« SanS Souci chez Soi, le choix de l’habitat ServiceS

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SÉMINAIRE Mardi 5 février 2019 ACTES DU SÉMINAIRE « SANS SOUCI CHEZ SOI, LE CHOIX DE L’HABITAT SERVICES » Résidence autonomie Victor Hugo Rue André Dupin, Lormont © F.Gerbeaud © marpa.fr © A.Pequin

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Séminaire

Mardi 5 février 2019

Actes du séMinAire

« SanS Souci chez Soi,le choix de l’habitat ServiceS »

résidence autonomie victor hugorue André dupin, Lormont

© F.Gerbeaud© marpa.fr © A.Pequin

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SanS Souci chez Soi, le choix de l’habitat ServiceSce séminaire a été organisé dans le cadre du projet « habitat, vieillissement et filières de production : vers des innovations sociales ? », lauréat en 2016 de l’appel à projets « recherche » de la région nouvelle-Aquitaine, et pour lequel Logévie est partenaire. sur 3 ans (2016-2019), il vise à appréhender les spécificités de l’offre d’habitat destinée aux seniors et à identifier les innovations pertinentes au regard des besoins actuels. Porté par une équipe pluridisciplinaire constituée du Laboratoire PAVe et du centre emile durkheim en lien avec le Forum urbain, ce projet est mené en interaction avec une diversité d’acteurs.

Après le lancement du programme de recherche en février 2017 avec le Workshop « Habitat et Vieillissement », plusieurs séminaires ont égréné le calendrier de ce projet de recherche, notamment sur l’offre d’habitat intermédiaire entre le domicile comme lieu de vie et la vie en institution (Bordeaux Métropole, juin 2017), l’habitat des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer (ensapBx, décembre 2017) et l’habitat intergénérationel sous diverses formes (associatives, publiques et privées) à la fois dans une visée scientifique et opérationnelle (maison des associations de cenon, mai 2018).

Le séminaire « sans souci chez soi » s’est focalisé sur les diverses offres d’habitat service qu’il soit public ou privé, urbain ou rural, pour interroger à la manière dont il est vécu et approprié par ses résidents d’une part, et d’autre part comprendre comment ce modèle d’habitat évolue face aux enjeux actuels (vieillissement des structures, renouvellement des générations et impact des technologies, modèle économique de l’habitat service à l’échelle du territoire, architecture et urbanisme).

Les intervenants ont témoigné de leurs expériences autour de la gestion, du rapport entretenu avec les résidents, de la conception architecturale et de l’inscription des politiques du logement et du vieillissement dans le territoire.

• Retrouvez les actualités du programme de recherche « Habitat, vieillissement et filières de production : vers des innovations sociales? » ici : https://pave.hypotheses.org/habitat-et-vieillissement-hv

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Programme9h00 mots de bienvenue• Jean touzeau, maire de Lormont• Christophe Corrège, directeur clientèle de Logévie• Guy Tapie, professeur de sociologie à l’école nationale supérieure d’architecture et de paysage de Bordeaux

9h15 conférence introductive « Politiques publiques et parcours résidentiels : l’exemple de l’évolution des logements-foyers en résidences autonomie »• Anne-Bérénice Simzac, cheffe adjointe du pôle soutien à la recherche et à l’innovation de terrain à la Fondation Médéric Alzheimer

10h00 Table ronde 1 « L’habitat services au quotidien : trajectoires et appropriations »Modération : Fanny Gerbeaud, architecte, docteure en sociologie, ingénieure de recherche au laboratoire PAVE• isabelle bertaina, directrice de la résidence « Les sénioriales » de cenon• erik dermit, directeur général de Logéa• isabelle hélaudais, directrice du ccAs de saint-Médard-en-Jalles• Frédéric Raffy, architecte d.P.L.G

11h15 table ronde 2 « Questionner l’habitat services : pérennité et évolution du modèle »Modération : Guy Tapie, professeur de sociologie à l’école nationale supérieure d’architecture et de paysage de Bordeaux• Chloé Bonato, chargée d’études MsA services Gironde• muriel boulmier, présidente de l’ArOsHA• Sébastien loste, reponsable du développement de l’agence Aquitaine/charentes de icade Promotion

12h15 Présentation du projet de reconstruction de la résidence autonomie victor hugo

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Politiques publiques et parcours résidentiels : l’exemple de l’évolution des logements-foyers en résidences autonomie

Synthèse issue de la conférence introductive d’Anne-bérénice Simzac

docteure en science politique, Anne-Bérénice simzac a réalisé sa thèse, intitulée « Le dispositif des logements-foyers : entre trajectoire individuelle et politiques publiques », sous la direction de claude Mar-tin dans le cadre d’une convention ciFre. elle est titulaire des Masters « Ville et société salariale » (université de nancy 2 - université d’umeå en suède) et « Politique comparée des âges en europe » (ieP d’Aix en Provence). Jusqu’en 2016, elle co-coordonne le réseau de jeunes chercheurs « Vieillissements et société » en étant membre du bureau du réseau de jeunes chercheurs « santé et société ». A la Fondation Médéric Alzheimer, elle travaille notamment sur les questions rela-tives à l’inclusion sociale des personnes atteintes de troubles cognitifs.

Anne - Bérénice simzac - © Forum urbain

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introductionnous sommes actuellement dans un contexte de vieillissement de la population et se pose de façon de plus en plus forte la question de l’habitat de cette population. La solution de l’eHPAd pour l’accueil des publics dits « dépendants » est de plus en plus remise en question et ne fait plus figure d’une solution universelle pour l’ensemble de la population âgée ne pouvant plus rester seule en domicile ordinaire. Ainsi, les habitats, appelés dans le cadre de cette conférence les ha-bitats « services », sont devenus un enjeu central du développement de l’offre résidentielle pour les per-sonnes âgées. sous des terminolgies variées, les habitats intermédiaires, alternatifs ou inclusifs rendent ac-teurs les séniors. il s’agit à la fois de résidences services, d’habitat groupé du type béguinage, de colocations intergénérationnelles ou encore de colocations « Al-zheimer », d’habitats autogérés. dans le cadre de cette interven-tion, je vais évoquer plus précisé-ment le cas des logements-foyers.

