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©ÉditionsAlbinMichel,2016

ISBN:978-2-226-38922-0

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Àlamémoiredemagrand-mèreDoriya

ÀAlientémoignagedemaprofondereconnaissance

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« Nous n’avons donné l’immortalité à nul homme avant toi. Seraient-ils immortels, alors que tumourras?»

Coran,sourate21«LesProphètes»,verset34

«C’esticiunlivredebonnefoi,lecteur.»

Montaigne

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PROLOGUE

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«Dessine-moiunprophète»

«Dis:Jenesuisqu’unmortelsemblableàvous.»

Coran,sourate18«LaCaverne»,verset110

Médine, lundi8 juin632 1.Lesoleilàsonzénithenflammel’horizon.Lachaleurdecette journéed’étéenArabiesemblebienclémentecomparéeàlafièvrequiconsumelecorpsdeMuhammad.Allongésursonlit,AbûlQâcim,commeaimentàl’appelersesamisintimes,agonise.Depuisquelquesjoursdéjà,safamilleetsesCompagnonssaventqueleProphètesemeurt.UneambiancelourdepèsesurMédine,latensionestpartoutpalpable.Muhammadnesaitriendecequisepassedehors;celafaitunmomentqu’ilestdevenu l’otagede son lit.Mais il devineà l’agitationde sesCompagnonsetde ses femmesqu’onvientlevoirpoursavoirs’ilrespireencore.Luiestailleurs,nepensantqu’aumomentoùilseradélivrédes affres de cette agonie.L’hommen’amêmeplus la force de gémir.En silence, il imploreDieu del’appelerauprèsdelui.

Cejour-làpourtant,l’ambianceestétrangementcalme.Muhammadestseulavecsafemme‘Aïsha.Lepèredecelle-ci,AbûBakr,amiduProphèteetfuturpremiercalife,luirendunevisitefurtivetrèstôtlematin puis part vers samaison deSonh, non loin deMédine. ‘Umar, autreCompagnonde la garderapprochéeetfuturdeuxièmecalife,estdehorsdanslamosquéeattenanteà lachambredeMuhammad,faisantlescentpasdevantlaporte,enserrantsonsabred’unemaintremblante.LesAnsars 2deMédine,réunis autour de Sa‘d Ibn ‘Ubâda, se retirent à la saqîfa 3 du clan desBanû Sâ‘ida où, à l’abri de lachaleuretdesregardsindiscrets,ilssepréparentdéjààl’après-Muhammad.

Àlafindelajournée,latêteposéesurlegironde‘Aïsha,leProphètequittecemonde.Lanouvelles’abatsurMédinecommeungrondementdetonnerrequidéchireleciel.Lesmusulmansaccourentaffolésvers lamaison d’AbûlQâcim.On se souvient des paroles du Prophète disant aux nouveaux convertisqu’ilvenaitleurannoncerl’imminencedel’apocalypse.Lesuns,incrédules,crient:«Ilnepeutpasêtremort !N’a-t-il pas dit qu’il serait notre Témoin le jour du Jugement dernier ? » Les autres, terrifiés,murmurent:«L’Heureestarrivée.»Untumultes’élèvedevantlaportedelachambreduProphète.Onhurle, on pleure, on se bouscule ; les visages sont congestionnés par la chaleur et l’effroi. Voyantl’agitationdelafoule,‘Umarlancedesavoixtonitruante:«Gareàvous,malheureux!L’EnvoyédeDieuesttoujoursvivant!VousallezvoirleProphètereveniretcouperlesbrasetlesjambesdetousceuxqui

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ontprétenduqu’ilétaitmort!»Toutenparlant,ilbatl’airenagitantlesbrasetfaitvibrerlesolsoussespieds.L’exhibitiondelaforceestpour‘Umarunimparablemoyendepersuasion.

Arrivéentre-tempsàMédine,AbûBakrs’engouffrerapidementdanslachambrefunèbre;ilposeunbaiser sur le front du Prophète et ressort aussitôt. Il essaye de calmer la fureur de ‘Umar et,imperturbable, s’adresse à la foule : « Écoutez-moi ! Que ceux qui adorent Muhammad sachent queMuhammad estmort.Que ceux qui adorentDieu sachent queDieu est éternel et nemeurt jamais. » Ilpoursuit :«Dieunousditdans leCoran :Muhammadn’est qu’unprophète.Desprophètesont vécuavant lui.Retourneriez-voussurvospass’ilmouraitous’il était tué? (3:144) 4 »Curieusement, ceverset du Coran, personne, pasmême ‘Umar, ne se souvient de l’avoir entendu auparavant ! Sur cesparoles d’Abû Bakr, tout le monde se tait et la foule se disperse ; chacun s’enferme chez lui dansl’angoisse de ce qui va arriver. Un silence de plomb tombe sur Médine ; on n’entend plus que desaboiementscontinusquisetraînentauloin…

Deux jours après sa mort, le Prophète n’est toujours pas enterré. Son cadavre couvert de sonmanteauestabandonnédepuislundi.Cen’estquedanslanuitdemercrediquelafamilled’AbûlQâcimserésoutenfinàcommencerlespréparatifsdesobsèques.Tarddanslasoirée,‘Alî,cousinetgendredeMuhammad,entredanslachambrefunèbreaccompagnéd’autresmembresdelafamille:‘Abbâs,l’oncleduProphète,sesdeuxfilsFadhletQutham,‘Aqîl,lefrèrede‘Alî,ainsiqu’OussâmaIbnZayd,l’affranchibien-aimédeMuhammad,etShoqrân,sonserviteur.

Conformément aux consignes de Muhammad, c’est ‘Alî qui dirige la toilette mortuaire ; lesfunérailles ont lieu le soirmême. ‘Aïsha dira qu’elle ne s’est aperçue qu’on enterrait sonmari qu’enentendantlebruitdespiochesaumilieudelanuit.Maiscommentsefait-ilqu’ellenesoitpasprévenuedel’enterrementdesonépoux?Oùsetrouve-t-elleàcemoment?LeProphèten’est-ilpasmortdanssachambre ? Et où sont passés Abû Bakr et ‘Umar, les deux futurs califes ? Tous les Compagnons deMuhammadsemblents’êtrevolatilisés.AumomentdecreuserlatombeduProphète,mêmelefossoyeurattitrédesÉmigrants I,Abû‘UbaydaIbnal-Jarrâh,estétrangementintrouvable.

PourquoiMuhammadn’est-ilpasenterrélejourmêmedesondécèscommel’ordonnaitleProphètequiprescrivaitàsescoreligionnairesd’ensevelir rapidement leursmorts?Aucunlivrede laTraditionmusulmanenedonnelamoindreinformationsurcetrounoirdedeuxjoursaucoursdesquelslecadavredel’EnvoyédeDieuestabandonné.LaTradition,d’habitudesibavarde,sibieninforméedesmoindresdétailsdelavieduProphèteetdesesCompagnons,devientàcesujetbrusquementamnésiqueetmuette.Pendantplusdedeux jours, la scènede l’Histoire sevide soudainementdesnombreuxacteursqui s’yagitaientquelquesminutesplustôt.Commedansunepiècetragique,seulresteaumilieudelascènelecorpssansvied’unhommeétendusursonlit.

Delundiàlanuitdemercredi,letempsdeshommessembleainsi«suspendresonvol».Letempsde la nature, lui, poursuit son cheminement implacable : le cadavre de Muhammad commence à sedécomposer;onsentdansl’airenfermédesachambreunsouffledecharognequiemplittoutelamaison.Comble de l’ironie : l’homme était un amateur passionné de parfums raffinés. Sous lemanteau qui lecouvre,etdansl’indifférencegénérale,Muhammadtombeenpourriture.

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CommentexpliquercetaffrontfaitauProphètedontlecorps,laisséàl’abandon,offrelespectacleobscène et affreux de sa putréfaction ? Les intrigues politiques et la course au califat occupent-ellesautantlesespritspourquel’onoublieladépouilledumaîtreetqu’onluirefusecesoinminimumqu’ondoit à la dignité humaine ? Autant de questions auxquelles ce livre tente de répondre enmenant une«enquête»surlesdernièressemainesdelaviedeMuhammad,sonagonieetlesheuressuivantsamort.La reconstitution que nous proposons soulève de nombreuses autres interrogations car la fin deMuhammadestpleinedemystères:pourquoia-t-ilétéempêchédedictersontestamenttroisjoursavantsondécès?Dequoiest-ilmortaujuste?

L’imagetragiquedel’abandonducadavreduProphèteparsesamislesplusproches,qui,plustard,s’imposerontcommesessuccesseursaunomdecetterelationprivilégiéeaveclui,figurechezlesauteursmusulmans les plus orthodoxes ; cette image funeste hanterait encore l’inconscient collectif desmusulmans.Elleest,eneffet,auxantipodesdel’adorationexacerbéedontleProphètefaitdenosjoursl’objet.Sansdoutelapremièregénérationdesmusulmansneconsidérait-ellepasMuhammadcommeunpersonnagesacré;lui-mêmearevendiquéden’êtrequ’unmortelparmilesmortels,commeleluiordonneAllâh dans le Coran : «Dis : Je ne suis qu’un mortel semblable à vous » (18:110). Aujourd’hui,l’adorationdesmusulmanspourleurProphèteestpousséeàuntelparoxysmequ’unevéritableobsessiondublasphèmeentoure lepersonnage.Lavénérationdont ilestaujourd’huiauréolé l’aenquelquesortefossilisé.

Nous sommes si loin de l’époque deMuhammad. Enmille quatre cents ans, il est devenu pourbeaucoup une abstraction si puissante qu’elle résiste à toute tentative de représentation. Ainsi, si lescaricaturesdeMuhammadontprovoquéunprofondmalaisechezlesmusulmans,aupointd’entraînerdesréactionsdedémencemeurtrière,cen’estpasparcequ’ellessemoquentduProphètemaisparcequecesdessinsespièglesmettentledoigtsurcequenouspensonsêtrelepointfaibledel’islam:sonrefusdelareprésentationduProphète 5.Àl’èredel’image,l’aniconismeenislamn’estplussimplementundogmereligieux obsolète mais le symptôme flagrant d’un anachronisme – auquel la riposte violente auxcaricaturesdeMuhammaddonneaujourd’huiunrelieftragique.

On aurait tort d’imputer l’acte meurtrier supposé venger le Prophète à quelques individus aux«cerveauxgangrénés»,diraitVoltaire:ces«loupssolitaires»sontmoinssolitairesqu’onnelecroit;ilssontlapartievisibledecetimmenseicebergqu’estleconformismereligieux,complicesilencieuxducrime. En effet, les musulmans qui pensent (plus ou moins sincèrement) qu’il est inadmissible derépondre à un crayon par un fusil mitrailleur trouvent tout aussi inadmissible qu’on caricature leurProphète,qu’onlereprésentemême.Enréalité,l’islamdesmusulmansdits«modérés»,commel’islammillénariste des fanatiques tueurs en série, porte le fardeau d’un même tabou : l’interdit de lareprésentationduProphète 6. Tous lesmusulmans, les violents et les non-violents, se sont ainsi sentisincapables de répondre à la caricature par la publication par exemple d’images sublimées deMuhammad : ils ne le peuvent pas car leur religion ne le permet pas 7. Ce rapport à l’image est lesymptômeplusprofondd’unrapportcomplexeàlamémoire 8.Seulelareconstitutionhistoriquepatienteetobjectivéepermettraitdedépasserladichotomiedu«modéré»etdel’«intégriste»séparantd’une

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manière aussi manichéenne qu’imaginaire le « bon » du « mauvais » musulman ; ces deux camps,s’accusant mutuellement de défigurer l’islam, finissent toujours par se neutraliser. Le problème desmusulmansn’est-ilpasqueleurProphèteestdevenuunhommesansombre,unêtredéshumanisé,écartéde l’Histoireetde lareprésentation?Etsi laréformede l’islamdevaitêtrenonpas théologiquemaisesthétique?

Ce livre tente précisément de tracer le portrait d’un homme de chair et d’os, de dessiner lescontoursd’unefigurehumaniséeduProphète(etparlàmêmedesonentourage).Or,quoidemieuxpourapprocher sonhumanitéquede sepencher sur lesderniers instantsde l’hommequi,prisonnierde soncorpsmalade,prendlamesuredesavulnérabilité?NousretrouvonsainsidanslerécitdelafindeviedeMuhammadtousleslieuxcommunsdelachuted’unsouverainpuissant:uneautoritéquidéclineaulendemain d’une défaite militaire face aux Byzantins ; des tentatives d’assassinat ; l’interventionexcessivede sonentourage familial dans les affairespolitiques et sabataille rangée, à l’heurede sonagonie,pourhériterdesonpouvoiretdesonimmensefortune.Aucentred’untourbillondeconvoitises,Muhammadestunhommeseulconfrontéà l’ambitiondévorantedesesCompagnons.Etonenarriveàl’éternelconstat:lareligionestsouventleparaventd’ambitionshumaines.

L’analyse de l’attitude des Compagnons les plus proches (notamment Abû Bakr et ‘Umar, lescandidats à sa succession) qui s’agitent fébrilement autour du lit du Prophète moribond permet parailleursdefairelalumièresurlesconditionsdouloureusesdanslesquellesl’autoritépolitiqueenislamaémergé.Lessignesavant-coureursdesdiscordesetluttesfratricidesquidéchirentlesmusulmansdepuisdessièclessontdéjàperceptibleslorsdel’agoniedeMuhammad.

ParlareconstitutiondesderniersjoursdelaviedeMuhammad,noussouhaitonsdonciciextirperl’homme enseveli sous la légende héroïco-religieuse et le restituer à l’Histoire, donc « au temps dumonde»,diraitl’orientalisteJacquesBerque 9.Cettedémarches’estimposéeànouscommeuneévidencecar,comme lesoulignaitdéjàErnestRenan,Muhammadestun«personnage réellementhistorique 10».Rappelonsqu’il était le contemporaind’Héraclius, l’empereurdeByzance, deDagobert Ier, le roi desFrancs, et du papeBonifaceV.Or, on constate que les racines historiques de l’islam sont en train des’enliserdanslessablesmouvantsdudogmatisme.Aufildessiècles,l’islamsembles’êtreenfermédansune « représentation absolue » qui fait qu’aujourd’hui, souligne l’historienne de l’islam JacquelineChabbi,cettereligion«refused’accordersonraisonnementautempsdesautres 11».N’acceptantdeseregarder que dans le miroir complaisant de leur propre Tradition, les musulmans croient pouvoircondenserleurhistoire,etmêmeleuravenir,dansuneillusiond’éternitéetd’infaillibilité.

Fautedepouvoirs’assumercommetemporalitéhumaine,l’islamsemblemêmeavanceràpassûrsverslechemindelasortiedel’Histoire–lamêmesortiedel’HistoireàlaquellelareligionnaissanteaétéconfrontéeilyaquatorzesiècleslejouroùMuhammadestmort.Eneffet,sil’épisodefinaldelavieduProphète nous paraît intéressant à explorer, c’est parce qu’il nous place devant l’instant décisif oùl’islamavéritablementnégociéune« finde l’Histoire» : pour ses contemporains,Muhammadvenaitannoncerlafindestemps,dontsamortdevaitfatalementconstituerlesigneavant-coureur.

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Véritablecrisequiamisenjeulasurviemêmedel’islam,lamortdeMuhammadestunépisodequisemble cristalliser les racines dumalaise de l’islam dans la civilisationmoderne et fournir ainsi lesélémentsd’uneréflexionsurl’attitudeactuelledecertainsmusulmansqui,animésdefoliemillénariste,etempressésdesortirdel’Histoire,tententd’entraînerlemondedansl’apocalypsedontilsnousimposent,dansdesmisesenscènecauchemardesques, lespectaclehorrifiant.Cesantéchristsquisemblentsurgird’unautreâge,dontl’intolérance,larageiconoclaste,lacruautésansnomnoussoulèventlecœur,nesontpas seulement l’incarnationd’unedérive fanatique ; cesmusulmans semblent réactualiser sauvagementl’imaginaireeschatologiqueoriginelquiasansdoutefondélacroyancereligieuseenislam.

LareconstitutionproposéedanscetouvrageestentièrementfondéesurleCoranetsurlessourcesde la Traditionmusulmane, aussi bien sunnites que shiites, qui contiennent unemasse prodigieuse derelations et d’informations relatives à l’agonie du Prophète et à sa mort12. Nous nous basons sur laconfrontation des différents récits rapportés dans les livres de collection de hadiths, les Sîra(biographies) les plus anciennes du Prophète ainsi que sur les exégèses du Coran, les nombreuseschroniquesetouvragesconsacrésauxCompagnonsdeMuhammad.IlfautnoterquetoutecetteprolifiqueTradition est postérieure de plus d’un siècle aux événements qu’elle relate 13. Hormis leur caractèretardif,lessourcesdelaTraditionmusulmaneprésententdescaractéristiqueslittérairesassezsingulières:un même événement est relaté sous la forme de plusieurs récits fragmentés émanant d’informateursdifférents.Dansceslivres«àplusieursvoix»,l’auteursecontentedejuxtaposerlesversionsquandbienmêmeellesseraientdivergentesvoirecontradictoires.L’exemplelepluséloquentestceluide‘Aïshaquiaffirmetouràtourquesonmariaétéempoisonnéetqu’ilestmortd’unepleurésie.Notretravailviseàréunirlesmorceauxdupuzzlepourdonneruneformenarrativesuivieauxrécitséclatésetauxversionsdivergentesqu’onrelèvechezlestraditionnistesmusulmans.

Certes, l’historiographie musulmane, notamment la biographie du Prophète, est dominée par desmotifsapologétiquesetreligieux.Toutefois,etc’estlàungrandparadoxe,ellesemblepréoccupéeparlaconstructiond’unecertainevéritéhistorique.OnestainsisurprisdeconstaterquedesfaitsgênantspourlamémoiredelafamilleetdesCompagnonsdeMuhammadontétémaintenusdansdesouvragescensésprésenter une image idéalisée, voire sacralisée de la première génération desmusulmans. En effet, lecaractèreapologétiquedelaTraditionmusulmanen’exclutpasunedimensionprofondémentsubversiveeticonoclaste,quin’estpasseulement le faitde la littératureshiite (quis’estdéveloppéeenmargeetenoppositionàl’histoireofficielle) 14.Àl’intérieurmêmedelatraditionsunnite,onconstateplusd’unefoisquel’histoiresacréen’apasététotalement«aseptisée».L’attitudedesdeuxCompagnonsdeMuhammad,Abû Bakr et ‘Umar, durant l’agonie du Prophète et les premières heures qui ont suivi sa mort estcompromettante pour la mémoire des deux premiers califes. Certains détails (parfois sordides),aujourd’huipasséssoussilence,n’ontvisiblementpassubid’arrangement,cequiseraitlapreuvedeleurhautdegréd’authenticité.

La fiabilité de telles informations se trouve confirmée par une étonnante convergence entre lessourcessunnitesetshiitesréputéesantagonistes.C’estprécisémentdansceslieuxdeconvergencequ’onsesentêtreauplusprèsd’unnoyaudevéritéhistorique.CommelerecommandeMohammed-AliAmir-

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I.

Moezzi, on a intérêt à examiner les « archives de l’opposition » qui « demeurent insuffisammentconnues»carles«assertionsshiitesnesontpasquedesimplesélucubrationsforgéesparlafrustrationde l’échec 15».C’estpourcette raisonquenousavonspris lepartidanscetouvragedeconfronter lesrécitssunnitesetshiitesrelatifsauxderniersjoursdeMuhammad.

Ensomme,notrerécittientsanouveautéàlafoisdelaconfrontationinéditedecessourcesetdelalinéaritédans lesquellesnous les replaçons 16.L’agencementchronologiquequenousproposonspermetde hisser la compréhension de l’épisode capital des derniers jours deMuhammad hors de la masseconfusededonnéesdisparatesfourniesparlaTradition.Ainsireplacéssurl’axedutempsdansunordrenouveauetraisonné,lesfaitsparlentd’eux-mêmes.

Noussavonsquecelivren’estqu’unetentativeutopiquedequarrerlecercleetqu’ilnedéboucheraquesuruneapproximation;toutequêtescientifiquetendversunhorizondevéritéquireculeaufuretàmesure que le chercheur avance. Finalement, la situation de l’historien n’est pas plus désespérée quecelle dumathématicien courant derrière les décimales imprévisibles de pi ou celle du physicien qui,cherchantàcapter lamatière,nerencontrequedesformes:demême, l’historiennetientdel’Histoirequesaformeendevenir,c’est-à-direl’emboîtementinfiniettoujoursenexpansiondesesreprésentations.

LesMecquoisréfugiésàMédine.

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I

Tabûk,ladernièreexpédition

Après son émigration versMédine en 622,Muhammad cesse d’être le prédicateur pacifique quiappelle leshabitantsdeLaMecqueà la foimonothéiste. Ilmènedésormaisdesoffensives incessantespourramenersceptiquesetinfidèlessurlechemind’Allâh1.Lesnombreuxexploitsmilitairesetlebutinconsidérable récoltédans lesdifférentes razziasdécuplent la forceet ladéterminationdeceluiquiestdevenusanscontestel’hommelepluspuissantetleplusricheduHijâz.MêmelesplushautsseigneurspaïensdeQuraysh,sesennemisirréductibles,finissentpars’incliner.Ainsi,aprèsavoirsignédespactesde paix avec les grandes tribus de l’Arabie, le Prophète décide désormais d’orienter ses dernièresexpéditionsmilitairesverslenord.

Sonbut?LaconquêtedeJérusalemdansuneperspectiveeschatologique.Muhammadaeneffetétémisaudéfiparcertainsjuifsdeleurapporterdespreuvesdesasincérité:«Situesunvraiprophète,luidisent-ils,tudoisallerenSyrie(al-Shâm2)carledroitchemin(al-haqq)estenSyrie,quiestlaterreduJugement dernier et la terre des prophètes 3. »Cette injonction incite doncMuhammad à concevoir leprojet d’affronter le puissant Empire byzantin sur son territoire. Mais l’entreprise est pour le moinsaudacieuse car l’arméemusulmane n’a pas lesmoyens de semesurer à Byzance ; elle en recevra lapreuveàdeuxreprises:àMo’taen629etàTabûken631.

Aumoisdejumâda1erdel’an8(septembre629),Muhammadordonnel’expéditiondeMo’ta,situéà quinze kilomètres au sud d’al-Karak dans l’actuelle Jordanie, à l’est de lamerMorte. Le Prophètedépêche une armée de trois mille hommes pour aller combattre lesRûm (Byzantins). La décision dedéclarerlaguerreàByzanceestprovoquéeparl’assassinatd’al-HârithIbn‘Umayr,l’émissaireenvoyépar leProphèteau roideBusrâ,quiaété interceptépuiséliminéparShurahbîl, lechefghassanidedeBalqâ’gouvernantaunomd’Héraclius,empereurdeByzance.Enréactionàcemeurtre,leProphètelèveunearméecontrelesRûm 4,dontilconfielecommandementàsonaffranchietex-filsadoptifZaydIbnal-Hâritha, avec une consigne claire : « Si Zayd est tué, je veux que Ja‘far Ibn Abî Tâlib prenne lecommandement ; si celui-ci est tué à son tour, qu’il soit remplacépar ‘Abd-Allâh IbnRawâha 5. »Enprévoyant ces deux remplaçants, Muhammad est surtout conscient de la difficulté de cette campagnemilitaire et des risques importants encourus par ses soldats. Effectivement, les Byzantins massacrentl’arméeduProphèteetuntrèsgrandnombredemusulmansmeurentàMo’ta,dontlestroischefsdésignésparMuhammad,ZaydIbnal-Hâritha,‘Abd-AllâhIbnRawâhaainsiqueJa‘farIbnAbîTâlib 6.Ilfautdire

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queledéséquilibredesforcesentrelesdeuxarmées(troismillehommesducôtémusulmanfaceàcentmilleByzantins)estconsidérable 7.

Devantl’ampleurdudésastre,KhâlidIbnal-Walîdprendlui-mêmelecommandementetcontinueàsebattrecourageusementduranttroisjours.CevaillantguerrieraurabriséneufsabresdanslescombatssanglantsdeMo’ta 8.Toutefois,songéniemilitairenepeutempêcherladébâcle;ilordonneauxsoldatsde se retirer. Muhammad approuve la décision et félicite celui qu’il surnomme « le glaive dégainéd’Allâh9 », qu’il tient incontestablement pour le stratège le plus doué de ses Compagnons et dont larenomméea franchi les frontièresde l’Arabie 10.C’est leProphète lui-mêmequi se rendà l’entréedeMédinepouraccueillirsonarméedéfaite;àcheval,ilportedanssesbraslepetit‘Abd-Allâh,filsdesoncousinJa‘farIbnAbîTâlib 11.Mécontents,lesmusulmansreçoiventlessoldatsvaincussousleshuées;ils leur jettentdu sableauvisageencriant :«Fuyards !Vousavezdéserté le cheminducombatpourAllâh12!»

La débâcle deMo’ta ne dissuade pourtant pasMuhammad de refaire une deuxième tentative deconquêtedirigéeverslaSyrie.PeudetempsaprèslaprisedeLaMecque(ramadanan8/janvier630),ilordonnel’expéditiondeTabûkaumoisderajabdel’an9(septembre-octobre630) 13.Après ladéfaitecatastrophiquedeMo’ta,Muhammadfaitcettefoislechoixd’unepercéeplusprudenteverslenord.Ilauraitapprisquel’empereurbyzantinHéracliuspréparaitenSyrieuneoffensivecontrelui 14.LeProphèteprend très au sérieux lamenace et décided’aller au-devant, se dirigeant versTabûk aunord-ouest del’Arabie, à six cents kilomètres deMédine. L’armée que lèveMuhammad est, dit-on, la plus grandejamaisréunieenArabie:desdizainesdemilliersd’hommesetdixmillechevaux15.C’estleProphèteenpersonnequiprendlecommandementdestroupes.

CeseraladernièreexpéditiondeMuhammad,laplusonéreuseetlapluspénibleégalement.Pourfinancer la campagne, il mobilise toute l’Arabie 16. Le richissime ‘Uthmân Ibn ‘Affân, futur troisièmecalife, dépense à cette occasion la somme la plus colossale jamais rassemblée jusque-là : dix milledinars,sanscompterleschameauxetleschevaux17.Surnommé«l’hommeauxdeuxlumières»carilaétédeux fois gendre du Prophète, ‘Uthmân reçoit en guise de récompense pour sa générosité une prièrepersonnaliséedeMuhammadquidit:«ÔmonDieu,soyezsatisfaitde‘Uthmâncarmoijesuissatisfaitdelui 18.»UnescèneunpeuétonnantemontreMuhammaden traind’embrasser lasommed’argentquel’opulentIbn‘Affânvientdéposerdanssongironetdisant:«Àpartirdecejour,‘Uthmânestabsousdetous ses péchés 19. » Tous les autres Compagnons contribuent généreusement au financement del’expéditiondeTabûket les femmesdonnent leursbijoux20.Parmi lesdonateurs lesplusprodigues, laTraditionciteégalement‘Abd-al-RahmânIbn‘Awf;leProphètesurnommera‘Uthmânetcedernier«lesdeuxcoffres(khazâ’in)deDieusurterre 21».

Avant de partir pour Tabûk, le Prophète laisse pour le remplacer à la tête de Médine sonCompagnonMuhammad Ibn Salama al-Ansârî 22. À ‘Alî, son cousin et gendre, le Prophète confie lachargedeveillersurlafamillependantsonabsence.Cettedécisionprovoquemédisancesetmoqueries;les mauvaises langues prétendent que le Prophète n’a pas confiance en ‘Alî puisqu’il l’écarte desresponsabilitéspolitiques.«Qu’est-cequiempêcheleProphètedeprendre‘Alîavecluisicen’estqu’il

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déteste désormais sa compagnie ? »murmure-t-on23.D’autres disent : « Si l’Envoyé deDieu n’a pasdésigné ‘Alî pour s’occuper de Médine en son absence, c’est parce qu’il le trouve balourd et peufiable 24.»Quoiqu’ilensoit,c’estlapremièrefoisque‘Alîn’accompagnepasAbûlQâcimpourlivrerbataille 25.Profondémentvexé,ilvarejoindreleProphètequicampeauJorfnonloindeMédine,etluidemandedes’expliquer.«Leshypocrites,luidit-il,prétendentquetunemeprendspasausérieuxetquetu n’as pas confiance en moi. – Ils mentent, lui répond Muhammad. Je t’ai confié une charge trèsimportante:celledeveillersurmafamilleetlatienne.Ôfilsd’AbûTâlib 26!Nesouhaites-tupasêtreparrapportàmoicommeAaronparrapportàMoïse?Cependantsachequ’iln’yapasdeprophèteaprèsmoi 27.»Aprèsavoirécoutécettemiseaupointàlafoisdiplomatiqueetferme,‘AlîretourneàMédine.

Les musulmans accueillent sans enthousiasme la décision d’aller à Tabûk à cause du souvenirencoredouloureuxethumiliantlaisséparladéfaitedeMo’ta,etpuisc’estlasaisondelacueillette:ilsveulentresterdansleursoasisetleursvergersàl’ombredeleursarbresenfruits 28.LapériodechoisieparMuhammadpourlivrerbatailleest,eneffet,particulièrementrude:grandechaleuretaridité.Maisunversetestrévéléàl’occasionpourrappelerauxmusulmansréticentsquelacaniculequ’ilscraignentn’estrienàcôtédufeudel’enfer :«Ceuxquiontété laissésà l’arrièresesontréjouisdepouvoirresterchezeuxetdes’opposerainsiauProphètedeDieu.IlséprouvaientdelarépulsionàcombattredanslechemindeDieuavecleursbiensetleurspersonnes.Ilsdisaient:Nepartezpasencampagneparceschaleurs!Dis:LefeudelaGéhenneestencoreplusardent!–S’ilscomprenaient»(9:81).Tantqu’ils’agitdecombattrelestribusarabeslocalesindifférentesàl’islamoudemenertelleoutellerazzia,lesmusulmanssaventqu’ilsont lesmoyensdegagner.Faceàlalogistiqueimpressionnantede l’arméebyzantine,lessoldatsduProphètesesententenrevanchedépassésetcraignentunenouvelledéfaite;ilsenparlentenvainàAbûlQâcimquis’entêteetdonnesesordrespourlapréparationdel’armée.Cettefois,ilvajusqu’àdévoilerladestinationdecetteexpéditionalorsqued’habitude,trèsméfiant,ilgardetoujourssesplanssecrets 29.

Jusque dans les derniers mois de sa vie, Muhammad maintient donc une politique éminemmentbelliciste 30.Iln’accordeaucunrépitàsescoreligionnairesquisetrouventembarquésdansunesortedeguerrechronique.«Lecombatvousestprescrit»,leurditAllâhdansleCoran(2:216).Cettepolitiqueasapartdepragmatisme,quipermetderemplirlescaissesavecl’argentrécoltéaucoursdesrazziasetdemaintenirlacohésioninternedelacommunautémusulmaneenlaconfrontantenpermanenceàunennemiextérieur«objectif».

Les victoires successives ont d’abord galvanisé les musulmans, qui se sont perçus comme lesinvinciblessoldatsdeDieu.MaisladéfaitedeMo’tadevantlesByzantinsaprofondémentébranlécetteopinion.Pourmotiversestroupesetobéiràl’ordredivinquiluidit:«ÔProphète,incitelescroyantsàcombattre !»(8:65) 31,Muhammad faitmiroiter à ses soldatsunbutinalléchant :«AttaquezTabûketvous aurez en butin des femmes blondes (banât al-asfar), les femmes des Rûm 32. » Un de sesCompagnons,JiddIbnQays,luidit:«EnvoyédeDieu,dispense-moid’alleràTabûketpréserve-moidelatentation.Lesmienssaventqu’aucunhommen’aimelesfemmesautantquemoietjecrainsenvoyanttoutes ces blondes de ne pouvoirme retenir 33. »LeProphète, compréhensif, l’autorise alors à ne pas

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participeràl’expédition34.LeCoranmentionnecetteanecdote:«Und’entreeuxadit:Dispense-moiducombat;nemetentepas!»(9:49).

LesdétracteursdeMuhammad,eux,quelestextesmusulmansdésignentsousl’appellationgénéraled’«hypocrites»,sefrottentdéjàlesmainsàl’idéedevoirleProphèteessuyerunenouvelledéfaitefaceauxByzantins;ilsdisentaux«soldatsd’Allâh»pourleseffrayer:«Croyez-vousquelecombataveclesblonds(banûal-asfar)soitcommelecombatdesArabesentreeux35?»LeProphète,quiaventdecessarcasmes, en convoque les auteurs, obligés de présenter leurs excuses et de prétexter une simpleplaisanterie ; un verset coranique est révélé pour rappeler les persifleurs à l’ordre : « Si tu lesinterrogeais,ilsdiraient:Nousnefaisionsquediscuteretjouer!Dis:Vousmoquez-vousdeDieu,desesSignesetdesonProphète?»(9:65) 36.

PartirenguerrecontreByzance?Unedécisionextravagante!Voilàcequechacunpense.Hormislesgénéreux bailleurs de fonds comme ‘Uthmân et Ibn Awf, qui attendent sans doute un retour surinvestissement37,lesmusulmansn’arriventpasàprendreladécisiondepartiràTabûkausérieux.Maisnilesréticencessilencieusesni l’ironieàpeinedéguiséeneparviennentà infléchirMuhammad: l’arméemusulmanemarcherasurTabûk.

Le départ a lieu un jeudi 38. Les craintes desmusulmans se confirment très vite.La campagne deTabûk sera atroce, au point qu’on lui accolera désormais le terme d’« affliction » (al-‘ussrâ), uneexpressionqui figuredans leCoran : «Dieu revint auProphète et auxMohâjirs (Émigrants) et auxAnsarsquil’avaientsuiviàl’heuredel’affliction,alorsquelescœursdeplusieursd’entreeuxétaientsur le point de défaillir»(9:117) 39.À cause de la chaleur, l’armée ne semet enmarche que la nuitvenue.La soifest telleque les soldatsdoiventéventrer leurschameauxpourboire le liquideque leurcorpscontient40.LesmusulmansenviennentàdésobéirauxordresduProphète:lorsqu’ilsvoientsurlechemin un puits auquel le Prophète interdit de toucher de peur que l’eau en soit vite épuisée, leshypocrites–encoreeux–braventl’interdictionets’abreuventsansretenue.Bientôt,ilnerestepresqueplusd’eau.LeProphètes’avanceetenboitluiaussiunegorgée,qu’ilrecrache.C’estalorsquelasources’emplit et aussitôt déborde 41. Pour sauver lesmusulmans de la soif, laTradition dit que le Prophèteaccomplit d’autresmiracles : après l’unede sesprières, la pluie tombe en abondance 42.Alorsque lafaminefrappeaussi lecampdesmusulmans 43,unépisoderapporteunprodigedeMuhammadquin’estpas sans rappeler le miracle de la multiplication des pains par Jésus 44. Le voyage vers Tabûk esttellementpéniblequeleshommesetleProphètelui-même,épuisés,n’ontpaslaforcedeseleverpourlaprièredumatin45!

Cependant,enarrivant,l’arméemusulmanenetrouvepaslesByzantinsqui,dit-on,ontprislafuite.Pour montrer qu’elle ne craint pas une éventuelle attaque, l’armée du Prophète reste à Tabûk unevingtainedejourssansleverlecamp(alorsqu’unearméenedoitpasdemeurerplusdetroisjourssurlelieuducombat).L’affrontementn’aurapaslieu.SuiteàlavictoiresanscombatdeMuhammadàTabûk46,des tribus arabes chrétiennes installées dans la région prennent la fuite sans la moindre résistance,laissantleursbiensetleursterres.DesroiteletsetdesprincesquiviventenSyriesurlesfrontièresdelaPéninsulearabiqueviennentpayerauProphètedestributspourêtreépargnés 47.

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LeProphètepensealorscontinuersapercéeverslaSyriepourpoursuivrelesByzantinsjusquechezeux.Onleluidéconseillecarcelarisqued’«effrayer»Héraclius,luidit-on.SonCompagnon‘UmarIbnal-Khattâb lui recommandede rentrer àMédine 48.Auxyeuxde ‘Umar, l’entrée enSyrie constitueuneprisederisquetropimportante,d’autantplusqu’ilnes’agitpasdecontréesdésertiquesauxquelles lessoldatsmusulmanssonthabitués.OnrappelleàMuhammadlenombredesoldatsdel’arméebyzantine,quiestimpressionnant:deuxcentcinquantemille…Maisavantmêmed’alleràTabûk,lesmusulmansnesavaient-ilspasdéjàqu’ilsallaientendécoudreavecl’unedesarméeslespluspuissantesdumonde?

La campagne de Tabûk et les relations confuses que donne la Tradition sur son issue soulèventbeaucoupdequestionssursesobjectifsréels.QuelquesdétailsfournisparWâqidîlaissententendrequeTabûk, où aucun combat n’a eu lieu, étaitmoins une expéditionmilitaire qu’un « voyage d’affaires ».L’auteurdesMaghâzîprécisequelesCompagnonsdeMuhammadontfaitdunégoceàTabûk.IlciteletémoignageautoriséduprestigieuxZaydIbnThâbit:«NoussommespartisavecleProphèteversTabûk;onachetaitetonvendait;l’EnvoyédeDieunousvoyaitlefaireetnefaisaitaucuneobjection49.»Tabûkétantuneplaquetournantecommerciale,Muhammad,aprèsl’écheccuisantdelaguerremilitaireàMo’ta,projetait-ildedéclareruneguerreéconomiqueàByzance?

L’expéditiondeTabûk se termineparunpetit détour àDûmat al-Jandal (actuellement aunorddel’Arabie saoudite 50), un véritable carrefour marchand où beaucoup d’Arabes ont élu domicile et oùMuhammadaauparavantenvoyédesbataillons 51.Avantde lever le campdeTabûk, leProphètecibledonc encore une foisDûmat al-Jandal en y envoyantKhâlid Ibn al-Walîd, à la tête d’une équipée dequatrecentschevaliers,pourenleverUkaydirIbn‘Abdal-Malikal-Kindî, lerichissimeseigneurarabechrétiendelaville.Lerécitdecetenlèvementestrapportéendétaildanslessourcesarabes.Ukaydirestsur la terrassede sa forteresse avec sa femmeparunenuit depleine lunequand il entendunbruit degibier.« Jevaisallerchasser»,dit-il à sa femme.Quand il sortde sa forteresse, il estpoursuiviparKhâlid et sa troupe qui le guettaient. Et voilà le chasseur chassé. Son frère, Hassan, est tué pendantl’assaut etUkaydir enlevé. Celui-ci porte une cape brodée d’or queKhâlid Ibn al-Walîd, « le glaivedégainédeDieu», lui extirpe illico sans aucune autre formedeprocès 52.Au termede cette chasse àl’homme, Khâlid amène l’otage au Prophète ; lesmusulmans présents sont émerveillés par les habitsluxueuxetlesbijouxduroitelet.«Vousêtesépatésparceshabits?leurditAbûlQâcim.JejureparDieuque les torchons deSa‘d IbnMu‘âdh au paradis sont encore plus beaux53. »Pour avoir la vie sauve,Ukaydir paie un tribut colossal, la jizya, l’impôt demandé aux Gens du Livre en échange de leurprotectionparlesmusulmans.LeProphèteapratiquécegenredetransactionlorsdelabatailledeBadrquand il a libéré les prisonniers de guerre moyennant finances. Mais Ukaydir n’est pas vraiment unprisonnierdeguerre;ilestlavictimed’unrapt.Pourdesraisonsplutôtcompréhensibles,ilrefusedeseconvertiràl’islam:commentpourrait-ilcroireenlareligiondebrigandsquil’enlèventdevantchezluilanuit,tuentsonfrèreetluifontpayerunerançon?

L’expéditiondeTabûkpeutêtreconsidéréecommeunévénementcapitaldanslesderniersmoisdelavieduProphète,bienquecenesoitpasuneépopée,maisaucontraireunebatailleavortée,couronnéeparunactedebrigandage.Sicettecampagneestrestéedanslesannales,c’estenraisondel’événement

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majeurquisedéroulesurlecheminduretourversMédine:tandisqu’ilgravitlecold’unemontagne,leProphèteestvictimed’unetentatived’assassinat,dontlesouveniraétéconsignédanslaTraditionsousletermede«conjurationd’al-‘Aqaba».

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II

Laconjurationd’al-‘Aqaba 1

Les sources sunnites et shiites évoquent dans une grande conformité entre elles la tentatived’assassinat d’al-‘Aqaba 2. Les principales exégèses coraniques elles-mêmes se réfèrent à ce complotdans le commentaire de la sourate « La Repentance » (al-Tawba) 3 : « Ils complotèrent, mais neréalisèrentpasleurdessein»(9:74) 4.Cette tentatived’assassinata lieu lorsduretourdeMuhammadversMédineàdosdechameau,alorsqu’ilemprunteunsentierescarpéetquelacaravaneestrestéesurlechemin longeant la rivière.Leplandesconspirateursconsisteàprofiterd’unpassageparticulièrementdifficilepourprovoquerunaccident.

LeProphète,quiaventdececomplot,demandeà‘AmmârIbnYâsiretHudhayfaIbnal-Yammândel’accompagnerenescorterapprochée 5.‘AmmârtientlachamelleduProphèteetHudhayfalaconduit.Ilfait nuit noire quand soudain des hommes cagoulés se mettent à jeter des pierres sous les pattes duchameauafinque labêteperde l’équilibre 6.Hudhayfaet ‘Ammâr réussissentàcontrôler l’animalet àéviterlepire.LeProphèteestsainetsauf,maisilperddesobjetstombésdesamonture(fouet,cordesetautres).Hudhayfaet‘Ammârpoursuiventlesagresseurs,lesfrappentauvisagedeleurshoulettes,maiscesderniers s’enfuient et semêlentvite au restede la caravane.Enprenant la fuite, quelques-unsdesconjuréssonttombésdeleurschevaux;ilsgarderont,dit-on,desséquellesdecettechutejusqu’àlafindeleursjours 7.

Qui sont donc ces conspirateurs ? Les sources de la Tradition donnent des réponses différentes.Muhammadnemanquepasd’ennemis…DesrelationssunnitessuggèrentquelesauteursducomplotnesontpasdesennemisdéclarésduProphètemaisdeshypocritesparmisesCompagnons 8,quandd’autresparlentd’un«groupedeCompagnonsduProphète 9».Ungrandmystèreentourecesconjurés,dontonignorel’identitéetlenombreexact(unequinzaine 10?).Certainsauteurssunnitesfournissenttoutefoislesnomsde ‘Abd-Allâh IbnAbîSalûletSa‘d IbnAbîSarh11, quand lesauteurs shiites, eux, accusent lesproches Compagnons du Prophète Abû Bakr et ‘Umar 12. Dans son exégèse coranique, Abû HayyânattribuelecomplotàdesQurayshitesqui,n’ayantpasacceptélacapitulationdeLaMecque(quiaeulieu,rappelons-le,peude tempsavantTabûk),auraientvouluparvengeanceéliminer l’hommequi lesavaithumiliés 13. En revanche, Wâqidî affirme qu’il n’y a pas un seul Qurayshite dans le groupe desconspirateurs.

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Malgrélaconfusionautourdel’identitédescomploteurs,uneinformationsemblefairel’unanimité:seuls Hudhayfa et ‘Ammâr, les témoins oculaires de la scène, savent qui ils sont, soit parce qu’enpoursuivantlesagresseursilsontreconnuleursmontures,soitparcequeleursnomsleurontétéconfiésparleProphète.Selonlamajoritédessources,c’estàHudhayfa,sonconfident,surnommé«legardiendusecret du Prophète » (sâhib al-sirr) 14, que Muhmmad révèle et demande de taire l’identité desconspirateurs 15.NotonsqueleProphèteneconfiepaslesnomsdesconjurésàAbûBakret‘Umar,censésêtresesamislesplusproches…

Au lendemain de l’attentat,Usayd IbnKhudhayr pose la question àMuhammad : «ÔEnvoyédeDieu,pourquoin’as-tupasprislecheminlongeantlarivièreetas-tuempruntélechemindifficiledelamontagne?–Sais-tu,ôAbûYahiyâ,cequeleshypocritesonttentédemefairesubirhier?Ilsm’ontsuiviàal-‘Aqaba,décidésàattaquermamonturelanuitpourquejetombe.»UsaydincitealorsleProphèteàse venger et à « couper la tête » des responsablesmaisMuhammad dit qu’il craint qu’on dise de luiqu’aprèsavoircombattulesmécréants,ils’attaquedésormaisàsesamis.QuandUsayd,étonné,luidit:«Maiscenesontpastesamis,ilsontvoulutetuer!»,leProphète,résigné,répond:«Ilsonttoutdemêmeprononcélashahâda(professiondefoidel’islam)etreconnuquejesuisl’EnvoyédeDieu;c’estpourcetteraisonquejenepeuxpaslestuer 16.»

Toutes lessourcesconcordent,eneffet,àdireque leProphètes’abstientdepunirsesagresseurs.Quelle en est la raison ? Sans doute Abûl Qâcim se trouve-t-il dans une situation fort délicate : lespersonnes impliquéesdanscette tentatived’assassinatsontsoit troppuissantes,donc intouchables,soittropprochesdeluisibienquelarévélationdeleursnomspourraitcompromettresonprestigedevantlestribus arabes.Toutporte à croireque les auteursducomplot sont sesCompagnons ;Muslimdans sonSahîhrapporteunhadithtroublantduProphètequiauraitditàHudhayfa:«ParmimesCompagnons,ilyadouzehypocrites,parmieuxhuitentrerontauparadis le jouroùunchameaupasseraà travers le troud’uneépingle 17.»QuantàNawawî,ilassociecehadithàunetentatived’assassinatperpétréecontreleProphète,sansquelaréférenceàal-‘Aqabasoitexplicite 18.

UnautrerapprochementparmilessourcesdelaTraditionaugmenteletrouble.Certes,Muhammadn’apaspunisesagresseurs,maisildittoutefoisàHudhayfa,ledépositairedusecret,qu’ilinterditqu’onfasselaprièremortuairepour«untel,unteletuntel 19»,enéchoàunversetduCoranquirecommandedenejamaisfairelaprièremortuairepourleshypocrites:«Nepriejamaissuraucund’euxs’ilmeurt,nine te recueille sur sa tombe»(9:84) 20.Or, ‘Umar sait queHudhayfa connaît lesnomsdes conjurés ;ainsi,dèsqu’ilapprendlamortdequelqu’undontilpensequ’ilpeutêtreimpliquédanslaconjurationd’al-‘Aqaba, ‘Umar prend Hudhayfa par la main pour voir s’il accepte d’aller prier durant lesobsèques 21.Àcepropos,unrécitmérited’êtrecité.NoussommessouslerègneducalifeAbûBakretc’estHudhayfaquiraconte:«J’étaisassisàlamosquéequand‘Umarestpassé;ilm’adit:“Untelestmort;viensavecmoiàsonenterrement”,puisilestparti.Avantdesortirdelamosquéeetvoyantquejem’étaispaslevépourlesuivre,ils’esttournéversmoietm’adit:“Dis-moi,parDieu,fais-jepartiedugroupe ?” » Hudhayfa comprend immédiatement l’allusion de ‘Umar : « Assurément non et jen’innocenteraipersonneaprèstoi»,luirépond-il.«Alors,poursuitHudhayfa,‘Umarm’afixélonguement

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avec des yeux en larmes 22. » Pourquoi ‘Umar pose-t-il ce genre de question, a-t-il des doutes sur sapropreloyautéenversleProphète?

Laconjurationd’al-‘AqabainscritainsilafindelacarrièredeMuhammaddansunesymétrieavecle début de sa mission prophétique : au début de la Révélation, les Qurayshites de La Mecque ontpersécutéMuhammad et se sontmoqués de lui, allantmême jusqu’à tenter de l’assassiner, ce qui l’apousséàs’exileràMédine;àlafindesavie,Muhammaddoitsubirlesmêmesépreuvesdouloureuses.CettecircularitédanslabiographieduProphèteaunefonctionparabolique:Muhammad,telJésustrahipar Judas, est entouréd’hypocrites et de faux amis.Les traditionnistesmusulmans, commepourmieuxsublimer l’image du Prophète, ont donné à la fin de sa vie un aspect tragique qui contraste avec lecaractèreépiquedesessuccèsetsesconquêtes.

LesderniersépisodesdelaviedeMuhammadcomportentégalementlessignesavant-coureursd’unconflitinternequimarqueral’histoiredel’islamdessièclesdurant.Ainsi,enrentrantdel’expéditiondeTabûketàpeineremisdelatentatived’assassinat,leProphètedoitfairefaceàuneautreépreuve.Alorsqu’ils’approchedeMédine,ilserendàQubâ’ 23pourinaugurerlamosquéedeDhirâr 24,quidoitéviterauxmaladesledéplacementàMédineetservirauxhabitantsdelarégionpour,choseétrangeenArabie,les«nuitsfroidesetpluvieuses 25».Enréalité,lavéritablemotivationdecetteédificationestdediviserlesmusulmansetdeporteratteinteàl’unitédelacommunautédescroyants,carleshypocritesviennentlàpour semoquerduProphète 26.Muhammad, averti par l’angeGabrielde lamenacequecettemosquéereprésente, convoque alors deux de ses « hommes de main », Mâlik Ibn al-Dukhshum et Ma‘n Ibn‘Adiyy27,etleurordonnededémolirladitemosquée 28.Unefoislamosquéerasée,l’endroitoùelleestérigée devient sur ordre du Prophète une décharge pour les détritus 29. Deux versets du CoranimmortalisentlesouvenirdelamosquéedeDhirâr:«Ceuxquiontédifiéunemosquéenuisibleetimpiepoursemerladivisionentrelescroyantsetpourenfaireunlieud’embuscadeauprofitdeceuxquiluttaient auparavant contreDieu et contre son Prophète, ceux-là jurent avec force : Nous n’avonsvouluquelebien!MaisDieutémoignequ’ilssontmenteurs.Netetiensjamaisdanscettemosquée.Unemosquéefondée,dèslespremiersjours,surlacrainterévérencielledeDieuestplusdignedetaprésence»(9:107-108).

LerécitdelaréactionintransigeantedeMuhammadàlaconstructiondelamosquéedissidentedeDhirâr endit long sur l’unitarismequi sous-tend l’imaginairemusulman.L’idéed’unité en islamne semanifestepasseulementdanslafoienunDieuunique,elles’incarneaussiauniveaudel’ordrepolitiquedans le refusde toute formedecontre-pouvoiroudepouvoirparallèle.Lacommunautédoitdemeurerunifiée : toute velléité de rupture ou même d’écart doit être farouchement combattue. Le Prophètepréconisedansl’undeseshadithsquel’onassassineceluiquichercheàdiviserlacommunautéquelquesoitlerangdecethomme 30.‘Umarplustardappliqueraàlalettrecetteconsignelejouroùilattaqueralamaisonde lapropre filledeMuhammad, car elley abrite lesopposantsdupremier calife.Ce jour-làFâtima,scandalisée,luilance:«Tusemblesoublierquiestmonpère!»SanssourcillerIbnal-Khattâbluirépond:«Jesaispertinemmentquiesttonpèreetc’estprécisémentaunomdecequ’ilnousaditquejeviensbrûlertamaison!»C’estaussienvertudecetteconsigneduProphèteques’expliquelegestedu

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premiercalifeAbûBakrqui,aulendemaindesonarrivéeaupouvoir,mèned’impitoyablesguerresditesd’« apostasie » (hurûb al-ridda) contre tous ceux qui contestent sa légitimité, leur position étantassimiléeàunacted’hérésie,voireàunreniementreligieux.ÉvoquantlasituationdelanouvellereligionaprèslamortdeMuhammad,SuhaylIbn‘Amrû,l’undesCompagnonsduProphète,dit:«Samortn’afaitquerenforcerl’islam:onacoupélatêteàtousceuxquinousontremisencause 31.»

LamosquéedeQubâ’estainsiun lieuhautementemblématique :auregardde lanotionmêmedepouvoirenislam,ellemontreclairementquelelieudeculteestlesiègedupouvoirpolitiqueetsouligneparlàmêmelaconfusionentrelesregistresdel’oppositionpolitiqueetdelacontestationreligieuse 32.

LadéfaitecatastrophiquedesmusulmansàMo’taen629puisl’épreuveaffligeantedelacampagnedeTabûken631contribuentàl’affaiblissementdel’autoritéduProphètequidevientdésormais,àcausede ses initiatives trop téméraires, l’objet de critiques au seinmême de sa communauté. Les dernièresentreprisesmilitairesmenéesparleProphète,etquin’ontpasrencontrélesuccèsescompté,constituentunvéritabletournant:c’estlàl’amorced’uneprofondecrisepolitiqueinternequimarqueralesderniersmoisdelaviedeMuhammad.Étoufféeetdemeurantsouterrainetantquelemaîtretientlepouvoird’unemaindefer,lacriseéclateraaugrandjourdèslespremierssignesdelafatiguephysiqued’AbûlQâcim.Mais au lendemain de sa dernière expédition, les tourments deMuhammad ne sont pas seulement denaturepolitique,uneépreuvepersonnellesuit immédiatementsonretourdeTabûk : lamortdesonfilsIbrâhîm.

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III

Lamortd’Ibrâhîm,lefilsinespéré

LeProphèterentredeTabûkaumoisderamadandel’an10(novembre-décembre631).QuelquessemainesaprèssonarrivéeàMédine,ilperdsonfilsIbrâhîm,âgédemoinsdedeuxans 1,enfantnédesaconcubinecopteMâria,uneesclavereçueencadeaudel’archevêque(al-muqawqis)d’Alexandrietroisansauparavant2.

MâriaestarrivéeàMédineen629.Dèsqu’AbûlQâcimvoitcettebellefemmebruneàlapeaudeporcelaineetàlachevelurefrisée,soncœurchavire;ilapourl’Égyptienneunevivepassionquisuscitechezsesépousesunejalousieféroce 3.Sanslieupouravoirunmomentd’intimitéaveclanouvellerecruedesonharem4,Muhammadprofite de l’absencede sa femmeHafsapouroccuper sa chambre avec saconcubine.Parmalchance,commedansunvaudeville,Hafsafaitirruption.DécouvrantsonmaridanslesbrasdeMâria,l’épousebafouées’écrie:«J’aivucequetuasfaitettum’asvraimentblessée!»Hafsaestd’autantplusoffenséequeMârian’estpasuneépouselégitimeduProphète.Cedernier,embarrassé,supplieHafsaderesterdiscrèteetdeneriendireà‘Aïsha;encontrepartie,ilprometdeneplustoucherMâria.MaisHafsanepeutsereteniretalerte‘Aïshaqui,àsontour,crieauscandale.Aprèsavoirsubiune tonitruante scène de ménage, le Prophète se fâche et jure de ne plus jamais approcher les deuxfemmes 5.

D’aprèscertainessources,Muhammad,furieux,répudieHafsapourn’avoirpasputenirsalangue 6.‘Umar, le père de celle-ci, est terrassé par la nouvelle ; le futur calife, s’exprimant toujours d’unemanièretapageuse,hurleensefrappantlatêteavecdelaterre:«DésormaisAllâhnes’intéresseplusà‘Umaretàsafille 7!»MuhammadsetrouvealorsdansunepositiontrèsdélicatecarilneveutpasvexersesdeuxamisAbûBakr(pèrede‘Aïsha)et‘Umar;l’angeGabrielintervientenpersonnepourdireauProphète : « Dieu t’ordonne de reprendre Hafsa par égard pour ‘Umar 8 » – l’ange aurait dit aussi :«Reprends-lacarelleestpieuse;ellefaitlejeûneetselèvelanuitpourprier(sawwâmaqawwâma) 9.»L’injonction de l’ange Gabriel est assortie des premiers versets de la sourate « L’Interdiction » (al-Tahrîm)quipermettentàMuhammaddeparjureret,faisantd’unversetdeuxcoups,derécupérersesdeuxfemmes‘AïshaetHafsatoutenreprenantsarelationavecMâria 10.Entre-temps,pourcoupercourt,AbûlQâcim décide d’éloigner sa concubine et de l’installer dans sa résidence d’été située à al-‘Âliya,

(aujourd’hui appelée Machrabat Omm Ibrâhîm, « belvédère de la mère d’Ibrâhîm », en référence àMâria) 11;Muhammads’yenfermeaveclabellecopteetdisparaîtdit-onpendantunmois 12.

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La passion deMuhammad pourMâria est à son comble quand celle-ci, après quelquesmois deconcubinage(ilnel’épouserajamais),donneauProphèteaumoisdedhû-l-hijjadel’an8(mars630)ungarçoninespéré:Ibrâhîm(Abraham).LajoieduProphèteestindescriptible 13.Ils’empressed’affranchirMâria et son fils, et d’annoncer l’heureuse nouvelle à ses Compagnons : « Hier, Dieu m’a offert ungarçon»,leurdit-il.

LahainedesépousesduProphète,notamment‘Aïsha,pourMâriaredouble 14.Déjà,quandcelle-citombe enceinte, on insinue au Prophète que sa nouvelle favorite a une liaison avec l’esclaveMa‘bûr(cadeau lui aussidumuqawqis d’Alexandrie).AbûlQâcim, extrêmement jaloux comme il le reconnaîtlui-même 15,estblesséparcespropos;ilenvoieséancetenante‘Alîpourexécuterl’esclaveetlaversonhonneur 16.Mais l’esclavemontre à ‘Alî qu’il est eunuque, ce qui lui sauve la vie 17. ‘Alî en informeMuhammad, qui, soulagé, rendgrâce àDieud’avoir épargné à lamaisonde sonProphète la hontedel’adultère 18.Pourtant lessoupçonspersistentdans lecœurdeMuhammadetcen’estqu’ens’entendantappelerparl’angeGabriel:«Ôpèred’Ibrâhîm»qu’ilacquiertlacertituded’êtrelevéritablepèredupetitgarçon19.

La naissance d’Ibrâhîm emplit donc de bonheur le cœur du Prophète qui, privé de descendancemâle, a des années durant souffert des railleries de ses ennemis qurayshites. Le désir de paternité alongtemps occupé l’esprit d’Abûl Qâcim20, avoir de nombreux garçons étant le signe distinctif desprophètesquil’ontprécédé:«Nousavonsenvoyédesprophètesavanttoietnousleuravionsdonnédesépousesetdesenfants»,ditAllâhdansleCoran(13:38).Pourcequiestdesfemmes,leProphète,«épouseuràtoutesmains»,diraitMolière,estbienservi.Maisiln’estpasungéniteurprolifique.«Dieuadécidéquemapostéritépasseraparlaprogéniturede‘Alî»,dit-ilunjourmélancoliquement21.

LadouleurduProphètedenepasavoirdefilslégitimeestd’autantplusgrandequ’ildoitsupporterlesmoqueriesdesesdétracteursqui l’affublentdusobriquetd’abtar, termepéjoratifdésignantausenspropreunhommeémasculéetausensfiguréunhommeprivédepostéritémâle 22.AbûlQâcim,ayantventdecesurnom,perdsonsang-froidetmauditnommément(cequ’ilfaitrarement)leQurayshiteal-‘ÂssIbnWâ’el, qui en est l’auteur 23. Particulièrement jaloux de son prestige, Muhammad ne tolère pas lessarcasmes 24. On le voit rougir de colère et transpirer de fureur quand son oncle ‘Abbâs vient luirapporter lesmédisancesdesQurayshites qui le traitent debâtard en le comparant à unpalmier qui apousséseulsurunedune 25.Sesennemislequalifientégalementdesunbûr 26endisant:«Muhammadn’anifilsnifrère,quandilmourraonseradébarrassésdeluietsonnomtomberadansl’oubli 27.»Jamaiserreurdejugementn’auraétéaussiflagrante!

LaTradition attribue àMuhammaddenombreuxgarçonsqu’il aurait eusde sonpremiermariageavecKhadîjaetquiseraienttousmortsenbasâge.Lemanqued’unanimitésurlenombreetlenomdecesgarçons(Tâhar,Mutahhar,Tayyib,‘Abd-Allâh,‘AbdManâfou‘Abdal-‘Uzzâ)laissetoutefoisplanerdesérieuxdoutes 28.Quantà lakunyaAbûlQâcim(«pèredeQâcim»)qu’ondonneauProphète,ellenepeut en aucun cas confirmer l’existence d’un fils qui se serait appelé Qâcim29. L’existence du petitIbrâhîm,enrevanche,estattestéeunanimementpartouteslessources.

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Pourleseptièmejourdelanaissance(sâbi‘)del’enfant,leProphètequivit,nousdit-on,dansunerelativeaustéritédonneunegrandefête.Suivantlacoutume,ilsacrifieunmoutonetaccomplit,commeill’afaitàlanaissancedesespetits-filsHassanetHussayn,leritueld’al-‘aqîqaquiconsisteàcouperlescheveuxdunouveau-né,àenestimerlepoidsenargentetàdistribuercelui-ciauxpauvres 30.LesfemmesdesAnsarsdeMédinesebousculentpours’occuperdupetitIbrâhîm31.Muhammadrendsouventvisiteaubébéinstalléchezsanourrice; il l’embrasseet ledorloteavecamour 32.Latendressed’AbûlQâcimàl’égard des enfants est notoire. « Je n’ai jamais vu un homme plus tendre avec les enfants que leProphète»,ditdeluisonCompagnonAnasIbnMâlik33.Privépendantdesannéesdeprogéniture(aucunedesnombreusesfemmesqu’ilaépouséesaprèslamortdeKhadîjaneluienadonné),leProphèteporteuneaffectionsansborneàsespetits-enfants:HassanetHussayn,filsdesafilleFâtima,Umâma,filledesafilleaînéeZaynab 34,etOussâma,filsdesonex-filsadoptifZayd.

Aveclavenueaumonded’Ibrâhîm,Muhammadestunhommecomblé;enoutresonfilsestunbelenfant, en bonne santé. Un jour, le Prophète le montre à ‘Aïsha et lui dit : « Regarde comme il meressemble. – Je ne vois aucune ressemblance », lui rétorque la venimeuse ‘Aïsha. Ne voulant pascommenterl’insinuationmalveillantedesafemme,leProphètechangedesujet.«Nevois-tupascommeilestblancetbienenchair?»luidit-il.‘Aïsha,indifférenteauxlouangesdesonmaridevantlepoupon,rétorqueavecdédain:«Vucommeonlegavedelait,ilnepeutêtrequeblancetgros 35.»

MaislebonheurdeMuhammadserabref.Ibrâhîmmeurtàl’âgedevingtmois.Onestenmesurededaterprécisémentsamortcarce jour-làuneéclipsesolairea lieu :c’est lemardi27 janvier632 (29shawwâldel’an10) 36.LesmusulmansvoientdanscephénomèneunsigneducielmaisleProphète,sedressant contre la superstition, leur dit que ce n’est qu’une coïncidence. « La lune et le soleil nes’éclipsentpourlamortoulanaissancedepersonne»,ajoute-t-il 37.

Aprèslamortdesonfils,Mâriaestrétrogradéedansleharemet‘Aïshareprendsaplaced’épousefavorite.LechagrinduProphèteestinfinietl’onvoitlestoïqueMuhammadpleureràchaudeslarmes;son Compagnon ‘Abd-al-Rahmân Ibn ‘Awf lui dit : « Tu pleures alors que tu nous interdis de nouslamenter ? – L’œil pleure et le cœur connaît le chagrin », lui répond-il 38. Dévasté par le chagrin, leProphèteregardeendirectiond’unemontagneets’écrie:«Ômontagne,si tuportais lechagrinquejeporte, tu te serais effondrée 39. » La mort d’Ibrâhîm ravive dans son cœur la douleur du départ debeaucoupd’êtreschers:sesparents,songrand-père,desonclesqu’ilaimait,troisdesesfilles(Zaynab,RoqayyaetOmmKulthûm),sonfavoriZaydetsapremièreépouseadorée.LeProphèteditqu’Ibrâhîmcontinuerasonallaitementauparadisoùunenourricel’attend 40.

C’estFadhl Ibn ‘Abbâsqui lave lecorpsde l’enfantdéfuntetMuhammad lui-mêmequidirige laprièremortuaire 41;aucimetièred’al-Baqî‘deMédine,leProphètes’assoitauborddelatombeavecsononcle ‘Abbâs 42. Fadhl descend avec l’enfant dans la fosse, accompagné d’Oussâma Ibn Zayd (onretrouvera ces mêmes protagonistes durant les funérailles du Prophète), et Muhammad arrange de sapropremainlatombedesonfils 43.

Encemoisdejanvier632,Muhammadadéjàlepressentimentquec’estàsaproprefinqueDieuleprépare.Comment,eneffet,nepasvoirdanslamortdesonfilsunereprésentationanticipéedesapropre

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mort ? Ce deuil constitue un tournant ; à compter de ce jour, le Prophète devient plus taciturne etn’entreprendplus aucune actionpolitiqueoumilitaire.Désormais, il ne pense plus qu’au salut de sonâme, et c’est sans doute pour se purifier qu’il prend, deuxmois après lamort d’Ibrâhîm, la décisiond’accomplirlepèlerinagedontilsaitsansdoutequeceseraledernier.Ilprofitedecetteultimegrandeapparitionpubliquepourannonceràsescoreligionnaireslafindesamission.

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IV

LePèlerinagedel’Adieu

Depuisqu’il a enterré son fils Ibrâhîm,Muhammad s’est replié sur lui-même.Lesgrandsprojetsd’affrontementavecByzanceetdeconquêtedeJérusalemsontgelés.Sesamisetsafamilleconstatenttrèsvite son détachement progressif des affaires politiques. Aussi ne sont-ils pas étonnés quand il leurannonce, débutmars 632, sa décision d’aller à LaMecque pour accomplir son dernier pèlerinage, leHajjatal-Wadâ‘(Pèlerinagedel’Adieu) 1.IlordonneàtoutlemondedesepréparerauvoyageetconfielesaffairesdeMédineàsonCompagnonAbûDujânaal-Sa‘dî 2.

Le 25 dumois de dhu-l-hijja de l’an 10 (23 mars 632), le Prophète quitteMédine 3. Une suitenombreusel’escorte:sesCompagnons,AnsarsetÉmigrantsconfondus,ainsiquetoutessesépouses.LechameauduProphète,abritésousundaisenbrocart,trôneaumilieudelacaravanequiavancedansunemajestueuseprocession4.‘Alî,quisetrouveducôtédeNajrânpourcollecterl’impôt,rejointleProphètepouraccomplirlepèlerinageaveclui 5.

LorsquelanouvelledudépartdeMuhammadserépandparmilesArabes, lespèlerinsaffluentdetoutespartsversLaMecqueoù l’onn’a jamaisvuune telle foule 6.L’événementestprodigieuxcarencettefindel’an10del’hégire,c’estlapremièrefoisqueleProphèteprésidelui-mêmelescérémoniesdupèlerinage,qu’ilconfied’ordinaireà sesCompagnons.En l’an8, ildésigne ‘Attâb IbnUsayd,nommégouverneurdeLaMecque,pourprésideraupèlerinageauquelassistentmusulmansetpaïens 7.Nonsanshumour,Wâqidîditquecetteannée-là,voyantBilâl,lemuezzinattitréduProphète,au-dessusdelaKaabaen traind’appelerà laprière, lesQurayshites secouvrent levisagedeconsternationense lamentant :« Heureusement que nos pères sont morts avant de voir Bilâl braire comme un âne au-dessus de laKaaba 8!»L’annéesuivanteenl’an9del’hégire(mars631),MuhammaddépêcheAbûBakrpourdirigerle pèlerinage 9, lui confiant la lourde tâche d’informer les idolâtres qu’ils ne sont plus admis àLaMecque : il demande à IbnAbîQuhâfa 10 de réciter les trente premiers versets de la sourate «LaRepentance » annonçant aux Infidèles que désormais ils n’ont plus droit d’accès à La Mecque pouraccomplir le pèlerinage païen11.Mais au lendemain du départ d’AbûBakr, le Prophète se rétracte etdemandeà‘AlîderejoindreIbnAbîQuhâfapourlirelui-mêmelesversetsdeBarâ‘tauxpèlerins 12.AbûBakrsesentprofondémentattristécarilpensequeleProphèteenvoie‘Alîàsasuitepourlesurveiller 13.Ilfaitalorsdemi-touretrevientàMédinepourdemanderàMuhammad,leslarmesauxyeux:«EnvoyédeDieu, est-ce que j’ai commis quelque faute, ou y a-t-il eu quelque révélation ? » Le Prophète lui

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répond:«Tun’ascommisaucunefaute;maiscesversetsdelasourateBarâ‘tsontunmessagedeDieu,et un message de Dieu ne peut être communiqué que par un homme de ma famille, la famille desHachémites 14. C’est pour cela que j’ai envoyé ‘Alî derrière toi. Maintenant retourne à La Mecque,emmène‘Alîavectoi;tuprésideraslescérémoniesdupèlerinage,et‘AlîliraenmonnomlarévélationdeDieu15.»Lamissiond’AbûBakrestenréalitédifficileettrèsrisquéecarlaréactiondespaïenspeutêtreviolente.Apriori,celapourraitêtreperçucommeunsignedeconfianceenAbûBakrmaislefaitqueMuhammadenvoie‘Alîderrièreluipourlesuivreetqu’AbûBakrensoitoffensémontrequeleProphètenesefiepastotalementàlui.

En fait, cen’est pas lapremière foisqu’AbûlQâcimmanifesteune certaineméfiance envers sonentourage.Sa femme ‘Aïsha, la fille d’AbûBakr, est souvent là pour informer sonpèredes intentionssecrètesduProphète 16.Parexemple,enl’an8del’hégire(janvier630),quandMuhammadestentraindepréparer une puissante expédition pour prendre La Mecque, il garde son plan secret. Même sesCompagnonslesplusprochesn’apprennentriendesesdesseins.AbûBakrchercheàinterrogersafille‘Aïsha,envain.Pourdétournerl’attention,Muhammadenvoieunpetitcorpsdetroupecontreunetribubédouinehostile.C’est seulementen routeque lesCompagnonsduProphètedécouvrentqu’il s’agitdemarcher sur LaMecque. AbûlQâcim a coutume de faire ce genre de diversion : à chaque fois qu’ilplanifeuneexpédition,ilenvoieunetroupedansunedirectiondifférentepourque«lesinformationssursesintentionsnes’ébruitentpas 17».Muhammadestespionnéetillesait.

Lepèlerinagedel’an9,codirigéparAbûBakret‘Alî,ayantscellél’interdictiondel’idolâtrieenArabieettransformélepèlerinageantiquedesArabesenpèlerinagedel’islam,Muhammadpeutl’annéesuivanteserendreàLaMecque,quin’estplusdésormais«souillée»parlaprésencedesmécréants,etenseignerauxmusulmanslesrites(manâsik)etobservances(sunan)dupèlerinage,cequicorrespondàune sorte de parachèvement de la religion. Telle est l’idée exprimée par un verset révélé durant cepèlerinage:«Aujourd’hui,j’aiparachevépourvousvotrereligion.Jevousaicomblédemesfaveursetdemagrâce»(5:3) 18;àceversetrépondenéchounephraseidentiqueduProphèteprononcéedanssonfameuxdiscoursde l’adieu19durantcetultimepèlerinage :«Ence jour, j’aiparachevépourvousvotrereligion.»

Sur lemontArafât, devant une foule inouïe,Muhammad, à dos de chameau20, prononce ainsi undiscoursfondateur 21.Rabî‘aIbnUmayyasetientàcôtédeluietluisertdeporte-voix22.Dèslapremièrephrase,Muhammadlivreletondutestament23:«Ôhommes,écoutezmaparolecarjenesaispassijevous rencontrerai jamais après cette année à cette station. » Bien que la Tradition donne différentesversions de ce discours, on constate la récurrence de quelques thèmes de nature rituelle, sociale ouéthique,commelesangetlesbiens,l’embolisme 24,lesfemmes,leLivredeDieuetlaSunnaprophétiqueainsiquelafraternitémusulmane.Danslesdifférentsthèmesqu’ilévoque,lediscoursdel’adieuprésentede nombreux recoupements avec leCoran ; sur certains sujets comme le traitement des femmes ou lecalendriermusulman,ilsemblemêmeleparaphraser(àmoinsquecenesoitl’inverse 25).

Cequifaitl’unitédesélémentsdisparatesquiconstituentenréalitélediscoursdit«del’adieu»,c’est « la volonté exprimée de codifier un temps nouveau26 », que rend la métaphore de

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l’accomplissementducycle :«Or le tempsvientd’accomplir sa révolutionselonsa formeau jouroùDieu créa les cieux et la terre », dit Muhammad. À l’accomplissement du cycle temporel répondl’achèvementdelamissionprophétique:«Encejourj’aiparachevépourvousvotrereligion.»LaSîrad’IbnHishâmcommelesMaghâzîdeWâqidînementionnentpascettephrase,pourtantplusieursrecueilsdehadithsplacentcettedéclarationdanslaboucheduProphète;dansleCoran,onl’avu,laphraseestcomplétée,AllâhprolongeantlaparoledesonProphète.Entrelediscoursdel’adieuetleCoran,le«je»qui«parachève lareligion»estdonc tantôt leProphète, tantôtDieu lui-même.LesexégètesduCorancitantletémoignagede‘Umaraffirmentd’ailleursqueceverset(5:3)aétérévéléunvendredi,lejourdelastationdumont‘Arafât,simultanémentaudiscoursdel’adieu27.Ainsi,danscettephrase,ontoucheauplushautpointd’interférenceentrelesditsduProphèteetleCoran.Lafrontièredéjàporeusequiséparelesdeuxcorpusdisparaît.C’estlàqu’ons’aperçoitquecesontdeuxvasescommunicantsoùlaparoledeDieu et celle de son Prophète se confondent dans une intersection où l’énonciation humaine etl’énonciationdivinenefontplusqu’une…

Lemoment leplussolenneldudiscoursde l’adieudemeure l’appelà témoin finaloùMuhammads’écrie:«ÔDieu,ai-jeremplimonmessageetterminémamission?»Lafoulerépond:«Oui,tul’asaccomplie.»LeProphèteditalors:«ÔDieu,daignerecevoircetémoignage.»Muhammadestarrivéautermedesamission,ilatransmislemessagedontilaétéchargé;leshommessontdésormaislivrésàleur librearbitre.Danssondiscoursde l’adieu, leProphèteprévient lesmusulmansde l’approchedesdiscordesetrappellelesdevoirsdusàsafamille:«Jevousailaissédeuxchosesquivouspréserverontde l’égarement : le Coran et ma famille. » Curieusement cette phrase si favorable aux « gens de lamaison»(ahlal-bayt)nefigurepasuniquementdanslestextesshiites,onlatrouveégalementdansdesouvrages sunnites 28. En revanche, sans doute dans une tentative de contrer les prétentions shiites,certainesversionssunnitesdudiscoursdel’adieuchangentledeuxièmeélémentdelaphraseetfontdireàMuhammad : « Je vous ai laissé deux choses qui vous préserveront de l’égarement : leCoran et laSunnadesonProphète 29.»

Muhammad prend congé des pèlerins en leur disant qu’on ne le verra plus entouré d’une aussigrandemultitude 30. ‘Umar en est ému aux larmes et comprend que la mort du Prophète est proche 31.Interrogé sur la raison de ses pleurs, ‘Umar répond : « Après l’accomplissement il y a toujours unmanquement», laissantentendreparlàmêmequeleProphèteestsurlepointde«manquer»,doncdemourir 32. ‘Umar s’explique : « Ce qui m’a fait pleurer c’est que jusque-là notre religion était enaugmentationpermanente;aujourd’huileProphèteditquenotrereligionestaccomplieetnoussavonsquechaquechosequis’accomplitnepeutdésormaisquediminuer 33.»

Enannonçantsolennellementàsesadepteslafindesamission,Muhammadleursignifieenquelquesortesaretraiteetlesprépareàdemi-motàl’idéed’uneimminentevacancedupouvoir.Toutl’entouraged’AbûlQâcim comprend lemessage. Pour les shiites, le Prophète, à la fin du Pèlerinage de l’Adieu,décidedepasser le flambeauà ‘Alîetannoncecettedécisionsur lecheminde retourversMédineauniveaudel’étangdeKhumm.LaréactiondesautresCompagnonsnetardepas:mécontents,ilsrédigentunpacteettententd’assassinerMuhammadpourbarrerlarouteà‘Alî.

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V

Lecomplotdufeuilletmaudit

Dans la littérature shiite, le Pèlerinage de l’Adieu est unmoment capital qui s’achève sur deuxévénements : la décision du Prophète de désigner ‘Alî comme successeur et le complot ourdi par lesCompagnons de Muhammad pour le tuer et écarter son gendre de la succession. Les conspirateursauraientmême rédigé un pacte, appelé par les shiites « le feuilletmaudit » (al-sahîfa al-mal ‘ûna),qu’ils auraient signé à laKaaba pendant le dernier pèlerinage du Prophète. Les ouvragesmajeurs dushiismeévoquentcetépisodesuividelatentatived’assassinatdeMuhammadàsonretourversMédine 1.S’appuyantsur le témoignageduconfidentduProphète,HudhayfaIbnal-Yammân, ilsreprennent tousàquelquesdétailsprèslemêmerécit2.

LejourdesonarrivéeàLaMecquepourlePèlerinagedel’Adieu,leProphètereçoitlavisitedel’angeGabrielquiluirévèlelespremiersversetsdelasourate«L’Araignée»évoquantl’hypocrisie 3;GabrielinformeaussiMuhammadqueDieuluiordonnededésigner‘Alîcommesuccesseurcarl’heuredelafinapproche 4.LeProphèteconvoquealors‘Alîetluiconfielanouvelledesanominationpardécretdivin. ‘Aïsha, toujours disposée à l’espionnage, est intriguée par le long tête-à-tête entre les deuxhommes;elleinterrogesonmari,quiluirépond:«Tulesaurasquandjevaisréunirlesgenspourleurannoncer la nouvelle. »Mais devant l’insistance de ‘Aïsha, il finit par l’informer et lui demande degarderlesecretenattendantlemomentopportun.Or,‘Aïshas’empressed’enparleràHafsaetlesdeuxfemmes informent immédiatement leurs pères respectifs, Abû Bakr et ‘Umar. Ceux-ci ont la fermeintention d’écarter ‘Alî de la succession et de confisquer le pouvoir. Ils se réunissent alors durant lePèlerinagedel’AdieuavectroisautresCompagnons:Abû‘UbaydaIbnal-Jarrâh,Mu‘âdhIbnJabaletSâlimIbnal-Habîba,ettouslescinqrédigentlepactemauditquiestsignésurunestèleenmarbrerougeentredeuxpiliersdelaKaaba.

Dansunevariantedurécit,lessourcesshiitesaffirmentquelepacteestscellédanslamaisond’AbûBakràMédine 5.Cetteversions’appuieégalementsurletémoignageduconfidentduProphète,HudhayfaIbnal-Yammân,qui lui-mêmetient l’informationd’Asmâ’Bint‘Umays, lapropreépoused’AbûBakr 6.Asmâ’ditàHudhayfaquelaconjurationalieuchezAbûBakretquec’estSa‘îdIbnal-‘Âss,membredesBanûUmayya,quirédigelepactedanslequellesCompagnonscontestentleprinciped’unequelconquehéréditédanslepouvoirpolitique.Trente-quatrehommessonttémoinsdecepacte,dontlesCompagnonslesplusprestigieuxduProphète,notammentAbûBakret‘Umar,toujoursprésentésparlesshiitescomme

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des traîtres 7. « Le fait d’appartenir à la famille du Prophète, lit-on dans ce pacte, ne donne pas laprimautépourl’accessionaucalifatetdel’imamatcarDieudit:Leplusnobled’entrevous,auprèsdeDieu,estlepluspieuxd’entrevous(49:13);celuiquicontestecelaetdécidedesortirdugroupedesmusulmans,tuez-lequelqu’ilsoit8.»Ilparaîtclairquelapersonneviséeparlamenacedemortfinaleest ‘Alî,mais la suite des événements après la rédaction du pacte laisse entendre que le Prophète enpersonne pourrait être concerné au cas où il déciderait de nommer un membre de sa famille commesuccesseur.

LepactemauditestensuiteconfiéàAbû‘UbaydaquiserendàLaMecqueetl’enterreàl’intérieurde laKaaba 9 ; il ne sera déterré que sous le califat de ‘Umar.Muhammad aurait fait une allusion aufeuilletmauditdansl’undeseshadiths(citéaussiparlatraditionsunnite 10):ils’adresseàAbû‘UbaydaIbnal-Jarrâh,dontleprincipalfaitd’armesaétédetuersonproprepèrelorsdelabatailledeBadr 11,etlui dit, probablement sur un ton ironique : «Bakh bakh 12 ! Tu es devenu l’homme de confiance desmusulmans (amîn al-umma) 13 », puis le Prophète cite un verset coranique : «Malheur à ceux quiécrivent leLivrede leursmainsetquidisent,ensuite,pourenretirerun faibleprix :CecivientdeDieu!Malheuràeuxàcausedecequeleursmainsontécrit!Malheuràeuxàcausedecequ’ilsontfait!»(2:79) 14.LeProphètesuggèrequ’ilestaucourantdupacteetdurôled’Abû‘Ubaydaentantquedépositairedusecret.Parailleurs,HudhayfaaffirmequeleProphèteacomparécepacteàceluisignéparlesQurayshitespourl’assassineraudébutdesamissionprophétique,disant:«Aujourd’huiilyadansmacommunautéungroupequiéquivautàceluideQurayshquiaécritunpactepourmetuerpendantlajâhiliyyaetqu’ilsontaccrochéàlaKaaba(…)Dieum’ainterditdecouperleurstêtes 15.»

