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1 Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche de Master 2 Communication Politique et Sociale FILIPPOPOULOU Georgia-Maria Sous la direction de M. GERSTLE Jacques La dictature en Grèce 1967-1974 : étude comparée du traitement de trois quotidiens français Année universitaire 2010-2011

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Université Paris I Panthéon-Sorbonne

Mémoire de recherche de Master 2 Communication Politique et

Sociale

FILIPPOPOULOU Georgia-Maria

Sous la direction de M. GERSTLE Jacques

La dictature en Grèce 1967-1974 : étude comparée du traitement de

trois quotidiens français

Année universitaire 2010-2011

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REMERCIEMENTS

Je tiens tout particulièrement à remercier M. Jacques Gerstlé, pour l’attention et le

temps qu’il a accordé à mon étude. Je le remercie également de m’avoir offert

l’opportunité de réaliser mon rêve de poursuivre d’études à l’Université Paris I

Panthéon - Sorbonne.

Mes remerciements vont également à mes professeurs de l’Université d’Athènes,

George Pleios, Stamatis Poulikidakos et Constantin Loulos. Sans leurs conseils et

leurs encouragements, je n’aurais pas pu mener à bien ce mémoire.

Enfin, un grand merci à l’ensemble de mes proches et amis Myrto, Alexandra, Maria,

Jose, Yiannis, Sarantis, Dimitris, Alexandros et Marianne pour leur aide et leur

soutien plus que précieux. Et tout particulièrement à mes parents, Christos et Varvara,

pour leur écoute sans faille et leur affection.

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SOMMAIRE

INTRODUCTION……………………………………………………………..........7

PREMIERE PARTIE…………………………………………………………….. 10

I. THEORIE………………………………………………………………………… 10

A. La définition de « l’objectivité journalistique » et critique.………………… 10

a) Présentation des événements sans commentaires………………………… 13

§ Vérité………………………………………………………………….......... 14

§ Informativité………………………………………………………..………..16

§ Signification………………………………………………………………… 18

b) Impartialité………………………………………………………….......... 24

§ Neutralité…………………………………………………………………… 26

§ Equilibrage…………………………………………………………….......... 28

B. Contraintes du travail journalistique à la couverture des événements en Grèce

1967-1974………………………………………………………………….. 29

a) Des contraintes liées à la couverture des nouvelles de l’étranger………. 29

b) Des contraintes liées au régime autoritaire……………………………… 32

II. CORPUS…………………………………………………………………............ 34

A. Les journaux « d’opinion »……………………………………………........ 34

a) Le Monde..................................................................................................... 35

b) Le Figaro……………………………………………………………......... 37

c) L’Humanité…………………………………………………………......... 37

B. Présentation résumée des événements des périodes examinées……………...38

a) 20 - 30 Avril 1967. Le coup d’état en Grèce………………………………39

b) 1-15 Décembre 1969. L’expulsion de la Grèce du Conseil de

l'Europe…………………………………………………………………… 42

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c) 15-30 Novembre 1973. La révolte de l’Ecole Polytechnique. Le nouveau

coup d’état……………………………………………………………….. 44

d) 15-31 Juillet 1974. L’invasion en Chypre. La chute du régime

militaire………………………………………………………………….. 46

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE………………………………......... 47

DEUXIEME PARTIE…………………………………………………………….. 50

I. METHODOLOGIE………………………………………………………….........50

A. Analyse des paramètres du protocole………………………………………..50

a) Discours et tonalite des journalistes et des personnes parlantes……......... 50

b) La dimension évaluative des mots……………………………………….. 51

II. ANALYSE DES RESULTATS DE LA RECHERCHE…………………...........54

A. Caractéristiques Générales…………………………………………………...54

a) Le nombre/ taille des publications………………………………….........55

b) La date/page de la publication…………………………………………...60

c) La catégorie de la publication……………………………………………70

B. Analyse du discours et de la tonalité du journal…………………………….79

a) Le type de discours du journaliste de la publication…………….............80

b) La tonalité du journaliste envers le régime/la résistance au régime...........87

c) Nom / Statu des locuteurs………….……………………………...........101

d) Le type de discours/tonalité des locuteurs……………………………...108

C. Nombre/tonalité de références……………………………………………...114

a) Références aux personnes……………………………………............... 114

b) Références aux mots……………………………………………………120

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE……………………………...........130

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5

CONCLUSION……………………………………………………………….…..135

BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………..…137

ANNEXES………………………………………………………………………...143

i) Le protocole de la recherche……………………………………………143

ii) Figures supplémentaires………………………………………………...148

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« Ce que nous racontons s’est réellement passé. Rien ne s'est passé comme nous le

racontons. »

Goethe

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INTRODUCTION

La question de la représentation de la réalité, à travers les récits puis à travers les

formes organisées de l'information, a toujours préoccupé l'humanité de l'antiquité à

l'époque des médias de masse et numérisés. Jusqu'à nos jours, le débat n'a pas cessé.

Des amphithéâtres universitaires aux cafés traditionnels et des manifestations

organisées aux panneaux de télévision, la notion de « l'objectivité » est souvent

abordée. En ce qui concerne l'historiographie et le journalisme d'information, la façon

dont l'enregistrement, l'interprétation et la publication des faits de la vie réelle peuvent

refléter ou « construire » les événements, est encore très largement discuté et

controversé

Albert Camus disait en 1944 dans les pages de Combat que le journaliste est un

« historien de l’instant »1. Etant donné que « l’instant » pour le journaliste c’est

l’actualité, il contraste avec le point de vue de l’historien, qui nécessite l'introduction

du temps standard, et le détachement des événements. Toutefois, le journalisme

fonctionne comme « l'histoire de l'instant », comme porte parole de la conscience

collective dans sont état réactif. Le journaliste vit à l’époque où se passent les

événements qu'il décrit, ignorant leur dimension historique et est lié aux perceptions

et aux préjugés du moment. Considérant le journalisme comme en réalité un

instantané de la conscience collective qui la produit, peut-il effectivement être «

objectif », selon les définitions attribuées à ce terme ? Si le journaliste constitue donc

un témoin professionnel dans la pulvérulence de l'événementiel, l’information fournie

peut-elle être dégagée de la charge idéologique et de l'ensemble des conditions dans

lesquelles elle a été produite ?

Compte tenu des considérations ci-dessus, le présent mémoire tente d’étudier

l’attitude de la presse française « d’opinion » envers la dictature en Grèce pendant les

années 1967-1974. Le terme « attitude » se réfère aux caractéristiques quantitatives et

qualitatives du contenu de toutes les publications relatives au régime en Grèce, que

nous avons choisi d'analyser en fonction de variables spécifiques. Parce qu’il nous a

été impossible d’examiner l’intégral des publications dû à une contrainte de temps,,

1 Camus, A., La réforme de la presse : Combat 1/09/1944, dans Cahier Albert Camus 8, Paris, Galimard,

2002, p. 163-164

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nous avons choisi de tenir compte seulement de quatre périodes historiques qui ont

marqué les années de la dictature. De plus, comme conclu Eyal2, l'étude d’une

période précédente et suivante est nécessaire, afin d'enquêter en profondeur une

question, nous avons donc choisi quatre périodes historiques se succédant. Durant ces

périodes, le corpus de recherche comprend alors trois journaux : Le Monde, Le

Figaro, et l'Humanité. En raison de la diversité idéologique et de leur grande

popularité, nous pourrions conclure qu'ils représentent la presse française d’opinion

de l'époque.

Par ailleurs, si nous avons centré cette étude à la presse écrite, parce que la

télévision, même si elle existait déjà, n’était pas très présente lors des événements. La

presse constituait à l’époque le moyen principal d’information des citoyens. Ainsi,

l’écrit nous paraît être potentiellement plus riche, plus élaboré et mieux adapté à une

étude approfondie des discours médiatiques. En effet, la presse écrite est un média de

parole, où les schémas argumentatifs sont plus élaborés, qui se prête mieux à une

analyse du discours. Nous pensons également que les clivages, notamment en termes

de ligne éditoriale et de tendance politique, sont beaucoup plus explicites et

identifiables dans la presse écrite, ce qui peut faciliter notre décodage des types de

discours. Ainsi, si nous avons choisi de travailler uniquement sur des quotidiens, c’est

pour garder une certaine unité et ainsi permettre une comparaison lors de notre

analyse.

A travers la première partie nous avons tenté de définir le sens d '« objectivité » dans

le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail3 et Jorgen Westerstahl4. Se

référant à une vaste bibliographie sur la théorie de la communication, nous avons

présenté les éléments caractéristiques de la notion (présentation de faits sans

commentaires ; impartialité) dans une tentative d’éclairer tous ses aspects, en

pratique. Ensuite, enrichissant la présentation des conditions pratiques du travail

journalistique, nous avons jugé nécessaire de présenter les circonstances particulières

lors de la couverture médiatique des événements en Grèce durant la période de la

2 Eyal, H., Time-frame in agenda-setting research: A study of the conceptual and methodological

factors affecting the time frame context of the agenda-setting process, Syracuse, Syracuse University

Press, 1979 3 McQuail, D., La Théorie de la Communication de Masse pour le 21ème siècle, Athènes, Kastaniotis,

2003, p. 207-208 4 Westerstahl, J. Objective News Reporting, Communication Research 10, 1983, p. 403-424

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dictature. Outre les contraintes provoquées par la nature autoritaire du régime, la

couverture des événements internationaux contient aussi des contraintes qui devraient

être prises en compte dans l'analyse qualitative des données.

Le deuxième chapitre de la première partie est consacré au corpus de la recherche.

Nous faisons référence à l'histoire et aux caractéristiques générales des trois journaux,

afin de souligner leurs pratiques spécifiques et leur orientation idéologique. Ensuite,

nous présentons en résumé les principaux événements au cours des quatre périodes

historiques que nous avons choisi d'étudier, avec une référence particulière aux

événements qui attirent l'attention des journaux.

Dans une deuxième partie nous analyserons ensuite les paramètres de la méthodologie

choisies, mettant un accent particulier sur l'analyse du discours / tonalité du journal et

de l'importance du langage utilisé. Après avoir présenté notre méthodologie, nous

exposerons les résultats de notre étude à travers des figures et des commentaires.

Cette recherche vise à répondre aux questions suivantes:

a) Comment le thème de la dictature en Grèce est-il hiérarchisé dans la presse

française?

b) Comment les publications concernées sont-elles évaluées ? Est-ce que la presse

française a entrepris une couverture médiatique des thèmes majeurs de la dictature

grecque dans le style « neutre » adopté par les télégrammes des agences de presse, ou

a-t-il choisi une attitude plus critique ? Au fil du temps, cette attitude a- t- elle changé,

ou est-elle restée stable ?

c) Les « différences idéologiques » de chaque journal ont-elles un impact sur leur

attitude face aux événements en Grèce ou ont-ils conservé une approche uniforme

couvrant les événements ? Si leur attitude se prouve différente, quelles sont ses

caractéristiques qualitatives?

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PREMIERE PARTIE

I. THEORIE

A. La définition de « l’objectivité journalistique » et critique

« Quant aux événements de la guerre, je n'ai pas jugé bon de les rapporter sur la foi

du premier venu, ni d'après mon opinion ; je n'ai écrit que ce dont j'avais été témoin

ou pour le reste ce que je savais par des informations aussi exactes que possible.

Cette recherche n'allait pas sans peine, parce que ceux qui ont assisté aux événements

ne les rapportaient pas de la même manière et parlaient selon les intérêts de leur

parti ou selon leurs souvenirs variables. »

Thucydide5

Quand le premier chercheur-historien, appelé aussi « le premier reporter de

l'histoire », a écrit ces lignes au 5ème siècle avant J-C, il ignorait bien sûr que près de

2500 ans plus tard, les journalistes tenteraient avec la même angoisse de corroborer la

véracité de leurs écrits, et utiliseraient des tactiques similaires pour y parvenir, ou

rassurer le public à ce sujet.

La « qualité de l'information » et « l'objectivité » sont souvent présentées dans les

manuels de communication ou de journalisme comme interconnectées. Toutefois,

comme dans le cas des nombreux concepts qui sont considérés comme axiomatiques

et utilisés sans discernement, le processus de définition de «l'objectivité» a fait l’objet

de nombreux chercheurs.

Le chercheur Denis McQuail dans « La Théorie de la Communication de Masse pour

le 21ème siècle » identifie comme ses éléments de base6: a) adopter une attitude

d'impartialité et de neutralité, sans implication personnelle, b) éviter la partialité et la

politisation, c) insister sur l’exactitude et d'autres éléments de vérité que la cohérence

et l'intégralité, et d) éviter les finalités obscures ou d'autres fins.

5 Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, Livre I (XXII), Athènes, ΟΕDΒ, 2000, traduction :

Voilquin, J. 6 McQuail, D., La Théorie de la Communication de Masse pour le 21ème siècle, Athènes, Kastaniotis,

2003, p. 207-208

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Westerstahl avait également présenté le schéma7 suivant pour définir l'objectivité dans

le journalisme. Selon cette étude, l'objectif est basé sur le pur enregistrement

d'événements (factualité) et l'impartialité.

Objectivité

↲ ↳

Factualité Impartialité

↲ ↓ ↳ ↲ ↳

Vérité Informativité Signification Équilibre Neutralité

D’après ce schéma, l'enregistrement des événements est valide s’il contient des faits et

des déclarations dont les sources peuvent être vérifiées. De plus, ceux-ci doivent être

présentés sans commentaires, ou tout au moins apparaître clairement dissociés des

commentaires. Ces informations, cependant, doivent être également véridiques, c'est-

à-dire exactes et complètes et sans tentative d'égarer, ou de servir à des fins

souterraines. Chaque information doit être imprégnée d’« informativité »

(informativness), être claire et compréhensible. Enfin, l'élément-clé est la

«Signification» de l’information, qui se réfère au choix du sujet de la plus haute

importance pour les lecteurs.

Le second pilier de l'objectivité a à voir avec l'impartialité, ce qui nécessite également

un «positionnement neutre» du journaliste, résultant d'un équilibre des interprétations

contradictoires, des faits, des opinions. La deuxième caractéristique de l'objectivité

selon Westerstahl, est ce qui est le plus souvent outrepassé dans la presse occidentale,

où la liberté d'expression et la démocratie peuvent assurer et exigent le respect de la

première étape de l'objectivité.

Critique de la définition d’ « objectivité »

En vertu de ces critères nous pourrions parvenir à la conclusion que l'objectivité

devient un garant de la liberté et de l'égalité dans le processus d'information, si elle

7 Westerstahl, J. Objective News Reporting, Communication Research 10, 1983, p. 403-424

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n’est pas influencée par des intérêts et si les sources sont traitées de façon égale et

possèdent des opportunités égales de recours aux médias.

Cette approche s'apparente plus à l'approche libérale-pluraliste, qui voit les médias

comme des mécanismes destinés à promouvoir les intérêts et les points de vue des

différents groupes et contribuant ainsi de manière décisive à la libre circulation des

idées et au fonctionnement démocratique du système. La position centrale de la

théorie pluraliste se concentre sur la position que les médias constituent un support

essentiel pour les institutions démocratiques, qui forment le «quatrième pouvoir» et

sont « un miroir de la société ».

Cependant, il devient rapidement évident que dans une certaine simplification, le

résultat semble étroitement lié à l'idéal « de la communication rationnelle et non

faussée » 8 de Habermas.

Or, Habermas admet qu’en fait la communication, soit interpersonnelle soit

médiatisée, ne peut jamais échapper complètement à l'effet des conditions dans

lesquelles elle a lieu. L'acte du « discours idéal » peut être seulement une possibilité

théorique. Les critiques9, basées sur Foucault, nient même le terme « communication

rationnelle » puisque les relations de pouvoir régissent toutes les relations humaines,

les contacts et les processus par lesquels les connaissances ou la communication sont

produites.

La réponse à la position pluraliste, établissant que les médias constituent des

représentations neutres de la réalité, des mécanismes qui contrôlent le pouvoir, que

leur influence peut être mesurée et que leurs effets se limitent à renforcer les valeurs

existantes, est principalement issue de deux différentes sources théoriques, le

structuralisme et le marxisme.

Nous analyserons ainsi les caractéristiques individuelles de «l’objectivité» selon

McQuail et Westerstahl par rapport à des interprétations différentes et des études liées

à chaque terme. De plus, nous nous référerons à la pratique du journalisme comme un

obstacle à la réalisation de l'objectivité.

8 Habermas, J. The Structural Transformation of the Public Sphere, Cambridge, MA: MIT Press, 1962

9 Simon J, Foucault and the Political, London, Routledge, 1995, p. 114

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a) Présentation des événements sans commentaires

Le marxisme et le structuralisme ont mis en doute l'hypothèse que les médias reflètent

la réalité. Selon l'école de Francfort, les médias et l'industrie de la culture construisent

et identifient la conscience des classes dominées et les manipulent de sorte que toute

résistance disparaisse et que la passivité domine la passivité10. Les médias

déterminent ainsi les conditions dans lesquelles nous réfléchissons, ou pas11. Ils nous

égarent vers un monde de définitions et des simulations idéologiques automatiques12.

Le structuralisme, d'autre part, a développé l'argument selon lequel la pensée précède

la réalité et la comprend de différentes façons selon le contexte dans lequel l'homme

se trouve à chaque fois. La «réalité sociale» est réalisée par le langage, nous

constituons notre monde social à travers les contes et la narration. Les travaux de

Roland Barthes13 sur la création et la projection de certains «mythes» par les médias,

ont montré l'existence de messages auxquels ceux-ci apportent une charge

idéologique et ainsi leur aptitude à démontrer seulement certains aspects de ce qui se

passe dans le monde. Dans ce contexte les médias ne fonctionnent pas comme des

observateurs neutres de la réalité, ni ne reflètent simplement des faits. Au contraire, ils

orientent les événements et y attachent une signification sociale particulière, révélée à

travers la compréhension du code qui régit les textes, résultant des différents niveaux

de signification14.

Par une combinaison des deux théories, nous parvenons à la conclusion que la Vérité,

l’Informativité et la Signification, cadres de la première partie du schéma de

l'objectivité, ne sont ni stables, ni mesurables, et donc ni facilement réalisables.

10

Marcuse, H., L'Homme unidimensionnel, Athènes, Papazisis, Traduction: Lykoudis, B., 1973 11

Adorno, T. & Horkheimer, M., La Dialectique de la Raison, Athènes, Ypsilon, Traduction: Sarikas, Z., 1986 12 Bennett, T., Theories of the media, Theories of society, dans Komninou,M. & Lyritzis,C., Pouvoir,

Société et Medias de Masse, Athènes, Papazisis, 1989, p. 71 13

Barthes, R., Mythologies, Athènes, Kedros, traduction : Chatzidimou Kaiti, 1979 14

Barthes, R., Le Degré Zéro de l’Ecriture, Athènes, Kedros, traduction : Papaiakovou Katerina, 1987

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§ Vérité

D’après Kant, il n'y a pas de corrélation entre la production culturelle et intellectuelle

et des fins, des valeurs sociales et culturelles. La vérité et la beauté existent

indépendamment.

Selon la théorie du miroir si les journalistes exhumaient les éléments et les alignaient,

la vérité se révélerait automatiquement15. Cependant, le réalisme est survenu à un

moment où le journalisme avait rompu avec les partis politiques et faisait preuve

d’une grande volonté de s’appliquer à plus de précision. Réalisme et réalité,

l'exactitude et la vérité, n’ont pas été si facilement assimilés par les chercheurs

ultérieurs. Ainsi, si un journal publie un long article sur le discours du maire lors

d'une célébration de la police, le texte bien que réaliste et «vrai» semblera ironique si

la police dans la région a récemment été impliquée dans un scandale.

Selon Walter Lippman dans « Opinion Publique » : « […] les nouvelles et la vérité ne

sont pas la même chose. La fonction des nouvelles est de marquer un événement ou

d'informer le monde à ce sujet. La fonction de la vérité est de mettre en lumière des

faits cachés, de les combiner et de créer une image de la réalité, sur laquelle le

citoyen peut agir. »

Pour les marxistes et les structuralistes la vérité journalistique a été conçue comme

allant au-delà d’une simple précision. Elle a été conçue comme un processus de

clarification, qui se développe entre l'histoire originale et l'interaction qui se produit

au fil du temps entre le public, les auteurs des nouvelles et les journalistes16. Pour les

marxistes, les médias ne reflètent pas la vérité, mais les perceptions de leurs

propriétaires, les membres des classes dirigeantes. Pour les structuralistes, la vérité

dérive du code qui régit les textes, par la relation du signifiant et du signifié résultant

des différents niveaux de signification. En conséquence, la circulation de

l'information de masse, au-delà de la diffusion des connaissances parmi les

participants au processus de communication, implique la dispersion d'un ensemble

15

Schudson Michael, Discovering of News, New York, 1978, p. 6 16 Kovach Bill & Rosenstiel Tom, The Elements of Journalism (What Newspeople Should Know and the

Public Should Expect), Athènes, Kastaniotis, 2004, p. 53

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d'idées, croyances et opinions, qui affectent si elles ne déterminent pas, l'attitude des

gens envers le monde, la société et la politique.

Bien que le produit final des médias ne soit pas connaissance dans toute l’acception

du terme, l'information et les messages transmis influencent et forment la

connaissance et les attitudes du public sur une grande variété de sujets. De cette

manière les médias sont aussi des mécanismes de socialisation et de transmission des

connaissances et des valeurs comme l'école et la famille17.

L'analyse de Daniel Hallin18 est instructive sur le rôle des médias dans les situations

de crise et de conflits. Halin diversifie la construction de l’actualité du journalisme en

trois sphères. La « sphère de consensus » est la sphère principale et présente ce que

les journalistes et les médias acceptent comme indiscutables. Les images de cette

sphère sont hors questionnement. Pour cette raison, les journalistes sont invités à

présenter objectivement toutes les questions qui y sont liées.

La « sphère de la dissidence légitime », est la seconde sphère à travers laquelle les

sujets sont considérés comme légitimement controversés. Dans cette sphère, la

neutralité et l'équilibre sont appliqués selon la gestion de la pratique journalistique.

Dans la troisième sphère, celle de la « déviation », le journalisme « […] assume un

rôle dans lequel il expose et condamne ou exclut de l'agenda public ceux qui violent

ou restreignent le consentement »19. En d'autres termes, les opinions appartenant à

cette sphère ne sont pas considérées comme sérieuses par la pratique journalistique.

Par contre, elles peuvent être utilisées pour renforcer les vues inhérentes aux deux

autres sphères.

Pourtant, les faits présents dans ces sphères ne sont pas statiques. Dans la pratique, ils

sont étroitement liés et se déplacent souvent d'une sphère à l'autre. Les chercheurs ont

appelé ce processus « crise de repères d’évaluation » ou encore « crise de priorité »,

17

Althusser, L., Idéologie et appareils idéologiques d’État, dans Althusser, L., Positions (1964-1975),

Paris, Les Éditions sociales, 1976, p. 67-125 18 Hallin, D., The “Uncensored War”: The Media and Vietnam, New York, Oxford University Press,

1986, p. 116-117 19

Ibid.

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c'est-à-dire que les médias peuvent changer la perspective par laquelle les gens

évaluent les institutions, en concentrant leur attention sur un sujet plutôt qu'un autre20.

Les médias sont des mécanismes qui s'interposent entre les gens et la réalité qui les

entoure, apportant une abondance de renseignements sur ce qui se passe dans le

monde, comment il est fait et pourquoi. Cela signifie qu’un grand pourcentage de nos

connaissances sur ce qui se passe autour de nous vient des médias.

Par conséquent, les médias en tant qu’acteurs des mécanismes idéologiques, ne

reflètent pas la vérité. L’historien Simon Scapa a constaté que la certitude d'une

vérité, « empiriquement vérifiable » est morte21, tandis que Carl Bernstein avait dit de

ce processus que « les journalistes essaient de produire la version la plus réaliste de la

vérité »22.

§ Informativité

Malgré leurs différences, le structuralisme et le marxisme se rejoignent lorsqu’ils

affirment pouvoir percer à jour la véritable signification des messages et révéler les

voies et les mécanismes par lesquels celle-ci est perçue et comprise par le public.

Donc les deux théories soutiennent qu’elles tentent d’apporter une vision objective de

la réalité et qu’elles conquièrent la connaissance définitive et l'interprétation correcte

des différentes formes de production culturelle et intellectuelle.

Ce qui figure dans l'histoire comme le « postmodernisme » se caractérise par

l'impossibilité de trouver un sens « objectif ». La connaissance dépend des moyens

d’expression et de la forme dans laquelle un texte se structure, ce qui permet des

interprétations infinies.

Les médias construisent la réalité d'une certaine manière car ils choisissent de discuter

des aspects de ce monde complexe (agenda setting) et de plus utilisent des

expressions particulières qui proviennent d’autres sources pour les décrire,

contribuant ainsi à la construction de la réalité. La théorie de la «construction sociale 20 Papathanassopoulos, S., Les médias de masse en situations de crise, dans Papathanassopoulos, S. &

Komninou, M., Sujets de Déontologie Journalistique, Athènes, Kastaniotis, 2000, p. 67. 21

Wood, G., Novel History, New York Review of Books, Juin 1991, p. 16 22 Kovach, B. & Rosenstiel, T., The Elements of Journalism, op. cit., p. 56

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forte», influencée par la philosophie phénoménologique et pragmatique dans les

décennies 60-70, a promu l'argument selon lequel nous ne pouvons pas séparer la

compréhension de la réalité des engagements de valeurs et des hypothèses

d'interprétation qui nous guident dans notre vie quotidienne, parce que nous nous

trouvons dans une interaction sociale avec les autres. Alors que les journalistes, ne

pouvant être libérés de leurs faiblesses humaines, plutôt que de rapporter la réalité

sociale, la construisent.

Pour Allan Stuart23, les efforts destinés à trouver des variables pour mesurer

l'objectivité sont condamnés, parce qu'il n’y a pas de constantes indépendantes qui

mesurent la réalité. Il s’agit toujours de récits. Le monde social se produit à travers

des récits qui le décrivent. Ainsi, les déclarations d’un témoin oculaire et les

statistiques officielles ne sont que des formes alternatives du discours public plutôt

que d'une mesure fixe de l'objectivité. Les journalistes ne produisent jamais de «

visions objectives du monde »24, mais des estimations qui équilibrent une version de

la réalité socialement construite sur une autre.

La production des médias pose la question de la représentation de la réalité et

comment elle est perçue par le public. Dans la mesure où les médias constituent le

médiateur entre la réalité et l'individu, soulignant ou omettant les aspects de ce qui se

passe autour de nous, ils sont des mécanismes de représentation et de présentation de

la réalité aux personnes. Cela fait apparaître le problème de la production des

connaissances et de la capacité de l'homme à avoir une vision objective du monde

autour de lui.

Basée sur ces théories, « l’informativité » des nouvelles ne peut pas être garantie.

Stuart Allan affirme que les nouvelles ne sont pas uniformément comprises par le

public. Il existe une possibilité de multiples interprétations de chaque texte. C’est

aussi la perception de Baudrillard qui parle d'un monde décentralisé, chaotique, doté

de multiples significations, dans lequel aucune signification générale ou d’ordre

général ne peut être trouvée, car personne ne peut « […] échapper à la perpétuité des

23

Allan, S., News, Truth and Postmodernity: unraveling the will to facticity, dans Adams, B. & Allan S., Theorizing Culture, London, UCL Press, 1995 24 Tuchman, G., Objectivity as a Strategic Ritual, American Journal of Sociology, 77 (4), 1972, p. 660-

679

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récits, des codes et textes culturels qui se recyclent par les médias de

communication. » 25

§ Signification

« La presse ne peut pas toujours réussir à dire aux gens que penser, mais elle marque

un succès considérable à imposer à ses lecteurs sur quoi penser. »

Bernard Cohen26

Dans le modèle de communication de Katz et Lazarsfeld, la théorie du

« gatekeeping » fournit un processus par lequel une personne contrôle le flux des

messages à travers un canal de communication.

Le cadre du fonctionnement de « gatekeeper » repose sur l'hypothèse qu'il existe une

authenticité des événements précise, définie et reconnaissable dans le monde réel et

que le devoir des médias est de la choisir, en fonction des critères représentatifs de

l'importance des événements. Comme l’affirme Fishman27, la plupart des chercheurs

croyaient soit que les informations reflètent la réalité, soit qu’ils la déforment et que

cette réalité se compose d'événements qui se passent dans le monde et qui existent

indépendamment de la manière dont les journalistes les perçoivent et les traitent lors

de la production de l’information.

Pour Fishman la préoccupation principale devrait être la « fabrication des nouvelles »

parce qu'il est évident que le contenu de l'information finale des médias provient de

plusieurs « portes » et prend des formes différentes. Elle peut être demandée ou

commandée à l'avance, ou être découverte soudainement. Parfois, cette découverte

peut être construite et organisée dans le cadre de l'organisation des médias. Un tel

processus de fabrication, y compris la sélection des nouvelles, n’est pas aléatoire ni

subjectif. La fabrication survient en grande partie selon l'interprétation et le «cadrage»

causés par les institutions bureaucratiques qui constituent des sources des nouvelles

(postes de police, bureaux, tribunaux, organismes gouvernementaux).

25

Baudrillard, J., Pour une critique de l'économie politique du signe, Paris, Gallimard 1977 26 Cohen, B., The Press and Foreign Policy, Princeston, Princeston University Press, 1963, p. 13 27

Fishman J, Manufacturing News, Austin, University of Texas Press, 1980, p. 13

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19

Les chercheurs modernes ont donc renoncé au concept selon lequel les journalistes

agissent comme des cartographes de la vie quotidienne. Il y a trop de nouvelles

fongibles quotidiennement, soit en raison du manque d'espace, soit parce qu'elles ne

sont pas signifiantes ou « vendables ».

Le choix des sujets porte sur les thèmes invariants du journalisme, grands moteurs de

l’intérêt du lecteur : l'actualité, l'originalité, l’humain, la nouveauté et la proximité du

fait28. Ou, selon d'autres chercheurs29: a) le sens, l'impact, la portée b) l’intrusif, le

conflit, l’étrange c) les personnalités de haut rang. Alexopoulos Dimitris, journaliste,

traduit ces critères dans la langue des rédactions comme un triptyque de « sang –

couronne - sperme ». Cela signifie des sujets liés à la violence ou la souffrance

humaine, incluant la puissance ou les questions sexuelles.

Certains sujets sont controversés par l'opinion publique30. Le fait que les sujets soient

bilatéraux, et impliquent un conflit, nous rappelle que la détermination de l’ordre du

jour est par nature un processus politique.

Ainsi, Dearing & Rogers31 ont-ils désigné comme « l’indice objectif de la réalité »

une variable en relation avec le degré objectif de dangerosité ou la gravité d'un

événement. Cependant, leurs recherches ont montré une relation négative entre cet

indice et l’agenda des médias. L’apparition d’un sujet sur l’agenda médiatique ne

dépend pas seulement de la gravité et de la dangerosité, mais aussi du choix lors de

l’organisation des informations de le présenter à ce moment. Cobb et Elder, ont

souligné le rôle des événements-stimuli (trigger events) pour l’apparition d’un

thème32. Un fait-relance a lieu et attire l'attention et l'action. D’autre part Ekecrantz a

dépeint le « embeddedness »33 des nouvelles valeurs journalistiques dans les

conditions spécifiques sociopolitiques. En 1925, par exemple les questions de la

28

Gérard Hoffbeck, Ecrire pour un journal, Paris, Dunod, 2001, p. 57 29 McCombs, M., Einsiedel, E., Weaver, D., Contemporary Public Opinion Issues and the News,

Athenes, Kastaniotis, 1996, p. 69 30 Cobb, W. & Elder, D., Participation in American Politics: the dynamic of agenda-building, Baltimore,

Johns Hopkins University Press, 1983 31 Dearing, J. & Rogers, E., Agenda-Setting, Athènes, Papazisis, 2005, p. 61 32 Cobb, W. & Elder, D., Participation in American Politics, op. cit. p. 85 33

Ekecrantz, J., Journalism’s “Discoursive Events” and Sociopolitical change in Sweden 1925-87, Media Culture Society, 19 (3), 1997, p. 393-412

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modernité, de l'attrait de la technologie, et la grandeur nationale guidaient le choix des

sujets.

À un moment donné, et pour un certain laps de temps, différents médias attachent une

importance similaire à un groupe de sujets. Leur texte diffère. En général, cependant,

les médias ont tendance à s'accorder sur le nombre ou la proportion de bulletins

d’information consacrés à un thème particulier34.

Ainsi, l’agenda est-il un groupe de sujets communiqués selon une hiérarchie basée sur

leur importance. Les scientifiques politiques Cobb et Elder35 ont présenté l'ordre du

jour comme un groupe de conflits politiques qui, à tout moment, peuvent être

considérés comme relevant de la gamme des intérêts légalisés qui nécessitent

l'attention de l'Etat.

Frame et stories

Le chercheur Gaye Tuchman36 se réfère au frame analysis (cadres de l’expérience)

d’Erving Goffman pour expliquer pourquoi les reporters retiennent une information

plutôt qu’une autre. « Encadrer, c’est choisir quelques aspects d’une réalité perçue et

les rendre plus saillants dans un texte, de façon à proposer une définition particulière

d’un problème, une interprétation causale, une évaluation morale et/ou une

recommandation de solution »37. Les frames donc, sont des principes qui relient les

journalistes au monde qu’ils observent, au public qu’ils informent, et aux politiques

narratives au sein desquelles ils agissent.

Certes, afin de ne pas confondre l'angle avec le manque d'objectivité, nous devons

également nous référer à la théorie des news stories (histoires, récits). Selon cette

théorie, les faits et la narration (histoire) ne sont pas contradictoires. Simplement, les

reporters ont recours à des normes qui peuvent leur « servir à identifier les questions

pertinentes ». Le journaliste emprunterait au passé immédiat des éléments de

construction d’une mise en scène destinée à dire, non pas ce qui s’est passé, mais ce

34 Dearing, J. & Rogers, E., Agenda-Setting, op. cit., p. 159 35 Cobb, W. & Elder, D., Participation in American Politics, op. cit. 36

Tuchman, G., Telling stories, Journal of Communication 26, 1976, p. 93 - 97 37

Entman, R., Framing: Toward Clarification of a Fractured Paradigm, Journal of Communication 43(4), 1993, p. 52

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qui va se passer : «L’information n’est pas tournée vers l’intelligibilité de ce qui s’est

passé, mais vers l’attente de ce qui n’est pas encore »38. L’histoire est soumise alors

aux principes d'organisation des phénomènes sociaux accessibles à l’analyse sociale.

Ainsi, dans des conférences de rédaction, les journalistes parlent entre eux, moins des

faits eux-mêmes que des stories qu’ils peuvent ou non réaliser à partir de ceux-ci. On

ne sait pas si ce processus de choix est déterminé par des cadres conscients ou non39.

Mais ce qui est clair c'est que les cadres dans le cas médiatique, ne sont pas -ou pas

seulement- des cadres d’interprétation de la réalité, mais des cadres d’interprétation

du rôle du journaliste face à la réalité et singulièrement la temporalité de celle-ci.

Toute société en un sens, comme le note Francis Balle40, est une machine à fabriquer

des histoires.

