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Table des maTières

Préface ..................................................................................1

Avant-propos........................................................................7

1. La voie de la pratique zen : une porte ouverte sur la sagesse ......................................15

Une pratique centrée sur la personne ................................................. 16

Une invitation au détachement ............................................................ 17

2. Les quatre grands vœux ................................................27

Les êtres conscients sont innombrables ; nous faisons vœu de les sauver tous .................................................. 28

Les illusions sont sans fin ; nous faisons vœu de les détruire toutes .............................................. 34

Les enseignements sont infinis ; nous faisons vœu de les apprendre tous ............................................. 39

La voie du Bouddha est inconcevable ; nous faisons vœu de l’atteindre ........................................................... 42

Conclusion ........................................................................................... 45

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3. Découvrons les préceptes ..............................................47

Les pièges de l’ego .............................................................................. 48

La délicate mise en œuvre des préceptes ........................................... 48

4. Premier précepte : Je fais le vœu de m’abstenir de prendre la vie ................................................................53

Tout est lié ............................................................................................ 54

L’important, c’est la manière. .............................................................. 56

5. Deuxième précepte : Je fais le vœu de m’abstenir de prendre ce qui ne m’est pas donné .............................57

Découvrir ce qui nous est donné ......................................................... 58

Cultiver un esprit rassasié .................................................................... 59

6. Troisième précepte : Je fais le vœu de m’abstenir d’inconduite née du désir ..................................................61

Le désir, générateur de souffrances .................................................... 62

7. Quatrième précepte : Je fais le vœu de m’abstenir de parole mensongère .......................................................65

L’honnêteté n’est pas à la mode .......................................................... 66

Faire preuve de compassion ................................................................ 68

8. Cinquième précepte : Je fais le vœu de m’abstenir de prendre des substances toxiques induisant l’insouciance .......................................................................71

User d’antidouleurs .............................................................................. 72

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9. Sixième précepte : Je fais le vœu de m’abstenir de parler des fautes des autres .........................................75

Savoir parler et se taire ........................................................................ 76

agir ou laisser agir ............................................................................... 77

10. Septième précepte : Je fais le vœu de m’abstenir de me vanter et de rabaisser les autres ...........................79

Le juste équilibre : fierté et humilité ..................................................... 80

11. Huitième précepte : Je fais le vœu de ne pas être avide et d’être généreux ...................................................83

Une fausse générosité ......................................................................... 84

Commencer par soi-même .................................................................. 85

Ne pas sous-estimer son influence ..................................................... 87

12. Neuvième précepte : Je fais le vœu de ne pas succomber à la colère et d’être harmonieux ....................89

Ne pas suivre la voie de la colère ........................................................ 90

Garder les yeux ouverts, et prendre du recul....................................... 92

Se préserver des contagions ............................................................... 93

13. Dixième précepte : Je fais le vœu de ne pas calomnier les trois joyaux ..................................................................95

Les trois joyaux .................................................................................... 95

La dévotion, une fausse voie ............................................................... 96

14. Les quatre types de pratiques formelles ....................99

« Digérer » les enseignements ............................................................. 99

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Préface

Un moine demanda au maître zen Nanquan :« Il est encore des enseignements qui n’ont pas été transmis

aux hommes ? »« Il y en a », répondit Nanquan.

Le moine répliqua : « Quelle est cette vérité qui n’a jamais été enseignée aux hommes ? »

Nanquan ajouta : « Il ne s’agit ni de l’esprit, ni de Bouddha, ni d’aucune chose. »

J’ai rencontré le maître zen Bon Yo au début des années 2000 alors que j’étais pratiquant du bouddhisme zen de lignée japo-

naise Soto depuis déjà quelques années.

Depuis que cette voie du bouddhisme zen existe, les moines n’ont eu de cesse de visiter temples et monastères au cours de leurs péré-grinations et de rencontrer les maîtres zen. On parcourait parfois des routes improbables des mois durant pour découvrir l’ensei-gnement d’un maître et entendre sa parole. Il fut une époque où la notoriété d’un maître volait à travers les contrées comme le vent traverse les forêts de bambous.

