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Changer ma communauté de l’intérieur « Je suis de la Croix-Rouge/du Croissant-Rouge » Tout l’édifice de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge repose sur les volon- taires. Ils en sont le ciment et l’atout le plus précieux. Sans eux, l’organisation n’existerait pas. Sans les volontaires, la Croix-Rouge/le Croissant-Rouge ne par- viendrait pas à ce degré d’excellence qui caractérise son travail dans le monde entier. C’est un volontaire, Henry Dunant, un homme d’affaires de la ville de Genève, qui a jeté les bases du Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge il y Changer ma communauté de l’intérieur Rapport intérimaire Daniel Cima/Croix-Rouge américaine

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Changer ma communauté de l’intérieur

« Je suis dela Croix-Rouge/du

Croissant-Rouge »

Tout l’édifice de la Croix-Rouge et duCroissant-Rouge repose sur les volon-taires. Ils en sont le ciment et l’atout leplus précieux. Sans eux, l’organisationn’existerait pas. Sans les volontaires, laCroix-Rouge/le Croissant-Rouge ne par-viendrait pas à ce degré d’excellence quicaractérise son travail dans le mondeentier.

C’est un volontaire, Henry Dunant, unhomme d’affaires de la ville de Genève,qui a jeté les bases du Mouvement de laCroix-Rouge et du Croissant-Rouge il y

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a plus de 150 ans. Depuis l’époque d’Henry Dunant et la bataille de Solferino, ceMouvement exceptionnel est d’abord celui de ces volontaires dont dépend sa capacitéd’action.

Ils sont 100 millions dans le monde – volontaires et membres – à pouvoir dire avecune fierté justifiée : « je suis de la Croix-Rouge/du Croissant-Rouge ».

La Fédération internationale, qui regroupe 185 Sociétés nationales, sait mieux quequiconque travailler dans les communautés pour agir de l’intérieur. Ses capacités dansce domaine sont incontestées. Les gens de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ima-ginent le changement qu’ils veulent pour eux-mêmes, s’emploient à le réaliser et, sur-tout, vivent avec les résultats.

La méthode de travail de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge est simple : toutbénéficiaire a en face de lui le visage familier d’une personne de la même localité, quiporte le fameux badge rouge sur blanc. En agissant ainsi, la Croix-Rouge et leCroissant-Rouge tissent des liens entre les êtres humains, ce qui n’est pas à la portéedes gouvernements.

La Croix-Rouge et le Croissant-Rouge n’agissent pas seuls, en vaseclos. Ils travaillent avec d’autres mem-bres de la communauté. Au niveau

national, la Société de la Croix-Rouge/du Croissant-Rouge agit de concert avec d’au-tres acteurs de la société civile mais fait aussi office d’auxiliaire indépendant du gou-vernement, statut sanctionné par les lois du pays. Elle est en mesure de jeter des pontsentre les communautés ainsi qu’entre le gouvernement et la société civile.

Sur la scène internationale, la Croix-Rouge/le Croissant-Rouge est le partenaire natu-rel des institutions des Nations Unies et d’autres organisations humanitaires, ainsi qued’entités internationales attachées aux mêmes principes fondamentaux. L’expériencenous apprend que, pour produire un changement durable dans des milieux dans les-quels le monde développé ne se reconnaît pas, il faut beaucoup plus que des capaci-tés linguistiques.

Il ne sert à rien d’investir de l’argent dans le travail humanitaire s’il ne donne pas derésultats. Les réalisations n’ont de sens que si elles sont durables, ce qui suppose uneprise en main par les communautés elles-mêmes, qui n’agiront que si elles ont eud’abord le choix entre plusieurs options.

Les communautés ne passent à l’action que si certains de leurs membres sont convain-cus des avantages du changement. C’est en cela que des habitants, des volontaires dela Croix-Rouge et du Croissant-Rouge par exemple, peuvent contribuer à faire chan-ger les autres.

Donner de l’argent, c’est ce qu’il y ade plus facile dans le processus huma-nitaire. On peut faire un chèque par-tout dans le monde et s’arrêter là.Pour que l’argent produise des effets,il doit parvenir entre les mains de gens

vivant dans des communautés, grandes et petites, les aider à concrétiser des projetsjetés sur le papier. On ne peut pas susciter à distance un changement dans une loca-lité. Il faut une présence permanente sur place. Il faut pouvoir travailler de l’intérieurde la communauté.

Rien ne remplace la mobilisation sociale. Elle est à la base de tout programme, projetou plan qui a une incidence sur la population. De même que, sans fondations, unimmeuble finira par s’écrouler, de même, un programme qui n’est pas précédé d’unsolide travail de base est voué à l’échec. La capacité de mener des opérations de mobi-

La Croix-Rouge et le Croissant-Rougeinstigateurs plutôt qu’illustrateurs du changement

La mobilisation sociale ne s’achète pas.Il faut y travailler de l’intérieur des communautés,

en discutant de vive voix avec les habitants, un par un

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lisation sociale dans une communauté est directement liée à la capacité d’une organi-sation à y travailler de l’intérieur.

Pour obtenir des résultats durables, ilfaut s’entretenir avec chacun,convaincre les gens les uns après lesautres. On peut envoyer sur place uneéquipe scientifique de haut niveaupour convaincre les habitants mais cette visite aura rarement des résultats aussi dura-bles que l’action d’une poignée de personnes respectées et issues de la localité, dont lemessage est simple, crédible, facile à comprendre et parle à chacun.

Le Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a des volontaires aux qua-tre coins du monde, qui font partie de la population locale. Grâce à eux, il a une capa-cité rare, celle de pouvoir parcourir le premier et le dernier kilomètre d’une aventurehumanitaire.

Cette capacité de faire le dernier kilomètre est la plus recherchée de l’action humani-taire, celle qui permet de transformer des objectifs stratégiques, des programmesmondiaux, des déclarations, des protocoles d’accord et des plans de gestion en résul-tats et en faits réels. On dit que la réussite d’un projet humanitaire, c’est 50 % dematériel – tout ce qui s’achète en magasin – et 50 % de biens immatériels : savoir-faire, compétences, connaissance intime de la culture, accès aux groupes cibles.

À la Fédération internationale, nous nous contentons trop souvent d’obtenir le finan-cement du matériel, qui est facile à quantifier et dont le prix est simple à calculer. Enrevanche, il est parfois difficile de quantifier les biens immatériels nécessaires à la réa-lisation d’un projet et d’en évaluer le prix. C’est donc là que les fonds ont tendance àmanquer.

Les coûts du matériel d’un projet peuvent être couverts à 100 % ou même à 200 %.Malheureusement, sans les biens immatériels nécessaires à ce projet, on n’obtiendrapas les résultats voulus. Sans logiciel, un ordinateur portable ne sert à rien : chacun lecomprend aisément. L’équation est aussi simple pour n’importe quelle opérationhumanitaire.

Voici quelques récits pour illustrer notre action.

Votre message doit venir de source sûre.Il doit être facile à comprendre et parler à chacun.

JakobDall/Croix-Rouge

danoise

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Des souvenirs d’horreur et la culpabilité d’être en viehandicapent de nombreux survivants

Avec des marionnettes,avoir le droit de rire etde pleurer de nouveau« Maman, s’il te plaît, emmène-moi aux toilettes. J’ai trop peur », dit l’enfant marion-nette à sa mère. « Pourquoi ? il n’y a pas à avoir peur », répond la mère. « Maman, j’aipeur qu’il y ait un nouveau tremblement de terre », dit l’enfant en sanglotant.

