Post on 30-Mar-2021
SOMMAIRE
Prologue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
Maclow, futur saint Malo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13vie-viie sièclesL’un des sept saints fondateurs de la Bretagne
Jacques Cartier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171491-1557Une nouvelle route vers la Chine...
Nicolas Truchot de la Chesnais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
1631-1666Le trésor perdu de la Vierge de Bon Port
Louis Adhémar Timothée Le Golif . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
vers 1640-vers 1710Borgnefesse, le roi du canular
Jacques Gouin de Beauchesne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
1652-1730
et Alain Porée de la Touche1665-1730Les premiers Français à franchir le cap Horn
Julien Le Brun de Champloret . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
1671-?Saint-Malo importe les cafés de Moka
Guillaume Dufresne d’Arsel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
1682-1738
et Jean-Baptiste Garnier du Fougeray1689-1747De Mauritius, ils ont fait l’île de France...
René Duguay-Trouin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
1673-1736Le corsaire est nommé chef d’escadre...
Jean-Baptiste Bénard de la Harpe . . . . . . . . . . . . . . . . 49
1683-1765Du Pérou au Mississippi et à l’Arkansas
Jean-Marie Briand de la Feuillée . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
vers 1700-1739Le découvreur de l’île de Sable, future Tromelin
Pierre-Louis Moreau de Maupertuis . . . . . . . . . . . . . . 55
1698-1759 Le patient arpenteur de la Laponie
Bertrand François Mahé de La Bourdonnais . . . . . . 59
1699-1753 L’honnête gouverneur de Bourbon et de l’île de France
Jean-Baptiste Bouvet de Lozier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
1706-1788 Le mystérieux cap de la Circoncision, clé de l’Antarctique
Alexandre Michel Duclos-Guyot . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
1727-1771 Le découvreur de l’île Saint-Pierre, actuelle Géorgie du Sud
Nicolas Pierre Duclos-Guyot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
1722-1794
et François-Pierre Chenard de la Giraudais 1725-1775Les discrets et fidèles capitaines de Bougainville
Marc-Joseph Marion-Dufresne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
1724-1772 Le grand découvreur des îles australes
François Broussais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
1772-1838 Le corsaire devient un médecin célèbre
François René de Chateaubriand . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
1768-1848 Il partit pour le Passage du Nord-Ouest...
Robert Surcouf . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
1773-1827 Le corsaire dont la tête fut mise à prix
Henri Frédéric Hédouin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95
1841-1929 Il dessine l’atlas des courants de marée en Manche
Jean-Baptiste Charcot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99
1867-1936 De l’Antarctique au Groenland, le gentleman polaire
Épilogue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
� De ses trois voyages, Jacques
Cartier rapporte un témoignage
précieux sur les Amérindiens.
Jacques CARTIER1491-1557
Une nouvelle route vers la Chine…
L’Histoire retient que Jacques Cartier, en 1534, a
découvert le Canada. Ce n’est pas tout à fait exact
dans la mesure où, depuis le début du xvie siècle,
les morutiers bretons connaissaient déjà Terre-Neuve.
De plus, le navigateur malouin a seulement exploré
l’estuaire du Saint-Laurent jusqu’à Montréal, et établi
un premier campement sur le site de l’actuelle Québec.
Justement, en langue indienne, le mot « Canada »
signifie village. Il faut surtout savoir qu’à l’origine, la
finalité de ses expéditions n’était pas de fonder une
colonie. Le véritable but de Cartier était de trouver
un détroit qui lui permettrait d’atteindre les îles aux
épices, ces fameuses Moluques qu’on appelait aussi la
Chine, en passant par le nord du continent américain.
D’après les calculs de ce navigateur expérimenté, cette
route devait être bien plus courte que celle ouverte
par Magellan en Atlantique Sud. Mais, qu’est-ce qui
lui laissait supposer l’existence d’un passage ? Une
logique simpliste : puisqu’on pouvait contourner l’Amé-
rique et l’Afrique par le sud, il en allait sans doute de
même pour le nord.