Le logement-foyer, dispositif créé dans les années 1960, est un éta-blissement médico-social accueil-lant majoritairement des personnes de plus de 60 ans autonomes, c’est-à-dire « catégorisées » en Gir 5 et 6. il permet aux personnes ac-cueillies de bénéficier d’un loge-ment privatif, mais aussi d’espaces collectifs. dans un cadre sécurisé, les résidents disposent de services

facultatifs (animation, restaura-tion, aides diverses…). A l’origine, il s’agit d’un dispositif de loge-ment social, permettant l’accès à des logements décents pour des personnes âgées à faible revenu.

selon l’enquête eHPA de la drees en 2015, on comptait 2428 loge-ments-foyers, gérés dans 70% des cas par les centres communaux d’action sociale (ccAs). il y avait au 31 décembre 2015, 101 880 résidents en logement-foyer avec en moyenne 46 résidents.

La loi sur l’adaptation de la société au vieillissement (2015) a amorcé un tournant politique pour ces ha-bitats, notamment en changeant leur appellation en « résidence au-tonomie » et en leur attribuant de nouvelles missions de prévention.

Lors de cette intervention, je pro-pose de revenir sur l’évolution politique et sociale des loge-ments-foyers depuis leur créa-tion jusqu’à leur mutation en ré-sidence autonomie. Puis, nous verrons comment ces arbitrages politiques ont des conséquences concrètes sur les parcours rési-dentiels des personnes accueillies. ensuite, comment les résidences autonomie se situent au sein de l’offre d’habitat avec services qui se développe de façon expo-nentielle ces dernières années.

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Sociohistoire des logements-foyers : entre politiques d’habitat et politiques gérontologiquesPour comprendre l’apparition des logements-foyers, il est essentiel de revenir rapidement sur le contexte politique et social de l’époque. La France après la deuxième Guerre mondiale doit se reconstruire et fait face à une grave crise du loge-ment accentuée par l’exode rural et une croissance démographique exceptionnelle : le « baby-boom ». dans le même temps, l’etat va développer des mesures sociales pour venir en aide aux popu-lations qu’il considère comme « fragiles », dont font partie les personnes retraitées et âgées.

La France s’efforce de trouver des solutions d’habitat pour les personnes âgées ayant peu de ressources. L’Etat définit ainsi des politiques de logement social et, en parallèle, on assiste aux pré-mices de la politique vieillesse. Le croisement de la probléma-tique du logement et celle de la prise en charge des personnes vieillissantes favorise l’émer-gence des logements-foyers.

Les logements-foyers ont donc été créés par la loi du 7 août 1957 qui favorise la construction de logements et d’équipements

collectifs (J.O. du 10 août). Les lo-gements-foyers ont été pensés pour répondre à une crise du lo-gement entraînant un réel besoin de logements sociaux dans une situation où les seules offres d’ha-bitat collectif pour les aînés se ré-sumaient aux hospices. Ainsi, la mission première est d’accueillir des personnes âgées autonomes à faibles revenus dans des loge-ments décents. Les premières ré-glementations s’inscrivent donc logiquement dans le code de la construction et de l’habitat. en 1962, le rapport Laroque marque une première étape forte de la mise en place des futures politiques vieillesses. c’est le mo-ment d’une prise de conscience, tant par l’opinion que par les col-lectivités locales, des problèmes de la vieillesse. dans ce rapport, les logements-foyers sont définis comme facilitant l’aide à domi-cile et la surveillance médicale et permettent de « retarder le mo-ment où le placement en institu-tion pourrait devenir nécessaire » (p. 205). La prévention de la perte d’autonomie est alors suggérée comme pouvant être l’un des rôles centraux attribués à ces structures. L’accompagnement des per-sonnes âgées est pensé en amont d’une dégradation de l’état de santé physique ou psychique.

Les logements-foyers ont ensuite fait l’objet d’évolutions législatives multiples et successives. Pour les résumer, elles définissent le ca-

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hier des charges de ces établis-sements (taille des logements, locaux collectifs, situation géogra-phique…) et les droits d’accès aux aides sociales pour leurs résidents. Le 30 juin 1975 est votée la loi-cadre « médico-sociale » marquant un premier tournant dans le déve-loppement des logements-foyers. elle prévoit la disparition des hos-pices et des structures d’accueil adaptées aux besoins géronto-logiques. elle privilégie l’autono-mie du secteur médico-social au regard du secteur hospitalier.

Les logements-foyers sont directe-ment concernés, puisque le texte stipule que « sont des institutions so-ciales ou médico-sociales au sens de la présente loi tous les orga-nismes publics ou privés qui à titre principal et d’une manière per-manente […] hébergent des per-sonnes âgées ». en les incluant au sein des institutions sociales et mé-dico-sociales, la loi du 30 juin 1975 transforme les logements-foyers en établissements. Quand le maître d’ouvrage est bailleur social, ces structures seront soumises aux obli-gations du logement social défi-nies par le Code de la construc-tion. Elles seront aussi soumises aux procédures d’autorisation préalable de tout établissement accueillant des personnes âgées, prévues dans le cadre du Code de l’action sociale et de la famille.

La loi du 24 janvier 1997, la réforme de la tarification, est la première

réforme de ces établissements et définit ce que sont les EHPAD. elle instaure la Psd (Prestation spéci-fique Dépendance), prestation à laquelle ont accès les résidents des logements-foyers. Les loge-ments-foyers, oubliés par le pro-jet de loi dans un premier temps, sont concernés directement, car les établissements accueillant une population très âgée et peu auto-nome vont devoir se transformer en eHPAd et signer une conven-tion tripartite pluriannuelle. cette loi a ainsi un impact sur la dimi-nution de l’offre d’hébergement en logements-foyers, entraînant la disparition de près d’un tiers de l’offre disponible en une décennie.

La loi n°2002-2 du 2 janvier 2002 « rénovant l’action sociale et médico-sociale » se substitue à celle de 1975 régissant les struc-tures d’accueil du secteur so-cial et médico-social. Les loge-ments-foyers, toujours considérés comme des établissements so-ciaux et médico-sociaux, conti-nuent à devoir se soumettre à la même législation que les ehPad et les services d’aide et de main-tien à domicile. Alors qu’en pa-rallèle, d’autres offres d’habitats collectifs avec services destinés aux seniors autonomes ne sont pas soumises à cette législation.

