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Université Paris I Panthéon-Sorbonne
Mémoire de recherche de Master 2 Communication Politique et
Sociale
FILIPPOPOULOU Georgia-Maria
Sous la direction de M. GERSTLE Jacques
La dictature en Grèce 1967-1974 : étude comparée du traitement de
trois quotidiens français
Année universitaire 2010-2011
2
REMERCIEMENTS
Je tiens tout particulièrement à remercier M. Jacques Gerstlé, pour l’attention et le
temps qu’il a accordé à mon étude. Je le remercie également de m’avoir offert
l’opportunité de réaliser mon rêve de poursuivre d’études à l’Université Paris I
Panthéon - Sorbonne.
Mes remerciements vont également à mes professeurs de l’Université d’Athènes,
George Pleios, Stamatis Poulikidakos et Constantin Loulos. Sans leurs conseils et
leurs encouragements, je n’aurais pas pu mener à bien ce mémoire.
Enfin, un grand merci à l’ensemble de mes proches et amis Myrto, Alexandra, Maria,
Jose, Yiannis, Sarantis, Dimitris, Alexandros et Marianne pour leur aide et leur
soutien plus que précieux. Et tout particulièrement à mes parents, Christos et Varvara,
pour leur écoute sans faille et leur affection.
3
SOMMAIRE
INTRODUCTION……………………………………………………………..........7
PREMIERE PARTIE…………………………………………………………….. 10
I. THEORIE………………………………………………………………………… 10
A. La définition de « l’objectivité journalistique » et critique.………………… 10
a) Présentation des événements sans commentaires………………………… 13
§ Vérité………………………………………………………………….......... 14
§ Informativité………………………………………………………..………..16
§ Signification………………………………………………………………… 18
b) Impartialité………………………………………………………….......... 24
§ Neutralité…………………………………………………………………… 26
§ Equilibrage…………………………………………………………….......... 28
B. Contraintes du travail journalistique à la couverture des événements en Grèce
1967-1974………………………………………………………………….. 29
a) Des contraintes liées à la couverture des nouvelles de l’étranger………. 29
b) Des contraintes liées au régime autoritaire……………………………… 32
II. CORPUS…………………………………………………………………............ 34
A. Les journaux « d’opinion »……………………………………………........ 34
a) Le Monde..................................................................................................... 35
b) Le Figaro……………………………………………………………......... 37
c) L’Humanité…………………………………………………………......... 37
B. Présentation résumée des événements des périodes examinées……………...38
a) 20 - 30 Avril 1967. Le coup d’état en Grèce………………………………39
b) 1-15 Décembre 1969. L’expulsion de la Grèce du Conseil de
l'Europe…………………………………………………………………… 42
4
c) 15-30 Novembre 1973. La révolte de l’Ecole Polytechnique. Le nouveau
coup d’état……………………………………………………………….. 44
d) 15-31 Juillet 1974. L’invasion en Chypre. La chute du régime
militaire………………………………………………………………….. 46
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE………………………………......... 47
DEUXIEME PARTIE…………………………………………………………….. 50
I. METHODOLOGIE………………………………………………………….........50
A. Analyse des paramètres du protocole………………………………………..50
a) Discours et tonalite des journalistes et des personnes parlantes……......... 50
b) La dimension évaluative des mots……………………………………….. 51
II. ANALYSE DES RESULTATS DE LA RECHERCHE…………………...........54
A. Caractéristiques Générales…………………………………………………...54
a) Le nombre/ taille des publications………………………………….........55
b) La date/page de la publication…………………………………………...60
c) La catégorie de la publication……………………………………………70
B. Analyse du discours et de la tonalité du journal…………………………….79
a) Le type de discours du journaliste de la publication…………….............80
b) La tonalité du journaliste envers le régime/la résistance au régime...........87
c) Nom / Statu des locuteurs………….……………………………...........101
d) Le type de discours/tonalité des locuteurs……………………………...108
C. Nombre/tonalité de références……………………………………………...114
a) Références aux personnes……………………………………............... 114
b) Références aux mots……………………………………………………120
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE……………………………...........130
5
CONCLUSION……………………………………………………………….…..135
BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………..…137
ANNEXES………………………………………………………………………...143
i) Le protocole de la recherche……………………………………………143
ii) Figures supplémentaires………………………………………………...148
6
« Ce que nous racontons s’est réellement passé. Rien ne s'est passé comme nous le
racontons. »
Goethe
7
INTRODUCTION
La question de la représentation de la réalité, à travers les récits puis à travers les
formes organisées de l'information, a toujours préoccupé l'humanité de l'antiquité à
l'époque des médias de masse et numérisés. Jusqu'à nos jours, le débat n'a pas cessé.
Des amphithéâtres universitaires aux cafés traditionnels et des manifestations
organisées aux panneaux de télévision, la notion de « l'objectivité » est souvent
abordée. En ce qui concerne l'historiographie et le journalisme d'information, la façon
dont l'enregistrement, l'interprétation et la publication des faits de la vie réelle peuvent
refléter ou « construire » les événements, est encore très largement discuté et
controversé
Albert Camus disait en 1944 dans les pages de Combat que le journaliste est un
« historien de l’instant »1. Etant donné que « l’instant » pour le journaliste c’est
l’actualité, il contraste avec le point de vue de l’historien, qui nécessite l'introduction
du temps standard, et le détachement des événements. Toutefois, le journalisme
fonctionne comme « l'histoire de l'instant », comme porte parole de la conscience
collective dans sont état réactif. Le journaliste vit à l’époque où se passent les
événements qu'il décrit, ignorant leur dimension historique et est lié aux perceptions
et aux préjugés du moment. Considérant le journalisme comme en réalité un
instantané de la conscience collective qui la produit, peut-il effectivement être «
objectif », selon les définitions attribuées à ce terme ? Si le journaliste constitue donc
un témoin professionnel dans la pulvérulence de l'événementiel, l’information fournie
peut-elle être dégagée de la charge idéologique et de l'ensemble des conditions dans
lesquelles elle a été produite ?
Compte tenu des considérations ci-dessus, le présent mémoire tente d’étudier
l’attitude de la presse française « d’opinion » envers la dictature en Grèce pendant les
années 1967-1974. Le terme « attitude » se réfère aux caractéristiques quantitatives et
qualitatives du contenu de toutes les publications relatives au régime en Grèce, que
nous avons choisi d'analyser en fonction de variables spécifiques. Parce qu’il nous a
été impossible d’examiner l’intégral des publications dû à une contrainte de temps,,
1 Camus, A., La réforme de la presse : Combat 1/09/1944, dans Cahier Albert Camus 8, Paris, Galimard,
2002, p. 163-164
8
nous avons choisi de tenir compte seulement de quatre périodes historiques qui ont
marqué les années de la dictature. De plus, comme conclu Eyal2, l'étude d’une
période précédente et suivante est nécessaire, afin d'enquêter en profondeur une
question, nous avons donc choisi quatre périodes historiques se succédant. Durant ces
périodes, le corpus de recherche comprend alors trois journaux : Le Monde, Le
Figaro, et l'Humanité. En raison de la diversité idéologique et de leur grande
popularité, nous pourrions conclure qu'ils représentent la presse française d’opinion
de l'époque.
Par ailleurs, si nous avons centré cette étude à la presse écrite, parce que la
télévision, même si elle existait déjà, n’était pas très présente lors des événements. La
presse constituait à l’époque le moyen principal d’information des citoyens. Ainsi,
l’écrit nous paraît être potentiellement plus riche, plus élaboré et mieux adapté à une
étude approfondie des discours médiatiques. En effet, la presse écrite est un média de
parole, où les schémas argumentatifs sont plus élaborés, qui se prête mieux à une
analyse du discours. Nous pensons également que les clivages, notamment en termes
de ligne éditoriale et de tendance politique, sont beaucoup plus explicites et
identifiables dans la presse écrite, ce qui peut faciliter notre décodage des types de
discours. Ainsi, si nous avons choisi de travailler uniquement sur des quotidiens, c’est
pour garder une certaine unité et ainsi permettre une comparaison lors de notre
analyse.
A travers la première partie nous avons tenté de définir le sens d '« objectivité » dans
le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail3 et Jorgen Westerstahl4. Se
référant à une vaste bibliographie sur la théorie de la communication, nous avons
présenté les éléments caractéristiques de la notion (présentation de faits sans
commentaires ; impartialité) dans une tentative d’éclairer tous ses aspects, en
pratique. Ensuite, enrichissant la présentation des conditions pratiques du travail
journalistique, nous avons jugé nécessaire de présenter les circonstances particulières
lors de la couverture médiatique des événements en Grèce durant la période de la
2 Eyal, H., Time-frame in agenda-setting research: A study of the conceptual and methodological
factors affecting the time frame context of the agenda-setting process, Syracuse, Syracuse University
Press, 1979 3 McQuail, D., La Théorie de la Communication de Masse pour le 21ème siècle, Athènes, Kastaniotis,
2003, p. 207-208 4 Westerstahl, J. Objective News Reporting, Communication Research 10, 1983, p. 403-424
9
dictature. Outre les contraintes provoquées par la nature autoritaire du régime, la
couverture des événements internationaux contient aussi des contraintes qui devraient
être prises en compte dans l'analyse qualitative des données.
Le deuxième chapitre de la première partie est consacré au corpus de la recherche.
Nous faisons référence à l'histoire et aux caractéristiques générales des trois journaux,
afin de souligner leurs pratiques spécifiques et leur orientation idéologique. Ensuite,
nous présentons en résumé les principaux événements au cours des quatre périodes
historiques que nous avons choisi d'étudier, avec une référence particulière aux
événements qui attirent l'attention des journaux.
Dans une deuxième partie nous analyserons ensuite les paramètres de la méthodologie
choisies, mettant un accent particulier sur l'analyse du discours / tonalité du journal et
de l'importance du langage utilisé. Après avoir présenté notre méthodologie, nous
exposerons les résultats de notre étude à travers des figures et des commentaires.
Cette recherche vise à répondre aux questions suivantes:
a) Comment le thème de la dictature en Grèce est-il hiérarchisé dans la presse
française?
b) Comment les publications concernées sont-elles évaluées ? Est-ce que la presse
française a entrepris une couverture médiatique des thèmes majeurs de la dictature
grecque dans le style « neutre » adopté par les télégrammes des agences de presse, ou
a-t-il choisi une attitude plus critique ? Au fil du temps, cette attitude a- t- elle changé,
ou est-elle restée stable ?
c) Les « différences idéologiques » de chaque journal ont-elles un impact sur leur
attitude face aux événements en Grèce ou ont-ils conservé une approche uniforme
couvrant les événements ? Si leur attitude se prouve différente, quelles sont ses
caractéristiques qualitatives?
10
PREMIERE PARTIE
I. THEORIE
A. La définition de « l’objectivité journalistique » et critique
« Quant aux événements de la guerre, je n'ai pas jugé bon de les rapporter sur la foi
du premier venu, ni d'après mon opinion ; je n'ai écrit que ce dont j'avais été témoin
ou pour le reste ce que je savais par des informations aussi exactes que possible.
Cette recherche n'allait pas sans peine, parce que ceux qui ont assisté aux événements
ne les rapportaient pas de la même manière et parlaient selon les intérêts de leur
parti ou selon leurs souvenirs variables. »
Thucydide5
Quand le premier chercheur-historien, appelé aussi « le premier reporter de
l'histoire », a écrit ces lignes au 5ème siècle avant J-C, il ignorait bien sûr que près de
2500 ans plus tard, les journalistes tenteraient avec la même angoisse de corroborer la
véracité de leurs écrits, et utiliseraient des tactiques similaires pour y parvenir, ou
rassurer le public à ce sujet.
La « qualité de l'information » et « l'objectivité » sont souvent présentées dans les
manuels de communication ou de journalisme comme interconnectées. Toutefois,
comme dans le cas des nombreux concepts qui sont considérés comme axiomatiques
et utilisés sans discernement, le processus de définition de «l'objectivité» a fait l’objet
de nombreux chercheurs.
Le chercheur Denis McQuail dans « La Théorie de la Communication de Masse pour
le 21ème siècle » identifie comme ses éléments de base6: a) adopter une attitude
d'impartialité et de neutralité, sans implication personnelle, b) éviter la partialité et la
politisation, c) insister sur l’exactitude et d'autres éléments de vérité que la cohérence
et l'intégralité, et d) éviter les finalités obscures ou d'autres fins.
5 Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, Livre I (XXII), Athènes, ΟΕDΒ, 2000, traduction :
Voilquin, J. 6 McQuail, D., La Théorie de la Communication de Masse pour le 21ème siècle, Athènes, Kastaniotis,
2003, p. 207-208
11
Westerstahl avait également présenté le schéma7 suivant pour définir l'objectivité dans
le journalisme. Selon cette étude, l'objectif est basé sur le pur enregistrement
d'événements (factualité) et l'impartialité.
Objectivité
↲ ↳
Factualité Impartialité
↲ ↓ ↳ ↲ ↳
Vérité Informativité Signification Équilibre Neutralité
D’après ce schéma, l'enregistrement des événements est valide s’il contient des faits et
des déclarations dont les sources peuvent être vérifiées. De plus, ceux-ci doivent être
présentés sans commentaires, ou tout au moins apparaître clairement dissociés des
commentaires. Ces informations, cependant, doivent être également véridiques, c'est-
à-dire exactes et complètes et sans tentative d'égarer, ou de servir à des fins
souterraines. Chaque information doit être imprégnée d’« informativité »
(informativness), être claire et compréhensible. Enfin, l'élément-clé est la
«Signification» de l’information, qui se réfère au choix du sujet de la plus haute
importance pour les lecteurs.
Le second pilier de l'objectivité a à voir avec l'impartialité, ce qui nécessite également
un «positionnement neutre» du journaliste, résultant d'un équilibre des interprétations
contradictoires, des faits, des opinions. La deuxième caractéristique de l'objectivité
selon Westerstahl, est ce qui est le plus souvent outrepassé dans la presse occidentale,
où la liberté d'expression et la démocratie peuvent assurer et exigent le respect de la
première étape de l'objectivité.
Critique de la définition d’ « objectivité »
En vertu de ces critères nous pourrions parvenir à la conclusion que l'objectivité
devient un garant de la liberté et de l'égalité dans le processus d'information, si elle
7 Westerstahl, J. Objective News Reporting, Communication Research 10, 1983, p. 403-424
12
n’est pas influencée par des intérêts et si les sources sont traitées de façon égale et
possèdent des opportunités égales de recours aux médias.
Cette approche s'apparente plus à l'approche libérale-pluraliste, qui voit les médias
comme des mécanismes destinés à promouvoir les intérêts et les points de vue des
différents groupes et contribuant ainsi de manière décisive à la libre circulation des
idées et au fonctionnement démocratique du système. La position centrale de la
théorie pluraliste se concentre sur la position que les médias constituent un support
essentiel pour les institutions démocratiques, qui forment le «quatrième pouvoir» et
sont « un miroir de la société ».
Cependant, il devient rapidement évident que dans une certaine simplification, le
résultat semble étroitement lié à l'idéal « de la communication rationnelle et non
faussée » 8 de Habermas.
Or, Habermas admet qu’en fait la communication, soit interpersonnelle soit
médiatisée, ne peut jamais échapper complètement à l'effet des conditions dans
lesquelles elle a lieu. L'acte du « discours idéal » peut être seulement une possibilité
théorique. Les critiques9, basées sur Foucault, nient même le terme « communication
rationnelle » puisque les relations de pouvoir régissent toutes les relations humaines,
les contacts et les processus par lesquels les connaissances ou la communication sont
produites.
La réponse à la position pluraliste, établissant que les médias constituent des
représentations neutres de la réalité, des mécanismes qui contrôlent le pouvoir, que
leur influence peut être mesurée et que leurs effets se limitent à renforcer les valeurs
existantes, est principalement issue de deux différentes sources théoriques, le
structuralisme et le marxisme.
Nous analyserons ainsi les caractéristiques individuelles de «l’objectivité» selon
McQuail et Westerstahl par rapport à des interprétations différentes et des études liées
à chaque terme. De plus, nous nous référerons à la pratique du journalisme comme un
obstacle à la réalisation de l'objectivité.
8 Habermas, J. The Structural Transformation of the Public Sphere, Cambridge, MA: MIT Press, 1962
9 Simon J, Foucault and the Political, London, Routledge, 1995, p. 114
13
a) Présentation des événements sans commentaires
Le marxisme et le structuralisme ont mis en doute l'hypothèse que les médias reflètent
la réalité. Selon l'école de Francfort, les médias et l'industrie de la culture construisent
et identifient la conscience des classes dominées et les manipulent de sorte que toute
résistance disparaisse et que la passivité domine la passivité10. Les médias
déterminent ainsi les conditions dans lesquelles nous réfléchissons, ou pas11. Ils nous
égarent vers un monde de définitions et des simulations idéologiques automatiques12.
Le structuralisme, d'autre part, a développé l'argument selon lequel la pensée précède
la réalité et la comprend de différentes façons selon le contexte dans lequel l'homme
se trouve à chaque fois. La «réalité sociale» est réalisée par le langage, nous
constituons notre monde social à travers les contes et la narration. Les travaux de
Roland Barthes13 sur la création et la projection de certains «mythes» par les médias,
ont montré l'existence de messages auxquels ceux-ci apportent une charge
idéologique et ainsi leur aptitude à démontrer seulement certains aspects de ce qui se
passe dans le monde. Dans ce contexte les médias ne fonctionnent pas comme des
observateurs neutres de la réalité, ni ne reflètent simplement des faits. Au contraire, ils
orientent les événements et y attachent une signification sociale particulière, révélée à
travers la compréhension du code qui régit les textes, résultant des différents niveaux
de signification14.
Par une combinaison des deux théories, nous parvenons à la conclusion que la Vérité,
l’Informativité et la Signification, cadres de la première partie du schéma de
l'objectivité, ne sont ni stables, ni mesurables, et donc ni facilement réalisables.
10
Marcuse, H., L'Homme unidimensionnel, Athènes, Papazisis, Traduction: Lykoudis, B., 1973 11
Adorno, T. & Horkheimer, M., La Dialectique de la Raison, Athènes, Ypsilon, Traduction: Sarikas, Z., 1986 12 Bennett, T., Theories of the media, Theories of society, dans Komninou,M. & Lyritzis,C., Pouvoir,
Société et Medias de Masse, Athènes, Papazisis, 1989, p. 71 13
Barthes, R., Mythologies, Athènes, Kedros, traduction : Chatzidimou Kaiti, 1979 14
Barthes, R., Le Degré Zéro de l’Ecriture, Athènes, Kedros, traduction : Papaiakovou Katerina, 1987
14
§ Vérité
D’après Kant, il n'y a pas de corrélation entre la production culturelle et intellectuelle
et des fins, des valeurs sociales et culturelles. La vérité et la beauté existent
indépendamment.
Selon la théorie du miroir si les journalistes exhumaient les éléments et les alignaient,
la vérité se révélerait automatiquement15. Cependant, le réalisme est survenu à un
moment où le journalisme avait rompu avec les partis politiques et faisait preuve
d’une grande volonté de s’appliquer à plus de précision. Réalisme et réalité,
l'exactitude et la vérité, n’ont pas été si facilement assimilés par les chercheurs
ultérieurs. Ainsi, si un journal publie un long article sur le discours du maire lors
d'une célébration de la police, le texte bien que réaliste et «vrai» semblera ironique si
la police dans la région a récemment été impliquée dans un scandale.
Selon Walter Lippman dans « Opinion Publique » : « […] les nouvelles et la vérité ne
sont pas la même chose. La fonction des nouvelles est de marquer un événement ou
d'informer le monde à ce sujet. La fonction de la vérité est de mettre en lumière des
faits cachés, de les combiner et de créer une image de la réalité, sur laquelle le
citoyen peut agir. »
Pour les marxistes et les structuralistes la vérité journalistique a été conçue comme
allant au-delà d’une simple précision. Elle a été conçue comme un processus de
clarification, qui se développe entre l'histoire originale et l'interaction qui se produit
au fil du temps entre le public, les auteurs des nouvelles et les journalistes16. Pour les
marxistes, les médias ne reflètent pas la vérité, mais les perceptions de leurs
propriétaires, les membres des classes dirigeantes. Pour les structuralistes, la vérité
dérive du code qui régit les textes, par la relation du signifiant et du signifié résultant
des différents niveaux de signification. En conséquence, la circulation de
l'information de masse, au-delà de la diffusion des connaissances parmi les
participants au processus de communication, implique la dispersion d'un ensemble
15
Schudson Michael, Discovering of News, New York, 1978, p. 6 16 Kovach Bill & Rosenstiel Tom, The Elements of Journalism (What Newspeople Should Know and the
Public Should Expect), Athènes, Kastaniotis, 2004, p. 53
15
d'idées, croyances et opinions, qui affectent si elles ne déterminent pas, l'attitude des
gens envers le monde, la société et la politique.
Bien que le produit final des médias ne soit pas connaissance dans toute l’acception
du terme, l'information et les messages transmis influencent et forment la
connaissance et les attitudes du public sur une grande variété de sujets. De cette
manière les médias sont aussi des mécanismes de socialisation et de transmission des
connaissances et des valeurs comme l'école et la famille17.
L'analyse de Daniel Hallin18 est instructive sur le rôle des médias dans les situations
de crise et de conflits. Halin diversifie la construction de l’actualité du journalisme en
trois sphères. La « sphère de consensus » est la sphère principale et présente ce que
les journalistes et les médias acceptent comme indiscutables. Les images de cette
sphère sont hors questionnement. Pour cette raison, les journalistes sont invités à
présenter objectivement toutes les questions qui y sont liées.
La « sphère de la dissidence légitime », est la seconde sphère à travers laquelle les
sujets sont considérés comme légitimement controversés. Dans cette sphère, la
neutralité et l'équilibre sont appliqués selon la gestion de la pratique journalistique.
Dans la troisième sphère, celle de la « déviation », le journalisme « […] assume un
rôle dans lequel il expose et condamne ou exclut de l'agenda public ceux qui violent
ou restreignent le consentement »19. En d'autres termes, les opinions appartenant à
cette sphère ne sont pas considérées comme sérieuses par la pratique journalistique.
Par contre, elles peuvent être utilisées pour renforcer les vues inhérentes aux deux
autres sphères.
Pourtant, les faits présents dans ces sphères ne sont pas statiques. Dans la pratique, ils
sont étroitement liés et se déplacent souvent d'une sphère à l'autre. Les chercheurs ont
appelé ce processus « crise de repères d’évaluation » ou encore « crise de priorité »,
17
Althusser, L., Idéologie et appareils idéologiques d’État, dans Althusser, L., Positions (1964-1975),
Paris, Les Éditions sociales, 1976, p. 67-125 18 Hallin, D., The “Uncensored War”: The Media and Vietnam, New York, Oxford University Press,
1986, p. 116-117 19
Ibid.
16
c'est-à-dire que les médias peuvent changer la perspective par laquelle les gens
évaluent les institutions, en concentrant leur attention sur un sujet plutôt qu'un autre20.
Les médias sont des mécanismes qui s'interposent entre les gens et la réalité qui les
entoure, apportant une abondance de renseignements sur ce qui se passe dans le
monde, comment il est fait et pourquoi. Cela signifie qu’un grand pourcentage de nos
connaissances sur ce qui se passe autour de nous vient des médias.
Par conséquent, les médias en tant qu’acteurs des mécanismes idéologiques, ne
reflètent pas la vérité. L’historien Simon Scapa a constaté que la certitude d'une
vérité, « empiriquement vérifiable » est morte21, tandis que Carl Bernstein avait dit de
ce processus que « les journalistes essaient de produire la version la plus réaliste de la
vérité »22.
§ Informativité
Malgré leurs différences, le structuralisme et le marxisme se rejoignent lorsqu’ils
affirment pouvoir percer à jour la véritable signification des messages et révéler les
voies et les mécanismes par lesquels celle-ci est perçue et comprise par le public.
Donc les deux théories soutiennent qu’elles tentent d’apporter une vision objective de
la réalité et qu’elles conquièrent la connaissance définitive et l'interprétation correcte
des différentes formes de production culturelle et intellectuelle.
Ce qui figure dans l'histoire comme le « postmodernisme » se caractérise par
l'impossibilité de trouver un sens « objectif ». La connaissance dépend des moyens
d’expression et de la forme dans laquelle un texte se structure, ce qui permet des
interprétations infinies.
Les médias construisent la réalité d'une certaine manière car ils choisissent de discuter
des aspects de ce monde complexe (agenda setting) et de plus utilisent des
expressions particulières qui proviennent d’autres sources pour les décrire,
contribuant ainsi à la construction de la réalité. La théorie de la «construction sociale 20 Papathanassopoulos, S., Les médias de masse en situations de crise, dans Papathanassopoulos, S. &
Komninou, M., Sujets de Déontologie Journalistique, Athènes, Kastaniotis, 2000, p. 67. 21
Wood, G., Novel History, New York Review of Books, Juin 1991, p. 16 22 Kovach, B. & Rosenstiel, T., The Elements of Journalism, op. cit., p. 56
17
forte», influencée par la philosophie phénoménologique et pragmatique dans les
décennies 60-70, a promu l'argument selon lequel nous ne pouvons pas séparer la
compréhension de la réalité des engagements de valeurs et des hypothèses
d'interprétation qui nous guident dans notre vie quotidienne, parce que nous nous
trouvons dans une interaction sociale avec les autres. Alors que les journalistes, ne
pouvant être libérés de leurs faiblesses humaines, plutôt que de rapporter la réalité
sociale, la construisent.
Pour Allan Stuart23, les efforts destinés à trouver des variables pour mesurer
l'objectivité sont condamnés, parce qu'il n’y a pas de constantes indépendantes qui
mesurent la réalité. Il s’agit toujours de récits. Le monde social se produit à travers
des récits qui le décrivent. Ainsi, les déclarations d’un témoin oculaire et les
statistiques officielles ne sont que des formes alternatives du discours public plutôt
que d'une mesure fixe de l'objectivité. Les journalistes ne produisent jamais de «
visions objectives du monde »24, mais des estimations qui équilibrent une version de
la réalité socialement construite sur une autre.
La production des médias pose la question de la représentation de la réalité et
comment elle est perçue par le public. Dans la mesure où les médias constituent le
médiateur entre la réalité et l'individu, soulignant ou omettant les aspects de ce qui se
passe autour de nous, ils sont des mécanismes de représentation et de présentation de
la réalité aux personnes. Cela fait apparaître le problème de la production des
connaissances et de la capacité de l'homme à avoir une vision objective du monde
autour de lui.
Basée sur ces théories, « l’informativité » des nouvelles ne peut pas être garantie.
Stuart Allan affirme que les nouvelles ne sont pas uniformément comprises par le
public. Il existe une possibilité de multiples interprétations de chaque texte. C’est
aussi la perception de Baudrillard qui parle d'un monde décentralisé, chaotique, doté
de multiples significations, dans lequel aucune signification générale ou d’ordre
général ne peut être trouvée, car personne ne peut « […] échapper à la perpétuité des
23
Allan, S., News, Truth and Postmodernity: unraveling the will to facticity, dans Adams, B. & Allan S., Theorizing Culture, London, UCL Press, 1995 24 Tuchman, G., Objectivity as a Strategic Ritual, American Journal of Sociology, 77 (4), 1972, p. 660-
679
18
récits, des codes et textes culturels qui se recyclent par les médias de
communication. » 25
§ Signification
« La presse ne peut pas toujours réussir à dire aux gens que penser, mais elle marque
un succès considérable à imposer à ses lecteurs sur quoi penser. »
Bernard Cohen26
Dans le modèle de communication de Katz et Lazarsfeld, la théorie du
« gatekeeping » fournit un processus par lequel une personne contrôle le flux des
messages à travers un canal de communication.
Le cadre du fonctionnement de « gatekeeper » repose sur l'hypothèse qu'il existe une
authenticité des événements précise, définie et reconnaissable dans le monde réel et
que le devoir des médias est de la choisir, en fonction des critères représentatifs de
l'importance des événements. Comme l’affirme Fishman27, la plupart des chercheurs
croyaient soit que les informations reflètent la réalité, soit qu’ils la déforment et que
cette réalité se compose d'événements qui se passent dans le monde et qui existent
indépendamment de la manière dont les journalistes les perçoivent et les traitent lors
de la production de l’information.
Pour Fishman la préoccupation principale devrait être la « fabrication des nouvelles »
parce qu'il est évident que le contenu de l'information finale des médias provient de
plusieurs « portes » et prend des formes différentes. Elle peut être demandée ou
commandée à l'avance, ou être découverte soudainement. Parfois, cette découverte
peut être construite et organisée dans le cadre de l'organisation des médias. Un tel
processus de fabrication, y compris la sélection des nouvelles, n’est pas aléatoire ni
subjectif. La fabrication survient en grande partie selon l'interprétation et le «cadrage»
causés par les institutions bureaucratiques qui constituent des sources des nouvelles
(postes de police, bureaux, tribunaux, organismes gouvernementaux).
25
Baudrillard, J., Pour une critique de l'économie politique du signe, Paris, Gallimard 1977 26 Cohen, B., The Press and Foreign Policy, Princeston, Princeston University Press, 1963, p. 13 27
Fishman J, Manufacturing News, Austin, University of Texas Press, 1980, p. 13
19
Les chercheurs modernes ont donc renoncé au concept selon lequel les journalistes
agissent comme des cartographes de la vie quotidienne. Il y a trop de nouvelles
fongibles quotidiennement, soit en raison du manque d'espace, soit parce qu'elles ne
sont pas signifiantes ou « vendables ».
Le choix des sujets porte sur les thèmes invariants du journalisme, grands moteurs de
l’intérêt du lecteur : l'actualité, l'originalité, l’humain, la nouveauté et la proximité du
fait28. Ou, selon d'autres chercheurs29: a) le sens, l'impact, la portée b) l’intrusif, le
conflit, l’étrange c) les personnalités de haut rang. Alexopoulos Dimitris, journaliste,
traduit ces critères dans la langue des rédactions comme un triptyque de « sang –
couronne - sperme ». Cela signifie des sujets liés à la violence ou la souffrance
humaine, incluant la puissance ou les questions sexuelles.
Certains sujets sont controversés par l'opinion publique30. Le fait que les sujets soient
bilatéraux, et impliquent un conflit, nous rappelle que la détermination de l’ordre du
jour est par nature un processus politique.
Ainsi, Dearing & Rogers31 ont-ils désigné comme « l’indice objectif de la réalité »
une variable en relation avec le degré objectif de dangerosité ou la gravité d'un
événement. Cependant, leurs recherches ont montré une relation négative entre cet
indice et l’agenda des médias. L’apparition d’un sujet sur l’agenda médiatique ne
dépend pas seulement de la gravité et de la dangerosité, mais aussi du choix lors de
l’organisation des informations de le présenter à ce moment. Cobb et Elder, ont
souligné le rôle des événements-stimuli (trigger events) pour l’apparition d’un
thème32. Un fait-relance a lieu et attire l'attention et l'action. D’autre part Ekecrantz a
dépeint le « embeddedness »33 des nouvelles valeurs journalistiques dans les
conditions spécifiques sociopolitiques. En 1925, par exemple les questions de la
28
Gérard Hoffbeck, Ecrire pour un journal, Paris, Dunod, 2001, p. 57 29 McCombs, M., Einsiedel, E., Weaver, D., Contemporary Public Opinion Issues and the News,
Athenes, Kastaniotis, 1996, p. 69 30 Cobb, W. & Elder, D., Participation in American Politics: the dynamic of agenda-building, Baltimore,
Johns Hopkins University Press, 1983 31 Dearing, J. & Rogers, E., Agenda-Setting, Athènes, Papazisis, 2005, p. 61 32 Cobb, W. & Elder, D., Participation in American Politics, op. cit. p. 85 33
Ekecrantz, J., Journalism’s “Discoursive Events” and Sociopolitical change in Sweden 1925-87, Media Culture Society, 19 (3), 1997, p. 393-412
20
modernité, de l'attrait de la technologie, et la grandeur nationale guidaient le choix des
sujets.
À un moment donné, et pour un certain laps de temps, différents médias attachent une
importance similaire à un groupe de sujets. Leur texte diffère. En général, cependant,
les médias ont tendance à s'accorder sur le nombre ou la proportion de bulletins
d’information consacrés à un thème particulier34.
Ainsi, l’agenda est-il un groupe de sujets communiqués selon une hiérarchie basée sur
leur importance. Les scientifiques politiques Cobb et Elder35 ont présenté l'ordre du
jour comme un groupe de conflits politiques qui, à tout moment, peuvent être
considérés comme relevant de la gamme des intérêts légalisés qui nécessitent
l'attention de l'Etat.
Frame et stories
Le chercheur Gaye Tuchman36 se réfère au frame analysis (cadres de l’expérience)
d’Erving Goffman pour expliquer pourquoi les reporters retiennent une information
plutôt qu’une autre. « Encadrer, c’est choisir quelques aspects d’une réalité perçue et
les rendre plus saillants dans un texte, de façon à proposer une définition particulière
d’un problème, une interprétation causale, une évaluation morale et/ou une
recommandation de solution »37. Les frames donc, sont des principes qui relient les
journalistes au monde qu’ils observent, au public qu’ils informent, et aux politiques
narratives au sein desquelles ils agissent.
Certes, afin de ne pas confondre l'angle avec le manque d'objectivité, nous devons
également nous référer à la théorie des news stories (histoires, récits). Selon cette
théorie, les faits et la narration (histoire) ne sont pas contradictoires. Simplement, les
reporters ont recours à des normes qui peuvent leur « servir à identifier les questions
pertinentes ». Le journaliste emprunterait au passé immédiat des éléments de
construction d’une mise en scène destinée à dire, non pas ce qui s’est passé, mais ce
34 Dearing, J. & Rogers, E., Agenda-Setting, op. cit., p. 159 35 Cobb, W. & Elder, D., Participation in American Politics, op. cit. 36
Tuchman, G., Telling stories, Journal of Communication 26, 1976, p. 93 - 97 37
Entman, R., Framing: Toward Clarification of a Fractured Paradigm, Journal of Communication 43(4), 1993, p. 52
21
qui va se passer : «L’information n’est pas tournée vers l’intelligibilité de ce qui s’est
passé, mais vers l’attente de ce qui n’est pas encore »38. L’histoire est soumise alors
aux principes d'organisation des phénomènes sociaux accessibles à l’analyse sociale.
Ainsi, dans des conférences de rédaction, les journalistes parlent entre eux, moins des
faits eux-mêmes que des stories qu’ils peuvent ou non réaliser à partir de ceux-ci. On
ne sait pas si ce processus de choix est déterminé par des cadres conscients ou non39.
Mais ce qui est clair c'est que les cadres dans le cas médiatique, ne sont pas -ou pas
seulement- des cadres d’interprétation de la réalité, mais des cadres d’interprétation
du rôle du journaliste face à la réalité et singulièrement la temporalité de celle-ci.
Toute société en un sens, comme le note Francis Balle40, est une machine à fabriquer
des histoires.