Ce fut la lecture de l’enseignement sur les kong-an (kōan en japo-nais) du maître zen coréen Seung Sahn qui, bouleversant mon

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esprit en recherche, mena mes pas vers le temple Kwan Um de Paris un jour de janvier.

Ce ne fut pas Seung Sahn que j’y trouvai, premier parmi les grands missionnaires bouddhistes d’Asie à avoir apporté le Zen en occident, mais l’un de ses successeurs, Grazyna Perl, le maître zen Bon Yo Soen Sa Nim.

Je me souviens d’elle lors de cette causerie du dharma à laquelle je participai.

Je fus touché au plus profond par ce visage maternel, ce regard perçant, et pas cette présence simple, aimante, joyeuse, éloignée de l’image que tant de maîtres zen s’amusent à donner, en singeant des icônes, des sages, en s’aventurant à se donner des airs de sain-teté, ou en parodiant l’ascète mythique qu’ils ne sont pas.

Je rencontrai ce jour-là une femme libre, moderne, proche, débor-dante de joie et d’attention pour les autres. Assise au même niveau que ses disciples, portant ses yeux dans leurs yeux, je le compris plus tard, elle portait son cœur dans leurs cœurs.

« Voyez-vous ceci ? » dit-elle en levant son bâton….

« Bam ! entendez-vous ceci ? » ajouta-t-elle en frappant le sol avec le bâton….

« Pas de commencement, pas de fin, ainsi la nature de Bouddha ; mais vous avez déjà compris… »

Et avec un immense sourire elle quitta le dojo, clôturant ainsi cette causerie à laquelle j’avais assisté pour la première fois. Tout ce qui avait précédé ce moment a quitté ma mémoire spontanée, mais je sais que ce jour-là je fus touché en plein cœur, bouleversé par sa simplicité.

« Voyez-vous ceci ? » dit-elle l’air de rien comme si elle nous prenait pour des imbéciles – bien sûr que je le vois je ne suis pas aveugle, hein – et pourtant, s’il vous plaît, regardez le monde autour de

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vous à cet instant même, là, ici, tout de suite : le voyez-vous vrai-ment ? En percevez-vous les couleurs, les formes, les liens qui vous pétrissent instant après instant? En décelez-vous sa perte et à la fois toute sa beauté ? Ce ciel au-dessus de vous, le voyez-vous vraiment ? Mais vraiment ? Et cette terre, qui soutient vos pas la voyez-vous profondément pour ce qu’elle est ? En ressen-tez-vous toute la puissance, la complexité, l’incroyable énergie qui la façonne et vous régit ?

Oui, voyez-vous ceci ? Vos regards dans ce monde sont-ils présents face au miracle merveilleux de la vie, la puissante vie qui vous traverse bien au-delà du bonheur et du malheur qui dansent dans nos jours ?

« Entendez-vous ceci ? » Oui, les sons de ce monde, les enten-dez-vous ? La souffrance des êtres, et leurs joies, les enten-dez-vous ? Entendez-vous le malheur du monde au point de souffrir avec et pour lui ? Entendez-vous sa liesse et ses émois au point de vous réjouir de son bien aller ? Entendez-vous vraiment ce que l’ami vous dit, ce que vos proches vous transmettent, ce qu’un enfant vous dit en riant d’un rien, ou ce qu’un vieillard vous raconte dans ses larmes de nostalgie ? Et le chant du vent, l’allégresse de la nature, le bruissement délicat du soleil couchant, l’entendez-vous ?

Oui, entendez-vous ceci ? Là, ici, maintenant, le monde, l’enten-dez-vous ? Et mes mots, les entendez-vous ? Et votre esprit, votre histoire, les entendez-vous ?