Dans le public, les enfants suivent le spectacle sans bouger, quelques-uns bouche bée,complètement hypnotisés. Beaucoup s’identifient complètement à l’enfant marion-nette, parce qu’ils éprouvent exactement le même désespoir que lui. Le spectacle demarionnettes trouve des résonances en eux parce qu’ils ont tous vécu le tremblementde terre de Djogjakarta (Indonésie) en mai 2005.

L’histoire rappelle aux enfants de mauvais souvenirs, des moments effrayants, maiselle les fait rire aussi et ils éprouvent du bonheur à voir la petite marionnette retrou-ver ses amis et puiser du réconfort dans l’amour et la sollicitude de ses proches.

C’est normal d’avoir peur et de revivre le cauchemar du tremblement de terre : tel estle message que fait passer le spectacle. Il montre aux enfants que le passé n’est pas la

fin, que le soleil brille plus que jamaiset que les amis, les membres d’unemême famille sont là pour se soutenirmutuellement. Les dernières scènes

sont celles du retour à la vie quotidienne et à la normalité et illustrent le droit d’êtreheureux, de rire, de jouer et de grandir sans peur ni sentiment de culpabilité.

« Le bonheur qu’ils éprouvent n’est pas seulement dans l’instant, » explique Ibu AgnesWidyastuti, la coordinatrice de la Croix-Rouge indonésienne affectée au soutien psy-chosocial. « Ils garderont un souvenir lumineux de la journée, des chansons, desmarionnettes et du reste. »

Le traumatisme psychologique est moins visible que les lésions physiques mais metgénéralement plus de temps à guérir. Ignoré, il peut facilement se transformer enquelque chose de permanent et handicaper la personne à vie. L’attention accordée au

soutien psychosocial dans l’interven-tion et les secours se mesure à courtterme au pourcentage des victimes pas-sives par rapport aux rescapés actifs.

« Je me souviens de la façon dont ma sœur est morte de côté à moi alors que nousétions sous les décombres. Il n’y avait personne pour la sauver et moi, j’étais prison-nière des décombres. » Fariba, jeune Iranienne de Bam, revit là les pires moments desa vie.

Le tremblement de terre de Bam en décembre 2003 a rasé une grande partie de la villeet tué sa sœur, son frère, sa nièce et son neveu. Son quartier a été dévasté et sa familledéchirée par la perte d’êtres chers. Leurs maisons ont été réduites à l’état de gravats etleurs moyens d’existence à celui de souvenirs.

C’est normal d’avoir peurmais on a aussi le droit d’être heureux

Sa famille a été déchirée par la perte d’êtres chers

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Fariba a passé des heures avec le corps de sa sœur. Ces heures la hanteront pour tou-jours. Il lui faudra beaucoup d’aide pour ne plus avoir de cauchemars. Elle suit des coursorganisés par la Société du Croissant-Rouge iranien, qui doivent l’aider à surmonter letraumatisme des événements, le sentiment de perte et la culpabilité d’être en vie.

Fariba n’est pas seule. Dans le monde, des millions de personnes ayant survécu à descatastrophes naturelles, des conflits armés et des épidémies éprouvent les mêmes sen-timents. Le traumatisme, l’angoisse et le chagrin persistent longtemps après que lesfusils se sont tus, que les secousses ont cessé, que les maisons ont été reconstruites etque les lésions et fractures des corps ont guéri.

En 1991, la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a lancé un programme pionnier de soutien psychosocial qui relevait du secteurde la santé et de l’assistance aux personnes. In 1993, la Croix-Rouge danoise a prisl’initiative d’héberger le Centre de référence pour le soutien psychosocial.

Aujourd’hui, le soutien psychosocial est intégré aux divers programmes de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge – premiers secours, santé, assistance sociale, aide d’ur-gence, préparation aux catastrophes et intervention lors de catastrophes.

Croix-Rouge

espagnole

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L’arme secrète de la Sociétédu Croissant-Rouge du Kirghizistan

Dix-sept volontairescommunautaires« Nous commençons toujours par dire : ‘J’ai eu la tuberculose mais je m’en suisremis(e)’ », dit Almaz, qui a eu lui-même la tuberculose et travaille maintenantcomme volontaire pour la Société du Croissant-Rouge du Kirghizistan.

La tuberculose est l’un des problèmes sanitaires majeurs du Kirghizistan, qui recenseofficiellement environ 6000 tuberculeux. En réalité, cependant, il en compte beau-coup plus. Les Kirghizes infectés par le bacille de la tuberculose sont réticents à se sou-mettre à un dépistage. Pour Bubunur Asanakunova, coordinatrice du programme de

prévention de la tuberculose de laSociété du Croissant-Rouge duKirghizistan, l’explication tient en unmot : discrimination.

« Ceux qui sont en bonne santé stigmatisent ceux qui sont contaminés », expliqueBubunur. « C’est totalement irrationnel car, pour la société, pour tout le monde, il n’ya rien de pire qu’une maladie ‘cachée’ ».

Le programme national de lutte contre la tuberculose du gouvernement kirghize sesolde jusqu’à présent par un succès partiel : entre 2002 et 2004, le taux de morbiditéassociée à la tuberculose a baissé d’abord de 0,7 %, puis de 2,5 % et de 7,8 % par anrespectivement. La tuberculose est cependant toujours épidémique dans le pays. Leproblème des formes multirésistantes de la maladie qui se développent en prison resteentier.

Almaz est juriste de profession et a 62 ans ; il est établi à Bichkek, la capitale. Lorsqu’ila été traité à l’hôpital pour la tuberculose, toute sa famille l’a rejeté. Ses proches l’ontempêché de revenir chez lui. Ses enfants adultes ont refusé de l’accueillir. Sa femme arencontré un autre homme. Aujourd’hui, plus de trois ans après le dépistage de lamaladie, il est sans foyer et vit dans un squat avec des amis. « Je crois que j’ai contractéla tuberculose en exerçant ma profession d’avocat auprès de détenus. Avec le diagnos-tic, ma vie s’est brisée. »

Almaz est l’un des 17 volontaires de laSociété du Croissant-Rouge duKirghizistan qui travaillent à Bichkek,Dzhalalabat et Karabalta. Il aide lepersonnel infirmier du Croissant-

Rouge à insuffler aux nouveaux patients la volonté de guérir. La Société du Croissant-Rouge du Kirghizistan se sert de son arme secrète, son équipe de volontaires, à unmoment crucial du traitement de la tuberculose. Lorsqu’ils sortent de l’hôpital, lesmalades sont censés suivre un traitement assez strict. Mais ils se sentent tellement sou-lagés de n’être plus hospitalisés que beaucoup négligent complètement le traitement.

« Lorsqu’on abandonne le traitement, les risques de rechute sont grands. Et la tuber-culose est généralement plus virulente lorsqu’elle repart. Les malades risquent de neplus répondre aux médicaments », explique Bubunur.

Pour tout le monde,il n’y a rien de pire qu’une maladie cachée

La visite d’un ou d’une volontaire,c’est le signe qu’on peut guérir de la tuberculose

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À leur sortie de l’hôpital, les malades ne reçoivent guère d’encouragements de leursproches ou de leurs amis. La stigmatisation demeure, même si les symptômes immé-diats ont disparu. À ce moment-là, le soutien d’un volontaire, qui est lui-même passépar là, n’a pas de prix.

La visite d’un de ces volontaires, c’est le signe que l’on peut guérir de la tuberculose,avoir des contacts avec des gens sains et que l’on a encore un avenir. Les volontairesjouent souvent un rôle essentielen essayant de remettre en ques-tion la discrimination quis’exerce dans l’entourage immé-diat du malade.

