Post on 04-Aug-2015
UNIVERSITÉ ROBERT SCHUMANSTRASBOURG III
Mémoire pour l’obtention duD.E.A. de la Propriété Intellectuelle
CEIPI
Les dénominations des fromages
Soutenu parParaskevi DIMOU
Sous la direction deM. le Professeur Norbert OLSZAK
septembre 2002
TABLES DES MATIÈRES
ABRÉVIATIONS ET SIGLES ...................................................................................................................4
INTRODUCTION.......................................................................................................................................6
Partie I : L’absence d’un système uniforme pour les dénominations génériques des fromages............16
Titre I : Disparités des réglementations...............................................................................17Chapitre 1 : La définition du terme «fromage» ..................................................................................17Chapitre 2 : Fromages en quête d’auteur............................................................................................22
Section 1 : Le camembert...............................................................................................................22Section 2 : L’emmental ..................................................................................................................26Section 3 : La mozzarella ...............................................................................................................29Section 4 : Le morbier....................................................................................................................31
Titre II : Moyens de concilier la divergence des réglementations .....................................32Chapitre 1 : Textes à valeur supranationale .......................................................................................33
Section 1 : D’un droit étatique… ...................................................................................................33Sous-section 1 : La Convention de Stresa sur les dénominations des fromages ........................33Sous-section 2 : Conventions générales bilatérales ...................................................................35
i) Le Traité entre la République française et la confédération Suisse ....................................35ii) La Convention entre la République française et l’Iltalie....................................................37iii) Le Traité de commerce et de navigation entre le Royaume des Pays-Bas et la Républiquefrançaise .................................................................................................................................38
Section 2 : …vers une «professionnalisation» de droit - L’exemple du Codex Alimentarius........38Sous-section 1 : L’élaboration des normes du Codex Alimentarius...........................................38Sous-section 2 : La valeur juridique des normes Codex ............................................................41
Chapitre 2 : Un rapprochement entre les différentes réglementations consacré par le contrôlejuridictionnel de la CJCE ...................................................................................................................43
Section 1 : La libre circulation des fromages légalement produits et commercialisés (AffaireDeserbais).......................................................................................................................................44Section 2 : L’extension de l’art. 30 à des cas sans aucun élément d’extranéité (Affaire Guimont)46
Partie II : Fromages à A.O.P./I.G.P./A.S. – La coordination entre le système communautaire et lesréglementations nationales .......................................................................................................................49
Titre I : Conditions d’accès à la protection .........................................................................54Chapitre 1 : L’absence de caractère générique de la dénomination ...................................................54Chapitre 2 : Le lien entre le produit et la zone de production ............................................................59
Section 1 : La justification du lien entre le produit et la zone de production et les entraves à lalibre circulation ..............................................................................................................................62Section 2 : Légalité du cahier des charges......................................................................................65
Titre II : Protection conférée par l’enregistrement communautaire ................................67Chapitre 1 : La communautarisation de la protection.........................................................................67
Section 1 : Les dénominations composées .....................................................................................67Section 2 : La protection de la traduction.......................................................................................69Section 3 : L’évocation d’une AOP ...............................................................................................70
Chapitre 2 : La portée de la protection nationale pour les dénominations enregistrées......................73
Conclusion ..................................................................................................................................................78
BIBLIOGRAPHIE.....................................................................................................................................81
ABRÉVIATIONS ET SIGLES
ADPIC : Aspects des droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce (accord
ADPIC)
Ann. : Annales de la propriété industrielle
A.O. : Appellation d’origine
AOC : appellation d’origine contrôlée
AOP : appellation d’origine protégée
ASSILEC : Association de l’Industrie laitière de la Communauté européenne
ASSIFONTE : Association de la Communauté européenne pour les fromages fondus
ATLA : Association de la Transformation Laitière Française
C. consomm. : code de la consommation
CC : Certification de conformité
CIDIL : Centre Interprofessionnel de Documentation et d’Information Laitières
CJCE : Cour de justice des Communautés européennes
CNLC : Commission nationale des labels et des certifications de produits agricoles et
alimentaires
CNPL : Comité national des produits laitiers (au sein de l’INAO)
CPI : code de la propriété intellectuelle
C.rur. : code rural
D. : Recueil Dalloz
DGCCRF : direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression
des fraudes
FAO : organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture
FIL : Fédération Internationale de Laiterie
FNCL : Fédération Nationale des Coopératives Laitières
FNIL : Fédération Nationale des Industries Laitières
IGP : indication géographique protégée
INAO : Institut National des appellations d’origine
INRA : Institut National de la Recherche Agronomique
ISO : International Standardisation Organisation
JO : Journal officiel
5
JOCE : Journal officiel des Communautés européennes
m.g. : matière grasse
OCM : Organisations Communes des Marchés
ONILAIT : Office National Interprofessionnel du Lait et des Produits Laitiers
OMC : Organisation mondiale de commerce
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
PAC : Politique Agricole Commune
PEE : postes d’expansion économique
PIBD : Propriété industrielle – Bulletin documentaire
PPC : pâtes pressées cuites
PPNC : pâtes pressées non cuites
Rec. : Recueil de Jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes
RLF : Revue Laitière Française
RMUE : Revue du Marché Unique Européen
STG : spécialité traditionnelle garantie
TNC : Trade negociating committee
TRIPS: Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights (cf. ADPIC)
6
INTRODUCTION
Notre sujet d’un premier point de vue peut paraître peu juridique. Camembert,
camembert de Normandie, roquefort, morbier, tête-de-moine, pont l’Evêque, munster,
neufchâtel, mont d’or, reblochon, fourme d’Ambert, fourme de Montbrison, mimolette, la
vache-qui-rit, parmigiano-reggiano, mozzarella, grana padano, queso manchego, tetilla,
feta, gouda, emmental, cheddar, stilton... chaque dénomination a quelque chose à nous
raconter. Chaque personnage célèbre est lié à une histoire des fromages. Charlemagne vers
774 en découvrant le brie de Meaux a déclaré : «Je viens de découvrir l’un des mets les plus
délicieux». Plus tard il devint un fromage trés apprécié à la Cour. Même l’histoire de
l’arrestation de Louis XVI est liée à celle du brie de Meaux : d’après quelques-uns le roi pris
d’une envie soudaine il a fait une halte à Varennes pour en déguster et il est reconnu et
arrêté, d’après d’autres le roi a réclamé une part à l’épicier Saussejuste après son
arrestation1. La forme de Valençay, un fromage fabriqué au lait de chèvre cru ou
pasteurisé, ressemble à une pyramide tronquée cendrée. L’histoire raconte que Napoléon
Bonaparte à son retour d’Egypte, s’est arrêté au château de Valençay et voyant ce fromage
qui lui rappelait les célèbres pyramides, a tiré son épée et en a décapité la pointe2.
Le fromages constitue un élément principal de l’alimentation mais aussi un élément
de l’économie de toutes les sociétés humaines. Pour l’Église les fromages étaient
comparables à l’or. Ils servaient dans toute l’Europe jusqu’à la fin du XVIIIème siècle à
payer la dîme3. C’était sous le vocable de la «dîme des frometons» que l’on évoquait
autrefois le neufchâtel (A.O.C) d’aujourd’hui. Le nom de «Roquefort» apparaît dans les
Chartes publiques dès le XIème siècle. C’était en 1407 que Charles VI a accordé une
première protection aux producteurs de Roquefort. Un premier arrêt du parlement de
Toulouse, le 31 janvier 1666, confirmé par un second arrêt du 31 janvier 1785, sanctionnait
la vente en gros ou en détail pour «véritable Roquefort» des fromages qui ne l’étaient pas4.
1 Guide des fromages, Marabout et Hachette, 2000, p. 56.2 ibidem, p. 197.3 ECK A. – GILLIS J.– C., Le fromage. Paris 1997, p. 2.4 BRANLARD J.-P., Droit et gastronomie. Aspect juridique de l’alimentation et des produits gourmands.Gualino Paris 1999, p. 20.
7
En dernier lieu c’est le Tribunal civil de Saint-Affrique5 qui a confirmé le caractère
d’appellation d’origine «Roquefort». Malgré les prémices d’une protection juridique pour
les dénominations fromagères personne à cette époque n’aurait pu imaginer l’évolution
contemporaine.
Notre sujet s’avère d’une étendue surprenante6. Fromages, fromages blancs,
fromages frais, fromages fondus, fromages fondus allégés, fromages fermiers, fromages au
lait cru, spécialités fromagères, fromages labellisés ou avec certificat de conformité,
fromages agriculture biologique, fromages à appellation d’origine contrôlée, à appellation
d’origine protégée, à indication géographique protégée, fromages spécialité traditionnelle
garantie toutes ces indications constituent «une langue faite des choses»7, une langue des
fromages et peut-être un droit des fromages?
On ne peut pas parler positivement d’un droit des fromages ni d’ailleurs d’un droit
de la gastronomie, vu qu’il n’existe pas encore de code des fromages ni de code de la
gastronomie. Et pourtant, on va constater que plusieurs branches du droit participent à la
réglementation des dénominations des fromages. Il s’agit d’un foisonnement réglementaire
considérable qui engendre complexité et confusion pour les professionnels de
l’agroalimentaire voire pour les juristes. Le «droit des fromages» puise ses racines tant dans
le droit privé que dans le droit administratif.
Jusqu’en 1955, le régime général des appellations d’origine (A.O.) institué par la loi
du 6 mai 1919 s’appliquait aux A.O. fromagères, tant pour leur définition que pour leur
protection. La loi de 1919 a soumis les A.O. à un système purement déclaratif prévoyant
une procédure judiciaire à postériori. Tout producteur avait le droit à une A.O mais en cas
5 Trib.civil de Saint-Affrique, 22 décembre 1921, D. 1922, 2, p. 81.6 Dans la plupart des publications non juridiques les dénominations fromagères sont associées sansaucune distinction ce qui montre l’étendue du sujet mais aussi un manque réel de communication sur lesAOC que le consommateur différencie mal des autres signes de qualité.7 “cette échoppe est un dictionnaire; la langue est le système des fromages dans leur ensemble: une languedont la morphologie connaît des déclinaisons et des conjugaisons avec d’innombrables variantes et dontle lexique présente une richesse inépuisable de synonymes, d’usages idiomatiques, de connotations et denuances, comme toutes les langues nourries de l’apport de cent dialectes. C’est une langue faite dechoses; la nomenclature ici n’est qu’un aspect extérieur, instrumental; mais pour M. Palomar, apprendreun peu de cette nomenclature est toujours le moyen auquel il recourt lorsqu’il veut posséder un instant leschoses qui défilent sous ses yeux”. Italo Calvino, Palomar.
8
de contestation c’était au juge de déterminer les caractéristiques que le produit devait
présenter pour bénéficier de l’A.O. C’est ainsi que les appellations «Saint Nectaire»,
«Cantal», «Gruyère de Comté», «Maroilles» ont été définies. Plus tard, la loi du 28
novembre 19558 a consacré pour les appellations d’origine des fromages un système
conforme à celui du décret-loi du 30 juillet 1935 pour les vins. Toutefois, la loi de 1919
continuait à s’appliquer en matière des A.O. des fromages quant à leur protection (article
1er). Les A.O. des fromages étaient définies par une décision du comité national des
appellations d’origine des fromages (article 3). Elles devaient remplir deux conditions :
d’abord, provenir d’un lait produit, livré et transformé dans une aire géographique
traditionnelle, en vertu d’usages locaux, loyaux et constants et, puis, présenter une
originalité propre et une notoriété évidente (article 2). Depuis le décret du 12 décembre
19739 ces A.O. devaient être définies par décret pris sur avis conforme du même Comité
national. La loi de 1990 a consacré l’appellation d’origine contrôlée à la place de l’A.O.
dans le domaine agroalimentaire. La loi de 1955 a été abrogée à compter de la désignation
des membres du nouveau Comité national des produits laitiers. Les A.O. qui avaient été
définies par voie réglementaire et législative avant le 1er juillet 1990 sont considérées
comme répondant à la nouvelle procédure définie. En fin, pour les appellations définies par
voie judiciaire avant le 1er juillet 1990 une demande de reconnaissance en AOC devait,
avant le 31 décembre 1996, être adresseé à l’INAO. Depuis le 1er juillet 2000 et en
l’absence d’une demande ou en cas de refus de reconnaissance de l’AOC ces appellations
sont devenues caduques10.
Le code de la consommation (article L. 115-1 – L. 115-33 C.consomm.) auquel
renvoie le code de la propriété intellectuelle (article L. 721-1 CPI) et le code rural constitue
au niveau national le cadre principal des signes de qualité. Au niveau national existent
aussi des textes pararéglementaires (circulaires ministérielles, décisions de la DGCCRF) et
des décrets relatifs à la reconnaissance des appellations d’origine contrôlée, le décret nº 88-
8 Loi nº 55-1533 du 28 novembre 1955 relative aux appellations d’origine des fromages J.O. du 30novembre 1955, p.11580.9 Décret 73-1098 du 12 décembre 1973 relatif aux appellations d’origine des fromages.10Article L. 641-4, al. 2 C.rur. A notre connaissance, il n’y a aucun cas d’AO fromagère qui a été réputéecaduque.
9
120611 du 30 décembre 1988 qui vient d’être modifié par le décret n. 2002-26512 du 22
février 2002 et tout un ensemble des décrets concernant l’étiquetage des fromages.
Au niveau international les textes qui vont attirer notre attention ne sont pas d’une
grande aide. La Convention de Stresa sur l’emploi des appellations d’origine et
dénominations de fromages, les normes du Codex Alimentarius sur les fromages et les
accords bilatéraux sont les points de référence du commerce international des fromages. En
tout cas, la plupart de ces textes semblent dépassés dans le contexte de la communauté
européenne.
C’est, aussi, le droit communautaire qui s’intéresse aux dénominations de
fromages. Le droit «économique» de la Communauté européenne a comme objectif
principal la libre circulation des marchandises et pour ce fait il met en oeuvre ses deux
mécanismes de base que sont «l’harmonisation des législations» et «les politiques
communes». Pour les simples dénominations de vente l’action de la Communauté ne relève
pas de la logique de l’harmonisation. Il n’existe pas de directive sur les fromages comme
c’est le cas pour les sucres, le miel et les confitures, le cacao et le chocolat. Par contre pour
les signes de qualité le choix de l’action communautaire prend son appui à la Politique
Agricole Commune (PAC) qui favorise la diversification de la production agricole et la
promotion de produits spécifiques en vue de l’amélioration du revenu des agriculteurs et de
la fixation de la population rurale dans les zones défavorisées ou éloignées tout en assurant
la protection des consommateurs contre des pratiques abusives et la loyauté des
transactions commerciales. Dans cette logique le Conseil a adopté les deux règlements du
14 juillet 199213. Dans les deux règlements il est question de protéger un vocabulaire
spécifique14 et par conséquent, les produits qu’il désigne pour leurs qualités. Dans les
A.O.P./I.G.P. la qualité est liée à l’origine géographique et aux caractères particuliers que
11 Décret nº 88-1206 du 30 décembre 1988 portant application de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes etfalsifications en matière de produits ou de services de la loi du 2 juillet 1935 tendant à l’organisation et àl’assainissement du marché du lait en ce qui concerne les fromages , J.O. 31 décembre 1988, p.16753.12 Décret n. 2002-256 du 22 février 2002 portant modification du décret n. 88-1206 du 30 décembre 1988,en application de l’article L. 214-1 du code de la consommation et relatif aux fromages, J.O. nº 48 du 26février 2002, p. 3590.13 Règlement Nº 2081/92 du Conseil du 14 juillet 1992 (JOCE nº L 208 du 24.7.1992, p. 1 et règlementNº 2082/92 du Conseil du 14 juillet 1992 (JOCE nº L 208 du 24.7.1992, p. 9).14 ROCHARD D., R.D.rural nº 246 octobre 1996, pp. 362-368.
10
cette localisation attribue aux produits. Dans les S.T.G. la qualité est liée au mode de
production traditionnel des produits.
Il est vrai qu’une confusion existe entre les différentes dénominations. Cette
confusion est, en effet, renforcée par les réseaux de distribution, les grandes espaces, là où
les A.O.C. se vendent au même rayon avec les simples fromages de marque. Les fromages
sont regroupés plutôt en considération de la durée de leur conservation ou par familles de
fromages (les fromages frais avec les fromages blancs, les pâtes pressées cuites en un tout,
les pâtes persillées au même étalage). Pour faire face à cette «cacophonie»15 il nous semble
important de commencer par définir les différents termes, comme ils ont été explicités par
les règles nationales, internationales et par la jurisprudence.
Ces textes paraissent d’autant plus importants si l’on prend en considération la
réussite actuelle des fromages diversifiés, modernisés, moins gras chez les consommateurs.
En effet, l’utilisation des technologies industrielles modernes nous amène à découvrir sur le
marché au cours des dernières années de nouvelles catégories des fromages, pas si proches
des concepts fromagers. C’est bien le cas des «spécialités fromagères» ou «spécialités de
fromage» ou «préparations fromagères».
Ce produit diffère du fromage comme la loi l’a définie par plusieurs aspects.
D’abord, l’ajout des protéines de lactosérum et le procédé d’ultrafiltration peuvent modifier
le rapport entre les différentes protéines du lait. Puis, des produits non laitiers, tels que
gélatine, amidon, gélifiants, antioxydants, interdits dans la fabrication du fromage, peuvent
être utilisés. A la fin ce produit peut être mélangé à du fromage16.
La dénomination «spécialité fromagère» n’est pas reconnue officiellement tant au
plan français qu’international (Codex). Ce produit, donc, ne peut pas porter la
15 Curnonski, célèbre gastronome, disait hair “la terrible promiscuité de la planche à fromages où tous lesarômes se confondent sans parvenir à fraterniser, dans une inexprimable cacophonie”. Guide desfromages, Marabout et Hachette, 2000, p. 26.16 On trouve certains produits contenant du fromage mais qui ne sont pas définis en tant que fromages.C’est le cas de «tzatziki» ou «ktipiti». «Tzatziki» est une recette traditionnelle grecque élaboréetraditionnellement à partir de yaourt et de concombre. Mais au marché on trouve des produits fortsdifférents qui circulent sous le vocable «tzatziki» à base de fromage blanc. «Ktipiti» est une spécialitégrecque élaborée au fromage avec l’addition du poivron rouge doux, de fines herbes et de l’ail. A notreavis ce serait préférable de protéger ces dénominations avec une attestation de spécificité. Dans ce cas onva protéger davantage le produit que la dénomination tout en protégeant le consommateur qui sans êtreclairement informé se trouve face à une diversité des produits non définis.
11
dénomination «fromage» et, pourtant, il est reconnu par les consommateurs comme
appartenant «au monde des fromages». On considère, alors, que l’objectif de protection des
consommateurs nous montre encore une fois la voie d’action à choisir. Il faut introduire ce
nouveau concept pour protéger les consommateurs des dérives, de l’utilisation d’additifs
nuisibles pour l’homme à des doses importantes et pour éviter les difficultés éventuelles au
commerce international. 17
Plusieurs efforts ont été menés vers la voie d’une reconnaissance officielle. La
Commission fromage d’Atla18 et son groupe spécialisé sur la réglementation ont creusé
longuement la question et ont proposé une définition. Au plan du Codex Alimentarius la
France a introduit la demande d’une norme spécifique pour ces produits lors de la 3ème
session du Comité de lait à Montevidéo (18-22 mai 1998). Et puis, lors de la 4ème session
du comité du lait (Wellington) en février 2000, l’affaire a été de nouveau discutée et il a été
décidé que la France aidée par la Fédération Internationale de Laiterie (FIL) effectuerait
une recherche pour la session suivante (début 2002).
Toutefois, il y a d'autres dénominations pour lesquelles, malgré l’existence d’une
définition nationale, un flou juridique continue à exister tant au plan communautaire qu’au
plan international. Le terme «fermier» ou toute autre indication19 laissant entendre une
origine fermière, évoque un fromage qui est fabriqué, selon les techniques traditionnelles,
par un producteur agricole ne traitant que les laits de sa propre exploitation sur le lieu
même de celle-ci (article 10 a), 4 du décret 88-1206 et article L. 640-2 C. rur. alinéas 2 et 3).
Dans le secteur fromager le terme fermier est défini par rapport à l’opérateur économique,
mais non pas par référence à un cahier des charges de production comme c’est le cas dans
d’autres filières (oeufs, volailles). A l’aide de la réglementation vient la jurisprudence qui a
tracé les grandes lignes du contenu du qualificatif «fermier». Il est admis et de jurisprudence
constante que le terme «fermier» implique l’existence d’un circuit intégré à la ferme,
l’utilisation des méthodes traditionnelles et la commercialisation sur place à la ferme, ou
17 Spécialités fromagères: Le point, GILLIS Jean-Claude : ATLASYNTHÈSES juillet 2000,pp. 1-3.18 En 1993 les deux fédérations d’industriels de la filière laitière française la FNCL et la FNIL ont crééATLA. Ses missions en France: défendre les intérêts communs de la FNCL et de la FNIL. A l’étrangerelle représente les mêmes entreprises dans les instances européennes et internationales.19 P. ex. La marque collective de certification “Bienvenue à la ferme” existe depuis plus de dix ans.NEWS D’ILL, avril 2002 nº 63, p. 12.
