Vignette clinique: « Docteur, je suis TRES fatigué»: le ... · Douleurs musculaires, intestin...

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Vignette clinique: « Docteur, je suis TRES fatigué»: le syndrome de

fatigue chronique : mythe ou réalité?

Pr Dr B.Favrat, médecin adjoint PMU

Anamnèse

• Jeune femme de 28 ans en bonne santé habituelle, en couple, sans enfant

• Travaille comme infirmière aux soins intensifs • En avril 2014 gastroentérite après un voyage au

Maroc: consulte plusieurs fois son médecin pour fièvre, céphalée, diarrhée et baisse de l’état général: arrêt de travail, antibiothérapie. Hospitalisation pendant 20 jours

• Bilan infectiologique et endocrinien négatif.

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Vignette clinique

• Le transit s’améliore • mais présente:

– un épuisement physique – des maux de tête – hypotension orthostatique

• Après 3 mois toujours: – fatigue sévère, maux de tête, douleurs diffuses troubles

digestifs, difficulté de concentration , le simple fait de garder les yeux ouverts lui demandent un effort

– Vertiges d’allure orthostatique, troubles du sommeil , bouffée de chaleur. Sensation d’extrémité froides

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• Tentative de reprise du travail à 50% mais échec rapide et recrudescence des symptômes

• Prise en charge psychothérapeutique et programme d’activité physique (trittico pour le trouble du sommeil)

• Alternance d’amélioration partielle et de rechute • Réunions avec le médecin du travail de

l’employeur et RH • Après 8 mois nouvelle tentative de reprise

professionnelle à 20 % et rechute

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• Reconversion professionnelle dans une activité moins exigeante

• Nouvelle formation de « coaching » • Amélioration progressive avec espacement des

rechutes • Rupture sentimentale et rechute • Termine sa formation • Reprise du travail à 70% après 18 mois dans sa

nouvelle profession

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CRITERES DIAGNOSTIQUES DE LA FIBROMYALGIE SELON L’AMERICAN COLLEGE OF RHEUMATOLOGY 2010 • Dans combien des régions suivantes le patient

a-t-il eu des douleurs durant la semaine écoulée ?

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Score: symptômes présents depuis 3 mois et pas d’autres maladies • Belgrand, Revue Med Suisse 2011

symptômes somatiques à prendre en considération : Douleurs musculaires, intestin irritable, fatigue, troubles de la mémoire ou de la concentration, faiblesse musculaire, céphalées, douleurs abdominales, paresthésies/engourdissement, vertiges, insomnie, dépression, constipation, épigastralgies, nausées, nervosité, douleurs thoraciques, vision trouble, fièvre, diarrhées, bouche sèche, démangeaisons, wheezing, phénomène de Raynaud, urticaire, acouphènes, vomissements, brûlures d’estomac, aphtes, changement de goût, convulsions, sécheresse oculaire, essoufflement, perte d’appétit, éruption cutanée, sensibilité au soleil, troubles auditifs, tendance aux hématomes, perte de cheveux, pollakiurie, algurie, spasmes vésicaux

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CRITERES DIAGNOSTIQUES DE LA FIBROMYALGIE SELON L’AMERICAN COLLEGE OF RHEUMATOLOGY 2010

Les 3 conditions suivantes doivent être remplies pour retenir un diagnostic de fibromyalgie : - Index de douleur (Widespread Pain Index : WPI) ≥7 et sévérité des symptômes (Symptom Severity : SS) ≥ 5 OU WPI 3-6 et SS ≥9 - Les symptômes sont présents depuis au moins 3 mois - Le patient n’a pas d’autre maladie qui expliquerait la douleur

INDEX DE DOULEUR (WPI) : Dans combien des régions suivantes le patient a-t-il eu des douleurs durant la semaine écoulée ?