Les personnes et la sélection

La pression exercée sur les journalistes pour les contraindre à observer les délais ainsi

que les exigences d'impartialité et d'objectivité ont comme résultat « […] un hyper-

accès aux médias systématiquement structuré, de ceux qui occupent des postes

puissants et privilégiés dans la société »41. Cela a été appelé par Becker la «hiérarchie

de crédibilité»42 : la faculté pour ceux occupant la plus haute position hiérarchique

d’exprimer leurs vues sur les questions conflictuelles, puisque ces «porte-parole»

donnent l'impression qu'ils ont accès à plus d’informations précises ou plus

spécifiques que la majorité de la population. Grant43 a tenté de normaliser cette

tendance des médias, séparant les sources en « marginalisés » et « en réseau ». Plus

précisément, il a diversifié les « en réseau» des « internes », ceux qui travaillent dans

les ministères ou départements gouvernementaux (profil haut, profil bas et

claustration,) et en «externes», ceux qui ont refusé de participer (potentiellement, par

nécessité, idéologiquement).

38

Tétu J.-Fr., L’actualité ou l’impasse du temps, dans Bougnoux B., (dir.), Les sciences de la

communication, Paris, Larousse, 1993, p. 720-721 39

Tuchman, G., Telling stories, op. cit., p. 93 - 97 40

Balle, F., Medias et Sociétés, Paris, Montchrestien, 2009 41

Hall, S., Chritcher, C., Jefferson, T., Clarke, J., Roberts, B., Policing the Crisis: Mugging, the State and

Law and Order, dans Komninou, M. & Lyritzis, C., Société, Pouvoir et Medias de Masse, Athènes,

Papazisis, 1989, p. 58 42

Becker, H., Whose side are we on?, Social Problems, (14), 1967, p. 239-247 43

Grant, W., Pressure Groups Politics and Democracy, Hemel, Hempstead, 1990

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22

Cela reflète le fait qu'une partie importante de la sélection de l’information tourne

autour des personnes, et surtout autour des gens qui sont de plus en plus disponibles

en permanence pour parler, plutôt qu’autour des événements et des institutions.

Souvent les journalistes sont bien en réseau autour des personnalités éminentes dont

ils peuvent s'assurer rapidement des déclarations exclusives. C'est l'étape de la critique

de Noam Chomsky44 dans « Necessary Illusions, Thought Control in Democratic

Societies », où il semble convaincu que l'unilatéralisme des sources n'est pas dû aux

exigences de la profession et que les journalistes trouveraient s'ils le voulaient des

sources plus critiques.

Selon Schlesinger45, cependant, l'approbation de Hall souffre de lacunes théoriques.

Tout d'abord, la cohérence des joueurs ne devrait pas être surestimée, parce que

parfois ils expriment des opinions contradictoires. Ensuite, les journalistes font face

souvent à une difficulté majeure : déterminer les limites précises entre ceux qui ont le

pouvoir d'influencer l’information et ceux qui occupent une position secondaire. En

outre, « […] il doit être souligné que les opinions qui ne sont pas présentées ne sont

pas réprimées. Il y a dans tous les cas des canaux alternatifs d'expression des

opinions minoritaires. Le problème est que ces points de vue doivent passer par un

chemin plein d'obstacles, auxquels beaucoup ne survivront pas. »

Concernant la forme de journalisme, les médias impliquent des personnes soit sous la

forme de déclarations soit en «personnifiant» des sujets abstraits visant à les rendre

plus reconnaissables et intéressants pour le public. Le plus célèbre est la personne

dans la sphère d'activité, attirant la plus grande attention et à qui les médias

réserveraient l’accès le plus préférentiel. Les nouvelles émanent souvent plus des

correspondances de « personnalités éminentes » sur les faits, que des faits eux-mêmes.

Il existe une tendance à présenter des événements mondiaux de l'histoire comme des

histoires de héros et d'aventuriers46.

44

Chomsky Noam, Necessary Illusions - Thought Control in Democratic Societies, London, Pluto Press,

1989, p. 77 45

Schlesinger, P., Rethinking the Sociology of Journalism: source strategies and the limits of media

centrism dans Ferguson, M., Public Communication: the new imperatives, London, Sage, 1990 46 Dayan, D. & Katz, E., Media Events, Cambridge, Harvard University Press, 1992

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23

Nouvelles en fonction du temps

Selon une étude réalisée par Tuchman47, sur la détermination des faits en fonction de

leur dimension temporelle, les journalistes agissent sur la base d'une typologie des

nouvelles chronologiquement déterminée qui aide à organiser leur travail. Les

principaux types sont les « nouvelles dures », qui traitent directement les événements,

et les « nouvelles légères », qui sont de nouveaux accompagnants ou achroniques. Par

ailleurs, trois catégories existent. Le « coin », une information très nouvelle et

inattendue, « l'histoire évolue » et les « nouvelles en continu ».

L'énorme influence du temps dans le journalisme apparaît dans la transmission des

nouvelles. Schlesinger48 parle d'une culture de « mise en scène et de surveillance » qui

va au-delà de ce qui est nécessaire pour des raisons pratiques et devient critère de

professionnalisme. « Dans les salles de rédaction nous ne parlons plus de

journalisme. Nous souffrons de la pression de l’entreprise et sommes soumis aux

limites de la livraison du matériel »49, avait déclaré Max King, rédacteur du

Philadelphia Inquirer.

En effet, de nombreuses contraintes temporelles pèsent sur le fonctionnement des

rédactions des quotidiens : les différentes conférences de rédactions et notamment

celle du matin qui marque le départ de la journée, mais surtout le bouclage, heure

fatidique où l’ensemble des papiers doit être rédigé, corrigé et mis en page. Les

journalistes ont donc pour obligation de rendre leur papier à une heure précise et

quasiment inamovible, définie par chaque quotidien. Si certaines entorses peuvent être

opérées et l’horaire habituel de bouclage décalé, dans le cas d’une forte actualité ou

d’un événement jugé majeur, les journalistes sont tout de même soumis à cet impératif

de temps indubitable. En effet, comme le rappelle Érik Neveu50, «[…] les contraintes

temporelles qui pèsent sur la rédaction sont inséparables d’un aval de la production

de l’information : horaire de tirage à l’imprimerie, expédition des exemplaires par

messageries ou camions de l’entreprise, remise des exemplaires dès cinq heures du

matin pour la diffusion aux abonnés effectuée par “portage” dans les boîtes aux

47

Tuchman, G., Making news: a study in the construction of reality, New York, Free Press, 1978 48

Schlesinger, P., Putting “Reality” Together : BBC news, London, Constable, 1978, p. 105 49 Kovach, B. & Rosenstiel, T., The Elements of Journalism, op. cit., p. 13 50

Neveu Erik, Sociologie du journalisme, Paris, La Découverte, 2004, p. 45-47

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lettres. » Ainsi, les journalistes sont-ils tenus de rendre leurs papiers dans les délais

fixés par chaque rédaction, sous peine de bousculer et de retarder la chaîne de

production du quotidien.

Il est donc évident que l'ordre du jour est le résultat d'une interaction dynamique.

Comme l'importance des différents sujets fluctue au fil du temps, l’agenda reflète des

instantanés de cette liquidité51. En conséquence, « la signification » d'un sujet dépend

de nombreux facteurs qui ne sont ni objectifs ni toujours réalistes.

b) Impartialité

La partialité politique peut être un comportement de l’entreprise journalistique, une

coloration politique délibérée des nouvelles, afin de favoriser un groupe ou une vue au

lieu d’une autre. Mais la partialité politique peut être aussi le résultat d’un

comportement individuel, la manière dont l’entreprise sélectionne et explique les

nouvelles.

Les barons de journaux pendant la guerre, comme Beaverbrook et Northcliffe, ont

insisté sur leur droit de propriété à utiliser leurs journaux comme ils le souhaitaient52.

Pour eux, dicter la ligne éditoriale de leurs journaux était juste l'un des droits de

propriété. Le Baron Beaverbrook, propriétaire du « Daily Express » l’avait avoué

d'une manière très sincère à la Commission Royale d'enquête sur la presse en 1949:

«Je dirige un journal juste pour faire de la propagande et aucun autre motif. »53

Pendant la guerre froide des universitaires libéraux et des journalistes ont cherché des

moyens pour rendre plus distincte la presse de l'Ouest de la presse antilibérale et

contrôlée du bloc de l'Est. L'image d'une presse, contrôlée par des capitalistes ou des

barons de l’information qui rejoignaient chaque fois un parti différent en fonction de

leurs intérêts, était loin de démontrer la différence Est-Ouest. Ainsi le modèle de la «

responsabilité sociale »54 est-il né, plaçant le journalisme dans un cadre réglementaire

51 Dearing, J. & Rogers, E., Agenda-Setting, op. cit., p. 20 52 Manning, P., News and News Sources, a Critical Introduction, Kastaniotis, Athènes, 2007, p. 190 53

Driberg, Τ., Beaverbrook: A Study in Power and Frustration, London, Weinderfeld and Nicolson, 1956, p. 140 54 Siebert, F., Peterson, Τ., Schramm, Μ., Four Theories of the Press, Urbana, University of Illinois

Press, 1956

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25

qui exigeait des journaux de reconnaître qu'ils avaient des obligations au-delà du

profit ou de la propagande.

Cependant, il y a de nombreuses approches différentes du rôle du journaliste et de sa

mission. Dans une première lecture en 1963, Bernard Cohen55 a introduit deux

fonctions distinctes du rôle du journaliste. Le premier est celui de « journaliste

neutre » et le second celui du « participant ». Le premier rôle se réfère aux théories

considérant la presse comme informateur, ou miroir des événements. Le rôle du

participant est directement lié à la théorie du «quatrième pouvoir». Dans ce cas, le

journaliste rapporte les positions ou les préoccupations du public, critique le

gouvernement et exprime des opinions politiques56.

Alors que les deux types de journalistes professent l'impartialité de leurs nouvelles,

plusieurs facteurs font qu'il est difficile ou impossible de réussir la libération totale

des médias d’éléments liés à la nature de la profession, mais aussi du contexte

sociopolitique dans lequel ils fonctionnent et des caractéristiques narratives humaines.

La théorie de la mobilisation57 souligne la capacité des organismes d’information à

intervenir dans l'intérêt public en focalisant l’attention du public sur des sujets

d'intérêt et à encourager des campagnes publiques pour des réformes. En ce sens, les

journalistes sont favorisés pour fonctionner dans ce que Bardoel58 a décrit comme «

niveau moyen», une dimension au-dessus du « niveau-bas » des citoyens ordinaires,

qui interagissent et discutent avec les autres et au-dessous du « niveau haut », l'élite

politique et les dirigeants qui prennent les décisions. Alors que les journalistes

devraient être sensibles aux besoins du « niveau bas », ils sont placés au-dessus en

raison de leur capacité à contrôler le flux d'informations et à construire l’agenda. Par

conséquent, si le rôle du journaliste est de critiquer et de s’exprimer politiquement, il

devra à travers ses écrits promouvoir une idéologie, ou même au-delà, pousser à une

sorte d'action.

55

Cohen, B. The Press and Foreign Policy, Princeton, NJ: Princeton University Press, 1963, p. 191 56

Denis McQuail, La Théorie de la Communication de Masse pour le 21ème siècle, op. cit., p. 296 57

Protess, D-L., The Journalism of Outrage. Investigative Reporting and Agenda Building in America, London, The Guilford Press, 1991 58

Bardoel, J., Beyond Journalism: A Profession between Information Society and Civil Society, European Journal of Communication, 11 (3), 283-302

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En ce qui concerne le rôle de « journaliste neutre » il existe des obstacles à

l'impartialité de l'enregistrement des événements. Ce rôle ressemble à celui de la

théorie du journalisme-miroir59, selon laquelle la mission des médias est de tenir un

miroir en face de la société pour refléter son image.

Cette théorie, cependant, semble révéler un journalisme trop simpliste qui ignore à la

fois le besoin inhérent de choisir certaines matières au détriment d'autres, et aussi les

contraintes des canaux de communication et la forme de l'écriture créative. Les

journalistes écrivent des histoires. Pyramide inversée ou non, les nouvelles

n’apparaissent pas sous forme de communiqués de presse. Les journalistes sont des

êtres humains, et par conséquent ne peuvent échapper complètement à l'influence

d'opinions et d'émotions60.

§ Neutralité

Les journalistes préfèrent généralement défendre un rôle neutre, informatif. Ce rôle

est conforme à l'importance attribuée par la plupart des journalistes à l’objectivité de

l’information comme une valeur centrale professionnelle et la base même de leur

déontologie61. Il est compréhensible que la politisation intense et la participation

active du « modèle de mobilisation » ne soient pas faciles à concilier avec l'idée

d'impartialité d’une couverture neutre des nouvelles.

Pour cette raison, de nombreuses organisations journalistiques qui défendent le rôle

d’un « journaliste neutre » ont des « lignes directrices » visant à limiter la visibilité

de fortes opinions personnelles lors de la couverture de l’information. Cependant, la

sélection de la couverture « neutre » est aussi liée avec des « […] intérêts et de la

politique commerciale des agences de communication : la politisation et la

partisannerie tendent à limiter leur attrait pour le grand public. »62 Mais l'impartialité

doit signifier que le journaliste envisage les événements impartialement, mais aussi la

façon dont les perçoit le citoyen.

59 McCombs, M., Einsiedel, E., Weaver, D., Contemporary Public Opinion Issues and the News,

Athènes, Kastaniotis, 1996, p. 65 60 Stocking, H. & Gross, H., How do journalists think?, Bloomington, ERIC, 1989 61

Tuchman, G., Making news: a study in the construction of reality, New York, Free Press, 1978 62

McQuail, D., La Théorie de la Communication de Masse pour le 21ème siècle, op. cit., p. 296

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Toutefois, les organisations journalistiques sont maintenant des entreprises liées à de

nombreux intérêts. Institutions communautaires, intérêts des entreprises locales,

sociétés mères, actionnaires, annonceurs. Les directeurs de journaux sont

généralement des hommes d'affaires qui disent passer au moins un tiers de leur temps

sur des questions d'affaires plutôt que de se consacrer au journalisme63. Les

propriétaires de médias, ou, s’agissant d’un média contrôlé par des entreprises

publiques, la personne élue au poste de directeur exécutif du conseil, décide en

dernier lieu de la qualité des nouvelles. Ce sont eux qui trop souvent choisissent,

embauchent, licencient et promeuvent leurs rédacteurs et leurs éditeurs, leurs

directeurs généraux, et leurs directeurs des nouvelles. Les propriétaires décident du

budget du département des nouvelles et de l’espace disponible pour les informations

et la publicité. Ils fixent des critères de qualité grâce à des gens de qualité qu’ils

choisissent et grâce à la politique de l’information qu’ils adoptent. Les propriétaires

décident des perspectives financières et du profit escompté. Les propriétaires

décident quels niveaux de qualité ils sont prêts à soutenir64.

Ainsi donc, l'indépendance des partis politiques ne signifie pas le désengagement. Ni

la neutralité. La ligne politique d'un médium n'est pas seulement l'idéologie politique

reflétée dans le contenu des articles. C'est la combinaison particulière d'objectifs et la

façon dont est établie leur hiérarchie qui finalement reflètent les préférences et les

aspirations de ceux qui le contrôlent65.

Ainsi, lorsque Rupert Murdoch a soutenu que « Singapour n'est pas libérale mais elle

est propre et libre de toxicomanes. Les incitations matérielles créent des entreprises

et l'économie de marché libre. 90% des Chinois sont plus intéressés par de meilleures

conditions de vie que par le droit de vote »66, il a clairement indiqué que pour les

médias qu’il contrôle, la démocratie arrive en deuxième position après la prospérité

économique. Ce concept va certainement affecter l'impartialité de l’information

s’inscrivant dans ce cadre.

63 Kovach, B. & Rosenstiel, T., The Elements of Journalism op. cit., p. 63 - 64 64 Johnson, T., Excellence in the News: Who Really Decides, dans Kovach, B. & Rosenstiel, T., The

Elements of Journalism, op. cit. 65 McCombs, M., Einsiedel, E., Weaver, D., Contemporary Public Opinion Issues and the News,

Athènes, Kastaniotis, 1996, p. 47 66 Dahrenorf, R., After 1989: Morals Revolution and Civil Society, London, Macmillan, 1997, p. 98

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De même, une entreprise de presse pourrait théoriquement gagner plus, en

investissant moins- si elle pratiquait des tarifs publicitaires moins élevés avec une

audience plus restreinte. Elle pourrait abstraire de la couverture journalistique de

certaines catégories sociales, ce qui réduit les coûts. Cette politique, parfaitement

légitime selon des critères opérationnels, est loin d'être conforme à la logique «

d'impartialité » des nouvelles.

§ L'équilibrage

Pour Tuchman67, l'image d'un monde social complexe se trouvant en dehors des salles

de rédaction ne peut pas être perçue et décrite par la production d'une présentation

« objective ». Les journalistes sont impliqués dans des « rituels stratégiques », quand

ils coopèrent et entrent en interaction avec leurs sources pour compiler les rapports de

nouvelles.

Tuchman définit un rituel comme « une procédure de routine qui a peu de relation

avec le but final »68. Elle affirme que les rituels des journalistes ne peuvent jamais être

objectifs. Au contraire, ces pratiques sont celles qui aident les journalistes à construire

une réalité narrative, qui peut correspondre au nom d '«objectivité».

Les journalistes opèrent sous les pressions de la concurrence. Tout d'abord, ils doivent

écrire des articles aussi rapidement que possible pour satisfaire ou dépasser les limites

de bouclage, et identifier l’information aussi rapidement que possible pour précéder

leurs concurrents. Ensuite, conscients des risques de la présentation d’articles

inexacts, mais étant donné la pression du temps, les journalistes utilisent une variété

de techniques ou de « rituels » pour se protéger contre de tels risques. Ces techniques

comprennent la « présentation de toutes les possibilités », ou la confirmation que

l'interprétation de la vérité d’une partie est équilibrée par d'autres interprétations

différentes. En d'autres termes, les journalistes soutiennent l'objectivité en présentant

une diversité d’opinions. Tuchman ajoute que l'utilisation de certaines techniques de

rédaction d'un article renforce ces déclarations, par exemple des citations utilisées

67 Tuchman, G., Objectivity as a Strategic Ritual, American Journal of Sociology, 77 (4), 1972, p. 660-

679 68 Ibid.

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« discrètement » pour marquer la distance entre le récit de la nouvelle et la neutralité

du journaliste impartial.

Mais la vérité n'est pas assurée par l'équilibre. Souvent un sujet présente plus de deux

aspects et parfois les deux parties n’ont pas de poids égal. L’équilibrage peut être une

solution pratique par rapport à la limite de temps dans la profession journalistique,

mais pas entièrement compatible avec l'impartialité comme une étape plus proche de

la vérité.

B. Contraintes du travail journalistique à la couverture des événements en

Grèce 1967-1974

L’étude du travail mené par les journalistes concernant la dictature de Grèce, laisse

apparaître deux catégories de contraintes et de caractéristiques du travail

journalistique. Une, relative au fait que le sujet du traitement médiatique avait lieu

dans un pays étranger et une autre, plus en lien avec la nature autoritaire du régime. Si

dans la réalité et pour le journaliste, celles-ci font partie d’un tout et sont comme

« entremêlées », leur distinction permet de mieux dégager leurs spécificités et ainsi de

produire une analyse plus précise de chacune d’entre elles. C’est pourquoi nous

aborderons dans un premier temps les contraintes liées uniquement au couvrage

médiatique des événements étrangers et dans un second temps, celles du travail

journalistique à un pays avec un régime autoritaire.

a) Des contraintes liées à la couverture des Nouvelles Internationales

L’internationalisation des nouvelles a réellement commencé simultanément avec le

développement des agences internationales de nouvelles au cours du 19e siècle.

Compte tenu de l'importance de l'information, c’est rapidement devenu le premier

produit des médias de masse soumis à une exploitation systématique des échanges

internationaux. Au fil des années, et des progrès technologiques, l'information est

devenue un élément standard et universel de communication, fournissant des

nouvelles sur les événements. Alors que les premières dépêches de l’étranger étaient

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axées sur la politique, la diplomatie, la guerre et le commerce, l'éventail

d’informations s’est progressivement élargi. Des références au sport international, au

divertissement, à l’économie, au tourisme, à la mode, etc. sont apparues dans un

premier temps, timidement et brièvement. Puis, on a observé alors une explosion via

les communications électroniques et les médias mondialisés.

Cependant, le flux de nouvelles internationales, et les caractéristiques individuelles,

ne sont pas compatibles avec la norme de liberté et de l'égalité de l’information. La

situation a été interprétée en conformité avec les termes d'un modèle « centre-

périphérie » concernant le flux de nouvelles69. Selon ce modèle, le monde est divisé

en pays « centraux-dominants » et en pays « dépendants –périphériques » 70. Le flux

de l’information circule des premiers aux seconds. Les plus grands, pays « centraux-

dominantes » à partir desquels viennent les nouvelles ont leurs propres« satellites »,

même si ils sont moins dépendants et ont leurs propres mécanismes de collecte et de

traitement de l'information. En général, les États-Unis et les pays les plus puissants de

l'Europe (Royaume-Uni, France, Allemagne, Espagne, Italie), ainsi que la Chine et le

Japon (l'URSS avait ses propres satellites qui sont finalement déménagé à son

affaiblissement) ont chacun leurs propres satellites. Le monde arabe a ses propres,

créant des petites galaxies communicatives qui se chevauchent et que leur structure

diffère d'un media à l’autre.

Les principales raisons de cette dépendance d’information sont considérées comme

étant liées aux moyens de production insuffisants de leur propre information,

combinée à la facilité d'achat de nouvelles de la surproduction des pays-centraux.

L'inverse se passe dans les pays dominants. Il a été confirmé à plusieurs reprises que

les nouvelles dans ces pays, ne donnaient pas assez d’attention aux nouvelles

internationales, sauf pour les versions spécialisées ou élitistes. Les nouvelles

internationales se référaient largement aux nouvelles des pays qui étaient soit forts,

soit des voisins, soit riches, soit de langage et de culture communes, soit avec des

intérêts économiques communs. La plupart des nouvelles internationales ne donnent

que d'attention sur un petit nombre de crises en cours qui sont importants pour le

monde développé, comme la crise au Moyen-Orient. Par contre, de grandes zones

69

McQuail, D., La Théorie de la Communication de Masse pour le 21ème siècle, op. cit., p. 268 70

Galtung, J. & Ruge, M. The Structure of Foreign News, Journal of Peace Research, 1965, p. 64-90

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géographiques sont systématiquement absentes, comme la guerre civile de trente ans

en Sierra Leone. Les pays en développement sont susceptibles d'entrer dans le

domaine de l'information des pays développés que lorsque certains événements

menacent les intérêts économiques ou stratégiques. Sinon, les nouvelles n’arriveront

aux médias que si elles démontrent aucun problème majeur ou une catastrophe qui

intéresserait le public dans les pays développés71.

Les raisons de ce «biais» dans la collection de nouvelles internationales n'est pas

difficile à détecter. Ils résultent d’abord de la structure des flux d'information à travers

les agences de nouvelles et du processus d’élection des nouvelles dans chaque media

séparément. L'ultime arbitre est le consommateur moyen, qui est considéré

généralement comme : pas intéressé par les événements qui se passent loin de lui. Les

agences des nouvelles recueillent les dépêches internationales selon ce qui serait

finalement intéressant pour l'audience nationale. Les rédacteurs des nouvelles

internationales des médias nationaux appliquent un ensemble de critères très

spécifiques, ayant comme résultat qu’une grande partie des nouvelles soit

éventuellement effacée : par exemple, les nouvelles venant de régions éloignées

n’ayant pas de lien direct ou indirect avec le pays de réception.

Plus précisément, Galtung & Ruge72 ont soulevé un certain nombre de facteurs sur

lesquels les nouvelles internationales seraient sélectionnées ou non pour être affichés

par les médias nationaux. Ces facteurs sont d'ordre organisationnel, socio- culturel et

concernent le genre de nouvelles. Les facteurs organisationnels sont liés à la collecte

de nouvelles et s’appuient sur des mécanismes pour l'enregistrement et de

radiodiffusion, qui promeuvent les événements ayant lieu près du siège des

correspondants (régions métropolitaines ayant une bonne communication). Les

acteurs associés au genre de nouvelles comprennent une préférence pour des

événements qui correspondent aux attentes antérieures du public, qui sont en

harmonie avec les nouvelles précédentes et peuvent facilement être installés dans leur

cadre interprétatif. Par exemple, les nouvelles liées au sous-développement et à la

crise endémique. Enfin, les facteurs socioculturels sont en rapport avec des valeurs

spécifiques axés sur les personnes et contiennent une préoccupation pour l'élite, et les

événements négatifs, violents ou tragiques.

71

McQuail, D., La Théorie de la Communication de Masse pour le 21ème siècle, op. cit., p. 271 72

Galtung, J. & Ruge, M. The Structure of Foreign News, op. cit., p. 64-90

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Le résultat de l’élaboration de tels facteurs est que les pays en voie de développement

sont alors systématiquement « désavantagés ». Ils ne sont pas si importants pour être

intéressants, les événements sont souvent lents et complexes, ne comportant pas de

personnalités éminentes. Habituellement ils attirent l'attention des médias étrangers

qu’au cas de certains événements soudains négatifs et disparaissent tout rapidement

de la scène, il est donc peu possible d’avoir toute connaissance plus approfondie ou de

compréhension d'un sujet.

b) Des contraintes liées au régime autoritaire.

Au-delà des contraintes liées à la couverture des événements à l’étranger, la

méconnaissance du terrain et les difficultés abordés par le régime autoritaire doivent

également être pris en compte, pour comprendre le travail journalistique produit lors

la dictature en Grèce.

Dans la Constitution de 1968, en matière de liberté d’expression, le principe de celle-

ci était proclamé dans l’article 14 : « Chacun peut exprimer ses pensées verbalement,

par écrit, par voie de presse ou de toute autre façon, en observant les lois de

l’Etat »73. De même, concernant la liberté de la presse la constitution déclarait

clairement que « La presse est libre et remplit une mission publique, qui implique des

droits et des obligations, ainsi que des responsabilités, quant à l’exactitude de ce

qu’elle publie »74 en soulignant que « La censure et toute autre mesure préventive est

interdite »75.

Pourtant, le dernier paragraphe évoquait une série d’ « exceptions », où il était

justifiée la saisie des imprimés : « outrage à la religion chrétienne, à la personne du

Roi, au régime politique et pour cause de publication indécente »76. Basés en ces

citations, imposait la censure77 et limitant grandement la liberté d’expression78.

73

Varvaretos, G., La Constitution de la Grèce 1968 : interprétation par article, Athènes, Sakkoulas,

1968, (article 14 : 1) 74

Ibid., (article 14 : 2) 75

Ibid., (article 14 : 3) 76

Ibid., (article 14 : 5) 77

On entend par « censure », l’examen qu’un gouvernement fait faire des livres, journaux, pièces de

théâtre ou autres spectacles, avant d’en permettre la publication ou la représentation. Cette

antériorité constitue la caractéristique de la censure par rapport à la répression qui s’exerce après la

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Par ailleurs, un de premiers mouvements du coup d’état était le musèlement de la

presse. Les journaux d’orientation centrale ou gauche ont été fermés, et les journaux

étrangers ont été interdits. La presse était pratiquement dictée par les services du

ministère de l'information : ceux-ci demandaient communication de tout commentaire

vingt-quatre heures à l'avance et imposaient leurs communiqués sur les nouvelles

intérieures à « l'Agence des Nouvelles d'Athènes », contrôlant toute nouvelle qui

sortait à l’étranger. Ils dictaient aussi chaque soir la physionomie de la première page,

avec l'emplacement des matières, l'importance du titre, le sujet des photographes, sans

oublier non plus ce qui ne doit pas y figurer.

Ainsi, étant donné que les communiqués de presse étaient soumis au contrôle d’état,

les médias étrangers devraient trouver des modes alternatifs pour éviter de publier

d’information pré-contrôlée. D’un part, les médias étrangers qui ne disposaient pas

d’envoyés sur le terrain, souvent consultaient des communiqués de presse des agences

étrangères, sous le risque de publier des nouvelles uniformes, ou qui reflèteraient un

aspect qui ne s’accordait pas avec leur orientation79. D’autre part, les médias qui

auraient la luxure d’un correspondant permanent ou d’un envoyé spécial, devraient

être préparés d’affronter de nombreux obstacles / menaces / conflits de la part du

régime, si le contenu des articles publiés était hostile vers la dictature80.

Outre les problèmes posés par le régime, la méconnaissance du terrain et la méfiance

des citoyens grecs, dont un témoignage à un média étranger pourrait leur couter la

liberté ou la vie, rendait l’investigation journalistique encore plus compliquée. La

contrainte de temps liée aux horaires de bouclage des quotidiens, constituait un

facteur en plus limitant le travail des journalistes, qui souvent cédaient à la solution

« facile » d’information provenant des sources officielles.

Ainsi, les conditions de travail lors de la couverture d’événements à un pays

autoritaire comme la Grèce de l’époque, contraignaient et bousculaient fortement le

production. Krakovitch, O., La censure des spectacles sous le second Empire dans La censure en France,

Ory, P., (dir.), Bruxelles, Complexe, 1997, p. 53. 78

Alivizatos, N., Les Institutions politiques de la Grèce à travers les crises : 1922-1974, Paris, Librairie

générale de droit et de jurisprudence, 1977, p. 515 79

Dearing, J., & Rogers, E., Agenda-Setting, op. cit., p. 99 80

Someritis, R. (dir.), Dictature 1967-1974 : La résistance de la presse, Athènes, Union des rédacteurs

de la presse de Macédoine-Thrace, 2011

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travail des journalistes, par rapport au fonctionnement temporel et organisationnel des

rédactions.

II. CORPUS

A. Les Journaux d’opinion

Pour répondre à notre problématique, nous avons choisi d’analyser le discours tenu et

produit par trois quotidiens français à savoir : Le Monde, Le Figaro, et L’Humanité.

Nous avons choisi ces trois journaux du fait de leur diversité idéologique et de leur

grande popularité à l’époque que nous situons la recherche. Par ailleurs, nous

considérons, par leur diversité justement, qu’ils sont représentatifs de la presse

quotidienne française dite « d’opinion » des années 60-70.

Néanmoins, la catégorisation des journaux selon les auteurs se différencie. Jean-Marie

Charon par exemple considère que la catégorie « journal d’opinion » peut être utilisée

ici seulement dans le cas du journal l’Humanité. Par contre, puisque « les titres en

question s’emploient à proposer au jour le jour une présentation de l’actualité, tout

en l’organisant et en le commentant à partir de la grille d’analyse du courant

d’opinion dont ils se réclament. »81, Le Monde et Le Figaro feraient partie, selon lui,

de la catégorie « presse haut de gamme » . Cependant, pour Angelina Peralva et Éric

Macé, la catégorie « journaux d’opinion » englobe Le Monde et Le Figaro et,

l’Humanité est « l’organe officiel d’un parti politique »82.

Conformément au point de vue précédent, Denis McQuail nous fait la différence entre

le journal partisan ou politique et la presse générale, ou de référence. Il affirme que «

le journal politique ou partisan, est publié par un parti politique et vise à informer, à

mobiliser et à organiser ses lecteurs. Sa particularité réside dans son identification

avec la perception politique de son public des lecteurs, tout en continuant à être un

instrument pour promouvoir les intérêts politiques du parti ce qu'il sert. Il est produit

81

Charon J-M., La presse quotidienne, Paris, La Découverte, 1996, p. 37. 82

Peralva, A. é & Macé, É., Médias et violences urbaines : débats politiques et construction journalistique, p. 141.

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des critères économiques privés, exprime sérieusement ses positions et est

formellement indépendant de l'État, bien que pouvant être financé par lui. »83

Par ailleurs, le journal général ou de référence est indépendant de l'Etat et des intérêts

organisés. Bien qu’il ait une certaine ligne idéologique, il possède un sens très

développé de la responsabilité sociale et nationale, contribuant à l'avancement de la

profession journalistique, jusque-là consacrée au simple enregistrement d'événements.

Selon cette définition, l'Humanité se classe alors parmi la presse partisane ou

politique, et Le Monde et Le Figaro parmi la presse générale ou de référence.

Toutefois, grâce au fait que les trois journaux disposent d’une ligne éditoriale et

politique plus ou moins appuyée et lisible, nous estimons qu’ils peuvent être

considérés tous les trois comme des journaux d’opinion. De plus, les grands

quotidiens nationaux Le Monde et Le Figaro peuvent être également considérés

comme des journaux de référence. Le choix de ces quotidiens d’orientation politique

différente s’explique par la volonté de présenter une plus vaste interprétation possible

de la dictature.

a) Le Monde:

Pour avoir le plus d'influence, un media devrait combiner la force économique avec

un capital symbolique élevé. Un tel journal est selon Bourdieu84 « Le Monde ».

Fondé en décembre 1944 à l'instigation du général De Gaulle, Le Monde visait alors à

combler le vide créé par la fermeture du journal Le Temps. Selon le général, « la

France avait besoin d'un journal quotidien valide, sérieux et crédible à l'étranger » 85,

un journal non-officiel concernant la politique étrangère et complètement indépendant

pour les affaires intérieures. Ils ont créé ainsi un journal à partir duquel les

gouvernements étrangers comprendraient le point de vue du gouvernement français

sur diverses questions internationales sans avoir à le déclarer explicitement, mais qui

83

McQuail, D., La Théorie de la Communication de Masse pour le 21ème siècle, op. cit., p. 42 84

Marlière, P., La sociologie du champ journalistique: la contribution de Pierre Bourdieu, dans Papathanssopoulos, S., Communication et Société du vingtième vers le vingt-et-unième siècle, Kastaniotis, Athènes, 2000, p.209 85

Padioleau, J-G., « Le Monde » et le « Washington Post », Paris, Presses Universitaires de France, 1985

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serait aussi indépendant concernant par les affaires politiques en France. Tel était le

rôle attribué au journal Le Monde à l’époque.

Depuis sa création, la spécificité du quotidien était le « système de propriété »:

comme il se redéfinit, « Le Monde appartient à ceux qui le font, à ceux qui le lisent, et

à ceux qui l’ont soutenu quand menacé. » Avec une part importante de ses actions

partagées entre la Société des Rédacteurs, les autres employés, la Société des Lecteurs

et Le Monde Entreprises, « ses propriétaires » sont donc quasiment entièrement ceux

qui y travaillent.

Les Monde se classe parmi les journaux d'opinion, journaux qu’on considère, mis à

part leur rôle informatif, comme devant servir aussi des idées, des valeurs et des

croyances. Jusqu’en 1990, Le Monde ne publiait presque pas du tout de

photographies.

Correspondant d'abord à la « troisième voie » entre les Etats-Unis et l’URSS, à la

Gauche Démocratique après 1970 qui soutenait le Parti Socialiste, et ayant en même

temps d’ étroits liens avec la France catholique, Le Monde, à plusieurs reprises et de

façon répétitive, a été la cible de nombreuses attaques par la gauche et la droite en

raison de sa grande influence86.

