
Tout ce que l’
Un ivers a de plu s curieux .
De l’Egypte j’
ai vû les sepu lch re s ant iques,
Les Cirques de la G rece et l es j eux O lympiques ;J ’
ayvû
CRISPIN .
Je vou s ret ien s trop long— tems en ces l ieux,
Aux Sçavan s comme vou s le temps est précieux .
DAMOCLÈS .
Rien ne presse , et j e su i s en bonne Compagnie .
J ’
ayvû , di s— j e, j‘
ayvû tout ce que l’
Italie
A de p lus curieux en fai t d ’An tiqu ité .
En Espagne , j’
ay
CRISP IN , part .
J e cro i s en vér ité
Qu’une rage sub ite est entrée en son ame ;
I l ne déparl e pas , c‘est p ire qu’une femme .
Si le Monde est b ien grand , prépare- to i , Cri sp in,A l ’ entendre parler j usqu ’à demain matin .
c e n s u re . 3 1
DAMOCLESP lait- i l?
CRISPIN .
‘J e d is , Monsieu r, que cet autre Antiquai reAvec qu i vous d evés terminer une affai re
S’impatien tera.
DAMOCLES .
J ’ i rai d emai n chez lu i ,Si j e n ’
ai pas l e temps de le vo i r auj ourd’hu i .
J’ai vû le s Cab inets le s plus rare s d e France,Où j ’examin o i s tout avecqu e d ili gence ,Et ce que je croya i s d e que lque uti l itéEt qu i me para i ssa i t d igne d ’e stre emporté
,
J e le metta i s à part et j ‘en fai sa i s emp lette,
Et c ’est ce que j e porte i ci dan s ma Cas sette .
CRI SP IN .
J ’aurai so in d e le d ire à Pan taxès c e soir .
DAMOCLES .
Vous me ferés p lais ir ; quan d pourrai-j e le vo ir ?
CR ISP IN .
Non , non , restés chez vou s, i l ira b ien lui même .
Quand
eut s’en m œ i a ä h cfl ü.
d e quammraüs u …Mais te wäw
‘
pæù iäm p
SCENE VI.
PANTAX S , CRISPIN.
TAXÈS. … mW fl _ _
n othen , au bh je œ n‘
y… n ;
ce ne fut I‘ l - o‘
. u
n entan
(n ya…
UA N T I Q U A I R B ,
DAMOCLES .
Ce me sera i t un déplai s ir extrême
Qu 11 s‘en donnât la peine .
CRISP IN,lepoussant touj ours vers la porte.
Eh non ! vous d is—je , non ;I l sçait t rop le respect qu 1 ! do it à vôtre nom.
SCEN E V .
CRISPIN , seul.
1 1. e st enfin part i ; grace à Dieu , j ’en suis qu itteI l esto it temps, parb leu
‘
! qu’ i l fini t sa v is ite,
Car Pan taxès n’est pas b ien élo igné d’ ic i ;
Mai s la chose est al lée à souhait, Dieu merc i !I l m ’ en a d it asSés pour m’
appren d re un langageDont pour n otre des sein nous devons fai re usage,Et d ’
a i l leu rs avecmo i personne ne l'a vû ;I l fal la it tout ce la
,sans quo i j
’
esto is perdu .
Formé par ses leçons , i n stru it à son éco le ,D ’un sçavan t maintenant j e pui s j ou
'
er le ro le ,Car ce po int entre encor dans mes arrangemen s .
C O M E D I E .
Allons,j e su is content de ces commencemen s .
Cri sp in,courage ; i l faut , par un coup de soup lesse ,
Montrer à l ’univers j u squ ‘où va ton adresse ,Et , par ce dern ier trait qu i manque à ton tableau ,Qu ’ i l croye en te voyant vo i r un Scapin nouveau .
Vo ic i, pour réuss ir, comment j e d o i s m’y prendre
J e fiatterai l e Pere en lu i fai sant entendreQue j
’ai quelque pouvo ir sur l 'espr it d e son Fi l s
Et qu ’ i l m’
écoute assés pour su ivre mes avi s ;Que s'i l veut s’en remettre à mo i de cette affai re ,En moins de quatr e j ours j 'en fai s un Antiquai re ,
Mai s le voic i qu i porte ic i ses pas .
SCE N E V I .
PANTAX È S,CR I S P I N .
PANTAXÈS, tenant une Med a ille qu’
i l
a ttentivemen t.
C‘E ST un Othon , ou b ien j e ne m’y conna i s pas ;La Legende le prouve , et qu iconque le n ieDoit estre regardé comme un peti t genie .
Jamai s ce ne fut la le nez de Constantin ,Ni le menton d 'Auguste
(Il va d onner d e la tête con tre Cr ispin
3 3
L’A N T I Q U A I R B .
o O'
Ah ! te v0 1la, Cn spm,
Tu me paro i s rêveur contre ton ord inai re .Que- fai s tu là
,d i s—moi ; n
’as—tu pas vû Valere ?
CRISPIN .
Valere i l est , j e cro i s, à la mai son , au b ienI l
PANTAXÈS
Il es t ? d i s donc .
CRISPIN .
I l j e n 'en sçais r ien .
V ou d 1 1es-vou s,Monsieur
,lu i d ire quelque chose ?
On ira l e chercher.
PANTAXÈS
C‘est que j e me proposeDe lu i fai re embrasser l’état que j e su ivi s
,
Et j e l e vo i s tou j ours contraire à mes avi s .
CRISPIN .
C’est fort mal fai t à lu i ; n’
êtes—vous pas l e mai tre ?
Commandés,c'est à lu i
,Monsieur
,à se soumettre .
S i j ’ava i s un enfant qui voulut rai sonner ,Ah ! vertub leu ! comment j e sçauro is le mener .Que d it—il pour rai son ?
L’A N T 1 0 U A 1 R E ,
i r déch iffrer sur un morceau d ’
airain
forme esto it le nez d e Constant in.
PANTAXÈS .
mai sCRISP IN.
Non , non , c e n’est que pur caprice
,
ord re s,Monsieur
,i l fau t qu’ i l obeisse ;
son fi l s s e verra i t traversé,
e coup,le monde renversé ;
s le fond qu ’ i l sera fort à plaindrevie où l ‘on veut l e contrai nd re,Mons ieur, vot re fi l s n’e st po int fait
terrer tout vif au fond d ’un Cab inet,
l ler chercher autour d ’une Medai l l e
ou se d onna te l le ou tel l e Batai l le .
PANTAXÈS .
CRISPIN .
Et pourquo i vous tan t embarrasser ?
ce cho ix vou s p l
qu’ i l met entu peux
C O M E D I E .
Fai s- lu i d e nôtre état sentir le s agrémen s ,Tes d iscours feront p lus que mes command emenç
CRISPIN .
J e ne refuse pas de vous rendre service ,Et j e ne doute pas que j e n
‘y réuss i s se,
Mai s i lPANTAX ÈS .
Parle,i l
CR I SPIN .
Ne lu i rien épargn erDe tout ce qu i pourra servi r à l e gagner .
I l faut un cab inet enrich i d e M édai l le sEt ce qu ’on trouvera de riche s an ticailles .
PANTAXÈS
Eh ! pour le contenter j e n ’épargnerai rien ,Et quand au cab ine t , j e lu i cede le m ien .
De plus,j e fai s venir un certain Antiquai re
Qu’
o
CRISPIN .
moclès , homme extraord inaii
L’A N T 1 Q U A 1 E E ,
Et pouvmr déch iffrer sur un morceau d’
airain
De quelle forme esto it le nez de Constant in.
PANTAX ÈS
Encor, mai sCRISPIN.
Non , non , ce n’est que pur capric e
,
A vos ordres, Monsieur, i l faut qu’ i l obeisse ;
Un pere par son fi l s se verra it traversé,
Ce sera it , pour l e coup, l e monde renversé ;On sçai t b ien dans le fond qu
’ i l sera fort à plain dreDans le genre de vie où l
'
on veut le contrai ndre,Et q u'entre nou s
,Monsieur, votre fi l s n’est po int fai t
Pour s'enterrer tout vif—
au fond d ’un Cabinet,
Ni pour al ler chercher autour d ’une Medai l leLe temps ou se donna tel le ou tel le Batai l le .
PANTAXÈS
Quoi ,CRISPIN .
Et pourquo i vou s tant embarrasœr ?
Pu isque ce cho ix vou s p lai t, i l faudra l'y forcer .
PANTAXÈS
J e vo is qu‘
i l met en to i toute sa confiance ;I l t’
écoute,tu peux vaincre sa rés i stan ce ;
C O M E D I E .
Fai s—lu i d e nôtre état sentir le s agrémen s ,Tes d iscours feront p lus que mes command emen s .
CRISPIN .
J e ne refuse pas de vous rendre service ,Et j e ne doute pas que j e n
’y réussi sse,
Mai s i lPANTAX ÈS
Parle,i l
CR ISPIN .
Ne lu i r ien épargnerDe tout ce qu i pourra servi r à l e gagner .
I l faut un cab inet enrich i d e Médai l le sEt ce qu ’ on trouvera d e riches an ticailles .
PANTAXÈS
Eh ! pour le contenter j e n epargn erai rien ,Et quand au cab inet , j e lu i cede le m ien .
De plus,j e fai s veni r un certa in Antiquai re
Qu ’on
CRISP IN .
Qui ? Damoclès , homme extraord inaireQu i
3 8 L’A N T 1 Q U A 1 R E ,
PANTAXÈS
Tu le conna i s ?
CRISPIN .
J e ne l’ai jamai s vû ,Mai s i l passe par tout pour homme entenduEt qu i conna i t , d it—ou , le fin d ela sc ience .
PANTAX ÈS .