Ceinture scapulaire gauche Avant-bras gauche Cuisse gauche Mâchoire gauche Haut du dos

Ceinture scapulaire droite Avant-bras droit Cuisse droite Mâchoire droite Bas du dos

Bras gauche Hanche, fesse, trochanter gauches Jambe gauche Thorax nuque

Bras droit Hanche, fesse, trochanter droits Jambe droite abdomen SCORE (0 à 19) :

ECHELLE DE SEVERITE (SS)

0 = pas de problème 1 : problème léger, intermittent 2 : problème modéré, fréquent 3 : problème sévère, permanent

fatigue

Sommeil non-réparateur

Symptômes cognitifs

Nombre de symptômes somatiques* 0 = pas de symptômes 1 = 1-10 symptômes 2 = 11-24 symptômes 3 = ≥25 symptômes

SCORE (0 à 12) :

*symptômes somatiques à prendre en considération : Douleurs musculaires, intestin irritable, fatigue, troubles de la mémoire ou de la concentration, faiblesse musculaire, céphalées, douleurs abdominales, paresthésies/engourdissement, vertiges, insomnie, dépression, constipation, épigastralgies, nausées, nervosité, douleurs thoraciques, vision trouble, fièvre, diarrhées, bouche sèche, démangeaisons, wheezing, phénomène de Raynaud, urticaire, acouphènes, vomissements, brûlures d’estomac, aphtes, changement de goût, convulsions, sécheresse oculaire, essoufflement, perte d’appétit, éruption cutanée, sensibilité au soleil, troubles auditifs, tendance aux hématomes, perte de cheveux, pollakiurie, algurie, spasmes vésicaux.

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CIM10: F45 troubles somatoformes

a) Antécédents de plaintes somatiques multiples et variables, pendant au moins 2 ans ne pouvant être expliquées par un trouble somatique identifiable.

a) Refus persistant d’accepter les conclusions et les propos rassurants des médecins confirmant l’absence de toute cause organique pouvant rendre compte des symptômes.

a) Les symptômes s’accompagnent d’une perturbation du comportement et conduisent à une altération du fonctionnement social et familial.

Commentaires accompagnant les critères : Dans la plupart des cas, les patients entretiennent, depuis longtemps, des relations complexes avec les services médicaux, spécialisés et non-spécialisés, et ont subi de nombreuses interventions exploratrices qui se sont révélées négatives. Les symptômes peuvent renvoyer à n’importe quelle partie du corps mais concernent avant tout l’appareil gastro-intestinal et la peau. (…) Le patient s’oppose habituellement à toute hypothèse supposant l’implication de facteurs psychologiques dans la survenue des symptômes.

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« Somatic symptom disorder » DSM-5

• Suppression des tr. de somatisation, somatoforme douloureux, hypochondrie (qui devient le tr. « anxiété de maladie »)

• Le trouble de symptômes somatiques combine au moins : – un symptôme somatique perturbant ET – des pensées, comportements, sensations

disproportionnés, vécus avec anxiété et consommant temps et énergie

– sévérité: Léger (un), modéré (2 ou plus),sévère (2 ou plus et plaintes multiples)

– Spécification possible: douleur prédominante, persistante (plus de 6 mois)

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CRITERES FUKUDA CDC 1994

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CRITERES IOM 2015 DE L’INTOLERANCE SYSTEMIQUE A L’EFFORT

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CRITERES EPISODE DEPRESSIF SELON CIM-10

Tableau clinique typique Baisse de l’humeur Anhédonie : diminution de l’intérêt et du plaisir

Réduction de l’énergie, entraînant une augmentation de la fatigabilité et une diminution de l’activité. Des efforts minimes entraînent souvent une fatigue importante.

Un épisode dépressif comporte souvent aussi : Diminution de la concentration et de l’attention Diminution de l’estime de soi et de la confiance en soi Idées de culpabilité ou de dévalorisation Attitude morose et pessimiste face à l’avenir Idées ou actes auto-agressifs ou suicidaires Perturbation du sommeil Diminution de l’appétit

Dépression avec syndrome somatique (presque toujours présent dans les formes sévères) : au moins 4 des symptômes suivants :

Anhédonie Manque de réactivité émotionnelle à des événements ou à des circonstances habituellement agréables Réveil matinal précoce Dépression plus marquée le matin Ralentissement psychomoteur ou agitation psychomotrice marqués Perte marquée d’appétit Diminution marquée de la libido

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Quiz

Hormis la fatigue, quels symptômes font partie des critères diagnostiques du Syndrome de Fatigue Chronique : (plusieurs réponses possibles)

a) somnolence b) troubles cognitifs c) aggravation des symptômes après un effort d) humeur triste e) sommeil non-réparateur

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• 17% à 64% des patients s’améliorent avec un traitement

• Seule une minorité des patients (de l’ordre de 10-20%) retrouve à terme son niveau d’activité pré-morbide.