Après la signature du pactemaudit, les événements s’accélèrent. LesCompagnons conspirateurs,apprenant lanomination imminentede‘Alî,doiventpasserà l’acteen tentantd’assassiner leProphète.Or, c’estpendant levoyagede retourdeLaMecqueque l’angeGabriel intime l’ordreauProphètedeproclamerofficiellement‘Alîcommecalifesansattendred’êtrearrivéàMédine.Lorsduquatrièmejourdecevoyage(le18dumoisdedhû-l-hijja/entrele10etle16mars632selonlachronologieshiite),auniveaude lastationdughadîr (étang)deKhumm(localiséà l’estde la routeMédine-LaMecque,soitapproximativementàcentquatre-vingtskilomètresdesdeuxcités),leProphèteréunitlesgenspourleurannoncer la décision divine. Le « dit de l’étang » (hadîth al-ghadîr) est l’un des textes majeurs dushiisme ; comptant dans un corpus de hadiths du Prophète attestant de son choix pour lui succéder, ils’agit d’un long discours dans lequel Muhammad prononce une phrase clé : « Celui dont je suis leseigneur(mawlâ),‘Alîestsonseigneur.»

Curieusement,lehadithdel’étangdeKhummestattestéparlessourcesmajeuresdusunnisme 16oùonvoitmême‘UmaretAbûBakrs’empresserdefaireallégeanceaucousinduProphète;‘Umarfélicite‘Alîavecsansdouteunepointed’ironie:«Félicitations,‘Alî!Tevoilàmonseigneuretleseigneurdetoutcroyant», luidit-il 17.Dans sonexégèseduverset69de la sourate«LaTabledressée», al-Râzîrapporteunescèneoùonvoit‘Umarseprécipiterpourprêtersermentà‘AlîjusteaprèslediscoursduProphèteaughadîrdeKhumm18.D’autressourcessunnitesfontunevagueallusionàcediscourssanslerejeter 19. Par exemple,Muslimdans sonSahîh affirme que durant la station de l’étang deKhumm, le

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Prophète aurait prononcé le discours des thaqalayn (deux biens précieux) : « Pour vous protéger del’égarement,jevousailaissédeuxbiensprécieux:leLivredeDieuetlesgensdemafamille 20.»Sansêtre une désignation explicite de ‘Alî comme successeur, ce hadith donne en grande partie raison auxrevendicationsshiitesdanslamesureoùilaccordeàlafamilleduProphètelamêmeimportancequeleCorandansladirectiondelaummaislamique.‘AlîétantleplusprocheparentduProphète(soncousin,songendreetlepèredesespetits-fils),ilest,commel’attestentmêmelessourcessunnites,implicitementdésignéicicommeguidedelacommunauté.

IlfautremarquerquelaphrasecléprononcéeparleProphètedanslediscoursdughadîr(«‘Alîestleseigneurdetoutcroyant»)figureendiversendroitsdanslalittératuresunnitemaispasnécessairementlorsdel’épisodedel’étangdeKhumm.Desauteurssunnitesrapportentqu’unjourleProphète,défendant‘AlîcontrelesmédisancesdecertainsCompagnons,devient«rougedecolère»etdit:«‘Alîfaitpartiedemoi et je fais partie de lui ; il est lemawlâ (seigneur) de tout croyant aprèsmoi 21. »Muhammadajoute:«Celuiquiinsulte‘Alînefaitquem’insultermoi 22.»D’unemanièregénérale,pourleshadithsmettant en valeur la figure de ‘Alî ou la famille du Prophète, les traditionnistes sunnites demeurentambigusetévasifs:commentvantersesméritesetceuxdela«saintefamille»sansfairedeconcessionsauxprétentionsshiites?

D’aprèslessourcesshiites,lesconspirateursquitententd’assassinerleProphètesurlecheminderetour du pèlerinage utilisent la même stratégie qu’en revenant de Tabûk : ils profitent du passageextrêmementdifficileducoldeHarchâ,entreal-JahfaetAbwâ’,sur lechemincôtierempruntépar lespèlerins.Ladescenteyestparticulièrementrude.Lesconjurés,commepourl’attentatprécédent, jettentdes pierres sur la route du Prophète pour que son chameau perde l’équilibre et tombe dans le ravin.LorsqueMuhammadfranchitcecoldurant lanuit, ilestassoupisursamonture.C’estalorsque l’angeGabriel le réveille : « Ô Muhammad, untel, untel et untel te guettent pour te tuer 23. » Le Prophètes’approchedesconspirateursetlesappelleunàun;quandilsentendentleursnoms,ilsprennentlafuite.

Lesagresseurssontaunombredequatorze;ils’agitpourlesshiitesdesmêmespersonnesquionttentéd’assassiner leProphèteà son retourdeTabûk.Pourcedeuxièmeattentatdéjoué inextremis,onretrouveaussilesmêmestémoinsoculaires:‘AmmârIbnYâssiretHudhayfaIbnal-Yammânvoientlesconspirateurs s’enfuir 24. Et le Prophète a la même réaction qu’après la conjuration d’al-‘Aqaba : ils’abstientdepuniroumêmededénoncersesagresseurs.«Dieusevengerad’eux»,dit-il.

La littératureshiiteaccuseouvertement lesCompagnonsprochesduProphète,AbûBakret ‘Umarnotamment,etleurattribuelaresponsabilitédestentativesd’assassinat25.Certes,lesdeuxfuturscalifesontunmobile.Toutefois,latrèsgrandesimilitudeentrelesdeuxattentatsrendleurexistencehistoriquedouteuse.Enrevanche,surleplandel’analysedesreprésentations,cetteredondancepeutserévélertrèssignificative:commedanstoutressassement,ilssontlesigned’unmalaiseéprouvéfaceàunévénementembarrassant,laissantentrevoirlesvestigesd’un«crimeoriginel».

LeKitâbSulaym, l’undesécrits lesplusanciensquisoientparvenus jusqu’ànous, rédigéparunauteur shiite 26, affirme que ‘Alî a dénoncé les conspirateurs au lendemain de lamort du Prophète ens’écriant :«Ah !Vousvousêtesbienconformésaupactemauditquevousavez signéentrevousà la

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Kaabaetdontjeconnaisletexte.–Maisquit’aparlédecepacte?Tun’espascenséêtreaucourant»,luirétorqueAbûBakr.‘Alîs’adressealorsàd’autresCompagnonsprésentsqu’ilappelleàtémoigner:«ToiZubayr,toiSalmân,toiAbûDharrettoiMiqdâd!JurezparDieuquevousavezentenduleProphètedire:“Unteletuntel(ilénumèrelescinqCompagnonsprésents)ontrédigéentreeuxunpactepourfairecequ’ilsontfaitlejouroùjemeursoujesuisassassiné.”»Ilsrépondent:«Ohqueoui!Ill’aditetilsontbiensignéunpacteoùilsontdécidédet’empêcherdedevenircalife 27.»

Sulaymraconteencorequ’aulendemaindelamortduProphète,UbayIbnKa‘b,sonCompagnonetl’undesesprincipauxscribes,s’enfermechezluipendantlaréuniondelasaqîfadesBanûSâ‘ida;desCompagnonsvontlevoirmaisilrefused’ouvrirsaporteenleurdisant:«Jesaisquevousêtesvenusmevoir au sujet du pacte », visiblement au courant de l’affaire du feuillet maudit28. Dans les ouvragessunnites,onattribueàUbayunephrasequiluiauraitprobablementcoûtélavie:«Périssentlesgensdupacte(ahlal-‘iqda)!»lance-t-ilunjour,etilrépètecetteimprécationtroisfois 29.Ubayauraitmenacéde révéler le vendredi suivant « un secret, le plus important des secrets », et la veille, il est trouvémort30. De quoi nourrir les soupçons : ce Compagnon qui occupait un rang particulier et qui étaitsurnommé « le maître des lecteurs (du Coran) » (al-sayyid al-qurrâ’) en savait peut-être trop. Ladisparitiond’UbayfaitpartiedesmortsmystérieusesquisuiventledécèsduProphète,commecelleduchefdesKhazraj,Sa‘dIbn‘Ubâda.Cerivald’AbûBakr,candidataucalifat,refusantdefaireallégeanceaunouveaucalife,auraitdit:«Jeneprêteraipassermentmêmesilesdjinnsetleshommesseréunissentpourm’y obliger 31. » On le prendra aumot et Sa‘d Ibn ‘Ubâda sera assassiné plus tard, nous dit laTradition,parlesflèchesdesdjinnsquiluitranspercentlecœur 32!

Pour l’heure, le retourdeMuhammaddeLaMecquea lieudansuneatmosphère très tendue.Lesdiscoursqu’ilaprononcésdurantlePèlerinagedel’Adieuetàl’étangdeKhummnelaissentaucundoutechez ses Compagnons quant à l’imminence du moment où se jouera sa succession. La fébrilité dansl’entourageduProphèteestpalpable.Lesappétitssontattisés,lesmachinationspolitiquessemettentenbranleetlecompteàrebourscommence.Latensionestdécupléequand,àlafinduprintempsdel’an632,justeaprèssonarrivéeàMédine,leProphètecommenceàressentirlespremierssignesdelamaladiequiluiserafatale.

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VI

L’expéditiond’Oussâma

Rentrédesondernierpèlerinage,MuhammadarrivemaladeàMédine.Etcen’estpasdûàlafatiguedu voyage : il souffre de maux de tête continus. Abûl Qâcim est pourtant habitué aux migraines quil’obligent parfois à rester trois jours sans sortir 1. Mais cette fois, les céphalées sont si effroyablesqu’ellesleplongentdansunétatdeléthargiel’empêchantdemarcheretmêmedesetenirdebout.Ilneluiresteplusquepeudetempsàvivre.LaTraditionn’estpasunanimesurladuréeexactedelamaladieduProphète ; on pourrait toutefois déduire que l’état dumalade devient sérieux à partir de la deuxièmemoitiédumoisdemaidel’an632(derniersjoursdumoisdesafardel’an11) 2.Samaladieauradoncduréentredixettreizejours 3.

AbûlQâcim,quial’habitudedefaireletourdesappartementsdesesfemmesdemanièreàpasserunenuitchezchacuned’elles,estdésormaissiépuiséqu’iln’apluslaforcedesedéplacerd’unemaisonàl’autre :ondoit le transporterdansunecouvertureportéeparquatrehommes 4.Muhammadse trouvechezMaymûna, sadernièreépouseendate,quand il sent sonétat sedétérioreret la fièvre legagner 5.Muhammad réunit alors ses femmeset leur demande la permissiond’aller s’installer chez ‘Aïsha 6,cequ’elles acceptent docilement7. Ce déplacement, quoique contre-indiqué, est justifié par le fait que‘Aïsha,paraît-il,estuneexcellenteinfirmière 8(enréalité,c’estpoursesqualitésdegardiennequ’elleestchoisie).

LetransfertduProphèteestpénible.EnquittantlamaisondeMaymûna,deuxhommesdoiventporterMuhammad,dontlesjambesengourdiesnetouchentpaslesol.«Quandl’EnvoyédeDieuaététransportéchezmoi, raconte ‘Aïsha, ilétaitappuyésurdeuxhommesdesa famille :Fadhl IbnAbbâsetunautrehomme»;commentantcetémoignage,IbnAbbâsditqueceluidontparle‘Aïshan’estautreque‘Alî 9etilprécise que ‘Aïsha le déteste tellement qu’elle refuse même de prononcer son nom10 – elle ne luipardonnepassonhostilitéàsonégardquandelleaétéaccuséed’adultère;onverraplusloinàquelpointlestensionsfamilialesjouentunrôlecrucialdanslesderniersinstantsdelavieduProphète.

L’installationdeMuhammadchez‘Aïshaasansnuldoutedesconséquencesdécisives.Àpartirdecemoment, on ne dispose plus quasiment que du témoignage de cette femme à la fois intelligente etrancunière. Comme elle est le témoin unique des scènes atroces de l’agonie de son mari, il devientdésormaisquasiment impossibled’approcher lemoribondsanspasserparelle…Pour l’heure, il reste

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encorequelquesforcesauProphètequiluipermettentdeprendredesdécisionspolitiques:ilnommedesgouverneursetenvoiequelquesémissairesàdesroispourlesinviteràseconvertiràl’islam11.

Quelquesjoursavantsamort12,MuhammadordonneàOussâma,filsdesonaffranchiZaydIbnal-Hâritha,decommanderuneexpéditionmilitaireendirectiondelaSyrie 13.Lescontréesviséesparcetteexpédition sont Balqâ’ et Dârûm aux frontières de la Palestine, dans les profondeurs du territoirebyzantin14.

DeuxraisonsauraientpousséleProphèteàenvoyerOussâmaversleterritoirebyzantin:d’unepart,on l’informequ’à la frontièrede laSyriedes troupesbyzantinescommencentàserassembler ;d’autrepart,ilveutvengerlamortdeZayd(lepèred’Oussâma),tuéparlesByzantinsdanslabatailledeMo’tadeux ans plus tôt15.Mais pourquoi venger soudain lamort de Zayd alors que l’expédition de Tabûk,succédant immédiatement à celle de Mo’ta, n’avait pas ce but16 ? Le nombre dérisoire de soldatsmobiliséspourcettecampagne (entre septcentset troismillehommes) rendparailleurscemobiledevengeancesurl’arméepuissantedesByzantinspeucrédible 17.L’expéditiond’Oussâmaa,enréalité,desviséespolitiquesinternesquiserontexposéesplusloin.

LeProphètedonne l’ordreàsesprincipauxCompagnonsdontAbûBakret ‘Umardese joindreàl’arméed’Oussâma 18.Cettedécisionestmalaccueillie:lesCompagnonsn’apprécientpas,eneffet,quelecommandementsoitconfiéàun jeunehommededix-septans,quia l’âged’être leur filsetn’estenoutrequ’unaffranchi, donc socialementd’un rang inférieur.« Il fait de cegamin (ghulâm) fils de sonaffranchi le chef des prestigieux Émigrants », murmure-t-on19. On peut certes s’étonner de voirMuhammad désigner un jeune homme inexpérimenté à la tête d’une armée qui réunit des hommeschevronnés;toutefois,àyregarderdeprès,onconstatequelesCompagnonsprochesdeMuhammadnesesontjamaisdistinguéspardesfaitsd’armes;unsoupçondedésertionplanemêmesur‘Umarlorsdelafameusebatailled’Uhud 20.LeProphèten’oubliepasnonplusque lorsde labatailledeKhaybar,AbûBakret‘Umarontéchouélamentablementdansleurassautcontrelaforteressejuive 21.IlestànoterqueTabarîappellelesdétracteursdelanominationd’Oussâmales«hypocrites 22»;cesmêmeshypocritesdont on ne précise jamais les nomsmais qui sont des proches duProphète ont contesté, rappelons-le,l’expéditiondeTabûketauraienttentéd’assassinerMuhammadsurlecheminduretour.D’unemanièregénérale,quandonparcourtlesouvragesdelaTradition,onconstatesouventquelafrontièrequiséparelesnotionsdeCompagnonetd’hypocriteestparfoisporeuse.

LeProphète,quiaeuventdecesprotestationsausujetdelanominationd’Oussâma,entredansunecolère noire 23. Malgré la maladie qui commence à montrer des signes très inquiétants, il demeureinflexible.Unsamedi,latêtebandéeàcaused’unefortemigraine,ilmontesurleminbaràlamosquéepourun rappel à l’ordre : «Oussâmaest dignedu commandement, dit-il.Lorsque j’ai placé sonpèreZaydàlatêtedel’arméequiallaitàMo’ta,onavaittenulemêmelangage.»Ilajoute:«Sachezquelepère d’Oussâma était fait pour le commandement et lui demême.Alors exécutezmesordres et partezavecOussâma 24.»LetonduProphèteestsifermequecejour-là,dit-on,ilauraithurlé 25etmauditceuxquinerejoindraientpasl’armée 26.Pourremettredéfinitivementlesdétracteursd’Oussâmaàleurplace,

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MuhammadrappellequeZayd, lepèredugarçon,étaitpour lui l’être lepluscheretqu’aprèssamortc’estsonfilsquioccupedésormaiscetteplacedanssoncœur 27.

Le Prophète aime Oussâma autant qu’il a aimé son père Zayd Ibn al-Hâritha, son homme deconfiance. Jusqu’aumariage deMuhammad avec Zaynab, l’ex-femme de Zayd (célèbremariage ayantentraînél’interdictiondel’adoptionenislam),celui-ciétaitlefilsadoptifduProphète 28.Cemariagen’apas terni la relation privilégiée entre les deux hommes. Zayd s’est vu confier le commandement deplusieurs expéditions et il a été chargé à deux reprises des affaires de Médine durant l’absence deMuhammad.‘AïshaditqueleProphèteauraitàcoupsûrdésignéZaydàsasuccessionsicedernierluiavaitsurvécu29.

DespassagesassezsuggestifsdelaTraditionsous-entendentunecertaineambiguïtédanslarelationentreMuhammad et Zayd.Un jour queZayd rentre d’une expédition,AbûlQâcim est si content de lerevoir qu’il bondit de son lit quand il entend sa voix à l’extérieur.De joie,Muhammad en oublie satuniquequitombeetc’esttoutnuqu’ilaccueilleZayd,leprenddanssesbrasetl’embrasse.‘Aïsha,quirapporte l’anecdote,précisequec’estalors lapremière foisqu’ellevoit leProphèteentièrementnu30.QuandZaydmeurtàlabatailledeMo’ta,leProphèteexprimed’unemanièreostentatoirelechagrinquiledévaste ; Sa‘d Ibn ‘Ubâda en est étonné et lui demande : « Es-tumalheureux à ce point ? –C’est lapassion de l’amoureux pour son bien-aimé (hathâ shawqu al-habîbi ilâ habîbihi) », lui répond leProphète 31.Dèslorssonaffectionsereporteverslefilsdudéfunt.

NéàLaMecqueversl’an615,OussâmaestlefilsqueZaydaeuavecOmmAyman(Barakadesonprénom),lanourriceéthiopiennequeMuhammadavaitreçueenhéritagedesonpère 32.OussâmaestainsilefilsdedeuxêtreschersauProphète:Zayd,qu’ilconsidèrecommesonfils,etOmmAyman,àquiAbûlQâcimdit:«Tuesmamèreaprèsmamère 33.»OussâmaIbnZaydestsurnommé«lebien-aiméfilsdubien-aimé » (al-hibb ibn al-hibb) 34. Un Compagnon de Muhammad affirme qu’il n’a jamais vu leProphètemanifesterautantd’amourquepourOussâma,àl’exceptionsansdoutedesafilleFâtima 35.Leslivresde laTraditionregorgentdescènesoù leProphètemanifesteune tendresse infiniepource jeunehommequi n’est pas beaumais brave et sympathique 36.Quand un jour ce dernier fait une chute et seblesse au visage, on voit Abûl Qâcim en personne sucer la plaie et recracher le sang37 ; ‘Aïsha quirapportelascèneavoueque,dégoûtée,ellen’apasvoululefaire 38.Dansunautrehadithquisoulignelesinterminables contradictions de ‘Aïsha, on voit la favorite se précipiter pour curer le nez du petitOussâma à la place deMuhammad qui lui dit : « Aime-le, ‘Aïsha, car je l’aime 39. »Muhammad enpersonne nettoie le nez de l’affranchi avec ses propres vêtements 40. L’affection du Prophète pour legarçonesttellequ’illuiarrivedegrondersaproprefilleàcausedelui:unjourqueFâtimaestentraindenettoyerlevisaged’Oussâma,ilsembleàMuhammadqu’elleestentraindelefrapper;alorsiltiretrèsfortl’enfantversluietréprimandesévèrementFâtima,quis’éloigneenseconfondantenexcuses 41.

Muhammadditdesonaffranchipréféré:«SiOussâmaétaitunejeunefille,jel’auraiscouvertdebijouxdemanièreàcequ’ildeviennelemeilleurpartideMédine 42.»Quandelledécritdesscènesdegenre où on voit Muhammad cajoler ses petits-fils, Hassan et Hussayn, la Tradition fait apparaîtresystématiquementOussâmaprofitant luiausside la tendresseduProphète.Souventdanscesscènes,on

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voitAbûlQâcimdireenparlantdeHassanetOussâmaqu’ilassoitsursesgenoux:«ÔmonDieuaime-lescarjelesaime 43»;ils’agitsansdoutelàd’unemanœuvresunniteayantpourobjectifderelativiserl’affectionpaternellequeleProphèteapourlesfilsde‘AlîetdesoulignerqueHassanetHussaynn’enontpaslemonopole 44.

Un jour,Muhammad condamne une voleuse du prestigieux clan qurayshite des BanûMakhzûm àavoirlamaincoupée 45.L’émotionestvivedevantleverdict;quandlesQurayshitesveulentinfléchirladécisiondeMuhammad,c’estàOussâmaqu’ilsdemandentd’intervenircarilssaventqueleProphèteneluirefuserien.Toutefois,quandsonfavori luidemandederévisersonjugementausujetde lavoleusemakhzumite,AbûlQâcimdevientfurieux(«changedecouleur»,commedisent les traditionnistespourdécrire la colèreduProphète) etmonte en chaire le lendemainpourdire auxmusulmans : «Même siFâtima la fille deMuhammad avait volé, je lui aurais coupé lamain. » La voleusemakhzumite aurafinalementlamaincoupée;Oussâman’arienpupourelle.LeProphètenemanquepasderappeleràsonaffranchiqu’ilestinflexiblequandils’agitdeschâtimentscorporelsédictésparDieu(hudûd) 46.

Étantdonnélaplaceparticulièrequ’OussâmaadanslecœurduProphète,onsedemandepourquoiles Compagnons de Muhammad sont étonnés de le voir chargé du commandement d’une expéditionmilitaire.Malgré leurmécontentement, lesCompagnons s’exécutent et font leurspréparatifs.Toutefois,sans oser contredire frontalement les ordres du Prophète, ils traînent le pas avant d’aller rejoindre lecampement installé au Jorf, à quelques kilomètres au nord-ouest de Médine 47. Face à leur manqued’empressement,Muhammad,éreinté,necessedeleurmarteler:«Rejoignezl’arméed’Oussâma!»etilrépètecetordretantdefoisqu’ilenperdconnaissance 48.LesauteursshiitesaffirmentqueleProphètenesecontentepasdedonnercetordresévère,illeurenvoiemêmedeuxhommesdesAnsars,QaysIbnSa‘dIbn‘Ubâda,lesabreur(sayyâf)duProphète 49,etHubâbIbnMundhir,pourlesyemmenerdeforce 50.Hudhayfa raconte comment Abû Bakr, ‘Umar et Abû ‘Ubayda s’isolent avec Oussâma et d’autresCompagnonspourdireaujeuneaffranchi:«PourquoipartiraussivitealorsquelescirconstancesnousimposentderesteràMédine?»MaisOussâmaseconformeauxordresduProphète 51.

D’aprèslesshiites,AbûBakr,‘UmaretAbû‘Ubayda,contraintsdequitterMédineetdes’installerdans le camp d’Oussâma, envoient Suhayb Ibn Sinân pour avoir des nouvelles du Prophète. ‘Aïshainterceptel’émissaireetlecharged’unmessageàsonpère,AbûBakr,luidisantqueleProphèteagoniseetqu’ildoitrevenirencachette.LesCompagnonssefaufilentdanslanuitetreviennentàMédine 52.Aumême moment, le Prophète se réveille en sursaut et s’écrie : « Un grand malheur vient d’entrer àMédine!»Lelendemain,enallantàlamosquée,Muhammadestétonnéd’ytrouverAbûBakrentraindediriger la prière ; il lui fait signe de lamain et lui ordonne de s’écarter. Trèsmécontent, le Prophèteconvoque ‘Umar etAbûBakr chez lui et leur dit : «Ne vous ai-je pas ordonné de rejoindre l’arméed’Oussâma ? – Oui, Envoyé de Dieu. – Que faites-vous ici alors ? – Je suis revenu pour te refaireallégeance»,ditAbûBakr 53. « Je n’ai pas vouluquitterMédine car jem’inquiète pour toi », répond‘Umar. « Je vous ordonne de rejoindre immédiatement l’armée d’Oussâma », leur dit le Prophètefermement.Ilrépètecetordretroisfoispuiss’évanouit.AbûBakret‘UmarpartentcontraintsetforcésaucampduJorf 54.

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L’impatienced’AbûlQâcimàvoirsesCompagnonspartiravecOussâmapeutsemblerétonnante.Enréalité, elle est présentée par les shiites comme une manœuvre politique : le but de Muhammad estd’éloigner ses principaux Compagnons de Médine pour pouvoir à son aise nommer ‘Alî commesuccesseuretmettresesamisdevantlefaitaccompli 55.IlcomptesurOussâmapourneutraliserd’avancetoutevelléitédecontestationdeleurpart.IlparaîtclairquelejeunehommeestdésignépoursaloyautéindéfectibleenversAbûlQâcim.Àyregarderdeprès,onconstatequedeuxinformationsattestéesparlessourcessunnitesviennentétayerl’interprétationshiite:d’unepart,lesCompagnonsquiempêcheront‘AlîplustarddesuccéderàMuhammadsonttoussommésdepartiraveclefilsdeZayd;d’autrepart,‘Alî,contrairementauxautresCompagnons,nefaitpaspartiedeceuxàquileProphèteordonnedepartiravecOussâma.

Les versions sunnite et shiite concernant cette expédition présentent des recoupementsmajeurs :danslesdeuxversions,l’insistanceduProphèteàfairepartirsesCompagnonsprenduneformethéâtraleoù le pathos est exacerbé ; par ailleurs l’affaiblissement physique du Prophète se double d’unaffaiblissement de son autorité politique etmorale (ce que la suite des événements confirmera).C’estbien la première fois que les ordres de cet homme charismatique sont ignorés d’une manière aussioutrageusepardeuxdeceuxquidevaientplustardluisuccéder.

Durant samaladie, la désobéissance desCompagnons deMuhammadn’est pas l’unique signe dudéclin de son autorité. Allongé sur son lit qu’il ne quitte plus que pour aller prier à la mosquée,Muhammadreçoitdemauvaisesnouvellesqui luiparviennentdequelquescontréesde l’Arabieoù lesfauxprophètescommencentàréunirdenombreuxadeptesetmenacentl’unitédelaumma.Nous tenonssansdoute là lapreuveque l’expéditiond’OussâmaordonnéeparMuhammadendirectionde laSyrien’est qu’un pis-aller ; devant le risque réel que l’apparition de mouvements dissidents constitue, onverrait plus logiquementMuhammad envoyer un bataillon pour étouffer ces derniers. Il n’en est rien.Sachantque ses jours sontdésormaiscomptés, leProphèten’a sansdoutepas l’intentionde s’engagerdansdegrandesopérationsmilitaires.Ilpenseprobablementàdeséchéancespluscourtes,etnotammentàsasuccessionqu’ilnepourraréglerqu’aprèsavoiréloignésesCompagnonsdeMédine…

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VII

Lesmursselézardent

OnassociesouventlamortduProphèteauproblèmedelarivalitéentresessuccesseurspotentiels.Orquandonsepenchesurlesderniersjoursdelaviedel’homme,ons’aperçoitquecettecrisesesitueàl’échelledetoutel’Arabieoù,faitpassécurieusementsoussilence,Muhammadestconfrontéàunlargemouvement insurrectionnel,voire révolutionnaire,menéparceuxqu’onappelle les« fauxprophètes».Au contraire des Compagnons, uniquement préoccupés par la question de la succession, ces dernierscontestentradicalementl’autoritédeMuhammadetréfutentleprincipemêmedesaprophétie.

La menace politico-religieuse que les faux prophètes font planer sur l’islam sera suffisammentsérieusepourquelapremièreactionducalifeAbûBakrsoitdemenerdesguerressanglantescontreeux,guerres dites d’« apostasie ». Nous pensons que les sources traditionnelles comme les historienscontemporains ont sous-estimé le rôle déterminant que les faux prophètes ont joué durant la fin de lacarrièredeMuhammad 1.

Sensiblement diminué par la maladie, Abûl Qâcim, le maître tout-puissant auquel près d’unecentaine de tribus arabes sont venues prêter allégeance en l’an 9/630-631 (surnommée « année desdélégations 2»), estdevenu l’otagedeson lit.Aprèsavoirétéconsidérécommeunparia,Muhammad,doué d’une intelligence politique qui domine de très haut son époque, finit par soumettre une grandepartiedel’Arabie.CommepourmieuxasseoirsadominationsurlesArabes,ilporteunsoinparticulieràsonimageetsaitmettreenscènesonpouvoiravecmagnificence.LeProphèteestunhommeséduisantquicharmeceuxquilecôtoient.LesouvragesdelaTraditionconsacrentsouventunchapitreàladescriptiondesabeauté:iladegrandsyeuxnoirsauxlongscils 3;sapeaublancheauteintrosépousseIbnSa‘dàcomparersoncoulumineuxàunsabreenargent4;quandilaffichesonlargesourire,sonentouragecroitvoirunepleine lune,ditWâqidî 5 ; il aune longueetépaissechevelurenoire toujoursbiensoignée 6–c’est‘Aïshaelle-mêmequiluilavelescheveuxetlescoiffe 7;habillédesatuniquerougequ’ilportelesjours de fête et les vendredis,Muhammad subjugue tous les regards 8 ; grand amateur de parfums, ildégage toujoursdessenteurs raffinées (lemuscet l’ambresontsespréférés) 9 ; l’homme,d’unegrandecoquetterie, est si soucieux de son hygiène et de sa beauté qu’il voyage toujours avec un peigne, unmiroir,dusiwâk 10etdukhôl 11.Lesrustresbédouinsnesontpashabituésàtantdesophistication.

Muhammad instaureunnouvelordrepolitiquequ’il parvient à imposer àunegrandepartiede laPéninsule.LechefarabeWazaraIbnSadûsditàsonpropos:«CethommeveutdominerlesArabes 12.»

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Durant la période antéislamique, des chefs de tribus arabes (dont Hâshim, l’arrière-grand-père duProphète) ont tenté de se regrouper en une sorte de confédération. Mais ces initiatives qui n’étaientmotivéesquepard’étroitesambitionsclaniquesn’ontjamaisaboutiàuneorganisationpolitiqueunifiéedetypeimpérial,maisseulementàunagrégatdetribusaupouvoirplusoumoinsétendu.Afindedépasserle caractère instable et éparpillé de la bédouinité, la force seulene suffisait pas, il fallait un« leviermoral»,unmessagemobilisateur.Muhammad,l’inspiré,l’atrouvé:c’estl’islam.

Encedébutdel’été632pourtant,leProphète-Roiestépuiséparlamaladieetobservelespremierssignesdel’affaiblissementdesonimmensepouvoir.Ilconstatequ’iln’estplusobéiparsesCompagnonsquiauparavants’agenouillaientdevantluipourimplorersagrâce 13.Certes,leProphèteaétéquelquefoisconfrontéàdesactesdedésobéissancecommispardesbédouinsintenablesquisontallésunjourjusqu’àluivolersonmanteau14,maisàchaque foisqu’il avaitaffaireàdesmusulmans turbulents,Muhammadn’avaitaucunmalàlesremettreàleurplace;quandsurlechemindeTabûk,dessoldatsn’ontpassuivisesordresetontbudel’eaud’unpuitsavantsonarrivée,illesainsultésettraitésdetouslesnoms 15.Maiscettefois,leProphèteestphysiquementdiminuéetceuxquiluidésobéissentsontsesplusprochesCompagnons…

Muhammad,dontl’étatdesantés’aggravedejourenjour,constateavecdouleurquelesmursdesaummacommencentàselézarder.Lesfauxprophètes,commeMusaylimaetTulayha,réunissentdésormaisautourd’euxunnombreconsidérabled’adeptes.LesuccèsdeMuhammada,eneffet,nourrilesambitionsetincitéquelques-unsàvouloirutiliserune«recette»quiluiasibienréussi.

Musaylima,dit«l’imposteur»,apparuquelquetempsavantladernièremaladieduProphète,n’estplus un phénomène isolé. D’autres surgissent un peu partout en Arabie et commencent à avoir uneimportanteaudience.LaTraditionenretienttroisautres:Aswad,TulayhaetuneprophétessedunomdeSajâh16.LeursuccèsplongeMuhammaddansuneprofonde inquiétude. Ilenfaitmêmedescauchemarsqu’ilconfieàAbûBakr,douédansl’interprétationdesrêves,paraît-il 17.Ainsiunenuit,ilsevoitportantdeuxbraceletsenorquiluiserrentlespoignets;ilsoufflesureuxetilss’envolent.«Cesdeuxbraceletssont les deux imposteurs : celui de Yamâma et celui du Yémen [Musaylima et Aswad] », ditMuhammad 18.

Musaylima IbnHabîb, chefde la tribudesBanûHanîfa, est lepremier fauxprophète à faire sonapparitiondanslaprovinced’al-Yamâma 19.D’aprèsTabarî,cethomme,venuàMédineoùilaentenduMuhammad,estensuiterentréchezluidéterminéàsuivresonexemple.Ils’autoproclameprophèteàsontouretproposemêmeuneversion«allégée»de l’islam: ildispensesesadeptesde laprièreet rendlicites le vin et la fornication, ce qui n’est pas pour déplaire aux Arabes, qui le suivent en nombre.Musaylima,quis’exprimeenproseriméequ’ilditrecevoirduciel,nelaissepasindifférentslesArabes,trèssensiblesauxdonsd’éloquence.«J’ailamissionprophétique,dit-ilàsesadeptes,pourunemoitiéde la terre, etMuhammadégalementpourunemoitié.Muhammad reçoit ses révélationsdeGabriel, etmoideMichel.»

Fortdesonsuccèsetdesapuissance,celuiquisesurnomme«leclément»(al-rahmân 20)adresseàMuhammadune lettre, vers la finde l’an10de l’hégire 21 : «MoiMusaylima, rahmân deYamâma, à

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Muhammad, fils de ‘Abd-Allâh, envoyé deDieu parmi les Qurayshites. En ton nom, ôDieu, secoursconstant!Oràmoilamoitiédelaterre,àtoil’autremoitié.Maisvous,lesfilsde‘Abdal-Muttalib 22,vousn’aimezpaslepartageéquitable.»Aprèsavoirlulamissive,leProphètedemandeauxmessagersleur avis. Ils lui répondent : « Nous approuvons ce queMusaylima dit : tu dois exercer la fonctionprophétiquesurunemoitiédelaterre,etluisurl’autremoitié.»LeProphète,furieuxdecetteréponse,réplique:«Onnedoitpastuerlesémissaires;sinonjevousauraistousmisàmort!»EnsuiteilfaitécrireàMusaylima:«Moi,Muhammad,EnvoyédeDieu,àMusaylimal’imposteur.AunomdeDieuleClémentetleMiséricordieux.LaterreestàDieu,ilendonnelapossessionàquiilveut.Larécompensefinaleseraàceuxquilecraignent23.»L’audiencedeMusaylimaestrenforcéeparsonmariageavecSajâhBintal-Hârith,unefemmetrèspuissantedesBanûTamîmquiseditelleaussiprophétesse 24.

Selon Tabarî, le Pèlerinage de l’Adieu de Muhammad stimule l’apparition d’autres fauxprophètes 25:AswadauYémenetTulayhaIbnKhuwayliddelatribudesBanûAssadcommencentàavoirdenombreuxadeptesàleurtour.Lemouvementd’apostasiesepropageunpeupartoutenArabiecommeunetraînéedepoudre.AswadIbnKa‘bal-‘Ansî,issudelaprestigieusetribuyéménitedesMadhhaj,estunseigneur(sayyid)richeetéloquent;ilaccomplitdesprodigesetdestoursdemagiequ’ilfaitpasserpourdesmiracles 26.CommeMusaylima,iladusuccèsauprèsdesatribuetdeshabitantsdeNajrân27ets’établitàSanaa,villedesrois,oùilestbienaccueilli,àtelpointquel’agentduProphèteauYémenestchassédelavilleparunerévolte 28.LesArabesquisuiventAswadmanifestentainsileurdissidenceparlerenvoidespercepteursqueMuhammadmandatedanscesrégionspourencaisserlestaxesdelazakât.Desortequepeudetempsavantsamort,MuhammadnecontrôleplusleYémen29.

Depuis son lit, malade mais encore influent, il adresse une lettre aux princes himyarites et auxArabes voisins du Yémen, où il leur donne l’ordre suivant : « Attaquez et tuez Aswad, qui est unimposteur.»L’hommeserapoignardédanssonpalais.CettenouvellesoulagetellementleProphètequesasantés’enamélioreetqu’ilsortlui-mêmeannoncerlanouvelleauxmusulmans.«Aswadvientd’êtretuécettenuit,dit-il.Unhommebéni,issud’unefamilledebénis,l’aassassiné.C’estFayrûzal-Daylamî,ilméritelarécompensedelafélicitééternelle.»Latêtebandéeàcausedesesmauxdetête,MuhammadrendgrâceàDieuavantdepoursuivre:«Lesdeuxautres,MusaylimaetTulayha,périrontégalement,etDieumaintiendramareligionjusqu’aujourdelarésurrection30.»

LetroisièmefauxprophètequidonnedusouciàMuhammadesteneffetTulayhadesBanûAssad.CommeMusaylima,ilproposesurle«marchédelareligion»unislampluspermissifquidispensesesadeptesdel’obligationdelaprièreetdujeûne.Fortdumêmesuccèsquelesautres,ilréunitunearméepuissanteetdécided’attaquerMuhammadàMédine;d’aprèsTabarî,ilétablitsoncampàunendroitdudésertnomméSamîrâ’(ouSumayrâ’ 31)etenvoieunelettredesommationauProphète:«Situveuxquenous vivions en paix, stipulons qu’une moitié de l’Arabie sera à moi et l’autre moitié à toi ; si tun’acceptespas, je tedéclare laguerre.»MuhammadchasseHibâl, leneveudeTulayha,porteurde lalettredemenaces,ens’écriant:«Va-t’en;queDieutefassepériretnet’accordepaslemartyre 32!»StationnénonloindeMédineetvraisemblablementaucourantdelamaladieduProphète,Tulayhaguette-t-il la mort de Muhammad pour lancer un assaut sur la ville 33 ? Il est à noter que Tabarî associe

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clairement la maladie du Prophète au mouvement de dissidence généralisée qui frappe l’Arabie 34.Muhammadmourrasansavoirrégléceproblème.AbûBakr,unefoisdevenucalife,s’enchargera.

ReplacéedanslescirconstanceshistoriquesquientourentlesderniersmoisdelaviedeMuhammad,la question des faux prophètes pourrait être considérée comme un élément décisif. Les régions danslesquellescesdernierssontapparussontrichesetstratégiques.Deplus,ilsnemènentpasseulementdesmouvements« séparatistes »visant à sedétacherdupouvoir central deMédine.Commenous l’avonsconstatéavecTulayhaquicampenonloindeMédine,leurdissidenceestplusquereligieuseetpolitique:ellemenace le cœurmêmedu pouvoir deMuhammad.Les défaitesmilitaires deMuhammad face auxByzantinsontsansdoutedonnéuncoupd’accélérateuràcesmouvementsderébellion.

Enréalité,laconversionàl’islamestloind’êtremassiveenArabie.SeulleHijâzestvéritablementacquisàlanouvellereligion;ailleurs,onsepliesurtoutàlapuissancepolitiqueetmilitairedel’islam.LesArabesentrentennombredanslanouvellereligionpourdesmotifsintéressés(afindenepaspayerlajizya, la taxe imposée aux non-musulmans) ; en divers endroits, le Coran évoque l’hypocrisie de cesbédouinsetgarde la tracede scèneshumiliantespour leProphètequi,un jour, est abandonnéenpleinprêchedevendredipar lesmusulmans ; cesderniers, apprenantpar lebruitdes tambours l’arrivéedeDahiaIbnKhalîfa 35,venudeSyrieavecunstockd’huile,accourentpourconcluredesaffairesetlaissentMuhammad quasiment seul dans la mosquée 36. À la mort de Muhammad, de nombreux convertis,invoquant le caractère personnel de l’allégeance faite au Prophète, se sentent libérés de leursengagements financiers ; tout en se disantmusulmans, ils refusent d’envoyer àMédine les taxes de lazakât.LaréactiondunouveaucalifeAbûBakrnetarderapas:lestenantpourapostats,illeurdéclareraune guerre sansmerci.Dans ces guerres d’apostasie qui inaugurent dans un bain de sang le règne dupremiercalifedel’islam,lemotifreligieuxnedoitpasmasquerlesmotifséconomiques:l’objectifestmoinsderamenercesArabesàl’islamquederamenerlestaxesaucalifeàMédine.

L’ensembledecesélémentsnousinviteànuancerl’affirmationdel’historienHichemDjaïtquiécritqu’« à sa mort, le Prophète a laissé une religion achevée et un État rayonnant sur toute l’Arabie,indissolublementliés 37».CertainsArabesn’attendentpaslamortduProphètepourapostasier;desonvivantmême,Muhammadestconfrontéàd’inquiétantsmouvementsdesédition.Lasituationdevenantdesplusgraveset leProphètedésormaissansénergienepouvantplusaffronter lepéril, sesproches,pourpouvoircontrôlerlasituation,doiventsansdouteenvisager lecoupd’État…Sinon,commentexpliquerque ‘Umar exprime à Abû Bakr, fraîchement élu calife, toute sa reconnaissance d’avoir rattrapérapidementlapérilleusevacancedupouvoiràlamortdeMuhammad:«Jetedonneraismavie,luidit-il.Sanstoi,onauraittouspéri 38!»

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VIII

Ledébutdelafin

Une empreinte profondément tragique marque les derniers jours du Prophète, confronté à denombreusesépreuvesqu’iln’apluslaforced’affronter:deuildesonfilsIbrâhîm,tentatived’assassinat,désobéissance de ses proches et dissidences de toutes sortes.Quand l’angeGabriel s’enquiert de sonétat,Muhammad lui répond :«ÔGabriel, jeme sensaccablé,ôGabriel, jeme sensaffligé 1. » Il luirépètecommedansunesupplication:«Gabriel,vienstoutprèsdemoi 2.»LeProphèteerreenlui-mêmecommeunvoyageurégaré.

Durantprèsdedeux semaines, lamaladie l’immobilise. Il est alitédans lamaisonde ‘Aïsha,nevoyantplusquesonentourageleplusproche.Il finitparperdresesfacultésmotrices.Durant lesraressorties qu’il peut faire, on le voit marcher appuyé sur ses deux cousins ‘Alî et Fadhl, ses pieds netouchant pas le sol.Lamaladie prendprogressivement le dessus et les perspectives deMuhammad leconquérantsetrouventdésormaisbornéesaucadred’unlit.

Ce qu’on croit être au départ les signes d’une fatigue générale devient aux yeux de tous lessymptômesd’unemaladiegrave.LaTraditionmusulmaneconsacredelongspassagesàladescriptiondeladernièremaladieduProphète : elle insiste sur sesmauxde tête et sur la fièvre insoutenablequi leconsume.Onne peut lui prendre le pouls, nimettre lamain sur sa poitrine sans ressentir une chaleurinsupportable 3.LeProphèteàdemiinconscientfrissonne;lechâlenoir(khumayssa)dontilsecouvrelevisagedetempsentempsestbrûlant4.Muhammadaconstammentàportéedemainunebassineremplied’eau pour se rafraîchir : il y plonge sesmains amollies, pour les passer ensuite sur son visage 5.Onracontequedèssonarrivéedanslachambrede‘Aïsha,ilaétébaignédanslebassin(mikhdhab)desafemme Hafsa, où on a versé sur lui sept outres d’eau tirées de sept puits différents (s’agit-il d’unrituel?) 6.

LeProphèteestdevenusimaigreetpâlequesonCompagnonAnasIbnMâlikcomparesonvisageàunefeuilleblanche 7.Enproieàdesmigrainesinsupportables,ilporteconstammentunbandeauautourdela tête ; ilse torddedouleuretpousseunrâlecontinu8.Malgrésadétresse,AbûlQâcimempêchesesfemmesdeserépandreendémonstrationsdedésarroi 9 ;quandOmmSalamacrieenvoyantsonétatsedétérioreràvued’œil,illuidit:«Tais-toi!Seulslesmécréantsselamententencriant10.»Sasouffranceestsiintensequ’ilenaparfoisdessyncopes.Aprèsdesmomentsdeconscience,ilretombebrusquementdans l’hébétude, incapable d’articuler le moindre mot. Lorsque Oussâma revient du camp du Jorf en

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catastrophepouravoirdesesnouvelles,Muhammadnepeutmêmepasluiparler:ilembrassesonfavori,lèveseulementlesbrasverslecieletlesreposesurluiensignedebénédiction11.Muhammadcommenceàs’absenterdelui-mêmeetdumonde.

Profitant d’un raremoment de soulagement, le cinquième jour dumois de rabi‘1er (une semaineavant samort), il se rend à lamosquée contiguë à samaison pour aller prier et faire ses adieux auxmusulmansrassemblésengrandnombre 12.LeProphètereçoitlavisitedel’angeGabrielquiluirévèlelasourate110,«LeSecours»(al-asr):«LorsquevientlesecoursdeDieuetlavictoire 13arrivent–etque tu vois les hommes entrer en masse dans la religion de Dieu ; célèbre les louanges de tonSeigneur ; et demande-lui pardon. Il est, en vérité, celui qui revient sans cesse vers le pécheurrepentant 14.»LeProphètevoitdanscettesouratelesignedel’imminencedesamort;ledernierversetnotammentquiévoquelepardondivininciteMuhammadàserepentircarilestsurlepointdequittercemonde 15. Le thème du repentir est précisément au centre de la dernière apparition publique deMuhammadquiveutmettreenordresaconscience 16.

Lamarchechancelante, leProphèteentredans lamosquée,soutenuparsesdeuxcousinsFadhlet‘Alîquileconduisentjusqu’auminbar.Muhammads’assoitàmêmelesoletadresseàlacommunautéundiscoursémouvant:«Ôgens!Quelprophèteétais-je?»Onluirépond«lemeilleurdesprophètes 17».MuhammadcommenceparfairelouangeàDieuetrappelerquelamortestunenécessitéàlaquellenuln’échappe.«Ilya,aprèslamort,dit-il,unjourdejugement;cejour-là,iln’yaurapasplusdefaveurpourmoi ni pour personne. Pendant que je suis encore parmi vous, adressez-moi vos réclamations. »Muhammadpoursuit:«Ôhommes!Sij’aifouettéledosdequelqu’un,voicilemien;sij’aiblessélaréputation de quelqu’un, il n’a qu’à faire de même avec moi ; si j’ai reçu de l’argent de quelqu’uninjustement,voicimonargent.Purifiez-moidetouteinjustice,afinquejepuissecomparaîtredevantDieusansavoircommisdetort.»L’émotionestàsoncombleàlamosquéeetlafoulenombreuserépondenchœur:«EnvoyédeDieu,touslestortsquetuauraisenversnoussonteffacés.»

Toutefois,unhommeappelé ‘Ukâsha IbnMuhassin se lèveetdit auProphète :«Tellenuit, à telendroit,danstelleexpédition,j’aifaitmarchermonchameauàcôtédutien.Tuasvouludonneruncoupdefouetàtonchameau,maislecoupm’aatteintaudosetm’afaittrèsmal.–Voicimoncorps,luirépondleProphète,situveuxmefrapper,frappe.–Jeleveux»,réplique‘Ukâsha.LeProphèteaunfouet,unroseaucouvertdecuir,qu’iltienttoujoursàlamainquandilmontesursonchameau.IlditàBilâl:«LefouetestdanslamaisondemafilleFâtima;valechercher.»L’assistance,scandalisée,setournevers‘Ukâsha:«N’as-tupashonteetnecrains-tupasDieuenfrappantleProphète?–Neluifaitespasdereproches ; il ne fait que réclamer son droit », leur ditMuhammad. Abû Bakr et ‘Umar se lèvent etdisent : « Venge-toi de nous, ô ‘Ukâsha, et ne touche pas au Prophète. » Puis ‘Alî fait la mêmeproposition:«Voicimondosetmonventre,frappe-moietfouette-moicentfoismaisnetouchepasauProphète»–écholointainàl’autoflagellationshiite.Enfinlesfilsde‘Alî,HassanetHussayn,selèventetdisentàleurtour:«Ô‘Ukâsha,nesais-tupasquenoussommeslespetits-filsduProphète:situtevenges sur nous, c’est comme si tu te vengeais de lui. »Malgré cela, ‘Ukâsha demeure inflexible etprécisequelorsquecettenuit-làilaétéfrappéparleProphète,ilavaitledosnu;ildemandealorsau

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Prophètedesedéshabillerpourquelaréparationsoitpluséquitable.Sanshésiter,AbûlQâcimenlèvesachemise.Àcemoment-là, ‘Ukâsha faitbrusquement tomber le fouet, courtvers leProphète,et se jettedanssesbrasensanglotant18.

Avantdeprendrecongédesmusulmans,Muhammadpriepourlesmartyrsquiontsacrifiéleurviepourluiavantd’ajouter:«UnhommeparmivousdoitchoisirentrelesbiensdecetteterreetDieu;etilchoisitDieu.»AbûBakrsemetàpleurercarilestleseulàcomprendrequeleProphètefaitallusionàlui-même.«Nepleurepas,AbûBakr,luiditAbûlQâcim,tuasétéavecmoidanscemondeettuserasavecmoidansl’autre;jen’aipaseudecompagnonplusfidèlequetoi.»Ilordonnealorsquetouteslesissuesquidonnentdirectementsurlamosquéesoientferméessaufcelledelamaisond’AbûBakr 19.Cen’estpaslapremièrefoisqu’onvoitcelui-cicomprendreavantlesautreslesallusionsduProphète.CetamiintelligentetlucidedeMuhammadestleplusvifdesesCompagnons 20:ilvoitlafinveniravantlesautresetprendsansdouteàtempslesdispositionsnécessairespournepaslaisserlasuccessiondesonami au hasard. C’est cette même clairvoyance qui l’a poussé au début de la Révélation à suivreMuhammad,unmarginalquiprêchaitseuldansledésert,etàêtreainsilepremierdesmusulmans.Ilasutrèstôtqueceluiqu’ilappelaitaffectueusementkhalîlîAbûlQâcim (monamiintimeAbûlQâcim)étaitl’annonciateurd’untempsnouveauquichangeraitlemonde.

À la findecetteultime réunionà lamosquée,Muhammad regardeendirectionde ‘Umaretdit :«Aprèsmoi, ledroitseraavec‘Umar 21.»Danscerécit, lesréactionsd’AbûBakret‘Umarsontsansdoutedesajoutsvisantàvaloriserlesdeuxfuturspremierscalifesetàasseoirleurlégitimitépolitique:AbûBakrincarnelaloyauté,‘Umarlarigueur.LesrédacteursdelaTraditionconfèrentàcettescèneunesignification symbolique : la porte de la maison d’Abû Bakr laissée ouverte par Muhammad estl’emblèmede la porte de la succession politique 22 ; ‘Alî invitant ‘Ukâsha à le fouetter à la place deMuhammadrestecommeenfermédansunesortedepathossacrificielet incarnel’espritdemartyrequicaractériselasensibilitéshiite.

Rentréchez lui, leProphètedemeurecouchédurant trois jours.Lemercrediquiprécèdesamort,sentantunelégèreamélioration,ilréveillesonaffranchiAbûMuwayhiba(ouAbûRâfi‘ 23)aumilieudelanuit et lui dit qu’il a reçu l’ordre de visiter le cimetière des musulmans à Baqî‘ al-Gharqad. Là,accompagné de son affranchi 24, le Prophète, dans une scène théâtrale, s’adresse auxmorts sur un tonmélancolique:«Jevoussalue,gensdestombes!Vousquiêtesàl’abridesépreuvesquiatteignentleshommes!LasituationoùvousvoustrouvezvousparaîtraitsiréconfortantesivoussaviezcedontDieuvousasauvés 25 !»Danscetteprosopopée,Muhammad,désespéré,sembleprisd’unélanvers lamortqu’ilperçoitcommeunedélivrance.Ilcraintsansdouted’assister,impuissant,auspectacledesapropredéchéance. Le Prophète poursuit : «Les discordes se profilent à l’horizon ; elles arrivent comme leslambeaux d’une nuit noire, elles se succèdent, la fin de l’une est suivie par le début de l’autre et ladernièreestpirequelapremière 26.»MuhammadditensuiteàsonaffranchiAbûMuwayhiba:«Sais-tuqueDieumedonnelechoixentrelavieéternelleparmilestrésorsdecemondeetmarencontreavecluiauparadis?»L’affranchiluirépond:«Parmonpèreetmamère!Choisislapremière!–Ohquenon,ôAbûMuwayhiba, dit leProphète, j’ai choisi de rencontrerDieu27. »Muhammadprie ensuite pour les

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morts et rentre chez lui. Le lendemain son état de santé s’aggrave sérieusement. Tout son entouragecomprendquelafinestproche.

Lamort imminentedeMuhammadéveille lesconvoitisescar l’hommeestnonseulementpuissantmais richissime 28. Une Tradition plutôt invraisemblable où on décèle l’influence de l’hagiographiechrétiennedécritl’extrêmepauvretéduProphète 29 :onyvoit‘Aïshapleurerendisantquependantdesmois sonmari et elle n’ont comme nourriture que de l’eau et des dattes (al-aswadân) 30 et qu’ils nemangentpasàleurfaim31;Muhammad,nousdit-on,peutrestertroisjourssanssenourriret,pourcalmerlafaim,ilnouedespierresautourdesonventre 32;durantdeuxmois,lefeunes’allumepaschezlui 33etonlevoitrecevoirl’aumônedesAnsarsquiluienvoientdetempsentempsunpeudelait34.UnchapitredesTabaqâtestconsacréà lamisèredeMuhammad 35, ledécrivant se tordantde faim,aupointd’êtreprêt àmanger la cire des bougies 36.Certains récits disentmêmeque leProphètemeurt endetté : pouracheterdequoimanger, il auraitmisengagesacuirassechezun juif 37 contre soixante-quinzekilosd’orgepournourrirsafamille 38;c’estAbûBakrquiauraitpayéplustardl’hypothèque 39.

CesrécitssurlaprétenduemisèredeMuhammadsontd’autantmoinscrédiblesqu’ilssontdémentispar d’autres passages décrivant la fortune colossale duProphète.Certes, au lendemain de l’hégire, leProphètevit dans lapauvreté (rappelons aupassagequ’aucunchroniqueurn’expliqueoùestpassée lafortuneimmensedesonopulentepremièreépouseKhadîjadontildevaithériter).Toutefois,sapolitiquebellicistenetardepasàpourvoiràlapénuried’argent;leProphèteguerrierreconnaîtlui-mêmequeDieuaplacésafortuneàl’ombredesalance 40.Lesbutinsdesdifférentesexpéditions(notammentlesacdeKhaybar) mettent Muhammad et l’ensemble de sa communauté à l’abri du besoin. Le Prophète, enparticulier,danslepartagedubutin,seréserveunequote-partassezconséquente.Unversetcoraniqueluiordonnantdepréleversystématiquementlecinquièmedespartssurchaquebutindeguerre 41,aumomentdelarévélationdeceverset,Muhammadannonceauxsiens,notammentàsafilleFâtima:«Réjouissez-vous,ôfamilledeMuhammad,vousêtesdésormaisriches 42.»LeslivresdelaTraditionn’hésitentpasàsoulignerqu’AbûlQâcimarecoursàd’autresméthodesparticulièrementviolentescommelerapt(commeon l’avuplushaut avecUkaydir, le seigneurdeDûmatal-Jandal)ou la torture : c’est cequi arriveàKinânaIbnal-Rabî‘,unjuifdeKhaybar,suppliciésurordreduProphètejusqu’àcequ’ilrévèlel’endroitoùestcachéletrésordesBanûNadhîr 43.Afinderemplirlescaisses,Muhammadimposeégalementàsesadeptestoutessortesd’impôtsdontuneétrangetaxed’undinarquedoitpayertoutmusulmanayantfaitunrêveérotique 44!

«Il t’a trouvépauvre,et il t’aenrichi», luiditAllâhdans leCoran(93:8) 45.Muhammadest lepropriétaire, entre autres, de nombreuses oasis au nord-ouest duHijâz comme « les septmurs » (desvergersclôturés) 46–commelacélèbreoasisdeFadak–dontilaccordelajouissanceàsafilleFâtima 47.LeProphèteestdevenusirichequ’ilacrééunfondsdestinéà«acheter»laconversiondesmécréants;cesontlesfameuxmu’allafaqulûbuhm,«ceuxdontlescœurssontralliésàlafoi»(9:60) 48,notammentdesopposantsqurayshitescommeAbûSofiânequi,indifférentsàl’islam,ontlecœursensibleàl’argent.

IlestclairquelesuccesseurduProphètedoithériterdesonpouvoirmaisaussideses immensespossessions.CommelecalifeAbûBakrn’estpassurlalistedeshéritierslégaux,ilprend,aulendemain

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desonarrivéeaupouvoir,unedécisionradicaleetfermepourgarderlamainsurlafortunedesonami:ildéshéritelesgensdelamaisonetattribuelesbiensduProphèteàlacommunauté.Pourjustifiercettemainmise, Abû Bakr brandit un hadith dans lequel Muhammad dit que les prophètes ne laissent pasd’héritage 49.Fâtimanelepardonnerajamaisausuccesseurdesonpère.

Pour l’heure, voyant samort approcher,Muhammadafficheune attitudede renoncement. Il auraitliquidé tout ce qu’il possède avant de rencontrer Dieu. Ibn Sa‘d dit que le Prophète n’a rien laisséderrière lui, ni argent, ni bétail, ni terre 50 ; il aurait aussi affranchi juste avant de mourir quaranteesclaves 51.Durantsonagonie, ilconfieà ‘Aïshaseptdinarset luidemandedes’endébarrasserparcequ’ilveut rencontrerDieudépouilléde tous lesbiens terrestres 52. Il luiordonnededonner l’orà ‘Alîpourqu’illedistribueauxnécessiteux53,ordrequeleProphètedoitrépéter troisfois tant‘Aïsha,étantdonnélahainequ’elleporteaucousindesonmari,n’estvisiblementpaspresséed’obtempérer 54.

Les Compagnons et lesmembres de la famille du Prophète sont quant à eux animés par la plusgrande avidité. Cet ouvrage ne suffit pas pour aborder la vaste question de l’héritage financier duProphèteetlesnombreusesquerellesqu’ilasuscitéesentresesproches 55.DeshommescommeAbûBakret‘UmarsontsouventdécritsdansmaintspassagesdelaTraditioncommedesêtresplutôtvénaux;même« élu » calife, Abû Bakr continue à être un homme d’affaires et on le voit conclure de juteusestransactionscommercialesdanslessouks,sibienqu’ilestrappeléàl’ordreparsesamis‘UmaretAbû‘Ubaydaquiluidisentquecelan’estpasdignedusuccesseurduProphète 56!AbûBakràl’articledelamortdiraàsafille‘Aïsha:«Fillette,regardecequiaaugmentédansmafortunedepuisquejesuiscalifeetrestitue-leauxmusulmans 57.»PourquoiAbûBakrformule-t-ilcettedemande?A-t-ildesdoutesquantà la régularité de son enrichissement ? De son côté, ‘Umar reconnaît qu’il pense à ses transactionscommercialesmêmependantlaprière;ledeuxièmecalifeestsipréoccupéparl’argentqu’illuiarrive,avoue-t-il,decompterpendant laprière les taxesqu’ilvaencaisser 58 ;dansd’autresscènes toutaussipeuglorieuses,ilapparaîtdistraitpendantlaprièreducoucherdusoleil,àtelpointobnubiléparlebétailqu’il a envoyé vers la Syrie 59 qu’il doit reprendre à chaque fois la lecture des versets du Coran audébut60.‘Umarexprimeramêmedesregretsenavouantquelesaffairesl’ontempêchédepasserplusdetempsdanslaproximitéduProphète 61.Avec‘UthmânIbn‘Affân,lecaractèreploutocratiqueducalifatserenforcera davantage ; doublé d’un népotisme outrancier, il prendra des proportions si considérablesqu’il causera l’assassinatparticulièrementviolentdu troisièmecalife.LeProphètene se trompait sansdoutepasenprédisantquesessuccesseursseraientdestraîtresobèses 62.

Dèslors,oncomprendmieuxl’attitudefébrileetimpatiented’AbûBakret‘Umarautourdulitdurichissime Prophète malade. En réalité, tout le monde pense à la succession. ‘Abbâs, l’oncle deMuhammad, dit à ‘Alî : « Le Prophète ne survivra pas à cettemaladie, je le sais car je connais lesvisagesdesenfantsde‘Abdal-Muttalibquandilssontàl’articledelamort63.»Ilajoute:«VaposerlaquestionauProphèteausujetduamr 64 ; s’il adécidéque lepouvoirdoitnous revenir, ildoit ledireclairementets’iladécidéqu’ildoitreveniràd’autresquenous,ildevraitfairedesrecommandationsànotresujet(awsâbinâ).–Jecrains,luirépond‘Alîavecréalisme,ques’ildécidedenepasnousléguerle pouvoir, on en soit privé pour toujours 65. »Dans une autre version, ‘Abbâs dit à son neveu ‘Alî :

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«AllonsinterrogerleProphèteausujetdelasuccession:silepouvoirdoitnousrevenir,jejureparDieuqu’on ne le lâchera pasmême si on doit tous périr ; s’il doit revenir à d’autres, je jure qu’on ne leréclameraplusjamais.»‘Alî,pleind’assurance,répond:«Ômononcle!Lepouvoirpeut-ilreveniràquelqu’und’autrequetoi?»Ets’adressantàAbbâsetàsesdescendants,lesAbbassides:«Quioseraitvousledisputer?»Puis‘Alîet‘AbbâsseséparentetnevontpasvoirleProphète 66.

‘Abbâs, armé de bonne volonté, souhaite que le califat reste dans la famille alors que ‘Alî estprésentécommeunhommedépasséparlesévénements;persuadéqu’ilestleseuletuniquesuccesseurduProphète, il resteà l’écart : sonassuranceempêchechez lui toute initiative,d’oùcesmots :«Quioserait rivaliseravecnous 67 ?»Plus tard, sononcleAbbâs lui reprocherasévèrement sonmanquedediscernement : « Je t’ai conseillé durant la maladie du Prophète de lui poser la question sur sasuccession:est-cequ’illadestinaitànous,safamille,oubienàd’autresquenous?Jet’aiditquesionl’empêchaitdeseprononcersurcesujet,personned’autrenenousaccorderaitlepouvoiraprèssamortetc’estpourcelaqu’estadvenucequiestadvenu68.»Àcausede son inertie, ‘Alî seraprisdecourt etverralecalifatluiéchapper.Pendantqu’ils’occuperadesobsèquesdesonillustrecousinetbeau-père,onentendraretentirletakbîr«Allâhuakbar»annonçantl’électiondupremiercalife 69.Ettandisqu’AbûBakr et ‘Umar viennent de ravir le pouvoir aux Hachémites, ‘Abbâs, tombant des nues, s’écriera ens’adressantà‘Alî:«Net’ai-jepasdit70?»

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IX

Le«romanfamilial»deMuhammad

DanslachambreduProphètemoribondflotteunaird’intrigue.Muhammad,dansl’isolementauquellamaladielecondamne,estaucentred’unemanipulationpolitico-familialedontsafavorite‘Aïshatireles ficelles. Pour la fringante jeune épouse âgée de dix-huit ans, il n’est pas question de laisser lasuccession de son mari échapper à son père. Au chevet de l’hommemalade, la famille du Prophèteemploielatactiquedelaconquêtepacifique 1.AbûBakret‘Umar,futurscalifes,assistésdeleursfillesrespectives ‘AïshaetHafsa, tissentune toilediscrète autourdeMuhammad.L’institutionducalifat esttrès associée aux liens familiaux du Prophète avec ses Compagnons : les quatre premiers califesorthodoxessontlesbeaux-pèresetlesgendresdeMuhammad.L’autoritépolitiqueenislamestavanttout(toujours?)uneaffairedefamille.UnescènerapportéeparIbnKathîrtraduitbienlepoidsdesrelationsfamiliales et notamment l’influence des femmes dans cemoment crucial : « Quand l’état de santé duProphètedevientcritique,écrit-il,‘AïshafaitvenirAbûBakr,Hafsafaitvenir‘UmaretFâtimafaitvenir‘Alî 2.»Lestroisfuturscalifes(‘Uthmânestcurieusementtotalementabsentdurantl’agonieduProphète)sontmandatésquiparsafille,quiparsafemme.

L’importancedu rapportmatrimonial avec les gens de lamaisonperduremême après lamort deMuhammad.C’estcequiexpliquequeledeuxièmecalife‘Umar,àunâgetrèsavancé,épouselapetite-fille du Prophète OmmKulthûm (la fille de ‘Alî et Fâtima) qui n’est encore qu’une enfant. Quand ildemandesamainà‘Alîsonpère,cedernierestsurprisetluifaitremarquerqu’elleesttropjeunepourlui;ledeuxièmecalifeluirépond:«J’aientenduleProphètedirequetouteparentédisparaîtraitlejourduJugementderniersauflasienne,jevoulaisalorsêtreliéparallianceaulignageduProphète 3.»Voyantquel’argumentn’estpasassezpersuasif,pourconvaincrelepèredelamariée,‘Umarproposelasommefaramineusedequarantemilledirhamsenguisededonnuptial(mahr), luiquienjointd’ordinaireàsescoreligionnairesden’êtrepasexcessifsenlamatière 4!L’argumentfinancierestsimassifque‘Alîfinitpar accepterdedonner sa fille auvieil homme 5.Certains récits de laTradition (aussi bien shiite quesunnite)suggèrentquelemariageentre‘UmaretOmmKulthûmalieusurfondd’unesordideaffairedeviol 6.Rappelonsqueceluiquiseraledeuxièmecalifeestconnupoursamisogynie; ilal’habitudede«forcer»lesfemmes(leviolpar‘Umarde‘ÂtikaBintZaydestévoquédansdesouvragessunnitesquifontautorité 7).

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Ainsi,toutaulongdesavie(notammentdanslaphasemédinoise),AbûlQâcimestaucentred’unvéritabletourbillondepassions,dejalousies,d’ambitionsetd’épiquesscènesdeménage.Afindemieuxcomprendrecommentlesrivalitéspolitiquessontsous-tenduespardespassionsprivéesetdesrancunesde famille, il est sans doute utile de s’attarder un peu sur l’histoire familiale deMuhammad dont le«romandesorigines»estentouréd’unépaismystère.

Des informations importantes sur la généalogie de Muhammad figurent dans les plus anciensouvrages de la Tradition, qui bouleversent la version officielle qui s’est imposée au fil des siècles.Celle-ciaffirmequeMuhammadn’apasconnusonpère,‘Abd-Allâh,filsde‘Abdal-Muttalib,morthorsdeLaMecqueavantlanaissancedesonuniquefils,puisqu’àl’âgedesixans,Muhammadperdsamère,Âmina BintWahb. Orphelin, le petit garçon est élevé par son grand-père paternel, ‘Abd al-Muttalib,membreinfluentduclanhachémitedelatribudeQuraysh.Maiscetteversionlisseetaseptiséesetrouveébranlée par de nombreux indices figurant dans les livres de la Tradition qui laissent entendre queMuhammadestnédeuxàquatreansaprèslamortdesonpère.Eneffet,lestraditionnistesnousdisentqueHamza, l’oncle paternel deMuhammad, est plus âgé que son neveu (deux à quatre ans de différenced’âge) 8. Or, le père du Prophète, ‘Abd-Allâh, semarie avec la ZuhriteÂmina lemême jour que sonproprepère, ‘Abdal-Muttalib, épouseuneautreZuhriteprénomméeHelaqui luidonneHamza. ‘Abd-Allâh, le père deMuhammad,meurt à l’âge de vingt-cinq ans, quelquesmois après sonmariage avecÂminaqu’illaisseenceinteduProphète 9.HamzaetMuhammadsontdoncconçusverslamêmepériodeetdevraientavoirquasimentlemêmeâge,maisiln’enestrien:MuhammadvientaumondedeuxàquatreansaprèssononcleHamza,doncdeuxàquatreansaprèslamortdesonpère.

L’auteurdelaSîraal-halabiyyaseposelégitimementlaquestion:commentÂminaaurait-elleputomberenceintedeMuhammaddeuxàquatreansaprèslamortdesonmari 10?Ilestclairquelaquestiona beaucoup embarrassé aussi bien les rédacteurs de la Tradition que les théologiens contemporainscomme ‘Alî Jom‘a (dix-huitièmemufti d’Égypte, de 2003 à 2013) qui nous apprend de l’air le plussérieuxquelagrossessed’unefemmepieusepeutdurerquatreans 11,s’appuyantsurl’exégèsecoranique(déjàfantasque)deQurtubîselonlaquellelafemmevertueusepeutresterenceinteplusieursannées 12.

Muhammadlui-mêmeestinquietdesesorigines.Unhadithlemontreinsistantsurlanoblesseetlapuretédesonascendanceetprécisantquesesparentsl’ontconçudanslecadred’unmariage«régulier»etnond’unerelationextraconjugale 13.LeProphèteutilisedanssonproposnonpaslemotzinâ(adultère)maissifâh,untermeplusprécisquiseréfèreàunepratiquesexuelledegroupeadmisedanslasociétépréislamique 14 et que l’islam interdira. Cette phrase du Prophète serait-elle une réponse à desaccusationsquileprésenteraientcommeunenfantillégitime 15?

D’autresinformationsfigurantdansleslivreslesplusanciensdelaTraditionjettentencoreledoutesur les origines familiales deMuhammad. La version officielle affirme que le Prophète serait le filsuniquede‘Abd-AllâhetÂmina,orcetteinformationestaisémentdémentieparÂminaquireconnaîtavoirétéenceinteàplusieursreprises:«Detouteslesgrossessesquej’aieues,dit-elle,celledeMuhammadaétélapluslégère 16.»Dansunautrerécit,elleaffirmeclairementqu’elleaeuplusieursenfants:«J’aiportédenombreuxgarçons et jen’ai jamaisportéunbébé (sakhla) plus gros queMuhammad 17. »Le

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Prophètea-t-ildonceudesfrèresetsœurs?LaTraditionlaisseentendrequeoui:lepèredeMuhammadn’a-t-ilpaslakunyaAbûQutham(lepèredeQutham) 18?L’historienHichamDjaïtendéduitd’ailleursque Qutham serait le véritable prénom de Muhammad 19. Pour notre part, nous pensons que cetteconclusionesttrèsdiscutablecar,commenousl’avonsditplushaut,l’obscurethéoriedeskunyachezlesArabesn’impliquepasnécessairementuneréférenceauxenfantsréels ;c’estd’autantplusvraidanslecasdupèredeMuhammadquiestmortavantdevoirnaîtresonfils.ÀmoinsqueMuhammadn’aiteuunfrèreaînéappeléQutham…

À cela s’ajoute l’épineuse question du prénom invraisemblable et « anachronique » du père duProphète :commentunpaïenpeut-il s’appeler ‘Abd-Allâh(l’esclaved’Allâh) lorsmêmequ’Allâh,dumoinsenthéorie,estcenséêtreapparuavecl’avènementdel’islam20?Maisonsaitdésormaisquechezlespaïensunedivinitédunomd’Allâh21aexistébienavantl’islam.LeprénomvéritableduProphèteestlui-mêmeàcejourinconnucarMuhammad,quisignifielittéralement«leplusloué»,estuntitrequ’ilreçoit au lendemainde la prophétie.Comment s’appelle-t-il avant laRévélation ?Les ouvrages de laTraditionsont incapablesderépondreàcettequestion.Onsaitseulementqu’ilestaffublédeplusieurskunya:AbulQâcimouencoreIbnAbîKabsha(filsdel’esclaveAbûKabsha),étrangekunyaqu’ilaàLaMecqueetdontonnesaitquasimentrien22.

LaTraditiongardeparailleursunetracedelasouffrancequecauseàMuhammadlaquestiondesesoriginesmystérieuses.Ilsemetdanstoussesétatsdèsqu’onluirappelleleméprisdesQurayshitesàsonégard.Maiscemépris s’explique-t-il seulementpar ladissidencepolitiqueet religieusepar rapport àl’«establishment»polythéistemecquois?Rienn’estmoinssûr.LesQurayshitesàLaMecqueontdéjàeuaffaireaumonothéisme:deschrétiensyvivaient(dontlepluscélèbreestWaraqaIbnNawfal 23)etn’yontjamaisétépersécutés.Enréalité,ceseraitpourdesraisonsgénéalogiquesquelesQurayshitestraitentMuhammadaveccondescendance.DenombreuxhadithsdécriventlacolèrenoireduProphètequandonluirapportelesproposméprisantsdesaristocratesdeQurayshquilecomparentàunpalmiernéseulsurunedune,oudansuneversionplusrudesurunmonticuled’ordures(kabwa) 24.Unjour‘Abbâs,furieux,va voir son neveuMuhammad qui lui demande : « Pourquoi es-tu fâché, mon oncle ? » ‘Abbâs luirépond:«Jenesaispasceque lesQurayshitesontcontrenousmaisquandilssevoiententreeuxilsaffichentdesvisagessouriantsetquandilsnousvoientnous,leursvisageschangentd’expression.»Ayantvisiblementcompris les raisonsdecetteattitude, leProphètedevient rougede fureuraupointquedesgouttes de sueur lui coulent entre les yeux25.Un autre jour, une femmevient rapporter auProphète cequ’AbûSofiâneditàsonsujet:«Muhammadestcommeunefleurparfumée(rayhâna)quiapousséaumilieude lapourriture (al-natan). »Conscientde l’allusionà sesoriginespeunobles, leProphète secrispedecolèrebienquelaphrasesoitplutôtuncomplimentpoursapersonne 26.

En réalité, si lesQurayshites ne considèrent pasMuhammad comme l’un des leurs, ce n’est pasparcequ’ilestun«bâtard»maisparcequesongrand-père‘Abdal-Muttalibétaitsansdouteunesclave,donc pas un « authentique »Hachémite. En effet, le roman de filiation de ‘Abd al-Muttalib est aussimystérieux que celui de son illustre petit-fils. Voici ce que nous dit la version officielle : ‘Abd al-MuttalibestlefilsdeHâshimIbn‘AbdManâf(sonvraiprénomn’estpasHâshimmais‘Amrû27).Lors

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d’un voyage d’affaires, Hâshim passe par Yathrib (futureMédine) où il épouse Salmâ, une puissanteveuvedesBanûNajjârde la tribudesKhazraj (futursalliésdeMuhammad),avec laquelle ilaun filsprénommé Shayba (Shaybat al-Hamd 28 ou Shaybat al-Rahma) et qui s’appellera plus tard ‘Abd al-Muttalib 29. Le mariage de Hâshim et Salmâ scelle une alliance politique qui préfigure celle deMuhammad avec lesAnsars deMédine 30. LaTradition précise également que Salmâ, l’arrière-grand-mèreduProphète,estd’un trèshaut rangsocialqui luipermetdechoisirelle-mêmesonmarietde lerépudierquandellelesouhaite(unprofilquirappellebeaucoupceluideKhadîja,lapremièreépouseduProphète 31) ;elleexigeégalementdegarderavecelle l’enfantnédecetteunion32.Ainsi,quand‘AmrûIbn‘AbdManâf(aliasHâshim)lademandeenmariage,Salmâexigelesmêmesdroits :répudiationdumarietgardedesenfants.

Après sonmariage,Hâshim quitteYathrib où il laisse son épouse et son fils Shayba 33. Il ne lesreverrapluscarilmourraquelquesannéesplustardàGazalorsd’unvoyaged’affaires 34.Entre-temps,ils’estmariéavecd’autresfemmesàLaMecqueetaeud’autresgarçons,oubliantsansdoutesonfilsnéàYathrib.Cedernieraétéélevéparsesonclesmaternels,lesfrèresdeSalmâ.Unbeaujour,MuttalibIbn‘AbdManâf,lefrèredeHâshim,arriveàYathribetveutreprendresonneveuShaybaalorsâgédehuitanspourl’emmeneràLaMecque 35.Salmâs’yopposefermementetsedisputeavecsonbeau-frère 36maisrienn’yfait (onsuggèremêmequel’enfantestenlevé 37).EnarrivantàLaMecque, lepetitShaybaestprésentéparsononcleMuttalibcommeunesclavequ’ilaacheté 38.Pourquoinedit-ilpasqu’ilestsonneveu?Onnelesaitpas.DanslaSîrad’IbnHishâm,onvoitMuttalib,enréponseàceuxquitraitentlepetitShaybad’esclave,s’exclamer:«Malheureux,commentosez-vousdirequec’estmonesclave?IlestlefilsdemonfrèreHâshim39!»Onnenousditpasnonpluspourquoimalgrécettemiseaupointonpersisteàappelerl’enfant‘Abdal-Muttalib,littéralement«l’esclavedeMuttalib».Danscesconditions,oncomprendleméprisdesQurayshitespourMuhammadqu’ilsconsidèrentsansdoutecommelepetit-filsd’unesclave…

Les tourments familiaux deMuhammadne concernent pas uniquement la délicate question de sesorigines.Devenuadulte,l’homme,multipliantlesmariages,devientlechefd’unefamillenombreusequiluidonnebeaucoupdesoucisetqui,lorsdesonagonie,contribueramêmeàaccentuersessouffrances.Sur lenombreexactdesépousesduProphète, laTraditionn’estpasunanime.On luiattribue treizeouquinzemariages(voiredavantage),tousconclusaprèslamortdesapremièreépouseKhadîja.Malgrélesdivergencesdesversions,unfaitparaîtindéniable:leharemduProphètedépasselargementlalimitedesquatreépousesautoriséesparAllâh.‘Aïshanemanqueaucuneoccasionpourmontrersadésapprobationquantauxtropnombreusesépousaillesdesonmari.Afinquedetelsreprochesnesereproduisentplus,Muhammad prend les précautions nécessaires en s’accordant le droit d’avoir toutes les femmes qu’ilveut ; un verset duCoran est révélé pour dissuader les plus sceptiques 40 .Dans la foulée, ‘Aïsha estadmonestéed’unautreversetquilarappelleàl’ordre:«S’ilvousrépudie.SonSeigneurluidonnerapeut-être en échange des épouses meilleures que vous, soumises à Dieu, croyantes, pieuses,repentantes, adorantes, pratiquant le jeûne ; qu’elles aient été déjà mariées ou qu’elles soientvierges»(66:5).

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Uneautreinformationfaitaussil’unanimitédanstouteslesbiographiesduProphète:lesnombreuxmariages deMuhammad, on l’a dit, n’ont lieu qu’après la mort de sa première épouse Khadîja BintKhuwaylidavecquiilauraitforméunesortedecoupleidéal.AussilongtempsqueKhadîjaestenvie,leProphète ne prend aucune autre femme. La monogamie, imposée par sa puissante première épouse,surnomméeàLaMecque«ladamedeQuraysh»(sayyidatnisâ’Quraysh) 41finitparrendreMuhammadheureux. Elle est aussi la seule à avoir donné des enfants au Prophète (à l’exception de Mâria, laconcubinecopte,quiluidonneIbrâhîm).Mêmeaprèssamort,KhadîjagardedanslecœurdeMuhammaduneplaceunique,àtelpointque‘Aïshamanifestesajalousieàl’égarddecettefemmedécédéedepuislongtemps 42,qu’elletraitede«vieilleédentéeparmilesvieillesdeQuraysh43».AbûlQâcimn’apprécienullement lesmédisancesde ‘Aïsha et la réprimande.Et ‘Aïshade conclure : «C’est comme s’il n’yavaitdefemmequ’elle 44!»

LaTradition explique les nombreuxmariages duProphète par le fait qu’il obéit à une injonctioncoranique recommandant aux musulmans de prendre soin des veuves et des orphelins laissés par lescombattantsmortspourlafoi.Certessonharemcompteunnombrenonnégligeabledeveuveséploréesmais leurveuvagen’est sansdoutepas la raisonpour laquelle elles sont choisiesparMuhammad ; leprincipalatoutdelaplupartd’entreellesestleurappartenanceàdesclanspuissantsdeQuraysh(c’estlecasnotammentdeOmmHabîba,OmmSalamaetMaymûna).Lepragmatismepolitiquen’expliquepasnonplustouscesmariages.Carpourquoialorsnes’est-iljamaismariéavecuneMédinoisedesAnsarsquisont incontestablementsesalliés lesplusfidèleset lesplusconstants 45?Enréalité, ilpourraityavoirdes raisons plutôt personnelles et affectives. D’une part, certains hadiths laissent entendre queMuhammad a des ardeurs considérables, assorties de performances sexuelles surhumaines 46. D’autrepart, aucune des femmes qu’il épouse ne réussit à le rendre heureux commeKhadîja.À cela s’ajoutel’absencedeprogénituremâle.Onpeutmêmedirequeleshadithsmisogynesqu’onattribueauProphètesontessentiellementdusàdesmomentsdecolèreoùl’homme,excédéparleschamailleriesinterminablesdesesépouses, lanceparfoisàsesCompagnons :«Jen’aipas laisséaprèsmoiunmotifdediscorde(fitna)pirequelesfemmes 47.»