12
sur les marchés20. La fabrication de ces fromages par les producteurs agricoles avec le lait
de leur propre exploitation sur le lieu même de celle-ci et, puis, leur vente directe au
consommateur final sans l’intermédiation des grossistes dispensent les producteurs des
mentions d’étiquetage prévues (Décret nº 88-1206, 30 déc. 1988, article 15). En effet, le
législateur a pris en considération que les producteurs fermiers ne disposent pas des moyens
analytiques nécessaires à la détermination de la teneur en matière grasse ainsi que le fait
que le lait produit sur l’exploitation présente un taux de matière grasse variable selon
l’alimentation et les saisons21. D’ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que le règlement nº
2082/92 sur les attestations de spécificité pourrait s’avérer significatif à la définition et à la
protection du terme fermier22.
Poursuivant cette approche de définition de principales dénominations générales de
fromages il nous paraît important de faire la distinction entre le fromage blanc et le fromage
frais. La dénomination «fromage blanc» est réservée à un fromage non affiné qui, lorsqu’il
est fermenté, n’a pas subi d’autres fermentations que la fermentation lactique (article 2
décret 88-1206). Et pour définir un produit en tant que «fromage frais» il doit renfermer une
flore vivante au moment de la vente au consommateur (article 2 décret 88-1206). Cette
dernière dénomination s’applique outre à des fromages en pots consommés sucrés à la
cuillère (au rayon des yaourts), à ceux dégustés salés au couteau (rayon fromages).
Ainsi, la dénomination «fromage fondu» selon l’article 4 du décret 88-1206 est
réservée au produit de la fonte du fromage ou d’un mélange de fromage additionnés
éventuellement d’autres produits laitiers, présentant une teneur minimale en matière sèche
de 43 grammes pour 100 grammes de produit fini et une teneur minimale en matière grasse
de 40g pour 100 grammes de produit après complète dessiccation. Au niveau du Codex
Alimentarius a été demandé la modification de l’extrait sec du fromage fondu.
Enfin le fromage «au lait cru» est fabriqué exclusivement avec du lait chauffé à une
température au plus égale à 40 °C (article 10 c) sous 4 décret 88-1206 et article 2. 1) de la
20 ROCHARD D., Qualité, identification et sécurité des produits: R.D rural n. 274 juin-juillet 1999, pp.369-376 et notamment p. 372.21 DEHOVE, Lamy, paragraphe 370.210.22 Le JAQUEN J. – C., Produits fermiers… quelle identité: Chèvre, septembre-octobre 1996 nº 216, pp.8-9 SERRE G.: Produits fermiers… quelle identité? Information agricole nº 692 juin 1996, pp. 46-48.
13
directive communautaire2392/46/CEE du Conseil sur le lait cru). Le fait que le fromage est
élaboré au lait cru signifie qu’il conserve certaines bactéries pathogènes, dangéreuses pour
l’homme. Par contre le lait des fromages pasteurisés est chauffé à 72° pendant 20 à 30
secondes. Ce procédé thermique détruit tous les germes pathogènes, éventuellement
présents. A la suite de ce procédé, on réensemence le lait en bactéries lactiques nécessaires
à rétablir la flore indispensable à la fabrication du fromage. La reconnaissance du lait cru
avait été fortement contestée lors des Assises de la FIL en septembre 1990. Mais le comité
laitier du Codex Alimentarius en 199024 lui a reconnu le droit d’exister. Les fromages au
lait cru font partie d’un annexe à part entière du code des pratiques hygiéniques.
Fromage au lait cru ou au lait pasteurisé? La question continue à se poser. Les
fromages au lait cru sont les fromages fermiers «piliers de la tradition fromagère française»25
et expression de l’authenticité du terroir. Pour certains les fromages au lait pasteurisé sont
industrialisés, aseptisés. D’un côté il y a la robotisation réduite et la petite production de
l’autre côté l’industrialisation, la production massive et moins de coûts. Et après tout il y a
toujours un aspect économique qui joue un rôle prépondérant au choix des
consommateurs.
Ces définitions reflètent un consensus minimum entre les professionnels, les
consommateurs et les pouvoirs publics. Mais l’évolution de l’industrie laitière et le progrès
de la technologie, la différente «culture» fromagère et les modes de consommation, la
restauration hors domicile et la restauration rapide remettent toujours en question les
définitions de ces dénominations générales.
Ils existent plusieurs catégories de dénominations de fromages. En premier lieu, on
a les dénominations géographiques directes. Il s’agit du nom d’un lieu (Banon, Beaufort), ou
des deux lieuxdits dans le cas des dénominations composées (Ossau-Iraty, Parmigiano-
Reggiano). Ces dénominations individualisent un fromage en fonction de son lieu de
production plus ou moins étendu. En second lieu, on a les dénominations géographiques quasi-
directes (Reblochon, Feta). Il s’agit des noms traditionnels qui ne sont pas de toponymes
mais qui pour des raisons plus ou moins historiques, culturelles et économiques sont
23 voir note 13.24 Une victoire amère : MEDIA FNIL nº18 janvier 1991, pp. 17-18.25 NÈVES C.: Au lait cru ou pasteurisé: lesquels choisir? Cuisiner nº 21 novembre 1994, pp. 30-35.
14
attachés à des productions locales. En troisième lieu, on a les indications de provenance
indirectes, c’est-à-dire, le nom d’une personne ou son effigie ou un emblême qui paraît sur le
produit pour indiquer son origine (Cathare). A la fin, on trouve les noms génériques
(emmental, gouda, edam). Il s’agit des noms géographiques qui, au début, désignaient un
fromage provenant d’un lieu délimité et qui, à la fin, ont devenu le mode d’élaboration
d’un produit typique. Ils existent aussi des marques fromagères comme la célèbre marque «la
vache-qui-rit» ou d’autres moins célèbres comme «Fol épi» (fromage dont la forme
ressemble à une miche de pain, décoré d’épis de blé)26.
Les dénominations géographiques directes et les quasi-directes font l’objet d’une
protection renforcée par des signes de qualité (A.O.P., I.G.P., S.T.G. au niveau
communautaire, labels et certificat de conformité au niveau national).
La catégorie des indications de provenance est une catégorie jurisprudentielle
définie avec une certaine ambiguïté par la CJCE. Selon, M. Salignon, la catégorie des
indications de provenance constituent «le dernier filet avant la sanction : la dénomination
générique»27. Il est difficile de dégager un principe général quant à la valeur juridique d’une
indication de provenance. La terminologie des dénominations géographiques paraît très
fluctuante au fil du temps. Les indications de provenance n’ont pas besoin d’un cahier des
charges et elles ne présentent pas certaines caractéristiques qui dépendent plus ou moins
fortement de l’aire géographique. La Cour à l’arrêt Exportur a défini les indications de
provenance comme «des dénominations géographiques qui sont pour des produits dont il
ne peut être démontré qu’ils doivent une saveur particulière au terroir et qui n’ont pas été
produits selon des prescriptions de qualité et des normes de fabrication fixées par un acte de
l’autorité publique, dénominations communément appelées indications de provenance»28.
Cette catégorie peut être conçue plutôt comme une partie des indications géographiques
protégées. Il s’agit soit des I.G.P. justifiées par une réputation liée au terroir soit des
dénominations génériques. La seule protection possible dans le deuxième cas est celle du
droit des marques géographiques, du droit des dessins et modèles et celle d’une action en
concurrence déloyale.
26 On pourrait se référer à un fromage de la région d’Angoulême appellé «taupinière». Ce fromage, assezoriginal, ressemble à des monticules de terre formés par les taupes. Pourtant, on ne sait pas si cette formeest déjà protégée par le dépôt d’une marque ou d’un modèle.27 SALIGNON Gr., La jurisprudence et la réglementation communautaires relatives à la protection desappellations d’origine, des dénominations génériques et des indications de provenance: RMUE 4/1994,pp. 107-154.
15
Pour les fromages génériques, en principe la dénomination en tant que telle ne fait
pas l’objet d’une protection renforcée. Bien sûr, ces fromages peuvent être identifiés par
rapport à l’entreprise qui les fabriquent, c’est-à-dire, au moyen des marques. Ces marques
constituent parfois pour les consommateurs des identifiants forts mais sont loin d’offrir une
garantie de qualité même s’il y a des entreprises qui essayent de mettre au marché des
produits d’une qualité constante. La fonction des marques est de rendre l’offre plus visible
par les consommateurs mais elles n’arrivent pas à résoudre les problèmes posés à la
circulation des fromages génériques.
Rares sont les litiges en droit des marques qui concernent des marques fromagères.
Il s’agit d’une jurisprudence assez importante29 en droit des marques, mais on ne juge pas
nécessaire de la traiter ici parce que ces litiges ont été résolus sur la piste du droit des
marques et de la concurrence déloyale. Bien sûr, on va faire quelques références au droit
des marques là où l’on considère important pour le développement de notre sujet.
On va étudier notre sujet en le traitant des deux axes. Dans un premier temps, on
va se pencher sur la notion des dénominations des fromages «génériques», c’est-à-dire, des
fromages qui sont fabriqués dans plusieurs pays et largement commercialisés dans le
monde entier, et sur les problèmes délicats que ces génériques posent aux transactions
commerciales (Partie I). Dans les textes de lois on ne va rencontrer que le terme
«dénominations», mais, les termes «dénominations génériques» ou «dénominations de
vente» utilisés par la doctrine et la jurisprudence évoquent la même notion juridique. Puis,
on va suivre notre analyse en présentant les différents problèmes d’interprétation du système
communautaire (A.O.P., I.G.P., S.T.G.) à propos des affaires concernant des dénominations
des fromages (Partie II).
28 Arrêt du 10 novembre 1992, Rec. CJCE, attendu 28.29 CA Paris 4 mars 1959, D. 1960, p. 28-31: note DESBOIS H.; JCP 1957 II 9869: note CHAVANNE A;Ann. 1959, p. 140-145: note Le TARNEC A.; Cour de Cassation (Ch. comm.) 5 janvier 1966, Ann. 1967,p. 83-84; Cour de Cassation (Ch. comm.) 30 janvier 1996, D. 1997, p. 232-234, Jurispr.: note SERRA Y.;CA de Poitiers, ch. civ., 3 déc. 1996, PIBD 1997 n.628.III. 157; CA de Paris, 4ème ch., 4 avril 1991,PIBD n°507.III.544; Cour de Cassation (Ch. comm.) 4 juillet 1995, arrêt n.1481 Lamy juridisque.
16
Partie I : L’absence d’un système uniforme pour les dénominations
génériques des fromages
Les dénominations des fromages génériques font depuis longtemps l’objet
des discussions acharnées sur le plan national, régional et mondial. La nécessité
d’une réglementation en la matière s’est fait sentir très vite. La tâche n’est pas du
tout aisée (Titre I). Les législateurs nationaux, le Conseil de Stresa, le Comité du
Codex Alimentarius, l’Assilec (Association de l’Industrie laitière de la
Communauté européenne) se sont impliqués à ce travail difficile sans des résultats
satisfaisants. Toutes ces réglementations se basent sur une approche «verticale» du
problème (définition produit par produit, type de fromage par type). Cette approche
s’oppose à la nouvelle conception de la CEE inspirée de l’arrêt «Cassis de Dijon»
qui veut qu’en matière agro-alimentaire tout produit légalement fabriqué et
commercialisé dans un quelconque pays de la CEE le soit dans les autres (Titre II).
17
Titre I : Disparités des réglementations
On va examiner la disparité des réglementations en prenant l’exemple du terme
générique «fromage» (Chapitre 1) et des simples dénominations de vente (Chapitre 2).
Chapitre 1 : La définition du terme «fromage»
Selon l’article 1er du décret 88-1206 «la dénomination "fromage" est réservée au
produit fermenté ou non, affiné ou non, obtenu à partir des matières d’origine
exclusivement laitières suivantes : lait, lait partiellement ou totalement écrémé, crème,
matière grasse, babeurre, utilisées seules ou en mélange et coagulées en tout ou en partie
avant égouttage ou après élimination partielle de la partie aqueuse. La teneur minimale en
matière sèche du produit ainsi défini doit être de 23 grammes pour 100 grammes de
fromage».
La Convention de Stresa le définit à son article 2 en tant que «le produit fermenté
ou non, obtenu par égouttage après coagulation du lait, de la crème, du lait partiellement
ou totalement écrémé, ou de leur mélange, ainsi qu’au produit obtenu par concentration
partielle du lactosérum ou du babeurre, à l’exclusion, dans tous les cas, de toute addition de
matière grasse étrangère au lait». Selon le même article, deuxième alinéa, les parties
contractactes s’engagent a supprimer sur leur territoire, dans un délai de deux ans à partir
de la ratification de la présente convention, au besoin par la législation, tout emploi du mot
«fromage», seul ou combiné avec d’autres mots, qui n’est pas en conformité avec la
définition retenue30. Ainsi, l’emploi du terme fromage pour des produits, tels que fromages
de tête, fromages de viande, qui n’avaient rien de commun avec le fromage en dehors du
nom, a amené les rédacteurs à se ressentir encore plus le besoin d’une définition stricte
pour le fromage.
Le Codex Alimentarius à la norme A6 pour le fromage décrit le fromage comme le
produit affiné ou non affiné, de consistance molle ou semi-dure, dure ou extra-dure qui
18
peut être enrobé et dans lequel le rapport protéines de lactosérum/caséine31 ne dépasse pas
celui du lait, et qui est obtenu: a) par coagulation complète ou partielle des matières
premières suivantes: lait et/ou produits obtenus à partir du lait, grâce à l’action de la
présure ou d’autres agents coagulants appropriés et par égouttage partiel du lactosérum
résultant de cette coagulation; et/ou b) par l’emploi de techniques de fabrication entraînant
la coagulation du lait et/ou des produits provenant du lait, de façon à obtenir un produit
fini ayant des caractéristiques physiques, chimiques et organoleptiques similaires à celles
du produit défini à l’alinéa a).
La question de la définition du fromage a été posée dans une affaire mettant en
cause l’entreprise agro-alimentaire Union Deutsche Lebensmittelwerke GmbH (UDL) et
Schutzverband gegen Unwesen in der Wirtschaft eV, une association de lutte contre la
concurrence déloyale. La société fabriquait surtout des fromages et des produits dérivés du
fromage, y compris des denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière ou
diététique. L’ UDL commercialise sous la marque «Becel» des denrées alimentaires dans
lesquelles les graisses animales contenant des acides gras saturés sont remplacées par des
graisses végétales riches d’acides gras polyinsaturés, qui ont pour propriété de faire baisser
le cholestérol. L’UDL commercialisait depuis le début des années 90 deux produits sous la
dénomination «pâte à tartiner diététique». Le litige est né du changement de la
dénomination en «Apéritif hollandais – Fromage diététique à l’huile végétale pour une
alimentation à base de matières grasses de substitution» et «Fromage diététique à pâte
molle contenant de l’huile végétale pour une alimentation à base de matières grasses de
substitution». Pour assurer l’information des consommateurs il était prévu d’indiquer sur
l’emballage, pour le premier de ces produits, que «ce fromage diététique est riche en acides
gras polyinsaturés» et pour le second, que «ce fromage diététique est idéal pour un régime
30 Décret nº 52-663 du 6 juin 1952 portant publication de la convention internationale sur l’emploi desappellations d’origine et dénominations de fromages, signée à Stresa, le 1er juin 195, JO 11 juin 1952, pp.5821-5824.31 Lactosérum est le sous-produit de la fabrication du fromage ou de la caséine moyennant l’action desacides, de la présure et/ou des procédés chimico-physiques (Règl. 625/78 art.1). Caséine est la matièreprotéique contenue dans le lait en quantité la plus importante, lavée et séchée, insoluble dans l’eau,obtenue à partir du lait écrémé, par précipitation (Dir. 83/417). A la grande déception de la France quiétait le seul pays à voir soutenu la définition du fromage sans mention du rapport protéines desérum/caséine le comité laitier du Codex Alimentarius réuni à Rome en novembre 1990 a défini lefromage de la façon la plus stricte possible, puisque le critère protéine de lactosérum/caséine est nonseulement maintenu, mais placé en tête de la définition. «Une victoire amère», MEDIA FNIL n˚ 18, janv.1991, pp. 17-18.
19
comportant une surveillance du cholestérol». Le Schutzverband a assigné l’UDL et a
demandé l’interdiction de ces dénominations considérant qu’elles sont illicites. Le
Landgericht Hamburg a rejeté le recours. Son jugement a été frappé d’appel et la juridiction
d’appel a réformé la décision rendue en première instance. L’UDL par la suite a formé un
recours devant le Bundesgerichtshof, qui a adressé à la Cour de justice des Communautés
européennes deux questions préjudicielles.
La première question portait sur la combinaison de l’article 3 paragraphe 1 du
règlement n°1898/8732 et de l’article 3 paragraphe 2 de la directive 89/398/CEE33. Le
règlement n°1898/87 définit à l’article 2 paragraphe 2 que les produits laitiers34 au sens du
règlement sont les produits dérivés exclusivement du lait, étant entendu que des substances
nécessaires pour leur fabrication peuvent être ajoutées, pourvu que ces substances ne soient
pas utilisées en vue de remplacer, en tout ou en partie, l’un quelconque des constituants du
lait. Les dénominations viseés à l’article 2, parmi lesquelles le fromage, ne peuvent être
utilisées pour aucun produit autre que les produits qui y sont visés. La directive n° 89/398
a comme objet la fixation des règles d’étiquetage et de présentation précises des denrées
alimentaires destinées aux besoins nutritionnels particuliers des personnes dont le
métabolisme est perturbé, qui se trouvent dans des conditions physiologiques particulières,
à des nourrissons ou enfants en bas âge. La directive ne permet certaines dérogations aux
dispositions générales applicables aux denrées alimentaires que dans la mesure où ces
modifications portent sur la composition ou l’élaboration d’une denrée alimentaire afin
qu’elles puissent parvenir à l’objectif nutritionnel spécifique poursuivi par les produits
relevant de la directive. Selon l’appréciation de la Cour la dénomination des denrées
alimentaires destinées à une alimentation particulière est régie par le règlement et que, dès
lors, elles ne peuvent être désignées par la dénomination générique des produits de
consommation courante qui leur correspondent que lorsque leur composition, tout en étant
modifiée pour être conforme à l’objectif nutritionnel particulier, n’est pas contraire aux
32 Règlement CEE n˚ 1898/87 du Conseil du 2 juillet 1987 concernant la protection de la dénomination dulait et des produits laitiers lors de leur commercialisation JOCE n˚ L 182 du 3/7/1987, pp. 36-38.33 Directive 89/398/CEE du Conseil du 3 mai 1989, relative au rapprochement des législations des Étatsmembres concernant les denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière JOCE n˚ L 186 du30/6/1989, pp. 27-32.34 La même définition des produits dérivés du lait existe dans l’article 2 sous 4) la directive 92/46/CEE du16 juin 1992 arrêtant les règles sanitaires pour la production et la mise sur le marché de lait cru, de laittraité thermiquement et de produits à base de lait. JOCE n.L 268 14/9/1992, pp. 1-32.
20
dispositions relatives à la protection de la dite dénomination.35 La Cour conclut qu’un
produit laitier dans lequel un constituant du lait a été remplacé ne peut pas revendiquer la
dénomination «fromage».
Quant à la seconde question elle estime que «s’agissant de produits dérivés du lait
dans lesquels un constituant naturel de celui-ci a été remplacé par une substance
extrinsèque, l’utilisation d’une dénomination telle que "fromage diététique à l’huile
végétale pour une alimentation à base de matières grasses de substitution" n’est pas
autorisée alors que cette dénomination serait complétée par des mentions descriptives
figurant sur les emballages, telles que "ce fromage diététique est riche en acides gras
polyinsaturés ou ce fromage est idéal pour un régime comportant une surveillance du
cholestérol"»36. La Cour s’est demandé si cette interdiction malgré l’utilisation des
mentions précitées à l’étiquetage serait contraire au principe de proportionnalité, principe
général du droit communautaire qui exige que les actes des institutions communautaires ne
dépassent pas les mesures nécessaires à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par
la réglementation en cause. Dans ce cas cette prohibition a été considérée nécessaire à la
protection des consommateurs et pas excessive. D’ailleurs, dans le domaine de la politique
agricole commune le législateur communautaire dispose du pouvoir discrétionnaire
d’adopter des mesures à moins que ces mesures ne revêtent un caractère manifestement
inapproprié. L’avocat général M. SAGGIO dans ses conclusions doute de l’efficacité de
l’ajout des mentions proposées par l’UDL. La Cour a soutenu que, malgré l’étiquetage, le
risque de confusion n’est pas exclu pour le consommateur. Le consommateur est surtout
attiré du terme «fromage» et c’est seulement ce terme qui lui permet de s’orienter alors que
l’influence exercée sur ses choix par les mentions explicatives n’est qu’éventuelle37.
L’affaire précédente n’est pas la seule relative à l’utilisation de la dénomination
«fromage». Dans l’arrêt du 11 octobre 199038 la CJCE a resulté que la législation italienne
en interdisant l’importation et la commercialisation sous la dénomination «fromages», de
35 Considérant 19, arrêt de la CJCE du 16 décembre 1999, affaire C-101/98, Rec. 1999, p. I-8841.36 Considérant 35 même arrêt.37 Conclusions, point 39.
21
fromages ne respectant pas une teneur minimale de m.g. était à l’encontre de l’article 30 du
traitéCEE.