Chez les malades soutenus par le programme de la Société du Croissant-Rouge duKirghizistan, le taux de guérison est de 88 %. C’est un résultat remarquable, d’autantplus que le Croissant-Rouge cible spécifiquement des groupes à haut risque tels queles anciens détenus, les alcooliques, les toxicomanes et les sans-abri. Il y a trois ans, lafamille Aidarkulov de Bichkek a hypothéqué sa maison et monté une entreprise pri-vée. Celle-ci a rapidement fait faillite, les Aidarkulov ont été jetés à la rue et ont vécusuccessivement dans plusieurs appartements loués. En 2005, les dix membres de lafamille se sont retrouvés à dormir par terre dans une minuscule roulotte. Six d’entreeux ont contracté la tuberculose.

« Après deux mois de traitement à l’hôpital, nous étions faibles. Famille pauvre dehuit enfants, nous avons été secourus par le Croissant-Rouge », explique RapahatAidarkulova, mère de famille de 57 ans, enseignante de profession.

Des infirmières de la Société du Croissant-Rouge du Kirghizistan leur ont rendu visiteet leur ont apporté des repas chauds et des médicaments gratuits dont l’Organisationmondiale de la santé avait fait don au Croissant-Rouge. Pendant plusieurs mois, lafamille a subsisté en allant tous les jours à la cantine du Croissant-Rouge.

Aujourd’hui, les membres de la famille sont tous en bonne santé. Rapahat a rejoint legroupe des dix-sept « pour apporter à mon tour un peu de cette aide précieuse dontnous avons bénéficié, ma famille et moi, quand nous en avions besoin », dit-elle.

Rapahat se souvient encore du désespoir qui s’est emparé d’elle lorsque le diagnosticde la maladie a été posé. « J’avais l’impression qu’il n’y avait plus d’issue. Nousn’avions pas de pain, pas d’argent, rien. J’avais peur pour ma famille, peur qu’ils meu-rent, et il n’y avait absolument rien que je puisse faire pour eux, si ce n’est disparaîtremoi-même avec ceux que j’aimais le plus au monde. »

Ce cauchemar fait maintenant partie du passé. Les fils ont monté une petite entre-prise de bâtiment. Ils espèrent pouvoir un jour construire un refuge pour ceux qui seretrouvent sans foyer à leur sortie de l’hôpital. Les filles ont uni leurs efforts et ouvertun atelier de couture. Elles ont décidé d’offrir des emplois à des personnes qui seremettent de la tuberculose, dès que l’atelier se sera assez développé pour commencerà engager du personnel. Les spécialistes du Croissant-Rouge sont convaincus que lesinitiatives de sensibilisation et de traitement médical ne peuvent réussir que dans lamesure où la stigmatisation et la discrimination reculent.

« C’est précisément pour cette raison que j’ai suggéré que des groupes de soutien for-més par d’anciens tuberculeux participent au programme », dit BubunurAsanakunova. Le Croissant-Rouge doit s’identifier aux personnes vulnérables autantqu’elles doivent faire corps avec lui. Ensemble, en travaillant de l’intérieur, nous pou-vons obtenir des résultats durables. »

Donner à mon tour ce que j’ai reçulorsque ma famille était dans le besoin

Fédérationinternationale

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Cela peut prendre dix, vingt ans, parfois même des générations

La réconciliationaprès un conflitethniqueLorsque les Britanniques ont quitté l’Inde en 1947 et que les musulmans du Bengaleont commencé à émigrer vers la région montagneuse du Chittagong dans l’est duBangladesh, la population autochtone de la région s’est insurgée contre le gouverne-ment bangladais.

La cause profonde du conflit était la peur des populations tribales de se voir imposerla langue et la culture du Bengale, de plus en plus de Bengalis venant s’établir sur desterres qui traditionnellement appartenaient aux tribus. Dix-neuf ans plus tard, un ces-sez-le-feu a été proclamé et, en 1997, un accord de paix a été signé. Mais le conflitavait fait des milliers de morts et privé de foyer 60 000 personnes.

En 1999, le Croissant-Rouge du Bangladesh (CRB) est venu en aide à des milliers de per-sonnes qui avaient fui leurs terres tribales et qui, pour beaucoup, s’étaient réfugiées enInde. Malheureusement, cette aide aux rapatriés a été mal interprétée par les Bengalis quiont eu l’impression que le Croissant-Rouge favorisait les populations tribales. Voyant sonimpartialité remise en question, la Société nationale a été amenée à revoir fondamentale-ment l’ensemble de ses activités dans la région montagneuse du Chittagong.

« Au lieu de travailler pour les communautés, nous nous sommes mis à travailler avecelles, de l’intérieur, plutôt que d’essayer d’imposer un changement de l’extérieur », ditA.S.M. Mominul Hassan, qui dirigeait le programme à ses débuts, en 1999. « Nousavons veillé à ce que le dialogue entre les groupes ethniques soit une composante duprogramme à tous les stades, à commencer par celui de la planification. »

Les 144 localités dans lesquelles le Croissant-Rouge du Bangladesh exécute son pro-gramme ont une population totale d’environ un million et demi de personnes, qui secompose de 13 tribus et de colons bengalis.

Les principales activités du programme consistent à installer des puits et des toilettes,à soutenir par des microcrédits des initiatives de création de revenu, à améliorer l’étatde santé par des activités telles que l’éducation sanitaire, la formation, les premierssecours et les soins de santé primaires, à préparer les communautés aux catastrophes

et à promouvoir les Principes fonda-mentaux et les valeurs humanitaires duMouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

Dans le village de Goliakhola Para, le Croissant-Rouge du Bangladesh a creusé unpuits pour alimenter les habitants en eau propre. La section du district de Banderbanavait juste assez d’argent pour y installer un puits.

« Sept communautés ethniques différentes vivent à Goliakhola Para et chacune dansune partie différente du village. Nous avons veillé à ce que les sept communautés

s’entendent sur l’emplacement dece puits unique », explique AbdulKaddus, le secrétaire de la sectionde Banderban.

La tolérance et la non-discriminationfont partie de chaque programme

Autour d’une source d’eau propred’anciens ennemis se rassemblent

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Les volontaires et employés du Croissant-Rouge se sont entremis pour faciliter ladiscussion et aider les communautés à se mettre d’accord. « Ils auraient préféré septpuits. Mais nous nous sommes servis du fait que nous ne pouvions en installerqu’un seul pour inciter les gens à entamer le dialogue et créer un point de rencon-tre central et un lieu de communication », dit Abdul Kaddus.

Naseema Akhtar est bengalie et MasanuRakhain fait partie de la tribu desArakanais. Ils travaillent tous deux commevolontaires du Croissant-Rouge dans lescommunautés de la section de Rangamati,dans la région montagneuse du Chittagong.Lorsqu’ils ont commencé à travailler comme volontaires communautaires, à aller deporte en porte dans les villages pour faire connaître les premiers secours, les soins desanté primaires et d’autres services du Croissant-Rouge, ils avaient souvent de lapeine à surmonter la fracture entre les ethnies.

« Il y a deux ans, les non-musulmans des villages se méfiaient de moi et me pre-naient pour un indicateur de police. Ils étaient parfois si hostiles qu’ils lâchaient leschiens sur moi », dit Naseema Akhtar.