S’ i l a que lque morceau d ’un peu de consequence,
Quelque rare qu’ i l so it_
et quel qu’en so it l e prix ,S’ i l veut s'en d ésaisir, j e l
‘achette à mon fi ls .
CRISPIN .
0 Fi l s dénaturé, cœur de bronze et d e pierre,Qui ne merite pas d
'
avoi r un s i bon pere !
PANTAX ÈS .
Va—t ’en donc , vas , Cri sp in, l u i parler d e ma part ,Tu reviendras ic i dans une heure au p lus tard .
CRISPIN .
Repo sés—vous sur mo i de toute cette affai re,
J e vous promets,Monsieur, d
'en fai re u n Antiquai re .
C O M E D I E . 3 9
SCENE V I I .
PANTAXÈS,seul.
CE garçon vaut beaucoup , et j e cro i s qu’aujourd
‘
huy
L'on en trouvera i t peu de semblab le s à lu i ;C’est un de ces valets fa its à l’ancienne crême ,Sur qu i j e pu i s compter tout comme sur moi même .Heureux s ’ i l eût vécu quatre mil l e an s plus tôt,Ce sera it sans mentir u n val et sans d efi‘
au t
Et d igne , e n qual i té d’
anc ien d omest ique ,D ’estre en mon cab inet comme une piece ant ique ,Où son nom d e Crispin qu i finira i t en èsLe fera it appeller l e val et Crispinès .
Je vai s , en attendant qu ’ i l m’
amein e Valere,
Entrer i c i d edan s pour regler quelque affai re .
0 0 0
ACTE SECOND .
S CE N E P R EM I ER E .
PANTAX È S ,VAL E RE
,CR I S PI N .
PANTAXÈS
'E NTEND S du bru it làbas ; j e cro i s que les vo ic i .Ce sont eux j ustement que j
’
en ten d o is d ’ ic i .
CRISPIN, parlant à Va lere.
Oui,vou s devez cela
,. Monsieur , à vostre Pere ,
Qui fera tou t pour vous .
PANTAXÈS .
Viens—t‘en ic i , Valere ,Viens
,j e veux te parler .
L'A N T IQ U A I R B , c o u n n 1 e . 4 1
CRISPIN .
Vous le voyés, Mons ieur ,Prêt à vou s obeir d u meil leur de son cœur .
PANTAXÈS
Çà, répon s-moi , mon fi l s,qu ’est— cc que tu veux estre ?
De ton so rt au jourd’
huyj e te lai sse le Maître.
VALERE .
Moi ? j e j e ne Répon s pour moi , Crisp in .
CRISPIN , se plaçant d e f açon que Va lere se trouvea u milieu .
I l ne peut po int parler, tan t i l a de chagr i nDe vous avoi r, Monsieur, tantô t mi s en co lere ;J e répondrai pour lui .
PANTAXÈS
Dis-moi , que veux—tu fai re ?
CRISPIN .
Mon Pere, commandés , j e ne refuse rien .
42
PANTAXÈS
Entends—tu b ien , mon fi ls ?
VALERE
Eh Ou i ! j enten d s fort b ien .
PANTAXÈS
Veux-tu prendre touj ours le part i de la guerre ?
CRISPIN .
J e ne do i s riemvouloir que ce que veut mon Pere .
pANTAXÈSTu vois b ien ?
VALERE.
Ou i, j e vo is .
PANTAX ÈS .
Renonçant à jamai sAu part i qui pour toi semble avo ir tant d 'attraits ?
CRISP IN .
Il faut se conformer à tout ce qu'un pere aime .
44 L’A N T I Q U A I R B ,
Croyez—mo i , ces j eux— là pas sent le bad inage ;Dieu vous les a donnés pour unmei l leur usage .I l faut porter son corps tout entier au tombeau ,Plutôt que de se voi r enterre r par morceau .
’
Le sort d ’un Antiquai re est p lus d igne d ’envieI l ne quitte son corps au moins qu ’
avec sa vie .
PANTAXÈS
S’i l n’en deva i t cou terqu’un membre retranché,
Passe on en sera i t qu itte encore à bon marché,
Et l ’on pourra i t ri squer quelque petit e chose .
Mai s ce n‘est pas un bras seu lement qu’on expose
Un coup d ’estramaçon que l
‘
on ne prevo it pasVous fait passer d ’un saut de la vie au trépas .
CRISPIN .
N’avo ir pas seu lement le tems d etre malad e !
J e ne vou s pas sera i s jamai s cette incætad e ;I l faut au moins penser à son enterrement .
PANTAX ÈS .
Songes-yb ien , mon fi l s, i l ne faut seu lementQu’un bout de fer poussé de certa ine manierePour coucher d e son long \
u n homme dans laEt r ien que d ’y penser
,ce la me fai t tremb ler.
C O M E D I E . 45
CRISPIN .
Moi ! en ai s i grand peur que j’
ai pe ine à parler .La b iere est un séj our par trOp mélancol iqueEt trop mal sain pour ceux qu i craignent la co l ique .
PANTAXÈS
I l n’est pas même ai sé de pouvo i r éviterLe Coup qu ’un ennemi s’
apprête à vous porter .
CRISPIN .
Non vraiment, i l n ’est po int d ’
armure s i b ien j o inteou ne pu isse passer une vi laine po inte .
PANTAXÈS
So’
uvent,sans d ire gare , un boulet d e canon
Vous fait al l er chercher la mort à recu lon .
CRISPIN .
Ou,sortant d ’un fus i l
, par une autre mervei l le ,La mort vient en ronflan t vou s passer par l
’orei l le .
PANTAX ÈS
Une mine Souvent qu i part comme un éclairVous fait courir après vos deux jambes en l’ai r .
L’A N T I Q U A I R B ,
CRISP IN .
D ’autres fo is
,une bombe en mi l le éclats b ri sée
Vient vous percer à j our l'étu i de la pen sée .
PANTAXÈS
Mille morts au combat valen t de toute part,Et s i l'on en revient
,ce n‘est que pu r hasard .
CRISPIN .
Et souvent tel qu i cro i t avo ir bravé la lance ,A coups d e mousquetons se sent cr ibler la panse .
PANTAX ÈS.
La mort prend l’Officier ai nsi que les so ldat s ,Et n’
épargne personne au mil ieu des combat s .
CRISP IN .
A moins que l ’on ne mett e une bonne cu irasse ,Qui détourne touj ours l e coup qu i nou s menace .
Mai s pourquo i faire ici tant de raison n emen s ?N
’a— t— i l pas déclaré déj a ses sen timen s ?
Et ne voyez—vous pas qu’ i l renonce à la guerre ?
Vous li sés dans se s yeux qu‘ i l veut être An t iquaire .
(A Va lere . l
48 L’A N T 1 Q U A I E E ,
VALERE.
Ne soyez po int surpri s s i j e paroi s rêveur ,Qui doit être Ant iquaire en doit avoi r l’humeur.J e roule en mon esprit quelque nouveau système.
PANTAXÈS
Ah ! rej ette , mon fi l s,avec un so in extrême
,
Tout ce que tu verras senti r la nouveauté,Et sui s touj ours en tou t la sage Antiqu ité .
I l faut,autant qu ’ on peut , puiser dans les eaux saines ,
Et laisser les rui sseaux quand on a le s fontaines .I l te faut mettre bas cette épée au Sçavan tLes armes ne sont pas un ornement séant .
VALERE .
Nous nous en d efi’
eron s .
PANTAX ÈS .
Et cet habit de mêmeNe sied pas ; vo i s le mien , c’est a insi que j e l’aime,Et pour te d ire i c i mon avi s sur ce fait
,
Je ne sçauro is souffri r qu’un hab it qu i n’est fai t
Que pour couvri r le corps d ’une façon commode,
Et non pour le gêner,devienne par la mode
C O M E D I E . 4 9
Un suppl ice crue l,car j e ne conço is pas
Comment on peut a ins i se serrer par l e basEt redu ire son ventre en une servitudeQui me fera i t souffri r le tourment le plus rude .De p lus
,pourquo i cés pans sont— i l s des deux côtés
D ’un quart de l ieue au moins l ’un de l ’autre écartésSans doute
,i l nous faudra faire élargir nos portes
,
Si tu ne quittes pas le s habits que tu portes ;Avec le m ien au moins j e pu i s passer partoutC’est là ce qu ’on appel le un habit d e bon goût,Et sou s leque l tu vo i s qu ’on respire sans peine ;J e n ’
a i que fa ire,moi , d ’un hab it qu i me gêne
,
Et qu i so it fait ainsi que quand je vai s d inerI l fai l le commencer par me déboutonner .
Rien est- i l p lus gênant qu ’un hab it d e la sorte ?I l t’en faut un pare i l à celu i que j e porteI l est d ’un goût parfait . On en porta it a1ns iDu tems du ro i Longo . La Flèche , ah ! te vo ici .
L’A N T I Q U A I R B ,
VALERE.
Ne soyez po int surpri s s i j e paroi s rêveur ,
Qu i doit être Antiquaire en doi t avo i r l’humeur.
J e roule en mon esprit quelque nouveau système .
PANTAXÈS.
Ah ! rejette , mon fi l s , avec un so in extrême ,Tout ce que tu verras senti r la nouveauté,Et sui s touj ours en tout la sage Antiqu ité .
I l faut,autant qu ’on peut , puiser d ans les eaux saines ,
Et la i sser les rui sseaux quand on a les fontaines .
I l t e faut mettre bas cette épée au Sçavan tLes armes ne sont pas un ornement séant .
VALERE .
Nous nous en d efi‘
eron s .
PANTAXÈS .
Et cet habit de mêmeNe sied pas ; vo i s le mien , c
’est a in s i que j e l’aime,
Et pour te d ire i c i mon avi s su r ce fait,
Je ne sçau ro is souffri r qu’un hab it qu i n’est fai t
Que pour couvri r le corps d’une façon commode,
Et non pour le gêner,devienne par la mode
So L’A I T I QU A IR I ,
SCENE I I I.
