Post on 27-Mar-2016
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Web 2.0 Dimension du réel ?
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Pour en finir avec la dichotomie Réel / virtuel en pédagogie et ailleurs.
Le Pitch
Article Pédagogique
Le Web a 20 ans, le Web collaboratif en a 6
(Terme consolidé en 2007). A l'aune de
l'ensemble des découvertes scientifiques et
technologiques, nous pouvons dire trois
choses :
- Nous ignorons toujours l'avenir des décou-
vertes et leurs futures applications.
- Les découvertes ne sont ni bonnes ni
mauvaises, mais elles permettent l'expression
du bon comme du mauvais.
- Le principe de précaution évoqué face aux
risques potentiels d'une science inconnue, doit
encourager l'exploration encadrée.
La genèse de l'inédit est toujours
accompagnée de Chaos. Il faut expérimenter
pour connaitre. Or il n'y a pas d'expé-
rimentation sans foisonnements d'essais,
d'erreurs, de répétitions, d'impasses, d'acci-
dents, d'échecs, de renoncements. Les
innovations sont à ce prix.
L'histoire des sciences montre que les
découvertes sont préalables à leur forma-
lisation et souvent bien antérieures à leurs
applications. Débusquer, décrypter, compren-
dre l'Essence du réel font partie des préoc-
cupation de la Recherche Fondamentale (RF).
Inspirée par ces découvertes, la Recherche
Appliquée (RA) a pour objet de produire du
Nouveau afin de proposer alternatives et
solutions aux problèmes, envies, désirs de
notre époque.
RF et RA sont les deux faces d'un même
mouvement qui conjugue découverte et
déploiement et qui fonde et anime la société
humaine depuis l'aube de l'humanité.
A propos d'internet, on entend souvent les
partisans d'un réel exclusivement "tangible"
dire :" A quoi bon tout ce virtuel, ces réseaux
ou on peut dire n'importe quoi à n'importe qui
,n'importe quand, pour l'oublier aussitôt. A
quoi bon cette masse d'informations contra-
dictoires, cette confusion, cette profusion. La
vraie vie n'est pas là ?"
Les partisans de cette pensée stigmatisent le
Chaos dont nous parlions plus haut: le chaos
des découvertes. Pour la première fois dans
l'Histoire, ce chaos est mondial, fragmenté et
ne possède aucun centre; puisque chacun
d'entre nous est le centre possible d'un
univers. Là est bien la promesse du web 2.0 :
donner, dans le nouvel ordre de l'Information
mondiale, à chacun une voix équivalente;
donner la possibilité de "Dire Librement";
donner tous les outils pour le faire et le faire
savoir.
Belle idée dont nous ne voyons encore
émerger aucune structure globale, aucune
logique lisible, sinon un vague modèle
économique fondé sur le flux, c'est à dire
l'information elle même et son mouvement;
et non plus la possession. Le Web nous laisse
croire que nos rencontres fortuites et nos
recherches fructueuses sont le fruit du hasard
,alors que les vagues d'informations qui nous
arrivent à chaque connexion sont le produit
d'une architecture d'algorithmes, de statisti-
ques, de filtres logiques, nouveaux outils
mathématiques d'un marché informationnel
mondial dont chacun est à la fois un Sujet
contribuant et un Objet à attraper. Peut être
est-ce là le prix à payer pour pénétrer cette
extension du réel ? Et au voisinage de ces
nouveaux modèles financiers, l'Hydre
planétaire offre, en épiphénomène de son
expansion démesurée, diverses dérives,
pathologies psychologiques, désinformations,
confusions et un ininterrompu
bourdonnement fait de buzz et de posts.
Voila quelques arguments que les détracteurs
de cette dimension émergeante du réel ne
manquent pas d'utiliser pour remettre, à
défaut de son existence, au moins son utilité
en question. Oui il y a eu une humanité sans
Internet. Non il n'y aura plus jamais
d'humanité sans Internet.
A travers les dérives croissantes d'Internet, ses
contenus toxiques, ses usages addictifs, nous
voyons les premières blessures d'un savoir et
d'une technologie qui se heurte au tangible, et
à une humanité non préparée pour le
recevoir. Il a fallut plusieurs générations pour
que commence à s'éduquer le consommateur
face à l'industrie de la consommation.
Combien de générations faudra t'il pour que
l'internaute en chacun de nous atteigne l'âge
de raison, et clique en conscience ?
Au moins trois choses distinguent la vie sur le
Web de la vie physique :
L'Absence de temporalité : Le "Tout tout de
suite" l'emporte sur le Quoi, et le Quoi est
dépouillé du Quand.
L'Aplatissement des contenus: Mozart sur
Google est tout autant un gâteau au chocolat,
un compositeur du XVIIIème qu'un opéra Rock.
La limitation de la production au profit de la
transmission : Permettant ainsi à un chanteur
coréen à cheval sur un invisible canasson de
faire danser plusieurs millions de personnes
avec une vidéo de 3 minutes.
Les contradicteurs du Web crieront à la perte
de sens, à l'abêtissement des masses, au
nivellement de l'Histoire...; les aficionados
brandiront le rêve d'un espace de liberté
retrouvé, d'une nouvelle économie fondée sur
le partage, et d'une suprématie de l'usage sur
la propriété c'est à dire de l'Etre sur l'Avoir...
Ce type de bouleversement
n'est pas nouveau, il a déjà eu
lieu au XVIème siècle... et
certainement avant.
Les mathématiques ont vécu une révolution
du même ordre avec l'invention des Nombres
Imaginaires.