Les choses sont différentes aujourd’hui. Naseema explique pourquoi : « j’ai étépatiente et j’ai persévéré, allant sans cesse de maison en maison pour expliquer queles services de premiers secours que j’offrais étaient pour tous, sans discrimination.J’expliquais que c’était ainsi que travaillait le Croissant-Rouge, que l’emblème nevoulait pas dire autre chose. »

Masanu a fait la même expérience : « moi, ce sont les familles bengalis qui ont misdu temps à m’accepter. Après avoir expliqué la nature du travail du Croissant-Rouge et être revenu en visite de nombreuses fois, en montrant dans la pratique queles services que je rendais étaient destinés à tout le monde, j’ai peu à peu gagné leurconfiance. »

Aujourd’hui, Naseema est encore la seule personne qui aille d’un village à l’autre etd’une partie de son village à une autre. Elle est le trait d’union entre eux. « Le prê-teur lui-même ne rend pas visite à toutes les familles. Pas un seul commerçant ne lefait », dit-elle.

Naseema et Masanu ont en commun une expérience importante : lorsqu’un agentcommunautaire bengali du Croissant-Rouge dispense les premiers secours àquelqu’un d’une tribu, ou vice versa, c’est pour la communauté le signe évident quele Croissant-Rouge n’exerce pas de discrimination.

L’exemple est un outil puissant. Le réseau des volontaires du Croissant-Rouge esten soi un bel exemple d’harmonie. Les gens voient que des volontaires issus de com-munautés et de groupes ethniques différents sont amis, partagent, et travaillentensemble pour le bien de tous. L’expérience du Bangladesh montre que les servicespeuvent être un moyen de lutter contre la discrimination et l’intolérance. En favo-risant le dialogue et en laissant les communautés s’investir dans la planification etl’exécution des plans, la Croix-Rouge/le Croissant-Rouge donne l’exemple, démon-trant au quotidien par son action que la tolérance fonctionne et que la non-discri-mination est chose possible.

Mihir Das, l’actuel directeur du programme du Croissant-Rouge du Bangladeshpour la région montagneuse du Chittagong, explique combien il est difficile dechanger les modes de pensée et de comportement. « Cela peut prendre dix, vingtans, voire des générations. C’est pourquoi le changement doit venir de la commu-nauté elle-même. On ne peut pas forcer les gens à penser et à se comporter diffé-remment. Ils doivent comprendre la nécessité du changement et le vouloir de toutesleurs forces. »

Donner l’exemple, c’est le seul moyen de montrer queles services du Croissant-Rouge sont les mêmes pourtout le monde

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La stigmatisation attachée au VIH asphyxieles communautés en Afrique

La Croix-Rouges’attaque au problèmede l’intérieurEn mai 2002, Zuleikha Abdulla était très maigre et gravement sous-alimentée. Elle étaitterrorisée et incapable de marcher. Elle se mourait. Elle quittait cette vie, surtout parceque c’était l’issue à laquelle chacun s’attendait. Ce n’était plus qu’une question de jours.Vingt-cinq ans plus tôt, en décembre 1976, Zuleikha était tombée sous le charme deShaban Muhammed Rashid, un charmant Tanzanien qui l’avait emmenée chez lui.

« J’ai été mariée à cet homme pendant 23 ans. J’étais heureuse en ménage. J’avaisconfiance en lui et je l’aimais. Il m’a donné trois magnifiques enfants. J’avais une bellevie avec lui », dit Zuleikha. Malheureusement, Shaban a transmis le VIH à Zuleikha.

Retour en mai 2002. Amina Omar, qui travaillait à Majengo, un quartier de la villecôtière de Mombasa, comme volontaire de la Croix-Rouge du Kenya spécialisée dansles conseils pour les soins à domicile, et Hassan Musa, responsable du projet VIH/sidade la section de Mombasa de la Croix-Rouge du Kenya, ont rendu visite à Zuleikha.Elle était dans la case de sa mère, enfermée dans une pièce séparée. Sa famille la nour-rissait comme si elle était un animal dangereux. Amina et Hassan ont réussi àconvaincre Zuleikha et sa mère qu’il pouvait y avoir une autre issue que la mortimmédiate de Zuleikha. Amina Omar a commencé à apprendre à Zuleikha et à safamille ce qu’étaient le VIH et le sida et comment on pouvait soigner, soutenir et trai-ter les malades du sida.

En juillet 1999, le mari de Zuleikha, Shaban, est tombé malade. Son état s’est peu àpeu aggravé jusqu’à ce qu’il meure le 5 octobre 1999 à 17 h 58. Zuleihka se souvientde l’heure exacte car elle a pensé à ce moment-là que c’était la fin pour elle aussi. Lecertificat de décès indique qu’il est mort de tuberculose. En octobre 2001, Zuleikhaassistait avec ses enfants à un mariage dans sa famille à Mombasasa, sa ville natale. Elleest tombée malade. Cette fois-ci, c’était plus grave que les nombreuses petites mala-

dies qu’elle avait eues auparavant.Soutenue par ses proches, elle est alléeà l’hôpital où elle a subi les tests dedépistage de la tuberculose, du VIH etde la pneumonie. Elle était séroposi-tive. Ses enfants lui ont appris alors

que des rumeurs circulaient selon lesquelles leur père était mort du sida et qu’aumoins une de ses maîtresses l’avait précédé dans la tombe.

« Je n’avais pas d’autre homme que mon mari et je lui faisais entièrement confiance.Depuis ce jour horrible, j’ai fait de mon mieux pour lui pardonner d’avoir ainsitrompé ma confiance. Cela a été très difficile mais j’espère y avoir réussi maintenant »,dit-elle en soupirant.

Deux semaines tout juste après avoir commencé le traitement anti-rétroviral et s’êtreconvenablement alimentée, Zuleikha a pu parcourir à pied les quatre kilomètres quiséparent la maison de sa mère de l’endroit où la Croix-Rouge du Kenya dispense saformation aux soins à domicile. « Une seconde vie a commencé pour moi le jour oùla Croix-Rouge a franchi cette porte », dit-elle. « Lorsque nous l’avons trouvée, elle

Je n’avais pas d’autre homme que mon mari.Je lui faisais entièrement confiance.

YoshiShimizu/Fédérationinternationale

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était dans un état pitoyable, moins à cause de la maladie que de l’ostracisme dont ellesouffrait », se souvient Hassan Musa. « Il est vital de s’attaquer à la discrimination :elle en est l’illustration vivante. Si on ne le fait pas, les gens auront toujours honte dese soumettre au test du sida, de révéler leur état sérologique et de demander un trai-tement et un soutien si leur test est positif. »

Dès qu’on sait qu’un membre d’une famille est séropositif, c’est toute la famille qui eststigmatisée. On a vu des enfants refusés à l’école, des gens perdre leur emploi, desfamilles se fragiliser de plus en plus. Le moindre soupçon de VIH suffit à plongerquelqu’un dans l’isolement.

Lorsque la section de Mombasa dela Croix-Rouge du Kenya a lancéson programme de soins à domicileen avril 2002, elle a décidé de com-mencer par s’employer à obtenir un changement d’attitude dans la localité ciblée,Majengo, un quartier de Mombasa. Majengo compte près de 50 000 habitants quisont musulmans à environ 80 % ; les autres sont chrétiens ou animistes. Il y avait fortà faire au départ : la grande majorité d’entre eux était dans une attitude de déni. Levirus continuait de se propager. Des hommes comme le sheikh Idriss, l’imam de laprincipale mosquée de Majengo, ont largement contribué au changement d’attitude.La Croix-Rouge du Kenya est allée le voir. Il a écouté, a participé à la formation et àdes ateliers sur le VIH et le sida et a commencé à prêcher la prévention, la sollicitudeet l’ouverture. « Nous avons depuis longtemps dépassé la question de la culpabilitédans ce quartier. Les gens comprennent maintenant que l’infection par le VIH n’estpas le résultat d’un acte honteux. Il faut agir en personne responsable et ils sont deplus en plus nombreux à l’admettre », dit le sheikh Idriss.