Si le bouddhisme zen devait être résumé, je choisirais des mots qui nous aident à comprendre qu’il n’est aucune vérité au monde autre que le réel qui se manifeste sous nos yeux. Pèlerins de l’exis-tence, nous nous épuisons à chercher un grand je-ne-sais-pas-quoi dans tous les ailleurs possibles, alors même que notre éveil, notre

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réalisation, notre grande Vérité sont ici sous nos yeux, près de nos sens, sous chacun de nos pas. Ce fut le premier enseignement que je reçus en plein cœur de maître Bon Yo. Avec une simplicité désarmante et une compassion dont je ne voyais à l’époque que le début de quelques éclats.

Entendre et voir. Cela paraît tellement simple, tellement évident, et pourtant, ce jour-là, je pris conscience que j’étais sourd et aveugle, aveuglé par mes illusions et assourdi par mon petit ego.

Je repartais de cette causerie avec une joie qui se déploya tous les jours davantage ; ce bâton qui avait frappé le sol du dojo, c’est mon esprit têtu qu’il avait frappé, telle cette roche jadis frappée dans le désert qui soudain se mit à jaillir généreusement d’une abon-dante eau de source. Et je commençais à pratiquer « l’entendre et le voir », pour me surprendre enfin à cultiver l’intimité avec ma vie, mon histoire, et mon présent, et ainsi enfin comprendre que la Voie était là, dans cette intimité de ma présence au monde.

Je demandais par la suite à maître Bon Yo de m’enseigner, de me donner la main.

Et c’est son cœur immense et généreux qu’elle me donna.

Pendant plusieurs années je fus son disciple. Ce furent sans doutes les années parmi les plus éprouvantes de ma vie, car je me trouvais face aux démons qui surgissaient de mon passé, venaient éprouver mon existence, du nid de conflits insolubles que nous portons tous dans nos bagages.

Je me souviens d’un jour de désespoir où l’épreuve de la maladie et ma foi ébranlée me plongèrent dans une grande solitude. Bon Yo m’enlaça alors que je me tenais sur la natte face à elle pour l’entretien de kong-an, prit mon visage entre ses mains et me dit droit dans les yeux : Si un démon se présente devant toi, s’il te plaît, demande lui “comment puis-je t’aider ?” ».

Je traversais avec elle mon devenir homme. L’arrivée de mon enfant fut sans doute le plus bel enseignement de l’existence, et là

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encore Bon Yo Son Sa Nim m’aida à comprendre les merveilles de la transmission de la vie.

Après avoir éprouvé ma foi, elle me transmit l’ordination de moine séculier. Sous son autorité aimante je devins enseignant de dharma, puis abbé du temple de Paris. À ses côtés j’ai approfondi ma foi, ma pratique spirituelle et ma vie d’homme au-delà de ce qu’un homme peut imaginer.

Les entretiens hebdomadaires de kong-an furent sans doute les moments privilégiés où dans l’intimité entre maître et disciple mon petit moi s’abandonnait et le grand moi se révélait harmo-nieusement. Elle me donna la chance inouïe, le don précieux de pouvoir enseigner aux autres cette Voie merveilleuse que le Bouddha nous transmit il y a presque trois mille ans, et c’est sans doute là le plus précieux don que mes mains pauvres et vides ont reçu ici-bas.

Nos chemins se séparèrent il y a quelques années, comme le demande souvent la vie, mais maître Bon Yo restera toujours ce maître zen qui marqua mon existence à jamais, m’aidant à devenir avant toute chose un homme, puis un moine au cœur libre et aimant. Elle fut le Bouddha qui m’offrit une fleur merveil-leuse tout en tranchant mon esprit.