Les logements-foyers sont éga-lement concernés par la loi hPSt (loi « Hôpital, patients, santé, territoire ») qui instaure un « pro-cessus de régulation » pour le

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secteur médico-social. Les loge-ments-foyers sont soumis à la pro-cédure « d’appel à projets » pour la création ou l’extension des établissements médico-sociaux. Or, il y a peu d’appels à projets concernant les logements-foyers, puisque l’objectif des pouvoirs publics n’est pas d’ouvrir de nou-velles places d’hébergement, mais plutôt de rénover l’existant.

La réforme la plus ré-cente concernant les loge-ments-foyers est leur transforma-tion en résidences autonomie.

Des logements-foyers aux résidences autonomieLa loi d’adaptation de la so-ciété au vieillissement (dé-cret du 27 mai 2016) trans-forme les logements-foyers en résidences autonomie.

elle a notamment créé un forfait autonomie spécifique à ces rési-

dences et a instauré des prestations minimales (sécurité, blanchisserie, restauration, animation) afin d’har-moniser l’offre de service. de plus, les résidences autonomie peuvent désormais accueillir des personnes en situation de perte d’autonomie (limite à 15% de résidents en Gir 1 à 3 et à 10% de résidents en Gir 1 à 2) mais aussi des étudiants, des personnes en situation de handicap ou encore des jeunes travailleurs dans une proportion de 15% des personnes accueillies.

Au-delà des changements fonctionnels et de réglemen-tation qu’implique le texte de loi, la réforme prévoit un chan-gement de missions en ac-centuant leur rôle préventif. un nouveau public cible, les personnes âgées présentant une perte d’autonomie légère, est visé, créant ainsi une forme d’habitat alternative au domi-cile, aux autres formes d’ha-bitat services pour personnes âgées autonomes et à l’eHPAd.

© simzac

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en cinquante ans, les établisse-ments actuels héritent de textes législatifs qui s’additionnent les uns aux autres, alors même qu’ils sont parfois en contradiction.

Les logements-foyers ont permis successivement aux pouvoirs pu-blics de faire face à un phéno-mène de crise du logement, puis à la gestion du vieillissement de la population, pour ensuite arriver à l’accompagnement du grand-âge. en fonction des époques, les logements-foyers apparaissent comme une solution à adapter en fonction des besoins et de la per-ception de la place des aînés dans la société. seulement, ces adapta-tions sont parfois réalisées au détri-ment de l’uniformité des structures et des normes qui les concernent.

Les logements-foyers ont donc servi de variable d’ajustement aux pouvoirs publics. ces chan-gements législatifs ont des consé-quences concrètes sur les par-cours des personnes âgées.

une dissonance entre le parcours prévu par les pouvoirs publics et le parcours vécu

Accueil de personnes de moins en moins autonomes

comme cela était souhaité à la fois

par une partie des professionnels et des résidents, la loi autorise les personnes en perte d’autonomie à résider au sein d’une résidence au-tonomie jusqu’à la fin de leurs jours, même en cas de perte d’autono-mie importante. c’était une limite des logements-foyers : demander à une personne qui jusqu’alors se sentait « chez-elle » de quitter la ré-sidence, car elle perd en autono-mie. Les résidents peuvent désor-mais continuer de vivre au sein de la structure, même en cas de perte d’autonomie et sous certaines conditions prévues dans la loi : inclure dans le projet d’établisse-ment, en cas de dépassement du seuil, une réorientation en eHPAd sous un an ; établir des conven-tions de partenariats avec les ac-teurs médico-sociaux du territoire.

désormais, les personnes ne sont plus obligées de quitter leur loge-ment, mais se pose la question soulevée par certains gestion-naires, de leur accompagnement avec un personnel réduit (4 etP en moyenne) induisant la nécessité d’un accompagnement familial. La loi autorise l’attribution de loge-ments à des personnes en Gir 1 à 4 dans la limite de 10 à 15% des ré-sidents, afin de favoriser leur main-tien à domicile dans la résidence.

de plus, les attentes des personnes âgées des années 1970 et des re-traités d’aujourd’hui ont évolué et les individus sont face à une plu-ralité d’offres passant d’un marché dit captif à un marché concurren-

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tiel. La première génération de résidents en logement-foyer expri-mait peu la volonté de bénéficier de multiples choix ni de s’engager activement dans la construction citoyenne d’alternatives aux ins-titutions gérontologiques. La gé-nération des retraités actuels re-vendique l’accès à des services personnalisés, une considération dans son individualité et de pou-voir rester actrice de sa vieillesse. Ainsi, les habitats inclusifs, tels que des habitats groupés, des domi-ciles partagés, en colocation ou encore des habitats autogérés ouvrent de nouvelles solutions dans une logique domiciliaire.

Une attractivité moindre pour les publics autonomes

Les résidents des logements-foyers cherchent à éviter d’être assimilés à la population âgée en habitant dans une « maison pour vieux », que ce soit au niveau architectu-ral ou de la population accueillie.

Ainsi, pour attirer de nouveaux résidents (les plus jeunes possible pour dynamiser la vie de l’établis-sement), les responsables n’hé-sitent pas à interdire les déam-bulateurs, à choisir de faire visiter les appartements des personnes les plus autonomes, à prévoir les visites de l’établissement aux moments les plus opportuns.

Les futurs résidents expriment clai-

rement ce souhait en expliquant que l’ambiance générale déga-gée par la structure compte et qu’ils ne souhaitent pas rejoindre un établissement où leurs voisins seraient de « vieux dépendants ».

« Ce qui m’a choquée au dé-but, c’est les gens handicapés, c’est pas médicalisé ici […]. Qui

avaient des cannes et des déam-bulateurs. Au début quand on n’a

pas l’habitude... » Mme Léger, 82 ans, résidente

depuis 2 ans

« Les plus jeunes qui viennent sont un peu rebutés par ça. S’ils

voyaient une ambiance jeune, ils viendraient peut-être un peu plus

facilement » Mme Marchal, 90 ans

Alors que la loi accentue l’appar-tenance des résidences autono-mie au champ médico-social avec notamment la valorisation de leur rôle préventif, les motifs d’entrée en logement-foyer ne sont pas liés au statut d’établissement mé-dico-social et sont relativement si-milaires à ceux prévalant au choix d’un domicile ordinaire (le type d’appartement, la localisation, la présence de services, le coût…).