En ce début des années 1530, en tant que gendre
du connétable de Saint-Malo, Jacques Cartier est un
notable. Il profite ainsi d’un voyage de François Ier au
Mont-Saint-Michel pour lui présenter son projet. Le
roi se montre très intéressé, mais pour de tout autres
raisons. Il connaît un besoin pressant d’or pour finan-
cer les conflits incessants qui l’opposent à l’empereur
Charles Quint. À l’époque en effet, l’art de la guerre
évolue : les belligérants font appel à des armées
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20
avec deux canots. Le 2 octobre, le voici à Hochelaga ; mais
ce n’est qu’un gros village... Devant sa déception, on lui
assure qu’en poursuivant plus en amont encore, il trouvera
de grandes richesses. Mais le navigateur ne se laisse pas
tenter ; il paraît désormais urgent de revenir à Sainte-Croix.
Si Jacques Cartier craignait le froid du Canada, il
découvre pire encore : le scorbut. À l’époque, on pense
que le mal ne survient qu’en mer. Nul ne sait qu’il est pro-
voqué par une carence des vitamines qu’on trouve dans
les vivres frais : l’expédition de Cartier, la première, expéri-
mente le grand ennemi des expéditions polaires. En février,
presque un quart des hommes de Cartier sont morts !
Des Amérindiens aussi sont touchés, mais leurs anciens
connaissent le remède et en font profiter les Malouins. Les
décoctions de feuilles et d’écorce du thuya occidentalis
les guérissent et, au printemps, Cartier peut revenir en
France. Cependant, il ne dispose plus d’assez d’hommes
pour mener trois navires, il laisse donc derrière lui la Petite
Hermine.
L’idée de Jacques Cartier est de repartir dès que possible
pour une mission qui ne sera plus seulement d’exploration,
mais de colonisation. Malheureusement, François Ier est
encore entré en guerre contre Charles Quint : le trésor royal
ne permet plus de financer un nouveau voyage et c’est
seulement dans les derniers mois de 1540 — quatre ans plus
tard donc — que le projet aboutit. Plus gênant, François Ier
estime que la direction d’une mission de colonisation ne
peut pas être confiée à un roturier. Le chef d’expédition
est donc un certain François de la Rocque, seigneur de
Roberval. En guise de dédommagement, Cartier reçoit en
cadeau la Grande Hermine et l’Émerillon, qu’accompagne-
ront le Saint Georges, le Saint Briac et une autre petite unité
dont l’histoire n’a pas retenu le nom. De son côté, Roberval
arme aussi plusieurs navires, mais il ne semble pas pressé
de prendre le large.
Fin août 1541, la flottille remonte jusqu’à Hochelaga, où
elle reprend la recherche d’une route vers l’Asie mais se
trouve presque aussitôt arrêtée par des rapides. Par ailleurs,
s’inquiétant de ne pas voir arriver Roberval, Cartier envoie
le Saint Georges et le Saint Briac à sa rencontre. Sans doute
est-il déçu de se retrouver dans un cul-de-sac. Mais est-ce
vraiment si grave ? Car l’expédition vient de découvrir des
diamants, de l’or et un minerai de fer très riche. On en rem-
plit des tonneaux entiers ! Puis l’hiver revient. Terrible car les
rapports avec les Amérindiens sont plus que tendus, tandis
qu’une épidémie emporte 35 hommes.
Comme arrive la fin du printemps 1542, on n’a tou-
jours aucune nouvelle de Roberval. Pressé de rapporter
21
ses découvertes à François Ier, Jacques Cartier décide
d’appareiller. Il croise ainsi Roberval qui vient seulement
de traverser l’Atlantique ! À la cour royale, une terrible
surprise attend le navigateur, car les diamants
ne s'avèrent être que des cristaux de
quartz, les fines feuilles d’or du mica,
et le minerai de la pyrite de fer.