En 1545, Joseph Cardan confronté à des
opérations impossibles au sens numérique des
mathématiques de l'époque, envisage des
nombres introuvables (dans la réalité), des
nombres dont le carré serait négatif ! Cardan
ose alors, en dépit de tout ce que ses sens et
son savoir mathématique lui renvoient,
imaginer des nombre qui existeraient hors du
monde tangible, dans une dimension qualifiée
d'Imaginaire (i).
Il effectue là une révolution mentale
équivalente à celle de Galilée et d'Aristote,
lorsque fut remise en question la rotondité de
la terre; ou encore Einstein qui affirmait que le
temps n'était pas une dimension constante.
(Les minutes n'ont pas la même durée selon la
vitesse à laquelle on se déplace).
Penser des nombres inconcevables, qui ne
renvoient à aucune situation de calcul connue,
impossibles à représenter et inutilisables pour
additionner des chèvres ou des choux, était au
XVIème siècle une folie doublée d'une
inutilité. Cardan était un penseur du virtuel,
c'est à dire un penseur de ce qui existe sans se
manifester dans le réel.
La formalisation de cette découverte est
attribuée à Bombelli en 1572, soit 27 ans
après l'ébauche des premiers calculs
impossibles de Cardan.
A la fin du XVIème siècle Viète, Cariot, Stevin ,
Mathématiciens de renom, refusent l'existen-
ce de ces nombres et les jugent inutiles. Les
nombres de cardan restent en sommeil
pendant des décennies.
Ce que Cardan offre au monde d'alors, n'est pas recevable par le monde d'alors.
Peter Rothe en 1608 énonce Le théorème
fondamental de l'Algèbre. Ce théorème dit de
D'Alembert-Gauss, était impossible alors à
démontrer avec les outils mathématiques
courants et reconnus par les mathématiciens
de l'époque.
En 1637, René Descartes n'accorde que peu de
crédit aux nombres de Cardan et s'en méfie. Il
en parle pourtant dans ses écrits, les nome
Nombres "Imaginaires", par opposition aux
nombres de la réalité: les nombres réels, et
contribue ainsi malgré lui à les faire connaitre.
Nous sommes presque 100 ans après leur
découverte.
Le Théorème de D'Alembert-Gauss (1608) ne
sera démontré en toute rigueur qu'en 1799, à
l'aide des Nombres Imaginaires de Cardan.
254 ans après leur découverte. Période
pendant laquelle ces nombres furent
dénoncés et décriés.
Aujourd'hui en 2013, les nombres de Cardan,
dit Nombres Complexes sont enseignés au
lycée et utilisés dans tous les domaines
scientifiques : les statistiques, l'électronique,
la physique, la mécanique etc... Ils sont un
outils d'une puissance de calcul
extraordinaire, permettent de trouver des
solutions rapides et simples à des équations
impossibles ou fastidieuses à résoudre avec
les méthodes mathématiques classiques. Ils
permettent également de simplifier les calculs
trigonométriques, les calculs d'intégrales et
les calculs électroniques en changeant
d'espace de référence. Cardan il y a presque
500 ans a inventé un chemin Virtuel,
une logique construite hors de la réalité tangible et permet-tant de trouver des solutions innaccessibles par les calculs classiques. Là où l'approche connue n'offrait aucune solution, Cardan osa imaginer qu'une réponse se trouvait ailleurs. En posant l'existence de tels nombres, il ouvrit la voie à l'un des concepts qui comptèrent le plus dans le développement des sciences et des technologies.
Le réel est à dissocier du
tangible.
Le Web 2.0 a 6 ans; un âge bien trop jeune
pour imaginer sa puissance, son déve-
loppement à venir, ce qu'il permettra de
réaliser et les solutions qu'il apportera pour
résoudre des situations apparemment
impossibles.
La pensée, la créativité, les usages colla-
boratifs multiples rendus possibles par le Web
2.0 sont autant de modalités qui ouvrent vers
des usages pédagogiques encore à inventer.
La limitation du Web 2.0 n'est pas dans ce
qu'il permet. Dès 1545 les nombres complexes
possèdent leur plein potentiel calculatoire,
mais les habitudes de l'époque doivent encore
évoluer pour pouvoir accueillir leur puissance.
Il en est de même pour Internet.
Les usages du Web 2.0 catalysent le réel en
ouvrant des chemins possibles là où le
tangible ne propose que des impasses.
En 2013 envisager une activité pédagogique et
un modèle économique strictement évolutif
sur l'axe du tangible, c'est à dire avec les
règles connues de la discipline, revient à se
priver d'un champ infini de solutions pour
affronter les contraintes que le monde
d'aujourd'hui génère.
Quant au Principe de Précaution, il doit nous
encourager à l'exploration minutieuse et
prudente de cette nouvelle dimension du réel;
en aucun cas au rejet.
Les déboires médiatisés des personnalités
publiques, le manque de connaissance des
outils de partage offerts, la vitesse de
diffusion des informations, la non fiabilités des
sources doivent nous encourager à
développer et à enseigner des pratiques de
travail fondées sur la prudence par le respect
de règles simples et de bon sens, afin
d'assurer la protection des identités et des
espace privés comme intimes.
Ceci fait, nous pourrons profiter et utiliser
cette nouvelle dimension du réel pour enrichir
nos pratiques, libérer notre potentiel créatif et
dépasser nos obstacles.
L'impossible n'est pas ce qui
n'existe pas.
L'impossible est ce que nous ne
voyons pas...
En conclusion, nous reprendrons une phrase
de J.F. Fogel et B. Patino dans La condition
numérique : " Il s'agit d'une autre façon d'être
au monde, d'une manière de s'accommoder
d'une réalité façonnée à partir du réel et de
son extension numérique."
Charles Aïvar 05/05/2013.
Les informations historiques et les dates de cet article
proviennent de Wikipédia.