Le sheikh Muhammad Dory Muhammad est secrétaire général du Conseil des imamset des prédicateurs du Kenya. Lui aussi a assisté aux ateliers sur le VIH/sida organiséspar la section de Mombasa de la Croix-Rouge du Kenya et il encourage ses collègueset l’organisation à travailler plus étroitement avec la Croix-Rouge.

« La formation que nous avons reçue de la Croix-Rouge et du Conseil national delutte contre le sida nous a fait comprendre qu’on pouvait être infecté par d’autresmoyens que l’adultère. Les gens pensaient aussi que le VIH pouvait se transmettre parle toucher ou que le VIH était un effet de la sorcellerie. Les personnes qui vivent avecle VIH sont maintenant acceptées dans les communautés musulmanes. Cela n’auraitpas été possible il y a seulement deux ou trois ans », dit le sheikh Muhammad.

Hassan Musa insiste sur le facteur qui a le plus contribué au succès du programme deMombasa : « depuis le premier jour, nous travaillons dans les communautés, et de l’in-térieur. La section de Mombasa de la Croix-Rouge du Kenya a lancé l’idée mais le tra-vail est fait par des volontaires de la localité elle-même. Beaucoup de nos clients sontdevenus soignants, conseillers, forma-teurs ou instructeurs de formateurs. »

Aujourd’hui, le programme fournitdes services à près de 1500 personnes,dont environ 70 % vivent avec le VIH. La section de Mombasa de la Croix-Rouge duKenya compte 165 volontaires dispensant des soins à domicile, 80 agents de santécommunautaire dûment formés et 24 instructeurs qui forment de nouveaux volon-taires, dont certains suivent aussi une formation de conseillers. Elle a aussi 61 jeuneséducateurs. La réalisation n’est pas des moindres : le succès remporté dans trois arron-dissements d’une grande ville est d’abord et surtout un succès local mais il a des réper-cussions sur toute l’Afrique de l’Est, en particulier dans les communautés musul-manes. On peut venir à bout des préjugés, des mythes, de la stigmatisation et de ladiscrimination lorsque le travail se fait de l’intérieur des communautés et qu’il s’ap-puie sur les connaissances et les ressources d’un allié aussi puissant que la Croix-Rougeet le Croissant-Rouge.

On n’arrive à rien si l’on ne s’attaque pasà la discrimination

Beaucoup de nos clients sont devenusvolontaires et s’occupent d’autres personnes

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Les mutilations sexuelles féminines persistent,en dépit de leur coût élevé

Les traditions sontlentes à changer« Contre les mutilations sexuelles féminines, nous nous battons sur deux fronts », ditBanda Gbo Oya, président du comité local de la Croix-Rouge camerounaise àGaroua-Boulaï, arrondissement de 60 000 habitants de la province de l’Est.

« D’un côté, nous avons des traditions vieilles de nombreuses générations qui encou-ragent l’excision. De l’autre, nous nous battons contre celles qui font commerce dece rituel. Elles sont des milliers à pratiquer l’excision rien qu’en Afrique centrale etelles gagnent l’équivalent de 25 à 120 francs suisses pour chaque opération. »

Selon les estimations officielles, sur les 17 millions d’habitants que compte leCameroun, près de 9 millions sont des femmes. Les chiffres des Nations Unieslaissent à penser que 20 % de ces femmes – 1,8 million – ont été mutilées. Lamutilation sexuelle de 1,8 million de Camerounaises représente une dépenseévaluée entre 45 et 216 millions de francs suisses – selon les tarifs indiqués plushaut – pour quelque chose qui est totalement néfaste, tant pour les femmes quepour la société.

Fatime, du chef-lieu de Maroua dans la province de l’Extrême-Nord, a 39 ans. Ellese rappelle son excision. C’est comme si cela se passait hier. « Je n’avais aucune idéede ce que j’allais subir, bien que ma mère m’en ait parlé avant. J’avais neuf ans. Ladouleur que j’ai ressentie à ce moment-là est indescriptible. Je suis malade rien qued’y penser. »

Au Cameroun, les mutilations sont pratiquées de façon barbare, sans anesthésie, pardes accoucheuses traditionnelles qui n’ont pas de formation médicale et se serventpour cela d’instruments rudimentaires.

La fillette ou la jeune fille qui subitl’excision est couchée sur le dos.Comme l’opération se fait sans anes-

thésie, il faut cinq ou six assistantes pour l’immobiliser. Le même instrument sert àexciser plusieurs fillettes. Il n’est pas rare de voir tout un groupe de filles ainsi muti-lées au cours d’une seule et même séance.

Les raisons pour lesquelles les parents laissent leurs filles subir une telle brutalité, sontdiverses. Pour certains, l’excision transforme la jeune fille en femme prête au mariage.D’autres disent que l’excision assure son intégration sociale, la préserve de la mal-chance et de la maladie. D’autres encore pensent pouvoir ainsi contrôler la sexualitéde leurs filles, préserver leur virginité jusqu’au mariage et voient là une manière de lesprédisposer à la fidélité conjugale.

En réalité, la pratique peut donner lieu à des complications immédiates et graves,qui entraînent parfois la mort. Le non-respect des règles élémentaires de sécuritéexpose les filles au risque du VIH. Il n’est pas rare que l’excision laisse descicatrices douloureuses, que se forment des chéloïdes (excroissance de tissucicatriciel) et même que la stérilité en soit le prix. Les femmes mutilées sontsujettes à l’angoisse et à la dépression, et leurs enfants donnent souvent des signesde souffrance fœtale.

Je sens encore cette douleur atroce rien que d’y penser

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Les mutilations sexuelles féminines sont interdites par la loi au Cameroun. Mais per-sonne n’a jamais été puni pour avoir enfreint cette loi. Le rituel qui, naguère, se pra-tiquait ouvertement s’accomplit maintenant dans la clandestinité.

La Croix-Rouge camerounaise a lancé récemment une campagne contre le VIH/sidaet les mutilations sexuelles féminines. Sachant que la sexualité féminine est un sujetqui, si l’on essaie de l’aborder, peut provoquer l’ire de toute une communauté, laCroix-Rouge camerounaise se sert de la campagne de sensibilisation au VIH/sidapour attirer l’attention de la population sur les effets néfastes de l’excision.

« Il faut être patient. Nous sommes entrain de changer des traditions et il n’ya rien de plus difficile. Avec l’informa-tion que nous donnons, nous semonsune graine et nous veillons sur sa crois-sance. Nous voulons qu’elle se transforme en quelque chose qui sera soigné, entretenuet mis à profit par les communautés locales elles-mêmes », dit M. Banda Gbo Oya.

La Croix-Rouge camerounaise est présente en permanence dans les communautés ety travaille de l’intérieur. Elle est assez patiente pour engager le processus de change-ment qui est impérativement nécessaire et l’accompagner jusqu’à son aboutissement.Zeneba Terap, qui pratique des excisions, admet ne pas savoir qu’il y a un lien entrel’infection au VIH et ses instruments tout souillés de sang. « Avec le sida qui rôde,nous comprenons que notre métier est devenu dangereux, même pour nous-mêmes.Je pense que nous allons essayer d’arrêter, même si nous y perdons notre gagne-pain ».