Les personnes et la sélection
La pression exercée sur les journalistes pour les contraindre à observer les délais ainsi
que les exigences d'impartialité et d'objectivité ont comme résultat « […] un hyper-
accès aux médias systématiquement structuré, de ceux qui occupent des postes
puissants et privilégiés dans la société »41. Cela a été appelé par Becker la «hiérarchie
de crédibilité»42 : la faculté pour ceux occupant la plus haute position hiérarchique
d’exprimer leurs vues sur les questions conflictuelles, puisque ces «porte-parole»
donnent l'impression qu'ils ont accès à plus d’informations précises ou plus
spécifiques que la majorité de la population. Grant43 a tenté de normaliser cette
tendance des médias, séparant les sources en « marginalisés » et « en réseau ». Plus
précisément, il a diversifié les « en réseau» des « internes », ceux qui travaillent dans
les ministères ou départements gouvernementaux (profil haut, profil bas et
claustration,) et en «externes», ceux qui ont refusé de participer (potentiellement, par
nécessité, idéologiquement).
38
Tétu J.-Fr., L’actualité ou l’impasse du temps, dans Bougnoux B., (dir.), Les sciences de la
communication, Paris, Larousse, 1993, p. 720-721 39
Tuchman, G., Telling stories, op. cit., p. 93 - 97 40
Balle, F., Medias et Sociétés, Paris, Montchrestien, 2009 41
Hall, S., Chritcher, C., Jefferson, T., Clarke, J., Roberts, B., Policing the Crisis: Mugging, the State and
Law and Order, dans Komninou, M. & Lyritzis, C., Société, Pouvoir et Medias de Masse, Athènes,
Papazisis, 1989, p. 58 42
Becker, H., Whose side are we on?, Social Problems, (14), 1967, p. 239-247 43
Grant, W., Pressure Groups Politics and Democracy, Hemel, Hempstead, 1990
22
Cela reflète le fait qu'une partie importante de la sélection de l’information tourne
autour des personnes, et surtout autour des gens qui sont de plus en plus disponibles
en permanence pour parler, plutôt qu’autour des événements et des institutions.
Souvent les journalistes sont bien en réseau autour des personnalités éminentes dont
ils peuvent s'assurer rapidement des déclarations exclusives. C'est l'étape de la critique
de Noam Chomsky44 dans « Necessary Illusions, Thought Control in Democratic
Societies », où il semble convaincu que l'unilatéralisme des sources n'est pas dû aux
exigences de la profession et que les journalistes trouveraient s'ils le voulaient des
sources plus critiques.
Selon Schlesinger45, cependant, l'approbation de Hall souffre de lacunes théoriques.
Tout d'abord, la cohérence des joueurs ne devrait pas être surestimée, parce que
parfois ils expriment des opinions contradictoires. Ensuite, les journalistes font face
souvent à une difficulté majeure : déterminer les limites précises entre ceux qui ont le
pouvoir d'influencer l’information et ceux qui occupent une position secondaire. En
outre, « […] il doit être souligné que les opinions qui ne sont pas présentées ne sont
pas réprimées. Il y a dans tous les cas des canaux alternatifs d'expression des
opinions minoritaires. Le problème est que ces points de vue doivent passer par un
chemin plein d'obstacles, auxquels beaucoup ne survivront pas. »
Concernant la forme de journalisme, les médias impliquent des personnes soit sous la
forme de déclarations soit en «personnifiant» des sujets abstraits visant à les rendre
plus reconnaissables et intéressants pour le public. Le plus célèbre est la personne
dans la sphère d'activité, attirant la plus grande attention et à qui les médias
réserveraient l’accès le plus préférentiel. Les nouvelles émanent souvent plus des
correspondances de « personnalités éminentes » sur les faits, que des faits eux-mêmes.
Il existe une tendance à présenter des événements mondiaux de l'histoire comme des
histoires de héros et d'aventuriers46.
44
Chomsky Noam, Necessary Illusions - Thought Control in Democratic Societies, London, Pluto Press,
1989, p. 77 45
Schlesinger, P., Rethinking the Sociology of Journalism: source strategies and the limits of media
centrism dans Ferguson, M., Public Communication: the new imperatives, London, Sage, 1990 46 Dayan, D. & Katz, E., Media Events, Cambridge, Harvard University Press, 1992
23
Nouvelles en fonction du temps
Selon une étude réalisée par Tuchman47, sur la détermination des faits en fonction de
leur dimension temporelle, les journalistes agissent sur la base d'une typologie des
nouvelles chronologiquement déterminée qui aide à organiser leur travail. Les
principaux types sont les « nouvelles dures », qui traitent directement les événements,
et les « nouvelles légères », qui sont de nouveaux accompagnants ou achroniques. Par
ailleurs, trois catégories existent. Le « coin », une information très nouvelle et
inattendue, « l'histoire évolue » et les « nouvelles en continu ».
L'énorme influence du temps dans le journalisme apparaît dans la transmission des
nouvelles. Schlesinger48 parle d'une culture de « mise en scène et de surveillance » qui
va au-delà de ce qui est nécessaire pour des raisons pratiques et devient critère de
professionnalisme. « Dans les salles de rédaction nous ne parlons plus de
journalisme. Nous souffrons de la pression de l’entreprise et sommes soumis aux
limites de la livraison du matériel »49, avait déclaré Max King, rédacteur du
Philadelphia Inquirer.
En effet, de nombreuses contraintes temporelles pèsent sur le fonctionnement des
rédactions des quotidiens : les différentes conférences de rédactions et notamment
celle du matin qui marque le départ de la journée, mais surtout le bouclage, heure
fatidique où l’ensemble des papiers doit être rédigé, corrigé et mis en page. Les
journalistes ont donc pour obligation de rendre leur papier à une heure précise et
quasiment inamovible, définie par chaque quotidien. Si certaines entorses peuvent être
opérées et l’horaire habituel de bouclage décalé, dans le cas d’une forte actualité ou
d’un événement jugé majeur, les journalistes sont tout de même soumis à cet impératif
de temps indubitable. En effet, comme le rappelle Érik Neveu50, «[…] les contraintes
temporelles qui pèsent sur la rédaction sont inséparables d’un aval de la production
de l’information : horaire de tirage à l’imprimerie, expédition des exemplaires par
messageries ou camions de l’entreprise, remise des exemplaires dès cinq heures du
matin pour la diffusion aux abonnés effectuée par “portage” dans les boîtes aux
47
Tuchman, G., Making news: a study in the construction of reality, New York, Free Press, 1978 48
Schlesinger, P., Putting “Reality” Together : BBC news, London, Constable, 1978, p. 105 49 Kovach, B. & Rosenstiel, T., The Elements of Journalism, op. cit., p. 13 50
Neveu Erik, Sociologie du journalisme, Paris, La Découverte, 2004, p. 45-47
24
lettres. » Ainsi, les journalistes sont-ils tenus de rendre leurs papiers dans les délais
fixés par chaque rédaction, sous peine de bousculer et de retarder la chaîne de
production du quotidien.
Il est donc évident que l'ordre du jour est le résultat d'une interaction dynamique.
Comme l'importance des différents sujets fluctue au fil du temps, l’agenda reflète des
instantanés de cette liquidité51. En conséquence, « la signification » d'un sujet dépend
de nombreux facteurs qui ne sont ni objectifs ni toujours réalistes.
b) Impartialité
La partialité politique peut être un comportement de l’entreprise journalistique, une
coloration politique délibérée des nouvelles, afin de favoriser un groupe ou une vue au
lieu d’une autre. Mais la partialité politique peut être aussi le résultat d’un
comportement individuel, la manière dont l’entreprise sélectionne et explique les
nouvelles.
Les barons de journaux pendant la guerre, comme Beaverbrook et Northcliffe, ont
insisté sur leur droit de propriété à utiliser leurs journaux comme ils le souhaitaient52.
Pour eux, dicter la ligne éditoriale de leurs journaux était juste l'un des droits de
propriété. Le Baron Beaverbrook, propriétaire du « Daily Express » l’avait avoué
d'une manière très sincère à la Commission Royale d'enquête sur la presse en 1949:
«Je dirige un journal juste pour faire de la propagande et aucun autre motif. »53
Pendant la guerre froide des universitaires libéraux et des journalistes ont cherché des
moyens pour rendre plus distincte la presse de l'Ouest de la presse antilibérale et
contrôlée du bloc de l'Est. L'image d'une presse, contrôlée par des capitalistes ou des
barons de l’information qui rejoignaient chaque fois un parti différent en fonction de
leurs intérêts, était loin de démontrer la différence Est-Ouest. Ainsi le modèle de la «
responsabilité sociale »54 est-il né, plaçant le journalisme dans un cadre réglementaire
51 Dearing, J. & Rogers, E., Agenda-Setting, op. cit., p. 20 52 Manning, P., News and News Sources, a Critical Introduction, Kastaniotis, Athènes, 2007, p. 190 53
Driberg, Τ., Beaverbrook: A Study in Power and Frustration, London, Weinderfeld and Nicolson, 1956, p. 140 54 Siebert, F., Peterson, Τ., Schramm, Μ., Four Theories of the Press, Urbana, University of Illinois
Press, 1956
25
qui exigeait des journaux de reconnaître qu'ils avaient des obligations au-delà du
profit ou de la propagande.
Cependant, il y a de nombreuses approches différentes du rôle du journaliste et de sa
mission. Dans une première lecture en 1963, Bernard Cohen55 a introduit deux
fonctions distinctes du rôle du journaliste. Le premier est celui de « journaliste
neutre » et le second celui du « participant ». Le premier rôle se réfère aux théories
considérant la presse comme informateur, ou miroir des événements. Le rôle du
participant est directement lié à la théorie du «quatrième pouvoir». Dans ce cas, le
journaliste rapporte les positions ou les préoccupations du public, critique le
gouvernement et exprime des opinions politiques56.
Alors que les deux types de journalistes professent l'impartialité de leurs nouvelles,
plusieurs facteurs font qu'il est difficile ou impossible de réussir la libération totale
des médias d’éléments liés à la nature de la profession, mais aussi du contexte
sociopolitique dans lequel ils fonctionnent et des caractéristiques narratives humaines.
La théorie de la mobilisation57 souligne la capacité des organismes d’information à
intervenir dans l'intérêt public en focalisant l’attention du public sur des sujets
d'intérêt et à encourager des campagnes publiques pour des réformes. En ce sens, les
journalistes sont favorisés pour fonctionner dans ce que Bardoel58 a décrit comme «
niveau moyen», une dimension au-dessus du « niveau-bas » des citoyens ordinaires,
qui interagissent et discutent avec les autres et au-dessous du « niveau haut », l'élite
politique et les dirigeants qui prennent les décisions. Alors que les journalistes
devraient être sensibles aux besoins du « niveau bas », ils sont placés au-dessus en
raison de leur capacité à contrôler le flux d'informations et à construire l’agenda. Par
conséquent, si le rôle du journaliste est de critiquer et de s’exprimer politiquement, il
devra à travers ses écrits promouvoir une idéologie, ou même au-delà, pousser à une
sorte d'action.
55
Cohen, B. The Press and Foreign Policy, Princeton, NJ: Princeton University Press, 1963, p. 191 56
Denis McQuail, La Théorie de la Communication de Masse pour le 21ème siècle, op. cit., p. 296 57
Protess, D-L., The Journalism of Outrage. Investigative Reporting and Agenda Building in America, London, The Guilford Press, 1991 58
Bardoel, J., Beyond Journalism: A Profession between Information Society and Civil Society, European Journal of Communication, 11 (3), 283-302
26
En ce qui concerne le rôle de « journaliste neutre » il existe des obstacles à
l'impartialité de l'enregistrement des événements. Ce rôle ressemble à celui de la
théorie du journalisme-miroir59, selon laquelle la mission des médias est de tenir un
miroir en face de la société pour refléter son image.
Cette théorie, cependant, semble révéler un journalisme trop simpliste qui ignore à la
fois le besoin inhérent de choisir certaines matières au détriment d'autres, et aussi les
contraintes des canaux de communication et la forme de l'écriture créative. Les
journalistes écrivent des histoires. Pyramide inversée ou non, les nouvelles
n’apparaissent pas sous forme de communiqués de presse. Les journalistes sont des
êtres humains, et par conséquent ne peuvent échapper complètement à l'influence
d'opinions et d'émotions60.
§ Neutralité
Les journalistes préfèrent généralement défendre un rôle neutre, informatif. Ce rôle
est conforme à l'importance attribuée par la plupart des journalistes à l’objectivité de
l’information comme une valeur centrale professionnelle et la base même de leur
déontologie61. Il est compréhensible que la politisation intense et la participation
active du « modèle de mobilisation » ne soient pas faciles à concilier avec l'idée
d'impartialité d’une couverture neutre des nouvelles.
Pour cette raison, de nombreuses organisations journalistiques qui défendent le rôle
d’un « journaliste neutre » ont des « lignes directrices » visant à limiter la visibilité
de fortes opinions personnelles lors de la couverture de l’information. Cependant, la
sélection de la couverture « neutre » est aussi liée avec des « […] intérêts et de la
politique commerciale des agences de communication : la politisation et la
partisannerie tendent à limiter leur attrait pour le grand public. »62 Mais l'impartialité
doit signifier que le journaliste envisage les événements impartialement, mais aussi la
façon dont les perçoit le citoyen.
59 McCombs, M., Einsiedel, E., Weaver, D., Contemporary Public Opinion Issues and the News,
Athènes, Kastaniotis, 1996, p. 65 60 Stocking, H. & Gross, H., How do journalists think?, Bloomington, ERIC, 1989 61
Tuchman, G., Making news: a study in the construction of reality, New York, Free Press, 1978 62
McQuail, D., La Théorie de la Communication de Masse pour le 21ème siècle, op. cit., p. 296
27
Toutefois, les organisations journalistiques sont maintenant des entreprises liées à de
nombreux intérêts. Institutions communautaires, intérêts des entreprises locales,
sociétés mères, actionnaires, annonceurs. Les directeurs de journaux sont
généralement des hommes d'affaires qui disent passer au moins un tiers de leur temps
sur des questions d'affaires plutôt que de se consacrer au journalisme63. Les
propriétaires de médias, ou, s’agissant d’un média contrôlé par des entreprises
publiques, la personne élue au poste de directeur exécutif du conseil, décide en
dernier lieu de la qualité des nouvelles. Ce sont eux qui trop souvent choisissent,
embauchent, licencient et promeuvent leurs rédacteurs et leurs éditeurs, leurs
directeurs généraux, et leurs directeurs des nouvelles. Les propriétaires décident du
budget du département des nouvelles et de l’espace disponible pour les informations
et la publicité. Ils fixent des critères de qualité grâce à des gens de qualité qu’ils
choisissent et grâce à la politique de l’information qu’ils adoptent. Les propriétaires
décident des perspectives financières et du profit escompté. Les propriétaires
décident quels niveaux de qualité ils sont prêts à soutenir64.
Ainsi donc, l'indépendance des partis politiques ne signifie pas le désengagement. Ni
la neutralité. La ligne politique d'un médium n'est pas seulement l'idéologie politique
reflétée dans le contenu des articles. C'est la combinaison particulière d'objectifs et la
façon dont est établie leur hiérarchie qui finalement reflètent les préférences et les
aspirations de ceux qui le contrôlent65.
Ainsi, lorsque Rupert Murdoch a soutenu que « Singapour n'est pas libérale mais elle
est propre et libre de toxicomanes. Les incitations matérielles créent des entreprises
et l'économie de marché libre. 90% des Chinois sont plus intéressés par de meilleures
conditions de vie que par le droit de vote »66, il a clairement indiqué que pour les
médias qu’il contrôle, la démocratie arrive en deuxième position après la prospérité
économique. Ce concept va certainement affecter l'impartialité de l’information
s’inscrivant dans ce cadre.
63 Kovach, B. & Rosenstiel, T., The Elements of Journalism op. cit., p. 63 - 64 64 Johnson, T., Excellence in the News: Who Really Decides, dans Kovach, B. & Rosenstiel, T., The
Elements of Journalism, op. cit. 65 McCombs, M., Einsiedel, E., Weaver, D., Contemporary Public Opinion Issues and the News,
Athènes, Kastaniotis, 1996, p. 47 66 Dahrenorf, R., After 1989: Morals Revolution and Civil Society, London, Macmillan, 1997, p. 98
28
De même, une entreprise de presse pourrait théoriquement gagner plus, en
investissant moins- si elle pratiquait des tarifs publicitaires moins élevés avec une
audience plus restreinte. Elle pourrait abstraire de la couverture journalistique de
certaines catégories sociales, ce qui réduit les coûts. Cette politique, parfaitement
légitime selon des critères opérationnels, est loin d'être conforme à la logique «
d'impartialité » des nouvelles.
§ L'équilibrage
Pour Tuchman67, l'image d'un monde social complexe se trouvant en dehors des salles
de rédaction ne peut pas être perçue et décrite par la production d'une présentation
« objective ». Les journalistes sont impliqués dans des « rituels stratégiques », quand
ils coopèrent et entrent en interaction avec leurs sources pour compiler les rapports de
nouvelles.
Tuchman définit un rituel comme « une procédure de routine qui a peu de relation
avec le but final »68. Elle affirme que les rituels des journalistes ne peuvent jamais être
objectifs. Au contraire, ces pratiques sont celles qui aident les journalistes à construire
une réalité narrative, qui peut correspondre au nom d '«objectivité».
Les journalistes opèrent sous les pressions de la concurrence. Tout d'abord, ils doivent
écrire des articles aussi rapidement que possible pour satisfaire ou dépasser les limites
de bouclage, et identifier l’information aussi rapidement que possible pour précéder
leurs concurrents. Ensuite, conscients des risques de la présentation d’articles
inexacts, mais étant donné la pression du temps, les journalistes utilisent une variété
de techniques ou de « rituels » pour se protéger contre de tels risques. Ces techniques
comprennent la « présentation de toutes les possibilités », ou la confirmation que
l'interprétation de la vérité d’une partie est équilibrée par d'autres interprétations
différentes. En d'autres termes, les journalistes soutiennent l'objectivité en présentant
une diversité d’opinions. Tuchman ajoute que l'utilisation de certaines techniques de
rédaction d'un article renforce ces déclarations, par exemple des citations utilisées
67 Tuchman, G., Objectivity as a Strategic Ritual, American Journal of Sociology, 77 (4), 1972, p. 660-
679 68 Ibid.
29
« discrètement » pour marquer la distance entre le récit de la nouvelle et la neutralité
du journaliste impartial.
Mais la vérité n'est pas assurée par l'équilibre. Souvent un sujet présente plus de deux
aspects et parfois les deux parties n’ont pas de poids égal. L’équilibrage peut être une
solution pratique par rapport à la limite de temps dans la profession journalistique,
mais pas entièrement compatible avec l'impartialité comme une étape plus proche de
la vérité.
B. Contraintes du travail journalistique à la couverture des événements en
Grèce 1967-1974
L’étude du travail mené par les journalistes concernant la dictature de Grèce, laisse
apparaître deux catégories de contraintes et de caractéristiques du travail
journalistique. Une, relative au fait que le sujet du traitement médiatique avait lieu
dans un pays étranger et une autre, plus en lien avec la nature autoritaire du régime. Si
dans la réalité et pour le journaliste, celles-ci font partie d’un tout et sont comme
« entremêlées », leur distinction permet de mieux dégager leurs spécificités et ainsi de
produire une analyse plus précise de chacune d’entre elles. C’est pourquoi nous
aborderons dans un premier temps les contraintes liées uniquement au couvrage
médiatique des événements étrangers et dans un second temps, celles du travail
journalistique à un pays avec un régime autoritaire.
a) Des contraintes liées à la couverture des Nouvelles Internationales
L’internationalisation des nouvelles a réellement commencé simultanément avec le
développement des agences internationales de nouvelles au cours du 19e siècle.
Compte tenu de l'importance de l'information, c’est rapidement devenu le premier
produit des médias de masse soumis à une exploitation systématique des échanges
internationaux. Au fil des années, et des progrès technologiques, l'information est
devenue un élément standard et universel de communication, fournissant des
nouvelles sur les événements. Alors que les premières dépêches de l’étranger étaient
30
axées sur la politique, la diplomatie, la guerre et le commerce, l'éventail
d’informations s’est progressivement élargi. Des références au sport international, au
divertissement, à l’économie, au tourisme, à la mode, etc. sont apparues dans un
premier temps, timidement et brièvement. Puis, on a observé alors une explosion via
les communications électroniques et les médias mondialisés.
Cependant, le flux de nouvelles internationales, et les caractéristiques individuelles,
ne sont pas compatibles avec la norme de liberté et de l'égalité de l’information. La
situation a été interprétée en conformité avec les termes d'un modèle « centre-
périphérie » concernant le flux de nouvelles69. Selon ce modèle, le monde est divisé
en pays « centraux-dominants » et en pays « dépendants –périphériques » 70. Le flux
de l’information circule des premiers aux seconds. Les plus grands, pays « centraux-
dominantes » à partir desquels viennent les nouvelles ont leurs propres« satellites »,
même si ils sont moins dépendants et ont leurs propres mécanismes de collecte et de
traitement de l'information. En général, les États-Unis et les pays les plus puissants de
l'Europe (Royaume-Uni, France, Allemagne, Espagne, Italie), ainsi que la Chine et le
Japon (l'URSS avait ses propres satellites qui sont finalement déménagé à son
affaiblissement) ont chacun leurs propres satellites. Le monde arabe a ses propres,
créant des petites galaxies communicatives qui se chevauchent et que leur structure
diffère d'un media à l’autre.
Les principales raisons de cette dépendance d’information sont considérées comme
étant liées aux moyens de production insuffisants de leur propre information,
combinée à la facilité d'achat de nouvelles de la surproduction des pays-centraux.
L'inverse se passe dans les pays dominants. Il a été confirmé à plusieurs reprises que
les nouvelles dans ces pays, ne donnaient pas assez d’attention aux nouvelles
internationales, sauf pour les versions spécialisées ou élitistes. Les nouvelles
internationales se référaient largement aux nouvelles des pays qui étaient soit forts,
soit des voisins, soit riches, soit de langage et de culture communes, soit avec des
intérêts économiques communs. La plupart des nouvelles internationales ne donnent
que d'attention sur un petit nombre de crises en cours qui sont importants pour le
monde développé, comme la crise au Moyen-Orient. Par contre, de grandes zones
69
McQuail, D., La Théorie de la Communication de Masse pour le 21ème siècle, op. cit., p. 268 70
Galtung, J. & Ruge, M. The Structure of Foreign News, Journal of Peace Research, 1965, p. 64-90
31
géographiques sont systématiquement absentes, comme la guerre civile de trente ans
en Sierra Leone. Les pays en développement sont susceptibles d'entrer dans le
domaine de l'information des pays développés que lorsque certains événements
menacent les intérêts économiques ou stratégiques. Sinon, les nouvelles n’arriveront
aux médias que si elles démontrent aucun problème majeur ou une catastrophe qui
intéresserait le public dans les pays développés71.
Les raisons de ce «biais» dans la collection de nouvelles internationales n'est pas
difficile à détecter. Ils résultent d’abord de la structure des flux d'information à travers
les agences de nouvelles et du processus d’élection des nouvelles dans chaque media
séparément. L'ultime arbitre est le consommateur moyen, qui est considéré
généralement comme : pas intéressé par les événements qui se passent loin de lui. Les
agences des nouvelles recueillent les dépêches internationales selon ce qui serait
finalement intéressant pour l'audience nationale. Les rédacteurs des nouvelles
internationales des médias nationaux appliquent un ensemble de critères très
spécifiques, ayant comme résultat qu’une grande partie des nouvelles soit
éventuellement effacée : par exemple, les nouvelles venant de régions éloignées
n’ayant pas de lien direct ou indirect avec le pays de réception.
Plus précisément, Galtung & Ruge72 ont soulevé un certain nombre de facteurs sur
lesquels les nouvelles internationales seraient sélectionnées ou non pour être affichés
par les médias nationaux. Ces facteurs sont d'ordre organisationnel, socio- culturel et
concernent le genre de nouvelles. Les facteurs organisationnels sont liés à la collecte
de nouvelles et s’appuient sur des mécanismes pour l'enregistrement et de
radiodiffusion, qui promeuvent les événements ayant lieu près du siège des
correspondants (régions métropolitaines ayant une bonne communication). Les
acteurs associés au genre de nouvelles comprennent une préférence pour des
événements qui correspondent aux attentes antérieures du public, qui sont en
harmonie avec les nouvelles précédentes et peuvent facilement être installés dans leur
cadre interprétatif. Par exemple, les nouvelles liées au sous-développement et à la
crise endémique. Enfin, les facteurs socioculturels sont en rapport avec des valeurs
spécifiques axés sur les personnes et contiennent une préoccupation pour l'élite, et les
événements négatifs, violents ou tragiques.
71
McQuail, D., La Théorie de la Communication de Masse pour le 21ème siècle, op. cit., p. 271 72
Galtung, J. & Ruge, M. The Structure of Foreign News, op. cit., p. 64-90
32
Le résultat de l’élaboration de tels facteurs est que les pays en voie de développement
sont alors systématiquement « désavantagés ». Ils ne sont pas si importants pour être
intéressants, les événements sont souvent lents et complexes, ne comportant pas de
personnalités éminentes. Habituellement ils attirent l'attention des médias étrangers
qu’au cas de certains événements soudains négatifs et disparaissent tout rapidement
de la scène, il est donc peu possible d’avoir toute connaissance plus approfondie ou de
compréhension d'un sujet.
b) Des contraintes liées au régime autoritaire.
Au-delà des contraintes liées à la couverture des événements à l’étranger, la
méconnaissance du terrain et les difficultés abordés par le régime autoritaire doivent
également être pris en compte, pour comprendre le travail journalistique produit lors
la dictature en Grèce.
Dans la Constitution de 1968, en matière de liberté d’expression, le principe de celle-
ci était proclamé dans l’article 14 : « Chacun peut exprimer ses pensées verbalement,
par écrit, par voie de presse ou de toute autre façon, en observant les lois de
l’Etat »73. De même, concernant la liberté de la presse la constitution déclarait
clairement que « La presse est libre et remplit une mission publique, qui implique des
droits et des obligations, ainsi que des responsabilités, quant à l’exactitude de ce
qu’elle publie »74 en soulignant que « La censure et toute autre mesure préventive est
interdite »75.
Pourtant, le dernier paragraphe évoquait une série d’ « exceptions », où il était
justifiée la saisie des imprimés : « outrage à la religion chrétienne, à la personne du
Roi, au régime politique et pour cause de publication indécente »76. Basés en ces
citations, imposait la censure77 et limitant grandement la liberté d’expression78.
73
Varvaretos, G., La Constitution de la Grèce 1968 : interprétation par article, Athènes, Sakkoulas,
1968, (article 14 : 1) 74
Ibid., (article 14 : 2) 75
Ibid., (article 14 : 3) 76
Ibid., (article 14 : 5) 77
On entend par « censure », l’examen qu’un gouvernement fait faire des livres, journaux, pièces de
théâtre ou autres spectacles, avant d’en permettre la publication ou la représentation. Cette
antériorité constitue la caractéristique de la censure par rapport à la répression qui s’exerce après la
33
Par ailleurs, un de premiers mouvements du coup d’état était le musèlement de la
presse. Les journaux d’orientation centrale ou gauche ont été fermés, et les journaux
étrangers ont été interdits. La presse était pratiquement dictée par les services du
ministère de l'information : ceux-ci demandaient communication de tout commentaire
vingt-quatre heures à l'avance et imposaient leurs communiqués sur les nouvelles
intérieures à « l'Agence des Nouvelles d'Athènes », contrôlant toute nouvelle qui
sortait à l’étranger. Ils dictaient aussi chaque soir la physionomie de la première page,
avec l'emplacement des matières, l'importance du titre, le sujet des photographes, sans
oublier non plus ce qui ne doit pas y figurer.
Ainsi, étant donné que les communiqués de presse étaient soumis au contrôle d’état,
les médias étrangers devraient trouver des modes alternatifs pour éviter de publier
d’information pré-contrôlée. D’un part, les médias étrangers qui ne disposaient pas
d’envoyés sur le terrain, souvent consultaient des communiqués de presse des agences
étrangères, sous le risque de publier des nouvelles uniformes, ou qui reflèteraient un
aspect qui ne s’accordait pas avec leur orientation79. D’autre part, les médias qui
auraient la luxure d’un correspondant permanent ou d’un envoyé spécial, devraient
être préparés d’affronter de nombreux obstacles / menaces / conflits de la part du
régime, si le contenu des articles publiés était hostile vers la dictature80.
Outre les problèmes posés par le régime, la méconnaissance du terrain et la méfiance
des citoyens grecs, dont un témoignage à un média étranger pourrait leur couter la
liberté ou la vie, rendait l’investigation journalistique encore plus compliquée. La
contrainte de temps liée aux horaires de bouclage des quotidiens, constituait un
facteur en plus limitant le travail des journalistes, qui souvent cédaient à la solution
« facile » d’information provenant des sources officielles.
Ainsi, les conditions de travail lors de la couverture d’événements à un pays
autoritaire comme la Grèce de l’époque, contraignaient et bousculaient fortement le
production. Krakovitch, O., La censure des spectacles sous le second Empire dans La censure en France,
Ory, P., (dir.), Bruxelles, Complexe, 1997, p. 53. 78
Alivizatos, N., Les Institutions politiques de la Grèce à travers les crises : 1922-1974, Paris, Librairie
générale de droit et de jurisprudence, 1977, p. 515 79
Dearing, J., & Rogers, E., Agenda-Setting, op. cit., p. 99 80
Someritis, R. (dir.), Dictature 1967-1974 : La résistance de la presse, Athènes, Union des rédacteurs
de la presse de Macédoine-Thrace, 2011
34
travail des journalistes, par rapport au fonctionnement temporel et organisationnel des
rédactions.
II. CORPUS
A. Les Journaux d’opinion
Pour répondre à notre problématique, nous avons choisi d’analyser le discours tenu et
produit par trois quotidiens français à savoir : Le Monde, Le Figaro, et L’Humanité.
Nous avons choisi ces trois journaux du fait de leur diversité idéologique et de leur
grande popularité à l’époque que nous situons la recherche. Par ailleurs, nous
considérons, par leur diversité justement, qu’ils sont représentatifs de la presse
quotidienne française dite « d’opinion » des années 60-70.
Néanmoins, la catégorisation des journaux selon les auteurs se différencie. Jean-Marie
Charon par exemple considère que la catégorie « journal d’opinion » peut être utilisée
ici seulement dans le cas du journal l’Humanité. Par contre, puisque « les titres en
question s’emploient à proposer au jour le jour une présentation de l’actualité, tout
en l’organisant et en le commentant à partir de la grille d’analyse du courant
d’opinion dont ils se réclament. »81, Le Monde et Le Figaro feraient partie, selon lui,
de la catégorie « presse haut de gamme » . Cependant, pour Angelina Peralva et Éric
Macé, la catégorie « journaux d’opinion » englobe Le Monde et Le Figaro et,
l’Humanité est « l’organe officiel d’un parti politique »82.
Conformément au point de vue précédent, Denis McQuail nous fait la différence entre
le journal partisan ou politique et la presse générale, ou de référence. Il affirme que «
le journal politique ou partisan, est publié par un parti politique et vise à informer, à
mobiliser et à organiser ses lecteurs. Sa particularité réside dans son identification
avec la perception politique de son public des lecteurs, tout en continuant à être un
instrument pour promouvoir les intérêts politiques du parti ce qu'il sert. Il est produit
81
Charon J-M., La presse quotidienne, Paris, La Découverte, 1996, p. 37. 82
Peralva, A. é & Macé, É., Médias et violences urbaines : débats politiques et construction journalistique, p. 141.
35
des critères économiques privés, exprime sérieusement ses positions et est
formellement indépendant de l'État, bien que pouvant être financé par lui. »83
Par ailleurs, le journal général ou de référence est indépendant de l'Etat et des intérêts
organisés. Bien qu’il ait une certaine ligne idéologique, il possède un sens très
développé de la responsabilité sociale et nationale, contribuant à l'avancement de la
profession journalistique, jusque-là consacrée au simple enregistrement d'événements.
Selon cette définition, l'Humanité se classe alors parmi la presse partisane ou
politique, et Le Monde et Le Figaro parmi la presse générale ou de référence.
Toutefois, grâce au fait que les trois journaux disposent d’une ligne éditoriale et
politique plus ou moins appuyée et lisible, nous estimons qu’ils peuvent être
considérés tous les trois comme des journaux d’opinion. De plus, les grands
quotidiens nationaux Le Monde et Le Figaro peuvent être également considérés
comme des journaux de référence. Le choix de ces quotidiens d’orientation politique
différente s’explique par la volonté de présenter une plus vaste interprétation possible
de la dictature.
a) Le Monde:
Pour avoir le plus d'influence, un media devrait combiner la force économique avec
un capital symbolique élevé. Un tel journal est selon Bourdieu84 « Le Monde ».
Fondé en décembre 1944 à l'instigation du général De Gaulle, Le Monde visait alors à
combler le vide créé par la fermeture du journal Le Temps. Selon le général, « la
France avait besoin d'un journal quotidien valide, sérieux et crédible à l'étranger » 85,
un journal non-officiel concernant la politique étrangère et complètement indépendant
pour les affaires intérieures. Ils ont créé ainsi un journal à partir duquel les
gouvernements étrangers comprendraient le point de vue du gouvernement français
sur diverses questions internationales sans avoir à le déclarer explicitement, mais qui
83
McQuail, D., La Théorie de la Communication de Masse pour le 21ème siècle, op. cit., p. 42 84
Marlière, P., La sociologie du champ journalistique: la contribution de Pierre Bourdieu, dans Papathanssopoulos, S., Communication et Société du vingtième vers le vingt-et-unième siècle, Kastaniotis, Athènes, 2000, p.209 85
Padioleau, J-G., « Le Monde » et le « Washington Post », Paris, Presses Universitaires de France, 1985
36
serait aussi indépendant concernant par les affaires politiques en France. Tel était le
rôle attribué au journal Le Monde à l’époque.
Depuis sa création, la spécificité du quotidien était le « système de propriété »:
comme il se redéfinit, « Le Monde appartient à ceux qui le font, à ceux qui le lisent, et
à ceux qui l’ont soutenu quand menacé. » Avec une part importante de ses actions
partagées entre la Société des Rédacteurs, les autres employés, la Société des Lecteurs
et Le Monde Entreprises, « ses propriétaires » sont donc quasiment entièrement ceux
qui y travaillent.
Les Monde se classe parmi les journaux d'opinion, journaux qu’on considère, mis à
part leur rôle informatif, comme devant servir aussi des idées, des valeurs et des
croyances. Jusqu’en 1990, Le Monde ne publiait presque pas du tout de
photographies.
Correspondant d'abord à la « troisième voie » entre les Etats-Unis et l’URSS, à la
Gauche Démocratique après 1970 qui soutenait le Parti Socialiste, et ayant en même
temps d’ étroits liens avec la France catholique, Le Monde, à plusieurs reprises et de
façon répétitive, a été la cible de nombreuses attaques par la gauche et la droite en
raison de sa grande influence86.