Sansentrerdanslesdétailsfastidieuxdecesnombreuxmariages,dontquelques-unsn’ontmêmepasétéconsommés,nousnouscontenterons icide rappeler lesneufépousesetconcubinesqueMuhammadcomptedanssonharemaumomentdesamort48.DanslemoisquisuitledécèsdeKhadîja(enl’an620),MuhammadépouseSawdaBintZum‘a,uneveuved’unetrentained’annéesquidoits’occuperdesenfantsduveuf.Danslafoulée,ildemandelamainde‘Aïsha,filledesonamiAbûBakr,quiestalorspromiseaufilsdeMut‘amIbn‘Uday49.Onsous-entendunelégèreréticencedelapartd’AbûBakr:«Luiconvient-ellevraiment?C’estlafilledesonfrère 50!»Mêmelamèrede‘Aïsha,OmmRummân,trouvequesafilleesttropjeunepoursemarier:«Situveux,onaunefilleplusâgéequ’elle!»dit-elleauProphète 51.L’âgede‘Aïshaaumomentdesonmariage(six,sept,neufoudouzeans)n’ajamaisétédéterminéavecexactitude (laTradition la plus admise est celle d’unmariage à six ans et d’une consommation àneufans 52).Onsaitseulementque‘AïshaestsijeunequeleProphète,déjàquinquagénaire,attendraaumoinstroisansavantdeconsommersonmariageavecelle(onsituegénéralementlaconsommationen623,au

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lendemaindel’émigrationàMédine).Onditquelepèredelamariée,quialakunyad’IbnAbîQuhâfa,portedésormaislenomd’AbûBakr(pèredelapucelle 53)car‘AïshaestlaseuleviergequeleProphèteaura épousée (Abûl Qâcim, préférant les femmes mûres, choisit plutôt des veuves ou des femmesdivorcée). ‘Aïshadevient trèsvite la favoriteduProphèteetgarderacetteplaceprivilégiée jusqu’à lamortdesonmarimalgrélescrisesquelecoupletraverse.

Augranddésespoirde‘Aïsha,Muhammadmultiplielesmariages.IlprendcommetroisièmefemmeHafsa,uneveuvedontsonpère,‘Umar,s’empressed’accorderlamainsansdoutepournepaslaisserleterrainlibreàAbûBakr.Hafsan’estpasbelle,ellealacarnationfoncéedesonpèreetdesonarrière-grand-mère paternelle Sahâk. Son physique plutôt disgracieux fait que ni Abû Bakr ni ‘Uthmân n’ontvoulul’épouser 54.Muhammadestindifférentàl’égarddeHafsadontleprincipalatoutestd’êtrelafilled’undesesamis.Hafsasesentiratoujoursindésirabledansleharemd’AbûlQâcimquis’abstiendradelarépudierdepeurdefroissersonCompagnon.Celui-ciditunjouràsafille:«LeProphètenet’aimeguère ; c’est par égard pour moi qu’il t’a gardée 55. » Hafsa en pleure à chaudes larmes 56. QuandMuhammad brandit la menace d’une répudiation, ‘Umar, furieux, dit à sa fille : « Si Muhammad terépudieunedeuxièmefois, je juredeneplus t’adresser laparole 57.»Touten laissant ‘Aïsha jouer lepremier rôle, Hafsa lamalaimée, rusée et forte comme son père (« la fille de son père » comme laqualifieTirmidhî 58),réussittoutdemêmeàdevenirtrèsinfluentedansleharem.

AprèsHafsa,MuhammadépouseZaynabBintKhuzayma,unefemmedelatribudesBanûHilâldontlemariaététuélorsdelabatailledeBadr.Zaynabauneâmesicharitablequ’onlasurnomme«lamèredespauvres» 59.AprèsZaynabetaulendemaindelabatailledeKhaybar,leProphèteconvoleavecuneautreveuve,OmmHabîba(Ramladesonprénom).QuandleProphètel’épouse,lepèredelamariée,lecélèbreAbûSofiâne,quiestsonennemi juré,nes’estpasencoreconvertià l’islam.PuisAbûlQâcimconsolidelelienaveclesclanspuissantsdeQurayshenprenantpourépouseOmmSalama(prénomméeHind)quiappartientelleaussiautrèsinfluentclandesBanûUmayya;commeOmmHabîba,elleestlaparente d’un ennemi juré du Prophète : elle est la cousine d’Abû Jahl, ce qui laisse supposer queMuhammadveut,àtraverscesdeuxmariages,tenterdesrapprochementsavecl’ennemiqurayshiteavantla prise de LaMecque. Omm Salama est de plus la propre cousine du Prophète (la fille de sa tantepaternelle,Barra,fillede‘Abdal-Muttalib).

OmmSalaman’estpas laseulecousineque leProphèteépouse ; il semarieensuiteen l’an5del’hégire (626) avec la célèbre ZaynabBint Jahsh (sa kunya estOmm al-Hakam), sans doute la seulefemmequeMuhammadépouseparamour.Ils’agitlàd’unepassionnotoireimmortaliséedansdesversetsduCoran. Zaynab étaitmariée au fils adoptif (et affranchi) du Prophète Zayd Ibn al-Hâritha.Un jourMuhammadvavoirZaydchezluimaisneletrouvepas;c’estZaynabquilereçoit,habilléedevêtementslégersquivoilentàpeinelabeautédesesformes.Bienqu’ellesoitlacousined’AbûlQâcim(filledesatantepaternelleUmayma),celui-cine l’a jamaisrencontréeauparavant.Dèsqu’ilvoit labelleZaynab,MuhammadestterrasséparuncoupdefoudredontontrouveuneautreversionlégèrementdifférentedanslesrecueilsdelaTradition.LeProphètevaunjourrendrevisiteàsonfilsadoptifZayd,malade.Zaynab,l’épousedecedernier,estassiseàsonchevet.Quandelleselève,leProphèteditàZayd:«MonDieu!

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Mesyeuxetmoncœursont renversés.–Veux-tuque je la répudieet te ladonne?» lui répondZayd.Muhammad,aupremierabord,refuselaproposition60carl’adoptionentraînelesmêmesdevoirsquelafiliationnaturelle :épouser la femmedesonfilsadoptiféquivautàunacte incestueux.C’estalorsqueDieu révèle le verset qui interdit l’adoption, ce qui permet àMuhammad d’épouser la femme de sonfils 61. Réagissant à la révélation du verset coranique qui donne carte blanche à Muhammad pour cemariage,lavirulente‘Aïshalanceàsonmari:«JevoisquetonDieuestvraimentpromptàexaucertesdésirs 62!»Onattribueà‘AïshauneformuleencoreplusinsolenteselonlaquelleceversetestlapreuvequeMuhammadrendpubliquestouteslesrévélationsqu’ilreçoitcars’ildevaitencacherune,ceseraitcertainementcelle-là 63!

Quoiqu’ilensoit,libérédesesdevoirsdepèreadoptif,AbûlQâcimpeutconvoleravecZaynabquiestelle-mêmeheureusedecemariage.Zayd,quinevitpasl’événementcommeunetragédiepersonnelle,sembleavoircédésafemmedeboncœuràsonmaîtrequ’ilcontinueàconsidérermalgrétoutcommeunpère. On suggère même qu’il est content de se débarrasser de Zaynab, lassé de son caractère fortdésagréable 64.Et puis grâce à cette histoire d’amour,Zayd Ibn al-Hâritha est cité nommémentdans leCoran(33:37).L’ex-marideZaynabobtientlàunhonneurinsigneauquelpersonned’autren’aeudroit,hormisdansuncontextedifférentAbûLahab,l’oncle«mécréant»duProphète.

AprèsZaynab,d’autres femmes rejoignent leharemduProphète :descaptivescommeJuwayriyaBintal-HârithetlesjuivesSafiyyaBintHayyetRayhâna.Cettedernièrerefusedeseconvertiràl’islamet de se marier avec le Prophète ; elle préfère rester sa concubine, tout comme la copteMâria queMuhammadn’épousepasbienqu’elleluidonneunfils.En629,leProphètesemarieavecMaymûnaBintal-Hârith,une jeuneveuvede la tribudesBanûHilal,quiest labelle-sœurdesononcle ‘Abbâset latante maternelle de Khâlid Ibn al-Walîd 65 – on dit que c’estMaymûna qui s’est donnée au Prophètependantqu’ilaccomplissaitlepetitpèlerinage(‘umra) 66.Cemariage,ledernier,estuneautretentativederapprochementavecleclanqurayshitedemeurédanslamécréance.

LeharemdeMuhammadesttrèsturbulent;denombreusesscènesdeménageponctuentlequotidiendu Prophète, qui le font parfois entrer dans une colère noire, et brandir lamenace d’une répudiationcollective 67.Ilyadeuxclansdansleharem:celuide‘AïshaoùontrouveHafsa,SafiyyaetSawda,etceluid’OmmSalamaqui réunit lesaristocratesqurayshites 68.Maisc’estplutôt lagranderivalitéentre‘Aïsha et Zaynab Bint Jahsh qui alimente les querelles 69. La jalousie de la première à l’égard de ladeuxième est incommensurable. Quand elles se disputent, Zaynab ne manque pas une occasion pourrappelerà‘Aïshaledécretdivinquil’amariéeauProphète 70.Muhammads’amusedeleursdisputes 71.Onracontequ’unjourquelesdeuxfemmess’empoignentviolemment,voyantque‘Aïshaaledessus,leProphètes’exclameàsonintention:«Tuesvraimentlafilled’AbûBakr 72!»

‘Aïshaterroriseenquelquesortelesautresfemmesduharem,allantparjalousiejusqu’àbriserenmillemorceauxunplatpréparéparSafiyyaquiestuneexcellentecuisinière 73.Lafilled’AbûBakrprendlanourritureetenbadigeonnelevisagedesarivaledevantleregardamuséduProphètequiritauxéclats.Cette scène où on voitMuhammad se divertir des disputes puériles de ses épouses se termine par undétailquimérited’êtrerelevé.LeProphèteinterromptbrusquementcejeuetdemandeauxdeuxfemmes

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d’aller se laver le visage lorsqu’il entend les pas de ‘Umar s’approchant de lamaison ; voyant cela,‘Aïshaconclut:«Jecraignais‘Umarparcequej’aivuleProphètelecraindre 74!»‘Aïshaelle-mêmeraconte qu’un jour elle décide de comploter contre Zaynab Bint Jahsh car le Prophète demeure troplongtempschezellepourdégusteruneboissonaumiel 75.‘AïshaetsacompliceHafsasemettentd’accordpourdireauProphèteà son retourdechezZaynabqu’il amauvaisehaleine (ruséesetmanipulatrices,elles savent qu’il est féru de parfums raffinés et déteste dégager le moindre effluve désagréable).«Quelleodeurhorribletudégages!Tuasmangédesmaghâfîr 76?»luidisent-elles.«Non,répond-il,j’aijustebudel’hydromelchezZaynabetjenelereferaiplusjamais 77.»

Ensomme,lesépousesduProphèteluidonnentautantdesoucisquelesmécréantsdeQuraysh.Etles déboires familiauxdeMuhammadne s’arrêtent pas là : non seulement il est au centredes conflitschroniquesquiagitentsonharem,maisildoitaussiconstammentintervenirauprèsducouplechancelantdesafilleFâtimaetsoncousin‘Alî,quihabitentlamaisonvoisine.

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X

Lafilleetlegendre

Fâtimaépouse‘Alî,lecousindesonpère,verslemoisd’avril624.LeProphèteauraitunpeuforcéce mariage car sa fille, moins belle que ses sœurs, est beaucoup moins sollicitée. Pourtant elle estl’enfantchérieduProphète 1,quimanifesteàsonégardlaplusgrandetendresse.«Quandj’aienviedesentirl’odeurduparadis,jereniflelecoudeFâtima»,dit-il 2.

L’indifférence des prétendants à l’égard de Fâtima est d’autant plus incompréhensible qu’AbûlQâcimditqueceuxquis’allientàluiparlemariage«n’entrerontjamaisenenfer 3».Maislefaitd’êtrelafilleduProphètenesertpasbeaucoupàlajeunefemmepourtrouverunbonparti,contrairementàsessœurs qui font de bons mariages. Zaynab, OmmKulthûm et Roqayya épousent de riches Qurayshitespaïens–ilfautcroirequel’argentcompenselemanquedefoi.ZaynabsemarieavecsoncousinAbûl‘ÂsIbnal-Rabî‘(filsdesatanteHelaBintKhuwaylid,sœurdesamèreKhadîja) 4,RoqayyaetOmmKulthûmépousent respectivement ‘Utba et ‘Utayba,deux fils de l’onclede leurpère, le tristement célèbreAbûLahab 5. Ces mariages, nous dit-on, ont lieu avant la Révélation. Divorcées de leurs maris sous lapressiondeleurbeau-pèrecommunAbûLahab,l’oncleennemideMuhammad,RoqayyaetOmmKulthûmépousent en secondes noces et successivement le même homme : l’opulent ‘Uthmân Ibn ‘Affân6. Cedernierestdepuissurnommé«ledétenteurdesdeuxlumières»(dhû-l-nûrayn) 7,appellationqu’ildoitaufait d’avoir épousé successivement deux filles du Prophète. On peut voir dans l’attribution de cettedoubleallianceavecMuhammadune tentativedemettreenvaleur la figurede ‘Uthmânetd’expliquerqu’ilsoitnommétroisièmecalifeenpassantavant‘Alî:sicedernierestlegendreduProphète,‘Uthmânl’estdoublement8!

Lemariage tardif deFâtima est undétail très gênant que laTradition essayeradésespérément decacheraurisquedetomberdansdesaberrationschronologiques.Avanttoutilfauttenircomptedel’âgeavancédesamèreKhadîja(quidoitalorsêtreprochedelacinquantaine), toutenévitantàFâtimaunetropgrandematuritéquandellesemarieavec‘Alî.Dèslorstantôtonavance,tantôtonretardeladatedenaissancedeFâtimaquidemeure,àdixansprès,incertaine 9.LaTraditionprécisequec’estMuhammadlui-mêmequiauraitchoisi‘Alîpoursafille,aprèsavoirdéclinélademandeenmariaged’AbûBakret‘UmaràcauseduprétendujeuneâgedeFâtima 10!

‘Alî décline tout d’abord l’offre de son cousin Abûl Qâcim en prétextant sa pauvreté et sonincapacitéàfairelemoindredonnuptial 11.LeProphèterappellealorsà‘Alîqu’ilpossèdeunecuirasse

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recueillie sur le champdebatailledeBadrqu’il peutvendre 12. ‘Alî estd’autantmoinsenthousiaste àl’idéedeconvoleravecFâtimaquedanscertainshadiths,onsous-entendquesapromiseestplusâgéequelui 13.Denaturepassive,‘Alîserésigneetacceptefinalementd’épouserFâtima,quienapprenantlanouvelledesesfiançaillesaveclecousindesonpèreprotesteviolemmentenpleurant14.Révoltée,elledit à son père : « Tu me maries à ce bedonnant aux yeux chassieux15 ? » Le Prophète essaye deconvaincresafilleenénumérantlesqualitésde‘Alî;commeellesnesontpasnombreuses,ilinsistesurlefaitquesoncousinestlepremierdesmusulmansparmilesjeunesetlemembreleplusinstruitet leplusvertueuxdelafamille 16.Maigreconsolation!

‘AlîneplaîtpasàFâtimaetpourcause,ilestnonseulementdémunimaisaussitrèslaid:courtsurpattes,dotéd’unénormeembonpoint(contrairementàsesfrèresetcousinshachémites,plutôtélancés),ilalesyeuxchassieuxetlenezécrasé 17,cequiledistingueaussidesfilsde‘Abdal-Muttalibquiontlenezlong(leurnezboitavant leurs lèvres,dit-on18) ; ilestégalementchauve. ‘Umar lesurnommenonsansméprisal-ussayla‘(ouencoreujaylih),«lepetitchauve» 19.Lephysiquegrotesquede‘Alîfaitdeluilariséedesmusulmans.Unjour,unefemme,levoyantpasser,s’exclamedevantladifformitédesoncorps:«Ondiraitqu’ilestfaitdepiècesrajustées 20!»

Desoncôté,‘Alîn’estpasplusseduitàl’idéededevenirlegendreduProphète:Fâtiman’estpasbellenonplus, contrairement à sa sœur, la superbeRoqayya (onditque le richeet séduisant ‘Uthmâns’estconvertiàl’islamuniquementpourpouvoirdemandersamain).Fâtimaelle-mêmeestpauvre(sontrousseauestvide 21)etsonpèrelamarieaveclestrictminimum,c’est-à-direpresquerien22.UnélémentquelaTraditionn’arrivepasàexpliquer:Fâtimadoit(dumoinsenthéorie)hériterdelafortunedesamèreKhadîja,quidoitlamettre,elleetsessœurs,àl’abridubesoin,maisonnesaitpasoùestpassécethéritage.EtpuiscemariageestladécisiondeDieu,commeleditleProphète:«C’estDieului-mêmequileluiavaitdestinécommeépoux23.»Notonsquecen’estpaslaseulefoisqueDieuintervientdanslesaffairesmatrimonialesdelasaintefamille.

Fâtimaserésignantàaccepter‘Alîàsoncœurdéfendant,lemariageafinalementlieu.Commepourdissimuler le caractère forcédecetteunionet lemanqued’enthousiasmedesdeuxépoux, laTraditionaussi bien sunnite que shiite décrit les noces comme une sorte d’apothéosemystique : quarantemilleanges sont les témoins du mariage, les houris du paradis entourent Fâtima et une pluie de pierresprécieusestombesurlesmariés 24.Maiscemariageneserajamaisheureux.

LeseulprivilègedontFâtimajouitréellementrésidedanslaclauseobligatoiredemonogamiequeleProphèteimposeà‘Alî 25.Muhammadn’acceptepasqu’onassignedesrivalesàsesfilles 26.Apprenantun jour l’intentionde songendredeprendreuneautreépouse,Muhammadémetunvetocatégorique 27.‘Alî fait là preuve d’un manque flagrant de bon sens car, circonstance aggravante, la femme qu’il al’intentiond’épouser,surnomméeal-‘Awrâ(laborgne),n’estautrequelafilled’AbûJahl,l’ennemijuréduProphète.Muhammadenestdoublementcontrarié:d’unepart,ilperçoitladécisionde‘Alîcommeunaffrontàsafille(etdoncàlui-même);d’autrepart,lafiancéede‘Alîestlafilled’unmécréantnotoire 28.‘Alîauraitdûprévoirlerefussansappeldesonbeau-père 29!

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Unjour,justeaprèslaprière,Muhammadprendlaparoleàlamosquéeetexprimepubliquementsaconsternationet son refusdunouveaumariagede ‘Alî :«La familledeHâshim Ibnal-Mughîra 30m’ademandémonautorisationpourlemariagedeleurfilleavec‘AlîIbnAbîTâlib.Ehbien, jen’autorisepascemariageetpuisjenel’autorisepasetpuisjenel’autorisepas!Fâtimaestunepartiedemoi;cequi l’offusquem’offusque 31. »Muhammad, scandalisé par le comportement de son gendre, dit ici quemêmesonpireennemilemécréantAbûJahl(désignéiciparlenomdesonpère,HâshimIbnal-Mûghira)aeulacorrectiondeluidemandersapermissionpourcemariage,contrairementà‘Alî!

À ces mots, ‘Alî se lève et quitte l’assemblée 32. Furieux, Muhammad lui notifie qu’avant decontractersondeuxièmemariage,ildevraimpérativementserésoudreàdivorcerdeFâtima 33.

IlfautdirequeleProphèten’apasunetrèshauteidéede‘Alî,auquelilsemblepréférerdeloinsesfrères,levaleureuxJa‘faretl’éloquent‘Aqîl.OnlevoitdansunescènerapportéeparTabarîtenir‘Alîpar la barbe et le secouer du pied pour le réveiller 34. Les musulmans n’ignorent pas le peu deconsidérationdeMuhammadpour‘Alîetonjasebeaucoupsurlesujet(commelorsdel’expéditiondeTabûkévoquéeplushaut35).LeProphètetrouvel’hommeparesseuxetmou,etdefaitcedernierpasseleplusclairdesontempsàdormir.Ilparlelui-mêmedesatorpeurendisant:«Jesuisungranddormeuretje tombedesommeil justeaprès laprièreducouchersansavoir laforced’enlevermesvêtements 36.»‘AlîauraitmêmeeulapermissionduProphètedenepasfairelaprièredusoirpuisqu’ils’endortjusteaprèslecoucherdusoleil 37.OnpeutdèslorsimaginerlesréticencesdeMuhammadàconfierlesrênesdupouvoiràunhommeaussiindolent38.

À ‘Alî on attribuera souvent des qualités de guerrier mais rien n’est plus contestable. Ses faitsd’armesdemeurenttrèsincertainsetnepeuvents’expliquerauregarddesatorpeur.Sesdéfaitesunefoisdevenu calife infligent un démenti sans appel à cette version hyper-corrigée de la vie du cousin deMuhammad. D’unemanière générale, la suite désastreuse de sa carrière est signe de son inefficacitépolitique etmilitaire 39. En revanche, on lui prête de grandes qualités oratoires et un formidable dond’éloquence 40. Pourtant, quand les poètes païens se déchaînent sur le Prophète dans des vershorriblement calomnieux et qu’on suggère àAbûlQâcim de confier à ‘Alî la tâche de composer despoèmes pour répondre à ces attaques odieuses, étonnament,Muhammad refuse en disant : « Il en estparfaitementincapable 41!»

LecoupleFâtima-‘AlîdonneconstammentdusouciauProphètequidoitarbitrerleursnombreusesscènesdeménage.‘Alîtraitesafemmeavecrudesseetbrutalité 42.Leursdisputesépiquesvalentà‘Alîlesurnomd’AbûTurab (homme de la poussière).Après une tonitruante scène avec Fâtima, il sort de lamaisonetpasselanuitdehorsàmêmelesol;entre-tempsleProphètearrivechezsafilleetluidemande:«Oùesttonmari?–Ilestallédormiràlamosquée»,luirépond-elle.QuandleProphètevalechercher,illetrouveendormi;satuniquetombanteluidécouvreledosquienestcouvertdepoussière.Muhammadle secoue du pied pour le réveiller et l’affuble alors de ce sobriquet moqueur : « Assieds-toi, AbûTurab 43.»Onditquecesurnoms’expliqueaussiparlaparessede‘Alîqui,passantleplusclairdesontempsàdormirparterre,aconstammentlesvêtementspoussiéreux44.Lesmusulmansvoulantridiculiser‘Alîl’appellentsouventAbûTurabmaisluisemblefierdecesurnomqu’iltrouveaffectueux45.

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Fâtima se plaint beaucoup auprès de son père de lamisèremorale et financière qui frappe soncouple.‘Alîesttrèspauvre,commetoutelabranchedesAbûTâlib.Lepèrede‘Alîauraitétéeneffetescroquépar‘Abbâs,sonproprefrère,quil’aaccablédedettesinsolvables.«ChezlesBanûAbbâs,laspoliationdesAlidesétaitunetraditiondefamille»,écritl’orientalisteHenriLammens 46.Pourgagnersavie, ‘Alî travaillecommeporteurd’eauchezun juifdesBanûQuraydha(pourchaqueseaud’eauqu’iltire il reçoitunemisérable rémunération :unedatte 47).Fâtimaseplaintdoncsouventàsonpèrede larudessedesacondition,desafatigueetdesonindigence 48 ;pour laconsoler leProphète lui rappellequ’elle estmariée au plus valeureux des hommes 49.Un jour, éreintée par l’utilisation dumoulin, elledemandeàsonpèredemettreàsonserviceundomestique 50.AbûlQâcimnedonnepassuiteetconseilleàsafilledefairequelquesprièresavantdedormir.«C’estmieuxqued’avoirunserviteur»,luidit-il 51.Enréalité,lapauvretédeFâtimacorrespondàcelledesonpère.Or,notammentaulendemaindusacdeKhaybar,lasituationfinancièredeMuhammads’amélioresensiblement;toutefois,safilledemeuredanslamisèreetsonpèrenefaitrienpoursoulagersonmanquederessources.Pourtant,certainslivresdelaTraditiondisentqu’AbûlQâcimaccordeàFâtimaet‘AlîdubutindeKhaybarunedotationconséquentededattesetd’orge 52.

À ces problèmes de couple et d’argent viennent s’ajouter des problèmes de voisinage. La petitefamilledeFâtimavitdanslaproximitéimmédiatedeMuhammadetcettecohabitationn’ariend’idylliquecar‘Aïshaestbrouilléeàmortavec‘Alîetsafemme–onverraplusloind’oùvientcettehainesansnom.ÀchaquefoisqueMuhammadserapprochedupèredesespetits-enfants,‘Aïshaprotesteavecvirulence.Unefois,ellecrieàsonmaridemanièreàcequelesvoisinsconcernésl’entendent:«JejureparDieuquetuaimes‘Alîdeuxettroisfoisplusquemoietmonpère 53.»

Malgrél’affectionqueluimanifestesonpère,Fâtimanefaitpaslepoidsdevant‘Aïsha,sivive,siprésente.On sait par exemplequec’estpour sa filleZaynabque leProphète a cette fameusephrase :«C’estlameilleureparmimesfilles 54.»Fâtimanemanquepasuneoccasiondedireàsonpèrequ’ilestinjusteàsonégard.«Lesgensdisentquetuneprendspaslepartidetesfilles»,luilance-t-ellelejouroùelleapprendque‘Alîcompteprendreunedeuxièmeépouse 55.Fâtima,quin’apasl’intelligencedesonpère,adumalàsetrouveruneplace.Sapersonnalitéunpeueffacéesemanifestedanssamaladresseetsatimidité; lejourdesonmariage,onlavoittrébuchersurlebasdesarobe 56.Dèsqu’elleintervientdanslesaffairesprivéesd’AbûlQâcim,elleseheurteàlasubtilitédiplomatiquepaternelle.

Ainsi,quandlesfemmesduharemluidemandentd’intervenirauprèsduProphètepourqu’ilcessed’exhibersapréférenceoutrancièrepour‘Aïsha,onpeutimaginerqu’ellerendvolontiersceservicecarellen’aimepasdutoutlafilled’AbûBakr,maissamédiationessuieunécheclamentable.C’est‘Aïshaqui rapporte la discussion entre le Prophète et sa fille. Fâtima entre chez son père enmarchant d’unemanièresemblableàlasienne,précise‘Aïsha.«Tesfemmes,ditFâtima,m’ontenvoyéepourréclamerl’égalitédetraitementaveclafilled’IbnAbîQuhâfa.–Fortbien,mafille,répondMuhammad,n’aimes-tupascequej’aime?–Assurément,père.–Alorstudoisapprouvermaconduitevis-à-visde‘Aïsha.»LesépousesduProphèten’ontpaschoisilemeilleuravocatquisoit57!

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Malgré des problèmes chroniques, lemariage de Fâtima et ‘Alî donne tout demême une grandesatisfaction àMuhammad : la naissance de Hassan et Hussayn, ses deux petits-fils adorés (certainessourcesmentionnent l’existence d’un troisième petit-fils prénomméMuhsin dont on ne sait pas grand-chose 58).Muhammadapourlesdeuxgarçonsunamoursansborne;ilditsouvent:«MonDieu,aime-lescarjelesaime 59»etlesdécritcommeles«deuxfleursparfuméesde[sa]vie»(rayhânatayyaminal-duniâ) 60.LesrecueilsdelaTraditionsontintarissablessurl’affectiondontAbûlQâcimentouresesdeuxpetits-fils:illeurpermetdesautersursonventre 61;pendantlaprière,illeslaissegrimpersursondosetprolongelaprosternationpournepasinterromprelejeudesdeuxpetitsgarçons 62.

OnparlebeaucoupdelaressemblanceentreMuhammadetsespetits-fils«parlevisageetjusqu’aunombril 63 ». Pour prévenir d’éventuelles divergences, la Tradition coupe en quelque sorte lesHassanayn64endeux:leurpèreditque«Hassanressembleàl’EnvoyédeDieudelapoitrineàlatêteetHussayn lui ressemble par la partie inférieure 65 ». On dit queHassan en particulier ressemble d’unemanièreassezfrappanteàsongrand-pèrematernel 66 ;BukhârîrapporteunescèneoùAbûBakrtaquine‘AlîenluidisantqueHassanalestraitsdesongrand-pèreetnondesonpère 67.Unefoisgrand,Hassan,hommefortséduisant,auracommesonaïeulungoûttrèsprononcépourlesfemmes 68.

PourlesCompagnonsdeMuhammad,Fâtimanejouitd’aucuneconsidérationparticulière 69.Aprèslamortdesonpère,ellen’estpas traitéeavecleségardsdusàsonrangdefilleduProphète.DanslaTradition sunnite et shiite, on apprend qu’au lendemain de la mort de Muhammad, ‘Umar attaque lamaisondeFâtimapourforcersonmari‘AlîetquelquesCompagnons,réfugiéschezelle,àvenirprêtersermentaunouveaucalifeAbûBakr 70.‘Umar,brandissantunetorcheenflammée,menacedemettrelefeuàlademeure;desvoixs’élèventpourluirappelerquelafilleduProphèteestàl’intérieur,àquoi‘Umarrépond froidement : « Et alors 71 ? » Sortant la tête découverte 72, signe de grande détresse chez lesfemmesarabes,Fâtimadità‘Umar:«Es-tuvenubrûlermamaison?–Oui,saufsivoussuivezlerestede lacommunauté», répond-il 73, avantd’ajouter :«Envertude la religion fondéepar tonpère, je lepuis 74.»

Cette scène se passe dans une violence inouïe qui n’est pas seulement décrite dans les ouvragesshiites 75.Leslivressunnitesfonteuxaussiétatdel’agressivitéde‘Umarquiauraitcejour-làbrisélessabresde ‘Alî etZubayr 76, certaines relationsdisantmêmequ’il aurait frappéFâtimaavecun fouet77.DesrécitsshiitesaffirmentquelafilleduProphète,alorsenceintedesontroisièmefilsMuhsin,avorterasuiteàuncoupauflancassénépar‘Umaretmourrad’unehémorragiedueàcettefaussecouche 78.Quellequesoitlaraisondesamort,sunnitesetshiitessontunanimespouraffirmerqueFâtimanesurvivraquequelquessemainesàsonpère (de troisàhuitmois) 79, au termed’uneatroceagoniequi la fait fondre,préciseDhahabî 80.‘Alînes’inclineraetneferaallégeanceaunouveaucalifeAbûBakrqu’aprèslamortdesafemme.

Humiliéepar‘Umarquil’attaqueaucœurdesamaison,Fâtimasubitégalementunaffrontdelapartd’AbûBakr.L’amidesonpèrequidevientcalifeladéshériteenlaprivantdesespartsdansl’oasisdeFadaketdans lebutindeKhaybar.AbûBakrprétextequeseloncequ’adit leProphète touscesbienssontundondeDieuettouslesmusulmansdoiventenprofiteraprèssamort81.Fâtimaenestmeurtrie 82et

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s’écrie:«Commevousavezétépromptàvousmontrerinjusteàl’égarddelafamilledel’EnvoyédeDieu83!»Fâtima,spoliéedesonhéritage,agressée,enveuttellementausuccesseurdesonpèreetàsonacolyte ‘Umar qu’elle décide de ne plus leur adresser la parole 84. Pour essayer de trouver unarrangement,lesdeuxcheikhsseprésententunjourchezelle,ellerefusedelesrecevoir.C’est‘Alîquileurouvre laporte tandisque sa femme tourne levisagevers lemurpournepasvoir les«meilleursamis»desonpère 85!Agonisante,Fâtimanotifieunnoncatégoriqueàlaprésencedusuccesseurdesonpèreàsesfunérailles 86.

Comme pour atténuer le caractère choquant du traitement infligé à Fâtima, les ouvrages sunnitesdisentqu’AbûBakr,mourant,exprimedesregretsamersquantàsoncomportementenverslafilledesonami 87.Mais le sort indigne que Fâtima subit au lendemain de lamort de son père prouve clairementqu’elle est incapable de jouer lemoindre rôle politique.Gémissante etmaladroite, elle ne fait pas lepoids devant l’inénarrable ‘Aïsha. Dans les derniers jours de la vie de son père, elle est quasimentabsente,alorsque‘Aïshafaittoutpourouvrirunevoieroyaleàsonpère,AbûBakr…

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XI

‘Aïsha,lasémillantepetiterougeaude

SansdouteAbûBakrdoit-il beaucoupà sa fille ‘Aïshadans sonaccessionau rangdecalife.Lajeune épouse de Muhammad est entreprenante et intelligente ; dotée de l’énergie d’un guerrier etredoutablecommeunthéologien1,elleestconsidéréecomme«laplussavanteetlapluséloquentedesfemmes de la umma 2 ». Elle jouit d’un rang si considérable qu’un jour Muhammad dit à sescoreligionnaires en parlant d’elle : « Prenez la moitié de votre religion de cette petite rougeaude(humayrâ) 3. »Outre ce surnomaffectueux, leProphète la comble de faveurs qui provoquent chez sesautres femmes des protestations permanentes. Un jour que Omm Salama, l’une d’elles, exprime àMuhammadsonmécontentementdevantletraitementoutrageusementfavorableàlafilled’AbûBakr,ellereçoitcetteréponsesansappel:«Gareàtoi!Nedispasdemalde‘Aïsha;sachequel’inspirationnemevientdansleshabitsd’aucuneautrefemmequ’elle 4.»CegenredehadithpeutlaisserperplexecarillaisseentendrequeMuhammadportelesvêtementsde‘Aïsha.LeshadithsoùonvoitleProphèterecevoirsesamisetsafamillehabillédupagne(mirt)desajeunefemmenesontpasrares.Parexemple,quandsesépousesdemandentàFâtimad’intervenirauprèsdesonpèrepourqu’ilcessed’exhibersapréférencepour ‘Aïsha,onvoitAbûlQâcim recevoir sa fille enveloppédupagnede sa jeune femme 5.Cemêmemirt,ditIbnQutayba,sertd’étendardauProphètependantlesexpéditionsmilitaires 6.

Reineduharemprophétique,‘Aïshajouemêmelerôledeprincesseconsort.En628,elleassisteàuntournoid’AbyssinsdevantlamosquéedeMédine,enveloppéedanslacapedesonmari 7.Lorsdesadernièremaladie, leProphèteàdemi inconscientdemandeavec insistance :«Oùserai-jedemain?»,impatient qu’il est d’aller s’installer dans lamaison de ‘Aïsha 8.Cette dernière se vante de l’empriseréelle qu’elle a sur Abûl Qâcim : « Laquelle parmi vous a les privilèges que j’ai ? » dit-elle à sescoépouses 9.Bienqu’illuiassignedenombreusesrivales,‘Aïshagardeuneplaceinébranlableetcommepours’enassurer,àchaquefoisqu’unenouvellerecruearrivedansleharem,elledemandeauProphète:«Est-cequetum’aimes?»,àquoiilrépondqu’ilestliéàellecommeunecordeindénouable 10.

QuandelleépouseMuhammad,‘Aïsha,lafemme-enfant,aenguisedetrousseaudespoupées 11.Elleraconteelle-mêmecommentsamèrelagavededattespourqu’ellegrossisseavantlanuitdenoces.Cejour-là, elle est arrachée à ses amies alors qu’elle joue à la balançoire 12. Comme s’il retombait enenfanceavecelle,AbûlQâcimdeviendrapoursajeuneépouseunvéritablepartenairedejeu,jouantensacompagnieavec ses figurines,notammentuncheval ailéqui amusebeaucoup leProphète 13. Il aime

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couriravecelleetenritauxéclats 14;unjourqu’ilsfontlacourseetqu’ilgagne,ilditàsajeuneépouseenriant:«J’aieumarevanchedeladernièrecourseoùtum’asvaincu15!»Drôleetespiègle,‘Aïshaestun rayonde soleildans laviedeMuhammad.Elle sedéfinit elle-mêmecomme« lapetite joueusedeservice 16»quiintroduitdanslefoyerprophétiqueunegaietéàlaquelleMuhammadvieillissantn’estpasinsensible.OnditqueleProphèteestlui-mêmejoueuretrieur 17.Mêmependantsadernièremaladie,ilplaisanteavecsafavoriteet la taquine.«L’EnvoyédeDieuestarrivéchezmoi trèsfatigué,raconte-t-elle. Ilme trouvemoi-mêmesouffrante. Je luidis :“Ma têteme fait tellementmal !–Ô‘Aïsha,c’estplutôtmoi qui souffre demigraine”, répond-il avant d’ajouter : “Ne t’en fais pas, ‘Aïsha, si tumeursavantmoi,jem’occuperaidetesfunéraillesetjeprieraipourtoi.–Ohquenon,jesuiscertainequelejourdemonenterrement,enfindejournée,tuirasfairel’amouravecunedetesfemmesoutuprendrasunenouvelleépouse”.»AbûlQâcimsouritdelasailliedesajeuneépouse 18.Cetéchangesemblecommeuneprémonitioninverséecarc’est‘Aïshaquiseraplustardla«veuvejoyeuse»!Lapetiterougeaude,devenue veuve à l’âge de dix-huit ans 19, avouera en effet sur son lit demort qu’elle ne veut pas êtreenterrée aux côtés deMuhammad, car elle a connu d’autres hommes après lui 20,malgré l’interdictionexpressefaiteauxveuvesduProphètedeseremarier(ellessontflanquéesdutitredissuasifde«mèredescroyants»).

Denaturesensuelle,‘Aïshaestconnuepoursonaudacesexuellecommelemontrentlesnombreuxhadiths grivois transmis sous son autorité. En réalité, tous les enfants du pieux Abû Bakr sont devéritableslibertins.Cedernierauraitpufonderlapremièredynastierégnantedel’islamsilesBakrites,sesdescendants,n’avaientpasautantaimélesplaisirsetlafête!Lepluscélèbreest‘Abd-al-Rahmân,lefrèreaînéde‘Aïsha,connupoursonsensdel’humour 21etsapoésieérotique:sonhistoired’amouravecLaylaBintal-Jûdîluiainspirédesversenflammésquisontrestésdanslesannales 22.Laniècede‘Aïsha,qui porte lemêmeprénomque son illustre tante, est dotée d’une rare finesse d’esprit et d’unegrandebeauté. Très coquette, ‘Aïsha Bint Talha cherche en permanence les hommages des poètes galants,notamment ceuxdu séducteur ‘Umar IbnAbîRabî‘a.LegouverneurdeLaMecque, leMakhzumite al-HârithIbnKhâlid,enfaitunjourlesfrais:unefois,durantlepèlerinage,pourlesbeauxyeuxde‘AïshaBintTalhadont il estamoureux, ilva jusqu’à retarder l’heurede laprièrede l’après-midiet il attendqu’elleterminesescircumambulationsautourdelaKaabapourordonneraumuezzind’appelerenfinàlaprière,sousleregardconsternédespèlerins;legouverneurestlimogéséancetenante 23.

Quelquessemainesaprèssonmariageavec‘Aïsha,leProphètenepeutdoncplussepasserd’elle.Ilnesupportepasqu’ontoucheàunseuldesescheveux.Ils’empressedelaconsolerquandsonpèreAbûBakr labat24. Jusquedans le rituel religieux,une relation fusionnelleunitMuhammadet ‘Aïsha :pourleursablutions,ilspuisentdanslemêmevase 25.Quandilprie,AbûlQâcimprendpourdirection(qibla)lelitdesajeuneépouse 26.Danscertainesscènesplutôtaudacieuses,onvoitMuhammadfairelaprièresur son lit tout en jouant avec elle 27.Même en plein jeûne du ramadan, le Prophète, nous disent lestraditionnistes,neseretientpasd’embrassersajeuneépouse 28.Pourtant,ilpeutparfoisluiinfligerdescorrectionsphysiques 29,notammentquandill’attrapeenflagrantdélitd’espionnage.Nombreuxsontlesrécitsquidécriventcettemaniechez‘Aïsha,quin’hésitepasàsortir lanuitpoursuivresonmari–ou

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confieràsaservanteBarîra la filature 30.LaTraditionattribueévidemmentcettemanieà la jalousie 31,maisilestpermisdepenserquelapetiterougeaudeestchargéedefourniràsonpèreetsonami‘UmardescomptesrendusréguliersetdétailléssurlesfaitsetgestesduProphète.Cederniern’enestpasdupe.Lors de sa dernière maladie, quand il sort dans la nuit pour prier au cimetière d’al-Baqî‘ et qu’ils’aperçoitque‘Aïshalesuit,ilsemetencolèreetlafrappeviolemmentàlapoitrine 32.

‘Aïshaestaucentredel’undesrécitslespluscélèbresdel’histoiredel’islam:l’incidentduIfk(laCalomnie).Bienqu’ilnesoitpasaucœurdusujetdesonlivresurlesexpéditionsduProphète,Wâqidîlui consacre un chapitre entier dans sesMaghâzî 33, c’est dire à quel point l’épisode amarqué lesesprits.C’est‘Aïshaquiracontel’incidentàsonpetit-neveuquiluidemande:«Raconte-moi,matante,ce qui s’est passé lors de l’expédition deMuraysi‘ 34. » Elle lui répond : « Ô fils de mon frère, leProphète faisait un tirage au sort pour décider qui de ses épouses devait l’accompagner lors d’uneexpéditionet luin’aimaitpasêtre séparédemoi.Durant labatailledeMuraysî‘, j’ai été tiréeau sortavecOmmSalama;surlecheminduretour,jemesuismiseàl’écartpoursatisfaireunbesoinetc’estlàquej’aiperdumoncollier;j’aipassédutempsàfouillerleslieuxetenrevenantjen’aitrouvépersonne;j’airéaliséalorsquelacaravaneétaitrepartiesansmoi.»‘Aïshaestenfaitsimenuequ’onnes’aperçoitpasquesalitièreestvide.LejeuneetbeauSafwânIbnMu‘attal,unbédouindelatribudeSulaym,passeparhasardettrouve‘Aïshaendormie;illaprendsursonchevaletlaraccompagneàMédine.Iln’enfautpaspluspourdéchaînerlesragots.ToutMédinecommenceàjaseretàaccuser‘Aïshad’adultère.

Le Prophète en est meurtri. Il envisage sérieusement le divorce et demande conseil à ‘Alî etOussâma. Ce dernier, qui n’a à l’époque, rappelons-le, que douze ans, est favorable à ‘Aïsha et luiaccorde le bénéfice du doute. Même Zaynab Bint Jahsh défend sa rivale sans doute par solidaritéféminine.‘Alî,enrevanche,auneattitudefranchementhostile;ilvajusqu’àbattreBarîra,laservantede‘Aïsha,pourluisoutirerdesaveux,maiselleprendladéfensedesamaîtresse,soulignantqu’elleestunegrandedormeuseaupointdes’assoupirenpétrissantlapâteàpain,sibienquelachèvrevientmangertoute lapâtesansqu’elles’enaperçoive 35.Désepéréd’obtenirdesaveuxdelaservante,‘Alî lanceauProphète:«Répudie-laetprendsunenouvelleépouse 36!»‘Aïshasauraplustardsavourersavengeancesurlegendredesonmari.

Devantl’ampleurdelarumeurd’adultère,Muhammadestdansundésarroitotal.Lecoupleresteenfroiddurantunmois:leProphèten’apasdepreuveaccablantequilepousseraitàrépudier‘Aïsha,qu’ilaime.Maissonprestigeestenjeusilessoupçonscontinuentàplanerautourdesafemme.SeulDieupeutlesortirdecedilemme;leverdicttombe,unversetcoraniquesecharged’innocenter‘Aïsha:«Ceuxquiontcolportélacalomniesontenpetitnombreparmivous.Necroyezpasquecesoitunmalpourvous,c’estaucontraireunbien.Celuiquicolporteunetellecalomnieaurasapartdetourment.Celuiquis’estrenducoupabledelaplusgrandepartauraunchâtimentencoreplusgrand»(24:11) 37.

Lagrandenotoriétédel’incidentduIfkmontreàquelpointl’adultèreestunequestiontrèssensibledans lasociétéde l’époque.Lechâtimentde la lapidationàmortpouradultèreest surtoutunemenacequ’AbûlQâcimexécuterarement.Lescasd’écartsdeconduiteenmatièredemœurssonttropnombreuxpourqu’ilsongesérieusementàlespunirtous.IlveutsimplementeffrayerlesjuifsdeMédinequi,dit-on,

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profitentdudépartdesmusulmanspourtelleoutellerazziapourtenterlavertudesbravesépousesdessoldatsd’Allâh.Muhammadtraitemêmelesqâ‘idûn (ceuxquinepartentpasaucombat)deboucsquirôdent autour des femelles 38.Renonçant à châtier les innombrables libertins (qui sont souvent de hautrang),Muhammadchoisitplutôtuneméthodepréventiveendéconseillantàsescoreligionnairesderentrerchez eux dans la nuit pour ne pas faire d’humiliantes découvertes 39…Dans la foulée, le verset de lalapidationpunissantl’adultèreestretranchéduCoranoù‘Umar,jusqu’àlafindesesjours,persisteraàdirequ’ill’abienlu40.Ilchercheraenvainàretrouverleversetperdu,ilinterrogera‘Aïshaquiluidiraqueleversetenquestion,écritsurunefeuilledepalmierquiaglissésouslelitduProphète,aétédévoréparunechèvre 41!‘UmarneprendramêmepaslapeinedecommentercerécitfantasqueetcontinueraàclamerhautetfortqueleversetdelalapidationfaitbienpartieduLivredeDieu.MêmeleCompagnonduProphèteUbay IbnKa‘b,pourtant l’undes scribesduCoran,doncèsqualités, tenteradedissuader‘Umar,devenucalife,derestaurerlechâtimentdelalapidation;sansévoquerleversetdisparu,avecunréalismerude,Ubaysecontenteraderappelerà‘Umarqu’ilest impossibled’exécuteruntelchâtimentlorsmêmequesescoreligionnaires«copulentcommedesânes 42»!

Hafsa,l’intelligentefillede‘UmarIbnal-Khattâb,n’ajamaiseulaprétentiondeprendrelaplacede‘Aïsha.D’ailleurssonpère‘Umarlui interditdecontredireoucontrarier lafavorite.«Tun’aspaslesfaveursde‘AïshanilabeautédeZaynab»,luidit-ilavecpragmatisme 43.Lacomplicitéentre‘AïshaetHafsa, malgré leur rivalité, est dans une symétrie quasi parfaite avec la complicité de leurs pèresrespectifs.«Touteslesdeux,nousétionsuneseulemain»,dit‘Aïshadesacoépouse 44.Lesfillesd’AbûBakr et ‘Umar, formant le premier cercle intime du Prophète, gardent unœil vigilent sur leurmari ettiennentleurspèresinformésdetoutcequisepasse.Ellessonttouteslesdeuxinfluentesetrusées,ayantlecaractèrebientrempédeleurspères.DanslesheuresdécisivesquiprécèdentlamortduProphète,AbûBakr et ‘Umar sauront tirer le plus grand profit de la présence de leurs filles au chevet de l’hommemalade.Bienau faitdesambitionspaternelles, ‘AïshaetHafsapréparent le terrainauxdeuxpremierscalifes.LeProphèteestconscientdeleursmanœuvresetonleverradanslesraresmomentsd’éveilquiponctuentsonagoniegrondersévèrementlesdeuxfemmes,etmêmeleurspères.

Lesshiitesvoienten‘Aïshal’instrumentdesmachinationsdesdeuxpremierscalifes.Cetteopinionneparaîtpastotalementinfondée.Avecunauxiliaireaussiprécieux,ilestdifficileàAbûBakrdenepasobtenirlepostedecalife.Etpuis‘Aïshaadesmotivationspluspersonnelles:au-delàdelapiétéfiliale,elleveutsarevanchesur‘Alî,enl’écartantdelasuccession;ellen’oubliepasquelecousindesonmariamisendoutesavertulorsdelasulfureuseaffairedel’Ifk.Installéchez‘Aïsha,leProphètemaladenevoitquasimentplusqu’elle.Ainsi,elleestquasimentl’uniquesourcedetouslesrécitssurlesderniersmoments de Muhammad 45. Alors qu’il est alité et coupé du monde extérieur, objet de toutes lesmanipulationsdelapartdesonentourage,deuxépisodesdécisifsmarquentsonagonie:letestamentqu’ilestempêchédedicteretlapolémiqueentourantladirectiondelaprièrecollective.

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XII

Lacalamitédujeudi:letestamentnonécrit

Pendantsalongueagoniequidureraprèsdequinzejours,leProphètedemandedansunmomentdeluciditédeconsignerparécritsesdernièresvolontés.Taraudéparlesincertitudesconcernantl’avenirdelaumma après samort, il veut sans doute prévenir les contestations inutiles. Il s’agit là de l’un desmoments les plus importants et les plus significatifs des derniers jours du Prophète, évoqué dans lamajoritédesouvragesmajeursdelaTraditionaussibienshiitequesunnite 1.

Lejeudiquiprécèdesamort(4juin632),Muhammadestalitéentourédesesfemmes,desononcle‘Abbâs, du fils de ce dernier, ‘Abd-Allâh, et de ‘Umar (Abû Bakr brille par son absence durant cetépisodeimportant);leProphèteéprouvedevivessouffrancesetdemandequ’onluiapporteuneomoplateet un encrier (katif wa dawât). « Je vais rédiger pour vous un document qui vous préservera del’égarementpour l’éternité»,dit-ilauxsiens 2.Onsaitavecprécisionquandcelaa lieugrâceà ‘Abd-AllâhIbn‘Abbâs,lecousindeMuhammad,quiparledela«calamitédujeudi»(raziyyatal-khamîs),expressionqu’ontrouveaussibienchezlessunnitesquelesshiites 3,maispourquoiqualifiercetépisodede « calamité » lors même que le testament envisagé est censé « préserver les musulmans del’égarement » ? InterrogéparSa‘îd Ibn Jubayr, Ibn ‘Abbâs évoque ce jour honteux enpleurant : «Lejeudi!Etqueljeudi 4!»Seslarmescoulentsursesjouescommeunerangéedeperles 5etmouillentlescailloux6.«Lacalamité,dit-il,lapiredescalamités 7,c’estcequiaempêchéleProphètedeleurécrirecedocumentàcausedeleursquerellesetchamailleries 8.»

Malgré des différences dans les détails, toutes les versions sont unanimes pour affirmer que leProphète,aumomentoùils’apprêteàdicter–ouécrirelui-même–untestament,seheurteaurefusdessiens.L’entouraged’AbûlQâcims’obstineàvoirl’hommemouririntestat9.PourtantMuhammadinsiste 10

etrapportel’injonctiondivine:«Voicicequivousestprescrit:quandlamortseprésenteàl’undevous,sicelui-cilaissedesbiens,ildoitfaireuntestamentenfaveurdesespèreetmère,desesparentslesplusproches,conformémentàl’usage.C’estundevoirpourceuxquicraignentDieu»(2:180).

Danscertainesversions,quandMuhammaddemandedequoiécrire,sonentouragesemblecommesurpris. «Que lui arrive-t-il ?Délire-t-il ? (Ayahjur ?) » s’interroge-t-on11.On échange des regardsperplexes:«Demandez-luides’expliquer(istafhimûh) 12.»Beaucoupdesources,tellerecueilautorisédeBukhârî, leSahîh,concordentsurlefaitquec’est‘Umarquifait toutpourempêcherleProphètede

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dictersesdernièresvolontés.Dansd’autresversionslégèrementplusédulcorées,‘Umarsecontentededireque«leProphèteestsubmergéparladouleur(ghalabahual-waja‘) 13»,end’autrestermesilnesaitpascequ’ildit.IbnHanbaldanssonMusnadsoulignecetteréactionfermementhostile:«‘Umarprotesteetrefuse 14.»Dessourcesimportantescitentlepropretémoignagede‘Umarquiditausujetdutestamentdu Prophète : « Nous avons détesté cela au plus haut point15. » Il est tout demême étonnant que ceCompagnon,leplusfidèled’entretous,aituneattitudeaussiinsolentedevantleProphètediminuéparlamaladie. IbnSa‘ddit que ‘Uthmân, indignépar l’attitudede ‘Umar, refusera pendant longtempsde luiadresserlaparole 16.

Pourjustifiersonrefusd’accéderàlademandedeMuhammad,‘Umarpoursuit:«NousavonsdéjàleCoran, leLivre (Kitâb) d’Allâh, et cela nous suffit. » La formule employée par Ibn al-Khattâb estintrigante :à lamentionduCoran, ilajoute« leLivred’Allâh».Dès lors,unequestions’impose : leCoranexiste-t-ildéjàsousformedelivreduvivantduProphète?Sioui,oùestpassécelivreoriginal?Et quel serait alors le bien-fondé de toutes les compilations duCoran commandées par les différentscalifes?

Dans une autre version intéressante, ‘Umar explique différemment son refus de voir le Prophèteécrire un testament. Quand Muhammad dit : « Apportez-moi de quoi vous écrire un texte qui vouspréserveradel’égarementpourtoujours»,‘Umarrépond:«QuivaconquériralorstelleettellevilledesRûm?JejurequeleProphètenemourrapasavantdelesavoirconquises;ets’ilmeurt,onl’attendracommeBanû Israël [les Israélites] a attendu le retour deMoïse 17. »On remarque ici que le refus de‘Umar est mis en corrélation avec sa réaction de déni dans lesmoments qui suivront immédiatementl’annoncedelamortduProphète.

D’après la version racontée par ‘Umar lui-même, les épouses deMuhammad disent derrière levoile 18 :«N’entendez-vouspasceque leProphètevousdit?Nevoyez-vouspasqu’ilesten traindevousconfiersesdernièresvolontés 19?»Onditquecejour-là‘Umar,commeàsonhabitude 20,grondelesépouses deMuhammad et leur rétorque : «Vous êtes les petites amies de Joseph.Quand le Prophètetombemalade,vousvousfrottezlesyeux,rougesdelarmes;unefoisqu’ilestrevenuàlasanté,vousleprenezàlagorge.»SurceleProphèteréagitenrépondantà‘Umar:«Laissez-lestranquilles,ellessontmeilleuresquevous 21.»DansuneversionparticulièrementexpressivedeladisputequiéclateauchevetduProphète,l’unedesfemmesprésentes(onneprécisepasaujustedequiils’agit)s’écrie:«Malheuràvous!LeProphèteestentraindevousconfiersesdernièresvolontés!»Quelqu’unluirépond:«Tais-toi,tun’aspasdecerveau!»–lecaractèremisogynedelaréflexionlaisseentendrequec’est‘Umarquiparleainsi.LeProphèteluirétorquealors:«Etvous,vousn’avezpasderêves(lâahlâmalakum) 22!»QuellessontcespersonnesqueviselaremarquedeMuhammad?Etsi,commelemontrel’emploideladeuxièmepersonnedupluriel,plusieursCompagnonssetrouventdanssachambreàcemomentimportant,pourquoi ne réagissent-elles pas ? Pourquoi la Tradition ne dit-elle pas un seulmot sur l’attitude dechacun ? Car toutes les versions de l’épisode du testament affirment que la demande du Prophèteprovoqueunediscussiontumultueuse(laghtoulaghw 23)etquelesvoixs’élèvent24.

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Lascènerévèlequel’autoritéduProphèteetcellede‘Umarsontclairementmisesenconcurrence.Eneffet,dansplusieurs relations, lespersonnesprésentes sontdiviséesendeuxclans, lesunsdisant :«DonnezauProphètedequoiécrire»,lesautres:«C’est‘Umarquiaraison» 25.Ilsemblesurprenantde voir la volonté deMuhammad ouvertement contrecarrée par celle de ‘Umar ; or, certains hadithsmontrentquebienavantsamaladie,leredoutableetféroce‘UmarincarnedéjàuneautoritécrainteparlesCompagnons,parlesfemmesdeMuhammad(notamment‘Aïsha)etparleProphètelui-même.‘AmrûIbnal-‘Âsditunjourà‘Umar:«Noustecraignonstous(nahâbuka) 26.»Muhammadditmêmedufuturdeuxièmecalife:«Jevoislesdiablesdeshommesetdesdjinnsfuir‘Umar 27!»

C’estprécisémentcettecrainteque‘Umarinspirequiluipermetd’intervenirrégulièrementdanslesaffaires privées d’Abûl Qâcim ; on sait par exemple qu’il est derrière la prescription du hijâb auxfemmes du Prophète 28. Gardien bénévole et autoproclamé du harem deMuhammad, ‘Umar se permetmêmed’espionnerlesépousesdesonami 29,cequisuscitechezellesunagacementdontellesn’hésitentpasàclairementluifairepart.Même‘Aïshaquiredoutebeaucoup‘Umarluidemandeouvertementdesemêlerdesesaffaires 30 !Un jour,OmmSalamaprotestevivement :«Tuesvraimentétrange,ô Ibnal-Khattâb!Tutemêlesdetout,mêmedelarelationduProphèteavecsesépouses 31!»ZaynabBintJahshfaitdemême,excédée:«Tuesunvraifardeaupournous!Larévélationdelaloidivinealieudansnosmaisons et toi tu oses y intervenir pour imposer ta loi 32. » Une autre épouse deMuhammad lui dit,irritée : «LeProphète enpersonnenedonnepasde leçons à ses femmes ; aunomdequoi le fais-tu,‘Umar 33?»

Ainsi,Ibnal-KhattâbestsouventdécritparlaTraditioncommeenquelquesorteplusroyalistequeleroi,cequilepoussesouventàtenirtêteauProphètelui-mêmeetàcontesterleschoixqu’ilfait,commelorsducélèbrearmisticedeHudaybiya 34.Carcen’estpaslapremièrefoisqu’Ibnal-Khattâbmanquedetact avecMuhammad : lorsde la signaturede l’accorddepaixdeHudaybiyaavec lesQurayshitesdeLaMecque(enl’an6/628),‘UmarditpubliquementdouterdelasincéritéduProphète 35.Eneffet,alorsqueMuhammadetsesCompagnonssesontréunisavecleursadversairesdeQurayshpourlarédactiondupactedepaixetqueMuhammaddictelaformulehabituelle(c’est‘Alîquiécrit):«Aunomd’AllâhleClément,leMiséricordieux…»,lereprésentantdesQurayshites,SuhaylIbn‘Amrû,l’interromptpourluirappelerqueleMiséricordieuxestundieuqu’ilneconnaîtpasetquelaformuledoitêtreselonl’usagedeLaMecque:«Entonnom,ônotreDieu(Allâhumma).»Muhammadcèdemalgrélesprotestationsdesmusulmansprésents.Ilcontinueàdicter:«TraitédepaixentreMuhammad,Envoyéd’Allah,etSuhaylIbn ‘Amrû. » Ce dernier l’interrompt une nouvelle fois en lui rappelant que les Qurayshites ne lereconnaissentpascommel’EnvoyédeDieu:«Siont’avaitreconnucommeprophète,luiditSuhayl,onnet’auraitpasrefusél’accèsàal-bayt[laKaabaàLaMecque].»Muhammadcèdeetaccepted’enleverla mention « Envoyé de Dieu », mais ‘Alî, qui écrit sous la dictée, refuse de consigner cettemodification ;Muhammad prend alors le feuillet et écrit de sa propremain à la place de lamentioncontestée:«CeciestcequeMuhammadIbn‘Abd-Allâhs’engageàfaire :nepasentreràLaMecqueaveclesarmessaufunsabredanssonfourreau36…»LepactedeHudaybiyapeutêtreconsidérécommele premier document laïque de l’histoire de l’islam :Muhammad, renonçant à sa qualité d’Envoyé de

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Dieu,signeletraiténonentantquechefspirituelmaisentantqu’hommed’État,effectuantuneséparationde fait entre le religieux et le politique. Le sens aigu du compromis qu’aMuhammad, en fin stratège,s’avèred’unedéconcertanteefficacitéàtelpointque‘Umar,bienquedésapprouvantcettedémarcheaudébut, finit par reconnaîtreque l’armisticedeHudaybiya a fait gagner à l’islamplusde convertisquen’importequellevictoiremilitaire.WâqidîaffirmequelepactedeHudaybiyaestlaplusbelleconquêtedel’islam37.Lasourate48«LaVictoire»(al-Fath)estrévéléeàcetteoccasion38.

Toutefois,lejourdelasignaturedupacte,aucundesCompagnonsduProphètenesaitapprécieràsajustevaleurce«compromishistorique».Aucontraire,laconcessionfaiteparMuhammad,quireniesafonction prophétique le temps d’une négociation politique, jette ses Compagnons dans un profonddésarroi 39. Ils sont déçus et furieux, voyant là un acte de soumission. Même ‘Umar, qui ne manquepourtantpasd’intelligencepolitique,nes’aperçoitpastoutdesuitedelafinessedelamanœuvredesonamiAbûlQâcim.Fouderage,ils’adresseauProphèteencriant:«Nesommes-nouspasmusulmans?Pourquoi faisons-nous des concessions concernant notre religion ? » Muhammad tente en vain de lecalmeretdeluiexpliquer;‘UmarsetourneensuiteversAbûBakretlesautresCompagnonspourvoirs’ils trouventcommelui l’humiliationinsupportable 40. Ibnal-Khattâbreconnaîtquece jour-là ila tenutêteauProphète(râja‘tuhu)commeilnel’ajamaisfaitauparavant41.Lefuturdeuxièmecalifediramêmeques’ilavaittrouvéàcemoment-làcentpersonnesayantlemêmedoutequelui,ilauraitreniél’islam42!

Et au chevet de son ami mourant, voilà qu’il récidive et met en doute encore une fois lediscernementdesonami;ilestimequeleProphèten’estpasapteàdictercetextequidoit,suivantlesmots deMuhammad, « préserver lesmusulmans de l’égarement pour l’éternité ». ‘Umar pense que leProphètedélireetque«leCoransuffit»,mais‘Umarnesait-ilpasquedanscemêmeCoran,ilestditquetoutcequeMuhammadprofèreestinspirédeDieu43?Ilparaîtclairquedanscemomentcritiquedel’Histoire,‘Umarserévèlecommeunepuissancemontante,cequelasuitedesévénementsconfirmera:c’estluiquicontribueralargement,parsesméthodesmuscléesetsoncaractèreemporté,àladésignationd’AbûBakrcommecalife.

LadescriptionlaconiquedeladisputeauchevetduProphète,dontaucunchroniqueurn’évoquelesujet exact, en dit long sur son caractère compromettant. Ibn Hanbal et Ibn Sa‘d emploient un verbesignifiant à quel point cette dispute contrarie Muhammad : « Ils affligèrent (ghammû) l’Envoyé deDieu44.»Quelauraitpuêtrelesujetdeladispute?SansdoutelesunsveulentqueleProphètes’exprimealorsqued’autresn’ontpasintérêtàcequeMuhammadfassepartdesesdernièresvolontés.Surcela,laTraditiongardeunsilenceassourdissant.

Toujours est-il qu’autour du lit dumoribond la dispute s’échauffe et les voix s’élèvent tant queMuhammad,réveilléd’unesyncope, rappelle tout lemonde :«Iln’estpasbienséantdesedisputerenprésence du Prophète 45. » Les Compagnons ne savent-ils pas que dans le Coran interdiction est faited’élever la voix en présence du Prophète 46 ? Furieux, ce dernier perd patience et congédie tout lemonde : « Levez-vous ! Hors de ma vue 47 ! » Bukhârî rapporte une version qui souligne clairementl’exaspérationduProphètedevantladisputedesesCompagnons;ilditavantderenvoyertoutlemonde:«Laissez-moi,lasouffrancedemamaladiem’estplussupportablequecequevousmefaitessubir 48!»

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Certains récits décrivent un dénouement légèrement différent de l’incident du testament. Après que ladisputeaéclaté,ondemandeauProphète:«Est-cequ’ont’apportedequoiécrire?–Aprèscequej’aivudevous?C’esttroptard!»répond-il,désespéré 49.

Dans la version shiite de la calamité du jeudi, le Prophète aurait dit à ses Compagnons quis’apprêtentàquittersachambre:«Jevoisquevousmedésobéissezalorsquejesuisencorevivant,queferez-vousdoncquandjeseraimort50?»Muhammadajoute:«Jevousdemandedeprendresoindemafamille»,puisildétournelevisageetn’adressepluslaparoleàquiquecesoit.Toutlemondepartalorsetnedemeurentàsonchevetquedesproches:sononcle‘Abbâsainsiquesescousins‘AlîetFadhl.Cedernierluidemande,parlantdupouvoir:«Sicetteaffaire(amr)devaitnousreveniraprèstoi,annonce-nous la bonne nouvelle » à quoi Muhammad répond : « Vous serez humiliés (mustadh‘afûn) aprèsmoi 51. » Une version similaire figure dans les ouvrages sunnites. Comme Omm Fadhl (la femme de‘Abbâs)estassiseauchevetduProphètemaladeetpleure,celui-ci luidemande :«Pourquoipleures-tu?»Elleluidit:«J’aipeurpourtoietj’aipeurdecequelesgensvontnousfairesubiraprèstamort.»Illuirépond:«Vousserezmalmenésaprèsmoi 52.»

Parailleurs,certains rareshadithsdont lachaînede transmissionremonteà ‘Aïsha,quin’estpasd’uneneutralitéabsolue,affirmentquedurantsadernièremaladie,leProphètedemandeàsafavoritedeconvoquer son père Abû Bakr et son frère ‘Abd-al-Rahmân, en lui disant : « Je vais consigner mesvolontés par écrit car je crains que les convoitises soient attisées et que d’aucuns disent “Je suisprioritaire”alorsqueDieuetlescroyantsneveulentqu’AbûBakr 53.»Muhammaddécidededictercetestamentenfaveurdecedernier,avantdeserétracterendisantquec’estinutilecardetouteslesfaçonspersonne ne peut désapprouver la nomination d’Abû Bakr 54. Ce n’est pourtant pas le cas et celui-ciimposerasonautoritédecalifedansunbaindesang.

Certainessourcessunnitesdonnentuneversionsurprenantedel’épisodedutestament,danslaquelle‘Alî joue le rôleprincipal 55.Celui-ci raconte :«Durant sadernièremaladie, leProphètemedit : “Ô‘Alî, apporte-moi un cartilage (tabaq 56) sur lequel j’écrirai ce qui empêchera ma communauté des’égarer après ma mort.” Alors, avoue ‘Alî, j’ai eu peur qu’il ne rende l’âme avant qu’il ne puissel’écrire.»‘AlîditauProphète:«J’aiuneexcellentemémoire,jeretiensmieuxqu’undocumentécrit.»Muhammad, la tête sur le bras de son gendre, commence alors à donner des consignes au sujet de laprière,delazakât(impôt)etdesesclaves;ilprononcelashahâdaetmeurt57.Cettevarianteressemblebeaucoupàcertainesversionsshiitesdel’épisode 58.

Dans le même ordre d’idées, la Tradition aussi bien sunnite que shiite parle d’un mystérieuxdocumentquiseraitdétenupar‘AlîetqueleProphèteluiauraitconfié(‘ahadâ);s’agit-ildutestamentqu’ilvoulaitdicter?‘Alîpossèdeunesahîfa(feuillet)qu’ilaccrocheàsonépéeavecunanneauenferourangedanslefourreaudesonsabre,disantàsescoreligionnaires:«Nous[lafamilleduProphète]nelisons que le Livre de Dieu et ce feuillet accroché àmon épée. » Un jour, un homme lui demande :«Lisez-vous[ildésigneicisansdoutelesgensdelamaison]autrechosequeleCoran?»‘Alîrépond:«Riensaufcequifiguredanscefeuillet59.»Ilgardeprécieusementcedocumentdontilditqueceluiquiy ajoutera un mot sera maudit pour l’éternité 60. Que contient ce mystérieux document au juste ? Les

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versionssontdivergentes:yseraientinscriteslesobligations(devoirs)delasadaqa(aumône) 61ettoutessortesdecommandementsrelatifsàlaloidutalion(qassâs)etauxlieuxsacrésdel’islam62.

Pourlesshiites,cedocumentque‘AlîdétientsetrouvantinitialementdanslefourreaudusabreduProphète 63,ondécouvresonexistenceàlamortdecedernier 64.D’après‘Aïsha,ontrouvemêmedeuxfeuilletscachésdanslefourreaudusabredesonmari 65,etc’est‘Alîquienhérite 66,sansdoutequandilreçoit Dhû-l faqâr, le fameux sabre queMuhammad lui lègue. Ainsi, on constate encore une fois quesunnites et shiites sont d’accord pour présenter ‘Alî comme le dépositaire des dernières volontés duProphète.Étonnamment,certainessourcessunnitesdisentmêmequeleProphèteauraitconfiésoixante-dix(ou quatre-vingts) commandements à ‘Alî, « et uniquement à ‘Alî 67 ». La convergence des versionsémanant des deux camps rivaux ne fait que renforcer l’hypothèse selon laquelle ce feuilletmystérieuxpourraitêtreconsidérécommeuntestamentduProphèteoucommel’équivalentd’unetabledelaloioùsontconsignéslescommandementsdel’EnvoyédeDieu.Ilestànoterqu’ilyaaussiconvergencechezles sunnites et les shiites dans les lois (ahkâm) figurant sur ce feuillet.Évidemment, aujourd’hui nousn’avonspaslamoindretracedecedocumentetaucunesourcedelaTraditionneditcequ’ilestadvenudecetexteprécieux,nin’évoquelesconditionsdanslesquellesilauraitdisparu.

CommepourcomblerlevideincommensurablelaisséparletestamentnonécritparMuhammadetpar ce petit document intrigant qu’il range dans le fourreau de son sabre, on voit les ouvrages de laTraditionattribuerauProphètetoutessortesderecommandationsorales(wasâyâ):lesthèmesrécurrentssontlapersévérancedanslaprière,lesoindûàsafamille,lebontraitementdesesclaves(ilenaffranchitd’ailleurs un grand nombre avant de mourir), des femmes et des Ansars 68. Il demande aussi qu’onaccorde aux députations les mêmes droits qu’il leur a donnés de son vivant69. Le Prophète auraitparticulièrementinsistésurl’applicationdanslaprièreetsurlesoinqu’ondoitàcelles«quepossèdeledextre » (les femmes esclaves), répétant ce commandement comme une litanie 70. On attribue aussi auProphètetroiscommandementsqu’ilformulejusteavantsamort : lepartagedesrevenusdeKhaybaràtrois clans, l’envoi de l’expédition d’Oussâma et l’interdiction de laisser deux religions enArabie 71,allantjusqu’àordonnerl’expulsiondesjuifsetdeschrétiens 72.IlparaîtclairqueMuhammadnesemblenullementsepréoccuperdel’extensiondelareligionqu’ilaprofesséedanslerestedumonde 73.Jusquedans l’agonie du Prophète, on voit l’islam s’affirmer comme une religion ethnique, à tel pointqu’aujourd’huiencorearabitéetislamsemblentfondusdansuneunitéindissociable.

Les derniers commandements dispersés qu’on attribue au Prophète sont également truffésd’imprécationscontre les juifs,désignéscommeses irréconciliablesennemis ; il lesmauditnotamment(avecleschrétiensdanscertainesversions 74)pouravoirtransformélessépulcresdeleursprophètesenlieux de prière 75. Muhammad ne pourra tout de même pas éviter que son propre tombeau ne soittransforméenmosquée!

Un récitde laTraditionméritequ’ons’yattarde.LecousindeMuhammad Ibn ‘Abbâsditque leProphèteadonnéoralementtroiscommandements;Ibn‘Abbâsn’enprécisequedeuxetoublie(oufaitsemblant d’oublier) le troisième : « Expulsez les mécréants de la péninsule d’Arabie ; traitez lesdéputationsquiviendrontversvousdelamêmefaçonquemoi-mêmejelestraitais.J’aioublié,ditIbn

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‘Abbâs,latroisièmerecommandation76 !»Dansdesversionsplusambiguë,onnesaitpassic’estIbn‘Abbâsquioublieletroisièmecommandementousiceluiquirapportelerécit,enl’occurrenceSa‘îdIbnJubayr, veut passer l’information sous silence 77. D’autres auteurs, tout en maintenant une certaineambiguïtédanslaformulation,mettentendoutelabonnefoid’Ibn‘Abbâs,suggérantquesonamnésieestsimulée 78. Si on s’en tient à présent aux deux commandements rapportés par Ibn ‘Abbâs, il sembleévidentquelesconsignesdonnéesparleProphètesontdenaturepolitique;ainsitoutporteàcroirequele commandement oublié est de lamême teneur. Sachant qu’Ibn ‘Abbâs est avec ‘Aïsha la principalesource citée pour les détails sur lamort deMuhammad, cet oubli (réel ou feint) jette une ombre surl’authenticité de ses dires qui se trouvent par là même affaiblis et brouillés par ces amnésiesintermittentes. Le trou de mémoire d’Ibn ‘Abbâs devant une information aussi capitale estsymptomatique ; il s’agit d’un acte manqué qui fait écho à celui du testament que le Prophète a étéempêchédedicter.

L’épisodedu testamentconfisqué soulèvebeaucoupdequestionnements.Onpeutpenserque si leProphète a songé àmettre par écrit ses dernières volontés, c’est parce qu’il n’a pas confiance en sonentourage : rien ne lui garantit qu’ils vont se conformer à ses consignes orales.Que peut contenir cetestament?LeProphèteveut-ildésignerunsuccesseur?Entoutcasilestclairquecequ’ilveutdictern’arrangepasdu tout lesaffairesde sesCompagnons,notamment ‘Umar ; ilsn’ontnullementenviedevoir le Prophète consigner des instructions qui risquent de perturber des plans déjà soigneusementéchafaudés.Craint-onqueleProphètedésigne‘Alîlorsmêmequedesonvivantill’atoujoursécartédesaffaires?LesCompagnonsont-ilssupprimélapreuvedecettemanifestationdesdernièresvolontésduProphèteaprèssamort?

Il ressort de l’examen de l’épisode du testament que la faiblesse de Muhammad est telle qu’ilsembleavoirfaitl’objetd’unesortedeséquestrationsymbolique;personneneveutdonnersuiteaudésirdu mourant. Pourtant, deux ans plus tard, Abû Bakr, le premier calife, est « autorisé » à dicter sontestamentaumomentdesonagonie(etc’est‘Uthmânqui lerédige) ;‘Umarnepeutpass’yopposeretdirequelepremiercalifedélirepuisqu’ils’apprêteàlenommerluicommesuccesseur!Plustard,‘Umaragonisant a le temps de dicter ses dernières volontés, de donner des consignes précises quant à sasuccessionetd’ordonner laconstitutiond’unecommissiondesixhommeschargéed’élire lecalifequidoitluisuccéder 79.Ainsi,leProphèten’aurapaseulachancedesessuccesseurs,privéqu’ilauraétédelaisserunécrittestamentaire!

Dans une attitude confinant au cynisme, Abû Bakr et ‘Umar diront après samort qu’ils auraientsouhaité le voir désigner clairement un successeur.AbûBakr affirme que lui-même, en présence d’undocumentécrit,auraitsuiviaveuglément lapersonnedésignéeparMuhammadetqu’ilseseraitsoumiscomme un chameau tenu en laisse 80. ‘Umar pour sa part tient à peu près le même langage lors del’investiturepubliquedupremiercalifeAbûBakràlamosquée:«LeProphèteestmort;hélas,iln’estplus là pour nous conseiller ou nous donner des consignes 81. » Comment peut-il prononcer une tellephrasealorsqu’ilaprécisémentempêché leProphètede«donnerdesconsignes» !Lesauteursde laTradition,toutentransmettantcesépisodesembarrassants,tententtoutdemêmed’yapporterdesnuances.

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Ainsi,onvoitAbûBakrmourantévoquerl’épisodedutestamentnonécritetexprimerdesremordsàcesujet ; ilavouequ’ilregrettedenepasavoir interrogédirectement leProphètesur lenomdel’hommequ’ilvoulaitdésignercommesuccesseur 82:«Ilyatroischosessurlesquellesj’auraisaiméinterrogerleProphète : son opinion sur sa succession pour que je n’aie pas à la disputer aux gens de sa famille,j’auraisvoulusavoirsilesAnsarsdeMédinedevaientavoirunepartdupouvoiretenfinj’auraisaiméluiposerlaquestionsurl’héritagedelatantepaternelleetlanièce(filledelasœur)carj’aibesoindelesavoir 83.»

Enfin,l’épisodedutestamentnonécritduProphètesusciteinévitablementuneréflexionsurlestatutdel’écrituredanslespremierstempsdel’islam.Uneremarques’imposeicisurlesupposéillettrismedeMuhammad.LefaitqueleProphèteparled’outilsd’écriture(lesossementsetl’encrier)prouvequ’ilal’habitude de tout consigner par écrit. Il a d’ailleurs à cet effet des secrétaires attitrés.Qu’est-ce quil’empêcheàcemomentdeconvoquerl’und’eux?Commeonl’avuausujetdupactedeHudaybiya,ilarrive au Prophète d’écrire de sa propre main. Il suffit de parcourir les chroniques de Tabarî pours’apercevoir que Muhammad a entretenu des correspondances diplomatiques et donné souvent sesrecommandationsécritesauxchefsmilitairesqu’ilenvoyaitenexpédition.Danscertainshadiths,onvoitle Prophète expliquer aux musulmans la question philosophique de la fatalité et de l’espoir en leurdessinant une figure géométrique composée d’un carré et de plusieurs traits, une sorte d’allégorieabstraitede laconditionhumaine 84. Il est curieuxqu’aucundocumentd’unhommecroyant visiblementdanslepouvoirdel’écritureetdelatracen’aitsurvécu!

Lemotif du testament non écrit, refoulé pourrions-nous dire, ainsi que celui de la disparition dufeuilletquisetrouvaitdanslefourreaudusabreduProphèteetque‘Alîdétenait,doublésdel’amnésied’Ibn ‘Abbâs, sont les symptômes révélateurs de la relationproblématiqueque l’islamentretient avecl’écritureet lamémoire.Commeaucundocumentdatantdespremiers tempsdelareligionnaissantenenousestparvenu,lemotifdutextemanquéetceluidel’oublidanslesderniersjoursduProphètereflètentcommeenmiroirlasituationdel’historiographiemusulmaneelle-mêmequis’estforméesurlapériphériedutrounoirlaisséparletexteabsent:aulieudedissimulerlabéance,l’édificeaussiimmensequetardifdelaTraditionnefaitqu’accentuerlescontoursdecevidesidérallaisséparlestextesintrouvablesetlestrousdemémoire.Accrochéeàdeschaînesdetransmissionaussiévanescentesquedescordesdefumée–maisôcombienrésistantes–,laTraditionislamiqueestcommeenapesanteur,suspenduedanslevide,àl’imageducercueilflottantdeMuhammad 85.C’estdecetéquilibreinstablequ’elletiresaforceetaussison«insoutenablelégèreté»…

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XIII

QuiaremplacéleProphèteàlamosquée?

En l’absence d’un document écrit ou dicté par le Prophète et afin de présenter le premier califecomme figure consensuelle, il est admis aujourd’hui qu’Abû Bakr est indirectement désigné parMuhammadcommesuccesseurlégitimequandilluiconfielafonctionliturgiquededirigerlaprièreàsaplace.Toutefois,en lisant lesdifférentsrécitsrelatifsàcettedélégation, leschosessemblentbeaucoupmoins évidentes. Des récits divergents, au cœur même de la littérature sunnite pourtant favorable aupremier calife, viennent brouiller cette représentation lisse de l’Histoire. En réalité, il n’y a aucuneunanimité chez les annalistes arabes autour de la désignation d’AbûBakr pour présider la prière à laplaceduProphète.