La Croix-Rouge camerounaise utilise des microcrédits pour donner aux femmes quipratiquent l’excision d’autres moyens de gagner leur vie ; les projets sont proposés parles intéressées elles-mêmes. C’est là un volet crucial de sa campagne, qui devraitcontribuer largement au succès du programme à long terme.

La Croix-Rouge du Burundiappartient maintenant aux volontaires

Tout est partid’un seul homme« La Croix-Rouge du Burundi appartient maintenant aux volontaires et aux comitésélus des sections provinciales. C’est le premier but que je m’étais fixé », dit AnselmeKatiyunguruza, secrétaire général de la Société.

L’histoire de la Croix-Rouge du Burundi illustre bien ce qu’un seul volontaire décidépeut arriver à faire lorsque la mesure est comble. Dans la famille des Sociétésd’Afrique de l’Est, la Croix-Rouge du Burundi faisait parfois figure d’enfant terrible.Par exemple, elle n’avait pas tenu d’assemblée générale depuis près de 30 ans. Aprèsune longue guerre civile, le Burundi était en ruine. Il était urgent que le pays ait uneCroix-Rouge qui fonctionne bien. Il fallait se mettre au travail.

Jeune homme, Anselme Katiyunguruza était volontaire de la Croix-Rouge. Il y a deuxans, il a eu une longue conversation avec le Dr François Xavier Buyoya, qui était depuislongtemps président de la Croix-Rouge du Burundi. Anselme était déterminé à insufflerune vie nouvelle à une organisation qui était alors plus une fiction qu’une réalité. LeDr Buyoya lui a donné carte blanche pour prendre des décisions relatives à la gestion.

1,8 million de femmes mutiléeset exposées au risque du VIH

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Autrefois, 60 personnes travaillaient au siège. À son arrivée, Anselme y a été accueillipar la seule personne qui restait, Balthazar Bacioni, actuel coordinateur des sectionspour la Croix-Rouge du Burundi. Anselme a commencé par la base de l’organisation :les sections. Il a réussi à les sortir de l’hibernation profonde dans laquelle elles se trou-vaient depuis la fin des années quatre-vingt-dix. « Pas mal de gens ont répondu pré-

sents et je leur ai demandé s’ils vou-laient être membres de la Croix-Rouge. Heureusement, beaucoup ontrépondu par l’affirmative », expliqueAnselme, en décrivant les premièresmesures qu’il a prises.

« Nous nous sommes assis et nous avons réfléchi à ce que devrait et pourrait être l’ave-nir de la Croix-Rouge du Burundi », dit-il.

Avec l’aide de la Fédération internationale, une assemblée générale a été organisée àBujumbura en mai 2005. Un nouveau conseil national a été élu et un plan d’actiona été dressé pour les quatre années suivantes. De nouveaux statuts ont été adoptés parune assemblée extraordinaire en février 2006.

Lorsqu’on a commencé à engager du personnel pour le siège, Anselme a été très clairsur ce qu’il voulait : tous les employés devaient être issus du corps des volontaires.

« Ceux et celles qui ont été volontaires savent d’expérience ce qu’est la Croix-Rouge.Ils comprennent les besoins des populations, savent dans quelle situation se trouventles plus vulnérables. Ils ne sont pas au bureau parce que c’est un emploi comme unautre, mais parce qu’ils veulent faire partie de la Croix-Rouge », dit-il.

Une année après la première assemblée générale depuis 30 ans, la Croix-Rouge duBurundi compte quelque 40 000 volontaires répartis dans toutes les provinces du pays.

La Croix-Rouge du Burundi compte maintenant aux yeux du gouvernement et desmilieux humanitaires du pays : deux événements récents en témoignent. La Société atoutes les chances de se voir confier la responsabilité des distributions de vivres dansles cinq provinces les plus touchées par l’insécurité alimentaire et le retour des réfu-giés. À la réunion interinstitutions sur la gestion des catastrophes qui s’est tenue à lafin du mois de mai, les participants ont estimé d’un commun accord que la Société

devait tenir un rôle essentiel dans lacommission nationale proposée pourla gestion des catastrophes.

« Chaque pays mérite d’avoir uneSociété de la Croix-Rouge ou du

Croissant-Rouge qui fonctionne bien et qui soit capable de relever les défis humani-taires. Personnellement, j’ai eu la chance et l’honneur d’avoir pu ranimer la flammede l’humanitarisme en soufflant sur les nombreuses braises qui couvaient dans monpays », dit Anselme Katiyunguruza.

« Je tire mon inspiration des volontaires présents dans les localités un peu partout auBurundi, mais je me sens aussi fortifié par le fait d’appartenir à un puissantMouvement mondial. J’ai la chance de recevoir des impulsions des deux côtés »,déclare-t-il.

Les volontaires comprennent les populationset savent dans quelle situation se trouvent

les plus vulnérables

Chaque pays mérite d’avoir une Société de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge qui fonctionne bien

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Ardian Siregar fait partie de l’unité spécialede la Croix-Rouge indonésienne

Sur la poitrine, jeporte le logo de la vieArdian Siregar montre du doigt l’emblème de la Croix-Rouge indonésienne sur sonuniforme : « C’est le logo de la vie. Je l’ai ici sur la poitrine, mais ce symbole aura tou-jours sa place dans mon cœur. »

Depuis le début du nouveau millénaire, aucun autre pays au monde n’a été autantéprouvé par les catastrophes majeures que l’Indonésie : en effet, elle a connu le tsu-nami de 2004, le tremblement de terre de Djogjakarta, des éruptions volcaniques, destyphons, la grippe aviaire, des inondations et des glissements de terrain.

La Croix-Rouge indonésienne intervient tous les ans dans des centaines d’urgences.Les mauvaises années, celles-ci atteignent et dépassent le millier. Elle a donc fort àfaire. Cela relève du miracle qu’elle parvienne à répondre efficacement à tous cesappels ou presque.

Ardian Siregar est entré à la Croix-Rouge indonésienne en 1998, comme jeune volon-taire. Il a fait la démarche après avoir donné son sang pour la première fois. « C’étaitformidable de pouvoir donner quelque chose de moi-même. J’éprouve toujours unegrande satisfaction chaque fois que je le fais, sachant que je peux ainsi contribuer àsauver une vie », dit-il. Sa carte de donneur de sang indique qu’il a fait don jusqu’àprésent de 30 poches de sang O+.

On lui a dit un jour qu’il remplissait les conditions pour devenir un membre deSatgana. Ardian était fou de joie. Satgana, c’est une sorte d’unité spéciale humanitaire,de SWAT de la Croix-Rouge indonésienne, qui allie compétence et disponibilité.

La Croix-Rouge indonésienne a des équipes Satgana dans tout le pays. Les équipessont composées de gens des sections locales, volontaires pour la plupart, et soutenuespar des infirmières et des médecins.Une équipe Satgana est formée pouragir immédiatement en cas de catas-trophe ou d’autre situation d’urgence.Les membres de ces équipes sont toujours en état d’alerte. Ils deviennent très vitesecouristes chevronnés car, en Indonésie, ils ont beaucoup à faire.

Surya Chandra, 27 ans, en est membre depuis près de dix ans. Il a commencé lorsqu’ilétait lycéen. Originaire de la province d’Aceh, il a été appelé avec neuf de ses collèguesSatgana à escalader une montagne. C’était en 2000, au plus fort du conflit armé. Ilsdevaient contrôler l’état de santé d’un journaliste retenu en otage par un groupe decombattants.

Au cours de l’escalade, ils se sont sou-dain trouvés pris au milieu d’un intenseéchange de coups de feu qui les a sépa-rés de leur escorte. Pendant trois jourset deux nuits, au milieu de violents combats, Surya et ses collègues n’ont cessé de mar-cher et de courir, essayant de retrouver le chemin du retour. Ils n’avaient pas de vivres,seulement des balles qui sifflaient au-dessus de leurs têtes.