Le journal Le Monde n’a pas de devise ni de slogan. Il constitue néanmoins le
quotidien français de référence. Sur son site Internet, une rubrique « qui sommes-nous
? »87 nous renvoie vers le fait que Le Monde soit d'abord un quotidien qui, depuis
décembre 1944, constitue une référence dans la presse francophone. Disponible dans
plus de 120 pays, il est diffusé à plus de 400 000 exemplaires et lu par près de 2
millions de lecteurs, en moyenne, chaque jour en France. Le Monde est aussi une
entreprise de presse qui édite de multiples publications partageant le même souci
d’indépendance et de qualité. L’aspect « journal de référence » est mis en avant, de
même que son rayonnement international. D’autre part, indépendance et qualité sont
les deux principales valeurs mises en avant par le titre dans son discours éditorial. Le
discours est donc, avant tout, et comme dans Le Figaro, un discours de légitimation
du journalisme professionnel.
86
Psychogios, D., Les médias imprimés, Kastaniotis, Athènes, 2004, p. 344-345 87
www.lemonde.fr
37
b) Le Figaro
Fondé en 1826 comme un journal satirique, il devient un quotidien en 1866 sous
l'impulsion d'Hippolyte de Villemessant. Son nom est venu du protagoniste dans
l’œuvre de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais « Le Mariage de Figaro » qui
avait comme devise « Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur ».
Sa ligne éditoriale est de droite ou de centre-droite, selon le spectre politique français
habituellement utilisé88. Très souvent, il était considéré comme proche de partis de
droite comme RPR, UDF, Démocratie libérale, ect.
Durant les années de guerre froide, l’hebdomadaire a défendu des écrivains critiques
du communisme ou transfuges du bloc de l'Est. Ces dernières années, Le Figaro,
tirant des conclusions des critiques des partis plus libéraux s et centristes et du fait de
son jeune public, souhaite se rapprocher d’une formule plus proche de celle d’un
« Washington Post à la française » ou celle de l'époque de Pierre Brisson, ce qui
implique une ouverture politique plus large.
c) L’Humanité
L’Humanité est fondé en 1904 par le dirigeant socialiste Jean Jaurès.
Socialiste jusqu'à fin 1920 puis communiste, organe central du Parti communiste
français de 1920 à 1994, il en reste très proche malgré l'ouverture de ses pages à
d'autres composantes de la gauche.
Dans la page wikipédia qui se réfère au journal, il est mentionné : Pour Jean Jaurès,
son fondateur, ce quotidien socialiste devrait être dans un premier temps un outil pour
l'unification du mouvement socialiste français et, par la suite, un des leviers de la lutte
révolutionnaire contre le capitalisme89. Dans son premier éditorial, Jaurès a fixé deux
règles de fonctionnement à son nouveau journal : la recherche d'information étendue
et exacte pour donner « à toutes les intelligences libres le moyen de comprendre et de
juger elles-mêmes les événements du monde », et l'indépendance financière90.
88
Blandin, C., Le Figaro. Deux siècles d'histoire, Paris, Armand Colin, 2007. 89
http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Humanit%C3%A9, Consulté le 17/08/2011 90
Chambaz, B., l'Humanité, 1904-2004, Paris, Seuil, 2004.
38
Durant la première période, la ligne éditoriale du journal suivait la ligne politique du
PC. Par exemple, il a approuve le pacte germano-soviétique de 1939 et dans le
contexte de guerre froide, le journal était prosoviétique. Parallèlement, le journal était
le seul quotidien français à soutenir partout dans le monde les luttes de libération
nationale (décolonisation) ce qui lui vaut de nombreuses interdictions de parution
notamment durant les guerres d'Indochine et d'Algérie.
En tant qu'organe central du PCF, l'Humanité est à la fois un outil de mobilisation des
militants et un journal d'information. En 1945, le journal tire à 400 000 exemplaires et
est la figure de proue de la presse communiste. Sa diffusion décline ensuite,
parallèlement au déclin de l'influence du PCF et à la crise de la presse quotidienne.
Après le XXVIIIe congrès du Parti communiste français (1994), la mention « organe
central du PCF » est remplacée par « journal du PCF ». À l'occasion d'une nouvelle
formule en 1999, la mention du lien avec le parti est supprimée. Le PCF reste selon
les statuts « l'éditeur » du journal mais sa direction ne préside plus officiellement à
l'élaboration de sa ligne éditoriale. Les militants du PCF restent cependant très
impliqués dans la diffusion du journal.
Après avoir baissé à 46 000 exemplaires en 2002, le journal a du ouvrir son capital en
2000 à des groupes privés, sans que cela ne leur ouvre de pouvoir décisionnel sur le
journal91.
B. Présentation résumée des événements des périodes examinées
Le corpus de la recherche ne comprend pas le total de publications pendant la période
de la dictature en Grèce, en raison de sa longue durée, du 21/04/1967 jusqu’au
24/07/1974. Cependant, nous avons choisi d’examiner les publications de quatre
périodes différentes, marquées par six événements importants qui ont joué un rôle
majeur au cours de la dictature.
91
http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Humanit%C3%A9, Consulté le 17/08/2011
39
a) 20 - 30 Avril 1967. Le coup d’état en Grèce
En juillet 1965, le gouvernement légitime de l'Union du Centre (EK) ayant comme
Premier ministre Georges Papandréou, (élu en 1963 avec le taux sans précédent de
53%), se trouve contraint à la démission par le jeune Roi Constantin, désireux de
donner un rôle actif au Palais dans la gestion de l'Etat92. Une période instable
commence, où de nombreux efforts des gouvernements successifs dans l'attente de
l’accord du Palais, sont blackboulés par le parlement. Par ailleurs, de violentes
manifestations éclatent dans le centre des grandes villes, appelant à de nouvelles
élections. Le refus de la cour d'approuver le recours aux urnes mène à une escalade de
l'agitation, qui conduit à la mort d’un étudiant appartenant à la jeunesse de la
Fédération de la Gauche (EDA).
Parallèlement, l'action d’une faction de paramilitaires d’extrême droite (IDEA)93
s'intensifie. Leur but est de fomenter un coup d’état et de s'emparer du pouvoir afin
de sortir le pays de «l'anarchie» et d'éliminer le «danger communiste»94 présent, selon
eux, dans l'aile gauche du parti Papandréou et qui l’emporterait sûrement en cas
d’élections. L’IDEA érode progressivement le corps principal de l'armée et ses chefs,
Georges Papadopoulos, Stylianos Pattakos, de l'Ebre, où ils avaient été envoyés par le
gouvernement de l’EK, se déplacent à Athènes.
Le 3 avril 1967, une réunion des dirigeants politiques avec le Palais, porte enfin ses
fruits. Un gouvernement intérimaire du Parti Conservateur (ERE) est désigné, dirigé
par Panagiotis Canellopoulos, afin de conduire le pays aux urnes le 28 mai.
Le 21 avril 1967 cependant, des officiers de l'armée sous la direction du colonel
Georges Papadopoulos, et avec la participation du général de brigade Stylianos
92
Roi Constantin B: « Roi des Grecs » à partir de 1964 à 1967. Ses droits étaient définis par le régime
de la monarchie constitutionnelle (Constitution de 1952). La monarchie sera définitivement abolie en
Juin 1973. Papadimitriou, G. & Sintirelis, G., La constitution de la Grèce, Athènes, Kastaniotis, 2001. 93
Karamanolakis, E., Six instants du 20ème
siècle : La dictature militaire 1967-1974, Athènes, TA NEA-
ISTORIA, 2010, p. 13-20 94
Michani tou chronou (Machine du temps), Emission télévisée, « L’insurrection de la marine contre la
junte », Interview Pattakos Stylianos à Filippopoulou Maya, Athènes, NET, date de projection :
23/05/2009
40
Pattakos et du colonel Nicolas Makarezos s’emparent du pouvoir par un coup d’état
militaire95.
Ayant déployé 100 chars autour de la capitale, les putschistes, au matin du 21 avril
occupent initialement le ministère de la Défense. Ensuite, ils mettent en œuvre le plan
d'urgence de l'OTAN qui, sous le nom de code « Prométhée »96, prévoyait la
mobilisation de toutes les unités militaires en Attique. Ce plan était destiné à la prise
du pouvoir par un coup de force de l'armée afin d'éliminer un possible « insurrection
communiste », au cas où la Grèce serait « envahie par des forces soviétiques ».
La principale cause du coup d'État était d'empêcher la victoire imminente de l'Union
du Centre aux élections. Georges Papandreou, tout anti-communiste qu’il était,
croyait que la persécution politique des communistes, les renforçait au lieu de les
affaiblir. Une victoire aurait permis de renforcer l'aile gauche d'Andreas Papandreou
et le dédouanement de l'armée des officiers d’extrême droite. Cette habilitation aurait
sans doute compris de nombreux leaders de l’IDEA97. La précédente tentative du
gouvernement de contrôler l'armée avait provoqué le conflit avec le palais et
l'apostasie de 1965. Si l'Union du Centre était réélue, l'intervention du palais serait
beaucoup plus difficile. Dans le même temps les déclarations anti-américaines
d'Andreas Papandreou, la politique de la main tendue vers l'EDA et l'incitation à
renforcer l'amitié avec les pays du Pacte de Varsovie avait alarmé tous les acteurs de
la droite institutionnelle et extra-institutionnelle, y compris les États-Unis. Étant
donné l'âge avancé de G. Papandreou, Andreas Papandreou semblait être son
successeur désigné s'il gagnait les prochaines élections. Parallèlement, les risques
d’un éventuel détournement du régime semblaient évidents. Un coup d'État était
également planifié par des officiers supérieurs sous les ordres du général Spantidakis
et encouragé par le roi Constantin II98. Ces scénarios avaient pour but de ravir le
pouvoir à l'Union du Centre si elle gagnait les prochaines élections, et de suspendre
certains articles de la Constitution pour un temps limité. Apparemment, les officiers
95
Degré Royal 280, Déclaration du pays en état de siège et suspension d’articles de la constitution,
Journal officiel de l’état, n°38, 21/04/1967 96
Karamanolakis, E., Six instants du 20ème
siècle : La dictature militaire 1967-1974, op. cit., p. 13-20 97
Sakellaropoulos, S., Les causes du coup d’état d’avril, Athènes, Nea Synora, 1998 98
Papachelas, A., Le viol de la démocratie grecque - Le facteur américain, Athènes, Estia, 1997
41
responsables du coup d’état du 21 avril 1967 ont agi plus rapidement et ont surpris
tout le monde.
Le roi Constantin a été averti de ce qui s'était passé par son collaborateur, le major
Michalis Arnaoutis, qui avait vu un groupe de soldats envahir la maison d'Andréas
Papandréou, son voisin. Le roi a immédiatement téléphoné au Premier ministre
Panagiotis Canellopoulos, qui l’a informé qu’il se trouvait en état d’arrestation à ce
moment précis, à 2h23 du matin.
A 8h00 les putschistes ont demandé à s’entretenir avec le roi dans le palais de Tatoi.
Après avoir déposé leurs armes au poste d'entrée (et perdant, donc une chance d’être
arrêtés) ils ont rencontré le roi Constantin, à qui ils ont demandé de signer les
déclarations qui permettraient la formation du gouvernement.
En fin d'après midi les deux parties sont parvenues à un accord99. Le roi a accepté que
les militaires reprennent les ministères et les colonels ont consenti à la nomination
d’un premier ministre civil. Constantin a suggéré Konstantinos Kollias, procureur de
la Cour suprême.
Les premières réactions au coup d'Etat ne sont pas venues d’Athènes assiégée, mais
de la province. De nombreuses manifestations ont eu lieu à Héraklion et Ioannina,
noyées dans le sang par l'armée100.
Le 27 avril, George Papadopoulos, en sa qualité de ministre de la Présidence, a donné
une conférence de presse aux journalistes grecs et étrangers101.
Le régime a justifié le coup d’état, soutenant avoir ainsi anticipé la prise du pouvoir
par les communistes. Les putschistes ont affirmé avoir découvert soixante-dix
camions chargés de faux uniformes militaires, que les communistes auraient utilisés
99
Vlachou, H., Cinquante années au journalisme : La lutte des « anthellèns », Athènes,
Eleytheroudakis, 2008 100
Trimis, D., (dir.) La résistance connue-inconnue contre la junte, Athènes, Ios Press (Eleytherotypia),
21-22/4/1997 101
« la Grèce est un malade sur lequel un chirurgien doit intervenir immédiatement, il faut amputer le
malade sous peine de gangrène, arrêter l’épidémie, mettre un plâtre à la démocratie, lui rendre la
santé.(..) Les maladies ce sont les microbes du communisme, de la corruption, de la malhonnêteté qui
ont envahi l’Assemblée (..)», Institute de digitalisation des Archives Nationales, Consulté le
10/09/2011
42
pour faire un coup de main102. Ils n’ont jamais établi aucune preuve étayant leurs
dires, bien que, aujourd'hui encore, ils persistent dans leur justification de
l'intervention103.
En même temps, des milliers de personnes étaient emprisonnées dans l'hippodrome de
Faliro, le stade de Karaiskaki et le stade de Panathinaikos104. Le coup d’état a fait des
victimes : trois morts le premier jour, Maria Calabrou, Vasilis Peslis et Panayiotis
Elis. Par ailleurs, presque tous les opposants du monde politique ont été arrêtés et la
loi martiale et la censure imposées.
b) 1-15 Décembre 1969. L’expulsion de la Grèce du Conseil de l'Europe
Le 31 Janvier 1968, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a dû examiner
deux pétitions, l’une provenant d’Amnesty International, qui déplorait la violation des
droits de l’homme par la dictature en Grèce105. La collecte des données avait été
réalisée par une équipe envoyée secrètement par Amnesty International en décembre
1967, afin d’enquêter sur les méthodes présumées de torture lors des interrogatoires
de dissidents. Les membres de cette équipe étaient Anthony Mareko, l’un des
fondateurs d'Amnesty International, présent au procès de Nuremberg et l'avocat
américain James Beckett106. Utilisant des contacts différents, ils ont réussi à présenter
deux rapports démontrant l'existence d'actes de torture horribles considérés « comme
pratique de routine administrative »107 dans les centres de détention de la sécurité
nationale grecque. Les victimes qui ont témoigné les abuses ont pu s’échapper du
pays avec l'aide d'Amnesty International.
102
Marceau, M., La Grèce des colonels, Paris, Laffont, 1967 103
MICHANI TOU CHRONOU (Machine du temps) Emission télévisée, L’insurrection de la marine
contre la junte, Interview Pattakos Stylianos à Filippopoulou Maya, Athènes, NET, date de projection :
23/05/2009 104
Selon les estimations, les premiers jours du coup d’Etat environ 6.500 d’hommes et 300 femmes
ont été déportés à Giaros. Durant la période 1967-1971 les principaux lieux de déportation étaient
Giaros, Oropos, Leros, Samothrace et Kithira, où se situaient les camps de concentration. La plus
grande partie des détenus était de gauche. Mitrophanis, G., Les détenus politiques : L’Etat après la
guerre civile - dictature dans Histoire néohellénique : 1770-2000, Athènes, Ellinika Grammata, 2003,
tome 9 / p. 127-130 105
Sartre, J-P. & Lanzmann, C., (dir.), Aujourd’hui la Grèce, Paris, Les Temps Modernes, 1969 106
Beckett, J., « L’affaire grec », dans P. & Giourgos, C., (dir.) La terrasse de Bouboulinas-Répression et
torture en Grèce 1967-1974, Athènes, Potamos, 2009 107
Someritis, R., « Pratique de routine administrative », Athènes, TO VIMA, 10/01/2010
43
Un mois plus tard, « Le livre noir de la dictature en Grèce »108 a été publié en France
par la Athènes-Presse Libre, dossier réuni par Aris Fakinos, Clément Lepides et
Richard Someritis, comprenant des descriptions macabres des torturés.
Le 25 mars, les Scandinaves ont présenté à la Commission européenne des Droits de
l'Homme des preuves d’exercice de la torture. Le 11 avril ces données ont été
confirmées par le secrétaire d'État anglais, tandis que le 8 mai de la même année, le
représentant néerlandais à l'Union interparlementaire, a rapporté des preuves encore
plus compromettantes.
Enfin, en décembre 1969, le Conseil des ministres de l'organisation a proposé
l'expulsion de la Grèce des colonels de ses rangs, en raison de la violation des droits
humains qui y était perpétrée. Le 12 décembre 1969, quelques heures avant qu’une
mesure d’exclusion ne soit décidée à son encontre, le régime des colonels prend les
devants, dénonce la Convention européenne des droits de l'homme et se retire du
Conseil de l'Europe109. Le lendemain, les journaux grecs parlaient de «conspiration»
de l’Europe et Pattakos a commenté la décision en disant que la décision du
Conseil avait dérangé la Grèce comme « un moustique, la corne d'un bœuf »110.
De nombreux analystes ont considéré cette attitude du Conseil comme un changement
de la politique étrangère vers l’idéalisme, par opposition au réalisme dur111, sans que
cela signifie la cessation des fournitures d'armes provenant de pays tels que la
Grande-Bretagne, l’Allemagne de l'Ouest et la France aux dictateurs. Néanmoins, l’
«affaire grecque» a été une leçon pour la politique sur les droits de l'homme en
Europe.
La Grèce n’a retrouvé sa place au conseil que cinq ans plus tard, le 28 novembre 1974
après la chute de la dictature et la restauration de la démocratie.
108
Fakinos, A., Lepidis C., Someritis, R., Le livre noir de la dictature en Grèce, Paris, Edition du Seuil,
1969 109
Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 87, p. 103 et annexe A des volumes 100, 196, 614, 777 et
793. 110
Tomai, F., Manifestant pour Panagoulis, Athènes, TO VIMA, 31/08/2008 111
Kambylis, P. & Giourgos, C., (dir.) La terrasse de Bouboulinas-Répression et torture en Grèce 1967-
1974, op. cit.
44
c) Novembre 1973. La révolte de l'Ecole Polytechnique. Le nouveau coup
d’Etat.
Le soulèvement de l’école polytechnique d'Athènes en 1973 a été la manifestation la
plus massive de l'opposition populaire au régime des colonels. Le soulèvement a
commencé le 14 novembre 1973, prenant presque l’ampleur d’une révolution et s'est
terminé par une effusion de sang dans la matinée du 17 novembre, après une série
d'événements débutant avec l'entrée des chars de combat dans l'Université.
L’année 1973 trouve le chef de la dictature, Georges Papadopoulos, ayant entamé un
processus de libéralisation du régime, qui incluait la libération des prisonniers
politiques, la levée partielle de la censure ainsi que les promesses d’une nouvelle
constitution et des élections pour un retour au régime civil. Ainsi des leaders de
l'opposition, ont-ils été en mesure d'initier une action politique contre la junte.
La junte, dans une tentative de contrôler chaque aspect de la politique, avait été
impliquée dans le syndicalisme étudiant depuis 1967112, interdisant des élections
étudiantes dans les universités, enrôlant de force dans l’armée des étudiants dissidents
et imposant des dirigeants non élus aux clubs d'étudiants dans l'Union Nationale des
Etudiants de Grèce (EFEE). Ce sont les étudiants les premiers à s’être mobilisés
massivement en manifestant publiquement contre la junte le 21février 1973.
L'agitation avait commencé un peu plus tôt, le 5 février, lorsque les étudiants de
l'Ecole Polytechnique ont décidé de faire grève. Le 13 février lors d’une manifestation
à Athènes, la junte a violé l'asile universitaire, chargeant la police d’intervenir. 11
étudiants ont été arrêtés et jugés.
A l'occasion de ces événements, le 21 février, presque 4000 étudiants en droit de
l'Université d'Athènes ont occupé le bâtiment de leur faculté au centre d'Athènes en
demandant la révocation de la Loi 1347 qui imposait le recrutement des « jeunes
réactionnaires », étant donné que 88 de leurs camarades avaient déjà été recrutés de
force113. La police a reçu l’ordre d’intervenir, et de nombreux étudiants dans les rues
environnantes ont subi des violences policières. Finalement, il n’y a pas eu violation
112
Trimis, D., (dir.) La résistance connue-inconnue contre la junte, op. cit. 113
http://www.sansimera.gr/articles/190 Consulté le 10/08/2011
45
du droit d’asile dans l’enceinte de l’université. Les événements de la faculté de droit
sont souvent cités comme précurseurs du soulèvement de l’Ecole Polytechnique.
Le 14 novembre 1973 les étudiants de l'Ecole Polytechnique ont décidé de se mettre
en grève et ont entrepris de manifester contre le régime militaire. Comme les forces
de l’ordre les observaient sans intervenir, les étudiants se sont barricadés à l'intérieur
du bâtiment de l'école et ont commencé à lancer des appels à l’insurrection via une
station de radio. L'émetteur a été construit en quelques heures dans les laboratoires de
l’école d’ingénieurs en génie électrique. Leurs messages ont été diffusés sur tous les
récepteurs d'Athènes et bientôt des foules ont rejoint les étudiants lors des plus
grandes manifestations contre le régime jamais vues depuis le début de la dictature114.
A 3 heures, le 17 novembre, après trois jours de nombreuses manifestations et un
appel à la grève générale pour provoquer la chute du régime, une intervention
militaire a été décidée. L’un des trois chars alignés devant l'Ecole, a défoncé le portail
principal. Comme il apparaît dans les films, désormais historiques, pris par un
journaliste néerlandais, le char AMX 30 a renversé la porte de fer tandis que les
étudiants se trouvaient encore au-dessus115. La transmission radio a continué même
après l'entrée de l’armée dans l'école. La chute de la porte a été suivie par l'invasion
d'une unité de soldats armés qui, avec la police, a violemment réprimé toute
manifestation de résistance.
Beaucoup d'étudiants ont trouvé refuge dans des bâtiments proches. Des tireurs de la
police ouvraient le feu embusqués sur les toits voisins, tandis que les hommes de la
police secrète chassaient les insurgés. Soldats et policiers ont tiré avec des balles
réelles contre les civils jusqu'au lendemain, faisant plusieurs morts dans la zone
autour de l'Université, et le reste d’Athènes. Le dossier officiel, selon le directeur de
la Fondation de la Recherche Nationale, Leonidas Kallivretakis en 2003, porte le
nombre de morts à 23, et celui des morts non identifiés à 16116.
114
Vlassidis, V., La siège et l’intervention, Thessaloniki, Agence Presse de Macédoine, 2002 115
Reportage choris synora (Reportage Sans Frontières), Émission télévisée, La vraie histoire du 17ème
de Novembre, Athènes, NET, date de projection : 17/11/2010 116
Tsevas, D., Mandat du procureur sur les morts des événements de l’Ecole Polytechnique, 15/10/1974, http://www.vrahokipos.net/old/history/gr/polytexneio/Tsevas.htm, Consulté le 18/08/2011
46
Le soulèvement de l’Ecole Polytechnique d'Athènes a déclenché une série
d'événements qui ont mis une fin brutale aux efforts de G. Papadopoulos de
libéralisation superficielle du régime de la junte. Quelques jours plus tard, le brigadier
Dimitrios Ioannidis, chef de la police militaire, utilisant le soulèvement comme
prétexte a organisé un putsch renversant Papadopoulos et le gouvernement Markezinis
le 25 novembre 1973.
Imposant la loi martiale, la nouvelle junte a nommé le général Phédon Gizikis
Président de la République et l’économiste Adamantios Androutsopoulos premier
ministre, Ioannidis préférant conserver le rôle de l'homme fort en coulisses.
L'intervention d’Ioannides a eu pour résultat l'effondrement du mythe selon lequel la
junte était constituée d’un groupe d'idéalistes supérieurs de l'armée.
Le nouveau régime a accusé la faction précédente d’avoir dérogé aux « Principes de la
Révolution du 21 avril » et a déclaré qu’il avait sauvé la « révolution » de la faction
Papadopoulos117.
La dictature imposée par Ioannidis a été plus dure que celle de Papadopoulos. Tous
les dissidents politiques ont été à nouveau exilés, ainsi que de simples citoyens, et
même des artistes et des intellectuels de gauche118.
d) Juillet 1974. L’invasion à Chypre. La chute du régime militaire.
Le régime Ioannidis a suivi une politique intérieure de répression agressive et une
politique étrangère expansionniste, entraînant le pays dans la tragédie chypriote.
Le 15 juillet 1974, la junte grecque en collaboration avec une organisation d’extrême
droite de Chypre (EOKA B) a organisé un putsch contre le gouvernement légitime de
l’île, présidé par Mgr Makarios119. Quelques jours auparavant, Makarios avait envoyé
une lettre à Gizikis, affirmant que des officiers grecs à Chypre préparaient un putsch
et appelant au retrait immédiat des armées grecques de l’île. Par cette lettre, Makarios
entrait pour la première fois en conflit ouvert avec la junte.
117
Reportage choris synora (Reportage Sans Frontières), La vraie histoire du 17ème
de Novembre, op. cit. 118
Mitrophanis, G., Les détenus politiques : L’Etat après la guerre civile, op. cit., tome 9 / p. 127-130 119
Karamanolakis, E., Six instants du 20ème
siècle : La dictature militaire 1967-1974, op. cit., p. 13-20
47
Le coup d'État, cependant, n'a pas eu de succès immédiat. Makarios a survécu au
bombardement du palais présidentiel et appelé à la résistance aux putschistes. La
guerre civile a commencé dans l’île.
Deux jours plus tard, la flotte turque attaquait le port de Kyrenia sous le prétexte que
la minorité turque de l'île était en danger. Les forces chypriotes et grecques ont réagi
faiblement à l’attaque, se trouvant désorganisées, sans officiers, déjà affaiblies par la
guerre civile. En Grèce, une mobilisation générale a été déclarée, mais l’Etat grec est
apparu incapable de réagir militairement craignant les conséquences de l'armement de
la population120.
Dans l'après-midi du 22 juillet, à New York, le Conseil de Sécurité des Nations-Unies
a décidé le cessez-le-feu. Avec la moitié de Chypre sous le contrôle des forces
turques et la faiblesse de la Grèce pour toute réaction, le régime militaire s'est
effondré le 24 juillet 1974. Le même jour, est arrivé à Athènes le vieux politicien
Constantin Karamanlis dans le jet de la présidence française, mis à sa disposition par
le président Valéry Giscard d'Estaing. La fin de la dictature était effective.
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
Nous avons pu analyser, au cours de la première partie, les caractéristiques
particulières de la définition de « l'objectivité du journalisme », en soulignant les
controverses et les difficultés de leur application pratique. Par ailleurs, nous avons
noté les caractéristiques des nouvelles internationales, afin de bien situer le cadre de
cette recherche.
Dans la seconde partie, reposant sur les données présentées antérieurement, nous
avons alors examiné la façon dont les trois principaux représentants de la presse
française ont traité la dictature grecque entre 1967-1974. Bien que selon Foucault121,
la quête de la « connaissance objective du monde » devrait être abandonnée, étant
donné que la communication et la connaissance résultent d'un ensemble de récits, 120
Rizas, S., Les dimentions internationales de la chute de la dictature, dans Vardiambasis, N., (dir.)
Historiques, Athènes, Eleytherotypia, 1999
121 Foucault Michel, « On Governmentality », Ideology and Consciousness, (6), 1979, p. 5-22
48
imprégnés par les intérêts des groupes sociaux et des institutions, qui sont
indissociables des réseaux de pouvoir qui forment la base de la production, nous
avons jugé nécessaire l’existence d’un cadre pour étudier les mécanismes des médias
et des nouvelles elles-mêmes Hall a d’ailleurs souligné dans sa critique de Foucault
que « Foucault vise à transformer le statut de la vérité dans un synonyme de
l'idéologie dominante. Il faut toutefois reconnaître qu'ils existent des régimes
différents de la vérité dans l'espace social. Et ceux ne sont pas une simple « pluriel » -
ils définissent un champ de force. Il ya des régimes de vérité inférieurs qui ont du
sens, qui possèdent quelque vraisemblance pour les sujets inférieurs, bien que ne
faisant pas partie de la science officielle. » 122
La « signification » n'est pas donné mais produit De nombreux types de significations
peuvent être attribués pour les mêmes évènements. Les approches conventionnelles
du contenu des médias avaient supposé que les systèmes de sélection et d'exclusion,
édition des descriptions, de formulation d’une description à une histoire, d’utilisation
de techniques narratives spécifiques, étaient des questions techniques. Mais en termes
de signification, tous ces éléments constituaient les formes d'une pratique sociale,
constituant les moyens par lesquels ces descriptions ont été construites. Ils
constituaient les moyens de production de formes symboliques123.
Le journalisme comme pratique discursive, c’est tenter de mettre au jour les rapports
reliant une position à un espace de production industriel et marchand, cet espace étant
lui-même intégré à un espace concurrentiel de production discursive124
Cependant, le contenu du journal est loin d’être le résultat de la somme des intentions
ou même des participations des journalistes. Une somme de facteurs imprévisibles et
personnels peuvent modifier le contenu radicalement. D'après l’étude de Michael
Schudson125, le pouvoir des médias n’est pas de dire la réalité, mais de choisir les
formes pour la révéler, ces dernières étant des conventions propres à une époque ; les
122
Hall, S., On Postmodernism and Articulation: an interview with Stuart Hall (par Grossberg, L.) dans
Morley D. & Chen K. , Stuart Ηall Critical Dialogues in Cultural Studies, London, Routledge, 1996, p.
136 123
Hall, S.,The rediscovery of “ideology”: return of the repressed media studies, dans Lyritzis, C. & Komninou, M., Société, Pouvoir et Medias de Masse, Athènes, Papazisis,1989 124
Ringoot, R. & Utard, J-M., Le journalisme en invention. Nouvelles pratiques, nouveaux acteurs, Rennes, Presses universitaires de Rennes, Coll. « Res Publica », 2005, p. 24 125
Schudson, M., The Politics of Narrative Form dans Schudson, M., The Power of News, Cambridge, Harvard University Press, 1995
49
formes narratives, que les journalistes doivent suivre pour être considérés comme
professionnels, ont aussi le pouvoir de contrôler les journalistes et, à travers eux, le
public usager des médias.
Dans ce contexte et en utilisant des techniques d'analyse de contenu, nous
examinerons ensuite l’attitude de la presse française sur le thème de la dictature
grecque et comment cette attitude à été exprimée.
50
DEUXIEME PARTIE
I. METHODOLOGIE
A. Analyse des paramètres du protocole
La méthode d'analyse choisie est l'analyse de contenu quantitative et qualitative.
L'analyse de contenu est la quantification de la signification qui se contient dans
divers documents. Etant donné que la signification peut être évidente ou latente, nous
allons analyser la forme et le fond des publications concernant la dictature en Grèce,
aux périodes historiques choisies.
Les statistiques sont apparues comme un outil de comparaison entre la forme et le
fond des publications des trois journaux, permettant une comparaison quantitative,
aussi qu’une qualitative. En effet, les statistiques permettent de comparer la part des
différents types d’articles et de déterminer la part de l’information sur l’analyse. Mais
pour être complète, l’étude statistique doit être complétée par une analyse du contenu
des publications.
a) Discours et tonalite des journalistes et des personnes parlantes.
Afin d’effectuer l’analyse du contenu des publications, nous allons analyser le
discours des journalistes, mais celui produit par les acteurs politiques ou les
intellectuels feront aussi l’objet d’une analyse de notre part, puisque nous pensons
qu’elles témoignent d’un choix des rédactions.
Plus précisément, la problématique du discours rapporté dans le texte journalistique
soulève le problème de l’interaction entre discours de sources et discours des
journalistes. Il s’agit pour nous de voir à qui le journaliste donne la parole dans son
article, et comment il le fait. En parallèle, nous examinons leur traitement par chaque
journaliste.
51
Pour cela nous reprendrons la proposition de Charaudeau, pour qui « le discours
rapporté se construit au terme d’une double opération de reconstruction /
déconstruction. Reconstruction puisqu’il s’agit d’emprunter un dit pour le réintégrer
dans un nouvel acte d’énonciation, ce dit passant par la dépendance du locuteur
rapporteur […]. Déconstruction puisqu’il affiche en même temps qu’il s’agit bien
d’un dit emprunté à un autre acte d’énonciation, le dit rapporté se démarquant du dit
d’origine… »126 dont nous retenons les éléments suivants : les manières de rapporter
soit par citation, intégration, narrativisation ou évocation explicitées.
La citation du dit marque nettement le discours d’emprunt. La marque est celle des
guillemets, mais on peut trouver d’autres manières de signaler la reproduction d’un
fragment du discours. Les paroles qui sont rapportées dans un article cristallisent des
façons légitimes de dire le réel, mais aussi et surtout, il s’agit pour le journaliste de
présenter les visées d’engagées des acteurs.
De cette manière, nous avons choisi d’analyser comme « locuteurs » seulement ceux
dont leur parole se ferme en guillemets. Quand le journaliste adapte le discours d’une
personnalité dans son texte, nous jugeons qu’il adopte cette opinion, sauf bien sur, les
cas ou la division est très claire.
Le type de discours du journaliste et des locuteurs se divise en Neutre/Descriptif,
Émotionnel/Évaluatif, Stimulant et Mixte, quand il contient plus qu’un des autres
types de discours. Ensuite, nous analysons leur tonalité vers le régime et la tonalité du
journalisme vers la résistance au régime.
b) La dimension évaluative des mots
La dimension évaluative de l'information suppose que les signes sont souvent porteurs
de charges positives ou négatives dans leurs propres langues naturelles ou dans les
codes de systèmes pour les membres d'une même communauté interprétative. Les
références aux personnes, aux objets ou événements peuvent également transférer des
valeurs.
126
Charaudeau P., « Les médias et l’information. L’impossible transparence du discours », Bruxelles,
DeBoeck, 2005.
52
Le travail de Osgood, Suci et Tannenbaum127 sur la structure d'évaluation de la
signification dans la langue à formé les bases pour le développement de mesures
objectives pour calculer l'orientation des valeurs de texte. Le but de cette approche est
la reconnaissance de mots qui reviennent fréquemment, en conformité avec leur bon
sens (le poids relativement positive ou négative dans l'utilisation quotidienne) et
l'enregistrement du point où les mots d'une valeur différent sont associés avec des
objets de comportement dans les nouvelles, comme les dirigeants politiques, les pays
et les événements. Avec de telles procédures il est possible de quantifier l'évaluation
que les médias donnent à un fait. Nous pouvons aussi détecter des réseaux
sémantiques associés à des prototypes de comportement et examiner ainsi plus
approfondi de les prototypes d’évaluation des textes.
Pour cette raison, dans une seconde analyse, sauf le ton général des écrits de
journalistes et des personnes parlantes sur le régime et la résistance au régime des
colonels, nous avons choisi de compter aussi l'utilisation (ou non) de certains mots
conceptuellement et idéologiquement chargés.
Ces mots sont:
Les mots qui se réfèrent à la nature du régime :
« Fascisme » > « Tyrannie » > « Dictature » > « Junte » > « Régime » >
« Gouvernement », « Ministre »
Le graphique ci-dessus reflète hiérarchiquement la charge négative des références à la
nature du régime. Il est très différent qu’un régime soie appelé « tyrannie » que «
gouvernement ». Par la même logique, il est très différent qu’un représentant du
régime soie appelé « dictateur » que « premier ministre ». En outre, il ya de différence
quand un mot apparaît entre guillemets ou non, ce qui suggère de la distanciation ou
même d'ironie par le journal. Ces références ont été comptées séparément, ainsi que
séparément ont été comptés les références des mots ci-dessus par les locuteurs. De
cette manière, nous examinerons la charge évaluative et par conséquent, la disposition
de chaque journal de « légaliser » le régime du 21 avril.