Aujourd’hui mes pas m’ont amené à recevoir la transmission de maître zen à mon tour, dans la lignée japonaise Soto, j’enseigne au sein de ma sangha avec toute la générosité que Bon Yo m’a transmise au long de ces années passées ensemble. Et je sais que, lorsque j’enseigne, à chaque fois que je transmets la Voie du Bouddha dans mon dojo, non seulement mon bien-aimé maître Bon Yo, mais ces maîtres qui ont accompagné mon chemin, enseignent avec moi, à travers mes mots, dans mes élans d’amour et de compassion pour chacun de mes disciples.

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Dans ces quelques pages vous découvrirez un maître zen d’au-jourd’hui, au cœur simple et tranchant, accessible, au discours net, sans détours ni faux-semblants. Prenez ces pages comme des pépites, comme des graines de sagesse, des éclats de réflexion pour votre vie, que vous soyez bouddhistes ou pas. Elles vous transmettront avec franchise et profondeur le goût d’écouter et de voir la vie, de la savourer pleinement pour ce qu’elle est car, au fond, le Zen, la Voie transmise par le Bouddha, n’est autre que ceci : nous réveiller d’un songe et faire enfin l’expérience de la vie. En nous comprenant nous-mêmes, et en vivant harmonieusement pour le bien de tous les êtres. Peut-être dans ces quelques pages ressentirez-vous ce qu’en ce jour lointain de janvier je ressentis moi-même.

Il n’y a pas d’enseignement figé, tout autour de nous n’a de cesse de nous enseigner.

Ouvrez vos yeux, tendez l’oreille,

Et je suis sûr que vous avez déjà compris.

Federico Dainin Jōkō, maître zen, ancien disciple de maître Bon Yo

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1la Voie de la PraTique

zen : une PorTe ouVerTe sur la sagesse

Mon grand enseignant, le maître Seung Sahn, disait : « Zen signifie comprendre votre nature véritable et aider

les autres. » Dans cette phrase simple et explicite, il décrit très clairement la pratique, son but, sa direction et, avec elle, celle que devrait suivre la vie d’un pratiquant du bouddhisme zen. Comprendre notre nature véritable est une manifestation de notre sagesse, et aider les autres, l’expression de la compassion : ce sont deux ingrédients essentiels à l’auto-guérison des individus et du monde.

Malheureusement, de nos jours, nous autres humains avons aban-donné cette notion en même temps que nous avons délaissé la spiritualité. La religion la plus puissante aujourd’hui semble être le matérialisme, qui rend le sens de la vie très superficiel.

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Tout est voué à s’éteindre ; tout est impermanent. Mais au lieu d’étendre ou d’approfondir nos recherches pour trouver une réponse à cette grande question, certains d’entre nous unique-ment préoccupés par les situations extérieures, se replient sur eux-mêmes et cultivent un esprit étroit. Nous agissons comme si nous étions ivres d’argent, de possessions, de réputation et de position sociale, en écho à des images déformées du réel. Cette fausse réalité est pleine de désir, de colère et d’ignorance. Les conséquences de notre grande erreur sont visibles tout autour de nous : la planète souffre, les nations sont en guerre, personne n’a plus confiance en personne. Parallèlement, sur la scène mondiale, le chauvinisme, le racisme, les discriminations et la peur semblent contrôler chaque action.

Les enseignements du Zen associés à une pratique sincère de ce dernier peuvent changer la vie d’un être. Ils élargissent nos hori-zons et nous aident à comprendre, à être plus compatissants et à vivre un quotidien plus profond et riche de sens.

Une pratiqUe centrée sUr la personne

Le Zen est une philosophie en mouvement, ainsi qu’un mode de vie.

Il se peut que nous percevions le Zen comme une pratique spiri-tuelle éloignée de nos considérations quotidiennes. Pourtant, en y regardant d’un peu plus près, nous voyons que la moelle et le sens profond du Zen portent sur les questions qui concernent chacun de nous : comment mener une existence humainement riche, dans laquelle nous pensons, ressentons et aimons à cent pour cent. Le Zen ne dépend pas de la culture, du pays dans lequel nous nous trouvons, ni même de notre statut social. Il est centré sur la personne, sur l’esprit de l’homme et, par extension, sur l’en-semble du monde dans lequel nous vivons. Car l’image que nous nous faisons de ce monde est le fruit de notre esprit.