Les résidences autonomie visent en priorité des personnes pré-sentant une perte d’autonomie légère, mais à l’inverse des lo-gements-foyers pensés dans les années 1960, elles risquent de ne plus attirer le même public de

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personnes récemment retraitées souhaitant bénéficier d’une vie sociale riche tout en bénéficiant d’un loyer modéré. La population, initialement ciblée par les loge-ments-foyers, risque ainsi de s’orien-ter plus facilement vers des offres d’habitat privé à vocation sociale (résidences services sociales ou béguinage par exemple) propo-sant des services d’animation en faveur des personnes autonomes.

d’une logique sociale à une logique gériatriquedans une logique « gériatrique », on promeut l’autonomie comme valeur centrale dans une logique de prévention. Ainsi, les pouvoirs publics ont fait de l’autonomie de la personne âgée une carac-téristique des résidences autono-mie. La notion d’autonomie ad-mise au sein des établissements est conforme à la façon dont elle est conçue par les pouvoirs pu-blics. elle correspond à un état de santé et à la possibilité de conti-nuer à réaliser les actes essentiels de la vie quotidienne pour habi-ter dans un logement individuel.

cependant, les résidents en lo-gement-foyer, eux, expriment le souhait de rester indépendants. c'est-à-dire qu’ils apprécient la liberté laissée de pouvoir aller et venir, comme dans un loge-ment ordinaire, de pouvoir par-ticiper ou non à la vie sociale

de l’établissement, de bénéfi-cier ou non de repas collectifs.

« C’est top parce qu’on est chez soi […] on est indépendant. On

fait ce qu’on veut chez soi » Mme Barbier, 74 ans, résidente

depuis 10 ans

« Les personnes accueillies se sentent en sécurité tout en res-tant libres d’avoir les activités

qu’elles veulent, de recevoir qui elles veulent, de sortir quand elles veulent, de partir en vacances… tout en ayant une sécurité, car

elles savent qu’elles ne sont jamais toutes seules »

employée de restauration, site 2

La définition de l’autonomie don-née par les politiques publiques ne correspond donc pas totale-ment à ce qui est recherché par les personnes âgées. ces dernières souhaitent conserver leur indé-pendance. elles ont intégré une définition fonctionnelle de l’au-tonomie telle qu’elle est relayée par les pouvoirs publics et acteurs du secteur. elles soulignent la dif-férence entre être « autonome » dans les gestes du quotidien, ce qui leur permet de continuer à ré-sider au sein de l’établissement, et le fait d’être « indépendant ». Elles souhaitent pouvoir continuer à décider par elles-mêmes de l’or-ganisation de leur vie quotidienne (sorties, repas, activités…) et c’est l’une des raisons principales de leur entrée en logement-foyer.

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en rejoignant ce type d’habitat, les résidents espèrent pouvoir com-penser une fragilité sociale ou phy-sique et continuer à vivre en toute indépendance et sécurité. L’indé-pendance se caractérise par une absence d’entrave émanant de l’institution ou des proches de la personne, mais aussi par la volonté de ne pas dépendre d’autrui, ce qui n’exclut pas une certaine forme d’assistance choisie et maîtrisée.

donc on peut s’interroger sur l’at-tractivité des résidences autono-mie dans le futur : ne risque-t-on pas de renforcer une dissonance entre autonomie au sens géronto-logique et l’indépendance souhai-tée par les personnes accueillies ?

La place des logements-foyers au regard des autres formes d’habitat servicesLa réforme des logements-foyers en résidences autonomie a pro-pulsé ce type d’habitat comme « l’emblème » des habitats in-termédiaires, au détriment des autres types d’habitats services qui se développent en parallèle. en effet, quelques mesures de la loi ASV sont consacrées aux résidences services (article 15) mais portent essentiellement sur leur financement et leur mon-

tage à l’exception de l’instaura-tion d’un conseil des résidents. Par ailleurs, l’article 20 de la loi ASV apporte une ouverture pour les habitats services. il introduit la possibilité de flécher certains lo-gements dans les résidences ser-vices aux locataires du parc social.

Pourtant, une pluralité d’offre d’habitat services se développe actuellement sur les territoires, des-tinée aux personnes en situation de handicap ou des personnes âgées. dans une tentative de dé-passement du caractère binaire de l’offre (domicile vs eHPAd), des projets très divers voient le jour, caractérisés par leur désir d’in-venter des solutions innovantes : habitats partagés, petites unités de vie, colocations (intergénéra-tionnelles ou pas), résidences ser-vice sociales, accueil familial… Les pouvoirs publics montrent eux aussi un intérêt croissant en la matière : que ce soit le Plan Ma-ladies-neurodégénératives avec la mesure 19 sur la « diversification des formes d’habitats », les rap-ports Haut conseil de la Famille de l’enfance et de l’Age, ou bien encore l’Observatoire de l’ha-bitat inclusif piloté par la cnsA.

Une définition reconnue : l’habitat inclusifLa loi elan (evolution du Loge-ment, de l'Aménagement et du

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numérique) du 23 novembre 2018 inscrit l'habitat inclusif dans le Code de l’action Sociale et des Familles (cAsF, art. L. 281-1 et L. 281-4 nouv.). L'habitat inclusif serait un habitat destiné aux personnes en situation de handicap et aux personnes âgées qui font le choix, à titre de résidence principale, d'un mode d'habitation regroupé, entre elles ou avec d'autres personnes, assorti d'un projet de vie sociale. L’habi-tat inclusif est défini précisément par un arrêté ministériel et décrit un cahier des charges national. un forfait pour l'habitat inclusif destiné à financer le projet de vie sociale sera versé par l’ARS à la personne morale chargée d'as-surer ce projet (cAsF, art. L. 281-2, nouv.). Le montant du forfait, ses modalités et ses conditions de versement sont définis par décret.