Les mots qui font référence à des pratiques du régime :
127
Osgood, K., Suci, S., Tannenbaum, P., The Measurement Of Meaning, Illinois, University Of Illinois Press, 1957
53
« Coup d’état », « Loi martiale », « Censure », « Violence », « Torture », « Exil »,
« Libéralisation/Normalisation », « Répression »
La référence fréquente ou pas aux pratiques répressives du régime suggère également
la charge évaluative d'un journal. De plus, l'existence ou non de guillemets à des mots
comme « Libéralisation » (qui renvoie à la tentative par Papadopoulos en 1973 de
« libéraliser » le régime) montre la « bonne volonté » des journalistes, envers l’effort
de démocratisation du régime. Ces références ont été comptées séparément, ainsi que
séparément ont été comptés les références des mots ci-dessus par les locuteurs.
Les mots qui se réfèrent à la nature de la résistance au régime :
«Communisme / Anarchisme», «Etudiants», «Opposition», «Résistance»
Les références à la nature de la résistance au régime sont également importantes.
L'adoption ou non du concept de la dictature de « danger communiste » doivent être
considérés. Il est également important d'examiner si les journaux se concentrent sur le
mouvement étudiant, ou sur l’idée la résistance généralisée à la dictature. Encore une
fois, les références entre guillemets ont été comptées séparément, ainsi que les
références des mots ci-dessus par les locuteurs.
Les mots qui font référence à des pratiques de résistance au régime :
«Manifestation», «Mouvement», «Révolte», «Émeute», «Solidarité»
La référence fréquente ou pas à des pratiques de résistance au régime suggère
également la charge évaluative d'un journal. Il est important carrément la façon dont
ces mots sont mentionnés, qui fait partie de la dimension évaluative générale des
textes. Les références entre guillemets ont été comptées séparément, ainsi que les
références des mots ci-dessus par les locuteurs.
54
II. ANALYSE DES RESULTATS DE LA RECHERCHE
A. Caractéristiques Générales
Les événements historiques des périodes sélectionnées pour notre analyse étaient
idéals pour les journalistes de l’époque concernant les paramètres du choix des
nouvelles. Ils combinent l’actualité, l’originalité, l’humain, la nouveauté, les conflits,
les personnalités de haut rang. Cependant, le fait que ces évènements aient eu lieu
dans un pays comme la Grèce réduit considérablement le temps et l’espace de
couverture par les médias.
En effet, vers la fin des années ‘60, la Grèce était un pays insignifiant dans l'Europe
du Sud, pays qui vient alors de sortir d'une guerre civile et que le lecteur français
moyen pouvait difficilement situer sur une carte. Suivant les intérêts des pays
occidentaux, la Grèce, à cette époque, était plus dépendante des intérêts anglo-
américains que des Français. L'attention du public français se tournait vers la Grèce
seulement en raison d’éléments culturels communs, de l'alliance pendant la Seconde
Guerre mondiale et de l'idée montante de l'Europe unie. La Grèce était donc un pays
« régional », selon la définition de Galtung et Ruge128 et ce qui la différenciait était le
fait qu'elle était le seul terminal Ouest de l'Europe de l'Est, contre le bloc soviétique.
Cependant, l'ère de la Guerre Froide facilitait la couverture médiatique des
événements comme les dictatures, les coups d’Etat, les révolutions. La moitié de
l’Europe étant sous régime soviétique, l’Espagne et le Portugal sous dictature et
l’Italie sous un régime de « semi-liberté », l’effondrement encore d’un régime
démocratique constituait un risque potentiel pour l’avenir de l’Europe. Et selon la
règle « d’enchâssement »129, nous pourrions conclure que la dictature grecque
comportait des implications probables et donc des conséquences non négligeables
pour l'avenir de la France.
128
Galtung, J. & Ruge, M. The Structure of Foreign News, op. cit. 129
Ekecrantz, J., Journalism’s “Discoursive Events” and Sociopolitical change in Sweden 1925-87, op. cit., p. 393-412
55
a) Le nombre/ taille des publications.
Le nombre total de publications relatives à la Grèce dans la période après le coup
d’état est de 195, et se répartit ainsi :
Le Monde (92) soit 47% de total des publications (205,5 colonnes, 42%)
Le Figaro (43) soit 22% (119,5 colonnes, 25%)
L'Humanité (60) soit 31% (160,5 colonnes, 33%)
Pour la période du coup d'état, Le Monde rassemble de loin la plupart des articles
consacrés à la Grèce. On remarque cependant (de façon surprenante) que le journal
l’Humanité présente un nombre d’articles, concernant la Grèce de l’époque, quasi
similaire à celui du quotidien Le Monde. Mais, Le Monde et Le Figaro oscillent entre
12 et 48 pages, quand l’Humanité oscille seulement entre 8 et 14 pages. Ainsi,
l’Humanité consacre proportionnellement le plus de place au traitement de la dictature
en Grèce, et Le Figaro le moins, étant donné que l’Humanité a le plus d’articles avec
en tout 8 à 14 pages et Le Figaro, le moins d’articles avec un ensemble de pages entre
12 et 48 pages.
0
20
40
60
80
100
LE MONDE LE FIGARO L'HUMANITE
92
43
60
Nombre des publications, 20-30 Avril
1967
56
Le nombre total de publications concernant la Grèce et cette période spécifique, avant
et après son expulsion du Conseil de l'Europe est de 100, et se répartit ainsi:
Le Monde (49) soit 49% du total des publications (117,5 colonnes, 51%)
Le Figaro (31) soit 31% (78,5 colonnes, 34%)
L'Humanité (20) soit 20% (35,5 colonnes, 15%)
Le Monde encore une fois représente de loin le plus grand nombre de publications. Il
est suivi par Le Figaro et l’Humanité, qui est compatible avec le numéro des pages
des journaux.
0
10
20
30
40
50
LE MONDE LE FIGARO L'HUMANITE
49
31
20
Nombre des publications,
1-15 Décembre 1969
0
10
20
30
40
50
LE MONDE LE FIGARO L'HUMANITE
50 46
34
Nombre de publications,
15-30 Novembre 1973
57
Le nombre total de publications relatives à la Grèce lors du soulèvement de l'Ecole
Polytechnique et du second coup d'Ioannidis est de 130, et se répartit ainsi :
Le Monde (50) soit 39% du total des publications (150,5 colonnes, 41%)
Le Figaro (46) soit 35% (125,5 colonnes, 34%)
L'Humanité (34) soit 26% (93 colonnes, 25%)
Le Monde et Le Figaro sont presque égaux quant au nombre de publications, avec une
différence de seulement 4 publications, ce qui peut s'expliquer par l'habitude du
Figaro de publier des photos pour chaque sujet, contrairement à Le Monde.
L'Humanité suit avec remarquablement peu de différence. Nous voyons à l’heure du
soulèvement de l’Ecole Polytechnique, les trois journaux présentent presque le même
nombre de publications.
Le nombre total de publications relatives à la Grèce lors les événements de Chypre et
la chute du régime est de 369, et se répartit ainsi :
Le Monde (145) soit 39% de toutes les publications (567,5 colonnes, 48%)
Le Figaro (83) soit 23% (263 colonnes, 22%)
L'Humanité (141) soit 38% (352 colonnes, 30%)
Les événements de Juillet 1974 montrent clairement le nombre de publications le plus
élevé par rapport à d'autres périodes données. Le Monde et l’Humanité sont presque
égaux quant au nombre d’articles malgré la différence dans le nombre de pages, suivi
0
50
100
150
LE MONDE LE FIGARO L'HUMANITE
145
83
141
Nombre des publications,
15-31 Juillet 1974
58
enfin du Figaro qui consacre le moins d’articles aux évènements en Grèce. Toutefois,
pour la première fois il ya une différence entre le pourcentage de publications de
journaux et le nombre de colonnes. En effet, en ce qui concerne les colonnes, Le
Monde surpasse clairement l'Humanité, tandis que, à première vue le nombre des
articles paraît être égal. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que le journal l’Humanité
ait un « espace limité » en comparaison avec Le Monde, par « espace » nous
entendons : le nombre de pages. Toutefois, proportionnellement, encore une fois
l'Humanité a plus de publications.
Conclusions:
Ces résultats ont probablement à voir avec la nature des journaux. Le Monde et
l’Humanité, ayant une approche plus de gauche (choix des sujets, rédaction,
traitement et analyse), et ils consacrent par ailleurs plus « d'espace » au sein de leur
journal pour les questions internationales que Le Figaro, qui est plus ethnocentrique.
Le Monde, comme journal de référence, analyse exhaustivement des questions
internationales et consacre des colonnes quotidiennes sur quatre à cinq pages pour les
nouvelles internationales comme la guerre du Vietnam, le commerce en Nigeria et la
situation en Espagne de Franco. Il possède toujours le plus de rapports sur la crise en
Grèce par rapport aux deux autres journaux, et ses articles la plupart de fois
comprennent jusqu’au 50% du total.
L’Humanité par ailleurs, servant les intérêts de son parti politique, a des
correspondances détaillées de la part des pays du bloc soviétique et d'autres pays
communistes. De plus, il donne une attention particulière lorsque les droits des
communistes sont étouffés et présente un fort désaccord contre les dictatures, ainsi
qu'en Espagne et au Portugal.
Naturellement donc, Le Monde et l’Humanité présentent une explosion de
publications après le coup d’état en Grèce, pendant la crise à Chypre et pendant la
chute éventuelle du régime. Le Figaro, plus sceptique quant à la « nécessité » et la
nature du régime des colonels, préfère garder une attitude plus prudente, qui se reflète
dans le nombre de publications.
Par contre, les jours du soulèvement de l’Ecole Polytechnique d'Athènes, les trois
journaux présentent proportionnellement à peu près le même nombre de publications.
59
Alors que la tonalite utilisée est clairement différente, comme nous le verrons par la
suite, l’espace donnée au sujet est à peu près égale. Cette situation est associée à
l'analyse de Daniel Hallin130, sur le rôle des médias dans les situations de crise et de
conflit. L'événement soudain et négatif, le soulèvement des étudiants et la répression
violente par l'armée avec des d'armes lourdes, ne pourrait qu’attirer l'attention des
journaux. Il constitue une « déviation » évidente, une violation des sujets qui se
trouvent dans le domaine de « consensus » pour les médias, ainsi que pour la société
en France. Le droit de protester, la répression des civils par des hommes armés, les
morts par la violence du régime, tout le monde convient que cela représente une
violation de façon flagrante des droits démocratiques et de la justice sociale. Les trois
quotidiens malgré leurs différences d’opinion politique répondent alors
immédiatement avec des analyses exhaustives, en attribuant une grande importance au
sujet, qui se reflète dans « l'espace » consacré au sein de leurs journaux.
Toutefois, concernant la question de l'expulsion de la Grèce du Conseil de l'Europe,
les trois journaux consacrent l’espace relativement à leurs nombres de pages. Bien
que la principale raison de la destitution du pays, la violation des droits de l'homme,
appartient également dans le domaine des « questions incontestables », (aucun journal
ne soutiendrait jamais la torture, par exemple), la couverture par les journaux n'est pas
très riche en ce qui concerne ces sujets précisément : expulsion de la Grèce au Conseil
de l’Europe. Outre Le Monde, qui consacre une page spéciale, Le Figaro ne le traite
pas abondamment, et l’Humanité non plus. Cette attitude s'explique si nous pensons
qu'il s'agit d'un fait institutionnel, dans les relations internationales. La «côté humain»
de l'affaire est donc perdu derrière tout un processus diplomatique, qui a peu d'intérêt
pour les lecteurs. Pour cette raison, l'histoire perd de sa nature conflictuelle. Le Figaro
conserve son attitude prudente, et l’Humanité s’occupe pour cette période de la
conférence des chefs des partis communistes à Karlovy Vary en Tchécoslovaquie.
130
Hallin, D., The “Uncensored War”: The Media and Vietnam, op. cit., p. 116-117
60
b) La date/page des publications.
Outre l’ensemble du monde politique en Grèce, le coup d'état grec a beaucoup surpris
les journaux à l'étranger. Les nouvelles de la chute du régime démocratique ont
constitué un « trigger event »131 pour la presse française : le lendemain du coup d'état
apparaît une très grande concentration d’articles (pour Le Figaro, c'est le jour avec le
plus d'articles pendant toute cette période.). L'évolution de la couverture du sujet,
cependant, n'est pas la même pour les trois journaux concernés.
A l'article prophétique dans Le Monde du 20 avril où « Des délégués de treize pays
lancent un appel à la normalisation de la situation en Grèce » a succédé l'explosion
des publications un jour après le coup d'Etat, le 22/04. Les journaux ont eu la
« malchance » que le coup ait lieu le samedi, et qu’aucun d’entre eux ne sortait des
exemplaires. Ainsi, les gros titres sur le coup d’état sont sortis forcément le
lendemain.
« A un mois de la date prévue pour les élections L'ARMEE PREND LE POUVOIR
EN GRECE. Des nombreuses personnalités politiques auraient été arrêtées. » Avec
cette annonce dans l'article principal, le Monde commence une série d’articles et
d’analyses sur l'évolution de la dictature en Grèce. L’information concernant la
situation en Grèce durant cette période a fait dix fois la Une et le journal a dû créer
131
Cobb, W. & Elder, D., Participation in American Politics, op. cit. p. 85
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Publications par jour, 20-30 Avril 1967
61
une annexe spéciale sur la deuxième page consacrée uniquement à la question de la
Grèce.
La date, qui rassemble le plus de publications concernant la Grèce pour Le Monde
semble être le 25/04, lorsque les faits ont commencé à se calmer et à venir à la
lumière des éléments officiels sur les leaders du coup d'état, le nombre de prisonniers,
et les réactions des politiciens. On constate que Le Monde insiste sur le sujet en
multipliant les publications le concernant. Cependant, après une reprise le 30 avril
montrant principalement les réactions des dirigeants politiques d'autres pays, la
question commence à perdre de l’ampleur dans le traitement médiatique du quotidien
Le Monde.
L’ « espace » consacré par le Figaro au sein de son journal au sujet des évènements
en Grèce est beaucoup plus limité. L'article de Harry Gerson, le 20 avril intitulé « A la
suite d'un article de "New York Times" des rumeurs annoncent l'établissement d'une
dictature indignent profondément l'opinion grecque » pourrait bien être classé parmi
les « scoops » les plus réussis du journalisme, car les affirmations exprimées dans cet
article se confirmeront le lendemain. Toutefois, étant donné la réticence du journal
vers le régime, l'article de Gerson n'est pas évalué suffisamment les prochains jours,
car les vues prémonitoires prédisant le coup d’Etat ne sont pas mentionnées. Par
contre il est préféré le titre laconique et succinct « Coup d'état à Athènes. L’armée
grecque prend le pouvoir ».
Pour Le Figaro, contrairement à Le Monde, le sujet de la dictature grecque ne
nécessite pas d’attention particulière, puisque dès le deuxième jour il commence à
perdre « d’espace » au sein du journal. Bien que les premiers jours des articles
concernant la situation en Grèce figurent à la Une (le sujet fait la Une 9 fois), dix
jours seulement après le coup, il n'existe plus d’article qui concerne la Grèce. Ceci est
d’autant plus significatif le 29 avril, tandis que les deux autres journaux rapportaient
des réactions de citoyens éminents à l'étranger concernant la dictature, Le Figaro
s’occupait alors de la « Pâques grecque » : « C'est La Pâque grecque: Huit cent mille
athéniens s'en vont à la campagne ».
L’Humanité, ayant l’habitude de rapporter toute question concernant le mouvement
ouvrier à l'étranger, consacre le 20 avril très peu d'espace pour annoncer « Athènes:
62
boulangers et postiers en grève ». Le lendemain du coup d’état, dès le premier instant
l’Humanité définit clairement sa position : « A un mois des élections législatives coup
d'état militaire fasciste en Grèce. Solidarité avec le peuple grec ». Depuis lors, il suit
un parcours semblable avec celui du journal Le Monde. Le nombre de fois que le
sujet se retrouve alors à la Une demeure impressionnant, car pendant la période
examinée l’Humanité a consacré sa première page 22 fois à la Grèce, c'est-à-dire le
nombre d’Unes de deux autres journaux ensembles. Ce chiffre est en accord avec les
pourcentages de la couverture quantitativement supérieure du sujet par l’Humanité,
par rapport aux deux autres journaux
Ensuite, bien que le sujet s’éteigne progressivement, le journal insiste sur sa
couverture. Pour l’Humanité aussi le jour où on observe la plupart des publications
concernant la Grèce est le 25/4, mais pas pour les mêmes raisons que pour Le Monde.
La plupart des publications de ce jour-là s’occupe de la préparation d’une délégation
de la part du PCF qui se rendrait le 25/04 à l'ambassade de Grèce. Le journal invite le
public à participer et donc consacre beaucoup de rubriques pour les événements
associés à la Grèce.
Le soulèvement de l’Ecole Polytechnique d'Athènes a engagé la presse française pour
plusieurs jours. Dès le 14 Novembre, les étudiants avaient occupé l'Université et avait
commencé à diffuser des messages de résistance, qui apparaîtront dès le lendemain
dans Le Figaro sous le titre : « Plusieurs milliers d'étudiants occupent depuis hier soir
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Publications par jour,
15-30 Novembre 1973
63
les bâtiments de l'école polytechnique d'Athènes ». Les nouvelles sont retardées d'une
journée pour atteindre les pages du journal Le Monde et l’Humanité, avec les
titres respectifs: « 5.000 étudiants occupent l’école polytechnique d’Athènes » et
« Athènes : les étudiants occupent l'école polytechnique ». Une fois encore Le Figaro
semble être plus rapide et plus efficace concernant l’information sur les événements
en Grèce par rapport aux autres deux journaux.
Comme « trigger event »132, fonctionne naturellement pour les trois journaux la
diffusion médiatique de l’écrasement de la rébellion avec l'aide de l'armée. Le 17-18
Novembre la répression sanglante apparaît dans les titres et dans trois journaux. Dans
Le Monde sous le titre modeste: « Devant la prolongation d'affrontements sanglants
le Président Papadopoulos proclame la loi martiale sur l'ensemble de territoire
grec », dans Le Figaro : « Nuit d'émeute une Athènes. Deux morts et une centaine des
blessés au cours d'affrontement entre policiers et manifestants » et dans l’Humanité :
« Violents affrontements dans les rues d'Athènes. La police tire : plusieurs morts ».
Cependant, la journée avec la plupart des publications de la part des journaux, est le
19 Novembre, puisque aucun d'eux ne se publiait le dimanche. En raison de la
distance et le « gel des communications » par les dictateurs au cours des événements
de l'École Polytechnique, l'analyse détaillée et les rapports détaillés devraient attendre
pour que la situation se calme.
Le Monde, après de nombreux reportages le 19 Novembre, commence à donner
moins d’importance à l’affaire. L’Humanité suit d'abord la même tactique, mais la
proclamation d’une délégation à l'ambassade grecque et la préparation d'une
manifestation de protestation par le PCF ont contribué à ce que le sujet reste présent
dans les prochains jours, et culminant pour le jour de la délégation, le 24 Novembre.
Le Figaro, cependant, adhère plus à l’affaire que les deux autres journaux. Dans Le
Figaro, les nouvelles sur les événements de l’Ecole Polytechnique restent hautes dans
la hiérarchie de l'ordre du jour jusqu'au 22 Novembre où la correspondance en pleine
page d’Huguette Debaisieux met en lumière des aspects inconnus de l'insurrection.
Nous voyons que le Figaro, pour ce sujet précisément, a suivi la même tactique
qu’avait suivi Le Monde pour le coup d’état : attendre que la situation se calme et tant
132
Cobb, W. & Elder, D., Participation in American Politics, op. cit. p. 85
64
que des éléments nouveaux viennent à la lumière, il insiste sur le fait de les publier
via une perspective plus globale.
Le second « trigger event » dans cette période est le renversement du régime de
Papadopoulos par le brigadier Ioannidis, le 25 Novembre. Le lendemain, les
publications dans Le Figaro et l’Humanité explosent.
Pour l’Humanité qui présente le titre très clair à la Une: « Grèce : un dictateur chasse
l'autre… le général Ghizikis renverse Papadopoulos », le 26 novembre c’est le jour
où on observe le plus de publications consacrés par le quotidien pour cette période.
Cependant, il ne donne pas de continuité remarquable au sujet. Pour l’Humanité, le
changement de dictateurs ne constitue pas une nouvelle de si grande importance. Sa
position est claire. Avoir comme président un « dictateur fasciste », puis changé pour
un autre « dictateur fasciste », ne fait en tout cas pas de différence significative pour
donner suite au sujet.
Au contraire, pour Le Figaro, le renversement de Papadopoulos est un enjeu majeur
qui reste à l’ordre du jour pendant plusieurs jours. « Le général Ghizikis chasse
Papadopoulos. Le nouveau gouvernement est cependant composé en majorité de
civils », est le titre consacré à l'événement. Ayant condamné le rôle de Papadopoulos
pendant le soulèvement de l’Ecole Polytechnique à Athènes, Le Figaro estime que le
nouveau renversement du régime pourrait marquer le début de la libéralisation. Pour
Le Figaro, car il ya peu d'information sur l'identité des nouveaux dirigeants, il estime
qu’il s’agisse de représentants de l'armée qui voulaient mettre un terme à la dictature.
Le sujet devient donc très grave et mérite une attention particulière de la part du
journal.
Le Monde étrangement a retardé d'une journée la publication des nouvelles sur le
nouveau coup de force. « Après le coup d'état du 25 Novembre les nouveau dirigeants
grecs appartiendraient à l'aille conservatrice et « modéré » des forces armées », est
le titre du sujet central le 27 Novembre. Cela a probablement à voir avec certains
retards inattendus dans la communication du journal Le Monde ce jour-là, ou avec une
obstruction du correspondant. Cependant, après le déclenchement du 27 Novembre, la
journée avec le plus de publications sur la Grèce cette période pour Le Monde, le
journal préfère garder une position prudente, comme Le Figaro. En attendant de
65
révéler l'identité des nouveaux dirigeants, le journal insiste sur la question, au cas où
ce serait la première étape vers la libération du régime.
Le Monde et le Figaro, avec un nombre similaire de publications concernant la
période ci-dessus, ont le même nombre de « Une » consacré à ce sujet - 9.
L’Humanité prédomine, portant le nombre de « Une » en 13. Nous devons noter que
la plupart des « Unes » pour l’Humanité font référence aux événements de l'Ecole
Polytechnique, tandis que pour les deux autres journaux, aux événements du nouveau
coup d'état.
L'exclusion de la Grèce du Conseil de l'Europe n’a pas été un événement qui éclata et
s’acheva en quelques jours. Au contraire, il a été l'aboutissement d'un long processus
diplomatique. Ainsi, selon le critère de nouvelles pour les états régionaux, les médias
ont traité le sujet fragmentairement, pendant quelques jours.
Depuis le début du mois, tandis que la Grèce est complètement absente de l’ordre du
jour au sein des trois journaux (peu de publications en Novembre 1969), c’est avec la
tension présente lors de la Réunion du conseil que les trois quotidiens commencent à
aborder la question. À l'approche du jour de la décision, les publications ont proliféré
et les points de vue de tous les journaux sont devenus plus clairs.
Contrairement au coup d’état ou au soulèvement de Novembre, où les événements ont
été imposées sur l'agenda de la presse comme « trigger event », le Conseil de
l'Europe constituait un fait programmé qui attirait l'attention des journaux en raison de
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Publications par jour, 1-15 Décembre 1969
66
son importance institutionnelle. Par conséquent, on observe une augmentation plus
progressive des publications quand la date de décision approche, avec des reportages
plus détaillés. Pour cette raison, l’évolution des publications des trois journaux est
presque parallèle. Nous réalisons alors que lorsqu’il s’agit de couvrir un fait
institutionnel, les trois journaux montrent une évolution similaire quant au nombre de
publications.
Le jour avec le plus de publications cette période pour les trois journaux est le 13
Décembre, lendemain du retrait volontaire de la Grèce du Conseil en raison de sa
destitution inévitable. Les titres sont également similaires, bien que dans le cas du
Figaro et de l’Humanité, les surtitres et sous-titres possèdent clairement une tonalite
différente : Le Monde - « la Grèce se retire subitement du conseil de l'Europe » ; Le
Figaro - « Ne pouvant plus échapper à une mesure de suspension réclamée par onze
des pays membres LA GRECE DECIDE DE SE RETIRER DU CONSEIL DE
L'EUROPE » ; L’Humanité - « Mis en accusation par onze pays LA GRECE SE
RETIRE DU CONSEIL DE L'EUROPE ».
Le Monde l’emporte quant au nombre de publications consacrées à ce jour précis, bien
que Le Figaro montre une stabilité remarquable dans la présentation des nouvelles.
Toutefois, pour Le Figaro, le sujet n’a fait la « Une » que trois fois et pour
l’Humanité seulement deux fois, contrairement au journal Le Monde, qui consacre six
fois sa première page sur la Grèce pendant cette période. Nous pourrions suggérer
alors donc que Le Monde expose l’affaire beaucoup plus que les deux autres journaux.
Enfin, nous notons que comme l’indique le schéma, le sujet semble rester assez
présent dans l’actualité. Le 16 Décembre, il ya seulement trois articles sur la Grèce
dans les trois journaux, nous conduisant à la conclusion que l'affaire est close pour les
journaux, même si les pratiques qui ont conduit à l'expulsion de la Grèce du Conseil
(la torture, les tribunaux militaires, la loi martiale etc.) restent bien actifs.
67
Les événements précédant la chute de la dictature ont été très importants pour
l’équilibre mondial, et ceci est bien représenté par le grand nombre de publications
concernant ce sujet pour les trois journaux français.
Le 16 Juillet, la tentative de putsch à Chypre fonctionne comme « trigger event » et
éjecte le nombre quasi inexistant de publications relatives à la situation en Grèce.
Sous le titre : « Coup d'état militaire en Nicosie. Les officiers de la garde nationale
chypriote favorables à la Grèce constituent un gouvernement de salut public » Le
Monde commence une période de vastes reportages sur l'évolution du coup d’Etat,
tous en rapport avec la Grèce. La même tactique est appliquée par l’Humanité ; qui
utilise le titre : « Chypre : le putsch organisé par les dictateurs grecs se heurte à une
forte résistance ». Encore une fois, malgré le plus faible tirage et nombre de pages
par rapport à celle du journal Le Monde, le nombre de publications consacrées à la
Grèce dans l’Humanité est de plusieurs fois supérieur à celle du quotidien Le Monde.
Toutefois, pour Le Figaro, même si l’affaire est importante et fait la « Une »
intitulée : « Chypre : rien n'est joué après le coup d'Etat. Makarios renversé, mais
vivant, lance des appels à la résistance et aux Nations Unies », les publications
diminuent pour le Figaro en ce qui concerne la période « après coup d’Etat ». Comme
dans le cas du coup d'état grec de '67, le coup d'état à Chypre est traité de façon assez
sceptique par le journal, tandis que depuis le deuxième jour il commence à décliner.
Les dimensions réelles du problème sont révélées seulement après l'invasion turque le
22 Juillet, où le journal donne l'impression qu'il veut « gagner le temps perdu » avec
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Publications par jour, 15-31 Juillet 1974
68
une soudaine explosion de publications. On observe significativement que le
lendemain de l’invasion reste la journée avec le plus de publications concernant cet
évènement et ce, beaucoup plus que pour l’effondrement de la dictature en Grèce.
Aussi, pour les deux autres journaux, le jour du débarquement turc constitue une
explosion quant au nombre de publications. La différence est que pour les deux autres
journaux, le nombre des publications a augmenté progressivement et a atteint un pic le
22 Juillet. À ce point il doit être mentionné que, comme dans le cas du coup d'Etat
Ioannidis, le journal Le Monde présente les nouvelles du débarquement turc avec un
jour de retard.
Le jour de l'effondrement de la dictature grecque, le 24 Juillet, constitue une nouvelle
augmentation des publications, dans un agenda déjà chargé. Le nombre de
publications pour trois journaux et pour ce jour précisément est presque égal. Le
Monde, cependant, sous le titre : « Nommé officiellement premier ministre M.
Caramanlis s'engage à rétablir la démocratie en Grèce », touche le pic de
publications le lendemain, selon sa pratique de multiplier les publications quand la
situation est plus calme et l'information plus spécifique.
Pour l’Humanité, intitulé : « Foules en liesse dans les rues d'Athènes. La dictature
s'effondre en Grèce », commence une période d’analyses détaillées sur la situation en
Grèce, avec de nombreuses spéculations concernant l'avenir du Parti Communiste et
de nombreuses déclarations de membres du PCF. Comme dans Le Monde, la question
reste à l’ordre du jour pendant plusieurs jours après la chute du régime et fait souvent
la « Une » (33 fois pour chacun des deux journaux).
Par contre pour Le Figaro, comme pendant les jours du coup d'état de 67, le sujet
commence à « s’essouffler » rapidement jusqu'à ce qu'il disparaisse complètement de
l’actualité cinq jours plus tard. Pourtant, il fait souvent la « Une » (24). Le titre choisi
est : « Les généraux grecs appellent M. Caramanlis (en exil à paris depuis 1963).
Démission du gouvernement d'Athènes ».
Conclusions :
Selon les figures, l'évolution de l’information obéit aux règles des nouvelles
selon Galtung et Ruge. Une affaire, même importante, ne reste pas pour longtemps
69
dans l’agenda médiatique, surtout si elle se rapporte à un pays « régional ».
L'évolution des publications suit généralement la règle du « trigger event »133 : le jour
après un événement soudain et négatif comme un coup d’état ou une insurrection
sanglante, apparaît une concentration très élevée d'articles. L'évolution, cependant, ne
dépend pas seulement de « l'importance » (signification) du sujet mais aussi par
d'autres facteurs.
Pour Le Monde, l'exactitude de l'information et l'approche globale sont importantes.
Pour cette raison, l'avènement de nouvelles informations constitue un élément
déclencheur pour une analyse plus approfondie de la question, même après plusieurs
jours. Il est caractéristique que dans les questions litigieuses et des situations
explosives, comme un coup d'état, le point culminant du nombre de publications n’est
pas le lendemain, mais un couple de jours plus tard, lorsque les informations
recueillies le permettent. C'est le journal qui persiste le plus dans une affaire et en
consacre le plus du temps et « d'espace ».
Pour l’Humanité servir les intérêts du parti politique à travers ses pages est très
important. Par conséquent, suivant un journalisme de « mobilisation », la continuation
ou non d’une affaire est en rapport avec l'importance que le PCF y attache. Lorsque
le Parti Communiste organise une manifestation à l'ambassade de Grèce ou une
conférence, les publications augmentent afin de mobiliser le public du journal. De
même, un sujet grave peut perdre d'espace dans sa présentation s’il coïncide avec un
autre qui est considéré comme plus important pour l'intérêt du parti, comme dans le
cas avec le Congrès à Karlovy Vary.
Enfin, Le Figaro, tout en traitant de façon très détaillée des affaires qui contiennent
une évaluation « positive » ou « négative », pour des affaires plus complexes se
présente plus prudent et a tendance à en mettre fin rapidement. Quand il s'agit du coup
de force, l’approfondissement et l’évolution de l'affaire est beaucoup plus courte que
dans le cas du soulèvement de l'Ecole Polytechnique ou l'exclusion de la Grèce par le
Conseil de l'Europe. Cela dérive par le fait que dans le cas de la dictature grecque, Le
Figaro est relativement « tolérant » avec les coups d’états mais reste fermement
contre et le montre de façon assez clair en ce qui concerne les interventions militaires,
actes de violence et torture. 133
Cobb, W. & Elder, D., Participation in American Politics, op. cit. p. 85
70
c) La catégorie de la publication.
La catégorie qui, dans Le Monde, représente la plupart des publications (74%) est
clairement celle du reportage. Parmi l’ensemble des reportages du quotidien
seulement 20% sont signés habituellement par des envoyés spéciaux Eric Rouleau et
Maurice Denuzière. Les restes proviennent soit de journalistes anonymes (58%) soit
d’agences de nouvelles (22%) comme l'AFP, l'AP, la UPI et le Reuter.
Pareillement dans Le Figaro la catégorie de publication la plus fréquente est le
reportage, qui occupe 63% de son contenu. Parmi ces reportages, 10 (37%)
proviennent d’agences de nouvelles, 7 (26%) de son correspondant permanent Harry
Gerson et de son envoyé spécial, Jean-François Chauvel, et 10 autres par des
journalistes anonymes.
Le reportage occupe une place particulière aussi dans le cas de l’Humanité.
Représentant 67% du quotidien, le reportage est clairement la principale catégorie de
publications sur la situation en Grèce. Cependant, contrairement à la tactique des deux
autres journaux, dans l’Humanité la grande majorité des articles ne sont pas signés.
Seuls 4 reportages sont signés par le correspondant à Athènes Claude Angevin et le
journaliste Georges Bouvard. Bien que les agences de presse soient clairement
utilisées comme sources de la plupart de nouvelles, ce qui est conclu par la similitude
de ses brèves avec les deux autres journaux, l’Humanité n'indique pas ses sources.
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Catégorie des publications, 20-30 Avril 1967
71
Durant la période qui suit le coup d’état, Le Monde consacre cinq fois, comme sujet
central du journal, les évènements en Grèce et un éditorial y est intitulé : « LE
REGIME MIS EN JEU ». Contrairement au journal Le Monde, les thèmes concernant
le coup d’état n’apparaissent seulement 2 fois en tant que sujet principal dans Le
Figaro, et plus souvent, y sont préférés des sujets sur la politique économique interne
de la France. L’Humanité quant à lui consacre quatre sujets centraux concernant la
Grèce.
Dans les jours qui ont suivi le coup d'Etat du 21 avril, Le Monde a accueilli trois
analyses et opinions (3%), une du résistant français André Leroy, une du penseur
français Raymond Aron et une du résistant et penseur grec André Kedros.
Généralement dans Le Monde, ils sont souvent invités/ sollicités à donner leur avis sur
les événements en Grèce, des personnes qui ne travaillent pas directement pour le
quotidien de préférence des personnes de haut profil, afin de donner une image plus
complète d'un sujet en question. Dans Le Figaro pour ces mêmes dates, on rapporte 4
opinions/analyses (9%) : une du journaliste du Figaro Jean-François Chauvel, une de
l'envoyé spécial Roger Massip, une anonyme et une du penseur français Raymond
Aron. L'analyse de Raymond Aron est identique à celle publiée dans le Monde,
puisque de toute évidence, le philosophe a envoyé son point de vue aux deux
journaux. L’Humanité accueille trois analyses/opinions sur le coup d'Etat en Grèce
(5%). Les analyses sont signées par le rédacteur en chef de l’Humanité de l’époque
René Andrieu, par le journaliste et écrivain André Wurmser et par un journaliste
anonyme. Généralement le journal, comme organe du parti communiste, est assez
fermé à toute ingérence qui ne provienne pas directement des membres du parti
communiste français. Cependant, souvent il serve comme lieu d’expression pour des
hommes politiques et des syndicalistes du parti.