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S’ouvrir à soi et aux autres

Lorsque nous nous interrogeons sur nos problèmes, sur nous-mêmes ou sur le monde nous trouvons presque toujours un coupable sur qui faire porter nos fautes. Seuls quelques-uns chercheront profondément en eux pour déceler la cause de leur problème et en trouver la solution. Et peu d’entre nous se deman-deront, en retour, « Que puis-je faire pour toi ? ». La pratique du Zen crée l’accès, l’outil, qui permet de s’aider soi-même et de venir en aide aux autres. Elle dessine une porte qui ouvre sur la compréhension du monde et de l’esprit humain. Elle offre les clés pour comprendre le rôle que nous jouons ici-bas.

« Ce monde est un océan de souffrance » : cet enseignement, souvent répété, amène à se demander « Que pouvons-nous faire ? ». Et à accepter la réponse qui en découle : « Rien. » Alors, pour échapper à cette réalité, nous allons trouver refuge dans les plaisirs, les drogues, l’argent ou encore, nous adhérons à une pseudo-spiritualité.

Une invitation aU détachement

Existe-t-il un remède pour guérir de cette maladie, pour nous rétablir et nous faire grandir ?

Le sutra1 du Diamant nous dit : « Voyez ce monde éphémère comme une étoile à l’aube, une bulle dans un ruisseau, un éclair dans un nuage d’été, une lampe vacillante ; un fantôme, et un rêve. » Et il poursuit : « Comment cet enseignement peut-il être

1. Un sutra est un enseignement oral, un ensemble de discours parabo-liques et imagés, transmis et mis par écrit. Le sutra du Diamant est un des sutras plus importants pour le bouddhisme zen avec les sutras du Cœur, du Lotus, et de la Grande Estrade.

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expliqué aux autres ? En étant détaché des apparences et en étant respectueux de la vérité ultime. »

Il ne suffit pas de saisir intellectuellement ces lignes, et de voir en elles une belle ou une juste pensée. Cette réalité doit grandir en nous à chaque instant et devenir une source positive, influençant chacune de nos actions, transformant ainsi quelques mots inertes en une réalité vivante.

L’esprit, un outil puissant

« Tout est créé par l’esprit », enseignait le Bouddha. Lorsque nous suivons méticuleusement les racines de chaque problème, nous découvrons que toute souffrance prend sa source dans l’esprit de l’homme. Afin de pouvoir trouver une solution à nos maux, il est crucial de commencer par dompter notre esprit ou, en d’autres termes, de comprendre notre nature véritable.

L’esprit est l’outil le plus immense, le plus puissant dont les hommes disposent. Mais combien de fois ce dernier est-il utilisé de manière incorrecte et néfaste, diffusant de mauvaises interpréta-tions, des représentations erronées ou illusoires? L’incompréhen-sion de notre propre esprit est un épineux problème à résoudre : comment pourrait-on saisir notre esprit par l’esprit ? Cela revien-drait à chercher à voir nos yeux… par nos yeux. C’est absolument impossible. De la même manière, chercher à comprendre l’esprit en usant de notre esprit ne peut aboutir qu’à une image réfléchis-sant les yeux, à une sorte d’idée conceptuelle limitée de ce qu’est l’esprit tout entier. Ce concept ne peut être qu’une toute petite partie de l’esprit véritable dans sa totalité. Pourtant, certains d’entre nous veulent faire confiance à leur intelligence et s’ima-ginent que leur conception limitée est le véritable reflet de leur esprit.