CertesMuhammada l’habitudede se faire remplacer : il nommeconstammentdes«doublures»parmisesgouverneurs(‘ummâl),sesauxiliaires,seschefsmilitaires,sesnégociateurs,sespercepteursd’impôtset seshommesdemainàqui il confiedes tâches très importantes 1.Lorsde sesabsencesdeMédine, il a l’habitudededésigner régulièrement des lieutenants 2. IbnOmmMaktûmnotamment a étédésignéaumoinsunedouzainede foispourgérer lesaffairesde lacitéà laplaced’AbûlQâcim ; ceCompagnon aveugle jouit d’un rang considérable auprès du Prophète 3, mais son nom est tombéprogressivementdans l’oubli,éclipsépar les figuresdescalifesauxquels, faitnotable,Muhammadn’ajamaisconfiélesrênesdupouvoirsensonabsence…

LepremiercalifeAbûBakrn’aainsi jamaisétéchargéparMuhammadde le remplacerquand ilquitteMédine.Certes, il luiconfieparfoisdestâchesimportantescommeladirectiondupèlerinagedel’an 9 de l’hégire mais il envoie sur ses traces ‘Alî, avec mission de lire les versets de la sourateBarâ’t 4 ; cettedécisionvise sansdouteàcontrôlerAbûBakret à atténuer lepouvoirquepourrait luiconférer cettedélégation.Bien avant lamaladiedeMuhammad,AbûBakr adéjàdirigé laprière à laplacedumaître.AlorsqueleProphètes’estabsentédeMédinepourarbitrerunconflitentredeuxclansrivaux(lesBanû‘AmrûetlesBanû‘Awf),Bilâlluidit:«LeProphèteaétéretenuapparemment;lève-toi et va diriger la prière. »AbûBakr accepte.Ce dernier est à l’œuvre quandAbûlQâcim arrive àMédine, entre dans lamosquée et traverse les rangées des orants qui commencent à applaudir ; leursapplaudissementssont si fortsqu’AbûBakrse retourneet,voyant leProphète, lui laisse laplacepourcontinuerlaprière 5.LorsdelabatailledeTabûk,AbûBakrofficieégalementàlaplaced’AbûlQâcim

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mais ‘Abd-al-Rahmân Ibn ‘Awf le fait aussi lors de cette campagne militaire qu’il a, rappelons-le,généreusement financée 6. Ce jour-là on nous dit que Muhammad a un mal de ventre qui l’oblige àinterromprelaprièreetàseretirer;c’estalorsque‘Abd-al-RahmânIbn‘AwfprendlerelaisetqueleProphète, revenu entre-temps, continue sa prière derrière lui. À la fin, Muhammad dit d’Ibn ‘Awf :«Aucunprophètenequittecemondesansavoirpriéaumoinsunefoisderrièreunhommevertueuxdesacommunauté 7.»IlestétonnantqueleProphèteaitcesmotspourIbn‘AwfetnonpourAbûBakr,sonfutursuccesseur!

LesdifférentesdélégationsquedonnedoncleProphèten’ontpasunenjeuconsidérableauxyeuxdesesCompagnonstantqueleProphèteestenbonnesanté,d’autantplusqueMuhammadnommeàchaquefoisunepersonnedifférentepouraccomplirtelleoutelletâcheàsaplace.Maislorsqu’iltombemalade,lechoixd’unremplaçantdevientdécisif.Muhammadusedesesdernièresforcespourdirigerlui-mêmelaprièremaislestroisderniersjoursquiprécèdentsamort,ilenestincapable 8.Dèslors,dirigerlaprièreàlaplacedumaîtredanslemomentcritiquedesonagonien’estplusperçucommeunesubstitutionderoutinemaisunevoieroyaleconduisantàlasuccessionpolitique.

Au temps du Prophète, lamosquée est un haut lieu de l’exercice du pouvoir et le théâtre d’unescénographieparticulière:quandleProphèteprésidelaprière,Bilâl,tenantunepetitelancedeparade(‘anza), semetdeboutà sescôtés 9.Celuiquiassure la fonctionde l’imamat (l’imâmest littéralement«celuiquiguide»)estimplicitementreconnupourassurerlecalifat10.Cela,toutlemondel’acompris:les Compagnons et aussi les rédacteurs de la Tradition. Le lien entre la direction de la prière et laprimautéaucalifatestégalementunargumentavancépar‘UmaressayantdeconvaincrelesAnsarsdelalégitimitéd’AbûBakr, lorsde la réunionde lasaqîfadesBanûSâ‘ida 11.UnpassagedesSunand’IbnMâjah12montrequelemomentdeladésignationd’AbûBakrpourdirigerlaprièreestsicrucialquetouslesprotagonistesyprennentpart;c’estIbn‘Abbâsquiraconte:«Durantsamaladie,leProphètedit:“Appelez-moi‘Alî.”‘Aïshaluidit:“Veux-tuqu’onappelleAbûBakr?”Muhammaddit:“Appelez-le.”Hafsaditàsontour:“Onappelle‘Umar?”LeProphètedit:“Appelez-le.”;OmmFadhlditàsontour:“Onappelle ‘Abbâs [il s’agitde sonmari] ?”AbûlQâcimacquiesce.Quand ils se réunissent tous, leProphètelèvelatêteetlesregardeensilence;l’impérieux‘Umardit:“Laissez-lesereposer”,commes’ilvoulaitisolerMuhammad.»

Quand on parcourt les sources musulmanes, on constate que les différents récits relatifs à ladirectiondelaprièreparAbûBakrsontconfusetcontradictoires,reflétantlesdisputesquisurgirontaulendemain de la mort du Prophète. Comme il est difficile de faire un relevé exhaustif de toutes lesversions,nousmentionneronsicilesvarianteslesplusrécurrentes.Cellequi,pourdesraisonspolitiques,s’estimposéeaufildessièclesdanslalittératuresunniteditqueleProphèteaclairementdésignéAbûBakr pour le remplacer dans la direction de la prière, cette délégation justifiant automatiquement sonaccession au rang de calife. De nombreux auteurs rapportent pour accentuer cette nomination que cedernierapriédix-septfoisàlaplacedeMuhammad,pendanttroisjours 13.OnditaussiqueMuhammadauraitmanifestéunegrande satisfactionenvoyant,depuis l’entréede lamosquée, lesmusulmansprierdocilementderrièreAbûBakr.

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Voicilerécitrapportépardenombreusessources 14.Levendredi,lendemaindelacalamitédujeudi,jour de la prière collective hebdomadaire, leProphète chargeAbûBakr d’aller diriger la prière à saplace. Celui-cimonte à la tribune et récite quelques formules de prière ; le Prophète, se sentant trèsfaible,appelle‘Alîet‘Abd-AllâhIbnAbbâsetmarcheappuyésurleursépaulesjusqu’àlamosquéeoùilentre.Quandonlevoitarriver,lespersonnesprésentesmanifestentleurjoieetAbûBakrquiofficiecessedeprier.QuandleProphètes’approche,AbûBakrreculemaisilluifaitsignederesteràsaplaceetluidit : «Continuede faire laprière.»LeProphète s’assoit auprèsd’AbûBakr,qui se lèveaussitôt.LeProphètecommenceàprierassistandisqu’AbûBakr,deboutàsescôtés,répètelaprière:AbûBakrpriederrièreleProphèteetlesgensderrièreAbûBakr.

Cettescèneestricheensignifications:leProphète,aprèsavoirdésignéAbûBakr,vaenpersonnevaliderl’imamatdesonCompagnonenassistantlui-mêmeàlaprière.Lafaçondontlespersonnagesseplacent–AbûBakrderrièreleProphèteetlesmusulmansderrièreAbûBakr–donnel’imagemêmedelasuccession représentéedansunesorted’emboîtement,oùAbûBakrapparaîtcomme lemédiateurentreMuhammad et la umma. Toutefois, il suffit de parcourir les ouvrages majeurs du sunnisme pours’apercevoir que cette représentation idyllique est loin de faire l’unanimité. Elle est non seulementcontestéepar les shiitesmaisdans le campsunnite lui-même,on relèvedesdivergencesmajeures.Unmême auteur peut citer successivement deux versions totalement antagonistes de cet épisode décisif.Selonlesversions,onvoitleProphètedemanderàAbûBakrdedirigerlaprièreàsaplace;parfoisc’estAbûBakr qui prend seul cette initiative ; dans d’autres variantes, le Prophète écarte IbnAbîQuhâfadanslamosquée;dansd’autresencore,MuhammadinviteAbûBakràpoursuivrelaprièreetpriemêmederrièrelui ;enfin,uneautreversionassezintrigantemontreleProphètesedésintéressertotalementdel’affaire et s’abstenir même de donner des consignes dans ce sens. L’examen attentif des différentesvariantesdecetépisode révèleuneprésencesouventpasséesoussilence,cellede ‘Umar,qui faituneapparitionproblématique.

Les principaux récits relatifs à cet épisode émanent de deux sources différentes : Ibn ‘Abbâs et‘Aïsha.Les principauxprotagonistes de la scène sont les épouses duProphète, sononcle ‘Abbâs, sescousins‘Alî,‘Abd-AllâhetFadhl,ainsiquelesdeuxcheikhs,‘UmaretAbûBakr.Nousessaieronsdanscequisuitderendrecomptedesversionsmajeuresqu’ontrouvedanslesouvragessunnitesetdedémêlerla confusion qui entoure cet épisode capital de l’agonie de Muhammad et dont les conséquencesretentissentencorejusqu’ànotreépoque.

DansuneversionplutôtcurieuserelatéeparTabarî 15,leProphètedemandeàAbûBakrdedirigerlaprière et va ensuite le tirer par les vêtements à lamosquée.Ce récit est rapporté par ‘Abd-Allâh Ibn‘Abbâs racontant l’incident à ‘Arqam Ibn Shurahbîl ; ce dernier pose la question au cousin deMuhammad : «Le Prophète a-t-il donné des commandements ? –Non, dit Ibn ‘Abbâs. –Que s’est-ilpasséaujustealors?luidemande’Arqam.–LeProphète,ditIbn‘Abbâs,demandequ’onappelle‘Alî.»‘Aïsha lui suggère : «Et si tu appelaisAbûBakr ? »Hafsa propose à son tour : «Et si tu appelais‘Umar ? » Tous viennent alors. Le Prophète les congédie : « Partez ; si j’ai besoin de vous, je vousappellerai.»Ilsobéissent.L’EnvoyédeDieudemandesil’heuredelaprièreestarrivée.Quandonlui

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répondqueoui, ildit :«OrdonnezàAbûBakrdediriger laprière.–AbûBakr, luidit ‘Aïsha,estunhomme sensible. Demande plutôt à ‘Umar de le faire. » Le Prophète suit le conseil de ‘Aïsha :«Ordonnezà‘Umardelefairealors.»MaisIbnal-Khattâballègue:«Commentoserais-jedirigerlaprièreenprésenced’AbûBakr?»C’estalorsqu’IbnAbîQuhâfaavanceverslemihrâb.Entre-temps,leProphètetrouvequelqueforcepouralleràlamosquée.AbûBakrs’aperçoitdel’arrivéedesonamietrecule.Muhammadletireparsonvêtementetsemetàsaplace.Ils’assoitetreprendlalecturelàoùAbûBakrs’estarrêté.

Cetteversionesttrèsconfuse:leProphèteconvoquetoutlemonde,puisserétracte;enfinonlevoitsuivredocilementlasuggestionde‘Aïshaqui,curieusement,nesoutientpaslacandidaturedesonpère,luipréférant‘Umar.Aprèsavoirdonnésonordre,leProphètevaàlamosquéepourinterromprel’officedirigé parAbûBakr. Le geste deMuhammad tirant sonCompagnon par les vêtements et reprenant saplacemontrequ’ilachangéd’avis.Uneautreremarquepeutd’oresetdéjàêtrefaitesurlerôledesdeuxépousesduProphète‘AïshaetHafsa:quandMuhammaddemandeAbûBakr,celles-cis’empressentdeluisuggérerd’appeler‘Umar,orsicettesuggestionparaîtnaturelleémanantdeHafsa,saproprefille,elleestplutôtsurprenantevenantde‘Aïshaquivisiblementnedéfendpaslacandidaturedesonpèrepourdesraisonsquenousévoqueronsplusloin.

Ibn Sa‘d 16 rapporte une version similaire dans laquelle c’est Abû Bakr qui préfère voir ‘Umardirigerlaprière.LesmusulmansattendentàlamosquéelavenueduProphètepourpriermaiscedernierest trop fatiguéetnepeutpas se relever ; il envoieunmessageàAbûBakr :«Dirige laprièreàmaplace.»Curieusementcelui-ciquiest,nousditIbnSa‘d,unhommesensibledemandeà‘Umardelefaire,or‘Umarluidit:«Maisc’esttoiquiaslaprioritépourlefaire.»

Dansd’autresversionsencoreplusconfusesdumêmeépisode,leProphèteémetunvetosur‘UmaretexprimeunepréférencetrèsnettepourAbûBakr.Muhammaddemandeà‘Abd-AllâhIbnZum‘aIbnal-Aswad 17d’appeleràlaprièreetluidit:«Demandeàquelqu’und’officier»sansdonnerdenomprécis.QuandIbnZum‘asort,ilcroise‘Umar–AbûBakrestabsent,précise-t-on–etluidit:«Lève-toi,‘Umar,etvadirigerlaprière.»‘Umaraccepte.Quandcedernierprononcelaformuledutakbîr(quiannoncelecommencementde l’oraison), leProphète le reconnaît immédiatement car ‘Umaraunevoixde stentorreconnaissableentretoutes;ildemande:«Est-ce‘Umar?»puisajoute:«Non!C’estAbûBakrquidoitprésiderlaprière!»UnevariantedumêmerécitfaitdireauProphète:«OùestAbûBakr?Dieuetlesmusulmansn’acceptentpascela[que‘Umardirigelaprière]!»AlorsonenvoiechercherAbûBakrqui vient diriger la prière suivante. ‘Umar va voir ‘Abd-Allâh Ibn Zum‘a et lui fait des reproches :«Dansquellesituationembarrassantetum’asmis,ôIbnZum‘a!Quandtum’asdemandédedirigerlaprière,jepensaisquec’étaitleProphètequit’avaitdemandédem’encharger!Jejurequejen’auraispasacceptédelefairesijel’avaissu.»Pours’expliquer,IbnZum‘aluirépond:«CertesleProphètenem’apasdemandédet’enchargermaisquandj’aivuqu’AbûBakrétaitabsent,jemesuisditquetuétaisleplusapteàlefaire 18.»

LesrédacteursdelaTraditionrapportentaussiqu’enentendantlavoixde‘Umar,leProphètesemetdevantlaportedesachambre(attenanteàlamosquée)ettendlatêteens’écriant:«Non!Non!Non!

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Qu’IbnAbîQuhâfa dirige la prière 19 ! » Balâdhurî rapporte que le Prophète, furieux de voir ‘Umardirigerlaprière,répètetroisfois:«OùestIbnAbîQuhâfa?OùestIbnAbîQuhâfa?OùestIbnAbîQuhâfa 20?»D’autresrécitsdécriventlamêmeréactionénervéedeMuhammadenentendantlavoixde‘Umar à la mosquée : « Personne d’autre qu’Abû Bakr ne doit diriger la prière 21 ! » L’auteur attirel’attention par lamême occasion sur la différence entre la voix tonitruante de ‘Umar et la petite voixd’AbûBakr,commepoursoulignerl’oppositiondeleurscaractères:lecaractèrecalmeetdouxd’AbûBakropposéaucaractèrebrutaletsanguinde‘Umar 22.IbnSa‘dpréciseàlafinquelorsqueleProphètes’oppose à la présence de ‘Umar, ce dernier s’en va et la prière s’interrompt pour ne reprendre quelorsqueIbnAbîQuhâfafaitsonapparition23.

Onconstateparailleursiciquel’hommequidirigelaprièren’apasétéchoisiparleProphètemaissuruneinitiatived’IbnZum‘aquiesttombé«parhasard»sur‘Umar;AbûBakrestvisiblementabsentdeMédine, ce qui expliqueque leProphète demandeoù il est.L’absenced’IbnAbîQuhâfa concordeaveclefaitquele jourde lamortdeMuhammadilnese trouvepasàMédinemaisdanssarésidenced’été à Sonh24. Cette version ne nous dit donc pas qu’Abû Bakr a réellement dirigé la prière maissouligne, fait non négligeable, que le Prophète interrompt ‘Umar et n’accepte nullement qu’il officie.Évidemmentlevetod’AbûlQâcimestcompréhensiblecarsuiteà l’incidentdutestament(quiseseraitdéroulélaveille),Muhammaddevaitêtrefurieuxcontre‘Umar.

Cette version relatée dans de nombreuses sources de la Tradition révèle deux élémentsremarquables : elle souligne d’une part la colère du Prophète, sentiment qu’il manifeste à plusieursreprises durant son agonie, etmontre d’autre partMuhammad dans une attitude ouvertement hostile à‘Umar. On lit dans les Tabaqât d’Ibn Sa‘d que lorsque le Prophète ordonne qu’on ferme les portesdonnantsurlamosquéeetqu’onnelaisseouvertequecelled’AbûBakr,‘Umarluidit:«Laisse-moiaumoinsuneouvertureparlaquellejepuissetevoirquandtuvasàlamosquée.»Muhammadluirépondparunnonsecetcatégorique 25.

CommeleraconteplusloindanslemêmeouvrageIbnAbbâs,alorsquel’heuredelaprièrearrive,leProphètedit:«OrdonnezàAbûBakrd’officier.»Or,cedernieraumomentdesemettreàlaplaceduProphètes’effondreenlarmes;lesprieursquisontderrièreluicommencentàpleureràleurtourcarilsnepeuventsupporterl’absencedeleurProphète.Pourlaprièresuivante,lemuezzindit:«DemandezauProphètededésignerquelqu’un[d’autre]carAbûBakrs’esteffondréenlarmes.–Ordonnezà‘Umar,ditHafsa, de diriger la prière » (c’est elle qui prend la décision à la place du Prophète). Mais quandMuhammadentendlavoixdeUmar,ildemande:«Quic’estcelui-là?»Sesfemmesluidisent:«C’est‘Umar » et on l’informe de la venue du muezzin. « Vous n’êtes que les petites amies de Joseph(suwayhibâtYûssuf).DitesàAbûBakrdefairelaprière»,leurditleProphète,et‘Abbâsdeconclure:«SileProphèten’avaitpasdésignéAbûBakr,lesgensn’auraientpasobéi 26.»

Ce récit nous apprend que le Prophète a effectivement désigné Abû Bakr, mais que ce dernier,hommesensibleetémotif,commelereconnaîtsafille‘Aïsha,n’estpascapabled’assurerlafonction27.Eneffet,plusieursrelationsaffirmentque‘Aïsha,voyantleProphèteproposerAbûBakrpourdirigerlaprière,luiditd’appelerplutôt‘Umar,écartantsonpèresousprétextequecedernieraunepetitevoixà

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peine audible, il lui arrivemême de pleurer tellement durant la prière que les gens n’entendent plusrien28. Elle rappelle au Prophète qu’à chaque fois qu’il lit le Coran, Abû Bakr est étouffé par lessanglots 29,etvajusqu’àdemanderàHafsadeconvaincreleProphètedenommer‘Umarplutôtqu’AbûBakr 30.HafsaobtempèremaisleProphète,irritéparlesmanœuvresdesesépouses,lesréprimandeetlestraitede«petitesamiesdeJoseph».Hafsa,sesentantprobablementpiégée,setournevers‘Aïshaetluidit:«Jenepeuxrienespérerdebonvenantdetoi 31!»,commesilesdeuxfemmesavaientourdiunplanquivenaitdetournercourt.

CetépisodemetainsienlumièrelerôlecapitaldesépousesduProphète,‘AïshaetHafsa,durantcemomentdécisif.Onvoit tantôtHafsa intervenir sansmêmedemander l’avisduProphètepourdésignerson propre père, tantôt ‘Aïsha dans une attitude très ambiguë recommander la candidature du sien ou,prétextantlasensibilitédecedernier,soutenirlacandidaturede‘Umar 32.Lerôledesdeuxépousesdanscet épisode leur vaut les réprobations de Muhammad (un point sur lequel toutes les versions sontunanimes):«Vousautresfemmes,vousêtesincorrigibles,vousêtestouteslespetitesamiesdeJoseph»,leurdit-il 33,entendantparlàquecesontdesmanipulatricesperfidesdelamêmeespècequecesfemmesquiontdétournéJosephdudroitchemin34.

AuchevetduProphète, ’Aïshaessayedecontrôler la situationen l’absencede sonpère (alors àSonhoudanslecampd’OussâmaauJorf);elleprofiteprobablementdesmomentsd’évanouissementdesonmaripourdonnerelle-mêmedesdirectives.Hafsafaitdemêmedansl’undesrécitscitésplushautoùelle prend l’initiative demandater son père sansmême en référer au Prophète. La position deHafsasembletoutefoismoinsambiguëquecellede‘Aïsha:Hafsadéfendtoujourslacandidaturedesonpère,cequin’estpas lecasde‘Aïsha 35.LeProphèteestétonnédecetteattitudeet l’interroge :«Pourquoin’as-tupasappeléAbûBakr?»Outreleprétextedelasensibilitédesonpère,‘Aïshaavanceunautreargument:«J’aieupeurquelesgensseprennentdehainepourceluiquiprendrataplaceetquel’onconsidèremon père, par superstition, commeun porte-malheur 36. »Ainsi, ‘Aïsha refuse que son pèredirige la prière pour le protéger des regards hostiles car il serait perçupar lesmusulmans commeunoiseaudemauvaisaugure.Cherchantàlepréserver,ellepréfèreexposer‘Umaràlahainecollective.Enréalité, ‘Aïsharedoutepeut-être lecaractèreunpeudoucereuxdesonpèreetpenseque l’énergiqueetintransigeant‘Umarseraplusefficaceauxcommandes.

Ilfautnoterquelarelationentre‘Aïshaet‘Umaresttrèsambivalente:elleleredouteetl’admireàla fois.On supposemêmeunecertaine attirance entre eux, suggéréenotammentpar cette anecdote.Unjour,‘AïshaetAbûlQâcimmangentavec‘Umardansunmêmeplat;quandlamaindelafavoritetouchecelled’IbnAl-Khattâb,cedernierestcommeélectrifiéparcecontactphysiqueets’exclame:«Aïe!Jenedevraismêmepasvousvoir 37 ! »La tentation est visiblement si grandequ’Allâh révèle la sourateimposantlehijâbauxépousesduProphète 38!

Lapolémiqueautourdeladirectiondelaprière(aumêmetitrequel’épisodedutestamentnonécrit)souligne encore une fois que leProphète est ouvertement désobéi par son entourage. ‘Aïsha reconnaîts’êtreopposée(râja‘tuhu)àdeuxoutroisreprisesauProphèteordonnantqu’AbûBakraillediriger laprière,aupointqu’ildoit répétersonordreplusieursfois 39.LaTradition insisteainsisur lacolèredu

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Prophètequigrondesesfemmesetprotestefurieusementcontrelaprésencede‘Umaràlaprière,tirantAbûBakrparsonvêtement.Danscesens,cetépisoderejointceuxévoquésprécédemment(l’expéditiond’Oussâmaetletestamentnonécrit)montrantleProphèteenpermanenceirritéparladésobéissancedesafamilleetdesesCompagnonslesplusproches.Ainsil’attitudedelaTraditionshiite,trèssuspicieuseàl’égarddesdeuxpremierscalifesetdeleursfilles‘AïshaetHafsa,estloind’êtreabusive:mêmelessourcessunnitesaffirmentquelesépousesetlesCompagnonsdeMuhammadn’ontrespecténisesordresnisesvolontésdurantsadernièremaladie.

Pourladirectiondelaprière,lesshiitesontrégléenquelquesorteleproblème.Poureuxlesdeuxmissionssontdifférentes:ladirectiondelaprière(l’imamat)nedonnepasdroitaucalifat40.Deplus,àleursyeuxleseulimamest‘Alîetcelaestirréfutable.Sansprétendreque‘AlîdirigelaprièrependantladernièremaladieduProphète, lesshiitesaffirmentquesi leProphèten’enchargepas‘Alî,c’estparcequecedernierestàsonchevet,veillantsurlui.‘AïshaenprofitepourenvoyersonpèreprieràlaplacedeMuhammaden luidisant :«Ce seraunepreuvequi te serviraplus tard.»AbûBakrentredans lamosquéeetdit :«LeProphètem’aordonnédediriger laprièreà saplace.»UndesCompagnonsdeMuhammad(onnedonnepassonnom)luirépond:«Commentaurait-ilputel’ordonneralorsquetuescenséêtredanslecampd’Oussâma?Jejurequepersonnenet’adonnéuntelordre.»BilâlpourcoupercourtàladiscussionvavoirleProphète,c’estFadhlIbnAbbâsquiluiouvreetBilâlexplique:«AbûBakrestarrivéàlamosquéeetaprislaplacedel’EnvoyédeDieupourdirigerlaprière.»Fadhldit:«MaisAbûBakrn’est-ilpasdansl’arméed’Oussâma?»QuandleProphèteapprendlanouvelledelaprésence d’Abû Bakr à la mosquée, il s’écrie : « Relevez-moi ! Relevez-moi ! Emmenez-moi à lamosquée ; je jureparDieuqu’ungrandmalheurvientdefrapper l’islam!»Sortantdechez lui la têtebandée,appuyésur‘AlîetFadhl, ilentredans lamosquéeetvoitAbûBakrprierentouréde‘Umaretd’Abû‘Ubayda,ainsiquedequelquesautresCompagnons.MaislamajoritédesmusulmansprésentsneprientpasetattendentleretourdeBilâlpartitirerlasituationauclairauprèsduProphète.MuhammadécartealorsAbûBakrdumihrâb ; cedernier recule (cette image se trouvedans les relations sunnitescomme nous l’avons vu plus haut) et c’est le Prophète lui-même qui officie. Après avoir terminé,MuhammadseretourneetnevoyantpasAbûBakr(quis’estsansdouteéclipsépendantlaprière)dit:«Ôgens,avez-vousvucomment IbnAbîQuhâfaet sesamisàqui j’aiordonnéd’alleravecOussâmadanssonarméeontdésobéiàmesordresetsontrevenusàMédinedanslebutdesemerlazizanie 41?»

AbûBakr et ‘Umar profitent ainsi de l’incapacité physique dumaître pourmettre lesmusulmansdevant le faitaccompliet s’imposeravantmême lamortdeMuhammadcommeses remplaçantssur leterrain symbolique de la prière. Les shiites ne manquent pas au passage de souligner les flagrantescontradictionsdelaversionsunnite:leProphèten’auraitjamaisordonnéàAbûBakrdedirigerlaprièrepuisquecedernierétaitcenséêtreabsentdeMédine(ilétaitsupposéêtreaucampduJorfavecl’arméed’Oussâma, en partance pour la Syrie) ; de plus, le jour de lamort du Prophète, les sources sunnitesdisentunanimementqu’AbûBakrestarrivédeSonh(danslabanlieuedeMédine).

LalittératureshiiteaffirmeenfaitqueleProphèteestsiaccabléparlamaladiequ’ilnemanifesteaucune volonté par rapport à la désignation d’un imam. « Qu’ils fassent la prière seuls, je suis trop

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préoccupéparmoi-même 42 »,dit-il.Cetteattitude indifférenteest égalementprésentedans les sourcessunnites, où l’on voit le Prophète se désintéresser totalement de la prière des autres. C’est dans desouvragessunnitesquifontautoritéqu’ondécouvreuneversionétonnante.BilâlarrivechezleProphèteetluidemande:«Quivadirigerlaprièreentonabsence?»,LaréponsedeMuhammadestsansappel:«J’aitransmislemessage,ôBilâl,prieraquivoudra,jem’endésintéresse 43.»Cetteversionestd’autantpluscrédiblequ’elleestenharmonieavecuneidéeexpriméeparMuhammaddanslediscoursprononcéauPèlerinagedel’Adieu:ilatransmislemessage(ballaght),désormaisadviennequepourra 44.

Soulignons enfin que certains récits figurant dans les ouvrages majeurs du sunnisme disentclairementquecen’estpas leProphètequidésigneAbûBakrpourdiriger laprière : l’ordreestvenud’unesourceindéterminée–probablement‘Aïshaet/ou‘Umar.Certainschroniqueursconjuguentleverbe«ordonner»àlatroisièmepersonnedupluriel(quiéquivautenarabeaupronomindéfini«on»):«IlsordonnèrentàAbûBakrdedirigerlaprière»,lit-onsouslaplumed’auteurscommeTabarî,Bayhaqî,IbnSa‘douIbnHanbal,entreautres 45.Ainsi,Muhammadn’aprobablementdésignépersonnepourdirigerlaprièreàsaplace,cequiseraitconfirméparlefaitquependantlesobsèquesduProphète,lesmusulmansfontlaprièremortuairesansimam46.SiAbûBakravaitétédésignéparMuhammad,pourquoin’aurait-ilpas dirigé la prière pendant les funérailles de celui qu’il remplace au sommet du pouvoir ? Pour desraisonsmystérieuses,AbûBakr,commenousleverronsplusloin,esttoutsimplementabsentetn’assistepasauxobsèquesdeson«meilleurami»!Detouteslesfaçons,ilparaîtévidentquedirigerlaprièreneconduitpasautomatiquementàlasuccessionpolitique:quandledeuxièmecalife‘Umaragonise,ilconfieladirectiondelaprièrependanttroisjoursàSuhaybIbnSinânquin’estpourautantpasélucalifeàsaplace 47;c’est‘Uthmânquiremplace‘Umaràlatêtedelaumma.

Cet épisode est très révélateur de la grande confusionquimarque les récits relatifs auxderniersinstants de la vie du Prophète. Les versions successives où on voit le Prophète désigner Abû Bakrsemblent êtredesajouts tardifsqui tententde légitimer sonaccessionaupostedecalife.Lesversionscontradictoiresseraientquantàelleslefruitderévisionshistoriquesnonharmonisées.Laconfusiondesversionsconcernantcetépisodeestproportionnelleàsonimportancestratégiquecommeoutilimparabledelégitimationpolitique:lamosquéeestlelieudupouvoir,lafonctionliturgiqueestconfondueaveclafonctionpolitique,etdoncl’identificationdelaquestiondel’imamatetducalifatfaitquel’imamestlecalife. Les conséquences de cette superposition originelle du politique et du religieux se font sentirjusqu’ànosjoursdanslemondemusulman.

Par ailleurs, l’attitudedeMuhammadpendant cemoment où il désigne– oune désignepas – unCompagnonpourleremplaceràlamosquéenousparaîtédifianteàplusd’untitre.Indépendammentdesenjeuxpolitiqueset religieuxde ladésignationounond’unremplaçant,cetépisodeest trèssignificatifdansl’économiegénéraledurécitdelafinduProphète.IlauraiteulieutrèsprobablementdurantlestoutderniersjoursdelaviedeMuhammad,plusprécisémentlevendredi,jourdelaprièrecollective,c’est-à-dire trois jours avant la mort du Prophète 48. De fait, persuadé de l’imminence de l’instant fatal,l’entourage d’Abul Qâcim, constatant la détérioration de son état de santé, veut profiter du momentsymbolique de la prière du vendredi pour imposer indirectement à l’ensemble de la communauté un

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nouveauchef.Rappelonsquelaveille,jeudi,leProphèteestempêchéparcemêmeentouragededicteruntestamentquidetouteévidencen’arrangelesplansdepersonne.Onarecoursalorsàlastratégiedufaitaccompli, et c’est ainsi que, profitant de l’isolement deMuhammad, les Compagnons et les épousesfinissentparimposerAbûBakr.

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XIV

L’originedumal:empoisonnementoupleurésie?

Nousavonsjusque-làévoquélamaladiedeMuhammadenfiligrane,enendécrivantlessymptômesles plus récurrents, notamment les maux de tête et la fièvre. Mais quel est le mal qui emportera enquelquessemainesleProphète,jusqu’alorsentrèsbonnesantéetmêmedécritcommeunhommerobusteetcorpulent1?Unjour,unefemmes’exclamedevantsongrosventre:«LeventreduProphètem’évoquel’imagedefeuillets(qarâtîs)superposés 2.»Muhammadestunjouisseurquiaimeles tayyibât,délicescélébrésdansleCoran:lesfemmes,lesparfumsetlanourriture 3.LeProphèteestungourmand,frianddeviande,demieletdeconfiseries 4.LestraditionnistesmusulmansdécriventlesolideappétitduProphètedansdesscènesgargantuesquescommecelleoùonlevoitengloutiràluiseullamoitiéd’unmouton5.CespassagesdelaTraditioncontrastentavecceuxquifontétatdelapauvretévolontaire(zuhd)duProphète.

QuandMuhammaddonnedesconsignesà‘Alîausujetdesatoilettemortuaire,cedernierluidit:«Aurai-jelaforcedetelaverseul 6?»Defait,àl’heuredecettetoilettel’undesprotagonistes,FadhlIbn‘Abbâs,soulèvelecadavredesoncousinMuhammadtandisque‘Alîversel’eauetlelave,etauboutd’unmoment,Fadhlnesupportantpluslepoidsécrasantdudéfuntqu’iltientseulàboutdebras,hurle:«Faisvite,‘Alî!Mondosestentraindesebriserendeux7!»Muhammadn’adoncaucunsoucidesantéquiexpliqueàpremièrevuesamaladiesoudaine.

Malgrésasolideconstitutionphysique,ilsouffrecependantdefréquentsmigrainesquil’empêchentdesortirdechezluipendantplusieursjours 8;ilaparailleursdesvertigesquiprovoquentparmomentsdesévanouissementscommecetteétrangesyncopequ’iladurantlabatailledeBadretquiestévoquéedansleCoran9.LeProphèteestaussid’unehypersensibiliténerveusequi lerendphobiquedecertainsphénomènes naturels : l’orage et le vent en particulier le perturbent ; il tremble dès qu’il entend legrondement du tonnerre. « En général les gens sont contents de voir l’orage arriver car la pluie estbénéfique,mais toi tuchangesdecouleurdèsque tuvois lesnuages», lui fait remarquer ‘Aïsha 10.LesifflementduventirritetellementleProphètequ’ilinstituela«prièreduvent11»;saphobiedecertainssonsfaitquequandilentendauloinlaflûted’unberger,ils’éloigneensebouchantlesoreilles 12.CestroublessontassociésdanslaTraditionauxmomentsoùilreçoitlaRévélation;certainstraditionnisteslecomparentmêmealorsàunhommeivre 13.Onsaitàquelpointcegenrededescriptionaservipourétayerl’hypothèsedel’épilepsiechezleProphète 14.

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LecaractèresoudaindeladernièremaladiedeMuhammadfaitplanerunmystèresurlescausesdesamort.Cemystèreestd’autantpluspersistantqu’ilarriveparfoisdansunmêmeouvragedelaTraditiondetrouveruneillustreautoritécommeBukhârîenprésenterdeuxversionscontradictoires:l’uneditqu’ilestmortempoisonné,l’autreaffirmequ’ilasuccombéàunepleurésie.Leplusétrangeestquecesdeuxversions émanent d’une seule source : ‘Aïsha. Qu’elle avance l’hypothèse du meurtre ou celle de lamaladie, la Tradition semble s’attacher àmontrer queMuhammad estmort enmartyr. IbnMas‘ûd, leCompagnonduProphète,dit:«Jejureneuffoisquel’Envoyéd’AllahestmortassassinéetqueDieuafait de lui un prophète et unmartyr 15. »LeCoran lui-mêmegarde une trace d’unmeurtre possible duProphète:«Muhammadn’estqu’unprophète.Desprophètesontvécuavantlui.Retourneriez-voussurvospass’ilmouraitous’ilétaittué?»(3:144).Aprioriceversetserapporteàlabatailled’Uhud(aucoursdelaquellelesmusulmansontcruqueleProphèteavaitétéassassiné)maisilprouvequelamenacedemortplanaitsursavie.

L’hypothèse de l’empoisonnement par une juive de Khaybar figure dans les plus anciennesbiographies du Prophète 16. Pourtant cette version est marginalisée de nos jours. Elle embarrassebeaucouplesthéologiensmusulmanscontemporainsquilaconsidèrentcommeunetentativededénigrerleProphèteetdenuireàsonprestige.Ainsi,lesdocteurslespluséminentsd’al-Azhardemeurentdansuneposition ambiguë quand ils évoquent ce sujet : ils réfutent dans un premier temps la théorie del’empoisonnement sousprétexteque leProphète jouissaitde laprotectiondivine, avantd’affirmerqueMuhammadestfinalementmortempoisonnéetquelefaitqu’ilaitsurvécutroisansàl’effetdecepoisonqui devait le tuer sur le coup peut être considéré comme un miracle 17. Il faut reconnaître que cetteambiguïtén’estquelaconséquencedescontradictionsduCoranquitoutenaffirmantqueleProphètejouitdelaprotectiond’Allâh:«Dieuteprotégeracontreleshommes»(5:67)gardeunetracedel’assassinatpossibledeMuhammad(3:144).

Pour leur part, les islamologues occidentaux contemporains ne semblent pas attribuer à cettehypothèse l’importance qu’on lui a accordée pendant des siècles 18. Ainsi, les ouvrages de WilferdMadelung19etStephenJ.Shoemaker 20passenttotalementsoussilenceunéventuelempoisonnementparlajuivedeKhaybar 21.Bienqu’ilyaitdanslaTraditionuneunanimitéquasitotalesurlefaitqueleProphèteestmortempoisonné,cetteinformationestlargementnégligéeaussibienparlesthéologiensmusulmanscontemporainsqueparlacritiqueoccidentaleactuelle.Évidemment,ilestnécessairedesoumettrecettehypothèseàl’examencritique(cequenoustenteronsdefaire)maiscen’estpasuneraisonpourl’écarterd’office,carquellequesoitsafiabilitéousonauthenticité, l’éventualitédel’empoisonnementdemeuretrèssignificative.

Les auteurs desplus anciennesbiographiesduProphète comme IbnHishâm, reprenant la versiond’Ibn Ishâq 22, ou encore Bukhârî dans un chapitre qu’il consacre à ce sujet affirment que lamort deMuhammad est due à un plat empoisonné qu’on lui a servi àKhaybar.Au début de samaladie,AbûlQâcim comprend très vite d’où vient le mal dont il souffre : « Depuis que j’ai pris le boucon [platempoisonné]quim’aétédonnéàKhaybar,dit-ilà‘Aïsha,jen’aijamaiscesséd’enressentirleseffets;maisàprésentjesensmonaorteserompreparlaviolencedupoison23.»CettephrasedeMuhammadfait

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sansdouteéchoàunpassageduCorandans lequelDieumenacede sectionner l’aorte (abhar) de sonProphètesicelui-cioseluiattribuerinjustementdesparolesqu’iln’apasprononcées:«S’ilnousavaitattribuéquelquesparolesmensongères,nousl’aurionsprisparlamaindroite,puisnousluiaurionstranchél’aorteetnuld’entrevousn’auraitétécapabledes’yopposer»(69:44-47).

Rappelonslesfaits.Enl’an7del’hégire,plusdetroisansavantsamort,leProphèteestconviéàunrepasparunejuivedunomdeZaynabBintal-Hârith24dontlepère,lemarietl’oncleontététuéslorsde l’assaut sur la forteresse deKhaybar. Elle décide de venger lamort desmembres de son clan enservantauProphèteunrôtidebrebisempoisonné.AbûlQâcimestaccompagnécejour-làdeBishrIbnal-Barâ’IbnMa‘rûr;cedernier,aprèsavoirmangéunboutdeviande,meurtsurlecoup 25–est-illegoûteurduProphète 26?Muhammad,quantàlui,mâcheunmorceaupuislerecracheaussitôt.Lalégendeditquel’épaule de la brebis lui a parlé pour le prévenir du poison qu’elle contenait27. Suivant les versions,tantôt on voit le Prophète recracher le boucon, tantôt c’est l’effet du poison qui est comme parenchantementneutralisé ;onditqueZaynabenest si émerveilléequ’elle seconvertit à l’islamsur-le-champ 28.

MuhammadconvoqueZaynabetluidemande:«Qu’est-cequit’aamenéeàfairecela?–Tuasfaitcontremonpeuplecequetun’ignorespas,répond-elle;j’aivoulutemettreàl’épreuveenmedisant:“S’ilestprophète,ilseraavertidelaprésencedupoisonets’ilestroi,onsedébarrasseradelui.” 29»OnditquelesparolesadroitesdeZaynabluisauventlaviemaispersonneneditaujustecequiadvientd’elle 30.Sonsortaeneffetbeaucoupdiviséles traditionnistes,commelereconnaîtWâqidî 31.Certainsavancentqu’elleaétélivréeàlafamilledeBishr,quil’amiseàmort32.D’autresversionsaffirmentqueleProphètel’aexécutée 33parcrucifixioncommelepréciseWâqidî 34;d’autresdisentqu’ill’agraciée 35,cequisemblepeuprobablecaronvoitmalMuhammadfairepreuved’indulgenceàl’égardd’unefemmequiatentédel’assassiner,luiqui,pourquelquesverssatiriques,n’hésitepasàfaireexécuterdespoètescommeKa‘bIbnal-Ashraf 36.

LeProphète,quin’éprouveaucunedouleurjusteaprèslerepasserviparZaynab,ressentpourtanttouslesansunmalaiseàcausedecepoison37.Alors,suivantlesrecommandationsdel’angeGabriel,ilsefaitfairedessaignées(hajm)auniveaudelatêteparsonesclaveAbûHind 38.Auboutdetroisans,lepoison,nousdit-on,parvientaucœurduProphèteetaraisondelui.

Enréalité,onimaginemalunpoisoncontinuerd’agirdansuncorpsduranttroisans,c’estpourcetteraisonque certainsouvragesde laTradition suggèrentque la juivedeKhaybarn’a en fait pasmisdupoisondanslerepasduProphètemaisunsortilègedontl’effetestapparutroisansplustard.Ainsi,danslesTabaqâtd’IbnSa‘d,lechapitreconsacréàlamagienoiredesjuifsprécèdeimmédiatementceluioùilest question de l’empoisonnement de Muhammad 39. De même, Ibn Mâjah, dans ses Sunan, évoquel’histoirede labrebisempoisonnéedans lechapitreconsacréà lamagie 40.RappelonsqueleProphètecraint toujours les sortilèges des juifs, notamment ceux d’un certain Labîd Ibn al-A‘ssam qui tente enpermanencedel’ensorceler;Muhammad,informéparl’angeGabriel,arriveàneutraliserleseffetsdesmauvaissortsqu’onluijette 41.

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Durantsadernièremaladie,leProphèteestvisiblementpersuadéqu’ilestencoreunefoisvictimede lamagienoiredes juifs et se livre àdes rituelsd’exorcisme : il lit lesdeuxdernières souratesduCoran(lesmu‘widhatayn) 42 et pratique lenafth (il souffle sonhaleine sur sesmainspuis se frotte lecorps) 43.Quandsonétatdesantés’aggrave,c’est‘Aïshaquiselivreàcerituel 44.Cetteversionoùonvoit les juifs accusés d’avoir ensorcelé le Prophète renforce les doutes sur l’hypothèse del’empoisonnementdéjàinvraisemblable,carcommentunboutdevianderecrachéaurait-ilpuêtrefatal?

En fait, si laTradition a largementdiffusé le récit de l’empoisonnementpar la juive,malgré soninvraisemblance, c’est parce que cette hypothèse offre beaucoup d’avantages : elle permet d’imposerl’image du Prophète martyr 45 et d’accabler les juifs en les présentant comme des prophéticidesrécidivistes (accusationredondantedans leCoran46), le faitdedésignerunefemmecommel’auteurducrime associant la haine antijuive à la misogynie (la combinaison peut plaire !) 47 ; par ailleurs, enincriminantlesjuifs,ondissimulesansdoutelescausesréellesdelamortdeMuhammadetonécartetoutsoupçonquipourraitplanersurl’entourageduProphète.

Les shiites adhèrent à l’hypothèse de l’empoisonnement car ils sont séduits par le motif dumartyre 48. Ils rappellent queMuhammad lui-même dit que les prophètes et leurs successeursmeurenttoujoursenmartyrs 49.Latraditionshiite,toutenreconnaissantl’existencedubouconserviparlajuive,nientqueleProphèteenaitmangé:l’épauledelabrebisluiaparlépourleprévenir 50.CertainsauteursshiitescommeMajlisîaccusent‘AïshaetHafsad’avoirempoisonnéleurmariaveclacomplicitédeleurspèresAbûBakret‘Umarpours’emparerdupouvoir,maisl’angeGabriell’ayantprévenuafaitéchouerleur plan51.Majlisî demeure toutefois ambigu car il affirme enmême temps que la juive deKhaybarauraitpuelleaussiempoisonnerMuhammad 52.LeProphèteseraitainsimortdel’effetcombinédedeuxpoisons. L’ambiguïté de la position des shiites vient du fait qu’ils se sentent mal à l’aise devantl’hypothèsede l’empoisonnementpar la juive ; reconnaîtreque leProphèteenestmortsignifieraitqueZaynabavaitraison:n’a-t-ellepasditques’ilétaitprophèteilseraitsauvé?DansleKitâbSulaym,onvoit ‘Alî demander au Prophète : « Parmon père etmamère, peux-tumourir assassiné ? – Jemeursmartyrpar lepoison, lui répondAbûlQâcim,et toi tumourrasassassinépar leglaiveet tabarbeserasouilléedusangquisortiradetatête;monfilsHassanseraempoisonnéetmonfilsHussaynmourrad’uncoupde sabre 53. »On raconte dans la littérature shiite queHassan agonisant dit qu’il est en train demourirempoisonnécommesongrand-père 54!

L’hypothèsedel’empoisonnementétantproblématiqueàplusd’untitre,lestraditionnistesdevaienttrouveruneautrecauseà lamaladiefataleduProphète.Etc’est làqu’onvoitsurgir l’idéequ’ilseraitmortd’unepleurésie(dhâtal-janab).Pourvalidercettehypothèse,certainshadithsassocientlapleurésieà lamort enmartyr 55 ; d’autres au contraire l’invalident en la définissant comme la « possession deSatan»quinesauraitatteindrelesprophètes 56.DanssesTabaqât,IbnSa‘dracontequelamèredeBishr,CompagnondeMuhammad, rendantvisite auProphète, lui dit : « Jen’ai jamaisvuquelqu’un souffrird’une fièvre commecellequi t’accable.–Dieumultiplie la souffrancepourmultiplier la récompense,répond-il.–Lesgensdisentquetuesatteintdepleurésie»,dit-elle,àquoi ilrétorque:«Dieunemel’infligerajamais;c’estunemaladiesatanique;enfaitjesouffredecerepasquej’aiprisavectonfilset

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je sens que le boucon va me rompre l’aorte 57. » En réalité, loin d’étouffer l’hypothèse del’empoisonnement, celle de la pleurésie mortelle augmente la confusion et souligne le caractèremystérieux du décès. Dans une certaine mesure, elle rejoint celle de l’empoisonnement : une scènerapportéeparlaTraditionditquel’entourageduProphète,persuadéquecederniersouffredepleurésie,lui administre contre son gré un remède suspecté d’être un poison qui ne fait qu’accélérer la fin ; ceremèdeestdonnéauProphèteledimanche,laveilledesamort58.

Voicilasynthèsedecetépisodeétrange 59.AbûlQâcimestentourédesesépouses,desabelle-sœurAsmâ’Bint ‘Umayset de sononcle ‘Abbâs.Muhammad refuse le remède.«Onavoulu lui donner lemédicament,rapporte‘Aïsha,pendantsamaladie,maisilnousafaitsignedenepaslefaire;onapenséd’abord que c’était parce que lesmalades détestent lesmédicaments. » PuisMuhammad a une légèresyncope et on profite de son évanouissement pour lui mettre le remède sur les commissures de seslèvres 60. À son réveil, Muhammad s’en rend compte. « Quel est le médicament que vous m’avezadministré?»demande-t-il,furieux.Onluirépond:«Leboisindien(al-‘ûdal-hindî) 61.–Quivousademandédelefaire?–Asmâ’Bint‘Umays.–C’estunremèdequ’elleaconnuenAbyssinie 62;quelestlemalquevouscraignezpourmoi?demandeMuhammad.–Lapleurésie,luidit-on.–Non!Dieunepeutpasm’infligercettemaladie»,réplique-t-il 63.LeProphèteesttellementfâchéquesonentourageluiaitdonné lemédicament contre songréqu’enguisedepunition, il ordonneà chacundeprendre lemême«soussesyeux»,saufsononcle‘Abbâs 64.Toutlemondes’exécute 65,mêmesafemmeMaymûnaquifaitle jeûne ce jour-là n’échappe pas au châtiment66. Certaines versions affirment que seules les femmessubissent la punition67, c’est-à-dire quelques épouses du Prophète (on cite uniquement ‘Aïsha, OmmSalama etMaymûnamais d’autres sont probablement là) ainsi qu’Asmâ’ Bint ‘Umays, sa belle-sœur.D’autresauteursquiemploientlemasculinpluriellaissententendrequetouteslespersonnes,hommesetfemmes–hormis‘Abbâs–,sontpunies 68.

Pourtant de nombreux auteurs affirment que ‘Abbâs est l’instigateur de ce geste : c’est lui quidemandequ’ondonnelemédicamentauProphèteàsoninsuetsoninitiativeestdénoncéeparlesfemmesprésentes 69.Maisl’oncledeMuhammadestécartédelapunitioncollective,cequiseraitsansdouteuneprécautionprisepar les rédacteursde laTradition : écrivant sous le règnedesAbbassides, il est fortprobable qu’ils aient pris soin de préserver l’ancêtre de ces derniers en ne l’impliquant pas dans cechâtimenthumiliant.

Parlantdumédicamentqu’ilreçoitàsoninsu,leboisindien(oucostusmarin),leProphèteditquec’estunremèderapportépardesfemmesvenuesdecettecontrée,etilindiquedelamainladirectiondel’Abyssinie;Muhammadconnaîtbienleremèdequ’onluidonneàsoninsu,ilenvantemêmelesméritesdans l’undeseshadithsoù ilditque lebois indienguéritdeseptmaux:«Queceluiquiaunmaldegorge l’inhale, et que celui qui souffre de pleurésie en mette au coin de la bouche 70. » Ainsi, sonentourage ne fait que se conformer à ses recommandations en lui donnant cemédicament.Mais alorspourquoirefuse-t-ildeprendreunremèdedontilvantelui-mêmelesvertus?Parcequ’ilnereconnaîtpasêtreatteintdepleurésiecarc’estunmalsataniquedontsonstatutdeprophète lepréserved’office.OrMuhammadnesecontentepasdeprotestercontreceux(oucelles)quiluidonnentlemédicamentcontre

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son gré, il ordonne que toutes les personnes présentes dans la chambre prennent le même remède.Pourquoi leProphètedemanderait-ilunechosepareille s’iln’avaitpasundoute sur lanaturedecettepotion qu’on lui a mise sur les lèvres ? Pense-t-il qu’il s’agit d’un poison qu’il veut tester sur lesmembresde sa famille ?Ladécisionprisepar leProphètedepunir son entourage endit long sur sessoupçons!Ilfautreconnaîtrequelesnombreusestentativesd’assassinatdontilestl’objetlepoussentàavoir une attitude très méfiante même à l’égard de son cercle intime. Il redoute notammentl’empoisonnement,cequecertainsépisodesdesaviedisentclairement.Parexemple,quandlesbédouinsluioffrentdesvictuailles,Muhammadobligeceluiquiluiprésentelerepasd’engoûteravantlui.Citantle témoignagede‘Umar,al-Bakrîditque« leProphèteun jourqu’ilestàal-Qâhasefaitoffrirparunbédouinunlapin;or,ilnemanged’unenourriturequelorsqueceluiquilaluioffreenmangeavantlui.Ilditaubédouinquiluioffrelelapin:“Manges-end’abord” 71».

De plus, cet épisode de la médication forcée comme celui du testament dont il est empêchéconfirmentqueleProphète,constammentdésobéietcontrariéparsonentourage,esttraitéàlafindesavie comme un irresponsable. Cette scène souligne aussi l’humeur irascible de Muhammad durant sadernièremaladie,agressivitéquiinspireprobablementlespartisansde‘Alîdanslacompositiondeleursrécits.Lesshiitesdisenteneffetqu’AbûlQâcimestempoisonnéparcemédicamentqu’onluiadministreàsoninsuledimanche;ilsseplaisentàciteràl’appuileslivressunnitesoùilstrouventl’indicequeleProphètereçoitmêmece«poison»àdeuxreprises.IbnAbî-l-Hadîdvajusqu’àaffirmerquel’ondonnelemédicamentundimancheetqueleProphètevomitdusanglelundi;c’estcejour-làqueMuhammadquitte ce monde 72… Mais si, comme le soutiennent les shiites et le Mutazilite Ibn Abî-l-Hadîd,lemédicamentadministréauProphètecontresongréestunpoison,commentexpliquerquelesmembresdesafamille,forcésd’enprendre,n’enmeurentpaseuxaussi?Serait-ceunequestiondedosage?LeProphèteaurait-ilsubiunempoisonnementprogressifetleremède-poisonquiluiaétédonnélaveilledesamortn’aurait-ilfaitqu’acheverunprocessusd’intoxicationcommencéquelquesjoursplustôt?Cequiexpliquerait que les personnes présentes à son chevet, n’en ayant pris qu’une seule fois, ne ressententrien. En tout cas, il paraît clair que le Prophète doute sérieusement de son entourage, ce que laissententendreaussibienlessourcessunnitesqueshiites.

LaconfusiondelaTraditionsurlacausedelamortdeMuhammadestsansdoutel’indicequ’elletente (maladroitement) de dissimuler un crime. Et puis si le Prophète étaitmort demaladie, commentexpliquerqu’aucunmédecinne l’ait ausculté ?On sait qu’à l’époque lesmédecinsnemanquentpas àMédine 73 ; on les voit interroger le Prophète sur le caractère licite de l’utilisation de telle ou tellesubstance 74.Dansl’entouragedeMuhammad,onal’habitudedeconsulterlesmédecins:mortdeuxansseulementaprèsleProphète,lepremiercalifeAbûBakragonisantseravuparl’und’eux75;ledeuxièmecalife‘Umar,mortellementblessé,seramêmesoignépartroismédecins 76.OnestdèslorsendroitdesedemanderpourquoilafamilledeMuhammad,devantl’aggravationdesonétatdesanté,nefaitpasvenirunhommedel’art.Quecachecetteattitude?EncherchantlavéritablecausedelamortduProphète,onseheurteainsiàdenombreusesincohérencesetàunemultitudedequestionssansréponsequirenforcentdesdoutesquepersonnen’estenmesuredelever…

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Par ailleurs, le caractère soudain de la maladie de Muhammad et sa mort plutôt rapide nouspoussentànousinterrogersursonâgeaumomentdesamort.LaTraditions’accordeàdonnerl’âgedesoixante-trois ans (soixante-cinq dans certaines variantes 77), un âge plutôt avancé pour l’époque. Or,certainsindicespeuventnousinciteràmettreendoutecetteinformation.Interrogésurl’âgeduProphèteàsamort,unCompagnondeMuhammadrépond:«Àsamort,ilétaitcorpulent,beauetenbonnesanté;ilétaitdanslavigueurdesajeunesse 78.»Danscertainessources,onlitletémoignagede‘Abd-AllâhIbnBishr, l’undesCompagnonsdeMuhammad, àquiondemande : «LeProphète était-il vieux?–Non,répond-il, il était trop jeune pourmériter ce qualificatif ; il avait juste quelques poils blancs dans samouche(‘anqafa) 79.»Enfait,nombreuxsontlestémoignagesaffirmantqueleProphèteaumomentdesamortaàpeineunevingtainedepoilsgrisonnantsdanssabarbe 80.Sescheveuxblancs(shamatât)sontsiraresqu’onpeutlescompter 81.Muhammad,quirecommandel’usagedelateintureauhenné,n’ajamaiseubesoind’yavoirrecours(cariln’estpassuffisammentvieuxpourlefaire) 82,cequin’estpaslecasd’AbûBakr et ‘Umar qui se teignent fréquemment pour cacher leurs cheveux blancs 83. Déjà quand leProphète émigre àMédine, seulAbûBakr est vieux, il est du reste le plus âgéde sesCompagnons 84.QuandonlevoitavecMuhammadencore jeune(shâb),préciseIbnQutayba,ondemandeauvieilAbûBakr :«Quiest ce jeunehommequi t’accompagne 85 ?»Audébutde laprédicationdeMuhammadàLaMecque,dans lesautres tribusarabesauxquelles il s’adresse,onditenparlantde lui :«Un jeunehomme (fatan) de Quraysh est venu nous voir 86 » – pourtant à l’époque, il est supposé êtrequadragénaire.

Beaucoupd’indicesnousinvitentdoncàpenserqu’iln’estprobablementpassexagénaireaumomentdesamort,plutôtâgédecinquanteans(voiredequarante!).Eneffet,unecurieusetraditionfaitdireàMuhammad : « Pour chaque prophète la date de sa mission correspond à la moitié de l’âge de sonprédécesseur.Audébutde saviepublique, ‘Îssâ (Jésus) comptait quarante ans.Moi j’ai été envoyéàl’âgedevingtans 87.»

Enréalité,sileshistoriensrencontrentdesdifficultésàdéterminerl’âgedeMuhammadaumomentdesamort,c’estparcequesadatedenaissancen’ajamaisétéfixéeavecexactitude.Onsituesouventsanaissanceversl’an570parrapportàlafameuse«annéedel’éléphant»,étrangeappellationdontonnesait pas grand-chose. Les contemporains de Muhammad ne connaissaient pas eux-mêmes la date denaissance de leurProphète, si bien que quand il a institué le nouveau calendriermusulman, ‘Umar, ledeuxièmecalife,adûchoisirunrepèremoinsincertain:l’émigrationàMédine(hijra,«hégire»)donttoutlemondeavaitunsouvenirprécis 88.

La rédaction de la biographie du Prophète a certainement obéi à des considérations plutôtsymboliquesetnonhistoriquesquin’ontfaitquebrouillerdavantagelesrepèreschronologiques.Ainsi,sion a situé l’âge de la Révélation à quarante ans, c’est parce que cet âge est un lieu commun de lalittérature proche-orientale, correspondant à la maturité mentale et physique. Faute d’exactitudechronologique, l’écriture de la biographie deMuhammad a ainsi été bâtie sur des artifices littérairesfondéseux-mêmessurdesanaphoresetdessymétries.C’estcequiexpliquenotammentque lesgrandsévénementsdelavieduProphèteaientétésituésunlundiaumoisderabî‘1er:sanaissance,sondépart

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deLaMecqueversMédine(le12dumois)etsamort(le13dumois) 89 ;àunjourprès,onavaitunesymétrieparfaiteentrelestroisévénements 90.

Parailleurs, siona retenu l’année632pour ledécèsdeMuhammad,c’estparcequ’ellecréeunéquilibreavecl’année622,dixanssymbolisantl’accomplissementcommel’avoueTabarî,quisoulignepar làmêmeexplicitement l’artifice littéraire 91. Il fautnoterque cettedate est sérieusement remise encause par diverses sources non musulmanes quasiment contemporaines de l’événement qui affirmentqu’en634MuhammadétaitencoreenvieetsetrouvaitàGaza 92,commenousleverrons!

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XV

LeProphètesemeurt

Malgrélesdivergencessurlediagnostic,personne–niAbûlQâcimnisonentourage–n’adedoutesur l’issue fatale de la maladie du Prophète. Les deux futurs premiers califes Abû Bakr et ‘Umars’aperçoiventenécoutantlesparolesprémonitoiresdeleuramiquelafinestproche:lepèrede‘Aïshas’effondreenlarmesaprèslediscoursdurepentiràlamosquée 1;quelquessemainesplustôt,‘Umar,quipourtantnieraenbloclamortduProphète,auraétéparadoxalementlepremieràréaliserl’imminencedudécèsdeMuhammadjusteaprèslediscoursqu’ilprononcelorsduPèlerinagedel’Adieu2.OnditqueMuhammadlui-mêmeannoncesondépartunmoisplustôt;regardantsafamillelesyeuxenlarmes,ildit:«Lemomentde la séparationapproche 3. » Il donnemêmedes consignesprécises sur le rituelde sesfunéraillesenprécisantqueseulssesprochesdoiventparticiperàlatoilettemortuaire 4.

Fâtimaaurait été lapremière à apprendre en confidenceque sonpère est sur lepointdemourir.C’est‘Aïshaquirapporte ladiscussionentreMuhammadetsafille :«Toutes lesfemmesduProphètesontdanssachambre,lorsqueFâtimaentremarchantd’unpastoutsemblableàceluidesonpère.Sitôtqu’illavoit,illuidit:“Soyezlabienvenue,machèrefille”;illafaitasseoirauprèsdeluietluidittoutbasunsecretà l’oreille.Aussitôt,Fâtimaéclateensanglots.Lavoyant simalheureuse, leProphète sepencheverselleetluimurmurequelquechoseàl’oreilleetlàellerit.»Intriguée,‘Aïshademandeàsabelle-filleceque leProphète luiadit.«Cequ’ilm’adit lapremière fois, lui répondFâtima,estquel’angeGabrielalacoutumed’apparaîtreunefoisparanavecleCoranetquecetteannée-ciilafaitdeuxapparitions.“Jenelereverraiplus”,m’a-t-ildit.J’enaipleuré.Quandilm’avuesitriste,ilm’aconfiéalorsunautresecret:“ÔFâtima,sachequetuseraslapremièredemafamilleàvenirmerejoindredansl’autremonde.”Et c’est cequim’a réconfortée etm’a fait sourire 5. »Eneffet,Fâtimamourrapeudetempsaprèssonpère 6.

Quelquesmoisavantsamort, leProphètecessederecevoir laRévélation.LesvisitesdeGabrieldeviennentdeplusenplusrares.L’angeestvenudeuxfoisdurantlemoisderamadandel’an10pourfaireavecleProphèteune«révisiongénérale»detoutleCoran7.CetteinformationdemeuretoutefoistrèscontestablecarenparcourantlesdifférentesexégèsesduCoran,onapprendqueledernierversetestrévéléàMuhammadquelquesjours,voiretroisheuresavantsamort8:«RedoutezunJourdurantlequelvousreviendrezàDieu;unJouroùchaquehommerecevraleprixdesesactes;unJouroùpersonneneseralésé»(2:281).Deplus,Gabrieln’auraitpaspufaireunerévisionduCoranaumoisderamadan

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del’an10card’aprèslesexégètes,onsaitquequelquessemainesplustardilrévèled’autressourates,entreautres«L’Araignée»(29)et«LeSecours»(110).

Quoi qu’il en soit, peu de temps avant de mourir, Muhammad est plongé dans une profondeinquiétude:lesderniersévénementsdesavien’aurontétéqu’unesuccessiondemalheursetdemauvaisprésages.QuelquechosedetragiqueplanesurlafinduProphètedel’islam.Autourdelui,l’agitationdeson entourage augmente la peine deMuhammad et son amertume : combiende fois durant sa dernièremaladiesa familleetsesCompagnons lecontrarientet luidésobéissent !LeProphète,meurtri, semblecommelivréàlui-même,éprouvantmêmeunsoulagementàl’idéedequitterprochainementlemonde.

MaisMuhammadpartaussiaveclesentimentdudevoiraccompli;cesentimentselitenfiligranedans sesparolesdurant lesderniers instantsde savie. Il répèteavoir transmis (ballaght) lemessage,commedanslediscoursdel’adieu.Plustard,onl’avu,quandBilâlluidemandequidoitleremplaceràladirectiondelaprière,Muhammadluirépond:«J’aitransmislemessage,ôBilâl;prieraquivoudra,jem’endésintéresse 9.»Jusquedanslesmomentslespluspéniblesdesonagonie,onl’entenddemanderàAllâh:«MonDieu,ai-jetransmis?»,répétanttroisfoislaquestion10.Muhammadestvisiblementpluspréoccupéparlesuccèsdelatransmissionqueparcelui,incertain,delaréceptiondumessagedivin:leProphèteparaîtsatisfaitd’avoirfaitsapart ;enrevanche,surcequelesmusulmansferontdumessagetransmis,ilsemblepourlemoinssceptique.Lethèmedeladivisiondelacommunautéestrécurrentdansles paroles du Prophète durant les derniers instants de sa vie 11. C’est ce que donne à lire la scèneéminemmentthéâtraledesavisitenocturneaucimetièreoùonlevoitconfiersondésarroiauxmorts.Ilfaitcesoir-làdesombresprédictionssurl’avenirdel’islam12.

DanslesdifférentsrécitsrelatifsauxderniersjoursduProphète,etmêmeantérieurement,onattribueàMuhammadplusieurs hadiths dans lesquels il annonce la divisionde sa communauté. « Je ne crainsguère,dit-il,quevousretombiezdanslamécréanceaprèsmamort;cequejecrainspar-dessustout,c’estla rivalitéquinaîtraentrevousàmamort13. »LeProphètepréditque sacommunauté seradiviséeensoixante-treizegroupesdontunseuléchapperaauxfeuxdel’enfer 14;ildemandeàsesCompagnonsdenepassedisputeraprèssamortcommecelaaété lecasdesapôtresdeJésus 15.Cettepréoccupationsurl’unionde laumma figureenfiligranedans le textecoraniqueoùDieurecommandeauxmusulmansdecombattretoutevelléitédedivisionmêmesiceladoitentraîneruneguerrefratricide 16.Laforteprésencedu thème de la discorde montre à quel point l’impensé historique des musulmans est marqué encoreaujourd’huiparcetteobsessiondelaviolenceinternequidoitenpermanenceêtrecontrôlée.

LepessimismedeMuhammadquantà l’avenirdesacommunauténefaitqu’augmentersadouleurphysique. « Je n’ai jamais vu un homme souffrir dans son agonie autant que l’Envoyé deDieu », dit‘Aïsha 17.LaTraditionaccordeuneplaceimportanteàladescriptiondelasouffranceduProphètedurantsonagonie,s’appropriantainsiunmotiflittérairequin’estpassansrappelerlapassionduChrist.C’estAbûlQâcimlui-mêmequisoulignecetteanalogie,lorsqu’ilcomparel’atrocitédesonagonieàcelledesprophètesquil’ontprécédé:«Nouslesprophètes,Dieudécuplenotresouffrancepourpouvoirdécuplernotrerécompensedansl’autremonde 18.»Ilsoulignemêmequesondegrédesouffranceestsupérieurcarproportionnelàsonimportancedanslahiérarchiedesprophètesdontilestle«sceau».Sonmartyrese

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doit d’être le signe distinctif et révélateur de l’amour deDieu à son égard ; il sera récompensé à lamesuredel’épreuvephysiquequiluiestinfligée:«Aucundesprophètesavantmoin’aétééprouvéparunesiviolenteafflictionmaisplusl’épreuveestviolente,pluslarécompensequisuivraseragrande 19.»Muhammad perçoit sa souffrance comme un acte de purification ; agonisant, il dit à ‘Aïsha que lasouffrancefaittomberlespéchéscommetombentlesfeuillesdesarbres 20.

Allongésurun litqu’iln’estpluscapabledequitter, leProphètea lesmembresbrisés.Àmoitiéconscient, il ne se réveille que pour retomber en défaillance. La fièvre dévore son corps comme unincendie.Ilaprèsdeluiunvaseremplid’eaudanslequel il trempesesmainspourserafraîchir 21 ; ilpousse des cris de douleur, implorant Dieu de le délivrer : «Mon Dieu assiste-moi dans les affres(sakarât)delamort»,murmure-t-il 22.Aumilieudesesgémissementscontinus,‘Aïshal’entendparfoisbalbutier:«Approche-toidemoi,Gabriel!Approche-toidemoi,Gabriel 23.»

Pourtant,lelundi13e jourdumoisderabî‘1erdel’an11del’hégire(8juin632), leProphèteseréveilletrèstôtlematinenmeilleuresanté.Dehors,lesmusulmanssontréunisdanslamosquéepourlaprièredel’aube.Ayantentendul’appelàlaprière,Muhammadalaforcedeseleverpours’approcherdelaportequiséparelamaisonde‘Aïshadelamosquée 24.Ilécartelerideauetvoitlesmusulmansentraindeprier.Sonvisagepâlecommeunefeuilles’illumined’unlargesourirequisetransformeenrire.Lesprieurss’aperçoiventqu’illesregarde 25etdeslarmesd’émotioncoulentsurlesvisages.Lesmusulmansinterrompentleurprière,pensantqueleProphètevasejoindreàeux,maisilleurfaitsignedecontinuer.IlregardesescoreligionnairesprieretentendlesondeleursvoixbalbutiantlesversetsduCoran,puisilbaisselerideauetrevientàsacouchepours’allongerdanslesbrasde‘Aïsha.Ilneluiresteplusquequelques heures à vivre. C’est là son ultime apparition publique 26. Cette scène est très expressive :deboutsurleseuil,Muhammadestsymboliquementsurlalimitequiséparelemondedesvivantsetceluidesmorts ; le rideau levé puis baissé ainsi que le rire final du Prophète qui tire en quelque sorte sarévérenceconfèrentàcettescèneuncaractèrehautementthéâtrald’autantplussingulierquelalittératurearabedel’époqueneconnaîtpaslethéâtre.

Danscettematinéedulundi,Muhammadreçoitlavisited’OussâmavenuprendredesesnouvellesavantdepartirenSyrie;Oussâma,ravidelevoirconscientetbienreposé,prendcongéduProphèteetretourneaucampementduJorf,nonloindeMédine.LesépousesdeMuhammadsontcontentes;dejoie,ellessemettentàsepeignerlescheveuxmutuellement27.AbûBakrentrechezleProphèteetluidit:«Jevoisquetutesensmieuxaujourd’hui;permets-moid’alleràmamaisondeSonh,c’estlejouroùjedoisaller rendre visite àma femme, la fille deKhârija [une épouse d’AbûBakr prénomméeHabîba] 28. »Muhammadluifaitsignequ’ilpeutpartir.

MaisàpeinearrivéaucampementduJorf,Oussâmareçoitunémissairedesamère,OmmAyman,luidisantqueleProphèteagonise.IlaccourtàMédineavecAbûUbaydaet‘Umar 29.Eneffet,aprèslemomentdesoulagementdudébutdematinée,l’étatdesantédeMuhammads’estbrusquementdétérioré:lesmauxde têteet la fièvrene tardentpasà reprendredeplusbelle. ‘Aïsha racontequesonmariestallongé,enveloppédansundrapépais 30, latêtesursesgenoux31,quandunhommedelafamilled’AbûBakr, en l’occurrence ‘Abd-al-Rahmân, le frère de ‘Aïsha 32, entre. Il tient un bâton de siwâk que le

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Prophètefixelonguementduregard.‘Aïshacomprendquesonmarileveut.Elleprendlebâton,lemâchepourl’attendrirpuiselleletendàMuhammadquis’enfrottelaboucheénergiquement33;‘Aïshavoitlàunactedesensualitéultimeavecsonmari : leurs salives semélangent justeavant la séparation finalecommedansunbaiser.ElleenremercieDieu34.PuisMuhammaddéposelebâtondesiwâk 35.

‘Aïsha sent alors que la tête de Muhammad qui repose dans son giron s’alourdit. Il perdconnaissance.Enseréveillant, il lèvelatêteversleplafondpuisregardetoutautourdelui, lentement,comme s’il sortait d’un songe 36. ‘Aïsha contemple son visage ; son regard est vide 37. Elle se met àcaressersamainquibrûled’unefièvreardente.Muhammadretirelamaindesafemme.«Lâche-moi!Cettefoiscelanesertàrien»,balbutie-t-il 38.Soncorpsruinétressaute.Puis,peuàpeu, lerâleet lesspasmesdiminuent.Ilsentsonpoulsseprécipiteretenmêmetempss’éteindre.LeProphètecommenceàs’absenterdumonde.

Danslapénombredelachambre,l’angeGabrielapparaît.«Muhammad!luidit-il.Azrael,l’angedelamort,estlàdevantlaporte.Ilattendtapermissionpourentrer.–Qu’ilentre 39.»AbûlQâcimfixelonguementGabriel,cetêtrequiluiestapparupourlapremièrefoisvingtansplustôtetl’asommédelireuntextequ’iln’apudéchiffrer.Cejour-làMuhammadacruqu’ilétaitdevenufou; toutsoncorpstremblait dans une transe dont il pensait qu’elle était le signe de quelque possession diabolique.Aujourd’hui,c’estdansuncorpsaussifébrilequeMuhammadreçoitl’ultimevisitedeGabrielvenuluiannoncerquelelivredesaviedoitàprésentserefermer.Pourl’assisterdanscegrandpassage,Gabrieln’estpasvenuseul,ilestaccompagnéd’Azraelquis’adresseàMuhammadenluidisant:«Lapaixsurl’EnvoyédeDieu;Allâhm’aenvoyépourtedemandercequetupréfères:lestrésorsdumondeousacompagnieauparadis?»Muhammadalaforcedemurmurersaréponse:«Allâhumma,leCompagnonTrès-Haut,leCompagnonTrès-Hautauparadis 40.»L’angedelamortsemetderrièrelatêteduProphèteet dit : « Ô âme du Bien, âme deMuhammad fils de ‘Abd-Allâh, quitte ce corps pour aller vers lasatisfactiondeDieuetsonparadis.»‘AïshavoitsurlevisagedeMuhammaduneexpressiondesérénité;sonregards’éclairetandisquesespaupièresdemeurentimmobilesetsesyeuxvitreuxfixementtournésversleplafond.Toutsembledisparaîtreautourdelui,ilentendcommedansunsongequelquessyllabesduCoranmurmuréespar‘Aïsha.Dehorslesoleilestentraindesecoucher 41.Quelquesgouttesdesueurperlentàsonfront.Unfrissoncourtlelongdesoncorps,leraidissementmonte.Unsouffleluiouvrelaboucheetlareferme,parolequis’évanouitdanslesilencesansêtreproférée.Unegouttedesalivefroidesort de sa bouche et tombe sur la cuisse de sa femmequi en tressaille 42. Les yeux noirs pétillants deMuhammadseferment.Samaintombedanslebassind’eau43.LeProphèteestmort.

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XVI

«Commentpeut-ilmourir,luiquiestnotreTémoin?»

LanouvelledelamortdeMuhammadtombecommeuncouperet,annoncéeparcellequi,semble-t-il, est la seule personne témoin de l’instant fatal : ‘Aïsha.Celle-ci ne réalise pas tout d’abord que leProphèteestmort;ellecroitqu’ilaencoreunesyncope.Voyantqu’ilneseréveillepas,ellelecouvreetappelle‘UmaretMughîraIbnShu‘baquisontdevantlaportedelachambre;tandisque‘UmaressayederéveillerleProphète,‘Aïshaluidit:«Celafaituneheurequ’ilaperduconnaissance.»‘Umardécouvrele visage d’Abûl Qâcim (on ne sait pas pourquoi ‘Aïsha le lui a couvert) et s’exclame : « Quelévanouissementprofond!»Mughîrademeuresilencieux;ensortantdelachambrede‘Aïsha,ilsetournevers ‘Umar et lui dit : «L’EnvoyédeDieu estmort, ‘Umar. »Cedernier s’écrie, furieux : «Non, tumens!Ilnepeutpasmouriravantd’éliminertousleshypocritesdelasurfacedelaterre;tun’esqu’untraître 1!»Ayantentenduladiscussion,‘AïsharéalisealorsqueMuhammadestbienmort;ellesortdelachambreenhurlantetensefrappantlevisage 2.

LaversionlapluscommunémentadmisedanslaTraditionaffirmequeleProphèteestmortdanslegirondesa femme ‘Aïsha.Or,d’autres relations figurantmêmedans laTradition sunnitedisentque leProphèteestmortdanslesbrasde‘Alî.UnauteurcommeIbnSa‘dmetparexempleendoutelaprésencede ‘Aïsha au chevet de sonmari agonisant3. Répondant àAbûGhatafân qui lui demande s’il a vu leProphètemourirdanslesbrasdequelqu’un,Ibn‘Abbâsdit:«Ilarendul’âmelatêtesurlapoitrinede‘Alî.–Pourtant, répondAbûGhatafân, ‘Aïshaprétendqu’il estmortdans songiron.» Ibn ‘Abbâs luirétorque:«Es-tusérieux?JejureparDieuqueleProphèteestmortsurlapoitrinede‘Alî;c’estluiquil’a lavé avecmon frèreFadhl 4. »Nasâ’î confirme aussi cette version et parle de la venuede ‘Alî lelundi, jour de lamort deMuhammad ; il cite le témoignage d’OmmSalama disant que le Prophète aconvoqué‘Alî(iladûl’appelertroisfoiscar‘Aïshan’étaitpaspresséedevoirvenirlegendredesonmari).Lorsqu’ilestarrivé,justeavantleleverdusoleil,toutlemondeestsortiet‘AlîestrestéseulavecMuhammad.OmmSalamaestainsicatégorique:‘AlîestledernieràavoirvuleProphètevivant5.

OntrouvedanslelivreshiiteKitâbSulaymunchapitreconsacréauxderniersmotsduProphète:leprincipalprotagonisteenest‘AlîquiaffirmequeMuhammadluiaconfiésesdernièresvolontésquelquesinstantsavantdemourir.LeProphèteaalorslatêtesurlapoitrinedesongendre;deuxdesesfemmes(‘AïshaetHafsa)écoutent(trèsprobablementencachette);leProphètedit:«MonDieu,faisqu’elles

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deviennentsourdes!»,avantdepoursuivre:«Ô‘Alî,tuconnaisleverset:Quantàceuxquicroientetquiaccomplissentdesœuvresbonnes:voilàlemeilleurdel’humanité(98:7);sais-tudequiils’agit?Ils’agitdetashî‘a(groupedepartisans);lesdamnéssontlesjuifs,lesBanûUmayyaetleursalliés 6.»

‘Aïshasaitqu’onmetendoutesaprésenceauchevetduProphèteaumomentdesamortets’insurgecontrelaversionselonlaquellesonmariauraitexpirédanslesbrasdesongendre:«LesgensprétendentqueleProphèteaconfiésesdernièresvolontésà‘Alî;commentcela?LeProphètem’ademandéunpotpoururiner;ilétaitallongélatêtesurmapoitrine;puisilapenchélatêteetilestmortsansquejem’enaperçoive ; alors quand est-ce qu’il a pu tester en faveur de ‘Alî 7 ? » La succession se jouesymboliquementicidanslesbrasdeceluioucellequiauraitétéletémoinduderniersoupirduProphète.

Lanouvellede lamortdeMuhammads’abat surMédinecommeuncataclysme.La familleet lesCompagnonsd’AbûlQâcimaccourentaffolésverslamaisonde‘Aïshacommepourvérifieruneréalitéqu’ilsontdumalàadmettre.OussâmaIbnZayddonnel’ordreàl’arméecampéeauJorfderenonceràlacampagne vers la Syrie et de rentrer sur-le-champ àMédine. En arrivant, il demande à Burayda IbnHusayb de planter l’étendard de l’islam devant la porte de la maison du Prophète 8. Entrée dans lachambremortuaire,Asmâ’Bint ‘Umaysmet samain entre les épaules du Prophète et pousse un cri :«Ah!L’EnvoyédeDieuestmortcarlesceaudelaprophétiequiétaitentresesépaulesestenlevé 9.»Unevoixparledufonddelachambre;ils’agitd’al-Khidhr,leVert,quiprésentesescondoléancesàlafamilledeMuhammad 10.

Lesmusulmansenpleursserassemblentàlamosquée 11.Ilssehâtent,affolés,encriant:«Commentpeut-ilmourir,luiquiestnotreTémoin,notreMédiateuretnotreIntercesseurauprèsdeDieu?Non,parDieu, iln’estpasmortmais il est enlevéet ravi enextasecommeJésus 12.» ‘Umardemeure luiaussiincrédule:ilaccourtverslafouleréuniedevantlamaisondeMuhammadethurle:«Non,non,l’EnvoyédeDieun’estpasmortcommeleprétendentleshypocrites:ilestseulementalléverssonSeigneurtoutcommeMoïse qui s’est absenté de son peuple durant quarante jours, puis il est revenu vers eux13. »L’incrédulitéde‘Umarfaitéchoàunephrasequ’ilaprononcéelorsdel’épisodedutestament:«QuivaconquériralorstelleettellevillesdesRûm?JejurequeleProphètenemourrapasavantdelesavoirconquises ; et s’ilmeurt, on l’attendra commeBanû Israël a attendu le retour deMoïse 14. »Virulentcommeà sonhabitude, ‘Umarajoute laboucheécumante 15 :«Attendezque leProphète revienneet ilvouscouperalesbrasetlestêtes;ilcrucifieratousceuxquiprétendentqu’ilestmort16»,allantjusqu’àaffirmer:«Moi-mêmejecouperaidemonsabrelatêtedequiconqueditqueleProphèteestmort17.»Ibnal-Khattâbestcoutumierdecetteméthode:ilenfermetoujourssescontradicteursdansuntourbillondeparolesetdegestuelleviolentes,persuadéquelarudessedesesproposetdesesactesapparaîtracommelegaged’unefoiinébranlable.Or,àyregarderdeprès,onsedemandesisonagitationexcessiven’estpascabotinagedecomédien…

Devantlesmenacesde‘Umar,lesgenssetaisentcarilssont,commel’écritNasâ’î,unpeupledeummiyyûn,degensquin’ontconnuaucunprophèteavantlui 18.Enréalité,lamenacede‘UmaravertissantqueleProphètevareveniretmutilerceuxquiprétendentqu’ilestmortfaitréférenceàunchâtimentqueleProphèteinfligeunjouràdesbédouinsde‘UraynaquiontvolésontroupeauettuésonbergerYassâr.

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Muhammad,encolère,lesfaitramenerdeforce.LeverdictduProphèteestimpitoyable:«Illeurafaitcouper lesmainset lespieds, leur a fait crever lesyeuxet les a fait jeter sur le chemin, àunendroitnommé Harrâ’, où, exposés à la chaleur, ils ont péri lentement19. » Un verset est révélé suite à cetépisode 20.Voilàceque‘Umarrappelleausouvenirdesescoreligionnaires.