Le Monde jusqu'en 1990 ne publie pas de photos, mais seulement des dessins, en se
concentrant sur son rôle informatif. Une place spéciale dans le Figaro est occupée par
les photographies, qui représentent le 14% des publications et constituent souvent des
publications distinctes, comme la publication très successive d'une photographie du
roi au milieu des dictateurs le jour de leur assermentation, le 28/04. Cette image est
désormais utilisée comme l'un des exemples les plus forts de la complicité du roi de
l’installation de la junte le 21 avril. L’Humanité, comme Le Figaro, utilisent souvent
des photographies et des dessins de presse, soit pour l'animation des articles, soit
72
comme des publications distinctes. A la Une de l'édition du 28/04, tout comme le
Figaro, l’Humanité a publié la célèbre photo du roi, mais rajoutant des indications
claires sur l’orientation du journal: « Les bourreaux de peuple grec ».
Une catégorie distincte constitue les « brèves », petits bulletins de nouvelles
concernant des informations de dernière minute, ou qui n’ont pas besoin de plus
d’analyse. Ces publications sont soit non signées, soit proviennent des agences de
presse et occupent une grande partie des publications : 13% dans Le Monde. Pour Le
Figaro et l’Humanité, ce pourcentage est beaucoup plus faible, 7% pour les deux
journaux.
Les articles consacrés aux événements de la Grèce ne sont donc pas homogènes dans
les trois journaux. Il existe cependant une préférence à l’utilisation du « reportage »,
représentant 69% du total des publications pour les trois journaux.
Pour la période de l'expulsion de la Grèce par le Conseil européen, les reportages
constituent également la catégorie de publications la plus utilisée. Comme dans la
période historique antérieure, 76% des publications du journal Le Monde, 71% du
Figaro et 75% de l’Humanité sont des reportages. Parmi ces reportages, dans Le
Monde : seulement 8 (22%) sont signés, le plus souvent par Bernadette Marchal, Marc
Marceau et Eric Rouleau. Les autres sont soit signés par des journalistes anonymes
(59%), soit par des agences de nouvelles (22%). C’est dans Le Figaro que le
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Catégorie des publications, 1-15 Décembre
1969
73
pourcentage de reportages signés est plus élevé, avec 32%, la plupart par le
correspondant permanent Harry Gerson, qui est l’auteur de la moitié des reportages.
36% sont non signées et 32% provient des agences. L’Humanité de nouveau utilise la
pratique des reportages non signés. En dehors du reportage unique signé par Jacques
Coubard, 80% des reportages sont anonymes et 13% par des agences.
Pendant toute la durée du processus diplomatique, la Grèce fait une seule fois le
thème central dans le journal Le Monde le 12/12, et dans Le Figaro le 13/12. Nous
nous attendions à ce que Le Monde consacre comme sujet central le jour de
l’expulsion de la Grèce, mais ce n’est cependant pas le cas, le considérant comme
certain même par le jour précédent. Selon la pratique courante, il consacre une
révision éditoriale le 14/12 intitulé « La Grèce face à l’Europe ».
En ce qui concerne les analyses/opinions, Le Monde continue sa tactique de
« l'hospitalité » des acteurs exogènes (10%). Pour la période étudiée et parmi les 5
analyses, les quatre sont écrites par des Grecs non-journalistes qui expriment leur
opinion sur l’affaire : le penseur André Kedros, un Grec anonyme professeur
d'université ainsi que les auteurs Aris Fakinos et Jean Siotis. La cinquième analyse du
journal est signée par un certain Casamayor. Le Figaro pour ce sujet précisément
consacre également le même nombre d'analyses/opinions (16%). Ces analyses,
cependant, proviennent des reporters du journal tel que Roger Massip et Jacques
Renard. Exceptionnellement, le penseur Maurice Druon soumet également son
opinion sur le sujet dans les pages du Figaro. L’Humanité consacre seulement une
analyse sur le sujet (5%), de l'éditeur Jacques Coubard.
Nous notons l'absence de photographies et de dessins sur le sujet. Comme un sujet
diplomatique et institutionnel, Il est effectivement difficile d’illustrer un sujet si
diplomatique et institutionnel.
74
Durant les événements de l’Ecole Polytechnique également, les journaux y consacrent
des reportages, mais le pourcentage est cependant beaucoup plus faible que pour les
autres périodes. Le journal Le Monde ne contient qu'une proportion de 48% des
reportages, dont 33% proviennent des journalistes Paul-Jean Francescini, Marc
Marceau, Jean-Claude Guillerbaud, 46% ne sont pas signés et 21% proviennent des
agences. Le Figaro à un taux de 56% de reportages, ne contient que19% de reportages
anonymes, et seulement un à partir d'une agence de presse. 77% des reportages sont
signés, la plupart par Harry Gerson et Huguette Debaisieux. Quant à L’Humanité bien
qu'il ait également un pourcentage très élevé de reportages (62%), il continue de les
présenter non signés. En dehors de deux rapports de l'éditeur René Adrieu, les restes
ne sont ni signés et ni ne marquent le nom d’agence comme source.
Cependant, le soulèvement de l'Ecole Polytechnique est présenté très riche dans les
journaux, car ils sont représentés par presque toutes sortes de publications. Dans Le
Monde, l’évènement fait trois fois le sujet central, dans l’Humanité deux et dans Le
Figaro une. Immédiatement après les événements, Le Figaro et l’Humanité ne
consacrent pas leur sujet central sur la répression de l'insurrection, mais dans les
conflits internes des partis français. Le sujet principal dédié à la rébellion, vient un
jour après, le 19 Novembre, « corrigeant » la position du thème à l'ordre du jour. Le
Figaro le même jour contient le fameux éditorial « Responsabilités », signé par Roger
0
5
10
15
20
25
30
3 2
24
2 3 4
0
6 4
2 1 1
26
1 1 1
8
1
6
0 2 1
21
1 0 0
4 1
4
0
Catégorie des publicqtions,
15-30 Novembre 1973
75
Massip, provoquant des réactions, en particulier par l’Humanité. Le journal Le Monde
consacre également un éditorial aux événements de l'Université et un au contre - coup
d’Ioannidis, de même pour l’Humanité.
Les analyses et les opinions sont plus «pauvres» que pour les autres périodes. Dans Le
Monde, l’étudiant Grec Jean Catsiapis et l’académique Robert Escarpit présentent
leurs perspectives (4%), tandis que dans le Figaro il s’agit de la journaliste Huguette
Debaisieux (2%). L’Humanité avec une publication d'opinion non-signée (3%),
critique l’éditorial du Figaro, avec un ton très agressif.
Le thème de l'insurrection offre de nombreuses possibilités pour des photos
intéressantes. Le Figaro l’exploite avec ferveur et les photographies représentent 17%
des publications. Presque avec la même proportion suit l'Humanité, dont les
photographies sont 12% des publications. Ces images, qui contiennent pour la plupart
des scènes violentes, sont souvent communes aux deux journaux, un produit sans
doute des agences de presse. Le journal Le Monde, reconstitue l'absence de
photographies avec des dessins de la presse, avec un taux inhabituel de 12%. Nous
concluons donc que l’illustration d’un journal est très importante dans une affaire
d'intérêt humain, comme une rébellion.
Le renversement de l'équilibre crée la nécessité de présenter les protagonistes de ces
événements. Le journal Le Monde, avec l'aide d'un journaliste et résistant grec,
Richard Someritis, présente une série de portraits de George Papadopoulos, Phédon
Gizikis, Adamantios Androutsopoulos et Dimitrios Ioannidis, tandis que le Figaro
donne plus d'importance à Papadopoulos. Le journal Le Monde présente également
une interview avec le nouveau ministre du gouvernement d’Ioannids, Constantin
Rallis et avec un résistant dans l'armée, qui, dit-il, « préfère rester anonyme ».
76
Les événements de Chypre et la chute de la dictature sont couverts par 64% des
reportages, qui se repartissent ainsi : Le Monde avec 68%, Le Figaro avec 55% et
l’Humanité avec 66%. Dans Le Monde, 28% des reportages sont signés notamment
par Marc Marceau, Eric Rouleau, Philippe Ben, Paul-Jean Franceschini, Jean
Schwoebel, tandis que 60% sont anonymes et 12% des agences. Le Figaro indique
50% de ses reportages signés, par de nombreux journalistes, incluant Harry Gerson,
Jean-Pierre Mercer et Pierre Bois. Les 35% restant sont anonymes et 15% par des
agences. Pour l’Humanité seulement 4% des reportages sont signés par Jacques
Coubard et 3% par des agences. Le reste, 93% de ses reportages ne sont pas signés.
Pour cette période, Le Monde consacre neuf fois son sujet central pour la Grèce, et
même le 31 juillet, le thème continue de constituer le sujet principal. Par ailleurs, il
publie 7 éditoriaux, qui montrent l'importance que le journal attache à l'évolution des
événements. L’Humanité suit de près, avec les éditeurs Yves Moreau et René Andrieu
qui signent 5 éditoriaux et 7 sujets centraux. En revanche, le Figaro ne dédie que
deux sujets centraux aux événements en Grèce, un le jour suivant le coup d'État
contre Makarios et un le jour de débarquement turque sur l’île de Chypre. Le
changement de régime en Grèce n’a pas fait le sujet central pour Le Figaro,
confirmant son attitude prudente quant à la «nécessité» du régime.
La période examinée cause une variété d'analyses et d'opinions. Le Monde, selon sa
tactique donne 7% de son « espace » à cette catégorie, où sauf Richard Someritis,
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90
100
9 7
98
10 4 2 1 5 8 1 2 3
46
5 2 3 13
3 4 2 7 6
92
2 0 1 5 3
25
0
Catégorie des publications, 15-31 Juillet
1974
77
Robert Escarit, signent également des articles, le rédacteur en chef André Fontaine,
l'homme politique et journaliste Claude Bourdet, Georges Terekides et Pablo De
Huguera. Le Figaro présente également 6% d'analyses signées par des journalistes
comme André Frossard, Jacques Jacquet-Francillion, Yves Cuau, Christian Hoche.
Par contre, dans l’Humanité, les analyses n'occupent que 2% des publications et sont
signés par l'homme politique du PCF Laurent Paul et par Jacques Coubard.
Les événements se montrent particulièrement illustrés. Pour la première fois, Le
Monde publie une photographie, le 16/7. Le Figaro, cependant, y consacre un grand
pourcentage, 16% de son « espace » est dédié à des images sur les événements, tandis
que l'Humanité 4%. Ces photographies accompagnent souvent des portraits, après
avoir présenté les protagonistes de l'époque. Richard Someritis de nouveau signe le
portrait de Constantin Caramanlis dans Le Monde. Le Figaro aussi rend hommage au
nouveau Premier Ministre, tandis qu’il présente aussi Nicolas Sampson et Evangelos
Averof. L’Humanité préfère consacrer un article sur le président de Chypre,
Makarios.
Une place spéciale pour l’Humanité pour cette affaire semble occuper les « brèves ».
Avec 18% du total de ses publications, nous tenons compte du nombre élevé
d'articles à mettre en relation avec le nombre réduit de colonnes. De toute évidence,
l’Humanité essaye d'adapter un grand nombre d'informations dans un espace confiné,
à l'aide de nombreuses brèves.
Conclusions:
Comme nous a montré l'analyse ci-dessus, les trois journaux ont certaines similitudes
et certaines différences concernant le traitement du sujet.
La préférence de l’utilisation du reportage est claire, car cette catégorie constitue
65,5% du total des publications (69% putsch, 74% expulsion, 55% Polytechnique,
64% Chypre). Les différences dans les taux d'utilisation parmi les trois journaux sont
négligeables. Cependant, pendant les événements de l’Ecole Polytechnique se
présente une diminution notable.
En revanche, le rôle et la fonction des journalistes dans les trois journaux semblent
être différents. Nous mentionnerons que Le Monde et Le Figaro, en outre les
78
correspondants permanents, envoient souvent des correspondants sur place. Le journal
L’Humanité quant à lui l’évite, probablement en raison du coût.
Dans Le Monde et Le Figaro, les correspondants permanents à Athènes signent une
grande partie des articles. Contrairement à l’Humanité, l'absence de signature ci-
dessous des articles est utilisée politiquement pour donner l'impression d'indignation
populaire mondiale contre la dictature. Ceci est expliqué par le journaliste Jacques
Coubard, responsable de nombreux articles sur la Grèce : l’absence de signature
s’explique par des raisons idéologiques. Les journalistes communistes ne signaient
pas leur article, mettant ainsi en valeur la dimension collective du propos134. Par
conséquent, bien que le reportage et la brève couvrent une grande partie du journal et
soient souvent placés en première page, l'auteur n'est presque jamais mentionné.
Les trois journaux, cependant, utilisent pour une grande partie de l'information
« publique » sur la situation en Grèce, du matériel d'agences de nouvelles. Cela est
inhérent dans les nouvelles étrangères, qui en raison de la distance et le manque de
moyens pour de multiples images des événements, les journaux sont contraints de
recourir aux agences de nouvelles.
En ce qui concerne les sujets centraux et les éditoriaux, Le Monde l’emporte
clairement sur l'ensemble des journaux, car il assimile/intègre de nombreuses fois les
événements de la Grèce comme thème central. Par contre Le Figaro, essaye de garder
le profil bas le plus possible, bien que parfois l’actualité soit imposée à son ordre du
jour. L’Humanité détient une position très forte sur les événements en Grèce en
général, mais la position qui donnera lieu à des publications dépend fortement des
actions du PCF.
Le Figaro, héberge proportionnellement le plus d’analyses/opinions (29%), suivie par
Le Monde (24%) et l’Humanité (17%). Ceci reflète la « ligne informative » du Monde
et de l’Humanité, contrairement à la ligne plus «littéraire» du Figaro. Le Monde est
cependant plus accueillant à l'intervention d’autres personnes qui n’ont pas de lien
professionnel avec l’organe de presse, que les deux autres journaux. Ainsi des
personnes en dehors du journalisme professionnel sont invitées à exprimer leurs
opinions sur les événements de la Grèce, de préférence des personnes de haut profil,
134
Interview de Jacques Coubard à Talon Corinne, Montpellier, 2009
79
afin de donner une image plus complète et plus crédible d'une affaire. Mis à part le
fameux article de Raymond Aron, Le Figaro ne présente pas d’articles de non-
journalistes, tandis que l’Humanité se montrerait clairement sceptique envers des
acteurs en dehors du parti.
Pour la même raison, Le Monde et l’Humanité accueillent plus de brèves. L’Humanité
donne parfois l'impression d'essayer d'adapter un grand nombre d'information dans un
nombre limité de pages, et est donc obligé d'utiliser de nombreux brèves. Aussi,
L'Humanité a beaucoup des PAG : ces trois lettres désignent les pétitions, les
annonces de meeting, des manifestations organisées par l’opposition grecque en
France. Les PAF présentent la même définition mais concerne l’opposition française.
Le Monde évite complètement la publication de photos, contrairement à Le Figaro et
l’Humanité qui les publient de fois comme publications indépendantes. Cependant
tous les sujets ne sont pas aussi « illustrables ». Les questions d’intérêt humain, telles
que la répression de l'insurrection de l'Ecole Polytechnique, et la guerre de Chypre,
donnent plus de chances à l’illustration, comme les photographies et dessins de
presse. Par contre, des sujets tels que le jeu diplomatique ne favorisent pas la
justification de présence d’illustrations (photographiques).
En général, l'utilisation la plus étendue de catégories de publications semble être Le
Monde, via une tentative de montrer un aperçu plus global du sujet, suivi par Le
Figaro et l’Humanité.
B. Analyse du discours et de la tonalite du journal
L'analyse de l'attitude des trois journaux envers la situation en Grèce, comme
mentionné plus haut, est le résultat de l'agrégation des facteurs suivants:
§ Le type de discours du journaliste et la tonalité du journaliste vers le régime
et vers la résistance au régime
§ La présentation des locuteurs, leur choix, le type de leur discours, leur tonalité
envers le régime et envers la résistance au régime et la façon dont ils sont
traités par les reporters du journal.
§ La dimension évaluative du langage utilisé.
80
a) Le type de discours du journaliste de la publication
Le Monde, en ce qui concerne le type de discours des journalistes, insiste sur son rôle
informatif. L'utilisation massive du discours neutre/descriptif, soit 93% du total,
confirme l’orientation du journal. Entre les 5 reportages qui impliquent l'utilisation du
discours émotionnel/évaluatif, les 3 sont les analyses d'André Leroy, Raymond Aron
et André Kedros, des acteurs externes au journal, c’est ce que tu voulais dire. Les
restes proviennent du correspondant Maurice Denouzière, et du journaliste Henri
Pierre, en se référant à la possibilité d'exécution du célèbre résistant Manolis Glezos
par le régime d’Athènes. Donc, seulement 2 des 5 articles, dont le discours
« émotionnel » est utilisé, proviennent de reporters du journal, et représente
seulement 2% du total, un pourcentage presque négligeable.
Le Figaro ne suit pas de ligne si strictement informative concernant le type de
discours des journalistes comme Le Monde. Bien que son caractère principal soit
informatif, et se reflète dans le taux de 77% du total des publications qui utilisent un
discours neutre/descriptif, un pourcentage significativement plus grand celui de Le
Monde, 23%, se compose de discours émotionnel, stimulant et mixte. Sauf
l’intervention de Raymond Aron contenant un discours critique, l'envoyé spécial
94%
5% 0% 1%
Le Monde, 20-30
Avril 1967
77%
16% 2% 5%
70%
23%
4% 3%
L'Humanité, 20-30 Avril 1967
NEUTRE/DESCRIPTIF
EMOTIONNEL/CRITIQUE
STIMULANT
MIXTE
81
Jean-François Chaubel utilise principalement un discours émotionnel pour décrire les
événements du coup d'État, par opposition au correspondant permanent Harry Gerson.
Le seul cas où le discours stimulant est utilisé, est quand un appel humanitaire du
journaliste du Figaro est fait sur le sort d'Andreas Papandreou, un homme politique
arrêté par la junte et blessé au cours de sa détention.
Dans le cas de l’Humanité, tandis qu'une grande partie de son discours est
neutre/descriptif, avec 70% du total, si nous soustrayons les « brèves », nous réalisons
qu’avec un taux de 32%, ses journalistes utilisent soit un discours émotionnel, soit
stimulant soit mixte à la présentation des sujets. Selon la taille des publications, nous
concluons que la plupart des sujets centraux et des reportages de la Une contiennent
du discours critique et que le discours descriptif est limitée à des reportages qui
analysent les problèmes secondaires qui ont à voir avec le coup d'Etat.
Durant les événements de décembre 1969, Le Monde utilise moins de discours neutre/
descriptif que d'habitude. Cependant, le fait qu’il accueille des points de vue d’acteurs
externes, tels que André Kedros et Richard Someritis, qu’ils utilisent principalement
le discours émotionnel/évaluatif ou stimulant, réduit remarquablement le taux
d'utilisation du discours émotionnel par le journal pour seulement 10% du total.
74%
22%
0% 4%
Le Monde, 1-15
Décembre 1969
84%
16% 0% 0%
Le Figaro, 1-15
Décembre 1969
60%
40%
0% 0%
L'Humanité, 1-15 Décembre 1969
NEUTRE/DESCRIPTIF
EMOTIONNEL/CRITIQUE
STIMULANT
MIXTE
82
Parmi ces articles, l'un est écrit par la correspondante Bernadette Marchal, qui
s’indigne à la révélation que la torture constitue une « pratique administrative de
routine » en Grèce et la deuxième est une photo d’un emprisonné par le régime. Les
restes sont trois articles et un éditorial du 15 décembre, écrit par des journalistes
anonymes, qui utilisent du discours émotionnel, et renvoient aux pratiques du régime
et de la position neutre du gouvernement français.
Le Figaro pour cette période étudiée, persiste dans le discours neutre et descriptif
(84%). Cependant, le discours émotionnel / évaluatif est utilisée presque
exclusivement dans le cas d’analyse / opinions, alors qu'un article utilisant ce type de
discours, est signé par Maurice Druon, acteur externe. Nous voyons que le Figaro à
l’heure de l'expulsion de la Grèce par le Conseil, préfère clairement le discours neutre
dans ses reportages, séparant l’information du commentaire.
Par contre, dans l’Humanité, l'utilisation du langage neutre/descriptif, semble
représenter 70% du total, si nous soustrayons les « brèves » qui constituent 20% du
total, nous concluons que le taux diminue de façon significative. Les journalistes de
l’Humanité dans les sujets centraux utilisent près de la moitié de fois un discours
émotionnel/évaluatif, lorsqu'ils se réfèrent aux événements en Grèce, un chiffre qui se
différencie à la pratique des deux autres journaux.
66%
30%
0% 4%
Le Monde, 15-30
Novembre 1973
76%
18% 2% 4%
Le Figaro, 15-30
Novembre 1973
59% 29%
6% 6%
L'Humanité, 15-30 Novembre 1973
NEUTRE/DESCRIPTIF
EMOTIONNEL/CRITIQUE
STIMULANT
MIXTE
83
Lors du soulèvement de l'Ecole Polytechnique, le pourcentage du discours neutre du
Monde a fortement diminué, même s’il continue d’être dominant. Marc Marceau, le
correspondant permanent qui d'habitude garde une certaine neutralité, « éclate » au
lendemain de la répression de l'insurrection et utilise un langage émotionnel par
rapport aux restes de ses reportages. L’envoyé spécial Jean Claude Guillerbaud depuis
le commencement utilise le discours émotionnel, et le seul qui continue alors de
suivre le discours neutre est le journaliste du Monde Jean-Paul Francescini, qui perd
ceci dit « son sang froid », sa neutralité une ou deux fois seulement après le coup de
force d’Ioannidis. A ceux là, nous devrions ajouter les analyses/opinions où
d’habitude le discours émotionnel est utilisé par des acteurs externes et les caricatures,
qui indiquent clairement une opposition au régime. Nous concluons, par conséquent,
que lors des événements de l’Ecole Polytechnique, qui est un sujet humain avec une
évidente «déviance», Le Monde a recours au langage émotionnel plus souvent qu'à
d'autres périodes.
Le Figaro, cependant, bien que le taux du discours neutre/descriptif soit réduit, ne
change pas d’habitude pendant les événements de l'Ecole Polytechnique. La seule
différence observée est que le correspondant permanent Harry Gerson, qui utilise
massivement le langage neutre/descriptif, « s'emporte » dans deux-trois articles après
la répression sanglante de l'insurrection, notamment dans les articles où il coopère
avec l'envoyée spéciale Huguette Debaisieux. Ceci peut être expliqué par la tragédie
humaine, qui ne pouvait laisser les journalistes indifférents. Le seul moment où le
discours stimulant est utilisé est par Huguette Debaisieux dans l'article « La Grèce en
liberté provisoire. Les «nouveaux» de l'armée accueillis comme des libérateurs », où
elle encourage le nouveau gouvernement à prendre des mesures libérales.
L’Humanité encore une fois insiste avec un pourcentage fixe l'utilisation extensive de
langage émotionnel/évaluatif à ses reportages centraux et à l’usage réduit du discours
neutre/descriptif dans les nouvelles secondaires. Durant cette période, les journalistes
persistent à critiquer la position du gouvernement français, qui font appel à deux
reprises via un discours stimulant à la condamnation der la réaction de la junte.
84
La période riche d'événements à Chypre, Le Monde et Le Figaro insistent sur
l'utilisation de discours neutre / descriptif (83%), avec une remarquable convergence
des taux d'utilisation des types de discours. Le discours émotionnel / évaluatif est
utilisé dans tous les sept éditoriaux que Le Monde consacre en Grèce, (16-17/7 La loi
des prétoriens, La peur du guêpier, 20-21/7 La « morale » et le fait accompli, Prise
de gage, 23-24-25/7 Le pire évité, "Dear Henry" et Sauves par les turcs…) et aux 3
du Figaro (16/7 Un détonateur, 22-23/7 Apprentis sorciers, Un effet de boomerang),
mais dans les sujets centraux et reportages, le discours neutre est préféré. Cependant
aux analyses / opinions, qui proviennent souvent d’acteurs externes, comme les
portraits de Richard Someritis dans Le Monde, le discours émotionnel et critique
domine. Les seuls cas où les journalistes du Monde et du Figaro utilisent le discours
émotionnel / évaluatif est dans un nombre limité de reportages. Eric Rouleau, qui est
normalement un observateur neutre au Monde, depuis le 20 / 7 commence un barrage
d’articles émotionnels, qui culminent avec la chute de la dictature en Grèce. Dans Le
Figaro, le seul sujet central qui utilise un langage émotionnel, est signé par son
envoyé spécial Jacques Jacquet-Francillion le 23 / 7 et se réfère à la démocratisation
du pays.
83%
17% 0% 0%
Le Monde, 15-31
Juillet 1974
83%
17% 0% 0%
Le Figaro, 15-31
Juillet 1974
79%
19% 0% 2%
L'Humanité, 15-31 Juillet 1974
NEUTRE/DESCRIPTIF
EMOTIONNEL/CRITIQUE
STIMULANT
MIXTE
85
L’Humanité continue le haut pourcentage de discours émotionnel, même si
apparemment il présente un pourcentage de discours neutre / descriptif élevé. La
présence accrue des brèves constituant 18% des publications, convertit
immédiatement ce pourcentage à 61%. Les sujets centraux, les éditoriaux et les
reportages dans l’Humanité le plus souvent expriment des jugements et des critiques
sur la situation en Grèce.
Conclusions:
Pour les périodes étudiées ici, les journaux, en ce qui concerne le type de discours
qu’ils utilisent, suivent différentes tactiques liées à la fois au profil du journal, et à la
nature particulière des thèmes traités.
En général, Le Monde et Le Figaro insistent quant à l’utilisation du discours neutre /
descriptif, en fonction de leur rôle en tant que journaux «strictement informatifs ».
Pour la majorité de leurs reportages et leurs sujets centraux, ils utilisent le discours
neutre / descriptif, réservant le discours émotionnel/évaluatif à des analyses /
opinions, des éditoriaux, des portraits et des matériel d’illustration. Surtout dans Le
Monde, où une grande partie des analyses / opinions provient des contributions de
personnes non-journalistes, Le Monde semble maintenir une distance par des
publications contenant des critiques. Dans Le Figaro, des journalistes qui utilisent au
sein de leurs reportages presque exclusivement de discours neutre / descriptif, tel que
Jacques Renard, utilisent un discours émotionnel / évaluatif lors de l'écriture des
analyses / opinions.
Donc dans le cas des journaux Le Monde et Le Figaro, on tente d'appliquer la tactique
de la séparation de l’information par les commentaires, en utilisant le discours neutre /
descriptif aux articles dits « d’information » et le discours émotionnel / évaluatif aux
articles dits de « commentaire ».135
Cependant, la nature de divers thèmes renverse cet équilibre. Dans des sujets d'intérêt
humain, comme les morts de l'insurrection de l’école polytechnique et les pratiques de
torture, les deux journaux utilisent plus le discours émotionnel / évaluatif. Cette
135
Selon les spécialistes de l’analyse du discours français, tels que Charaudeau et Maingueneau,
relèveraient de l’information les articles dont l’objectif serait de rapporter certains faits avec l’objectif
d’apporter un savoir sur l’actualité, à la différence des articles relevant de l’opinion, qui, eux auraient
pour but de commenter les évènements.
86
pratique est peut être liée à l'analyse de Hallin, ainsi que la violence et la torture sont
des questions de « déviation du consentement », par opposition au coup d'Etat, qui est
une question de « dissidence légitime » qui dépend de l’orientation de chaque journal.
Cet équilibre dépend aussi de chaque journaliste individuel. En général les envoyés
spéciaux comme Jean-François Chaubel, Huguette Debaisieux de Figaro, utilisent un
pourcentage plus élevé de discours émotionnel pour décrire les événements,
contrairement aux correspondants permanents comme Harry Gerson et autres
journalistes basés en France. Cela peut s'expliquer soit par le caractère du journaliste
et le style d'écriture, soit par le fait que le correspondant permanent a un regard plus
serein et plus calme sur les faits, puisque séjournant dans le pays il est plus préparé à
des crises politiques et sociales. Au lieu de cela, l'envoyé spécial est sur le terrain tout
d'un coup, et par conséquent il est plus facilement affecté émotionnellement par les
événements.
En revanche, l’Humanité qui comme journal partisan supporte la théorie de la
mobilisation136, utilise plus extensivement le discours émotionnel / évaluatif dans
toutes les catégories de publications. Hormis les brèves, dont le langage est toujours
neutre / descriptif, l’Humanité utilise souvent le discours émotionnel / évaluatif dans
les reportages et les sujets centraux. Il ne sépare pas les « articles informatifs » et les
« articles de commentaire ». Puisque pour ce journal le rôle du journaliste est de
critiquer, de développer politiquement les faits et d’engager le public, de promouvoir
une idéologie et pousser dans une sorte d'action. Toutes ces cibles sont réalisables
plus facilement via un discours émotionnel / évaluatif ou stimulant. Dans le cas de
l’Humanité les différents thèmes et les différents journalistes ont peu d'influence sur
le type de discours utilisé. Sa tactique est consolidée.
136
Protess DL, The Journalism of Outrage. Investigative Reporting and Agenda Building in America, London, The Guilford Press, 1991
87
b) La tonalité du journaliste envers le régime
Le Monde en ce qui concerne la tonalité des journalistes vers le nouveau régime en
Grèce, suit la même ligne que le discours qui est utilisé. 92% gardent une attitude
neutre envers la dictature, tandis que 8% restant s’expriment négativement, nous ne
devons pas oublier la contribution de trois acteurs externes au journal. Cependant, le
fait que le journal n’accueille ni un article positif envers la dictature indique
clairement qu’il garde une distance ferme vers les leaders du changement de régime.
Le Figaro, même s'il poursuit une attitude neutre avec un pourcentage de 86%, évite
clairement de condamner le nouveau régime en Grèce. Hormis la critique négative de
Raymond Aron, on trouve qu'un dessin de presse anonyme négative envers la
dictature. Avec trois reportages ambigus et un positif, de Jean-François Chauvel le
27/04, le journal envisage le nouveau régime comme un «mal nécessaire» qui venait
de mettre un terme à « l’absence de gouvernance » et « l'anarchie ».
Pour Le Figaro le soutien du roi au nouveau régime se montre important. Jusqu’au
24/04 il détient une attitude strictement neutre. Une fois que le roi approuve le
nouveau régime, l'attitude du journal change et s’exprime plus librement de la «
nécessité » du changement de régime. Jean-François Chauvel dans son article positif
n’hésite pas à appeler les putschistes « Don Quichotes, spartiates qui veulent balayer
92%
0% 8% 0%
Le Monde, 20-30
Avril 1967
86%
2% 5% 7%
Le Figaro, 20-30
Avril 1967
68%
0%
32% 0%
L'Humanité, 20-30 Avril 1967
NEUTRE
POSITIVE
NEGATIVE
AMBIGUE
88
les écuries d'Augias ». Toutefois, dans le reste des articles, le journal semble
maintenir une attitude d’attente, mais avec une un certain soutien vers le nouveau
régime.
L’Humanité, par contre, suit une ligne négative très claire envers ce nouveau régime.
La « dictature fasciste », comme il ne cesse de l’appeler dès le premier jour du coup
d'Etat, il s'agit alors d'un système condamnable qui doit s’effondrer. Comparé aux
deux autres journaux, l’Humanité utilise la tonalité la plus négative, avec 32% du total
des publications. Avec l’exception des brèves, le pourcentage s'élève même encore
plus.
En décembre 1969, la tonalité du journal Le Monde envers le régime des colonels
contient de nombreux reportages négatifs, qui atteignent 22% du total. Si de ce
pourcentage nous abstrairons les analyses d’acteurs externes, la tonalite négative
atteint 10% des articles du journal.
Parmi ces articles, Bernadette Marchal et Eric Rouleau critiquent le régime sur la
question de la torture, malgré les tentatives de garder un positionnement neutre.
L’éditorial du 15 novembre, intitulé « LA GRECE FACE A L'EUROPE » déduit le
résultat du Conseil de l'Europe en une condamnation du régime en Grèce.
78%
0%
22% 0%
Le Monde, 1-15
Décembre 1969
84%
0% 16% 0%
Le Figaro, 1-15
Décembre 1969
60%
0%
40%
0%
L'Humanité, 1-15 Décembre 1969
NEUTRE
POSITIVE
NEGATIVE
AMBIGUE
89
Le Figaro pour cette même période, utilise une tonalité négative limitée, presque
exclusivement à ses cinq publications d'analyse / opinion. Parmi eux, seul l'article
intitulé « Les huit « coups de chance » de la junte» le 11/12, prend une position
clairement contre le régime, tandis que dans les autres quatre la critique est plus
modérée. Le Figaro à l’heure de l'expulsion de la Grèce par le Conseil garde une
attitude plus prudente envers la condamnation du régime. Le fait, cependant, qu’il ne
contient ni même un article positif ou ambigu, proclame son opposition à la pratique
des violations des droits de l’homme par le régime.
L’Humanité continue sur la même ligne de critique négative très clair à la dictature. Il
constitue le seul journal qui publie une partie du rapport d'Amnesty International et
fait des reportages détaillés sur les violations des droits de l'homme en Grèce.
Secondairement, le journal porte un rôle d'opposition politique envers le
gouvernement français, critiquant fortement sa position neutre envers les « dictateurs
fascistes ». Dans cinq reportages, bien que le prétexte soit la dictature en Grèce, le
journal transfère la critique au gouvernement français (11/12 : Le gouvernement
français va-t-il s'opposer à l’ exclusion des colonels grecs au conseil de l'Europe?)
Lors du soulèvement de l'Ecole Polytechnique, Le Monde a le pourcentage le plus
élevé de critiques négatives envers le régime, qui touche 40% du total, presque le
56%
0%
40%
4%
Le Monde, 15-30
Novembre 1973
87%
2% 9% 2%
Le Figaro, 15-30
Novembre 1973
56%
0%
44%
0%
L'Humanité, 15-30 Novembre 1973
NEUTRE
POSITIVE
NEGATIVE
AMBIGUE
90
même que l’Humanité. La nature du thème, qui constitue un sujet d’intérêt humain
avec une évidente « déviation » équivaut presque aux publications négatives des deux
journaux qui suivent une ligne différente.
Toutefois, concernant le changement du régime après le coup d'Etat d’Ioannidis, cette
convergence cesse d'exister. Le Monde, bien qu'il semble suspicieux envers le
nouveau régime, adopte un positionnement plus ambigu (29/11 Dans un climat
d'inquiétude et d'espoir la population s'interroge sur les intentions du nouveau
pouvoir) que l’Humanité que l’alternance de « dictatures fascistes » n’a aucun impact
sur la tonalité utilisée (26/11 Grèce : un dictateur chasse l'autre… le général Ghizikis
renverse Papadopoulos).
Le Figaro, bien que le pourcentage de tonalité négative aie augmenté, ne modifie pas
beaucoup son positionnement régulier lors les événements de l'École Polytechnique.