Le journal Le Monde n’a pas de devise ni de slogan. Il constitue néanmoins le

quotidien français de référence. Sur son site Internet, une rubrique « qui sommes-nous

? »87 nous renvoie vers le fait que Le Monde soit d'abord un quotidien qui, depuis

décembre 1944, constitue une référence dans la presse francophone. Disponible dans

plus de 120 pays, il est diffusé à plus de 400 000 exemplaires et lu par près de 2

millions de lecteurs, en moyenne, chaque jour en France. Le Monde est aussi une

entreprise de presse qui édite de multiples publications partageant le même souci

d’indépendance et de qualité. L’aspect « journal de référence » est mis en avant, de

même que son rayonnement international. D’autre part, indépendance et qualité sont

les deux principales valeurs mises en avant par le titre dans son discours éditorial. Le

discours est donc, avant tout, et comme dans Le Figaro, un discours de légitimation

du journalisme professionnel.

86

Psychogios, D., Les médias imprimés, Kastaniotis, Athènes, 2004, p. 344-345 87

www.lemonde.fr

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37

b) Le Figaro

Fondé en 1826 comme un journal satirique, il devient un quotidien en 1866 sous

l'impulsion d'Hippolyte de Villemessant. Son nom est venu du protagoniste dans

l’œuvre de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais « Le Mariage de Figaro » qui

avait comme devise « Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur ».

Sa ligne éditoriale est de droite ou de centre-droite, selon le spectre politique français

habituellement utilisé88. Très souvent, il était considéré comme proche de partis de

droite comme RPR, UDF, Démocratie libérale, ect.

Durant les années de guerre froide, l’hebdomadaire a défendu des écrivains critiques

du communisme ou transfuges du bloc de l'Est. Ces dernières années, Le Figaro,

tirant des conclusions des critiques des partis plus libéraux s et centristes et du fait de

son jeune public, souhaite se rapprocher d’une formule plus proche de celle d’un

« Washington Post à la française » ou celle de l'époque de Pierre Brisson, ce qui

implique une ouverture politique plus large.

c) L’Humanité

L’Humanité est fondé en 1904 par le dirigeant socialiste Jean Jaurès.

Socialiste jusqu'à fin 1920 puis communiste, organe central du Parti communiste

français de 1920 à 1994, il en reste très proche malgré l'ouverture de ses pages à

d'autres composantes de la gauche.

Dans la page wikipédia qui se réfère au journal, il est mentionné : Pour Jean Jaurès,

son fondateur, ce quotidien socialiste devrait être dans un premier temps un outil pour

l'unification du mouvement socialiste français et, par la suite, un des leviers de la lutte

révolutionnaire contre le capitalisme89. Dans son premier éditorial, Jaurès a fixé deux

règles de fonctionnement à son nouveau journal : la recherche d'information étendue

et exacte pour donner « à toutes les intelligences libres le moyen de comprendre et de

juger elles-mêmes les événements du monde », et l'indépendance financière90.

88

Blandin, C., Le Figaro. Deux siècles d'histoire, Paris, Armand Colin, 2007. 89

http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Humanit%C3%A9, Consulté le 17/08/2011 90

Chambaz, B., l'Humanité, 1904-2004, Paris, Seuil, 2004.

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Durant la première période, la ligne éditoriale du journal suivait la ligne politique du

PC. Par exemple, il a approuve le pacte germano-soviétique de 1939 et dans le

contexte de guerre froide, le journal était prosoviétique. Parallèlement, le journal était

le seul quotidien français à soutenir partout dans le monde les luttes de libération

nationale (décolonisation) ce qui lui vaut de nombreuses interdictions de parution

notamment durant les guerres d'Indochine et d'Algérie.

En tant qu'organe central du PCF, l'Humanité est à la fois un outil de mobilisation des

militants et un journal d'information. En 1945, le journal tire à 400 000 exemplaires et

est la figure de proue de la presse communiste. Sa diffusion décline ensuite,

parallèlement au déclin de l'influence du PCF et à la crise de la presse quotidienne.

Après le XXVIIIe congrès du Parti communiste français (1994), la mention « organe

central du PCF » est remplacée par « journal du PCF ». À l'occasion d'une nouvelle

formule en 1999, la mention du lien avec le parti est supprimée. Le PCF reste selon

les statuts « l'éditeur » du journal mais sa direction ne préside plus officiellement à

l'élaboration de sa ligne éditoriale. Les militants du PCF restent cependant très

impliqués dans la diffusion du journal.

Après avoir baissé à 46 000 exemplaires en 2002, le journal a du ouvrir son capital en

2000 à des groupes privés, sans que cela ne leur ouvre de pouvoir décisionnel sur le

journal91.

B. Présentation résumée des événements des périodes examinées

Le corpus de la recherche ne comprend pas le total de publications pendant la période

de la dictature en Grèce, en raison de sa longue durée, du 21/04/1967 jusqu’au

24/07/1974. Cependant, nous avons choisi d’examiner les publications de quatre

périodes différentes, marquées par six événements importants qui ont joué un rôle

majeur au cours de la dictature.

91

http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Humanit%C3%A9, Consulté le 17/08/2011

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a) 20 - 30 Avril 1967. Le coup d’état en Grèce

En juillet 1965, le gouvernement légitime de l'Union du Centre (EK) ayant comme

Premier ministre Georges Papandréou, (élu en 1963 avec le taux sans précédent de

53%), se trouve contraint à la démission par le jeune Roi Constantin, désireux de

donner un rôle actif au Palais dans la gestion de l'Etat92. Une période instable

commence, où de nombreux efforts des gouvernements successifs dans l'attente de

l’accord du Palais, sont blackboulés par le parlement. Par ailleurs, de violentes

manifestations éclatent dans le centre des grandes villes, appelant à de nouvelles

élections. Le refus de la cour d'approuver le recours aux urnes mène à une escalade de

l'agitation, qui conduit à la mort d’un étudiant appartenant à la jeunesse de la

Fédération de la Gauche (EDA).

Parallèlement, l'action d’une faction de paramilitaires d’extrême droite (IDEA)93

s'intensifie. Leur but est de fomenter un coup d’état et de s'emparer du pouvoir afin

de sortir le pays de «l'anarchie» et d'éliminer le «danger communiste»94 présent, selon

eux, dans l'aile gauche du parti Papandréou et qui l’emporterait sûrement en cas

d’élections. L’IDEA érode progressivement le corps principal de l'armée et ses chefs,

Georges Papadopoulos, Stylianos Pattakos, de l'Ebre, où ils avaient été envoyés par le

gouvernement de l’EK, se déplacent à Athènes.

Le 3 avril 1967, une réunion des dirigeants politiques avec le Palais, porte enfin ses

fruits. Un gouvernement intérimaire du Parti Conservateur (ERE) est désigné, dirigé

par Panagiotis Canellopoulos, afin de conduire le pays aux urnes le 28 mai.

Le 21 avril 1967 cependant, des officiers de l'armée sous la direction du colonel

Georges Papadopoulos, et avec la participation du général de brigade Stylianos

92

Roi Constantin B: « Roi des Grecs » à partir de 1964 à 1967. Ses droits étaient définis par le régime

de la monarchie constitutionnelle (Constitution de 1952). La monarchie sera définitivement abolie en

Juin 1973. Papadimitriou, G. & Sintirelis, G., La constitution de la Grèce, Athènes, Kastaniotis, 2001. 93

Karamanolakis, E., Six instants du 20ème

siècle : La dictature militaire 1967-1974, Athènes, TA NEA-

ISTORIA, 2010, p. 13-20 94

Michani tou chronou (Machine du temps), Emission télévisée, « L’insurrection de la marine contre la

junte », Interview Pattakos Stylianos à Filippopoulou Maya, Athènes, NET, date de projection :

23/05/2009

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Pattakos et du colonel Nicolas Makarezos s’emparent du pouvoir par un coup d’état

militaire95.

Ayant déployé 100 chars autour de la capitale, les putschistes, au matin du 21 avril

occupent initialement le ministère de la Défense. Ensuite, ils mettent en œuvre le plan

d'urgence de l'OTAN qui, sous le nom de code « Prométhée »96, prévoyait la

mobilisation de toutes les unités militaires en Attique. Ce plan était destiné à la prise

du pouvoir par un coup de force de l'armée afin d'éliminer un possible « insurrection

communiste », au cas où la Grèce serait « envahie par des forces soviétiques ».

La principale cause du coup d'État était d'empêcher la victoire imminente de l'Union

du Centre aux élections. Georges Papandreou, tout anti-communiste qu’il était,

croyait que la persécution politique des communistes, les renforçait au lieu de les

affaiblir. Une victoire aurait permis de renforcer l'aile gauche d'Andreas Papandreou

et le dédouanement de l'armée des officiers d’extrême droite. Cette habilitation aurait

sans doute compris de nombreux leaders de l’IDEA97. La précédente tentative du

gouvernement de contrôler l'armée avait provoqué le conflit avec le palais et

l'apostasie de 1965. Si l'Union du Centre était réélue, l'intervention du palais serait

beaucoup plus difficile. Dans le même temps les déclarations anti-américaines

d'Andreas Papandreou, la politique de la main tendue vers l'EDA et l'incitation à

renforcer l'amitié avec les pays du Pacte de Varsovie avait alarmé tous les acteurs de

la droite institutionnelle et extra-institutionnelle, y compris les États-Unis. Étant

donné l'âge avancé de G. Papandreou, Andreas Papandreou semblait être son

successeur désigné s'il gagnait les prochaines élections. Parallèlement, les risques

d’un éventuel détournement du régime semblaient évidents. Un coup d'État était

également planifié par des officiers supérieurs sous les ordres du général Spantidakis

et encouragé par le roi Constantin II98. Ces scénarios avaient pour but de ravir le

pouvoir à l'Union du Centre si elle gagnait les prochaines élections, et de suspendre

certains articles de la Constitution pour un temps limité. Apparemment, les officiers

95

Degré Royal 280, Déclaration du pays en état de siège et suspension d’articles de la constitution,

Journal officiel de l’état, n°38, 21/04/1967 96

Karamanolakis, E., Six instants du 20ème

siècle : La dictature militaire 1967-1974, op. cit., p. 13-20 97

Sakellaropoulos, S., Les causes du coup d’état d’avril, Athènes, Nea Synora, 1998 98

Papachelas, A., Le viol de la démocratie grecque - Le facteur américain, Athènes, Estia, 1997

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responsables du coup d’état du 21 avril 1967 ont agi plus rapidement et ont surpris

tout le monde.

Le roi Constantin a été averti de ce qui s'était passé par son collaborateur, le major

Michalis Arnaoutis, qui avait vu un groupe de soldats envahir la maison d'Andréas

Papandréou, son voisin. Le roi a immédiatement téléphoné au Premier ministre

Panagiotis Canellopoulos, qui l’a informé qu’il se trouvait en état d’arrestation à ce

moment précis, à 2h23 du matin.

A 8h00 les putschistes ont demandé à s’entretenir avec le roi dans le palais de Tatoi.

Après avoir déposé leurs armes au poste d'entrée (et perdant, donc une chance d’être

arrêtés) ils ont rencontré le roi Constantin, à qui ils ont demandé de signer les

déclarations qui permettraient la formation du gouvernement.

En fin d'après midi les deux parties sont parvenues à un accord99. Le roi a accepté que

les militaires reprennent les ministères et les colonels ont consenti à la nomination

d’un premier ministre civil. Constantin a suggéré Konstantinos Kollias, procureur de

la Cour suprême.

Les premières réactions au coup d'Etat ne sont pas venues d’Athènes assiégée, mais

de la province. De nombreuses manifestations ont eu lieu à Héraklion et Ioannina,

noyées dans le sang par l'armée100.

Le 27 avril, George Papadopoulos, en sa qualité de ministre de la Présidence, a donné

une conférence de presse aux journalistes grecs et étrangers101.

Le régime a justifié le coup d’état, soutenant avoir ainsi anticipé la prise du pouvoir

par les communistes. Les putschistes ont affirmé avoir découvert soixante-dix

camions chargés de faux uniformes militaires, que les communistes auraient utilisés

99

Vlachou, H., Cinquante années au journalisme : La lutte des « anthellèns », Athènes,

Eleytheroudakis, 2008 100

Trimis, D., (dir.) La résistance connue-inconnue contre la junte, Athènes, Ios Press (Eleytherotypia),

21-22/4/1997 101

« la Grèce est un malade sur lequel un chirurgien doit intervenir immédiatement, il faut amputer le

malade sous peine de gangrène, arrêter l’épidémie, mettre un plâtre à la démocratie, lui rendre la

santé.(..) Les maladies ce sont les microbes du communisme, de la corruption, de la malhonnêteté qui

ont envahi l’Assemblée (..)», Institute de digitalisation des Archives Nationales, Consulté le

10/09/2011

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42

pour faire un coup de main102. Ils n’ont jamais établi aucune preuve étayant leurs

dires, bien que, aujourd'hui encore, ils persistent dans leur justification de

l'intervention103.

En même temps, des milliers de personnes étaient emprisonnées dans l'hippodrome de

Faliro, le stade de Karaiskaki et le stade de Panathinaikos104. Le coup d’état a fait des

victimes : trois morts le premier jour, Maria Calabrou, Vasilis Peslis et Panayiotis

Elis. Par ailleurs, presque tous les opposants du monde politique ont été arrêtés et la

loi martiale et la censure imposées.

b) 1-15 Décembre 1969. L’expulsion de la Grèce du Conseil de l'Europe

Le 31 Janvier 1968, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a dû examiner

deux pétitions, l’une provenant d’Amnesty International, qui déplorait la violation des

droits de l’homme par la dictature en Grèce105. La collecte des données avait été

réalisée par une équipe envoyée secrètement par Amnesty International en décembre

1967, afin d’enquêter sur les méthodes présumées de torture lors des interrogatoires

de dissidents. Les membres de cette équipe étaient Anthony Mareko, l’un des

fondateurs d'Amnesty International, présent au procès de Nuremberg et l'avocat

américain James Beckett106. Utilisant des contacts différents, ils ont réussi à présenter

deux rapports démontrant l'existence d'actes de torture horribles considérés « comme

pratique de routine administrative »107 dans les centres de détention de la sécurité

nationale grecque. Les victimes qui ont témoigné les abuses ont pu s’échapper du

pays avec l'aide d'Amnesty International.

102

Marceau, M., La Grèce des colonels, Paris, Laffont, 1967 103

MICHANI TOU CHRONOU (Machine du temps) Emission télévisée, L’insurrection de la marine

contre la junte, Interview Pattakos Stylianos à Filippopoulou Maya, Athènes, NET, date de projection :

23/05/2009 104

Selon les estimations, les premiers jours du coup d’Etat environ 6.500 d’hommes et 300 femmes

ont été déportés à Giaros. Durant la période 1967-1971 les principaux lieux de déportation étaient

Giaros, Oropos, Leros, Samothrace et Kithira, où se situaient les camps de concentration. La plus

grande partie des détenus était de gauche. Mitrophanis, G., Les détenus politiques : L’Etat après la

guerre civile - dictature dans Histoire néohellénique : 1770-2000, Athènes, Ellinika Grammata, 2003,

tome 9 / p. 127-130 105

Sartre, J-P. & Lanzmann, C., (dir.), Aujourd’hui la Grèce, Paris, Les Temps Modernes, 1969 106

Beckett, J., « L’affaire grec », dans P. & Giourgos, C., (dir.) La terrasse de Bouboulinas-Répression et

torture en Grèce 1967-1974, Athènes, Potamos, 2009 107

Someritis, R., « Pratique de routine administrative », Athènes, TO VIMA, 10/01/2010

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43

Un mois plus tard, « Le livre noir de la dictature en Grèce »108 a été publié en France

par la Athènes-Presse Libre, dossier réuni par Aris Fakinos, Clément Lepides et

Richard Someritis, comprenant des descriptions macabres des torturés.

Le 25 mars, les Scandinaves ont présenté à la Commission européenne des Droits de

l'Homme des preuves d’exercice de la torture. Le 11 avril ces données ont été

confirmées par le secrétaire d'État anglais, tandis que le 8 mai de la même année, le

représentant néerlandais à l'Union interparlementaire, a rapporté des preuves encore

plus compromettantes.

Enfin, en décembre 1969, le Conseil des ministres de l'organisation a proposé

l'expulsion de la Grèce des colonels de ses rangs, en raison de la violation des droits

humains qui y était perpétrée. Le 12 décembre 1969, quelques heures avant qu’une

mesure d’exclusion ne soit décidée à son encontre, le régime des colonels prend les

devants, dénonce la Convention européenne des droits de l'homme et se retire du

Conseil de l'Europe109. Le lendemain, les journaux grecs parlaient de «conspiration»

de l’Europe et Pattakos a commenté la décision en disant que la décision du

Conseil avait dérangé la Grèce comme « un moustique, la corne d'un bœuf »110.

De nombreux analystes ont considéré cette attitude du Conseil comme un changement

de la politique étrangère vers l’idéalisme, par opposition au réalisme dur111, sans que

cela signifie la cessation des fournitures d'armes provenant de pays tels que la

Grande-Bretagne, l’Allemagne de l'Ouest et la France aux dictateurs. Néanmoins, l’

«affaire grecque» a été une leçon pour la politique sur les droits de l'homme en

Europe.

La Grèce n’a retrouvé sa place au conseil que cinq ans plus tard, le 28 novembre 1974

après la chute de la dictature et la restauration de la démocratie.

108

Fakinos, A., Lepidis C., Someritis, R., Le livre noir de la dictature en Grèce, Paris, Edition du Seuil,

1969 109

Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 87, p. 103 et annexe A des volumes 100, 196, 614, 777 et

793. 110

Tomai, F., Manifestant pour Panagoulis, Athènes, TO VIMA, 31/08/2008 111

Kambylis, P. & Giourgos, C., (dir.) La terrasse de Bouboulinas-Répression et torture en Grèce 1967-

1974, op. cit.

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44

c) Novembre 1973. La révolte de l'Ecole Polytechnique. Le nouveau coup

d’Etat.

Le soulèvement de l’école polytechnique d'Athènes en 1973 a été la manifestation la

plus massive de l'opposition populaire au régime des colonels. Le soulèvement a

commencé le 14 novembre 1973, prenant presque l’ampleur d’une révolution et s'est

terminé par une effusion de sang dans la matinée du 17 novembre, après une série

d'événements débutant avec l'entrée des chars de combat dans l'Université.

L’année 1973 trouve le chef de la dictature, Georges Papadopoulos, ayant entamé un

processus de libéralisation du régime, qui incluait la libération des prisonniers

politiques, la levée partielle de la censure ainsi que les promesses d’une nouvelle

constitution et des élections pour un retour au régime civil. Ainsi des leaders de

l'opposition, ont-ils été en mesure d'initier une action politique contre la junte.

La junte, dans une tentative de contrôler chaque aspect de la politique, avait été

impliquée dans le syndicalisme étudiant depuis 1967112, interdisant des élections

étudiantes dans les universités, enrôlant de force dans l’armée des étudiants dissidents

et imposant des dirigeants non élus aux clubs d'étudiants dans l'Union Nationale des

Etudiants de Grèce (EFEE). Ce sont les étudiants les premiers à s’être mobilisés

massivement en manifestant publiquement contre la junte le 21février 1973.

L'agitation avait commencé un peu plus tôt, le 5 février, lorsque les étudiants de

l'Ecole Polytechnique ont décidé de faire grève. Le 13 février lors d’une manifestation

à Athènes, la junte a violé l'asile universitaire, chargeant la police d’intervenir. 11

étudiants ont été arrêtés et jugés.

A l'occasion de ces événements, le 21 février, presque 4000 étudiants en droit de

l'Université d'Athènes ont occupé le bâtiment de leur faculté au centre d'Athènes en

demandant la révocation de la Loi 1347 qui imposait le recrutement des « jeunes

réactionnaires », étant donné que 88 de leurs camarades avaient déjà été recrutés de

force113. La police a reçu l’ordre d’intervenir, et de nombreux étudiants dans les rues

environnantes ont subi des violences policières. Finalement, il n’y a pas eu violation

112

Trimis, D., (dir.) La résistance connue-inconnue contre la junte, op. cit. 113

http://www.sansimera.gr/articles/190 Consulté le 10/08/2011

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du droit d’asile dans l’enceinte de l’université. Les événements de la faculté de droit

sont souvent cités comme précurseurs du soulèvement de l’Ecole Polytechnique.

Le 14 novembre 1973 les étudiants de l'Ecole Polytechnique ont décidé de se mettre

en grève et ont entrepris de manifester contre le régime militaire. Comme les forces

de l’ordre les observaient sans intervenir, les étudiants se sont barricadés à l'intérieur

du bâtiment de l'école et ont commencé à lancer des appels à l’insurrection via une

station de radio. L'émetteur a été construit en quelques heures dans les laboratoires de

l’école d’ingénieurs en génie électrique. Leurs messages ont été diffusés sur tous les

récepteurs d'Athènes et bientôt des foules ont rejoint les étudiants lors des plus

grandes manifestations contre le régime jamais vues depuis le début de la dictature114.

A 3 heures, le 17 novembre, après trois jours de nombreuses manifestations et un

appel à la grève générale pour provoquer la chute du régime, une intervention

militaire a été décidée. L’un des trois chars alignés devant l'Ecole, a défoncé le portail

principal. Comme il apparaît dans les films, désormais historiques, pris par un

journaliste néerlandais, le char AMX 30 a renversé la porte de fer tandis que les

étudiants se trouvaient encore au-dessus115. La transmission radio a continué même

après l'entrée de l’armée dans l'école. La chute de la porte a été suivie par l'invasion

d'une unité de soldats armés qui, avec la police, a violemment réprimé toute

manifestation de résistance.

Beaucoup d'étudiants ont trouvé refuge dans des bâtiments proches. Des tireurs de la

police ouvraient le feu embusqués sur les toits voisins, tandis que les hommes de la

police secrète chassaient les insurgés. Soldats et policiers ont tiré avec des balles

réelles contre les civils jusqu'au lendemain, faisant plusieurs morts dans la zone

autour de l'Université, et le reste d’Athènes. Le dossier officiel, selon le directeur de

la Fondation de la Recherche Nationale, Leonidas Kallivretakis en 2003, porte le

nombre de morts à 23, et celui des morts non identifiés à 16116.

114

Vlassidis, V., La siège et l’intervention, Thessaloniki, Agence Presse de Macédoine, 2002 115

Reportage choris synora (Reportage Sans Frontières), Émission télévisée, La vraie histoire du 17ème

de Novembre, Athènes, NET, date de projection : 17/11/2010 116

Tsevas, D., Mandat du procureur sur les morts des événements de l’Ecole Polytechnique, 15/10/1974, http://www.vrahokipos.net/old/history/gr/polytexneio/Tsevas.htm, Consulté le 18/08/2011

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Le soulèvement de l’Ecole Polytechnique d'Athènes a déclenché une série

d'événements qui ont mis une fin brutale aux efforts de G. Papadopoulos de

libéralisation superficielle du régime de la junte. Quelques jours plus tard, le brigadier

Dimitrios Ioannidis, chef de la police militaire, utilisant le soulèvement comme

prétexte a organisé un putsch renversant Papadopoulos et le gouvernement Markezinis

le 25 novembre 1973.

Imposant la loi martiale, la nouvelle junte a nommé le général Phédon Gizikis

Président de la République et l’économiste Adamantios Androutsopoulos premier

ministre, Ioannidis préférant conserver le rôle de l'homme fort en coulisses.

L'intervention d’Ioannides a eu pour résultat l'effondrement du mythe selon lequel la

junte était constituée d’un groupe d'idéalistes supérieurs de l'armée.

Le nouveau régime a accusé la faction précédente d’avoir dérogé aux « Principes de la

Révolution du 21 avril » et a déclaré qu’il avait sauvé la « révolution » de la faction

Papadopoulos117.

La dictature imposée par Ioannidis a été plus dure que celle de Papadopoulos. Tous

les dissidents politiques ont été à nouveau exilés, ainsi que de simples citoyens, et

même des artistes et des intellectuels de gauche118.

d) Juillet 1974. L’invasion à Chypre. La chute du régime militaire.

Le régime Ioannidis a suivi une politique intérieure de répression agressive et une

politique étrangère expansionniste, entraînant le pays dans la tragédie chypriote.

Le 15 juillet 1974, la junte grecque en collaboration avec une organisation d’extrême

droite de Chypre (EOKA B) a organisé un putsch contre le gouvernement légitime de

l’île, présidé par Mgr Makarios119. Quelques jours auparavant, Makarios avait envoyé

une lettre à Gizikis, affirmant que des officiers grecs à Chypre préparaient un putsch

et appelant au retrait immédiat des armées grecques de l’île. Par cette lettre, Makarios

entrait pour la première fois en conflit ouvert avec la junte.

117

Reportage choris synora (Reportage Sans Frontières), La vraie histoire du 17ème

de Novembre, op. cit. 118

Mitrophanis, G., Les détenus politiques : L’Etat après la guerre civile, op. cit., tome 9 / p. 127-130 119

Karamanolakis, E., Six instants du 20ème

siècle : La dictature militaire 1967-1974, op. cit., p. 13-20

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Le coup d'État, cependant, n'a pas eu de succès immédiat. Makarios a survécu au

bombardement du palais présidentiel et appelé à la résistance aux putschistes. La

guerre civile a commencé dans l’île.

Deux jours plus tard, la flotte turque attaquait le port de Kyrenia sous le prétexte que

la minorité turque de l'île était en danger. Les forces chypriotes et grecques ont réagi

faiblement à l’attaque, se trouvant désorganisées, sans officiers, déjà affaiblies par la

guerre civile. En Grèce, une mobilisation générale a été déclarée, mais l’Etat grec est

apparu incapable de réagir militairement craignant les conséquences de l'armement de

la population120.

Dans l'après-midi du 22 juillet, à New York, le Conseil de Sécurité des Nations-Unies

a décidé le cessez-le-feu. Avec la moitié de Chypre sous le contrôle des forces

turques et la faiblesse de la Grèce pour toute réaction, le régime militaire s'est

effondré le 24 juillet 1974. Le même jour, est arrivé à Athènes le vieux politicien

Constantin Karamanlis dans le jet de la présidence française, mis à sa disposition par

le président Valéry Giscard d'Estaing. La fin de la dictature était effective.

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

Nous avons pu analyser, au cours de la première partie, les caractéristiques

particulières de la définition de « l'objectivité du journalisme », en soulignant les

controverses et les difficultés de leur application pratique. Par ailleurs, nous avons

noté les caractéristiques des nouvelles internationales, afin de bien situer le cadre de

cette recherche.

Dans la seconde partie, reposant sur les données présentées antérieurement, nous

avons alors examiné la façon dont les trois principaux représentants de la presse

française ont traité la dictature grecque entre 1967-1974. Bien que selon Foucault121,

la quête de la « connaissance objective du monde » devrait être abandonnée, étant

donné que la communication et la connaissance résultent d'un ensemble de récits, 120

Rizas, S., Les dimentions internationales de la chute de la dictature, dans Vardiambasis, N., (dir.)

Historiques, Athènes, Eleytherotypia, 1999

121 Foucault Michel, « On Governmentality », Ideology and Consciousness, (6), 1979, p. 5-22

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imprégnés par les intérêts des groupes sociaux et des institutions, qui sont

indissociables des réseaux de pouvoir qui forment la base de la production, nous

avons jugé nécessaire l’existence d’un cadre pour étudier les mécanismes des médias

et des nouvelles elles-mêmes Hall a d’ailleurs souligné dans sa critique de Foucault

que « Foucault vise à transformer le statut de la vérité dans un synonyme de

l'idéologie dominante. Il faut toutefois reconnaître qu'ils existent des régimes

différents de la vérité dans l'espace social. Et ceux ne sont pas une simple « pluriel » -

ils définissent un champ de force. Il ya des régimes de vérité inférieurs qui ont du

sens, qui possèdent quelque vraisemblance pour les sujets inférieurs, bien que ne

faisant pas partie de la science officielle. » 122

La « signification » n'est pas donné mais produit De nombreux types de significations

peuvent être attribués pour les mêmes évènements. Les approches conventionnelles

du contenu des médias avaient supposé que les systèmes de sélection et d'exclusion,

édition des descriptions, de formulation d’une description à une histoire, d’utilisation

de techniques narratives spécifiques, étaient des questions techniques. Mais en termes

de signification, tous ces éléments constituaient les formes d'une pratique sociale,

constituant les moyens par lesquels ces descriptions ont été construites. Ils

constituaient les moyens de production de formes symboliques123.

Le journalisme comme pratique discursive, c’est tenter de mettre au jour les rapports

reliant une position à un espace de production industriel et marchand, cet espace étant

lui-même intégré à un espace concurrentiel de production discursive124

Cependant, le contenu du journal est loin d’être le résultat de la somme des intentions

ou même des participations des journalistes. Une somme de facteurs imprévisibles et

personnels peuvent modifier le contenu radicalement. D'après l’étude de Michael

Schudson125, le pouvoir des médias n’est pas de dire la réalité, mais de choisir les

formes pour la révéler, ces dernières étant des conventions propres à une époque ; les

122

Hall, S., On Postmodernism and Articulation: an interview with Stuart Hall (par Grossberg, L.) dans

Morley D. & Chen K. , Stuart Ηall Critical Dialogues in Cultural Studies, London, Routledge, 1996, p.

136 123

Hall, S.,The rediscovery of “ideology”: return of the repressed media studies, dans Lyritzis, C. & Komninou, M., Société, Pouvoir et Medias de Masse, Athènes, Papazisis,1989 124

Ringoot, R. & Utard, J-M., Le journalisme en invention. Nouvelles pratiques, nouveaux acteurs, Rennes, Presses universitaires de Rennes, Coll. « Res Publica », 2005, p. 24 125

Schudson, M., The Politics of Narrative Form dans Schudson, M., The Power of News, Cambridge, Harvard University Press, 1995

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formes narratives, que les journalistes doivent suivre pour être considérés comme

professionnels, ont aussi le pouvoir de contrôler les journalistes et, à travers eux, le

public usager des médias.

Dans ce contexte et en utilisant des techniques d'analyse de contenu, nous

examinerons ensuite l’attitude de la presse française sur le thème de la dictature

grecque et comment cette attitude à été exprimée.

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DEUXIEME PARTIE

I. METHODOLOGIE

A. Analyse des paramètres du protocole

La méthode d'analyse choisie est l'analyse de contenu quantitative et qualitative.

L'analyse de contenu est la quantification de la signification qui se contient dans

divers documents. Etant donné que la signification peut être évidente ou latente, nous

allons analyser la forme et le fond des publications concernant la dictature en Grèce,

aux périodes historiques choisies.

Les statistiques sont apparues comme un outil de comparaison entre la forme et le

fond des publications des trois journaux, permettant une comparaison quantitative,

aussi qu’une qualitative. En effet, les statistiques permettent de comparer la part des

différents types d’articles et de déterminer la part de l’information sur l’analyse. Mais

pour être complète, l’étude statistique doit être complétée par une analyse du contenu

des publications.

a) Discours et tonalite des journalistes et des personnes parlantes.

Afin d’effectuer l’analyse du contenu des publications, nous allons analyser le

discours des journalistes, mais celui produit par les acteurs politiques ou les

intellectuels feront aussi l’objet d’une analyse de notre part, puisque nous pensons

qu’elles témoignent d’un choix des rédactions.

Plus précisément, la problématique du discours rapporté dans le texte journalistique

soulève le problème de l’interaction entre discours de sources et discours des

journalistes. Il s’agit pour nous de voir à qui le journaliste donne la parole dans son

article, et comment il le fait. En parallèle, nous examinons leur traitement par chaque

journaliste.

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Pour cela nous reprendrons la proposition de Charaudeau, pour qui « le discours

rapporté se construit au terme d’une double opération de reconstruction /

déconstruction. Reconstruction puisqu’il s’agit d’emprunter un dit pour le réintégrer

dans un nouvel acte d’énonciation, ce dit passant par la dépendance du locuteur

rapporteur […]. Déconstruction puisqu’il affiche en même temps qu’il s’agit bien

d’un dit emprunté à un autre acte d’énonciation, le dit rapporté se démarquant du dit

d’origine… »126 dont nous retenons les éléments suivants : les manières de rapporter

soit par citation, intégration, narrativisation ou évocation explicitées.

La citation du dit marque nettement le discours d’emprunt. La marque est celle des

guillemets, mais on peut trouver d’autres manières de signaler la reproduction d’un

fragment du discours. Les paroles qui sont rapportées dans un article cristallisent des

façons légitimes de dire le réel, mais aussi et surtout, il s’agit pour le journaliste de

présenter les visées d’engagées des acteurs.

De cette manière, nous avons choisi d’analyser comme « locuteurs » seulement ceux

dont leur parole se ferme en guillemets. Quand le journaliste adapte le discours d’une

personnalité dans son texte, nous jugeons qu’il adopte cette opinion, sauf bien sur, les

cas ou la division est très claire.

Le type de discours du journaliste et des locuteurs se divise en Neutre/Descriptif,

Émotionnel/Évaluatif, Stimulant et Mixte, quand il contient plus qu’un des autres

types de discours. Ensuite, nous analysons leur tonalité vers le régime et la tonalité du

journalisme vers la résistance au régime.

b) La dimension évaluative des mots

La dimension évaluative de l'information suppose que les signes sont souvent porteurs

de charges positives ou négatives dans leurs propres langues naturelles ou dans les

codes de systèmes pour les membres d'une même communauté interprétative. Les

références aux personnes, aux objets ou événements peuvent également transférer des

valeurs.

126

Charaudeau P., « Les médias et l’information. L’impossible transparence du discours », Bruxelles,

DeBoeck, 2005.

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52

Le travail de Osgood, Suci et Tannenbaum127 sur la structure d'évaluation de la

signification dans la langue à formé les bases pour le développement de mesures

objectives pour calculer l'orientation des valeurs de texte. Le but de cette approche est

la reconnaissance de mots qui reviennent fréquemment, en conformité avec leur bon

sens (le poids relativement positive ou négative dans l'utilisation quotidienne) et

l'enregistrement du point où les mots d'une valeur différent sont associés avec des

objets de comportement dans les nouvelles, comme les dirigeants politiques, les pays

et les événements. Avec de telles procédures il est possible de quantifier l'évaluation

que les médias donnent à un fait. Nous pouvons aussi détecter des réseaux

sémantiques associés à des prototypes de comportement et examiner ainsi plus

approfondi de les prototypes d’évaluation des textes.

Pour cette raison, dans une seconde analyse, sauf le ton général des écrits de

journalistes et des personnes parlantes sur le régime et la résistance au régime des

colonels, nous avons choisi de compter aussi l'utilisation (ou non) de certains mots

conceptuellement et idéologiquement chargés.

Ces mots sont:

Les mots qui se réfèrent à la nature du régime :

« Fascisme » > « Tyrannie » > « Dictature » > « Junte » > « Régime » >

« Gouvernement », « Ministre »

Le graphique ci-dessus reflète hiérarchiquement la charge négative des références à la

nature du régime. Il est très différent qu’un régime soie appelé « tyrannie » que «

gouvernement ». Par la même logique, il est très différent qu’un représentant du

régime soie appelé « dictateur » que « premier ministre ». En outre, il ya de différence

quand un mot apparaît entre guillemets ou non, ce qui suggère de la distanciation ou

même d'ironie par le journal. Ces références ont été comptées séparément, ainsi que

séparément ont été comptés les références des mots ci-dessus par les locuteurs. De

cette manière, nous examinerons la charge évaluative et par conséquent, la disposition

de chaque journal de « légaliser » le régime du 21 avril.