38Commission c/ République italienne, arrêt du 11 octobre 1990 C-210/89, Rec. 1990 p. 3697.
Chapitre 2 : Fromages en quête d’auteur
On va suivre notre étude en voyageant dans le temps et l’espace avec les fromages
les plus connus du monde. Le camembert (Section 1), l’emmental (Section 2), et la
mozzarella (Section 3). On verrait avec une certaine réticence parmi ces fromages
génériques les noms des deux fromages qui actuellement préoccupent les autorités
communautaires : le parmesan39 et la feta40. Au contraire il nous semble logique de
comprendre dans cette partie le cas de Morbier A.O.C. (Section 4), la délimination duquel
a suscité de graves problèmes pour une large partie des fabricants (90% de la production)41
qui se voit privée de l’usage de la dénomination «Morbier».
Section 1 : Le camembert
Quand on parle du camembert il faut distinguer entre le camembert et le
Camembert de Normandie A.O.C. Le camembert, mythe national, est devenu un nom
générique. En termes exactes de l’arrêt de la Cour d’appel d’Orléans du 20 janvier 192642
«… les usages loyaux et constants du commerce ont fait, depuis de longues années, de
l’appellation «Camembert» l’indication d’un genre de fromage, et non plus celui du lieu
d’origine de ce fromage». Mais comment et à partir de quel moment l’appellation d’origine
devient-elle générique?
En droit des appellations d’origine comme en droit des marques43 la
dégénérescence est considérée la rançon de la célébrité, la conséquence presque inéluctable
du succès. La marque devient le nom commun d’un genre ( par le latin «genus»), d’un type
39 Affaire C-66/00 actuellement pendante à la CJCE conclusions de l’avocat général M. Philippe LÉGER.40 Le règlement CE n.1070/1999 suite à l’arrêt du 16 mars 1999 de la CJCE dans les affaires jointes (C-289/96,C-293/96,C-299/96) a annulé l’enregistrement de la dénomination «feta» en tant qu’AOP. Mais laCommission vient de proposer pour la deuxième fois la protection géographique du feta. Communiqué depresse 14/6/2002 IP/02/866.41 OLSZAK N., Droit des appellations d’origine et indications de provenance. Éd. Lavoisier, Paris, 2001,p. 20, note 23.42 CA d’Orléans, 20 janvier 1926, Propriété Industrielle 1926, nº 8, p. 172-173.43 PEROT-MOREL M.-A, La dégénérescence des marques par excès de notoriété. Mélanges D.BASTIAN, pp. 49-71.
23
de produit et perd son caractère distinctif. Le lien entre le terroir et le produit est très étroit;
le premier imprime au second ses caractéristiques. Le caractère par excellence original de
l’appellation d’origine, c’est-à-dire, le fait que la dénomination identifie le lien unique entre
le produit et l’origine géographique, le fait que le produit ne provient que d’une seule aire
géographique est à l’origine de la construction d’une appellation d’origine. Le premier
étape à la reconnaissance d’une appellation d’origine est la volonté commune sur les
conditions de production et d’élaboration du produit. Une fois que le produit a acquis une
bonne réputation c’est à la compétence de l’État de réglementer et de contrôler l’utilisation
par les opérateurs qui ont droit à l’appellation.
Ici, contrairement au droit des marques la volonté d’usurpation de la dénomination
se situe dans le cycle des producteurs. Le développement des génériques dans le cas des
indications de provenance réside au comportement des producteurs et des distributeurs44 et
de ce fait est moins spontané au sein du public. Cette idée est conforme au grand principe
du droit français selon lequel l’abandon d’un droit ne se présume pas. Il faudrait, alors,
prouver des actes de volonté manifestant la reconnaisance de la perte du droit sur une
appellation d’origine.
Selon la tradition, l’invention du camembert a pris lieu en 1791, au manoir de
Beaumoncel à Camembert, petite commune normande du pays d’Auge par Marie Harel.
C’était sous le conseil d’un prêtre réfractaire, qui a suggéré à Marie Harel l’idée d’adopter
le procédé de fabrication du fromage Brie, qu’a pris naissance le camembert. «Ce serait
ainsi que, faisant du brie dans un moule à livarot, Marie Harel aurait inventé le
camembert»45.
La recette du camembert s’est transmise oralement. Au début il s’agissait d’un
secret familial. Mais sa diffusion en dehors du lieu de la première production et la
croissance de la demande ont favorisé les imitations. Depuis 1856 existent des industries
fromagères en dehors de la Normandie, comme dans la Meuse, l’Ille-et-Vilaine et le Rhône
qui produisent le Camembert. D’ailleurs, le Syndicat du véritable Camembert (S.F.V.C.N.)
a admis au sein du syndicat des fromagers fabricants, non seulement de Normandie, mais
44 OLSZAK N., Droit des appellations d’origine et indications de provenance. Éd. Lavoisier, Paris, 2001,p.17.45 BOISSARD P., Le Camembert. Mythe national. Éd. Calmann-Lévy, 1992, p. 21.
24
d’autres régions telles que la Vendée, la Loire-Inférieure et la Vienne. Le syndicat a aussi
reconnu implicitement le droit à l’appellation «Camembert» à des fromages fabriqués
ailleurs qu’en Normandie.46
La question de l’extension d’une appellation d’origine pour couvrir des produits qui
ne provenaient pas de la commune dont ils portaient le nom était d’une réelle acuité. Ce
point a été discuté au Congrès de la répression des fraudes de Paris (1909) où il est resté
sans solution47. A ce même congrès une définition a été donnée; le fromage doit renfermer
un minimum de 36% de matière grasse et provenir de lait pur vache. On constate que cette
définition en premier lieu n’a pas précisé le lieu d’origine du produit et en second lieu n’a
pas tenu compte des usages loyaux et constants, puisque selon M. Herson, président de
l’Union syndicale des marchands en gros de fromages (rapporteur) le taux de 36% de
matière grasse était trop élevé et que le camembert n’était jamais fabriqué avec du lait pur.
Le Syndicat du véritable camembert a adopté une définition floue lors de son
assemblée générale constitutive de 1909. Puis, à la demande du ministère de l’Agriculture
une nouvelle définition a été proposée par le S.F.V.C.N. La Normandie a été précisée en
tant qu’aire de production. Entre 1909 et 1926, la question du camembert agite beaucoup
de monde. Les industriels laitiers se sont opposés à une délimitation du camembert. La
bataille de la délimitation a opposé les fromageries attachées à la tradition aux industriels
qui étaient plutôt pour la standardisation. La pasteurisation dans les années 50 est venue
aggraver le manque d’unanimité au sein des producteurs.
Mais, outre les raisons juridiques liées aux difficultés de définition du camembert,
la banalisation de ce produit est due aux délocalisations opérées au fil du temps pour
rationaliser les outils de production. Le marché impose ses propres règles : la continuité et
l’homogénéité. Et les producteurs pour faire face au besoin d’un approvisionnement
régulier du marché sont obligés de se battre aux mystères de la nature. Le besoin d’un lait
constant et stable impose d’une certaine façon les délocalisations. Ces délocalisations sont
fréquentes dans l’industrie agroalimentaire, comme dans le secteur de la charcuterie-
salaison ou de la confiserie où ils sont admises par les codes d’usages professionnels48 et
46 voir note 33.47 Note Conseiller CHESNEY, Trib. Civil de St-Affrique, 22 déc. 1921: D. 1922,2, p. 81 et notammentp.83.48 ROCHARD D.. Selon le code de la charcuterie, de la salaison et des conservations de viandes“l’indication, dans la dénomination de vente, d’une région ou d’un lieu géographique ne peut être
25
imposées même par le besoin de la viabilité de l’entreprise. L’affaire des «Rillettes du
Mans» est un exemple dans le domaine de la charcuterie. Et après tout le manque de
rattachement du fromage au sol, contrairement à la vigne, fait que ce procédé apparaisse
dans le temps comme une évolution peu suspecte, presque imposée par la force des choses.
Au début et jusqu’en 1870, la production du Camembert au pays d’Auge est limitée
provenant du lait des vaches de chaque ferme. Pour accroître la production et faire face à la
demande il faut s’approvisionner en lait par d’autres fermes. Pour se procurer le lait dont ils
en besoin les producteurs louent plusieurs fermes. Beaucoup plus tard, après 1950 un des
grands industriels de Normandie (Michel Besnier) confronté au même problème va acheter
une par une toutes les petites fromageries fermières du nord.
En 1968, le Syndicat des fabricants du véritable camembert de Normandie a obtenu
un label rouge «Véritable camembert de Normandie», reconnaissance qui s’appliquait au
fromage au lait cru et au lait pasteurisé sans distinction. Le Syndicat a abandonné ce label
contre la promesse d’une appellation d’origine contrôlée appliquée au camembert au lait
cru moulé à la louche. A la fin en 1986 le Syndicat a obtenu le décret de la reconnaissance
de l’appellation d’origine contrôlée49. L’aire géographique de production s’étend au
territoire des départements du Calvados, de l’Eure, de la Marche, de l’Orne et de la Seine-
Maritime. La dénomination de ce fromage témoigne avant tout son origine augeronne. Le
pays d’Auge serait la seule délimitation fondée sur des usages locaux, loyaux et constants.
La Normandie est une région très diversifiée pour justifier une homogénéité des conditions
qui conférerait au camembert la typicité d’un fromage A.O.C. Mais pourquoi, alors, une
telle délimitation a-t-elle choisie? On lit dans le livre de M. P. Boisard que «ce choix visait à
donner plus de poids politique et plus d’impact à la revendication». En fin de compte, il
s’agissait de prendre en considération pour la relocalisation du camembert tout un
ensemble des facteurs: les droits acquis, les efforts concertés et les investissements effectués
au fil du temps.
considérée comme une indication de provenance dans la mesure où il existe une appellation consacrée parles usages, bien connue du public et que le produit est fabriqué selon la recette qui résulte de ces usages, adébordé depuis longtemps la région d’origine”. R. D. rural. nº 251 mars 1997, p. 174.49 Décret 86-1361 du 29 décembre 1986.
26
La dénomination «Camembert» reste malgré tout générique. Il est fabriqué en
Argentine, en Allemagne, au Danemark, au Japon, aux Etats-Unis et dans bien d’autres
pays. Aux États-Unis l’augmentation des importations au début de XXème siècle a incité le
gouvernement américain à financer des recherches pour développer une production locale
de camembert. Des fromagers Normands ont transfert leur savoir-faire et des Suisses ont
créé des fabriques de bries et de camemberts. Une des fromageries dirigée par des
Normands, originaires d’Isigny, après avoir essayé de fabriquer du camembert s’est mise à
élaborer un autre fromage moins affiné, qu’elle a baptisé Isigny. Ainsi, plusieurs types de
fromages portent le nom «Camembert»50.
En tant que fromage «international»51 le camembert pose toujours de problèmes
quant à sa définition. Le décret 88-1206 (annexe) réserve la définition camembert au
fromage élaboré avec le lait de vache, à pâte légèrement salée avec moisissures
superficielles, à 40% de matière grasse, présenté en forme de cylindre plat de 10,5 à 11 cm
de diamètre et de 8 à 8,5 cm pour le petit camembert. Les Allemands et les Danois
prévoient 30% de matière grasse et les Allemands refusent d’appeler le petit format petit
camembert 52.
Section 2 : L’emmental
L’emmental est un fromage, originaire de Suisse. La dénomination «Emmental»
correspond au nom d’une rivière de Suisse (tal signifie vallée et Emme est le nom de la
rivière). Au début, ce fromage était fabriqué pour conserver le lait de troupeaux importants.
Le savoir-faire des fromagers suisses s’est vite diffusé sur tout le massif. L’Allemagne,
l’Autriche, la France, la Finlande, l’Irlande, le Danemark, et les Etats-Unis produisent ce
fromage ou d’autres types de fromage commercialisés sous le nom «emmental53». Il
devient, ainsi, un des fromages les mieux exportés dans le monde. Les échanges en dix ans
50 BOISSARD P., Le Camembert. Mythe national, , éd. Calmann-Lévy, 1992, p. 260.51 En 2000 la France a exporté 17606 tonnes de camembert. (Base des données de Cidil).52 Harmoniser les définitions. 5 fromages en quête d’auteur: ATLASYNTHÈSES n.7 juillet 1994, pp. 2-4.53 Aux Etats-Unis ce fromage se commercialise sous le nom Swiss Cheese. Le Danemark a rebaptisé sonSvenbo emmental. L’emmental, fromage international. RLF nº 549 avril 1995, p. 16-18.
27
(1983-1993/94) sont passés de 162000 tonnes à 252000 tonnes. La progression moyenne
annuelle est de 3% par un sur les 20 dernières années. Les exportations de la France sont
passés de 17231 tonnes à 19437 tonnes en dix ans (1990-2000), soit une augmentation de
11,3%.54 Le passage de l’emmental du stand coupe au libre service et, puis, la
commercialisation du fromage râpé ont assuré un développement à ce produit qui s’adapte
très bien aux besoins de la restauration moderne. On comprend que l’enjeu n’est pas
négligeable en termes économiques et financiers. Les définitions nationales reflètent «la
culture culinaire», les conditions de production de chaque pays et la divergence d’intérêts
entre industies nationales. Les américains p.ex. ont déterminé même la taille des trous de
leur «swiss cheese» tandis que les néo-zélandais n’exigent pas l’existence des trous55.
Jusqu’au février 2002 un emmental français pour revendiquer la dénomination
emmental devait présenter une croûte dure et sèche, de couleur jaune doré à brun clair et
entre autres la dimension des ouvertures devait aller «de la grosseur d’une cérise à celle
d’une noix». Le décret nº 2002-256 du 22 février 2002 à la suite de l’arrêt Guimont56 a
écarté l’exigence de la croûte. Alors, l’emmental peut être commercialisé en France aussi
bien avec ou sans croûte.
Quant au Codex alimentarius l’emmental doit avoir 45% de matière grasse. Il peut
être vendu sous forme de bloc ou de meule. S’il est sous forme de bloc, il peut être affiné
sous film et vendu sans la croûte. Cette règle date de 1967 et elle est en cours de révision.
Au contraire la Convention de Stresa de 1951 limite le produit à la forme de meule.
Mais, même dans le domaine des génériques, il y a toujours la possibilité
d’encadrer juridiquement, de différencier et de valoriser les fromages génériques d’autant
plus que ceux-ci arrivent dans un marché de plus en plus concurrentiel : le système des
labels et des certifications de conformité. L’article L. 643-1 C. rur. auquel renvoie l’article
L. 115-21 C.consomm. «dispose que les denrées alimentaires et les produits agricoles non-
alimentaires et non-transformés peuvent bénéficier d’un label agricole ou faire l’objet d’une
certification de conformité aux règles définies dans un cahier des charges». En principe les
labels et les certificats de conformité garantissent une qualité supérieure dans le premier cas
ou une qualité spécifique dans le deuxième cas. Ils n’établissent pas un lien entre l’origine
54 Statistiques base de données de Cidil.55 Les actualités du groupe LACTALIS (Dossier emmental): site www.lactalis.com.56Aff. C-448/98 et infra Titre II, Partie I.
28
géographique et les qualités d’un produit. Mais, le droit français a opté pour une
articulation57 du système national des signes de qualité et du système communautaire de la
protection des dénominations, c’est-à-dire, la possession d’un signe national est le seuil
pour accéder à une mention communautaire. Pour la conception française la
réglementation communautaire ne met pas en place des signes de qualité mais consacre la
localisation d’un produit dans une zone géographique délimitée. L’article L. 115-26-1
alinéa 4 dispose que «la demande d’enregistrement d’une indication géographique protégée
ou d’une attestation de spécificité ne peut s’effectuer que dans le cadre des dispositions de
la section II du présent chapitre». Le va et vient entre les deux niveaux de protection est
confirmé par l’article L. 115-23-1 C.consomm. qui prévoit que «le label ou la certification
de conformité ne peut pas comporter de mention géographique si cette dernière n’est pas
enregistrée comme indication géographique protégée». L’objectif du législateur national
dans cette disposition était d’écarter la protection d’un terme géographique par le signe
national si ce terme n’est pas reconnu au niveau communautaire d’autant plus que les
signes nationaux ne sont pas destinés à protéger l’origine géographique des produits.
L’emmental de Savoie bénéficie du label régional Savoie, créé le 11 octobre 1978 et au
niveau européen d’une indication géographique protégée (I.G.P.)58. L’emmental Français
Est-Central Grand Cru bénéficie d’un label rouge, homologué le 31 juillet 1979 et d’une
I.G.P59. Il y a aussi une A.O.P. pour l’emmental allemand (Allgäuer Emmentaler)60.
Autre mention particulière pour l’emmental, qui vient d’être définie par le décret n°
2002-256 du 22 février 2002 et qui peut être utilisée conjointement avec la dénomination de
vente, est l’«affinage de tradition». Le fromage pendant l’affinage doit être nu et à l’air libre.
La durée d’affinage doit être de trois semaines au moins de manière à ce que le fromage
57 PITAUD Chr. Signes distinctifs de qualité: l’articulation du droit interne et de la réglementationcommunautaire: R.D. rural nº 246 octobre 1996, pp. 369-372; LASSAUT B., LE MEUR-BAUDRY V.Les motivations des groupements demandeurs d’I.G.P. et leurs interpétations du règlement CEE nº2081/92. Quelles sont les causes de conflits entre entreprises et les risques de concurrence déloyale?R.D.rural n. 291 mars 2001, pp. 140-148.58 L’aire géographique comprend les départements de Savoie et Haute-Savoie et pour l’affinage est aussicomprise la commune de Saint-Germain-de-Joux (Ain).59 L’aire géographique comprend les départements des Vosges avec les arrondissements limitrophes de laHaute-Marne, le Doubs, le Jura et les arrondissements limitrophes de la Côte-d’Or, de l’Ain, de la Saône-et-Loire, la Haute-Saône, le Territoire de Belfort, l’Isère. La Savoie, La Haute-Savoie et le Rhône.60 Ici, il s’agit de la délocalisation du générique, c’est-à-dire l’adjonction d’une indication qui restitue lavéritable origine.
29
présente une croûte dure et sèche de couleur jaune doré à brun clair. Et pour les portions
découpées et préembalées il est prévu l’existence de croûte sur au moins une face.
L’emmental reste toujours une affaire ouverte. L’emmental à son pays natal
bénéficie d’une indication de provenance depuis 1962. Les producteurs d’emmental suisse
(l’interprofession «Emmentaler Switzerland») ont demandé récemment une appellation
d’origine contrôlée pour ce fromage. L’aire géographique de production comprend les
cantons de Berne ( sans le district de Moutier), Glaris, Lucerne, Schwyn, Soleure, Saint-
Gall, Thurgovie, Zoug et Zurich et le canton de Fribourg, dans les districts de Lac et de la
Singine. Si cette dénomination va être enregistrée, elle ne sera protégée qu’en Suisse.
Pourtant, l’«Emmentaler Switzerland» vise à une protection beaucoup plus ample, à une
appellation «réservée exclusivement aux producteurs de la région géographique
déterminée»61.
Mais comment la Suisse va répondre aux oppositions des producteurs français et
allemands portant sur le caractère générique de l’emmental? Comment l’Ordonnance
Suisse sur les A.O.C. et les I.G.P. du 28 mai 1997 définit-elle le caractère générique d’une
dénomination? La réglementation suisse en l’affaire est calquée sur le modèle
communautaire. L’art. 4 alinéa 1 de l’Ordonnance dispose qu’un nom générique ne peut
être enregistré comme appellation d’origine ou indication géographique. L’alinéa 3 du
même article détermine les critères à tenir en compte pour résulter au caractère générique
du nom; en premier lieu, c’est l’opinion des producteurs et notamment dans la région où le
nom a son origine; en second lieu, ce sont les législations cantonales.
Section 3 : La mozzarella
La mozzarella, un fromage d’Italie, est une affaire de grande complexité comme
d’ailleurs d’autres fromages de l’Europe du sud. Mais de quelle mozzarella parle-t-on?
61 AP dépêche Monde lundi 5 août 2002 “Une AOC en vue pour l’emmental suisse”.
30
Ils existent au niveau européen deux dénominations protégées pour la mozzarella.
La «Mozzarella di Bufala Campana», au lait de bufflonne de la région Campanie, bénéficie
dès 199662 d’une A.O.P. En outre, une attestation de spécificité européenne a été accordée
à la mozzarella avec un cahier assez strict réservant la dénomination aux fromages produits
conformément aux recettes traditionnelles.
La description du produit dans le règlement CE n. 2527/9863 de la Commission qui
enregistre la mozzarella au registre des attestations de spécificité retient la définition donnée
par le Codex; la mozzarella de typologie traditionnelle est un fromage frais à pâte filée,
molle, à fermentation lactique. Sa forme peut être sphéroidale avec éventuellement une
éminence ou se présenter sous la forme d’une tresse. La protection conférée à la mozzarella
est celle de l’article 13, paragraphe 1 du règlement 2082/92. Selon l’article précité le nom
visé à l’article 5 associé à la mention et au symbole sont les éléments réservés au produit
agricole ou à la denrée alimentaire. Ainsi, seuls les producteurs et/ou transformateurs qui
respectent le cahier des charges pourront utiliser cette dénomination. La protection
conférée par l’article 13, paragraphe 1 marche plutôt comme un système communautaire
des marques collectives de certification. Après tout, le terme «mozzarella» séparément de la
mention communautaire «spécialité traditionnelle garantie» peut toujours être utilisé par
tout producteur qui ne respecte pas le cahier des charges. Il ne s’agit pas d’une protection
exclusive à l’instar de la protection conférée aux A.O.P et I.G.P. Par contre l’article 13
paragraphe 2 opte pour une protection complète qui consiste à la réservation du nom pour
les producteurs, qui ont déposé la demande de protection. Dans le cas de la mozzarella le
groupement n’a pas demandé expressément la protection de l’article 13 paragraphe 2.