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Les pièges de la rationalisation

Notre intelligence est une faculté extraordinaire, cependant elle n’est qu’un simple outil qui ne convient que pour certaines utili-sations. Par exemple, notre intelligence est tout à fait inutile dans des domaines très importants de la vie tels que tomber amoureux, décider de se marier, élever des enfants, etc. En fait, nous pouvons utiliser notre capacité à penser et rationaliser d’une manière limitée pour la majeure partie de nos activités ordinaires : boire un café, faire du vélo ou profiter du soleil.

En revanche, si nous essayons de comprendre notre véritable esprit, il devient davantage un obstacle qu’un moyen de nous aider. Plus nous pensons à notre esprit de manière philosophique, et moins il nous semble possible de pouvoir le saisir. Utiliser notre intellect, à ce stade, revient à se servir d’une fourchette pour manger de la soupe, ou d’une cuillère pour trancher un steak.

Mettre l’esprit au repos

La pratique du Zen offre une approche radicalement différente de la pensée purement philosophique. Elle invite à mettre l’esprit au repos, à s’asseoir dans le calme et le silence. Elle propose de s’en tenir à la grande question « Que suis-je ? » ainsi qu’à la grande réponse « Ne sais pas ». Le Zen nous engage à percevoir. À être.

Le maître Zen Wu Bong1 disait : « La méditation, c’est comme être assis dans une gare ; bien que de nombreux trains vont et viennent en permanence, vous ne montez dans aucun d’entre eux. » Telle est la pratique de la méditation assise, Zazen2, et de la Voie du Zen : la présence physique complète, la discipline de l’esprit, les deux se soutenant mutuellement.

1. Voir le glossaire des noms.

2. Voir le glossaire des noms.

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La pratique formelle de la méditation est très importante, mais si le Zen se restreint au moment de l’assise méditative, il reste mort. De même, se limiter à l’étude du Zen, de l’enseignement de Bouddha et des maîtres à travers des ouvrages ou par la lecture des sutras sans pratique formelle ne peut mener qu’à une seule compréhension intellectuelle. Or, celle-ci ne pourra pas se refléter concrètement, et de manière vivante, dans notre vie de tous les jours. Lire des enseignements ou des sutras bouddhiques revient à parcourir un menu dans un restaurant.

La phase suivante consiste à goûter la nourriture, la manger, la digérer, puis à éliminer les résidus non nécessaires. Alors, seule-ment, nous pouvons nous intégrer dans un processus global, menant à la santé et à la croissance.

Question d’un discipleParfois, je suis un peu confus en ce qui concerne la voie lorsque les autres me demandent si je suis bouddhiste. À vrai dire, je me considère davantage comme disciple zenque comme une personne religieuse.Y a-t-il une différence entre les deux ?Réponse de maître Bon YoLe bouddhisme et le Zen sont-ils les mêmes, ou bien diffèrent-ils ?Le disciple frappe le sol.– C’est tout ?– Je ne sais pas.– Bien, garde cet esprit, « Ne sais pas », et ta confusion disparaîtra.

Dans le sutra du Diamant, il est écrit : « Le Bouddha peut-il être reconnu par des caractéristiques matérielles ? Non, le Bouddha enseigna que les caractéristiques matérielles ne sont pas des caractéristiques matérielles. Les caractéristiques matérielles ne sont qu’illusions, lorsque vous percevez ces caractéristiques comme non caractéristiques alors vous percevez Bouddha. »

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Nous devrions éviter d’intellectualiser les choses et de nous repré-senter notre environnement de façon uniquement mentale.

Nous aimons les noms ainsi que les formes, que nous considé-rons comme des pare-chocs de sécurité. Quand quelque chose peut être nommé et que nous pouvons dire « Je suis ceci » ou « Je suis cela », nous pouvons éprouver un sentiment d’appartenance qui nous sécurise. C’est comme si nous nous appuyions sur une canne, pour nous reposer ; et en soi ce n’est ni bon ni mauvais. Les obstacles apparaissent lorsque nous nous attachons à ce genre de support : surgit alors notre petit « moi », dépendant de concepts limités, de noms et de formes, hermétique à toute possibilité plus large. Telle est l’origine de notre problème.