Les mots qui font référence à des pratiques du régime :

127

Osgood, K., Suci, S., Tannenbaum, P., The Measurement Of Meaning, Illinois, University Of Illinois Press, 1957

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53

« Coup d’état », « Loi martiale », « Censure », « Violence », « Torture », « Exil »,

« Libéralisation/Normalisation », « Répression »

La référence fréquente ou pas aux pratiques répressives du régime suggère également

la charge évaluative d'un journal. De plus, l'existence ou non de guillemets à des mots

comme « Libéralisation » (qui renvoie à la tentative par Papadopoulos en 1973 de

« libéraliser » le régime) montre la « bonne volonté » des journalistes, envers l’effort

de démocratisation du régime. Ces références ont été comptées séparément, ainsi que

séparément ont été comptés les références des mots ci-dessus par les locuteurs.

Les mots qui se réfèrent à la nature de la résistance au régime :

«Communisme / Anarchisme», «Etudiants», «Opposition», «Résistance»

Les références à la nature de la résistance au régime sont également importantes.

L'adoption ou non du concept de la dictature de « danger communiste » doivent être

considérés. Il est également important d'examiner si les journaux se concentrent sur le

mouvement étudiant, ou sur l’idée la résistance généralisée à la dictature. Encore une

fois, les références entre guillemets ont été comptées séparément, ainsi que les

références des mots ci-dessus par les locuteurs.

Les mots qui font référence à des pratiques de résistance au régime :

«Manifestation», «Mouvement», «Révolte», «Émeute», «Solidarité»

La référence fréquente ou pas à des pratiques de résistance au régime suggère

également la charge évaluative d'un journal. Il est important carrément la façon dont

ces mots sont mentionnés, qui fait partie de la dimension évaluative générale des

textes. Les références entre guillemets ont été comptées séparément, ainsi que les

références des mots ci-dessus par les locuteurs.

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54

II. ANALYSE DES RESULTATS DE LA RECHERCHE

A. Caractéristiques Générales

Les événements historiques des périodes sélectionnées pour notre analyse étaient

idéals pour les journalistes de l’époque concernant les paramètres du choix des

nouvelles. Ils combinent l’actualité, l’originalité, l’humain, la nouveauté, les conflits,

les personnalités de haut rang. Cependant, le fait que ces évènements aient eu lieu

dans un pays comme la Grèce réduit considérablement le temps et l’espace de

couverture par les médias.

En effet, vers la fin des années ‘60, la Grèce était un pays insignifiant dans l'Europe

du Sud, pays qui vient alors de sortir d'une guerre civile et que le lecteur français

moyen pouvait difficilement situer sur une carte. Suivant les intérêts des pays

occidentaux, la Grèce, à cette époque, était plus dépendante des intérêts anglo-

américains que des Français. L'attention du public français se tournait vers la Grèce

seulement en raison d’éléments culturels communs, de l'alliance pendant la Seconde

Guerre mondiale et de l'idée montante de l'Europe unie. La Grèce était donc un pays

« régional », selon la définition de Galtung et Ruge128 et ce qui la différenciait était le

fait qu'elle était le seul terminal Ouest de l'Europe de l'Est, contre le bloc soviétique.

Cependant, l'ère de la Guerre Froide facilitait la couverture médiatique des

événements comme les dictatures, les coups d’Etat, les révolutions. La moitié de

l’Europe étant sous régime soviétique, l’Espagne et le Portugal sous dictature et

l’Italie sous un régime de « semi-liberté », l’effondrement encore d’un régime

démocratique constituait un risque potentiel pour l’avenir de l’Europe. Et selon la

règle « d’enchâssement »129, nous pourrions conclure que la dictature grecque

comportait des implications probables et donc des conséquences non négligeables

pour l'avenir de la France.

128

Galtung, J. & Ruge, M. The Structure of Foreign News, op. cit. 129

Ekecrantz, J., Journalism’s “Discoursive Events” and Sociopolitical change in Sweden 1925-87, op. cit., p. 393-412

Page 55: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

55

a) Le nombre/ taille des publications.

Le nombre total de publications relatives à la Grèce dans la période après le coup

d’état est de 195, et se répartit ainsi :

Le Monde (92) soit 47% de total des publications (205,5 colonnes, 42%)

Le Figaro (43) soit 22% (119,5 colonnes, 25%)

L'Humanité (60) soit 31% (160,5 colonnes, 33%)

Pour la période du coup d'état, Le Monde rassemble de loin la plupart des articles

consacrés à la Grèce. On remarque cependant (de façon surprenante) que le journal

l’Humanité présente un nombre d’articles, concernant la Grèce de l’époque, quasi

similaire à celui du quotidien Le Monde. Mais, Le Monde et Le Figaro oscillent entre

12 et 48 pages, quand l’Humanité oscille seulement entre 8 et 14 pages. Ainsi,

l’Humanité consacre proportionnellement le plus de place au traitement de la dictature

en Grèce, et Le Figaro le moins, étant donné que l’Humanité a le plus d’articles avec

en tout 8 à 14 pages et Le Figaro, le moins d’articles avec un ensemble de pages entre

12 et 48 pages.

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LE MONDE LE FIGARO L'HUMANITE

92

43

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Nombre des publications, 20-30 Avril

1967

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56

Le nombre total de publications concernant la Grèce et cette période spécifique, avant

et après son expulsion du Conseil de l'Europe est de 100, et se répartit ainsi:

Le Monde (49) soit 49% du total des publications (117,5 colonnes, 51%)

Le Figaro (31) soit 31% (78,5 colonnes, 34%)

L'Humanité (20) soit 20% (35,5 colonnes, 15%)

Le Monde encore une fois représente de loin le plus grand nombre de publications. Il

est suivi par Le Figaro et l’Humanité, qui est compatible avec le numéro des pages

des journaux.

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30

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LE MONDE LE FIGARO L'HUMANITE

49

31

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Nombre des publications,

1-15 Décembre 1969

0

10

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LE MONDE LE FIGARO L'HUMANITE

50 46

34

Nombre de publications,

15-30 Novembre 1973

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57

Le nombre total de publications relatives à la Grèce lors du soulèvement de l'Ecole

Polytechnique et du second coup d'Ioannidis est de 130, et se répartit ainsi :

Le Monde (50) soit 39% du total des publications (150,5 colonnes, 41%)

Le Figaro (46) soit 35% (125,5 colonnes, 34%)

L'Humanité (34) soit 26% (93 colonnes, 25%)

Le Monde et Le Figaro sont presque égaux quant au nombre de publications, avec une

différence de seulement 4 publications, ce qui peut s'expliquer par l'habitude du

Figaro de publier des photos pour chaque sujet, contrairement à Le Monde.

L'Humanité suit avec remarquablement peu de différence. Nous voyons à l’heure du

soulèvement de l’Ecole Polytechnique, les trois journaux présentent presque le même

nombre de publications.

Le nombre total de publications relatives à la Grèce lors les événements de Chypre et

la chute du régime est de 369, et se répartit ainsi :

Le Monde (145) soit 39% de toutes les publications (567,5 colonnes, 48%)

Le Figaro (83) soit 23% (263 colonnes, 22%)

L'Humanité (141) soit 38% (352 colonnes, 30%)

Les événements de Juillet 1974 montrent clairement le nombre de publications le plus

élevé par rapport à d'autres périodes données. Le Monde et l’Humanité sont presque

égaux quant au nombre d’articles malgré la différence dans le nombre de pages, suivi

0

50

100

150

LE MONDE LE FIGARO L'HUMANITE

145

83

141

Nombre des publications,

15-31 Juillet 1974

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enfin du Figaro qui consacre le moins d’articles aux évènements en Grèce. Toutefois,

pour la première fois il ya une différence entre le pourcentage de publications de

journaux et le nombre de colonnes. En effet, en ce qui concerne les colonnes, Le

Monde surpasse clairement l'Humanité, tandis que, à première vue le nombre des

articles paraît être égal. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que le journal l’Humanité

ait un « espace limité » en comparaison avec Le Monde, par « espace » nous

entendons : le nombre de pages. Toutefois, proportionnellement, encore une fois

l'Humanité a plus de publications.

Conclusions:

Ces résultats ont probablement à voir avec la nature des journaux. Le Monde et

l’Humanité, ayant une approche plus de gauche (choix des sujets, rédaction,

traitement et analyse), et ils consacrent par ailleurs plus « d'espace » au sein de leur

journal pour les questions internationales que Le Figaro, qui est plus ethnocentrique.

Le Monde, comme journal de référence, analyse exhaustivement des questions

internationales et consacre des colonnes quotidiennes sur quatre à cinq pages pour les

nouvelles internationales comme la guerre du Vietnam, le commerce en Nigeria et la

situation en Espagne de Franco. Il possède toujours le plus de rapports sur la crise en

Grèce par rapport aux deux autres journaux, et ses articles la plupart de fois

comprennent jusqu’au 50% du total.

L’Humanité par ailleurs, servant les intérêts de son parti politique, a des

correspondances détaillées de la part des pays du bloc soviétique et d'autres pays

communistes. De plus, il donne une attention particulière lorsque les droits des

communistes sont étouffés et présente un fort désaccord contre les dictatures, ainsi

qu'en Espagne et au Portugal.

Naturellement donc, Le Monde et l’Humanité présentent une explosion de

publications après le coup d’état en Grèce, pendant la crise à Chypre et pendant la

chute éventuelle du régime. Le Figaro, plus sceptique quant à la « nécessité » et la

nature du régime des colonels, préfère garder une attitude plus prudente, qui se reflète

dans le nombre de publications.

Par contre, les jours du soulèvement de l’Ecole Polytechnique d'Athènes, les trois

journaux présentent proportionnellement à peu près le même nombre de publications.

Page 59: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

59

Alors que la tonalite utilisée est clairement différente, comme nous le verrons par la

suite, l’espace donnée au sujet est à peu près égale. Cette situation est associée à

l'analyse de Daniel Hallin130, sur le rôle des médias dans les situations de crise et de

conflit. L'événement soudain et négatif, le soulèvement des étudiants et la répression

violente par l'armée avec des d'armes lourdes, ne pourrait qu’attirer l'attention des

journaux. Il constitue une « déviation » évidente, une violation des sujets qui se

trouvent dans le domaine de « consensus » pour les médias, ainsi que pour la société

en France. Le droit de protester, la répression des civils par des hommes armés, les

morts par la violence du régime, tout le monde convient que cela représente une

violation de façon flagrante des droits démocratiques et de la justice sociale. Les trois

quotidiens malgré leurs différences d’opinion politique répondent alors

immédiatement avec des analyses exhaustives, en attribuant une grande importance au

sujet, qui se reflète dans « l'espace » consacré au sein de leurs journaux.

Toutefois, concernant la question de l'expulsion de la Grèce du Conseil de l'Europe,

les trois journaux consacrent l’espace relativement à leurs nombres de pages. Bien

que la principale raison de la destitution du pays, la violation des droits de l'homme,

appartient également dans le domaine des « questions incontestables », (aucun journal

ne soutiendrait jamais la torture, par exemple), la couverture par les journaux n'est pas

très riche en ce qui concerne ces sujets précisément : expulsion de la Grèce au Conseil

de l’Europe. Outre Le Monde, qui consacre une page spéciale, Le Figaro ne le traite

pas abondamment, et l’Humanité non plus. Cette attitude s'explique si nous pensons

qu'il s'agit d'un fait institutionnel, dans les relations internationales. La «côté humain»

de l'affaire est donc perdu derrière tout un processus diplomatique, qui a peu d'intérêt

pour les lecteurs. Pour cette raison, l'histoire perd de sa nature conflictuelle. Le Figaro

conserve son attitude prudente, et l’Humanité s’occupe pour cette période de la

conférence des chefs des partis communistes à Karlovy Vary en Tchécoslovaquie.

130

Hallin, D., The “Uncensored War”: The Media and Vietnam, op. cit., p. 116-117

Page 60: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

60

b) La date/page des publications.

Outre l’ensemble du monde politique en Grèce, le coup d'état grec a beaucoup surpris

les journaux à l'étranger. Les nouvelles de la chute du régime démocratique ont

constitué un « trigger event »131 pour la presse française : le lendemain du coup d'état

apparaît une très grande concentration d’articles (pour Le Figaro, c'est le jour avec le

plus d'articles pendant toute cette période.). L'évolution de la couverture du sujet,

cependant, n'est pas la même pour les trois journaux concernés.

A l'article prophétique dans Le Monde du 20 avril où « Des délégués de treize pays

lancent un appel à la normalisation de la situation en Grèce » a succédé l'explosion

des publications un jour après le coup d'Etat, le 22/04. Les journaux ont eu la

« malchance » que le coup ait lieu le samedi, et qu’aucun d’entre eux ne sortait des

exemplaires. Ainsi, les gros titres sur le coup d’état sont sortis forcément le

lendemain.

« A un mois de la date prévue pour les élections L'ARMEE PREND LE POUVOIR

EN GRECE. Des nombreuses personnalités politiques auraient été arrêtées. » Avec

cette annonce dans l'article principal, le Monde commence une série d’articles et

d’analyses sur l'évolution de la dictature en Grèce. L’information concernant la

situation en Grèce durant cette période a fait dix fois la Une et le journal a dû créer

131

Cobb, W. & Elder, D., Participation in American Politics, op. cit. p. 85

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Publications par jour, 20-30 Avril 1967

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61

une annexe spéciale sur la deuxième page consacrée uniquement à la question de la

Grèce.

La date, qui rassemble le plus de publications concernant la Grèce pour Le Monde

semble être le 25/04, lorsque les faits ont commencé à se calmer et à venir à la

lumière des éléments officiels sur les leaders du coup d'état, le nombre de prisonniers,

et les réactions des politiciens. On constate que Le Monde insiste sur le sujet en

multipliant les publications le concernant. Cependant, après une reprise le 30 avril

montrant principalement les réactions des dirigeants politiques d'autres pays, la

question commence à perdre de l’ampleur dans le traitement médiatique du quotidien

Le Monde.

L’ « espace » consacré par le Figaro au sein de son journal au sujet des évènements

en Grèce est beaucoup plus limité. L'article de Harry Gerson, le 20 avril intitulé « A la

suite d'un article de "New York Times" des rumeurs annoncent l'établissement d'une

dictature indignent profondément l'opinion grecque » pourrait bien être classé parmi

les « scoops » les plus réussis du journalisme, car les affirmations exprimées dans cet

article se confirmeront le lendemain. Toutefois, étant donné la réticence du journal

vers le régime, l'article de Gerson n'est pas évalué suffisamment les prochains jours,

car les vues prémonitoires prédisant le coup d’Etat ne sont pas mentionnées. Par

contre il est préféré le titre laconique et succinct « Coup d'état à Athènes. L’armée

grecque prend le pouvoir ».

Pour Le Figaro, contrairement à Le Monde, le sujet de la dictature grecque ne

nécessite pas d’attention particulière, puisque dès le deuxième jour il commence à

perdre « d’espace » au sein du journal. Bien que les premiers jours des articles

concernant la situation en Grèce figurent à la Une (le sujet fait la Une 9 fois), dix

jours seulement après le coup, il n'existe plus d’article qui concerne la Grèce. Ceci est

d’autant plus significatif le 29 avril, tandis que les deux autres journaux rapportaient

des réactions de citoyens éminents à l'étranger concernant la dictature, Le Figaro

s’occupait alors de la « Pâques grecque » : « C'est La Pâque grecque: Huit cent mille

athéniens s'en vont à la campagne ».

L’Humanité, ayant l’habitude de rapporter toute question concernant le mouvement

ouvrier à l'étranger, consacre le 20 avril très peu d'espace pour annoncer « Athènes:

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boulangers et postiers en grève ». Le lendemain du coup d’état, dès le premier instant

l’Humanité définit clairement sa position : « A un mois des élections législatives coup

d'état militaire fasciste en Grèce. Solidarité avec le peuple grec ». Depuis lors, il suit

un parcours semblable avec celui du journal Le Monde. Le nombre de fois que le

sujet se retrouve alors à la Une demeure impressionnant, car pendant la période

examinée l’Humanité a consacré sa première page 22 fois à la Grèce, c'est-à-dire le

nombre d’Unes de deux autres journaux ensembles. Ce chiffre est en accord avec les

pourcentages de la couverture quantitativement supérieure du sujet par l’Humanité,

par rapport aux deux autres journaux

Ensuite, bien que le sujet s’éteigne progressivement, le journal insiste sur sa

couverture. Pour l’Humanité aussi le jour où on observe la plupart des publications

concernant la Grèce est le 25/4, mais pas pour les mêmes raisons que pour Le Monde.

La plupart des publications de ce jour-là s’occupe de la préparation d’une délégation

de la part du PCF qui se rendrait le 25/04 à l'ambassade de Grèce. Le journal invite le

public à participer et donc consacre beaucoup de rubriques pour les événements

associés à la Grèce.

Le soulèvement de l’Ecole Polytechnique d'Athènes a engagé la presse française pour

plusieurs jours. Dès le 14 Novembre, les étudiants avaient occupé l'Université et avait

commencé à diffuser des messages de résistance, qui apparaîtront dès le lendemain

dans Le Figaro sous le titre : « Plusieurs milliers d'étudiants occupent depuis hier soir

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Publications par jour,

15-30 Novembre 1973

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les bâtiments de l'école polytechnique d'Athènes ». Les nouvelles sont retardées d'une

journée pour atteindre les pages du journal Le Monde et l’Humanité, avec les

titres respectifs: « 5.000 étudiants occupent l’école polytechnique d’Athènes » et

« Athènes : les étudiants occupent l'école polytechnique ». Une fois encore Le Figaro

semble être plus rapide et plus efficace concernant l’information sur les événements

en Grèce par rapport aux autres deux journaux.

Comme « trigger event »132, fonctionne naturellement pour les trois journaux la

diffusion médiatique de l’écrasement de la rébellion avec l'aide de l'armée. Le 17-18

Novembre la répression sanglante apparaît dans les titres et dans trois journaux. Dans

Le Monde sous le titre modeste: « Devant la prolongation d'affrontements sanglants

le Président Papadopoulos proclame la loi martiale sur l'ensemble de territoire

grec », dans Le Figaro : « Nuit d'émeute une Athènes. Deux morts et une centaine des

blessés au cours d'affrontement entre policiers et manifestants » et dans l’Humanité :

« Violents affrontements dans les rues d'Athènes. La police tire : plusieurs morts ».

Cependant, la journée avec la plupart des publications de la part des journaux, est le

19 Novembre, puisque aucun d'eux ne se publiait le dimanche. En raison de la

distance et le « gel des communications » par les dictateurs au cours des événements

de l'École Polytechnique, l'analyse détaillée et les rapports détaillés devraient attendre

pour que la situation se calme.

Le Monde, après de nombreux reportages le 19 Novembre, commence à donner

moins d’importance à l’affaire. L’Humanité suit d'abord la même tactique, mais la

proclamation d’une délégation à l'ambassade grecque et la préparation d'une

manifestation de protestation par le PCF ont contribué à ce que le sujet reste présent

dans les prochains jours, et culminant pour le jour de la délégation, le 24 Novembre.

Le Figaro, cependant, adhère plus à l’affaire que les deux autres journaux. Dans Le

Figaro, les nouvelles sur les événements de l’Ecole Polytechnique restent hautes dans

la hiérarchie de l'ordre du jour jusqu'au 22 Novembre où la correspondance en pleine

page d’Huguette Debaisieux met en lumière des aspects inconnus de l'insurrection.

Nous voyons que le Figaro, pour ce sujet précisément, a suivi la même tactique

qu’avait suivi Le Monde pour le coup d’état : attendre que la situation se calme et tant

132

Cobb, W. & Elder, D., Participation in American Politics, op. cit. p. 85

Page 64: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

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que des éléments nouveaux viennent à la lumière, il insiste sur le fait de les publier

via une perspective plus globale.

Le second « trigger event » dans cette période est le renversement du régime de

Papadopoulos par le brigadier Ioannidis, le 25 Novembre. Le lendemain, les

publications dans Le Figaro et l’Humanité explosent.

Pour l’Humanité qui présente le titre très clair à la Une: « Grèce : un dictateur chasse

l'autre… le général Ghizikis renverse Papadopoulos », le 26 novembre c’est le jour

où on observe le plus de publications consacrés par le quotidien pour cette période.

Cependant, il ne donne pas de continuité remarquable au sujet. Pour l’Humanité, le

changement de dictateurs ne constitue pas une nouvelle de si grande importance. Sa

position est claire. Avoir comme président un « dictateur fasciste », puis changé pour

un autre « dictateur fasciste », ne fait en tout cas pas de différence significative pour

donner suite au sujet.

Au contraire, pour Le Figaro, le renversement de Papadopoulos est un enjeu majeur

qui reste à l’ordre du jour pendant plusieurs jours. « Le général Ghizikis chasse

Papadopoulos. Le nouveau gouvernement est cependant composé en majorité de

civils », est le titre consacré à l'événement. Ayant condamné le rôle de Papadopoulos

pendant le soulèvement de l’Ecole Polytechnique à Athènes, Le Figaro estime que le

nouveau renversement du régime pourrait marquer le début de la libéralisation. Pour

Le Figaro, car il ya peu d'information sur l'identité des nouveaux dirigeants, il estime

qu’il s’agisse de représentants de l'armée qui voulaient mettre un terme à la dictature.

Le sujet devient donc très grave et mérite une attention particulière de la part du

journal.

Le Monde étrangement a retardé d'une journée la publication des nouvelles sur le

nouveau coup de force. « Après le coup d'état du 25 Novembre les nouveau dirigeants

grecs appartiendraient à l'aille conservatrice et « modéré » des forces armées », est

le titre du sujet central le 27 Novembre. Cela a probablement à voir avec certains

retards inattendus dans la communication du journal Le Monde ce jour-là, ou avec une

obstruction du correspondant. Cependant, après le déclenchement du 27 Novembre, la

journée avec le plus de publications sur la Grèce cette période pour Le Monde, le

journal préfère garder une position prudente, comme Le Figaro. En attendant de

Page 65: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

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révéler l'identité des nouveaux dirigeants, le journal insiste sur la question, au cas où

ce serait la première étape vers la libération du régime.

Le Monde et le Figaro, avec un nombre similaire de publications concernant la

période ci-dessus, ont le même nombre de « Une » consacré à ce sujet - 9.

L’Humanité prédomine, portant le nombre de « Une » en 13. Nous devons noter que

la plupart des « Unes » pour l’Humanité font référence aux événements de l'Ecole

Polytechnique, tandis que pour les deux autres journaux, aux événements du nouveau

coup d'état.

L'exclusion de la Grèce du Conseil de l'Europe n’a pas été un événement qui éclata et

s’acheva en quelques jours. Au contraire, il a été l'aboutissement d'un long processus

diplomatique. Ainsi, selon le critère de nouvelles pour les états régionaux, les médias

ont traité le sujet fragmentairement, pendant quelques jours.

Depuis le début du mois, tandis que la Grèce est complètement absente de l’ordre du

jour au sein des trois journaux (peu de publications en Novembre 1969), c’est avec la

tension présente lors de la Réunion du conseil que les trois quotidiens commencent à

aborder la question. À l'approche du jour de la décision, les publications ont proliféré

et les points de vue de tous les journaux sont devenus plus clairs.

Contrairement au coup d’état ou au soulèvement de Novembre, où les événements ont

été imposées sur l'agenda de la presse comme « trigger event », le Conseil de

l'Europe constituait un fait programmé qui attirait l'attention des journaux en raison de

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Publications par jour, 1-15 Décembre 1969

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son importance institutionnelle. Par conséquent, on observe une augmentation plus

progressive des publications quand la date de décision approche, avec des reportages

plus détaillés. Pour cette raison, l’évolution des publications des trois journaux est

presque parallèle. Nous réalisons alors que lorsqu’il s’agit de couvrir un fait

institutionnel, les trois journaux montrent une évolution similaire quant au nombre de

publications.

Le jour avec le plus de publications cette période pour les trois journaux est le 13

Décembre, lendemain du retrait volontaire de la Grèce du Conseil en raison de sa

destitution inévitable. Les titres sont également similaires, bien que dans le cas du

Figaro et de l’Humanité, les surtitres et sous-titres possèdent clairement une tonalite

différente : Le Monde - « la Grèce se retire subitement du conseil de l'Europe » ; Le

Figaro - « Ne pouvant plus échapper à une mesure de suspension réclamée par onze

des pays membres LA GRECE DECIDE DE SE RETIRER DU CONSEIL DE

L'EUROPE » ; L’Humanité - « Mis en accusation par onze pays LA GRECE SE

RETIRE DU CONSEIL DE L'EUROPE ».

Le Monde l’emporte quant au nombre de publications consacrées à ce jour précis, bien

que Le Figaro montre une stabilité remarquable dans la présentation des nouvelles.

Toutefois, pour Le Figaro, le sujet n’a fait la « Une » que trois fois et pour

l’Humanité seulement deux fois, contrairement au journal Le Monde, qui consacre six

fois sa première page sur la Grèce pendant cette période. Nous pourrions suggérer

alors donc que Le Monde expose l’affaire beaucoup plus que les deux autres journaux.

Enfin, nous notons que comme l’indique le schéma, le sujet semble rester assez

présent dans l’actualité. Le 16 Décembre, il ya seulement trois articles sur la Grèce

dans les trois journaux, nous conduisant à la conclusion que l'affaire est close pour les

journaux, même si les pratiques qui ont conduit à l'expulsion de la Grèce du Conseil

(la torture, les tribunaux militaires, la loi martiale etc.) restent bien actifs.

Page 67: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

67

Les événements précédant la chute de la dictature ont été très importants pour

l’équilibre mondial, et ceci est bien représenté par le grand nombre de publications

concernant ce sujet pour les trois journaux français.

Le 16 Juillet, la tentative de putsch à Chypre fonctionne comme « trigger event » et

éjecte le nombre quasi inexistant de publications relatives à la situation en Grèce.

Sous le titre : « Coup d'état militaire en Nicosie. Les officiers de la garde nationale

chypriote favorables à la Grèce constituent un gouvernement de salut public » Le

Monde commence une période de vastes reportages sur l'évolution du coup d’Etat,

tous en rapport avec la Grèce. La même tactique est appliquée par l’Humanité ; qui

utilise le titre : « Chypre : le putsch organisé par les dictateurs grecs se heurte à une

forte résistance ». Encore une fois, malgré le plus faible tirage et nombre de pages

par rapport à celle du journal Le Monde, le nombre de publications consacrées à la

Grèce dans l’Humanité est de plusieurs fois supérieur à celle du quotidien Le Monde.

Toutefois, pour Le Figaro, même si l’affaire est importante et fait la « Une »

intitulée : « Chypre : rien n'est joué après le coup d'Etat. Makarios renversé, mais

vivant, lance des appels à la résistance et aux Nations Unies », les publications

diminuent pour le Figaro en ce qui concerne la période « après coup d’Etat ». Comme

dans le cas du coup d'état grec de '67, le coup d'état à Chypre est traité de façon assez

sceptique par le journal, tandis que depuis le deuxième jour il commence à décliner.

Les dimensions réelles du problème sont révélées seulement après l'invasion turque le

22 Juillet, où le journal donne l'impression qu'il veut « gagner le temps perdu » avec

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Publications par jour, 15-31 Juillet 1974

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une soudaine explosion de publications. On observe significativement que le

lendemain de l’invasion reste la journée avec le plus de publications concernant cet

évènement et ce, beaucoup plus que pour l’effondrement de la dictature en Grèce.

Aussi, pour les deux autres journaux, le jour du débarquement turc constitue une

explosion quant au nombre de publications. La différence est que pour les deux autres

journaux, le nombre des publications a augmenté progressivement et a atteint un pic le

22 Juillet. À ce point il doit être mentionné que, comme dans le cas du coup d'Etat

Ioannidis, le journal Le Monde présente les nouvelles du débarquement turc avec un

jour de retard.

Le jour de l'effondrement de la dictature grecque, le 24 Juillet, constitue une nouvelle

augmentation des publications, dans un agenda déjà chargé. Le nombre de

publications pour trois journaux et pour ce jour précisément est presque égal. Le

Monde, cependant, sous le titre : « Nommé officiellement premier ministre M.

Caramanlis s'engage à rétablir la démocratie en Grèce », touche le pic de

publications le lendemain, selon sa pratique de multiplier les publications quand la

situation est plus calme et l'information plus spécifique.

Pour l’Humanité, intitulé : « Foules en liesse dans les rues d'Athènes. La dictature

s'effondre en Grèce », commence une période d’analyses détaillées sur la situation en

Grèce, avec de nombreuses spéculations concernant l'avenir du Parti Communiste et

de nombreuses déclarations de membres du PCF. Comme dans Le Monde, la question

reste à l’ordre du jour pendant plusieurs jours après la chute du régime et fait souvent

la « Une » (33 fois pour chacun des deux journaux).

Par contre pour Le Figaro, comme pendant les jours du coup d'état de 67, le sujet

commence à « s’essouffler » rapidement jusqu'à ce qu'il disparaisse complètement de

l’actualité cinq jours plus tard. Pourtant, il fait souvent la « Une » (24). Le titre choisi

est : « Les généraux grecs appellent M. Caramanlis (en exil à paris depuis 1963).

Démission du gouvernement d'Athènes ».

Conclusions :

Selon les figures, l'évolution de l’information obéit aux règles des nouvelles

selon Galtung et Ruge. Une affaire, même importante, ne reste pas pour longtemps

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dans l’agenda médiatique, surtout si elle se rapporte à un pays « régional ».

L'évolution des publications suit généralement la règle du « trigger event »133 : le jour

après un événement soudain et négatif comme un coup d’état ou une insurrection

sanglante, apparaît une concentration très élevée d'articles. L'évolution, cependant, ne

dépend pas seulement de « l'importance » (signification) du sujet mais aussi par

d'autres facteurs.

Pour Le Monde, l'exactitude de l'information et l'approche globale sont importantes.

Pour cette raison, l'avènement de nouvelles informations constitue un élément

déclencheur pour une analyse plus approfondie de la question, même après plusieurs

jours. Il est caractéristique que dans les questions litigieuses et des situations

explosives, comme un coup d'état, le point culminant du nombre de publications n’est

pas le lendemain, mais un couple de jours plus tard, lorsque les informations

recueillies le permettent. C'est le journal qui persiste le plus dans une affaire et en

consacre le plus du temps et « d'espace ».

Pour l’Humanité servir les intérêts du parti politique à travers ses pages est très

important. Par conséquent, suivant un journalisme de « mobilisation », la continuation

ou non d’une affaire est en rapport avec l'importance que le PCF y attache. Lorsque

le Parti Communiste organise une manifestation à l'ambassade de Grèce ou une

conférence, les publications augmentent afin de mobiliser le public du journal. De

même, un sujet grave peut perdre d'espace dans sa présentation s’il coïncide avec un

autre qui est considéré comme plus important pour l'intérêt du parti, comme dans le

cas avec le Congrès à Karlovy Vary.

Enfin, Le Figaro, tout en traitant de façon très détaillée des affaires qui contiennent

une évaluation « positive » ou « négative », pour des affaires plus complexes se

présente plus prudent et a tendance à en mettre fin rapidement. Quand il s'agit du coup

de force, l’approfondissement et l’évolution de l'affaire est beaucoup plus courte que

dans le cas du soulèvement de l'Ecole Polytechnique ou l'exclusion de la Grèce par le

Conseil de l'Europe. Cela dérive par le fait que dans le cas de la dictature grecque, Le

Figaro est relativement « tolérant » avec les coups d’états mais reste fermement

contre et le montre de façon assez clair en ce qui concerne les interventions militaires,

actes de violence et torture. 133

Cobb, W. & Elder, D., Participation in American Politics, op. cit. p. 85

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c) La catégorie de la publication.

La catégorie qui, dans Le Monde, représente la plupart des publications (74%) est

clairement celle du reportage. Parmi l’ensemble des reportages du quotidien

seulement 20% sont signés habituellement par des envoyés spéciaux Eric Rouleau et

Maurice Denuzière. Les restes proviennent soit de journalistes anonymes (58%) soit

d’agences de nouvelles (22%) comme l'AFP, l'AP, la UPI et le Reuter.

Pareillement dans Le Figaro la catégorie de publication la plus fréquente est le

reportage, qui occupe 63% de son contenu. Parmi ces reportages, 10 (37%)

proviennent d’agences de nouvelles, 7 (26%) de son correspondant permanent Harry

Gerson et de son envoyé spécial, Jean-François Chauvel, et 10 autres par des

journalistes anonymes.

Le reportage occupe une place particulière aussi dans le cas de l’Humanité.

Représentant 67% du quotidien, le reportage est clairement la principale catégorie de

publications sur la situation en Grèce. Cependant, contrairement à la tactique des deux

autres journaux, dans l’Humanité la grande majorité des articles ne sont pas signés.

Seuls 4 reportages sont signés par le correspondant à Athènes Claude Angevin et le

journaliste Georges Bouvard. Bien que les agences de presse soient clairement

utilisées comme sources de la plupart de nouvelles, ce qui est conclu par la similitude

de ses brèves avec les deux autres journaux, l’Humanité n'indique pas ses sources.

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Catégorie des publications, 20-30 Avril 1967

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Durant la période qui suit le coup d’état, Le Monde consacre cinq fois, comme sujet

central du journal, les évènements en Grèce et un éditorial y est intitulé : « LE

REGIME MIS EN JEU ». Contrairement au journal Le Monde, les thèmes concernant

le coup d’état n’apparaissent seulement 2 fois en tant que sujet principal dans Le

Figaro, et plus souvent, y sont préférés des sujets sur la politique économique interne

de la France. L’Humanité quant à lui consacre quatre sujets centraux concernant la

Grèce.

Dans les jours qui ont suivi le coup d'Etat du 21 avril, Le Monde a accueilli trois

analyses et opinions (3%), une du résistant français André Leroy, une du penseur

français Raymond Aron et une du résistant et penseur grec André Kedros.

Généralement dans Le Monde, ils sont souvent invités/ sollicités à donner leur avis sur

les événements en Grèce, des personnes qui ne travaillent pas directement pour le

quotidien de préférence des personnes de haut profil, afin de donner une image plus

complète d'un sujet en question. Dans Le Figaro pour ces mêmes dates, on rapporte 4

opinions/analyses (9%) : une du journaliste du Figaro Jean-François Chauvel, une de

l'envoyé spécial Roger Massip, une anonyme et une du penseur français Raymond

Aron. L'analyse de Raymond Aron est identique à celle publiée dans le Monde,

puisque de toute évidence, le philosophe a envoyé son point de vue aux deux

journaux. L’Humanité accueille trois analyses/opinions sur le coup d'Etat en Grèce

(5%). Les analyses sont signées par le rédacteur en chef de l’Humanité de l’époque

René Andrieu, par le journaliste et écrivain André Wurmser et par un journaliste

anonyme. Généralement le journal, comme organe du parti communiste, est assez

fermé à toute ingérence qui ne provienne pas directement des membres du parti

communiste français. Cependant, souvent il serve comme lieu d’expression pour des

hommes politiques et des syndicalistes du parti.