Pas de vivres, seulement des balles

Satgana : compétence et disponibilitéYoshiShimizu/Fédérationinternationale

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« Jamais les heures ne m’ont paru aussi longues. C’était horrible. Les balles venaienton ne sait d’où et c’était cela le plus effrayant », se souvient-il.

L’équipe Satgana, qui a réussi à s’en sortir sans aucune perte, s’est sentie alors plus sou-dée que jamais. « C’est drôle, mais cette expérience effrayante m’a encouragé à allerplus loin encore dans mon service à la Croix-Rouge. »

« J’avais connu d’autres organisations avant, mais rien de comparable à la Croix-Rouge. Le travail qu’on y fait est vraiment stimulant et gratifiant », constate Suryaavec un sourire et de la fierté dans la voix. « Et, quand on est à l’intérieur, la Croix-Rouge indonésienne est vraiment une organisation humanitaire fantastique. »

Surya a perdu sa mère et son frère dans le tsunami qui a frappé la côte d’Aceh endécembre 2004. Il a passé trois mois à retrouver des corps. « Je mangeais quelquechose de temps en temps, je dormais un peu, mais c’était tout. J’ai cherché les corpsde ma mère et de mon frère pendant près de cent jours sans pratiquement m’arrêter »,dit-il.

Grâce à lui et à ses collègues Satgana, des milliers de victimes du tsunami ont pu avoirdes funérailles décentes, mais Surya n’a jamais retrouvé ses proches disparus.

« Satgana, c’est cela. Nous ne sommespas des surhommes. Nous vivonscomme n’importe quel membre denos communautés. Lorsque quelquechose de terrible se produit, noussommes peut-être d’abord des resca-

pés, comme nos voisins. Cependant, nous sommes formés pour intervenir et prendrel’initiative dans ce genre de situation. Nous savons que si nous survivons à la catas-trophe, nous serons en mesure d’aider les autres », dit Surya.

Trois femmes Satgana de la Croix-Rouge indonésienne ont péri dans le tsunami.Deux sont mortes à Banda Aceh et la troisième à Aceh Besar. Les membres rescapésdes équipes Satgana d’Aceh ont sauvé la vie de milliers de personnes le jour de la catas-trophe. Le lendemain, des douzaines d’équipes Satgana venues d’autres régions dupays les rejoignaient. Depuis lors, Satgana n’a pas cessé de travailler dans cette pro-vince troublée.

Les membres Satgana peuvent être d’abord desrescapés, puis la formation leur donne la force de

remonter la pente et d’agir

OlavA.Saltbones/Fédérationinternationale

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Une bonne raison d’investirdans la prévention des risques de catastrophe

Lors de catastrophes,le retour surinvestissement estmultiplié par quatreDepuis dix ans, les pays d’Amérique centrale et des Caraïbes n’ont pas été épargnés parMère Nature. Les ouragans s’y sont succédé, avec leur cortège de maux habituels –inondations, coulées de boue – et les tremblements de terre ont fait aussi, ici et là, leurlot de destruction. Tout cela a agi sur la région comme un puissant réveil. Elle a beau-coup fait pour réduire les risques de catastrophe, prévenir les dommages et se préparerà faire face à de lourdes menaces météorologiques et à d’autres catastrophes naturelles.

Un récent rapport de l’ancien économiste en chef de la Banque mondiale, Sir NicholasStern, montre clairement que la prévention est un bon placement. Ne pas investir dansla réduction des risques, c’est priver le générateur mondial de richesses d’une partie desa puissance, qui peut aller jusqu’à 20 % – et ce chiffre vaut uniquement pour les effetsdes changements climatiques – et en priver d’autant le consommateur, dit le rapport.

En 2004, l’ouragan Ivan a détruit à 90 % l’île de la Grenade dans les Caraïbes et privéde foyer la moitié de la population. Des codes et règles strictes applicables à laconstruction ont été introduits afin que les bâtiments reconstruits sur l’île résistentautant que possible aux ouragans.

La Croix-Rouge de la Grenade a suivi le mouvement : son nouveau siège et son entre-pôt ont été construits pour résister aux ouragans. « Les gens sont devenus plus rési-lients. Ils se préparent davantage et prennent la préparation aux catastrophes beau-coup plus au sérieux qu’il y a deux ans », dit Terry Charles, directeur général de laCroix-Rouge de la Grenade.

En juillet 2006, un autre ouragan, Emily, a traversé l’île. « Il a fait légèrement reculerl’effort de reconstruction. L’île a bien mieux résisté à la catastrophe cette fois-ci »,explique Terry.

Les glissements de terrain dans lescommunautés d’Orosi de Cartago auCosta Rica ne seront pas aussi des-tructeurs qu’en 2002. Des pluies torrentielles avaient alors provoqué dans toute larégion des coulées de boue qui avaient fait des morts, détruit des maisons et endom-magé l’infrastructure. Un système d’alerte avancée est maintenant en place. La com-munication est assurée par un réseau radio indépendant. Les équipements, comme lescanalisations d’eau, les lignes téléphoniques et les lignes haute tension, sont mieuxprotégés. Quelque 200 personnes ont été formées à la préparation aux catastrophes,une centaine ont appris les premiers secours et 30 habitants ont suivi une formationd’opérateurs radio.

En 2006, la Croix-Rouge de la Jamaïque a fait suivre une formation énergique à seséquipes communautaires d’intervention en cas de catastrophe. Elle a aussi formé plus

Ivan a balayé de la carte 90 % de la Grenade

CristinaEstrada/IFédérationinternationale

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de 100 personnes de diverses régions de l’île à l’évaluation de la vulnérabilité et descapacités dans les communautés. La Croix-Rouge des Bahamas a formé quatre loca-lités à la préparation aux catastrophes en septembre 2006.

Au Guatemala, à La Nueva Candelaria, localité rurale isolée sur la côte du Pacifique,la Croix-Rouge a aidé les villageois à former des groupes pour organiser et prendre encharge les premiers secours, les réserves alimentaires d’urgence et l’évacuation de lapopulation. La Nueva Candelaria n’est plus ce qu’elle était. En 2005, l’ouragan Stana balayé la région. Les populations ne sont pas encore remises des destructions qu’il aprovoquées. « Il fait plus chaud aujourd’hui, il pleut plus souvent et les inondationsdu Rio Samala sont plus dévastatrices que par le passé », dit Isabel Tux Meija, qui tientun petit kiosque dans la rue.

Isabel vit dans le village depuis 35 ans et sait de quoi elle parle. « C’est bien que noussoyons mieux préparés que l’an dernier », dit-elle.

Lorsque commence la saison des pluies, La Nueva Candelaria est coupée du reste dumonde. Aucune voiture ne peut plus se frayer un chemin entre les profondes maresd’une boue qui colle aux pneus. Ce qui relie le village à la ville la plus proche,Retalhuleu, n’est pas une vraie route.

La Croix-Rouge du Nicaragua n’a pas ménagé ses efforts à Wawabom et Betania, deuxlocalités de la municipalité de Puerto Cabezas dans la région de l’Atlantique Nord, nidans la municipalité de Bluefields dite de Bluff, dans la région de l’Atlantique Sud.