D’ailleurs, en août 199664 l’Italie a formé une demande basée sur un projet
d’appellation d’origine protégée pour une mozzarella élaborée à partir de lait de vache, pour
un fromage produit dans une région au sud de Rome. Il n’y a pas un tel enregistrement
jusqu’à ce jour.
En tout cas la discussion sur la définition de la mozzarella par les organisations
internationales n’est pas privée d’intérêt. Le faible dégré de protection garantie par
62 Règlement CE n° 1107/96 de la Commission du 12 juin 1996 relatif à l’enregistrement des AOP/IGPJOCE nº L 148 du 21 juin 1996 pp. 1-10.63 JOCE n. L. 317 du 26/11/1998, pp. 14-18.
31
l’attestation de spécificité laisse de place à de nouvelles discussions. La Grande Bretagne
voudrait 35% de matière grasse. Quant aux danois, eux ils préfèrent 39% de la matière
grasse et pour la couleur… ils ne veulent pas une mozzarella totalement blanche65!
Le Comité du Codex avait un projet sur une norme internationale qui autoriserait
une double distinction : une mozzarella, traditionnelle à faible teneur de matière sèche et
une mozzarella avec une teneur en matière sèche plus élevée, destinée aux pizzas66.
Section 4 : Le morbier
Ce fromage se fabriquait pendant le XIXème siècle en deux étapes. Le
caractéristique principal est la raie de cendre qui traverse la pâte. Ils utilisaient la cendre
(charbon végétal)67 pour protéger le caillé des insectes pendant la nuit et le jour suivant ils le
recouvraient d’un nouvelle quantité de fromage. La dénomination «Morbier» tient son
origine à la commune au même nom, située dans le département du Jura en Franche-
Comté. Au début, il s’agissait d’une production très locale, réduite, saisonnière (automne et
hiver) et sans véritable commercialisation. Son élaboration était située dans les
départements du Jura et du Doubs jusqu'en 1960. Sa production très restreinte était
complémentaire de la fabrication du comté. L’insuffisance de lait pour l’élaboration d’une
meule de comté a donné naissance au morbier. C’est à partir des années 1960 que la
fabrication du fromage se généralise avec les initiatives des fromagers qui sont partis du
Jura et du Doubs pour s’installer vers l’Ain, la Côte-d’Or et la Saône-et-Loire.
Les droits acquis n’ont pas été pris en considération par le décret du 22 décembre
2000 qui a créé l’appellation d’origine contrôlée «Morbier». La nouvelle réglementation
aurait pu soit adopter l’appellation d’origine «Morbier de Jura», soit combiner la
dénomination Morbier avec un autre lieudit faisant une délimitation plus large tout en
respectant le générique Morbier68.
64 Les tribulations de trois fromages en europe: ATLASYNTHÈSES, nº32 novembre 1996, pp. 9-10.65 Voir note 43.66 Voir note 53.67 L’utilisation de la cendre provenant de la combustion de bois est une pratique répandue poursaupoudrer certains fromages tels que, le Valençay de l’Indre, le Sainte-Maure de Tourraine (charbon debois). DEHOVE, Lamy, 370.121.68 Le décret 88-1206 du 30 décembre 1988 parmi les dénominations définies retenait “Morbier”.
32
Titre II : Moyens de concilier la divergence des réglementations
Les réglementations nationales, comme on avait l’occasion de le constater au titre
précédent, laissent le consommateur dans un état d’ignorance et le juriste sur sa faim…
Maintenant, on va voir si les textes à vocation supranationale peuvent concilier les
spécificités réglementaires et culturelles que les droits nationaux reflètent (Chapitre 1). Au
deuxième chapitre de ce titre on va aborder les principes dégagés par la jurisprudence
communautaire. Le renvoi par le juge national (article177 CE) permet à la Cour de justice
de se prononcer sur la compatibilité d’une disposition nationale avec le droit
communautaire, offre au juge national les éléments d’interprétation du traité CEE et du
droit dérivé et contribue à une image harmonisée de la réglementation en matière des
dénominations de vente de fromages (Chapitre 2).
Chapitre 1 : Textes à valeur supranationale
Au début, on va se pencher sur les éventuelles solutions apportées par conventions
internationales en matière des dénominations génériques (multilatérales, bilatérales)
(Section 1) et par la suite on va essayer à expliquer une nouvelle génération des règles
provenant des professionnels: les normes du Codex Alimentarius (Section 2).
Section 1 : D’un droit étatique…
Les états ont très vite réalisé que la solution aux problèmes posés par les génériques
ne pourrait passer que par le droit des conventions internationales.
Sous-section 1 : La Convention de Stresa69 sur les dénominations des fromages
C’est la seule convention qui concerne spécialement les dénominations des
fromages. La Convention de Stresa a été signée le 1er juin 1951 à Stresa et est entrée en
vigueur le 12 juillet 1953. Huit pays avaient adhéré : l’Autriche, le Danemark, la France,
l’Italie, la Norvège, la Suède, les Pays-Bas et la Suisse. La Suède et la Norvège ont dénoncé
la Convention. L’Autriche a dénoncé la Convention par une note du 30 novembre 1994 et
n’est plus liée depuis le 9 février 199670.
La liste des «dénominations», c’est-à-dire, des fromages génériques définis (Annexe
B) comporte plusieurs fromages. Selon l’article 4 à l’annexe B on trouve des dénominations
qui font l’objet d’une réglementation nationale de la part des pouvoirs publics sur le
territoire de la partie contractante les ayant utilisées la première et dont l’emploi est réservé
pour des fromages de caractéristiques définies. L’alinéa 2 du même article dispose que les
caractéristiques des fromages auxquelles s’appliquent ces dénominations sont définies par
la partie contractante considérée, et doivent porter sur la forme, le poids, les dimensions, le
genre et la couleur de la croûte ainsi que de la pâte, de même que sur la teneur en matière
69 Décret n. 52-663 du 6 juin 1952 portant publication de la convention internationale sur l’emploi desappellations d’origine et dénominations de fromage, signée à Stresa, le 1er juin 1951. JO 11 juin 1952,pp. 5821-5824.70 OLSZAK N., Droit des appellations d’origine et indications de provenance, p. 127.
34
grasse du fromage. Ce système de protection d’après lequel c’est au pays qui a utilisé le
premier la dénomination de définir les caractéristiques du fromage désigné nous rappelle en
quelque sorte le système communautaire des attestations de spécificité. Les autres pays
peuvent utiliser la dénomination protégée selon l’article 4 alinéa 371 pour autant que les
fromages correspondent aux caractéristiques définies et que la dénomination soit
accompagnée de la mention du pays de fabrication.
Le peu du succès de cette convention et le nombre faible des adhérants sont en
partie justifiés par le système excessivement rigoureux adopté pour les appellations
d’origine. La difficulté d’harmonisation entre les règles de la convention de Stresa et les
réglementations internes de certains pays ont fait que cette convention est devenue
obsolète. Toujours en vigueur, elle est aujourd’hui dépassée par les évolutions. L’effort
mené par le Conseil des représentants permanents de la Convention pour sa révision n’a
pas abouti72.
Dans l’affaire Deserbais73 il était question de la compatibilité d’une réglementation
nationale (française) à l’article 30 du Traité de Rome. Gérard Deserbais a importé en
France du fromage sous la dénomination «Edam» originaire de la République Fédérale
d’Allemagne. La teneur de ce fromage en matière grasse était de 34,3% tandis que la
législation française suivant la norme de la Convention de Stresa exigeait 40% de matière
grasse. Mais dans ce cas l’argument tiré par la Convention de Stresa ne pouvait pas jouer
parce que l’Allemagne ne l’a pas signée. La Cour de justice a dit qu’un Etat membre ne
saurait invoquer des dispositions d’une Convention conclue antérieurement pour justifier
des entraves à libre commercialisation d’un produit prévue par le Traité. Il s’agissait,
d’ailleurs, de la confirmation d’une jurisprudence74 bien constante de la CJCE quant aux
accords des États membres antérieurs au traité CEE. Dans l’arrêt Conegate la Cour a
affirmé que «l’article 234 du traité doit être interprété en ce sens qu’une convention conclue
71 Camembert, brie, saint-paulin (France); provolone, caciocavallo, fontina, fiore sardo, asiago, (Italie);emmental, sbrinz (Suisse); danbo, mycelle, samsoe, danablu, marmora, maribo, fynbo, elbo, tybo,havarti, esrom (Danemark); sveciaost, herrgardsost, adelost (Suède); pinzgauer BerKaese (Autriche);gouda, edam, fromage de Leyde, fromage de Frise (Pays-Bas); gudbrandsdalsost, noekelost (Norvège);gruyère (Suisse et France);72TROTTA G., La Convention de Stresa sur l’emploi des noms de fromages et le projet de traité del’OMPI sur la protection des indications géographiques : Propriété Industrielle, avril 1977, pp. 117-129.73 C-286/86, Rec. 1988, p. 4907.74 Aff. C-121/85, Conegate Limited c/HM Customs & Excise, Rec. 1986, p. 1007. Dans le même sensl’arrêt du 14 octobre 1980 C-812/79, Attorney General c/J. Burgoa, Rec. 1980, p. 2787.
35
antérieurement à l’entrée en vigueur du traité ne peut être invoquée pour justifier des
restrictions dans le commerce entre États membres. En effet, cette disposition, qui a pour
objet d’assurer que l’application du traité n’affecte ni le respect dû aux droits des pays tiers
résultant d’une convention antérieurement conclue avec un Etat membre ni l’observation
des obligations résultant de cette convention pour cet Etat membre, ne vise que les droits et
obligations établis entre des États membres et des pays tiers».
Il résulte que la présente convention n’a plus d’application entre les États membres
de l’Union européenne.
Sous-section 2 : Conventions générales bilatérales
On a vu se développer un système d’accords entre deux pays visant à la protection
de leurs dénominations respectives des produits agro-alimentaires ou des produits de
l’artisanat. La protection absolue que ces accords apportent aux dénominations des deux
pays crée à la vérité encore plus de restrictions aux échanges mondiaux. On va suivre notre
étude avec les principaux accords de la France pour la protection des dénominations
géographiques.
i) Le Traité entre la République française et la confédération Suisse 75
Le Traité entre la France et la Suisse concerne la protection des indications de
provenance, des appellations d’origine et d’autres dénominations géographiques. Elle a été
signée à Berne le 14 mai 1974. Elle comporte deux annexes où sont précisées les
dénominations protégées. La protection s’étend à des appellations d’origine comme l’on
peut facilement le constater. Cependant, certaines dispositions du traité font référence à
quelques noms génériques.
La dénomination de vente «Petit Suisse» n’est pas comprise dans la liste des
fromages suisses. Selon l’article 6 du traité, la Suisse n’exclut pas l’utilisation de celle-ci
pour des fromages fabriqués en France. Cette dénomination est réservée à des fromages
75 J.O du 11 novembre 1975, p. 11575.
36
frais ayant des taux de matières grasses très précis. L’annexe du décret nº 88-1206 impose
40% de matière grasse aux cylindres de 30 grammes et 60% de matière grasse aux cylindres
de 60 grammes.
L’inscription de la dénomination «Sbrinz» à l’annexe des dénominations destinées à
être utilisées par la Suisse n’exclut pas son utilisation en France pour des fromages qui ne
sont pas d’origine suisse (art. 9). D’ailleurs cette dénomination est inclue à l’annexe B de la
Convention de Stresa. L’article 9 du traité précise que cette dénomination peut être utilisée
librement par la France autant que les deux pays soient membres de la Convention de
Stresa et que la dénomination ne soit pas supprimée par la liste. Et, pourtant, désormais, le
Sbrinz est protégé par une A.O.C suisse. De la même façon l’article 10 dispose que la
dénomination «Vacherin Mont d’Or» malgré son inscription à la liste suisse peut être
utilisée par la France. Ce fromage est produit depuis le milieu du 19ème siècle aux deux
côtés de la frontière franco-suisse dans les alpages du Mont Risoux. A la lumière du
règlement n° 1107/96 qui a enregistré le «Vacherin Mont d’Or» en tant qu’A.O.P. en
faveur de la France la disposition précitée paraît obsolète et d’autant plus que les suisses
ont déjà déposé une demande d’AOC pour la même appellation (déposée le 9 octobre 1998
et publiée dans le FOSC le 18 mai 2001). Il est évident que cette convention bilatérale a
commencé à perdre son intérêt.
En Suisse s’est fait senti le défi que représente le marché européen pour son
économie fromagère. La Suisse est actuellement en négociation avec l’U.E. pour les
appellations fromagères, telles que l’emmental ou le gruyère76. La revendication de ces
deux termes va générer de nouveaux problèmes dans l’Union européenne. Suivant les
renvois en bas de page du règlement n° 1107/96 de la Commission relatif à
l’enregistrement des indications géographiques et des appellations d’origine la protection de
la dénomination «gruyère» tout seul ou «emmental» tout seul n’a pas été demandée. On
trouve, alors, à la liste des fromages grecs à A.O.C., les appellations, Graviera Agrafon,
Graviera Kritis, Graviera Naxou et Kefalograviera (le substantif «graviera» est la traduction
littérale en grec du terme «gruyère») mais pour des fromages qui diffèrent totalement de la
gruyère suisse puisqu’ils sont élaborés au lait mélangé de brebis et de chèvre. En France,
76 La dénomination “gruyère” est réservée par la Convention de Stresa (annexe B) à la Suisse et à laFrance. Dans le Traité franco-suisse le terme apparaît dans les deux listes. Le gruyère est reconnu en tantqu’AOC par l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) le 6 juillet 2001, parmi quatre autres fromages:l’Étivaz (28 janvier 2000), la Tête-de-moine (19 avril 2001), le Sbrinz (22 avril 2002) et le formaggiod’alpe ticinese (31 mai 2002).
37
aussi, il y a une production de gruyère et il est sûr que les producteurs français ne vont pas
renoncer à l’utilisation de ce terme si facilement, même si leur cahier des charges paraît
moins exigeant que celui du fromage suisse. Sur la base de l’article 12 du règlement nº
2081/92 la Suisse peut demander la reconnaissance de son registre des A.O.C.-I.G.P. par
l’Union européenne sous trois conditions : la réciprocité, l’existence d’un système de
protection équivalente à celle existante dans la Communauté et d’un régime de contrôle
équivalent à celui défini à l’article 10. L’Ordonnance Suisse sur les A.O.C. et les I.G.P. du
28 mai 1997 assure un niveau de protection comparable à celui du règlement
communautaire.
ii) La Convention entre la République française et l’Iltalie77
En application de la Convention entre la France et l’Italie certaines dénominations
de fromages ont été protégées. Mais la plupart de ces dénominations bénéficient désormais
d’une protection renforcée au niveau communautaire.
Le terme «parmesan» est protégé dans le cadre du Traité franco-italien. Comme il
n’y avait pas une définition stricte de la dénomination au niveau international l’Italie s’est
vue obligée de signer des accords bilatéraux avec plusieurs pays (Autriche, République
Fédéral d’Allemagne, Espagne)78 pour la protection de «parmesan». Mais la protection
acquise de cette façon pour une dénomination désignant un fromage largement
commercialisé79 partout dans le monde paraît insuffisante dans le contexte des échanges
mondiaux.
77 Décret n. 69-393 du 24 avril 1969 portant publication de la Convention entre la République française etla République italienne sur la protection des appellations d’origine, des indications de provenance et desdénominations de certains produits, ensembe le protocole et les deux annexes joints, signés à Rome le 28avril 1964 J.O. du 27 avril 1969, p. 1.78 Accord de l’Italie avec l’Autriche le 1er février 1952, avec la RFA le 23 juillet 1963 et avec l’Espagnele 9 avril 1975.79 Plus de 108 000 tonnes de parmesan ont été produites en 2001 pour un chiffre d’affaires de 800millions d’euros. Libération n. 6504, Économie, vendredi 12 avril 2002, p. 25.
38
iii) Le Traité de commerce et de navigation entre le Royaume des Pays-Bas et la
République française
En vertu du traité du commerce et de la navigation conclu entre le Royaume des
Pays-Bas et la République Française la dénomination «fromage de Hollande»80 est protégée
sur le territoire français. La protection ne s’étend pas à un certain type de fromage
hollandais (gouda, édam) mais elle ne permet pas la vente des fromages sous le vocable
«fromage de Hollande».
Section 2 : …vers une «professionnalisation» de droit - L’exemple du CodexAlimentarius
Dans cette section il est question de droit, mais pas de droit étatique. Les normes
du Codex alimentarius sont des règles à valeur supranationale mais elles sont élaborées par
des professionnels, d’où leur caractère extrêmement technique. On va essayer dans une
première partie voir quelles sont les caractéristiques des normes sur les fromages (a) et dans
une deuxième partie on va parler de la valeur de ces règles (b).
Sous-section 1 : L’élaboration des normes du Codex Alimentarius
La Commission du Codex Alimentarius a été créée en 1962 par l’initiative commune
de deux institutions de l’ONU : la FAO (Organisation pour l’alimentation et l’agriculture
fondée en 1945) et l’OMS (Organisation mondiale de la santé fondée en 1948). La
Commission du Codex Alimentarius compte actuellement 165 pays, représentant 98% de la
population.
L’objectif de cette organisation internationale de normalisation dans le domaine
alimentaire est annoncé à ses Statuts 81:
a) «Protéger la santé des consommateurs et assurer des pratiques loyales dans le
commerce alimentaire;
80 DEHOVE, Lamy, 370.316.81 Site www.fao.org «Le système du Codex: la FAO, l’OMS et la Commission du Codex Alimentarius».
39
b) Promouvoir la coordination de tous les travaux en matière de normes alimentaires
entrepris par des organisations internationales gouvernementales et non
gouvernementales;
c) Établir un ordre de priorité et prendre l’initiative et la conduite du travail de
préparation des projets de normes, par l’intermédiaire des organisations compétentes et
avec leur aide;
d) Mettre au point les normes préparées comme indiqué au paragraphe (c) et, après leur
acceptation par les gouvernements, les publier dans un Codex Alimentarius, soit
comme normes régionales, soit comme normes mondiales, conjointement aux normes
internationales déjà mises au point par d’autres organismes comme mentionné au
paragraphe (b), chaque fois que cela sera possible;
e) Après une étude appropriée, modifier les normes déjà publiées, à la lumière de la
situation».
Le travail de la commission est organisé en groupes, les comités «horizontaux»
s’occupant des sujets généraux et les comités «verticaux» s’occupant des produits. Un des
groupes verticaux est le Comité sur le lait et les produits laitiers. Le Comité laitier se réunit
tous les deux ans et il élabore de nouvelles normes.
Les unions des consommateurs sont représentées au sein de la Commission du
Codex depuis 196582. Afin de stimuler le principe de transparence dans les travaux de la
Commission lors de la session de 1999 à Rome la Commission a pris des décisions pour la
participation d’organisations non gouvernementales.
La structure des normes individuelles, à savoir pour un produit particulier,
l’emmental, le camembert, le brie est la suivante : la désignation du fromage, les pays
déposants, les matières premières, les caractéristiques du fromage prêt à la consommation,
la méthode de fabrication, l’échantillonnage l’analyse, le marquage et l’étiquetage.
Ainsi, au niveau du Codex vient d’obtenir une protection le parmesan,
dénomination pour le fromage produit exclusivement dans la région de Parme-Reggio-
82 Site www.senat.fr “Sécurité alimentaire: Le codex alimentarius”. Rapport d’information (1999-2000)par BIZET J.
40
Modène83. Actuellement, les italiens se battent devant les instances communautaires pour
obtenir une stricte protection de cette dénomination. Pour l’Italie il s’agit de la protection
de la traduction de l’appellation «Parmigiano Reggiano» déjà protégée en tant qu’A.O.P. au
niveau communautaire. L’Allemagne et d’autres pays du Nord à la précédente session du
Codex, il y a deux ans, prétendaient que le parmesan est simplement tout type de fromage
dur et râpé84. Deux ans après, à la session de 2002 à Wellington en Nouvelle-Zélande les
européens se sont présentés plus unis pour défendre la position italienne.
Les choses n’étaient pas si favorables pour la dénomination «feta». La Grèce a
souhaité que la feta soit définie comme un fromage fabriqué exclusivement au lait de brebis
ou au mélange lait de brebis et lait de chèvre. Mais à l’époque85les Danois et les Anglo-
saxons ont lutté vigoureusement contre cette définition et ont proposé que la feta puisse
être élaborée au lait de vache. Devant une majorité de 11 voix pour l’abandon de la norme
contre 10 voix pour son adoption le Comité laitier a décidé de ne pas trancher le sujet. Au
moins, en 1999 une norme générale sur les fromages en saumure a été adopté selon laquelle
l’adjonction des additifs pour le blanchiment de fromage à lait de vache est interdite.