Le Monde jusqu'en 1990 ne publie pas de photos, mais seulement des dessins, en se

concentrant sur son rôle informatif. Une place spéciale dans le Figaro est occupée par

les photographies, qui représentent le 14% des publications et constituent souvent des

publications distinctes, comme la publication très successive d'une photographie du

roi au milieu des dictateurs le jour de leur assermentation, le 28/04. Cette image est

désormais utilisée comme l'un des exemples les plus forts de la complicité du roi de

l’installation de la junte le 21 avril. L’Humanité, comme Le Figaro, utilisent souvent

des photographies et des dessins de presse, soit pour l'animation des articles, soit

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comme des publications distinctes. A la Une de l'édition du 28/04, tout comme le

Figaro, l’Humanité a publié la célèbre photo du roi, mais rajoutant des indications

claires sur l’orientation du journal: « Les bourreaux de peuple grec ».

Une catégorie distincte constitue les « brèves », petits bulletins de nouvelles

concernant des informations de dernière minute, ou qui n’ont pas besoin de plus

d’analyse. Ces publications sont soit non signées, soit proviennent des agences de

presse et occupent une grande partie des publications : 13% dans Le Monde. Pour Le

Figaro et l’Humanité, ce pourcentage est beaucoup plus faible, 7% pour les deux

journaux.

Les articles consacrés aux événements de la Grèce ne sont donc pas homogènes dans

les trois journaux. Il existe cependant une préférence à l’utilisation du « reportage »,

représentant 69% du total des publications pour les trois journaux.

Pour la période de l'expulsion de la Grèce par le Conseil européen, les reportages

constituent également la catégorie de publications la plus utilisée. Comme dans la

période historique antérieure, 76% des publications du journal Le Monde, 71% du

Figaro et 75% de l’Humanité sont des reportages. Parmi ces reportages, dans Le

Monde : seulement 8 (22%) sont signés, le plus souvent par Bernadette Marchal, Marc

Marceau et Eric Rouleau. Les autres sont soit signés par des journalistes anonymes

(59%), soit par des agences de nouvelles (22%). C’est dans Le Figaro que le

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Catégorie des publications, 1-15 Décembre

1969

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pourcentage de reportages signés est plus élevé, avec 32%, la plupart par le

correspondant permanent Harry Gerson, qui est l’auteur de la moitié des reportages.

36% sont non signées et 32% provient des agences. L’Humanité de nouveau utilise la

pratique des reportages non signés. En dehors du reportage unique signé par Jacques

Coubard, 80% des reportages sont anonymes et 13% par des agences.

Pendant toute la durée du processus diplomatique, la Grèce fait une seule fois le

thème central dans le journal Le Monde le 12/12, et dans Le Figaro le 13/12. Nous

nous attendions à ce que Le Monde consacre comme sujet central le jour de

l’expulsion de la Grèce, mais ce n’est cependant pas le cas, le considérant comme

certain même par le jour précédent. Selon la pratique courante, il consacre une

révision éditoriale le 14/12 intitulé « La Grèce face à l’Europe ».

En ce qui concerne les analyses/opinions, Le Monde continue sa tactique de

« l'hospitalité » des acteurs exogènes (10%). Pour la période étudiée et parmi les 5

analyses, les quatre sont écrites par des Grecs non-journalistes qui expriment leur

opinion sur l’affaire : le penseur André Kedros, un Grec anonyme professeur

d'université ainsi que les auteurs Aris Fakinos et Jean Siotis. La cinquième analyse du

journal est signée par un certain Casamayor. Le Figaro pour ce sujet précisément

consacre également le même nombre d'analyses/opinions (16%). Ces analyses,

cependant, proviennent des reporters du journal tel que Roger Massip et Jacques

Renard. Exceptionnellement, le penseur Maurice Druon soumet également son

opinion sur le sujet dans les pages du Figaro. L’Humanité consacre seulement une

analyse sur le sujet (5%), de l'éditeur Jacques Coubard.

Nous notons l'absence de photographies et de dessins sur le sujet. Comme un sujet

diplomatique et institutionnel, Il est effectivement difficile d’illustrer un sujet si

diplomatique et institutionnel.

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Durant les événements de l’Ecole Polytechnique également, les journaux y consacrent

des reportages, mais le pourcentage est cependant beaucoup plus faible que pour les

autres périodes. Le journal Le Monde ne contient qu'une proportion de 48% des

reportages, dont 33% proviennent des journalistes Paul-Jean Francescini, Marc

Marceau, Jean-Claude Guillerbaud, 46% ne sont pas signés et 21% proviennent des

agences. Le Figaro à un taux de 56% de reportages, ne contient que19% de reportages

anonymes, et seulement un à partir d'une agence de presse. 77% des reportages sont

signés, la plupart par Harry Gerson et Huguette Debaisieux. Quant à L’Humanité bien

qu'il ait également un pourcentage très élevé de reportages (62%), il continue de les

présenter non signés. En dehors de deux rapports de l'éditeur René Adrieu, les restes

ne sont ni signés et ni ne marquent le nom d’agence comme source.

Cependant, le soulèvement de l'Ecole Polytechnique est présenté très riche dans les

journaux, car ils sont représentés par presque toutes sortes de publications. Dans Le

Monde, l’évènement fait trois fois le sujet central, dans l’Humanité deux et dans Le

Figaro une. Immédiatement après les événements, Le Figaro et l’Humanité ne

consacrent pas leur sujet central sur la répression de l'insurrection, mais dans les

conflits internes des partis français. Le sujet principal dédié à la rébellion, vient un

jour après, le 19 Novembre, « corrigeant » la position du thème à l'ordre du jour. Le

Figaro le même jour contient le fameux éditorial « Responsabilités », signé par Roger

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Catégorie des publicqtions,

15-30 Novembre 1973

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Massip, provoquant des réactions, en particulier par l’Humanité. Le journal Le Monde

consacre également un éditorial aux événements de l'Université et un au contre - coup

d’Ioannidis, de même pour l’Humanité.

Les analyses et les opinions sont plus «pauvres» que pour les autres périodes. Dans Le

Monde, l’étudiant Grec Jean Catsiapis et l’académique Robert Escarpit présentent

leurs perspectives (4%), tandis que dans le Figaro il s’agit de la journaliste Huguette

Debaisieux (2%). L’Humanité avec une publication d'opinion non-signée (3%),

critique l’éditorial du Figaro, avec un ton très agressif.

Le thème de l'insurrection offre de nombreuses possibilités pour des photos

intéressantes. Le Figaro l’exploite avec ferveur et les photographies représentent 17%

des publications. Presque avec la même proportion suit l'Humanité, dont les

photographies sont 12% des publications. Ces images, qui contiennent pour la plupart

des scènes violentes, sont souvent communes aux deux journaux, un produit sans

doute des agences de presse. Le journal Le Monde, reconstitue l'absence de

photographies avec des dessins de la presse, avec un taux inhabituel de 12%. Nous

concluons donc que l’illustration d’un journal est très importante dans une affaire

d'intérêt humain, comme une rébellion.

Le renversement de l'équilibre crée la nécessité de présenter les protagonistes de ces

événements. Le journal Le Monde, avec l'aide d'un journaliste et résistant grec,

Richard Someritis, présente une série de portraits de George Papadopoulos, Phédon

Gizikis, Adamantios Androutsopoulos et Dimitrios Ioannidis, tandis que le Figaro

donne plus d'importance à Papadopoulos. Le journal Le Monde présente également

une interview avec le nouveau ministre du gouvernement d’Ioannids, Constantin

Rallis et avec un résistant dans l'armée, qui, dit-il, « préfère rester anonyme ».

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Les événements de Chypre et la chute de la dictature sont couverts par 64% des

reportages, qui se repartissent ainsi : Le Monde avec 68%, Le Figaro avec 55% et

l’Humanité avec 66%. Dans Le Monde, 28% des reportages sont signés notamment

par Marc Marceau, Eric Rouleau, Philippe Ben, Paul-Jean Franceschini, Jean

Schwoebel, tandis que 60% sont anonymes et 12% des agences. Le Figaro indique

50% de ses reportages signés, par de nombreux journalistes, incluant Harry Gerson,

Jean-Pierre Mercer et Pierre Bois. Les 35% restant sont anonymes et 15% par des

agences. Pour l’Humanité seulement 4% des reportages sont signés par Jacques

Coubard et 3% par des agences. Le reste, 93% de ses reportages ne sont pas signés.

Pour cette période, Le Monde consacre neuf fois son sujet central pour la Grèce, et

même le 31 juillet, le thème continue de constituer le sujet principal. Par ailleurs, il

publie 7 éditoriaux, qui montrent l'importance que le journal attache à l'évolution des

événements. L’Humanité suit de près, avec les éditeurs Yves Moreau et René Andrieu

qui signent 5 éditoriaux et 7 sujets centraux. En revanche, le Figaro ne dédie que

deux sujets centraux aux événements en Grèce, un le jour suivant le coup d'État

contre Makarios et un le jour de débarquement turque sur l’île de Chypre. Le

changement de régime en Grèce n’a pas fait le sujet central pour Le Figaro,

confirmant son attitude prudente quant à la «nécessité» du régime.

La période examinée cause une variété d'analyses et d'opinions. Le Monde, selon sa

tactique donne 7% de son « espace » à cette catégorie, où sauf Richard Someritis,

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Catégorie des publications, 15-31 Juillet

1974

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Robert Escarit, signent également des articles, le rédacteur en chef André Fontaine,

l'homme politique et journaliste Claude Bourdet, Georges Terekides et Pablo De

Huguera. Le Figaro présente également 6% d'analyses signées par des journalistes

comme André Frossard, Jacques Jacquet-Francillion, Yves Cuau, Christian Hoche.

Par contre, dans l’Humanité, les analyses n'occupent que 2% des publications et sont

signés par l'homme politique du PCF Laurent Paul et par Jacques Coubard.

Les événements se montrent particulièrement illustrés. Pour la première fois, Le

Monde publie une photographie, le 16/7. Le Figaro, cependant, y consacre un grand

pourcentage, 16% de son « espace » est dédié à des images sur les événements, tandis

que l'Humanité 4%. Ces photographies accompagnent souvent des portraits, après

avoir présenté les protagonistes de l'époque. Richard Someritis de nouveau signe le

portrait de Constantin Caramanlis dans Le Monde. Le Figaro aussi rend hommage au

nouveau Premier Ministre, tandis qu’il présente aussi Nicolas Sampson et Evangelos

Averof. L’Humanité préfère consacrer un article sur le président de Chypre,

Makarios.

Une place spéciale pour l’Humanité pour cette affaire semble occuper les « brèves ».

Avec 18% du total de ses publications, nous tenons compte du nombre élevé

d'articles à mettre en relation avec le nombre réduit de colonnes. De toute évidence,

l’Humanité essaye d'adapter un grand nombre d'informations dans un espace confiné,

à l'aide de nombreuses brèves.

Conclusions:

Comme nous a montré l'analyse ci-dessus, les trois journaux ont certaines similitudes

et certaines différences concernant le traitement du sujet.

La préférence de l’utilisation du reportage est claire, car cette catégorie constitue

65,5% du total des publications (69% putsch, 74% expulsion, 55% Polytechnique,

64% Chypre). Les différences dans les taux d'utilisation parmi les trois journaux sont

négligeables. Cependant, pendant les événements de l’Ecole Polytechnique se

présente une diminution notable.

En revanche, le rôle et la fonction des journalistes dans les trois journaux semblent

être différents. Nous mentionnerons que Le Monde et Le Figaro, en outre les

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correspondants permanents, envoient souvent des correspondants sur place. Le journal

L’Humanité quant à lui l’évite, probablement en raison du coût.

Dans Le Monde et Le Figaro, les correspondants permanents à Athènes signent une

grande partie des articles. Contrairement à l’Humanité, l'absence de signature ci-

dessous des articles est utilisée politiquement pour donner l'impression d'indignation

populaire mondiale contre la dictature. Ceci est expliqué par le journaliste Jacques

Coubard, responsable de nombreux articles sur la Grèce : l’absence de signature

s’explique par des raisons idéologiques. Les journalistes communistes ne signaient

pas leur article, mettant ainsi en valeur la dimension collective du propos134. Par

conséquent, bien que le reportage et la brève couvrent une grande partie du journal et

soient souvent placés en première page, l'auteur n'est presque jamais mentionné.

Les trois journaux, cependant, utilisent pour une grande partie de l'information

« publique » sur la situation en Grèce, du matériel d'agences de nouvelles. Cela est

inhérent dans les nouvelles étrangères, qui en raison de la distance et le manque de

moyens pour de multiples images des événements, les journaux sont contraints de

recourir aux agences de nouvelles.

En ce qui concerne les sujets centraux et les éditoriaux, Le Monde l’emporte

clairement sur l'ensemble des journaux, car il assimile/intègre de nombreuses fois les

événements de la Grèce comme thème central. Par contre Le Figaro, essaye de garder

le profil bas le plus possible, bien que parfois l’actualité soit imposée à son ordre du

jour. L’Humanité détient une position très forte sur les événements en Grèce en

général, mais la position qui donnera lieu à des publications dépend fortement des

actions du PCF.

Le Figaro, héberge proportionnellement le plus d’analyses/opinions (29%), suivie par

Le Monde (24%) et l’Humanité (17%). Ceci reflète la « ligne informative » du Monde

et de l’Humanité, contrairement à la ligne plus «littéraire» du Figaro. Le Monde est

cependant plus accueillant à l'intervention d’autres personnes qui n’ont pas de lien

professionnel avec l’organe de presse, que les deux autres journaux. Ainsi des

personnes en dehors du journalisme professionnel sont invitées à exprimer leurs

opinions sur les événements de la Grèce, de préférence des personnes de haut profil,

134

Interview de Jacques Coubard à Talon Corinne, Montpellier, 2009

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afin de donner une image plus complète et plus crédible d'une affaire. Mis à part le

fameux article de Raymond Aron, Le Figaro ne présente pas d’articles de non-

journalistes, tandis que l’Humanité se montrerait clairement sceptique envers des

acteurs en dehors du parti.

Pour la même raison, Le Monde et l’Humanité accueillent plus de brèves. L’Humanité

donne parfois l'impression d'essayer d'adapter un grand nombre d'information dans un

nombre limité de pages, et est donc obligé d'utiliser de nombreux brèves. Aussi,

L'Humanité a beaucoup des PAG : ces trois lettres désignent les pétitions, les

annonces de meeting, des manifestations organisées par l’opposition grecque en

France. Les PAF présentent la même définition mais concerne l’opposition française.

Le Monde évite complètement la publication de photos, contrairement à Le Figaro et

l’Humanité qui les publient de fois comme publications indépendantes. Cependant

tous les sujets ne sont pas aussi « illustrables ». Les questions d’intérêt humain, telles

que la répression de l'insurrection de l'Ecole Polytechnique, et la guerre de Chypre,

donnent plus de chances à l’illustration, comme les photographies et dessins de

presse. Par contre, des sujets tels que le jeu diplomatique ne favorisent pas la

justification de présence d’illustrations (photographiques).

En général, l'utilisation la plus étendue de catégories de publications semble être Le

Monde, via une tentative de montrer un aperçu plus global du sujet, suivi par Le

Figaro et l’Humanité.

B. Analyse du discours et de la tonalite du journal

L'analyse de l'attitude des trois journaux envers la situation en Grèce, comme

mentionné plus haut, est le résultat de l'agrégation des facteurs suivants:

§ Le type de discours du journaliste et la tonalité du journaliste vers le régime

et vers la résistance au régime

§ La présentation des locuteurs, leur choix, le type de leur discours, leur tonalité

envers le régime et envers la résistance au régime et la façon dont ils sont

traités par les reporters du journal.

§ La dimension évaluative du langage utilisé.

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a) Le type de discours du journaliste de la publication

Le Monde, en ce qui concerne le type de discours des journalistes, insiste sur son rôle

informatif. L'utilisation massive du discours neutre/descriptif, soit 93% du total,

confirme l’orientation du journal. Entre les 5 reportages qui impliquent l'utilisation du

discours émotionnel/évaluatif, les 3 sont les analyses d'André Leroy, Raymond Aron

et André Kedros, des acteurs externes au journal, c’est ce que tu voulais dire. Les

restes proviennent du correspondant Maurice Denouzière, et du journaliste Henri

Pierre, en se référant à la possibilité d'exécution du célèbre résistant Manolis Glezos

par le régime d’Athènes. Donc, seulement 2 des 5 articles, dont le discours

« émotionnel » est utilisé, proviennent de reporters du journal, et représente

seulement 2% du total, un pourcentage presque négligeable.

Le Figaro ne suit pas de ligne si strictement informative concernant le type de

discours des journalistes comme Le Monde. Bien que son caractère principal soit

informatif, et se reflète dans le taux de 77% du total des publications qui utilisent un

discours neutre/descriptif, un pourcentage significativement plus grand celui de Le

Monde, 23%, se compose de discours émotionnel, stimulant et mixte. Sauf

l’intervention de Raymond Aron contenant un discours critique, l'envoyé spécial

94%

5% 0% 1%

Le Monde, 20-30

Avril 1967

77%

16% 2% 5%

70%

23%

4% 3%

L'Humanité, 20-30 Avril 1967

NEUTRE/DESCRIPTIF

EMOTIONNEL/CRITIQUE

STIMULANT

MIXTE

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Jean-François Chaubel utilise principalement un discours émotionnel pour décrire les

événements du coup d'État, par opposition au correspondant permanent Harry Gerson.

Le seul cas où le discours stimulant est utilisé, est quand un appel humanitaire du

journaliste du Figaro est fait sur le sort d'Andreas Papandreou, un homme politique

arrêté par la junte et blessé au cours de sa détention.

Dans le cas de l’Humanité, tandis qu'une grande partie de son discours est

neutre/descriptif, avec 70% du total, si nous soustrayons les « brèves », nous réalisons

qu’avec un taux de 32%, ses journalistes utilisent soit un discours émotionnel, soit

stimulant soit mixte à la présentation des sujets. Selon la taille des publications, nous

concluons que la plupart des sujets centraux et des reportages de la Une contiennent

du discours critique et que le discours descriptif est limitée à des reportages qui

analysent les problèmes secondaires qui ont à voir avec le coup d'Etat.

Durant les événements de décembre 1969, Le Monde utilise moins de discours neutre/

descriptif que d'habitude. Cependant, le fait qu’il accueille des points de vue d’acteurs

externes, tels que André Kedros et Richard Someritis, qu’ils utilisent principalement

le discours émotionnel/évaluatif ou stimulant, réduit remarquablement le taux

d'utilisation du discours émotionnel par le journal pour seulement 10% du total.

74%

22%

0% 4%

Le Monde, 1-15

Décembre 1969

84%

16% 0% 0%

Le Figaro, 1-15

Décembre 1969

60%

40%

0% 0%

L'Humanité, 1-15 Décembre 1969

NEUTRE/DESCRIPTIF

EMOTIONNEL/CRITIQUE

STIMULANT

MIXTE

Page 82: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

82

Parmi ces articles, l'un est écrit par la correspondante Bernadette Marchal, qui

s’indigne à la révélation que la torture constitue une « pratique administrative de

routine » en Grèce et la deuxième est une photo d’un emprisonné par le régime. Les

restes sont trois articles et un éditorial du 15 décembre, écrit par des journalistes

anonymes, qui utilisent du discours émotionnel, et renvoient aux pratiques du régime

et de la position neutre du gouvernement français.

Le Figaro pour cette période étudiée, persiste dans le discours neutre et descriptif

(84%). Cependant, le discours émotionnel / évaluatif est utilisée presque

exclusivement dans le cas d’analyse / opinions, alors qu'un article utilisant ce type de

discours, est signé par Maurice Druon, acteur externe. Nous voyons que le Figaro à

l’heure de l'expulsion de la Grèce par le Conseil, préfère clairement le discours neutre

dans ses reportages, séparant l’information du commentaire.

Par contre, dans l’Humanité, l'utilisation du langage neutre/descriptif, semble

représenter 70% du total, si nous soustrayons les « brèves » qui constituent 20% du

total, nous concluons que le taux diminue de façon significative. Les journalistes de

l’Humanité dans les sujets centraux utilisent près de la moitié de fois un discours

émotionnel/évaluatif, lorsqu'ils se réfèrent aux événements en Grèce, un chiffre qui se

différencie à la pratique des deux autres journaux.

66%

30%

0% 4%

Le Monde, 15-30

Novembre 1973

76%

18% 2% 4%

Le Figaro, 15-30

Novembre 1973

59% 29%

6% 6%

L'Humanité, 15-30 Novembre 1973

NEUTRE/DESCRIPTIF

EMOTIONNEL/CRITIQUE

STIMULANT

MIXTE

Page 83: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

83

Lors du soulèvement de l'Ecole Polytechnique, le pourcentage du discours neutre du

Monde a fortement diminué, même s’il continue d’être dominant. Marc Marceau, le

correspondant permanent qui d'habitude garde une certaine neutralité, « éclate » au

lendemain de la répression de l'insurrection et utilise un langage émotionnel par

rapport aux restes de ses reportages. L’envoyé spécial Jean Claude Guillerbaud depuis

le commencement utilise le discours émotionnel, et le seul qui continue alors de

suivre le discours neutre est le journaliste du Monde Jean-Paul Francescini, qui perd

ceci dit « son sang froid », sa neutralité une ou deux fois seulement après le coup de

force d’Ioannidis. A ceux là, nous devrions ajouter les analyses/opinions où

d’habitude le discours émotionnel est utilisé par des acteurs externes et les caricatures,

qui indiquent clairement une opposition au régime. Nous concluons, par conséquent,

que lors des événements de l’Ecole Polytechnique, qui est un sujet humain avec une

évidente «déviance», Le Monde a recours au langage émotionnel plus souvent qu'à

d'autres périodes.

Le Figaro, cependant, bien que le taux du discours neutre/descriptif soit réduit, ne

change pas d’habitude pendant les événements de l'Ecole Polytechnique. La seule

différence observée est que le correspondant permanent Harry Gerson, qui utilise

massivement le langage neutre/descriptif, « s'emporte » dans deux-trois articles après

la répression sanglante de l'insurrection, notamment dans les articles où il coopère

avec l'envoyée spéciale Huguette Debaisieux. Ceci peut être expliqué par la tragédie

humaine, qui ne pouvait laisser les journalistes indifférents. Le seul moment où le

discours stimulant est utilisé est par Huguette Debaisieux dans l'article « La Grèce en

liberté provisoire. Les «nouveaux» de l'armée accueillis comme des libérateurs », où

elle encourage le nouveau gouvernement à prendre des mesures libérales.

L’Humanité encore une fois insiste avec un pourcentage fixe l'utilisation extensive de

langage émotionnel/évaluatif à ses reportages centraux et à l’usage réduit du discours

neutre/descriptif dans les nouvelles secondaires. Durant cette période, les journalistes

persistent à critiquer la position du gouvernement français, qui font appel à deux

reprises via un discours stimulant à la condamnation der la réaction de la junte.

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84

La période riche d'événements à Chypre, Le Monde et Le Figaro insistent sur

l'utilisation de discours neutre / descriptif (83%), avec une remarquable convergence

des taux d'utilisation des types de discours. Le discours émotionnel / évaluatif est

utilisé dans tous les sept éditoriaux que Le Monde consacre en Grèce, (16-17/7 La loi

des prétoriens, La peur du guêpier, 20-21/7 La « morale » et le fait accompli, Prise

de gage, 23-24-25/7 Le pire évité, "Dear Henry" et Sauves par les turcs…) et aux 3

du Figaro (16/7 Un détonateur, 22-23/7 Apprentis sorciers, Un effet de boomerang),

mais dans les sujets centraux et reportages, le discours neutre est préféré. Cependant

aux analyses / opinions, qui proviennent souvent d’acteurs externes, comme les

portraits de Richard Someritis dans Le Monde, le discours émotionnel et critique

domine. Les seuls cas où les journalistes du Monde et du Figaro utilisent le discours

émotionnel / évaluatif est dans un nombre limité de reportages. Eric Rouleau, qui est

normalement un observateur neutre au Monde, depuis le 20 / 7 commence un barrage

d’articles émotionnels, qui culminent avec la chute de la dictature en Grèce. Dans Le

Figaro, le seul sujet central qui utilise un langage émotionnel, est signé par son

envoyé spécial Jacques Jacquet-Francillion le 23 / 7 et se réfère à la démocratisation

du pays.

83%

17% 0% 0%

Le Monde, 15-31

Juillet 1974

83%

17% 0% 0%

Le Figaro, 15-31

Juillet 1974

79%

19% 0% 2%

L'Humanité, 15-31 Juillet 1974

NEUTRE/DESCRIPTIF

EMOTIONNEL/CRITIQUE

STIMULANT

MIXTE

Page 85: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

85

L’Humanité continue le haut pourcentage de discours émotionnel, même si

apparemment il présente un pourcentage de discours neutre / descriptif élevé. La

présence accrue des brèves constituant 18% des publications, convertit

immédiatement ce pourcentage à 61%. Les sujets centraux, les éditoriaux et les

reportages dans l’Humanité le plus souvent expriment des jugements et des critiques

sur la situation en Grèce.

Conclusions:

Pour les périodes étudiées ici, les journaux, en ce qui concerne le type de discours

qu’ils utilisent, suivent différentes tactiques liées à la fois au profil du journal, et à la

nature particulière des thèmes traités.

En général, Le Monde et Le Figaro insistent quant à l’utilisation du discours neutre /

descriptif, en fonction de leur rôle en tant que journaux «strictement informatifs ».

Pour la majorité de leurs reportages et leurs sujets centraux, ils utilisent le discours

neutre / descriptif, réservant le discours émotionnel/évaluatif à des analyses /

opinions, des éditoriaux, des portraits et des matériel d’illustration. Surtout dans Le

Monde, où une grande partie des analyses / opinions provient des contributions de

personnes non-journalistes, Le Monde semble maintenir une distance par des

publications contenant des critiques. Dans Le Figaro, des journalistes qui utilisent au

sein de leurs reportages presque exclusivement de discours neutre / descriptif, tel que

Jacques Renard, utilisent un discours émotionnel / évaluatif lors de l'écriture des

analyses / opinions.

Donc dans le cas des journaux Le Monde et Le Figaro, on tente d'appliquer la tactique

de la séparation de l’information par les commentaires, en utilisant le discours neutre /

descriptif aux articles dits « d’information » et le discours émotionnel / évaluatif aux

articles dits de « commentaire ».135

Cependant, la nature de divers thèmes renverse cet équilibre. Dans des sujets d'intérêt

humain, comme les morts de l'insurrection de l’école polytechnique et les pratiques de

torture, les deux journaux utilisent plus le discours émotionnel / évaluatif. Cette

135

Selon les spécialistes de l’analyse du discours français, tels que Charaudeau et Maingueneau,

relèveraient de l’information les articles dont l’objectif serait de rapporter certains faits avec l’objectif

d’apporter un savoir sur l’actualité, à la différence des articles relevant de l’opinion, qui, eux auraient

pour but de commenter les évènements.

Page 86: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

86

pratique est peut être liée à l'analyse de Hallin, ainsi que la violence et la torture sont

des questions de « déviation du consentement », par opposition au coup d'Etat, qui est

une question de « dissidence légitime » qui dépend de l’orientation de chaque journal.

Cet équilibre dépend aussi de chaque journaliste individuel. En général les envoyés

spéciaux comme Jean-François Chaubel, Huguette Debaisieux de Figaro, utilisent un

pourcentage plus élevé de discours émotionnel pour décrire les événements,

contrairement aux correspondants permanents comme Harry Gerson et autres

journalistes basés en France. Cela peut s'expliquer soit par le caractère du journaliste

et le style d'écriture, soit par le fait que le correspondant permanent a un regard plus

serein et plus calme sur les faits, puisque séjournant dans le pays il est plus préparé à

des crises politiques et sociales. Au lieu de cela, l'envoyé spécial est sur le terrain tout

d'un coup, et par conséquent il est plus facilement affecté émotionnellement par les

événements.

En revanche, l’Humanité qui comme journal partisan supporte la théorie de la

mobilisation136, utilise plus extensivement le discours émotionnel / évaluatif dans

toutes les catégories de publications. Hormis les brèves, dont le langage est toujours

neutre / descriptif, l’Humanité utilise souvent le discours émotionnel / évaluatif dans

les reportages et les sujets centraux. Il ne sépare pas les « articles informatifs » et les

« articles de commentaire ». Puisque pour ce journal le rôle du journaliste est de

critiquer, de développer politiquement les faits et d’engager le public, de promouvoir

une idéologie et pousser dans une sorte d'action. Toutes ces cibles sont réalisables

plus facilement via un discours émotionnel / évaluatif ou stimulant. Dans le cas de

l’Humanité les différents thèmes et les différents journalistes ont peu d'influence sur

le type de discours utilisé. Sa tactique est consolidée.

136

Protess DL, The Journalism of Outrage. Investigative Reporting and Agenda Building in America, London, The Guilford Press, 1991

Page 87: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

87

b) La tonalité du journaliste envers le régime

Le Monde en ce qui concerne la tonalité des journalistes vers le nouveau régime en

Grèce, suit la même ligne que le discours qui est utilisé. 92% gardent une attitude

neutre envers la dictature, tandis que 8% restant s’expriment négativement, nous ne

devons pas oublier la contribution de trois acteurs externes au journal. Cependant, le

fait que le journal n’accueille ni un article positif envers la dictature indique

clairement qu’il garde une distance ferme vers les leaders du changement de régime.

Le Figaro, même s'il poursuit une attitude neutre avec un pourcentage de 86%, évite

clairement de condamner le nouveau régime en Grèce. Hormis la critique négative de

Raymond Aron, on trouve qu'un dessin de presse anonyme négative envers la

dictature. Avec trois reportages ambigus et un positif, de Jean-François Chauvel le

27/04, le journal envisage le nouveau régime comme un «mal nécessaire» qui venait

de mettre un terme à « l’absence de gouvernance » et « l'anarchie ».

Pour Le Figaro le soutien du roi au nouveau régime se montre important. Jusqu’au

24/04 il détient une attitude strictement neutre. Une fois que le roi approuve le

nouveau régime, l'attitude du journal change et s’exprime plus librement de la «

nécessité » du changement de régime. Jean-François Chauvel dans son article positif

n’hésite pas à appeler les putschistes « Don Quichotes, spartiates qui veulent balayer

92%

0% 8% 0%

Le Monde, 20-30

Avril 1967

86%

2% 5% 7%

Le Figaro, 20-30

Avril 1967

68%

0%

32% 0%

L'Humanité, 20-30 Avril 1967

NEUTRE

POSITIVE

NEGATIVE

AMBIGUE

Page 88: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

88

les écuries d'Augias ». Toutefois, dans le reste des articles, le journal semble

maintenir une attitude d’attente, mais avec une un certain soutien vers le nouveau

régime.

L’Humanité, par contre, suit une ligne négative très claire envers ce nouveau régime.

La « dictature fasciste », comme il ne cesse de l’appeler dès le premier jour du coup

d'Etat, il s'agit alors d'un système condamnable qui doit s’effondrer. Comparé aux

deux autres journaux, l’Humanité utilise la tonalité la plus négative, avec 32% du total

des publications. Avec l’exception des brèves, le pourcentage s'élève même encore

plus.

En décembre 1969, la tonalité du journal Le Monde envers le régime des colonels

contient de nombreux reportages négatifs, qui atteignent 22% du total. Si de ce

pourcentage nous abstrairons les analyses d’acteurs externes, la tonalite négative

atteint 10% des articles du journal.

Parmi ces articles, Bernadette Marchal et Eric Rouleau critiquent le régime sur la

question de la torture, malgré les tentatives de garder un positionnement neutre.

L’éditorial du 15 novembre, intitulé « LA GRECE FACE A L'EUROPE » déduit le

résultat du Conseil de l'Europe en une condamnation du régime en Grèce.

78%

0%

22% 0%

Le Monde, 1-15

Décembre 1969

84%

0% 16% 0%

Le Figaro, 1-15

Décembre 1969

60%

0%

40%

0%

L'Humanité, 1-15 Décembre 1969

NEUTRE

POSITIVE

NEGATIVE

AMBIGUE

Page 89: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

89

Le Figaro pour cette même période, utilise une tonalité négative limitée, presque

exclusivement à ses cinq publications d'analyse / opinion. Parmi eux, seul l'article

intitulé « Les huit « coups de chance » de la junte» le 11/12, prend une position

clairement contre le régime, tandis que dans les autres quatre la critique est plus

modérée. Le Figaro à l’heure de l'expulsion de la Grèce par le Conseil garde une

attitude plus prudente envers la condamnation du régime. Le fait, cependant, qu’il ne

contient ni même un article positif ou ambigu, proclame son opposition à la pratique

des violations des droits de l’homme par le régime.

L’Humanité continue sur la même ligne de critique négative très clair à la dictature. Il

constitue le seul journal qui publie une partie du rapport d'Amnesty International et

fait des reportages détaillés sur les violations des droits de l'homme en Grèce.

Secondairement, le journal porte un rôle d'opposition politique envers le

gouvernement français, critiquant fortement sa position neutre envers les « dictateurs

fascistes ». Dans cinq reportages, bien que le prétexte soit la dictature en Grèce, le

journal transfère la critique au gouvernement français (11/12 : Le gouvernement

français va-t-il s'opposer à l’ exclusion des colonels grecs au conseil de l'Europe?)

Lors du soulèvement de l'Ecole Polytechnique, Le Monde a le pourcentage le plus

élevé de critiques négatives envers le régime, qui touche 40% du total, presque le

56%

0%

40%

4%

Le Monde, 15-30

Novembre 1973

87%

2% 9% 2%

Le Figaro, 15-30

Novembre 1973

56%

0%

44%

0%

L'Humanité, 15-30 Novembre 1973

NEUTRE

POSITIVE

NEGATIVE

AMBIGUE

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90

même que l’Humanité. La nature du thème, qui constitue un sujet d’intérêt humain

avec une évidente « déviation » équivaut presque aux publications négatives des deux

journaux qui suivent une ligne différente.

Toutefois, concernant le changement du régime après le coup d'Etat d’Ioannidis, cette

convergence cesse d'exister. Le Monde, bien qu'il semble suspicieux envers le

nouveau régime, adopte un positionnement plus ambigu (29/11 Dans un climat

d'inquiétude et d'espoir la population s'interroge sur les intentions du nouveau

pouvoir) que l’Humanité que l’alternance de « dictatures fascistes » n’a aucun impact

sur la tonalité utilisée (26/11 Grèce : un dictateur chasse l'autre… le général Ghizikis

renverse Papadopoulos).

Le Figaro, bien que le pourcentage de tonalité négative aie augmenté, ne modifie pas

beaucoup son positionnement régulier lors les événements de l'École Polytechnique.