La formation a porté sur l’évaluationdes besoins et des dégâts, la gestion desabris, les premiers secours, la cartogra-phie des risques, la prévention des

incendies de forêt et la santé communautaire, ainsi que sur les questions d’alimenta-tion en eau et d’assainissement. Des systèmes d’alerte avancée ont été mis en place. Desmangroves ont été plantées pour atténuer l’impact des hautes vagues. Tout cela a étéfait en coopération avec des institutions, écoles et universités nicaraguayennes locales.

Sur l’île de Curaçao, la section de Curaçao de la Croix-Rouge néerlandaise outre-mera traduit la documentation de préparation aux catastrophes établie pour les écoles pri-maires en papiamentu, la langue parlée sur l’île. Un projet pilote auquel ont participéles élèves du cycle primaire de l’école Laura Hart a remporté un grand succès.

Keila, neuf ans, élève de cette école, donne son avis sur la formation : « c’est très inté-ressant parce qu’on apprend à faire face à des situations de danger ». L’une de ses ins-titutrices a beaucoup apprécié le projet : « j’ai trouvé la chose tellement intéressanteque je me suis décidée à devenir volontaire de la Croix-Rouge après les grandesvacances. »

Au cours des cent dernières années, El Salvador a connu 13 tremblements de terre deforte magnitude, de nombreuses éruptions volcaniques, des tempêtes tropicales, desinondations catastrophiques et des glissements de terrain. Après l’ouragan Mitch etdeux tremblements de terre, la Croix-Rouge d’El Salvador a monté un projet d’atté-nuation des risques de catastrophe qui concerne 30 localités vulnérables.

Les 30 municipalités ont toutes un plan d’urgence. Des systèmes d’alerte avancée sonten place, des plans d’occupation des sols ont été établis et les inondations ont fait l’ob-jet de rapports techniques. Dans 90 écoles des localités à haut risque, des enseignantsont été formés à la préparation aux catastrophes et à la réduction des risques. Prèsd’une centaine de microprojets ont vu le jour. Ils touchent à l’infrastructure locale età la réglementation municipale.

La Croix-Rouge d’El Salvador a choisi de travailler avec l’ensemble de la population,et pas seulement avec les responsables locaux. L’Amérique centrale et les Caraïbes sontaujourd’hui mieux préparées mais la Croix-Rouge poursuit son action.

Les mangroves atténuent l’impact des hautes vagues

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Les ressources, la résilience etla détermination de la population locale font le succès

L’eau potable ouvrebien des portes« Nous allions puiser l’eau dans la rivière à quelque distance du village. L’eau étaittrouble et cela nous prenait au moins deux heures par jour. Lorsque la rivière était àsec, il fallait aller encore plus loin. Maintenant, nous avons la chance d’avoir de l’eaupropre », dit un villageois du district de Ribaue, dans la province de Nampula auMozambique.

Ribaue est ciblé par la campagne d’alimentation en eau et d’assainissement de laCroix-Rouge du Mozambique parce que seuls 21 % des habitants du district ontaccès à une eau propre, contre environ 50 % pour la moyenne nationale.

Lorsqu’on doit passer beaucoup de temps à aller chercher de l’eau, il reste très peu detemps pour d’autres activités. Souvent, les enfants ne peuvent pas aller à l’école parcequ’ils ont « mieux » à faire, allerchercher de l’eau par exemple. Leproblème de l’eau complique aussiénormément la vie des femmes.

Lorsque l’eau est rare, la produc-tion agricole est maigre et les conditions peu propices à l’élevage. La consommationde l’eau sale, non traitée, de la rivière fait augmenter les risques de maladie. Alors,quand on renverse la situation, la vie des villageois s’améliore immédiatement danstous les domaines.

Le Mozambique a enregistré récemment une croissance économique impression-nante. Cette croissance a eu des retombées positives, surtout dans les grands centresurbains. Le Mozambique rural, en revanche, devra attendre encore longtemps avantde voir une amélioration sensible de son économie et des niveaux de vie. C’est enemployant des techniques modernes, adaptées à la réalité sur le terrain, que l’on amé-liore le mieux l’accès à l’eau.

« Des études géophysiques rigou-reuses sont réalisées. Nous avonsaccès à des outils tels que les photosprises par satellite mais nous mettons aussi notre point d’honneur à écouter les villa-geois pour mettre à profit leur connaissance du terroir. Leur savoir est celui de géné-rations en quête d’eau et confirme les données obtenues de sources techniques », ditEunice Mucache, responsable des programmes de la Croix-Rouge du Mozambique.

Le programme de Ribaue fait partie de l’Initiative mondiale pour l’approvisionne-ment en eau et l’assainissement, lancée en 2005 par la Fédération internationale pourune durée de dix ans. Sur le terrain, la Croix-Rouge du Mozambique a pour parte-naires la Croix-Rouge britannique, la Croix-Rouge norvégienne et la société Nestlé.Le programme a aussi bénéficié de l’appui d’experts de la Fédération internationaleen eau et assainissement.

La Croix-Rouge norvégienne a fourni une plateforme de forage montée sur un pick-up 4x4. Elle a aussi formé l’équipe de la Croix-Rouge du Mozambique chargée del’eau et de l’assainissement et lui a apporté un soutien technique. À long terme, cesont les villages qui seront les bénéficiaires du programme. En consultation avec des

Pour les enfants,c’est soit aller chercher de l’eau, soit aller à l’école

L’alliance des données obtenuespar satellite et du savoir local traditionnel

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professionnels de l’eau et de l’assainissement, les villageois ont décidé de l’emplace-ment de la pompe à bras. Ils sont aussi responsables de l’entretien et de l’exploitationde la pompe.

Andreas Kostner, le coordinateur de laCroix-Rouge norvégienne pour l’eauet l’assainissement, explique que lameilleure solution est de fournir à laCroix-Rouge du Mozambique les

outils et l’expertise nécessaires pour administrer le programme en coopération avec leshabitants des villages ciblés. « Cela serait revenu plus cher de confier la partie tech-nique à une entreprise extérieure et les résultats n’auraient pas été aussi bons », dit-il.

La première pompe à bras de la Croix-Rouge du Mozambique a été récemment ins-tallée ; elle subvient aux besoins quotidiens de quelque 800 personnes. Dans la pre-mière phase du programme, il est prévu de doter 39 localités d’un puits et d’unepompe à bras. L’extension du réseau d’assainissement et la promotion de l’hygiènesont également inscrites au programme.

« L’eau potable ouvre bien des portes », explique Eunice Mucache. La Croix-Rougedu Mozambique a décidé que son action future consisterait en priorité à fournir desservices de santé et serait d’abord axée sur les effets de la pandémie de VIH et de sidaet d’autres maladies endémiques telles que le paludisme et le choléra.

Le gouvernement du Mozambique a fait don d’un lopin de terre à la section deRibaue de la Croix-Rouge du Mozambique pour qu’elle puisse y faire construire sesbureaux. L’équipe « eau et assainissement » quittera sa base temporaire pour s’instal-ler plus tard dans les locaux de la section.

La Croix-Rouge du Mozambique s’est servie du projet d’alimentation en eau et d’as-sainissement pour introduire d’autres services tels que les premiers secours à basecommunautaire et les soins à domicile. La section locale a été créée pour veiller à ceque le travail entrepris ait des effets durables et à ce qu’il soit fait convenablementdans les localités concernées. « Travailler de l’intérieur des communautés, c’est le seulmoyen de conserver les bénéfices de nos interventions », déclare Eunice Mucache.

Pour la première phase, forage de 39 puitset installation de pompes à bras

Si vous souhaitez en savoir plus, nous vous invitons à vous adresser à :Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-RougeCase postale 372 - 1211 Genève 19 - SuisseCourriel : [email protected] Internet : www.ifrc.org

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