cette loi permet ainsi de conférer à la multitude d’offres une défini-tion sémantique en regroupant une large partie d’entre eux sous le vocable « d’habitat inclusif », elle leur donne une reconnais-sance juridique ainsi qu’un droit à l’ouverture de financements (de 3 000 à 8 000 € par an et par ha-bitant pour financer le projet de vie sociale et ne peut dépasser 60 000 € par an et par résidence). Pour autant, les résidences auto-nomie sont exclues de « l’habitat inclusif » dans le cadre de la loi eLAn. cependant, elles peuvent être considérées comme faisant

partie des habitats dits « intermé-diaires » puisqu’elles proposent une offre entre le domicile ordinaire et l’eHPAd. elles sont une alternative à l’institution et visent à répondre aux limites du domicile ordinaire.

conclusionLe passage des logements-foyers aux résidences autonomie n’est pas qu’un changement d’appli-cation mais une véritable muta-tion à plusieurs niveaux : public accueilli, missions du dispositif et responsabilisation des gestion-naires. On passe d’une logique d’habitat à vocation sociale à une logique plus gériatrique.

ce constat entraine donc dif-férents points de vigilance :

• L’analyse sociologique montre une dissonance entre les parcours résidentiels conçus par les poli-tiques publiques et ceux vécus par les personnes. cette hypothèse se vérifiait pour les logements-foyers, il serait intéressant d’observer si elle se confirme, voire s’amplifie, avec les résidences autonomie.

• On observe une mutation des politiques en prenant un dispositif ancien qu’est le logement-foyer en lui assignant une nouvelle fonc-tion (ici la prévention à la perte d’autonomie) afin de trouver des solutions de transition entre l’eHPAd et le domicile tradition-nel, sans vraiment prendre en compte les autres formes d’habi-

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tat. cette tendance évolue avec la loi eLAn, ce qui montre bien la nécessité de conserver une plura-lité d’offre d’habitat services pour répondre à l’hétérogénéité de la demande de la population âgée.

• En se positionnant comme un « outil » de la prévention et la pré-servation de l’autonomie, les rési-dences autonomie vont répondre à d’autres besoins et cibler un autre public. Les résidences services so-ciales ou autres types d’habitats in-termédiaires pourraient alors s’ac-quitter des missions « originelles » des logements-foyers, c’est-à-dire proposer des logements finan-cièrement abordables, de la sé-curité et une vie sociale, mais en dehors du secteur médico-social. il s’agirait alors d’un « glissement » des rôles d’un type d’habitat à un autre. On peut alors s’interroger, les logements foyers, et mainte-nant les résidences autonomie, en basculant vers un modèle de plus en plus institué, répondent-ils à l’évolution du profil et des at-tentes de la population âgée ?

• De plus, la problématique qui se pose alors est celle du vieillisse-ment des populations accueillies dans ces formules. elles ne sont pas « fragiles » au sens du législa-teur, mais peuvent le devenir si une perte d’autonomie apparaît. dans ces cas, pourront-elles continuer à vivre dans ces habitats ? Quel ac-compagnement pourra leur être proposé ? Les parcours résidentiels ne risquent-ils pas de comporter

plus de ruptures et les transitions d’un habitat à l’autre seront-elles vécues positivement par les per-sonnes ? cela amène donc à s’in-terroger sur un risque de désen-gagement des pouvoirs publics concernant l’accompagnement des personnes âgées autonomes.

Pour aller plus loin il est possible de consulter les textes de loi rela-

tifs à l’habitat inclusif.

Décret n° 2019-629 du 24 juin 2019:

https://bit.ly/2LL2VMe

Arrêté du 24 juin 2019:https://bit.ly/2LeBet7

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Synthèse des tables rondes

cette synthèse a pour vocation de fournir une vue d’ensemble des échanges ayant eu lieu lors des deux tables rondes du sémi-naire sans pour autant en fournir une retranscription exhaustive.

La première table ronde intitulée « L’habitat services au quotidien: trajectoires et appropriations » a été introduite par la projection d’un slideshow réalisé par le laboratoire PAVe permettant de rendre compte des expériences vécues par les personnes âgées en habitat services. Le film est disponible à l’adresse suivante: https://youtu.be/2cyag245yng

table ronde 1 - © Forum urbain

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répartition des résidences autonomies en nouvelle-Aquitaine

La deuxième table ronde a, quant à elle, été introduite par une série de cartes réalisées par le laboratoire PAVe présentant l’offre d’habitat services au sein de la région nouvelle-Aquitaine. La base de données ayant permis le travail de cartographie a été constituée grâce aux an-nuaires des sites internet suivants : • https://www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr/• https://www.capresidencesseniors.com/• https://www.sanitaire-social.com/ • https://www.marpa.fr/• https://www.lesmaisonsderetraite.fr/

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répartition des résidences services séniors en nouvelle-Aquitaine

répartition des MArPA en nouvelle-Aquitaine

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L’habitat services au quotidien : trajectoires et appropriationsPourquoi l’habitat services est-il attractif pour les personnes âgées ? Pour quelles raisons cer-tains choisissent-ils de quitter leur appartement ou leur maison in-dividuelle pour un appartement plus petit et inconnu ? L’enjeu des échanges entre les acteurs invités à cette première table-ronde, était donc de débattre des conditions d’entrée en habitat ser-vices au regard de la trajectoire résidentielle des personnes, mais aussi de saisir l’intérêt d’une telle offre pour les personnes âgées.

L’entrée en résidence, entre continuité et rupture

Les gestionnaires de résidences distinguent deux grands profils de personnes qui choisissent de venir en résidence autonomie.

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Pour le premier profil, l’arrivée cor-respond à une difficulté croissante à assumer le logement individuel. Les maisons, devenues trop grandes, suite au départ des enfants ou au décès d’un conjoint, sont de plus en plus difficiles à entretenir tant physiquement que financière-ment. L’habitat, source de confort et de plaisir, devient alors « gênant », « presque agressif ». Le choix de venir vivre en habitat services fait alors écho à une forte aspiration à la facilité. Pour certains, cela s’ins-crit dans un projet de long terme pensé bien en amont. Leur candi-dature va alors être « énormément anticipée » les conduisant à refuser un logement à plusieurs reprises, avant de l’accepter au moment où ils se sentent finalement prêts. A l’inverse, d’autres candidatures vont être beaucoup plus urgentes souvent liées à un élément déclen-cheur tel qu’un accident de la vie, une hospitalisation, ou encore la perte d’un conjoint qui vient préci-piter le changement résidentiel. La localisation de la résidence a aussi son importance. certaines candi-datures vont être locales, émaner de résidents de la commune sur laquelle est située la résidence ou de communes voisines. si pour ces personnes l’arrivée en résidence correspond à une rupture sur le plan du logement, elle permet de maintenir le lien social, les re-lations établies antérieurement et même parfois de se rapprocher de certains amis ou membres de la famille. Pour d’autres, l’arrivée en habitat services correspond à un déracinement géographique,

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au profit d’un rapprochement familial notamment. cette si-tuation est souvent à l’initiative des enfants qui sollicitent un hé-bergement en habitat services pour un parent éloigné. est ainsi mise en évidence l’importance de la dimension sociale de l’ha-bitat services pour pallier la soli-tude et l’isolement des personnes.