Les publications chargées négativement sont assez limitées et ont à faire uniquement

avec les reportages du terrain qui abordent les questions d'ordre humanitaire, comme

les morts et les blessés. Le seul article qui s’expose clairement contre le régime

(22/11 Grèce : le novembre noir des colonels. Les dernières illusions d’un peuple

écrasé par les chars) appartient à l'envoyée spéciale Huguette Debaisieux, qui, dans

tous ses reportages, prend une position purement négative envers le régime. C’est

peut être un des articles les plus négatif du Figaro envers le régime en Grèce. A ceci

vient s'opposer l'article du correspondant permanent Harry Gerson, (24/11 Les

arrestations se poursuivent mais… allégement de la loi martiale) qui, bien qu'il ne

prenne pas de position en faveur du régime, éloge l’attitude « calme » et

« responsable » des colonels.

Cependant, lors du changement de régime, Le Figaro traite les nouveaux

protagonistes de la scène politique grecque presque comme des libérateurs. Outre

Huguette Debaisieux qui garde une attitude prudente (26/11 De Charybde En

Scylla?), les autres traitent pratiquement la dictature en Grèce comme une « question

close ».

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91

Pendant les événements du coup d'Etat à Chypre et la chute de la dictature, Le Monde

et Le Figaro montrent un chiffre relativement faible de critiques négatives envers le

régime. Alors que les articles impliquent clairement la Grèce aux événements de

Chypre, avec l’article de Richard Someritis le 16 / 7 intitulée « UN CRIME SIGNÉ »,

rapprochant le régime des colonels à la guerre de Chypre, les deux journaux gardent

une attitude assez détachée. Cependant, dans leurs éditoriaux, les quotidiens

s’opposent fortement à la dictature et étant donné leur position sur la première page,

nous pourrions dire que les deux journaux s’engagent suffisamment contre le régime

de la Grèce.

La preuve de leur engagement est la multiplication des critiques négatives envers le

régime après sa chute, à la fin de juillet 1974. La tonalite négative est largement

utilisée, tant par Le Monde, que par Le Figaro. Des journalistes comme Eric Rouleau,

qui pendant toutes les années de la dictature avaient gardé une position très neutre et

modérée, « éclatent » après la chute de la junte, avec des articles très sévères. De la

même façon, dans le Figaro, qui laisse à côté la position modérée détenue pendant ces

sept années de dictature, s'oppose avec véhémence au régime, même à travers des

sujets centraux.

92%

0% 8% 0%

Le Monde, 15-31

Juillet 1974

94%

0% 6% 0%

Le Figaro, 15-31

Juillet 1974

82%

0%

18% 0%

L'Humanité, 15-31 Juillet 1974

NEUTRE

POSITIVE

NEGATIVE

AMBIGUE

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92

L’Humanité, cohérent dans son attitude d’opposition, célèbre la chute du régime, tout

en conservant des doutes quant à Constantin Caramanlis, leader conservateur. La

plupart des éditoriaux expriment leur opposition au régime, en parlant d'une fin « déjà

annoncée ».

Conclusions:

L'attitude des trois journaux envers le régime des colonels varie également en

fonction du profil de chaque journal et des sujets abordés. Cependant, puisque la

plupart des informations proviennent des agences de nouvelles, le risque posé par un

tel développement est l’homogénéisation lors de la présentation des nouvelles

internationales, car ils reflètent souvent les choix et les valeurs des agences de

nouvelles137. Ce phénomène est souvent observé à la couverture des événements dans

les journaux, en particulier dans les brèves de presse, ou dans les premiers reportages

sur un sujet. Ensuite, chaque journal consolide son point de vue sur les faits.

Le journal Le Monde prend immédiatement des distances envers les leaders du coup

d'Etat en ne consacrant ni même un article positif envers le régime dictatorial. Or, dès

le commencement, il maintient une ligne strictement informative, publiant des

reportages neutres, mais les analyses des partenaires extérieurs, que Le Monde choisit

d'accueillir dans ses pages, sont presque toujours négatives envers la junte. Par

conséquent, la séparation des nouvelles et des commentaires qui existait sur le type de

discours, continue d'exister dans la tonalité utilisée par Le Monde, au moins en ce qui

concerne les questions de non-intense intérêt humain. Au fil du temps, son attitude

devient de plus en plus négative, et ce, de façon culminante pendant les événements

de l’Ecole Polytechnique avec un pourcentage sans précédent pour Le Monde de 40%

des publications négatives. Des commentaires négatifs apparaissent durant cette

période, même dans des reportages et des sujets centraux. Cette convergence du

Monde avec le pourcentage de l'Humanité, deux journaux qui suivent des lignes

différentes, met en évidence l'opposition du journal Le Monde en ce qui concerne les

violations des droits de l’homme. En ce point, le journal devient de plus en plus

137

Gurevictch M., Levy M., Roeh, I., Τhe Global Newsroom: convergences and diversities in the

globalization of television news, dans Dahlgren, P. & Sparks, C., Communication and Citizenship:

Journalism and the Public Sphere in the New Media Age, London, Routledge, 1991

Page 93: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

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hostile à la junte militaire, ce qui est prouvé pas les éditoriaux négatifs durant la

période des événements de Chypre.

Le cas de Figaro est plus complexe. Depuis le début le journal envisage le nouveau

régime comme un régime autoritaire, mais « tolérable » et « nécessaire ». Bien que la

plupart des publications soient neutres, il n’hésite pas à publier un total de 4 articles

en faveur de la dictature : un après le coup d'Etat et les restes pendant les événements

de l’Ecole Polytechnique et le nouveau coup d'Etat. Les reportages négatifs sont

principalement axés sur la période de l’expulsion par le Conseil de l'Europe et le

soulèvement des étudiants, faisant preuve de l'importance de la « déviation du

consensus ». La séparation des nouvelles par des commentaires est respectée pour des

articles, même pendant les événements de décembre et de l'École polytechnique.

Cependant, il n'est pas respecté concernant les articles positifs, qui habituellement

s’intègrent aux reportages. Quand cela est possible, le journal exprime sa « bonne

volonté » envers le régime, tout en accueillant facilement la dictature d’Ioannidis

comme la fin de la junte. Toutefois, durant les événements de Chypre, l'attitude du

journal est assez hostile au régime et se culmine après la chute, où Le Figaro

abandonne sa position modérée détenue pendant sept ans et s'oppose avec virulence

au régime, même via des sujets centraux.

Une fois encore, les envoyés spéciaux ont une attitude plus critique envers le régime

que les correspondants permanents, en particulier dans le cas du Figaro. L'hostilité

déclarée de Harry Gerson envers les communistes (voir ci-dessous) le conduit à

rédiger des articles très modérés, même quand il s'agit de tragédies humaines.

Toutefois, lorsque l’envoyée spéciale Huguette Debaisieux arrive sur place, la tonalité

de leurs articles change contre la junte. Un cas particulier constitue le correspondant

pour Le Monde Eric Rouleau qui bien que pendant toutes les années de la dictature

conserve une position neutre, publie des critiques sévères contre le régime après la

chute.

L’Humanité pendant toutes les années de dictature suit une ligne clairement négative

envers le régime. Comparé avec les deux autres journaux, il montre les jugements les

plus négatifs, à la fois dans les reportages, les sujets centraux, les éditoriaux et les

analyses. Secondairement, le journal porte le rôle d'opposition politique, critiquant le

gouvernement français pour sa position neutre sur la « dictature fasciste » selon l’avis

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de son parti. En général, le journal s’engage idéologiquement contre la dictature et

cela se reflète clairement dans sa tonalité, qui n’évolue pas particulièrement au fil du

temps puisqu’était déjà assez virulente dès le début de la dictature.

La tonalité du journaliste envers la résistance au régime

En ce qui concerne la tonalité des journalistes de presse écrite envers la résistance au

nouveau régime en Grèce, dans Le Monde, le pourcentage de tonalité neutre est

encore plus élevée, avec un pourcentage de 96%. Trois sur quatre critiques positives

proviennent de contributions externes. Il ne reste ainsi qu'une « brève » le 30/04, qui

présente une image positive de la résistance au régime. Le Monde est en général

neutre en ce qui concerne la résistance en Grèce, car les articles soutenant

ouvertement la résistance proviennent de contributions externes.

Le Figaro augmente aussi les articles à tonalité neutre envers la résistance au régime

avec un taux de 93%. Cependant, la seule évaluation positive envers la résistance à la

dictature provient de l’article de Raymond Aron. Contrairement au journal Le Monde,

Le Figaro dans deux articles parait négatif envers l'opposition à la dictature, et la rend

responsable de la crise gouvernementale qui en résulte. Il se réfère à l’opposition

comme aux « barons bourgeois » et « les communistes de Papandréou qui

96%

4% 0% 0%

Le Monde, 20-30

Avril 1967

93%

2% 5% 0%

Le Figaro, 20-30

Avril 1967

78%

22% 0% 0%

L'Humanité, 20-30 Avril 1967

NEUTRE

POSITIVE

NEGATIVE

AMBIGUE

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détruisaient avec des manifestations le centre d'Athènes » (27/04). De la crise

gouvernementale, le rôle du roi est totalement absent, qui est présenté soit comme

victime, soit comme contributeur à un « changement social ». Le 28/04 avec l’article

de Jean-François Chauvel intitulée « Soulagement général l'après le ralliement du

Souverain », Le Figaro estime que l'affaire est close, que le roi a décidé de « laisser

les soldats mettre un peu d'ordre dans la maison ».

L’Humanité a la plus grande proportionnalité entre les jugements négatifs envers le

nouveau régime et les jugements positifs envers la résistance, avec 22%. N'étant pas

clairement en faveur de la démocratie bourgeoise qui existait avant, il souligne

l'implication du parti communiste et généralement des partis de gauche à la vague de

résistance qui se souleva contre le régime. Il est intéressant de noter que l’Humanité

exagère quant à toute rumeur qui concerne des efforts de résistance au coup d’état,

en présentant aussi de nombreux articles concernant la réppression de chaque

tentative de résistance à la dictature. Ce thème occupe environ 30% des articles,

décrivant les conditions de détention barbares et les assassinats politiques, même si

elles ne sont pas données de façon plus détaillée, car il est impossible de les vérifier à

l'époque.

Pour l’Humanité la résistance à la dictature représente « l’ensemble du peuple grec »

et invite le peuple français à être solidaire. Par ailleurs, de nombreux articles

concernent la réalisation d’une délégation du PCF à l'ambassade de Grèce à Paris et

d’une conférence organisée par le PCF, où des exilés Grecs avec des politiciens

membres du PCF expriment le besoin de solidarité.

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96

La période des événements menant à l'exclusion de la Grèce par le Conseil de

l'Europe, contient le plus grand nombre d'articles positifs dans Le Monde quant à la

résistance face au régime politique en place, même si toutefois les publications

neutres sont clairement plus nombreuses. Alors que la plupart des articles « positifs »

sont des analyses / opinions d’acteurs externes, deux reporters du journal, Bernadette

Marchal et Eric Rouleau s’expriment positivement pour ceux qui résistent au régime.

Plus particulièrement, ce dernier qui d’habitude apparait neutre dans ses reportages,

semble choqué par le fait que la torture constituait en Grèce «pratique administrative

courante», selon le rapport d'Amnesty International. Cette période contient le plus

petit « écart » entre les critiques négatifs pour le régime et les positives pour la

résistance à celui-ci, car ils sont considérés comme des victimes humaines de la

violence, quelle que soit leur appartenance à un parti politique.

Bien que Le Figaro semble être affecté par l’aspect de déni des droits de l’homme par

le régime en place (mis en valeur par des publications à connotation négative envers

le régime politique), il ne semble pas pour autant évaluer de façon très positive la

résistance face au régime politique. La seule évaluation positive envers la résistance à

la dictature est présente dans l'article de l’académicien Maurice Druon, les autres

articles du journal restant ainsi dans une tonalité neutre, gardant une certaine distance.

80%

20% 0% 0%

Le Monde, 1-15

Décembre 1969

97%

3% 0% 0%

Le Figaro, 1-15

Décembre 1969

85%

15% 0% 0%

L'Humanité, 1-15 Décembre 1969

NEUTRE

POSITIVE

NEGATIVE

AMBIGUE

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97

Toutefois pendant cette période, les commentaires négatifs sont absents, car il

paraitrait inacceptable d’accuser des victimes de la torture.

L’Humanité, avec des articles détaillés sur les conditions de vie des prisonniers par le

régime, consacre 15% de toutes les publications à des jugements positifs sur la

résistance au régime. Cependant, le journal couvre de façon réduite le sujet, car se

concentre plus sur le congrès qui a lieu en Tchécoslovaquie. Le décalage entre les

critiques négatives contre le régime et le soutien explicite à la résistance est élevé,

contrairement à la tactique habituelle du journal.

Durant le soulèvement de l'Ecole Polytechnique, le journal Le Monde présente le

pourcentage le plus élevé de critiques négatives envers le régime, qui touche 40% des

publications. Néanmoins, il ne consacre pas autant de « rubriques », « d’espaces » aux

reportages « positifs » quant à la résistance au régime. Ils sont limités à trois, dont

deux seulement concernent les insurgés. Le troisième, un article de Jean Claude

Guillerbaud le 23/11 intitulé «Tandis que la répression se poursuit à Athènes SIX

ANCIENS MINISTRES CENTRISTES DEMANDENT LE DEPART DE M.

PAPADOPOULOS», se réfère positivement à l'opposition au régime, car les

« anciens ministres » n’étaient pas communistes. Il devient donc évident que dans le

cas de rébellion, Le Monde continue d'être prudent quant aux jugements, si l'identité

92%

6% 2% 0%

Le Monde, 15-30

Novembre 1973

80%

4% 9% 7%

Le Figaro, 15-30

Novembre 1973

71%

29%

0% 0%

L'Humanité, 15-30 Novembre 1973

NEUTRE

POSITIVE

NEGATIVE

AMBIGUE

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98

des participants n'est pas claire. Conformément à cela, Le Monde n'hésite pas à publier

un éditorial le 18/11 intitulé « La « démocratisation » d'échec », où il attaque à « les

méthodes de la rébellion » des résistants, en y attribuant une partie de responsabilité

pour l'échec des efforts de « libéralisation » de Papadopoulos.

Une tactique similaire, mais beaucoup plus intense, est entreprise par Le Figaro, avec

un plus grand accord entre les reportages négatifs sur la junte et les positifs sur les

étudiants. La ligne conservatrice du journal impliquant son opposition aux pratiques

comme émeutes et révolutions, est plus évidente que jamais. De rares articles

contiennent une critique, les négatifs sont nettement plus nombreux que les positifs,

alors qu'il existe une grande proportion de reportages ambigus. Le 19/11, l’éditorial

de Roger Massip intitulé «RESPONSABILITÉS» s’exprime dynamiquement contre les

insurgés énonçant que leur révolte aurait arrêté la tentative de la « libéralisation » du

régime. Le journaliste apparaît particulièrement critique, sans faire la moindre

référence aux méthodes répressives du régime.

Or, dans les autres quatre articles, dont deux sont des sujets centraux, les résistants

sont présentés comme motivés par des éléments communistes et l'insurrection comme

loin d'être spontanée (17/11, « A l'École Polytechnique tout est prévu pour tenir une

dizaine de jours ... »), tandis que Harry Gerson ne cesse jamais à souligner que les

étudiants sont « armés », ce qui reflète clairement la propagande du régime et a été

prouvé comme complètement faux. Alors que le journal s’exprime avec sympathie

pour les victimes, il juge cependant que les insurgés sont aussi responsables pour le

résultat tragique. Les seuls articles positifs envers la résistance au régime, sont

présents dans les pages culturels concernant l'actrice Mélina Mercouri et une

correspondance de Huguette Debaisieux le 22/11 où elle attaque le régime.

Par contre, l’Humanité, soutient dès son origine la lutte des étudiants, qui représente,

selon le journal, l’ensemble du peuple grec. Ce soutien est très direct et explicite,

virant parfois même à l'exagération, comme dans l'article du 21/11, intitulée «

PLUSIEURS CENTAINES DE MORTS A ATHENES? ». En conséquence, l'article

dans le Figaro intitulé «RESPONSABILITÉS», provoque un «conflit» entre les deux

journaux, à l'occasion de la dictature grecque. Le 20/11, un article paru dans

l'Humanité intitulé « LA FAUTE AUX ETUDIANTS » accuse Le Figaro d'empathie et

du support à la «dictature fasciste ».

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99

Son soutien au peuple grec devient encore plus prononcé lors de l'organisation par le

PCF d’une manifestation et d’une délégation à l'ambassade de Grèce. Le journal ne

sépare pas les intérêts partisans des nouvelles. Ceci est d’autant plus apparent dans

l'article du 23/11, où le titre est: « Grèce: nouvelles arrestations. De 17 à 19 heures

délégation aujourd'hui à L'ambassade ».

Le Monde et Le Figaro en juillet montrent un assez petit pourcentage de critiques

positives envers les résistants au régime. Or, il existe une certaine pertinence avec le

pourcentage de critiques négatives envers la dictature. En général, le pourcentage de

tonalité neutre est écrasant, en gardant une attitude assez détachée. Le Monde se réfère

positivement à la résistance au régime quand elle se réfère aux personnalités

politiques connues, telles que Constantin Caramanlis, dont il fait l’éloge dans son

article le 29/07 intitulé: « S'opposant au clan des militaires M. Caramanlis a formé le

gouvernement le plus représentatif que la Grèce ait jamais connu ». Le Figaro, bien

qu’il se réfère dans plusieurs articles négativement vis-à-vis de la junte, seulement

trois photos sont positives envers la résistance, en tenant une position assez

« fermée » sur le sujet de la résistance.

97%

3% 0% 0%

Le Monde, 15-31

Juillet 1974

96%

4% 0%

0%

Le Figaro, 15-31

Juillet 1974

88%

12% 0% 0%

L'Humanité, 15-31 Juillet 1974

NEUTRE

POSITIVE

NEGATIVE

AMBIGUE

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100

Par contre quand se réfère à des personnalités politiques qui n'appartiennent pas au

champ gauche, L’Humanité maintient quelques réserves. Les articles les plus positifs

envers la résistance au régime se réfèrent aux membres de la gauche, dont il crée des

articles élogieux. Pour l’Humanité la chute de la dictature est considérée avant tout

comme une victoire du peuple grec, qui avait résisté au régime dictatorial. Il parait

préoccupé, toutefois, du chemin que prend la « libéralisation », qui n'est pas aussi

rapide qu’il aurait souhaité.

Conclusions:

Parmi les trois journaux, les commentaires les plus positifs sur la résistance au régime

sont présents, de loin, dans le quotidien l’Humanité. Le journal identifie tout le peuple

grec aux résistants au régime et garde une attitude clairement positive à leur égard.

Bien qu’il donne plus de visibilité aux personnages appartenant à la gauche, il insiste

sur la violation de la démocratie et présente souvent dans ses articles les membres de

la résistance grecque comme de nouveaux « maquis ». Ceci est aussi mis en valeur par

le fait que pendant le soulèvement de novembre, dès le premier jour, L’Humanité

prend le parti des rebelles, publiant en même temps des événements solidaires du

PCF.

Dans les cas du Monde et Figaro, leur attitude est plus complexe. Le décalage entre

les critiques négatives face à la dictature et les critiques positives face à la résistance

est impressionnant. Bien que ces deux chiffres doivent être égaux, ils ne le sont pas.

Le fait que le journaliste peut être contre le nouveau régime ne signifie pas qu’il soit

en faveur de la résistance au régime. Ceci peut être expliqué d'une part de l’attitude

« informative » du Monde et du Figaro, et d’autre part, du contexte historique dans

lequel les événements se déroulent. Nous sommes dans la dernière période de la

Guerre Froide, et l’orientation du journal Le Monde est centre-gauche. Alors, il ne se

risquerait pas à soutenir une résistance qui sera probablement stigmatisée par les

porte-paroles politiques comme « communiste ». La position prudente se reflète la

plus proprement, comme nous le verrons ci-dessous, par le vocabulaire utilisé.

Pour Le Monde, les avis positifs viennent principalement d’acteurs externes, dans les

analyses / opinions. Le prestige d'une institution comme le Conseil de l'Europe donne

le feu vert au journal de multiplier les critiques positives envers la résistance au

régime. Si le Conseil prend « leur parti », le journal estime qu'il est libre de s'exprimer

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101

positivement. Cette période a pour Le Monde le plus petit décalage entre les avis

négatifs pour le système et les avis positifs envers les résistants, aussi grâce à l’intérêt

humain du sujet.

Cependant, il ne s’agit pas du même processus pour Le Figaro, qui préfère maintenir

une attitude implicite. Le silence se rompt avec sa « justification » lors des

événements de l’Ecole Polytechnique. Le Figaro, comme journal conservateur, est

fortement contre chaque pratique d’insurrection. Déjà, depuis le coup d’état il avait

été très sévère envers la tentative des étudiants Grecs à saisir l'ambassade de Grèce à

Londres. Dans son article le 30/04/1967, intitulé: « Londres: L'ambassade de Grèce

mise à sac », le journal fait rapport de dégâts du côté des étudiants. Pendant les

événements de l’Ecole Polytechnique le journal culmine la critique négative envers la

résistance et les accuse d’avoir dépassé les limites, tout en laissant soupçonner une

incitation communiste et de violence par les étudiants. La sympathie pour les victimes

n’empêche pas de leur verser une part de responsabilité. La caractérisation de l'Ecole

Polytechnique comme « bateau ivre », une référence à la Sorbonne occupé en mai 68,

est représentative de ses intentions.

Le Monde prend une position similaire mais beaucoup plus modérée sur les

événements émeutiers, surtout lorsque l’orientation politique des participants à

l'insurrection n'est pas claire. Généralement, quand Le Monde se réfère positivement

aux résistants, se réfère à des personnes spécifiques dont le positionnement politique

est connu et ont un prestige international.

c) Nom /Statut des locuteurs

Les personnes à qui un journal choisit de donner la parole, ainsi que le traitement par

les journalistes, jouent un rôle important dans l'image finale qu’aura le lecteur sur un

sujet.

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102

La figure ci-dessus montre que pour les trois journaux, on donne plus souvent la

parole à des hommes politiques, qui représentent 69% des locuteurs du journal Le

Monde, 58% du Figaro et 79% de l’Humanité.

Parmi eux, dans Le Monde, il est observé peu de décalage entre les hommes politiques

appartenant au nouveau régime, ceux qui s'y opposent et ceux des pays étrangers. En

revanche, dans Le Figaro, le pourcentage des hommes politiques qui appartiennent au

nouveau régime est deux fois plus supérieur à celui de ceux de l'opposition, tandis que

les vues de politiciens étrangers sont totalement absentes, ainsi que celles des

intellectuels et des citoyens. Il devient donc clair que Le Figaro considère le coup

d'Etat en Grèce comme une affaire purement interne au pays pour lequel il n'est pas

nécessaire qu’un acteur externe exprime son opinion.

L'inverse est cependant observé pour l’Humanité, qui insiste sur l'universalité du

thème et l’impact possible sur l'avenir des pays européens et même en France. Pour

cette raison, il donne la parole aux politiciens à l'étranger et aux politiciens français

avec un pourcentage écrasant de 47% du total et de 79% de tous les hommes

politiques qui sont présentés dans le journal. Cette concentration de l’Humanité ne

devrait pas surprendre, en pensant que la plupart de ces locuteurs politiciens français

sont membres du PCF. Pour le journal, en tant qu’organe politique du parti, il est

normal de servir ses politiciens.

Le Monde donne la parole à un pourcentage de 31% des représentants du nouveau

régime en Grèce, que ce soit des militaires ou des civils et à un pourcentage de 23%

0 2 4 6 8

10 12 14 16

10 8

12

3 5

0 0

3 2 0

2 3

0

8

4

0 0

4

0 0 0 1 0 0 2

0

4 3 4

16

4

1 1 0 1 0 0 0 0

Statut des TH, 20-30 Avril 1967

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103

des représentants de la résistance au régime. Cet équilibre n'existe pas dans Le

Figaro, car elle héberge dans ses pages 63% des locuteurs du régime et seulement

21% de la résistance. L’Humanité maintient également la même proportion, 26% et

12% respectivement. Cependant, cette différence est interprétée très différemment

dans le cas d’Humanité et du Figaro. Causée par le manque de voix supplémentaires

contre le régime dans le Figaro, pour l’Humanité, la plupart des locuteurs proviennent

de la gauche française et s’expriment contre le régime.

Les citoyens et les intellectuels / artistes ont une représentation assez faible dans les

trois journaux, car ils ne sont que 7% et 8% respectivement du total des locuteurs.

Les hommes politiques sont représentés avec une majorité écrasante aussi pour la

période des événements de décembre en Grèce avec 81% dans Le Monde, 85% dans

Le Figaro et75% dans L'Humanité.

La nature du sujet cependant, qui constitue un processus institutionnel de la politique

internationale, augmente le nombre de déclarations des politiciens étrangers dans tous

les trois journaux. Surtout dans Le Monde, le pourcentage de points de vue des

politiciens français et d'autres pays à l'étranger, est presque équivalent au pourcentage

de points de vue des politiciens grecs. Le Figaro et L'Humanité vont plus loin, en

donnant plus d'espace aux opinions des personnes en France et à l'étranger qu’à celles

des hommes politiques grecs.

0 1 2 3 4 5 6 7

7

2

6

2 3

0 0 0 0 1

0 0 0

3

1

5

2

0 0 0 1

0 1

0 0 0 1 1

2 2 1

0 0 1

0 0 0 0 0

Statut des TH, 1-15 Décembre 1969

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104

Parmi les politiciens français qui sont invités à faire des déclarations, le Secrétaire

d'État aux affaires étrangères Jean-Noël de Lipkowski est le plus souvent appelé dans

Le Monde et Le Figaro, alors que dans l’Humanité, il s’agit rigoureusement des

membres du PCF, comme Louis Odru et Leo Havon. Nous devons souligner

également que l’Humanité accorde une importance égale aux hommes politiques en

France et à l'étranger, contrairement aux deux autres journaux qui insistent davantage

sur des opinions des hommes politiques étrangers. En le reliant à des variables

précédentes à l’étude, ce résultat provient de l’insistance de l'Humanité à ramener la

question de la Grèce à un sujet de la politique étrangère française, critiquant ainsi le

gouvernement français pour son silence.

Pour les politiciens grecs, le « protagoniste », c'est-à-dire l’acteur principal parmi les

locuteurs du régime est Panayiotis Pipinelis, Ministre des Affaires étrangères et

représentant de la Grèce au Conseil de l'Europe. Le Monde l’appelle assez

fréquemment à faire des déclarations, résultant en un grand décalage entre les

locuteurs du régime et les dissidents, avec 48% et 10% respectivement. Dans Le

Figaro, le décalage est plus petit, avec 23% et 15%, tandis que pour l'Humanité les

taux sont égaux.

Une fois de plus le pourcentage d'intellectuels invités à exprimer leurs avis sur la

situation en Grèce est très faible.

0 1 2 3 4 5 6 7 8

5

7

1 0

8

1 1 0 0 0

3

0

4 4

0 0

5

0 0 1

0 0 0

7

0

4

2 1

2 3

0 1

0 0 0 1

0 0

Statut de TH, 15-30 Novembre 1973

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105

La supériorité apparente des déclarations des politiciens semble s’affaiblir dans la

période des événements de l’Ecole Polytechnique. Les locuteurs apolitiques touchent

un taux de 50% dans Le Monde, 38% dans le Figaro, et 64% dans L'Humanité.

Cependant, considérant la composition d'une dictature comme celle en Grèce, où les

militaires avaient pris des positions politiques et s’exprimaient comme des

représentants politiques, un grand pourcentage des militaires du régime faisant des

déclarations pourrait également être considéré comme une représentation politique.

Dans ce cas, le taux de 31% du Monde, de 24% du Figaro et de 14% de l'Humanité

des déclarations des militaires qui occupaient des postes politiques pourraient

éventuellement être comptés comme des déclarations politiques. Ainsi, le pourcentage

de déclarations politiques arriverait aux niveaux standards. La différence se trouverait

dans les nombreuses déclarations faites par les militaires, à cause de l'opération

militaire contre les insurgés.

Parmi ces personnes, Le Monde présente avec un pourcentage de 54% des locuteurs

du régime et de 31% des dissidents, Le Figaro 43% et 24%, et l'Humanité 57% et

14% respectivement. La différence observée pour la période des événements de

Novembre '73 se trouve dans l'importance accordée aux déclarations des citoyens

pour des événements. Avec 12% pour Le Monde et 7% pour l'Humanité, Le Figaro

bat le record avec 33% des déclarations appartenant aux citoyens. L '« oeil

humanitaire » du Figaro sur les événements résulte des reportages de Harry Gerson et

Huguette Debaisieux. En revanche, l'Humanité adhère à la dimension internationale

des événements, ainsi lors du coup d’état, 29% des déclarations sur les évènements

proviennent de Français et d’étrangers.

Page 106: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

106

La carte des intervenants lors des événements de juillet montre que le pourcentage d’

hommes politiques est à nouveau le plus élevé avec76% dans Le Monde, 82% dans Le

Figaro et 83% dans l’Humanité. Cependant, les événements ayant lieu

principalement dans un autre pays, augmente considérablement les déclarations des

acteurs étrangers, en particulier de Turquie et de Chypre. Quand le thème devient plus

international et l'ONU est impliquée, ce chiffre augmente.

L’Humanité, selon sa pratique de lier les enjeux internationaux avec la scène politique

française, est le seul journal à accueillir des opinions d’hommes politiques français.

Les intervenants sont pour la plupart des politiciens du PCF, à l'exception du

président Valéry Giscard d'Estaing et Jean Sauvagnargues, Ministre des Affaires

Etrangères.

Avec l'effondrement du régime, l'équilibre entre les déclarations des personnes du

régime et des dissidents se bouleverse. Pour la première fois dans les trois journaux,

les représentants de la résistance au régime prévalent par35% dans Le Monde, 25%

dans le Figaro et 34% dans l’Humanité, versus 9%, 5% et 5% pour les représentants

du régime. La légitimation ou non d’un régime résulte à la prolifération de la

promotion de ses représentants indépendamment de sa nature, avec des différences

mineures pour les trois journaux.

0 5

10 15 20 25 30 35

5

20

35

0 2 0 0

8

0 0 1

8

0 1

10

25

0 1 0 0 1 0 0 2 3 1 2

20

35

6 2 1 0

5 1 0 1 3

0

Statut des TH, 15-31 Juillet 1974

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107

Conclusions:

Ces données confirment le caractère « personnifiant » des nouvelles. Ainsi, selon la

théorie de Becker pour la « hiérarchie de crédibilité »138, il est plus probable que ceux

qui occupent des positions hiérarchiques « élevées » expriment leurs opinions sur

des sujets conflictuels, car étant donné leur « haute position » au sein de la société, ces

« portes-paroles » donnent ainsi l’impression d’avoir accès à plus d’informations et

donc plus de crédibilité que le reste de la population.

En outre, puisqu’il s’agit de nouvelles internationales, pour lesquelles les sources

d'information sont limitées, les journalistes des trois journaux font appel à des

personnes-clés pour exprimer leurs opinions, avis enracinés et probablement prévus.

Les citoyens sont alors sous-représentés, tandis que les politiciens sont surreprésentés

au détriment par exemple d’autres acteurs de la société, comme les intellectuels.

Parmi les trois journaux, le Monde est celui qui donne la parole au plus grand nombre

de catégories de personnes et qui se concentre moins sur les hommes politiques, bien

que les différences soient minimes.

L'importance des déclarations des politiciens, cependant, peut décliner selon le sujet.

Sur des questions d’ « intérêt humain », telles que la répression de la révolte

d'Athènes, les citoyens sont plus souvent invités à faire des déclarations que pendant

d'autres événements, car cela contribue à dramatiser le thème.

En outre, «l'internationalisation» ou non d’une affaire n'est pas du même ordre pour

les trois journaux. Outre les événements du Conseil de l'Europe et à Chypre, où les

trois journaux font appel aux représentants politiques à l'étranger, le coup d'Etat et les

événements de novembre sont traités comme des questions internes par Le Figaro,

contrairement à Le Monde et l’Humanité. Ce dernier tend à accueillir les déclarations

des hommes politiques français sur toute question en Grèce, puisque comme journal

partisan, il constitue une tribune pour les membres de son parti politique.

Concernant les pourcentages de déclarations par les représentants du régime et les

représentants de la résistance au régime, les moyennes des trois journaux semblent

être remarquablement proche, avec un taux de 36%, 34% et 35% de « l’espace » du

Monde, du Figaro et de l’Humanité consacré aux locuteurs du régime et un taux de

138

Becker, H., Whose side are we on?, op.cit., p. 239-247

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108

25%, 21% et 28% respectivement que l’on consacre aux intervenants résistants au

régime. Ce fait peut être expliqué par Tuchman139, en raison de l'utilisation de

techniques qui comprennent la « présentation de toutes les possibilités », ou de la

confirmation que l'interprétation de la vérité d’une partie est équilibrée par d'autres

interprétations différentes

En d'autres termes, les journalistes soutiennent l'objectivité en présentant tout ce que

les gens disent de toute part, même si leur légitimité est controversée. Cependant,

jusqu'en juillet 1974, on retrouverait au sein des trois journaux plus de références et

interlocuteurs de personnes provenant du régime politique en place, et ce, en grande

supériorité par rapport aux autres. Ceci a cependant été bouleversé quand le régime a

basculé . Par conséquent, la légitimité ou non d’un régime conduit à une prolifération

de déclarations faites par ses représentants. Selon l’analyse de Grant140 concernant les

sources de médias, un des critères servant à déterminer si une source est

« marginalisée » ou « en réseau » serait la légitimation du régime qu’il/elle représente,

et ceci ne varie pas seulement en fonction des journaux mais aussi au cours du temps.

d) Le type de discours / tonalité des locuteurs envers le régime / la

résistance au régime

Avril 1967

Lors les événements du coup d’état, le type de discours caractérisant les locuteurs ci-

dessus est surtout émotionnel / évaluatif pour tous les trois journaux. Avec 65% dans

Le Monde, 74% dans Le Figaro et 53% dans l’Humanité, les locuteurs semblent

« rajouter » des émotions pour des journaux, car le type de discours utilisé le plus

souvent par les journaux est celui du « neutre / descriptif ». Les principaux acteurs

portant le discours émotionnel aux les trois journaux sont les politiciens et les

représentants de l'armée, et dans le cas de l’Humanité, le discours stimulant est

exprimé principalement par les politiciens français du PCF, comme Jacques Duclos.

139 Tuchman, G., Objectivity as a Strategic Ritual, op.cit., p. 660- 679 140

Grant, W., Pressure Groups Politics and Democracy, Hemel, Hempstead, 1990

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109

La tonalite envers le régime reflète le nombre des locuteurs / représentants du régime

ou de la résistance analysés précédemment. Avec 27% dans Le Monde, 42% dans Le

Figaro et seulement 15% dans l’Humanité des déclarations qui appuient le régime,

s’opposent 35%, 5% et 50% qui s’en expriment négativement. Nous pourrions donc

en conclure que l’attitude de chaque journal envers le régime se reflète aussi dans le

discours des locuteurs qu’ils ont invités à s’exprimer au sein de leurs pages. Le Monde

maintient un équilibre, qui « penche » en faveur de l'opposition au régime, l'attitude

de l’Humanité est clairement négative et celle du Figaro est beaucoup plus positive

que les deux autres.