Il y a déjà une liste pour les principaux dénominations de vente. Mais, l’adoption
de telles normes représente le travail de longues années de discussions et négociations. Les
enjeux économiques et les pressions exercées par les groupes d’industriels dans le secteur
des fromages génériques mettent en question l’harmonisation des normes pour les
pricipales dénominations de vente. Il faut aussi tenir compte «que ce sont les habitudes et
des demandes des consommateurs qui déterminent les normes de qualité, de façon que
ceux-ci trouvent sur le marché ce qu’ils désirent»86. Si, dans les normes du Codex, on va
changer excessivement les caractéristiques d’un fromage cela va perturber les
consommateurs. C’est pourquoi une harmonisation des seules caractéristiques principales
de chaque fromage paraît suffisante pour le meilleur fonctionnement du marché
international. «Il faut hiérarchiser les problèmes et rechercher ce qui caractérise le plus un
fromage aux yeux du consommateur en tenant compte de l’origine historique du produit.
83 AFP, jeudi 11 avril 2002, Libération n. 6504, Économie, vendredi 12 avril 2002, p. 25.84 Le caractère générique de la dénomination a été soutenu par RUIZ JARABO COLOMER dans lesconclusions de l’affaire C-317/95 (note en bas de page 49). Dans le même sens Lamy DEHOVE 370.315.85 22ème Session du Codex Alimentarius à Rome (5-9 novembre 1990) “Une victoire amère” MEDIAFNIL n.18 janvier 1991 pp.17-18.86 Conclusions de l’Avocat général M. CAPOTORTI, point 5: C-120-78, Rec. 1979, p. 649.
41
La forme du fromage, sa dimension et sa technologie seraient prioritaires. Pour la teneur en
MG, un peu de souplesse permettrait de résoudre des difficultés»87.
Sous-section 2 : La valeur juridique des normes Codex
Au début, ces normes étaient incontestablement d’une très grande utilité pour les
pays qui ne disposaient pas de réglementation en la matière et surtout pour les pays en voie
de développement. Mais, désormais, les normes du Codex constituent pour tous les pays la
référence dans le domaine alimentaire.
Les normes du Codex sont soit acceptées sans réserve, soit acceptées à titre objectif,
soit acceptées avec des dérogations spécifiées. Mais on peut, toujours, même si on participe
aux travaux du Codex, ne pas accepter les normes. La France p.ex., pays fondateur, elle
n’accepte pas les règles, sauf exception. Les pays membres du Codex ou de l’OMC ne sont
pas obligés d’adopter les normes du Codex. En cas de litige l’OMC peut approuver des
sanctions commerciales punitives contre un pays qui ne justifie pas des exigences plus
restrictives que celles définies par le Codex.
La CJCE a conclu à la valeur indicative des règles du Codex. Dans l’affaire
Deserbais la Cour de justice a observé que les normes que le Codex «prévoit sur la
composition de certaines denrées alimentaires ont effectivement pour but de fournir des
indications permettant de définir les caractéristiques de ces produits. Toutefois qu’une
marchandise n’est pas entièrement conforme à la norme prévue n’implique pas que sa
commercialisation peut être interdite»88.
Dans le cas d’emmental sans croûte la CJCE a confirmé la jurisprudence
précédemment évoquée.89
87 GILLIS J.-C., Les enjeux d’une harmonisation : ATLASYNTHÈSES n. 7 juillet 1994 p. 4.88 C-286/86 considérant numéro 15.89 Ministère public c/J.-P. Guimont C-448/98, attendu 32. Dans le même sens quant à la valeur juridiquedes normes Codex s’est exprimée la Cour de Cassation (Ch. Crim.) 12 octobre 1999, Micheli Gilberto etautres ; pourvoi c/ CA Chambéry, 5 mars 1998. Arrêt nº 5085 juridisque Lamy.
42
Ainsi, le Conseil d’Etat dans sa décision du 27 juillet 2001 a résulté au caractère
non générique de la dénomination «époisses». Il a tiré argument du fait que ce terme n’est
pas défini comme générique dans le codex alimentarius.
Les normes du Codex constituent de plus en plus un point de référence dans le
domaine alimentaire. La Commission des Communautés européennes au règlement (CE)
nº 2527/98 du 25 novembre 1998 inscrivant la mozzarella en tant qu’une spécialité
traditionnelle garantie a retenu la définition du produit faite par le Codex.
Chapitre 2 : Un rapprochement entre les différentes réglementations
consacré par le contrôle juridictionnel de la CJCE
La disparité des réglementations nationales visant les caractéristiques techniques
des produits et les conditions de leur commercialisation (conditionnement, étiquetage,
composition, matières premières, pourcentage de la m.g., conditions d’affinage) peuvent
poser des obstacles à la libre circulation des marchandises. Ainsi le progrès technique
créant la possibilité des nouveaux procédés de production, moins longs et couteux ont
conduit à la prolifération des normes nationales à caractère technique.
La Communauté par le biais des directives d’harmonisation – ce qu’on appelle
«approche verticale» - essaie d’assurer un minimum des règles communes et de ce fait le
bon fonctionnement du marché intérieur. Le fameux arrêt «Cassis de Dijon» amène la
Commission à modifier sa politique en matière d’harmonisation des législations. A l’arrêt
du 20 février 1979 a été posée la question de la compatibilité d’une disposition de la loi
allemande sur le monopole fédéral des alcools distillés avec le principe posé par l’article 30
du traité de Rome. La disposition litigieuse interdisait la commercialisation des alcools
présentant une teneur alcoolique inférieure à 32%, pourcentage qui était réduit à 25% pour
les liqueurs du type du cassis. Les conséquences pratiques de cet arrêt étaient importantes.
Le contrôle rigoureux des réglementations nationales à la lumière des articles 30 et 36 Tr.
CEE a été considéré pour la grande majorité des cas efficace pour lutter contre toute
entrave à la libre circulation des marchandises. Ainsi, à l’époque, un grand nombre des
propositions de directives d’harmonisation a été abandonné par la Commission.
«Selon la jurisprudence constante de la Cour, une entrave à la commercialisation
qui se manifeste par une restriction à l’usage d’une certaine dénomination plutôt que par
une interdiction frappant directement le produit peut néanmoins constituer une restriction
au sens de l’article 30 du traité CEE»90. C’est bien ce cas qu’on va voir dans cette partie.
Dans une première section on va se pencher à l’étude du principe de la libre
circulation des fromages légalement fabriqués et commercialisés et, puis, dans une
90 Conclusions de l’Avocat général Sir Gordon SLYNN, C-286/86, Rec. 1988, p. 4907.
44
deuxième section on va voir l’interprétation extensive que la CJCE fait de l’art. 30 du traité
de Rome (28 traité d’Amsterdam) pour sanctionner des situations purement internes.
Section 1 : La libre circulation des fromages légalement produits et commercialisés(Affaire Deserbais)
En l’absence d’une réglementation commune de la commercialisation des produits
dont il s’agit chaque pays peut adopter sa propre réglementation. Cette «nouvelle
approche» de reconnaissance mutuelle a été confirmée dans l’arrêt «Edam». Dans le droit fil
de cette jurisprudence a été modifié le décret n° 88-1206. Très récemment, il a été ajouté un
article 18 bis selon lequel les produits visés au décret légalement fabriqués ou
commercialisés et conformes aux usages loyaux dans les autres États membres de l’Union
européenne et les pays signataires de l’accord sur l’Espace économique européen sont
librement commercialisés sur le territoire français.
Les réglementations nationales des dénominations ne doivent pas viser à la
protection d’une production locale mais à la protection de la loyauté dans les transactions
commerciales et à la santé des consommateurs. Les buts, apréciés en tant qu’exigences
impératives par la Cour de justice, sont susceptibles de justifier une mesure contraire à
l’article 30 CEE.
Pour que la réglementation mise en cause soit valable au regard de l’article 30 du
traité elle doit remplir un certain nombre des conditions forgées par la jurisprudence
communautaire au fil des années.
Le produit doit être légalement fabriqué et commercialisé dans le pays d’origine.
Ici, n’existe pas le moindre doute que l’Edam en provenance de l’Allemagne était élaborée
selon la réglementation allemande qui permettait la commercialisation d’un fromage à 40
% de m.g. sous la dénomination «Edam». Ainsi, la réglementation doit être indistinctement
applicable aux produits nationaux et aux produits importés.
Le principe énoncé à la dernière section ne subit des exceptions que dans des
conditions très strictes. Toute dérogation aux dispositions fondamentales du traité doit être
d’interpétation stricte. Pour la justification des exceptions la Cour opère un contrôle de
«proportionnalité», c’est-à-dire, un contrôle qui couvre plusieurs aspects de la validité de la
disposition nationale en cause.
45
La Cour de justice vérifie d’abord si les faits invoqués par les États membres
justifient une décision dictée par des exigences impératives d’intérêt général. Puis, elle va
rechercher si la réglementation vise à un objectif d’intérêt général. A la fin, la Cour va
vérifier si la réglementation en cause – entrave - constitue la garantie essentielle pour
atteindre le but, c’est-à-dire, qu’elle soit le moindre obstacle à la liberté des échanges et à la
fois le moyen le plus adéquat.
Dans l’affaire «Edam» le but de la réglementation française mise en cause était la
protection des consommateurs et la loyauté des transactions commerciales. La
réglementation française n’a pas été considérée proportionnée avec le but à atteindre dès
lors que l’information adéquate des consommateurs et la loyauté du marché était assurée
par d’autres moyens moins restrictifs, tels qu’une étiquette apposée sur le produit portant
les mentions nécessaires à cet effet (dénomination de vente, pays de fabrication, m.g.). En
termes de l’arrêt on dirait que «L’Etat membre d’importation ne saurait faire obstacle à
l’importation et à la commercialisation de tels fromages, lorsque l’information du
consommateur est assurée».
Mais si le produit portant la dénomination «Edam» paraît-il radicalement différent?
Cette hypothèse n’a pas été envisagée clairement en l’espèce. Dans cette hypothèse
l’objectif de la protection des consommateurs par les fraudes ne saurait être suffisamment
assurée par un simple étiquetage91. Cependant, la Cour n’a pas explicité les critères qui
nous permettent de définir les différences substantielles susceptibles d’induire le
consommateur en erreur même après un étiquetage additionnel adéquat. Dans une
communication de 199192, la Commission concernant les critères à tenir en compte propose
les définitions retenues par le Codex Alimentarius, les règlementations des États-membres et
les références dans des actes communautaires, notamment dans la nomenclature tarifaire
utilisée pour l’application du tarif douanier commun. Mais la Commission ne définit ni la
mesure des différences ni la hiérarchie à suivre entre les critères indiqués pour opérer cette
comparaison.
L’arrêt «Edam» constitue une application des principes classiques du droit
communautaire et par ce fait ne cache pas de surprises. Par contre l’arrêt «Emmental»
paraît un peu surprenant.
91 Exemple de l’arrêt “Smanor” où il était question de l’application de la dénomination «yaourt» à desyaourts surgelés. Arrêt du 14 juillet 1988, C-298/87, Rec. 4907.92 JOCE C 270, p.2.
46
Section 2 : L’extension de l’art. 30 à des cas sans aucun élément d’extranéité (AffaireGuimont)
La règle française concernant la dénomination «emmental» a beaucoup préoccupé
les instances nationales avant d’être portée à la Cour de justice. Cette affaire oppose les
deux plus grandes sociétés françaises dans le marché de l’emmental : Entremont et
Lactalis. Le Tribunal d’Annecy93, dans son jugement, le 2 mai 1997 a constaté la non
conformité de la croûte sur un quart de meule qui lui est présenté et a condamné le groupe
Lactalis à deux amendes. Par la suite la Cour d’appel de Chambéry, le 5 mars a confirmé le
jugement du tribunal. A la fin, la Cour de Cassation94, le 12 octobre 1999, a rejeté le
pourvoi en confirmant l’arrêt de la Cour d’appel de Chambéry. Le Tribunal de Saint-
Nazaire le 24 février 1998 a rejeté la demande contre une autre filiale de Lactalis pour
infraction pour insuffisance de croûte. La Cour d’appel de Rennes le 10 juin 1999 a
confirmé le jugement. Le Tribunal de Belley (24 novembre 1998) a sursis a statuer et a
adressé une question préjudicielle à la CJCE.
La Cour de Cassation dans l’arrêt précité, après avoir fait un état de lieux de la
jurisprudence communautaire en la matière (Cassis de Dijon, Smanor, Deserbais, Pistre)95
affirme que l’affaire est purement interne et qu’aucun élément ne saurait justifier
l’application de l’article 30. La Cour affirme «qu’en l’espèce, il ne résultait ni du dossier ni
des débats que la réglementation française sur l’emmental aurait favorisé la
commercialisation des produits nationaux au détriment de ceux importés et aurait ainsi
affecté le commerce intracommunautaire».
Au contraire de la Cour de Cassation, la Cour de justice finit par accepter
l’application de l’article 30 en l’espèce faisant une interpétation intéressante mais pas privée
de problèmes juridiques pour les spécialistes du droit communautaire.
93 Références par le site : www.lactalis.com. Ces décisions à notre connaissance n’ont pas été publiées.94 Cass. (Ch. Crim.) 12 octobre 1999: Arrêt n. 5085 juridisque Lamy; ROBERT J.-H. Avec ou sanscroûte? Droit Pénal janvier 2000, pp. 17-18 n. 8.95 Arrêt du 20 février 1979, Cassis de Dijon, C-120/78, Rec. 1979, p. 649; arrêt du 14 juillet 1988,Smanor, C-298/87, Rec. p. 4489; arrêt du 7 mai 1997, Pistre, affaires jnts C-321/94, C-322/94, C-323/94,C-324/94, Rec. 1997 p.2343. Pour l’arrêt Deserbais on renvoie à la note n. 78.
47
M. Guimont a été condamné par ordonnance à deux cent soixante amendes pour
avoir détenu pour vendre, vendu ou offert à la vente des meules de fromage emmental
dépourvues de croûte extérieure. M. Guimont a fait opposition à cette ordonnance et le
Tribunal de police de Belley a déféré à la CJCE une question préjudicielle concernant la
compatibilité de la réglementation française qui interdit l’utilisation de la dénomination
emmental pour des fromages qui ne sont recouverts d’une «croûte dure et sèche, de couleur
jaune doré à brun clair» (Article 6 et annexe définition «emmental», décret 88-1206) au
regard de l’article 30 (devenu 28 CE).
Le gouvernement français a fait valoir l’inapplicabilité de l’article 30 dans la
situation jugée. La règle de l’annexe du décret 88-1206 n’était dans la pratique appliqué
qu’aux produits nationaux. «Ladite règle serait destinée à créer des obligations
exclusivement pour les producteurs nationaux et ne concernerait donc aucunement le
commerce intracommunautaire» (attendu 14). Cet argument du gouvernement français a
été rejeté par la Cour. «En effet, le seul fait qu’une règle n’est pas appliquée dans la pratique
aux produits importés n’exclut pas qu’elle puisse avoir des effets entravant indirectement et
potentiellement le commerce intracommunautaire» (attendu 17).
En deuxième lieu le gouvernement français a soutenu que les faits qui étaient à
l’origine de ce renvoi était purement internes, le prévenu était de nationalité française et le
produit en cause était fabriqué et commercialisé dans le territoire français et pour ces
raisons l’article 30 ne trouvait pas de champ d’application. La Cour sur ce point a confirmé
l’orientation jurisprudentielle faite à l’arrêt Pistre. Dans cette affaire où il n’y avait aucun
élément d’extranéité a été posée la question de l’interdiction de l’apposition de la
dénomination «montagne» pour des produits de charcuterie. La Cour a conclu que l’article
30 ne peut être écarté pour la seule raison que tous les éléments en l’espèce étaient
cantonnés à l’intérieur d’un seul Etat membre. «En effet, dans une telle situation,
l’application de la mesure nationale peut également avoir des effets sur la libre circulation
des marchandises entre États membres, notamment lorsque la mesure en cause favorise la
commercialisation des marchandises d’origine nationale au détriment des marchandises
importées. Dans de telles circonstances, l’application de la mesure, serait-elle limitée aux
seuls producteurs nationaux, crée et maintient par elle-même une différence de traitement
entre ces deux catégories de marchandises entravant, au moins potentiellement, le
commerce intracommunautaire» (attendu 44, 45).
48
La solution adoptée par l’arrêt Guimont a été accueillie avec mécontentement96 par
les professeurs du droit communautaire. Selon M. Pouchard, il valait mieux de prendre
appui sur l’article 29 et en faire une interprétation moins restrictive de cet article pour
contester la règle litigieuse au regard du droit communautaire. Selon M. Rigaux, la Cour
aurait pu ne pas appliquer le principe communautaire de la libre circulation des
marchandises et inciter les juridictions nationales à résoudre le litige selon le principe
d’égalité de traitement.
L’arrêt Guimont se situe dans le droit fil de la jurisprudence Dassonville
selon laquelle l’article 30 prohibe toutes les réglementations nationales susceptibles
d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce
intracommunautaire. Cette conception de l’art. 30 assez extensive donne la possibilité de
sanctionner des réglementations nationales qui sous préserve de la protection des
consommateurs interdisent l’utilisation des dénominations de vente. Ces mesures sont la
marque de protectionnisme des produits nationaux. Pour les tiers États membres ces
mesures obligent à la différenciation des produits fabriqués destinés à d’autres pays et
signifient une augmentation du coût de production.
Après avoir abordé les dénominations génériques des fromages, on va attaquer la
question des dénominations géographiques qui peuvent constituer l’objet d’une protection
accrue au niveau national et communautaire.
96 Commentaire de RIGAUX A. Europe février 2001, p. 17-19, n. 58; Commentaire de POUCHARD D.,JCP. éd. G II 10551 nº 25 20 juin 2001, pp. 1228-1232.
Partie II : Fromages à A.O.P./I.G.P./A.S. – La coordination entre le
système communautaire et les réglementations nationales
Le système communautaire des appellations d’origine protégées, des indications
géographiques protégées et des attestations de spécificité est uniforme. Il constitue une
sorte de droit de superposition à l’égard des réglementations nationales. Le schéma
classique de l’harmonisation97 des réglementations suppose la mise en conformité des
lois nationales en fonction d’objectifs ou de résultats imposés par la Communauté
européenne. Le choix de la coordination, réalisé par la Communauté en matière des
signes de qualité, diffère en ce que les droits nationaux restent tels qu’ils sont. «Il s’agit
d’un système volontaire»98. Devant la nouveauté de deux règlements, chaque État-
membre peut choisir librement la mesure de l’impact des règlements communautaires
sur son droit national. Le premier choix, moins exigeant, est l’indépendance des signes
nationaux et communautaires. Dans ce cas d’espèce, les deux droits ont des domaines
d’application différentes. Le droit national va régir la commercialisation dans le marché
national et le droit communautaire va s’appliquer à la commercialisation dans le
marché européen. Le deuxième choix, fait par la France, consiste à unifier les deux
systèmes de protection. L’article L. 115-26-1 C.consomm. exige aux alinéas 3 et 4
respectivement pour l’enregistrement des A.O.P/I.G.P. et des A.S. l’enregistrement
préalable d’une appellation d’origine contrôlée, label ou certificat de conformité. Dans
quelconque des choix des États membres c’est à la Cour de justice d’interpréter les
textes communautaires et de contribuer à l’évolution des deux niveaux, national et
communautaire, en un ensemble perçu globalement.
97Un exemple caractéristique d’harmonisation en droit des marques est la directive 89/104 du Conseil CE du 21décembre 1988 (JOCE nº L. 40 du 11 février 1989) et en droit des dessins et modèles la directive 98/71 duConseil CE du 13 octobre 1998 (JOCE nº L. 289 du 28 oct. 1998).98 Exposé des motifs de la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement nº 2081/92 présentéepar la Commission le 15 mars 2002. COM(2002) 139 final, p. 2.
Le règlement nº 2081/92 institue un système à deux phases pour l’enregistrement
d’une AOP/IGP. La première est la phase nationale. Les demandes d’enregistrement des
dénominations géographiques sont établies par un groupement de producteurs et/ou
transformateurs ou exceptionnellement par une personne physique ou moral. Le dossier,
constitué par la demande, par d’autres documents et notamment le cahier des charges, va
être transmis aux autorités nationales compétentes qui vont examiner le bien-fondé de la
demande et sa compatibilité au règlement communautaire. C’est la transmission à la
Commission des demandes d’enregistrement qui va ouvrir la phase communautaire. Cette
phase comprend plusieurs stades : la réception, l’instruction, la publication au JOCE et
éventuellement une opposition. Le sujet de l’articulation entre la procédure nationale et la
procédure communautaire a beaucoup préoccupé tant les instances nationales que les
instances communautaires.
Selon l’article 5, paragraphe 5, alinéa 2 modifiée par le règlement 535/97 une
protection nationale ainsi que, le cas échéant, une période d’adaptation peuvent être
accordées transitoirement par l’Etat membre à la dénomination ainsi transmise à partir de
la date de cette transmission. Un contentieux administratif important concernant des
dénominations des fromages a apporté des clarifications quant à la nature de la compétence
de l’Etat membre durant la phase transitoire et quant au champ d’application temporel des
décrets relatifs aux AOC. La première affaire porte sur l’appellation d’origine «Bleu du
Vercors-Sassenage», la seconde sur l’AOC «Valençay» et la troisième sur l’AOC «Comté».