Pendantcetemps,AbûBakrrentredeSonh,àdeuxkilomètresàl’estdeMédine 21.Ilpénètredanslachambremortuaireoùsafille‘Aïshasangloteetsefrappelevisage.LecorpsinaniméduProphèteestcouvert22.Lesfemmessontautourdulitdudéfunt23.Ildécouvrelevisagedesonamietl’embrasseentrelesyeuxendisant:«ÔEnvoyédeDieu,tuneconnaîtraspaslamortdeuxfois 24,ajoutant:Ôtoiquim’espluscherquemonpèreetmamère,mêmemortturépandstoujoursuneodeuragréable 25!»Ilpoursuitd’unevoixétoufféeparlessanglots:«ÔmonProphète(nabiyyâh)!Ômonami(khalîlah)!Ômonélu(safiyyâh)!»Puisilrecouvrelecorpsd’AbûlQâcimetsort26.

Dehors, laconfusionestàsoncomble 27. ‘Abbâs, l’oncleduProphète,seprésentedevant lafouledesmusulmansetleurdit:«JevousjureetvousdéclareparDieu,outrelequeliln’yapointdeDieu,quel’EnvoyédeDieuestbeletbienmort28.»AbûBakrvoit‘UmarentraindeharanguerlafouleenniantlamortdeMuhammadetmenaçantceuxquilecontredisent.Ilseprécipiteàsontourpourapaiserlafouleréunieenprononçantsacélèbrephrase:«QueceuxquiadorentMuhammadsachentqueMuhammadestmort.Que ceux qui adorentDieu sachent queDieu est éternel et nemeurt jamais 29. »AbûBakr tenteensuitederaisonner‘Umar(oufaitsemblantdelefaire)etluidemandedes’asseoiràdeuxreprisesmais‘Umar,trèsagité,refuse 30 ; il luiditalors:«Neparlepasainsi,‘Umar,Dieun’a-t-ilpasditdanssonLivre:Muhammadn’estqu’unprophète.Desprophètesontvécuavantlui.Retourneriez-voussurvospass’ilmouraitous’ilétaittué?(3:144) 31?»‘Umarauneréactionétrange.«Jen’aipaslesouvenird’avoirentenduceverset»,répond-ilàAbûBakr.«Lesgens,écritIbnHishâm,ignoraientqueceversetavait été révélé jusqu’au moment où Abû Bakr le leur a récité 32. » Pourtant, selon les principalesexégèsesduCoran,ceverset,révélélorsdelabatailled’Uhud,adûmarquerlesesprits,carcejour-là,lesmusulmansontcruqueMuhammadavaitététué.Curieusement,deceversetnuldetousceuxquisontprochesduProphèten’alemoindresouvenir 33.

Une version légèrement différente du déni de ‘Umar et de la réaction d’Abû Bakrmérite d’êtrerelevéeetcommentée.EllefiguredanslesAnsâbdeBalâdhurî:«QuandleProphèteestmort,‘Umarestentrédansunefoliefurieuse;ilarriveeffaréendisant:“LeProphèten’estpasmortetilnemourrapas;ilajusteperduconnaissance.” 34»AbûBakr,interloqué,luidit:«Tudoutesdetareligion,‘Umar?»–onadéjàvuprécédemmentque‘Umar,visiblementdenaturesceptique,estsouventlaproiedudoute.Ilajoute : «Tun’as pas entenduAllâhdire à sonProphète :Te voilàmort, et eux aussi sont vraimentmorts»(39:30)?‘Umarenestsoulagéetdit:«C’estcommesijen’avaispasentenduceversetavantcejour 35.»Danscetteversion,onvoitqu’unautreversetduCoranestévoquéparAbûBakrpourpersuader‘UmardelamortduProphètemaislaréactiond’Ibnal-Khattâbdemeurelamême:iln’ajamaisentenduceversetauparavant!

D’aprèsdesauteurs importantscommeWâqidîet IbnKathîr, le jourde lamortduProphète,AbûBakr,pourconvaincre‘Umar,évoquetroisautresversetsdontpersonnenesesouvient36.OrcommeAbû

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BakraétésurnomméparleProphètelui-même«levéridique»(al-siddîq),iln’yaqu’às’incliner 37.Lesparolesdu futurpremiercalifeconstituentunvéritablemoment fondateurdans l’histoirede l’islam :àpartir de cet instant décisif, le Coran se révèle comme un outil efficace de gestion des émotionscollectives.Touslessuccesseursd’AbûBakrs’ensouviendront…

RéalisantalorsqueleProphèteestbeletbienmort,‘Umarcontinuesaparaded’histrionet,dansuneattitudequ’onsoupçonned’êtresurjouée,iltrébucheettombeparterrecar,souslechoc,sesjambesneleportent plus, dit-il 38. La réaction impétueuse de ‘Umar est ainsi apprivoisée par la froideur cérébraled’AbûBakr;hommelucideetfinpolitique,celui-ciestàlahauteurdel’événementetréussitàapaiserles esprits.Sonattitude flegmatique l’apparentedéjà au chefde la communauté, bienqu’il ne soit pasencoreéluautitredecalife.C’estluiquifaitadmettrelamortduProphèteauxmusulmansquiaussitôtfont«éclaterleurdouleur»:ungrandcris’élèvedansMédineetfaittremblerlaville 39.

L’attitudedesdeuxhommesdurantlespremiersinstantsdelamortduProphètesoulèveuncertainnombre de questions. Pourquoi Abû Bakr n’était-il pas à Médine au moment du décès ? Commentexpliquerqu’ilnesoitpas restéauchevetdesonamiagonisant?Nenousdit-onpasqu’iladirigé laprièreàlaplacedeMuhammad?Pourquoiest-ilalléàSonh,loindeMédine,alorsqu’ilaunemaisondanslevoisinageimmédiatd’AbûlQâcim?Rappelonsqu’AbûBakravaitd’aborddésobéiauxordresduProphèteetquittélecampd’Oussâmasousprétextequ’ilsouhaitaitveillersurluidanssamaladie,alorspourquoi AbûBakr s’est-il rendu à Sonh dans cemoment critique ? La Tradition nous apprend qu’ilpossèdedanscettemaisonuncoffre(baytmâl)cadenassé 40;maisquelleurgenceyavait-ilàêtreprèsdesonargentàcetinstantcapital?Sepréparait-ilàquelquemanœuvrenécessitantqu’ilpaiedesgens?

Etpuis l’attitudede ‘Umarparaît elle-mêmesuspecte : Ibnal-Khattâbnie lamortduProphèteetprétendnepas connaître leversetqu’AbûBakr récite (3:144) ; il est difficilede le croirepuisque leversetenquestionaétérévélélejourdelabatailled’Uhudquand‘Umaradésertéaveclesdéserteurs.Commentunversetseréférantàunévénementsiimportantpeut-ilêtreignorédel’undesCompagnonslesplus proches de Muhammad ? ‘Umar en particulier ne peut pas l’ignorer car il est notoire que denombreuxversetsduCoransont«inspirés»desespropresparoles.Lessourcesislamiquesnecessenteneffet de souligner le rôle d’Ibn al-Khattâb dans la révélation de certains passages duCoran.Dans unchapitreintitulé«CequidansleCoranaétérévéléparlalanguedecertainsCompagnonsduProphète»,Suyûtînecitequel’und’eux:‘UmarIbnal-Khattâb 41.Quandcelui-ciémetunavis,unversetestrévélépour confirmer son opinion ; cela s’est produit au moins trois fois, notamment au sujet des versetscoraniques sur le voile. L’amnésie de ‘Umar est d’autant plus suspecte qu’il semble être, de tous lesCompagnonsduProphète,celuiquialameilleuremémoireconcernantleCoran42.Parexemple,jusqu’àlafindesesjours,‘Umarnecessed’assénerqueleversetdelalapidationetdel’allaitementdel’adulteabien été révélé et qu’il adisparuduCoran : il est le seul à s’en souvenir 43. ‘Umaraégalement lessouvenirs les plus précis sur les circonstances de la Révélation. Évoquant un verset révélé lors duPèlerinagedel’Adieu,ildit :«Jemesouviensavecprécisiondujouretdel’heureoùceversetaétérévélé 44.»Onadéjàvuque leditverset :«Aujourd’hui, j’aiparachevépourvousvotrereligion.Jevousaicomblédemesfaveursetdemagrâce»(5,3) 45acejour-làfaitpleurer‘Umarcarilyaperçu

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unsigneannonçant lamort imminenteduProphète 46. IlestdonccurieuxquelepremierhommeàavoirpressentiledécèsprochaindeMuhammadsoitleplusvirulentàniercettemortquandellealieu!

Autrefaitétrange,plustard‘Umar,devenucalife,ditàIbn‘Abbâspourjustifiersonattitude:«ÔIbn‘Abbâs,sais-tucequim’apousséàdirecequej’aiditquandleProphèteestmort?–Non,jenesaispas, ô émirdes croyants. –Cequim’a amenéàdire ceque j’ai dit c’est unverset de la sourate “LaGénisse”:Ainsi,nousavonsfaitdevousunecommunautédujustemilieu,afinquevoussoyeztémoinsàl’endroitdeshommesetqueleProphètesoittémoinàvotreendroit(2:143) 47.Ainsi, je jurequejepensaisque leProphètedemeureraitparminous jusqu’àcequ’ilnoussoitTémoin le jourduJugementdernier 48.»Pourtant,lorsdelaréuniondelasaqîfadesBanûSâ‘ida,lemême‘Umarsedéditets’excusepoursoncomportementlorsdelamortduProphèteenavouantquecequ’iladitcejour-làn’avaitaucunfondement«dansleLivredeDieu49».Maisquidalorsduversetdelasourate«LaGénisse»citéàIbn‘Abbâs?N’a-t-ilpasprécisémentjustifiésonerreurparunpassagedu«LivredeDieu» 50?

Ainsi,lescontradictionsde‘UmarrendentsondénidelamortduProphètedesplussuspects;onatouteslesraisonsdepenserqu’ils’agitlàd’unestratégieenrapportavecl’affairedelasuccession.LechroniqueurWâqidîsoulignequelaquestiondelasuccessionpolitiques’estimmédiatementposéeàlamortduProphète;ilracontequeMâlikIbnal-TahiyândesAnsarss’adressealorsàsonclanendécrivantl’extrêmegravitédelasituationetenrappelantlamenacequeconstituentlesfauxprophètes(MusaylimaetTulayha 51),qu’ilcompareàunvéritableoragedans lecielde l’Arabie :«Ilditauxsiensquesi lepouvoir n’est pas donné à un homme des Banû Hâshim ou de Quraysh, toutes les tribus arabes vontapostasieretceseralafindel’islam52.»C’estàl’aunedecettegrandetensionpolitiquequ’ilestpermisd’interpréter l’attitude de ‘Umar : il cherche sans doute à gagner du temps en attendant qu’AbûBakrarrivedeSonh.Tabarîditmêmequelepèrede‘AïshanerevientàMédinequetroisjoursaprèslamortdeMuhammad 53.Parcettesimulation,‘Umartenteraitdecontrôlerlasituationenattendantquel’affairedelasuccessionsoitréglée.Uneréflexiond’IbnAbî-l-Hadîdesttrèsédifianteàcetégard:«Quandilapprend la nouvelle de lamort du Prophète ‘Umar a peur du désaccord à propos de l’imamat et qued’aucunstententderenverserlasituation;(…)ilestdoncdanssonintérêtdecalmerlesespritsenfaisantsemblantdenierlamortduProphèteetdejeterledoutedansleurscœurs;ilréussitalorsàlesdissuaderdetouteactionsusceptibledesemerletroubleetdenourrirlesconflits(…)‘Umarfaitcequ’ilfaitpourpréserverlareligionetl’Étatjusqu’auretourd’AbûBakrquiestàcemomentàSonh54.»‘Umarsimuledoncl’incrédulitéetattendqueson«complice»AbûBakrarriveàMédine.

Entre-temps,lecorpsduProphètecommenceàsedécomposer.‘Abbâstentederaisonner‘Umarenluidemandantdesepresserd’enterrerMuhammad :«LecorpsduProphètesedécomposecommelescorps des hommes se décomposent ; il est bien mort, ensevelissez votre ami 55. » Avec l’espritpragmatiquedesHachémites,‘Abbâsajoute:«SiDieual’intentiondeleressusciter,iln’auraaucunmalà le sortir de la tombe 56. » Si on adhère à l’hypothèse d’une simulation de la part de ‘Umar, on sedemandes’iln’apasutilisélaforcepourempêcherlafamilleduProphètedeprocéderàl’enterrementdudéfunt,nousyreviendrons.

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Certainsrécitssuggèrentque,pourdesraisonsstratégiques,lanouvelledelamortduProphèteestdissimuléedecraintequelasituationdevienneincontrôlable;c’est‘Urwaquiévoquecette«tactique»:«Après labai‘a (élection)d’AbûBakr, lesgens se sont sentis rassurés.AbûBakrdit àOussâma IbnZayd:“Parspourl’expéditionordonnéeparleProphète.”C’estalorsquedeshommesparmilesAnsarset les Émigrants sont allés voirAbûBakr pour lui dire : “GardeOussâma et son armée ici car nouscraignonsquelesArabesserebellentdèsqu’ilsapprendrontlamortduProphète.” 57»Cettestratégiedela dissimulation n’est sans doute pas insensée car effectivement, apprenant lamort deMuhammad, denombreuses tribus arabes se soulèvent et refusent de reconnaître l’autorité d’Abû Bakr, ce quidéclenchera les impitoyables guerres dites d’« apostasie », où l’horreur atteindra son paroxysme lorsd’uncélèbreépisodedecannibalisme 58.

Dansl’immédiat,lamortduProphèteestperçuecommeunvéritablecataclysmeetpasseulementàcausedesesconséquencespolitiquesdontsesCompagnonssonttrèsviteconscients.Avanttoutechose,lamortdeMuhammadjettel’ensembledelacommunautédansunimmensedésarroipsychologique.Lesgens pénètrent de force dans la chambre mortuaire 59. « Ne l’ensevelissez point puisqu’il n’est pasmort!»clame-t-ondevantlaporte 60.Deuxraisonsprincipalesexpliquentcedésarroi.D’unepart,ilestclairquelaperted’unguidespiritueldoitplongerlesmusulmansdansungrandsentimentdedéperdition;‘Aïsha lescompareàdes«brebiségaréesparunepluvieusenuitd’hiver ;c’estDieuqui lesa réunisautourd’AbûBakr»,ajoute-t-elle 61.D’autrepart,lamortdeMuhammadestassociéedansl’espritdescroyantsàunevisioneschatologique:pourlesmusulmans,soitlamortdeMuhammadcoïncideraaveclafindumonde,soitleProphètenedoitpasmourircarilestcenséassisterauJugementdernier 62.

Ainsi, le vent de panique qui souffle sur Médine s’explique par la peur de l’imminence del’apocalypse.‘Umarprofitedecetteconvictionpoursuspendrelecoursdesévénementsenattendantlerèglementdel’affairedelasuccession.CréantunesortedetempsmortimmédiatementaprèsledécèsdeMuhammad,ilréussitlàuncouppolitiquefondésurunecroyanceprofondémentancréedansl’imaginairedelapremièregénérationdesmusulmans;c’estpourcetteraisonqu’onvoit‘UmardirequeleProphètenemourrapasavantd’avoirfaitdisparaîtretousleshypocrites 63.

Poursescoreligionnaires,Muhammadestvenupourannoncerlafinimminentedumondeetassisterau Jugement dernier 64. Le Coran multiplie les affirmations sur l’approche de l’apocalypse, sans enpréciserlemomentexact65.Ibn‘Abbâsexpliqueainsilarévélationdesversetsévoquantl’imminencedel’Heure :Dieu ayant révélé le verset «L’Heure approche et la lune se fend» (54:1), lesmécréantséprouventdel’inquiétudepuis,nevoyantrienvenir,replongentdansl’«insouciance»;alorsDieurévèlelepremierversetdelasourate«LesProphètes»enguisedenouvelavertissement:«Lerèglementdecomptes approche des hommes, alors que, dans leur insouciance, ils s’en détournent » (21:1) ;l’inquiétudereprenddanslecœurdesmécréantsmais,nevoyanttoujourspaslafindumondearriver,ilsreviennentàl’incrédulité;alorsDieurévèlelepremierversetdelasourate«LesAbeilles»:«L’OrdredeDieuarrive!Necherchezpasàhâtersavenue[parvotreincrédulité].GloireàDieu!Trèsélevéau-dessus de ce qu’on lui associe» (16:1). C’est à cette occasion que le Prophète dit : «Ma venue etl’Heuresontséparéescommemon indexdemonmédius 66.»Et :«Mavenueetcellede l’Heuresont

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concomitantes même si celle-ci a failli venir avant moi 67. » Cité par Ibn Sa‘d, un Compagnon duProphète,JubayrIbnMut‘imaffirmeenparlantdeMuhammad:«Ilaétéenvoyéavecl’Heurepourvousavertir avant un châtiment terrible 68. » Le moine Bahîrâ 69, qui a rencontré Muhammad bien avant laRévélation,areconnuenluilescaractéristiquesduprophètequiapparaîtàlafindestemps(nabiyyâkhiral-zamânouencorenabiyyal-malhama) 70.«D’iciunsiècle,ilneresteraplusunseulhommesurterre»,dit Muhammad un jour 71. Cette prédiction provoque une terreur générale. ‘Alî commentant cetteprémonitionetvoulantcoupercourtàlapaniquequis’emparedesmusulmansexplique:«LeProphètevoulait signifier quedans cent ans aucunde ceuxqui l’avaient connune serait plus envie 72. » Il fautreconnaîtrequenulbesoind’êtreunprophètepourfairecegenredeprédiction!

Muhammad lui-mêmeconstruit une sorte demosquée éphémère similaire à la cabane (‘arîch) deMoïse 73,nevoyantpasl’utilitéd’édifierunemosquéedurabledumomentquel’Heureapproche.UnjourlesAnsarsfontunecollected’argentetdemandentauProphètedeprendrelasommepourconsoliderlamosquéeetladécorer,cequ’ilrefuseendisant:«JenevaispasfairemieuxquemonfrèreMoïse,jeveux une cabane comme la sienne faite de petits morceaux de bois (thumâmât). La chose (al-amr),ajoute-t-ilenparlantdelafindumonde,arriveraplusrapidementquevousnelecroyez74.»

On attribue auProphète de l’islamunephrase importante qui pourrait expliquer engrandepartiel’adhésionàlanouvellereligion:«ParCeluiquitientmonâmeensamain,ladescentedeJésusfilsdeMarieestimminente 75.»C’estsansdoutepourcetteraisonqu’audébutlesjudéo-chrétienssoutiennentMuhammad car il leur apparaît comme le prophète précédant immédiatement leMessie. C’est ce queKhadîjaditelle-mêmeàsonmariquandilreçoitlaRévélation:«Jejurequetuesleprophètedecettenation,celuiquelesjuifsattendent76.»Danslespremierstempseneffet,lesjuifspensentqueMuhammadestlenouvelÉlieattendu,commelemontrentdesrécitsfigurantdanslaTraditionmusulmane,notammentceluidu juif savant ‘Abd-Allâh IbnSalam (étrangeprénompourun juif !) et sa tanteKhâlidaBint al-Hârithqui croient enMuhammadparcequ’ils le reconnaissent comme leprophètequidescendraavecl’arrivéedel’Heure 77.C’estlemêmetémoignage,nonmusulmancettefois,contemporaindelamortduProphète, que l’on trouve dans une lettre écrite en grec datant de juillet 634 et envoyée par un juifrabbinique à son frère àCarthage, où il évoqueMuhammad en écrivant : « Il proclamait la venue duMessie 78.»

En fait, lespremiersmusulmanspartagent lescroyancesdequelques sectes judéo-chrétiennesquiattendent la « bonne nouvelle », c’est-à-dire la venue du Prophète annoncé par Jésus sous le nom deParaclet(Periclytos)évoquédansleNouveauTestament,ouencoreHemda(ouHemed,motquisignifieenhébreu«ledésiré»)mentionnédansl’AncienTestament,(lelivred’Aggée)etdontl’équivalentarabeestAhmad,« leplus loué» 79,quiestunevariantedeMuhammad,« le très loué» 80.LeProphète lui-même reconnaît avoir plusieursnoms : «Monnomdans leCoran estMuhammad ; dans les évangilesAhmad;danslaTorahAhiyad,celuiquidévie;jem’appelleainsicarjedéviemonpeupleduchemindel’enfer 81.»

LaprédicationeschatologiquedeMuhammad justifie ainsi engrandepartie leprojetdeconquêteorientéversleProche-Orient,etJérusalemenparticulier.LesexpéditionsdeMo’taetdeTabûkillustrent

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cetteaspirationàlaTerrepromise.DumomentqueMuhammadestleProphètedelafindestemps,ilestnatureldelevoirconduiresesconvertisversJérusalem,oùilsdoiventattendreleJugementdernier.

Danscesconditions,oncomprendqueleProphètenepensepasàladésignationd’unsuccesseur:ce serait une disposition inutile puisque la fin dumonde est imminente.On pourraitmême pousser laréflexionplus loin : puisqueMuhammadest venuannoncer la findes temps,pourquoi fonderait-il unenouvelle religion?L’islamserait-il finalementune« invention» tardivebienpostérieureà lamortduProphète ? L’islam était-il une religion ou une « doctrine de la fin des temps » ? Ces questions sontvertigineuses.

Les premiers à comprendre que la mort de Muhammad n’est pas le signe avant-coureur del’apocalypse sont sans doute Abû Bakr et ‘Umar ; quelques heures seulement après la mort deMuhammad, ils savent que la fin du monde n’aura pas lieu et qu’il faut immédiatement créer uneinstitutionpolitiquedesubstitutionpourmaintenirl’islamquirisquetoutsimplementdedisparaître: lecalifat. L’idée n’est pas mauvaise, elle fonctionnera durant plus de treize siècles et nourrit encoreaujourd’huid’unemanièreavouéeouimplicitel’imaginairepolitiquedesmusulmans.

IlestdifficiledecroirequelesauteursdelaTraditionaientinventécettecroyanceenl’imminencede l’apocalypse chez les premiers musulmans lors même que le temps qui passait lui infligeait unirréfutabledémenti.Lafindumonden’ayantpaseulieu,cettecroyancen’avaitplusaucuneraisond’être.Leretardprisparl’arrivéedelafindumondeaimposéunerévisionhistoriquetotalequis’estamorcéeaumoinsunsiècleaprèslamortduProphète;c’estcetterévisiongénéralequePaulCasanovaappellela«fraudepieuse».C’estalorsqu’asurgiaufildessièclesl’imageduProphèteréformateurquiaéclipsésansl’effacertotalementl’imageduProphètedel’apocalypse.

L’imaginaireeschatologiqueassociéàl’avènementdel’islamcorrespondàunecroyanceprimitivequiaensuiteétéenseveliesouslescouchessuccessivesd’écrituredel’Histoire.ToutefoisleshadithsetleCoran,telsdespalimpsestes,enontgardétrace,quiresurgitquandonsepenchesurcemomentdécisifqu’estlamortduProphète…

Parailleurs,confrontéàunecroyancefondamentalequis’estavéréecaduque,lelourdappareildel’exégèseislamiques’estévertuéàdonneràlafindestempsuneétenduechronologiqueindéfinie.C’estpour cela quemalgré l’axiome posé parMuhammad disant qu’il était le « sceau des prophètes » etqu’aprèsluiiln’yauraitplusaucunautremessagerdeDieu,lesmusulmansontétéamenésàconcevoirlafigureduMahdîquin’estautrequelaprolongationdeMuhammadentantqueprédécesseurduMessie.Lesshiites,enparticulier,croientquelaprophétiecontinueàtraverslesimams.

Lesconséquencesdecesdispositionsthéologiques,nouslesressentonsencoredenosjours,oùonperçoit dans le retour en force du motif de la guerre sacrée le relent d’une croyance lointaine quequatorze siècles de « gymnastique » théologique ont réussi à contrôler sans jamais pouvoir l’anéantirtotalement.Muhammadestvenupourannoncer lafindumondeetcertainsmusulmanssemblentvouloiraujourd’huiréactivercemessageorigineldel’islamcommereligiondela«findel’Histoire».Celle-cin’apaseulieuaveclamortdeMuhammad,qu’àcelanetienne:s’appropriantlemessageinitialdeleur

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Prophète,certainsmusulmans,dansunélandestructeur, tententaujourd’huideprécipiter lemondedansl’apocalypse…

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XVII

LesobsèquesdeMuhammad

AucunlivredelaTraditionneprécisecombiendetempsonaattenduavantd’enterrerleProphète:deux,troisouquatrejours?Pourtant,ilyaunconsensussurlejourdudécèsquialieuunlundi.Àcepropos, il est à signalerque ladateprécisede lamortdeMuhammadn’a jamais étédéterminéeavecexactitude ;bienqu’ilssoientsûrsdu jourde lasemaine, les rédacteursde laTraditionavancentdeuxdatesdifférentessanspouvoirtrancher: le2e jourdumoisderabî‘1er (28mai632)ou le13e jourdumêmemois(8juin632) 1.

On comprend d’autant moins cette imprécision que la toilette mortuaire est décrite avec forcedétails.L’embarrasdelaTraditionparrapportauxfunéraillesdeMuhammadsetraduitparlefaitqu’uneautorité commeTabarî en donne plusieurs dates : «Quelques-uns disent que la lotion funéraire et lesprièresonteulieulemardi,etl’enterrementdanslanuitdumercredi;d’autresdisentquecescérémoniesonteulieulejeudietlanuitduvendredi 2.»IbnHishâmaffirmequel’enterrements’estdéroulélemardijusteaprèsl’électiond’AbûBakr 3,avantdediredeuxpagesplus loinque leProphèteaétéenterré lemercrediaumilieudelanuit4.IbnKathîravanceégalementladatedemercredidanslanuit5 ; ildonnemêmeuneexplicationàceretardenaffirmantqueduranttroisjours(lundi,mardietmercredi)lesgensont défilé dans la chambremortuaire pour rendre les derniers hommages auProphète 6. IbnSa‘d n’estguèreplusprécis:lechapitredesTabaqâtconsacréàl’enterrementdeMuhammadestdesplusconfus 7

etilciteunepléthorederelationscontradictoires 8.L’auteuraffirmeparexemplequelesBanûGhanam(ouBanûLaythselonlesversions)ontentendudanslanuitdemardilebruitdespiochesquicreusaientlatombe deMuhammad, avant d’évoquer le témoignage de ‘Aïsha disant que l’enterrement a eu lieu lemercrediaumilieudelanuit;finalementilciteunerelationquiaffirmequeladépouilleduProphèteaattendutroisjoursavantdereposersousterre 9.

D’unemanièregénérale,laTraditionhésiteentrelemardi9juinetlemercredi10juincommedatedel’enterrement10.Lamajoritésemblepencherenfaveurdumercredi,quisembleplutôtfairel’unanimitécomme l’affirme IbnKathîr 11 ; souvent c’est le témoignagede ‘Aïsha qui est cité à l’appui : «Onnesavaitriendel’enterrementduProphète,dit-elle,jusqu’àcequ’onentendelebruitdespiochesaumilieudelanuitdumercredi 12.»UnlapsdetempsimportantséparelamortdeMuhammaddesonenterrement,cequiestcontraireàlacoutumeislamiqueetmêmepréislamiqueselonlaquellelesoleilnedoitjamaiséclairerlecadavred’unhommemortlaveille 13;l’hommage(ikrâm)qu’ondoitrendreàunhommemort

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estdel’enterrer,affirmeunproverbearabe.LeProphètelui-mêmedisait:«Empressez-vousd’enterrervosmorts 14.»

Aumoisdejuin,danslachaleurécrasantedel’Arabie,lecadavreduProphèten’aétéfinalemententerréquelorsqu’ilacommencéàsecorrompre,commeleremarquesononcle‘Abbâs 15.LesouvragesdelaTraditiondécriventl’étatdeputréfactionducorps:sonventreestgonflé 16,sesonglessontdevenusverts 17etsesdoigtssesontcourbés 18.Balâdhurî,dansuneformulepluselliptiquemaistrèséloquente,ditqueMuhammad«achangédecouleur 19».

EnembrassantlecorpsinanimédeMuhammad,onl’avu,AbûBakrdit:«ÔEnvoyédeDieu,ôtoiquim’espluscherquemonpèreetmamère,mêmemortturépandstoujoursuneodeuragréable 20!»Lamêmephraseestattribuéeà‘Alîpendantqu’illavelecadavredesoncousin21.OmmSalama,l’unedesépouses du Prophète, prétend que rien qu’enmettant samain sur le cadavre du Prophète, elle la sent« toute remplie d’une odeur demusc 22 », et que depuis cette odeur ne quitte plus sesmains 23.MêmeFâtimaévoquel’odeurdesonpèreaprèssonenterrement;recueilliedevantlatombeduProphète,elleramassede l’extrémité de ses doigts unepincéede poussière qu’elle porte à sonnez : «Oh la suaveodeur!»s’exclame-t-elle 24.Onperçoitdanscemotifdel’odeurdesaintetéuneévidenteinfluencedeshagiographies chrétiennes sur la Tradition musulmane. Toutefois, la manière dont celle-ci insiste surl’odeursuaveducadavredeMuhammadtentemaladroitementdedissimulerlafétiditéquedevaitdégagersadépouille.Poursortirdecettesituationfortembarrassante,laTraditionditquesilecorpsduProphèteacommencéàsedécomposer,c’estparcequeDieuavouludonnerauxmusulmansincréduleslapreuvequ’ilétaitbeletbienmort25.

En réalité, plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer l’abandon du cadavre duProphète.Lesmusulmanssesouvenantprobablementd’unhadithdeMuhammadpensentquelecorpsdecederniernedoitpassedécomposer.«LaterrenedévorepaslecorpsdesProphètes»,leurditAbûlQâcim26.Maisl’explicationlaplusrépandueestquelesmusulmans,adhérantàl’incrédulitéde‘Umar,n’enterrentpasimmédiatementMuhammadcar,commenousl’avonsditplushaut,ilssontpersuadésqu’ilvaressusciter.Cen’estqu’envoyantlecorpssedécomposerqu’ilsserendentàl’évidence.

Ouvertementhostilesàl’islam,lesplusanciensouvragesoccidentauxconsacrésàlabiographiedeMuhammads’attardentsur lesortdesoncadavreetdécriventdesscènesfranchementsordidescommedans l’IstoriadeMahomet, datantenvironde l’an850.D’après l’auteurdece texte (contemporaindeTabarî,notons-le),Muhammadannonceàsesadeptessamortimminenteetpréditqueletroisièmejouraprèssamort,ilressuscitera;aprèsledécèsduProphète,lesmusulmansattendentdoncquecemiracleseproduiseet,constatantquelecadavredeMuhammadestentraindesedécomposer,endéduisentqueleurprésenceautourdeladépouilleempêchelarésurrectiond’avoirlieu;c’estalorsqu’ilsdécidentdes’éloignerducadavre,maisayantreniflélapuanteurducorpsdécomposé,leschienssauvagess’ameutentautouretledévorent;lesmusulmansfinissentalorsparenterrerlesresteset,enreprésailles,ilsdécidentdetuerdeschienstouslesans 27.

Ducôtémusulman,laversionofficiellesoutientquelesCompagnonsduProphèteontretardél’heurede l’enterrement pour arranger les affaires politiques et s’assurer de la nomination d’un chef de la

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communauté. La tradition sunnite affirme que la préparation des funérailles a commencé juste aprèsl’élection (bai‘a) d’Abû Bakr. Cet argument nous paraît peu crédible car les personnes qui se sontoccupéesdel’enterrementn’ontpasassistéàlaréuniondelasaqîfadesBanûSâ‘idaquiaaboutiàlanominationdunouveaucalife,etinversementlespersonnesréuniesàlasaqîfan’étaientpasprésentesàl’enterrementduProphète…

Quand on s’apprête à enterrerMuhammad, on se trouve confronté à un désaccord sur le lieu del’enterrement:faut-ill’enterrerdanslamosquée,danssachambreoudanslecimetièreduBaqî‘ 28?Ladispute s’échauffe et Abû Bakr, qui jouit visiblement d’une excellente mémoire, coupe court à ladiscussioncarilsesouvientqueMuhammadaditqu’unprophètedevaitêtreenterrésurlelieumêmedesamort29.Seconformantalorsà l’opinion«véridique»d’AbûBakr,ondécided’enterrer leProphètedanslachambredesafemme‘Aïsha:onlèvelelitduProphèteetoncreuseuntroudessous.

TouslesouvragesdelaTradition,aussibiensunnitequeshiite,sontunanimespourdirequec’est‘Alîquiofficiedurantlatoilettemortuaire,assistédel’angeGabriel,nousdit-on30.D’autresmembresdela famille hachémite participent à la tâche : son oncle ‘Abbâs et ses deux fils Qutham et Fadhl 31

(certaines versions évoquent la présence de ‘Aqîl, le frère de ‘Alî 32), ainsi qu’Oussâma Ibn Zayd etShoqrân, l’affranchi du Prophète 33. On nous apprend que la famille du Prophète s’enferme avec ladépouille sans que soient expliquées les raisons réelles de cet isolement34 : se sont-ils eux-mêmesenfermésouont-ilsétéenfermés?Danscertainesvariantes,onvoit‘Abbâsquitterlachambremortuaireet s’installer devant la porte car, dit-il, le Prophète aurait été gêné que son oncle le voie la têtedécouverte (hâsiran) 35. Des hommes du clan des Banû Zuhra (les oncles maternels du Prophète)souhaitententrerdans lachambremortuairepourparticiperaucérémonial funèbre.Lechoix tombesur‘Abd-al-RahmânIbn‘Awf36.

D’autrespersonnesveulentprendrepartàlatoilettemortuairecommel’AnsarAwsIbnKhawliyy37.Àtraverscepersonnage,laTraditionsoulignel’attachementdesAnsarsàMuhammad,qu’ilsconsidèrentcommel’undesleurs;deparleurliendeparenté(certeslointain)aveclui,ilsseprésententcommesesoncles(akhwâl)etdisentduProphètequ’ilest«lefilsdenotresœur 38».

C’est Muhammad lui-même pendant son agonie qui aurait désigné ‘Alî pour s’occuper de sonenterrement39. Certaines versions affirment que c’est Abû Bakr qui demande à ‘Alî et ‘Abbâs de sechargerdelatoilettemortuaire.AbûBakr,toujoursdotéd’uneexcellentemémoire,rappelleencoreunefois une parole d’Abûl Qâcim : « J’ai entendu le Prophète dire que ce sont ses proches parents quidoiventlelaver 40»–cen’estpasl’uniquefoisqu’AbûBakrjustifieunedécisionparunditduProphètequ’ilestvisiblementleseulàavoirentendu!

LaTraditiondonneunedescriptiondétailléedelatoilettemortuaire 41.Lespersonnesprésentessontgênées car elles ne savent pas s’il faut dénuder complètement le défunt42. Racontant l’épisode à soncousin‘Abd-AllâhIbn‘Abbâs,‘Alîdit:«LeProphèteaordonnéquejesoisleseulàlelaver;ilm’aprévenu que celui qui verrait son sexe serait aveuglé 43. » Selon une autre version qui verse dans lemerveilleux,alorsquelescousinsduProphètesedemandents’ilfautgarderlesvêtementsdudéfuntoules enlever, Dieu fait tomber sur eux un lourd sommeil (écho à l’assoupissement survenu lors des

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batailles de Badr et d’Uhud) 44 et une voix inconnue venant du fond de lamaison ordonne : « Lavezl’Envoyéd’Allâh sans enlever sesvêtements 45. »Le sommeil qui s’empare de la famille duProphèteexpliqueraitaussiqu’ilsnes’aperçoiventpasdu«coupd’État»quialieuaumêmemomentàlasaqîfadesBanûSâ‘ida!

‘Aïsha, irritéeque ‘Alîaitétédésignépour la toilette funéraire,protesteendisantqueseules lesfemmes du Prophète doivent s’occuper de cette tâche 46 ; on aura compris que ce commentaire est enrapportaveclanuditéduProphète 47.Danscertainesvariantes,lestraditionnistesdisentquelescousinsetlesaffranchisdeMuhammadlaventledéfuntlesyeuxbandés 48,cequilaisseentendrequeleProphèteaétéeffectivementdéshabillé.Dansd’autresversions,onlelavesansquesesvêtementssoientenlevés 49:‘Alîverse l’eauentre lecorpset l’habit.ConformémentauxconsignesdeMuhammad,onfaitvenirdel’eaudupuitsdeGhars(dontildisaitqu’ilétaitl’undesfleuvesduparadis 50),qu’onmélangeavecdunerprun(sedr).Cesontlesfilsde‘Abbâs,FadhletQutham,quiretournentlecorpsduProphète,tandisqu’Oussâmapassel’eauà‘Alîderrièreunrideau;ilssontassistésdeShoqrân,leserviteurduProphète;‘AbbâsetAwssetiennentàl’écartetobserventlascène.Lecorpsestensuiteembauméavecdel’huiledecamphreetenveloppédanstrois(ousept51)étoffesblanchesencotonduYémen52,commeMuhammadl’aspécifié 53.

Aumomentdepréparer le tombeauduProphète, on se trouve confronté àun autre souci : faut-ilsuivrelescoutumesdeMédineoucellesdeLaMecque?Abû‘UbaydaIbnal-Jarrâh,lefossoyeurattitrédesMecquois,estcurieusementabsent54–ilestavec‘UmaretAbûBakràlasaqîfadesBanûSâ‘idaentrain de « conquérir » le pouvoir, preuve qu’Abû Bakr et ‘Umar n’ont pas assisté aux funérailles deMuhammadet que l’électiondupremier calife n’est probablementpas antérieure à l’enterrement.AbûTalha, le fossoyeur des Médinois est en revanche disponible et c’est lui qui prépare finalement letombeauduProphète 55:aprèsavoirpoussélelitdudéfunt,AbûTalha,conformémentàl’usagemédinois,creusesuruncôtédelafosseunenicheoùlecorpsestdéposé 56,aprèsquoionpavelefonddelafossedeneufbriques 57;enfin,toujoursconformémentauxconsignesduProphète,lecorpsestallongéauborddelatombepourrecevoirlesderniershommages.

Quand il a donné ses consignes au sujet de ses funérailles,Muhammad a dit : « Le premier quiprieraseraleDieutout-puissant,puisGabriel,MichaeletAzrael;ilsserontaccompagnésd’unnombreinfinid’angesquiprierontpourmoi;puisceuxquisontautourduTrônedivin,puisceuxquihabitentdanschaque paradis, puis toute ma famille, puis toutes mes épouses suivant leurs rangs 58. » Les groupessuccessifsdéfilentpourrendreundernierhommageauProphète 59mais«sansquepersonneprésideleurprière 60».Eneffet,quandons’estdemandéquiallaitdirigerlaprièremortuaire,‘Alîarépondu:«C’estnotreimammortouvivant61.»Alorsonpriesurledéfuntsansimam62.Rappelonsquedurantl’agonieduProphète, Abû Bakr est supposé avoir rempli la fonction d’imam et que c’est en grande partie en sefondantsurcettedélégationqu’onajustifiésaprimautéaupostedecalife.Commentsefait-ilqu’aprèslamort du Prophète, Abû Bakr n’assure pas cette fonction liturgique hautement symbolique durant lesobsèquesdeceluiqu’ilremplace?

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LaTraditiondécrit lesdétailsde lamiseau tombeau.«LeProphète avaituneqatîfa (espèce decouvertureenpoildechameau)rougequ’ilaimaitbeaucoupetsurlaquelleilsecouchaithabituellement.Shoqrân,l’affranchi[deMuhammad],apportelacouvertureetlajettedanslafosse,endisant:“ParDieu,personnenecoucheraaprès toi sur cetteqatîfa !” 63 »Ondit que la terredeMédine estmarécageuse,c’estpourcetteraisonqu’onacouvertlefonddelatombedecetteétoffeépaisse 64.C’estMuhammadquiadonnécetteconsigneenprécisantquelaterren’atteignaitpaslecorpsdesprophètes 65.‘Alî,‘Abbâs,Fadhl,QuthametShoqrândescendent tous lesquatredans la tombe,autourde laquelle sepressent lesmusulmans 66.AwsIbnKhawliyyprie‘Alîdelelaisseraussidescendrecarcethommeal’habitude,dit-il, d’ensevelir tous lesmartyrs et comme leProphète est leplusgrandd’entre eux, il estnaturelqu’ill’accompagne 67.

Après avoir déposé le corps dans la tombe, les hommes remontent. On dit que ‘Alî remonte ledernieretquesoncousinQuthamIbnAbbâsfaitsemblantdeperdresabaguepourpouvoirredescendredanslatombeetêtreledernieràvoirlevisagedeMuhammad;écrivantsouslerègnedesAbbassides,les auteurs de la Tradition, attentifs à la symbolique du moindre détail, font sans doute quelques«arrangements»pourqu’unfilsde‘AbbâssoitledernieràavoirvulevisageduProphète 68.Ensuite,onjettedelaterrepourremplirtouteslescavitésdelafosse,puisonversesurlatombeuneoutred’eau;oncombleensuiteletombeaudebeaucoupdeterredemanièreàformeruntertre 69.

LaTraditionestunanime–faitrare–suruneinformation:toutlecérémonialdelaprièremortuaireet de la mise au tombeau a lieu au milieu de la nuit. Pourtant, le Prophète a formellement interditl’enterrementnocturne 70.S’agit-ilfinalementd’unenterrementsecret?Onpeutlégitimementseposerlaquestion étant donné les circonstancesmystérieusesqui entourent lesobsèquesdeMuhammad (commecellesnonmoinsmystérieusesquientourentlacausedesamort):leretardprisdansl’enterrement,lefaitque la famille duProphète se soit enfermée avec la dépouille dans la chambremortuaire ainsi que ladisparitioninexpliquéede‘Aïshaquivisiblementaquittésachambre(oùsonmariestcenséavoirrendul’âme) et qui ne s’aperçoit de l’enterrement du Prophète que lorsqu’elle entend au loin le bruit despiochesquicreusentlatombe 71.

À cela on peut ajouter un autre élément aussi intrigant : l’absence d’Abû Bakr et ‘Umar auxfunéraillesdeMuhammad.L’absencedesdeuxcalifesesteneffetattestéeparplusieurslivressunnites 72.Parexemple,quandKa‘bal-Ahbârposedesquestionsà‘UmarsurlesobsèquesduProphète,ilnesaitluirépondreetl’inviteàinterrogerplutôt‘Alî 73.AbûBakret‘Umarontvisiblementd’autrespriorités.C’estquepeudetempsaprèslamortdeMuhammad,onvientlesprévenir:«Faitesviteavantquelasituationnedéborde 74 » ; et on ajoute : «La porte de la discorde est grand ouverte il n’y a que vous pour lafermer 75.»AbûBakret‘UmarcourentalorsàlasaqîfadesBanûSâ‘idaoùlesAnsarssontréunispourélirelechefdesKhazraj,Sa‘dIbn‘Ubâda 76.

Si certaines sources expliquent leur absencepar le fait qu’ils sont en réunionà la saqîfa 77,cetteinformationest démentiepard’autresversions affirmantque lesobsèquesduProphètene commencentqu’aprèsl’électiondunouveaucalife:BalâdhurîetIbnKathîr,parexemple,disentqu’AbûBakrestéluavant la fin de la toilettemortuaire deMuhammad 78.Donc si on a attenduqu’AbûBakr soit élu pour

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commencerlesobsèquesduProphète,pourquoilenouveaucalifen’est-ilpasprésentauxfunéraillesdesonami?

Certainesrelationsdisentquedurantlatoilettemortuaire,AbûBakrfaitleguetdevantlaportedelachambre du Prophète et empêche quiconque d’entrer ; est-il là pour protéger la famille ou pour lasurveiller?Pourquoineparticipe-t-ilpasàlatoilettemortuaire?IbnAbîQuhâfal’expliqueparlefaitque« lesprochescontribules (qawm)duProphèteont laprioritépouraccomplir cette tâche 79»,maisAbûBakrn’est-ilpasprocheduProphète?Précisémentn’est-cepascetargumentqu’ilaavancépourjustifiersaprimautéaupostedecalife?Laconfusiondesversionsconcernantladatedel’enterrementduProphèteetl’absence(oulaprésenceprudente)desdeuxfuturspremierscalifesauxfunéraillesreflètelasituationelle-mêmeconfusequelacommunautédesmusulmansconnaîtdanslespremièresheures–voireles premiers jours – suivant la mort de Muhammad. De toute évidence, Abû Bakr et ‘Umar saurontprofiterdelastupeurgénéralepourfairemainbassesurlepouvoir.

Quant à ‘Aïsha, pourquoi ne la voit-on apparaître à aucunmoment,même pas lors des derniershommagesquelaummarendaumaître?Enréalité,c’estsonabsencedesrécitssurlesfunéraillesdesonmariquiestplusintriganteencorequecelled’AbûBakret‘Umar.Elleestd’autantplusinexplicablequela favorite est omniprésente durant l’agonie du Prophète. Rappelons que ‘Aïsha reconnaît elle-mêmen’avoir appris qu’on enterrait leProphètequ’après avoir entendu lebruit despioches au loin80.Deuxexplicationspeuventêtre retenues :oubien leProphèten’apasétéenterrédans lachambrede ‘Aïshamaisailleurs(bienloindechezelle),oubienlafavoriteadûévacuerleslieux,chasséepar‘Alîquiaprésidélecérémonialfunèbre.Lagrandeanimositéquiopposelesdeuxpersonnagesrendraitplausiblecettedernièrehypothèse.

Undernierélémentenfinjetteuneombreépaissesurlestémoignagesdéjàpeufiablesde‘Aïsha.Cetélémentpourraitsembleranecdotiqueetpasserinaperçus’ilneserapportaitpasàlacurieusedisparitiondeversets duCorandurant les funérailles duProphète.Voici les faits.Quand il devient calife, ‘UmardécidedepréparerunecompilationduCoran,enréunissantlesfragmentséparssurlesquelsonanotélaRévélation du vivant deMuhammad.Un verset demeure introuvable : le verset de la lapidation et del’allaitement de l’adulte. Pourtant ‘Umar est sûr que ce verset a été révélé 81. Interrogeant ‘Aïsha, il adroitàuneréponsedésarmante.«Leverset[visiblementécritsurunefeuilledepalmier]étaitsousmonlit,expliquesanssourcillerlamèredescroyants,etpendantquenousétionsoccupésparlesobsèquesdel’EnvoyédeDieu,unechèvre(dâjin 82)estentréeetl’adévoré 83.»Sicerécitparaîtinvraisemblable,cen’estpasseulementàcausedelachèvre«coranophage»maisparcequelamême‘Aïshaavoueailleursqu’ellen’apasassistéauxobsèquesdesonmari.‘Umarnecroitpasunseulmotdeceque‘Aïshaluiaraconté;jusqu’àlafindesesjours,ilcontinueraàcriersonindignationdevantladisparitionduversetdelalapidationquiétait,selonlui,beletbiendansleCoran84.Onpourraitsansdoutepartagerlaperplexitéde‘Umaretsedemandercombiendeversetsontétédévorésparleschèvres…

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XVIII

LesmusulmansetlamémoiredeleurProphète

L’histoire«officielle»affirmequeMuhammadestenterrédansl’anglesud-ouestdelachambrede‘Aïsha, à l’est de l’actuellemosquéedeMédinequi est, après laKaaba àLaMecque, le lieu leplussacrédel’islam.AvantlaconstructiondelatombeactuelleduProphèteen707àl’époqueomeyyade,lesinformationssurlesortdelamaisonquiabriteladépouilledeMuhammadsontconfuses.Mu‘âwiya,lepremiercalifeomeyyade,auraitachetélamaisonde‘Aïshaduvivantdecelle-cipourlasommedecentquatre-vingtmilledirhams 1.Après la transaction, la favoriteduProphète continued’occuper les lieuxjusqu’àsamort.D’autresversionsdisentquec’estleneveude‘Aïsha,‘Abd-AllâhIbnZubayr,quiachètelamaisonetenvoieàsatantecinqchameauxchargésd’argent.

Initialement, la tombe du Prophète n’est pas entourée de murs ; c’est le calife ‘Umar qui faitconstruireunmuret2.Or,cette informationestmiseendouteparcertaines relations.Parexemple,AbûDâwûdditqu’àl’époquedeMu‘âwiya,QâcimIbnMuhammadIbnAbûBakr,petit-filsdupremiercalife,entrechezsagrand-tante‘AïshaetluidemandedeluimontrerlatombeduProphète 3;onendéduitquemêmeduvivantde‘Aïsha,lesmusulmansneconnaissentpasavecexactitudel’emplacementdusépulcreduProphète.Pourtant,certainsauteursaffirmentquela tombedeMuhammadestsurélevée:hauted’unempan,elleestmarquéed’unepierre(naqalun)oudepetitespierresrouges(hasba) 4.

En somme, jusqu’à l’an 707, les musulmans ne savent pas avec précision où leur Prophète estenterré.Cette réalité est clairementmiseenévidencepar le récitde la constructionde lamosquéedeMédinesouslerègnedusixièmecalifeomeyyade,al-WalîdIbn‘Abdal-Malik(668-715) 5.Cedernierordonne à ‘Umar Ibn ‘Abd al-‘Azîz (682-720), qui est à l’époque gouverneur de la ville (avant dedevenir lui-même calife), d’acheter les chambres des épouses du Prophète et de les démolir pouragrandir la mosquée de Médine. Ces travaux suscitent une vive émotion parmi les Médinois quicontestentladécisionducalife.Parmilesprotestataires,laTraditioncitenotammentKhubaybIbn‘Abd-AllâhIbnal-Zubayr 6, sévèrementpunipours’êtreopposéà ladémolitionde lamaisonduProphèteetpouravoirsemélazizanieàMédine.«Fouette-le,ordonnelecalifeomeyyadeaugouverneur,puisversesur luiuneoutred’eauparun jourdegrandfroid.»Khubaybnesurvitpasàcechâtiment.Onditque‘UmarIbn‘Abdal-‘Azîzenconçoittantdeculpabilitéqu’iladeshallucinationsetcroitvoirpartoutlefantômedeKhubayb 7.

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Pendant la démolition de la chambre de ‘Aïsha par le gouverneur, les trois tombes (celle duProphèteetcellesdesdeuxpremierscalifesAbûBakret‘Umar)qu’elleabriteapparaissent.Commeleraconte Bukhârî dans son Sahîh, le sable qui les couvre s’effondre alors et c’est là qu’on fait unedécouvertemacabre:unejambesurgitdusépulcre 8.‘UmarIbn‘Abdal-‘Azîz,quiassisteauxtravaux,enesttétanisédepeur,croyantqu’ils’agitdelajambeduProphète,etaccourtpourrecouvrirlui-mêmelatombe 9. La confusion générée par ces travaux et cette découverte prouve encore une fois que lesmusulmansen707n’ontaucune idéedu lieuoùse trouve la tombede leurProphète 10.Cedont ‘Aïshas’expliqueendisantque«sisatomben’apasétémiseenévidence,c’estparcequ’oncraignaitqu’ellenesetransformeenlieudeprière 11».

Par ailleurs, la mise au jour de ces ossements (attribués au Prophète) suggère une profanationinvolontaire de la tombedeMuhammadqui, si on l’associe à l’épisode tragique de l’abandonde soncadavreetdesonenterrementtardif,soulignequelespremièresgénérationsdemusulmansneréservaientpasàlamémoiredeleurProphètelaplacedontilétaitdigne.DuranttoutleIersiècledel’hégire,onauranégligésatombequineseraconnueetsanctifiéequ’unsiècleaprèssamort(finduVIIesiècleetdébutduVIII

esiècle),périodeaucoursdelaquellel’islam«impérial»semetenplaceavecladynastieomeyyade.Dotésd’hypothétiqueslieuxdemémoire,lesmusulmansnesereconnaissentfinalementquedansleslieuxdeculte…

MaisrevenonsuninstantsurlaplaceoccupéeparMuhammadauxyeuxdespremièresgénérationsde musulmans, pour qui le Prophète n’était probablement pas l’objet d’un culte sacré. Pour s’enconvaincre, il suffit d’observer le traitement subi par ses descendants directs qui sont tous mortsassassinés ou dans des conditions obscures. Cette subversion originelle serait restée enfouie dansl’inconscient collectif des musulmans et expliquerait, à notre avis, comme dans un retour du refoulé,l’obsessiondublasphèmechezlesmusulmansaujourd’hui.C’estsansdoutecesentimentdeculpabilitéfortement implanté dans l’impensé historique des musulmans qui serait derrière le déchaînementpassionnelquesusciteaujourd’huilamoindreatteinteàl’imagedeMuhammad.

Le culte de Muhammad est de toute évidence très tardif. Les recherches sur les papyrus et lesépigrapheslesplusanciensdel’histoiredel’islam,quiontfaitdesprogrèsconsidérablescesdernièresannées, livrent dans ce sens des informations parfois spectaculaires. L’étude des premiers graffitis del’islam révèle cequeFrédéric Imbert appelle l’« évidencede l’absence» : lenomdeMuhammadnefiguresuraucundesécritslesplusanciensqu’onadécouvertsenArabie 12.LaplusanciennementionduProphètedatedel’an121del’hégire/738-739etfiguredansuneprièrequil’associeàAbraham:AminrabbMuhammadwaIbrâhîm(Amen,SeigneurdeMuhammadetd’Abraham).Parailleurs,danslesplusanciens documents sur papyrus, il est attesté que les premiers récits datent au moins du début duVIII

esiècle.Seulunfragmentdepapyrusdehuitlignesdatantdecettepériodeestparvenujusqu’ànous;danscedocumentdécouvertàKhirbatal-Mird(nord-ouestdelamerMorte)etcontenantquelquesdétailssurlabatailledeBadr(premièrevictoiredesmusulmanscontreles«mécréants»deLaMecque) 13,lenomdeMuhammadestmentionnédeuxfoismais,faitétrange,iln’estpasaccompagnédelaformulede

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bénédictionhabituelle :Sallâ llâhu ‘alayhiwasallam (Que lesprièreset les louangesdeDieusoientaveclui).

Le constat de l’absence du Prophète dans les épigraphes sera parfois à l’origine de thèses« négationnistes » qui vont chez des auteurs comme Yehuda Nevo 14 jusqu’à la remise en cause del’existencemême deMuhammad. Sans forcément souscrire à ces hypothèses radicales, on est tout demêmeétonnéqu’iln’yaitaucuneréférencedirecteaureligieuxdanslestracesécriteslesplusanciennesdel’histoiredel’islam.Parexemple,legraffitiappelénaqshZuhayr(inscriptiondeZuhayr),datantdel’an 24 de l’hégire/644 15 et qui constitue le deuxième plus ancien document écrit de l’histoire del’islam16,contient la formulesuivante :AnaZuhayrkatabtuzamana tuwuffiya‘Umarsanatarba‘wa’ishrîn(C’estmoi,Zuhayr,j’aiécritàl’époquedelamortde‘Umar,enl’année24).Cetexte,malgrésoncaractère laconique,pose luiaussienprofondeur laquestionde l’absencedeMuhammad,douzeansàpeineaprèssamort.Ilnecomportepaslamoindreformulereligieuse:lenomde‘Umar(Ibnal-Khattâb)est cité sous sa forme la plus restreinte, sansmention de ses titres de khalîfa (calife) ou d’amîr al-mu’minîn (commandeur des croyants). Aucune eulogie n’accompagne par ailleurs la mention de ceCompagnonduProphète 17.

RobertG.Hoyland 18 tout comme Jeremy Johns 19 affirment que l’absence de référence religieusedans les plus anciens graffitis découverts ne prouve pas forcément que l’« islam muhammadien »n’existait pas (comme le soutient le courant sceptique « négationniste ») mais que la référence auProphète n’était alors pas nécessaire. Pour les deux chercheurs, c’est la formation d’un véritableÉtatsous le règne du calife ‘Abd al-Malik (646-705) qui a produit les manifestations publiques d’uneidéologie impériale se référant à la religion. Lamention du Prophète n’est devenue une puissance delégitimation religieuse que lorsque le calife omeyyade a eu besoin d’appuyer ses revendicationspolitiques faceà la rébellionconduitepar ‘Abd-Allâh IbnZubayr.C’estprécisément sous le règnedumême ‘Abd al-Malik qu’al-Hajjâj IbnYûssuf, le célèbre gouverneur d’Irak, a ordonné la constitutiondéfinitive du corpus coranique en imposant un codex unique 20.Ainsi, la fixation du texte duCoran etl’émergenceducultedeMuhammadsouslesOmeyyadesétaientvisiblementtrèsliéesàlalégitimationetàl’affirmationdunouveaupouvoirpolitique 21.

En somme, les découvertes épigraphiques sont sur le point de bouleverser notre approche del’histoire de l’islam non seulement s’agissant de la perception que les premières générations demusulmansavaientduProphètemaisaussipourcequiestdesprincipesfondateursdelareligioncommela shahâda, dont on a trouvé des formules antérieures différentes de celles que nous connaissonsaujourd’hui 22.Lesfouillesarchéologiquesainsiquel’étudedesdocumentsnonmusulmanscontemporainsde l’avènement de l’islam sont en train actuellement d’introduire une véritable « révolutioncopernicienne»danslaconnaissancedel’islamprimitif.Uneréécrituredel’Histoireestenmarche…

SilaréalitéarchéologiquemontrequelescontemporainsdeMuhammadétaientplutôtindifférentsàlapérennitédesamémoire,unseulhommeavaitsansdoutecomprisl’enjeudeconserverunsouvenirvifduProphètepourfondersalégitimitépolitique:lepremiercalifeAbûBakr.Aulendemaindelamortdumaître, il a su exploiter la mémoire de son ami Abûl Qâcim pour justifier son accession au califat.

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CommenousvenonsdelevoirdanslarelationdespremiersinstantssuivantlamortdeMuhammad,AbûBakrasucontrôlerlasituationàplusieursreprisesenrappelanttelversetoutelhadithdontilétait,detouslesprochesCompagnonsduProphète,leseulàsesouvenir.

Face à lamémoire puissante d’Abû Bakr, on a l’amnésie d’Ibn ‘Abbâs. En réalité, Abû Bakr aobtenu le pouvoir parce qu’il a su se souvenir dans cemoment critique de la religion naissante ; lesHachémites,de leur côté,ontperdu lepouvoir à caused’unemémoiredéfaillante illustréepar l’oublisymptomatique d’Ibn ‘Abbâs, le cousin du Prophète, qui n’arrivait plus à se souvenir du troisièmecommandementdonnéparMuhammaddurantsonagonie 23.LamémoireviveduCompagnon triomphantdel’amnésieducousin,voilàcommentlecalifatestarrivéauxmainsd’AbûBakr.

Lecoupdegéniedupremiercalifeestainsid’avoircomprisavantlesautresquel’emprisesurlamémoirecollectiveestlapierreangulairedel’exercicedupouvoir:lecontrôleduCoranetdesditsduProphèteconstituera,dessièclesdurant,unoutilimparablededominationetdelégitimationdel’autorité.Touslessuccesseursdupremiercaliferetiendrontcetteleçon.AbûBakr,assistéde‘Umar,afaitpreuved’undoigtéetd’un savoir-fairepolitiquescomparablesàceuxdumaîtrequivenaitdedisparaître.DenombreuxhadithsmontrentleProphèteinséparabledesdeuxfuturspremierscalifes 24;ildisaitqu’aprèsluilesmusulmansdevaientsuivreleurexemple 25.‘Aïshaavaitfaitunjourunrêvedanslequelellevoyaittrois lunes tomber dans sa chambre 26 ; ce rêve s’est réalisé : Abû Bakr et ‘Umar ont été enterrés àproximitédeMuhammaddanslachambredelafavoritequiauralargementcontribuéàéleverlesdeuxhommesau rangde«vice-prophètes».On les surnommedans les livresde laTradition les«parents(abawayh)del’islam»:AbûBakrestsamère,‘Umarsonpère 27.MaisleProphètealors,quelseraitson«liendeparenté»aveclanouvellereligion?AbûBakret‘Umarseraient-ilsfinalementlesvéritablesfondateursdel’islam?

Après la mort de Muhammad, au moment où son œuvre à peine ébauchée est sur le point des’effondrer,AbûBakret‘Umarontimmédiatementarrêtéladéfectiondestribusarabesretombéesdansl’incrédulité. C’est grâce à eux (à ‘Umar notamment) que plus tard l’islam a connu son essor et sonexpansion : sorti de ses frontières géographiques, il a cessé d’être la religion des seulsArabes pouracquérirunedimensionuniverselle.Àlareligiondelafindestemps,AbûBakret‘Umarontaussidonnéunavenir.C’estpourcetteraisonqu’aujourd’hui,depuisleurstombesvoisinesdecelledeMuhammad,lesdeuxhommes,formantavecleProphètecommeunesortedetrinité,continuentàdirigerunpanentierdel’humanité.

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ÉPILOGUE

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Mortd’unprophète,naissanced’unereligion

L’exploration de l’épisode final de la vie du Prophète nous place devant la difficulté – parfoisdésespérante–debrosserunportrait cohérentde l’hommequ’il était.Chaqueévénementde laviedeMuhammad, chacun de ses traits de caractère se trouve comme dissous dans un foisonnementspectaculaire de versions divergentes voire antagoniques, véritable nébuleuse où la variationkaléidoscopiquedesrécitsdonnesouventletournis 1.Lorsdel’élaborationdecetouvrage,nousavonseul’occasion plus d’une fois de faire ce constat désarmant : ‘Aïsha, par exemple, peut donner dumêmeépisodedeuxversionstotalementdifférentes–delàsansdoutelesmotsduProphète:«Prenezlamoitiédevotrereligiondecettepetiterougeaude»,l’autremoitiépouvantbienêtrefausse!

Malgrél’abondancedesinformationsqu’ilscontiennent,leslivresdelaTraditionsecaractérisentpar un grand flottement et ne donnent en fin de compte que des renseignements approximatifs. Lestraditionnistes musulmans sont ainsi incapables de fournir les données les plus rudimentaires sur leProphète comme le nombre exact de ses enfants ou encore sa date de naissance. À cela s’ajoute unbrouillage chronologique généralisé dans lequel lamarge d’erreur est de dix ans aumoins. Inutile des’appesantir sur les conséquences de cette imprécision sur la reconstitution historique. De plus etcurieusement,nousnepossédons,onl’adit,paslemoindredocument,paslamoindretraceconcrètequisoit contemporaine de l’époque du Prophète. L’historien est condamné à tâtonner dans le labyrintheobscurdupassé,guidéparlalumièrefaibleetfrémissantequisedégagedeslivresdelaTraditionetquiparfois,loind’éclairerlechemin,contribueàcréerdevertigineusesillusionsd’optique.

LafiguredeMuhammadendevientinsaisissable.D’unepart,onal’imaged’unhommemodesteaucaractèredoux,décritsouslestraitsd’unpèredefamilleaffectueuxetbienveillantquitraitelesdémunisavec humilité. D’autre part, on découvre dans les mêmes livres l’image d’un homme cruel quicommandite actes de brigandage et massacres ; des scènes atroces ponctuent des épisodes de sa viecommecelleoùonvoitleProphètedemanderàsoncousinZubayrdetortureràmortlejuifKinânaIbnal-Rabî‘ pour qu’il divulgue l’endroit où il a caché le trésor desBanûNadhîr 2, ou décimer une familleentière 3,ourecommanderàsescoreligionnairesdedépouillerlecadavredel’hommequ’ilsassassinentouqu’ilsprennentenotage 4.TantôtonmontreMuhammadvivantdansl’opulence,accumulantlarichesseet favorisant les nantis ; tantôt la Tradition vante le zuhd du Prophète, sa pauvreté voulue, sondépouillement : ilvitdansunemodestedemeureets’occupelui-mêmedes tâchesdomestiques, traitsabrebisetraccommodelui-mêmesesvêtementsetsessouliers.Quantàsonattitudefaceàsesadversaires,

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on constate que les réactions du Prophète sont radicalement contradictoires au point de paraîtreinconciliables:ilpeutêtreimpitoyableavecdespoètesquilecaricaturentdansdesverssatiriques;enrevanche,ilpeutfairepreuved’indulgenceàl’égarddepersonnesquitententdel’assassiner 5.

Commentlesmusulmanspeuvent-ilsêtreédifiésparuneviecenséeêtreexemplaire,faited’unaussigrandnombredeparadoxes?Àlaquelledecesimageslemusulmanpeut-ils’identifier?Celleexaltéed’unêtredelégendeoucelled’unprophètehumain,quin’étaitpasau-dessusdestourmentsetdesvicesqui peuvent affecter chaque homme ? Dans ce sens, l’interdiction de toute représentation figurée duProphèteseraitsansdoutesymptomatiqueducaractèrefuyantdupersonnage.

Par ailleurs, l’historien qui se penche sur la vie de Muhammad se trouve confronté à un autreobstacle majeur : il existe un déséquilibre flagrant entre la quantité prodigieuse d’informations et derécitssurlavieduProphèteaprèslaRévélationetlararetédesrenseignementsqu’onnousdonnesursavie avant la mission prophétique. Tout se passe comme s’il y avait une volonté délibérée de fairedisparaîtrel’échafaudagesurlequellanouvellereligions’estérigée.Onnesaitquasimentriendelavied’AbulQâcimavantsaprédication,périodequicorrespondraitàunequarantained’années,soitlesdeuxtiersdesonexistence.

On peut dire qu’il existe deux grandes ruptures, voire deux brèches, dans la biographie deMuhammad. D’une part, celle qui se situe au niveau de l’émigration à Médine (vers 622) marquevéritablementledébutdel’histoiredel’islam,unesorted’an0àpartirduquelladatationacommencé;cetterupturedistingued’unemanièreasseznettedeuxaspectsdelamissionprophétiquedeMuhammad,qu’on peut schématiquement appeler la « phase spirituelle » enthousiaste (période mecquoise) et la«phasepolitique»plusrationnelle(périodemédinoise) 6.D’autrepart,uneseconderuptureplusradicalequi se situe au niveau de la Révélation (vers 611) plonge dans une pénombre insondable la«préhistoire»duProphèteavant saprédication.Pourtant, cettepériodea sansdouteeuune influencedécisivesurlagenèsedel’islam.

MêmesilaTraditionestavared’informationssurlaviedeMuhammadavantlaprophétie,ellen’estpasmuette pour autant.Onpeut deviner ce passé révolu grâce aux faibles traces qu’il a laissées. Parexemple,certainspersonnagesquiontmarquélaviedeMuhammadavantlaprophétieressemblentàdesêtres fantomatiques dont l’historien soupçonne toutefois le rôle important : c’est le cas notamment dumoinenestorienBahîrârencontréparMuhammadenSyrieetsansdouteplustardàLaMecque;c’estlecaségalementdeWaraqaIbnNawfal(cousindeKhadîja)quiaétélepremieràreconnaîtrelaprophétiedeMuhammadmaisquiétrangementnes’estjamaisconvertiàl’islam.Khadîjaelle-mêmeajouédetouteévidenceun rôlecapital audébutde lacarrièrede sonmari ; elleaurait étéencontactavec lemoineBahîrâquiluiaurait«ordonné»d’épouserMuhammad,vingtansplustôt7;enréalité,larelationentreKhadîja et Bahîrâmérite d’être élucidée car elle constitue sans doute une des clés qui permettent decomprendrelesoriginesdel’islam:d’aprèslessourcesmusulmanes,justeaprèslaRévélation,Khadîjaestpartievoirlemoinenestorien(onprécisequeBahîrân’étaitpasloindeLaMecque)pourluiparlerde l’apparitionde l’angeGabriel à sonmari 8.D’autrespersonnages sont encoredans lapénombredel’Histoire comme l’affranchi chrétien ‘Udâs al-Naynawî que Khadîja est allée voir également pour

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l’interroger sur la révélation que Muhammad venait de recevoir 9. Le retour vers cette périodepréprophétique permet de reconstituer les filiations qui existent entre l’islam et les doctrines judéo-chrétiennesprésentesenArabieauVIIesiècle.

L’examen des derniers jours du Prophète nous a permis par ailleurs de dépasser certains lieuxcommuns.Eneffet,onditsouventquelamortdeMuhammadadéclenchéunevaguedeviolencefratricideayantconduitàl’assassinatpardesmusulmansdesesproprespetits-fils,HassanetHussayn,crimequipourraitêtreassimiléàunemiseàmortsymboliqueduProphètelui-même.Or,àregarderdeprèslafindeviedeMuhammad,ons’aperçoitquecetteviolencesemanifestaitduvivantmêmeduProphète,dontlepouvoirétaitl’objetd’unelargecontestationdanslecampdesmusulmans.Mêmesursonlitdemort,leProphètevoyaitsonautoritésursesprochessérieusementmiseàl’épreuve.

Au vu de la reconstitution que nous avons tenté de faire dans cet ouvrage, on peut dire quel’implosionsesitueaumomentde ladéfaitedeMo’tacontre lesByzantins,défaitequiasérieusementébranléleprestigeduProphète:taillésenpiècesparlesRûm,lesmusulmansontdûremettreencauseleurstatutdesoldatsinvulnérablesdeDieu.Ilfaudraitsansdoutedéplacerlelieudelafractureaucœurde la communauté musulmane et la faire remonter à une période légèrement antérieure à la mort deMuhammad. On peut même aller plus loin et penser, au vu des tentatives d’assassinat et du soupçond’empoisonnement,quenousavonslàlesélémentsconstitutifsd’un«parricide»caractérisé.LamortduProphète n’a pas causé la violence fratricide qui déchire encore les musulmans, elle serait laconséquenced’uneanimositéinternequelanouvellereligionn’ajamaisréussiàdésamorcer.

Chemin faisant, le point de vue serré que nous avons proposé des derniers jours deMuhammadpermetsansdoutedejeterunéclairagenouveausurl’islamdesorigines 10.IlexisteunlienessentielentrelamortduProphèteet l’achèvementdelareligion;cette idéeestclairementénoncéedansleCoranetexpriméeaussiparleProphètelui-mêmedanssonemblématiquediscoursdel’adieu.Or,cetachèvementest ambivalent : il désigne aussi bien la fin (renvoyant à la dimension eschatologique de la missionprophétique)quel’accomplissement(renvoyantàl’idéed’unereligionparfaite).

LamortdeMuhammadestunlieuhistoriquenévralgique,situésurlefilmincequiséparelafindel’accomplissement. Il s’agit là du moment décisif de la relève où la fin de la prophétie a constituéparadoxalementuninstantinaugural:celuidel’avènementd’unereligion.Toutsepassecommesil’islamn’avaitpuémergerqu’après ladisparitionphysiquedesonProphète.Ceparadoxenouspousseànousinterrogersurlesliensvéritablesquiexistententrelareligionqu’onappelle«islam»etlaprédicationinitiale de Muhammad. Rappelons que celle-ci était à l’origine centrée sur la restauration de la foimonothéiste abrahamique qu’on appelle le « hanifisme 11 ». C’est le Prophète lui-même qui se disaitenvoyépourappelerauhanifismeclémentetfacile 12.

AveclamortdeMuhammad,noussommesfaceaumomentfondateurd’unereligionqui,désormaissans Prophète, était confrontée à l’épreuve de sa propre survie, épreuve d’autant plus périlleuse queMuhammadn’auraitlaisséaucuneinstitutiondenaturepolitique,aucundocumentdequelquenaturequecesoitpourservirdepointdedépartàunestructurepolitiqueouthéologiquemêmeembryonnaire.

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Au-delà de l’autorité du maître disparu, l’islam devait donc se réinventer ou peut-être mêmes’inventer. Deux hommes ont alors joué un rôle de premier plan : Abû Bakr et ‘Umar, qui ont dûimproviseretinstaureruneinstitutionpolitiqueinéditebaséesurl’idéedesesubstituerauProphète:lecalifat. Celui-ci nourrit encore l’imaginaire collectif musulman qui le conçoit comme une institutionpolitiqueinfaillible;onpourraitmêmeaffirmerquel’attachementdesmusulmansaucalifatencoredenosjourss’expliqueparlefaitquelacréationdecerégimecoïncideaveclanaissancevéritabledel’islam,dumoinsavecsonentréedansl’Histoire.

Maislegestefondateurdes«deuxcheikhs»n’étaitpasseulementdenaturepolitique,ilétaitaussiéminemmentreligieux.DèslespremièresheuressuivantlamortdeMuhammad,AbûBakraprisenmainlasituationenutilisantleCoran(unversetdontpersonnenesesouvenait)etleshadiths(pourdonnerdesdirectivesdurant lesobsèquesdeMuhammadet aussi pourdéshériterFâtima).D’emblée,AbûBakr afondésonautoritépolitiquesurleCoranetlesditsduProphète,quiallaientêtreàpartirdecemomentlapierreangulairedel’empirethéocratiquequelepèrede‘Aïshavenaitdecréer.DurantlafindelaviedeMuhammad,onavucommentleCoranapparaissaitenfiligraneaufildesrécits,desorteque,duversetdévoréparlachèvreauversetcitéparAbûBakraumomentdelamortdeMuhammadetquepersonneneconnaissait, on a observé quelle mutation profonde s’est opérée dans la conception même du Coran,passantdetexte«superflu»(abandonnénégligemmentsouslelitduProphèteetmangéparunechèvre)àuntextesacrénécessaire!

AucoursdenotreexplorationdesderniersjoursduProphète,nousavonségalementvusedessinerlesportraitsdedeuxespritspragmatiquesetautoritaires:AbûBakret‘Umar.Loindesstéréotypesquientourentlapersonnalitédupremier,ons’esttrouvéfaceàunhommed’unegrandeforcedecaractère– ‘Aïsha était bien« la fille de sonpère », comme l’observaitMuhammad.Derrière ses allures d’êtresensible,àlalarmefacile,secachaitunhommeàlafoisflegmatiqueetcoriace.Balâdhurîditdeluiqu’ilétait le plus ferme des Compagnons deMuhammad 13. Son acolyte ‘Umar, lui, était tout d’une pièce,emporté,capabledebeaucoupdeviolenceetcraintpartoutlemonde.Onestétonnédevoirque‘Umar,parfois « plusmusulman que le Prophète », était parmoments la proie du doute 14 : son tempéramentsceptique lepoussait tantôtà remettreencause lasincéritéduProphète, tantôtà rejeterdesversetsduCoran,tantôtaucontraireàdirequecertainsversetsavaientbeletbienétérévélésbienqu’ilfûtleseulàs’en souvenir. Face à l’affaiblissement de Muhammad malade, ‘Umar aura déployé d’une manièrespectaculairesoncaractèreautoritaire,auxconfinsdel’insolence.

Après lamort du Prophète, AbûBakr et ‘Umar feront ainsi une entrée décisive sur la scène del’Histoire. Ne sont-ils pas finalement les fondateurs véritables d’une nouvelle religion qu’ils doiventreconstruiresurlesruinesd’unecroyanceprimitivequis’esteffondréebrusquementàl’instantmêmeoùMuhammad estmort ? Ce geste fondateur seramis en scène dans le huis clos de la saqîfa des BanûSâ‘ida,véritabletragédieclassiquerespectantl’unitédetemps,delieuetd’actionetàl’issuedelaquellegermeradansladouleurlenoyaudupremierÉtatislamique.

RefermantlaportedelachambremortuairesurlecorpssansviedeMuhammad,drapésd’amplespiècesd’étoffeduYémen,AbûBakret‘UmarhâtentlepasverslevergerdesBanûSâ‘ida.Accompagnés

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d’Abû‘Ubaydaetsuivisd’ungrouped’Émigrants,ilsentrentdanslejardinetsedirigentverslatonnelleoù tous les seigneurs des Ansars deMédine sont réunis. Aumilieu d’eux, enveloppé de nombreusescouvertures,lechefdesKhazraj,Sa‘dIbn‘Ubâda,malade,estallongésurunebanquette;ilseredresselégèrementenvoyantAbûBakret‘Umarfaireirruptiondanslasâqîfa.Pendantdelonguesminutes,toutlemondesedévisageensilence.

Souvent,leshommesappelésàjouerunrôledécisifdansl’Histoirenesaventpasqu’ilsportenteneux un destin collectif. Les Compagnons de Muhammad réunis dans la saqîfa des Banû Sâ‘idan’imaginentpasquecejour-làilssontsurlepointdejeterlesbasesd’unconflitquiduredepuisquatorzesiècles.

‘Umarsaisitlapoignéedesonsabre.Qays,lefilsdeSa‘dIbn‘Ubâda,bonditetsemetdevantsonpère;lamainsursonépée,illanceunregardmenaçantàIbnal-Khattâb.D’ungestediscret,AbûBakrposesamainsurcellede‘Umaretluichuchote:«Attends!Laisse-moileurparlerd’abord…»

Àsuivre…

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APRÈS-DIRE

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QUESTIONSHISTORIOGRAPHIQUES

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«Leducd’Augesepointasurlesommetdudonjondesonchâteaupouryconsidérer,untantinetsoitpeu,lasituationhistorique.Elleétaitplutôtfloue.Desrestesdupassétraînaientencoreçàetlà,envrac.»

RaymondQueneau,LesFleursbleues

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Lesrévélationsdessourcesnonmusulmanes

L’anciennehistoriographieoccidentales’estbeaucoupintéresséeàlamortdeMuhammad 1,décritecommeaussiatrocequegrotesque.DanslaVitaMahumetiécriteparEmbricondeMayenceaudébutduXII

e siècle,Muhammad est présenté commeun hérétique chrétien qui a étémassacré par une horde deporcs (ce qui explique selon l’auteur la haine des musulmans pour cet animal). On trouve la même«fable»dansunautrelivreintituléDeigestaperFrancos,écritparGuibertdeNogent(m.1124),oùl’onvoitMuhammadattaquépardesporcsqu’ilarencontrésdanslaforêtetquiledévorent,nelaissantdeluiquesonbrasdroit.AuXIIesiècle,unrécitduGalloisGéraldBarryaffirmequeMuhammadestmorten état d’ébriété 2. Ce genre de relation semble ainsi correspondre à un lieu commun de la littératuremédiévale,onentrouvemêmeunetracedansl’œuvrelaplusemblématiquedel’époque,laChansondeRoland,oùonlit:EMahumetenzenunfossetbutent/Eporccchenlemordentedefulent(QuantàMahomet,onlejettedansunfossé,/Oùlesporcsetleschienslefoulentetlemordent) 3.

Ces récits peuvent paraître à première vue fantaisistes mais présentent le plus grand intérêtlittéraire : ils constitueraient en réalité un grossissement caricatural de la violence contenue dans lesdétailsplutôtturpidesquelaTraditionmusulmanedonneàlirequandellerapportelerécitdel’agoniedeMuhammadetdel’abandondesoncadavre.Malgréleurapportdansl’analysedesreprésentations,cesrécits«gothiques»nepeuventconstituerunapporthistoriographiquesusceptibled’offrirunemeilleureconnaissancedesfaits.

D’autres sources non musulmanes deviennent en revanche aujourd’hui incontournables pour laconnaissance des débuts de l’islam. Il s’agit des chroniques datant du VIIe siècle comme celles del’évêqueSebèos 4etJacobd’Édesse 5,quiévoquentleProphèteMuhammaddontlarenommées’esttrèstôt répandue au Proche-Orient. L’exploration de ces sources est en train d’amorcer actuellement unprodigieuxprocessusderéécrituredel’Histoire.Eneffet,desdocumentsdémententuneinformationquifaitl’unanimitédanslaTraditionmusulmane:samortàMédineenl’an632.SeloncestextesdatantduVII

e siècle, Muhammad était encore en vie en 634 et ne se trouvait pas à Médine : cette année-là,Muhammadauraitlui-mêmeconduituneexpéditionverslaPalestineetgagnéunebatailleàGaza.

Ces sources ont l’avantage d’être contemporaines ou peu postérieures au décès du Prophète del’islam,cequiestloind’êtrelecasdessourcesmusulmanesqui,elles,datentd’aumoinsunsiècleaprès

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la mort de Muhammad. Fait encore plus troublant, bien que d’origines diverses, tous ces textesconcordentsurlefaitqueMuhammadétaitàGazaen634.L’importantouvragedeRobertG.Hoyland 6

citelessourceschrétiennes,juivesetzoroastriennesquiévoquentlesdébutsdel’islametlivrent,entreautres,untémoignageirréfutablesurlesexpéditionsmilitairesmenéesdanslesuddelaPalestinepardeshommesquiseréclamaientdunouveauProphète.

Parmicessources 7,onpeutciterunecourtechroniquesyriaquerédigéeen640àRâssal-‘Aynenhaute Mésopotamie ; son auteur, Thomas le Presbytre 8, parle des tayyiiye d-Mhmt ou « Arabes deMhmt»(tayyiiyeestuntermesyriaquedésignantlesArabes)etdeleurcombatvictorieuxprèsdeGazaen634 9.Hoylandprécisequ’ils’agitlàdelapremièreréférenceexpliciteàMuhammadassortied’unedatationpréciseetd’un témoignagedepremièremain.Lamentiondunomduchef,MHMT(formenonvocaliséedeMuhammad),parThomaslePresbytrelaisseperplexe:s’agit-ilduchefréeldel’expéditionoubiendel’autoritésymboliqueaunomdelaquellecetteactionmilitaireaétéconduite 10?Ilestdifficilede trancher d’une manière catégorique mais il faut reconnaître qu’il est rare qu’une expédition soitévoquéeaveclenomd’unchefdécédédeuxansplustôt.