ELECHI
En b‘
1en ! ce Damaelèc ne vient paiat, a mi—méJe te txam
Qd mfi pæ t f n oä fi … ræœ u l
J e I‘
d … cba lüla d emm m un lix
Ilm‘
a ê t d e œù ,d qu
‘
fl aüaämemüœC a u m w éæ gæ x d fl æ txütæ änfi .
Dem … mxvoüœ çu i ïobüyA m d u ä b…
C O M E D I E .
Non ,reste i c i , t e d i s— je,
I l e:me autre chose où j e veux t'
employer.
I l t‘a que sur le champ tu m’
a i l le s n étoy:r
Le 1 te préc ieux de l’ura e sépulch rale
Qui nfermoit les o s d u vainqueur de Pharsale .
LA FLECHE .
Ce 1 que l ‘autre j our ic i l’on apporta ?
PANTAXÈS .
Cela ème .
LA FLECHE .
Eh Monsieur, que fai re de ce la ?
C 'es reste honteux d ’une marmite usée .
PANTAXÈS.
1 tre impertin en t . Apprens , tête in sense‘
e,
ast un monument rencontré par hasard,1fermoit jad i s les cend res de Cé sar .
LA FLECHE .
Les 1dres de César ; et que l éta it cet homme ?
51
50 L’A N T I Q U A I R B,
SCEN E I I I .
PANTAXÈS, VALERE , LA FLECHE.
PANTAXÈS .
En b ien ! ce Damoclès ne v ient po int, et to i-mêmeJe te trouve touj ours d ’une lenteur extrême .
LA FLECHE .
Quo i , Damoclès , Monsieur, n‘est pas encor venu ?
Que l su j et peu t l 'avoir s i long—tems retenu ?J e l'ai trouvé chez lu i les deux yeux sur un l ivreI l m’
a d it d e venir,et qu' i l al la it me su ivre .
C'est se moquer des gens d e les tra iter a in si .J e vai s y retourner pour
PANTAXÈS.
Non,reste ici .
LA FLECHE .
De grace, permettez, pour voi r ce'qu i l’ ob l ige
A tarder s i long—tems .
L’A N T I Q U A I R B ,
PANTAXES
Celu i qu i le premier fut Empereur de Rome ,Qui vainqu it Scipion
,Pompée et le s G au lo is ,
Et força l'Un ivers à recevo ir ses lo ix.
LA FLECHE .
C'éta it un rud e gars que cet homme ; et vous d ite sQu ’on fai sa i t reposer ses os dans des marmites
PANTAXÈS
Dans une urne, b utord ; parle mieux‘
, s’i l t e plai t.
LA FLECHE .
Urne s i vou s vou lez,mai s toute urne qu ’ell e est ,
I l s’en est peu fal lu que j e ne la j ettasse ;Au moins s i c ’ en éta it une neuve encor, passe ,Mai s… .
PANTAXÈS
Appren s, ignorant, que son ant iqu itéFai t parmi l es Sçavan s toute sa rareté.
Oui , j e renoncera i s j usqu‘à ma nourriture,
Si j e ne croyai s pas qu’ e l le fut la pature
Des peuple s qu i viva ient du tems du vieux Salon .
C O M E D I E .
LA FLECHE.
Comment,quand vou s mangés un poulet , un p igeon ,
Ce pigeon,ce poulet , à vous entendre d ire,
Avo ien t été mangés autrefo i s ? C'est pour rireQue vous d ite s cela.
PANTAX ÈS
Non,c ’est la verité
,
C’est un fai t d on t jamai s personne n ’a douté ,
Et voic i comme en peucette chose s'exp l ique .
Ecoute b ien ; tu sçais quelque peu de Physique ?
LA FLECHE .
Oui , l’ortograph e encor.
PANTAXES
Su is mon rai sonnement,
Et j e te fera i voir la chose c lai rement .Par le ; à mes quest ions i l faut que l ’on réponde .Qu ’
êta it—cc qu ’un poulet avant qu ’ i l fût au monde ?
LA FLECHE .
c ’
éta i t un œuf.
UA NT 1 0 U A 1 E E ,
PANTAXÈS.
Bon . Et cet œuf, d i s—mo i,Avant que c ’en fût un , qu ’éta it—ce ?
LA FLECHE.
Oh ! par ma fo i ,Vous m ’en demandez trop , j e gard e le s i lence .
PANTAXÈS .
De la pou le c ’éta it le sang et la substance .
Qu’
éto it—cc que ce san g ?
LA FLECHE .
Encore
PANTAXÈS.
Du Froment .Et ce Fromen t , c‘
éta it de la terre .
LA FLECHE.
Comment,
Les G ens du tems passé se nou rri sso ien t d e ter m?
PANTAXÈS
Sars-moi vite d ic i ! Voyez quel le inso lenceI l veut fai re, j e cro i s , l
’homme de con séquence .
Et to i,d emeure ic i
,mon fi l s
,en attendant
Que vienne Damoc les,j e sors pou r un instant .
SCENE IV .
VALERE,seul.
J E sen s à le tromper une secrette pe ine ,Mai s ce n ’est pas ma faute , après tout , c ’e st la s iennePourquo i me force—t'i l à ce dégui sement ?J e sera i s avec lui plus franc assurément
,
Si lu i-même envers mo i se montra i t moin s sévereMai s touj ours à mes vœux s 'i l veut être contrai re
,
Et s i, par ma franchi se et ma s incéri té,
J’aigri s de p lus en plu s son esprit irr ité,La fei nte
,assurément, en ce cas est permise ,
Et ce n'es t pas un mal de manquer d e franch ise .Mai s vo ic i Polemarque ; i l vient fort à propos ,Et nous al lons finir notre affai re en deux mots .
56 L’A N T I Q U A I R B ,
PANTAXES
Sa rs-moi vite d ’ ic i ! Voyez quel le i nso lenceI l veut faire, j e cro i s , l
’homme de conséquence .
Et to i,d emeure ici
,mon fi l s
,en attendant
Que vienne Damoclès,j e sors pour un instant .
SCENE IV .
VALERE , seul.
J sens à le tromper une secrette pe ine,Mai s ce n ’ est pas ma faute , après tout , c
’est la s iennePourquo i me force—t ’ i l à ce déguisement ?J e sera i s avec lui p lus franc assurément ,Si lu i-même envers mo i se montra it moin s sévè reMai s touj ours à mes vœux s ’i l veut être contrai re
,
Et s i, par ma frân ch ise et ma s incéri té,
J’aigri s de p lus en plus son esprit i rrité,La feinte, assurément, en ce cas est permise,Et ce n ’es t pas un mal de manquer de franchise .Mai s vo ic i Polemarqu e ; i l vient fort à propos ,Et nous al lons finir notre affaire en deux mots .
58 L’A N T 1 Q U A 1 R E ,
POLÉMARQUE .
Vous n'avez pas, j e cro i s , la même affect ionPour ce genre d ’
étude ? Et vou s êtes fort sageCe n ’est point là le fait d ’un homme de votre âge .
Nous étions , votre pere et moi , du même tems,Mai s nous avion s tous deux des gouts b ien d ifféren s ;Tout j eune qu ’ i l éta i t, i l d éclamoi t sans cesseContre les mœurs du tems et contre la j eunesse .La mode éta it sur- tout en butte à tou s ses trait sE l le ava i t beau changer, i l ne changea i t jamai s ;I l éta i t là—dessu s d ’une rigueur extrêmeLes Hab its , d isa i t—il, que porta ient no s Ayeux,Sont les h abillemen s le s p lus chers à mes yeux ;Pour m’en faire un semblable , au Tai l leu r mercenaireJ ’offre inuti lement u n quadruple salai re.
Le Marchand ne vend plus ces Boutons renforcésQue deux s iecles entiers ne voya ien t po int u sés .
Mon Chapel ie r,gagé par les plus grosses sommes ,
Ne peut plus retrouver l’art d ’agrand ir le s hommes
,
Et j e me voi s contraint , helas ! pour mon ennui ,D ‘être presque vétû comme on l ’est au j ou rd ’hu i .Mai s ad ieu , che r Va lere, i l faut que j e vou s qu itteJ e do i s encore a i ll eurs fa ire une autre vi site .
(Voya nt que Va lere veut le recond u ire .)
Eh bien , que faites-vou s ? Ne venez pas plus loin ,Ce sont toute s façons dont j e n
’ai pas beso in
G OM EN E. 59
VALERE .
Souffrez du mo ins que
POLÉMARQUE .
Nan , restez là , vou s d is—je.
VALERE .
De grace ,
POLÉMARQUE .
Ah ! vo i la qu i m’afilige .
VALERE .
J e ne soufi‘
rirai
POLEMARQU E .
Ah ! vou s me chagrinés ,
Demeurés .
VALERE.
J’obéis , pu isque vous l
’
ardon nés .
L’A N T ! Q U À I R E ,
S C E N E V I .
VAL E RE,CRlSP IN.
VALERE ava n t que Cr ispi n paro isse.
DIX mil le francs, d it- i l , la somme est u n peu forte ,Et j e n ’
au rois pas dû m’engager de la sorte ,
Jusque s à lu i promettre un b i l let d e sa main .
CRISPIN d ég u isé en Mar chand d’Anticaz
‘
lles en
G uê‘
tres et en Per r uque à Ca d enette, ayant une Cas
sette pen d ue d evant lu i .
Bon jour, Monsieur , bonj our. Qu ’est—ce ? Je su is Cri spin ,
Vous êtes b ien surpri s ; est—cc que mon visageVou s seroit inconnu ?
VALERE.