Dans la première affaire99 le Premier ministre avait transmis une demande
d’enregistrement de l’AOC «Bleu du Vercors-Sassenage» à la Commission par le décret
attaqué, dont l’article 11 instituait une période transitoire pendant laquelle les autres
pourraient utiliser l’AOC dans l’attente de l’enregistrement. Le Conseil d’État a annulé
l’article 11 en ce qu’il a fixé le point de départ de la protection provisoire à la date de la
publication du décret, soit le 8 août 1998 et non à la date de la transmission à la
Commission, soit le 28 octobre 1998.
Dans la seconde affaire100 le Conseil d’État a annulé la décision implicite de rejet
par le Premier ministre de la demande de la société requérante qui tendait à l’abrogation du
décret du 13 juillet relatif à l’AOC «Valençay» dans la mesure où la protection provisoire
99 CE, 2 février 2000 N˚ 200047, S.A. L’Étoile du Vercors, Juridisque Lamy.100 CE, 21 juin 2000 N˚ 212348, N˚ 219211, Société Eurial Poitouraine, Juridisque Lamy.
51
prenait effet à la date de la publication du décret, soit le 21 juillet 1998, alors que la
demande d’enregistrement avait été transmise à la Commission le 23 octobre 1998.
Dans la troisième affaire101il s’agissait du décret102du 30 décembre 1998 qui
accordait une protection, imposant des conditions de production différentes de celles
définies dans le cahier des charges transmis déjà à la Commission avec la demande initiale
d’enregistrement de l’AOC «Comté». Le Conseil d’État a jugé que le fait que la «demande
de modification n’a été adressée au secrétariat de la Commission que le 13 janvier 1999,
alors que le décret attaqué a été publié au Journal officiel de la République française le 5
janvier 1999, n’a pas eu pour effet d’entacher ce décret d’incompétence mais seulement de
différer du jour de sa publication au jour de sa transmission son opposabilité comme seul
régime de protection nationale applicable».
Ainsi, d’autres cas nous ont fourni des éléments intéressants concernant le champ
d’application matériel de la compétence des autorités nationales. La question de la
compétence d’un Etat membre de modifier une appellation d’origine pour laquelle ce
même Etat membre a demandé et obtenu l’enregistrement a été posée à la CJCE à propos
de l’affaire «époisses de Bourgogne». La dénomination d’un produit, élément qui fait partie
du cahier des charges d’une AOP ou IGP, ne peut être modifiée que sous les conditions de
l’article 9 du règlement. L’Etat membre concerné peut demander la modification d’un
cahier des charges, notamment pour tenir compte de l’évolution des connaissances
scientifiques et techniques ou pour revoir la délimitation géographique. La procédure de
l’article 6 s’applique mutatis mutandis. L’alinéa 3 dispose que la Commission peut déroger
des exigences précitées si la modification est mineure.
Cette disposition a été appliquée au changement de la dénomination «Ossau-Iraty
Brebis-Pyrénées» en «Ossau-Iraty»103. Le caractère mineur de la modification et l’absence
des droits des tiers en l’espèce ont amené la Commission à considérer que la modification
pourrait être faite directement.
Par contre dans l’affaire «Epoisses de Bourgogne» les autorités nationales n’étaient
pas compétentes pour modifier la dénomination en cause. Conformément à la décision de
101 CE, 29 mars 2000 Sté Fromagerie Le Centurion e.a. N˚ 205253, N˚ 205308, N˚ 205309, N˚ 205326,N˚ 205341, Juridisque Lamy.102 Sur les questions suggérées par ce décret on va y revenir au chapitre 2 du présent titre.103 Règl. n˚ 83/1999, 13 janvier 1999, JOCE n˚ L 8, 14 janvier 1999, p.17.
52
la CJCE le Conseil d’État a annulé104 avec une décision du 30 décembre 1998 le décret du
14 avril 1995 modifiant la dénomination «époisses de Bourgogne» en «époisses».
Cependant, le Premier ministre prenant appui sur l’article 5 du règlement modifié a repris
les dispositions du décret de 1995 et a transmis le 24 septembre 1999 le décret du 15
novembre 1999 qui a modifié la dénomination en «époisses» et a institué des mesures
transitoires d’adaptation. Ce décret a été attaqué mais le Conseil d’État a rejeté la
requête105. Le décret du 15 septembre 1999, publié le 17 novembre 1999, a fixé une période
d’adaptation jusqu’au 1er janvier 2000. Ce délai n’entache pas le décret d’une erreur
manifeste d’appréciation, puisque aucune durée minimale n’est fixé par le règlement pour
la période d’adaptation. En plus, le Conseil d’Etat a considéré que dès 1995 les entreprises
commercialisant des produits ne répondant pas aux caractères du fromage d’époisses
avaient connaissance du caractère transitoire de la tolérance qui leur était accordée. Selon
M. Saulnier106 cette dernière considération n’est toutefois totalement satisfaisante : d’une
part le décret de 1995 prévoyait une période d’adaptation qui expirait fin décembre 2000 et
par conséquent, le décret contesté réduit d’un an le délai d’adaptation initialement prévu.
D’autre part, l’annulation du décret 1995 aurait normalement dû empêcher toute prise en
considération en vue de juger la légalité du décret attaqué de 1999.
Dans cette partie on va se pencher sur l’interprétation du règlement nº 2081/92 par
la CJCE à propos des dénominations fromagères. Dans un premier titre on va raisonner sur
les conditions d’accès à la protection et dans un deuxième titre on va poser la question de la
protection conférée par l’enregistrement communautaire. Dans chacun des deux titres on
va déceler la particularité des dénominations des fromages et des questions suggérées par
celles-ci. Quant au règlement nº 2082/92 sur les attestations de spécificité on peut dire qu’il
104 CE, 30 décembre 1998, Sté Fromagerie Lincet N˚ 173696; CASSIA P. Europe, mai 1999 pp. 13-14,176; SAULNIER E. Europe, janvier 2002 pp. 16-17 (13).105 CE, 27 juillet 2001, Sté laitière Fromagerie Maurice Girard e.a. N 216433 (décision inédite - documentfourni par le CE).106 SAULNIER E. commentaire précité (note 104).
53
ne connaît pas de succès. Jusqu’à ce jour il n’y a qu’un fromage enregistré sous sa base : la
mozzarella. Par conséquent, il ne va pas nous occuper à la présente étude.
Titre I : Conditions d’accès à la protection
L’absence de caractère générique (Chapitre 1) et le lien entre le produit et la zone
de production (Chapitre 2) constituent les conditions d’accès au système de protection
renforcée, choisi par le règlement communautaire.
Chapitre 1 : L’absence de caractère générique de la dénomination
L’article 3, paragraphe 1, alinéa 1 du règlement107 dispose que les dénominations
devenues génériques ne peuvent être enregistrées. La même prescription a été reprise par
l’article 17, paragraphe 2, alinéa 3. A l’article 3 alinéa 2, le règlement définit par
dénomination devenue générique le nom d’un produit agricole ou d’une denrée alimentaire
qui, bien que se rapportant au lieu ou à la région où ce produit agricole ou cette denrée
alimentaire a été initialement produit ou commercialisé, est devenu le nom commun d’un
produit agricole ou d’une denrée alimentaire.
La dénomination fromagère la plus célèbre où la question du générique a été posée
paraît être le cas de la feta. D’abord, on va présenter les faits de l’affaire la plus
controversée depuis 1996, date à laquelle la Commission a arrêté son premier règlement (n°
1107/96) pour l’enregistrement des dénominations géographiques.
Selon l’article 17, paragraphe 1 du règlement qui prévoit une procédure simplifiée108
d’enregistrement des dénominations déjà reconnues nationalement, le 21 janvier 1994, les
autorités grecques ont notifié l’appellation «Feta». La Commission, après avoir examiné la
conformité de la demande avec les articles 2 et 4 a conclu que l’appellation remplissait les
conditions requises par le règlement et a soumis le dossier au comité scientifique des
appellations d’origine, des indications géographiques et des attestations de spécificité. Le
15 novembre 1994, le comité scientifique a émis l’avis, par quatre voix pour et trois voix
107 Règlement nº 2081/92, ci-après “règlement”.108 La Commission a proposé le 15 mars 2002 dans sa proposition la suppression de la procéduresimplifiée en vue de renforcer la sécurité juridique et la transparence du système. Cette procédure ne
55
contre. Il a conclu au caractère non générique de l’appellation. Le 20 janvier 1996, la
Commission a demandé au comité de réglementation des A.O.P. et des I.G.P. d’émettre
un avis sur le projet de règlement qui comprenait parmi autres dénominations la feta. En
l’absence d’avis du comité (45 votes pour et 42 votes contre) la Commission a transmis le
dossier au Conseil des ministres de l’agriculture. En l’absence d’avis du Conseil, la
Commission a adopté le règlement nº 1107/96. Dans la section «fromages» de l’annexe au
règlement, la dénomination «feta» est déterminée comme étant une AOP en faveur de la
Grèce.
Le Danemark (C-289/96), l’Allemagne (C-293/96) et la France (C-299/96)109 ont
adressé à la Cour de justice une demande en annulation du règlement nº 1107/96. Dans le
même temps, des entreprises productrices de feta en France, en Allemagne et au Danemark
ont engagé trois recours similaires contre ledit règlement devant le Tribunal de première
instance (T-139/96, T-140/96 et T-141/96). Par trois ordonnances du 20 février 1997, le
Tribunal a décliné sa compétence en faveur de la Cour.
Dans un arrêt du 16 mars 1999, la Cour a annulé partiellement le règlement
litigieux en ce qui avait enregistré l’appellation d’origine protégée «Feta». La Cour s’est
fondée surtout sur le fait que la Commission n’a pas tenu compte de l’ensemble des facteurs
que l’article 3, paragraphe 1 du règlement l’obligeait à prendre en considération110. L’article
précité propose trois facteurs pour procéder à l’examen du caractère générique d’une
dénomination : en premier lieu, la situation existant dans l’Etat membre où le nom a son
origine et dans les zones de consommation, en second lieu, la situation existant dans
d’autres États membres et en troisième lieu, les législations nationales ou communautaires
pertinentes. Selon la Cour, «la Commission n’a aucunement tenu compte du fait que cette
dénomination a été utilisée depuis longtemps dans certains États membres autres que la
République hellénique»111.
A l’époque les spécialistes du droit communautaire avaient prédit qu’il ne fallait pas
considérer l’affaire «Feta» comme une affaire définitivement close112. Mais, comment la
Commission pourrait-il revenir sur la même affaire et proposer le rétablissement de l’AOP
prévoit pas le droit d’opposition et de ce fait ne permet pas de prendre en considération les droits acquis.COM(2002) 139 final. pp. 4 et 13.109 Arrêt du 16 mars 1999, Rec. 1999, p. I-1541.110 attendu 102.111 attendu 101.112 RIGAUX A., SIMON D., La Grèce a perdu la bataille dans la guerre de la feta. Europe mai 1999, pp.16-17 (180).
56
feta après l’annulation partielle du règlement? L’article 174 CE sur la portée de l’autorité de
la chose jugée et l’article 176 CE sur les conséquences de l’arrêt pour la Commission
devraient poser des délicats problèmes. Pourtant, il faut mettre l’accent sur le fait que la
Cour admettant la recevabilité des recours en annulation du règlement nº1107/96 ne s’est
pas prononcée sur le caractère générique ou non de la dénomination. C’était plutôt une
solution de compromis celle que la Cour a adopté113. Après l’arrêt du 16 mars 1999 la feta
n’avait plus droit à la protection mais elle n’était pas générique.
Le dossier de la «Feta» est devenu un des plus compliqués. En 1997, François Actis
depuis le poste d’expansion économique114 français à Athènes estimait que la Commission
ne se trompait pas du tout sur ce dossier et elle savait très bien où elle allait. Le Danemark
bénéficiait de restitutions à l’exportation sur un produit typiquement grec. Le choix de la
Commission était animé de la volonté de corriger une inégalité, de «rééquilibrer la balance,
et de permettre à la Grèce de développer son industrie laitière à partir de fabrications
traditionnelles»115.
Donnant suite à ce dossier, le 15 octobre 1999, la Commission a invité les États
membres à lui communiquer des116 informations complètes concernant la production, la
consommation et la connaissance par le consommateur de la dénomination «feta». Le 24
avril 2001 le comité, auquel sont transmises les informations collectées par la Commission,
a conclu à l’unanimité au caractère non générique de la dénomination «Feta». Cet avis du
comité scientifique a été présenté aux États membres le 20 novembre 2001. Cependant,
certains pays, l’Allemagne, le Danemark et la Finlande, ont exprimé des doutes. Un
nouveau projet de mesure d’enregistrement de la «Feta» en tant qu’AOP a été examiné et
après quelques modifications, le 9 avril 2002, la Commission l’a présenté au comité de
réglementation en demandant son avis. Le 16 mai 2002 aucun avis n’a pas été obtenu au
sein du comité de réglementation sur ce dossier très disputé (47 voix pour, 23 voix contre et
17 abstentions). Les ministres de l’Agriculture réunis le 27 juin 2002 à Luxembourg n’ont
113 FETTES J., Appellations d’origine et indications géographiques: le règlement 2081/92 et sa mise enoeuvre RMUE 4/1997, pp. 141-179.114 Les PEE installés dans les ambassades de France à l’étranger ont un rôle très actif sur la défense desappellations d’origine. Ils renseignent l’INAO sur les pratiques locales et lui permettent d’agir contre lesusurpations au besoin en exerçant une action en justice.115 FAURE O., RLF nº 568 – janvier/février 1997 pp. 18-19 et notamment p. 19.116 Proposition de règlement du Conseil modifiant l’annexe du règlement CE n. 1107/96 de laCommission en ce qui concerne la dénomination “Feta”. présentée, le 14.6.2002. COM(2002) 314 final.
57
pas trouvé un accord pour adopter la proposition de règlement. Dans un tel cas le Conseil
des ministres a trois mois à trancher l’affaire (article 15 règlement). S’il n’y arrive pas, c’est
à la disposition de la Commission d’adopter le projet pour l’AOP «Feta»117. Trois pays se
sont opposés : l’Allemagne, le Danemark et le Royaume-Uni. La France, l’Autriche et
l’Irlande se sont abstenues.
Il est connu que tous ces pays ont des intérêts dans cette affaire. L’Allemagne, le
Danemark, et le Royaume-Uni prétendent toujours que feta constitue un nom générique.
L’Autriche s’est réservée compte tenu de son accord bilatéral avec la Grèce. L’adoption
d’une AOP pour la «Feta» va réserver l’appellation pour le fromage produit en Grèce et va
amener tous les pays producteurs de trouver un autre nom, ce qui n’est pas du tout facile118.
Chez les grands industriels français il y a déjà une grande inquiétude.
Mais quels sont les arguments énoncés dans l’avis unanime du comité scientifique
qui ont corroboré le projet de règlement proposé par la Commission? Dans cet avis il y a
trois groupes d’arguments qui répondent au caractère non générique de la dénomination
traditionnelle non géographique «feta»; d’abord, les éléments concernant l’existence des
réglementations nationales ou d’usages codifiés, la production, les objectifs de la
commercialisation et les marchés; par la suite, l’ampleur de la consommation; à fa fin, la
connaissance par les États membres du terme «feta».
En Grèce les usages en matière d’élaboration de feta ont été codifiés
progressivement depuis 1935. La délimitation de l’aire géographique fondée sur les usages
loyaux et constants a été fixée en 1988. Avant cette date ils existaient différentes variantes
locales qui correspondaient à d’innombrables lieux de production119. Le Danemark dispose
d’une réglementation depuis 1963 et les Pays-Bas ont disposé de 1981 à 1998 d’une
réglementation concernant les spécifications qualitatives devant être respectées lors de
l’élaboration de la feta.
117 LE FIGARO, nº17993, 15 juin 2002, p.3 ; Les Echos, nº 18685, 28 juin 2002, p. 14 ; Dépêche AFPÉconomique, 27 juin 2002.118 “Selon Lactalis, la décision de Bruxelles pourrait réduire de moitié son activité feta et menacer 200emplois. …Il faudrait bien sûr trouver un nom générique capable de remplacer le mot feta mais ce n’estpas facile…Croyez-vous que les consommateurs comprendraient si on leur vendait de la “tarte à latomate” pour de la pizza?” LE FIGARO, nº 18006, 1 juillet 2002, p. 5.119 Conclusions de l’Avocat général M. RUIZ-JARABO COLOMER : point 16 C-317/95, Rec. 1997, p. I-4681.
58
Quant à la production, d’après les détails apportés par le comité scientifique, la
production de la feta est inexistante au Luxembourg et au Portugal. Elle est marginale dans
la plupart des États membres : l’Italie, la Belgique, la Finlande, l’Autriche, l’Irlande, la
Suède, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l’Espagne. La Grèce produit ce fromage depuis des
temps immémoriaux mais il s’agit d’une production destinée presque exclusivement au
marché grec. La production actuelle atteint les 115000 tonnes environ. Le Danemark
produit ce fromage depuis les années 1930 en vue de son exportation. La production
danoise à partir exclusivement de lait de vache a connu une grande expansion suite aux
restitutions qu’il perçoit de la Communauté à l’exportation de la feta et en 1989 atteint les
110932 tonnes. La production est en baisse depuis 1995 en raison de la demande moindre
et de la diminution des aides à l’exportation de ce fromage. La France a commencé a
produire ce fromage en 1931. La production de 1988 à 1998 a passé de 7960 tonnes à
19964 tonnes. L’usine de fabrication la plus importante esi implantée dans l’Aveyron, le
pays du Roquefort. Cela s’explique par le fait que la feta constitue un produit de
diversification pour les producteurs du département de l’Aveyron. L’intensification du
système de la production laitière dès le début des années 1980, l’excédent de lait et son
absorption impossible ont amené les deux maillons de l’industrie laitière, les producteurs et
les transformateurs, à régler ce problème délicat de transformation et de distribution
fromagères. Les industriels et les producteurs au sein du syndicat interprofessionnel ont
défini une stratégie durable de maîtrise de production. Selon les accords interprofessionnels
de 1978 le 72% du lait est destiné à la transformation en roquefort et le 28% aux produits
de diversification (feta, pérails). La diversification représente aujourd’hui 50% 120du lait
produit et un ensemble de produits tels la feta, les pérails, le pécorino, les yaourts, etc.
L’Allemagne produit ce fromage depuis 1972. Depuis 1980, la production oscille entre
19757 et 39201 tonnes.
Quant à l’ampleur de la consommation, la partie majeure de la production
communautaire (85,64%) est consommée en Grèce.
Enfin, concernant la connaissance de la feta, le comité a insisté sur le fait que la
dénomination «Feta» représente un produit d’origine grec dans tous les pays de la
120 BESSIÈRE J., Valorisation du patrimoine gastronomique et dynamique de développement territorial.Le Haut plateau de l’Aubrac, Le pays de Roquefort et le Périgord noir. Éd. L’Harmattan 2001, p. 168.
59
Communauté. Les ouvrages à caractère général, tels que dictionnaires ou encyclopédies,
ou même les livres à caractère spécialisé transmis par les États membres font référence à un
fromage grec à base de lait de brebis et de chèvre121. Et même les étiquettes de la feta non
produite en territoire hellénique font allusion directement ou indirectement à la Grèce122.
Ainsi, le terme «feta» apparaît comme un fromage d’origine grec sur la nomenclature
douanière c’est-à-dire, à la partie du tarif qui a pour fonction de décrire chacune des
marchandises présentées à la douane en fonction de ses différentes caractéristiques. On
constate que dans l’accord123 entre la Communauté européenne et la Suisse relatif aux
échanges de produits agricoles à la description des fromages qui font l’objet des concessions
tarifaires la feta est définie comme le fromage à pâte molle sans croûte d’origine grecque.
Mais, comme la Commission l’a noté, une telle réglementation est exclusivement
douanière et elle n’a pas pour objectif de régler les droits de la propriété industrielle sur une
dénomination124. La Commission après l’appréciation d’un faisceau d’indices, d’ordre
juridique, économique, historique, culturel, social, scientifique et technique, a considéré
que cette dénomination ne tombe pas sur le coup de l’article 3 du règlement.125
Mais dans l’affaire feta il y avait aussi un autre point que les requérantes avaient fait
valoir en 1996 : Le Danemark, l’Allemagne et la France avaient soutenu que l’aire
géographique déterminée126 s’étendait à tout le territoire grec et que de ce fait
l’enregistrement de la feta était contraire à l’article 2, paragraphe 2 du règlement. Ils ont
remarqué que les exigences du cahier des charges ne garantissaient pas l’homogénéité
suffisante pour répondre aux conditions de l’article 2 du règlement. Ici, se pose la question
du lien du produit avec l’aire géographique délimitée.
Chapitre 2 : Le lien entre le produit et la zone de production
121 Proposition de règlement précitéà la note 114, point 21.122 P. ex. les publicités de la feta «Salakis» commercialisée par le groupe Lactalis. Lactalis a décidé derenforcer sa publicité en attendant que la feta devienne une AOP.123 Accord signé le 21 juin 1999 applicable au 1er juin 2002. www.europa.admin.ch.124 Proposition de règlement, point 32.125 On attendra avec grand intérêt la suite de cette affaire qui va susciter de nouvelles réactions au niveaucommunautaire.126 Le projet de règlement a affiné l’aire géographique de production, point 35 et 36.