« La solitude est vraiment un problème qui fait qu’à un moment donné, ces

personnes franchissent le pas »

isabelle Bertaina

Le second profil de résident est, quant à lui, plus « pragmatique » puisqu’ils voient dans les résidences autonomie une porte d’entrée future vers un hébergement en EHPAD. Ce profil est mis en évi-dence par isabelle Hélaudais, di-rectrice du ccAs de saint-Médard-en-Jalles qui dispose sur le territoire communale à la fois d’une rési-dence autonomie et d’un eHPAd, tous deux gérés par le ccAs. Le passage d’une structure publique à l’autre est perçu comme faci-lité, évitant les longues listes d’at-tente de certains établissements.

Préserver le lien avec l’environnement et avec les autres

L’habitat services, notamment les résidences services séniors, souffre de l’image de « ghettos de vieux » coupés du reste de la société. Pourtant, dans l’esprit des concep-teurs et des gestionnaires de ces établissements, il est essentiel que la résidence soit en lien avec la vie.

« Un projet, un bâtiment, ce n’est pas un ovni. Ça se fait dans un lieu, dans un contexte et ça modifie le

contexte et ça crée le futur dans une ville et dans un

quartier »Frédéric raffy

il est aussi fait référence à l’im-portance pour une résidence de créer des possibilités, des potentia-lités qui puissent être exploitées par les résidents. L’objectif est alors de sortir les gens de leur isolement. La conception donne ainsi une co-vi-sibilité et des possibilités de dia-logue entre les espaces privatifs et les espaces collectifs facilitant les relations entre les résidents. dans ce cadre, il est primordial de veil-ler à créer des perméabilités entre l’intérieur et l’extérieur pour favo-riser les flux entrants et sortants.

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« C’est le domicile des gens, de l’habitation, ce n’est pas

un hôtel »Frédéric raffy

si la création de ces liens au sein des résidences dépend pour partie de la conception des es-paces, elle est du ressort de la ges-tion des établissements. L’enjeu est alors « d’ouvrir ces structures à la ville, aux écoles, aux com-merces » pour isabelle Bertaina qui a initié un partenariat entre la résidence qu’elle gère et l’école camille Maumey de cenon au-tour de l’apprentissage du tricot.

L’ouverture des résidences sur leur environnement pose tout de même une question de sécurité. si l’accès est libre, cela suppose par conséquent la vigilance des gardiens, du personnel d’entre-tien et des animateurs présents sur place. il s’agit alors de trou-ver le juste équilibre entre acces-sibilité, sécurité et intégration. La conception des espaces : construire « pour » et construire « avec »

La conception de ce type de structures repose sur un compro-mis de deux groupes d’usagers : les professionnels et les résidents. Pour les professionnels, il s’agit de penser un lieu qui puisse suppri-mer certains aspects pénibles du

travail, que l’espace soit une res-source et non plus une contrainte.

« Il serait temps de s’intéresser au personnel

parce que ça commence à être difficile de trouver des

marathoniens pour travailler dans nos établissements »

erik dermit

Pour les résidents, ce type de struc-ture a une autre signification d’un point de vue intime et personnel. si la conception des lieux repose dans un premier temps sur des profils de « résidents lambda et théoriques », elle nécessite aussi la prise en compte des diversités des besoins compte tenu de la multiplicité des demandes de ré-sidents notamment en fonction de leur appartenance généra-tionnelle. effectivement, que ce soit en résidence autonomie ou en résidence services séniors, les écarts d’âges entre les plus jeunes et les plus âgés sont conséquents.

« Notre junior a 60 ans et notre sénior a 98 ans »

isabelle Bertaina

La variété de profils des résidents va contraindre les gestionnaires à s’y adapter. une évolution qui transite notamment par une « multiplication des actions avec vraiment une palette extrême-ment large de ce qui peut être proposé ». L’implication des rési-dents eux-mêmes est recherchée

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les faisant passer du statut de consommateurs à celui d’acteurs.

recherchée dans les animations, la participation des résidents est sollicitée à partir de leur expé-rience et de leur vécu. c’est à travers l’usage de l’espace consa-cré aux boîtes aux lettres, que la direction de la résidence autono-mie Flora tristan à saint-Médard-en-Jalles, s’est rendue compte du caractère inadapté de cet espace. Les lieux ont, par consé-quent, été repensés « en fonc-tion de l’usage qui en était fait ». « On restructure les espaces grâce à l’observation des

usages »isabelle Hélaudais

un deuxième exemple de l’in-vestissement des résidents est donné par l’aménagement de leur logement lui-même. Leur in-vestissement est variable, mais atteint parfois des niveaux éton-nants dans un logement locatif. « Alors, j’ai vu, je suis étonné,

ils ont fait de magnifiques cuisines, c’est extraordinaire

comme appropriation quand même. Ça prouve qu’ils sont bien dans leur

domicile »Frédéric raffy

Résidences services séniors et résidences autonomie : une différence seulement sémantique ?

table ronde 1 - © Forum urbain

si l’expression d’habitat services permet de regrouper dans un même ensemble les initiatives pu-bliques (résidences autonomie), privées non-lucratives et privées lucratives (résidences services séniors), il est pertinent de s’in-terroger sur ce qui les distingue.