Non,ma i s cet équ ipage ,
A ne te po int menti r, me surprend grandement ,Et j e ne conço is r ien dans cet accoutrement .Voyons
,exp l ique-moi ce que tu prétend s fai re .
CRISP IN .
J e vai s vous éc lai rcir en bref tout le mystere .
6 0 L’A N T I Q U A I R E ,
S C E N E V I .
VA L E R E,CR I SP I N .
VALERE,ava nt que Cr ispin paro isse .
Drx mil le francs , dit— il, la somme est u n peu forte ,Et j e n ’
au ro is pas dû m’engager de la sorte ,
Jusques à lu i promettre un bi l let d e sa main .
CRISPIN d ég u isé en Ma rchand d’Antica i lles en
G uêtres et en Perr uque Ca d enette, ayant une Cas
sette pend ue d eva nt lu i .
Bonj our, Monsieur, bonj our . Qu ’est—cePJe su is Cri spin .
Vous êtes b ien surpri s ; est—cc que mon visageVou s seroit i nconnu ?
VALERE.
Non,ma i s cet équipage
,
A ne te po int mentir,me surprend grandement
,
Et j e ne conço is rien dans cet accoutrement .Voyons
,expl ique—moi ce que tu prétend s fai re .
CRISP IN .
J e vai s vou s éc lai rc ir en bref tout l e mystere .
C O M E D I E .
J’ai c i- dedans
,Monsieu r
,des meubles à fo i son
,
Que j ’avo is ramassés par toute la ma i son,
Et , sous l ’habi l lement d 'un Valet d ’An ticaire ,
J e les vendrai fort cher à Mons ieur votre Pere ;I l est
,vous le sçavez , faci l e à décevo ir ;
S i j 'en croi s mon . in stin ct, pas plus tard que ce
Nous aurons d e l ’argent .
VALERE .
La ruse e st à mirac le !Une chose pourtant ypeut être un obstacle ,C’est que tu ne sçais pas certai n jargon
CRISP IN .
N’ai- je pas entendu votre Pere souvent
Vous fai re des leçons que nous n ’écou ti on s guereMa i s ilm ’en reste assés pour me t irer d'affai re
,
Et d ’
ai l leur s Damoclès est venu ce mat in :J ’ai
,j e cro i s
, assés b ien retenu son lat in ,I l n‘en coute pas tant pour passer pour habi leQuelque trai t d ‘
A rch ias,de Ciceron
,d
’Ach ile
,
C’e st b ien p lus qu ’i l n’en faut pour sorti r d ’
embaras .
VALERE .
J e ne sçais cependant s i tu réuss iras,Car enfin i l nous faut d ix mi l le francs .
6 1
62 L’A N N Q U A I R E
CRISP IN .
D ix mill e !VALERE .
Tout autant .
CRISPIN.
C'est b eaucoup,mais la chose est fac i le
,
Pourvu que votre Pere ait de l’argent comptant .
VALERE .
Un Bi l let d e sa mai n nou s suffi t à pré sen t .
CRISPIN .
Oui ? oh ! nous le tenons ! Vous faut
Eh ! n 'est-ce pas assez ?
CRISPIN .
Et pour votre voyageI l vous faut un Cheval .
VALERE .
San s'
d oute .
L’A N T I Q U A I R E ,
CRI SPIN .
Reposez—vous sur moi de toute cett e affaire ,Et d ites seu lement combien i l faut en tout.
VALERE .
C’est à to i d e regler la chose j usqu’au bout .
CRISPIN compte sur ses d oig ts .
D’abord d ix mil le francs pour cett e
Pour trai ter ses Amis , l e s Bal s , la
I l nous faut pour l e mo ins compter sur mi l leMil le pour les d e plus
,pourmo i tro is cents…
Cela fait d ouze mil le et troi s cents francs , j e pense ,Et comme on peut encor fai re d
‘
autre dépenseQue l ’on ne pr évo it pas, i l nous faut un b i l letDe qu inze m il le francs
,c’est un nombre complet .
Ecoutez maintenant ce que vous devez faireVotre présence i c i peut m ’ être nécessai re
,
Ne vous élo ignez pas, mettez—vou s dans le co inJusqu ’ à ce que d e vous j e pu is se avoir beso in .
C O M E D l E . 65
S C EN E'
VU .
PANTAX È S,CR I SP I N m VA L ERE
men é DERRIERE UNE SCEN E .
CRISPIN .
Allons,ferme
,Cri sp in
,compose ton visage .
Ho la,quelqu ‘un
,ho la ! Nul ne vient ? Ah ! j
'
enrage !
Hola !,vite que lqu’un ! (A Va lere. ) Ne sortez pas d
’ ic i ,J 'aurai beso in d e vous:
PANTAXÈ&
Que veut cet homme—c i ?
CRISPIN .
Est—cc là le Seigneur Pan taxès ?
PANTAX È&
Ou i , lu i-même .
6 0
66 L’A NT I QU A I R E ,
CRISPIN .
Ah ! Monsieur , de vou s vo ir mon p lai s ir e st extrême ,Vous d ont le n om fameux , s i connu des Sçavan s,Doit être révé ré d es petit s et des g rand s .
PANTAX ÈS .
La isson s les°
complimen s et la cérémon ie ,Les Ancien s jamai s n'eurent cette manie .Vous êtes Damoclès ?
CRISPIN .
C‘est pour mo i trop d ’honneur ;J e su i s Occoph ilax, son humble serviteur.Le Docte Damoclès
,mon Seigneur et mon Mai tre ,
Qui brû le du des ir, Monsieur, d e vou s con no i tre ,Lui—même pour vous vou 1cr seroit ven û ,
Si la fiévre chez lui ne l'avo it retenu .
Mai s j e vien s de sa part , et j’ai dan s ma cassette
Les pieces dont on d it que vou s ferez emp lette .
PANTAXÈ&
Mai s d e ces choses-là sçavez vous la valeur ?
CRISP IN .
Comment,si j e la—
sçais ; j e ne cro is pas, Monsieur,
L’A N T I Q U A I R E ,
Athene,Sparte
,Argos
, paro issen t à mes yeux ;D‘un soul ier dans ce co in j e cro is vo ir la figure .
CRISP IN .
D’Emped ocle c
’éto it autrefo i s la chaussure .Un jour qu ‘ i l vou lo it voir le Lac du Mont—Ethn a ,
I l s ’
avança t r0 p près, l e bon- homme y resta ;Au pied d e la Montagne i l lai ssa cette mule .
PANTAXÈS .
I l est vrai , l e bon- homme étoitun peu créduleD ’
aller Mai s j e vo is des pap iersQui tous en un paquet avec so in sont l iés .Qu’est—ce ?
CRISPIN,tirant d e sa cassette un paquet d e
liés ensemble .
C’est un amas d e d ifferentes p iece sQu i contiennent des fait s d e toutes les e speces
,
Et qu ’on ne trouve plu s d an s aucun Manuscri t ;J e les ai ramas sés dans d ifi‘
eren s pays .
(Il en d éta che un d u paquet .)
Voici le contenu d ’une l igue secrette
Qu’avec les Vi sigots . les Bourguignons on t faite .
C O M E D I E . 69
PANTAX ÈS
En que l l e Langue est—e l le ?
CRISPIN .
On l'a fai te en Hébreu ,Pour ceux qu i n ’
en ten d oien t pas le Lat in .
PANTAXÈS
Parb leuI l fau d ro it être Juif pour l’entendre, j e pense .Qu’est—cc encor qu e cela ?
CRISPIN .
Monsieur, c ’est l’Ord onnan ce
Qu’écrivo it pour Pyrrhus son premier Médecin ,
Lorsqu ‘ i l éto it malade .
PANTAXÈS
Et ce vieux parchemin ?
CRISP IN .
C ’ est la Lettre qu ecrit la belle MagueloneA Pierre d e Provence
, au Camp devant Crémon e .
70
PANTAXÈ&
Cec i ?CRISPIN .
C'est u n acqu it d ‘un Rou l i er TyrienQui voi turo it le vi n d ’un Marchand Rhod ien .
PANTAX È&
Ce lu i- ci
CRISP IN .
Quand Buée eut quitté sa patrie ,Sa femme Creüsa fi t une Lotteri eDes Meub les qu i f esto ient ; ce Bil let—là, d it—o n ,
Con teno it l e gro s lot.
PANTAX ÈS
Qu’
étoit—cc
CRISPIN .
Un guéridon ,Avec deux grand s r i deaux d'un l i t à la Duches se .
PANTAXÈ&
Cela ?
UA N T I Q U A I R R ,
CRISP IN , tena nt une peti te boëte où i l y a quelques
bo is qu’
i l f a i t sonner en remua nt la boëte .
J’a i c i—dedans encor tro i s Pepin s d e la PommeQui perd it notre mere et tous ses d escen d an s .
PANTAXÈS.
I l s do ivent être aussi b ien durs depu i s le tem8 .
J e vo is u n Escargot,l e bon Dieu me pardonne ;
Expl iquez—moi cec i,cet Escargot m ’
étonne .
CRISP IN .
J'
ai vû de ce morceau maint sçavant engouéCet Escargot éto it dans l‘
Arch e de Noé
Lorsque le genre humai n péri t par l e déluge .
PANTAXÈS
Le fai t e st—il b ien vrai
CRISPIN .
J e vous en fai s le juge ;Regardez comme i l e st tout rongé d ’un côté .
PANTAXË&
Cet endro it,i l est vrai
,sent b i en l’Antiqu ité.
C O M E D I E . 7 3
CRISPIN .
Par l ’effet du parfum dont el le fut imbûe,
La chai r d e l'animal ne s’e st po int corrompue .
PANTAXÈ&
Que s ignifie encor cette dent que voi là ?
CRISPIN.