60
Le lien entre le produit et son origine géographique peut être plus ou moins étroit.
L’article 2, paragraphe 2 point a) dispose que l’AOP est le nom d’une région, d’un lieu
déterminé ou, dans des cas exceptionnels, d’un pays, qui sert à désigner un produit agricole
ou une denrée alimentaire originaire de cette région, de ce lieu déterminé ou de ce pays et
dont la qualité ou les caractères sont dus essentiellement ou exclusivement au milieu
géographique comprenant les facteurs naturels et humains, et dont la production, la
transformation et l’élaboration ont lieu dans l’aire géographique délimitée. Par la suite,
l’article 2, paragraphe 2 point b) différencie l’IGP en ce qu’une qualité déterminée, la
réputation ou une autre caractéristique peut-être attribuée à cette origine géographique et
dont la production et/ou la transformation et/ou l’élaboration ont lieu dans l’aire
geographique délimitée. On constate que le lien du produit au lieu géographique est très
fort aux appellations d’origine et plus relâché aux indications géographiques.
Mais comment le règlement explicite-t-il ce lien avec le terroir et les facteurs
naturels et humains? C’est au cahier des charges, présenté par les groupements demandeurs
et homologué ensuite par l’INAO, de remplir cette fonction.
Le cahier des charges doit comporter au minimum les éléments énumérés à l’article
4, paragraphe 2 du règlement. Il s’agit notamment du nom du produit agricole, de la
description du produit, de la délimitation de l’aire géographique, des éléments prouvant
que le produit est originaire de l’aire géographique, de la description de la méthode
d’obtention du produit, des éléments justifiant le lien avec le milieu géographique ou avec
l’origine géographique au sens de l’article 2 paragraphe 2 point a) ou b), des structures de
contrôle, de l’étiquetage et des exigences éventuelles à respecter en vertu de dispositions
communautaires et/ou nationales.
Un exemple de ce lien unique et original constitue le fromage «Beaufort». Ce
fromage de garde, à PPC, élaboré en Savoie, a fait l’objet de recherches par l’INRA.
Malgré le respect minutieux de toutes les conditions de fabrication du fromage, il est resté
impossible d’obtenir ailleurs le même produit en raison de l’absence des facteurs
spécifiques, comme l’herbe et le lait.127 Ainsi, l’effort mené par des immigrés français ou
italiens de produire le camembert et le parmesan respectivement, hors de leur
environnement naturel, avait des résultats décevants.
61
Il est vrai que le lien entre l’aire de production et le produit n’est pas du tout figé. Il
est soumis à l’évolution des connaissances scientifiques et techniques. On va prendre
comme exemple le «Roquefort». A son élaboration contribuent des facteurs naturels et
humains : un terroir, un animal, un site géologique et des hommes. En amont c’est la terre
et l’animal (brebis de race lacaune128 et brebis «noires» correspondant au standard de la
première race) et puis c’est la main de l’homme qui intervient pour traiter la matière
première. Ce lait est ensuite ensemensé de spores de Pénicillium Roqueforti. En aval, c’est à
nouveau l’action de la nature qui contribue à l’affinage du fromage. Dans les caves creusées
à la montagne du Combalou l’action des «fleurines»129permet le développement du
Pénicillium Roqueforti. Ce phénomène naturel montre l’unicité du lien entre l’affinage du
fromage et les caves de Roquefort. Selon l’art. 6 du décret relatif à l’AOC «Roquefort» le
fromage est affiné pendant une période minimale de quatre-vingt-dix jours à compter de sa
fabrication. Toutefois, les industriels afin d’accroître la production fromagère se battent
pour une moins longue période d’affinage. Ils soutiennent que la période d’affinage ne
correspond pas à la réalité et qu’il y a toujours eu du fromage en cave et dans les frigos130.
Alors, on va voir que les éventuelles modifications du cahier des charges peuvent
générer des entraves au libre jeu de la concurrence. Ces restrictions sont acceptables, si elles
sont justifiées pour des raisons de protection de la propriété industrielle.
127 BUHL C., Le droit des noms géographiques, Paris, Litec, (CEIPI, n42), 1998, p. 330.128 Décret du 22 janvier 2001 relatif à l’appellation d’origine “Roquefort”129 On appelle comme ça le courant d’air qui sort de la montagne elle-même.130 BESSIÈRE J., Valorisation du patrimoine…p. 160.
Section 1 : La justification du lien entre le produit et la zone de production et lesentraves à la libre circulation
La légalité du cahier des charges, c’est-à-dire, la légalité des restrictions mises en
place par le cahier des charges se pose pour la première fois en matière d’appellations
d’origine des fromages avec l’affaire «Grana Padano». 131
Une société française, Ravil, importe, râpe, préembale et distribue plusieurs types
de fromage et particulièrement du «grana padano» sous la dénomination «Grana Padano
râpé frais». La société Biraghi, établie en Italie, y fabrique et y commercialise du fromage et
notamment du «grana padano». Les sociétés Bellon import et Biraghi France sont les
importateurs exclusifs pour la France des produits fabriqués par la société Biraghi. En 1996
Biraghi et Bellon ont assigné Ravil devant le Tribunal de commerce de Marseille pour
obtenir sa condamnation sous astreinte à cesser la commercialisation de fromage râpé en
France sous la dénomination précitée. En 1997 le Tribunal de commerce a condamné
Ravil. En 1998 le jugement a été confirmé par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence. Ravil
s’est pourvu en cassation. Il faut noter que depuis 1998, Ravil fait râper le fromage en Italie
sur la base d’un accord conclu entre cette société et le consortium de grana padano. La Cour
de Cassation a déféré à la CJCE une question concernant la compatibilité de la législation
italienne à l’article 29 du traité d’Amsterdam.
Le principal texte invoqué par les sociétés italiennes est un décret de la Presidenza
del Consiglio du 4 novembre 1991 qui a étendu l’appellation d’origine «grana padano» au
fromage râpé dans la région de production et aussitôt conditionné, sans aucun traitement ni
adjonction de conservateurs ou d’autres substances susceptibles de modifier les
caractéristiques organoleptiques d’origine du fromage. La dénomination qui a été
enregistrée dans le cadre du règlement n° 1107/96 est «grana padano» mais pas «grana padano
grattugiato» (râpé).
La société Ravil a fait valoir que cette exigence du décret italien rend plus difficile
et onéreuse l’exportation du fromage mais, aussi, procure un avantage particulier aux
entreprises locales. Les entreprises étrangères se voient contraintes soit de mettre en place
131 C-469/00, Sté Ravil c/ Sté Bellon Import et Sté SpA Biraghi, conclusions de l’Avocat général M.Siegbert ALBER. Dans le même contexte factuel se situe l’affaire C-108/01, Consorzio del Prosciutto diParma et Salumificio S. Rita SpA c/ Asda Stores Limited et Hygrade Foods Limited, conclusions del’avocat général ALBER S.
63
des structures pour le râpage dans l’aire de production soit de recourir à des sous-traitants.
Il s’agit d’un droit exclusif de râper et de conditionner le fromage.
Pour l’avocat général, M. Alber, il n’existe aucune raison apparente de n’autoriser
le râpage que dans l’aire de production. Il considère que le cas du grana padano n’offre pas
d’analogie avec l’affaire du vin de Rioja. La mise en bouteille du vin ne saurait pas être
comparable au râpage et au conditionnement du fromage. Le vin ne peut être vendu qu’en
bouteille, tandis que le fromage peut être commercialisé aussi bien en morceaux que râpé.
A son opinion le râpage et le conditionnement dans l’aire de production ne confèrent pas
au produit des caractéristiques particulières et, donc, ne peuvent pas se justifier à l’égard de
l’article 29 CE.
Quant aux facteurs humains M. l’avocat général constate que ceux-ci ne sont pas
liés étroitement à l’aire géographique de production. «Le personnel qui participe à la
fabrication et à la transformation d’un produit peut acquérir- avant tout par la formation
dans la région de production- les connaissances indispensables et le savoir-faire nécessaire à
la fabrication et la transformation du produit».
Quant à la conservation du fromage et aux risques auxquels est soumis lors de son
transport - oxydation, dessication, compression, fermentation – les possibilités techniques
existant aujourd’hui sont suffisantes à le préserver.
En plus, il constate que les contrôles pour préserver la qualité du produit peuvent
s’effectuer dans la région de production mais aussi en dehors soit par des inspecteurs
envoyés par le consortium, soit par des inspecteurs établis dans la région en cause, formés
par le consortium et chargés du contrôle.
M. l’avocat général raisonne sur la constatation que toutes les mesures prévues par
la législation italienne ne sont pas ni nécessaires ni indispensables à la protection de la
réputation de l’AOP «grana padano» et, donc, contraires à l’article 29.
Le lien entre le produit et la zone de production a été déjà examiné par le Conseil
d’État132 en tant qu’élément de la légalité interne du décret du 30 décembre 1998 relatif à
l’AOC «Comté». Les entreprises qui seraient exclues de la délimitation de l’aire
géographique de production ont contesté sa légitimité.
132 Décision précitée à la note 95.
64
Le décret relatif à l’appellation d’origine contrôlée «Comté» à son article 1, alinéa 2,
dispose que la production du lait, la fabrication et l’affinage des fromages et, le cas échéant,
le préemballage doivent respecter les dispositions du présent décret et être effectués dans
l’aire géographique qui s’étend au territoire des communes suivantes :… L’art. 9 prévoit
pour la période transitoire que par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de
l’article 1er, il peut être procédé au préemballage des fromages bénéficiant de l’appellation
d’origine contrôlée «Comté» dans les ateliers situés en dehors de l’aire géographique
délimitée qui présentent des références suffisantes et une antériorité certaine dans ce
domaine après avis du Comité national des produits laitiers pendant une période de cinq
ans à compter de la publication du présent décret
Section 2 : Légalité du cahier des charges
Le Conseil d’État a accentué dans sa décision que l’opération consistant à découper
et placer sous emballage plastique référencé des portions de comté se situe dans le
prolongement de l’affinage, requiert un savoir-faire traditionnel et a un effet direct et
certain sur la qualité du produit commercialisé. Comme l’a indiqué le commissaire du
gouvernement «les formes de conditionnement du comté sont susceptibles de rejaillir sur les
caractères spécifiques du fromage et qu’elles constituent une sorte de prolongement de
l’affinage»133.
Selon l’appréciation du Conseil d’État la légitimité des mesures dudit décret repose
sur les règles tant nationales que communautaires qui régissent la protection des
appellations d’origine. Ces règles ont pour objectif de valoriser la qualité des produits
bénéficiant d’une dénomination enregistrée, notamment en imposant que la production, la
transformation et l’élaboration de ces produits soient réalisées dans l’aire délimitée.
On lit dans un commentaire de M. Debrincat134que la loi nº 99-574 sur l’orientation
agricole du 9 juillet 1999 offre des voies pour l’introduction de nouvelles restrictions au
libre jeu du marché. Les possibilités offertes sont liées à des critères techniques et peuvent
conduire à «un plan d’amélioration de la qualité des produits ayant pour conséquence
directe une limitation du volume de production et à une restriction temporaire à l’accès des
nouveaux opérateurs selon des critères objectifs et appliqués de manière non
discriminatoire». Mais, il nous semble que ces restrictions, même si elles sont justifiées au
niveau national, peuvent tomber sur le coup de l’article 29 CE, comme on avait l’occasion
de le voir dans l’affaire «grana padano».
133 CASSIA P. Europe janvier 2001, commentaire 17.134 DEBRINCAT M. Analyse de décisions récentes du Conseil d’État sur l’application du règlementAOP/IGP. R. D.rural n. 289 janvier 2001 pp. 23-27 et notamment p. 27.
66
A cette affaire les sociétés italiennes, le gouvernement français, italien, espagnol et
la Commission ont soutenu que la condition que le fromage soit râpé et conditionné dans
l’aire de production pour pouvoir bénéficier de la dénomination grana padano garantit la
qualité et les caractéristiques spécifiques du produit. Ils font valoir que le râpage fait partie
du processus de fabrication. Le gouvernement italien a évoqué le risque que le grana padano
qui n’est pas convenablement râpé puisse rancir et qu’une manipulation inappropriée
puisse donc porter un grave préjudice à la réputation des produits fabriqués dans le respect
des dispositions de l’AOP135. Pour la Commission la restriction à l’exportation posée par la
réglementation litigieuse est nécessaire puisqu’elle préserve l’identité de l’origine et garantit
la réputation du produit.136 De sa part, le gouvernement espagnol a proposé un point de vue
très intéressant sur l’affaire. Il dit que pour le grana padano qui est consommé presque
exclusivement sous la forme râpée, le râpage acquiert une importance particulière137.
On ne sait pas laquelle des thèses soutenues va être adoptée par la Cour de
justice. Les conclusions de l’avocat général ne lient pas la Cour de justice. Mais, dans tous
les cas, il nous semble que l’arrêt va avoir un grand retentissement aux réglementations
nationales et à l’étendue de protection des signes de qualité.
135 Conclusions de l’avocat général ALBER. S., point 34.136 Conclusions point 38.137 Conclusions point 35.
Titre II : Protection conférée par l’enregistrement communautaire
Une fois que les demandes d’AOP/IGP ont rempli les exigences du règlement elles
peuvent bénéficier de la protection communautaire. La protection est automatique et
efficace. Elle est automatique car à partir de l’inscription au registre communautaire la
dénomination est opposable à tous sur le territoire communautaire. Elle est efficace car
dans le système des AOP/IGP on n’a pas à prouver le préjudice, ce qui est le cas de
l’action en concurrence déloyale. Dans ce système la protection n’est pas aléatoire. Et
pourtant, il y a certaines ambiguïtés quant à la portée de protection tant sur le plan
communautaite (Chapitre 1) que sur le plan national (Chapitre 2).
Chapitre 1 : La communautarisation de la protection
Section 1 : Les dénominations composées
La question de la protection des différentes parties des dénominations composées a
été examinée par la Cour de justice à propos de l’affaire «Epoisses de Bourgogne»138.
MM. Chiciak et Fol sont des producteurs de fromages et étaient poursuivis pour
avoir utilisé le nom «Epoisses», AOP créée par le décret de 1995 et réservée aux fromages
dont les caractéristiques sont définies par le décret de 1991 relatif à l’AOP «Epoisses de
Bourgogne». Ils ont soutenu qu’ils pouvaient utiliser librement le nom «Epoisses» parce que
le décret qui consacrait cette dénomination était contraire au règlement.
La juridiction de renvoi (TGI de Dijon) avait adressé deux questions préjudiciels à
la Cour de justice. La deuxième question concernait la valeur de la liste des indications
figurant en bas de page de l’annexe du règlement qui a reconnu entre autres l’appellation
d’origine protégée «Epoisses de Bourgogne».
138 Arrêt du 9 juin 1998, affaires jointes C-129/97, C-130/97, Rec. 1998, p. I-3315.
68
Le gouvernement français soutenu par le Syndicat de défense de l’Epoisses et
l’Association nationale d’appellation d’origine laitière française ont soutenu que le terme
Epoisses est au même titre protégé que le terme «Epoisses de Bourgogne». Ils ont corroboré
leur thèse invoquant le règlement nº 1107/96 qui contient en annexe la liste des AOP
enregistrées. Pour certaines de ces dénominations il y a un renvoi en bas de page qui exclut
de la protection conférée une partie du nom. Il s’agit des noms génériques, tels que
camembert, brie, emmental. Alors, raisonnant à contrario, il résulterait qu’en absence de
précision dans le règlement nº 1107/96 la protection serait étendue à chaque partie de la
dénomination protégée. En plus, le gouvernement français basé sur l’article 13 paragraphe
1, alinéa 2 du règlement de 1992 a fait valoir que, s’il ne s’agit d’un terme générique ou
commun, la protection s’applique à la dénomination dans son ensemble.
La Cour a rejeté ces raisonnements. Selon la Cour le fait qu’il n’existe pas pour
cette appellation d’indication figurant sous forme de renvoi en bas de page de l’annexe du
règlement nº 1107/96 précisant que la demande d’enregistrement n’est pas sollicitée pour
une des parties de l’appellation n’implique pas nécessairement que chacune de ses parties
est protégée. Le renvoi ne se revèle important que lorsqu’il existe car dans ce cas la volonté
de ne pas protéger une partie de la dénomination a été exprimée de façon claire. Le
règlement ne procure aucun élément qui va nous permettre de connaître les raisons pour
lesquelles les Etats membres ont décidé de ne pas demander la protection d’une partie des
dénominations transmises à la Commission avec la procédure de l’article 17, que ce soit
parce qu’il s’agit d’une partie générique, parce que la partie en cause n’est pas protégée
même sur le plan national ou encore pour d’autres raisons. Le règlement de 1996 n’a pas
comme objectif de préciser à travers le système des notes en bas de page le caractère
générique et, par conséquent, non protégeable des dénominations. Par contre,
l’interpétation du règlement de 1992 ne nous permet qu’attibuer ce rôle au juge national qui
est le seul compétent à décider du caractère générique ou du caractère protégeable d’un
composant contre les pratiques visées à l’article 13 du règlement.
C’était à la compétence du Conseil d’Etat de décider du caractère de la
dénomination «Epoisses». Dans sa décision du 27 juillet 2001, le Conseil d’Etat a jugé que
«si la dénomination «époisses», qui désigne traditionnellement un fromage originaire du
pays d'Auxois affiné pendant plus de quatre semaines au marc de Bourgogne, a été utilisée
par certains industriels pour commercialiser un fromage frais produit à proximité de sa
région d’origine, cette dénomination n’est pas communément utilisée dans d’autres régions
de la France ou de l’Union européenne; que la notoriété de la dénomination «époisses»
reste attachée au fromage traditionnel affiné fabriqué dans un terroir de Bourgogne, depuis
le XVIIème siècle, et n’est pas devenue le nom commun d’un type de fromage».
Section 2 : La protection de la traduction
Selon l’article 13, paragraphe 1 sous b) du règlement les dénominations enregistrées
sont protégées contre toute usurpation, imitation, ou évocation, même si l’origine véritable
du produit est indiquée ou la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d’une
expression telle que «genre», «type», «méthode», «façon», «imitation» ou d’une expression
similaire;
La protection de la dénomination parmesan se pose ces dernières années avec une
réelle acuité. Un premier pas c’était la victoire que l’Italie a remportée sur le plan du codex
alimentarius139. Parallèlement, l’Italie mène le combat devant les instances communautaires.
Le juge de Parme dans le cadre de la procédure pénale contre M. Bigi a adressé sept
questions préjudicielles à la CJCE. La société Nuova Castelli SpA de Reggio Emilia, dont
M. Bigi est le représentant légal, produit en Italie et commercialise exclusivement en dehors
d’Italie un fromage râpé, déshydraté, pasteurisé et en poudre, préraré à partir d’un mélange
de plusieurs types de fromages de provenances diverses. Aux conclusions présentées le 9
octobre 2001140, l’avocat général, M. Léger a soutenu que la seule question d’interprétation
qui se pose à titre liminaire est si la protection de la dénomination «parmesan» entre dans le
champ d’application de l’article 13, paragraphe 1 sous) b du règlement.
Pour le juge de renvoi, le parmesan n’est que la traduction littérale de la
dénomination «Parmigiano Reggiano». Par conséquent, rien de plus logique que d’accorder
le même niveau de protection à la traduction de la dénomination déjà protégée. Les
gouvernements allemand et autrichien insistent sur le fait que pour eux le terme parmesan
«rêvet une signification autonome»141. Le parmesan signifie «le fromage râpé ou destiné à
139 En attendant l’arrêt de la CJCE, la Commission avait demandé à ce que la question “parmesan” se soitpas débattue au Codex Alimentarius.140 Arrêt de la Cour du 25 juin 2002, affaire C-66/00.141 Conclusions précitées, point 48.
70
être râpé, qui accompagne certains plats». En revanche, le «Parmigiano Reggiano»
symbolise «un type de parmesan de qualité particulière, de provenance italienne, au goût
aromatique, allant du relevé au piquant, exigeant une certaine période de maturation (au
moins douze mois)»142.
Par contre pour M. l’avocat général il n’y a aucun doute de ce que le substantif
«parmesan» est la traduction littérale du terme «Parmigiano» pris isolément. Pour la plupart
des gouvernements le terme parmesan évoque l’AOP composée. Mais, pourquoi le terme
Parmigiano traduit a prédominé pour désigner ce fromage? On lit dans la thèse143 de M.
Laure MALAGOLI que le nom du fromage témoigne de sa zone de production, définie
d’après les usages locaux, loyaux et constants. Le parmesan a pris sa naissance à Bibbiano,
petit village, situé entre Reggio Emilia et Parme. Ce village appartient administrativement à
la Province de Reggio Emilia. Mais, autrefois, il appartenait à Parme. D’ailleurs, jusqu’à la
fin du XXème siècle la partie principale de la production du fromage était distribuée à
partir de Parme. Le produit a atteint un tel niveau de notoriété que le substantif
«Parmigiano» qui était aussi bien utilisé pour désigner les habitants de la ville que pour
qualifier n’importe quelle marchandise en provenance de Parme, évoque dans l’esprit du
consommateur européen le fromage y élaboré. C’est, alors, pour des raisons historiques,
juridiques, économiques et culturelles que la République italienne a demandé
l’enregistrement de la dénomination composée «Parmigiano-Reggiano» et pas du terme
«Parmigiano» pris isolément.