L’information qui figure dans ce texte est corroborée par un autre écrit à une époque légèrementantérieuremaisàdesmilliersdekilomètresdedistance.Ils’agitdelaDidascaliedeJacob (DoctrinaJacobinuperbaptizati,qu’ontraduit littéralementpar«EnseignementdeJacoblenouveaubaptisé»),rédigéeengrecen juillet634, àCarthage, capitalede laprovincebyzantined’Afrique 11.LaDoctrinaJacobiestunouvraged’apologétiquechrétienneadresséauxjuifsrabbiniquesquiciteunelettreenvoyéeparuncertainAbraamès(Abraham),unjuifrésidantàCésarée,àsonfrèreJustusquivivaitàCarthage.JustusparledecettelettreàJacob(l’auteurprésumédel’ouvrage)quilaciteintégralementetfidèlement.Justus évoque un « faux prophète » apparu avec les « Sarracènes ».Le passage où il est question deMuhammad contient la même information qui figure chez Thomas le Presbytre : Justus avait entenduparlerdece«prophète»etdesArabesquiavaient tuéuncertainCandidatus (unmembrede lagardeimpériale);c’estAbraham,lefrèredeJustus,quivivaitàCésaréequil’enavaitinformédansunelettrequ’il lui avait adressée : «Quand leCandidatus fut assassinépar lesSarracènes, j’étais àCésarée etm’apprêtaisàprendrelebateaupourSykamine.Lesgensdisaient:“LeCandidatusaététué”etlesjuifsenétaientravis.OndisaitqueleProphèteétaitapparu,venantaveclesSarracènes,etqu’ilproclamaitlavenueduMessiequiallaitvenir.ÉtantarrivéàSykamine,jem’arrêtaichezunvieilhommebienversédanslesÉcrituresetluidis:“Quemedis-tuduprophèteapparuaveclesSarracènes?”Ilmeréponditdans un profond soupir : “Il est faux car les prophètes ne viennent pas armés avec épée et char deguerre…”Etmoi,Abraamès,ayantpoussé l’enquête, j’apprisdeceuxqui l’avaient rencontréqu’onnetrouve rien d’authentique dans ce prétendu prophète : il n’est question que d’effusion du sang deshommes. Il dit aussi qu’il détient les clés du paradis, ce qui est incroyable. 12 » Le texte fournit uneinformationintéressantesurlescroyancesprimitivesassociéesàMuhammad,assimiléparlesjuifsàunnouvelÉlieannonçantlavenueduMessie 13.LemessagemessianiqueavaitassuréàMuhammadaudébutdesamissionunecertaineaudienceauprèsdesjuifsdeMédinemaiscettepériodedepaixfutbrève.

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Lesdeuxtémoignages(l’ungrec,l’autresyriaque)nesontpaslesseulsdocumentsnonmusulmansquidonnentcetteinformation.StephenJ.Shoemaker 14recenseaumoinsunedouzainedesources(datantdesVIIeetVIIIe siècles) attestant queMuhammad conduisait lui-même l’expéditionvers laTerre saintedeuxàtroisansaprèsladatesupposéedesondécèsàMédine.

Il est difficile de mettre en doute l’authenticité de cette information chronologique car elle estdénuée de tout caractère idéologique ou théologique. Par ailleurs, on remarque que ces sources nonmusulmanes ont été rédigées d’unemanière indépendante dans des régions séparées géographiquementparunegrandedistance.Ilestfortpeuprobablequecestextesdiverscontiennentlamêmeerreur.Enfin,aucunesourcemusulmanen’estaujourd’huienmesurededémentircetteinformationcaraucunedecellesparvenuesjusqu’ànousnepeutprétendreàunetelleproximitéavecl’époqueoùMuhammadvécut.

Enréalité,lesdivergencesentrel’historiographiemusulmaneetcessourcesautourdeladatedelamortdeMuhammadnesontpasunsimpleproblèmedechronologiemaisaussidegéographie.LarévisionchronologiquedontladatedelamortduProphètesembleeneffets’êtreaccompagnéed’undéplacementgéographique:delaPalestineversl’Arabie.Laréécrituredel’histoiresacrée,verslafinduVIIesiècle,aurait nécessité un déplacement de lamort duProphète versMédine dans le but de faire duHijâz uncentredepouvoir spiritueletpolitiquepourdes raisons idéologiquesévidentes.Cettemanœuvren’estpassansrappeleruneautrerotationeffectuéeduvivantdeMuhammad,quiavaitdécidéqueladirectiondelaprière(qibla)nedevaitplussefaireversJérusalemmaisversLaMecque.Cetteréorientationdeladirectiondelaprièrerépondraitainsienéchoàuneautreréorientationgéographiquedel’ensembledel’histoiresacréedel’islamdontle«pointdechute»(correspondantàlamortdeMuhammad)nesesitueplusdésormaisàJérusalemmaisenArabie.

RappelonsqueMuhammadavaitd’abordfixépoursamissionprophétiqueunobjectifgéographiquebien précis : Jérusalem. On trouve dans la Tradition musulmane des vestiges de cette orientationprimitiveverslaTerresainte,expriméesurlemodeoniriqueetsymboliqueàtraverslemotifduvoyagenocturneeffectuéeparMuhammad(al-isrâ’walmi’râj).LamissionprophétiquedevaitleconduireversBilâd al-Shâm comme lemontre cet échange entre le cousin deMuhammad et un rabbin. Ibn ‘Abbâsdemande un jour àKa‘b al-Ahbâr : « Comment qualifie-t-on le Prophète dans la Torah ? »Ka‘b luirépond:«OntrouveMuhammadIbn‘Abd-AllâhnéàLaMecque,ilmigreversTâba 15[ouTayba]etsonrègnes’établitenSyrie 16.»

Ce lien originel entre lamission deMuhammad et la Terre sainte a permis à certains historiensd’avancer l’hypothèse que leProphète rebaptisaYathrib enMédine (Madîna) en référence à la petiteville de Modin en Judée, la ville natale de la famille des Macchabées (aujourd’hui al-Mîdya) à30kilomètresaunord-ouestdeJérusalem17.LenouveaunomdonnéparMuhammadàlavilleoùildécidede s’établirmontre une nette volonté de sa part d’instaurer un lien historique et symbolique avec desvillesdunordàfortesignificationabrahamiqueethébraïque.C’estsansdoutepourcetteraisonquenousvoyonsMuhammadorienter sesdernièresexpéditionsvers laSyrie (Bilâdal-Shâm) :Mo’ta,TabûketprobablementGaza,làoù,rappelons-le,sonarrière-grand-pèreHâshimestmort!

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Ilestprobable,commelepenseStephenJ.Shoemaker,quelaTraditionmusulmaneaitplacélamortduProphèteàMédineavantlaconquêtedelaPalestinepourseconformeràunmodèlebiblique:commeMoïsequiestmortavantd’accéderàlaTerrepromise,Muhammadn’apasréussiàconquérirlaTerresainte;latâcheseraaccomplieparlesCompagnonsdesdeuxprophètes,JosuédanslecasdeMoïseetAbûBakr(ou‘Umar)danslecasdeMuhammad.Mais lesrédacteursdelaTraditionmusulmanenesesontpascontentésd’imiterdeslieuxcommunsdelalittératuresacrée,ilssemblentsurtoutavoirobéiàdesimpératifspolitiques:contrairementàlamissionprophétiquedontl’achèvementestsolennellementproclamé lors du Pèlerinage de l’Adieu, l’œuvremilitaire deMuhammad le conquérant devait resterinachevée;danscesens,l’issuecurieusequelesauteursdel’histoireofficielleontdonnéeàsadernièrecampagneàTabûkestrévélatricedecetinachèvementprémédité,cettemanœuvrepermettantdemainteniret de légitimer la logique d’une conquête militaire continue dont le point de fuite demeure encoreaujourd’huiJérusalem…

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Lessourcesmusulmanes:écrirel’histoireouraconterdeshistoires?

L’islam est une religion dont nous ne possédons aucune trace écrite contemporaine à sonavènement1.Telle l’œuvreaunoirdesalchimistes, lagenèsede l’islamsembleavoireu lieudansunepénombre totale. Ce phénomène propre à l’islam est d’autant plus curieux que la société médinoiseconnaissaitl’écriture.SelonlaTraditionmusulmane,leProphètelui-mêmeauraitétéunhommedel’écrit.Sonillettrismesupposén’estqu’unelégendefacilementdémentieparlenombreimportantdedocumentsqu’ilauraitécritsoudictésdurantsacarrièrenotammentaulendemaindesonémigrationversMédine.Muhammadavaitmêmeuneéquipede secrétairesqui formaientunecasteàpartdans lemilieude sesCompagnons;lesscribesduProphèteétaientchargésderédigerpourluidesdocumentspolitiquesetdeconsigner également les versets du Coran au fur et à mesure de leur révélation. Il est tout de mêmeétonnant qu’aucun document écrit ou dicté parMuhammad, aucune transcription d’un verset coraniquedatantduvivantduProphèten’aitétéconservéetnesoitparvenujusqu’ànous…

Troiscorpusconstituentencoreaujourd’huilabasepourl’écriturebiographiquedeMuhammad.Ilya d’abord leCoran qui a été très tôt considéré comme une source pour la connaissance de la vie duProphète,maislecorpuscoraniquetelquenousleconnaissonsaujourd’huin’auraitétélui-mêmefixéquetardivement2.Viennentensuiteleshadiths(ditsduProphète),cettetraditionscripturaireétantcomposéedessixcollectionscanoniques 3.LecorpusénormedeshadithsrédigésessentiellementsouslerègnedesAbbassides au IIIe/IXe siècle est composédedits, de faits et gestes attribués auProphète (Sunna), quechaquemusulmandoit imiter.Leshadiths sontdevenusau fildu temps l’objetd’unculteet constituentaujourd’hui le fondement de l’ethos du musulman sunnite. Pourtant, il est connu depuis longtemps, etmême dans les cercles musulmans autorisés, que les hadiths sont en grande partie apocryphes. Lesrédacteursde laTraditionétaientdésarçonnéspar lamassemonumentalede récitsetdehadithsqu’ilsavaient eux-mêmes rassemblés. Bukhârî par exemple finit par reconnaître que sur les deux centmillehadithsqu’ilavaitlui-mêmeréunis,seulsseptmilleluiparaissaientfiables.Unpetitexamencritiquepeutnousameneràrevoirencoreplusàlabaissecechiffre.Enfin,pourconnaîtrelaviedeMuhammad,onseréfèreauxbiographiescanoniquesqu’onappelleSîra(conduite)ouMaghâzî (littéralement«razzias»)portant sur les batailles militaires. Ces biographies avaient d’abord une fonction exégétique ; ellesservaientde«commentaireenaction»duCoran.Ellesavaientd’autrepartunefonctiondoctrinalecar

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ellespermettaientdefixerlaloireligieuseetlaliturgie 4.Progressivement,lespremièresbiographiesduProphèteontfiniparacquérirunevaleurhagiographique,parallèlementaudéveloppementducultedelapersonnedeMuhammad.

L’historiographiemusulmaneetlespremiersrécitssurlaviedeMuhammadsontapparusdèslafindu Ier siècle de l’hégire, début duVIIIe siècle, venant de quelques clercsmusulmans 5. C’est le cas deSulaymIbnQaysal-Hilâlî 6,auteurshiiteduKitâbal-saqîfa(Livredelasaqîfa)ditaussiKitâbSulaym(LivredeSulaym),etquiseraitsansdoute,dumoinsdanssastrateprimitive(datantdudébutduIIesièclede l’hégire), l’un des écrits les plus anciens qui soient parvenus jusqu’à nous 7. Du côté sunnite, lespremiers clercs à voir écrit sur la vie de Muhammad sont ‘Urwa Ibn al-Zubayr (m. 94/712) et sondisciple al-Zuhrî (m. 124/741) qui ont vécu sous les Omeyyades. ‘Urwa aurait rédigé des récits surcertainsépisodesdelavieduProphèteàlademandeducalifeomeyyade‘Abdal-Malik(685-705),souslaformedeplusieurslettresadresséesàcedernier;iln’enresteaucunetrace,pourtantl’hommeavécuseptansenÉgypte,oùlepapyrusnedevaitpasmanquer.

On ne connaît le travail de ‘Urwa qu’à travers des comptes rendus ou des citations qui figurentnotammentchezdesauteurssubséquentscommeIbnIshâq(néàMédineen85/704etmorten151/768)dont le maître n’est autre que Zuhrî, le disciple de ‘Urwa. Ibn Ishâq, qui appartenait à une familled’«historiens», a rédigévers la finde lapremièremoitiédu IIe siècle de l’hégire unebiographie duProphètequirapportedesépisodesdesavie(Sîra)etdesesexpéditionsmilitaires(Maghâzî).Commeles lettres de ‘Urwa, Ibn Ishâq aurait écrit sur la commandedu calife abbasside al-Mansûr (754-775)poursonfilsleprincehéritierMahdî.Commeleslettresde‘Urwa,labiographied’IbnIshâqnenousestpasparvenue 8.Fauted’yavoiraccèsdirectement,onpeuts’enfaireuneidéecarelleestabondammentcitéedanslesouvragespostérieursdelafinduIIIeetduIVesiècledel’hégire(plusoumoinsentre850et950) 9.

LaSîrad’IbnIshâqest,commelepréciseAbdesselamCheddadi,«capitaledanslaformationdelaconscience historique et dans l’élaboration de l’écriture de l’histoire en islam10 ». Les relationsattribuées à Ibn Ishâq devinrent rapidement une source incontournable pour la biographie duProphètetellequ’elleaétéconsacréeparlaTraditionislamique.Dulivred’IbnIshâqnousnepossédonsquedesrecensions remaniées souvent variables voire divergentes à travers des ouvrages rédigés à partir duIII

e/IXesiècle,dontnotammentlaSîratal-Rassûl(ConduiteduProphète)d’IbnHishâm(m.218/832)quien a assuré la pérennité. Cette Sîra ne reproduit pas fidèlement la relation d’Ibn Ishâq, qui était unepersonnalité controversée ; ses récits semblent avoir eu besoin d’amendements 11 – IbnHishâm auraitnotamment supprimé tous les détails peu favorables au Prophète 12.Mais ce texte constitue la versionquasi officielle et constitue unmodèle achevé et structuré enmatière biographique.Lapériodeoù IbnHishâm a vécu, IIIe/IXe-IVe/Xe siècle, est un moment crucial au cours duquel, sous l’impulsion desAbbassides,uneversioncanoniquedel’histoiredel’islametdelavieduProphètes’estimposée.

Cettepériodeestmarquéeégalementpar lesécritsd’unautreauteurcontemporainàIbnHishâm:Wâqidî(130-207/747-823),unéruditquiavécuàlacourdesAbbassidesoùiljouissaitdesfaveursdescalifes,notammental-Ma’mûn(813-833).WâqidîauraitécritbeaucoupdelivresdontlesMaghâzîqui

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estleplusancienouvrage(sunnite)surl’histoiredesdébutsdel’islamquinoussoitparvenu.WâqidîestdevenucélèbregrâceàsonsecrétaireIbnSa‘d(168-230/785-845)qui,àpartirdesécritsdesonmaître,acomposéunlivrevolumineuxsurlesCompagnonsduProphète,leursdescendants,l’histoiredescalifesjusqu’àsontemps:lesTabaqât 13.Danslagénérationsuivante,l’unedesréférencesincontournablespourlabiographieduProphèteestlecélèbreTabarî(224-310/839-923),surnomméleTite-LivedesArabes;seschroniquesreprennentlargementlesauteursantérieursquenousvenonsdeciter 14.

Les sources principales de la Traditionmusulmane présentent une autre difficulté qui est un défipour l’historien :nonseulementellesontété rédigéesaumoinsunsiècleaprès lamortdeMuhammadmaiselles recèlentdescaractéristiques littérairesparticulièresqui rendent leur lecture laborieuse.Lesrécits discontinus écrits dans un style austère sont entrecoupés par les chaînes de garants (sanad) 15

annonçantàchaquefoisunenouvellenarrationouunevariantedumêmeépisode.UnephrasedesTabaqâtexprimecetteconfusiondesversions:«Lesparolesdesunssesontentremêléesauxparolesdesautres»,témoigneIbnSa‘d 16.

Cesnombreusescontradictionsontconduit lesorientalistesàs’interrogersur ledegrédefiabilitédessourcesmusulmanes.Ce«douteméthodique»aétéinitiéaveclestravauxdel’islamologuehongroisIgnazGoldziherqui, audébutduXXe siècle, a soumis le corpusdes hadiths à un examen critique.Lesremisesencausequecontiennentdetelstravauxontprovoquéuneondedechocépistémologiquequiseraparfois à l’origine de thèses « révisionnistes ». De fait, on pourrait sans doute reprocher à certainsorientalistescommeHenriLammens leur islamophobieérudite, leurférocitésavanteet lemalinplaisirqu’ilsprennentparfoisàpointerdudoigtlesanachronismes,lesmensongesgrossiersdontregorgentleslivres de la Tradition. Il n’en demeure pas moins qu’ils ont introduit un regard démystificateur quicontribueàextrairel’histoiredel’islamdel’emprisedudogmereligieuxetd’unevisionexclusivementapologétique.Toutefois,danslemondemusulman,onobserveencoreaveclaplusgrandesuspicionlestravaux critiques des orientalistes ; lesmusulmans préfèrentmettre en doute les intentions des savantsoccidentauxplutôt quede s’interroger sur les fondementsde leur proprehistoire.Nous savonsque cepréjugéhostileàl’orientalismeaétéquasimentélevéaurangdethéorieparEdwardSaïdquivoyaitdansl’orientalismeun« styleoccidentaldedomination,de restructurationetd’autorité sur l’Orient17 ».Cegenred’approcheacontribuéàplongerdavantagedenombreux intellectuelsmusulmansdansunesorted’autismequilespousseàrejeterenbloctoutevisioncritiquedeleurhistoire.Laplupartdeshistoriensarabes contemporains qui ont écrit des biographies de Muhammad n’ont pas pris suffisamment dedistanceavecladimensionapologétiquedominante 18.

En réalité, il faut reconnaîtreque lepeude fiabilitédes informationscontenuesdans laTraditionvient du fait que son objectif principal n’est pas l’établissement d’une vérité historique au senscontemporainduterme:cesouvragessontsous-tenduspardesintentionsreligieusesvisantàfonderunehistoire sacralisée, une « histoire du salut » dirait John Wansbrough. Étant donné leurs fonctionsexégétiques et doctrinales originelles, les premières biographies du Prophète tentent de forger desmythes,etd’établirdesvéritésimmuables.Laperplexitééprouvéeparleshistoriensdevantlanébuleusede la Tradition a fini par être à l’origine d’une relation ambiguë : tout en manifestant le plus grand

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scepticismequantàlafiabilitédel’historiographiemusulmane,l’historienquisepenchesurlesdébutsde l’islam ne peut se passer de ce corpusmonumental, désarçonnant et qu’on sait d’avance truffé desupercheries.

Ainsi, à chaque fois qu’on tente d’écrire sur la vie du Prophète, on est confronté à un dilemmeclairement résumé parHaraldMotzki : on ne peut pas écrire une biographie deMuhammad sans êtreaccusédefaireunusagenoncritiquedessourcesdelaTradition;enmêmetemps,dèsqu’oncommenceun travail critique sur les sources musulmanes, il devient impossible d’écrire une seule ligne sur labiographieduProphète 19.CelaaconduitdeshistorienscommeJacquelineChabbià fairedesconstatsdésespérés et à affirmer que la biographie du Prophète semble tout simplement « impossible 20 ».JohnWansbroughpensequecette«impossibilité»nevientpasdumanqued’informationmaisdufaitquel’histoirerelatéedanslaTraditionestelle-mêmeuneconstruction.

En effet, les premières biographies du Prophète obéissent à des considérations symboliques etlittéraireselles-mêmesdictéespar lecontextepolitiquede la rédactiondecesouvrages.Pour sapart,dans son étude de l’historiographie islamique, Chase. F. Robinson21 affirme que les rédacteurs de laTraditionnesontpasforcémentmalintentionnés.Lebutdeschroniqueursabbassidesn’estpasforcémentde falsifier l’Histoire mais de « produire un passé convaincant donnant du sens à un présenttransformé 22».

Les auteurs de la Traditionmusulmane sont animés par le sentiment de leur appartenance à unecommunauténouvellesoucieusedepromouvoiretd’affirmersasingularité.Eneffet,aveclaréinstallationducalifatàBagdadaux IIIe/IXe-IVe/Xe siècles, laTradition islamiquesecristalliseetétablituneversioncanonique et officielle de l’Histoire. Il s’agit là d’un processus de réécriture-appropriation du passésimilaireàceluiquiavaitmarquéparexemple l’imaginairepolitiquedescivilisationsantiquesmisenévidence dans les travaux de l’égyptologue Jan Assman23. Abdesselam Cheddadi analyse ce mêmeprocessus dans l’historiographie musulmane où les Abbassides – et dans une certaine mesure lesOmeyyades–créentun«passénouveau»quilesprésentecommelesdépositairesd’unhéritagecultureletreligieux24.

Laglorificationdel’entourageduProphète(desafamilleetdesesCompagnons),devenuobjetdeculte et de vénération, naît, par un effet différé, au IIe siècle de l’hégire à unmoment où l’écriture del’Histoire(oudesafalsificationsuivantlespointsdevue)devientunenjeupolitiquedéterminantdanslalégitimationdel’autorité.Leschroniqueshistoriquesontdansunelargemesurepourmissionessentielledefonderunesortede«fictionvéridique»susceptibledeconsoliderlerégimeenplaceetdebarrerlarouted’unemanièrepréventiveàtouteslesvoixdissonantesquiauraientquelqueprétentionaupouvoir.Commel’expliquebienMohammed-AliAmir-Moezzi,lesouvragesdelaTraditionsontrédigésdanslecontextedesguerrescivilesquidéchirentlacommunautémusulmane 25.

LarecensionduCoranlui-mêmen’estpasexcluedecettedynamique:lacompilationordonnéepar‘Uthmân, le troisièmecalifede l’islam,n’estpasseulementdictéepardes raisonsgrammaticalesmaispar des visées politiques dans le but de mettre en échec les ambitions de ‘Alî 26. La maîtrise de lamémoire est un enjeu de pouvoir qui n’est pas propre à l’histoire de l’islamcréant des liens avec un

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passé présenté comme prestigieux, l’écriture de l’Histoire correspond toujours aux « besoins delégitimationdetoutpouvoirpolitique»,commel’ontdéjàmontrédeshistorienstelsJacquesLeGoffetPaulVeyne.

Depuisquelquesannées,lacritiquehistoriquedessourcesmusulmanesacessédesefocalisersurlarecherchede«cequiestarrivéréellement»pourrejoindrel’analysedel’«intentiondesauteurs».Cetteméthode féconde permet demettre en lumière lesmodes d’élaboration des textes de la Tradition quiavaientuneautrefonctionquederendrecompteauplusprèsdesfaitsdupassé.Cettenouvelletendanceadonné lieu à des ouvrages de la plus grande richesse qui dépassent la dichotomie du « vrai » et du«faux»pours’interrogersurlesmécanismesdeproductiondestextes 27.

«Noussommestoujourssouslecoupdequelquerécit»,constataitJean-FrançoisLyotarddanssesInstructionspaïennes 28.Lesauteursde laTraditionmusulmane sont comme lespaïensdontparle lephilosophe:«Ilsnes’interrogentpassurlaconformitédurécitàsonobjet,ilssaventquelesréférencessontorganiséesparlesmotsetquelesdieuxn’ensontpaslesgarants 29.»Dèslors,laquestionn’estpluspour nous de savoir ce qui s’est vraiment passé (on ne le saura jamais) ; comme Michel Foucaultl’explique dans son analyse deCeci n’est pas une pipe deMagritte, nous tournons notre attention del’objetévasifpournousconcentrersursareprésentation.

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Principauxprotagonistes

CettelistenecontientpastouslespersonnagesimportantsquiontmarquélavieduProphète;nous mentionnons ici uniquement ceux qui jouent un rôle durant les derniers mois de la vie deMuhammad.

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LesCompagnons

‘Abd-al-RahmânIbn‘Awf:richissimeQurayshiteduclandesBanûZuhra(clanauquelappartientÂminaBintWahb,lamèreduProphète).

AbûBakr(nomméégalementIbnAbîQuhâfa):amiintimeetpèredel’épouseduProphète,‘Aïsha;futurpremiercalife.

Abû‘UbaydaIbnal-Jarrâh:fossoyeurattitrédesÉmigrantsàMédine;avecAbûBakret‘Umar,ilformele«triumvirat»delasaqîfadesBanûSâ‘ida.

‘AmmârIbnYâssir:CompagnonprocheduProphète;danscertainsrécitsrelatifsauxderniersjoursdeMuhammad,iljouelerôledegardeducorps.

Bilâl Ibn Rabâh al-Habashî : affranchi éthiopien d’Abû Bakr ; doté d’une belle voix, il est lemuezzindeMédine.

BishrIbnal-Barâ’IbnMa‘rûr:CompagnonduProphèteetpeut-êtresongoûteur;ilmangedurepasempoisonnéserviàMuhammadparunejuivedeKhaybaretenmeurtsurlecoup.

Hudhayfa Ibn al-Yammân : confident de Muhammad (hâfidh al-sirr) ; dans la (les) tentative(s)d’assassinatdontMuhammadestl’objetàlafindesavie,ilestuntémoinoculaire.

Khâlid Ibn al-Walîd : vaillant chef militaire, surnommé par Muhammad « le glaive dégainéd’Allâh».

OussâmaIbnZayd:affranchibien-aiméduProphète,ilestl’enfantdesonex-filsadoptifZaydIbnal-HârithaetdesanourriceéthiopienneOmmAyman.

Qays Ibn Sa‘d : fils de Sa‘d Ibn ‘Ubâda ; homme à forte carrure, il est le sabreur (sayyâf) duProphèteetsonprincipalhommedemain;onlecompareàunchefdelapolice(sâhibal-shurta).

Sa‘d Ibn ‘Ubâda : principalCompagnon parmi lesAnsars deMédine, il est le chef du clan desKhazraj;immédiatementaprèslamortdeMuhammad,àlaréuniondelasaqîfadesBanûSâ‘ida,ilestleprincipalrivald’AbûBakrpourlepostedecalife.

UbayIbnKa‘b:l’undesprincipauxscribesduProphète;ilnotesurdessupportsdiverslesversetsduCoranjusteaprèsleurrévélation;ilestsurnommé«lemaîtredeslecteurs[duCoran]».

‘UmarIbnal-Khattâb:amiintimeetpèredeHafsa,épousedeMuhammad;futurdeuxièmecalife.‘UthmânIbn‘Affân:QurayshitetrèsfortunéduclandesBanûUmayya,deuxfoisgendreduProphète

(ilépousesuccessivementsesdeuxfillesRoqayyaetOmmKulthûm);futurtroisièmecalife.

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Lafamille

‘AbbâsIbn‘Abdal-Muttalib:onclepaternelduProphète(ilestledemi-frèredesonpère).‘Abd-AllâhIbn‘Abbâs:cousindeMuhammad,filsdesononcle‘Abbâs;ilestl’ancêtredirectdes

Abbassides.‘Aïsha:épousedeMuhammad,filled’AbûBakr.‘AlîIbnAbîTâlib:cousinduProphète,filsdesononclepaternelAbûTâlib;ilestlegendrede

Muhammad(épouxdesafilleFâtima)etpèredeHassanetHussayn,lespetits-filschérisduProphète.Asmâ’Bint‘Umays:belle-sœurduProphète(elleestlasœurdesafemmeMaymûna).FadhlIbn‘Abbâs:cousindeMuhammad,filsaînédesononcle‘Abbâs.Fâtima:filleduProphèteetdeKhadîjaBintKhuwaylid,sapremièreépouse.Hafsa:épousedeMuhammad,fillede‘UmarIbnal-Khattâb.Ibrâhîm:dernierfilsduProphète(ill’aeuavecsaconcubinecopteMâria).MaymûnaBintal-Hârith:épouseduProphèteetbelle-sœurdesononcle‘Abbâs.OmmFadhl(Lubâbaal-kubrâ):épousede‘AbbâsetsœurdeMaymûna,lafemmedeMuhammad.OmmSalama:épouseduProphèteetsacousine(elleestlafilledesatantepaternelleBarra).QuthamIbn‘Abbâs:cousinduProphète,filsdesononcle‘Abbâs;ilestconnunotammentpoursa

granderessemblancephysiqueavecMuhammad.Zaynab Bint Jahsh : épouse du Prophète et sa cousine (elle est la fille de sa tante paternelle

Umayma) ; avant d’épouser Muhammad, elle était mariée à Zayd Ibn al-Hâritha, l’ex-fils adoptif duProphète.

ZubayrIbnal-‘Awwâm:cousinduProphète,filsdesatantepaternelleSafiyya.

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Auteurscitésparordrechronologique

Lesauteursshiitessontsignalésparunastérisque.

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Ie/VIIe

*SulaymIbnQaysal-Hilâlî:2-76/623-695

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Ie-IIe/VIIe-VIIIe

MujâhidIbnJabr:21-104/642-722IbnIshâq:85-150/704-767MâlikIbnAnas93-179/712-795

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IIe-IIIe/VIIIe-IXe

*Daylamîal-:?Abd-al-Razzâq:126-211/744-827Wâqidîal-:130-207/747-822IbnHishâm:m.213/828IbnAbîShayba:159-235/775-849Jâhizal-:160-255/776-869IbnHanbal:164-241/780-855IbnSa‘d:168-230/784-845IbnShibba:172-262/789-876Dârimîal-:181-255/797-869Bukhârîal-:194-256/810-870

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IIIe/IXe

AbûDâwûd:202-275/817-889Muslim:202-261/817-875IbnMâjah:209-273/824-887Tirmidhîal-:210-279/825-892IbnQutayba:213-276/828-889Balâdhurîal-:m.279/892Ya‘qûbîal-:m.284/897

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IIIe-IVe/IXe-Xe

AbûYa‘lâ:211-307/826-920Nasâ’îal-:215-303/830-915Tabarîal-(AbûJa‘far):224-310/839-923*Jawharîal-:m.323/934IbnAbdRabbih:246-328/860-940*Kulaynîal-:m.329/940-941Mas‘ûdîal-:283-346/893-956Abû-lFarajal-Isfahânî:284-356/897-967Tabarânîal-:260-360/873-971IbnHibbân:270-354/883-965

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IVe/Xe

Dârqutnîal-:306-385/918-995

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IVe-Ve/Xe-XIe

Hâkimal-:321-405/933-1014AbûNu‘aymal-Isfahânî:336-430/948-1038*Mufîdal-:336-413/948-1032Ibn‘Abd-al-Barr:368-463/978-1071Bayhaqîal-:384-458/994-1066IbnHazm(al-Andalusî):384-456/994-1064Khatîbal-:392-463/1002-1072

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Ve/XIe

Bakrîal-:m.487/1094

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Ve-VIe/XIe-XIIe

Ghazâlîal-:450-505/1058-1111Zamakhsharîal-:467-538/1075-1144Shahrastânîal-:479-548/1086-1153Ibn‘Asâkir:499-571/1105-1176

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VIe/XIIe

Baghawîal-:m516/1122*Tabarsîal-:m.548/1153Ibnal-Jawzî:510-597/1126-1200Suhaylîal-:508-581/1114-1185

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VIe-VIIe/XIIe-XIIIe

Ibnal-Athîr(Majdal-Dîn):544-606/1150-1210Râzîal-(Fakhral-Dîn):544-606/1150-1210Ibnal-Athîr:555-630/1160-1233Yâqût:574-626/1179-1229IbnAbî-l-Hadîd:586-656/1190-1258

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VIIe/XIIIe

Qurtubîal-:600-671/1204-1273IbnKhallikân:608-681/1211-1282Tabarîal-(Muhibbal-Dîn):615-694/1218-1295Nawawîal-:631-676/1233-1277Baydhâwîal-:m.691/1292

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VIIe-VIIIe/XIIIe-XIVe

IbnManzûr:630-711/1233-1312AbûHayyân:654-745/1256-1344Abû-lFidâ:672-732/1273-1331Dhahabîal-:673-748/1274-1347Nuwayrîal-:677-733?/1278-1333?Tabrîzîal-:m.741/1340

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VIIIe/XIVe

IbnKathîr:700-774/1300-1372IbnRajab:736-795/1335-1392

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VIIIe-IXe/XIVe-XVe

IbnKhaldûn:732-808/1332-1406Haythamîal-:735-807/1335-1405Maqrîzîal-:766-845/1364-1440IbnHajar:773-852/1372-1448

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IXe-Xe/XVe-XVIe

Suyûtîal-:849-911/1445-1505Muttaqîal-:888-975/1483-1567

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Xe/XVIe

DiyârBakrîal-:m.966/1559

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Xe-XIe/XVIe-XVIIe

Qârîal-(‘Âlî):m.1014/1606Halabî(al-):975-1044/1567-1635

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XIe-XIIe/XVIIe

*Majlisîal-:1037-1111/1627-1699‘Isâmîal-:1049-1111/1639-1699*Madanîal-:1052-1120/1642-1708

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XIIe-XIIIe/XVIIIe-XIXe

Shawkânîal-:1173-1255/1760-1839

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XIIIe/XIXe

Alûsîal-:1217-1270/1802-1854

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XIIIe-XIVe/XIXe-XXe

*Tabrisîal-:(Husaynal-Nûrî)1245-1320/1829-1902Ibn‘Âshûr:1296-1393/1879-1973

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Sourcesarabes

Àlafindechaqueréférencebibliographique,nousavonsmisentrecrochetsl’abréviationutiliséedanslesnotes.

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Fadhâ’ilal-sahâba]IbnHazm(al-Andalusî),al-Muhallâbi-lâthâr,12 tomes,Beyrouth,Dâral-fikr,1989. [IbnHazm

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Sahîh]IbnHishâm,al-Sîraal-nabawiyya,éd.M.al-Saqqaetal.,2tomes,LeCaire,MaktabatMustafâal-

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IshâqSîra]Ibnal-Jawzî,al-Muntadhimfî târîkhal-mulûkwa-lumam,10 tomes,Beyrouth,DârSâdir,1939.

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li-lnashrwa-ltawzî‘,2eéd.,1999.[Exégèsed’IbnKathîr]–,al-Bidâyawa-lnihâya,éd.AliShîrî,14tomes,Beyrouth,DârIhya’al-turâthal-‘arabî,1988.[Ibn

KathîrBidâya]–,al-Sîraal-nabawiyya(extraitd’al-Bidâyawa-lnihâya),éd.M.Abdelwâhid,Beyrouth,Dâral-

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IbnKhaldûn,Dîwânal-mubtada’wa-l khabar fî tarîkhal-‘arabwa-l barbar, éd.K.Shehada, 8tomes,Beyrouth,Dâral-Fikr,1988.[IbnKhaldûnTârîkh]

IbnKhallikân,Wafiyyât al-a‘yânwaanbâ’ abnâ’ al-zamân,éd. IhsânAbbâs, 7 tomes,Beyrouth,DârSâdir,1994.[IbnKhallikânWafiyyâtal-a‘yân]

IbnMâjah,al-Sahîh (SunanIbnMâjah),éd.M.F.Abdalbâqî,2 tomes,Beyrouth-Damas,Dâral-fikr,s.d.[IbnMâjahSunan]

Ibn Manzûr,Mukhtasar tarîkh Dimashq, éd. R. Nahhâs, R. A. Murâd et M. Mutî‘, 29 tomes,Beyrouth-Damas,Dâral-fikr,1984.[IbnManzûrMukhtasar]

IbnQutayba,al-Ma‘ârif,éd.T.Ukasha,LeCaire,al-Hay’aal-misriyyaal-‘âmmali-l-kitâb,1960.[IbnQutaybaMa‘ârif]

–,Ta’wîlmukhtalafal-hadîth,Beyrouth-Doha,al-Maktabal-islâmî-Mu’asasatal-Ishrâq,1999.[IbnQutaybaTa’wîlmukhtalafal-hadîth]

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IbnRajab(Zaynal-Dîn),Fathal-bârîsharhsahîhal-Bukhârî,éd.M.Abdelmaqsûd,9 tomes,LeCaire-Médine,Maktabtahqîqdâral-harmayn,1996.[IbnRajabFathal-bârî]

IbnSa‘d,al-Tabaqâtal-kubrâ,éd.I.Abbâs,8tomes,Beyrouth,DârSâdir,1968.[Tabaqât]IbnShibba,Tarîkhal-Madînaal-munawwara,éd.F.M.Shaltut,Jeddah,H.MahmûdAhmad,1979.

[IbnShibbaTârîkhal-Madîna]‘Isâmî al-, Samat al-nujûm al-‘awâlî fî anbâ’ al-awâ’il wa-l tawâlî, 4 tomes, éd. A. A.

AbdelmawjûdetA.M.Mu‘awwadh,Beyrouth,Dâral-kutubal-‘ilmiyya,1998.[‘Isâmî,Samatal-nujûm]Jâhizal-,al-Bursânwa-l‘urjânwa-lhawlân,éd.A.Hârûn,Beyrouth,Dâral-jîl,1989.[Jâhizal-

Bursânwa-l‘urjânwa-lhawlân]Jawharîal-,al-saqîfawaFadak,éd.M.H.Amînî,Beyrouth,Sharikatal-kutbîli-ltibâ‘awa-lnashr,

2eéd.1993.[Jawharîal-SaqîfawaFadak]Khatîb al- (al-Baghdâdî), Târîkh Baghdâd, éd. M. A. ‘Atâ, 24 tomes, Beyrouth, Dâr al-kutub

al-‘ilmiyya,1996.[KhatîbTârîkhBaghdâd]Kulaynîal-,Usûlal-kâfi,éd.A.A.al-Ghafari,Téhéran,Dâral-kutubal-islâmiyya,1943.[Kulaynî

al-Kâfî]Madanî al-,al-Darajât al-rafî‘a fî tabaqât al-shî‘a, éd.M. S. Bahr al-‘Ulûm,Qumm,Maktabat

Basirati,1976.[Madanîal-Darajâtal-rafî‘a]Majlisî al-, Bihâr al-anwâr, éd. M. B. Bahbudi, Beyrouth, Mu’asasat al-wafa’, 1983. [Majlisî

Bihâral-anwâr]MâlikIbnAnas,al-Muawatta’,éd.M.F.Abdelbâqî,Beyrouth,DârIhyâ’al-turâthal-‘arabî,1985

[MâlikMuwatta’]Maqrîzî(al-),al-Rasâ’il,LeCaire,Dâral-hadîth,1998.[MaqrîzîRasâ’il]Mas‘ûdîal-,Murûjal-dhahab,éd.M.M.Abdelahamid,LeCaire,al-Sharikaal-‘alamiyyalilkitâb,

1989.[Mas‘ûdîMurûjal-dhahab]

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Mufîd(MuhammadIbnMuhammadal-Nu‘mânal-‘Ukbarîal-Shaykhal-),al-Irchâdfîma‘rifathujajallâh‘alâal-‘ibâd,éd.Mu’asasatÂlal-bayt,2tomes,Beyrouth,Dâral-Mufîd,1993.[Mufîdal-Irchâd]

–,al-Muqni‘a,Qumm,Mu’asasatal-nashral-islâmî,1990.[MufîdMuqni‘a]Mujâhid Ibn Jabr,Tafsîr, éd.A.T.M. al-Surtî, 2 tomes,Beyrouth, al-Manshurât al-‘ilmiyya, s.d.

[ExégèsedeMujâhid]Muslim,al-Jâmi‘al-sahîh,8tomes,Beyrouth,Dâral-jîletDâral-âfâq,s.d.[Muslim]Muttaqîal-(al-Hindî),Kanzal-‘ummâlfîsunanal-aqwâlwa-laf‘âl,éd.B.HayyanietS.al-Saqqa,

Beyrouth,Mu’asasatal-risâla,1981.[MuttaqîKanz]Nasâ’îal-,al-Sunanal-kubrâ,éd.H.A.ShalabîetS.al-Arna’ût,10tomes,Beyrouth,Mu’asasatal-

risâla,2001.[Nasâ’îSunan]–,Kitâbal-wafât,éd.M.S.Zaghlûl,LeCaire,Maktabatal-turâthal-islâmî,s.d.[Nasâ’îWafât]–,Fadhâ’ilal-sahâba,Beyrouth,Dâral-kutubal-‘ilmiyya,1984.[Nasâ’îFadhâ’ilal-sahâba]Nawawîal- (AbûZakariâ),al-Manâhij. SharhSahîhMuslim, 18 tomes,Beyrouth,Dâr ihyâ’ al-

turâthal-‘arabî,1972.[NawawîSharh]Nuwayrîal-,Nihayâtal-arbfîfunûnal-adab,33tomes,LeCaire,Dâral-kutubwa-lwathâ’iqal-

qawmiyya,2002.[NuwayrîNihâyatal-arb]Qârî(‘Âlîal-),Mirqâtal-mafâtîhsharhmishkâtal-masâbîh,9tomes,Beyrouth,Dâral-fikr,2002.

[al-QârîMirqâtal-mafâtîh]Qurtubîal-(Shamsal-Dîn),al-Jâmi‘liahkâmal-Qurân,éd.A.al-BardûnîetI.Atfîsh,20tomes,Le

Caire,Dâral-kutubal-misriyya,1964.[ExégèsedeQurtubî]Râzî al- (Fakhr al-Dîn), Mafâtîh al-ghayb. al-Tafsîr al-kabîr, Beyrouth, Dâr ihyâ’ al-turâth

al-‘arabî,1999.[Exégèsed’al-Râzî]Samhûdî al-,Khulâsatal-wafâbiakhbârdâral-mustafâ, éd.M.A. al-Jakînî, 2 tomes,Médine,

HabîbMahmûdAhmad,1996.[SamhûdîKhulâsatal-wafâ]Shahrastânî al-,al-Milal wa-l-nihal, éd.M. S.Kîlânî, 2 tomes, Beyrouth,Dâr al-ma‘rifa, 1983.

[Shahrastânîal-Milalwa-l-nihal]Shawkânî al-, al-Fawâ’id al-majmû‘a fîl ahâdîth al-mawdhû‘a, éd. A. al-Ma‘lamî al-Yamanî,

Beyrouth,Dâral-kutubal-‘ilmiyya,s.d.[Shawkânîal-Fawâ’idal-majmû‘a]Suhaylî al-, al-Rawdh al-unuf fi sharh al-sîra al-nabawiyya, éd. U. A. al-Sallâmî, 7 tomes,

Beyrouth,Dârihya’al-turâthal-‘arbî,2000.[SuhaylîRawdh]Sulaym IbnQays (al-Hilâlî),Kitâb Sulaym IbnQays (ou Kitâb al-saqîfa), éd.M.B. al-Ansârî,

Qumm,Matba‘tal-Hâdî,1958.[KitâbSulaym]Suyûtîal-(Jalâlal-Dîn),al-Itqânfi‘ulûmal-Qurân,éd.M.M.AbdelhamidetM.A.Haykal,Le

Caire,Dâral-Salâm,2008.[Suyûtîal-Itqân]–,al-Durral-manthûr,8tomes,Beyrouth,Dâral-fikr,1993.[Suyûtîal-Durral-manthûr]–, Jâmi‘ al-ahâdîth, éd. Ali Jum ‘a, 13 tomes, Le Caire, H. A. Zakî, 2002. [Suyûtî Jâmi‘ al-

ahâdîth]

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–,Tarîkhal-khulafâ’,éd.M.M.Abdelhamîd,LeCaire,Matba‘tal-sa‘âda,1952.[SuyûtîTarîkhal-khulafâ’]

Tabarânî al- (Abûl Qâcim), al-Mu‘jam al-kabîr, éd. H. al-Silafî, 20 tomes, Mossoul, Maktabatal-‘ulûmwa-lhikam,1983.[Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr]

–,al-Mu‘jamal-awsat,éd.T.al-Huseinî,10tomes,LeCaire,Dâral-Haramayn,1994.[Tabarânîal-Mu‘jamal-awsat]

Tabarîal-(AbûJa‘far),Tarîkhal-umamwa-lmulûk,5tomes,Beyrouth,Dâral-kutubal-‘ilimiyya,1986.[Tabarî]

–,Jâmi‘al-bayân ‘an ta’wîlâyal-Qur’ân, éd.A.M.Shâkir,24 tomes,Beyrouth,Mu’asasat al-risâla,2000.[ExégèsedeTabarî]

Tabarîal-(Muhibbal-Dîn),al-Riâdhal-nadhirafîmanâqibal-‘ashara,4tomes,Beyrouth,Dâral-kutubal-‘ilimiyya,1994.[Muhibbal-Dînal-Tabarîal-Riâdhal-nadhira]

Tabarsî al- (Abû Mansûr Ahmad Ibn ‘Alî Ibn Abî Tâlib), al-Ihtijâj, éd. M. Bâqir al-Kharsân,2tomes,al-Najafal-Ashraf,Dâral-No‘mânli-ltibâ‘awa-lnashr,1966.

Tabrasî al- (Husayn al-Nûrî),Mustadrakal-wassâ’il, éd.Mu’asasatÂl al-bayt li ihyâ’ al-turâth,Qumm,Mataba‘atSa‘îd,s.d.[TabrasîMustadrakal-wassâ’il]

Tabrîzî al- (Waliyy al-Dîn Abû Abdallâh),Mishkât al-masâbîh, éd. M. N. al-Albânî, 3 tomes,Beyrouth-Damas,Al-Maktabal-islamî,1985.[TabrîzîMishkâtal-masâbîh]

Tirmidhîal-,al-Jâmi‘al-sahîh/Sunan,éd.A.M.Shâkir,5 tomes,Beyrouth,Dâr ihiyâ’al-turâthal-‘arabî,s.d.[TirmidhîSunan]

Wâqidî al-, Kitâb al-Maghâzî, éd. Marsden Jones, 3 tomes, Beyrouth, Dâr al-A‘lamî, 1989.[WâqidîMaghâzî]

–,Kitâbal-Ridda,éd.Y.al-Jabûrî,Beyrouth,Dâral-gharbal-islâmî,1990/[WâqidîRidda]Ya‘qûbîal-,al-Tarîkh,éd.A.Mhanna,Beyrouth,DârSadir,1960.[Ya‘qûbîTarîkh]Yâqût(al-Rûmî),Mu‘jamal-buldân,5tomes,Beyrouth,Dâral-fikr,s.d.[YâqûtMu‘jamal-buldân]Zamakhsharî al-, al-Kashâf ‘an haqâ’iq ghawâmidh al-tanzîl, 4 tomes, Beyrouth, Dâr al-kitâb

al-‘arabî,s.d.[ExégèsedeZamakhsharî]

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Notes

Prologue

Danslecalendriermusulman,cettedatecorrespondau13ejourdumoisderabî‘1

erdel’an11del’hégire.Onverraultérieurement

qu’ilyaunflouautourdeladatationexactedelamortduProphète.

LesAnsars(«auxiliaires»enarabe)sontleshabitantsdeMédine(notammentlestribusdesAwsetdesKhazraj)quiontaccueillietsoutenuMuhammadvenuseréfugierauprèsd’euxquandilaémigrédeLaMecqueen622.

Sortedetonnelle,lieuombragédansunvergerouuneoasis.

Pour la traductionfrançaiseduCoran,nousnousréféronsàcelledeDeniseMasson.Pourcertainsversets,nousutilisonsparfoisd’autrestraductionsquiserontàchaquefoispréciséesennote.

Ilfautsignalerque,contrairementàuneidéereçue,laquestiondelareprésentationfiguréeduProphète(etdetoutereprésentationhumaineengénéral)n’apastoujoursfaitl’objetd’uneinterdictionstricteenislamcommeentémoignentlesnombreusesminiaturesreprésentantMuhammad dans les manuscrits persans ou ottomans. Ce tabou de la représentation s’est cristallisé à travers lessièclespourdevenirundogmereligieuxindiscutablechezlesmusulmanssunnites;enrevanche,lesshiitesneconnaissentpascetteinterdictionetreprésententjusqu’ànosjoursleProphète.Voiràcesujet:SylviaNaef,Ya-t-ilunequestiondel’imageenislam?,Paris,Téraèdre,2004;ChristianeGruber,«BetweenLogos(Kalima)andLight(Nûr).RepresentationsoftheProphetMuhammadinIslamicPainting»,Muqarnas,26,2009,p.229-262.

Cetteinterdictionaenquelquesorte«contaminé»lesnon-musulmans.Rappelonsàtitred’exempleladécisionpriseparl’éditeur

Belinen2006deflouterdansunmanueld’histoire-géographiede5elevisageduProphètedel’islamreprésentédansuneminiature

persaneduXVIe siècle ; laminiatureenquestion,quimontreclairement les traitsduvisageduProphète, figuredans le livred’al-

Bîrûnîal-Athâral-bâqiya,Paris,BNF,Manuscritsorientaux,Arabe1489,fol.5v.

Sortien1976, le film«LeMessage» (al-Rissâla) consacréà laviedeMuhammadaété interdit enÉgyptepar lamosquéeal-Azhar alors que le réalisateur du film, le Syrien Mustapha al-Aqqâd (mort dans un attentat à Amman en 2005), y respecte

l’interdictiondereprésenter leProphète.Encoreaujourd’hui,al-Azhardansuncommuniquédatantdu1er février2015aémisune

fatwacontrelefilmiranienreprésentantlavieduProphèteMuhammadréaliséparlecinéasteMajidMajidi;cettesuperproductionaétéprojetéeàTéhéranenfévrier2015.

LadestructionparDaeshdesantiquitésdanslesmuséesdeMossoulenfévrier2015parexempleestuneexpressionexacerbéedeceproblème.

NousnousréféronsiciautitredulivredeJacquesBerque,L’Islamautempsdumonde,Paris,Sindbad,coll.«Labibliothèquedel’islam»,1984.

ErnestRenan,«Mahomet,lesoriginesdel’islamisme»,RevuedesDeuxMondes.NouvellePériode,t.12,1851,p.1069.Renanprécisequel’islamestné«enpleinehistoire»et«sesracinessontàfleurdesol»(p.1065).

JacquelineChabbi,«Histoireettraditionsacrée.LabiographieimpossibledeMahomet»,Arabica,43,1996,p.196.

LesbiographiesdeMuhammadseterminentgénéralementparlerécitdesamort.AbdesselamCheddadiremarqueque«silerécitde lamortduProphèteestprésentéde façonmoinsdramatiqueque laPassiondeJésus, ilestplus longet fournitplusdedétailsconcrets. Les premières manifestations du mal qui a emporté Muhammad et le déroulement de sa maladie sont décrits avecréalisme » (Les Arabes et l’appropriation de l’histoire. Émergence et premiers développements de l’historiographie

musulmanejusqu’auIIe/VIII

esiècle,Arles,Sindbad-ActesSud,2004,p.192).LechroniqueurmusulmanWâqidî(130-207/747-823)

aurait consacré à la mort du Prophète une monographie intitulée Kitâb wafât al-nabiyy (Le Livre de la mort du Prophète).

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Malheureusement,cetouvrageadisparu.

Voir«Après-dire»enfindevolume.

Rappelonsquepourlesshiites,‘Alîestl’uniquesuccesseurlégitimeduProphète.IlsestimentquelestroiscalifesquiontsuccédéàMuhammad(AbûBakr,‘Umaret‘Uthmân)nesontquedesusurpateurs.‘Alîfiniraparaccéderaupouvoirentantquequatrièmecalife mais son règne se termine par une guerre civile (appelée « la Grande Discorde », al-fitna al-kubrâ) et aboutit à sonassassinatenl’an661.

Mohammad-AliAmir-Moezzi, Le Coran silencieux et le Coran parlant. Sources scripturaires de l’islam entre histoire etferveur,Paris,CNRS,2011,p.21-23.

DeuxouvragesimportantsrécemmentpubliésauxÉtats-UnistraitentdirectementdelaquestiondelamortduProphète:StephenJ.Shoemakerabordelesujetd’unpointdevuehistoriqueetpolitiquesansentrerdanslesdétailsdescirconstancesconcrètesdudécèsdu fondateur de l’islam (The Death of a Prophet. The End ofMuhammad’s Life and the Beginning of Islam, Philadelphie,UniversityofPennsylvaniaPress,2012);LeorHalevis’intéresse,quantàlui,aurituelfunérairechezlesmusulmansd’unpointdevue anthropologique, en se penchant notamment sur le déroulement de l’enterrement de Muhammad et de sa fille Fâtima(Muhammad’sGrave.DeathRitesandtheMakingofIslamicSociety,NewYork,ColumbiaUniversityPress,

I.Tabûk,ladernièreexpédition

DepuisMédine,Muhammadmèneraunetrentainedeghazwa(plur.maghâzîoughazawât)quis’étalentsurseptans(del’an2àl’an9de l’hégire/623-630).Lesoffensivesarméesdirigéespar leProphète (ouordonnéespar lui) sontde toutessortes,allantdel’affrontementmilitaire avec l’adversaire surunchampdebataille commeceluideBadr (an2/624)à l’assaut armésur l’ennemicommeceluisurlaforteressedesjuifsdeKhaybar(an7/628-629).

L’unité administrative appelée Syrie (Bilâd al-Shâm en arabe) inclut alors les actuels Syrie, Liban, Jordanie, Israël et Territoirespalestiniens.

IbnSa‘dTabaqât2/165plusloinabrégéTabaqât ;BayhaqîDalâ’il5/254;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq1/178 ;SuhaylîRawdh7/387;IbnManzûrMukhtasar1/76;DhahabîTarîkh3/409.Pourlesréférencesauxsourcesarabes,quenousprésentonsclasséespar ordre chronologique, le premier chiffre correspond au numéro du volume, le suivant au numéro de la page (voir « Sourcesarabes»àlafinduprésentouvrage).

WâqidîMaghâzî2/755;Tabaqât2/128-129;IbnAbdal-Barral-Istî‘âb1/298;Ibnal-AthîrUsd1/408;IbnManzûrMukhtasar1/152;DhahabîTarîkh2/479.

IbnHishâm2/373.

Durantlecombat,Ja‘farIbnAbîTâlibaeulesmainscoupées.LeProphètelesurnommera«l’hommeauxdeuxailes»ouencore« levolant» (al-tayyâr) ;«DieudonneraàJa‘far,à laplacedesesdeuxmains,deuxailes,et ilvoleravers leparadisavec lesanges»,diraMuhammad(Tabarî2/252;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq2/10-11;Ibnal-AthîrUsd1/343).La figurede Ja‘far IbnAbîTâlibest trèsimportantemaissouventéclipséeparcelledesonfrère‘Alî.LeProphètechérissaitparticulièrementsoncousinJa‘faretvoyaitenluiunesortedesosie(IbnHanbalMusnad2/213;Bukhârî2/960;TirmidhîSunan5/654;Nasâ’îSunan7/433;BayhaqîSunan10/382).

IbnHishâm2/375;IbnAbdal-Barral-Istî‘âb1/298;Ibnal-AthîrUsd1/408.

Bukhârî4/1555.

LeProphètesaitgratifiersesCompagnonslesplusméritantsd’appellationshonorifiques.LesArabes,autoproclamés«laplusfièredesrations»(afkharal-umam),sontparticulièrementsensiblesauxsurnomspompeux!

Tabarî2/251.LabravourelégendairedeKhâlidIbnal-Walîdestévoquéeparl’historiengrecThéophanedanssaChronographie(ill’appelleChaledus);sonsurnomde«glaivedégainéd’Allâh»(gladiusDei)estconnudesGrecs.

Tabarî2/252.

IbnHishâm2/382;Tabaqât2/129.LeProphèteprend ladéfensedesessoldatsendisant :«Non!Cenesontpasdes fuyards(furrâr)maisdebravesguerriers(kurrâr)»(IbnHishâm2/382;Tabaqât2/129).

IbnHishâm2/515-526;BayhaqîDalâ’il5/213.

Page 166: © Éditions Albin Michel, 2016 ISBN : 978-2-226-38922-0 · « Nous n’avons donné l’immortalité à nul homme avant toi. Seraient-ils immortels, alors que tu mourras ? » Coran,

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L’arméebyzantineauraitmêmeavancéjusqu’àBalqâ’enJordanie(HalâbîSîraplusloinabrégéSîraal-halabiyya3/183).

Suivantlesversions,l’arméequisedirigeversTabûkcomptequelquetrentemillehommes(MajlisîBihâral-anwâr21/218);danscertainessources,onparlemêmedesoixante-dixmillehommes(Sîraal-halabiyya3/185).

BayhaqîDalâ’il5/214-215;Sîraal-halabiyya3/183.

Sîraal-halabiyya3/184.

IbnHishâm2/518;IbnKathîrSîra4/6.

HâkimMustadrak 3/110;BayhaqîDalâ’il5/215;DhahabîTarîkh2/629.

Sîraal-halabiyya3/184.

Ibid.

OuSibâ‘Ibn‘Urfutadansd’autresversions(Tabaqât1/165;IbnHishâm2/519;BayhaqîDalâ’il5/219).

Tabaqât3/24;BalâdhurîAnsâb2/348;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq42/175.

IbnHishâm2/519;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq2/31.Mêmelesshiites,lesplusferventspartisansde‘Alî,évoquentcetteanecdote(MajlisîBihâral-anwâr21/208).

Tabaqât3/23.

Lesauteurssunnites,sansdoutepour importuner lesshiites,prennentunmalinplaisiràdésigner ‘Alîparcetteexpressionafindesouligner qu’il était le fils d’un infidèle ; en effet,AbûTâlib, père de ‘Alî et oncle duProphète, bien qu’il ait entouré son neveuMuhammadd’uneaffectionpaternelle,arefusédeseconvertiràl’islametadécidédemourirmécréant.

IbnHishâm2/520;IbnAbîShaybaMusannaf6/366;IbnHanbalMusnad5/179;Tabaqât3/24;IbnMâjahSunan1/45;Nasâ’îSunan7/425,7/430;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr12/97;IbnHibbânSahîh15/369;BayhaqîDalâ’il5/220;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq2/31;MuttaqîKanz11/599.

BayhaqîDalâ’il5/213.

Ibid.

Ilfautnoterquecettepolitiqueplutôt«agressive»étaitconjuguéeàdesstratégiesd’alliancesetdecompromis,cequidénoteunsavantpragmatismepolitiquechezMuhammad.

TraductiondeJeanGrosjean.

Exégèse deMujâhid 1/281 ; Exégèse de Tabarî 14/287 ; Tabarânîal-Mu‘jam al-kabîr 11/63 ; Exégèse d’AbûHayyân 5/431 ;Suyûtîal-Durral-manthûr4/213.

BayhaqîDalâ’il5/213.

IbnHishâm2/516;ExégèsedeTabarî14/287.

IbnHishâm2/525;DhahabîTarîkh2/642;Sîraal-halabiyya3/102.

Exégèsed’IbnKathîr4/171.

‘Uthmânet ‘IbnAwf gagnent beaucoup d’argent grâce aux expéditionsmilitaires ordonnées parMuhammad (WâqidîMaghâzî2/523).

BayhaqîDalâ’il5/219.

Traductiond’AlbertKasimirski.

Tabaqât1/167;BayhaqîDalâ’il5/229;Sîraal-halabiyya3/189.

BayhaqîDalâ’il5/236;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq2/37;Sîraal-halabiyya3/193.

BayhaqîDalâ’il5/230-231.

Muslim1/42.

BayhaqîDalâ’il5/229;Sîraal-halabiyya3/198.

IbnKathîrSîra3/403-404;Sîraal-halabiyya3/193.

MaximeRodinsonenévoquantTabûkparled’«unsemi-échec»(Mahomet,Seuil,1968,rééd.1994,p.336).

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Parmieux,oncitelenomdumaîtredelavilled’Ayla,auborddugolfed’al-‘Aqaba,YouhannaIbnRou’baquirefusedeseconvertiràl’islam(IbnHishâm2/525).Leshabitantsdetroislocalitésjuivesvoisinesfontdemême(BayhaqîDalâ’il5/247-249;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq2/41).

WâqidîMaghâzî3/1019;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq2/37;Sîraal-halabiyya3/200.

WâqidîMaghâzî3/1035.

TroiscenttrentekilomètresséparentTabûkdeDûmatal-Jandal.

MuhammadaenvoyéàDûmatal-Jandaltroisansplustôt(sha‘bândel’an6/décembre627)sonCompagnon‘Abd-al-RahmânIbn‘Awf à la tête d’une équipée pour inviter ses habitants à se convertir à l’islam (WâqidîMaghâzî 2/561 ; Ibn ‘Asâkir TarîkhDimashq2/4-5).Plus tard, leProphèteapprendque lesArabesdeDûmatal-Jandalont l’intentiondes’approcherdeMédine ; il

décide d’y aller lui-même au mois de rabî‘ 1er de l’an 9 (juin 630), avec un millier d’hommes, mais en arrivant il ne trouve

personne;leshabitantsontprislafuiteenapprenantlanouvelledesonarrivée(WâqidîMaghâzî1/103;Tabaqât2/62).Danssa

Sîra, IbnHishâmaffirmequ’aumoisderabî‘1er de l’an5 (juillet 626), leProphètemèneunecurieuse expéditionmilitairevers

Dûmatal-Jandal et rebroussecheminavantde l’atteindre (IbnHishâm2/213). IbnKathîrpour sapartditque lamêmeannée leProphètearriveàDûmatal-Jandaletconstatelafuitedeshabitantsdelaville(IbnKathîrSîra3/177-178).

WâqidîMaghâzî3/1026;IbnHishâm2/526;Tabarî2/185.IlestétonnantdevoirapparaîtrecettecapebrodéedansunhadithoùMuslimditqu’elleaétéofferte«encadeau»auProphèteparUkaydir(Muslim6/142)!

Bukhârî2/922;Muslim7/150;SuhaylîRawdh7/397.CompagnonduProphèteappartenantauclandesAws,Sa‘dIbnMu‘âdhestleprincipalalliéparmilesAnsarsdeMédine;Sa‘dIbn‘Ubâda(chefduclandesKhazraj)etluisontsurnommés«lesdeuxSa‘d»(sa‘dân).Sa‘dIbnMu‘âdhprendpartauxprincipalesbataillesmenéesparlesmusulmansetilestmortellementblesséàlabatailledufossé;lalégendemusulmaneditquelejourdesamort,letrônedeDieuatremblé!

II.Laconjurationd’al-‘Aqaba

Les sources ne donnent pas de précision sur l’emplacement géographique exact de cet endroit ; le mot ‘aqaba en arabe estgénériqueetsignifie«col»(etausensfiguré«passagedifficile»);ainsiplusieurslieuxpeuventêtredésignésparceterme.Pournotrepart,nouspensonsqu’ils’agitlàsansdoutede‘Aqabatal-Khuraytaaunorddel’actuelleArabiesaoudite(àunecentainedekilomètres au sud-ouest de Tabûk). Cet endroit connu pour sa grande difficulté est surnommé encore aujourd’hui « le col de lamort»(‘Aqabatal-Mawt).

Pourlessourcessunnites,onpeutciterWâqidîMaghâzî3/1042-1045;IbnHanbalMusnad39/210;IbnQutaybaMa‘ârif1/343;BayhaqîDalâ’il5/256-259 ;BayhaqîSunan9/33,SuyûtîJâmi‘al-ahâdîth11/9192 ;Sîraal-halabiyya 3/201. Pour les sourcesshiites,onseréfèrenotammentàMajlisîBihâral-anwâr21/185-252.

ExégèsedeZamakhsharî2/291-292;ExégèsedeBaydhâwî3/89 ;Exégèsed’AbûHayyân5/464 ;Exégèsed’IbnKathîr4/181 ;Exégèsed’Ibn‘Âshûr10/270.

TraductiondeMalekChebel.

Majlisîditqu’ilenaétéinforméparl’angeGabriel(MajlisîBihâral-anwâr21/247);IbnKathîrditquec’estDieuquiaalertésonProphètedel’intentiondeceshypocrites(Exégèsed’IbnKathîr4/181).

Sîraal-halabiyya3/201.

MajlisîBihâral-anwâr21/231-232.

WâqidîMaghâzî3/1042.

BayhaqîDalâ’il5/256.

Les sources parlent de douze à quinze hommes selon les versions ; IbnHanbal par exemple parle d’un « groupe » (raht) sansdonnerlamoindreprécision(IbnHanbalMusnad39/210).

IbnQutaybaMa‘ârif1/343.

Majlisî rapporte le témoignage deHudhayfa disant qu’il s’agit de quatorze personnes parmi les plus prestigieuxCompagnons deMuhammad:AbûBakret‘Umarnotamment(MajlisîBihâral-anwâr21/223).

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Voicileursnomsd’aprèsAbûHayyân:‘Abd-AllâhIbnUbay,‘Abd-AllâhIbnSa‘dIbnAbîSarh,Tu‘aymaIbnUbayriq,al-JallâsIbnSuwayd,Abû‘ÂmirIbnNu‘mânetAbûal-Ahwas(Exégèsed’AbûHayyân5/464).

Bukhârî3/1368.

BayhaqîDalâ’il5/257-259.

WâqidîMaghâzî 3/1044 ; BayhaqîDalâ’il 5/257. La même réaction deMuhammad figure également chez les auteurs shiites(MajlisîBihâral-anwâr21/234).

Muslim8/122.

NawawîSharh17/125.

WâqidîMaghâzî3/1045.

TraductiondeJacquesBerque.

WâqidîMaghâzî3/1045.

Ibn ‘AsâkirTarîkhDimashq 12/276 ; notons que dansTabarânîal-Mu‘jamal-kabîr23/317, on voit ‘Umar pleurer après cetteréponse ; la réactionde ‘Umarn’est pasdécritedansDhahabîSiyar 4/29nidans IbnHazmal-Muhallâ 12/157 ; dansMuttaqîKanz13/344,Hudhayfadità ‘Umar :«Jeneconfieraicesecretàpersonned’autreaprès toi»– iladénoncéeneffet l’undescomploteursquivenaitdemourir.

LesconstructeursdelamosquéedeQubâ’ontdemandéauProphètequelquessemainesplustôtdevenirl’inaugurer;or,commeilsepréparaitpourl’expéditiondeTabûk,illeuraditqu’illeferaitàsonretour.

Sonnomcontientlaracinedharrquienarabealesensde«néfaste,nuisible».

IbnHishâm2/529-530;BayhaqîDalâ’il5/259-264.

IbnKathîrBidâya5/27;IbnHishâmdonnelalistedesdouzehommesquiétaientderrièrelaconstructiondelamosquéedissidente(IbnHishâm2/530).

IbnKathîrBidâya5/27.

ExégèsedeBaghawî4/93-94;SuhaylîRawdh7/404.

ExégèsedeQurtubî8/258.

Muslim6/22-23.Pourtant,commeonvientdelevoir,Muhammadafaitpreuved’unesurprenanteindulgenceàl’égarddesconjurésd’al-‘Aqaba,qu’ilarefusédepunir.

IbnKathîrBidâya5/297;IbnKathîrSîra4/554.

Aujourd’huiencore,c’estl’accusationd’«apostasie»(ridda)quiestutiliséedansuncontextepurementpolitiquepourcondamnertoutmouvementdissidentoucontre-révolutionnaire.

III.Lamortd’Ibrâhîm,lefilsinespéré

Tabaqât1/134-144;BalâdhurîAnsâb2/86-88.

Tabarî2/141.

Tabaqât1/134.

Pour chaque épouse,Muhammadconstruit une chambre et vade l’une à l’autre, passant rarement plusd’un jour avec lamêmeépouse.

ExégèsedeTabarî23/478;BayhaqîSunan7/758-759.

Ledivorcea-t-il lieuoupas?Impossibledelesavoir:unemêmesourcepeutrépondreparl’affirmativeetlanégative(BalâdhurîAnsâb2/59).

BalâdhurîAnsâb2/59;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr17/291;DhahabîSiyar3/483.

DhahabîSiyar3/483.

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Tabaqât 8/85 ;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr 18/365 ;HâkimMustadrak 4/16 ;HaythamîMajma‘al-zawâ’id 9/392 ;MuttaqîKanz12/138.

«ÔProphète,pourquoiinterdis-tucequeDieuarendulicitelorsqueturechercheslasatisfactiondetesépouses?–Dieuestceluiquipardonne,ilestmiséricordieux.Dieuvousimposedevouslibérerdevosserments.DieuestvotreMaître!Ilestceluiquisait tout, ilestsage.LorsqueleProphèteconfiaunsecretà l’unedesesépousesetqu’elle lecommuniquaàsacompagne,DieueninformaleProphète;celui-ciendévoilaunepartieetgardal’autrecachée.Lorsqu’ill’eutavertiedeson indiscrétion, elle dit :Qui donc t’amis au courant ? Il répondit :Celui qui sait tout et qui est bien informém’enaavisé»(66:1-3).

Al-‘Âliya,quiappartenaitauxjuifsdesBanûNadhîr,estunepropriétésituéedansunhautquartierdeMédine.

IbnHanbalMusnad1/349;Tabaqât8/184;Bukhârî2/871;Muslim4/192;Nasâ’îSunan8/257;BayhaqîSunan7/60;Exégèsed’IbnKathîr8/163;MuttaqîKanz2/538.

Lasage-femmequiaccueillel’enfantestSalmâ,l’affranchieduProphète,etc’estsonmariAbûRâfi‘, luiaussisonaffranchi,quiaccourtannoncerlabonnenouvelleàMuhammad;enrécompense,AbûRâfi‘reçoitunesclaveencadeau(Tabaqât1/135).

Tabaqât1/135-136;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq3/44.

Un jour qu’on rapporte au Prophète les paroles de Sa‘d Ibn ‘Ubâda selon lesquelles s’il trouvait sa femme en compagnie d’unhommeillafrapperaitdesonsabre,Muhammaddit:«VousvousétonnezdelajalousiedeSa‘d?Sachezquejesuisencoreplusjalouxque lui » (IbnAbîShaybaMusannaf 5/450 ; IbnHanbalMusnad 30/104 ;Bukhârî 6/2698 ;Muslim4/211 ;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr20/390;HâkimMustadrak4/398).

D’autressourcesdisentqueleProphèteamandatésonimpétueuxCompagnon‘Umarpouraccomplirlabesogneetledébarrasserdel’amantprésumédeMâria(Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq3/45-46;HaythamîMajma‘al-zawâ’id9/161-162).

Une étrange relation nous apprend queMa‘bûr s’est lui-même castré pour ne pas éveiller les soupçons (HaythamîMajma‘ al-zawâ’id9/161)!

IbnIshâqSîra1/271;IbnKathîrSîra4/602.

HaythamîMajma‘al-zawâ’id9/161.

Muhammad incite lui-même ses coreligionnaires à prier Dieu pour avoir une descendance mâle : « Demandez constamment àDieudevousaccorderdesgarçonscarunhommesansprogénituremâleverrasonnomdisparaître»(Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr23/210;MuttaqîKanz16/281).

Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr4/43;MuttaqîKanz11/600.Unedesparticularités(khasâ’is)duProphèteestquelesfilsdesafillesontconsidéréscommesapropredescendance ;ceprivilègepropreàMuhammadfait l’objetd’unchapitredansBayhaqîSunan7/100-101.

CesurnomhumiliantestimmortalisédansunesourateduCoranoùDieuprometàsonProphète,enguisedelotdeconsolation,unfleuveauparadis,al-Kawthar :«Ouinous t’avonsaccordé l’abondance (al-Kawthar).Prie donc ton seigneur et sacrifie !Celuiquitehait:voilàceluiquin’aurajamaisdepostérité»(108).Dansl’exégèseshiite,al-KawthardésigneFâtima,lafilleduProphètequiluiadonnésonuniquedescendancemâle:sespetits-filsHassanetHussayn.

Tabaqât3/7;Exégèsed’IbnKathîr4/552;dansIbnHishâmSîra1/409,ils’agitd’al-AswadIbnal-MuttalibquiauraitétémauditnommémentparleProphète.

LasatirepolitiqueetpoétiqueestunearmeredoutableenArabieetMuhammadestsoucieuxdesonimage;ilnepeutpaspermettreque sonprestige soitbafoué impunément et il ades réactionsviolentes à l’égarddespoètesqui écrivent à son sujetdespoèmessatiriques–ainsilepoèteKa‘bIbnal-Ashrafest-ilmisàmortparleProphète(IbnHishâm2/51-57;Bukhârî4/1482).

IbnHanbalMusnad29/57;TirmidhîSunan5/584;HâkimMustadrak 3/275;BayhaqîDalâ’il1/167;IbnKathîrBidâya2/315.Nousauronsl’occasionderevenirultérieurementsurle«romanfamilial»deMuhammad.

Désignantunpalmierstérileet isolé,autroncgrêleetaurarefeuillage(ExégèsedeTabarî24/658;ExégèsedeBaghawî8/560;Exégèsed’IbnKathîr2/334).

IbnHishâm1/393;ExégèsedeBaghawî8/560;ExégèsedeTabarî24/656-658;Exégèsed’IbnKathîr8/504;Suyûtîal-Durral-manthûr8/652.

IbnIshâqSîra1/82;Tabaqât3/7;IbnKathîrSîra4/607-609.

Onsaitqu’enArabielakunyanecorrespondpasforcémentauxnomsdesenfantsréels:parexemple,AbûBakrn’apasdefilsquis’appelleBakr.Commel’expliqueJacquelineSublet,lakunyapeutavoirunevaleuraffectiveousocialequ’onattribueàunenfant

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dèssanaissance(LeVoiledunom.Essaisurlenomproprearabe,ParisPUF,1991).AusujetdelakunyaAbulQâcimqu’onattribueauProphète, ilpourrait trèsprobablement s’agird’un titre se référant à la fonctiondeMuhammadqui seconsidérait lui-mêmecomme«répartiteur»(qâcim):celuiquipartagelebutinetparextensionlesbiensterrestres.VoirJean-LouisDéclais,«Lakunya du Prophète et le partage du butin »,Arabica, vol. 46, 1999, p. 176-192 ;MohammedH. Benkheira, «Onomastique etreligion:àproposd’uneréformedunompropreaucoursdespremierssièclesdel’Islam»,inChristianMülleretMurielRoiland-Rouabah (dir.),LesNon-dits du nom.Onomastique et documents en terres d’Islam.Mélanges offerts à Jacqueline Sublet,Beyrouth,Pressesdel’IFPO-IRHT,2013,p.319-356.

Mâlik,Muwatta’1/501;Tabaqât1/135.

Tabaqât1/136.LeProphètechoisitunenourricemédinoiseduclandesBanûNajjâr,unecertaineOmmBurda(ouOmmSayf).

Tabaqât1/136.

IbnHanbalMusnad19/152;Muslim7/76;IbnHibbânSahîh15/400.

IbnKathîrSîra4/609.

Tabaqât1/137;IbnKathîrSîra4/603.

MahmoudEffendi,astronomeégyptien,sebasantsurlesouvragesdelaTraditionetlescalculsastronomiques,établitquelamortdupetitIbrâhîmaeulieule27janvier632;d’aprèscescalculs,l’enfant,néaumoisdedhû-l-hijjaenl’an8(finmars630),auravécuun an, dix mois et six jours (« Mémoire sur le calendrier arabe avant l’islamisme et sur la naissance et l’âge du ProphèteMohammad»,Journalasiatique,février-mars1858,p.109-192).

IbnAbîShaybaMusannaf2/216;Tabaqât1/142;Bukhârî1/360;Muslim3/31;IbnMâjahSunan1/400;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr17/211;HâkimMustadrak 1/480;IbnKathîrSîra4/615;MuttaqîKanz7/827.

Tabaqât1/137;IbnAbdal-Barral-Istî‘âb1/55;IbnKathîrSîra4/613-614.

BalâdhurîAnsâb2/89.

Tabaqât1/140.

Tabaqât1/141.

IbnAbdal-Barral-Istî‘âb1/59.

Tabaqât1/143.

IV.LePèlerinagedel’Adieu

Onl’appelleaussi«lePèlerinagedelaPerfection»(Hajjatal-BalâghouHajjatal-Tamâm).AvantlePèlerinagedel’Adieu,leProphète a accompli un petit pèlerinage (’umra) en l’an 7, le « pèlerinage de l’accomplissement » (’umrat al-qadhâ’) qu’il aeffectuéaprèssonretourdeKhaybaraumoisdedhûl-qa‘da(mars629).Wâqidîenciteaussiunautreaccompliunanplustôt,àl’époquedel’armisticedeHudaybiya(dhûl-qa‘daan6/mars628,onyreviendra).

D’autresdisentqu’ils’agitdeSibâ‘Ibn’Urfutaal-Ghifârî(cemêmeSibâ‘aremplacéàplusieursreprisesleProphètelorsdesesabsencesdeMédine);IbnHishâmadmetlesdeuxnoms(IbnHishâm2/601).

Ibid.

Tabaqât2/177.

Tabarî2/204;SuhaylîRawdh7/503.

Tabaqât2/172.

Tabarî2/177.

WâqidîMaghâzî2/738.

WâqidîMaghâzî 3/1076-1077 ; Ibn ‘AsâkirTarîkhDimashq 30/215 ; IbnKathîrSîra 4/68 ; Suyûtî Jâmi‘ al-ahâdîth 36/305 ;MuttaqîKanz5/291.

Ils’agit,rappelons-le,d’uneautrekunyad’AbûBakr.

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«Voiciladéclarationd’immunitédelapartdeDieuetdesonProphèteàceuxd’entrelesidolâtresaveclesquelsvousavezfaitalliance…».Kasimirskinotequelemotarabebarâ‘tpeutêtretraduitoubienpar«déclarationd’immunité»,queMuhammadaccorde aux infidèles pendant un certain temps, ou bien par « dégagement de toute alliance avec les infidèles ». Ces versetsaccordentauxpaïensundélaidequatremoispoursesoumettre;passécetemps,leProphèteestlibredetoutengagement(barâ‘t)enverseux.

IbnHishâm2/543-546.

Nasâ’îSunan7/435;DhahabîSiyar2/176-177.

LesHachémitessontlesfilsdeHâshim,l’arrière-grand-pèreduProphète.

BalâdhurîAnsâb2/384;Tabarî2/192;BayhaqîDalâ’il5/293-298.

Onditquel’affranchid’AbûBakr,Bilâl,lecélèbremuezzinduProphète,avaitégalementpourmissionderendrecomptedesfaitsetgestesdeMuhammadàAbûBakr(BalâdhurîAnsâb2/183).

WâqidîMaghâzî3/990;Tabaqât1/167;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq2/31.

TraductiondeMalekChebel.

En réalité, il s’agitd’une sériedeharanguesque leProphèteadresseauxmusulmansàdifférentsmomentsdupèlerinage sur lessitesde‘ArafâtetdeMinâ;aufildutemps,cesfragmentssontfondusetorganisésdanscequ’onappelleaujourd’hui«discoursdel’adieu».Dans les livres lesplusanciensde laTradition,onn’en trouveaucunemention.Dans le longchapitrequ’ilconsacreauPèlerinagedel’Adieu,IbnSa‘dTabaqât1/172-189neparleàaucunmomentdecediscours.

Tabaqât2/185.

IbnHishâm2/603-604.

IbnHishâm2/605.

Commel’amontréAlfred-LouisdePrémare,cetypedediscoursappartientàungenrelittéraireconnu:lediscours-testament,qu’ontrouvedans les textesbibliques.Pouruneanalysedétailléedudiscoursde l’adieu,voirdeuxarticles importants :RégisBlachère,«L’allocutiondeMahometlorsdupèlerinaged’adieu»,inMélangesLouisMassignon,Damas,1956,p.223-249;Alfred-LouisdePrémare,«LediscourstestamentduProphètedel’islam»,inFloréalSanagustin(dir.),Paroles,signes,mythes.MélangesoffertsàJ.Bencheikh,Damas,Institutfrançaisd’étudesarabesdeDamas,2011.

Intercalationdejourscomplémentairesdanslecalendrier.

PourAlfred-LouisdePrémare,cen’estpaslediscoursdel’adieuquiparaphraseleCoranmaisleCoranqui,enparaphrasantlesharanguesdudiscoursde l’adieu,«corrige»ouaménage lesdéclarationsduProphète («Lediscours testamentduProphètedel’islam»,op.cit.).

Ibid.Lediscoursdel’adieuinsistebeaucoupsurlethèmedutemps:ilévoquelesquatremoislunairesquelesArabesconsidéraientcommeinterditsdeguerre(hurum).LeCoranreprendcesujetenprécisantquelecaractèresacrédecertainsmoisdetrêvepeutêtreaboliquandlesmusulmanssontengagésdansuneguerretotalecontrelesmécréants(9:36-37).

VoirnotammentExégèsedeTabarî9/524;Exégèsed’IbnKathîr3/27.

TirmidhîSunan5/662;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr3/66;JazarîIbnal-AthînJâmi‘al-’usûl1/65.