Les publications chargées négativement sont assez limitées et ont à faire uniquement
avec les reportages du terrain qui abordent les questions d'ordre humanitaire, comme
les morts et les blessés. Le seul article qui s’expose clairement contre le régime
(22/11 Grèce : le novembre noir des colonels. Les dernières illusions d’un peuple
écrasé par les chars) appartient à l'envoyée spéciale Huguette Debaisieux, qui, dans
tous ses reportages, prend une position purement négative envers le régime. C’est
peut être un des articles les plus négatif du Figaro envers le régime en Grèce. A ceci
vient s'opposer l'article du correspondant permanent Harry Gerson, (24/11 Les
arrestations se poursuivent mais… allégement de la loi martiale) qui, bien qu'il ne
prenne pas de position en faveur du régime, éloge l’attitude « calme » et
« responsable » des colonels.
Cependant, lors du changement de régime, Le Figaro traite les nouveaux
protagonistes de la scène politique grecque presque comme des libérateurs. Outre
Huguette Debaisieux qui garde une attitude prudente (26/11 De Charybde En
Scylla?), les autres traitent pratiquement la dictature en Grèce comme une « question
close ».
91
Pendant les événements du coup d'Etat à Chypre et la chute de la dictature, Le Monde
et Le Figaro montrent un chiffre relativement faible de critiques négatives envers le
régime. Alors que les articles impliquent clairement la Grèce aux événements de
Chypre, avec l’article de Richard Someritis le 16 / 7 intitulée « UN CRIME SIGNÉ »,
rapprochant le régime des colonels à la guerre de Chypre, les deux journaux gardent
une attitude assez détachée. Cependant, dans leurs éditoriaux, les quotidiens
s’opposent fortement à la dictature et étant donné leur position sur la première page,
nous pourrions dire que les deux journaux s’engagent suffisamment contre le régime
de la Grèce.
La preuve de leur engagement est la multiplication des critiques négatives envers le
régime après sa chute, à la fin de juillet 1974. La tonalite négative est largement
utilisée, tant par Le Monde, que par Le Figaro. Des journalistes comme Eric Rouleau,
qui pendant toutes les années de la dictature avaient gardé une position très neutre et
modérée, « éclatent » après la chute de la junte, avec des articles très sévères. De la
même façon, dans le Figaro, qui laisse à côté la position modérée détenue pendant ces
sept années de dictature, s'oppose avec véhémence au régime, même à travers des
sujets centraux.
92%
0% 8% 0%
Le Monde, 15-31
Juillet 1974
94%
0% 6% 0%
Le Figaro, 15-31
Juillet 1974
82%
0%
18% 0%
L'Humanité, 15-31 Juillet 1974
NEUTRE
POSITIVE
NEGATIVE
AMBIGUE
92
L’Humanité, cohérent dans son attitude d’opposition, célèbre la chute du régime, tout
en conservant des doutes quant à Constantin Caramanlis, leader conservateur. La
plupart des éditoriaux expriment leur opposition au régime, en parlant d'une fin « déjà
annoncée ».
Conclusions:
L'attitude des trois journaux envers le régime des colonels varie également en
fonction du profil de chaque journal et des sujets abordés. Cependant, puisque la
plupart des informations proviennent des agences de nouvelles, le risque posé par un
tel développement est l’homogénéisation lors de la présentation des nouvelles
internationales, car ils reflètent souvent les choix et les valeurs des agences de
nouvelles137. Ce phénomène est souvent observé à la couverture des événements dans
les journaux, en particulier dans les brèves de presse, ou dans les premiers reportages
sur un sujet. Ensuite, chaque journal consolide son point de vue sur les faits.
Le journal Le Monde prend immédiatement des distances envers les leaders du coup
d'Etat en ne consacrant ni même un article positif envers le régime dictatorial. Or, dès
le commencement, il maintient une ligne strictement informative, publiant des
reportages neutres, mais les analyses des partenaires extérieurs, que Le Monde choisit
d'accueillir dans ses pages, sont presque toujours négatives envers la junte. Par
conséquent, la séparation des nouvelles et des commentaires qui existait sur le type de
discours, continue d'exister dans la tonalité utilisée par Le Monde, au moins en ce qui
concerne les questions de non-intense intérêt humain. Au fil du temps, son attitude
devient de plus en plus négative, et ce, de façon culminante pendant les événements
de l’Ecole Polytechnique avec un pourcentage sans précédent pour Le Monde de 40%
des publications négatives. Des commentaires négatifs apparaissent durant cette
période, même dans des reportages et des sujets centraux. Cette convergence du
Monde avec le pourcentage de l'Humanité, deux journaux qui suivent des lignes
différentes, met en évidence l'opposition du journal Le Monde en ce qui concerne les
violations des droits de l’homme. En ce point, le journal devient de plus en plus
137
Gurevictch M., Levy M., Roeh, I., Τhe Global Newsroom: convergences and diversities in the
globalization of television news, dans Dahlgren, P. & Sparks, C., Communication and Citizenship:
Journalism and the Public Sphere in the New Media Age, London, Routledge, 1991
93
hostile à la junte militaire, ce qui est prouvé pas les éditoriaux négatifs durant la
période des événements de Chypre.
Le cas de Figaro est plus complexe. Depuis le début le journal envisage le nouveau
régime comme un régime autoritaire, mais « tolérable » et « nécessaire ». Bien que la
plupart des publications soient neutres, il n’hésite pas à publier un total de 4 articles
en faveur de la dictature : un après le coup d'Etat et les restes pendant les événements
de l’Ecole Polytechnique et le nouveau coup d'Etat. Les reportages négatifs sont
principalement axés sur la période de l’expulsion par le Conseil de l'Europe et le
soulèvement des étudiants, faisant preuve de l'importance de la « déviation du
consensus ». La séparation des nouvelles par des commentaires est respectée pour des
articles, même pendant les événements de décembre et de l'École polytechnique.
Cependant, il n'est pas respecté concernant les articles positifs, qui habituellement
s’intègrent aux reportages. Quand cela est possible, le journal exprime sa « bonne
volonté » envers le régime, tout en accueillant facilement la dictature d’Ioannidis
comme la fin de la junte. Toutefois, durant les événements de Chypre, l'attitude du
journal est assez hostile au régime et se culmine après la chute, où Le Figaro
abandonne sa position modérée détenue pendant sept ans et s'oppose avec virulence
au régime, même via des sujets centraux.
Une fois encore, les envoyés spéciaux ont une attitude plus critique envers le régime
que les correspondants permanents, en particulier dans le cas du Figaro. L'hostilité
déclarée de Harry Gerson envers les communistes (voir ci-dessous) le conduit à
rédiger des articles très modérés, même quand il s'agit de tragédies humaines.
Toutefois, lorsque l’envoyée spéciale Huguette Debaisieux arrive sur place, la tonalité
de leurs articles change contre la junte. Un cas particulier constitue le correspondant
pour Le Monde Eric Rouleau qui bien que pendant toutes les années de la dictature
conserve une position neutre, publie des critiques sévères contre le régime après la
chute.
L’Humanité pendant toutes les années de dictature suit une ligne clairement négative
envers le régime. Comparé avec les deux autres journaux, il montre les jugements les
plus négatifs, à la fois dans les reportages, les sujets centraux, les éditoriaux et les
analyses. Secondairement, le journal porte le rôle d'opposition politique, critiquant le
gouvernement français pour sa position neutre sur la « dictature fasciste » selon l’avis
94
de son parti. En général, le journal s’engage idéologiquement contre la dictature et
cela se reflète clairement dans sa tonalité, qui n’évolue pas particulièrement au fil du
temps puisqu’était déjà assez virulente dès le début de la dictature.
La tonalité du journaliste envers la résistance au régime
En ce qui concerne la tonalité des journalistes de presse écrite envers la résistance au
nouveau régime en Grèce, dans Le Monde, le pourcentage de tonalité neutre est
encore plus élevée, avec un pourcentage de 96%. Trois sur quatre critiques positives
proviennent de contributions externes. Il ne reste ainsi qu'une « brève » le 30/04, qui
présente une image positive de la résistance au régime. Le Monde est en général
neutre en ce qui concerne la résistance en Grèce, car les articles soutenant
ouvertement la résistance proviennent de contributions externes.
Le Figaro augmente aussi les articles à tonalité neutre envers la résistance au régime
avec un taux de 93%. Cependant, la seule évaluation positive envers la résistance à la
dictature provient de l’article de Raymond Aron. Contrairement au journal Le Monde,
Le Figaro dans deux articles parait négatif envers l'opposition à la dictature, et la rend
responsable de la crise gouvernementale qui en résulte. Il se réfère à l’opposition
comme aux « barons bourgeois » et « les communistes de Papandréou qui
96%
4% 0% 0%
Le Monde, 20-30
Avril 1967
93%
2% 5% 0%
Le Figaro, 20-30
Avril 1967
78%
22% 0% 0%
L'Humanité, 20-30 Avril 1967
NEUTRE
POSITIVE
NEGATIVE
AMBIGUE
95
détruisaient avec des manifestations le centre d'Athènes » (27/04). De la crise
gouvernementale, le rôle du roi est totalement absent, qui est présenté soit comme
victime, soit comme contributeur à un « changement social ». Le 28/04 avec l’article
de Jean-François Chauvel intitulée « Soulagement général l'après le ralliement du
Souverain », Le Figaro estime que l'affaire est close, que le roi a décidé de « laisser
les soldats mettre un peu d'ordre dans la maison ».
L’Humanité a la plus grande proportionnalité entre les jugements négatifs envers le
nouveau régime et les jugements positifs envers la résistance, avec 22%. N'étant pas
clairement en faveur de la démocratie bourgeoise qui existait avant, il souligne
l'implication du parti communiste et généralement des partis de gauche à la vague de
résistance qui se souleva contre le régime. Il est intéressant de noter que l’Humanité
exagère quant à toute rumeur qui concerne des efforts de résistance au coup d’état,
en présentant aussi de nombreux articles concernant la réppression de chaque
tentative de résistance à la dictature. Ce thème occupe environ 30% des articles,
décrivant les conditions de détention barbares et les assassinats politiques, même si
elles ne sont pas données de façon plus détaillée, car il est impossible de les vérifier à
l'époque.
Pour l’Humanité la résistance à la dictature représente « l’ensemble du peuple grec »
et invite le peuple français à être solidaire. Par ailleurs, de nombreux articles
concernent la réalisation d’une délégation du PCF à l'ambassade de Grèce à Paris et
d’une conférence organisée par le PCF, où des exilés Grecs avec des politiciens
membres du PCF expriment le besoin de solidarité.
96
La période des événements menant à l'exclusion de la Grèce par le Conseil de
l'Europe, contient le plus grand nombre d'articles positifs dans Le Monde quant à la
résistance face au régime politique en place, même si toutefois les publications
neutres sont clairement plus nombreuses. Alors que la plupart des articles « positifs »
sont des analyses / opinions d’acteurs externes, deux reporters du journal, Bernadette
Marchal et Eric Rouleau s’expriment positivement pour ceux qui résistent au régime.
Plus particulièrement, ce dernier qui d’habitude apparait neutre dans ses reportages,
semble choqué par le fait que la torture constituait en Grèce «pratique administrative
courante», selon le rapport d'Amnesty International. Cette période contient le plus
petit « écart » entre les critiques négatifs pour le régime et les positives pour la
résistance à celui-ci, car ils sont considérés comme des victimes humaines de la
violence, quelle que soit leur appartenance à un parti politique.
Bien que Le Figaro semble être affecté par l’aspect de déni des droits de l’homme par
le régime en place (mis en valeur par des publications à connotation négative envers
le régime politique), il ne semble pas pour autant évaluer de façon très positive la
résistance face au régime politique. La seule évaluation positive envers la résistance à
la dictature est présente dans l'article de l’académicien Maurice Druon, les autres
articles du journal restant ainsi dans une tonalité neutre, gardant une certaine distance.
80%
20% 0% 0%
Le Monde, 1-15
Décembre 1969
97%
3% 0% 0%
Le Figaro, 1-15
Décembre 1969
85%
15% 0% 0%
L'Humanité, 1-15 Décembre 1969
NEUTRE
POSITIVE
NEGATIVE
AMBIGUE
97
Toutefois pendant cette période, les commentaires négatifs sont absents, car il
paraitrait inacceptable d’accuser des victimes de la torture.
L’Humanité, avec des articles détaillés sur les conditions de vie des prisonniers par le
régime, consacre 15% de toutes les publications à des jugements positifs sur la
résistance au régime. Cependant, le journal couvre de façon réduite le sujet, car se
concentre plus sur le congrès qui a lieu en Tchécoslovaquie. Le décalage entre les
critiques négatives contre le régime et le soutien explicite à la résistance est élevé,
contrairement à la tactique habituelle du journal.
Durant le soulèvement de l'Ecole Polytechnique, le journal Le Monde présente le
pourcentage le plus élevé de critiques négatives envers le régime, qui touche 40% des
publications. Néanmoins, il ne consacre pas autant de « rubriques », « d’espaces » aux
reportages « positifs » quant à la résistance au régime. Ils sont limités à trois, dont
deux seulement concernent les insurgés. Le troisième, un article de Jean Claude
Guillerbaud le 23/11 intitulé «Tandis que la répression se poursuit à Athènes SIX
ANCIENS MINISTRES CENTRISTES DEMANDENT LE DEPART DE M.
PAPADOPOULOS», se réfère positivement à l'opposition au régime, car les
« anciens ministres » n’étaient pas communistes. Il devient donc évident que dans le
cas de rébellion, Le Monde continue d'être prudent quant aux jugements, si l'identité
92%
6% 2% 0%
Le Monde, 15-30
Novembre 1973
80%
4% 9% 7%
Le Figaro, 15-30
Novembre 1973
71%
29%
0% 0%
L'Humanité, 15-30 Novembre 1973
NEUTRE
POSITIVE
NEGATIVE
AMBIGUE
98
des participants n'est pas claire. Conformément à cela, Le Monde n'hésite pas à publier
un éditorial le 18/11 intitulé « La « démocratisation » d'échec », où il attaque à « les
méthodes de la rébellion » des résistants, en y attribuant une partie de responsabilité
pour l'échec des efforts de « libéralisation » de Papadopoulos.
Une tactique similaire, mais beaucoup plus intense, est entreprise par Le Figaro, avec
un plus grand accord entre les reportages négatifs sur la junte et les positifs sur les
étudiants. La ligne conservatrice du journal impliquant son opposition aux pratiques
comme émeutes et révolutions, est plus évidente que jamais. De rares articles
contiennent une critique, les négatifs sont nettement plus nombreux que les positifs,
alors qu'il existe une grande proportion de reportages ambigus. Le 19/11, l’éditorial
de Roger Massip intitulé «RESPONSABILITÉS» s’exprime dynamiquement contre les
insurgés énonçant que leur révolte aurait arrêté la tentative de la « libéralisation » du
régime. Le journaliste apparaît particulièrement critique, sans faire la moindre
référence aux méthodes répressives du régime.
Or, dans les autres quatre articles, dont deux sont des sujets centraux, les résistants
sont présentés comme motivés par des éléments communistes et l'insurrection comme
loin d'être spontanée (17/11, « A l'École Polytechnique tout est prévu pour tenir une
dizaine de jours ... »), tandis que Harry Gerson ne cesse jamais à souligner que les
étudiants sont « armés », ce qui reflète clairement la propagande du régime et a été
prouvé comme complètement faux. Alors que le journal s’exprime avec sympathie
pour les victimes, il juge cependant que les insurgés sont aussi responsables pour le
résultat tragique. Les seuls articles positifs envers la résistance au régime, sont
présents dans les pages culturels concernant l'actrice Mélina Mercouri et une
correspondance de Huguette Debaisieux le 22/11 où elle attaque le régime.
Par contre, l’Humanité, soutient dès son origine la lutte des étudiants, qui représente,
selon le journal, l’ensemble du peuple grec. Ce soutien est très direct et explicite,
virant parfois même à l'exagération, comme dans l'article du 21/11, intitulée «
PLUSIEURS CENTAINES DE MORTS A ATHENES? ». En conséquence, l'article
dans le Figaro intitulé «RESPONSABILITÉS», provoque un «conflit» entre les deux
journaux, à l'occasion de la dictature grecque. Le 20/11, un article paru dans
l'Humanité intitulé « LA FAUTE AUX ETUDIANTS » accuse Le Figaro d'empathie et
du support à la «dictature fasciste ».
99
Son soutien au peuple grec devient encore plus prononcé lors de l'organisation par le
PCF d’une manifestation et d’une délégation à l'ambassade de Grèce. Le journal ne
sépare pas les intérêts partisans des nouvelles. Ceci est d’autant plus apparent dans
l'article du 23/11, où le titre est: « Grèce: nouvelles arrestations. De 17 à 19 heures
délégation aujourd'hui à L'ambassade ».
Le Monde et Le Figaro en juillet montrent un assez petit pourcentage de critiques
positives envers les résistants au régime. Or, il existe une certaine pertinence avec le
pourcentage de critiques négatives envers la dictature. En général, le pourcentage de
tonalité neutre est écrasant, en gardant une attitude assez détachée. Le Monde se réfère
positivement à la résistance au régime quand elle se réfère aux personnalités
politiques connues, telles que Constantin Caramanlis, dont il fait l’éloge dans son
article le 29/07 intitulé: « S'opposant au clan des militaires M. Caramanlis a formé le
gouvernement le plus représentatif que la Grèce ait jamais connu ». Le Figaro, bien
qu’il se réfère dans plusieurs articles négativement vis-à-vis de la junte, seulement
trois photos sont positives envers la résistance, en tenant une position assez
« fermée » sur le sujet de la résistance.
97%
3% 0% 0%
Le Monde, 15-31
Juillet 1974
96%
4% 0%
0%
Le Figaro, 15-31
Juillet 1974
88%
12% 0% 0%
L'Humanité, 15-31 Juillet 1974
NEUTRE
POSITIVE
NEGATIVE
AMBIGUE
100
Par contre quand se réfère à des personnalités politiques qui n'appartiennent pas au
champ gauche, L’Humanité maintient quelques réserves. Les articles les plus positifs
envers la résistance au régime se réfèrent aux membres de la gauche, dont il crée des
articles élogieux. Pour l’Humanité la chute de la dictature est considérée avant tout
comme une victoire du peuple grec, qui avait résisté au régime dictatorial. Il parait
préoccupé, toutefois, du chemin que prend la « libéralisation », qui n'est pas aussi
rapide qu’il aurait souhaité.
Conclusions:
Parmi les trois journaux, les commentaires les plus positifs sur la résistance au régime
sont présents, de loin, dans le quotidien l’Humanité. Le journal identifie tout le peuple
grec aux résistants au régime et garde une attitude clairement positive à leur égard.
Bien qu’il donne plus de visibilité aux personnages appartenant à la gauche, il insiste
sur la violation de la démocratie et présente souvent dans ses articles les membres de
la résistance grecque comme de nouveaux « maquis ». Ceci est aussi mis en valeur par
le fait que pendant le soulèvement de novembre, dès le premier jour, L’Humanité
prend le parti des rebelles, publiant en même temps des événements solidaires du
PCF.
Dans les cas du Monde et Figaro, leur attitude est plus complexe. Le décalage entre
les critiques négatives face à la dictature et les critiques positives face à la résistance
est impressionnant. Bien que ces deux chiffres doivent être égaux, ils ne le sont pas.
Le fait que le journaliste peut être contre le nouveau régime ne signifie pas qu’il soit
en faveur de la résistance au régime. Ceci peut être expliqué d'une part de l’attitude
« informative » du Monde et du Figaro, et d’autre part, du contexte historique dans
lequel les événements se déroulent. Nous sommes dans la dernière période de la
Guerre Froide, et l’orientation du journal Le Monde est centre-gauche. Alors, il ne se
risquerait pas à soutenir une résistance qui sera probablement stigmatisée par les
porte-paroles politiques comme « communiste ». La position prudente se reflète la
plus proprement, comme nous le verrons ci-dessous, par le vocabulaire utilisé.
Pour Le Monde, les avis positifs viennent principalement d’acteurs externes, dans les
analyses / opinions. Le prestige d'une institution comme le Conseil de l'Europe donne
le feu vert au journal de multiplier les critiques positives envers la résistance au
régime. Si le Conseil prend « leur parti », le journal estime qu'il est libre de s'exprimer
101
positivement. Cette période a pour Le Monde le plus petit décalage entre les avis
négatifs pour le système et les avis positifs envers les résistants, aussi grâce à l’intérêt
humain du sujet.
Cependant, il ne s’agit pas du même processus pour Le Figaro, qui préfère maintenir
une attitude implicite. Le silence se rompt avec sa « justification » lors des
événements de l’Ecole Polytechnique. Le Figaro, comme journal conservateur, est
fortement contre chaque pratique d’insurrection. Déjà, depuis le coup d’état il avait
été très sévère envers la tentative des étudiants Grecs à saisir l'ambassade de Grèce à
Londres. Dans son article le 30/04/1967, intitulé: « Londres: L'ambassade de Grèce
mise à sac », le journal fait rapport de dégâts du côté des étudiants. Pendant les
événements de l’Ecole Polytechnique le journal culmine la critique négative envers la
résistance et les accuse d’avoir dépassé les limites, tout en laissant soupçonner une
incitation communiste et de violence par les étudiants. La sympathie pour les victimes
n’empêche pas de leur verser une part de responsabilité. La caractérisation de l'Ecole
Polytechnique comme « bateau ivre », une référence à la Sorbonne occupé en mai 68,
est représentative de ses intentions.
Le Monde prend une position similaire mais beaucoup plus modérée sur les
événements émeutiers, surtout lorsque l’orientation politique des participants à
l'insurrection n'est pas claire. Généralement, quand Le Monde se réfère positivement
aux résistants, se réfère à des personnes spécifiques dont le positionnement politique
est connu et ont un prestige international.
c) Nom /Statut des locuteurs
Les personnes à qui un journal choisit de donner la parole, ainsi que le traitement par
les journalistes, jouent un rôle important dans l'image finale qu’aura le lecteur sur un
sujet.
102
La figure ci-dessus montre que pour les trois journaux, on donne plus souvent la
parole à des hommes politiques, qui représentent 69% des locuteurs du journal Le
Monde, 58% du Figaro et 79% de l’Humanité.
Parmi eux, dans Le Monde, il est observé peu de décalage entre les hommes politiques
appartenant au nouveau régime, ceux qui s'y opposent et ceux des pays étrangers. En
revanche, dans Le Figaro, le pourcentage des hommes politiques qui appartiennent au
nouveau régime est deux fois plus supérieur à celui de ceux de l'opposition, tandis que
les vues de politiciens étrangers sont totalement absentes, ainsi que celles des
intellectuels et des citoyens. Il devient donc clair que Le Figaro considère le coup
d'Etat en Grèce comme une affaire purement interne au pays pour lequel il n'est pas
nécessaire qu’un acteur externe exprime son opinion.
L'inverse est cependant observé pour l’Humanité, qui insiste sur l'universalité du
thème et l’impact possible sur l'avenir des pays européens et même en France. Pour
cette raison, il donne la parole aux politiciens à l'étranger et aux politiciens français
avec un pourcentage écrasant de 47% du total et de 79% de tous les hommes
politiques qui sont présentés dans le journal. Cette concentration de l’Humanité ne
devrait pas surprendre, en pensant que la plupart de ces locuteurs politiciens français
sont membres du PCF. Pour le journal, en tant qu’organe politique du parti, il est
normal de servir ses politiciens.
Le Monde donne la parole à un pourcentage de 31% des représentants du nouveau
régime en Grèce, que ce soit des militaires ou des civils et à un pourcentage de 23%
0 2 4 6 8
10 12 14 16
10 8
12
3 5
0 0
3 2 0
2 3
0
8
4
0 0
4
0 0 0 1 0 0 2
0
4 3 4
16
4
1 1 0 1 0 0 0 0
Statut des TH, 20-30 Avril 1967
103
des représentants de la résistance au régime. Cet équilibre n'existe pas dans Le
Figaro, car elle héberge dans ses pages 63% des locuteurs du régime et seulement
21% de la résistance. L’Humanité maintient également la même proportion, 26% et
12% respectivement. Cependant, cette différence est interprétée très différemment
dans le cas d’Humanité et du Figaro. Causée par le manque de voix supplémentaires
contre le régime dans le Figaro, pour l’Humanité, la plupart des locuteurs proviennent
de la gauche française et s’expriment contre le régime.
Les citoyens et les intellectuels / artistes ont une représentation assez faible dans les
trois journaux, car ils ne sont que 7% et 8% respectivement du total des locuteurs.
Les hommes politiques sont représentés avec une majorité écrasante aussi pour la
période des événements de décembre en Grèce avec 81% dans Le Monde, 85% dans
Le Figaro et75% dans L'Humanité.
La nature du sujet cependant, qui constitue un processus institutionnel de la politique
internationale, augmente le nombre de déclarations des politiciens étrangers dans tous
les trois journaux. Surtout dans Le Monde, le pourcentage de points de vue des
politiciens français et d'autres pays à l'étranger, est presque équivalent au pourcentage
de points de vue des politiciens grecs. Le Figaro et L'Humanité vont plus loin, en
donnant plus d'espace aux opinions des personnes en France et à l'étranger qu’à celles
des hommes politiques grecs.
0 1 2 3 4 5 6 7
7
2
6
2 3
0 0 0 0 1
0 0 0
3
1
5
2
0 0 0 1
0 1
0 0 0 1 1
2 2 1
0 0 1
0 0 0 0 0
Statut des TH, 1-15 Décembre 1969
104
Parmi les politiciens français qui sont invités à faire des déclarations, le Secrétaire
d'État aux affaires étrangères Jean-Noël de Lipkowski est le plus souvent appelé dans
Le Monde et Le Figaro, alors que dans l’Humanité, il s’agit rigoureusement des
membres du PCF, comme Louis Odru et Leo Havon. Nous devons souligner
également que l’Humanité accorde une importance égale aux hommes politiques en
France et à l'étranger, contrairement aux deux autres journaux qui insistent davantage
sur des opinions des hommes politiques étrangers. En le reliant à des variables
précédentes à l’étude, ce résultat provient de l’insistance de l'Humanité à ramener la
question de la Grèce à un sujet de la politique étrangère française, critiquant ainsi le
gouvernement français pour son silence.
Pour les politiciens grecs, le « protagoniste », c'est-à-dire l’acteur principal parmi les
locuteurs du régime est Panayiotis Pipinelis, Ministre des Affaires étrangères et
représentant de la Grèce au Conseil de l'Europe. Le Monde l’appelle assez
fréquemment à faire des déclarations, résultant en un grand décalage entre les
locuteurs du régime et les dissidents, avec 48% et 10% respectivement. Dans Le
Figaro, le décalage est plus petit, avec 23% et 15%, tandis que pour l'Humanité les
taux sont égaux.
Une fois de plus le pourcentage d'intellectuels invités à exprimer leurs avis sur la
situation en Grèce est très faible.
0 1 2 3 4 5 6 7 8
5
7
1 0
8
1 1 0 0 0
3
0
4 4
0 0
5
0 0 1
0 0 0
7
0
4
2 1
2 3
0 1
0 0 0 1
0 0
Statut de TH, 15-30 Novembre 1973
105
La supériorité apparente des déclarations des politiciens semble s’affaiblir dans la
période des événements de l’Ecole Polytechnique. Les locuteurs apolitiques touchent
un taux de 50% dans Le Monde, 38% dans le Figaro, et 64% dans L'Humanité.
Cependant, considérant la composition d'une dictature comme celle en Grèce, où les
militaires avaient pris des positions politiques et s’exprimaient comme des
représentants politiques, un grand pourcentage des militaires du régime faisant des
déclarations pourrait également être considéré comme une représentation politique.
Dans ce cas, le taux de 31% du Monde, de 24% du Figaro et de 14% de l'Humanité
des déclarations des militaires qui occupaient des postes politiques pourraient
éventuellement être comptés comme des déclarations politiques. Ainsi, le pourcentage
de déclarations politiques arriverait aux niveaux standards. La différence se trouverait
dans les nombreuses déclarations faites par les militaires, à cause de l'opération
militaire contre les insurgés.
Parmi ces personnes, Le Monde présente avec un pourcentage de 54% des locuteurs
du régime et de 31% des dissidents, Le Figaro 43% et 24%, et l'Humanité 57% et
14% respectivement. La différence observée pour la période des événements de
Novembre '73 se trouve dans l'importance accordée aux déclarations des citoyens
pour des événements. Avec 12% pour Le Monde et 7% pour l'Humanité, Le Figaro
bat le record avec 33% des déclarations appartenant aux citoyens. L '« oeil
humanitaire » du Figaro sur les événements résulte des reportages de Harry Gerson et
Huguette Debaisieux. En revanche, l'Humanité adhère à la dimension internationale
des événements, ainsi lors du coup d’état, 29% des déclarations sur les évènements
proviennent de Français et d’étrangers.
106
La carte des intervenants lors des événements de juillet montre que le pourcentage d’
hommes politiques est à nouveau le plus élevé avec76% dans Le Monde, 82% dans Le
Figaro et 83% dans l’Humanité. Cependant, les événements ayant lieu
principalement dans un autre pays, augmente considérablement les déclarations des
acteurs étrangers, en particulier de Turquie et de Chypre. Quand le thème devient plus
international et l'ONU est impliquée, ce chiffre augmente.
L’Humanité, selon sa pratique de lier les enjeux internationaux avec la scène politique
française, est le seul journal à accueillir des opinions d’hommes politiques français.
Les intervenants sont pour la plupart des politiciens du PCF, à l'exception du
président Valéry Giscard d'Estaing et Jean Sauvagnargues, Ministre des Affaires
Etrangères.
Avec l'effondrement du régime, l'équilibre entre les déclarations des personnes du
régime et des dissidents se bouleverse. Pour la première fois dans les trois journaux,
les représentants de la résistance au régime prévalent par35% dans Le Monde, 25%
dans le Figaro et 34% dans l’Humanité, versus 9%, 5% et 5% pour les représentants
du régime. La légitimation ou non d’un régime résulte à la prolifération de la
promotion de ses représentants indépendamment de sa nature, avec des différences
mineures pour les trois journaux.
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0
Statut des TH, 15-31 Juillet 1974
107
Conclusions:
Ces données confirment le caractère « personnifiant » des nouvelles. Ainsi, selon la
théorie de Becker pour la « hiérarchie de crédibilité »138, il est plus probable que ceux
qui occupent des positions hiérarchiques « élevées » expriment leurs opinions sur
des sujets conflictuels, car étant donné leur « haute position » au sein de la société, ces
« portes-paroles » donnent ainsi l’impression d’avoir accès à plus d’informations et
donc plus de crédibilité que le reste de la population.
En outre, puisqu’il s’agit de nouvelles internationales, pour lesquelles les sources
d'information sont limitées, les journalistes des trois journaux font appel à des
personnes-clés pour exprimer leurs opinions, avis enracinés et probablement prévus.
Les citoyens sont alors sous-représentés, tandis que les politiciens sont surreprésentés
au détriment par exemple d’autres acteurs de la société, comme les intellectuels.
Parmi les trois journaux, le Monde est celui qui donne la parole au plus grand nombre
de catégories de personnes et qui se concentre moins sur les hommes politiques, bien
que les différences soient minimes.
L'importance des déclarations des politiciens, cependant, peut décliner selon le sujet.
Sur des questions d’ « intérêt humain », telles que la répression de la révolte
d'Athènes, les citoyens sont plus souvent invités à faire des déclarations que pendant
d'autres événements, car cela contribue à dramatiser le thème.
En outre, «l'internationalisation» ou non d’une affaire n'est pas du même ordre pour
les trois journaux. Outre les événements du Conseil de l'Europe et à Chypre, où les
trois journaux font appel aux représentants politiques à l'étranger, le coup d'Etat et les
événements de novembre sont traités comme des questions internes par Le Figaro,
contrairement à Le Monde et l’Humanité. Ce dernier tend à accueillir les déclarations
des hommes politiques français sur toute question en Grèce, puisque comme journal
partisan, il constitue une tribune pour les membres de son parti politique.
Concernant les pourcentages de déclarations par les représentants du régime et les
représentants de la résistance au régime, les moyennes des trois journaux semblent
être remarquablement proche, avec un taux de 36%, 34% et 35% de « l’espace » du
Monde, du Figaro et de l’Humanité consacré aux locuteurs du régime et un taux de
138
Becker, H., Whose side are we on?, op.cit., p. 239-247
108
25%, 21% et 28% respectivement que l’on consacre aux intervenants résistants au
régime. Ce fait peut être expliqué par Tuchman139, en raison de l'utilisation de
techniques qui comprennent la « présentation de toutes les possibilités », ou de la
confirmation que l'interprétation de la vérité d’une partie est équilibrée par d'autres
interprétations différentes
En d'autres termes, les journalistes soutiennent l'objectivité en présentant tout ce que
les gens disent de toute part, même si leur légitimité est controversée. Cependant,
jusqu'en juillet 1974, on retrouverait au sein des trois journaux plus de références et
interlocuteurs de personnes provenant du régime politique en place, et ce, en grande
supériorité par rapport aux autres. Ceci a cependant été bouleversé quand le régime a
basculé . Par conséquent, la légitimité ou non d’un régime conduit à une prolifération
de déclarations faites par ses représentants. Selon l’analyse de Grant140 concernant les
sources de médias, un des critères servant à déterminer si une source est
« marginalisée » ou « en réseau » serait la légitimation du régime qu’il/elle représente,
et ceci ne varie pas seulement en fonction des journaux mais aussi au cours du temps.
d) Le type de discours / tonalité des locuteurs envers le régime / la
résistance au régime
Avril 1967
Lors les événements du coup d’état, le type de discours caractérisant les locuteurs ci-
dessus est surtout émotionnel / évaluatif pour tous les trois journaux. Avec 65% dans
Le Monde, 74% dans Le Figaro et 53% dans l’Humanité, les locuteurs semblent
« rajouter » des émotions pour des journaux, car le type de discours utilisé le plus
souvent par les journaux est celui du « neutre / descriptif ». Les principaux acteurs
portant le discours émotionnel aux les trois journaux sont les politiciens et les
représentants de l'armée, et dans le cas de l’Humanité, le discours stimulant est
exprimé principalement par les politiciens français du PCF, comme Jacques Duclos.
139 Tuchman, G., Objectivity as a Strategic Ritual, op.cit., p. 660- 679 140
Grant, W., Pressure Groups Politics and Democracy, Hemel, Hempstead, 1990
109
La tonalite envers le régime reflète le nombre des locuteurs / représentants du régime
ou de la résistance analysés précédemment. Avec 27% dans Le Monde, 42% dans Le
Figaro et seulement 15% dans l’Humanité des déclarations qui appuient le régime,
s’opposent 35%, 5% et 50% qui s’en expriment négativement. Nous pourrions donc
en conclure que l’attitude de chaque journal envers le régime se reflète aussi dans le
discours des locuteurs qu’ils ont invités à s’exprimer au sein de leurs pages. Le Monde
maintient un équilibre, qui « penche » en faveur de l'opposition au régime, l'attitude
de l’Humanité est clairement négative et celle du Figaro est beaucoup plus positive
que les deux autres.