En fin, la solution apportée par la Cour le 25 juin 2002 est celle préconisée par
l’avocat général. La Cour a conclu au caractère non générique de l’appellation parmesan.
En effet, pour la Cour, l’appellation française «parmesan» constitue la traduction correcte
de l’AOP «Parmiggiano Reggiano» (attendu 20).
Section 3 : L’évocation d’une AOP
142 Ibidem.143 MALAGOLI, L. M.-H. Pour la connaissance du fromage parmesan (Parmigiano-Reggiano) thèsesoutenue en 1998 à l’Université Paul-Sabatier de Toulouse. p. 19-20.
71
La commercialisation d’un fromage à moisissures sous la dénomination
«Cambozola»144 en Autriche et l’opposition du Consortium pour la défense de «Gorgonzola» a
donné à la Cour de justice l’occasion de se prononcer sur la notion de l’évocation d’une
appellation d’origine protégée.
L’appellation d’origine «Gorgonzola» a été protégée au niveau communautaire avec
le règlement nº 1107/96. La société allemande Käserei Champignon Hofmeister GmbH &
Co fabriquait et commercialisait un fromage dénommé «Cambozola» en Allemagne depuis
1977 et en Autriche depuis 1983. La société précitée était propriétaire de la marque
autrichienne «Cambozola» qui est protégée depuis le 7 avril 1983 pour les produits laitiers et
notamment le fromage.
Les sociétés défenderesses se sont basées sur la simple association d’idées qui ne
crée pas un risque de confusion. Ils ont tiré argument de l’arrêt «Puma» où la Cour avait
jugé que la simple association entre deux marques que pourrait faire le public par le biais de
la concordance de leur contenu sémantique ne suffit pas en elle-même pour conclure à
l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b) de la
directive sur les marques.
La Cour a rejeté l’argument tiré de l’arrêt «Puma145» pour interpréter la notion
d’évocation au sens du règlement. Elle a conclu que «s’agissant d’un fromage à pâte molle
et à moisissures bleues, dont l’apparence extérieure n’est pas sans analogie avec celle du
fromage «Gorgonzola», il semble légitime de considérer qu’il y a évocation d’une
dénomination protégée lorsque le terme utilisé pour le désigner se termine par deux mêmes
syllabes que celle-ci, d’où il résulte une parenté phonétique et optique manifeste entre les
deux termes»146. La Cour a incité aussi le juge national à prendre en considération un
document publicitaire revelant que cette ressemblence phonétique n’était pas fortuite. La
campagne publicitaire de Käserei Champignon mettait en valeur que le Cambozola
«originaire de la meilleure famille, alliait la tendre consistance crémeuse du noble
camembert au goût relevé de l’ardent Gorgonzola».
144 Arrêt du 4 mars 1999, C-87/97, Rec. 1999 p. I-1301.145 Arrêt du 11 novembre 1997, C-251/95, Rec. p. I-6191.146 Arrêt précité à la note 142, point 27.
72
On voit dans cette exemple comment le juge communautaire a encadré la notion de
l’évocation, offrant au juge national les critères à prendre en considération pour
l’appréciation factuelle de l’évocation.
Chapitre 2 : La portée de la protection nationale pour les
dénominations enregistrées
La jurisprudence de la Cour de justice apporte des principes directeurs quant à
l’interprétation du règlement de base (2081/92) et des règlements d’exécution (1107/96).
Mais, quel est le rôle des Etats membres dans la protection des dénominations
protégées au niveau européen. Dans l’affaire «Cambozola» la Cour a conclu qu’en l’état
actuel du droit communautaire, le principe de la libre circulation des marchandises ne fait
pas obstacle à ce qu’un Etat membre prenne les mesures qui lui incombent afin d’assurer la
protection des appellations d’origine régulièrement enregistrées.
Dans ce chapitre, on essaiera de présenter les rares cas qui ont préoccupé le juge
français concernant la protection des AOP fromagères. On va constater la primauté de
protection des AOP à l’égard des marques.
Dans le premier cas la societé Fromarsac vendait du fromage contenant en partie
du roquefort (un pourcentage de 11%) sous la dénomination «Les fromages de Saint-Moret
au Roquefort». La Confédération générale des producteurs et des industriels de Roquefort
ont assigné le vendeur pour utilisation abusive et illicite de l’appellation Roquefort.
A l’époque le décret du 3 juillet 1989 en son article 1 indiquait qu’il est interdit de
fabriquer, exposer, transporter, mettre en vente ou vendre,détenir, importer, exporter, sous
le nom de Roquefort, avec ou sans addition nominale ou qualificative, un fromage autre
que celui qui aurait été préparé et fabriqué exclusivement avec du lait de brebis(…). Le
décret du 22 janvier 2001 reprend à peu près à son article 1, alinéa 2147 les mêmes
restrictions.
Pourtant, dans le cas de la société Fromarsac, le roquefort rajouté respectait les
exigences du cahier des charges définies par le décret. Et en plus, la dénomination ainsi
utilisée n’induisait pas le consommateur en erreur tout en garantissant la protection de la
dénomination Roquefort148. La mention de l’appellation d’origine tendait à identifier un
des ingrédients utilisés dans la composition du produit et non le produit lui-même. Il ne
147 Le fromage bénéficiant de l’appellation d’origine contrôlée “Roquefort” est un fromage fabriquéexclusivement avec du lait de brebis(…).148 BERRY B., Petites affiches, 4 août 1995, nº 93, pp. 33-36 et notamment p. 35.
74
s’agissait pas du tout de l’usage abusif de l’appellation pour désigner un produit de la même
nature mais de composition très différente de sorte qu’il n’aurait pas droit à cette
appellation. Pour M. Buhl,149 c’est seulement dans cette hypothèse qu’il faut sanctionner
l’utilisation de l’appellation.
La Chambre commerciale de la Cour de Cassation150 a conclu que «la protection
conférée par la loi à l’appellation d’origine est générale et n’autorise pas l’utilisation de
ladite appellation sous quelque forme que ce soit, autrement pour désigner un fromage
authentiquement et entièrement d’origine».
Mais quelle signification rêvet l’expression «fromage authentiquement et
entièrement d’origine»? On pourrait peut-être dégager un principe général pour la
protection des appellations enregistrées?
Cette expression définit la portée de A.O.P. Roquefort. Il est évident qu’on peut
utiliser la dénomination pour un tout autre produit contenant du roquefort véritable151,
mais pas pour un autre fromage. Le fromage doit être dans son entier d’origine de
roquefort. Quelle idée pourrait-on retenir de cet arrêt? Quand le cahier des charges d’un
fromage requiert une exclusivité quant aux composants du produit, sa dénomination ne
peut pas être apposée sur un autre produit fromager.
Dans le deuxième cas, il s’agissait de l’incorporation dans une marque d’une partie
de l’appellation d’origine composée pour baptiser un fromage n’ayant pas droit à cette
appellation. Les faits sont les suivants : la Société laitière coopérative agricole Les
Fromageries Bresse-bleu ont déposé pour désigner des fromages les marques Fourme de
Bresse et Fourme de Bresse-bleu.
149 BUHL C., Le droit des noms géographiques, p. 233.150 Ch. com., D. 1994, IR, 199, cassation de Bordeaux, 23 avr. 1992, 1re ch. A.151 BRANLARD J.-P., Droit et gastronomie…p. 22.
75
La Cour de Cassation152 a confirmé l’arrêt de la cour d’appel. La Cour d’appel
après avoir insisté sur la protection d’ordre public des appellations d’origine a retenu d’un
côté que le mot Fourme sert à désigner un fromage montagnard provenant d’une aire
géographique délimitée et que le mot Fourme avait dans l’expression autant d’importance
que le lieu géographique et d’autre côté que le fromage commercialisé sous la marque
litigieuse ne présentait pas les caractères géographiques et techniques des produits protégés
par l’appellation d’origine protégée complexe, faisant ainsi apparaître que l’usage de ce
terme était susceptible de créer une confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du
produit.
Les fromageries «Bresse Bleu» ont insisté sur le fait que les dénominations
litigieuses étaient composées d’un nom générique (fourme, c’est-à-dire, forme à fromage)
et, donc, non appropriable par un signe distinctif, d’un nom géographique (Bresse) et d’une
dénomination générale correspondant à une caractéristique technique (bleu).
La Cour d’appel suivie par le Cour de Cassation a dépassé le problème de
l’appropriation d’un nom générique du langage commun faisant valoir que le terme
«fourme» n’est pas générique mais par contre il est lié à la production fromagère
montagnarde du centre de la France, à une zone géographique dont «il ne peut être détaché
sans entraîner de dénaturation de son sens»153. Là, réside toute l’importance de l’arrêt. Les
appellations «Fourme d’Ambert» et «Fourme de Montbrison» sont protégées dans leur
ensemble mais le mot fourme a acquis une telle notoriété qu’il évoque lui-même, pris
isolément une technique spécifique originaire et actuellement pratiquée dans une aire
géographique et non pas une catégorie générique des produits.
Selon M. Agostini, il fallait se montrer plus inquiéts devant l’appropriation par les
appellations d’origine des noms communs. «Le langage courant étant le patrimoine
commun d’un groupe linguistique, on ne saurait admettre la confiscation d’un nom
commun, même régional, pour cause d’utilité privée»154. Selon M. Olszak, cette inquiétude
n’est pas justifiée dans ce cas puisque le terme fourme a perdu son sens commun de forme
152 Cass.Com., 26 octobre 1993, D. 1995, Jurispr. pp. 58-59 note AGOSTINI E.; RIPIA 1993, p. 289.153 BERRY B., Petites affiches, 4 août 1995, n 93, pp. 33-36 et notammnent p. 35.154 Note AGOSTINI E., D. 1995, Jurispr. pp. 58-59 et notamment p. 59.
76
à fromage et il peut être employé tout seul, sans indication de lieu pour désigner un
fromage précis155.
En fin, il faut dire que l’usurpation du mot fourme et son insertion dans la marque
«Fourme de Bresse» montre bien que ce fait n’était pas le fruit du hasard. Le caractère
intentionnel érige sur la connaissance156 par l’usurpateur que le produit pour lequel il a
utilisé l’appellation n’avait pas les caractéristiques requises pour revendiquer cette
dénomination. Dans l’arrêt du 5 juillet 1994 les Fromageries Bresse-bleu ne contestent que
leur fromage ne présente pas les caractéristiques de l’AOP, tandis que la société Fromarsac
prétend avoir commercialisé le résultat «d’un procédé culinaire tirant du rapprochement de
produits différents une spécialité originale».
On va terminer avec un cas un peu grossier d’imitation de l’appellation «Grana
Padano» qui ne suscite pas de grands problèmes d’interprétation. Une société néerlandaise
commercialisait en France sous la dénomination «Pardano»157 un fromage. Le Consortium
pour la défense de l’appellation a assigné la société devant le TGI de Paris. Le tribunal a
noté que la dénomination Pardano reprend à un lettre près le terme «Padano» et que
l’adjonction de la lettre «r» ne modifie en rien l’architecture de ce terme. Il a résulté que ce
terme constitue une atteinte par imitation de l’appellation protégée et qu’il ne peut qu’être
source de confusion.
En conséquence, on voit que la protection des signes de qualité communautaires
dépend aussi de l’efficacité des systèmes nationaux en la matière. La France dispose déjà
d’un système de répression des atteintes aux AOP/IGP/STG. L’article L. 116-26-3
C.consomm. prévoit l’extension de la protection des signes nationaux aux signes
communautaires. L’article précité renvoie à l’article L. 115-16 qui dispose que quiconque
aura soit apposé, soit fait apparaître, par addition, retranchement ou par une altération
quelconque, sur des produits, naturels ou fabriqués, mis en vente ou destinés à être mis en
vente, des appellations d’origine qu’il savait inexactes sera puni des peines prévues à
l’article L. 213-1. Il vaut insister sur la possibilité créée par la seconde alinéa de l’article L.
155 OLSZAK N., Droit des appellations d’origine et indications de provenance, p. 40.156 Article L. 115-16, alinéa 1 C.consomm.157 TGI de Paris, 3ème ch., 6 décembre 1996: PIBD 1997, 629.III. pp. 196-197.
77
115-16 Cconsomm. Cette disposition158 étend le champ d’application de la protection
pénale des appellations d’origine à un mode de présentation faisant croire ou de nature à
croire qu’un produit bénéficie d’une appellation contrôlée. Cette disposition permet de
sanctionner des actes même s’il n’y a aucune intention frauduleuse.
158 Disposition modifiée par la loi nº 99-574 du 9 juillet 1999 d’orientation agricole.
Conclusion
Le système communautaire qu’on vient de décrire est un sujet d’actualité. Ce
système s’est consacré à son rôle de valorisation du patrimoine gastronomique et culturel
tout en protégeant les intérêts des consommateurs d’un côté et des producteurs de l’autre.
Or, le rôle des signes de qualité communautaires ne s’arrête pas ici. Les évolutions récentes
de la PAC nous montre l’importance de la politique de signes de qualité menée par l’Union
européenne.
La réforme engagée dès le milieu des années 80 puis relancée au début des années
1990 visait à la diminution de la part de l’agriculture dans le budget communautaire et à la
réduction du caractère protecteur du système mis en oeuvre à la fin des années 1950. Les
difficultés provenant de la surproduction et de la chute des revenus des agriculteurs ont
conduit à la réforme de 1992. Le mécanisme mis en place tendait à : la baisse des prix
communautaires et la compensation des pertes par des aides forfaitaires, calculée par tête
de bétail ou sur la base du rendement moyen à l’hectare. Par la suite, la Commission, en
juin 1997, dans le cadre de l’Agenda 2000 (programmation entre autres sur la PAC pour la
période 2000-2006) a présenté des propositions prenant en considération l’adhésion de
certains pays de l’Est, de nouvelles missions de développement rural et de protection de
l’environnement. Dès janvier 2001, le débat sur la réorientation ou la réforme de la PAC a
été réanimée par la crise de confiance chez les consommateurs après les scandales de «la
vache folle», de l’épidémie de la fièvre aphteuse et des poulets à la dioxine.
Aujourd’hui la Commission vient de proposer un projet de réforme de cette
politique commune159. Ce projet se situe dans le droit fil des évolutions des dix dernières
années. L’objectif majeur est de produire mieux et non pas de produire toujours plus. Les
primes à la qualité pour les appellations d’origine, l’agriculture biologique et les
exploitations respectant les critères environnementaux constituent certains des points clés
du projet de Bruxelles. Ces objectifs sont en pleine conformité avec les préoccupations des
citoyens de l’Union européenne. Selon un sondage de la Commission160, un très grand
159 Les échos, 9 juillet 2002 “PAC: Bruxelles présente demain une profonde réforme”.160 Communiqué de presse (Commission) IP/02/922, date: 25/6/2002.
79
nombre d’Européens (90%) souhaitent que la PAC leur garantisse des aliments sûrs et un
environnement sain. Ainsi, 73% des Européens souhaitent une politique de protection du
goût et de la spécificité des produits agricoles européens. Dans cet esprit, M. Franz
Fischler, Commissaire chargé de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche, «a
déclaré qu’à l’avenir, davantage de crédits seraient mobilisés pour la production et la
commercialisation de produits de qualité»161. Alors, la qualité se révélera rentable.
La Commission devant cet avenir rêve de voir son système des dénominations
géographiques se transformer en un modèle pour le reste du monde. C’est pourquoi, la
Commission a proposé un ensemble d’amendements au règlement nº 2081/92. Ainsi, la
proposition prévoit la possibilité pour les pays tiers de protéger leurs produits agricoles dans
l’Union européenne sous les conditions de la réciprocité et de la mise en oeuvre d’un
système équivalent pour la protection des signes de qualité. Une autre modification
importante est l’extension du droit d’objection aux enregistrements des dénominations
géographiques à tous les pays membres de l’OMC.
De son côté l’OMC lors de la conférence ministérielle en novembre 2001 à Doha a
décidé de renforcer le système de protection des indications géographiques de la section III
des accords ADPIC. L’OMC va entamer des négociations en vue d’étendre la protection
additionnelle de l’article 23 à tous les produits agricoles. A l’époque de la signature des
accords de Marrakech le nombre d’indications géographiques protégeant des produits
agricoles autres que les vins était limité. Aujourd’hui existent environ 600 contre 7200 pour
les vins et les spiritueux162. Vers la fin 2002, le Conseil ADPIC devra faire des
recommandations sur ce point au TNC (Trade negociating committee), organe de l’OMC.
Ainsi, au sein de l’OMC, il y a un autre projet pour l’établissement d’un registre prévu par
l’accord ADPIC. Il s’agira d’un système multilatéral de notification et d’enregistrement des
indications géographiques pour les vins et spiritueux. Ce registre n’a pas l’ambition de
remplacer les enregistrements nationaux, mais, simplement de créer une présomption de
propriété de l’indication géographique renversant, ainsi, la charge de la preuve.
161 Communiqué de presse (Commission), IP/02/1115, date: 22/7/2002.162 RENARD A.-C., Les indications géographiques mieux protégées au niveau mondial, RLF nº 622 -juin2002, pp. 18-19 et notamment p. 18.
80
Le renforcement de la politique de qualité est d’un grand intérêt tant pour les pays
riches que pour les pays pauvres. En Afrique où les pays les moins avancés dépendent
exclusivement de l’exportation des produits agricoles primaires (coton, café, cacao) le choix
des signes de qualité pourrait soutenir leur développement. En 1990 le taux d’exportation
des ACP (Afrique, Caraibes, Pacifique) vers l’Union européenne était de 25 % et,
aujourd’hui, il dépasse 40%163.
Tout cela nous montre que la seule protection efficace pour ce domaine de la
propriété industrielle réside dans des systèmes régionaux ou mondiaux.
163 La Croix, 24 juin 2002, p. 12.
BIBLIOGRAPHIE
Législation Communautaire
• Règlement (CEE) Nº 2081/92 du Conseil du 14 juillet 1992 relatif à la protection des
indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des
denrées alimentaires (JO nº L 208 du 24. 7. 1992, p. 1).
• Règlement (CEE) Nº 2082/92 du Conseil du 14 juillet 1992 relatif aux attestations de
spécificité des produits agricoles et des denrées alimentaires (JO nº L 208 du 24. 7.
1992 p. 9).
• Règlement (CE) Nº 1107/96 de la Commission du 12 juin 1996 relatif à
l’enregistrement des indications géographiques et des appellations d’origine du titre de
la procédure prévue à l’article 17 du règlement (CEE) nº 2081/92 du Conseil (JO Nº L
148 du 21. 6. 1996, p. 1).
• Règlement (CE) Nº 1070/99 de la Commission du 25 mai 1999 modifiant l’annexe du
règlement (CE) Nº 1107/96 relatif à l’enregistrement des indications géographiques et
des appellations d’origine du titre de la procédure prévue à l’article 17 du règlement
(CEE) Nº 2081/92 du Conseil (JO nº L 130 du 26. 5. 1999, p. 18).
• Règlement (CEE) Nº 1898/87 du 2 juillet 1987 concernant la protection de la
dénomination du lait et des produits laitiers lors de leur commercialisation (JO nº L182
du 3. 7. 1987 p. 36).
• Décision 88/566 établit la liste des produits visés à l’article 3 paragraphe 1 alinéa 2 du
règlement 1898/87.
• Directive 89/398 du Conseil, du 3 mai 1989, relative au rapprochement des législations
des États membres concernant les denrées alimentaires destinées à une alimentation
particulière (JO nº L 186 du 30/06/1989 p. 27).
• Règlement (CE) No 1255/1999 du Conseil du 17 mai 1999 portant organisation
commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers (JOCE nº L 160,
26 juin 1999, p. 48).
Législation nationale
• Décret Nº 52-663 du 6 juin 1952 portant publication de la convention internationale sur
l’emploi des appellations d’origine et dénominations de fromages, signée à Stresa, le
1er juin 1951 (JO du 11 juin 1952, p. 5821).
• Décret Nº 88-1206 du 30 décembre 1988 portant application de la loi du 1er août 1905
sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de service de la loi du 2 juillet
1935 tendant à l’organisation et à l’assainissement du marché du lait en ce qui concerne
les fromages (JO du 31 décembre 1988).
• Décret 2000-826 du 28 août 2000 relatif aux procédures d’examen des demandes
d’enregistrement des appellations d’origine protégées et des indications géographiques
protégées.
Ouvrages
• Alix BABOIN-JAUBERT, Guide des fromages, Marabout et Hachette, 2000.
• J. BESSIÈRE, Valorisation du patrimoine gastronomique et dynamique de
développement territorial. Le Haut plateau d’Aubrac, Le pays de Roquefort et le
Périgord noir, L’Harmattan, 2001.
• J.-P. BRANLARD, Droit et gastronomie. Aspect juridique de l’alimentation et des
produits gourmands, Paris, LGDJ et Gualino, 1999.
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www.cidil.fr (site du Centre Interprofessionnel de Documentation et d’Information
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www.maison-du-lait.com
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l’Information des Filières Laitières Petits Ruminants).
www.aoc-igp.ch
www.fromages.com
www.fromag.com
www.lactalis.com (site du Groupe Lactalis).
Je tiens à remercier tous les documentalistes du CIDIL qui m’ont aidé à ma
recherche et notamment Delphine PETIT, Valérie HERMELINE et Evelyne TANGUY.