C‘est la premiere d ent qu’Escu lape arracha
Lorsqu ‘ i l fut passé maître en fai t d e Ch irurgie .
PANTAXÈS.
A qu i l'arracha—t—il?
CRISPIN .
Au Roi de Béoti e.Ce Prince
,qu i vivoit à peu près d e son tems,
Fut fort suj et, d it—on ,à de grand s maux de dent s
Mai s j e t iens un morceau qu i peut,en fai t d '
Antique ,
Être cons ideré comme une p iéce un ique .
PANTAXÈS, voulant mettre la ma in d essus .
Qu’est—cc donc ?
74. L’A N T I Q U A I R E ,
CRISPIN .
Ah ! Monsieur, ce morceau n on suspect,J e vou s le d i s d ‘
abord , mérite du respect .Vous avez b ien connu le fameux Charlemagne ?
PANTAXÈS.
Qui ne le connoît pas ?
CRISPIN .
Eh b ien,dans l‘Allemagne,
Chez un grand connoi sseu r dont j ’ ignorel e n om
(C'est un homme tou j ours érud it et p rofond
,
Qui sçait du tems passé la plus m ince anecdote),J ’ai trouvé par hasard le talon d ’une bo tteJ ad is appartenan te à ce grand Empereur.Qu'en d ites—vou s, Mons ieur ?
PANTAXÈ&
C’est un fort grand bonheur .
Une d iffi cu lté cependant me chagrineC’est qu ’on n
'
avoit alors n i botte n i bot ine .
CRISPIN .
On n'avo it point alors la botte d '
aprésen t,
76 L’A N T 1 Q U A I R E ,
Et j e vo i s mon secret s’en al ler à vau—l'eauCe que vou s avez vû , Mon sieur, c
’
étoit l’anneauDe ce Ro i de Hélas ! quema mémoireEst ingrate auj ou rd ’hu i ! De ce Ro i d ont
PANTAXÈS
Cie l ! que me d ites—vous ? Quo i, cet anneau sero it
La bague qu ’autrefoi s G ygès avo it au doigt ?
Anneau miracu leux,dont la vertu sensib le
Fait d isparoître un homme et l e rend invi s ib le .
CRISPIN .
Vous conno issez aussi sa vertu ?
PANTAX ÈS
CiceronAu l ivre des Devoirs en a fait ment ion .
Au dedans de la mai n , G ygès£tourn ant la pierre ,Paro isso it tout d 'un coup soustrait à la lumiere ,Et s‘ i l la retou rn oit en dehors de la main
,
I l d even oit vi sib le et paro isso it soudain .
CRISPIN .
El le conserve encor cette vertu d ivine .
C O M E D I E . 7 7
PANTAXÈS
Montrez—la—moi,d e grace , et que j e l'examin e .
Anneau miracu leux , de tou t tems s i vanté !J e vo i s revivre en to i toute l'An tiqu ité !Dans quel le main faut— il
,s ’i l vous plait, qu
’on le porte ?
CRISPIN .
Tout comme vous voudrez .
PANTAXÈS
Dans que l doigt ?
CRISPIN .
I l n’ importe .
PANTAX ÈS met l’
anneau son d o ig t.
Eh b ien , me voyez—vous ?
CRISP IN regard e si le chaton est retourné .
Retourn ez le chaton .
Après que Pantaxès l’
a retourné, Cr is,vin con tinue
Qu ’ êtes—vous devenu ?
PANTAXÈS.
Vous ne me voyez pas ?
78 L’AN T I Q U A I R E ,
CRISPIN.
PANTAXÈS cha ng e d e place et va à l'
autre extrémi téd u Théa tre sur la po i n te d e ses pied s , et au côtéopposé à celu i où est Cr iSp in .
Voyez—vous b ien l 'endro it où j e su is à cette heure ?
CRISPIN , se tournant touj ours d u côté d'où part
la voix.
J’entens b ien votre vo ix .
PANTAXÈS .
Et mon corps ?
CRISP IN .
Qu e j e meure
S i j ’ en vois seulement un atôme .
PANTAX ÈS chang e encor e d e pla ce et va à l'a utre
extrémi té d u Théa tre, après avoi r d i t ces paroles
Avancés, etc.
Avancés ,Venez àmo i tout d ro it .
80 L’A N T t Q U A 1 R E ,
VALERE .
Où mon pere est—il d onc ? Si j ’en cro i s à ma vûe ,Dans cet appartement j e l’ai vû d e la rue,Qui par loit, ce me semb le, avec un inconnu .
Comment peut— i l avoi r s i vi te d i sparu ?Voi là qu i me surprend d'une façon terrib le
,
Car on ne devient po int tout d ’un coup invi s ible .
Je sui s pou rtant b ien sûr que j e v ien s de le vo ir ;Mes yeux
,j u squ 'à ce point n’ont pû me décevo i r ;
Peut—être est—i ! entré dans lachambre vo isine .
(Il sor t.)
PANTAXÈS retire sa bag ue comme la premiere f o is.
Voi là,j e vou s l’avoue
,une bague d ivine ;
Combien la faite s-vous ?
CRISPIN .
La bagu e est hors d e prix .
PANTAXÈS.
Bucor que! est celu i que Damoclès a mis ?
CRISPIN .
J e n ’
avoi s pas d ’abord réso lu d e la vendre ,
Mai s pu isque j ’ai tant fai t d e me !ai sser lsurpren d re ,
G O M E N E . 8 1
J e vou s la lai sserai pour d ix—hu it mil le francs .
PANTAXÈS
Dix- hu it m il le,vraiment !Vous vou s mocquez des gens
J ’en donne treize,et c ’est sa Valeu r in trin seque .
CRISPIN .
Si vous voulez encore en mettre tro is avecque ,J e vou s l ivre , Monsieur, tout cec i par—des sus .
PANTAX ÈS
J 'en donne quinze mi l le,et pas un
CRISP IN .
Avez—vou s là l’argent ?
PANTAX ÈS .
Non,mai s j e me fi gure
Qu’un b il let d e ma main avec ma signatureVous tranqu ili sera.
CRISPIN .
J ’aura i d onc cet
PANTAXÈS
Dans d ix jours au p lus tard,peut—être même avant .
82 L'
A N T l Q U A I R E ,
CRISPIN,d onnant l'annea u et mettant sa cassette
sur la table.
Ah ! c’est b ien mal gré moi que j e vous l'aban d onn e !
PANTAX ÈS va a uprès d e la table écr i re le bi llet.
Écrivons le b i l let qu i vou s l e cau tionn eî
(Tena nt la plume à la ma in et reg ard ant Cri spin .)
Quatorze mi l le francs ?
CRISP IN .
Non pas ! quinze , Mons ieur.
C‘est trop !
CRISPIN .
Oh ! j e romprai l e marché de bon cœur .
PANTAXÈS
Mettons qu inze .
(Il écr i t.)
do i s . à la . . somme . .
84 I.’
A N T I Q U A XR E ,
(A Cr ispi n .)Je vo i s b ien qu Il me ‘faut faire ce qu i l vou s plaî t .
(Il d onne le bi llet Cr isp in .)
Voilà les propres mots -que vous m’avez fait mettre .
CRISP IN prend le bi llet et le reg ar d e .
Cela sufii t,Monsieur
,j e vai s trouver mon maître .
Pour lui remettre en mai n votre b i l let .
PANTAXÈS.
Adieu .
J e pourroi s b ien aussi l'aller trouver dans peu .
SCENE V I I I .
PANTAXÈS, seul, tenant en ma in son anneau .
JE le t iens pou r le coup,et j e ne su is pas homme
A le lâcher jamai s pour une trip le somme .
Quel plai s i r s i quelqu’un veno it présentementSe présenter à moi dans cet appartement !Pour rendre le prod ige à ses yeux plus sens ible
,
C O M E D I E .
J'auro is grand so in d '
abord de me rendre Vi s ib le ,Puis
,tournant de l ’anneau tout d 'un coup le chaton ,
J e le fero is de peur pâmer comme un O i son .
Ah ah celame fai t déja ri re d '
avance,
Et j e sui s maintenant dans un e impat ienceDe rencontrer quelqu ’un que j e ne pui s cacher,Et s ‘ i ls ne viennent pas, j e m
’en vai s les chercher.
85
A C T E I I I .
SCEN E I .
VALE RE,CR I SP I N .
VALERE .
ur, le tout s’est passé d’
u ne te l le maniereQue j e su i s
, grace à Dieu , maintenant hors
!d'
affai re .CRISPIN .
Et qu’
a d it Polemarque en voyant cet écrit ?
VALERE.
I l m'a paru d '
abord comme un homme interd i t .J e trouve ce b i llet fort extraord ina ire,M
’
a—t— i ! d it,car enfin , d
'
où vient que votre pereMet qu inze mil le francs pour d ix? Et pu is, d
'
où
88 L’
A N T I Q U A I R E ,
CRISPIN .
L’habi le homme !
J e n '
au ro i s pas mieux fai t cette commission .
Vous avez le b i l let d e sa démiss ion ?
VALERE.
Et les c inq mi lle francs , qui plus est .
CRISPIN .
Bonne affa ire,Voilà ce que vou s vaut mon petit sçavoir faire .
Sans mo i vous étiez fr it.
VALERE .
Oui , mai s tu m'
avoueras
Que j’
ai sçu te ti rer d’
unte rr ible embarras ,Lorsqu ’i l te présen to it la bague pour la mettre .
Si j’avo is d ifi
‘
eré quelque tems à paroître,Dis—moi
, qu’auro is— tu fait ?
CRISPIN .
Eh ! c'étoit pour ce la
Que j e vous avo is d it, Monsieur, d e rester là .
G O M E N E . 89
VALERE .
I l faut donc t ’en lai sser la glo ire tout entiere .