Un être humain complet

La meilleure voie consiste à n’être ni « bouddhiste », ni « disciple zen », ni quoi que ce soit d’autre… Mais tout simplement un être humain complet.

Le disciple dit « Je ne sais pas ». Je devrais lui conseiller d’abandonner le « je » et de garder uniquement le « Ne sais pas ». Cet esprit est très vaste. Avec lui, tout devient possible : nous pouvons être bouddhiste, disciple du zen ou quoi que ce soit d’autre ; et cela sans problème.

Avez-vous besoin de Dieu, ou Dieu a-t-il besoin de vous ?

Un jour aux États-Unis, alors que nous étions en voiture avec mon mari, nous sommes passés devant un grand panneau sur lequel était écrit  : « Vous avez besoin de Dieu ». À la lecture de ces mots, j’ai ressenti une étrange confusion de sentiments, comme si quelque chose n’allait pas dans cette phrase. Plus tard, j’en ai reparlé avec mon mari et nous sommes arrivés à la conclusion que ce panneau aurait dû indiquer : « Dieu a besoin de vous ». C’est cette assertion qui ferait la différence entre un religieux suivant une voie, et un pratiquant sincère, plein de compassion.

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Bon nombre d’entre nous demandent tout un tas de choses à leurs dieux et se mettent en colère, ou souffrent, quand ils n’obtiennent pas ce qu’ils désirent.

Un homme n’attachait pas son chameau, et quand on lui demandait pourquoi, ce dernier répondait : « Dieu prendra soin de ce chameau. » En entendant cette réponse, son maître lui dit : « Pourquoi souhaites-tu que Dieu prenne soin d’une si petite chose que tu pourrais facilement faire toi-même ? »

Dieu est la seule entité qui peut prendre soin des problèmes, petits ou grands, de ce monde. Ne serait-il pas mieux de devenir plus fort, compatissant et indépendant afin de l’aider dans sa tâche ?

En regardant le monde et la manière dont de nombreux boud dhistes agissent, nous pouvons être enclins à penser que le bouddhisme est une religion comme les autres. De nombreuses personnes, qui se revendiquent bouddhistes, vénèrent le Bouddha tout en ne suivant son enseignement que d’une manière très limitée. En les regardant, nous pourrions croire que cela est le bouddhisme.

S’interroger sur ce que l’on cherche

Bouddha lui-même n’a jamais demandé à être vénéré, ni à être considéré comme un dieu. Cette attitude s’est développée a poste-riori, à l’initiative d’autres personnes. La plupart des Bodhisat-tvas1 étaient ses disciples, par leur pratique ils sont devenus de grands êtres et sont aujourd’hui quasiment perçus comme des dieux. En fait, le bouddhisme en tant que religion est apparu longtemps après la vie de Bouddha, et cette vision a été générée par la dévotion de gens envers cet homme spécial, ce grand sage.

Les différents personnages qui composent les traditions boud-dhistes, et le Bouddha lui-même, devraient être perçus comme

1. Voir glossaire.

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des exemples, comme le symbole de ce que nous pourrions devenir. L’ensemble des peintures et des sculptures existant dans nos temples et dojos n’est que le rappel de ce que nous pourrions et devrions manifester en nous.

Le Zen est le cœur de l’enseignement du Bouddha.

Il est coloré d’une certaine dévotion, marque de respect pour ce premier grand maître, Bouddha, qui pratiqua intensivement, interrogeant les grandes notions de Vie et de Mort ; qui atteignit une compréhension profonde et qui l’enseigna aux autres.

Il partagea sa propre expérience et sa sagesse tout en encoura-geant les autres à pratiquer assidûment pour atteindre le même éveil. Bouddha lui-même n’était pas bouddhiste

Dans le cas où la confusion persiste à propos de notre Voie, nous devons nous interroger sur ce que nous voulons réellement.