MâlikMuwatta’1/899.

WâqidîMaghâzî3/1103;IbnHishâm2/603.

IbnKathîrBidâya5/233-234;IbnKathîrSîra4/427.

ExégèsedeBaghawî3/13;Exégèsed’IbnKathîr3/26.

IbnAbîShaybaMusannaf7/88.

V.Lecomplotdufeuilletmaudit

NotammentKitâbSulaymdeSulaymIbnQays,Irchâdal-qulûbdeKulaynîetBihâral-anwârdeMajlisî.

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Nousnousappuyonsicinotammentsurl’ouvrageshiitedeMajlisîBihâral-anwâr28/96-110quidonneforcedétailssurcefeuilletmaudit,soncontenuetlescirconstancesdesarédaction,danslechapitre«Mihanetfitan»(Lesépreuvesetlesdiscordes).

«Alif. Lam.Mim. Les hommes pensent-ils qu’on les laissera dire : Nous croyons ! sans les éprouver ? Oui nous avonséprouvéceuxqui vécurentavant ceux-ci.Dieuconnaît parfaitement ceuxquidisent la vérité et il connaît lesmenteurs»(29:1-3).

MajlisîBihâral-anwâr28/95-96.

Ibid.28/102.

Asmâ’aépousésuccessivementJa‘farIbnAbîTalib,frèrede‘Alî,puisAbûBakretenfinsonex-beau-frère‘Alî.Euégardàsesmariagesprestigieux,Asmâ’étaitsansdouteunefemmetrèsinfluente.AuchevetduProphètemourant,onlaretrouveauprèsdesépousesdeMuhammad:sapropresœurMaymûna,‘AïshaetHafsa.

SulaymIbnQaysconsacreunchapitreauxaveuxdesconspirateurslejourdeleurmort(KitâbSulaym1/345).

OnpeutlireletextecompletdupactemauditdansBihâral-anwâr28/103-111.

Abû ‘Ubayda jouera plus tard un rôle important dans la réunion de la saqîfa des Banû Sâ‘ida lors de laquelle Abû Bakr seraproclamécalife.

TirmidhîSunan5/667 ; IbnHanbalMusnad20/252 ;Bukhârî4/1592 ;Nasâ’îSunan7/329 ;HâkimMustadrak 3/616 ;MuttaqîKanz11/641.

IsfahâmîHiliyatal-awliyâ’1/100-101;DhahabîSiyar3/6.

Cette interjectionexprimeenarabe l’admirationou la satisfaction.Nouspensonsqu’elleestemployée icicommeantiphrasepourexprimerl’ironie.

Ils’agitlàd’uneversionshiiteduhadithsunnitequiglorifielafigurede‘Ubayda.

MajlisîBihâral-anwâr28/105.

Ibid.28/106.

IbnAbîShaybaMusannaf6/372;IbnHanbalMusnad2/262;IbnMâjahSunan1/45;BalâdhurîAnsâb2/356-358;Nasâ’îSunan7/437, 7/439 ;HâkimMustadrak3/118 ;DhahabîSiyar 2/501 ;HaythamîMajma‘ al-zawâ’id9/104 ; IbnHajarFath al-bârî7/74;MuttaqîKanz13/157.

Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq42/221;MuttaqîKanz13/134.

Exégèsed’al-Râzî12/401.

IbnAbîShaybaMusannaf6/369;IbnHanbalMusnad2/269;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr5/171 ;HâkimMustadrak 3/126 ;Exégèsed’IbnKathîr3/28;MuttaqîKanz13/134.

Muslim7/122.

IbnMâjahSunan 1/43-44 ;TirmidhîSunan 5/632 ;Nasâ’îSunan 7/411, 7/432, 7/437-438, 7/440-441 ; Tabarânîal-Mu‘jam al-kabîr18/128;DhahabîSiyar2/499;MuttaqîKanz11/608.

Nasâ’îSunan7/441.

Lalégendeshiiteditquec’estsamonturequiaparlépourrassurerleProphète(MajlisîBihâral-anwâr28/99).

Hudhayfaavulesquatorzeagresseurs:neufQurayshites(AbûBakr,‘Umar,‘Uthmân,Talha,Ibn‘Awf,Sa‘dIbnAbîWaqqas,Abû‘Ubayda Ibn al-Jarrah,Muawiya, ‘Amr IbnAl-’Ass), accompagnés de cinq hommes « ordinaires » (AbûMussa al-Ash’arî, al-MughîraIbnShu’ba,AwsIbnHadathân,AbûHurayraetAbûTalhaal-Ansârî).VoirMajlisîBihâral-anwâr28/99-100.

KitâbSulaym161-162;MajlisîBihâral-anwâr28/99.

Voir«Après-dire»,p.239.

KitâbSulaym154-155.

Ibid.1/140.

IbnAbîShaybaMusannaf7/468 ; IbnHanbalMusnad35/186-187;Tabaqât3/500-501;Tabarânî al-Mu‘jamal-awsat 7/217 ;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq49/435.

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Ladatedelamortd’UbayIbnKa‘bn’apasétédéterminéeavecexactitude;lesunsparlentdel’an22(souslecalifatde‘Umar),d’autresdel’an30(souslecalifatde‘Uthmân).CettedeuxièmehypothèseparaîtplusprobablecarUbayauraitvraisemblablementparticipéàlacollecteduCoranordonnéepar‘Uthmân(ilétaitmembredelacommissionprésidéeparZaydIbnThâbit).

Tabarî2/244.

Tabaqât 3/617 ;BalâdhurîAnsâb 2/272.Certaines sources arabesnecautionnentpas cetteversion« irrationnelle» et affirmentclairementque‘Umarordonnel’exécutiondel’«opposant»Sa‘dIbnUbâda;lesémissairesqu’ilenvoieàSa‘dontuneinstructionclaire:soitilprêteserment,soitilmeurt.EtSa‘desttuéparlesflèchesnondesdjinnsmaisdessbiresde‘Umar(BalâdhurîAnsâb2/272).

VI.L’expéditiond’Oussâma

Tabarî2/300.

IbnHishâm2/642;Tabaqât2/206,2/272;Tabarî2/226;IbnKathîrSîra4/506;IbnKathîrBidâya5/275-276.

IbnKathîrrécapitulelesmultiplesvariantessurladatedudébutdelamaladieduProphèteetcelledesondécès.L’auteurditquecetteconfusionchronologiques’expliqueparladifférencedel’apparitiondelaluneentreLaMecqueetMédine: leshabitantsdeLaMecqueontdûvoirlalunedumoisdedhû-l-hijjaunjeudietlesgensdeMédinelelendemainvendredi;ainsi,quellequesoitla

duréedesmois(vingt-neufoutrentejours)lepremierjourdumoisderabî‘1er tombaitunjeudietdoncle12decemoisétaitun

lundi(IbnKathîrBidâya5/275-276).IbnKathîrexpliqueaussiparlemêmeargumentledésaccordsurladateexactedudécèsduProphètecommenousleverronsplusloin.

Tabaqât 2/231 ; Bayhaqî Sunan 7/487 ; BalâdhurîAnsâb 2/216 ; Dhahabî Siyar 2/330 ; Ibn KathîrBidâya 5/262, ce dernierprécisantqu’ils’agitdequatreaffranchisduProphète:AbûMuwayhiba,AbûRâfi‘,ShoqrânetAbûThawbân.

D’autresversionsdisent que c’est chez son épouseZaynabqu’il est tombé sérieusementmalade (Tabarî 2/226).Balâdhurî parled’uneconcubineduProphète,uneesclavedunomdeRubayhachezquileProphèteauraitressentilespremierssignesdelamaladie(BalâdhurîAnsâb2/214).

IbnHishâm2/643;BalâdhurîAnsâb2/215-216;IbnKathîrSîra4/445.

Tabaqât2/233;BalâdhurîAnsâb2/216.

DhahabîSiyar3/456.

OnaurarelevéaupassagelapuissancesymboliquedecetteimageoùonvoitleProphètetenuparl’ancêtredesAbbâssidesetceluidesAlides.

IbnHishâm2/649;Tabaqât2/231-232;IbnMâjahSunan1/517;Tabarî2/226;IbnKathîrBidâya5/245.

IbnHishâm2/605-607;Tabarî2/247.

Tabaqât1/189.IbnSa’daffirmequel’ordred’envoyerl’expéditiond’Oussâmaaétédonnélesamedi,soitdeuxjoursavantlamortduProphète(Tabaqât2/190).

VoicilachronologiedesévénementsdonnésparIbnSa‘dTabaqât2/189-191:lelundi,quatrenuitsavantlafindumoisdesafardel’an11, leProphèteordonne auxmusulmansde sepréparerpourune expédition endirectionde la terredesRûm; le lendemainmardi,ildésigneOussâmaàlatêtedel’armée;lejeudi,cedernierquitteMédineetcampeauJorfaveclesprincipauxCompagnonsduProphète.

D’aprèsWâqidî,lavéritablecibledeladernièreexpéditionordonnéeparMuhammadestYabnâ(l’actuelleKhânal-Zayt).

Tabaqât2/190.

VoirchapitreI.

IbnHajarFathal-bârî8/152-153.

WâqidînecitepasAbûBakrdanslalistedesCompagnonsréquisitionnéspourl’expéditiond’Oussâma.

WâqidîMaghâzî3/1118;IbnHishâm2/650;Tabaqât2/190.

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‘Umarvoyantladéfaitedesmusulmansàl’horizonauraitfuilechampdebatailleencourant.Pourladésertionde‘Umarlorsdelabatailled’Uhud,voirl’ExégèsedeTabarî7/327.

Le jourdeKhaybar,souffrantd’unemigraine,MuhammadachargéAbûBakrpuis ‘Umard’allercombattremais ilssont rentrésbredouille(Tabarî2/300).

Tabarî2/225.

Tabaqât2/190.

IbnHishâm2/650;Tabaqât2/248-250;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq2/51.

Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq2/56.

Shahrastânîal-Milalwa-l-nihal1/21.

IbnHanbalMusnad8/325;Tabaqât3/43;Bukhârî6/2444.

L’historienDavidS.Powersexpliquel’interdictiondel’adoptionenislamparladoctrinedelaprophétie,tellequ’elleestdécritedansleCoran (33:40) : «Muhammad n’est le père d’aucun homme parmi vous,mais il est le Prophète deDieu ; le sceau desprophètes » (David S. Powers,Muhammad Is Not the Father of Any of Your Men. The Making of the Last Prophet,Philadelphie,UniversityofPennsylvaniaPress,2009).VoiraussisurcesujetÉdouardConte,«Filiationsprophétiques.RéflexionssurlapersonnedeMuhammad»,inPierreBonteetÉdouardConte,ÉmirsetPrésidents:figuresdelaparentéetdupolitiquedanslemondearabe,Paris,CNRS,2001,p.55-78.

IbnHanbalMusnad43/412;BalâdhurîAnsâb2/113.

Wâqidîcitecetteanecdoteàdeuxreprises:Maghâzî3/1126,2/565.VoiraussiTabaqât2/90;BalâdhurîAnsâb2/114;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq19/366;MuttaqîKanz10/976.

Tabaqât3/47;BalâdhurîAnsâb2/114.

IbnKathîrBidâya 6/367. ‘Aïsha raconte qu’un jour que le Prophète est en train de déguster une boisson chez lui en présenced’OmmAyman,celle-ci luidit :«Sers-moiàboire.»‘Aïsha,étonnée,ditàOmmAyman:«Commentoses-tudemandercelaauProphète?»Elleluirépond:«Jel’aiservitellementdefois!»AbûlQâcimrétorque:«Eneffet,tuasraison,OmmAyman»etilluisertàboire(Sîraal-halabiyya1/78).

Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq8/51;Sîraal-halabiyya1/154.LeProphèteauraitditlamêmechosedeFâtimaBintAsad,lamèrede‘AlîIbnAbîTâlib(Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr24/351).

BalâdhurîAnsâb2/68;IbnAbdal-Barral-Istî‘âb1/75;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq8/52.

Tabaqât2/250;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq8/56,8/59.

DhahabîSiyar4/107.

Tabaqât4/62;SuhaylîRawdh7/509;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq8/68;Ibnal-AthîrUsd1/80.

Tabaqât4/62;BalâdhurîAnsâb2/117;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq8/66-67.

TirmidhîSunan5/677;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq8/66.

SuhaylîRawdh7/509.

WâqidîMaghâzî3/1126.

IbnHanbalMusnad43/50;Tabaqât4/62;IbnMâjahSunan1/635;BalâdhurîAnsâb2/117;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq8/67;SuhaylîRawdh7/509.

Tabaqât 4/62 ;Bukhârî 3/1369 ;Nasâ’îFadhâ’ilal-sahâba 1/24 ; Tabarânîal-Mu‘jam al-kabîr 3/32 ;Muttaqî Kanz 12/120.Toutefois,desauteurscommeTirmidhîaffirmentqueleProphèteaeucettephrasepoursespetits-filsHassanetHussayn(TirmidhîSunan5/656).Iln’estpasrareeneffetdevoirdesauteurscommeIbn‘AsâkirfairedireauProphètelamêmephrasedansdeuxsituationsdifférentes :une foisausujetdeHassanetOussâmaetuneautreausujetdeHassanetHussayn (Ibn ‘AsâkirTarîkhDimashq14/155,8/47).CetteconfusionestrévélatricedesintentionsdesrédacteursdelaTraditionetdeslibertésqu’ilsprenaientdansl’élaborationdelabiographiedeMuhammad.

Toutefois, on ne peut pas dire que la description de l’affection du Prophète pour Oussâma soit uniquement le résultat d’une«manœuvre» sunnite ; les shiiteseux-mêmes reconnaissent laplaceprivilégiéed’Oussâmadans lecœurdeMuhammad (KitâbSulaym1/424).

LeclandesBanûMakhzûmestd’autantplusprestigieuxqueFâtimaBint‘Amrû,lagrand-mèrepaternelleduProphète,enestissue.

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Bukhârî3/1366;Muslim5/114;IbnMâjahSunan2/851;IbnKathîrSîra3/601.

IbnHishâm2/650.

Ils’agitlàdelaversionshiitetoujoursempreintedepathos(Mufîdal-Irchâd1/184).

Qays, fils de Sa‘d Ibn ‘Ubâda, joue le rôle de chef de la police (sâhib al-shurta) du Prophète (Bukhârî 6/2616 ; Tabarânî al-Mu‘jamal-kabîr18/346;IbnAbdal-Barral-Istî‘âb3/1289;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq49/402-403;Ibnal-AthîrUsd4/125;IbnKathîrBidâya8/107;MuttaqîKanz13/577).

DaylamîIrchâdal-qulûb2/237;MajlisîBihâral-anwâr28/108;Madanîal-Darajâtal-rafî‘a1/290.

MajlisîBihâral-anwâr28/108.Oussâma, constatant la détériorationde la santéduProphète, auraitmême songé à reporter sondépart (Ibn Abî-l-Hadîd Sharh al-nahj 6/52 ;Majlisî Bihâr al-anwâr 30/430) ; une source sunnite mentionne également cela(DhahabîSiyar2/332).

MajlisîBihâral-anwâr28/109;Madanîal-Darajâtal-rafî‘a1/305.

PourquoiAbûBakrdit-ilcelaauProphète?Ya-t-ilunemésententequecettephraseveutréparer?

DaylamîIrchâdal-qulûb2/237;Mufîdal-Irchâd1/184;MajlisîBihâral-anwâr22/368;Madanîal-Darajâtal-rafî‘a1/290.

MajlisîBihâral-anwâr28/108.

VII.Lesmursselézardent

Muhammad a souvent prévenu sa communauté de l’apparition des « faux prophètes » (dajjâlîn), qui sont l’équivalent del’Antéchrist:«D’icil’arrivéedel’Heure,trenteimposteursvontapparaîtreetprétendretousêtredesprophètes»(SuhaylîRawdh7/498).

En l’an 9 de l’hégire (630-631) entre soixante et cent délégations affluent versMédine pour faire allégeance àMuhammad etannoncerleurconversionàl’islam(IbnHishâm2/559).

Tabaqât1/410-412.

Tabaqât1/410.

WâqidîMaghâzî3/1055;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq3/290.

Tabaqât1/412;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq3/290.Sescheveuxluiarriventaucoudeouauxlobesdesoreillessuivantlesversions(Tabaqât1/427-428).

Ibn Hanbal 41/144 ; Abû Dâwûd Sunan 2/481 ; Ibn ‘Asâkir Tarîkh Dimashq 4/160. ‘Aïsha lui faisait quatre tresses, dit-on(Tabaqât1/429).

Tabaqât 1/428, 1/450-451 ; Bukhârî 5/2198 ; Ibn ‘Asâkir TarîkhDimashq 3/285-286, 3/298. Le port de l’habit rouge par leshommes est présenté commeune sunna du Prophète et enmême temps on voit dans unmême livreMuhammad défendre auxhommesdemettrelacouleurrouge(AbûDâwûdSunan4/92;TirmidhîSunan5/116).

Tabaqât1/398-399.

Lesiwâk (oubâtond’arak)estutiliséparlesmusulmanspourl’hygiènebuccaleetdentaire.

Tabaqât1/484.

SuhaylîRawdh7/474.

IbnHanbalMusnad15/198;Exégèsed’IbnKathîr1/729.

Unjour,aprèsunerazzia,desbédouinsexigentduProphètequ’illeurdonneimmédiatementleurpartdubutin:«Tunepartiraspasd’ici tant que tu n’auras pas fait le partage. » Ils lui enlèvent son manteau, rapporte Tabarî, en criant et en faisant des«démonstrationsgrossières».LeProphètecrie:«Rendez-moimonmanteau!»(Tabarî2/175;Ibnal-AthîrUsd3/769).

Mâlik,Muwatta’1/143-144;WâqidîMaghâzî3/1012.

IbnHishâm2/599;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq2/51.

SuyûtîTarîkhal-khulafâ’1/42.

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IbnHishâm2/599;IbnHanbalMusnad4/204;Tabarî2/225;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq2/47;MuttaqîKanz8/543.

Al-Yamâmaestuneanciennerégionsituéeàl’estduplateaudeNajdenArabiesaoudite.

Rahmânestaussil’undesquatre-vingt-dix-neufnomsd’Allâhchezlesmusulmans.

IbnHishâm2/600-601.

‘Abdal-Muttalibestlegrand-pèreduProphète.

Tabarî2/200-204;SuhaylîRawdh7/499.

Tabarî 2/270.Musaylima sera tuéparKhâlid Ibn al-Walîd au termed’une sanglantebataille ordonnéepar le nouveau califeAbûBakr : il s’agit de la fameuse bataille deYamâma qui coûtera la vie à plusieursCompagnons du Prophète et qui fait partie desguerresd’apostasie(ridda).LaprophétesseSajâh,quantàelle,finiraparseconvertiràl’islam,souslerègned’AbûBakr(Tabarî2/278).

Tabarî2/204.

DhahabîTarîkh3/15.

Régionquisesitueactuellementàl’extrêmesud-ouestdel’Arabiesaoudite,àlafrontièreavecleYémen.

Tabarî2/225.

DhahabîTarîkh3/15.

Tabarî2/225;IbnKathîrBidâya6/342.Ilestànoterqued’aprèslemêmeIbnKathîr,lefauxprophèteAswadn’estpasassassinéduvivantduProphètemaisaudébutdurègnedupremiercalifeAbûBakr(IbnKathîrBidâya6/337).Cetypedecontradictionetconfusionn’estpasraredanslesouvragesdelaTradition.

Tabarî2/225;Ibnal-Athîral-Kâmil2/180;YâqûtMu’jamal-buldân3/256;MuttaqîKanz14/552.

Tabarî2/225.

Ibn‘AsâkiraffirmequeTulayhacaressaitdéjàceprojetavantlamaladiedeMuhammad(Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq25/151).IbnKathîrditclairementqueMédineestmenacéed’êtreassiégéeetattaquéeaulendemaindelamortduProphète(IbnKathîrBidâya6/342).

Tabarî2/225.

Notonsquecepersonnageoccupeuneplacesingulièrequin’apasétéencorebienexplorée;onditquel’angeGabrielapparaissaitàMuhammadsousl’aspectdecethommed’unegrandebeauté.

«Quandilsentrevoientlapossibilitéd’unnégoceoud’unplaisir,ilss’yprécipitentetilstelaissentdebout!Dis:CequisetrouveauprèsdeDieuestmeilleurqueleplaisiretquelenégoce!–Dieuestlemeilleurdispensateurdetouslesbiens!»(62:11).VoirExégèse deTabarî 23/386 ;Exégèse deQurtubî 18/110 ;Exégèse deBaghawî 8/124 ; Suyûtîal-Durr al-manthûr8/165.

HichemDjaït,LaGrandeDiscorde.Religionetpolitiquedansl’Islamdesorigines,Paris,Gallimard,2008,p.55.

Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq43/502;MuttaqîKanz12/496.

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VIII.Ledébutdelafin

Tabaqât2/258-259;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr3/129;BayhaqîDalâ’il7/211;HaythamîMajma‘al-zawâ’id9/35 ;MuttaqîKanz7/263.

BayhaqîDalâ’il7/210.

Tabaqât2/208-209;IbnKathîrBidâya5/257;IbnKathîrSîra4/470.

Tabaqât2/208 ;HâkimMustadrak 1/99 ;BayhaqîDalâ’il7/204 ; IbnKathîrSîra4/472. IbnHishâmconsacreunchapitreà lakhumayssa(châle)noireduProphète(IbnHishâm2/665).

Bukhârî4/1616-1617;Nasâ’îSunan7/98.

IbnHiohâm2/649;Tabaqât2/232;DânîmîSunan1/51;Nasâ’îNafât1/28;Taban’2/226;IbnKathîrBidâya5/245.

Tabaqât2/216;Bukhârî1/240-241;BalâdhurîAnsâb2/235.

Tabaqât2/206.

Ibid.

Ibid.2/210.

Ibid.2/191;Tabarî2/230.

Desauteursdisentquecetteréunionaeulieulejeudi,soitcinqjoursavantlamortduProphète(IbnKathîrBidâya5/250).Ils’agitdeladernièresouratecomplètetransmiseàMuhammad.

Lamajoritédesexégètesdisentqueleversetfaitallusionàlaprise(fath)deLaMecque.

CertainsexégètescommeQurtubîetIbnKathîrdisentquelasourateaétérévéléelorsduPèlerinagedel’Adieu.LaTraditionshiite,quantàelle,affirmequecettesourateaétérévéléeauProphètedurantsonagonie

BalâdhurîAnsâb2/225;ExégèsedeTabarî24/668-669.

Tabarî2/227-228;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr3/58.

Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr3/58.

Ibid.Danscerécitoùonvoit leProphètedemanderàêtrepurifiédesespéchés,on trouveune très forte résonancechrétienne.C’est sans doute pour cette raison que cet épisode des derniers jours deMuhammad est décrit parVictorHugo dans le poème«L’an9del’hégire»(inLaLégendedessiècles)qu’ilconsacreàlamortduProphète.

IbnHishâm2/649;Tabaqât2/227;Bukhârî3/1337;BalâdhurîAnsâb2/218;Tabarî2/227-228;SuhaylîRawdh7/569.Lavivacitéd’esprit d’AbûBakr est clairement soulignée parBalâdhurî Ansâb 2/218.Dans d’autres versions nonmoins autorisées, c’est laportede‘AlîquiestlaisséeouverteparleProphète(Nasâ’îSunan7/423-424).

Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq2/53;IbnManzûrMukhtasar1/173;DhahabîSiyar2/374;DhahabîTarîkh3/20;SuyûtîJâmi‘al-ahâdîth25/237;MuttaqîKanz10/158.

IbnMâjahSunan1/40;Tabarî2/227.

C’estcequ’IbnKathîrditexplicitementdanssabiographieduProphète(IbnKathîrSîra4/456).

IbnSa‘dcitelesdeuxhommes(Tabaqât2/204).

LesshiitesaffirmentqueleProphèteaeffectuécettevisiteaucimetièreduBaqî‘encompagniede‘Alî.

IbnHishâm2/642;IbnHanbalMusnad25/376;Tabaqât2/204;DârimîSunan1/50;Tabarî2/226;MuttaqîKanz12/262.

IbnHanbalMusnad25/376;Tabaqât2/204;DârimîSunan1/50;Tabarî2/226;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr22/346 ;HâkimMustadrak 3/57.IlestànoterqueselonIbnHishâm,leProphèteauraitemployécetteimageoùilcomparelesdiscordesàveniraux«lambeauxd’unenuitténébreuse»nonaucimetièremaisàlasortiedelamosquéequelquesjoursavantsamort(IbnHishâm2/642).

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IbnHishâm2/642;IbnHanbalMusnad25/376;Tabaqât2/204;DârimîSunan1/50;Tabarî2/226;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr22/346;HâkimMustadrak 3/57.

Malgrétouslesbiensqu’ilpossède,leProphètequandilmeurtasacuirasseengagechezunjuifdeMédine.LaTraditiondonnedesversionscontradictoiresdutraindevieduProphète.

Tabaqât1/186-187,1/400.

IbnHanbalMusnad26/178;Tabaqât1/407;Bukhârî2/907;IbnMâjahSunan2/1388.

Tabaqât1/400-401;Bukhârî2/907;DhahabîSiyar2/281.

Tabaqât1/400.Cesscènessontenflagrantecontradiction,commenousleverronsplusloin,avecd’autresrelationsquidécriventunProphèteparticulièrementgourmand.

Tabaqât1/404.

Ibid.1/401.

Ibid.1/400-410.

Ibid.1/405.

Dunomd’Abû-lShahm(IbnHajarFathal-bârî5/140).

Ibn Abî ShaybaMusannaf 4/272 ; Ibn HanbalMusnad 4/456 ; Tabaqât 1/408 ; Bukhârî 3/1068 ; Ibn Mâjah Sunan 2/815 ;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr11/268;IbnKathîrSîra4/562.

IbnHanbalMusnad4/19;IbnHajarFathal-bârî5/142.

Bukhârî3/1066.

«Sachezquequelque soit lebutinquevouspreniez, lecinquièmeappartientàDieu,auProphèteetà sesproches,auxorphelins,auxpauvresetauvoyageur»(8:41).

IbnShibbaTârîkhal-Madîna1/210;DhahabîSiyar2/376;DhahabîTarîkh3/24.

Zubayr Ibnal-‘Awwâm, lecousinduProphète,est le tortionnairedeKinânaquinesurvivrapasausupplice (IbnHishâm2/336 ;Tabarî2/138).

Abd-al-RazzâqMusannaf6/90;IbnHanbalMusnad36/444;DârqutnîSunan2/491;BayhaqîSunan9/326;MuttaqîKanz5/866.

Traductiond’AlbertKasimirski.Pourceversetvoirnotammentl’exégèsed’Al-Râzî31/199.

IbnShibbaTârîkhal-Madîna(1/175);l’auteurconsacreunchapitreàladescriptiondelafortuneimmenseduProphète.

BalâdhurîFutûhal-buldân1/40-41;BalâdhurîAnsâb2/173.

CetteexpressionfiguredansleCoran.TraductiondeMalekChebel.

IbnHanbalMusnad1/306;Tabaqât2/314-315;Bukhârî4/1549;AbûDâwûdSunan3/100;Muslim5/153;Nasâ’îSunan6/98;SuyûtîJâmi‘al-ahâdîth9/423;MuttaqîKanz11/21.

Tabaqât2/317,2/260;IbnMâjahSunan2/900;IbnKathîrSîra4/560.

Sîraal-halabiyya3/498.

Tabaqât2/237-238;Sîraal-halabiyya3/498.

Tabaqât2/239.

Ibid.

VoirparexempleBalâdhurîAnsâb2/169-170.

Tabaqât3/184;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq30/321.

IbnQutaybaMa‘ârif1/171;IbnKhallikânWafiyyâtal-a‘yân3/65;Muhibbal-Dînal-Tabarîal-Riâdhal-nadhira1/200.

IbnAbîShaybaMusannaf2/186;BayhaqîSunan2/349;IbnHajarFathal-bârî3/90;SuyûtîJâmi‘al-ahâdîth26/488;MuttaqîKanz8/216.

Dhahabîditque‘Umar,mêmecalife,acontinuéàêtreuncommerçant(DhahabîSiyar2/214).

IbnHajarFathal-bârî3/90.

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IbnHanbalMusnad32/352;Bukhârî2/727,2/745,6/2676.

Bukhâri2/938.

IbnHishâm2/654 ; IbnHanbalMusnad 4/205 ;Tabaqât 2/245 ;Bukhârî 4/1615 ; Tabarî 2/229 ; Ibn ‘AsâkirTarîkhDimashq42/424.IbnSa‘dconsacreunchapitreàceque‘AbbâsaditlaveilledelamortduProphète(Tabaqât2/246-247).

Mohammad-AliAmir-Moezziabiensoulignélecaractèretrèsparticulierdumotamrenarabe.Ilécrit:«Lemotamr(pouvoir)enarabesignifielittéralement“affaire”,“chose”,“ordre”,motpolysémiquedifficileàtraduire(…)ilapratiquementtoujourslesensdepouvoir légitime, successionduProphète, lecalifatdans le sens littéralde“lieutenanceduProphète” (LeCoran silencieuxet leCoranparlant,op.cit.,p.40).

IbnHishâm2/654;Tabaqât2/245-246;BalâdhurîAnsâb2/240;Tabarî2/229;IbnKathîrBidâya5/247;IbnKathîrSîra4/498.Cejour-làleProphèteestmortselonIbnHishâm2/654.

Tabaqât2/246.

MaqrîzîRasâ’il1/49-50.

Jawharîal-saqîfawaFadak 1/44;IbnAbî-l-HadîdSharhal-nahj2/48.

Jawharîal-saqîfawaFadak ,1/44;IbnAbî-l-HadîdSharhal-nahj2/48.

BalâdhurîAnsâb2/265.

IX.Le«romanfamilial»deMuhammad

Danslachambredumalade,ontrouvequelques-unesdesesépouses(‘Aïsha,HafsaetMaymûna),safilleFâtimaetsonmari‘Alî,sononcle‘Abbâsetsesfils(Fadhl,Quthamet‘Abd-Allâh)ainsiqu’OussâmaIbnZaydquicampeauJorfetfaitdesallers-retoursconstants àMédinepour rendrevisite auProphète.Fâtimane fait qu’unebrève apparitiondurant l’agoniede sonpère.Son rôleprendradel’ampleurlorsdurèglementdel’affairedelasuccession.

IbnKathîrBidâya5/275;IbnKathîrSîra4/505-506.

Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr3/44;HâkimMustadrak 3/153;MuttaqîKanz11/409.

IbnAbî ShaybaMusannaf 3/439 ;Dârimî Sunan2/190 ; IbnMâjah Sunan 1/607 ; HâkimMustadrak 2/191 ;Muttaqî Kanz16/536.‘Umarlui-mêmen’apasdonnéàsesépousesnidemandépoursesfillesplusdequatrecentquatre-vingtsdirhamsdedonnuptial(IbnHanbalMusnad1/419;IbnMâjahSunan1/607;HâkimMustadrak 2/191;MuttaqîKanz16/534).

IbnIshâqSîra1/248-249;IbnKathîrBidâya5/330;BayhaqîSunan7/381;DhahabîSiyar2/433;IbnKathîrSîra4/611.

Kulaynial-Kâfî5/346;Ibnal-Jawzîal-Muntadhim8/124.

Tabaqât8/652;SuyûtîJâmi‘al-ahâdîth25/500;MuttaqîKanz13/633.

Ibnal-AthîrUsd1/528.

IbnHishâm1/156;Tabaqât1/99.

Sîraal-halabiyya1/25.

Voirlafatwano18395endatedu27/06/2002;voiraussidumême‘AlîJom‘alelivreal-Dînwa-l-hayât(éd.NahdhatMisr,2005,

fatwano51,p.90).

ExégèsedeQurtubî9/287.Oncitel’exempledelafemmed’Ibn‘Ajlândontchaquegrossesseduraitquatreansetquiendouzeansaaccouchédetroisenfants!NotonsquedesauteurscommeIbnal-JawzîdisentqueleProphèteétaitâgédeseptàvingt-huitmoisquandsonpèreestmort(Ibnal-JawzîSifatal-safwa1/21).

Ibn ‘AsâkirTârîkhDimashq3/48,3/400-401,3/408 ; IbnKathîrSîra 1/189-191 ;Suyûtîal-Durral-manthûr 4/330 ; Suyûtî al-khasâ’isal-kubrâ1/66;MuttaqîKanz11/402.

Danslesifâh,une femmeacommerceavecplusieurspartenairesenmême temps ;quandelle tombeenceinte,elledésigneelle-mêmel’hommequiseralepèredesonenfant.LeprestigieuxCompagnondeMuhammad‘AmrûIbnal-‘Âssaétéconçudanslecadred’unsifâhoùsamèreavaiteudesrapportssexuelsavecquatrehommessimultanément;‘AmrûIbnal-‘Âssétaitlariséedes

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musulmansàcausedecetteconceptionpeuorthodoxe(Sîraal-halabiyya1/64).

La Tradition nie la conception du Prophète dans le cadre d’un sifâh pour mieux souligner que les parents de Muhammad nepouvaientpaslepratiquerpuisqu’ilsn’étaientpaspaïensmaisavaientunefoimonothéistequ’ilspratiquaient«ensecret».Onnesaitpaspourquoi ilsauraientété secrètementmonothéistes lorsmêmeque la sociétépolythéistemecquoiseadmettait aisément lacohabitationavecdescommunautésjudéo-chrétiennes.

IbnIshâqSîra1/50 ;AbûYa‘lâMusnad13/74 ;Tabarî1/456 ; IbnHabbânSahîh 14/243 ;BayhaqîDalâ’il 1/136 ; IbnAsâkirTârîkhDimashq3/91;DhahabîTarîkh1/47;IbnKathîrSîra1/228;Suyûtîal-Khasâ’isal-kubrâ1/132-135.

Tabaqât1/98.

BalâdhurîAnsâb1/91.

HichemDjaït,LaViedeMuhammad,Paris,Fayard,t.I,2007,p.236-240;voiraussidumêmeauteurFî-lsîraal-nabawiyya,t.2,Târikhiyyatal-da‘wâal-muhammadiyyafîMakka,Beyrouth,éd.Dâral-talî‘a,2007,p.149.

OnpeutpenserquelaTradition–oupeut-êtreleProphètelui-même–aprocédéàune«réforme»desnomspaïensaucoursdelaquelleleprénomdesonpèrequiauraitétéàl’origine‘Abd-Allât(l’esclavedeladivinitépaïenneAllât)seraitdevenu‘Abd-Allâhpour avoir une résonance islamique. Au sujet de cette réforme onomastique voirMohammed H. Benkheira, « Onomastique etreligion:àproposd’uneréformedunompropreaucoursdespremierssièclesdel’Islam»,op.cit.

Ils’agitdelacontractiondumotarabeal-ilâhquisignifie«ledieu».

Ibn ‘Abd al-Barr al-Istî‘âb 4/1738 ; Ibn ‘Asâkir TarîkhDimashq 38/303 ; Majlisî Bihâr al-anwâr 29/29. Lors de la batailled’Uhud,onvoitAbûSofiâneduhautde lacollinechercherMuhammadencriant :«Oùest IbnAbîKabsha?» (Exégèsed’al-Râzî9/384).

Waraqa IbnNawfal leQuraychite est le cousindeKhadîja, la première femmedeMuhammad ; il est célèbredans l’histoire del’islamcar,interrogéparsacousineKhadîjasurl’apparitiondel’angeGabrielàsonmari,ilestlepremieràreconnaîtrelaprophétiedeMuhammad.Curieusement,Waraqa,quiestunchrétiennestorienversédanslesÉcritures,neseconvertirajamaisàl’islam,sansqu’onsachepourquoi.

Tirmidhî Sunan 5/584 ;HâkimMustadrak 3/275 ; BayhaqîDalâ’il 1/167-168 ; Ibn al-Athîr Jâmi‘ al-’usûl 8/535 ; Ibn KathîrSîra1/192;IbnKathîrBidâya2/315.

IbnHanbalMusnad29/57;HâkimMustadrak 3/375.

Tabarânî,al-Mu‘jamal-awsat6/199;BayhaqîDalâ’il1/171;Abû-lFidâal-Mukhtasar1/111;IbnKathîrSîra1/193.

IbnHishâm1/136.HâshimétaitunsurnomattribuéàcegrandseigneurdeQurayshenréférenceàsagénérosité : ildécoupait lepain(hashama)danslanourriture.LerôlepolitiquedutrèspuissantHâshim,l’arrière-grand-pèredeMuhammad,mériteàluiseulunemonographie.

LeprénomdeMuhammadserait-ildérivéduprénomorigineldesongrand-pèreShaybatal-Hamd?

IbnHishâm1/137;BalâdhurîAnsâb1/64.Lebébéavaitdescheveuxblancsàlanaissance,c’estpourcetteraisonqu’onl’aappeléShaybaquiveutdireenarabe«cheveublanc».

C’estl’hypothèsedel’historienégyptienSayyidal-Qumnî,Islâmiyyât,éd.al-Markazal-masrîli-buhûthal-hadhâra,2001,p.38.

La vie de Muhammad est peuplée de femmes puissantes maîtresses d’elles-mêmes, vestige sans doute d’une société arabepréislamiquematriarcale.

IbnHishâm1/137.

IbnKathîrditquedansunpremiertempsSalmâaaccompagnésonmariHâshimàLaMecquepuisestretournéedanssafamilleàYathriboùelleaaccouchédeShaybaalias‘Abdal-Muttalib(IbnKathîrSîra1/184).

IbnKathîrSîra1/186.

BalâdhurîAnsâb1/64;IbnKathîrSîra1/184.

IbnHishâm1/137-138.

BalâdhurîAnsâb1/64;IbnKathîrSîra1/184.

BalâdhurîAnsâb1/65;IbnKathîrSîra1/184.

IbnHishâm1/138.

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«Ôtoi,leProphète!Nousavonsdéclarélicitespourtoilesépousesauxquellestuasdonnéleurdouaire,lescaptivesqueDieut’adestinées,lesfillesdetononclepaternel,lesfillesdetononclematernel,lesfillesdetestantesmaternelles–cellesquiavaientémigréavectoi–ainsiquetoutefemmecroyantequiseseraitdonnéeauProphètepourvuqueleProphèteaitvoulul’épouser.Celaestunprivilègequit’estaccordé,àl’exclusiondesautrescroyants»(33:50).

SuhaylîRawdh2/157.

IbnIshâqSîra1/244.

IbnHanbalMusnad42/89;Bukhârî3/1389;Muslim7/134;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr23/11;HâkimMustadrak 4/318.

IbnIshâqSîra1/244;Bukhârî3/1389.

IlauraitéténaturelquesonalliancepolitiqueaveclesclansdeMédinesoitconsolidéeparunealliancefamiliale,oriln’enestrien.OndoitsignalertoutefoisquelaSîrad’IbnKathîrévoquelemariagedeMuhammadavecuneAnsardénomméeOmmShuraykdesBanûNajjârqui s’estofferteauProphètemais iln’apasconsommésonmariageavecelle (IbnKathîrSîra 4/595).Muhammaddéteste,paraît-il, lajalousieexcessivedesansariennes(DhahabîSiyar3/501).Maislavéritableraisondesonrefusd’épouseruneMédinoiseestquelesfemmesdeMédinesontplutôtémancipéesetpeudociles(BayhaqîSunan7/58) (à l’imagedesonarrière-grand-mèreSalmâ!).

Tabaqât 8/192 ; Bukhârî 5/2000 ; Balâdhurî Ansâb 2/102 ; Nasâ’î Sunan 8/207 ; Bayhaqî Sunan 7/87. Dans des hadithsparticulièrementaudacieux,onvoitlesépousesdeMuhammadl’inviteràavoircommerceavecleursesclaves:pourarrangerunecriseconjugaleavecsonmari,Zaynabluiditquetelledesesesclavesn’aplussesmenstrues;leProphèteentredanslachambredeZaynabetadesrapportssexuelsavecl’esclavedesonépouse(Nasâ’îSunan8/261).

IbnHanbalMusnad36/75;Bukhârî5/1959;Muslim8/89,2/60;IbnMâjahSunan2/1325;TirmidhîSunan4/483;MuttaqîKanz16/287,3/210.

IbnHishâm2/643;BalâdhurîAnsâb2/85;IbnKathîrSîra4/579.

Tabarî2/212.

IbnHanbalMusnad42/501;Ibnal-AthîrUsd6/189;Tabarî2/212.

BalâdhurîAnsâb 2/40. Omm Rummân parle ici sans doute de sa belle-fille Asmâ (fille aînée d’Abû Bakr et de Qutayla) quiépouseraZubayrIbnal-‘Awwâm,lecousingermaindeMuhammad.

IbnIshâqSîra1/255;IbnHishâm2/644;SuhaylîRawdh7/560;Ibnal-AthîrUsd6/189.

Bakrenarabedésigneaussiunejeunechamelle.L’éloquencearabeasansdoutejouésurlapolysémiedumotbakrdontlesdeuxsensde«pucelle»etde«jeunechamelle»peuventdésigner‘Aïsha.

Ibn‘Abdal-Barral-Istî‘âb4/1811.

Tabaqât8/189;IbnHanbalMusnad4/188.

Muslim4/188;BalâdhurîAnsâb2/58.

IbnIshâqSîra1/257;MuttaqîKanz2/538.

TirmidhîSunan3/112.

ZaynabBintKhuzaymameurtseptansavantleProphète.Leurmariagen’auraduréquequelquesmois.

IbnIshâqSîra1/262.

«Appelezcesenfantsadoptifsdunomdeleurspères–ceseraplusjusteauprèsdeDieu–,maissivousneconnaissezpasleurspères,ilssontvosfrèresenreligion;ilssontdesvôtres»(33:5).

IbnHanbalMusnad 43/297 ;Bukhârî 4/1797 ;Muslim 4/174 ;Nasâ’îSunan 10/223 ; BayhaqîSunan 7/88.On dit que ‘Aïshaprononcecettephrasesuiteàlarévélationd’autresversetsquidonneauProphèteunelibertétotaleetabsoluedanssonharem:«Iln’y a pas de reproche à te faire si tu fais attendre celle d’entre elles que tu voudras ; si tu reçois chez toi celle que tuvoudrasetsiturecherchesdenouveauquelques-unesdecellesquetuavaisécartées.Voilàcequiestlepluspropreàlesréjouir, à leur ôter tout sujet de tristesse afin que toutes soient contentes de ce que tu leur accordes. –Dieu connaît lecontenu de vos cœurs. Dieu sait tout et il est plein de mansuétude. Il ne t’est plus permis de changer d’épouses, ni deprendred’autres femmes,endehorsde tesesclavesmêmesi tuescharmépar labeautédecertainesd’entreelles.–Dieuvoitparfaitementtoutechose»(33:51-52).

TirmidhîSunan 5/352.Bukhârî attribue cette phrase à unCompagnonduProphète,Anas IbnMâlik (Bukhârî 6/2699) ;Tabarânîl’attribueàuncertainHassan(Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr24/42).

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BalâdhurîAnsâb2/67.

DhahabîSiyar3/224.

À dos de chameau, elle s’est jetée devantMuhammad en disant : «Le chameau et celle qui lemonte sont au Prophète » (IbnHishâm2/646).

BalâdhurîAnsâb2/58-60;Nasâ’îSunan8/257,8/260.

Bukhârî2/911.

Bukhârî4/1517;Nasâ’îSunan8/151.

Bukhârî6/2699;BalâdhurîAnsâb2/68;Nasâ’îSunan8/163;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr24/42.

IbnHajarFathal-bârî5/207;Sîraal-halabiyya2/294.

Bukhârî2/911;BalâdhurîAnsâb2/45;Nasâ’îSunan8/161-162.Onaicilapreuvequ’AbûBakrestloind’êtrel’hommedocileetsensiblequelalégendedécrit.

Ils’agitdeSawdadanslaversiondeNasâ’îSunan8/162.

IbnHanbalFadhâ’ilal-sahâba1/349;Nasâ’îSunan8/162;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq4/43;MuttaqîKanz12/593.

Nasâ’îSunan8/157.

Gommevégétalesucréequiaunemauvaiseodeuretqu’onextraitdel’Acaciaœrfota(‘urfutenarabe).

IbnHanbalMusnad43/41;Bukhârî4/1865,6/2556;Muslim4/184-185;BayhaqîSunan7/580.

X.Lafilleetlegendre

IbnKathîrSîra4/609.LemêmeIbnKathîraffirmequeFâtimaaunfrèrejumeauprénomméAbdallâh,mortenbasâge(IbnKathîrBidâya6/365).

Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr22/400;HâkimMustadrak 3/169;MuttaqîKanz12/109.

Sîraal-halabiyya3/184.

Des pans entiers de la biographie de Zaynab (vraisemblablement fille aînée du Prophète) demeurent totalement inconnus. Aumomentdel’hégire,ellen’apasquittéLaMecqueavecsonpère,préférantydemeurerauprèsdesonmari,lerichissimeAbûl‘Âs,quiarefusédeseconvertiràl’islam.LafilledeZaynab,Umâma,estadoréeduProphète.

AbûLahab,l’oncleirréductibledeMuhammad,apersistéjusqu’auboutdanssonoppositionvirulenteàsonneveu;danslasourate111 du Coran, Abû Lahab est cité nommément, avec sa femme, pour illustrer d’unemanière exemplaire le châtiment divin. Larelation entreMuhammad et cet oncle féroce est plus complexe qu’il n’y paraît. Le Prophète aimait son oncleAbûLahab et ilsembleavoirvécusaruptureavecluicommeundramepersonneltrèsdouloureux.

Aprèssondivorced’avec‘Utba,lefilsd’AbûLahab,Roqayyaépouse‘Uthmânàquielledonne‘Abd-Allâhquimeurtàl’âgedesixans–uncoqluiauraitpiquél’œil(Tabaqât3/54;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq39/8).AprèslamortprécocedesasœurRoqayya,OmmKulthûmconvoleaveclemême‘Uthmân(IbnKathîrSîra4/610).IlestànoterparailleursqueRoqayyaetOmmKulthûmn’ontpasunebiographieconnue.Leurpostéritéestdueàleurmaricommun,‘Uthmân.LamystérieuseOmmKulthûmn’estconnuequ’àtraverssakunya.SonexistenceressemblantétrangementàcelledeRoqayya,onpeutsedemanderfinalements’ilnes’agitpasd’uneseuleetmêmepersonne.Parexemple,Dhahabînementionnenullement l’existenced’OmmKulthûmquandildonnelalistedesfillesdeMuhammad:ilnecitequeRoqayya,ZaynabetFâtima(DhahabîTârîkh3/43).

Ibn al-Athîr On peut s’étonner d’ailleurs de l’absence de ce surnom dans la plus ancienne et plus longue notice biographiqueconsacréeau troisièmecalifedans lesTabaqâtd’IbnSa‘d.Hassan IbnThâbit,dans sesélégies,necitepasnonplusce titrede«détenteurdesdeuxlumières»quandilchanteleslouangesde‘Uthmân.

LeProphèteauraitmêmeditques’ilavaiteuunetroisièmefilleill’auraitdonnéeenmariageà‘Uthmân(Tabaqât3/56;IbnKathîrSîra4/610).

Dansunlivreférocemaisd’uneépoustouflanteérudition,HenriLammensétablitlerelevéexhaustifdetouteslescontradictionsetincohérencesquijalonnentl’écrituredelabiographiedeFâtimaetdesautresfillesduProphète.(FâtimaetlesfillesdeMahomet.

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Notescritiquespourl’étudedelaSîra,Institutbibliquepontifical,Rome,Bretschneider,1912).

Nasâ’îSunan7/448.

IbnIshâqSîra1/246.

Ibid ; Ibnal-AthîrUsd6/221 ;DhahabîSiyar1/385 ; IbnKathîrSîra 2/543-544 ;MuttaqîKanz 13/683.Ledonnuptial offert àFâtimaestd’unevaleurdequatrecentsdirhams(IbnKathîrBidâya6/366).

Tabaqât8/26.

BalâdhurîAnsâb2/362;Ibnal-AthîrUsd6/221.

BalâdhurîAnsâb2/354.

Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq42/132;Ibnal-AthîrUsd6/221.

IbnHanbalMusnad5/179;Tabaqât3/26-27;Tabarî2/137;HâkimMustadrak 3/143;IbnKathîrBidâya6/180.IbnQutaybaciteIbnIshâqdécrivantlephysiquedisgracieuxde‘Alî(IbnQutaybaMa‘ârif1/47).

Jâhizal-Bursânwa-l‘urjânwa-lhawlân1/465.

HâkimMustadrak 3/101;DhahabîSiyar2/508;MuttaqîKanz5/734.

IbnQutaybaMa‘ârif1/45;BalâdhurîAnsâb3/49 ; Ibnal-AthîrUsd3/620 ; Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq 42/25.Ceportraitquiridiculise‘Alîseraitsansdouteunespéculationsunnitevisantàdévaloriserlafigureemblématiquedeleursopposantsshiites.

IbnKathîrBidâya6/366.

IbnHanbalMusnad2/121;Nasâ’îSunan5/243;HâkimMustadrak 2/202;IbnKathîrSîra2/545.

Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr22/407;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq52/445;MuttaqîKanz11/606.

Muhibbal-Dînal-Tabarîal-Riâdhal-nadhira3/146;MajlisîBihâral-anwâr43/109;‘IsâmîSamatal-nujûm3/43.

IlestprobablequelesprétendantsnesesoientpasbousculésàlaportedeFâtimaàcausedecetteexigenceinflexibleduProphète.

Danslesmœursdel’époque,lesunionsmonogamessontrares;seuleslesfemmespuissantescommeKhadîjalapremièrefemmedeMuhammadpouvaientimposercettecondition.

Aucundeceuxquiaujourd’huidéfendentlapolygamienesemblevouloirsuivrel’exempledonnéparleProphète;pourcoupercourtau débat, certains auteurs disent que la monogamie fait partie des privilèges (khasâ’is) accordés à la fille du Prophète (nonapplicablesauxautresfemmes).

IbnHanbalMusnad 31/229,31/226 ;Bukhârî 3/1364 ; IbnMâjahSunan 1/644 ;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr 20/18 ;DhahabîSiyar3/415;MuttaqîKanz12/106.

Muslim6/142;IbnMâjahSunan2/1189;MuttaqîKanz15/321.

Levéritable nomd’Abû Jahl est ‘Amrû, fils deHâshim Ibn al-Mughîra.Abû Jahl, littéralement « le père de l’ignorance », n’estqu’unekunyainjurieusedontleProphèteaffublesonennemi.OnaurarelevéqueMuhammads’abstienticid’employercesobriquetinsultant,parlantavecconsidérationd’unhommequi,malgrésonhostilité,aeuàsonégarduneattituderespectueuse.

IbnHanbalMusnad31/240;Bukhârî5/2004;AbûDâwûdSunan2/185;Muslim7/140;IbnMâjahSunan1/643;TirmidhîSunan5/698;Nasâ’îSunan7/457;IbnHibbânSahîh15/405;BayhaqîSunan7/502;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq58/159;Ibnal-JawzîSifatal-safwa1/310;SuhaylîRawdh7/236;Ibnal-AthîrUsd6/222;DhahabîSiyar5/430.

IbnHanbalMusnad31/229;Bukhârî3/1364;IbnMâjahSunan1/644;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr20/18.

Bukhârî5/2004;Nasâ’îSunan7/457-458;Tirmidhîneparlepasdudivorce(TirmidhîSunan5/698).

Tabarî2/15.

VoirchapitreI.

IbnHanbalMusnad 2/229 ;HaythamîMajma‘ al-zawâ’id 1/314 ;Muttaqî Kanz 15/524. On dit que ‘Alî s’endort souvent aucimetière,au-dessusdestombes(MâlikMuwatta’1/233).

IbnHanbalMusnad2/229;HaythamîMajma‘al-zawâ’id1/314;MuttaqîKanz15/524.

LeProphètead’autresfavoris:Zayd,Oussâma,lefilsdecedernier,etsurtoutsespetits-filsHassanetHussayn.DansuneversiontroublantedonnéeparIbnSa‘d,onapprendqueleProphètesongeàdésignerZaydcommesuccesseur(Tabaqât3/46).

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‘Alîn’estpascequ’onappelleunhommedouépolitiquement;l’issuecatastrophiquedesacarrièredecalifeenestlapreuve.Eneffet, contrairement à ses prédécesseurs qui sauront maintenir tant bien que mal la cohésion de la umma, ‘Alî entraînera lesmusulmansdanslesaffresd’unehorribleguerrecivile.

C’estplutôt‘Aqîl,lefrèreaînéde‘Alî,quiestcélèbrepoursonsavoirgénéalogiqueetsesdonsd’éloquence.

Abû-lFarajal-IsfahânîAghânî4/4.

Tabaqât8/26;IbnHajaral-Isâba8/59.

Tabarî2/15;Nasâ’îSunan7/464;IbnKathîrSîra2/363.

Bukhârî5/2291;Tabarî2/14.DanssaSîra,IbnHishâmditqueleProphèteaaffublé‘Alîdecesobriquetlorsd’uneexpéditionàDhâtal-’Ashîra;ilconsacremêmeunecourtesectiondesonlivreàcesurnom(IbnHishâm1/599).

BalâdhurîAnsâb2/345;DhahabîSiyar2/495.Surcesobriquetattribuéà‘Alî,voir l’articled’EtanKohlberg«AbûTurab»,The

BulletinoftheSchoolofOrientalandAfricanStudies,no41,1978,p.347-352.

HenriLammens,FâtimaetlesfillesdeMahomet,op.cit.,p.37.

IbnIshâqSîra1/194;IbnMâjahSunan2/818;TirmidhîSunan4/645;MuttaqîKanz15/198.

IbnKathîrBidâya6/366.

IbnHanbalMusnad33/422;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr20/229.

IbnKathîrBidâya6/366.

Bukhârî3/1358-1359,5/2329;AbûDâwûdSunan4/474;BalâdhurîAnsâb2/385.

WâqidîMaghâzî2/693-694;IbnHishâm2/352-353;Tabaqât8/27.

IbnHanbalMusnad30/372-373;Nasâ’îSunan7/448,8/256.

HâkimMustadrak 2/219;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq3/148;DhahabîTarîkh2/122;IbnKathîrBidâya4/300.Évidemment,ilest plus facile pour les rédacteurs de hadiths d’attribuer à Zaynab cette qualité : comme elle n’avait pas de descendants quipouvaientêtreencombrantset réclamer lepouvoir,onpouvait célébreràcœur joieune filleduProphètedont lamémoiren’avaitaucunenjeupolitique.

IbnHanbalMusnad31/227;Bukhârî3/1364;Muslim7/141;IbnMâjahSunan1/644;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr20/18.

Nasâ’îSunan7/453.

Muslim7/135;Bukhârî2/911;Nasâ’îSunan8/151-152;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr23/41;BayhaqîSunan7/488.

IbnIshâqSîra1/247;IbnKathîrSîra4/582.

TirmidhîSunan5/656.

Bukhârî3/1371;TirmidhîSunan5/657;Nasâ’îSunan7/459;Nasâ’îFadhâ’ilal-sahâba1/20;Tabarânîal-Mu‘jam al-kabîr3/127;MuttaqîKanz12/113.

Nasâ’îSunan7/461.

Nasâ’îFadhâ’ilal-sahâba1/20.

Ibid.1/19;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq3/304.

Surnomqu’onutilisesouventpourdésignerHassanetHussayn.

IbnHanbalMusnad2/164;IbnKathîrBidâya8/38.

Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr3/95.

Bukhârî3/1302.

DhahabîSiyar4/322;IbnKathîrBidâya8/43.

Le culte de Fâtima est tardif. Il est exacerbé dans la littérature shiite. Les premiers ouvrages sunnites, quant à eux, présententFâtimacommeunpersonnagepâle (pourdes raisonspolitiquesévidentes),puisprogressivementdans lesouvragespostérieurs, lafilledeMuhammadestsacraliséeégalementparlesauteurssunnites.

Tabarî2/233 ; IbnAbdRabbihal-’Iqdal-farîd 5/13 ; IbnAbî-l-HadîdSharhal-nahj 2/56-57 ;Abû-l Fidâal-Mukhtasar 1/8 ;MuttaqîKanz5/651.

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IbnQutaybaal-Imâmawa-lsiyâsa1/19.

Ya‘qûbîTârîkh1/155.

IbnAbdRabbihal-’Iqdal-farîd5/13;Abû-lFidâal-Mukhtasar1/8.

BalâdhurîAnsâb2/268;Ya‘qûbîTârîkh1/155.

KitâbSulaym1/386-387.

Ya‘qûbîTarîkh1/155;Tabarî2/233;IbnKathîrSîra4/496.

IbnAbî-l-HadîdSharhal-nahj16/271.

Muhsin,letroisièmefilsdeFâtimaet‘Alî,estvaguementévoquéparlessourcessunnites(IbnIshâqSîra1/247;BayhaqîSunan7/100;IbnKathîrSîra4/582).LesshiitesdisentqueFâtimaaavortéàcauseduchocde lamortduProphète(MajlisîBihâral-anwâr42/90;Mufîdal-Irchâd1/355).

DhahabîSiyar2/371,2/388;IbnKathîrSîra4/611,4/567.

DhahabîSiyar2/388veutdirequ’elleestmortedechagrin.

BalâdhurîFutûhal-buldân 1/41 ;YâqûtMu‘jamal-buldân 4/239.Entre-temps, le nouveau califeAbûBakr l’a déshéritée ; laTradition justifie l’attituded’AbûBakrpar le faitque lesbiensmisà ladispositionduProphètenesontpasnécessairementensapossession(c’estundroitdejouissance,nondepropriété).

IbnKathîrSîra3/385,4/495;cetauteurditqueFâtimaétaitdansl’illusion(tawahhamat)(IbnKathîrSîra4/495).

IbnAbî-l-HadîdSharhal-nahj2/57.

Bukhârî4/1549-1550;Muslim5/153;IbnKathîrSîra4/567.

MajlisîBihâral-anwâr28/357;IbnQutaybaal-Imâmawa-lsiyâsa1/20.

KitâbSulaym1/392;IbnKathîrSîra4/568.

Ya‘qûbîTârîkh 2/137 ; Tabarî 2/353 ; IbnAbdRabbihal-’Iqd al-farîd 5/21 ;Mas‘ûdîMurûj al-dhahab 3/117-118 ;DhahâbîSiyar2/364;MuttaqîKanz5/631-632.

XI.‘Aïsha,lasémillantepetiterougeaude

Pourtoutessortesdefatwas,elleestalorsincontournable(Tabaqât2/375;BalâdhurîAnsâb2/46,2/47,2/49).

IbnKathîrSîra2/137.

IbnKathîrBidâya8/100 ; IbnKathîrSîra2/137.Cehadithest trèscontesté :al-Qârîditqu’ilnese fondesuraucunechaînedegarants(al-QârîMirqâtal-mafâtîh9/3995).

IbnAbîShaybaMusannaf 6/389 ; IbnHanbalMusnad 44/129 ;Bukhârî 2/911, 3/1376 ;HâkimMustadrak 4/10 ; Ibn al-AthîrJâmi‘al-’usûl 9/136 ;DhahabîSiyar 3/431 ;Muttaqî Kanz 12/134.Dans d’autres variantes on ne parle pas des vêtements de‘Aïshamaisdesondrap(lihâf):Bukhârî3/1376;TirmidhîSunan5/703;Nasâ’îSunan8/153-154;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr23/406 ; Ibnal-AthîrJâmi‘al-’usûl9/141 ;MuttaqîKanz 12/134-136. IbnHanbalparle simplementde lamaisonde ‘Aïsha (IbnHanbalMusnad44/129).

Ibn Hanbal Musnad 41/123 ; Muslim 7/135 ; Nasâ’î Sunan 8/151-152 ; Tabarânî al-Mu‘jam al-kabîr 23/41 ; BayhaqîSunan7/488.

IbnQutaybaMa‘ârif1/153.

IbnHanbalMusnad 42/203 ;Bukhârî 1/173 ;Nasâ’îSunan 8/181 ;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr 23/179 ; TabrîzîMishkât al-masâbîh2/237.

Bukhârî1/468;Muslim7/137;BalâdhurîAnsâb2/44;BayhaqîSunan7/487.

IbnHanbalMusnad42/471;IbnMâjahSunan1/641;DârimîSunan2/195;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr23/28.

IsfahânîHiliyatal-awliyâ’2/44.

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AbûDâwûdSunan4/438.

IbnIshâqSîra1/255.

AbûDâwûdSunan4/438;Muslim7/135;Nasâ’îSunan8/179-180.

IbnHanbalMusnad40/144;IbnMâjahSunan1/636.

WâqidîMaghâzî2/427;Nasâ’îSunan8/177-178.

Bukhârî1/173;Nasâ’îSunan8/181-182.

Tabaqât1/365;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq4/46.

IbnHishâm2/643;Tabaqât2/205;BalâdhurîAnsâb2/209,2/215;Nasâ’îWafât1/24-25;Tabarî2/226.

Elleestmorteàl’âgedesoixante-dixans,souslecalifatduMu‘âwiya(enl’an58del’hégire).

IbnAbîShaybaMusannaf 3/34, 7/536 ;Tabaqât 8/74 ; IbnQutaybaMa‘ârif 1/134 ;HâkimMustadrak 4/7 ; DhahabîSiyar3/462.

IbnKathîrBidâya8/95.

Abû-lFarajal-IsfahânîAghânî17/356-360;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq70/56-60.

Abû-lFarajal-IsfahânîAghânî3/315.

BaghdâdîTârîkhBaghdâd11/239;‘IsâmîSamatal-nujûm1/445.

IbnHanbalMusnad40/107;Muslim1/175;TirmidhîSunan1/91.

Bukhârî1/192;Muslim2/60.

IbnHanbalMusnad41/241;MuttaqîKanz8/212.

IbnHanbalMusnad40/156;Muslim3/135;Bukhârî2/680;AbûDâwûdSunan2/284;Nasâ’îSunan3/299.Lesshiitespensentque ce genre de tradition est d’origine omeyyade et destiné à salir la mémoire du Prophète (rappelons que pour les shiites lesOmeyyadessontdeshypocritesquin’ontjamaissincèrementcruenMuhammad).

IbnHanbalMusnad43/43;Muslim3/64;Nasâ’îSunan8/160;MuttaqîKanz12/264.

MâlikMuwatta’1/242.

IbnHanbalMusnad42/96,43/43;Tabaqât2/203;Muslim2/51,3/64;Nasâ’îSunan8/158-161,8/158.

IbnHanbalMusnad43/43;Tabaqât2/203;Muslim3/64;Nasâ’îSunan8/159-161;MuttaqîKanz12/264.

WâqidîMaghâzî2/426-440.

DansIbnHishâm,ils’agitdelaghazwa(razzia)desBanûMustalaq(IbnHishâm2/297).

Bukhârî2/942;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr23/61,23/124.

IbnHishâm2/301;Bukhârî2/944;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr23/97,23/124.

TraductiondeMalekChebel.

Muslim5/118;AbûDâwûdSunan4/253;MuttaqîKanz5/436.

WâqidîMaghâzî2/440 ;DârimîSunan1/129 ;Nasâ’îSunan8/252 ;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr 11/245 ;HâkimMustadrak4/326;IbnKathîrBidâya2/249.

LapunitionqueleCoranretiendraestdecentcoupsdefouetpourl’hommeetlafemmeadultères:«Frappezledébauchéetladébauchéedecentcoupsdefouetchacun.N’usezd’aucuneindulgenceenverseuxafinderespecterlaReligiondeDieu»(24:2).

IbnMâjahSunan 1/328, 1/625 ;Tabarânîal-Mu‘jamal-awsat 8/12 ; Ibn al-Athîr al-Nihâya2/177 ; Suyûtîal-Durr al-manthûr2/472.S’agit-ildelamêmechèvregourmandequiamangélapâteàpainpendantlesommeilde‘Aïsha?

IbnHajarFathal-bârî12/143;Suyûtîal-Itqân2/592.

Tabaqât8/189;BalâdhurîAnsâb2/60.

BalâdhurîAnsâb2/65.

Page 187: © Éditions Albin Michel, 2016 ISBN : 978-2-226-38922-0 · « Nous n’avons donné l’immortalité à nul homme avant toi. Seraient-ils immortels, alors que tu mourras ? » Coran,

45. LaTraditionajoute lenomd’unautre témoinprivilégié : lecousinduProphète‘Abd-AllâhIbn‘Abbâs,mais ilest très jeune(unedouzained’années)àlamortdeMuhammad.

Page 188: © Éditions Albin Michel, 2016 ISBN : 978-2-226-38922-0 · « Nous n’avons donné l’immortalité à nul homme avant toi. Seraient-ils immortels, alors que tu mourras ? » Coran,

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XII.Lacalamitédujeudi:letestamentnonécrit

IbnHanbalMusnad 3/409, 5/135, 5/351, 23/68 ;Tabaqât 2/242 ; Bukhârî 1/54, 3/1111, 3/1155, 4/1612, 5/2146, 6/2680 ;Muslim5/75 ;BalâdhurîAnsâb 2/236 ;Tabarî 2/228-229 ;Tabarânîal-Mu‘jamal-awsat 5/287 ;Tabarânîal-Mu‘jam al-kabîr 11/445 ;BayhaqîDalâ’il 7/181 ; IbnKathîr Sîra 4/451 ;HaythamîMajma‘ al-zawâ’id4/214-215, 9/34. La référence au testament estabsentedelaSîrad’IbnHishâm,serait-celerésultatd’une(auto)censure?

IbnHanbalMusnad5/351;Bukhârî3/1155;Muslim5/75;Tabarî2/228-229.

Certainesversionsplacent lemomentde l’écrituredu testamentdans lesdernièresheuresde lavieduProphète,quimeurt justeaprès:«Quandilsquittèrentleslieux,leProphètemourut»(Tabaqât2/244).Sulaymégalementditquel’incidentdutestamentalieulelundi,lejourdelamortdeMuhammad(KitâbSulaym1/324).

IbnHanbalMusnad5/351,3/409;Tabaqât2/242;Bukhârî3/1111,3/1155;Muslim5/75;BalâdhurîAnsâb2/236;Nasâ’îSunan5/367;Tabarî2/228-229;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr11/445;BayhaqîDalâ’il7/184.

IbnHanbalMusnad5/351;Muslim5/75;BalâdhurîAnsâb2/236;Tabarî2/228-229.

Bukhârî3/1111.

IbnHanbalMusnad5/135;Tabaqât2/244;Bukhârî1/54,4/1612,5/2146,6/2680;Nasâ’îSunan7/48;IbnKathîrSîra4/451.

IbnHanbalMusnad5/135;Tabaqât2/244;Bukhârî1/54,6/2680;Nasâ’îSunan5/366.

IbnKathîrBidâya5/271.

MâlikMuwatta’1/761;IbnMâjahSunan2/902.

IbnHanbalMusnad5/351;Tabaqât2/242;Bukhârî3/1155;Muslim5/75;Nasâ’îSunan5/367;Tabarî2/228-229.

IbnHanbalMusnad3/409;Tabaqât2/242;Bukhârî3/1111,3/1155;Muslim5/75;Nasâ’îSunan5/637;Tabarî2/228-229.

IbnHanbalMusnad5/135;Tabaqât2/244;Bukhârî1/54,4/1612,5/2146,6/2680;Nasâ’îSunan5/636.CertainsauteurstelIbnKathîrsegardentdementionnerlenomde‘Umar,cequienditlongsurlecaractèrecompromettantdesonattitudequ’onessayededissimulerderrièreuneformulationvague:«Certainsdisent:“LeProphèteestsubmergéparladouleur”»(IbnKathîrSîra4/451;IbnKathîrBidâya5/247).

IbnHanbalMusnad23/68.

HaythamîMajma‘al-zawâ’id9/34.

Tabaqât2/312-313.

Ibid.2/244.

Cevoile est soit celuique les femmesutilisentpourcouvrir leurs cheveux, soit celuiqui sépare lesdeux sexesà l’intérieurde lamaison.

Tabaqât2/244.

Cen’estpaslapremièrefoisque‘UmarsepermetautantdelibertéaveclesépousesdeMuhammad,quilecraignentparcequ’iln’hésitepasàlesgronder.Muhammadpermetàsonamid’intervenirdanssesaffairesdomestiques,cequineplaîtnullementauxépousesduProphètequiprotestent,estimantqu’ellesn’ontdecomptesàrendrequ’àleurmari.

Tabarânîal-Mu‘jamal-awsat5/287;HaythamîMajma‘al-zawâ’id9/34;MuttaqîKanz5/644.

Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr11/36;HaythamîMajma‘al-zawâ’id4/215.

IbnHanbalMusnad5/135;Tabaqât2/243-2/244;Bukhârî4/1612,5/2146,6/2680;Nasâ’îSunan5/366;IbnKathîrSîra4/451;IbnKathîrBidâya5/248.Dansd’autresversions, lesauteursutilisent leverbe«sedisputer» (takhâsamû ou ikhtassamû) : IbnHanbalMusnad5/135;Tabaqât2/244;Bukhârî4/1612,5/2146,6/2680;BayhaqîDalâ’il7/184;IbnKathîrSîra4/451.

Bukhârî6/2662.

IbnHanbalMusnad1/324;Tabaqât2/244;Bukhârî5/2146,6/2680;Muslim5/76.

Tabarî2/564;Ibnal-Athîral-Kâmil2/432.

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TirmidhîSunan5/621;Nasâ’îSunan8/182;TabrîzîMishkâtal-masâbîh3/285;MuttaqîKanz11/574.

IbnHanbalMusnad7/372;Bukhârî4/1866;Muslim4/190;BalâdhurîAnsâb2/102;Nasâ’îSunan10/224 ;ExégèsedeTabarî20/312;Tabarânîal-Mu‘jamal-awsat3/212;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr9/167.

‘UmarespionnaitmêmelesépousesdeMuhammadetguettaitleursentréesetsorties(Bukhârî1/67).

Bukhârî4/1866;Muslim4/188.

Bukhârî4/1866;Muslim4/190.

IbnHanbalMusnad7/372.RapportantlesmêmesparolesdeZaynab,TabarîetTabarânîdisentquecettedernièreamêmeaccusé‘Umardejalousie(ExégèsedeTabarî20/312;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr9/167).

IbnHanbalMusnad1/363;Bukhârî4/1629.

IbnHajarFathal-bârî5/346.

WâqidîMaghâzî 2/607 ; Exégèse deTabarî 22/246 ; Tabarânîal-Mu‘jam al-kabîr 20/9 ; IbnHabbânSahîh 11/216 ; BayhaqîDalâ’il4/106;DhahabîTarîkh2/371.

IbnHanbalMusnad31/249;DârimîSunan2/310;Bukhârî2/960,4/1551,3/1162;Nasâ’îSunan7/482-483;Tabarî2/123; IbnKathîrSîra3/442.

WâqidîMaghâzî2/609-610.

«Oui,nous t’avonsaccordéunevictoire éclatante,afinqueDieu tepardonne tespremiers et tesdernierspéchés ;qu’ilparachève sagrâce en toi ; qu’il te dirige vers la voiedroite et afinqueDieu te prêteunpuissant secours et afinqu’ilt’assistedesonpuissantsecours»(48:1-3).Voirentreautres:ExégèsedeTabarî22/195-198;Exégèsed’IbnKathîr7/325-326.

IbnHishâm2/318.

WâqidîMaghâzî 2/608 ; IbnHishâm 2/316-317 ; IbnHanbalMusnad 25/349 ; Bukhârî 2/974, 4/1832 ;Muslim 5/175 ; Nasâ’îSunan10/262;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr20/9;IbnKathîrSîra3/334;MuttaqîKanz10/494.

IbnHajarFathal-bârî5/346.Onendéduitque‘Umaravaitl’habitudedecontredireleProphète!

WâqidîMaghâzî2/606-607.

«Il ne parle pas de son propremouvement.Ce qu’il dit est une révélation qui lui a été faite.L’énorme en force [l’angeGabriel]l’ainstruit»(53:3-4).

IbnHanbalMusnad5/135;Tabaqât2/244.

Bukhârî 1/54.Dans d’autres versions, cette phrase est reprise en substance et n’est pas directement attribuée auProphète (IbnHanbalMusnad3/409;Tabaqât2/242;Bukhârî3/1111;Tabarî2/228-229;Nasâ’îSunan5/367).Nousavonslàunéchantillondes«libertés»prisesparlesrédacteursdelaTraditionchezquiilestsouventdifficiledefaireladifférenceentreleditduProphète,lerécitdutransmetteuroulecommentairedel’auteur.

«Ôvousquicroyez,n’élevezpointlavoixau-dessusdecelleduProphète,neluiparlezpasaussihautquevouslefaitesentrevous,afinquevosœuvresnedeviennentinfructueusesàvotreinsu»(49:2).

IbnHanbalMusnad5/135;Tabaqât2/244Bukhârî1/54,4/1612,5/2146,6/2680;Nasâ’îSunan5/366;IbnKathîrSîra4/451.

IbnHanbalMusnad3/409,5/135;Tabaqât2/242,2/244;Bukhârî1/54,3/1111,4/1612,5/2146,6/2680;Nasâ’îSunan5/366-367;Tabarî2/228-229;IbnKathîrSîra4/451.

Tabaqât2/242.

KitâbSulaym,1/324.

Mufîdal-Irchâd1/184-185;MajlisîBihâral-anwâr22/368.

BalâdhurîAnsâb2/224.

IbnHanbalMusnad42/50;Muslim7/110;Nasâ’îSunan6/382;Nasâ’îWafât26;MuttaqîKanz11/546.

Tabaqât3/180;BalâdhurîAnsâb2/209-210;IbnKathîrBidâya5/248.

IbnKathîrSîra4/473.

Cemotdésigneunosplatutilisécommesupportd’écriture.

Tabaqât2/243.

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DansKitâb Sulaym 1/398, on évoque le testament et la colère du Prophète contre « cet homme » (‘Umar) qui le contrarie etl’empêchededictersesdernièresvolontés.Sulaymditqu’aprèscet incident,Muhammadconvoque‘Alî,Fâtimaet leursdeuxfilsHassanetHussayn(letémoignagecitéestceluideSalmânlePerse);ilditens’adressantà‘Alî:«Gabrielm’aordonnédedictermontestament;donne-moidequoiécrire(sahîfa)et jeprendspour témoinsces troishommes»(Salmân,AbûDharretMiqdâd,présentssurleslieuxàlademandeduProphète)etc’estalorsqueMuhammaddictelesnomsdesdouzeimams:‘Alî(appeléparMuhammadson« frère», son«ministre,héritier,et successeur (khalifatî)»,HassanetHussaynetneufautresdescendantsdeHussayn,‘Alîécritsoussadictée.

IbnHanbalMusnad 2/36 ; Bukhârî 3/1160, 1/53 ;AbûDâwûdSunan 2/166 ; IbnMâjah Sunan 2/887 ;Nasâ’îSunan 8/392 ;BayhaqîSunan9/419.

IbnAbîShaybaMusannaf7/295;IbnHanbalMusnad2/51;Muslim4/115;IbnKathîrBidâya5/272.

IbnHanbalMusnad2/269.

IbnHanbalMusnad 2/265, 2/267, 2/432-433 ;Muslim 6/85 ;Nasâ’îSunan 8/392 ; IbnHibbânSahîh 14/570 ;DârqutnîSunan3/131;HâkimMustadrak 2/153;BayhaqîSunan9/419;MuttaqîKanz1/92.

MajlisîBihâral-anwâr74/130.

Ibid.27/64.

BayhaqîSunan8/49.

MajlisîBihâral-anwâr101/373.

Ibn‘AsâkirTârîkhDimashq42/391.

IbnHishâm2/650;Tabaqât2/250-253.

IbnHanbalMusnad3/409;Bukhârî3/1111;AbûDâwûdSunan3/128.

IbnMâjahSunan1/519,2/900-901;Nasâ’îWafât1/45;IbnKathîrSîra4/472-473.

IbnHishâm2/665;IbnHanbalMusnad43/271;Tabaqât2/254;SuhaylîRawdh7/600;DhahabîSiyar2/346;IbnKathîrBidâya5/258;IbnKathîrSîra4/471.

MuttaqîKanz4/382.

LeCoranlui-mêmeinsistebeaucoup(huitfois)surl’arabitédutextesacré.Toutporteàcroirequ’ilnes’agitpasseulementd’unearabitélinguistiquemaisaussiterritoriale.

Tabaqât2/240,2/254;Bukhârî1/168;Muslim2/67;IbnKathîrBidâya5/256;IbnKathîrSîra4/471;MuttaqîKanz8/195,7/147.

IbnHishâm2/665 ;Bukhârî1/165 ;Muslim2/67 ;BalâdhurîAnsâb2/223 ;Nasâ’îSunan 6/385 ;Tabarânîal-Mu‘jam al-kabîr1/164. Cettemalédiction est plus générale dans certaines versions (IbnHanbalMusnad 3/221 ;Tabaqât 2/240-241 ; BalâdhurîAnsâb2/223;MuttaqîKanz4/382).

CerécitfiguredansplusieursouvragesdelaTradition:IbnHanbalMusnad3/409;Tabaqât2/242;Bukhârî3/1111,3/1155;Tabarî2/228-229;BayhaqîDalâ’il7/182;IbnKathîrBidâya5/247.

IbnHanbalMusnad3/409;Bukhârî3/1155,4/1612;AbûDâwûdSunan3/128;BayhaqîDalâ’il7/182.

IbnHanbalMusnad3/409;Tabaqât2/242;Tabarî2/228-229.

Tabaqât3/61;Tabarî2/581.

Tabaqât2/260;IbnMâjahSunan2/900;IbnKathîrBidâya5/272.

Bukhârî6/2639;IbnHibbânSahîh14/587;IbnKathîrSîra4/492;MuttaqîKanz7/245.

Tabaqât2/270.

Mas‘ûdîMurûjal-dhahab1/290;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq30/422-423;IbnAbî-l-HadîdSharhal-nahj2/47;DhahabîSiyar2/364;HaythamîMajma‘al-zawâ’id5/202-203.

«LeProphètetraceuncarrépuisdessineensoncentreunautretrait;ensuiteiltraceautourd’autrestraitsetdessineencoreunautretraitàl’extérieurdestraitsetdit:“Cetraitaucentrec’estl’homme,lestraitsautourdeluisontlamort,ilestcernépartouslesautrestraits:s’ilenrateunilestsûrdetomberdansunautre.Letraitextérieurc’estl’espoir”»(DârimîSunan2/393;TirmidhîSunan4/635).

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L’imageemblématiqueducercueilflottanta,dessièclesdurant,alimentélareprésentationoccidentaledutombeaudeMuhammad;undictonhongroisditmême:«IlflotteentrecieletterrecommelecercueildeMahomet.»CommelerappelleEtanKohlberg,ontrouvelerécitducercueilflottantduProphètedanslapremièreœuvrelittéraireenfrançaisconsacréeàMuhammad(leRomandeMehometd’AlexandreduPont,1258).L’auteurparleducercueilenacierduProphètequiseraitrestésuspendudansl’airgrâceàdes pierres magnétiques disposées d’une manière ingénieuse (Etan Kohlberg, “Western Accounts of the Death of the Prophet,Muḥammad”,inMohammad-AliAmir-MoezzietJohnScheid(dir.),L’Orientdansl’histoirereligieusedel’Europe.L’Inventiondesorigines,Turnhout-Paris,Bibliothèquedel’Écoledeshautesétudes,Sciencesreligieuses110,2000,p.165-195).OnditquelesmusulmansontvoulufairepassercetartificehabilepourunmiraclealorsquelesOccidentauxl’ontconsidérécommelefruitd’unemagienoire,considérantque l’apesanteuravaitquelquechosededémoniaque(voirAlexandreEckhardt,«Lecercueil flottantdeMahomet », inMélanges de philologie romane et de littérature médiévale offerts à Ernest Hoepffiner, Publications de lafacultédeslettresdel’universitédeStrasbourg113,Paris,LesBellesLettres,1949).

XIII.QuiaremplacéleProphèteàlamosquée?

IbnHishâm2/600;BalâdhurîAnsâb2/189-193.

Les auteurs arabes donnent par exemple, avec le récit de chaque expédition du Prophète, le nom de l’homme désigné pour leremplacer àMédine pendant son absence ; quelques noms comme Sibâ‘ Ibn ’Urfuta al-Ghifârî, AbûDujâna al-Sa‘dî, Sa‘d IbnMu‘âdh,AbûSalamaIbn‘Abdal-Asad,AbûLubâbaIbn‘Abdal-Mundhir,NumaylaIbn‘Abd-Allâhal-Laythîouencorel’aveugleIbnOmmMaktûmreviennentsouvent.

IbnOmmMaktûmestlecousinmaterneldeKhadîja,lapremièreépousedeMuhammad.LeCoranfaitallusionàcethommequiaété un jour mal reçu par le Prophète occupé à discuter avec un riche Qurayshite ; Allâh révèle une sourate pour reprocher àMuhammadlecomportementméprisantqu’ilaeuavecl’aveugle:«Ils’estrenfrognéetils’estdétournéparcequel’aveugleestvenuàlui»(80:1-2).Depuislarévélationdecesversets,IbnOmmMaktûmestdevenutrèsprochedeMuhammad.