CRISPIN .
Oui , mai s j e crain s b ien fort d ’avo i r pou r mon salai re
Quelques coup s de bâton appl iquez sur ma peau .
J e le s sen to is venir en vendant cet anneau,
I l s paro isso ient so rt ir d'un sin istre nuage
,
Tout comme on voit tomber la grêle en un orage,
Et cau so ien t dans mon corps certain
VALERE .
Nous n ’avons qu a partir pour notre Régiment ,
Si tu crain s.CRISPIN .
Oui , Monsieur, et part ir sans rien d ire .
VALERE .
Mai s vo ic i Pan taxès, adieu, j e me ret i re ,Pour to i
,tâche de voir la p iece j usqu ’
au bout,
Et , quand tu la sçauras , tu m’
in stru iras de tout.
9 0 L’
A MT t Q U M R E ,
S CE N E I I .
PANTAXÈS seul.
Depu is que ai l ’anneau j e ne voi s p lus personne,
Je cro i s que tout l e mond e à présent m’aban d on n e .
Quand j e veux, pour l ’étude , être un peu retiré,D ’une foule d e gens j e me vo is entouré.Maintenant que j e fai s exactement la rond eDe mes appartemen s pour rencontrer du monde ,I l ne s'ofi‘
riroit pas un seu l homme à mes yeux .
Ta vertu cependant , an neau m iracu leux ,Souffl e de demeurer long— temps sans exercice .Tout ains i qu’un Ath lete avant d ’entrer en l ice
,
Quand i l vo it sans rai son d ifferer l e combat,
I l s ’i rrite , i l s‘
emporte, i l c rie , i l s e débat ;De même ta vertu souffre de ne r ien faire .
Que l'on sera su i pr i s d'une étrange maniere
,
Quand des gens qu i croyo ient n'être pas entendus
Verront que j usqu ’ à mo i leurs d iscours sont venus .
Mai s la F leche paroît, tournons vite la p ierre ,Et voyons ce qu‘ i l a dans l'ame
,le compe re .
9 2 L‘
A N T 1 Q U A I R E ,
Vous d it—on . Eh ! parb leu , la chose es t étonnan te ,Que j e ne pui sse pas fai re entend re ma vo ix .
J e parlerai s i haut,pour la quatri éme foi s ,
Qu ‘ i l m'
en ten d ra, d ussai— j e atti rer sa colere .
Monsieur,Monsieur, Monsieur, votre urne est nette et claire
Comme un chrystal,Mons ieur, ne m’
en ten d ez- vous pas?
PANTAXÈ&
As—tu vû le Valet de Damoclès, là— bas ?
LA FLECHE .
Ni lui , n i son Valet , n i ce qu i l’
environne,
J e ne su i s po int sorti , ni j e n’
ai vû personne
PANTAXÈS
Et d e qu i sçai s—tu donc que j e su i s en ces l i eux ?
LA FLECHE .
I l ne faut pour vous vo ir, Monsieur, qu '
avo ir des yeux .
PANTAXÈ&
Tu me voi s donc ?
C O M E D I E . 9 3
LA FLECHE .
Comment , s i j e vou s voi s ? sans doute .
Voudriez-vous , Monsieur , que j e ne vis se goutte ?
PANTAX ÈS
LA FLECHE .
Si ce n’est pas vous , j e n’y con no is plus rien,
C’est un autre , du moins , qu i vou s ressemb le b ien .
PANTAXÈS
faut qu ’un d e n ou s deux surement s ’hallubi n e .
Voyons,car c ’est un po int qu ’i l faut que j
’
examin e .
Apporte—moi ta main .
LA FLECHE .
Que veut d ire cela ?
PANTAXÈS
Oui,ta main pour y mettre un anneau .
LA FLECHE .
La voi là
94 L’A N T I Q U A I R B ,
Mai s avant tout,Monsieur, d ites—mo i , je vous prie ,
A quoi doit aboutir cette cérémonie ?
PANTAXÈS, metta nt l'annea u un d es d oig ts
d e la Fleche .
Ne t'i nqu iete po int .
(Après lu i avo ir mis la bag ue
C'est fort b ien .
(Il s’
élo i g ne d e quelques pas .)Maintenant
Tourne en dedans la pierre ; en dedans , ignorant .
I l faut te répéter cent fo is la même affai re .
LA FLECHE qui avo i t tourné la p i erre en d ed ans
lorsque Pantaxès lui ava it d i t .
C'est en dedans auss i que j ’a i tourné la pierre .Voyez .
PANTAXÈS
I l a rai son . Ferme à présent la main .
LA FLECHE , après avoi r f ermé la ma i n .
I l veut m’en sorceller, vo i là tout , son de sse in .
(Il reti re l'
anneau et le rend à Pa ntaxès .)
9 6 L’
A N H Q U M R E ,
Mai s s ’ i l a le b i l let,j e pui s b ien lu i répond re
Qu ’ i l n’aura pas l’argent, et j e veux le confondre .
I l p laidera peut Eh ! qu ’ i l plaid e s ’i l veut .me fera Nous verrons s ’ i l l e peut .
LA FLECHE .
A tout ce long d i scours j e ne puis r ien compren d re .
Quelqu’un vous a fait tort , Monsieur, à vou s entendre ?
PANTAXÈS
Et mon Valere éto it de concert avec lui ,Quand d e ne me pas voir i l feignoit auj ourd ’hui .J e conn o is maintenant so n mauvai s caractere,Mai s j e sçau rai b ientôt éclai rci r ce mystere .
Il a ercoi t Damoclès ui entre et u’i l ne connaitpp . 4 4
pas . I l.vien t ‘
à peu près d ans le M e équipag e que
Cr isp in .)
Bon,n’est—cc po int encor quelque escogrif nouveau ,
Quivient en tapino i s nou s vendre que lque anneau ?
LA FLECHE .
C'est Damoclès, enfin ; i l s’est b ien fait attend re .
C O M E D I E .
PANTAXÈS
Ah ! bon,dans mes fi let s lu i-même vient se rend re .
Et j e vai s le tancer comme i l faut auj ourd ’hu i .
S CEN E I V .
PANTAXÈ S,DAMOCLÈS
,LA FLECHE .
DAMOCLÈ&
Est—ce là le seigneur Pan taxès ?
PANTAXÈS
Oui,c ’est lu i .
DAMOCLÈS
Ma j oye à ce moment , Monsieur, es t incroyab le ,Quand j e voi s Pantaxès, cet homme incomparable,Dont l’éclatan t mérite a fai t tant de jaloux .
9 7
9 8 L’A N T I Q U A I R E ,
PANTAX È&
Bon homme , vous voyez Pan taxès , d ite s—vou s ?
(Il lui mon tre l'annea u qu
’i l a au d o ig t. )
J ’en sui s vraiment surpris . Cependant,eh ! la pierre
Est tournée en dedans , comment se peut—i l fa ireQue vous pu i ss iez me vo i r ? Ah ! ah ! vous rougissez
,
Vous êtes i nterd i t ; j e me ta i s , c‘est assez .
J e vou s sauve l'afiron t d ’en cu ir d '
avantage ,Rendez—moi mon b il let et
,s i vous êtes sage
,
Ne vous vantez d e rien .
DAMOCLES
Quo i,vous m’
avez donnéUn bi l let ?
PANTAXÈ&
Comme i l v ient faire l’h omme étonné !Tourne , tourne les yeux sans me fai re répondre
(Il lu i montre en cor e l’
anneau .)
Cet ob jet su ffit- i l, traître , pour te confondre ?
DAMOCLES .
Ma i s enco re une foi s,de grace
,expl iquez—vous
,
Quel suj et contre mo i peut vous mettre en courroux ?Dans tout cec i
,Monsieu r
,j e ne pu is r ien comprendre .
1 0 0 L’A N T I Q U A I R B ,
SCEN E V .
PANTAXÈS,POLÉMARQUE ,
DAMOCLÈ S,
LA FLECHE .
POLÉMARQUE .
J e v iens ic i , monsieur, pour la seconde fo is
PANTAX ÈS à part.
Qu’ i l y vienne encore une,et pu i s c’en fera tro is .
POLÉMARQUE .
Vous sçavez l e su j et qu i près de vous m‘
ame in e .
Au reste,pour l'argent
,n ’en soyez pas en peine ,
J e n ’en a i pas beso in , Monsieur , présentement ;Val ere peut toujours - j o ind re le RégimentS i vous le trouvez bon .
PANTAXÈ&
Ah ! Monsieur, j e vous prie ,Ne me par lez jamai s de votre compagnie !
G O M E N E .
Vous perdez votre tems en d iscours superflus,Ni Valerc, ni moi , Monsieur , n’en voulons plus .
POLÉMARQUE .
Vo ilà , j e vous avoue , un d iscours que j ’admire .
Pourquo i donc ce b i llet que vou s venez d ’écrire ?
PANTAX ÈS.
Un b illet ,'
d ites—vou s ?
POLÉMARQUE .
Oui , c‘est la cautionQue j ’ai reçû d e vou s pour ma démiss ion .
PANTAX ÈS .
J e n‘en pu is plus douter, la fourberie est c laire ,Et ce coup— là me vient du perfid e Valere .
POLÉMARQUE .
I l m’a,d e votre part, apporté ce b i l let
Signé d e votre main .
PANTAX ÈS
Quel chagrin i l me fai t !
I O !
to : L'
A N T I Q U A I R B ,
Le fourbe m'
a surpri s . Ah ! Mons ieur, je vou s pri e ,Ren d ez-mo i mon b i l let .
POLÉ MARQUE .
I l a ma compagnie;l e b i l let d e ma démis sion
°
mil le francs,j e l e rendrai
,
SCE N E V I .
PANTAXÈS, POLÉ MARQUE, DAMOCLÈS ,CRISPIN , LA FLECHE .