Et de la même façon se repartissent les pourcentages de tonalité positif envers la

résistance au régime. Le Monde avec 19% de tonalité positive et 23% négative,

maintient « l’équilibre» en donnant toutefois la parole à un peu plus de locuteurs

s’opposant au régime. Le Figaro augmente considérablement ce décalage, ayant une

position plus claire contre la résistance au régime, dont seulement 11% sont exprimés

de façon positive, contre 47% de façon négative. Au contraire, l’Humanité, avec 44%

s’exprimant positivement pour la résistance au régime et avec seulement 12%

négativement, indique ainsi clairement sa position.

Généralement, les journaux préfèrent garder une attitude neutre envers les locuteurs

accueillis au sein de leurs pages, ils ne donnent pas leur point de vue suite aux

déclarations de certains locuteurs, déclarations présentes au sein de leur journal. Or,

ils existent certaines exceptions : Le 25/04 Le Monde s'oppose à une déclaration du

membre du PCF Waldeck Rochet, qui demandait à Georges Pompidou de ne pas

reconnaître le nouveau régime, en soulignant qu’il ne devrait pas être dans les

« compétences » attribuées à un gouvernement de reconnaître ou non les autres

gouvernements étrangers. Le Monde accuse alors le politicien de « populisme ». Le

Figaro le 25/04 est tombé dans le « piège » en reproduisant une déclaration fausse

d'Andreas Papandreou, alors qu'il s’agissait d’une propagande faite par la junte.

Selon cette déclaration, Papandréou aurait « appelé le peuple à détruire la ville pour

éviter de tomber dans les mains de dictateurs » et le journal l’attaque alors

verbalement, le qualifiant « d'extrême gauchiste ». Par ailleurs, Le Figaro paraît

positif envers une déclaration du roi Constantin le 28/04, qui soulignant une fois de

plus son soutien au jeune roi. L’Humanité le 29/04 « s’attaque » à Stylianos Pattakos,

à cause de sa déclaration sur le sort de Manolis Glezos, le qualifiant d’ «hypocrite».

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110

Décembre 1969

En ce qui concerne les événements de décembre 1969, il n’existe pas un type de

discours caractérisant les locuteurs des trois journaux. Dans Le Monde, le type de

discours des locuteurs est principalement émotionnel / évaluatif, avec 81%. Le seul

moment où le discours stimulant est utilisé est par le penseur Français Maurice

Drouon le 12/12. Cependant, dans Le Figaro les discours émotionnels et descriptifs

sont partagés, avec les mêmes pourcentages, 46%. Toujours dans Le Figaro, le

discours stimulant est utilisée une seule fois par un intellectuel Français, Dens

Langlois. Le peu de locuteurs de l’Humanité utilisent les quatre discours avec des

taux relativement équivalents.

Leur tonalite utilisée envers le régime, cependant, ne reflète pas les taux de locuteurs

qui sont supporteurs du régime et des dissidents. Même si Le Monde a une écrasante

majorité de locuteurs du régime (48%), la tonalité en faveur du régime y est

cependant absente. Ceci est expliqué par le fait que le principal locuteur du régime,

Panayiotis Pipinelis, évite de soutenir ouvertement le régime dans la lutte

diplomatique. En revanche, alors que le pourcentage de locuteurs dissidents ne

surpasse pas 10%, la tonalité contre le régime dans Le Monde atteint 43%. De même,

dans le cas du Figaro, 23% des locuteurs du régime « disparaissent » du pourcentage

de tonalité négative et ne reste que 15% de déclarations contre le régime, soit égal au

pourcentage de locuteurs dissidents. Quant aux orateurs de l’Humanité, le même

phénomène s’observe. Seul George Papadopoulos s’exprime positivement pour le

régime, tandis que, le reste des intervenants « s’attaquent » à la junte. Nous voyons

que durant les événements de décembre, les journaux prétendent éviter des

déclarations positives sur la dictature, même s'il vient des locuteurs externes.

En ce qui concerne la tonalité des orateurs envers la résistance au régime, les taux ne

restent pas si majoritairement en faveur de la résistance. Le Monde, avec 25% en

faveur et 19% contre la résistance, garde le même équilibre, même si la balance

« penche » en faveur de la résistance. Dans Le Figaro, les pourcentages sont égaux, et

dans l’Humanité n’apparaît ni un commentaire négatif sur la résistance. Par contre,

avec 38% de locuteurs s’exprimant positivement pour la résistance au régime, le

journal indique clairement sa position.

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111

Durant cette période, le seul journal qui exprime un avis sur une déclaration de

locuteur, est le Figaro, faisant le 7 / 12 l’éloge à l'actrice et résistante grecque

Melina Mercouri. En revanche, le 9 / 12, le journaliste critique l'attitude de

l'ambassadeur Wilson, qui avait menacé d’expulser la Grèce si elle n’adopterait pas

des politiques plus libérales.

Novembre 1973

Pendant les événements de l’Ecole Polytechnique, le discours émotionnel / évaluatif

des locuteurs est dominant, avec 69% pour Le Monde, 71% pour le Figaro et 43%

pour l’Humanité. Le seul cas dans Le Monde où le discours stimulant est utilisé est

par le politicien de résistance Andréas Papandréou, invitant les Européens à

condamner les événements à Athènes, parlant de «2000 morts». Dans Le Figaro, le

discours stimulant est seulement utilisé par le militaire Ioannidis Bonanos et

l’Humanité, par Dimitrios Ioannides et Adamantios Androutsopoulos.

La tonalite négative contre le régime reflète l'exact pourcentage des locuteurs du

régime et de la résistance dans Le Monde, avec 34%. Il semble que l'ensemble des

locuteurs dissidents ne s’exprime pas contre le régime, mais un 31%. Dans Le

Figaro, les pourcentages sont légèrement inversés, avec 48% s’opposant au régime et

28% qui l’approuvent. Pour l’Humanité, ces taux sont égaux, malgré la grande

différence entre les locuteurs du régime et les dissidents.

En ce qui concerne la tonalite utilisée envers la résistance face au régime politique en

place, il existe un équilibre. Le Monde montre une « prépondérance » de déclarations

positives pour la résistance avec 11% contre 8%. Le Figaro montre un taux augmenté

de déclarations positives avec 18% contre 10%, ainsi que l’Humanité ne contient que

des commentaires positifs pour la résistance, avec 7%.

Durant cette période, les journalistes du journal Le Monde s’opposent trois fois aux

déclarations des locuteurs. Une fois à Spiros Markezinis, qu’il qualifia de

« mascarade » le 21/11, ainsi qu’à Dimitrios Ioannidis et Adamantios

Androutsopoulos. Par contre, le journal soutient les déclarations de Panagiotis

Canellopoulos le 29/11. L’Humanité aussi s’exprime contre Spiros Markezinis, le

19/11.

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112

Juillet 1974

Les événements de Juillet et la chute de la junte ne change pas le taux de discours

émotionnel / évaluatif. Avec 61%, 68% et 54% pour Le Monde, Le Figaro et

l’Humanité respectivement, ce type de discours reste dominant. Le taux aussi de

discours stimulant augmente, la majorité provenant des déclarations du président

expatrié de Chypre, Makarios, qui invite les pays du monde à prendre place contre le

coup d'Etat à Chypre.

Avec l'effondrement du régime s'effondrent aussi les pourcentages de locuteurs qui

sont en sa faveur. Seuls des critiques négatives envers de la junte sont exposées,

même avant son effondrement, chronique d’un fin déjà attendue. Dans Le Monde,

même les critiques « positives » envers le régime proviennent de l’homme politique

résistant Evangelos Averof, qui « félicite » le régime de sa décision d'inviter M.

Caramanlis, c’est-à-dire de céder le pouvoir à la démocratie. Dans l’Humanité, les

seuls commentaires positifs proviennent de déclarations des membres « durs » du

régime.

De même, l'équilibre se bouleverse en ce qui concerne les déclarations des locuteurs

envers la résistance contre le régime. Désormais ils n’apparaissent que des jugements

positifs des locuteurs dans les trois journaux, avec des taux de 33%, 25% et 26%.

Enfin, le seul journal se retournant contre un locuteur est l’Humanité qui, le 25/07

dans son éditorial signe « Les amis de la liberté et les autres » gibe dénonçant

« l’hypocrisie » de la position du président Français Giscard d'Estaing, qui avait

félicité la Grèce pour le renversement du régime malgré le fait qu’il « ait soutenu le

régime pendant toutes les années ». Le journal n'est plus directement impliqué en ce

qui concerne la dictature grecque et se concentre sur son rôle d'opposition

gouvernementale.

Conclusions:

L’analyse du type de discours et de la tonalité utilisée par les locuteurs invités à

s’exprimer dans les trois journaux nous a permis de mettre en valeur des résultats très

intéressants. En effet, il devient clair que le type de discours le plus souvent utilisé par

les locuteurs est l'émotionnel / évaluatif, par opposition au neutre / descriptif que les

trois journaux avaient tendance à utiliser pour décrire les événements.

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113

Pour Le Figaro, le taux de discours émotionnel / évaluatif utilisé par les locuteurs

reste constant (autour de 16%) pour les quatre périodes étudiées, et est presque à

chaque fois équivalent au pourcentage du discours neutre / descriptif du journal. Le

Figaro «équilibre» les taux de discours qu’il utilise. Les journaux remédient à la

manque d’émotion d’un discours neutre/descriptif en utilisant le même pourcentage

de discours émotionnel/évaluatif par les locuteurs. De cette manière, d’une part le

journal maintient un « caractère strictement informatif et non engagé », mais d’autre

part comble l'écart de l’ « intérêt humain » dans les paroles des locuteurs qu’il

accueille. Des tactiques similaires sont appliquées par l’Humanité. Le taux

d'utilisation du discours émotionnel / évaluatif par les locuteurs est équivalent au taux

de parole neutre / descriptifs utilisé par le journal, avec seulement un écart de 10% en

Novembre '73, en faveur de la neutralité. Le Monde a aussi tendance à utiliser cette

tactique, mais avec des différences plus importantes en faveur du discours neutre.

Ceci peut être expliqué par l'adhésion plus stricte du journal Le Monde à son rôle

informatif.

En ce qui concerne la tonalite des locuteurs choisis par le journal, le pourcentage des

locuteurs appartenant au régime / des dissidents le plus souvent n’affecte pas le

pourcentage des critiques positives ou négatives émises sur le régime. Cela montre

que la « ligne » des journaux n'est pas influencée dans sa totalité par les déclarations

des locuteurs, même si en apparence ils devraient exprimer des opinions différentes.

Or, leur choix et aussi le choix des déclarations, qui vont être publiées par la totalité

de leurs déclarations, sont guidés afin de ne pas s'écarter de manière significative de la

« ligne » du journal sur un sujet. Par conséquent, il existe des cas où des journaux sont

nettement défavorables au régime, même-si le pourcentage de locuteurs du régime est

élevé, et étonnamment, la proportion de critiques négatives apparaissent élevées et les

critiques positives « basses », comme pendant les événements de décembre, par

exemple. Avec l'effondrement du régime, les critiques positives s’effondrent aussi.

Cette conclusion découle aussi de la tonalité des locuteurs pour la résistance au

régime. Ces taux varient indépendamment du pourcentage de locuteurs du régime /

dissidents, et presque toujours cela reflète l'attitude du journal vers la résistance

grecque pour une période donnée.

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114

Enfin, l'attitude des journaux envers les locuteurs est presque toujours neutre, à

l'exception de cas particulières qui ne dépassent pas 2% du total, dans lesquels le

journaliste choisit soit d'attaquer verbalement, soit de soutenir un locuteur, renforçant

ainsi la ligne du journal.

C. Nombre/tonalité de références

a) Nombre / Fréquence de références aux personnes

Durant La période suivant le coup d’état, la personne la plus fréquemment

mentionnée dans les journaux Le Monde et Le Figaro est le roi Constantin, avec peu

de différence. Cependant, Le Monde sur trois articles, deux reportages de Maurice

Denuzière le 26 et 28 avril et le fameux article de Raymond Aron, critique l'attitude

du roi. Or, cette proportion est négligeable (8%) par rapport à la neutralité maintenue

généralement. Par contre, dans Le Figaro, 32% des références au roi sont positives,

avec un seul rapport négatif venant du célèbre article de Raymond Aron. Le Figaro

affirme clairement dès le départ son soutien au jeune roi, qu'il considère comme une

« garantie » de la légitimité. Par conséquent, son attitude envers le régime change

selon celle du roi. L'analyse de Jean-François Chauvel quatre jours seulement après le

coup d'Etat, reflète cette attitude, où le roi est présenté comme une voix libérale au

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Références aux personnes, 20-30 Avril 1967

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milieu d'un état déchiré par les communistes et les droitistes extrêmes, négligeant de

mentionner son implication dans la crise gouvernementale récente. En ce qui concerne

l’Humanité, le pourcentage des références sur roi est nettement moindre, et 42%

constitue des critiques négatifs, le considérant comme complice au coup de force.

Cette attitude de l’Humanité se manifeste clairement dès le début et reste inchangée

pendant toute la période étudiée.

D’importantes références apparaissent également dans les trois journaux à George et

Andréas Papandréou, qui sont présentés beaucoup plus que d'autres dirigeants

politiques comme Panagiotis Canellopoulos et Constantin Caramanlis. Cette

différence est largement dérivée des conditions épisodiques de l’arrestation d'Andreas

Papandreou, qui a été forcé de se rendre car on menaçait la vie de son fils. Les appels

de sa femme, une citoyenne américaine, qui se plaignait que son mari avait été

maltraité lors de son arrestation, ont attiré l'attention du Monde, qui dans 12% des

rapports est compatissant à son égard , comparé à seulement 9% des critiques positifs

pour George Papandréou. Le Figaro, cependant, alors qu’il s'engage le 26/04 avec

l'article « un appel de Mme Andréas Papandréou en faveur de son mari, malade et

gravement blessé lors de son arrestation », évite les critiques positives envers lui et se

limite à aspect humain de son cas. Au contraire, il inflige par 8% de son action

politique, et inclut de fausses déclarations, produit de propagande de la junte. Le

journal maintient la même attitude envers George Papandreou, alors qu’il avait été

envisagé avec sympathie humanitaire dans l'article du 29/04 « Tragique et dérisoire

démonstration à Athènes. Georges Papandréou « montre » à plus de cent journalistes

dans la chambre de l'hôpital où il est retenu prisonnier ». Or, il évite soigneusement

toute critique envers lui ou envers ses ravisseurs. L’Humanité, en désaccord avec sa

politique antérieure, mais aussi en désaccord avec la junte préfère de rester neutre

dans toutes les références aux anciens politiciens.

Concernant les nouveaux leaders, le « protagoniste » dans Le Monde et Le Figaro

devient le Premier ministre Kollias, qui est considéré comme la personne la plus

importante de la dictature, puisqu’il est le plus exposé. L’Humanité donne plus

d'attention à George Papadopoulos, leader réel du putsch, une tactique qui est suivie

par la suite par les deux autres journaux. En ce qui concerne la tonalité des références,

Le Monde et Figaro préfèrent la neutralité, en dehors de quelques rapports négatifs

Page 116: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

116

pour Kollias dans le sujet central d'Eric Rouleau le 23 / 4 « Présidé par M. Kolias le

nouveau gouvernement grec comprend de nombreux officiers ». Par contre,

l’Humanité attaque verbalement avec les pourcentages 67% et 50% Papadopoulos et

Pattakos. Il est notable qu’après la première conférence de presse de Papadopoulos,

comparant la Grèce à un « patient » et le régime à un « médecin »141, Le Monde et

l’Humanité ont utilisé des phraséologies ironiques, tandis que Le Figaro non.

Enfin, la proportion de références aux personnes du régime et aux dissidents n’est pas

la même dans les trois journaux. Le Monde et Le Figaro font référence de façon

remarquablement égale aux régimes et aux dissidents, d'un ton neutre. L’Humanité

montre une nette différence en ce qui concerne les taux en faveur des dissidents et de

tonalité positive à 22%.

Lors des événements de décembre, dans Le Monde, les « protagonistes » des

références sont différentes personnes du régime, et surtout le ministre des Affaires

étrangères du régime, Panagiotis Pipinelis. Par contre, pour l’Humanité les

« protagonistes » sont des personnes dissidentes à lesquelles le journal consacre plus

de références que les deux autres journaux. Cependant, la tonalité des trois journaux

est généralement neutre à l'égard des personnes. Seulement Stylianos Pattakos est la

cible de critiques négatives par Le Monde et l’Humanité, avec des taux de 34% et 141

Voir citation n° 101

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10 7

2 1 0 0 0 0 1 0 0 0 0

9

35

Références aux personnes,

1-15 Décembre 1969

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117

100% respectivement, après ses déclarations sur le Conseil de l'Europe. Le

personnage principal de la période précédente, le roi, a presque disparu des nouvelles,

après s’être échappé du pays et avoir disparu de la scène politique grecque.

Lors des événements de novembre 1973, une grande visibilité est donnée à la

personne de George Papadopoulos par les trois journaux, puisque son rôle en tant que

chef du gouvernement s’avère clair à ce moment. Le Monde se montre le plus

virulent envers lui, avec 39% de tous les rapports négatifs, comparativement à 33% du

Figaro, et seulement 7% de l’Humanité.

Après le changement de gouvernement, le nouveau « protagoniste » de la scène

politique n’est pas tout de suite le brigadier Ioannidis, mais Phaidon Gizikis, le

Premier ministre. L'habitude d’Ioannidis de gouverner en « coulisses », trompe les

journaux qui ne le présentent comme le véritable protagoniste qu’après quelques

jours. Ce n’est pas une coïncidence que le taux de 40% des critiques négatives

contenues dans Le Monde sur Ioannidis viennent de l'article de Richard Someritis le

29/11 intitulé: « Le général Ioannidis : un fanatique de la puissance ». L’Humanité fait

très peu de références sur lui avec 34% s’y opposant. L’attitude du Figaro surprend en

accueillant les nouveaux leaders comme des libérateurs, avec 56% d'avis favorables

pour Ioannidis. Le chef de la police militaire est présenté par le journal comme un

militant très dur, mais aussi très honnête, venu mettre un terme à l'impunité de

Papadopoulos. Plusieurs fois Le Figaro le compare à « un nouvel Saint-Juste ». Cette

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0 0 3 9 13 12

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25 36

Références aux personnes, 15-30 Novembre 1973

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118

attitude du Figaro est maintenue aussi envers Ghizikis, auquel les deux autres

journaux présentent une certaine méfiance.

Parmi les personnalités politiques de la résistance, après la mort de Georges

Papandréou, plusieurs références se font sur Constantin Caramanlis et Panagiotis

Canellopoulos par Le Monde et Le Figaro, contrairement à l’Humanité, qui préfère se

référer aux personnes de la gauche. Ces références sont d’habitude neutres, sauf pour

certains positives dans Le Monde envers Panagiotis Canellopoulos. Concernant les

autres personnes de la résistance, aucun journal ne prend de positionnement, tandis

que les références de l’Humanité sont quantitativement plus élevées. Pour les

personnes du régime, l’Humanité prend une position négative avec 52%, tandis que

Le Monde semble plus modéré avec seulement15% des rapports négatifs.

Constantin Caramanlis apparaît « protagoniste » dans les événements de juillet, avec

des critiques positives d’un taux de 12% par Le Monde. Sa présence est nettement

plus prononcée que d'autres dirigeants politiques faisant de très faibles pourcentages.

La catégorie suivante étudiée ici concerne (les références sur ?) les personnes de la

résistance, qui, pour la première fois présentent plus de références que celles du

régime. Encore une fois, les taux de références dans les journaux l’Humanité et Le

Monde sont inhabituellement proches, malgré la différence d’ « espace » disponible.

Des questions sur l'avenir du royaume sont aussi posées, surtout par Le Monde et Le

Figaro.

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Références aux personnes, 15-31 Juillet,

1974

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En outre, Ioannidis est beaucoup plus mentionné, avec 25% de rapports négatifs pour

Le Monde, 50% pour l’Humanité et le Figaro continuant de garder une position

neutre. Or, généralement, les personnes du régime perdent leur intérêt dans les

journaux et ont de très faibles taux de références.

Conclusions:

Pour les différentes périodes étudiées, les trois journaux mettent l’accent sur

différents acteurs, en fonction des faits et du profil de chaque journal.

Les principaux « protagonistes » du régime durant la période suivant le coup d’état

sont le roi et Kollias pour Le Monde et Le Figaro. Mais tandis que le Figaro soutient

le roi, Le Monde se montre, plus sceptique. Par contre, l’Humanité dès le premier jour

traite le roi de complice, et présente comme chef du régime Georges Papadopoulos.

La figure dominante de Papadopoulos est devenue clair au cours des événements de

novembre 1973, en rassemblant la plupart des références pour les trois journaux.

Cependant, pendant les événements de décembre comme « protagoniste » émerge

Panagiotis Pipinelis.

Généralement, de nombreuses fois avant que les faits deviennent clairs et qu’il

s’affiche le rôle réel des dirigeants politiques, les journaux ont tendance à montrer

plus ceux qui font plus de déclarations, c'est-à-dire ceux qui sont plus exposés. Cela

conduit à une sous-estimation du rôle d’Ioannidis lors du coup d'Etat de novembre

1973 à cause de son habitude de rester en « coulisses », une pratique qui lui a donné

le surnom du « dictateur invisible». Le Figaro fait en fait la faute de le soutenir dans

une publication, et peut-être pour cela évite de le critiquer négativement au cours des

événements de Chypre, contrairement aux autres journaux.

En ce qui concerne les protagonistes des personnes dissidentes, George et Andréas

Papandréou ont plus de références pour la période après le coup d’état, tandis que les

références sur d'autres sont à un niveau constant. Le Monde et l’Humanité n’hésitent

pas à soutenir les politiciens, alors que le Figaro reproduit de fausses déclarations et

limite son intérêt sur l’aspect « humain » du sujet. Au fil des ans, plus d'attention est

concentrée sur la personne de Constantin Caramanlis, qui devient protagoniste

incontesté dans les événements de juillet, en « gagnant » des critiques positives.

Page 120: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

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Enfin, la proportion de références à des personnes du régime et aux dissidents n’est

pas la même dans les trois journaux. Le Monde et Le Figaro montrent des taux plus

élevés aux personnages du régime, tandis que l’Humanité aux dissidents. En ce qui

concerne la tonalité, conforme aux données actuelles quant à l'attitude des journaux.

L’Humanité s’attaque à des personnes du régime et exprime sa « sympathie » pour les

dissidents, Le Monde procède de la même façon mais avec des taux nettement plus

faibles, et Le Figaro préfère rester neutre.

b) Nombre / Fréquence de références à des mots

« Fascisme » > « Tyrannie » > « Dictature » > « Junte » > « Pseudo- » >

« Régime » > « Gouvernement », « Ministre»

Parmi les mots qui se référent à la nature du régime, pour la période suivant

immédiatement le coup d’état, pour Le Monde et Le Figaro, le mot le plus

fréquemment utilisé est «gouvernement», suivi par le mot «régime» pour Le Monde,

pour Le Figaro ce mot est équivalent à l’usage avec les mots plus « chargés »142. Les

mots « dictature » et « fascisme » sont aussi utilisées, avec très peu de différence

quant à la fréquence, tandis que le moins utilisé est le mot «junte» et «pseudo-» qui

n’existent pas du tout pour Le Figaro. Cependant, les journaux sont très prudents à

142

Nous emploierons l’expression « chargés » pour désigner le chargement émotionnel, positif ou négatif qui contient un mot.

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FASCISME

TYRANNIE

DICTATURE

JUNTE

PSEUDO-

REGIME

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0

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5

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157

14

75

77

Nombre de références

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121

l’idée d'utiliser des mots très chargés et la plupart d’eux soit sont mentionnés entre

guillemets, soit à travers les déclarations des locuteurs (Monde « dictature » 87%,

« junte » 55%, « fascisme » 89%. Le Figaro « fascisme » 100%). Par contre, quand il

s'agit de mots comme « régime » ou « gouvernement », presque toutes les références

proviennent des journaux eux-mêmes.

En revanche, l’Humanité ne cesse pas dès le premier instant de nommer « dictature

fasciste » le régime du 21 avril. Le mot «fascisme» est le plus répandu dans

l’Humanité, suivi de près par « gouvernement », « dictature », « junte », « régime », «

tyrannie ». Dans l’Humanité toutefois, les mots très chargés, ne sont pas prononcés

par des locuteurs ou entre guillemets, mais par les journalistes du journal eux-mêmes

(Humanité « dictature » 27%, « junte » 10%, « fascisme » 13%, « tyrannie » 50%, «

régime » 20%, « gouvernement » de 13%).

Pendant la lutte diplomatique pour le Conseil de l'Europe, Le Monde et Le Figaro de

nouveau utilisent le plus souvent le mot «gouvernement». Toutefois, pour Le Monde,

la supériorité nette de ce mot semble être inversée et le mot «régime» gagne du

terrain. Pour Le Figaro aussi, la fréquence d’utilisation du mot « junte » augmente,

qui se démarque des plus chargés, comme « dictature » et « fascisme ». Pour Le

Monde, les pourcentages d'utilisation de tels mots sont presque égaux, bien que 43%

semblent provenir des locuteurs. Pour Le Figaro, ces pourcentages sont encore plus

élevés: « fascisme » 100% et « dictature » 34%, sont prononcés de la part des

locuteurs.

L’Humanité insiste sur l'utilisation des mots plus chargés. Le mot «junte» est

l'indication la plus fréquente, suivis de « régime », « dictature », « fascisme », «

gouvernement », « tyrannie ». Exceptionnellement, la référence au mot «

gouvernement » par de tierces personnes est élevée, avec 57% du total, alors que ce

mot est utilisé en vain dans l’Humanité.

Pendant les événements de l’Ecole Polytechnique, l'utilisation du mot « gouvernement

» est égale à l'utilisation du mot « régime » pour Le Monde, tandis que pour Le Figaro

devient le mot le plus utilisé. Suivent avec des taux similaires dans les deux journaux

les mots « junte », « dictature », « fascisme » et « tyrannie ». Cependant, hormis le

mot « fascisme » qui se présente parfois entre guillemets, ou à travers des déclarations

des locuteurs (Monde : « junte » 8%, « fascisme » 100%. Figaro : « junte » 14%,

Page 122: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

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« fascisme » 50%) le reste des mots semblent être produits par le journal, révélant un

changement d'attitude. Toutefois, il est notable que même si Le Figaro, semble durcir

sa position envers la dictature, dans deux reportages d’Harry Gerson, le journaliste

utilise la phrase « la révolution du 21 avril » pour se référer au régime, sans

guillemets. Cette phrase a été à cette époque très fortement chargée en Grèce, de la

même façon dont le régime souhaiterait être nommé. L'adoption du terme par le

correspondant, nous prédispose sa position.

L’Humanité encore une fois se trouve dans la gamme des mots les plus « sévères »,

avec le mot « dictature » le plus fréquent avec une différence faible, suivie de près

par « junte », « régime », « gouvernement », « fascisme » et « pseudo- ». La grande

majorité des mots viennent de journalistes du journal.

Lors de la chute de la dictature, les mots « gouvernement », « régime » et « junte »

sont utilisés par Le Monde, suivis de près par les mots « dictature », « fascisme », «

tyrannie » et « pseudo- ». Le Figaro insiste un peu plus à utiliser le mot «

gouvernement », mais suivent de près les mots « régime », « junte » et « dictature ».

Cependant, les journaux semblent encore très modérés en tant que caractérisations

dures car avec de grands pourcentages les mots chargés sont utilisés par des locuteurs,

ou entre guillemets. (Monde: « junte » 38%, « dictature » 35%, « fascisme » 83%.

Figaro: « junte » 42%, « dictature » 71%)

L’Humanité avec la chute de la dictature « attaque » encore plus fortement le régime,

le mot «junte» prédominant, suivi par les mots « dictature », « fascisme », « régime »,

«gouvernement» «pseudo -». Cependant, beaucoup de ces mots sont produits par des

locuteurs du journal (27% « junte », 28% « fascisme », 42% « dictature », 42% «

gouvernement », 27% « régime »).

Page 123: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

123

« Coup d’état », « Loi martiale », « Censure », « Violence », « Torture », « Exil »,

« Libéralisation/Normalisation », « Répression »

Parmi les mots qui font référence aux pratiques employées par le régime

immédiatement après le coup d'Etat, le mot le plus fréquemment utilisé par les trois

journaux est « coup d’état», avec une différence assez grande. Ensuite, il y a une

convergence entre Le Monde et l’Humanité avec des références aux pratiques du

régime comme « répression » et « censure ». Le journal Le Monde renvoie à la « loi

martiale », mais les deux journaux font des références très limitées à la « torture », la

« violence », l' « exil ». Par contre Le Figaro, sauf une référence à la « censure » et l'

« exil », n’utilise pas d’autres mots. Nous noterons que dans les trois journaux la

plupart des références proviennent de ses propres journalistes.

Pour les événements de décembre, cependant, la fréquence et le nombre de références

est croissante. Encore une fois, Le Monde et l’Humanité sont proches au nombre de

variables qui indiquent, car en dehors du « coup d’état », ils parlent en ordre de

fréquence sur la « torture », la « libéralisation », la « censure », la « loi martiale »,

l' « exil », la « répression » et la « violence », à savoir toutes les variables. Le Monde

excelle quant au nombre de références, mais l’Humanité suit de près. Le Figaro

semble modifier légèrement sa position, se référant par ordre de fréquence au « coup

d’état », à la « libéralisation », la « torture » et la « loi martiale ». Cependant, le fait

qu'il repose sur les promesses de la « libéralisation » et la levée de la « loi martiale »

par rapport à la « torture », qui constituait l'accusation principale de la Grèce, atténue

0 50 100 150 200 250

COUP D'ETAT

LOI MARTIALE

CENSURE

VIOLENCE

TORTURE

EXIL

LIBERALISATION

REPRESSION

203

29

26

11

23

24

30

23

84

27

11

7

3

17

25

5

108

10

14

7

26

10

13

20

Nombre de références

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124

au niveau sémantique la position du journal. La différence dans l'attitude de ce journal

aussi par le traitement du mot « libéralisation ». Dans Le Monde, des 9 références sur

la « libéralisation » 5 sont effectuées par des locuteurs (et dont une entre guillemets),

dans l’Humanité 4 sur 5 références aussi proviennent des intervenants, mais dans le

Figaro, seulement une des références ne provient pas de journalistes du Figaro.

Pendant les événements de l'Ecole Polytechnique et du contre- coup d’Ioannidis, le

mot «coup d’état» est à nouveau le plus populaire dans les trois journaux. Pour Le

Monde et Le Figaro, ils suivent par fréquence, l’imposition de la « loi martiale » et les

efforts de « libéralisation » de Papadopoulos. Particulièrement pour Le Figaro, la

tentative de « libéralisation » se prouve très importante et les références sont plus

fréquentes que dans les deux autres journaux.

Or, il est la première fois que Le Figaro fait référence à des pratiques répressives du

régime, en insistant sur la « censure », la « violence », l' « exil » et la « répression ».

Le seul mot auquel le journal n’attribue pas de référence est la « torture ». Pour Le

Monde, la « censure » et la « répression » sont assez mentionnées, et suivies, avec des

taux plus bas, des autres variables.

L’Humanité diversifie son attitude, puisque pendant les événements de l’Ecole

Polytechnique, la « répression » et la « loi martiale » semblent avoir plus de

références que l'effort de « libéralisation », qui est caractérisée comme fraude. Ceci

est souligné par l’utilisation de guillemets chaque fois que le journal se réfère à cette

politique, avec un pourcentage de 67%. Ils suivent par des taux élevés toutes les

autres variables, parmi lesquelles la plus importante est la « torture », car Démétrios

Ioannidis, le nouveau dictateur, était en charge du corps d’armée avec plusieurs

pratiques de torture, de la police militaire (ESA).

Enfin, la période de Juillet 1974, à l'exception des références sur le « coup d’état »,

qui sont stables pour Le Monde et Le Figaro, certaines variables augmentent

fortement leur fréquence. Pour les trois journaux, l’ «exil» est la deuxième variable la

plus courante, se référant au nouveau Premier ministre, Constantin Caramanlis, qui a

été pendant quinze ans en exil à Paris. Puis, l’Humanité et Le Monde insistent

beaucoup sur le terme « torture », qui est souvent mentionné par les prisonniers

politiques libérés. Par contre, Le Figaro n’y fait presque aucune mention. Les autres

variables ont des taux similaires pour les trois journaux.

Page 125: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

125

« Communisme/Anarchisme », « Etudiants », « Opposition », « Resistance »

Parmi les mots qui se réfèrent à la nature de la résistance au régime, le plus

couramment utilisé par Le Monde et Le Figaro est «l'opposition». Ensuite, Le Monde

se réfère au « mouvement étudiant » et au danger « communiste » revendiqué par le

régime, et avec un très faible pourcentage le quotidien se réfère aux dissidents du

régime, par le mot « résistance ». Le Figaro se concentre sur le danger

« communiste » qui, contrairement à Le Monde, le croit comme réel le lendemain du

coup d'Etat. Par contre, l’Humanité n’accepte pas du tout le danger « communiste »,

et parmi ses 13 références, 6 sont entre guillemets. Il présente ceux qui s'opposent à

ce régime avec le mot « résistance », terme chargée positivement pour le passé récent

de France, et met l'accent sur l'existence du mouvement « étudiant ». Pour

l’Humanité, les opposants au régime ne constituent pas une «opposition » parce qu’il

n’accepte tout simplement pas la junte comme «gouvernement».

Durant les événements de décembre, Le Monde insiste beaucoup sur les

« communistes », mais se réfère à eux plus comme victimes que comme agresseurs.

De plus, il appelle les dissidents au régime « opposition » et se réfère au mouvement

« étudiant ». Le Figaro, cependant, insiste plus sur les « communistes » comme une

source de résistance au régime, tandis que l’Humanité partage ses références entre les

« communistes » et la « résistance ». En général, ils n’existent pas de nombreuses

références aux dissidents au régime pendant la période de décembre 1969, car le

principal accusé est le régime.

0 20 40 60 80 100

COMMUNISME/ANARCHISME

ETUDIANTS

OPPOSITION

RESISTANCE

92

95

61

9

29

68

31

0

37

63

3

19

Nombre de références

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126

Lors du soulèvement de l'Ecole Polytechnique, la majorité des références concerne le

terme « étudiants ». Les trois journaux donnent une grande importance au mouvement

« étudiant », avec seul l’Humanité se réfère à la «résistance nationale». Pour Le

Monde et Le Figaro, le terme «opposition» est plus approprié, avec lequel

l’Humanité n’est pas d’accord. Aussi, le fait que les pourcentages de références aux

« communistes » sont à peu près égaux, ne signifie pas qu’ils soient employés avec le

même ton dans les trois journaux. Environ 60% des références aux communistes dans

l’Humanité se trouvent entre guillemets, donnant un ton ironique. Un grand

pourcentage du mot « communisme » se trouve entre guillemets dans Le Monde aussi

(40%). Par contre, dans le Figaro la plus grande proportion de cette référence

provient de journalistes du quotidien lui-même. Le Figaro, même s’il semblait avoir

exclu les revendications de la dictature pour le « danger communiste » au fil du

temps, les incidents à l'école polytechnique semblent raviver la théorie.