– Joyce J, Hotopf M, Wessely S. QJM 1997. – Vercoulen JH, et al. Prognosis in chronic fatigue syndrome: a prospective study of the natural course. J

Neurol Neurosurg Psychiatry. 1996

– Ray C, Jefferies S, Weir WR. Coping and other predictors of outcome in chronic fatigue syndrome: A 1-year follow-up. J Psychosom Med. 1997

– Bonner D, Ron M, Chalder T, et al. Chronic fatigue syndrome: a follow-up study. J Neurol Neurosurg P 1994

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Facteurs de mauvais pronostic

• Age • Longue durée • Fatigue sévère • Comorbidité psychiatrique • Conviction d’une origine organique

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Prévalence • Estimation à partir d’autres études (selon IOM):

environ 20000 à 60000 personnes touchées en Suisse

• Pronostic vital non affecté, mais est très invalidant.

• Souvent une comorbidité psychiatrique

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2 Pics d’incidence?

Bakken IJ, et al.. BMC Med. 2014

La situation et le contexte

• Expérience • Toute situation où l’on ne peut ni fuir, ni attaquer entraîne un syndrome d’inhibition

Fatigue et stress

Lipolyse Lipogenèse Glycogenèse

Cortisol

Cholestérol

Androstérone

ACTH CRF

Stress

DHEA

Cycle de KREPS

Triglycérides

Foie (GammaGT, LDH)

Thyroïde

Sucres alimentaires

Hyperglycémie

Parathyroïde

Muscles (CPK)

Le stress est un processus

Une réponse

Une situation

Un processus

Une souffrance

Des conséquences physiologiques

et psychologiques

Tâche

Vulnérabilité

Contexte

Répondez-vous à cette définition?

• et qui s’accompagne de dysfonctionnements au niveau physique, psychique et social.

• Etat de tension persistante, perçu comme négatif

• où l’individu est ou se sent incapable de répondre adéquatement aux exigences de la tâche,

• où cette inadéquation peut avoir des conséquences significatives

Mais que se passe-t-il si la réaction d’alarme persiste?

Adaptation

Break Down

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IOM 2015 (9000 articles revus)

• Dysfonction immunitaire, entraînant un stress oxydatif, responsable d’une dysfonction mitochondriale.

• La dysfonction mitochondriale, génératrice elle-même de radicaux libres, pourrait représenter un facteur d’auto-entretien du stress oxydatif, créant un cercle vicieux.

• Certains experts postulent une activation immunitaire pathologique, qui finit par s’épuiser.

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• Dysrégulation de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, avec une production émoussée de cortisol en réponse au stress (même si la réponse au Synacthène® est préservée, indiquant ainsi une dysrégulation plus « centrale » que « périphérique »)

• Dysrégulation végétative, mesurée principalement par une intolérance à l’orthostatisme

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• La réponse du cortisol à un stress est émoussée dans les SFC, alors que le niveau de cortisol est plutôt élevé dans la fibromyalgie et dans la dépression.

• Prévalence de la fibromyalgie augmente régulièrement jusqu’à un pic entre 55-64 ans

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• les experts de l’IOM américain prennent position et affirment que « le SFC a une base biologique, et n’est pas, comme beaucoup de cliniciens le pensent, un problème psychologique ».

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Traitement à proposer:

Étude PACE, RCT, Lancet 2011

-28.5 % réduction de la fatigue

-14 % réduction de la fatigue

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Echelle de Chalder

• Min 0 - Max 33 points (3 points par question)

Cella M, Chalder T. Measuring fatigue in clinical and community settings. J Psychosom Res. 2010 Jul;69(1):17-22 : Score moyen population générale : 14,2

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• Empathie et prévenir les complications du SFC, à savoir : – La multiplication des investigations à la recherche

d’une maladie plus « présentable » sur le plan socioprofessionnel que le SFC

– Le découragement, voire la dépression réactionnelle – Le déconditionnement physique dû à l’inactivité, par

peur des rechutes – Les décalages de phase de sommeil

Fig 2 Outcomes at three week end point.