Pour expliquer l’émergence des résidences services séniors, il faut d’abord rappeler qu’elles sont uniquement assimilées à de l’habi-tat, contrairement aux résidences autonomie qui relèvent quant à elles de la législation relative aux établissements médico-sociaux. La création de ces dernières n’est pas libre et dépend d’un agrément dé-livré par le conseil départemental. Qu’est-ce qui différencie alors une résidence autonomie d’une rési-

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dence services séniors du point de vue de l’offre de services et de la qualité de la structure ? Pour erik dermit, directeur de l’association Logéa, il existe finalement peu de différences si ce n’est « le modèle économique ». La différence réside-rait essentiellement dans l’accom-pagnement, ou non, d’un type de résidence par les pouvoirs publics.

« C’est lié aussi à un modèle économique. Des

résidences services sont portées par des groupes

privés. Les résidences autonomie sont portées principalement par des

bailleurs sociaux »erik dermit

Questionner l’habitat services : pérennité et évolution du modèle

Requalifier la vieillesse

il est important de ne pas mettre la question du vieillissement à l’écart du débat public, même si elle est source de fracture et germe d’op-position sur le plan politique. Au-jourd’hui, les personnes âgées se trouvent dans « l’angle mort des politiques publiques » au sein d’une société prisonnière « d’un culte du jeunisme » selon Muriel Boulmier.

« C’est un peu comme si on mettait aux personnes

âgées la cape d’invisibilité d’Harry Potter »

Muriel Boulmier

cette distanciation de la problé-matique des personnes âgées fait émerger le risque, à terme, de ne voir la vieillesse que sous le prisme de la dépendance. La vieillesse ne serait alors perçue que sous cet angle, entraînant une prise en compte partielle de cette catégorie de population. Or, les personnes âgées d’hier, ne sont pas celles d’aujourd’hui et ne seront, sans doute, pas celles de demain. On comptabilise toujours les personnes âgées à partir de 60 ans, une limite obsolète. Les plus

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de 60 ans sont considérés comme des séniors alors qu’ils continuent bien souvent à travailler après cet âge. La génération des 60-75 ans constitue même aujourd’hui une génération charnière qui assiste encore bien souvent ses enfants et qui contribue au soutien de pa-rents en situation de dépendance. il est donc important de prendre en compte ces évolutions dans la production d’une offre de loge-ment collectif à destination des personnes âgées. de la même manière, on peut constater qu’il existe très peu d’appartements destinés à des couples dans l’ha-bitat services d’aujourd’hui. Or, on observe une convergence de l’es-pérance de vie entre les hommes et les femmes conduisant à un veuvage arrivant plus tardivement dans le parcours résidentiel. de plus, ces appartements individuels ne prendraient pas en considé-ration les « histoires d’amour qui naissent dans ces structures-là ».

Enfin, si la propriété pouvait être synonyme de richesse quelques années auparavant, l’atonie du marché de l’immobilier de cer-

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tains territoires rend les proprié-taires uniquement riches de la valeur d’usage de leur bien. il faut alors veiller à ce que le prix de sor-tie des résidences services soit en adéquation avec les moyens fi-nanciers de la population ciblée. « Une vieille voiture, ça n’a

pas de prix sauf qu’elle vous sert tous les jours. Et

bien dans certains territoires c’est la même chose pour le

logement »Muriel Boulmier

Quelle offre pour quels territoires ?

Le retrait des pouvoirs publics de la construction de résidences au-tonomie dans les années 1980 et 1990 a entraîné l’émergence d’une offre privée dans un sec-teur délaissé. soumis à l’équilibre de leurs comptes – pour les struc-tures associatives non-lucratives – ou à la rentabilité – pour les structures commerciales – l’implan-tation des structures privées est contrainte par l’impératif financier.

« A l’heure actuelle, les gestionnaires privés veulent

aller sur les métropoles, sur le littoral et sur les villes moyennes dans lesquelles

il n’y a pas d’offre pour l’instant »

sébastien Loste

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L’implantation géographique est l’un des deux facteurs qui influent sur le prix de sortie de la résidence et donc le montant de la rede-vance payée par les résidents. il est plus difficile pour les résidences au-tonomie dont la redevance payée par les résidents est plafonnée, car relevant du logement social, de s’implanter dans les zones les plus attractives. La solution consiste alors à obtenir du foncier à un prix inférieur à celui du marché grâce au soutien des collectivités locales.

« A la limite, le privé peut s’implanter sur la côte et faire une résidence de

grand standing et la vendre très cher. Une résidence autonomie ce n’est pas

possible »sébastien Loste

Les services proposés avec l’habi-tat constituent le deuxième fac-teur pesant sur le montant de la re-devance payée par les résidents. Partie intégrante de la stratégie commerciale des groupes propo-sant une offre d’habitat services commerciale, la quantité et la qualité des services relèvent d’un arbitrage pour les structures non lu-cratives. Pour des tarifs le plus bas possible, les maisons d’accueil ru-rales pour personnes âgées (MAr-PA) doivent effectuer un arbitrage entre services et coût final pour le résident. Les MArPA sont effective-ment des petites structures princi-palement en secteur rural à des-

L’implantation géographique à l’échelle du territoire déter-mine en partie le prix de re-vient du projet, la localisation au sein d’une commune est un autre facteur, car elle détermine le mode de vie des résidents. La notion de désir de la part des usagers finaux est importante à prendre en compte dans cette ré-flexion. L’habitat services fait suite à la fin d’un désir, celui du domi-cile, mais ce n’est pas nécessai-rement la fin du désir d’habiter.

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tination, notamment, des retraités du monde agricole. L’exigence d’un budget équilibré et l’absence de subventions publiques pèsent sur le reste à charge du locataire.

Le compromis, parfois réalisé au détriment de la qualité de vie des résidents incite à questionner l’at-tribution de subventions publiques aux projets privés à visée non lu-crative. du fait de leur statut, ils ne peuvent y prétendre malgré leur caractère innovant ou, parfois, leur ambition d’utilité publique.

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« Le domicile ne s’arrête

que quand on n’en a plus le désir »

Muriel Boulmier

chloé Bonato met en avant l’ef-fort devant être fait pour adapter les résidences aux nouvelles gé-nérations. cette adaptation passe par une localisation plus centrale pour répondre à la demande des personnes âgées de demeurer des citoyens à part entière, de ne pas être mises à l’écart. « Par-ticiper », « être acteur » des projets de la commune sont vraiment des envies très importantes des nou-velles générations de personnes. La localisation en centre-ville est même jugée « extrêmement impor-tante » par sébastien Loste, qui es-time nécessaire pour les personnes âgées de se trouver à « proximité immédiate de tous les services ».