François Ier cache sa déception
derrière un trait humour, mais
Jacques Cartier ne retournera
plus au Canada. À Saint-Malo,
il retrouve une vie tranquille
de notable, et décédera en
son manoir de Limoëlou, sans
doute victime d’une épidémie, le
1er septembre 1557.
Limoëlou, le manoir de Jacques Cartier, proche de la configuration du bâtiment à l'époque où le navigateur y vivait. �
54
Pierre-Louis MOREAu DE MAuPERTuIS1698-1759
Le patient arpenteur de la Laponie
Mathématicien, philosophe et polémiste, Pierre-
Louis Moreau de Maupertuis tient cependant sa place
parmi ces portraits de navigateurs malouins. D’abord
parce que ses écrits sur les mers arctiques et australes,
en détaillant les spécificités de la navigation dans les
régions polaires, ont encouragé les projets de plusieurs
autres explorateurs. Ensuite parce que cela permet
d’évoquer aussi René Moreau son père : un fameux
corsaire. Dès l’âge de 18 ans, il navigue comme second
capitaine d’un navire armé en course ; par la suite, en
quinze ans, il va commander cinq puissants bâtiments et
sera même intégré dans la marine royale avec le grade
de capitaine de frégate. On le connaît aussi comme un
capitaine négociant avisé, enrichi par plusieurs voyages
interlopes en Amérique du Sud. Ensuite, le baroudeur
devient un notable : député de Saint-Malo au Conseil
de Commerce, directeur de la Compagnie d’Occident
puis de la Compagnie des Indes. Ceci explique que son
fils Pierre-Louis reçoit la meilleure éducation. Dans un
premier temps, celui-ci est soldat à Paris dans le très
élitiste corps des mousque taires gris. Outre la science
militaire, il y acquiert une solide formation en géo-
métrie ; une science qui le séduit au point de quitter
l’armée pour rejoindre l’Académie des Sciences en
tant que spécialiste de la géométrie. Dès lors, il s’inté-
resse à toutes sortes de questions scientifiques, ce qui
55
� Dans le nord de la Scandinavie, Maupertuis est à la fois émerveillé et intrigué par les aurores boréales.
66
Alexandre Michel DuCLOS-GuyOT1727-1771
Le découvreur de l’île Saint-Pierre, actuelle Géorgie du Sud
Dans le journal du deuxième voyage de James
Cook, à la date du 3 janvier 1775, on lit : « [...] je craignis
de manquer la côte qu’on disait avoir été découverte par
Laroche en 1675, et par le vaisseau Le Lion en 1756, et
que Monsieur Dalrymple place à 54° 30 minutes de lati-
tude et 45 de longitude. Ce vaisseau était espagnol et
commandé par Monsieur Duclos Guillot, qui fit voile de
Callao au Pérou en février 1756 et passa le cap Horn au
milieu de l’hiver. Le 15 janvier, il nous parut certain que
nous voyions une terre et non pas une île de glace. Elle
était cependant couverte de neige presque en entier.
Nous en fûmes encore mieux assurés en trouvant des
sondes à 175 brasses fonds de vase, comme dans le
journal de Monsieur Guillot. Il paraît que cette terre est la
même dont il trouva l’extrémité sud en juin 1756, et qu’il
nomma île de Saint-Pierre. » C’est à cette terre que Cook
va donner le nom qu’elle porte encore : la Géorgie du
Sud, baptisée en l’honneur du roi George II, alors sur le
trône d’Angleterre. Mais quel est ce « Duclos Guillot » ?
Il s’agit d’Alexandre Michel Duclos-Guyot, souvent
confondu avec son frère aîné Nicolas Pierre, présenté
dans les pages qui suivent.
Le Lion appareille de Valparaíso à destination de
l’Espagne en mai 1756, emportant une cinquantaine
de passagers, en l’occurrence des notables espagnols
67
� Un hasard de navigation conduit le capitaine malouin d’un vaisseau espagnol en vue de l’actuelle Géorgie du Sud.