Durant la chute de la junte, Le Monde et l’Humanité mentionnent très souvent le

mouvement « communiste ». Les deux journaux s'interrogent sur l'ampleur de la

« libéralisation », tandis que les communistes sont pour l’Humanité le facteur-clé de

la chute du régime. Comme facteur important est aussi considéré les « étudiants »

pour les trois journaux. Tous font référence à des événements de l’Ecole

Polytechnique, tandis que pour Le Figaro, le mouvement « étudiant » est la référence

la plus fréquente aux opposants au régime. Enfin, il existe un équilibre intéressant : le

nombre de références à l’ « opposition » du Monde et Le Figaro est égal au nombre

de références du mot «résistance» dans l’Humanité. En considérant le fait que

l’Humanité n’ait aucune référence sur le mot «opposition » et que Le Monde et Le

Figaro n’en aient aucune pour le mot « résistance », nous concluons que la

désignation modérée « opposition » est utilisée par les deux journaux quand

l’Humanité utilise le terme plus radical « résistance ».

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127

« Manifestation », « Mouvement », « Révolte », « Émeute », « Solidarité »

Parmi les mots qui font référence à des pratiques liées à la résistance au régime,

« manifestation » est mot le plus couramment utilisé pour les trois journaux en avril

1967. Ensuite, Le Monde et l’Humanité parlent du besoin de « solidarité » avec la

Grèce, dans lequel Figaro ne semble pas attacher une importance significative. Nous

observons que la seule fois où une référence au terme «solidarité» est faite est dans

l'article de Raymond Aron, qui n'est pas un « employé » du journal. Au contraire,

pour l’Humanité, le peuple grec fait de petites « révoltes » tous les jours, préparant la

grande qui irait renverser le régime, une hypothèse cependant pas partagée par les

autres journaux. Cependant, même l’Humanité, sachant le risque que peut encourir de

fausses déclarations choisit d'être très attentif : le mot « révolte » n’est articulé que par

des locuteurs.

Le mois de décembre semble être assez « pauvre » en référence à des pratiques

inscrites dans la résistance au régime. Le Figaro n’a aucune référence, tandis que Le

Monde et l’Humanité se limitent à quelques références sur la « solidarité » qui devrait

montrer le reste du monde en Grèce et à un « mouvement » de résistance qui souffre

de « répression ». Le Monde fait également référence à un certain nombre de «

manifestations » réprimées par la police.

Novembre '73 est la période avec le plus de références en rapport avec les pratiques

de résistance, depuis les événements de l’Ecole Polytechnique. Dans les trois

journaux, le terme « manifestation » est mentionné plus souvent, tandis qu’au fil du

0 20 40 60 80 100

MANIFESTATION

MOUVEMENT

REVOLTE

EMMEUTES

SOLIDARITE

97

14

5

4

15

35

15

15

8

1

68

10

5

2

47

Nombre de références

Page 128: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

128

temps ils donnent des significations différentes aux différentes pratiques. Le Monde

parle prudemment d'un « mouvement », souligné aussi par Le Figaro, contrairement

à son habitude. Le Figaro affirme plus fortement que tous les faits de l’Ecole

Polytechnique ont été une « révolte ». Or, il reste le seul journal qui dénomme les

participants d’« émetteurs ». Nous voyons donc que Le Figaro garde une attitude

assez ambiguë. Parmi les trois journaux, celui qui insiste davantage sur la nécessité de

la « solidarité » est l’Humanité, qui convertit presque ses articles en manifeste. Le

Monde, préfère une approche assez prudente, faisant des références prudentes et

limitées en ce qui concerne toutes les variables.

Enfin, pour la période de Juillet, le mot « manifestation » attire une fois de plus

l’attention des trois journaux et particulièrement de l’Humanité. L’Humanité surpasse

généralement le nombre de références des deux autres journaux pour cette période,

bien que son espace soit plus limité. Il fait de longs reportages sur le « mouvement »

considérable qui existait, ainsi que sur la « solidarité », en allouant des responsabilités

à ceux qui n'en ont pas montrées, comme le gouvernement français.

Conclusions:

Le langage utilisé par les trois documents reflète fortement leur attitude envers la

dictature et la résistance à la dictature, ce qui est d’autant plus mis en valeur par la

tonalité utilisée.

Le journal Le Monde, tandis qu’il insiste dans un premier temps sur l’utilisation du

terme «gouvernement» ou «régime», les mots les plus « chargés » n’étant énoncés

que par les locuteurs, nous observons une transition graduelle du journal à des

appellations plus sévères. Pendant la bataille diplomatique pour le Conseil de

l'Europe, le décalage entre « gouvernement » et « régime » semble diminuer, afin de

s’égaliser lors des événements de l’Ecole Polytechnique. Enfin, lors du retour à la

démocratie, « gouvernement », « régime » et « junte » sont employés à des taux

égaux, alors que la différence entre les caractérisations plus sévères et les

caractérisations plus légères devient de plus en plus faible. Le Monde, en gardant une

attitude prudente au commencement, suit un processus en reconnaissant qu'il

n’existait pas de gouvernement légitime, mais un « régime » et puis une « junte ».

Cela peut être démontré aussi par la multiplication au fil du temps de références à des

pratiques du régime, qui prouvent le manque de liberté. L'augmentation des rapports

Page 129: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

129

de ces pratiques est verticale, et atteint plusieurs fois le même taux que l’Humanité.

Cependant, malgré sa position « attentive » concernant les références au régime,

l'attitude du journal est « trahie » par la prolifération des références aux pratiques

répressives.

Pour le Figaro, le terme « gouvernement » est plus absolu, puisque même le mot «

régime » est assimilé à des pourcentages des mots les plus chargés. Cette attitude est

presque uniforme pour toutes les périodes étudiées, avec des fluctuations mineures,

car en général le Figaro estime la dictature comme un «mal nécessaire». Cela se

traduit par l'absence générale de références concernant les pratiques répressives du

régime. La seule exception à cette approche concerne les événements de l’Ecole

Polytechnique, où le journal renvoie le plus souvent au mot « régime ». Le caractère

humanitaire de l'événement semble toucher les journalistes, qui durcissent leur

position, en parlant de « loi martiale » et « répression » Toutefois, il « laisse de

publier » deux reportages très virulents de Harry Gerson, où le terme « révolution le

21 avril » est utilisé. De plus, il attache une grande importance à la « libéralisation »

de Papadopoulos, don ignorent généralement et largement les deux autres journaux.

Pour Le Monde et pour Le Figaro, les mots les plus chargées comme « junte », «

dictature », « fascisme » sont utilisés avec grande prudence et proviennent en général

des orateurs, ou sont mis entre guillemets. L'utilisation de ces mots ne change pas

particulièrement au fil du temps, bien que l'attitude des journaux change. Les deux

journaux persistent dans un rôle informatif, où il est préférable d’utiliser des mots

moins « chargés ».

Au contraire dans le cas de l’Humanité, le journal n'hésite pas à s’engager, en

utilisant fréquemment des mots très chargées comme « fascisme », « dictature », «

tyrannie ». Contrairement aux deux autres journaux, lorsqu’il utilise le mot «

gouvernement », il le met entre guillemets, s’en dissociant donc. Ce mot pour

l’Humanité fonctionne comme ils fonctionnent les plus « chargés », pour les deux

autres journaux. De plus, concernant les références aux pratiques répressives du

régime, l’Humanité est très détaillée. Il envisage clairement la «libéralisation» comme

une fraude, dénonce les pratiques de « torture », et condamne le régime.

Page 130: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

130

Des conclusions semblables découlent des caractérisations concernant les dissidents

du régime. Le Monde et Le Figaro utilisent avec persistance le mot « opposition »

contrairement à l’Humanité. Le journal ne reconnaît pas la junte comme

«gouvernement» pour avoir une « opposition » légale. Le Figaro accorde une

attention particulière au « danger communiste », qui semble adopter comme argument

au commencement et le laisse à la fin. En revanche, les deux autres journaux le

refusent, en présentant les « communistes » soit comme des victimes, soit comme

faisant partie de la résistance.

Les trois journaux font de nombreuses références au mouvement « étudiant », mais

l’Humanité insiste quant à l’utilisation du terme «résistance nationale» contre la junte,

un mot qui n’est pas utilisé par les deux autres journaux. Généralement, il existe un

équilibre intéressant : le nombre de références pour l’ « opposition » du Monde et du

Figaro est égal au nombre de références du mot «résistance» dans l’Humanité.

Considérant que le fait que l’Humanité n’ait aucune référence pour le mot

«opposition » et que Le Monde et Le Figaro n’aient aucune référence au mot «

résistance », nous concluons que la désignation modérée « opposition » est utilisée par

les deux journaux où l’Humanité utilise le terme plus radicale « résistance ».

En ce qui concerne les pratiques de résistance, le même phénomène est observé. Pour

l’Humanité, le peuple fait des « manifestations », crée des « mouvements », des

petites « révoltes » et apparaît fortement la nécessité d’une « solidarité », selon la

théorie de la mobilisation. Le Figaro ne mentionne que très peu ces pratiques, sauf la

période de novembre qui se réfère à un « mouvement ». Cependant, il conserve une

attitude ambiguë, car il est placé idéologiquement contre les pratiques des

« émeutiers ». Le Monde fait de façon limitée référence à toutes les catégories,

soutenant son attitude, « modérément libérale ».

Page 131: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

131

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

Concernant le traitement de la dictature grecque par les trois différents quotidiens

français, cette étude nous a permis d’aboutir aux conclusions suivantes :

a) En ce qui concerne la hiérarchie du sujet dans l’agenda de la presse, alors qu’une

dictature contient de nombreux paramètres de la sélection des nouvelles, le fait qu’elle

prenne place dans un pays «régional», selon la définition de Galtung et Ruge, comme

la Grèce, réduit beaucoup l'espace et le temps de couverture par les médias. Le Monde

et l’Humanité exercent généralement une couverture plus vaste sur les questions

internationales et donc consacrent plus « d'espace » au sein de leurs journaux pour les

événements en Grèce que Le Figaro, qui est plus ethnocentrique.

Toutefois, la couverture d’un thème autre que la structure du journal dépend aussi

d'autres facteurs. Le premier est lié à la nature du sujet. Nous avons réalisé que dans

les cas d'une apparente « déviance du consentement», selon l'analyse de Daniel

Hallin143, ou lorsqu’il existe une violation des thèmes qui se trouvent dans la sphère

de consensus pour les médias ainsi que pour la société en France, la couverture est

uniforme dans les trois journaux. Le cas de l'École Polytechnique en est l'exemple le

plus évident. En outre, des sujets de violence ou d’intérêt humain reçoivent une plus

grande couverture à partir des sujets institutionnels, si importants qu'il soit, comme les

événements de décembre 1969.

Le deuxième facteur de « couverture médiatique » du sujet de la dictature grecque

concerne l’ordre du jour, en proportion à l’orientation idéologique de chaque journal.

En effet, dans le cas du Figaro par exemple, un conflit habituel entre le gouvernement

et l’opposition en France sera ainsi plus visible que la dictature grecque. Pour

l’Humanité, les activités du PCF sont directement liées à la fluctuation de l'intensité

de la présentation d'un événement. Le journal Le Monde cependant, donne souvent

plus d'attention aux questions internationales que nationales.

L'évolution de la couverture médiatique d'un événement, et sa « position » dans le

journal, dépend également de différents facteurs. L'explosion des publications suit

généralement la règle du « trigger event »144: le lendemain d’un événement soudain et

143

Hallin, D., The “Uncensored War”: The Media and Vietnam, op.cit., p. 116-117 144

Cobb, W. & Elder, D., Participation in American Politics, op. cit. p. 85

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132

négatif se produit une très forte concentration d'articles. Depuis lors, l'exactitude de

l'information apparaît essentielle pour Le Monde, qui adhère à chaque thème, avec des

reportages détaillés, des sujets centraux et des éditoriaux. Pour le Figaro, la nature du

thème se révèle être plus importante, car il choisit délibérément de ne pas traiter

intensivement des questions « ambiguës », telles que le coup d'Etat et d'analyser en

profondeur les questions de « consentement » ou de «déviation». L’Humanité insiste à

servir les intérêts du parti à travers ses pages.

b), c) En ce qui concerne la dimension évaluative des articles consacrés à la dictature

grecque, Le Monde et Le Figaro préfèrent le « rôle neutre / informationnel », alors

que l’Humanité, la théorie de «mobilisation» ou du journaliste « participant ». Cela

conduit à des différences dans l'utilisation du type de discours et de la tonalité.

Dans le cas du journal Le Monde et Le Figaro, il existe une tentative d'appliquer la

tactique de la séparation des nouvelles et des commentaires, en utilisant de discours

neutre / descriptif aux articles dits « d’information » et laisser le discours évaluatif /

émotionnel à articles dits « de commentaire ». Le journal Le Monde, s'est révélé plus

ouvert à des interventions d’acteurs externes et une grande partie des analyses /

opinions proviennent de personnes qui ne sont pas des employées du journal. Le

journal semble de cette manière de garder des distances à partir des publications

contenant des critiques.

Cependant, l'utilisation extensive du discours neutre / descriptif n'empêche pas les

journaux d’exprimer souvent d’avis pour ou contre la dictature. L'usage du discours

évaluatif / émotionnel et par conséquent des critiques pour le régime, quoique limitée,

dépend de trois facteurs: de l'orientation idéologique du journal, de la nature du sujet

(les sujets de « déviation » ou de « consensus » sont souvent présentés avec discours

évaluatif pour les deux journaux) et de chaque journaliste.

Le journal Le Monde prend immédiatement des distances par les leaders du coup

d'Etat en n’accueillant ni même un article positif pour le régime dictatorial. Au fil du

temps, cette attitude devient de plus en plus négative, pour enfin culminer au moment

des événements de l’Ecole Polytechnique. A partir de ce point, le journal devient

clairement hostile à la junte militaire. Cela se reflète dans le langage :

progressivement le mot « gouvernement » est remplacé par le mot « régime » et

Page 133: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

133

ensuite par le mot « junte ». Aussi, les envoyés spéciaux ont tendance à être plus

critique envers le régime que les correspondants permanents.

Or, le fait que les journalistes du journal peuvent parfois s’exprimer contre le nouveau

régime ne signifie pas qu’ils s’expriment en faveur de la résistance au régime. Le

risque d'identification de la résistance au communisme mène le journal à évaluer la

résistance positivement que très rarement,, même s’il n’est pas d'accord avec

l’hypothèse du « danger communiste » citée par le régime. Par conséquent, lorsque Le

Monde mentionne positivement la résistance, il se réfère à des personnes dont le statut

politique est clair et ont un prestige international.

Le Figaro traite le nouveau régime d'« autoritaire », mais le décrit aussi comme

« tolérable » et « nécessaire ». Il publie un nombre limité de commentaires positifs,

tandis que les reportages les plus négatifs sont enregistrés dans la période de l'Ecole

Polytechnique. Le point déterminant qui changea l'attitude du journal sont les

événements de Chypre, où pour la première fois, la position « prudente » est

abandonnée à l’hostilité envers le régime. Pour Le Figaro, pendant presque toute la

période de dictature, le terme « gouvernement » est plus habituellement utilisé et des

références aux pratiques répressives du régime sont absentes. Aussi dans le cas du

Figaro, les envoyés spéciaux sont plus émotionnels et souvent plus critiques envers la

dictature.

Concernant la résistance au régime, Le Figaro indique une position encore plus

méfiante, en insistant sur son opposition à des pratiques « émeutières ». La résistance

est communément appelée « opposition » tout en abandonnant rapidement son soutien

à la théorie du « danger communiste » soutenue par la junte.

Au contraire, dans l’Humanité le discours évaluatif / émotionnel est utilisé avec un

plus grand pourcentage que le neutre / descriptif. Le journal utilise des techniques

explicites d'influence du public, tels que l'absence de signature en dessous des articles

pour donner l'impression d'indignation populaire contre la dictature.

L’Humanité pendant toutes les années de dictature suit une ligne clairement négative

conte le régime, l’appelant la plupart du temps «dictature fasciste» et mettant le mot «

gouvernement » toujours entre guillemets. Parmi les trois journaux, les commentaires

les plus positifs envers la résistance au régime sont exprimés par l'Humanité. Le

Page 134: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

134

journal identifie l'ensemble du peuple grec à la résistance au régime, l’appelant/le

surnommant « les nouveaux maquis ». L'attitude de l'Humanité reste solide pendant

toute la période de la dictature. Ainsi, il n’omet pas d'accomplir son rôle d'opposition,

accusant le gouvernement français pour appuyer « avec silence le fascisme en

Europe ».

Ces variations dans l’attitude des journaux envers la dictature, ne se différencient pas

par la sélection des leurs locuteurs. Le pourcentage des locuteurs du régime /

dissidents le plus souvent n’affecte pas le pourcentage des critiques positives ou

négatives exprimées envers le régime. Ceci démontre que la « ligne » des journaux

dans son ensemble n'est pas affectée par les déclarations des locuteurs, même s’ils

devraient exprimer des opinions différentes. Leur choix, mais également le choix de

leurs déclarations publiées par l’ensemble de leur discours rédactionnel, est guidé afin

de ne pas s'écarter de manière significative de l’avis du journal sur un sujet.

Page 135: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

135

CONCLUSION

Le thème de la dictature grecque a été traité par la presse française de différentes

manières, liés au rôle de chaque quotidien, de son orientation idéologique, ainsi que

de la nature des sujets et aux caractéristiques de chaque journaliste. Avec les

ressources limitées de l’époque, mais aussi la limitation de « l’espace » du journal, la

couverture d'événements a suivi certaines normes et règles qui semblaient servir aux

fins du journalisme auquel chaque media espérait suivre.

De l'agenda jusqu'à la tonalité utilisée dans la rédaction des articles, ils existaient des

différences, bien que certaines valeurs générales du journalisme semblent avoir été

respectées par les trois journaux.

L'enregistrement des événements sans commentaires et l'insistance sur le réalisme

souvent arboré par Le Monde et Le Figaro, n'a pas abouti à un enregistrement

identique de la réalité. De multiples facteurs, tels que la position de l'article, son

étendue, le choix des mots, ont conduit à la formation d'une perspective différente sur

chaque sujet. Quand Le Figaro évoquait les activités du roi et omettait de mentionner

son rôle dans la crise gouvernementale récente, il n’existait aucun manque

d’exactitude. Or, l’exactitude ne correspond pas toujours à la vérité.

La « signification » d’un sujet dépendait aussi de nombreux facteurs qui n’étaient ni

objectifs ni toujours pragmatiques pour les trois quotidiens. Quand l’Humanité

consacrait une page entière de rapports sur la situation en Grèce, souvent « annonçait

» une activité du parti communiste.

L'indépendance de partis politiques ne suggère pas toujours de désengagement, ou de

neutralité. Quand Le Monde intégrait dans ses pages des opinions provenant

principalement des dissidents, il prenait alors indirectement position.

Bien que les journaux aient souvent recours à la pratique de « l'équilibrage », leur

idéologie affectait toujours le résultat final. Or, en plus, l'équilibrage est incompatible

avec l'impartialité, comme un pas plus proche vers la vérité. La vérité n'est pas

toujours assurée par l'équilibre, et donc ni l'objectivité.

Page 136: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

136

Hélène Vlachos, directrice d’un des journaux les plus importants en Grèce à l’époque,

en faisant un survol du rôle des correspondants étrangers pendant la période de la

dictature, avait noté : « ils commentaient les événements de manière satisfaisante.

Mais il n'y avait pas de sentiment... j’avais l'impression qu’ils prêchaient en chaire

pour les pécheurs et après, ayant fait leur travail ils abandonnaient, voir qu'ils ne

pouvaient rien faire de plus. » 145

Ainsi, « l'objectivité » n'est pas toujours réalisable par les journalistes dans le cadre

d’une production narrative d’événements, compréhensible et sans explications et

commentaires. Par contre, le terme décrit un éventail de pratiques à travers lesquelles

les journalistes peuvent défendre leur travail comme « objectif ».

Le journaliste est jeté dans la mêlée de l’actuel, dans le chaos des événements. Il est

soumis à la pression de l’opinion, du pouvoir politique, aux contraintes économiques

et techniques propres aux médias. L’événementiel résonne dans les média comme

« un son dans un tambour ». Avec le recul, c’est tout à fait stupéfiant. L’effet d’écho,

comme sur le mur de la Caverne de Platon, est saisissant, cependant, nous devons

reconnaître que non seulement il ne constitue pas le son primaire mais surtout qu’il

n’est pas possible de le constituer.

145 Vlachos, H., House Arrest, Andre Deutch, London 1970, p. 59-60

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137

BIBLIOGRAPHIE

Nous avons fait le choix d’une bibliographie thématisée afin de faciliter la recherche

en fonction des axes de travail que nous avons développés.

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143

ANNEXES

i) Le protocole de la recherche

LE PROTOCOLE

I. CARACTERISTIQUES GENERALES

1. Le nombre de la publication.

2. Le journal :

a. 1= Le Monde

b. 2= Le Figaro

c. 3= L’Humanité

3. La date de la publication.

4. La page de la publication.

5. La taille de la publication.

*D’habitude la page d’un journal se divise en 8 colonnes. Pourtant, au cas du

journal Le Monde la page se divise en 6 colonnes. De plus, il y a aussi des cas où

les journaux donnent d’emphase en agrandissant la police. Dans ce cas, nous

calculons la taille de la publication comme si la page était divisée en 8 colonnes.

6. La catégorie de la publication.

a. 1= éditorial

b. 2= sujet central

c. 3= reportage/recherche

d. 4= analyse/opinion

e. 5= interview

f. 6= chronique

g. 7= portrait

h. 8= brève

i. 9= photo

j. 10= dessin de presse

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144

*Nous comptons les photos et les dessins de presse comme des publications

séparées puisqu’il y a de cas où ils apparaissent indépendamment des articles.

7. L’auteur de la publication

8. Continuation de la publication

a. 1= non

b. 2= oui

9. La page de la continuation de la publication.

10. La taille de la continuation de la publication.

II. ANALYSE DU DISCOURS ET DE LA TONALITE DU JOURNAL

11. Le titre de la publication.

12. Le type de discours du journaliste de la publication

a. 1= Neutre/Descriptif

b. 2= Émotionnel/Évaluatif

c. 3= Stimulant

d. 4= Mixte

13. La tonalité du journaliste envers le régime

a. 1= Neutre

b. 2= Positive

c. 3= Négative

d. 4= Ambigüe

14. La tonalité du journaliste envers la résistance au régime

a. 1= Neutre

Page 145: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

145

b. 2= Positive

c. 3= Négative

d. 4= Ambigüe

A) Locuteurs (Talking Heads)

15. Nom du premier locuteur

16. Statut du premier locuteur

a. 1= Politique/Régime

b. 2= Politique/Résistant au régime

c. 3= Armée/Régime

d. 4= Armée/Résistant au régime

e. 5= Intellectuel-Artiste/Régime

f. 6= Intellectuel-Artiste/Résistant

au régime

g. 7= Politique/France

h. 8= Politique/Etranger

i. 9= Intellectuel-Artiste/France

ia. 10= Intellectuel-Artiste/Etranger

ib. 11= Citoyen Grec

ic. 12= Citoyen étranger

id. 13= Autre

17. Le type de discours du premier locuteur

a. 1= Neutre/Descriptif

b. 2= Émotionnel/Critique

c. 3= Stimulant

d. 4= Mixte

18. La tonalité du premier locuteur vers le régime

a. 1= Neutre

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146

b. 2= Positive

c. 3= Négative

d. 4= Ambigüe

19. La tonalité du premier locuteur vers la résistance au régime

a. 1= Neutre

b. 2= Positive

c. 3= Négative

d. 4= Ambigüe

20. Le type de discours du journaliste vers le premier locuteur

a. 1= Neutre/Descriptif

b. 2= Émotionnel/Critique

c. 3= Stimulant

d. 4= Mixte

21. La tonalité du journaliste vers le premier locuteur

a. 1= Neutre

b. 2= Positive

c. 3= Négative

d. 4= Ambigüe

*15. - 21. : De même s’il y a une deuxième/troisième locuteur etc.

B) Référence aux acteurs principaux

22. Nombre de références à Georges Papadopoulos

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147

23. La tonalité de la référence du journaliste vers Georges Papadopoulos

a. 1= Neutre

b. 2= Positive

c. 3= Négative

d. 4= Ambigüe

De même : 24. – 49. Nombre de références à : Stylianos Pattakos ; Nicolaos

Makarezos ; Demetrios Ioannides ; Spyridon Markezinis ; Phaedon Ghizikis ;

Spyridon Kolias ; Roi Constantin ; Georges Papandreou ; Andreas Papandreou ;

Constantinos Caramanlis ; Panayiotis Canellopoulos ; Personnalité du régime ;

Personnalité de la résistance au régime

C) Mots-clés

50. Nombre de références du mot « junte »

De même : 51. - 72. Nombre de références des mots : « fascisme » ;

« dictature » ; « coup d’état » ; « régime » ; « gouvernement » ;

« ministre/premier ministre » ; « loi martiale » ; « censure » ;

« manifestation » ; « mouvement » ; « violence » ; « révolte » ; « torture » ;

« exil » ; « émeute » ; « libéralisation/normalisation » ; « tyrannie » ;

« répression » ; « solidarité » ; « communisme/anarchisme » ; « étudiants » ;

*50. - 72. : Nous comptons séparément les cas où la référence se fait par le

journaliste et les cas où la référence se fait par un des locuteurs. De même, nous

comptons séparément les cas où le mot apparait entre guillemets.

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148

ii) Figures supplémentaires

Le type de discours des locuteurs.

Avril 1967

Décembre 1969

27%

65%

6% 2%

Le Monde, 20-30

Avril 1967

16%

74%

10% 0%

Le Figaro, 20-30

Avril 1967

20%

53%

15%

12%

L'Humanité, 20-30 Avril 1967

NEUTRE/DESCRIPTIF

EMOTIONNEL/CRITIQUE

STIMULANT

MIXTE

14%

81%

5% 0%

Le Monde, 1-15

Décembre 1969

46%

46%

8% 0%

Le Figaro, 1-15

Décembre 1969

37%

25%

13%

25%

L'Humanité, 1-15 Décembre 1969

NEUTRE/DESCRIPTIF

EMOTIONNEL/CRITIQUE

STIMULANT

MIXTE

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149

Novembre 1973

Juillet 1974

27%

69%

4% 0%

Le Monde, 15-30

Novembre 1973 14%

71%

5% 10%

Le Figaro, 15-30

Novembre 1973

43%

43%

14% 0%

L'Humanité, 15-30 Novembre 1973

NEUTRE/DESCRIPTIF

EMOTIONNEL/CRITIQUE

STIMULANT

MIXTE

25%

61%

9% 5%

Le Monde, 15-31

Juillet 1974

23%

68%

9% 0%

Le Figaro, 15-31

Juillet 1974

22%

54%

13% 11%

L'Humanité, 15-31 Juillet 1974

NEUTRE/DESCRIPTIF

EMOTIONNEL/CRITIQUE

STIMULANT

MIXTE

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150

La tonalité des locuteurs envers le régime

Avril 1967

Décembre 1969

36%

27%

35%

2%

Le Monde, 20-30

Avril 1967

53% 42%

5% 0%

Le Figaro, 20-30

Avril 1967

32%

15%

50%

3%

L'Humanité, 20-30 Avril 1967

NEUTRE

POSITIVE

NEGATIVE

AMBIGUË

57%

0%

43%

0%

Le Monde, 1-15

Décembre 1969

85%

0% 15% 0%

Le Figaro, 1-15

Décembre 1969

37%

13%

50%

0%

L'Humanité, 1-15 Décembre 1969

NEUTRE

POSITIVE

NEGATIVE

AMBIGUË

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151

Novembre 1973

Juillet 1974

27%

34%

31%

8%

Le Monde, 15-30

Novembre 1973

24%

28%

48%

0%

Le Figaro, 15-30

Novembre 1973

43%

28%

29% 0%

L'Humanité, 15-30 Novembre 1973

NEUTRE

POSITIVE

NEGATIVE

AMBIGUË

58%

3%

39% 0%

Le Monde, 15-31

Juillet 1974

73% 0%

27% 0%

Le Figaro, 15-31

Juillet 1974

64%

3%

33%

0%

L'Humanité, 15-31 Juillet 1974

NEUTRE

POSITIVE

NEGATIVE

AMBIGUË

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152

La tonalité des locuteurs vers la résistance au régime

Avril 1967

Décembre 1969

58%

19%

23% 0%

Le Monde, 20-30

Avril 1967

42%

11%

47%

0%

Le Figaro, 20-30

Avril 1967

44%

44%

12% 0%

L'Humanité, 20-30 Avril 1967

NEUTRE

POSITIVE

NEGATIVE

AMBIGUË

57% 24%

19% 0%

Le Monde, 1-15

Décembre 1969

84%

8% 8% 0%

Le Figaro, 1-15

Décembre 1969

62%

38%

0% 0%

L'Humanité, 1-15 Décembre 1969

NEUTRE

POSITIVE

NEGATIVE

AMBIGUË

Page 153: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

153

Novembre 1973

Juillet 1974

81%

11% 8% 0%

Le Monde, 15-30

Novembre 1973

71%

19%

10% 0%

Le Figaro, 15-30

Novembre 1973

93%

7% 0% 0%

L'Humanité, 15-30 Novembre 1973

NEUTRE

POSITIVE

NEGATIVE

AMBIGUË

66%

33%

1% 0%

Le Monde, 15-31

Juillet 1974

75%

25%

0% 0%

Le Figaro, 15-31

Juillet 1974

74%

26%

0% 0%

L'Humanité, 15-31 Juillet 1974

NEUTRE

POSITIVE

NEGATIVE

AMBIGUË

Page 154: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

154

Nombre des mots

« Fascisme » > « Tyrannie » > « Dictature » > « Junte » > « Pseudo- » > « Régime » > « Gouvernement », « Ministre»

0 10 20 30 40 50 60 70 80

FASCISME

TYRANNIE

DICTATURE

JUNTE

PSEUDO-

REGIME

GOUVERNEMENT

MINISTRE

18

0

23

11

4

34

73

65

2

0

4

0

0

4

22

38

52

4

26

20

0

15

45

27

Nombre des références,

20-30 Avril 1967

0 10 20 30 40 50

FASCISME

TYRANNIE

DICTATURE

JUNTE

PSEUDO-

REGIME

GOUVERNEMENT

MINISTRE

7

0

7

6

2

41

49

30

2

0

3

7

0

20

31

19

8

1

9

18

13

7

4

Nombre des références, 1-15 Décembre

1969

Page 155: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

155

« Coup d’état », « Loi martiale », « Censure », « Violence », « Torture », « Exil », « Libéralisation/Normalisation », « Répression »

0 10 20 30 40 50 60 70 80

FASCISME

TYRANNIE

DICTATURE

JUNTE

PSEUDO-

REGIME

GOUVERNEMENT

MINISTRE

4

2

7

13

3

44

45

29

2

7

7

7

39

34

75

13

0

37

33

13

25

23

16

Nombre des références, 15-30

Novembre 1973

0 20 40 60 80 100

FASCISME

TYRANNIE

DICTATURE

JUNTE

PSEUDO-

REGIME

GOUVERNEMENT

MINISTRE

12

2

40

52

1

52

52

20

0

0

9

19

0

25

31

7

40

0

43

86

1

22

12

5

Nombre des références, 15-31 Juillet

1974

0 20 40 60 80 100 120 140

COUP D'ETAT

LOI MARTIALE

CENSURE

VIOLENCE

TORTURE

EXIL

LIBERALISATION

REPRESSION

123

3

7

2

2

3

1

7

34

1

3

1

0

1

0

0

88

0

7

3

3

0

0

6

Nombre des références, 20-30 Avril 1967

Page 156: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

156

0 2 4 6 8 10 12 14 16

COUP D'ETAT

LOI MARTIALE

CENSURE

VIOLENCE

TORTURE

EXIL

LIBERALISATION

REPRESSION

16

5

5

2

10

3

9

3

6

1

0

0

2

0

4

0

4

0

2

0

5

2

5

1

Nombre des références, 1-15 Décembre

1969

0 5 10 15 20 25 30 35

COUP D'ETAT

LOI MARTIALE

CENSURE

VIOLENCE

TORTURE

EXIL

LIBERALISATION

REPRESSION

35

17

12

5

3

1

16

10

24

24

6

5

0

6

20

5

11

9

3

4

6

1

8

12

Nombre des références, 15-30 Novembre

1973

0 5 10 15 20 25 30

COUP D'ETAT

LOI MARTIALE

CENSURE

VIOLENCE

TORTURE

EXIL

LIBERALISATION

REPRESSION

29

4

2

2

8

17

4

3

20

1

2

1

1

10

1

0

5

1

2

0

12

7

0

1

Nombre des références, 15-31 Juillet 1974

Page 157: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

157

« Communisme/Anarchisme », « Etudiants », « Opposition », « Resistance »

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45

COMMUNISME/ANARCHISME

ETUDIANTS

OPPOSITION

RESISTANCE

20

20

42

2

14

1

18

0

13

6

2

10

Nombre des références, 20-30 Avril 1967

0 2 4 6 8 10 12 14 16

COMMUNISME/ANARCHISME

ETUDIANTS

OPPOSITION

RESISTANCE

16

3

7

0

4

0

1

0

1

0

0

1

Nombre des références, 1-15 Décembre

1969

0 10 20 30 40 50 60 70

COMMUNISME/ANARCHISME

ETUDIANTS

OPPOSITION

RESISTANCE

6

65

7

0

7

61

7

0

5

47

1

3

Nombre des références, 15-30 Novembre

1973

Page 158: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

158

« Manifestation », « Mouvement », « Révolte », « Émeute », « Solidarité »

0 10 20 30 40 50 60

COMMUNISME/ANARCHISME

ETUDIANTS

OPPOSITION

RESISTANCE

52

7

5

7

4

6

5

0

18

10

0

5

Nombre des références, 15-31 Juillet 1974

0 5 10 15 20 25 30

MANIFESTATION

MOUVEMENT

REVOLTE

EMMEUTES

SOLIDARITE

30

1

1

0

7

11

0

0

0

1

19

0

5

0

21

Nombre des références, 20-30 Avril 1967

0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 3,5 4

MANIFESTATION

MOUVEMENT

REVOLTE

EMMEUTES

SOLIDARITE

4

2

0

0

4

0

0

0

0

0

0

1

0

0

2

Nombre des références, 1-15 Décembre

1969

Page 159: Université Paris I Panthéon-Sorbonne Mémoire de recherche ... · le journalisme selon les chercheurs Denis McQuail 3 et Jorgen Westerstahl 4. Se référant à une vaste bibliographie

159

0 10 20 30 40 50 60

MANIFESTATION

MOUVEMENT

REVOLTE

EMMEUTES

SOLIDARITE

51

9

4

4

2

19

14

15

8

0

34

5

0

2

17

Nombre des références, 15-30 Novembre

1973

0 2 4 6 8 10 12 14 16

MANIFESTATION

MOUVEMENT

REVOLTE

EMMEUTES

SOLIDARITE

12

2

0

0

2

5

1

0

0

0

15

4

0

0

7

Nombre des références, 15-31 Juillet 1974