Evolution de l’offre d’habitat services

Plusieurs pistes sont aujourd’hui en-visagées pour transformer l’habitat services. Législativement, le chan-gement passera par les décrets d’application de la loi portant sur l’évolution du logement, de l'amé-nagement et du numérique, dite loi « eLAn » et l’introduction dans le droit commun de l’habitat inclusif. Pouvant s’entendre comme luttant contre la ségrégation et l’exclusion des personnes âgées, la définition

« extrêmement large » de l’habitat inclusif ne permet pas d’anticiper les évolutions qu’il sera nécessaire d’apporter à l’habitat services.

un autre axe d’évolution de l’habi-tat services réside dans la techno-logie dans le domaine de l’habitat : la domotique et les objets connec-tés. Pilier de la silver economy, les « gérontotechnologies » ne sont pas encore intégrées à grande échelle à la construction de logements. concernant les MArPA, chloé Bo-nato estime que leur intégration se fera « petit à petit », de façon « natu-relle » en fonction de la philosophie du porteur de projet. Aujourd’hui, les logements destinés à des per-sonnes âgées ne semblent pas dis-poser d’éléments technologiques fondamentalement différents des logements « ordinaires ». sébastien Loste présice une avance quant aux chemins lumineux et à l’auto-matisation des volets électriques. Enfin, si les avancées domotiques demeurent plus visibles dans les sa-lons de la silver economy que dans les constructions destinées aux per-sonnes âgées c’est que leur adé-quation aux besoins réels et aux usages n’est pas évidente. c’est la raison pour laquelle Muriel Boul-mier estime que « ces expériences devraient être menées avec des personnes en situation réelle ». de plus, si le taux d’équipement des foyers français en technologies numériques est très élevé, il faut dissocier le taux d’équipement

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de l’usage. ce dernier est effec-tivement bien plus restreint que son utilisation, notamment pour les générations les plus âgées.

en restant dans le champ de l’innovation, non plus technolo-gique, mais sociale cette fois-ci, une piste de réflexion concerne la mutualisation des bâtiments. elle permet alors de « diminuer l’investissement de départ », mais répond également au sou-hait « d’ouvrir l’établissement sur l’extérieur » selon chloé Bonato.

L’exemple emblématique de cette mutualisation pour les MAr-PA a été mené à souvigny-de-tou-raine en indre-et-Loire où une MArPA-école a été créée. Le res-taurant a été mutualisé entre les deux structures afin d’en diminuer le coût de construction et d’exploi-tation. en plus de cette réduction des coûts, la mutualisation en-traîne un vrai échange et peut être un support de projet entre les en-fants de l’école et les résidents de la MArPA. Pour certains territoires peu dotés financièrement ou en termes de foncier, la mutualisation est non seulement une « perspec-tive », mais est une « nécessité ».

« La mutualisation des bâtiments, finalement, c’est

gagnant-gagnant »chloé Bonato

Présentation du projet de reconstruction de la Résidence Autonomie Victor Hugo à Lormont

A la place de l’actuelle Résidence Autonomie Victor Hugo, Logévie réalisera unprogramme d’habitat intergénérationnel diversifié pour toutes les générationsautour du thème des « Jardins culinaires » : une résidence autonomie, unerésidence intergénérationnelle ainsi que des espaces générateurs derencontres pour jardiner et cuisiner : un jardin potager et aromatique, uneserre, une cuisine familiale et un verger.

Dans un quartier très bien desservi et équipé de Lormont, sur la rive droite deBordeaux, au sein d’un cadre de vie paysager, les activités de jardinage et decuisine favoriseront une transmission forte de savoir-faire et le développementde liens intergénérationnels. L’importance d’une alimentation saine et de lapratique d’activités physiques pour rester actif et en forme seront valorisés.Au menu, culture de fruits et légumes de saison avec des espaces partagéspour les cuisiner, animations avec des chefs cuisiniers et l’associationspécialisée « Le bocal local » qui gérera les installations potagères et culinaires.

Livrée en 2021, la résidence autonomie proposera 70 logements de type T1biset T2, tandis que la résidence intergénérationnelle thématique Teemacomptera 101 logements dont 31 dédiés aux seniors.

LES JARDINS CULINAIRESDu potager à l’assiette

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Présentation du projet de reconstruction de la Résidence Autonomie Victor Hugo à Lormont

A la place de l’actuelle Résidence Autonomie Victor Hugo, Logévie réalisera unprogramme d’habitat intergénérationnel diversifié pour toutes les générationsautour du thème des « Jardins culinaires » : une résidence autonomie, unerésidence intergénérationnelle ainsi que des espaces générateurs derencontres pour jardiner et cuisiner : un jardin potager et aromatique, uneserre, une cuisine familiale et un verger.

Dans un quartier très bien desservi et équipé de Lormont, sur la rive droite deBordeaux, au sein d’un cadre de vie paysager, les activités de jardinage et decuisine favoriseront une transmission forte de savoir-faire et le développementde liens intergénérationnels. L’importance d’une alimentation saine et de lapratique d’activités physiques pour rester actif et en forme seront valorisés.Au menu, culture de fruits et légumes de saison avec des espaces partagéspour les cuisiner, animations avec des chefs cuisiniers et l’associationspécialisée « Le bocal local » qui gérera les installations potagères et culinaires.

Livrée en 2021, la résidence autonomie proposera 70 logements de type T1biset T2, tandis que la résidence intergénérationnelle thématique Teemacomptera 101 logements dont 31 dédiés aux seniors.

LES JARDINS CULINAIRESDu potager à l’assiette

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Coordination du projet « Habitat et Vieillissement » : • Guy TAPIE, Laboratoire PAVE/Centre Émile Durkheim

[email protected]

Gestion des partenariats• Pour le laboratoire PAVE

Fanny GerBeAud, ingénieur de recherche [email protected]

• Pour le Forum urbainJulie cLerc, chargée de mission [email protected]

Pour plus d’informations• Site web du Laboratoire PAVE: https://pave.hypotheses.org/

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