Et de la même façon se repartissent les pourcentages de tonalité positif envers la
résistance au régime. Le Monde avec 19% de tonalité positive et 23% négative,
maintient « l’équilibre» en donnant toutefois la parole à un peu plus de locuteurs
s’opposant au régime. Le Figaro augmente considérablement ce décalage, ayant une
position plus claire contre la résistance au régime, dont seulement 11% sont exprimés
de façon positive, contre 47% de façon négative. Au contraire, l’Humanité, avec 44%
s’exprimant positivement pour la résistance au régime et avec seulement 12%
négativement, indique ainsi clairement sa position.
Généralement, les journaux préfèrent garder une attitude neutre envers les locuteurs
accueillis au sein de leurs pages, ils ne donnent pas leur point de vue suite aux
déclarations de certains locuteurs, déclarations présentes au sein de leur journal. Or,
ils existent certaines exceptions : Le 25/04 Le Monde s'oppose à une déclaration du
membre du PCF Waldeck Rochet, qui demandait à Georges Pompidou de ne pas
reconnaître le nouveau régime, en soulignant qu’il ne devrait pas être dans les
« compétences » attribuées à un gouvernement de reconnaître ou non les autres
gouvernements étrangers. Le Monde accuse alors le politicien de « populisme ». Le
Figaro le 25/04 est tombé dans le « piège » en reproduisant une déclaration fausse
d'Andreas Papandreou, alors qu'il s’agissait d’une propagande faite par la junte.
Selon cette déclaration, Papandréou aurait « appelé le peuple à détruire la ville pour
éviter de tomber dans les mains de dictateurs » et le journal l’attaque alors
verbalement, le qualifiant « d'extrême gauchiste ». Par ailleurs, Le Figaro paraît
positif envers une déclaration du roi Constantin le 28/04, qui soulignant une fois de
plus son soutien au jeune roi. L’Humanité le 29/04 « s’attaque » à Stylianos Pattakos,
à cause de sa déclaration sur le sort de Manolis Glezos, le qualifiant d’ «hypocrite».
110
Décembre 1969
En ce qui concerne les événements de décembre 1969, il n’existe pas un type de
discours caractérisant les locuteurs des trois journaux. Dans Le Monde, le type de
discours des locuteurs est principalement émotionnel / évaluatif, avec 81%. Le seul
moment où le discours stimulant est utilisé est par le penseur Français Maurice
Drouon le 12/12. Cependant, dans Le Figaro les discours émotionnels et descriptifs
sont partagés, avec les mêmes pourcentages, 46%. Toujours dans Le Figaro, le
discours stimulant est utilisée une seule fois par un intellectuel Français, Dens
Langlois. Le peu de locuteurs de l’Humanité utilisent les quatre discours avec des
taux relativement équivalents.
Leur tonalite utilisée envers le régime, cependant, ne reflète pas les taux de locuteurs
qui sont supporteurs du régime et des dissidents. Même si Le Monde a une écrasante
majorité de locuteurs du régime (48%), la tonalité en faveur du régime y est
cependant absente. Ceci est expliqué par le fait que le principal locuteur du régime,
Panayiotis Pipinelis, évite de soutenir ouvertement le régime dans la lutte
diplomatique. En revanche, alors que le pourcentage de locuteurs dissidents ne
surpasse pas 10%, la tonalité contre le régime dans Le Monde atteint 43%. De même,
dans le cas du Figaro, 23% des locuteurs du régime « disparaissent » du pourcentage
de tonalité négative et ne reste que 15% de déclarations contre le régime, soit égal au
pourcentage de locuteurs dissidents. Quant aux orateurs de l’Humanité, le même
phénomène s’observe. Seul George Papadopoulos s’exprime positivement pour le
régime, tandis que, le reste des intervenants « s’attaquent » à la junte. Nous voyons
que durant les événements de décembre, les journaux prétendent éviter des
déclarations positives sur la dictature, même s'il vient des locuteurs externes.
En ce qui concerne la tonalité des orateurs envers la résistance au régime, les taux ne
restent pas si majoritairement en faveur de la résistance. Le Monde, avec 25% en
faveur et 19% contre la résistance, garde le même équilibre, même si la balance
« penche » en faveur de la résistance. Dans Le Figaro, les pourcentages sont égaux, et
dans l’Humanité n’apparaît ni un commentaire négatif sur la résistance. Par contre,
avec 38% de locuteurs s’exprimant positivement pour la résistance au régime, le
journal indique clairement sa position.
111
Durant cette période, le seul journal qui exprime un avis sur une déclaration de
locuteur, est le Figaro, faisant le 7 / 12 l’éloge à l'actrice et résistante grecque
Melina Mercouri. En revanche, le 9 / 12, le journaliste critique l'attitude de
l'ambassadeur Wilson, qui avait menacé d’expulser la Grèce si elle n’adopterait pas
des politiques plus libérales.
Novembre 1973
Pendant les événements de l’Ecole Polytechnique, le discours émotionnel / évaluatif
des locuteurs est dominant, avec 69% pour Le Monde, 71% pour le Figaro et 43%
pour l’Humanité. Le seul cas dans Le Monde où le discours stimulant est utilisé est
par le politicien de résistance Andréas Papandréou, invitant les Européens à
condamner les événements à Athènes, parlant de «2000 morts». Dans Le Figaro, le
discours stimulant est seulement utilisé par le militaire Ioannidis Bonanos et
l’Humanité, par Dimitrios Ioannides et Adamantios Androutsopoulos.
La tonalite négative contre le régime reflète l'exact pourcentage des locuteurs du
régime et de la résistance dans Le Monde, avec 34%. Il semble que l'ensemble des
locuteurs dissidents ne s’exprime pas contre le régime, mais un 31%. Dans Le
Figaro, les pourcentages sont légèrement inversés, avec 48% s’opposant au régime et
28% qui l’approuvent. Pour l’Humanité, ces taux sont égaux, malgré la grande
différence entre les locuteurs du régime et les dissidents.
En ce qui concerne la tonalite utilisée envers la résistance face au régime politique en
place, il existe un équilibre. Le Monde montre une « prépondérance » de déclarations
positives pour la résistance avec 11% contre 8%. Le Figaro montre un taux augmenté
de déclarations positives avec 18% contre 10%, ainsi que l’Humanité ne contient que
des commentaires positifs pour la résistance, avec 7%.
Durant cette période, les journalistes du journal Le Monde s’opposent trois fois aux
déclarations des locuteurs. Une fois à Spiros Markezinis, qu’il qualifia de
« mascarade » le 21/11, ainsi qu’à Dimitrios Ioannidis et Adamantios
Androutsopoulos. Par contre, le journal soutient les déclarations de Panagiotis
Canellopoulos le 29/11. L’Humanité aussi s’exprime contre Spiros Markezinis, le
19/11.
112
Juillet 1974
Les événements de Juillet et la chute de la junte ne change pas le taux de discours
émotionnel / évaluatif. Avec 61%, 68% et 54% pour Le Monde, Le Figaro et
l’Humanité respectivement, ce type de discours reste dominant. Le taux aussi de
discours stimulant augmente, la majorité provenant des déclarations du président
expatrié de Chypre, Makarios, qui invite les pays du monde à prendre place contre le
coup d'Etat à Chypre.
Avec l'effondrement du régime s'effondrent aussi les pourcentages de locuteurs qui
sont en sa faveur. Seuls des critiques négatives envers de la junte sont exposées,
même avant son effondrement, chronique d’un fin déjà attendue. Dans Le Monde,
même les critiques « positives » envers le régime proviennent de l’homme politique
résistant Evangelos Averof, qui « félicite » le régime de sa décision d'inviter M.
Caramanlis, c’est-à-dire de céder le pouvoir à la démocratie. Dans l’Humanité, les
seuls commentaires positifs proviennent de déclarations des membres « durs » du
régime.
De même, l'équilibre se bouleverse en ce qui concerne les déclarations des locuteurs
envers la résistance contre le régime. Désormais ils n’apparaissent que des jugements
positifs des locuteurs dans les trois journaux, avec des taux de 33%, 25% et 26%.
Enfin, le seul journal se retournant contre un locuteur est l’Humanité qui, le 25/07
dans son éditorial signe « Les amis de la liberté et les autres » gibe dénonçant
« l’hypocrisie » de la position du président Français Giscard d'Estaing, qui avait
félicité la Grèce pour le renversement du régime malgré le fait qu’il « ait soutenu le
régime pendant toutes les années ». Le journal n'est plus directement impliqué en ce
qui concerne la dictature grecque et se concentre sur son rôle d'opposition
gouvernementale.
Conclusions:
L’analyse du type de discours et de la tonalité utilisée par les locuteurs invités à
s’exprimer dans les trois journaux nous a permis de mettre en valeur des résultats très
intéressants. En effet, il devient clair que le type de discours le plus souvent utilisé par
les locuteurs est l'émotionnel / évaluatif, par opposition au neutre / descriptif que les
trois journaux avaient tendance à utiliser pour décrire les événements.
113
Pour Le Figaro, le taux de discours émotionnel / évaluatif utilisé par les locuteurs
reste constant (autour de 16%) pour les quatre périodes étudiées, et est presque à
chaque fois équivalent au pourcentage du discours neutre / descriptif du journal. Le
Figaro «équilibre» les taux de discours qu’il utilise. Les journaux remédient à la
manque d’émotion d’un discours neutre/descriptif en utilisant le même pourcentage
de discours émotionnel/évaluatif par les locuteurs. De cette manière, d’une part le
journal maintient un « caractère strictement informatif et non engagé », mais d’autre
part comble l'écart de l’ « intérêt humain » dans les paroles des locuteurs qu’il
accueille. Des tactiques similaires sont appliquées par l’Humanité. Le taux
d'utilisation du discours émotionnel / évaluatif par les locuteurs est équivalent au taux
de parole neutre / descriptifs utilisé par le journal, avec seulement un écart de 10% en
Novembre '73, en faveur de la neutralité. Le Monde a aussi tendance à utiliser cette
tactique, mais avec des différences plus importantes en faveur du discours neutre.
Ceci peut être expliqué par l'adhésion plus stricte du journal Le Monde à son rôle
informatif.
En ce qui concerne la tonalite des locuteurs choisis par le journal, le pourcentage des
locuteurs appartenant au régime / des dissidents le plus souvent n’affecte pas le
pourcentage des critiques positives ou négatives émises sur le régime. Cela montre
que la « ligne » des journaux n'est pas influencée dans sa totalité par les déclarations
des locuteurs, même si en apparence ils devraient exprimer des opinions différentes.
Or, leur choix et aussi le choix des déclarations, qui vont être publiées par la totalité
de leurs déclarations, sont guidés afin de ne pas s'écarter de manière significative de la
« ligne » du journal sur un sujet. Par conséquent, il existe des cas où des journaux sont
nettement défavorables au régime, même-si le pourcentage de locuteurs du régime est
élevé, et étonnamment, la proportion de critiques négatives apparaissent élevées et les
critiques positives « basses », comme pendant les événements de décembre, par
exemple. Avec l'effondrement du régime, les critiques positives s’effondrent aussi.
Cette conclusion découle aussi de la tonalité des locuteurs pour la résistance au
régime. Ces taux varient indépendamment du pourcentage de locuteurs du régime /
dissidents, et presque toujours cela reflète l'attitude du journal vers la résistance
grecque pour une période donnée.
114
Enfin, l'attitude des journaux envers les locuteurs est presque toujours neutre, à
l'exception de cas particulières qui ne dépassent pas 2% du total, dans lesquels le
journaliste choisit soit d'attaquer verbalement, soit de soutenir un locuteur, renforçant
ainsi la ligne du journal.
C. Nombre/tonalité de références
a) Nombre / Fréquence de références aux personnes
Durant La période suivant le coup d’état, la personne la plus fréquemment
mentionnée dans les journaux Le Monde et Le Figaro est le roi Constantin, avec peu
de différence. Cependant, Le Monde sur trois articles, deux reportages de Maurice
Denuzière le 26 et 28 avril et le fameux article de Raymond Aron, critique l'attitude
du roi. Or, cette proportion est négligeable (8%) par rapport à la neutralité maintenue
généralement. Par contre, dans Le Figaro, 32% des références au roi sont positives,
avec un seul rapport négatif venant du célèbre article de Raymond Aron. Le Figaro
affirme clairement dès le départ son soutien au jeune roi, qu'il considère comme une
« garantie » de la légitimité. Par conséquent, son attitude envers le régime change
selon celle du roi. L'analyse de Jean-François Chauvel quatre jours seulement après le
coup d'Etat, reflète cette attitude, où le roi est présenté comme une voix libérale au
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67
Références aux personnes, 20-30 Avril 1967
115
milieu d'un état déchiré par les communistes et les droitistes extrêmes, négligeant de
mentionner son implication dans la crise gouvernementale récente. En ce qui concerne
l’Humanité, le pourcentage des références sur roi est nettement moindre, et 42%
constitue des critiques négatifs, le considérant comme complice au coup de force.
Cette attitude de l’Humanité se manifeste clairement dès le début et reste inchangée
pendant toute la période étudiée.
D’importantes références apparaissent également dans les trois journaux à George et
Andréas Papandréou, qui sont présentés beaucoup plus que d'autres dirigeants
politiques comme Panagiotis Canellopoulos et Constantin Caramanlis. Cette
différence est largement dérivée des conditions épisodiques de l’arrestation d'Andreas
Papandreou, qui a été forcé de se rendre car on menaçait la vie de son fils. Les appels
de sa femme, une citoyenne américaine, qui se plaignait que son mari avait été
maltraité lors de son arrestation, ont attiré l'attention du Monde, qui dans 12% des
rapports est compatissant à son égard , comparé à seulement 9% des critiques positifs
pour George Papandréou. Le Figaro, cependant, alors qu’il s'engage le 26/04 avec
l'article « un appel de Mme Andréas Papandréou en faveur de son mari, malade et
gravement blessé lors de son arrestation », évite les critiques positives envers lui et se
limite à aspect humain de son cas. Au contraire, il inflige par 8% de son action
politique, et inclut de fausses déclarations, produit de propagande de la junte. Le
journal maintient la même attitude envers George Papandreou, alors qu’il avait été
envisagé avec sympathie humanitaire dans l'article du 29/04 « Tragique et dérisoire
démonstration à Athènes. Georges Papandréou « montre » à plus de cent journalistes
dans la chambre de l'hôpital où il est retenu prisonnier ». Or, il évite soigneusement
toute critique envers lui ou envers ses ravisseurs. L’Humanité, en désaccord avec sa
politique antérieure, mais aussi en désaccord avec la junte préfère de rester neutre
dans toutes les références aux anciens politiciens.
Concernant les nouveaux leaders, le « protagoniste » dans Le Monde et Le Figaro
devient le Premier ministre Kollias, qui est considéré comme la personne la plus
importante de la dictature, puisqu’il est le plus exposé. L’Humanité donne plus
d'attention à George Papadopoulos, leader réel du putsch, une tactique qui est suivie
par la suite par les deux autres journaux. En ce qui concerne la tonalité des références,
Le Monde et Figaro préfèrent la neutralité, en dehors de quelques rapports négatifs
116
pour Kollias dans le sujet central d'Eric Rouleau le 23 / 4 « Présidé par M. Kolias le
nouveau gouvernement grec comprend de nombreux officiers ». Par contre,
l’Humanité attaque verbalement avec les pourcentages 67% et 50% Papadopoulos et
Pattakos. Il est notable qu’après la première conférence de presse de Papadopoulos,
comparant la Grèce à un « patient » et le régime à un « médecin »141, Le Monde et
l’Humanité ont utilisé des phraséologies ironiques, tandis que Le Figaro non.
Enfin, la proportion de références aux personnes du régime et aux dissidents n’est pas
la même dans les trois journaux. Le Monde et Le Figaro font référence de façon
remarquablement égale aux régimes et aux dissidents, d'un ton neutre. L’Humanité
montre une nette différence en ce qui concerne les taux en faveur des dissidents et de
tonalité positive à 22%.
Lors des événements de décembre, dans Le Monde, les « protagonistes » des
références sont différentes personnes du régime, et surtout le ministre des Affaires
étrangères du régime, Panagiotis Pipinelis. Par contre, pour l’Humanité les
« protagonistes » sont des personnes dissidentes à lesquelles le journal consacre plus
de références que les deux autres journaux. Cependant, la tonalité des trois journaux
est généralement neutre à l'égard des personnes. Seulement Stylianos Pattakos est la
cible de critiques négatives par Le Monde et l’Humanité, avec des taux de 34% et 141
Voir citation n° 101
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Références aux personnes,
1-15 Décembre 1969
117
100% respectivement, après ses déclarations sur le Conseil de l'Europe. Le
personnage principal de la période précédente, le roi, a presque disparu des nouvelles,
après s’être échappé du pays et avoir disparu de la scène politique grecque.
Lors des événements de novembre 1973, une grande visibilité est donnée à la
personne de George Papadopoulos par les trois journaux, puisque son rôle en tant que
chef du gouvernement s’avère clair à ce moment. Le Monde se montre le plus
virulent envers lui, avec 39% de tous les rapports négatifs, comparativement à 33% du
Figaro, et seulement 7% de l’Humanité.
Après le changement de gouvernement, le nouveau « protagoniste » de la scène
politique n’est pas tout de suite le brigadier Ioannidis, mais Phaidon Gizikis, le
Premier ministre. L'habitude d’Ioannidis de gouverner en « coulisses », trompe les
journaux qui ne le présentent comme le véritable protagoniste qu’après quelques
jours. Ce n’est pas une coïncidence que le taux de 40% des critiques négatives
contenues dans Le Monde sur Ioannidis viennent de l'article de Richard Someritis le
29/11 intitulé: « Le général Ioannidis : un fanatique de la puissance ». L’Humanité fait
très peu de références sur lui avec 34% s’y opposant. L’attitude du Figaro surprend en
accueillant les nouveaux leaders comme des libérateurs, avec 56% d'avis favorables
pour Ioannidis. Le chef de la police militaire est présenté par le journal comme un
militant très dur, mais aussi très honnête, venu mettre un terme à l'impunité de
Papadopoulos. Plusieurs fois Le Figaro le compare à « un nouvel Saint-Juste ». Cette
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90
100 97
2 3
20 19 28
0 0 3 9 13 12
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0 0 3 7 14
0 1 0 3 2 3
25 36
Références aux personnes, 15-30 Novembre 1973
118
attitude du Figaro est maintenue aussi envers Ghizikis, auquel les deux autres
journaux présentent une certaine méfiance.
Parmi les personnalités politiques de la résistance, après la mort de Georges
Papandréou, plusieurs références se font sur Constantin Caramanlis et Panagiotis
Canellopoulos par Le Monde et Le Figaro, contrairement à l’Humanité, qui préfère se
référer aux personnes de la gauche. Ces références sont d’habitude neutres, sauf pour
certains positives dans Le Monde envers Panagiotis Canellopoulos. Concernant les
autres personnes de la résistance, aucun journal ne prend de positionnement, tandis
que les références de l’Humanité sont quantitativement plus élevées. Pour les
personnes du régime, l’Humanité prend une position négative avec 52%, tandis que
Le Monde semble plus modéré avec seulement15% des rapports négatifs.
Constantin Caramanlis apparaît « protagoniste » dans les événements de juillet, avec
des critiques positives d’un taux de 12% par Le Monde. Sa présence est nettement
plus prononcée que d'autres dirigeants politiques faisant de très faibles pourcentages.
La catégorie suivante étudiée ici concerne (les références sur ?) les personnes de la
résistance, qui, pour la première fois présentent plus de références que celles du
régime. Encore une fois, les taux de références dans les journaux l’Humanité et Le
Monde sont inhabituellement proches, malgré la différence d’ « espace » disponible.
Des questions sur l'avenir du royaume sont aussi posées, surtout par Le Monde et Le
Figaro.
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100 120 140 160
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15 0
18 4 2
70
3 3
58
4 2 0 8 1 5 0 2 4 1
47
1 8
91
Références aux personnes, 15-31 Juillet,
1974
119
En outre, Ioannidis est beaucoup plus mentionné, avec 25% de rapports négatifs pour
Le Monde, 50% pour l’Humanité et le Figaro continuant de garder une position
neutre. Or, généralement, les personnes du régime perdent leur intérêt dans les
journaux et ont de très faibles taux de références.
Conclusions:
Pour les différentes périodes étudiées, les trois journaux mettent l’accent sur
différents acteurs, en fonction des faits et du profil de chaque journal.
Les principaux « protagonistes » du régime durant la période suivant le coup d’état
sont le roi et Kollias pour Le Monde et Le Figaro. Mais tandis que le Figaro soutient
le roi, Le Monde se montre, plus sceptique. Par contre, l’Humanité dès le premier jour
traite le roi de complice, et présente comme chef du régime Georges Papadopoulos.
La figure dominante de Papadopoulos est devenue clair au cours des événements de
novembre 1973, en rassemblant la plupart des références pour les trois journaux.
Cependant, pendant les événements de décembre comme « protagoniste » émerge
Panagiotis Pipinelis.
Généralement, de nombreuses fois avant que les faits deviennent clairs et qu’il
s’affiche le rôle réel des dirigeants politiques, les journaux ont tendance à montrer
plus ceux qui font plus de déclarations, c'est-à-dire ceux qui sont plus exposés. Cela
conduit à une sous-estimation du rôle d’Ioannidis lors du coup d'Etat de novembre
1973 à cause de son habitude de rester en « coulisses », une pratique qui lui a donné
le surnom du « dictateur invisible». Le Figaro fait en fait la faute de le soutenir dans
une publication, et peut-être pour cela évite de le critiquer négativement au cours des
événements de Chypre, contrairement aux autres journaux.
En ce qui concerne les protagonistes des personnes dissidentes, George et Andréas
Papandréou ont plus de références pour la période après le coup d’état, tandis que les
références sur d'autres sont à un niveau constant. Le Monde et l’Humanité n’hésitent
pas à soutenir les politiciens, alors que le Figaro reproduit de fausses déclarations et
limite son intérêt sur l’aspect « humain » du sujet. Au fil des ans, plus d'attention est
concentrée sur la personne de Constantin Caramanlis, qui devient protagoniste
incontesté dans les événements de juillet, en « gagnant » des critiques positives.
120
Enfin, la proportion de références à des personnes du régime et aux dissidents n’est
pas la même dans les trois journaux. Le Monde et Le Figaro montrent des taux plus
élevés aux personnages du régime, tandis que l’Humanité aux dissidents. En ce qui
concerne la tonalité, conforme aux données actuelles quant à l'attitude des journaux.
L’Humanité s’attaque à des personnes du régime et exprime sa « sympathie » pour les
dissidents, Le Monde procède de la même façon mais avec des taux nettement plus
faibles, et Le Figaro préfère rester neutre.
b) Nombre / Fréquence de références à des mots
« Fascisme » > « Tyrannie » > « Dictature » > « Junte » > « Pseudo- » >
« Régime » > « Gouvernement », « Ministre»
Parmi les mots qui se référent à la nature du régime, pour la période suivant
immédiatement le coup d’état, pour Le Monde et Le Figaro, le mot le plus
fréquemment utilisé est «gouvernement», suivi par le mot «régime» pour Le Monde,
pour Le Figaro ce mot est équivalent à l’usage avec les mots plus « chargés »142. Les
mots « dictature » et « fascisme » sont aussi utilisées, avec très peu de différence
quant à la fréquence, tandis que le moins utilisé est le mot «junte» et «pseudo-» qui
n’existent pas du tout pour Le Figaro. Cependant, les journaux sont très prudents à
142
Nous emploierons l’expression « chargés » pour désigner le chargement émotionnel, positif ou négatif qui contient un mot.
0 50 100 150 200 250
FASCISME
TYRANNIE
DICTATURE
JUNTE
PSEUDO-
REGIME
GOUVERNEMENT
41
4
77
82
10
171
219
6
7
23
33
0
88
118
113
5
115
157
14
75
77
Nombre de références
121
l’idée d'utiliser des mots très chargés et la plupart d’eux soit sont mentionnés entre
guillemets, soit à travers les déclarations des locuteurs (Monde « dictature » 87%,
« junte » 55%, « fascisme » 89%. Le Figaro « fascisme » 100%). Par contre, quand il
s'agit de mots comme « régime » ou « gouvernement », presque toutes les références
proviennent des journaux eux-mêmes.
En revanche, l’Humanité ne cesse pas dès le premier instant de nommer « dictature
fasciste » le régime du 21 avril. Le mot «fascisme» est le plus répandu dans
l’Humanité, suivi de près par « gouvernement », « dictature », « junte », « régime », «
tyrannie ». Dans l’Humanité toutefois, les mots très chargés, ne sont pas prononcés
par des locuteurs ou entre guillemets, mais par les journalistes du journal eux-mêmes
(Humanité « dictature » 27%, « junte » 10%, « fascisme » 13%, « tyrannie » 50%, «
régime » 20%, « gouvernement » de 13%).
Pendant la lutte diplomatique pour le Conseil de l'Europe, Le Monde et Le Figaro de
nouveau utilisent le plus souvent le mot «gouvernement». Toutefois, pour Le Monde,
la supériorité nette de ce mot semble être inversée et le mot «régime» gagne du
terrain. Pour Le Figaro aussi, la fréquence d’utilisation du mot « junte » augmente,
qui se démarque des plus chargés, comme « dictature » et « fascisme ». Pour Le
Monde, les pourcentages d'utilisation de tels mots sont presque égaux, bien que 43%
semblent provenir des locuteurs. Pour Le Figaro, ces pourcentages sont encore plus
élevés: « fascisme » 100% et « dictature » 34%, sont prononcés de la part des
locuteurs.
L’Humanité insiste sur l'utilisation des mots plus chargés. Le mot «junte» est
l'indication la plus fréquente, suivis de « régime », « dictature », « fascisme », «
gouvernement », « tyrannie ». Exceptionnellement, la référence au mot «
gouvernement » par de tierces personnes est élevée, avec 57% du total, alors que ce
mot est utilisé en vain dans l’Humanité.
Pendant les événements de l’Ecole Polytechnique, l'utilisation du mot « gouvernement
» est égale à l'utilisation du mot « régime » pour Le Monde, tandis que pour Le Figaro
devient le mot le plus utilisé. Suivent avec des taux similaires dans les deux journaux
les mots « junte », « dictature », « fascisme » et « tyrannie ». Cependant, hormis le
mot « fascisme » qui se présente parfois entre guillemets, ou à travers des déclarations
des locuteurs (Monde : « junte » 8%, « fascisme » 100%. Figaro : « junte » 14%,
122
« fascisme » 50%) le reste des mots semblent être produits par le journal, révélant un
changement d'attitude. Toutefois, il est notable que même si Le Figaro, semble durcir
sa position envers la dictature, dans deux reportages d’Harry Gerson, le journaliste
utilise la phrase « la révolution du 21 avril » pour se référer au régime, sans
guillemets. Cette phrase a été à cette époque très fortement chargée en Grèce, de la
même façon dont le régime souhaiterait être nommé. L'adoption du terme par le
correspondant, nous prédispose sa position.
L’Humanité encore une fois se trouve dans la gamme des mots les plus « sévères »,
avec le mot « dictature » le plus fréquent avec une différence faible, suivie de près
par « junte », « régime », « gouvernement », « fascisme » et « pseudo- ». La grande
majorité des mots viennent de journalistes du journal.
Lors de la chute de la dictature, les mots « gouvernement », « régime » et « junte »
sont utilisés par Le Monde, suivis de près par les mots « dictature », « fascisme », «
tyrannie » et « pseudo- ». Le Figaro insiste un peu plus à utiliser le mot «
gouvernement », mais suivent de près les mots « régime », « junte » et « dictature ».
Cependant, les journaux semblent encore très modérés en tant que caractérisations
dures car avec de grands pourcentages les mots chargés sont utilisés par des locuteurs,
ou entre guillemets. (Monde: « junte » 38%, « dictature » 35%, « fascisme » 83%.
Figaro: « junte » 42%, « dictature » 71%)
L’Humanité avec la chute de la dictature « attaque » encore plus fortement le régime,
le mot «junte» prédominant, suivi par les mots « dictature », « fascisme », « régime »,
«gouvernement» «pseudo -». Cependant, beaucoup de ces mots sont produits par des
locuteurs du journal (27% « junte », 28% « fascisme », 42% « dictature », 42% «
gouvernement », 27% « régime »).
123
« Coup d’état », « Loi martiale », « Censure », « Violence », « Torture », « Exil »,
« Libéralisation/Normalisation », « Répression »
Parmi les mots qui font référence aux pratiques employées par le régime
immédiatement après le coup d'Etat, le mot le plus fréquemment utilisé par les trois
journaux est « coup d’état», avec une différence assez grande. Ensuite, il y a une
convergence entre Le Monde et l’Humanité avec des références aux pratiques du
régime comme « répression » et « censure ». Le journal Le Monde renvoie à la « loi
martiale », mais les deux journaux font des références très limitées à la « torture », la
« violence », l' « exil ». Par contre Le Figaro, sauf une référence à la « censure » et l'
« exil », n’utilise pas d’autres mots. Nous noterons que dans les trois journaux la
plupart des références proviennent de ses propres journalistes.
Pour les événements de décembre, cependant, la fréquence et le nombre de références
est croissante. Encore une fois, Le Monde et l’Humanité sont proches au nombre de
variables qui indiquent, car en dehors du « coup d’état », ils parlent en ordre de
fréquence sur la « torture », la « libéralisation », la « censure », la « loi martiale »,
l' « exil », la « répression » et la « violence », à savoir toutes les variables. Le Monde
excelle quant au nombre de références, mais l’Humanité suit de près. Le Figaro
semble modifier légèrement sa position, se référant par ordre de fréquence au « coup
d’état », à la « libéralisation », la « torture » et la « loi martiale ». Cependant, le fait
qu'il repose sur les promesses de la « libéralisation » et la levée de la « loi martiale »
par rapport à la « torture », qui constituait l'accusation principale de la Grèce, atténue
0 50 100 150 200 250
COUP D'ETAT
LOI MARTIALE
CENSURE
VIOLENCE
TORTURE
EXIL
LIBERALISATION
REPRESSION
203
29
26
11
23
24
30
23
84
27
11
7
3
17
25
5
108
10
14
7
26
10
13
20
Nombre de références
124
au niveau sémantique la position du journal. La différence dans l'attitude de ce journal
aussi par le traitement du mot « libéralisation ». Dans Le Monde, des 9 références sur
la « libéralisation » 5 sont effectuées par des locuteurs (et dont une entre guillemets),
dans l’Humanité 4 sur 5 références aussi proviennent des intervenants, mais dans le
Figaro, seulement une des références ne provient pas de journalistes du Figaro.
Pendant les événements de l'Ecole Polytechnique et du contre- coup d’Ioannidis, le
mot «coup d’état» est à nouveau le plus populaire dans les trois journaux. Pour Le
Monde et Le Figaro, ils suivent par fréquence, l’imposition de la « loi martiale » et les
efforts de « libéralisation » de Papadopoulos. Particulièrement pour Le Figaro, la
tentative de « libéralisation » se prouve très importante et les références sont plus
fréquentes que dans les deux autres journaux.
Or, il est la première fois que Le Figaro fait référence à des pratiques répressives du
régime, en insistant sur la « censure », la « violence », l' « exil » et la « répression ».
Le seul mot auquel le journal n’attribue pas de référence est la « torture ». Pour Le
Monde, la « censure » et la « répression » sont assez mentionnées, et suivies, avec des
taux plus bas, des autres variables.
L’Humanité diversifie son attitude, puisque pendant les événements de l’Ecole
Polytechnique, la « répression » et la « loi martiale » semblent avoir plus de
références que l'effort de « libéralisation », qui est caractérisée comme fraude. Ceci
est souligné par l’utilisation de guillemets chaque fois que le journal se réfère à cette
politique, avec un pourcentage de 67%. Ils suivent par des taux élevés toutes les
autres variables, parmi lesquelles la plus importante est la « torture », car Démétrios
Ioannidis, le nouveau dictateur, était en charge du corps d’armée avec plusieurs
pratiques de torture, de la police militaire (ESA).
Enfin, la période de Juillet 1974, à l'exception des références sur le « coup d’état »,
qui sont stables pour Le Monde et Le Figaro, certaines variables augmentent
fortement leur fréquence. Pour les trois journaux, l’ «exil» est la deuxième variable la
plus courante, se référant au nouveau Premier ministre, Constantin Caramanlis, qui a
été pendant quinze ans en exil à Paris. Puis, l’Humanité et Le Monde insistent
beaucoup sur le terme « torture », qui est souvent mentionné par les prisonniers
politiques libérés. Par contre, Le Figaro n’y fait presque aucune mention. Les autres
variables ont des taux similaires pour les trois journaux.
125
« Communisme/Anarchisme », « Etudiants », « Opposition », « Resistance »
Parmi les mots qui se réfèrent à la nature de la résistance au régime, le plus
couramment utilisé par Le Monde et Le Figaro est «l'opposition». Ensuite, Le Monde
se réfère au « mouvement étudiant » et au danger « communiste » revendiqué par le
régime, et avec un très faible pourcentage le quotidien se réfère aux dissidents du
régime, par le mot « résistance ». Le Figaro se concentre sur le danger
« communiste » qui, contrairement à Le Monde, le croit comme réel le lendemain du
coup d'Etat. Par contre, l’Humanité n’accepte pas du tout le danger « communiste »,
et parmi ses 13 références, 6 sont entre guillemets. Il présente ceux qui s'opposent à
ce régime avec le mot « résistance », terme chargée positivement pour le passé récent
de France, et met l'accent sur l'existence du mouvement « étudiant ». Pour
l’Humanité, les opposants au régime ne constituent pas une «opposition » parce qu’il
n’accepte tout simplement pas la junte comme «gouvernement».
Durant les événements de décembre, Le Monde insiste beaucoup sur les
« communistes », mais se réfère à eux plus comme victimes que comme agresseurs.
De plus, il appelle les dissidents au régime « opposition » et se réfère au mouvement
« étudiant ». Le Figaro, cependant, insiste plus sur les « communistes » comme une
source de résistance au régime, tandis que l’Humanité partage ses références entre les
« communistes » et la « résistance ». En général, ils n’existent pas de nombreuses
références aux dissidents au régime pendant la période de décembre 1969, car le
principal accusé est le régime.
0 20 40 60 80 100
COMMUNISME/ANARCHISME
ETUDIANTS
OPPOSITION
RESISTANCE
92
95
61
9
29
68
31
0
37
63
3
19
Nombre de références
126
Lors du soulèvement de l'Ecole Polytechnique, la majorité des références concerne le
terme « étudiants ». Les trois journaux donnent une grande importance au mouvement
« étudiant », avec seul l’Humanité se réfère à la «résistance nationale». Pour Le
Monde et Le Figaro, le terme «opposition» est plus approprié, avec lequel
l’Humanité n’est pas d’accord. Aussi, le fait que les pourcentages de références aux
« communistes » sont à peu près égaux, ne signifie pas qu’ils soient employés avec le
même ton dans les trois journaux. Environ 60% des références aux communistes dans
l’Humanité se trouvent entre guillemets, donnant un ton ironique. Un grand
pourcentage du mot « communisme » se trouve entre guillemets dans Le Monde aussi
(40%). Par contre, dans le Figaro la plus grande proportion de cette référence
provient de journalistes du quotidien lui-même. Le Figaro, même s’il semblait avoir
exclu les revendications de la dictature pour le « danger communiste » au fil du
temps, les incidents à l'école polytechnique semblent raviver la théorie.