VoirchapitreIV.

Bukhârî1/402;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr6/174.

VoirchapitreI.

WâqidîMaghâzî3/1012;Tabaqât2/222.

IbnKathîr Sîra 4/507 ; IbnKathîrBidâya 5/276. IbnKathîr dans sa Sîra explique que le Prophète était incapable d’aller à lamosquéependanttroisjours;sadernièreapparitionàlamosquéeadûavoirlieulejeudiàl’heuredelaprièredemidid’aprèslui(IbnKathîrSîra4/466).

Bukhârî1/227;BalâdhurîAnsâb2/178.

BayhaqîditclairementqueleProphèten’apasdésignédesuccesseurmaisqu’iladonnéunindicesursonchoixquandiladonnésesinstructionssurladirectiondelaprière(BayhaqîDalâ’il7/221).VoiraussiBalâdhurîAnsâb2/231;IbnKathîrSîra4/496-497.

Tabaqât3/179.

IbnMâjahSunan1/391.

Tabaqât2/223;BalâdhurîAnsâb2/228-229;Tabarî2/231;BayhaqîDalâ’il7/197;IbnKathîrBidâya5/256.DanssaSîra IbnKathîrditmêmequ’AbûBakradirigévingtfoislaprière(IbnKathîrSîra4/466).DesauteurscommeIbn‘AsâkirouBalâdhurîvontplusloinetaffirmentqu’AbûBakradirigélaprièreduranthuitouneufjours(BalâdhurîAnsâb2/228;TarîkhDimashq30/298).

IbnHanbalMusnad43/60;Tabaqât2/218,3/180;Bukhârî1/251;IbnMâjahSunan1/391;Tabarî2/231.

Tabarî2/230.

Tabaqât2/218.L’attitudede‘Umarrefusantdeprendrelaplaced’AbûBakrestunesortedecalqued’unesituationsimilairequiaura lieuquelques jours plus tard à la saqîfa desBanûSâ‘ida, où on voitAbûBakr proposant la candidature de ‘Umar pour lecalifatetcedernierseprécipiterpourleluicéderetluifaireallégeance.

Ils’agitduneveud’OmmSalama,épouseduProphète.

IbnHishâm2/652-653;Tabaqât2/220;AbûDâwûdSunan4/348;BalâdhurîAnsâb2/227-228;IbnKathîrSîra4/459-460;IbnKathîrBidâya5/250.

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IbnHishâm2/652;Tabaqât2/220;AbûDâwûdSunan4/348.

Tabaqât2/222.

IbnHishâm6/652;Tabaqât2/220;IbnKathîrSîra4/459.

Tabaqât1/436.

Tabaqât2/222.

Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq5/268.

Tabaqât2/228.LeProphètedisait:«Ledroitestsurlalanguede‘Umaretdanssoncœur»(Tabaqât2/335);àlafindesavie,ilsembleavoirchangéd’avis.

Tabaqât2/221.

Tabaqât2/217;IbnHishâm2/652;BalâdhurîAnsâb2/229-230;Tabarî2/230-231.

IbnHanbalMusnad43/60;Tabaqât3/180;Bukhârî2/251.

IbnHishâm2/652.

IbnHanbalMusnad3/304.

Tabaqât3/180;Bukhârî6/2663.

Bukhârî1/251;Muslim2/22.UnpassageconfusdesTabaqâtmontre‘Aïshaobjecterl’extrêmesensibilitédesonpèrenonausujetdeladirectiondelaprièremaisdansl’évocationdutestamentqueleProphètes’apprêteàdicter(Tabaqât2/224-225).

IbnHishâm2/652;IbnAbîShaybaMusannaf2/118;IbnHanbalMusnad40/67;Tabaqât2/217;DârimîSunan1/52;Bukhârî1/236, 1/241, 1/251-252, 2/2663, 3/1238 ;Muslim2/22 ; IbnMâjahSunan 1/390 ;Nasâ’îSunan 8/303 ; Tabarî 2/231 ;BayhaqîSunan2/356;MuttaqîKanz5/634.

Allusion à l’histoire duprophète Josephqui a été l’objet de lamanipulation féminine ; ce récit est évoquédans leCorandans lasourate«Joseph»(12:50-51).

IbnMâjahSunan1/391;Tabarî2/230-231.

IbnHishâm2/652;Tabaqât2/217,2/219;BalâdhurîAnsâb2/232-233.

Nasâ’îSunan6/435;Tabarânîal-Mu‘jamal-awsat3/212.Rapportantlamêmeanecdote,Balâdhurîneprécisepasqu’ils’agitde‘Aïsha(BalâdhurîAnsâb2/102).

Latentationestassezvraisemblablevuletempéramentplutôtsensueletfougueuxdesdeuxpersonnages.‘Aïshaavaitunerelationtrès intriganteavec ‘Umar :mêmemort, elle lecraignait.Comme leProphèteet sonpèreétaiententerrésdans sachambre,elledisait:«Quandj’entraisdansmachambre,j’enlevaismesvêtementssansdifficultéenmedisant:“Aprèstoutc’estmonpèreetmonmari!”Quand‘Umaraétéenterrédansmachambre,jen’aiplusosém’ydéshabillerparrespectpourlui»(Tabaqât2/294).

Tabaqât2/217;Bukhârî1/236,3/1238;IbnKathîrSîra4/60-461.

VoirMohammed-AliAmir-MoezzietChristianJambet,Qu’est-cequeleshi’isme?,Paris,Fayard,2004.

KitâbSulaym1/420;MajlisîBihâral-anwâr28/109-110.

MajlisîBihâral-anwâr22/467.

IbnAbîShaybaMusannaf2/117;IbnHanbalMusnad20/369;MuttaqîKanz7/262.

VoirchapitreIV.

IbnHanbalMusnad43/66;Tabaqât3/180;Nasâ’îSunan1/438;Tabarî2/230;BayhaqîSunan3/116.

MâlikMuwatta’1/231;Tabaqât2/289;IbnKathîrSîra4/528.

Tabaqât3/61;Tabarî2/581.

ChezTabarî2/231,uneautreversiondeladirectiondelaprièrealieulelundi,jourdelamortdeMuhammad;nousyreviendrons.

XIV.L’originedumal:empoisonnementoupleurésie?

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Tabaqât1/410;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq3/306.

Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq3/311.

Tabaqât 1/398.On sait quedans laversion répanduedecehadith leProphèteneparlepasdenourrituremaisplutôtdeprière :«Deuxchoses aumonde,disaitMuhammad,ontde l’attrait pourmoi, ce sont les femmeset lesparfums ;mais jene trouvedefélicitépurequedans laprière.»Laversiond’IbnSa‘d,quia lenetavantagede l’antériorité,noussembleplus recevablecar lecaractèreépicuriendecehadithdeMuhammadnoussembleplusévocateurdelanourriturequedelaprière.

Tabaqât1/391;Muslim4/185.Sonplatpréféréestletharîd,unesortederatatouilledanslaquelleonimbibedesmorceauxdepain(Tabaqât 1/393) ;Muhammad compare souvent sa femme ‘Aïsha à son plat préféré (Bukhârî 3/1252 ; Dârimî Sunan 2/144 ;Muslim4/1886;IbnMâjahSunan2/1092;TirmidhîSunan4/275;HâkimMustadrak 4/129;MuttaqîKanz12/33).

Tabaqât1/393;IbnHanbalMusnad45/172.

Majlisî Bihâr al-anwâr 22/546 ; TabrasîMustadrak al-wassâ’il 2/166. Ibn Kathîr dit que ‘Alî a l’impression que le corps deMuhammadestportépartrentehommes(IbnKathîrSîra4/520);devons-nousendéduirequ’ilfallaittrentehommespoursouleverleProphète?

Tabaqât2/280-281;MuttaqîKanz7/256.UnescènesimilairequisoulignelepoidsducorpsduProphètedurantlatoilettemortuairefigure chez Ibn KathîrBidâya5/282, où on voit Fadhl se plaindre du poids deMuhammad et, craignant sans doute la ruptured’anévrisme,supplier‘Alîdelesoulager:«Ô‘Alî,repose-moi,jesensquemonaorteestsectionnée!»

Lorsdel’expéditiondeKhaybar,leProphèteaeuunecrisemigraineusequil’acontraintàresterchezluipendantdeuxjours(Tabarî2/300).

«Lorsqu’il vous enveloppa de sommeil, comme d’une sécurité venue de lui» (8:11). Lemême incident est évoqué dans leverset3:154:«Aprèsl’affliction,ilfitdescendresurvouslasécurité:unsommeilquienveloppaunepartied’entrevous.»

Muslim3/26.

Bukhârî1/350;Muslim3/26;BayhaqîSunan3/502;Ibnal-AthîrJâmi‘al-’usûl.

IbnHanbalMusnad8/132;Tabaqât4/163.

Tabaqât1/197.

L’historienbyzantinThéophane (750-817)parlaitdéjàde l’épilepsieduProphète. Il écritque la femmedeMuhammad« regrettavivement,ellequiétaitnoble,des’êtreunieàcethommequiétaitnonseulementpauvre,maisenoutreépileptique».MêmeBayledans sonDictionnaire philosophique et historique l’évoque : «CommeMahomet était sujet aumal caduc (épilepsie), et qu’ilvoulutcacheràsafemmecetteinfirmité,illuifitaccroirequ’ilnetombaitdanssesconvulsionsqu’àcausequ’ilnepouvaittenirlavuede l’angeGabriel,qui luivenait annoncerde lapartdeDieuplusieurschosesconcernant la religion» (citésparAnne-MarieDelcambre, «Desmiroirs déformants »,Confluences, hiver 1995-1996, p. 42-43). Jusqu’à l’époque contemporaine, ce soupçond’épilepsieperdurera(voirDavidSamuelMargoliouth,MohammedandtheRiseofIslam,NewYork,Putnam,1905,p.46).

IbnHanbalMusnad6/418;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr10/109;HâkimMustadrak 3/60;HaythamîMajma‘al-zawâ’id 8/5.Onnousditqu’AbûBakrestmortluiaussiempoisonné(Tabaqât2/200).

Engénéraldans lessourcesarabes,onconsacreà l’empoisonnementduProphèteunchapitre intitulé«Labrebisempoisonnée»(al-Shât al-masmûma) comme dans laSîra d’Ibn Kathîr ou Ibn Hishâm (Ibn Hishâm 2/337-338 ; Ibn Kathîr Sîra 3/394-400).BukhârîdanssonSahîhconsacreégalementunchapitreàl’empoisonnementduProphète(Bukhârî5/2178).

H.Zaqzûq(dir.),Haqâ’iqal-islâm fimuwâjahati shubuhâtal-mushakkikîn,LeCaire,HautConseil islamiqued’Égypte, 2002,p.351-352.

Comme le noteEtanKohlberg, l’hypothèse de l’empoisonnement a eu une grande fortunemêmedans les premières biographies

occidentalesdeMuhammad,duMoyenÂge jusqu’auXIXe siècle (“WesternAccountsof theDeathof theProphetMuḥammad”,

op.cit.).

WilferdMadelung,TheSuccessiontoMuhammad.AStudyoftheEarlyCaliphate,Cambridge-NewYork,CambridgeUniversityPress,1997.

StephenJ.Shoemaker,TheDeathofaProphet.TheEndofMuhammad’LifeandtheBeginningofIslam,op.cit.

Ilestàsignalerqu’EtanKohlbergabordelargementl’hypothèsedel’empoisonnementduProphètedanslestextesshiites.(«Shī‘īViews of the Death of the Prophet Muḥammad », inMedieval Arabic Thought. Essays in Honour of Fritz Zimmermann,WarburgStudiesandTexts4,2012,p.77-86).

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Voirlechapitresurl’«affairedelabrebisempoisonnée»chezIbnHishâm2/337-338.

Bukhârî4/1611;IbnKathîrBidâya5/246.LeProphèteauraitconfiélamêmecrainteàlamèredesonCompagnonBishrlorsqu’elleestvenueluirendrevisite:«ÔmèredeBishr!Maintenantjesensquemonaorteestcommetranchée,àcausedelanourriturequej’aipriseavectonfilsàKhaybar»(BalâdhurîAnsâb2/221;Tabaqât2/236).

Elle est la sœur d’un certainMarhab et la femme de Sallâm IbnMishkâm, le chef des juifs desBanûNadhîr qui a été tué parMuhammadlorsdelabatailledeKhaybar.

Tabaqât2/200;Tabarî2/138;IbnKathîrSîra3/397;ExégèsedeBaghawî7/311;IbnKhaldûnTârîkh2/454.SuhaylîaffirmequeBishrn’estpasmortimmédiatementaprèslerepasmaisunanplustard(SuhaylîRawdh6/571).

ÀnoterquedansWâqidîlemoutonempoisonnéestévoquédanslalistedesmartyresdeKhaybar,cequienditlongsurlemalaisedelaTraditionàl’égarddesraisonsdelamortduProphète(WâqidîMaghâzî2/700).

GhazâlîIhiyâ’‘Ulûmal-dîn1/310.

Certainesversionsrapportentqued’autresCompagnons,ycomprisAbûBakr,ontégalementprispartaurepas.

IbnAbîShaybaMusannaf5/41 ; IbnHanbalMusnad15/513 ;Tabaqât2/200 ;Bukhârî5/2178 ;DârimîSunan 1/47 ;BayhaqîDalâ’il4/261;BaghawîSharhal-sunna14/23;IbnKathîrSîra3/395.

SuhaylîRawdh7/111.

WâqidîévoquelacontroverseprovoquéeparlesortdeZaynabparmilesrédacteursdelaSîra:«Ilyavaitdesdisputesparminousà sonpropos, écrit-il.Quelqu’un adit : “LeMessagerdeDieu aordonnéqu’elle soit tuéepuis crucifiée.Unautre a dit qu’il l’apardonnée”»(WâqidîMaghâzî2/678).

Tabaqât2/201.

Ibid.2/200;IbnKathîrSîra3/397.DhahabîditqueleProphèten’aexécutéZaynabquelorsqueBishrestmort(DhahabîTarîkh2/437).

WâqidîMaghâzî2/678.

AbûDâwûdSunan4/294.

IbnHishâm2/51-57;Bukhârî4/1482.

IbnMâjahSunan2/1174.

WâqidîMaghâzî2/678;IbnHanbalMusnad5/6;Tabaqât1/447,2/200;DârimîSunan1/46;AbûDâwûdSunan4/294;Nasâ’îSunan7/95;BayhaqîSunan8/83.Muhammadrecommandaitsouventcettethérapiequ’ilprésentaitcommelemeilleurremèdeàtouslesmaux(Tabaqât1/444).

Tabaqât2/196-199.

IbnMâjahSunan2/1174.

Tabaqât2/213,2/196-197.

Balâdhurî Ansâb 2/221 ; Ibn Kathîr Bidâya 5/246.Mu‘widhatayn est le nom donné aux deux dernières sourates du Coran«L’Aurore»et«LesHommes»quicommencentpar«JecherchelaprotectionduSeigneurdeshommes»(A‘ûdhubirabbial-nâss).

Tabaqât2/211,2/213;IbnKathîrBidâya5/246.LapratiquedunafthestévoquéedansleCorandansleverset113:4surlapratiquedelamagienoireparlessorcières,«lemaldecellesquisoufflentsurlesnœuds»(naffâthâtifil‘uqadi).

Tabaqât2/210-211;Nasâ’îWafât31;Nasâ’îSunan7/69;IbnKathîrBidâya5/246.IbnSa‘dditquel’angeGabrielaexorciséleProphèteenpratiquantlaroqyaquichasselemauvaisœildesenvieux.

Tabarî2/138.

HuitversetsduCorandésignentlesjuifscommedesassassinsdeprophètes:«[Lesjuifs]furentfrappésparl’humiliationetlapauvreté.LacolèredeDieuleséprouvaparcequ’ilsn’ontpascrulesSignesdeDieu,parcequ’ilstuaientinjustementlesprophètes»(2:61);«Chaquefoisqu’unprophèteestvenuàvous,enapportantcequevousnevouliezpas,vousvousêtesenorgueillis ; vous avez traité plusieurs d’entre eux de menteurs et vous en avez tué quelques autres » (2:87) ; «Dis :Pourquoidonc,sivousêtescroyants,avez-vous,autrefois, tuélesprophètesdeDieu?”»(2:91);«Ilen futainsi :parcequ’ilsnecroyaientpasauxSignesdeDieuetqu’ils tuaient injustement lesprophètes» (3:112) ; «Nousconsignons leursparolesparécritenretenantqu’ilsonttuéinjustementlesprophètes»(3:181);«Dis:Avantmoi,desprophètessontvenus

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avecdespreuvesdécisives,etaveccedontvousparlez.Pourquoi lesavez-vous tués,sivousêtesvéridiques?» (3:183) ;«Nouslesavonspunisparcequ’ilsontrompuleuralliance,parcequ’ilsn’ontpascruauxSignesdeDieu,parcequ’ilsonttuéinjustementdesprophètes»(4:155);«Nousavonsconclul’allianceaveclesfilsd’Israëletnousleuravonsenvoyédesprophètes.Maischaquefoisqu’unprophètes’estprésentéàeuxencontrariantleursdésirs,ilsontaccusédemensongesplusieursprophètesetilsonttuélesautres»(5:70).Voiràcesujet l’articledeGabrielSaidReynolds,«OntheQuranandtheJewsas“killersoftheprophets”»,inal-BayānJournal,départementduCoranetduhadithdel’Académiedesétudesislamiquesdel’universitédeMalaisie,2012.

Tabaqât2/241.LeProphètedit:«Mauditssoientlesjuifs!Ilsinterdisentlagraissedesbœufsetdesmoutonsmaismangentdesoncommerce»(allusioniciauverset6:146:«Nousavonsinterdit toutebêteàonglesàceuxquipratiquentle judaïsme.Nousleur avons interdit la graisse des bovins et des ovins »). Le suif faisait partie des sacrifices qu’on faisait au Temple deJérusalem.

Mufîdal-Muqni‘a1/456.Dans l’articlequ’ilconsacreà la représentationshiitede lamortduProphète,EtanKohlbergmontreàquelpointlathéoriedel’empoisonnementyoccupeuneplaceimportante(«Shī‘īViewsoftheDeathoftheProphetMuḥammad»,op.cit.).

MajlisîBihâral-anwâr22/516.

Ibid.17/395.

Ibid.22/239-240. Il est à noter que les auteurs shiites commeMajlisîmettent la décision d’empoisonner le Prophète en relationdirecteavecl’incidentdeladécouverteparHafsadelaliaisonentreMuhammadetsaconcubinecopteMâria.RappelonsquesuiteàcetincidentleProphètesefâcheparcequeHafsan’apasgardécesecretcommeilleluiavaitdemandé(voirchapitreII);c’estainsiqueles«quatre»(AbûBakret‘Umarainsiqueleursdeuxfilles‘AïshaetHafsa)seréunissentetdécidentd’empoisonnerleProphète (Majlisî Bihâr al-anwâr 22/239). En réalité, Muhammad aurait confié à Hafsa qu’Abû Bakr et ‘Umar allaient luisuccéder:impatientsdes’emparerdupouvoir,ilsdécidentd’assassinerMuhammad.EtanKohlbergdonneendétaillesdifférentesvariantesshiitesàcetteversiondel’empoisonnementduProphèteparsesdeuxépousesetsesdeuxsuccesseurs(«Shī‘īViewsoftheDeathoftheProphetMuḥammad»,op.cit.).

MajlisîBihâral-anwâr22/516.

KitâbSulaym1/363;MajlisîBihâral-anwâr33/267.

MajlisîBihâral-anwâr44/153.Lesous-entenduiciestqueHassanaétéempoisonnéparsafemmeJu‘daBintal-Ash‘athcommeleProphèteaétéempoisonnéparlasienne–c’est‘Aïshaquiestsansdouteviséeici.

LeProphètedisait:«Lesmartyrssontaunombredesept:àpartceluiquiluttedanslavoiedeDieu,sontmartyrsceuxquimeurentdelapeste,dansunenoyade,depleurésie,decolique,parlefeu,parl’éboulement,etlafemmequimeurtenaccouchantestmartyreelleaussi»(Nasâ’îSunan7/69;HâkimMustadrak 1/503;MuttaqîKanz4/424).TabarânîetBukhârînecitentquecinqtypesdemartyresetexcluentlapleurésie(Bukhârî1/233;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr17/326).

HâkimMustadrak 4/449.

Tabaqât2/236;BalâdhurîAnsâb2/221.

WâqidîMaghâzî3/1119;Tabaqât2/190;Bukhârî5/2159-2160;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq2/56;MuttaqîKanz10/573.

Ilexistepeudevariantesdecerécit,lestextessontunanimesdansl’ensemble(IbnHishâm2/651;IbnHanbalMusnad40/308;Tabaqât2/235;Bukhârî4/1618,5/2159;Nasâ’îSunan6/384,7/90;Nasâ’îWafât29-30 ;Tabarî2/229-230 ; IbnHibbânSahîh14/554;BayhaqîDalâ’il7/169;SuhaylîRawdh7/571-572;IbnKathîrSîra4/449).

IbnSa‘daffirmedansunedesversionsqu’ilrapportequecesontOmmSalamaetAsmâ’Bint’UmaysquidonnentauProphèteleremèdecontresongré(Tabaqât2/236).

IbnSa‘destplusprécisdans ladescriptiondu remèdeadministréauProphète ; ilditqu’il est composédebois indien (oucostusmarin),d’uneplante colorantequi ressembleau sésame (wars) etdequelquesgouttesd’huile (Tabaqât 2/235).Balâdhurî donneégalementlesmêmesdétails(Ansâb2/217).

Asmâ’Bint‘UmaysavéculongtempsenAbyssinie.

Tabaqât2/235;IbnHishâm2/651;IbnKathîrSîra4/446.

BayhaqîDalâ’il7/169.

Tabaqât2/236;BalâdhurîAnsâb2/216-217.

Tabaqât2/236;IbnHishâm2/651;BayhaqîDalâ’il7/169.

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IbnHanbalMusnad40/308.

Bukhârî5/2159;Muslim7/24;Nasâ’îSunan7/90.

IbnHishâm2/651;Tabarî2/230;IbnKathîrSîra4/446.

IbnHanbalMusnad44/548;Tabaqât1/447;Bukhârî5/2155;IbnMâjahSunan2/1146;Nasâ’îSunan7/88.

Bakrî Mu‘jam mâ ista‘jam 3/955. Bakrî précise que le Prophète a pris cette précaution après l’épisode de la « brebisempoisonnée»–ilparleicisansdoutedelatentatived’empoisonnementàKhaybar.

IbnAbî-l-HadîdSharhal-nahj10/266.IbnAbî-l-HadîdrapportequeleProphèteperdbeaucoupdesangavantdemourir;ilajoutequeceuxquicroientàunepleurésieexpliquentcettehémorragieparl’éclatementspontanéd’unkysteformédanslaplèvre.

Tabaqât1/427;BayhaqîMa‘rifatal-sunanwa-lâthâr14/120;IbnHajaral-Isâba4/149.

BayhaqîMa‘rifatal-sunanwa-lâthâr14/85;DhahabîSiyar10/128.

IbnAbîShaybaMusannaf7/93 ; Ibn ‘AsâkirTarîkhDimashq30/410 ; Ibnal-AthîrUsd3/222 ;MuttaqîKanz12/532 ; ‘IsâmîSamatal-nujûm2/466.

Tabaqât3/346,3/431.

Ibid.2/309-310.

Ibid.2/308;IbnHanbalMusnad20/8;IbnKathîrSîra3/621.

Tabaqât1/432,1/434;Bukhârî3/1302.

Tabaqât1/431,2/308 ; Ibn ‘AsâkirTarîkhDimashq 3/273.MêmeVictorHugo fait allusionàceladans sonpoème«L’an9del’hégire»(inLaLégendedessiècles):«Onlevoyaitvieillirchaquejour,quoiqu’ileût/Àpeinevingtpoilsblancsàsabarbeencorenoire.»

BayhaqîDalâ’il1/229-239.

Tabaqât1/432-433.Pourtantd’autrespassagesdumêmeouvragedisentqueleProphèteseteintlescheveuxauhennéouavecdel’eaudesedr(Tabaqât1/433,1/437-438),carcommeleditlemêmeIbnSa‘dleProphèteabeaucoupdecheveuxblancspourunhommedesonâge(onsupposedoncqu’iln’estpasvieux);undesesCompagnonsluiditunjour:«Tuasdescheveuxblancstroptôt!»,àquoiMuhammadrépond:«C’estlalectureduCoran[decertainessourates,la11“Hûd”etsessœurs,la54“LaLune”,la77“LesEnvoyés”etla81“LeDécrochement”]quimedonnentdescheveuxblancs»(Tabaqât1/435-436).

Muslim7/85;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq4/161-162;Tabarânîal-Mu‘jamal-awsat7/135.

Haythamînotequ’AbûBakrestleplusâgédesCompagnonsduProphète(HaythamîMajma‘al-zawâ’id9/60);c’estpourcetteraison qu’on le surnomme dhû shaybat al-muslimîn, « le doyen des musulmans » (Ibn HanbalMusnad 27/114 ; Tabarânî al-Mu‘jam al-kabîr 5/58 ;HâkimMustadrak 2/188 ; Ibn Kathîr Sîra 4/480).Mais ce surnom peut s’expliquer non par son âgeavancémaisparlefaitqu’ilaitétélepremierdesmusulmans(Tabaqât2/267).

IbnQutaybaMa‘ârif1/172.

IbnHishâm1/440;Tabarî1/556;IbnKathîrSîra2/157;IbnKathîrBidâya3/171.

Tabaqât2/308-309;MuttaqîKanz11/422.Pourse«débarrasser»decehadithgênantquifaussetouslescalculs,onprétendqueJésusavécucentvingt-cinqans(Tabaqât2/195)!

HenriLammenspensequ’«enrajeunissantMuhammaddedixans,nousnousapprochonsendernièreanalysedeladateimpliquéeparBarHebraeuspour lanaissancedeMahomet : l’an892desSéleucides, correspondantà l’an580après J.-C.». («L’âgedeMahometetlachronologiedelaSîra»,Journalasiatique,dixièmesérie,t.XVII,1911,p.209-250et239).

Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq2/56;IbnKathîrBidâya5/275;IbnKathîrSîra4/505.

Le souci des rédacteurs de la Sîra semble moins l’exactitude chronologique que la création d’une hagiographie basée sur desconsidérationssymboliques.Cesouciasansdouteamenélesannalistesà«fairemourir»,parmimétisme,AbûBakr,‘Umaret‘AlîaumêmeâgequeMuhammad(Tabaqât3/38 ; IbnKathîrBidâya5/278).La forme raisonnéequ’ondonneau récitde lavieduProphèten’est-ellepasunemanièredecacherledésordreinternedesversionscontradictoires?

Tabarî2/240.

Voir«Après-dire».

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XV.LeProphètesemeurt

VoirchapitreVII.

IbnAbîShaybaMusannaf7/88;ExégèsedeBaghawî3/13;IbnKathîrBidâya5/233-234;IbnKathîrSîra4/427;Exégèsed’IbnKathîr3/26.

IbnKathîrSîra4/502.

LesprochesdeMuhammad lui demandent : «Qui te lavera ?» Il répond : «Deshommesdema famille, lesprochesparmi lesproches.»Onluidit :«Quellinceuldevons-nousutiliser?–Enterrez-moidanslesvêtementsquejeportesivousvoulezoubienenveloppezmoncorpsdansuneétoffeégyptienneouyéménite.Aprèslatoiletteetlelinceulmettez-moisurmonlitauborddematombedanscettemaisonpuissortezpendantuneheure;lepremierquiviendraprierpourmoiseramonamiintime(khalîlî)Gabriel,puisMichael,puisAzrael,l’angedelamortaccompagnédesessoldats,puistouslesanges;ensuiteentrezpargroupesetpriezpourmoi (…)Ceuxquicommencent laprièresont leshommesdemafamille,puis leurs femmes,puisvous.SaluezmesCompagnonsabsents et ceuxqui suivrontma religion jusqu’à l’heure du Jugement dernier. »On lui demande enfin : «Qui descendra dans tatombe ? –Ma famille avec de nombreux anges qui vont vous voir sans que vous les voyiez » (Tabaqât 2/256 ; Tabarî 2/228 ;Tabarânîal-Mu‘jamal-awsat4/209;IbnKathîrSîra4/502-503;MuttaqîKanz11/468).

Tabaqât2/193,2/247;Bukhârî5/2317;Muslim7/142;BalâdhurîAnsâb2/224-225;DhahabîSiyar2/321-322;IbnKathîrBidâya5/246.Uneautreversionditqu’il luiaannoncéqu’elleserait l’unedesreinesduparadisaprèsMarie, lamèredeJésus(Tabaqât2/248;Bukhârî5/2317;Muslim7/142;Nasâ’îSunan7/454-455).

RappelonsqueFâtiman’asurvécuquequelquessemainesàsonpère(DhahabîSiyar2/371,2/388;IbnKathîrSîra4/567).

IbnAbîShaybaMusannaf6/154;IbnHanbalMusnad4/296;Tabaqât2/195.Durantcederniermoisderamadan,Muhammadseretire(i‘takafa) unevingtainede jours, alors qu’habituellement il se retirait dix jours seulement (Tabaqât 2/194-195 ; IbnKathîrSîra4/443).

QurtubîaffirmequeceversetestrévéléneufjoursavantlamortduProphète;ilciteuneautretraditiondisantqu’ilestrévélétroisjoursoutroisheuresavantsondécès(ExégèsedeQurtubî3/375).

IbnAbîShaybaMusannaf2/117;IbnHanbalMusnad20/369;MuttaqîKanz7/262.VoirchapitreXII.

BalâdhurîAnsâb2/223.

Muslim7/67;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr17/279.

VoirchapitreVII.

Bukhârî1/451;IbnHanbalMusnad28/578.

IbnHanbalMusnad14/124;AbûDâwûdSunan4/323;IbnMâjahSunan2/1322;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr8/273;BayhaqîSunan10/351;MuttaqîKanz1/377.

IbnHishâm2/606.Cettemiseengardeestl’échod’unversetduCoran:«Ilssemirentàsedisputer:lesunscrurent,d’autresfurentincrédules.SiDieul’avaitvoulu,ilsneseseraientpointentretués;maisDieufaitcequ’ilveut»(2:253).

«Sideuxgroupesdecroyantssecombattent,rétablissezlapaixentreeux.Sil’undesdeuxserebelleencorecontrel’autre,luttezcontreceluiquiserebelle,jusqu’àcequ’ils’inclinedevantl’ordredeDieu»(49:9).

IbnHanbalMusnad42/246;Tabaqât2/207;IbnMâjahSunan1/518;TirmidhîSunan4/601;Nasâ’îSunan7/48;Nasâ’îWafât32;BalâdhurîAnsâb2/222;IbnKathîrSîra4/471.

WâqidîMaghâzî2/679;IbnHanbalMusnad18/391;Tabaqât2/208;IbnKathîrSîra4/470;MuttaqîKanz3/337.

Tabaqât2/208;IbnKathîrSîra4/470.

Tabaqât2/207-208;Nasâ’îSunan7/47;IbnKathîrSîra4/470.

Bukhârî4/1616-1617;Nasâ’îSunan7/98.

IbnHanbalMusnad40/415;Tabaqât2/258;IbnMâjahSunan1/519;TirmidhîSunan3/308;Nasâ’îSunan6/389;Nasâ’îWafât1/47 ;Tabarî2/231 ;BalâdhurîAnsâb 2/224 ;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr 23/34 ;HâkimMustadrak 2/505 ; IbnKathîrSîra4/473.

Tabaqât2/257.

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CelafaisaittroisjoursqueleProphèten’étaitpasalléàlamosquée(IbnKathîrBidâya5/256).

IbnMâjahSunan1/519;IbnKathîrBidâya5/275;IbnKathîrSîra4/506.

IbnHishâm2/653-654;Tabaqât2/216;Bukhârî1/240-241;BalâdhurîAnsâb2/235;Tabarî2/231;IbnKathîrSîra 4/484.Uneversiondouteusedecettedernièrescène figuredanscertainsouvragescommeal-Bidâyawa-lnihâya d’IbnKathîr et chez IbnMâjahoùMuhammadse réjouitdevoir lesmusulmansprierderrièreAbûBakr,maiscette idéen’estpas recevablecard’autresautoritésaffirmentquecejour-làAbûBakrsetrouveàSonh(IbnMâjahSunan1/519;IbnKathîrBidâya5/255).

WâqidîMaghâzî3/1120;MuttaqîKanz10/574.

WâqidîMaghâzî3/1120;IbnHishâm2/654;Tabarî2/231;MuttaqîKanz10/574.

Tabaqât2/191.

IbnKathîrSîra4/478.

IbnHishâm2/655.

Tabaqât2/234;IbnKathîrBidâya5/245.

IbnHishâm2/654-655;Tabarî2/231-232;IbnKathîrSîra4/473.LeProphète,trèssoucieuxdesonhygiènecommenousl’avonsvu,sefrottetoujourslesdentsavecdusiwâk avantdes’endormir(Tabaqât1/483).

IbnHanbalMusnad40/261 ;Tabaqât2/234,2/261 ;Bukhârî4/1617 ;BalâdhurîAnsâb2/46 ;DhahabîSiyar 3/460 ; IbnKathîrBidâya5/260.C’estunehabitudedanscecouple:‘Aïshamâchetoujourslebâtondesiwâk pourl’assoupliravantdeledonneràsonmari.

D’autresrécitsdel’agonieduProphètedisent,toujoursd’après‘Aïsha,queleProphètequelquesminutesavantdemourirdemandeunpotpoururiner(Tabaqât2/260-261;IbnMâjahSunan1/519;Nasâ’îSunan6/151;BayhaqîDalâ’il7/226;IbnKathîrBidâya5/271-272;IbnKathîrSîra4/499).

Bukhârî5/2337;Muslim7/137;IbnKathîrSîra4/476.

IbnHishâm2/655.

Tabaqât2/211;IbnMâjahSunan1/517;BalâdhurîAnsâb2/222.

Tabaqât2/258.DansTabarânîal-Mu‘jamal-kabîr3/58,l’angedelamortapparaîtdevantlamaisonduProphèteets’incarnedansla peau d’un Arabe. Il frappe à la porte, ‘Aïsha demande à Fâtima d’aller ouvrir. Elle lui dit de s’en aller car le Prophète estsouffrant,ilinsistedeuxfois;àlatroisièmeildit:«Ilfautquej’entre.»LeProphèteditàsafille:«Sais-tuquiestcethomme?C’estl’angedelamort.»

MâlikMuwatta’1/239;IbnHishâm2/651;IbnHanbalMusnad43/366;BalâdhurîAnsâb2/219;Tabarî2/230;IbnKathîrSîra4/477;IbnKathîrBidâya5/260.

SeloncertainesversionsleProphètemeurtquandlesoleilestàsonzénith,selond’autresilrendl’âmeàl’heureducrépuscule;IbnKathîraffirmequelesdeuxéventualitéspeuventêtreadmises(IbnKathîrSîra4/484).

Tabaqât2/261;IbnKathîrBidâya5/262;IbnKathîrSîra4/479.

IbnKathîrSîra4/474.

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XVI.«Commentpeut-ilmourir,luiquiestnotreTémoin?»

IbnHanbalMusnad43/34;BalâdhurîAnsâb2/237;IbnKathîrSîra4/479;IbnKathîrBidâya5/262.

IbnHishâm2/655;IbnHanbalMusnad43/368;Tabaqât2/262;BalâdhurîAnsâb2/236;Tabarî2/232.

UnchapitreestconsacréàlaquestiondanslesTabaqât2/262-263.

Tabaqât2/263;MuttaqîKanz2/753;IbnHajarFathal-bârî8/139.

Nasâ’îSunan7/465;Nasâ’îWafât1/52.

KitâbSulaym1/359.

Tabaqât2/260-261;IbnMâjahSunan1/519;Nasâ’îSunan6/151;BayhaqîDalâ’il7/226;IbnKathîrBidâya5/271-272.Ilnedonneaucuneconsigne,aucuncommandement,aucuntestament;l’idéeestassénéepar‘AïshadansunchapitredesTabaqât260-261.

Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq2/56.

Tabaqât2/272;BalâdhurîAnsâb2/240;IbnKathîrSîra4/483.Lesceaudelaprophétieestdécritcommeunesortedetouffedepoilsdelaformed’unœufdepigeonentrelesépaules;parfoisonditquec’estuneexcroissancecutanée(Tabaqât1/425-427).

Tabaqât2/258 ; IbnKathîrSîra4/551.Lepersonnaged’al-Khidhr (leVert), considérécommeunprophèteouunsaint selon lescroyances, est un être éternel présent dans l’imaginaire de toutes les religionsmonothéistes (il est assimilé au saintGeorges deschrétiens et à Joshua Ben Levi ou Elias chez les juifs). Pour les mystiques musulmans en particulier, al-Khidhr est un saintdépositaired’unsavoirtotalémanantdeDieu.

IbnKathîrBidâya5/263.

Tabaqât 2/271 ; Shahrastânî al-Milal wa-l-nihal 1/21 ; Dhahabî Siyar 2/332. D’après Balâdhurî, c’est ‘Uthmân qui compareMuhammadàJésus(BalâdhurîAnsâb2/242-243).

IbnHishâm2/655;IbnAbîShaybaMusannaf7/429;IbnHanbalMusnad20/330;Tabaqât2/266;DârimîSunan1/52;Bukhârî3/1341;BalâdhurîAnsâb2/243;Tabarî2/232;MuttaqîKanz7/244.

Tabaqât2/244.VoirchapitreXI.

DârimîSunan1/52;IbnManzûrMukhtasar1/297;SuyûtîJâmi‘al-ahâdîth28/350;MuttaqîKanz7/244.

IbnHishâm2/655;BalâdhurîAnsâb2/240-243;Tabarî2/232-233.

Nasâ’îSunan6/395;Ibnal-AthîrUsd3/227.

Nasâ’îWafât1/73.Letermeummî(singulierdumotummiyyûn)apermislaconstructiondelalégendeduProphèteanalphabète;noustenonslàlapreuvequeletermeummîsignifienonpas«analphabète»mais«peuplesansprophète»,ou«sansÉcritures»,cequiasansdouteentraînélaconfusionaveclanotiond’analphabétisme.

IbnMâjahSunan2/861;Nasâ’îSunan7/83-843/429-430.

«TelleseralarétributiondeceuxquifontlaguerrecontreDieuetcontresonProphète,etdeceuxquiexercentlaviolencesur la terre : ils seront tués ou crucifiés, ou bien leurmain droite et leur pied gauche seront coupés, ou bien ils serontexpulsésdupays»(5:33).

YâqûtMu’jamal-buldân3/265;IbnKathîrSîra4/484.

Tabaqât2/264.

IbnKathîrBidâya5/263.

Tabaqât2/265;Tabarî2/232.

Tabaqât 2/264-265 ;Bukhârî 3/1341-1342 ; Tabarî 2/233. Il est à noter que la phrase attribuée àAbûBakr disant au Prophètedécédé:«Tusensbonmortetvivant»nefigurenichezIbnIshâqnichezIbnHishâm;c’est‘Alîquil’auraitprononcéequandil

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faisaitlatoilettedesoncousinetbeau-père.

Tabaqât2/265;BalâdhurîAnsâb2/237.

Wâqidîconsacreunchapitreà ladescriptionde lagrandeagitationquiasecouéMédineà l’annoncede lamortduProphète ;sadescription en dit long sur la débâcle qui a frappé la religion deMuhammad immédiatement après l’annonce de la mort de cedernier:«Lesjuifset leschrétienssesontfrottélesmainsdesatisfaction; l’hypocrisieestapparueàMédineparmilesgensquidissimulaientjusque-làleurmécréance.Lesgensétaienttroublésetagités»(WâqidîKitâbal-ridda1/27).

Tabaqât 2/265 ;Bukhârî 4/1618 ;Nasâ’îSunan 2/386 ;HâkimMustadrak 2/323 ; IbnKathîrSîra 4/480 ; IbnKathîrBidâya5/263;SuyûtîJâmi‘al-ahâdîth25/38;MuttaqîKanz7/233.

IbnHishâm2/655 ; IbnHanbalMusnad43/34 ;Tabaqât 2/271 ;Bukhârî1/419,3/1341-1342 ; IbnMâjahSunan1/520 ; Tabarî2/232-233;HâkimMustadrak2/323;IbnKathîrSîra4/480-481;IbnKathîrBidâya5/263;MuttaqîKanz7/234.

IsfahânîHiliyatal-awliyâ’1/29;IbnKathîrSîra4/480.

Bukhârî3/1341-1342.

IbnHishâm2/656;Tabaqât2/268,2/270;Bukhârî1/419;IbnMâjahSunan1/520;IbnKathîrSîra4/480-481.

Sansentrerdans le labyrinthede l’exégèsecoranique, signalonsun récit qui renforce lemystère entourant leverset enquestion.D’après Suyûtî, ce verset serait en réalité une phrase prononcée parMus‘ab Ibn ‘Umayr, le porte-étendard du Prophète sur lechampdebatailled’Uhud;dansunescèneoùlepathosestpousséàsonparoxysme,onvoitMus‘abcriercettephraseavantdesuccomberàsesblessures:ilportaitl’étendarddeMuhammaddelamaindroiteetquandcelle-ciaétécoupée,ilatenul’étendardde la main gauche en prononçant la phrase : « Muhammad n’est qu’un prophète. Des prophètes ont vécu avant lui.Retourneriez-voussurvospass’ilmouraitous’ilétaittué?»QuandlamaingauchedeMus‘abaétécoupéeàsontour,ilaprisl’étendard entre ses bras, l’a serré contre sa poitrine et a continué à répéter la même phrase : «Muhammad n’est qu’unprophète…» PuisMus‘ab a été finalement tué et l’étendard du Prophète est tombé par terre.Suyûtî place ce verset dans lechapitrequitraitedesversetsrévélés«danslabouchedesCompagnons».Celaexpliqueraitlagrandeconfusionautourd’unversetdontonnesaitpass’ilestunerévélationdivineouunephraseprononcéeparunCompagnonduProphète(Suyûtîal-Itqân1/101).

BalâdhurîAnsâb2/241.

Ibid.

Ibn Kathîr Sîra 4/482. Il s’agit, selon Ibn Kathîr, des versets suivants : « Toute chose périt, à l’exception de sa Face. LeJugementluiappartient.Vousserezramenésverslui»(28:88);«Toutcequisetrouvesurlaterredisparaîtra.Lafacedeton Seigneur subsiste, pleine demajesté et demagnificence » (55:26-27) ; «Tout homme goûtera la mort. Vous recevrezsûrement votre rétribution le Jour de la Résurrection » (3:185). En revanche,Wâqidî dans sonKitâb al-ridda 1/30 précisequ’AbûBakracitéceux-ci:«Tevoilàmorteteuxaussisontvraimentmorts»(39:30);«Nousn’avonsdonnél’immortalitéànulhommeavanttoi.Seraient-ilsimmortels,alorsquetumourras?Touthommegoûteralamort.Nousvouséprouvonsparlemal et par le bien, enmanière de tentation, et vous serez ramenés vers nous » (21:34-35) ; «Muhammad n’est qu’unprophète.Desprophètesontvécuavantlui.Retourneriez-voussurvospass’ilmouraitous’ilétaittué?»(3:144).

BalâdhurîAnsâb2/238.

IbnHishâm2/654-656;IbnHanbalMusnad43/34;Tabaqât2/267;Bukhârî1/419,3/1341-1342,4/1618;IbnMâjahSunan1/520;Tabarî2/233;IbnKathîrSîra4/481;MuttaqîKanz7/233-234.

IbnKathîrBidâya5/291;IbnKathîrSîra4/538.Balâdhurîditque l’émotionest telleque les toitsdesmaisonsontfailli tomberàcausedesgémissementsdesmusulmans(BalâdhurîAnsâb2/238-239,2/252).

Tabaqât3/213;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq30/320;Ibnal-Athîral-Kâmil2/264;MuttaqîKanz5/614.

Suyûtîal-Itqân1/100-102.

RappelonsaupassagequesafilleHafsapossédaitunmushaf(codex)duCoranaujourd’huidisparu.

IbnMâjahSunan2/853;IbnKathîrSîra4/487.VoirchapitreXVIàproposdeceverset.

ExégèsedeTabarî9/524;Exégèsed’IbnKathîr3/27.

TraductiondeMalekChebel.

VoirchapitreIV.

TraductiondeMalekChebel.

IbnHishâm2/661;Tabaqât2/271;BalâdhurîAnsâb2/243;Tabarî2/238;MuttaqîKanz7/247.

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IbnHishâm2/660 ;Tabaqât 2/271 ;Tabarî 2/237 ; SuhaylîRawdh 7/591 ; IbnKathîr 4/492 ; Suyûtî Jâmi‘ al-ahâdîth 25/211 ;MuttaqîKanz5/600.

Il est à noter qu’IbnKathîr énumère dans un chapitre d’al-Bidâyawa-lnihâya les versets duCoran qui annoncent lamort duProphète(IbnKathîrBidâya5/242).

VoirchapitreVI.

WâqidîKitâbal-ridda1/27.

Tabarî2/233.L’arrivéetardived’AbûBakràMédinelejourdelamortduProphèteseraanalyséedansunlivreàvenirquenousconsacreronsàl’avènementdupremiercalifatdel’histoiredel’islam.

IbnAbî-l-HadîdSharhal-nahj2/43.

Tabaqât2/267;DârimîSunan1/221;IbnManzûrMukhtasar2/385;SuyûtîJâmi‘al-ahâdîth28/350;MuttaqîKanz7/244.

Tabaqât2/267;BalâdhurîAnsâb2/243;SuyûtîJâmi‘al-ahâdîth28/350;MuttaqîKanz7/244.

Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq2/53;IbnManzûrMukhtasar1/173;DhahabîSiyar2/374;DhahabîTarîkh3/20;SuyûtîJâmi‘al-ahâdîth25/237;MuttaqîKanz10/158.

Nouspensonsiciàl’assassinatparticulièrementépouvantabledeMâlikIbnNuwayriya,exécutéparKhâlidIbnal-Walîd:latêtedeMâlikestcoupée,ensuitegrillée;Khâlidengoûteunmorceauavantdeviolerlesoirmêmelafemmedesavictime.Même‘Umar,quin’estpourtantpasconnupoursadouceur,enfrémitd’horreuretmenacede lapiderKhâlid,« leglaivedégainéd’Allah»(IbnKathîrBidâya6/354).

Tabaqât2/271.

Ibid.

IbnHishâm2/665;IbnKathîrBidâya5/300.

IbnHishâm2/661;Tabaqât2/271;Tabarî2/238;MuttaqîKanz7/247.Ontrouveiciunéchod’unversetdéjàcitéduCoranquivéhiculelamêmeimageduProphètetémoinduJugementdernier:«Ainsi,nousavonsfaitdevousunecommunautédujustemilieu,afinquevoussoyeztémoinsàl’endroitdeshommesetqueleProphètesoittémoinàvotreendroit»(2:143;traductiondeMalekChebel).

Tabaqât2/267.

En effet, et l’idée est soulignée par plusieurs orientalistes, notamment Paul Casanova,Mohammed et la fin du monde. Étudecritiquesurl’Islamprimitif,2vol.,Paris,P.Geuthner,1911-1913.

«Ilst’interrogentausujetdel’Heure:Quandviendra-t-elle?Dis:Laconnaissancedel’Heuren’appartientqu’àDieu;nulautrequeluinelaferaparaîtreensontemps.Elleserapesantedanslescieuxetsurlaterre,etellevoussurprendraàl’improviste.Ilst’interrogentcommesituenétaisaverti;dis:Laconnaissancedel’Heuren’appartientqu’àDieu.–Maislaplupartdeshommesn’ensaventrien»(7:187);«Ilst’interrogerontausujetdel’Heure:Quandviendra-t-elle?Commentpourrais-tu en parler ? Il appartient à ton Seigneur d’en fixer lemoment. Tu n’es, toi, que l’avertisseur de celui qui laredoute»(79:42-45).

IbnHanbalMusnad31/60;Bukhârî5/2385;Muslim3/11;IbnMâjahSunan1/17;Nasâ’îSunan2/308.

IbnHanbalMusnad31/60;Tabarî1/17;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr22/126;SuhaylîRawdh4/204;MuttaqîKanz14/195.

IbnHanbalMusnad5/17;Tabaqât1/105;Bukhârî4/1787;TirmidhîSunan5/451;IbnHabbânSahîh14/486;HâkimMustadrak4/304;DhahabîTarîkh1/30.

Muhammad,alorsâgéd’unedizained’années, a rencontré lemoinenestorienBahîrâquand il accompagnait sononcleAbûTâlibdansunvoyageenSyrie.OnditqueBahîrâadécouvertentrelesépaulesdujeuneMuhammadlesceaudelaprophétie.

IbnIshâqSîra1/73-80.

IbnHanbalMusnad2/120-121;Muslim7/188;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr7/71;HâkimMustadrak 4/544;SuyûtîJâmi‘al-ahâdîth19/60;IbnHajaral-Isâba3/131;MuttaqîKanz14/195.

Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr17/248;HâkimMustadrak 4/543;MuttaqîKanz14/546.

BayhaqîDalâ’il2/542.

Abd-al-RazzâqMusannaf3/154 ;Tabaqât 1/240 ;DârimîSunan 1/31 ;BayhaqîDalâ’il 2/542 ; IbnKathîrSîra 2/304 ; SuyûtîJâmi‘al-ahâdîth14/202;MuttaqîKanz15/389;DiyârBakrîTârîkhal-khamîs1/346.Notonsquedanslehadithqu’onvientde

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citer,Muhammad,pourdésignerl’apocalypse,utiliselemotal-amr,termedontnousavonsrappelé,ennousréférantàlaréflexiondeMohammad-AliAmir-Moezzi,ladéconcertantepolysémie;al-amrestunmotvaguequisignifiela«chose»,l’«affaire»etenmêmetempsl’«ordre»,le«pouvoir»(danslesystèmeverbalarabe,al-amrcorrespondd’ailleursaumodedel’impératif).Ilestvraimentsingulierquelesdeuxnotionsdefindumondeetdepouvoirsoientainsidésignéesparlemêmetermeambigu.

Bukhârî2/774;Muslim1/93;TirmidhîSunan4/506;BayhaqîSunan1/370;MuttaqîKanz14/338.IlajouteenparlantduChrist:«Ilserapourvousunarbitre juste, ilcasseralacroixet tueralesporcs.Ilmettrafinà laguerreetprodigueradesbienstelsquepersonnen’envoudraplus.Encemoment-là,uneseuleprosternationserameilleurequelemondeetcequ’ilcontient»(IbnMâjahSunan2/1363;MuttaqîKanz14/618).Commentantcetteaffirmation,AbûHurayradit:«Lisez,sivousvoulezlesproposd’Allâh:Iln’estpersonneparmiceuxquiontreçu leLivreànepascroireen luiavantsamort,d’autantqu’ilsera leur témoin lejourdelarésurrection(4:159;traductiondeMalekChebel)»(Bukhârî6/496;Muslim2/189).

IbnKathîrSîra1/408.

IbnHishâm1/516-517;SuhaylîRawdh4/203-204.LelecteuraurarelevélasimilitudephonétiqueentreAhiyad(Élieenhébreu)etAhmad. Le Prophète lui-même reconnaît avoir plusieurs noms : « Je suis Muhammad, Ahmad, al-Mâhî (celui qui effacera lamécréance),al-Hâshir (celuiqui rassemble lesgensdevant lui le jourduhashr, le Jugementdernier)etal-‘Âqib (l’ultime)» (Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq3/19).Dansd’autreshadiths,Muhammaddits’appeleral-muqaffî(celuiquiserasuivi),nabiyyal-rahma(leprophètedelamiséricorde),nabiyyal-tawba (leprophètede larepentance)etnabiyyal-malhama (leprophètede lafindestemps):IbnHanbalMusnad38/436;Muslim7/90;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq3/25.Onajouteaussisouventlenomdekhâtim(le sceau) : Ibn ‘Asâkir Tarîkh Dimashq 3/29. Au sujet des différents noms ou surnoms du Prophète, voir MohammedH.Benkheira,«Onomastiqueetreligion:àproposd’uneréformedunompropreaucoursdespremierssièclesdel’Islam»,op.cit.

LettrefigurantdansuntexteintituléDoctrinaJacobi,voir«Après-dire».

«JésusfilsdeMariedit:Ôfilsd’Israël!Jesuis,envérité,leProphètedeDieuenvoyéversvouspourconfirmercequi,delaTora, existait avantmoi ; pour vousannoncer labonnenouvelled’unProphètequi viendraaprèsmoi etdont lenomsera:Ahmad»(61:6).

VoiràcesujetMarie-ThérèseUrvoy,«AnnoncedeMahomet»,inMohammad-AliAmir-Moezzi,DictionnaireduCoran,Paris,RobertLaffont,2007,p.55-56.

Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq2/32.

XVII.LesobsèquesdeMuhammad

Tabaqât 2/272-273 ; Tabarî 2/232 ; IbnKathîrBidâya 5/275-276. Pour les shiites, le Prophète estmort à une date légèrementantérieure:le28dumoisdesafardel’an11del’hégire(25mai632).Commenousl’avonsmentionnédanslechapitreV(note3),IbnKathîrrécapituletouteslesvariantessurladatedudébutdelamaladieduProphèteetsurcelledesondécès.Ilditqu’onnepeutcomprendre laconfusionsurcettedernièrequepar ladifférencede l’apparitionde la luneentreLaMecqueetMédine : leshabitantsdeLaMecqueontdûvoirlalunedumoisdedhû-l-hijjaunjeudietlesgensdeMédinel’ontvuelelendemainvendredi;

ainsi,quellequesoitladuréedesmois(vingt-neufoutrentejours)lepremierjourdumoisderabî‘1ertombaitunjeudietdoncle12

decemoistombaitunlundi(IbnKathîrBidâya5/275-276).

Tabarî2/232-233,2/238-239.

IbnHishâm2/662.

Ibid.2/664.

IbnKathîrBidâya5/275.

Ibid.5/292;IbnKathîrSîra4/528.

Tabaqât2/304-305.

Ibid.2/273.

Ibid.2/305.

IbnMâjahSunan1/520.

IbnKathîrSîra4/539.

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IbnHishâm2/663;IbnHanbalMusnad43/369;Tabaqât2/305;Tabarî2/239;BayhaqîSunan3/574;IbnKathîrSîra4/538.

EnArabie,pourdesraisonssansdouteclimatiques,ons’empressaitd’enterrerlesmortslanuit.

IbnHanbalMusnad12/208;IbnMâjahSunan1/474;Bukhârî1/442;Muslim3/50;TirmidhîSunan3/335;Nasâ’îSunan2/416;MuttaqîKanz15/592.

Tabaqât2/267;MuttaqîKanz7/244;DârimîSunan1/52.

Tabaqât2/274;Tabarî2/233;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq63/101;DhahabîSiyar7/570;DhahabîTarîkh13/451.

Tabaqât2/274.

Ibid.;DhahabîTarîkh13/451.

BalâdhurîAnsâb2/244.

IbnAbîShaybaMusannaf7/427;BalâdhurîAnsâb2/232;Tabarî2/233;MuttaqîKanz5/640.

Tabaqât2/277;IbnMâjahSunan1/471;BalâdhurîAnsâb2/247.

DhahabîTarîkh1/567;IbnKathîrSîra4/518;IbnKathîrBidâya5/241.

IbnKathîrBidâya5/261;IbnKathîrSîra4/478.

DârimîSunan1/54;Bukhârî4/1619;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr22/416;MuttaqîKanz7/261.Fâtimarécitequelquesversoùelleparledel’odeuragréablequiémanedelatombedesonpère(DhahabîSiyar3/426).

DhahabîTarîkh13/451.

IbnAbîShaybaMusannaf2/253;IbnHanbalMusnad26/84;Tabaqât2/299;DârimîSunan1/445;AbûDâwûdSunan1/562;IbnMâjahSunan1/524,1/345 ;Nasâ’îSunan2/262 ;Tabarânîal-Mu‘jamal-kabîr 1/216 ;HâkimMustadrak 1/413 ;MuttaqîKanz11/476.

Voir Kenneth B. Wolf, « The Earliest Latin Lives of Muhammad », in Conversion and Continuity. Indigenous ChristianCommunities in Islamic lands.Eighth toEighteenthCenturies,MichaelGervers etRamziBikhazi (éd.), Papers inMediaevalStudies9,PontificalInstituteofMediaevalStudies,1990,p.89-101.Uneversiondecerécitfiguredansunechroniquearménienne,Mxit’arofAni,etdansleRomandeMehomet(1258),lapremièreœuvrelittéraireenfrançaisconsacréeàMuhammad(voirEtanKohlberg,“WesternAccountsoftheDeathoftheProphetMuḥammad”,op.cit.).D’unemanièregénérale,cetypederécitaeuunelargediffusiondanslalittératuremédiévale(voir«Après-dire»).

MâlikMuwatta’1/231;IbnHishâm2/663;Tabaqât2/292;Tabarî2/239;MuttaqîKanz7/226.

MâlikMuwatta’1/231;IbnHishâm2/663;Tabaqât2/292;BalâdhurîAnsâb2/250-251;Tabarî2/239;IbnKathîrBidâya5/287;MuttaqîKanz7/226.

MajlisîBihâral-anwâr28/262.

Ilest légitimedepenserqueleschroniqueursdel’époqueétaientmoinssoucieuxdevéracitéhistoriquequededonnerà l’ancêtredesAbbâssidesunrôledepremierplandurantcetépisodeimportant.

Tabaqât2/279.

IbnHishâm2/662.Ouencoreunautreaffranchi,Sâlih(Tabaqât2/278).

IbnHishâm2/656;SuhaylîRawdh7/587;Muhibbal-Dînal-Tabarîal-Riâdhal-nadhira1/235;‘IsâmîSamatal-nujûm2/330.

Tabaqât2/279.

Ibid.2/300;BalâdhurîAnsâb2/254-255;Ibnal-AthîrUsd1/41. Ibn ’Awfseraitdescendudans la tombeduProphète (Tabaqât2/300).

IbnHishâm2/662;Tabaqât2/279-280;IbnMâjahSunan1/520;Tabarî2/238.

Tabaqât2/278.CetteformuleestassezintrigantecarlamèredeMuhammad,ÂminaBintWahb,étaituneQurayshite;lesMédinoisdésignaient-ilspar«notresœur»Salmâ, l’arrière-grand-mèreduProphète(lamèredesongrand-père‘Abdal-Muttalib)qui,elle,étaitdesBanûNajjâr,unclandelatribumédinoisedesKhazraj?IlparaîttoutdemêmeinvraisemblablequelesAnsarsdeMédineévoquentunliendeparentédetroisièmedegrépourjustifierleurprésenceàlatoilettemortuairedeMuhammad.

Cetteinformationestconcordantechezlessunnitesetlesshiites.

Tabaqât2/278.

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Ibid.2/275-278.

MâlikMuwatta’1/231;Tabaqât2/275-276;Tabarî2/238.

Tabaqât2/278;IbnKathîrBidâya5/282;IbnKathîrSîra4/520.

SommeilévoquédansleCoran:«Lorsqu’ilvousenveloppadesommeil,commed’unesécuritévenuedelui»(8:11).

IbnHishâm2/662;Tabaqât2/276-277;Tabarî2/238;IbnKathîrSîra4/517.

Tabaqât 2/276 ; IbnMâjahSunan 1/470 ;Tabarî 2/239 ;HâkimMustadrak 3/61 ;BayhaqîDalâ’il 7/242 ; IbnKathîrBidâya5/281.

Danslasociétédel’époque,ilsemblequelesfemmesaientl’habitudedes’occuperdelatoilettemortuairedeleurmari:deuxansaprèslamortduProphète,quandAbûBakrdécède,c’estsafemmeAsmâ’Bint‘Umaysquilelave(MâlikMuwatta’1/223;Ibn‘Abdal-Barral-Istî‘âb3/977).

Tabaqât2/278.

MâlikMuwatta’1/231;Tabaqât2/275-276;Tabarî2/238-239.

Tabaqât2/280;IbnMâjahSunan1/471.

Tabaqât2/287.

Onprécisequ’ils’agitd’untissuenprovenancedelarégiond’al-Suhul(athwâbsuhûliyya);MâlikMuwatta’1/223.

IbnHishâm2/663;Tabaqât2/282,2/286.

Tabaqât2/298-299;BalâdhurîAnsâb2/250-251;IbnKathîrSîra4/519.

IbnHishâm2/663.

Abû‘Ubayda,quantàlui,creusaitdestombesdroites,àlamanièredesMecquois.

IbnKathîrSîra4/535.Cesneufbriquesseraient-ellescespierresmagnétiquesquidansl’imaginaireoccidentalauraientmaintenulecercueilflottantdeMuhammadenapesanteur(voirnote85,p.320)?

BalâdhurîAnsâb2/239.

IbnHishâm2/663;Tabarî2/239;SuyûtîJâmi‘al-ahâdîth25/197;MuttaqîKanz7/237.

MâlikMuwatta’1/231;Tabaqât2/288;MuttaqîKanz7/243.

Tabaqât2/291;MuttaqîKanz7/254.

IbnHishâm2/663;Tabaqât2/288-289;BalâdhurîAnsâb2/251.

Tabaqât2/299;BalâdhurîAnsâb2/254.

BalâdhurîAnsâb2/253-254;IbnKathîrBidâya5/289.

IbnKathîrBidâya5/289;IbnKathîrSîra4/535.

Tabaqât2/300-302.

IbnHishâm2/664;Tabaqât2/300-301;IbnKathîrSîra4/535.

Ibn Hishâm 2/664-665 ; Tabaqât 2/304 ; Tabarî 2/239. Mughîra Ibn Shu‘ba prétend être le dernier à avoir vu le visage deMuhammad(IbnHishâm2/664;Tabaqât2/302-303;BalâdhurîAnsâb2/255).D’aprèsIbnKathîr,Mughîraafaittomberexprèssabaguepourpouvoirredescendredansletombeau;‘Alîs’enestaperçuetluiadit:«TuasfaitcelapourpouvoirdireensuitequetuasétéledernieràavoirvulevisageduProphète»,puisilestredescendudanslatombeetarendulabagueàMughîra(IbnKathîrSîra4/538).

Tabaqât2/306.

IbnMâjahSunan1/487;MuttaqîKanz15/601.

IbnHishâm2/663 ; IbnHanbalMusnad43/369;Tabaqât2/305 ;Tabarî2/239 ;BayhaqîSunan 3/574 ; IbnKathîrSîra 4/538.ChezMâlikMuwatta’1/231,c’estOmmSalamaquientendlebruitdespioches(karâzîn).

SeulsquelquesarrangementshistoriquesmanifestementfabriquésmontrentAbûBakret‘Umarrendanthommageaucorpsdeleurmaîtreetami(Tabaqât2/290;IbnKathîrSîra4/527-528).

MuttaqîKanz7/252-253.

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IbnHishâm2/656;BalâdhurîAnsâb2/264;IbnKathîrSîra4/489.

BalâdhurîAnsâb2/262;IbnHishâm2/660.

IbnAbîShaybaMusannaf7/432précisequ’ilsretournentàMédineaprèsl’enterrementduProphète.

Ibid.

Balâdhurî2/263;IbnKathîrSîra4/496,4/517.IbnKathîraffirmemêmequelespourparlersdelasaqîfaontdurédeuxjours,cequiexpliqueleretardprisdansl’enterrement(IbnKathîrSîra4/517).

Tabaqât2/278-279;IbnManzûrMukhtasar2/392;NuwayrîNihâyatal-arb18/390.

IbnHishâm2/663;IbnHanbalMusnad43/369;Tabaqât2/305;Tabarî2/239;BayhaqîSunan3/574;IbnKathîrSîra4/538.

IbnKathîrSîra4/487;IbnMâjahSunan2/853.

Lemotdâjin est un termegénériquequidésigneenarabeunanimaldomestique. Il est fortprobableque lemotdésigne iciunechèvre.

Contrairementàcequ’onpourraitcroire,cerécitnefigurepasdanslelivredequelqueauteurfacétieux;ilestrapportéparlesplusgrandesautoritésdelaTradition(IbnMâjahSunan1/625;IbnQutaybaTa’wîlmukhtalafal-hadîth1/439 ;AbûYa‘lâMusnad8/63;Tabarânîal-Mu‘jamal-awsat8/12;DârqutnîSunan5/316;BayhaqîMa‘rifatal-sunanwa-lâthâr11/261;IbnHazmal-Muhallâ 11/236 ; Suyûtî al-Durr al-manthûr 2/472 ; Alûsî Rûh al-ma‘ânî 2/462). Les exégètes du Coran se sont trouvésconfondus par ce récit, si bien que Qurtubî l’a rejeté complètement en disant qu’il était une invention d’athées et d’hérétiques(ExégèsedeQurtubî14/113).Maiscetteobjectionestpeurecevablecaronnepeutenaucuncasconsidérerlesauteursquenousvenonsdecitercommedesathéesoudeshérétiques!

MâlikMuwatta’1/823-824;IbnHanbalMusnad1/451;Bukhârî6/2504-2505;AbûDâwûdSunan4/250;Muslim5/116;TirmidhîSunan4/38;BayhaqîSunan8/370;IbnKathîrSîra4/487;MuttaqîKanz5/429.Letextedeceversetquiauraitdisparuseraitlesuivant : «L’homme et la femme coupables d’adultère doivent être impérativement lapidés » (Al-shaykhu wa-l shaykhatufarjumûhumâal-battata).‘UmaraaussicommeargumentirréfutablelefaitqueleProphètealui-mêmepratiquélechâtimentdelalapidationpourpunir l’adultère (MâlikMuwatta’1/824). Il est ànoter que le verset de la lapidation (preuvequ’il figurait dans leCoran)estévoquédans lesplusanciens livresde laTradition :parexempleMâlikditclairementque leProphèteen instaurant lechâtiment de la lapidation s’est inspiré de la Torah (MâlikMuwatta’ 1/819). Au sujet de l’étrange pratique de l’allaitement del’adulte,ilsemblequ’ellesoitcourante:lesépousesduProphète,vialeurssœurs,yontrecoursfréquemmentcommel’attestentlescurieux témoignages figurantdans les livres lesplus«orthodoxes»de laTradition(MâlikMuwatta’1/603-605 ; IbnAbîShaybaMusannaf3/548;Abd-al-RazzâqMusannaf7/469;IbnHanbalMusnad43/342).

XVIII.LesmusulmansetlamémoiredeleurProphète

Tabaqât8/165;BayhaqîSunan6/57;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq28/190;IbnKathîrSîra4/452.

Tabaqât2/294;MuttaqîKanz7/185-186.

AbûDâwûdSunan3/208;Tabarî2/349;BayhaqîSunan4/3-4;HâkimMustadrak 1/524.

Tabaqât2/306-307;BalâdhurîAnsâb2/254.

BalâdhurîAnsâb2/254.

Khubaybauneascendanceprestigieuse;ilestlepetit-filsdeZubayrIbnal-‘Awwâm,lecousinduProphète,etl’arrière-petit-filsducalifeAbûBakr(petit-filsdeAsmâ’,lafilledecedernier).

Tabarî4/20;IbnKathîrBidâya9/103;IbnHajarFathal-bârî3/257.

Tabaqât3/368;BalâdhurîAnsâb1/468;IbnKathîrSîra4/541-542;IbnKathîrBidâya5/293.

LaTraditionditqu’ils’agitenréalitédelajambede‘Umar(onnesaitpasparquelmoyenilapul’affirmer).

LeorHalevicitel’historienSamhûdî(m.1506)quiestentrédanslachambrede‘Aïshaetl’atrouvéetellementcouvertededébrisqu’il lui a été impossible de repérer l’emplacement exact de la tombe deMuhammad. Pour les détails concernant la tombe duProphète,voirSamhûdi,Khulâsatal-wafâ,etLeorHalevi,Muhammad’sgrave,op.cit.,p.192-195.

IbnHanbalMusnad41/58.

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CommelerappelleFrédéricImbert,«en termesdedonnéesmatérielles, laplusanciennementionduProphèteremonteà l’année66/685surunedrachmearabo-sassanide;vientensuiteunepierretombaleégyptiennede71/691etl’inscriptionduDômeduRocherde Jérusalem datée de 72/692 » (« L’Islam des pierres : l’expression de la foi dans les graffiti arabes des premiers siècles »,Écrituredel’histoireetprocessusdecanonisationdanslespremierssièclesdel’islam,hommageàA.-L.dePrémare,Revue

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Leplusancienestunpapyrusdatéde l’an22de l’hégire : ils’agitd’undocumentécritenarabeetengrec,adresséparunchefmilitairemusulmand’Ahnas(enÉgypte)découverten1877etconservéaujourd’huiàlabibliothèquedeVienne.

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Onpeutinscrirecettedémarchedanslecadregénéralduprocessusd’écriture-appropriationdel’histoireanalyséparAbdessalamCheddadidanssonouvrageLesArabesetl’appropriationdel’histoire,op.cit.

Voir SolangeOry, «Aspects religieux des textes épigraphiques du début de l’Islam »,Revue desmondesmusulmans et de la

Méditerranée,no58,1990,p.30-39.

VoirchapitreXI.

IbnMâjahSunan1/37-38.

Tabaqât2/334;BalâdhurîAnsâb2/208.

MâlikMuwatta’ 1/232 ; Tabaqât 2/293 ; Balâdhurî Ansâb 2/249-250. On s’étonne de ce recours au même symbole pourreprésenterleProphèteetlesdeuxpremierscalifes,commesilestroisfiguresétaientéquivalentes.

Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq44/386;DhahabîSiyar2/412;DhahabîTarîkh3/274;SuyûtîTarîkhal-khulafâ’1/99.

Épilogue

Voir«Après-dire».

IbnHishâm2/336;Tabarî2/138.

IbnHishâm1/644;Tabarî2/38.

Bukhârî3/1144;AbûDâwûdSunan3/22;Muslim5/147;DhahabîSiyar3/169.

VoirchapitreII.

C’estl’hypothèsedéfendueparlethéologiensoudanaisMahmoudMohamedTahadanssonlivreal-Risâlaal-thâniyali-lislâm(Lesecondmessagedel’islam)publiéen1967,ouvrageprofondémentaudacieuxetpertinentquiavaluàsonauteurunecondamnationàmortpourapostasie.Tahaaétéexécutéen1985parNumayri.Unetraductionanglaisedecetouvrageimportantaétépubliéeen1996:TheSecondMessageofIslam,Syracuse,SyracuseUniversityPress;unetraductionfrançaisedumêmelivreaparusousletitreUnislamàvocationlibératrice,Paris,L’Harmattan,2002.

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IbnKathîrSîra1/408;IbnKathîrBidâya3/21.

IbnAsâkirTârîkhDimashq 63/18 ; SuhaylîRawdh 2/157-158 ; IbnManzûrMukhtasar 26/280 ; IbnKathîrBidâya 3/21 ; IbnKathîrSîra1/408.

Sîraal-halabiyya1/348.

Stephen J.Shoemaker a clairement fait coïncider lemoment de lamort duProphète avec celui de la naissancede l’islam. (TheDeathofaProphet.TheEndofMuhammad’LifeandtheBeginningofIslam,op.cit.)Nousapprouvonsdansunelargemesurecetteapproche.

Pourplusdedétailssurla«religionprimitivedel’Arabie»,voirlelivredeReinhartDozy,Essaisurl’histoiredel’islamisme, trad.VictorChauvin,Leyde-Paris,Brill-Maisonneuve,1879.

IbnHanbalMusnad 36/624 ;Tabaqât 1/192 ; Tabarânîal-Mu‘jam al-kabîr 8/222 ;KhatîbTârîkh Baghdâd 7/209 ;DhahabîTarîkh49/124;IbnRajabFathal-bârî1/149;SuyûtîJâmi‘al-ahâdîth11/127;MuttaqîKanz1/178.Dansdenombreuxhadiths,lehanifismeclémentouaiséestconsidéréparleProphètecommelameilleureetlaplusvraiedesreligions;c’estlareligionpréféréedeDieu (Abd-al-RazzâqMusannaf 1/74 ; IbnHanbalMusnad 4/17 ;Tabaqât 3/395 ; Suyûtî Jâmi‘ al-ahâdîth 3/168, 1/415 ;MuttaqîKanz1/178).

Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq2/53;IbnManzûrMukhtasar1/173;DhahabîSiyar2/374;DhahabîTarîkh3/20;SuyûtîJâmi‘al-ahâdîth25/237;MuttaqîKanz10/158.

Ledeuxièmecaliferessemblebeaucoupàl’apôtrePierrequiétaitluiaussiunhommeemportéetavaitdesmomentsde«doute»;dansl’histoiredesdeuxreligions,cesdeuxcompagnonsdeprophètesserontaussidesfondateurs.

Lesrévélationsdessourcesnonmusulmanes

Voiràceproposl’articled’EtanKohlberg,«WesternAccountsoftheDeathoftheProphetMuḥammad»,op.cit.

Matthew Dimmock, Mythologies of the Prophet Muhammad in Early Modern English Culture, Cambridge, CambridgeUniversityPress,2013,p.36.

ChansondeRoland,section29,lignes2590-2591.

L’évêqueSebèos,chroniqueurarménienécrivantvers660,citedestémoinsoculairesdespremièresincursionsarabesenArménie.

Danssachronographie,l’écrivainsyriaqueJacobd’Édesse(m.708)rapportedesinformationscertesbrèvesmaisdepremièremain.

RobertG.Hoyland,SeeingIslamasOthersSawIt.ASurveyandEvaluationofChristian,JewishandZoroastrianWritingsonEarlyIslam,Princeton,TheDarwinPress,1997.

IlestànoterquecessourcesnonmusulmanesneparlentpasdelamortdeMuhammadmaisseulementdesaprésenceàGazaenl’an634.

Dans saChronique écrite vers 640, Thomas le Presbytre évoque le règne de l’empereur byzantin Héraclius contemporain desdébutsdel’islam.

RobertG.Hoyland,SeeingIslamasOthersSawIt,op.cit.,p.120:Intheyear945,indiction7,onFriday4February(634)attheninthhour,therewasabattlebetweentheRomansandtheArabsofMuhammad(tayyiiyed-Mhmt)inPalestinetwelvemileseastofGaza.

LabatailleévoquéeparThomaslePresbytrecorresponddanslessourcesmusulmanesàlabatailledeDâthin,quiaeulieudurantleprintemps634àl’estdeGaza,souslerègnedupremiercalifeAbûBakr.LechefdecetteexpéditiondanslessourcesmusulmanesétaitYazîdIbnAbîSofiâne.

Pourdeplusamplesinformationssurcetexte,voirGilbertDagron(encollaborationavecVincentDéroche),JuifsetchrétiensenOrientbyzantin,Centred’histoireetcivilisationdeByzance,Bilanderecherche,5,Paris,2010.

Robert.G.Hoyland,SeeingIslamasOthersSawIt,op.cit.,p.57(c’estnousquitraduisonslacitationenfrançais).

VoirchapitreXVI.

StephenJ.Shoemaker,TheDeathofaProphet,op.cit.,p.18-72.

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TaybaetTâbasontd’autresnomsdeMédine(MajlisîBihâral-anwâr21/248).

DârimîSunan1/156;Ibn‘AsâkirTarîkhDimashq1/184.

VoirEdouard-MarieGallez,LeMessieetsonprophète.Auxoriginesdel’islam,Paris,ÉditionsdeParis,coll.«StudiaArabica»,2vol.,2005.

Lessourcesmusulmanes:écrirel’histoireouraconterdeshistoires?

Cesdifficultés sontpeut-être sur lepoint de s’estompergrâce aux récentesprospections épigraphiquesmenées actuellementparFrédéricImbertetChristianRobin,parmitantd’autres.Enavril2013,devantl’Académiedesinscriptionsetbelles-lettres,FrédéricImbertaprésentéunecommunicationdanslaquelleilaexposésesétonnantesdécouvertesarchéologiquesenArabiesaoudite.

Au début du IIe / VIII

e pour la tradition sunnite. Les shiites proposent une autre chronologie pour la fixation du texte coranique,

affirmantque‘AlîaréunileCoranaulendemaindelamortduProphète.

CesrecueilssontlesdeuxSahîhdeMuslimetBukhârîainsiquelesquatreSunan:ceuxdeNasâ’î,d’AbûDâwûd,deTirmidhîetd’IbnMâjah.

LaprièreparexempleaétéfixéegrâceàlatraditiondelaSîra.

AbdesselamCheddadiaffirmequ’une«premièrecristallisation(médinoise)desmaghâzîseseraitproduiteentreledernierquartdu

Ier siècle et le premier quart du II

e siècle de l’hégire » ; elle aurait été « en contact avec une tradition yéménite indépendante

représentée par Wahb Ibn Munabbih connu pour ses écrits se rapportant à la tradition judéo-chrétienne » (Les Arabes etl’appropriationdel’histoire,op.cit.,p.172).

SulaymIbnQaysal-Hilâlî(2-76/623-695),l’auteurdel’ouvrage,auraitétéundiscipled’‘Alî.

« Il s’agit d’un écrit pseudépigraphique attribué à un partisan contemporain d’‘Alî et composé de plusieurs strates de datesdifférentes.Lenoyauprimitif,lacouchelaplusancienne,peut-êtreundesécritslesplusanciensparvenusjusqu’ànousdateraitdu

premier quart du IIe / VIII

e siècle ; il est principalement consacré aux violences déclenchées par le problème de succession de

Muhammad»(Mohammad-AliAmir-Moezzi,LeCoransilencieuxetleCoranparlant,op.cit.,p.23).

En1978,SuhaylZakkârapuproposeruneéditionde laSîrad’IbnIshâqàpartirdesfragmentsmanuscritsqu’ilavait trouvésauMarocetenSyrie:IbnIshâq,Kitâbal-siyarwa-lmaghâzî(al-Sîra),éd.S.Zakkâr,Beyrouth,Dâral-fikr,1978.

AbdesselamCheddadi,LesArabesetl’appropriationdel’histoire,op.cit.,p.17.

Ibid.,p.163.

OnreprochaitnotammentàIbnIshâqd’avoirdes«sympathies»shiitesetdetropseréférerauxtraditionsjuivesetchrétiennes.

Al-Suhaylî(VIe/XII

e siècle)dans sonouvrage al-Rawdhal-unuf compare et synthétise les deuxSîra: celle d’Ibn Ishâq et celle

d’IbnHishâm.

Lemottabaqâtsignifieenarabe«générations»;parextensionlemotdésigneaussilescouches,lesstrates.

D’autresouvragessontincontournablespourlaconnaissancedesdébutsdel’islam(voirSourcesarabes).

Le Sanad est la liste des noms de ceux qui ont transmis successivement le récit, en remontant jusqu’à la source première del’information.

Tabaqât2/225.

EdwardSaïd,Orientalism,NewYork,PantheonBooks,1978;trad.fr.,L’Orientalisme.L’Orientcrééparl’Occident,Paris,Seuil,2003.

Lessavantsmusulmansn’ontpasoséuntravailcritiquedefonddestraditionsquifondentleurhistoire,hormisquelquestentativesémanantessentiellementdechercheursissusdelaculturemusulmanemaisinstalléspourlamajoritéd’entreeuxenEuropeouauxÉtats-Unis.

HaraldMotzki(éd.),TheBiographyofMuhammad.TheIssueoftheSources,Leyde-Baston-Cologne,Brill,2000,p.XIV.

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AbdesselamCheddadi,LesArabesetl’appropriationdel’histoire,op.cit.,p.313-315.

Mohammad-AliAmir-Moezzi,LeCoransilencieuxetleCoranparlant,op.cit.

Ilestànoterquelesluttesfratricidesd’uneviolenceparticulièrementsanglantequiontcaractérisél’histoiredel’islamneconcernentpasuniquementleconflitentresunnitesetshiites:lecampsunnitelui-mêmeaétédéchirépardesluttesintestines.Cecontextedecrisepolitiquequasimentchroniqueaindéniablementrejaillisurlareprésentationdel’histoiredel’islametdelavieduProphètedansleslivresdelaTradition.

FredM.Donner réfléchit sur les raisonsquiontpoussé la communautémusulmaneà réécrire sonpassé (Narratives of IslamicOrigins.TheBeginningsofIslamicHistoricalWriting,Princeton,DarwinPress,1998).Tayebel-Hibri,dansunouvragerécentconsacré aux quatre premiers califes, analyse leur histoire non comme des « narrations factuelles » mais comme des « récitscodés », des « paraboles » dont il faut percer la signification symbolique (Parable and Politics in Early IslamicHistory. TheRashidunCaliphs,NewYork,ColumbiaUniversityPress,2010).BoazShoshanavaitdéjàadoptélaméthodesuivieparTayebel-Hibri, allant jusqu’à opérer un travail de « déconstruction » des chroniques de Tabarî dont il réfute l’utilisation comme sourcehistorique(PoeticsofIslamicHistoriography.DeconstructingTabari’sHistory,Leyde,Brill,2004).

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Ibid.,p.45.

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