Ted J Kaptchuk et al. BMJ 2008;336:999-1003

©2008 by British Medical Journal Publishing Group

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Traitment (suite)

• Affirmation du diagnostic • Pour éviter le déconditionnement, un

reconditionnement à l’effort très progressif (Graded Exercice Therapy) est préconisé, selon le protocole de l’étude PACE.

• Les troubles du sommeil : se lever le matin toujours à la même heure, quelle que soit l’heure de l’endormissement, et éviter les siestes en journée.

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Les phrases clés

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Institute of medicine

• Un biomarqueur? • Fonction cellulaire des lymphocytes NK (natural

killer)

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Autre traitement

• Traitement antioxydant: ubiquinone (1 RCT montrant un bénéfice)

• Castro-Marrero et al. Effect of coenzyme Q10 plus nicotinamide adenine dinucleotide supplementation on maximum heart rate after exercise testing in chronic fatigue syndrome A randomized, controlled, double-blind trial Clinical nutrition 2015

• Aussi un bénéfice dans la fatigue physique (RCT)

Mizuno et al .Antifatigue effects of coenzyme Q10 during physical fatigue. Nutrition 2008

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Syndromes somatoformes douloureux et troubles psychosomatiques analogues

Juin 2015 • TF: caractère non surmontable des troubles • Grille d’examen simplifiée:

– Gravité et chronicisation du trouble. – limitations dans plusieurs domaines (travail,

ménage, loisirs). – cohérence entre plaintes de l’assuré et constatations

médicales. – évaluation des déficiences mais aussi des

ressources mentales, psychiques et psycho-sociales.

– Impact des traitements et motivation

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ATF 9C492/2014 du 3 juin 2015

• Le trouble n’est plus incapacitant par principe • On doit évaluer les indicateurs à savoir:

– Degré de la gravité fonctionnelle: diagnostic, comorbidité, personnalité, contexte social, traitement , évaluation du fonctionnement et des ressources.

– Degré de cohérence: la limitation du niveau d’activité doit être uniforme dans tous les domaines comparables de la vie (travail, ménage, loisirs).

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«Degré de gravité fonctionnelle » source: Kieser, bulletin des médecins suisses 2015

• «Atteinte à la santé» – Eléments pertinents pour le diagnostic – Succès des traitements et de la réadaptation ou

résistance à ces derniers – Comorbidités: indicateurs pour déterminer si l’atteinte

à la santé prive l’assuré de ses ressources.

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«Degré de gravité fonctionnelle »

• « Personnalité »: structure et troubles de la personnalité ressources nécessaires pour exercer une activité professionnelle malgré l’atteinte à sa santé;

• « Contexte social »: ressources: soutien dans son réseau social

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« Cohérence »

• La limitation du niveau d’activité doit être uniforme dans tous les domaines comparables de la vie

• L’intensité des douleurs révélée par l’anamnèse établie en vue des traitements médicaux et de la réadaptation: un comportement incohérent constitue un indice indiquant que la limitation invoquée repose sur un autre motif que l’atteinte à la santé assurée

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Questions essentielles : • Est-ce que les limitations alléguées se

manifestent de la même manière dans tous les domaines de la vie (travail et loisir) ?

• Est-ce que la souffrance se traduit par un recours aux offres thérapeutiques existantes ?

• Thérapie indiquée est réalisée selon les règles de l’art, avec une coopération optimale?

Communiqué aux médias du Tribunal fédéral du 17.06.2015

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Conclusion:

• Décrire précisément la pathologie • Poser un diagnostic et le motiver /exclure • Exclure les diagnostics non retenus et les

motiver • Décrire les limitations fonctionnelles et les

ressources • Décrire les facteurs psycho-sociaux (intégration) • Décrire les traitements et leurs effets • Evaluer la cohérence

« Quand on ne travaillera plus les lendemains des jours de repos, la fatigue sera vaincue »

Alphonse Allais

Merci de votre attention

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