Durant la chute de la junte, Le Monde et l’Humanité mentionnent très souvent le
mouvement « communiste ». Les deux journaux s'interrogent sur l'ampleur de la
« libéralisation », tandis que les communistes sont pour l’Humanité le facteur-clé de
la chute du régime. Comme facteur important est aussi considéré les « étudiants »
pour les trois journaux. Tous font référence à des événements de l’Ecole
Polytechnique, tandis que pour Le Figaro, le mouvement « étudiant » est la référence
la plus fréquente aux opposants au régime. Enfin, il existe un équilibre intéressant : le
nombre de références à l’ « opposition » du Monde et Le Figaro est égal au nombre
de références du mot «résistance» dans l’Humanité. En considérant le fait que
l’Humanité n’ait aucune référence sur le mot «opposition » et que Le Monde et Le
Figaro n’en aient aucune pour le mot « résistance », nous concluons que la
désignation modérée « opposition » est utilisée par les deux journaux quand
l’Humanité utilise le terme plus radical « résistance ».
127
« Manifestation », « Mouvement », « Révolte », « Émeute », « Solidarité »
Parmi les mots qui font référence à des pratiques liées à la résistance au régime,
« manifestation » est mot le plus couramment utilisé pour les trois journaux en avril
1967. Ensuite, Le Monde et l’Humanité parlent du besoin de « solidarité » avec la
Grèce, dans lequel Figaro ne semble pas attacher une importance significative. Nous
observons que la seule fois où une référence au terme «solidarité» est faite est dans
l'article de Raymond Aron, qui n'est pas un « employé » du journal. Au contraire,
pour l’Humanité, le peuple grec fait de petites « révoltes » tous les jours, préparant la
grande qui irait renverser le régime, une hypothèse cependant pas partagée par les
autres journaux. Cependant, même l’Humanité, sachant le risque que peut encourir de
fausses déclarations choisit d'être très attentif : le mot « révolte » n’est articulé que par
des locuteurs.
Le mois de décembre semble être assez « pauvre » en référence à des pratiques
inscrites dans la résistance au régime. Le Figaro n’a aucune référence, tandis que Le
Monde et l’Humanité se limitent à quelques références sur la « solidarité » qui devrait
montrer le reste du monde en Grèce et à un « mouvement » de résistance qui souffre
de « répression ». Le Monde fait également référence à un certain nombre de «
manifestations » réprimées par la police.
Novembre '73 est la période avec le plus de références en rapport avec les pratiques
de résistance, depuis les événements de l’Ecole Polytechnique. Dans les trois
journaux, le terme « manifestation » est mentionné plus souvent, tandis qu’au fil du
0 20 40 60 80 100
MANIFESTATION
MOUVEMENT
REVOLTE
EMMEUTES
SOLIDARITE
97
14
5
4
15
35
15
15
8
1
68
10
5
2
47
Nombre de références
128
temps ils donnent des significations différentes aux différentes pratiques. Le Monde
parle prudemment d'un « mouvement », souligné aussi par Le Figaro, contrairement
à son habitude. Le Figaro affirme plus fortement que tous les faits de l’Ecole
Polytechnique ont été une « révolte ». Or, il reste le seul journal qui dénomme les
participants d’« émetteurs ». Nous voyons donc que Le Figaro garde une attitude
assez ambiguë. Parmi les trois journaux, celui qui insiste davantage sur la nécessité de
la « solidarité » est l’Humanité, qui convertit presque ses articles en manifeste. Le
Monde, préfère une approche assez prudente, faisant des références prudentes et
limitées en ce qui concerne toutes les variables.
Enfin, pour la période de Juillet, le mot « manifestation » attire une fois de plus
l’attention des trois journaux et particulièrement de l’Humanité. L’Humanité surpasse
généralement le nombre de références des deux autres journaux pour cette période,
bien que son espace soit plus limité. Il fait de longs reportages sur le « mouvement »
considérable qui existait, ainsi que sur la « solidarité », en allouant des responsabilités
à ceux qui n'en ont pas montrées, comme le gouvernement français.
Conclusions:
Le langage utilisé par les trois documents reflète fortement leur attitude envers la
dictature et la résistance à la dictature, ce qui est d’autant plus mis en valeur par la
tonalité utilisée.
Le journal Le Monde, tandis qu’il insiste dans un premier temps sur l’utilisation du
terme «gouvernement» ou «régime», les mots les plus « chargés » n’étant énoncés
que par les locuteurs, nous observons une transition graduelle du journal à des
appellations plus sévères. Pendant la bataille diplomatique pour le Conseil de
l'Europe, le décalage entre « gouvernement » et « régime » semble diminuer, afin de
s’égaliser lors des événements de l’Ecole Polytechnique. Enfin, lors du retour à la
démocratie, « gouvernement », « régime » et « junte » sont employés à des taux
égaux, alors que la différence entre les caractérisations plus sévères et les
caractérisations plus légères devient de plus en plus faible. Le Monde, en gardant une
attitude prudente au commencement, suit un processus en reconnaissant qu'il
n’existait pas de gouvernement légitime, mais un « régime » et puis une « junte ».
Cela peut être démontré aussi par la multiplication au fil du temps de références à des
pratiques du régime, qui prouvent le manque de liberté. L'augmentation des rapports
129
de ces pratiques est verticale, et atteint plusieurs fois le même taux que l’Humanité.
Cependant, malgré sa position « attentive » concernant les références au régime,
l'attitude du journal est « trahie » par la prolifération des références aux pratiques
répressives.
Pour le Figaro, le terme « gouvernement » est plus absolu, puisque même le mot «
régime » est assimilé à des pourcentages des mots les plus chargés. Cette attitude est
presque uniforme pour toutes les périodes étudiées, avec des fluctuations mineures,
car en général le Figaro estime la dictature comme un «mal nécessaire». Cela se
traduit par l'absence générale de références concernant les pratiques répressives du
régime. La seule exception à cette approche concerne les événements de l’Ecole
Polytechnique, où le journal renvoie le plus souvent au mot « régime ». Le caractère
humanitaire de l'événement semble toucher les journalistes, qui durcissent leur
position, en parlant de « loi martiale » et « répression » Toutefois, il « laisse de
publier » deux reportages très virulents de Harry Gerson, où le terme « révolution le
21 avril » est utilisé. De plus, il attache une grande importance à la « libéralisation »
de Papadopoulos, don ignorent généralement et largement les deux autres journaux.
Pour Le Monde et pour Le Figaro, les mots les plus chargées comme « junte », «
dictature », « fascisme » sont utilisés avec grande prudence et proviennent en général
des orateurs, ou sont mis entre guillemets. L'utilisation de ces mots ne change pas
particulièrement au fil du temps, bien que l'attitude des journaux change. Les deux
journaux persistent dans un rôle informatif, où il est préférable d’utiliser des mots
moins « chargés ».
Au contraire dans le cas de l’Humanité, le journal n'hésite pas à s’engager, en
utilisant fréquemment des mots très chargées comme « fascisme », « dictature », «
tyrannie ». Contrairement aux deux autres journaux, lorsqu’il utilise le mot «
gouvernement », il le met entre guillemets, s’en dissociant donc. Ce mot pour
l’Humanité fonctionne comme ils fonctionnent les plus « chargés », pour les deux
autres journaux. De plus, concernant les références aux pratiques répressives du
régime, l’Humanité est très détaillée. Il envisage clairement la «libéralisation» comme
une fraude, dénonce les pratiques de « torture », et condamne le régime.
130
Des conclusions semblables découlent des caractérisations concernant les dissidents
du régime. Le Monde et Le Figaro utilisent avec persistance le mot « opposition »
contrairement à l’Humanité. Le journal ne reconnaît pas la junte comme
«gouvernement» pour avoir une « opposition » légale. Le Figaro accorde une
attention particulière au « danger communiste », qui semble adopter comme argument
au commencement et le laisse à la fin. En revanche, les deux autres journaux le
refusent, en présentant les « communistes » soit comme des victimes, soit comme
faisant partie de la résistance.
Les trois journaux font de nombreuses références au mouvement « étudiant », mais
l’Humanité insiste quant à l’utilisation du terme «résistance nationale» contre la junte,
un mot qui n’est pas utilisé par les deux autres journaux. Généralement, il existe un
équilibre intéressant : le nombre de références pour l’ « opposition » du Monde et du
Figaro est égal au nombre de références du mot «résistance» dans l’Humanité.
Considérant que le fait que l’Humanité n’ait aucune référence pour le mot
«opposition » et que Le Monde et Le Figaro n’aient aucune référence au mot «
résistance », nous concluons que la désignation modérée « opposition » est utilisée par
les deux journaux où l’Humanité utilise le terme plus radicale « résistance ».
En ce qui concerne les pratiques de résistance, le même phénomène est observé. Pour
l’Humanité, le peuple fait des « manifestations », crée des « mouvements », des
petites « révoltes » et apparaît fortement la nécessité d’une « solidarité », selon la
théorie de la mobilisation. Le Figaro ne mentionne que très peu ces pratiques, sauf la
période de novembre qui se réfère à un « mouvement ». Cependant, il conserve une
attitude ambiguë, car il est placé idéologiquement contre les pratiques des
« émeutiers ». Le Monde fait de façon limitée référence à toutes les catégories,
soutenant son attitude, « modérément libérale ».
131
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
Concernant le traitement de la dictature grecque par les trois différents quotidiens
français, cette étude nous a permis d’aboutir aux conclusions suivantes :
a) En ce qui concerne la hiérarchie du sujet dans l’agenda de la presse, alors qu’une
dictature contient de nombreux paramètres de la sélection des nouvelles, le fait qu’elle
prenne place dans un pays «régional», selon la définition de Galtung et Ruge, comme
la Grèce, réduit beaucoup l'espace et le temps de couverture par les médias. Le Monde
et l’Humanité exercent généralement une couverture plus vaste sur les questions
internationales et donc consacrent plus « d'espace » au sein de leurs journaux pour les
événements en Grèce que Le Figaro, qui est plus ethnocentrique.
Toutefois, la couverture d’un thème autre que la structure du journal dépend aussi
d'autres facteurs. Le premier est lié à la nature du sujet. Nous avons réalisé que dans
les cas d'une apparente « déviance du consentement», selon l'analyse de Daniel
Hallin143, ou lorsqu’il existe une violation des thèmes qui se trouvent dans la sphère
de consensus pour les médias ainsi que pour la société en France, la couverture est
uniforme dans les trois journaux. Le cas de l'École Polytechnique en est l'exemple le
plus évident. En outre, des sujets de violence ou d’intérêt humain reçoivent une plus
grande couverture à partir des sujets institutionnels, si importants qu'il soit, comme les
événements de décembre 1969.
Le deuxième facteur de « couverture médiatique » du sujet de la dictature grecque
concerne l’ordre du jour, en proportion à l’orientation idéologique de chaque journal.
En effet, dans le cas du Figaro par exemple, un conflit habituel entre le gouvernement
et l’opposition en France sera ainsi plus visible que la dictature grecque. Pour
l’Humanité, les activités du PCF sont directement liées à la fluctuation de l'intensité
de la présentation d'un événement. Le journal Le Monde cependant, donne souvent
plus d'attention aux questions internationales que nationales.
L'évolution de la couverture médiatique d'un événement, et sa « position » dans le
journal, dépend également de différents facteurs. L'explosion des publications suit
généralement la règle du « trigger event »144: le lendemain d’un événement soudain et
143
Hallin, D., The “Uncensored War”: The Media and Vietnam, op.cit., p. 116-117 144
Cobb, W. & Elder, D., Participation in American Politics, op. cit. p. 85
132
négatif se produit une très forte concentration d'articles. Depuis lors, l'exactitude de
l'information apparaît essentielle pour Le Monde, qui adhère à chaque thème, avec des
reportages détaillés, des sujets centraux et des éditoriaux. Pour le Figaro, la nature du
thème se révèle être plus importante, car il choisit délibérément de ne pas traiter
intensivement des questions « ambiguës », telles que le coup d'Etat et d'analyser en
profondeur les questions de « consentement » ou de «déviation». L’Humanité insiste à
servir les intérêts du parti à travers ses pages.
b), c) En ce qui concerne la dimension évaluative des articles consacrés à la dictature
grecque, Le Monde et Le Figaro préfèrent le « rôle neutre / informationnel », alors
que l’Humanité, la théorie de «mobilisation» ou du journaliste « participant ». Cela
conduit à des différences dans l'utilisation du type de discours et de la tonalité.
Dans le cas du journal Le Monde et Le Figaro, il existe une tentative d'appliquer la
tactique de la séparation des nouvelles et des commentaires, en utilisant de discours
neutre / descriptif aux articles dits « d’information » et laisser le discours évaluatif /
émotionnel à articles dits « de commentaire ». Le journal Le Monde, s'est révélé plus
ouvert à des interventions d’acteurs externes et une grande partie des analyses /
opinions proviennent de personnes qui ne sont pas des employées du journal. Le
journal semble de cette manière de garder des distances à partir des publications
contenant des critiques.
Cependant, l'utilisation extensive du discours neutre / descriptif n'empêche pas les
journaux d’exprimer souvent d’avis pour ou contre la dictature. L'usage du discours
évaluatif / émotionnel et par conséquent des critiques pour le régime, quoique limitée,
dépend de trois facteurs: de l'orientation idéologique du journal, de la nature du sujet
(les sujets de « déviation » ou de « consensus » sont souvent présentés avec discours
évaluatif pour les deux journaux) et de chaque journaliste.
Le journal Le Monde prend immédiatement des distances par les leaders du coup
d'Etat en n’accueillant ni même un article positif pour le régime dictatorial. Au fil du
temps, cette attitude devient de plus en plus négative, pour enfin culminer au moment
des événements de l’Ecole Polytechnique. A partir de ce point, le journal devient
clairement hostile à la junte militaire. Cela se reflète dans le langage :
progressivement le mot « gouvernement » est remplacé par le mot « régime » et
133
ensuite par le mot « junte ». Aussi, les envoyés spéciaux ont tendance à être plus
critique envers le régime que les correspondants permanents.
Or, le fait que les journalistes du journal peuvent parfois s’exprimer contre le nouveau
régime ne signifie pas qu’ils s’expriment en faveur de la résistance au régime. Le
risque d'identification de la résistance au communisme mène le journal à évaluer la
résistance positivement que très rarement,, même s’il n’est pas d'accord avec
l’hypothèse du « danger communiste » citée par le régime. Par conséquent, lorsque Le
Monde mentionne positivement la résistance, il se réfère à des personnes dont le statut
politique est clair et ont un prestige international.
Le Figaro traite le nouveau régime d'« autoritaire », mais le décrit aussi comme
« tolérable » et « nécessaire ». Il publie un nombre limité de commentaires positifs,
tandis que les reportages les plus négatifs sont enregistrés dans la période de l'Ecole
Polytechnique. Le point déterminant qui changea l'attitude du journal sont les
événements de Chypre, où pour la première fois, la position « prudente » est
abandonnée à l’hostilité envers le régime. Pour Le Figaro, pendant presque toute la
période de dictature, le terme « gouvernement » est plus habituellement utilisé et des
références aux pratiques répressives du régime sont absentes. Aussi dans le cas du
Figaro, les envoyés spéciaux sont plus émotionnels et souvent plus critiques envers la
dictature.
Concernant la résistance au régime, Le Figaro indique une position encore plus
méfiante, en insistant sur son opposition à des pratiques « émeutières ». La résistance
est communément appelée « opposition » tout en abandonnant rapidement son soutien
à la théorie du « danger communiste » soutenue par la junte.
Au contraire, dans l’Humanité le discours évaluatif / émotionnel est utilisé avec un
plus grand pourcentage que le neutre / descriptif. Le journal utilise des techniques
explicites d'influence du public, tels que l'absence de signature en dessous des articles
pour donner l'impression d'indignation populaire contre la dictature.
L’Humanité pendant toutes les années de dictature suit une ligne clairement négative
conte le régime, l’appelant la plupart du temps «dictature fasciste» et mettant le mot «
gouvernement » toujours entre guillemets. Parmi les trois journaux, les commentaires
les plus positifs envers la résistance au régime sont exprimés par l'Humanité. Le
134
journal identifie l'ensemble du peuple grec à la résistance au régime, l’appelant/le
surnommant « les nouveaux maquis ». L'attitude de l'Humanité reste solide pendant
toute la période de la dictature. Ainsi, il n’omet pas d'accomplir son rôle d'opposition,
accusant le gouvernement français pour appuyer « avec silence le fascisme en
Europe ».
Ces variations dans l’attitude des journaux envers la dictature, ne se différencient pas
par la sélection des leurs locuteurs. Le pourcentage des locuteurs du régime /
dissidents le plus souvent n’affecte pas le pourcentage des critiques positives ou
négatives exprimées envers le régime. Ceci démontre que la « ligne » des journaux
dans son ensemble n'est pas affectée par les déclarations des locuteurs, même s’ils
devraient exprimer des opinions différentes. Leur choix, mais également le choix de
leurs déclarations publiées par l’ensemble de leur discours rédactionnel, est guidé afin
de ne pas s'écarter de manière significative de l’avis du journal sur un sujet.
135
CONCLUSION
Le thème de la dictature grecque a été traité par la presse française de différentes
manières, liés au rôle de chaque quotidien, de son orientation idéologique, ainsi que
de la nature des sujets et aux caractéristiques de chaque journaliste. Avec les
ressources limitées de l’époque, mais aussi la limitation de « l’espace » du journal, la
couverture d'événements a suivi certaines normes et règles qui semblaient servir aux
fins du journalisme auquel chaque media espérait suivre.
De l'agenda jusqu'à la tonalité utilisée dans la rédaction des articles, ils existaient des
différences, bien que certaines valeurs générales du journalisme semblent avoir été
respectées par les trois journaux.
L'enregistrement des événements sans commentaires et l'insistance sur le réalisme
souvent arboré par Le Monde et Le Figaro, n'a pas abouti à un enregistrement
identique de la réalité. De multiples facteurs, tels que la position de l'article, son
étendue, le choix des mots, ont conduit à la formation d'une perspective différente sur
chaque sujet. Quand Le Figaro évoquait les activités du roi et omettait de mentionner
son rôle dans la crise gouvernementale récente, il n’existait aucun manque
d’exactitude. Or, l’exactitude ne correspond pas toujours à la vérité.
La « signification » d’un sujet dépendait aussi de nombreux facteurs qui n’étaient ni
objectifs ni toujours pragmatiques pour les trois quotidiens. Quand l’Humanité
consacrait une page entière de rapports sur la situation en Grèce, souvent « annonçait
» une activité du parti communiste.
L'indépendance de partis politiques ne suggère pas toujours de désengagement, ou de
neutralité. Quand Le Monde intégrait dans ses pages des opinions provenant
principalement des dissidents, il prenait alors indirectement position.
Bien que les journaux aient souvent recours à la pratique de « l'équilibrage », leur
idéologie affectait toujours le résultat final. Or, en plus, l'équilibrage est incompatible
avec l'impartialité, comme un pas plus proche vers la vérité. La vérité n'est pas
toujours assurée par l'équilibre, et donc ni l'objectivité.
136
Hélène Vlachos, directrice d’un des journaux les plus importants en Grèce à l’époque,
en faisant un survol du rôle des correspondants étrangers pendant la période de la
dictature, avait noté : « ils commentaient les événements de manière satisfaisante.
Mais il n'y avait pas de sentiment... j’avais l'impression qu’ils prêchaient en chaire
pour les pécheurs et après, ayant fait leur travail ils abandonnaient, voir qu'ils ne
pouvaient rien faire de plus. » 145
Ainsi, « l'objectivité » n'est pas toujours réalisable par les journalistes dans le cadre
d’une production narrative d’événements, compréhensible et sans explications et
commentaires. Par contre, le terme décrit un éventail de pratiques à travers lesquelles
les journalistes peuvent défendre leur travail comme « objectif ».
Le journaliste est jeté dans la mêlée de l’actuel, dans le chaos des événements. Il est
soumis à la pression de l’opinion, du pouvoir politique, aux contraintes économiques
et techniques propres aux médias. L’événementiel résonne dans les média comme
« un son dans un tambour ». Avec le recul, c’est tout à fait stupéfiant. L’effet d’écho,
comme sur le mur de la Caverne de Platon, est saisissant, cependant, nous devons
reconnaître que non seulement il ne constitue pas le son primaire mais surtout qu’il
n’est pas possible de le constituer.
145 Vlachos, H., House Arrest, Andre Deutch, London 1970, p. 59-60
137
BIBLIOGRAPHIE
Nous avons fait le choix d’une bibliographie thématisée afin de faciliter la recherche
en fonction des axes de travail que nous avons développés.
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143
ANNEXES
i) Le protocole de la recherche
LE PROTOCOLE
I. CARACTERISTIQUES GENERALES
1. Le nombre de la publication.
2. Le journal :
a. 1= Le Monde
b. 2= Le Figaro
c. 3= L’Humanité
3. La date de la publication.
4. La page de la publication.
5. La taille de la publication.
*D’habitude la page d’un journal se divise en 8 colonnes. Pourtant, au cas du
journal Le Monde la page se divise en 6 colonnes. De plus, il y a aussi des cas où
les journaux donnent d’emphase en agrandissant la police. Dans ce cas, nous
calculons la taille de la publication comme si la page était divisée en 8 colonnes.
6. La catégorie de la publication.
a. 1= éditorial
b. 2= sujet central
c. 3= reportage/recherche
d. 4= analyse/opinion
e. 5= interview
f. 6= chronique
g. 7= portrait
h. 8= brève
i. 9= photo
j. 10= dessin de presse
144
*Nous comptons les photos et les dessins de presse comme des publications
séparées puisqu’il y a de cas où ils apparaissent indépendamment des articles.
7. L’auteur de la publication
8. Continuation de la publication
a. 1= non
b. 2= oui
9. La page de la continuation de la publication.
10. La taille de la continuation de la publication.
II. ANALYSE DU DISCOURS ET DE LA TONALITE DU JOURNAL
11. Le titre de la publication.
12. Le type de discours du journaliste de la publication
a. 1= Neutre/Descriptif
b. 2= Émotionnel/Évaluatif
c. 3= Stimulant
d. 4= Mixte
13. La tonalité du journaliste envers le régime
a. 1= Neutre
b. 2= Positive
c. 3= Négative
d. 4= Ambigüe
14. La tonalité du journaliste envers la résistance au régime
a. 1= Neutre
145
b. 2= Positive
c. 3= Négative
d. 4= Ambigüe
A) Locuteurs (Talking Heads)
15. Nom du premier locuteur
16. Statut du premier locuteur
a. 1= Politique/Régime
b. 2= Politique/Résistant au régime
c. 3= Armée/Régime
d. 4= Armée/Résistant au régime
e. 5= Intellectuel-Artiste/Régime
f. 6= Intellectuel-Artiste/Résistant
au régime
g. 7= Politique/France
h. 8= Politique/Etranger
i. 9= Intellectuel-Artiste/France
ia. 10= Intellectuel-Artiste/Etranger
ib. 11= Citoyen Grec
ic. 12= Citoyen étranger
id. 13= Autre
17. Le type de discours du premier locuteur
a. 1= Neutre/Descriptif
b. 2= Émotionnel/Critique
c. 3= Stimulant
d. 4= Mixte
18. La tonalité du premier locuteur vers le régime
a. 1= Neutre
146
b. 2= Positive
c. 3= Négative
d. 4= Ambigüe
19. La tonalité du premier locuteur vers la résistance au régime
a. 1= Neutre
b. 2= Positive
c. 3= Négative
d. 4= Ambigüe
20. Le type de discours du journaliste vers le premier locuteur
a. 1= Neutre/Descriptif
b. 2= Émotionnel/Critique
c. 3= Stimulant
d. 4= Mixte
21. La tonalité du journaliste vers le premier locuteur
a. 1= Neutre
b. 2= Positive
c. 3= Négative
d. 4= Ambigüe
*15. - 21. : De même s’il y a une deuxième/troisième locuteur etc.
B) Référence aux acteurs principaux
22. Nombre de références à Georges Papadopoulos
147
23. La tonalité de la référence du journaliste vers Georges Papadopoulos
a. 1= Neutre
b. 2= Positive
c. 3= Négative
d. 4= Ambigüe
De même : 24. – 49. Nombre de références à : Stylianos Pattakos ; Nicolaos
Makarezos ; Demetrios Ioannides ; Spyridon Markezinis ; Phaedon Ghizikis ;
Spyridon Kolias ; Roi Constantin ; Georges Papandreou ; Andreas Papandreou ;
Constantinos Caramanlis ; Panayiotis Canellopoulos ; Personnalité du régime ;
Personnalité de la résistance au régime
C) Mots-clés
50. Nombre de références du mot « junte »
De même : 51. - 72. Nombre de références des mots : « fascisme » ;
« dictature » ; « coup d’état » ; « régime » ; « gouvernement » ;
« ministre/premier ministre » ; « loi martiale » ; « censure » ;
« manifestation » ; « mouvement » ; « violence » ; « révolte » ; « torture » ;
« exil » ; « émeute » ; « libéralisation/normalisation » ; « tyrannie » ;
« répression » ; « solidarité » ; « communisme/anarchisme » ; « étudiants » ;
*50. - 72. : Nous comptons séparément les cas où la référence se fait par le
journaliste et les cas où la référence se fait par un des locuteurs. De même, nous
comptons séparément les cas où le mot apparait entre guillemets.
148
ii) Figures supplémentaires
Le type de discours des locuteurs.
Avril 1967
Décembre 1969
27%
65%
6% 2%
Le Monde, 20-30
Avril 1967
16%
74%
10% 0%
Le Figaro, 20-30
Avril 1967
20%
53%
15%
12%
L'Humanité, 20-30 Avril 1967
NEUTRE/DESCRIPTIF
EMOTIONNEL/CRITIQUE
STIMULANT
MIXTE
14%
81%
5% 0%
Le Monde, 1-15
Décembre 1969
46%
46%
8% 0%
Le Figaro, 1-15
Décembre 1969
37%
25%
13%
25%
L'Humanité, 1-15 Décembre 1969
NEUTRE/DESCRIPTIF
EMOTIONNEL/CRITIQUE
STIMULANT
MIXTE
149
Novembre 1973
Juillet 1974
27%
69%
4% 0%
Le Monde, 15-30
Novembre 1973 14%
71%
5% 10%
Le Figaro, 15-30
Novembre 1973
43%
43%
14% 0%
L'Humanité, 15-30 Novembre 1973
NEUTRE/DESCRIPTIF
EMOTIONNEL/CRITIQUE
STIMULANT
MIXTE
25%
61%
9% 5%
Le Monde, 15-31
Juillet 1974
23%
68%
9% 0%
Le Figaro, 15-31
Juillet 1974
22%
54%
13% 11%
L'Humanité, 15-31 Juillet 1974
NEUTRE/DESCRIPTIF
EMOTIONNEL/CRITIQUE
STIMULANT
MIXTE
150
La tonalité des locuteurs envers le régime
Avril 1967
Décembre 1969
36%
27%
35%
2%
Le Monde, 20-30
Avril 1967
53% 42%
5% 0%
Le Figaro, 20-30
Avril 1967
32%
15%
50%
3%
L'Humanité, 20-30 Avril 1967
NEUTRE
POSITIVE
NEGATIVE
AMBIGUË
57%
0%
43%
0%
Le Monde, 1-15
Décembre 1969
85%
0% 15% 0%
Le Figaro, 1-15
Décembre 1969
37%
13%
50%
0%
L'Humanité, 1-15 Décembre 1969
NEUTRE
POSITIVE
NEGATIVE
AMBIGUË
151
Novembre 1973
Juillet 1974
27%
34%
31%
8%
Le Monde, 15-30
Novembre 1973
24%
28%
48%
0%
Le Figaro, 15-30
Novembre 1973
43%
28%
29% 0%
L'Humanité, 15-30 Novembre 1973
NEUTRE
POSITIVE
NEGATIVE
AMBIGUË
58%
3%
39% 0%
Le Monde, 15-31
Juillet 1974
73% 0%
27% 0%
Le Figaro, 15-31
Juillet 1974
64%
3%
33%
0%
L'Humanité, 15-31 Juillet 1974
NEUTRE
POSITIVE
NEGATIVE
AMBIGUË
152
La tonalité des locuteurs vers la résistance au régime
Avril 1967
Décembre 1969
58%
19%
23% 0%
Le Monde, 20-30
Avril 1967
42%
11%
47%
0%
Le Figaro, 20-30
Avril 1967
44%
44%
12% 0%
L'Humanité, 20-30 Avril 1967
NEUTRE
POSITIVE
NEGATIVE
AMBIGUË
57% 24%
19% 0%
Le Monde, 1-15
Décembre 1969
84%
8% 8% 0%
Le Figaro, 1-15
Décembre 1969
62%
38%
0% 0%
L'Humanité, 1-15 Décembre 1969
NEUTRE
POSITIVE
NEGATIVE
AMBIGUË
153
Novembre 1973
Juillet 1974
81%
11% 8% 0%
Le Monde, 15-30
Novembre 1973
71%
19%
10% 0%
Le Figaro, 15-30
Novembre 1973
93%
7% 0% 0%
L'Humanité, 15-30 Novembre 1973
NEUTRE
POSITIVE
NEGATIVE
AMBIGUË
66%
33%
1% 0%
Le Monde, 15-31
Juillet 1974
75%
25%
0% 0%
Le Figaro, 15-31
Juillet 1974
74%
26%
0% 0%
L'Humanité, 15-31 Juillet 1974
NEUTRE
POSITIVE
NEGATIVE
AMBIGUË
154
Nombre des mots
« Fascisme » > « Tyrannie » > « Dictature » > « Junte » > « Pseudo- » > « Régime » > « Gouvernement », « Ministre»
0 10 20 30 40 50 60 70 80
FASCISME
TYRANNIE
DICTATURE
JUNTE
PSEUDO-
REGIME
GOUVERNEMENT
MINISTRE
18
0
23
11
4
34
73
65
2
0
4
0
0
4
22
38
52
4
26
20
0
15
45
27
Nombre des références,
20-30 Avril 1967
0 10 20 30 40 50
FASCISME
TYRANNIE
DICTATURE
JUNTE
PSEUDO-
REGIME
GOUVERNEMENT
MINISTRE
7
0
7
6
2
41
49
30
2
0
3
7
0
20
31
19
8
1
9
18
13
7
4
Nombre des références, 1-15 Décembre
1969
155
« Coup d’état », « Loi martiale », « Censure », « Violence », « Torture », « Exil », « Libéralisation/Normalisation », « Répression »
0 10 20 30 40 50 60 70 80
FASCISME
TYRANNIE
DICTATURE
JUNTE
PSEUDO-
REGIME
GOUVERNEMENT
MINISTRE
4
2
7
13
3
44
45
29
2
7
7
7
39
34
75
13
0
37
33
13
25
23
16
Nombre des références, 15-30
Novembre 1973
0 20 40 60 80 100
FASCISME
TYRANNIE
DICTATURE
JUNTE
PSEUDO-
REGIME
GOUVERNEMENT
MINISTRE
12
2
40
52
1
52
52
20
0
0
9
19
0
25
31
7
40
0
43
86
1
22
12
5
Nombre des références, 15-31 Juillet
1974
0 20 40 60 80 100 120 140
COUP D'ETAT
LOI MARTIALE
CENSURE
VIOLENCE
TORTURE
EXIL
LIBERALISATION
REPRESSION
123
3
7
2
2
3
1
7
34
1
3
1
0
1
0
0
88
0
7
3
3
0
0
6
Nombre des références, 20-30 Avril 1967
156
0 2 4 6 8 10 12 14 16
COUP D'ETAT
LOI MARTIALE
CENSURE
VIOLENCE
TORTURE
EXIL
LIBERALISATION
REPRESSION
16
5
5
2
10
3
9
3
6
1
0
0
2
0
4
0
4
0
2
0
5
2
5
1
Nombre des références, 1-15 Décembre
1969
0 5 10 15 20 25 30 35
COUP D'ETAT
LOI MARTIALE
CENSURE
VIOLENCE
TORTURE
EXIL
LIBERALISATION
REPRESSION
35
17
12
5
3
1
16
10
24
24
6
5
0
6
20
5
11
9
3
4
6
1
8
12
Nombre des références, 15-30 Novembre
1973
0 5 10 15 20 25 30
COUP D'ETAT
LOI MARTIALE
CENSURE
VIOLENCE
TORTURE
EXIL
LIBERALISATION
REPRESSION
29
4
2
2
8
17
4
3
20
1
2
1
1
10
1
0
5
1
2
0
12
7
0
1
Nombre des références, 15-31 Juillet 1974
157
« Communisme/Anarchisme », « Etudiants », « Opposition », « Resistance »
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45
COMMUNISME/ANARCHISME
ETUDIANTS
OPPOSITION
RESISTANCE
20
20
42
2
14
1
18
0
13
6
2
10
Nombre des références, 20-30 Avril 1967
0 2 4 6 8 10 12 14 16
COMMUNISME/ANARCHISME
ETUDIANTS
OPPOSITION
RESISTANCE
16
3
7
0
4
0
1
0
1
0
0
1
Nombre des références, 1-15 Décembre
1969
0 10 20 30 40 50 60 70
COMMUNISME/ANARCHISME
ETUDIANTS
OPPOSITION
RESISTANCE
6
65
7
0
7
61
7
0
5
47
1
3
Nombre des références, 15-30 Novembre
1973
158
« Manifestation », « Mouvement », « Révolte », « Émeute », « Solidarité »
0 10 20 30 40 50 60
COMMUNISME/ANARCHISME
ETUDIANTS
OPPOSITION
RESISTANCE
52
7
5
7
4
6
5
0
18
10
0
5
Nombre des références, 15-31 Juillet 1974
0 5 10 15 20 25 30
MANIFESTATION
MOUVEMENT
REVOLTE
EMMEUTES
SOLIDARITE
30
1
1
0
7
11
0
0
0
1
19
0
5
0
21
Nombre des références, 20-30 Avril 1967
0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 3,5 4
MANIFESTATION
MOUVEMENT
REVOLTE
EMMEUTES
SOLIDARITE
4
2
0
0
4
0
0
0
0
0
0
1
0
0
2
Nombre des références, 1-15 Décembre
1969
159
0 10 20 30 40 50 60
MANIFESTATION
MOUVEMENT
REVOLTE
EMMEUTES
SOLIDARITE
51
9
4
4
2
19
14
15
8
0
34
5
0
2
17
Nombre des références, 15-30 Novembre
1973
0 2 4 6 8 10 12 14 16
MANIFESTATION
MOUVEMENT
REVOLTE
EMMEUTES
SOLIDARITE
12
2
0
0
2
5
1
0
0
0
15
4
0
0
7
Nombre des références, 15-31 Juillet 1974