CRISPIN , n'appercevant que Pantaxès.
Où donc est Pantaxès qu’on ne vo it p lus paraître ?
Pers onne n e l‘a vû ? j e ne sçais
PANTAXÈS .
Ah ! traître .
C'est toi qu i me jouois ? et, d ’un air séducteur,Tu viens encore ici pro longer mon erreur !
1 0 4 L’A N T 1 Q U A 1 R E ,
PANTAXÈS
Oui,par le vite .
CRISP IN .
Il n’ose p lu s paroître, et veut prendre la fuite .
PANTAXÈS
Comment donc , i l se cache , i l,m’
évite , i l me fu it ?De tes mauvai s conse i l s, traître , vo i là le fru it .J e
CRISP IN .
Vous me feriez une grande inj ust iceDe sa fu ite, Monsieur, de me cro ire compli ce .
C’est lu i qu i,de lu i—même
,a formé ce projet.
Pour ne point embrasser l 'état qu i lu i '
d éplai t .
PANTAX ÈS .
De mes bontés pou r lu i vo i là la récompense,
Et ce que j e reço i s de sa reconnoi ssanceD ’un pere comme mo i voulo ir se séparer ,Et j e su i s assez bon encor pour en pleurer .Vas l e trouver , Cri sp in , d i s—lu i qu 'i l s’en revienne ,Et que son prompt départ me fero it trop de peine .
Mai s non,j e ne veux plus qu ’ i l paro i s se à' mes yeux ,
C O M E D I E . I OS
Di s— lu i que pour tou j ours i l évite ces l ieux .
Puisque de me tromper le t raître a l’
in solen ce,
Je ne veux,de mes j ours
,le vo i r en ma présence .
Qu'i l ai l le , s ’ i l le veut,j o ind re son Régiment .
I
POLÉMARQUE .
De grace,réprimez votre res sentiment .
Votre fi l s e st en faute , i l faut le reconnoi tre ,Ma is , dans sa faute même , i l entre p lus peut— êtreDe cra inte et d e respect que d e mal ign ité ;Et
,quand i l veut s ’enfu i r , c’ est par t imi d ité .
PANTAX ÈS .
Ah ! j e l’ai trop aimé ; déja, d ès son enfance ,J e l e gâto is , l
’
ingrat, par“
trOp d e compla i sance .
Et j e ne sçavo i s pas que le p erfide , un j our ,Se sauvero it de mo i pour prix de mon amour .H élas l j e sens encor quemon cœur en soup ire .
POLÉMARQUE .
Vas l e trouver,Cri spin
,de ma part, et lu i d ire
De veni r au plutôt .
PANTAX È&
Ma i s d i s- lu i b ien surtoutQue l’ in grat a poussé ma pat ience bout .
1 0 6 L’A N T I Q U A I R E ,
SCEN E V I I .
PANTAXÈS,POLÉMARQUE ,
DAMOCLÈ S ,
LA FLECHE .
POLÉMARQUE.
S Il veut touj ours entrer dans l ’état m i l itai re ,Sans doute qu’à présent vous l e lai sserez fai re ?
PANTAXÈS
J ’aurai beaucoup de peine à m ’y déterminer ;Car enfin cet état , à b ien l’examin er,Est
,comme vous sçavez, un état d
‘
ignorance ;
Or,j e voud ro is transmettre à mon fi l s ma sci ence ,
Et l'on sçait qu’à la guerre on ne s ’ en p ique po int .
POLÉMARQUE .
Eh ! de grace,Mons ieur
,fi n issez su r ce po int ;
Etvous me permettrez,s ’ i l vou s plai t, d e vou s
Avec tout le respect que votre nom m' insp ire,
Que s i de notre état vou s con no iss iez le pr ix ,Vous n ’en parler iez pas avec tant de mépris .Oui , j e pui s avancer ic i sans flatterie ,
I 0 8 L‘
A M T I Q U A I R E ,
Ce qu i,même à mes yeux
,s ’ est passé de no s j ours
,
Quand le fier Cumberland vint conduire à n os portesDes Angla i s furieux les nombreuses cohorte s
,
Et qu’
avec ! onigsec! et l’Etat Hollanda i s ,I l ava i t con juré la perte des Fran ça is .
Que fut- i l arrivé, s i pour toute défense ,Alors flou s n ’
eu ssion s eû que des sçavan s en FranceUn semblab le renfort
,aux champs de Fon tenay,
Aura i t sans doute été d ’un grand secours au Roy ?Tranqui l le dans le port
,é lo igné de l ’orage
,
Vous qu i voulez j ou ir d ’un si grand avantage,
A votre fi l s,du moins,donnez la l iberté
D ’
al ler vou s assurer cette tranquil l ité ,A ses justes d esirs cessez d ’être contrai re .
PANTAXÈ&
Vous croyez donc,Mon sieur
,Ïqu’i l est né pour la guerre ?
POLÉMARQUE.
J e conna i s là—dessu s ses d isposi tions .Ainsi ne gênez plus se s incl inati ons .
PANTAX ÈS .
Mai s la
C O M E D I E . 1 0 9
POLEMARQUE.
La guerre ?
PANTAX ÈS
Est trop d ispend ieuseEt
,quand on n’est po int riche
,el le e st très— onéreuse .
POLÉMARQUE .
Les frai s n’en seront pas s i grands que vou s pensez ,Et pour les souteni r vou s êtes r iche assez .
SCENE'
V H J.
LE S MÉME S,CR I S P I N m VALERE .
CRISPIN .
Valere est i c i près,mai s i l n’ose para itre .
PANTAX ÈS.
a grande rai son d e se cacher,le traître ?
Mai s peut- être attend- i l que j ’a i l le le chercher .
I I O L’A N T I QU A I R E ,
POLÉMARQUE .
I l n’est p lu s quest ion ic i d e se fâcher ;I l reconna i t sa faute, un repentir s incereDo it lu i fai re obtenir le pardon qu ’ i l e spere
,
Et vous , pour préven ir des maux p lus grand s encor,Lai ssez—le mai ntenant le maître de son so rt .
(A Valere qu’i l apperçoi t d err iere la scene .)
Valere, paro issez , votre pere l
'
ord on n e .
VALERE g enoux.
Mon pere , pardonnez . …
PANTAX È S
Ah ! que j e te pardonne . …
Perfi d e l tu sens trop ce que tu peux sur moi !
Ma i s s i j ’éta i s mo i—même auss i méchant que to i ,J e te fera i s sentir j u squ ’où va ma co lere ;Tu sera i s meil leur fi l s s i j ’éta i s moins bon pere .
Mai s, par un dern ier tra it d’
amour et de bonté,
J e t’
accord e un pardon sans l ’avoi r méri té .
J e fa i s plus , et j'oub l ie un afi‘
ron t ou to i—mêmeJe t’ai vû te po rter avec un zéle extrême,Et
,sans vou lo ir u ser ic i d e tou s mes dro its ,
J e te d emand e encor, pour la d erniere foi s ,
1 1 2 L’A M T I Q U A I R E ,
Si vous voulez,enfin , rend re mon sort heureux ,
Vous ne serez donc plus s i contrai re à mes vœux .
Vous n ’
opposerez plu s à mon ardeur extrêmeDes ordres paternel s l ’autorité suprêmeCe n ’est que dans l ’état où se porte mon cœur
,
Que j e pui s surement rencontrer mon bonheur .
PANTAX ÈS
Enfin,s’i l est donc vrai que c ’est là ton envie
,
J e ne m’oppose plu s à ce genre de vie,
Su is ton choix ; i l n‘est p lus à présent question
Que de trouver l’argent de la démiss ion ;Et des c inq mi l le francs qu ’ à payer j e m ’ engage
,
Deux mil le serv iront aux fra i s de ton voyage .
J e va i s auparavant t e d onner quelque avi s ,Qu ’un jour t u te sçau ras bon gré d
’
avoir su ivi sPropose- to i tou j ours pour modé l e et pour gu ideDes G uerri ers d ’
autrefo i s la condu ite r igide,
Des fameux Assyriens le s glorieux explo its,
Et des Perse s va inqueur s du tems des premiers ta is .
Apprend s exactement , et grave en ta mémoire ,Des G recs et des Romain s la glorieu se h i sto ire .
Quand sur l e bord d ‘un fleuve ; au mil ieu des combats ,Tu verras renverser des m il l iers de so ldat s ,C ’est a in si
,d iras- tu
,qu ’ on vit l’A igle romaine
Perdre se s légions au bord du Trasimene ,Et c‘est encore ains i qu'aux champs Béotiens
C O M E D 1 E . 1 1 3
Sparte vit autrefo i s péri r se s C itoyen s ,Ou que Léon id as auprès des Therm0 pylesRend it du ro i X erxés le s forces inuti le s .Et
,lorsque l ’on fera la guerre sur l e Rh i n
Plein d ’admirat ion tu t
'
écrieras soudai nC 'est ic i que César eut jad i s l ’ i ndustrieDe fa ire faire un pont . S i c’e st en I tal ie ,C 'est dans ce s d éfilez
,c ’ est dans ce l ieu fata l ,
Diras—tu,que l ’o n vit le s troupe s d '
An n ibal,
Quand l e grand Fab ius,p le in d ’
un noble courag e ,Lu i fi t reprendre enfin sa route vers Carthage .On t ’
exaltera fort les guerriers d e n o s jours ,Mai s garde—to i , mon fi l s
,d ’
écouter ces d iscours ;Tel qu i ne connaît po int la bravoure romaine
,
Ne voit r ien au - des su s de Condé,de Tu ren e ;
Un autre te d ira que V en d ôme
i
et Villar sOnt valu de leu r tems
,eux seu ls
,tou s les Césars
l
Que dans l’art d’
attaquer et de prendre une placeLes G recs et les Romain s n ’ont rien qu i nou s effaceQue ces peuples ja
‘
mai s n ’ont eu de généralQu i pu is se sur ce po int égaler Loven d al;Qu’i l n ’est po int de Rampart
,de Château n i de Vil le
Qui ne tombe au seu l nom du valeureux Bel le- I s leQue Saxe en douze mo i s a fa it chez les Flamand sCe que n ’
eu ssen t point fai t le s Roma in s en douze an s ;Que
,plein s d ’
ard eu r enfin,nos Fran ça i s ont sç u prendreEn moins d e deux étés tous les pays de Flandre ,
I O .