Qu’est-ce que je veux réellement ?

– Est-ce que je cherche une religion à laquelle appartenir ?– Un Dieu à vénérer ?– Une protection ou une force extérieure ?– Ou bien, voyant toute la souffrance présente dans ce monde, est-ce que je choisis de suivre l’enseignement du Bouddha ?– Suis-je prêt à me poser sans fin la grande question, à travailler sur moi, à devenir fort, indépendant et à aider tous les êtres ?

Nous devons décider, et ensuite nous devons garder notre esprit ouvert et plein de compassion. Si nous procédons ainsi, quelle que soit la voie que nous aurons choisie, ce sera la bonne.

Question d’un discipleJe pratique le zen tout en étant d’une autre religion, je ne suis pas bouddhiste. Ma famille et mes amis critiquent souvent mon choix.

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Ils disent que la pratique du Zen est contraire à Dieu.De ce fait j’ai des doutes : pourriez-vous me dire ce que vous pensez d’un tel mélange ?Réponse de maître Bon YoSi tu crois en Dieu et que tu crois que Dieu est amour et compassion, alors comment peux-tu douter de l’aide que Dieu t’apporte dans ton développement personnel pour devenir une personne meilleure et plus forte, cherchant à aider les autres ?

Si nous nous figurons que Dieu peut devenir furieux à cause d’une telle pratique, alors nous pensons peut-être que Dieu est idiot, égocentrique et assez étroit d’esprit. Si nous raisonnons ainsi, cela signifie que nous sommes nous-mêmes étroits d’esprit, égocentriques et peut-être même plutôt idiots.

Bouddha voit Bouddha

Un homme pratiquait et étudiait assidûment, il aimait rencontrer des maîtres afin de se confronter à eux dans des combats de dharma1.Au cours de l’une de ces rencontres, l’homme demanda à un maître : « De quoi ai-je l’air ? » Ce à quoi le maître répondit immédiatement : « Tu as l’air d’un bouddha. » Puis le maître demanda à cet homme : «  De quoi ai-je l’air  ?  » À cela l’homme répondit  : « Tu as l’air d’un excrément. » L’homme rentra ainsi chez lui satisfait de cet échange.La sœur de cet homme étant une personne éclairée, il s’empressa à son retour de lui rapporter sa conversation, ajoutant qu’il la perce-vait de son point de vue comme victorieuse. Sa sœur rit alors à gorge déployée et dit : « Idiot, ne comprends-tu pas ? Bouddha voit Bouddha. L’excrément voit l’excrément. »

1. Voir glossaire.

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Si le Dieu auquel nous croyons est un personnage sage, aimant et compatissant, alors nous n’avons aucun doute à avoir sur l’éthique de notre pratique. Dieu n’a créé ni les religions ni les dogmes qu’elles comportent ; seul l’homme l’a fait. Jésus n’était pas un chrétien, ce sont les hommes qui ont créé une religion à partir de son image.

Il en est de même pour Bouddha et le bouddhisme.

C’est pourquoi il n’est pas nécessaire d’être bouddhiste, ou même d’être un disciple du Zen pour suivre cette pratique, ces ensei-gnements et ce mode de vie. Le Zen est aussi large que profond et ne dépend d’aucune croyance. Il convient de veiller à garder un esprit ouvert, et à pratiquer de façon juste des enseignements, à faire sien ce mode de vie.

Si nous croyons au bleu du ciel, au chant des oiseaux, au soleil qui se lève à l’est et, avant tout autre chose, en nous-mêmes, nous deviendrons alors des êtres humains accomplis. Et cela, c’est une voie qui vaut la peine d’être suivie à cent pour cent.

Le célèbre écrivain polonais, Kornel Makuszynski, a écrit : « Tout peut devenir un dogme ; un arbre et un rocher ; l’amour et Dieu ; parce que ce qui compte n’est pas ce en quoi vous croyez, mais comment. »1

1. La traduction est de l’auteure.