1 14 IAA N T 1 Q U A I R E ,
Tand is qu 'aux fiers Romai n s i l fal la it autrefoi sD ix an s bien mesurez pour dompter les G au lo is .Mai s avons—nous jamai s renversé de s Carthages ?Et
,s i no s généraux ont eu des avantages,
Qui d ’eux
,.comme César, peut d i re en racourci
J e vin s , v i s et vainqu i s . Ven i , vi d i , viei .Et comme des Romain s
,d ira— t-on que nous autres
Nous ne serons jamai s vaincus que par les nôtres !Ah ! que j ’a ime à penser à ce beau vers lat inQu ’on l i t dans les écrit s d u Poète Luca in
,
Qui d it,pour exprimer la puissance romai ne,
Que Rome seu le a pû mettre Rome à la chaîne.
VALERE
Je ferai mon profit de ces sages avi s,J ’en sens p lus que jamai s auj ourd ’hu i tout leMai s oserois—je encor demander une grace ?
PANTAX È&
Oui , demande , i l n ’est r ien que pour toi j e ne fasse .
VALERE .
C’est que vous accord iez à Cr i spin l'agrémentDe ven ir avec mo i j o ind re l e régiment .
CRISP IN, g enoux
Ah ! souffrez avec l ui que j e vou s en conj ura,
L’A M 1
‘
I Q U A I R E , C O M E D I E .
CRISP IN .
Vous me pard onnez d onc ?
PANTAX ÈS
Leve-to i seu lement .(A Polemarque .)
Vous,Monsieur
,vou s aurez au plutôt votre argent .
Vous,Monsieur Damoclès , pardonnez la mépri se
Qui m’a fai t vou s parler avec trOp d e franchi se ,
Et voyons si,parmi ce que vous apportez
,
Je pu i s m’
accommod er de quelques raretez .
CRISP IN .
L‘
affai re heureu sement e st enfin consommée,
Et j e vai s m’
apprêter à part i r pour l 'armée .
F I N .
C H ANSON
POUR SERV IR D EP ILOGUE A LA COMED IED E l’Antiqua ire .
tems passé, vou s qu i vantés les loixEt qu i méprisés trop le nôtre ,Croyez—moi l ’un est comme l ’autre ,
C’ est encore comme autrefo isL’on vit tou j ours se lon le vi eux systeme .
Parcourons ce tems s i vantéQue l’on appel le Ant iqu ité
,
Et nous d irons en vér itéTout va toujours de même
Au tems passé, le fuseau dans les do igts ,Epri s d ’
un amour ri d i cu le,
I Z O C H A N S O N .
Aux pieds d ’0 mph ale on vit Hercule .
C ’est encore comme autrefo i sau jourd ’hui , par son pouvo ir suprême ,L’amour souvent d e nos héro s
Change les lauriers e n pavotsEt des armes fa it d es fuseaux .
Tout va toujours d e même .
Au tems passé,peu jaloux d e ses dro it s ,
Socrate,après son mariage
,
Ne fut po int maître en son ménage .
C’est encore comme autrefo i s :
Car aujourd ’hu i plus d ’un bon Nicod ême ,Pour avoir la paix au logi s ,Lai sse porter à sa Clori sCe qu i ne convient qu ’
aux mari s .
Tout va touj ours d e même .
Au tems ’
passé, parmi ses beaux exp lo its ,La G rêce a vu plus d
‘un Thers ite
La d esh on orer par sa fuite .
C H A N S O N . I 2 I
C ’est encore comme autrefoi sauj ourd ’hui
,ple in d ‘une ardeur extrême
,
Dès l e premier coup de mousquet,
L'
on voit encor mai nt freluquetSe sauver derri ere un bosquet .
Tout va tou jours d e même .
Au tems passé, d ’une éloquente vo ix ,On a vû le grand Demosth en e
Ennuyer l e peupl e d ’Ath en e .
C’est encore comme autrefo i sCar au jourd ’hu i, sur la fin d ’un Carême,
I l n’est aucun préd icateurQui quelquefoi s , fa i ble orateur ,N ’a it ennuyé son aud iteu r .
Tout va tou jou rs de même .
Au tems passé,pour un jo l i m inoi s
Plus d ’un juge à l’
A réopag e
Lai ssa corrompre son suffrage .
C’est encore comme autrefo i s
1 2 2 C H A N S O N .
au jourd ’hu i, par plus d
’un stratageme,Cupidon su r les fleurs d e lysFai t rendre souvent à ThemisDes arrêt s d icté s par Cypri s .
Tout va tou j ours d e même .
Au tems passé,souvent au fond d ’un bo is
Timon contre ‘
la race humaineS’en al la i t exhalerla hai ne‘
.
C ’est encore comme autrefo i s
Car auj ourd’hu i,l ’œ i l hagard ,
‘ le teint b lâme,P lus d ’un Timon du genre humainDans un col loque c landes t i nVomit sa b i le et son chagrin .
Tout va touj ours de même.
Au tems passé,Phi losophes narquoi s
,
A l ’ exemple de Diogene,
Vous vous in sultiés d an s Athene‘
.
C 'est encore comme autrefo i s :Car auj ourd ’hu i l’on voit sur un d i lemme
C B A N EO X .
L’
An gloîs_
se fai t une bo i sson
Qu i le dé pêche chez Pluton .
Au temp passé , d ans un cercle bourgeois ,Pour avoi r giapi quelq ue I d ile,Mœvi us se crut un Vir
‘
g i le.C’ est ensure comme autrefoi s
Car aujourd‘hu i , par u n o rgu eil extrême.
Chaque gau j at d e i’H éli con
Veu t en trer en comparaison .
Tou t va tou j ours d e même.
mieux d ans les pièces d e théâtreO
Acte premierActe second .
Acte tro isième.
1 24 C H A N S O N .
L‘
Ang lo is\
se fai t une boi s sonQui l e dépêche chez P luton .
Tout va tou jou rs d é même .
Au tems passé,dans un cerc le bourgeo is ,
Pour avo ir glapi quelque Id ile,Mœvius se crut u n Virg i le .
C’est encore comme autrefo is
Car aujourd ’hu i, par un orguei l extrême
Avec Voltaire et Crébi llon ,Chaque goujat d e ! ’Hé l iconVeut entrer en compara iso n .
Tout va tou jou rs de même .
. L6 2 3 A6 1 5 1 8 7 0
COO LAPBRÏ E ç JUS L ' ANTI G
ACC! 1 2 1 7 3 3 5
E n vente à la libra i r i e d‘
Aug . AUBR !
H I STO IRE D E S FAIENCE S ET PORCE LA I N E S D E MOUSTI ER S , Mar
se i l le et autres fabriques mérid ionale s In—8 . Monogrammes .
fl’resque 4 fr .
reste quelques exemplaires sur papier vergé de Rives.H I STO IRE D E S FAIENCES H I SPANO M ORE SQUE S , à reflets métalliqu es . ln -8 . !Pr esque épu isé .) 2 fr . 50
LE CAB INET DU DUC D ’AUM ONT ET LE S AMATEUR S D E SONTEM P S . (Catalogu e de sa vente , avec le s prix , le s noms desacquéreurs , 3 2 planche s d
’
après G OU TH IERE , accompagné denotes et d ’une notice sur P i erre G auth ière, sculpteur , cise
leur et d oreur d u Ro i . In—8 , sur papier d e Rives . !Ti ré àpeti t n ombre 2 0 fr .
UNE VENTE D ACTR ICE SOUS LOU I S XV I Mlle Lag uerre, d el
’Opéra ; son inven ta i re . meubles préc ieux , porce la ine s deSèvre s
,cri stal d e roch e
,etc . , avec une introduct ion et d es
note s . I n- 8 , b eau papier vergé de Ho l lande . Portrait àl ‘eau—forte par G i lbert . ( Ti ré à peti t 5 fr .
LA FA ! ENCE,poème de Pierre De Frasnay
,su iv i d e VA S \
FAVENTINA , Ca rmen Avec une introduct ion su r le sprix d e la faïence et sur sa place d ans la curio sité aux S iè
c le s dern iers . In 8,beau pap ier vergé d e Hol lande . ( Ti ré
à peti t nombre ) . 5 fr .
L’AMATEUR
,coméd ie en u n acte précéd ée d ’un avant
propos . In— 1 8, beau papier vergé de Hollande . ( Ti ré a
peti t 3 fr .
LES PORCELA INE S D E SEVRE S D E Mme DU BARR! , d ’
après lesmémoires o rig inäux d e la Manufacture royal e . Avant -propo set notes sur les prix des porce laines de Sèvres au XVI 11 !
s ièc le . In—8 ,‘ beau pap ier vergé de Hollande . !Ti ré à peti t
nombr e .) 3 fr .
VO ! AGE E N E SPAGNE , i l lu stré par G u stave Doré . 3 2 l ivra i sons,contenant de nombreu se s gravures
,ont paru dans le Tour
!Quelques exempla i res d e ces ouvrag es on t été ti rés sur
ch i ne, wha tma n , pa r chemi n et véli n .
7987 Paris , imp. louaust, rue Saint—H onoré,