Post on 16-Jun-2022
L’IDENTITÉ PROFESSIONNELLE DE L’ENSEIGNANT FINLANDAIS : REGARD ETHNOGRAPHIQUE SUR LE CONTEXTE
DE SA FORMATION INITIALE
Mémoire
Laurie Dorval-Morissette
Maîtrise en administration et évaluation de l’éducation Maître ès Arts (M.A)
Québec, Canada
© Laurie Dorval-Morissette, 2013
iii
Résumé
Le présent mémoire a pour but de rendre compte des résultats de recherche recueillis suite à
une immersion prolongée au sein du programme de formation des enseignants de
l’Université d’Helsinki en Finlande. Motivée par le désir de mieux comprendre
l’enseignant finlandais, cette étude s’est donnée pour objectif de dresser le portrait de cet
enseignant, en puisant de l’information au cœur même du milieu où il entame sa
socialisation professionnelle, soit dans le contexte de sa formation initiale.
La formation initiale, et plus spécifiquement son curriculum, constitue donc notre objet
d’étude. En effet, le curriculum de formation est appréhendé comme un document qui
traduit la culture professionnelle de l’enseignant. Le fait qu’un curriculum de formation
valorise certains savoirs et certaines compétences au détriment de certains autres nous
informe largement sur les compétences et les savoirs jugés essentiels à la formation d’un
bon enseignant. C’est pourquoi cette étude, bien qu’elle s’intéresse à l’identité
professionnelle de l’enseignant, se penche sur le contexte de sa formation initiale plutôt que
sur ses expériences et ses perceptions ce qui, selon nous, contribue à l’originalité de ce
projet de recherche.
Préconisant une démarche compréhensive, ce mémoire tente d’articuler la multitude de
données recueillies par ethnographie. Ces données, analysées à même la pensée
sociologique appliquée au curriculum (sociologie du curriculum) sont explicitées dans une
description ethnographique qui nous éclaire sur les connaissances et les compétences qui
caractérisent l’enseignant finlandais.
v
Remerciements Le jour du dépôt initial, comme je l’attendais! Je profite de cet avant-propos pour remercier
les personnes (ô combien nombreuses!) qui ont fait une différence dans mon parcours grâce
à leur soutien et leurs encouragements. J’aimerais avant tout remercier, du fond du cœur,
madame Annie Pilote qui, malgré la distance qui nous a séparé tout au long de ce projet, a
su trouver les mots pour me rassurer et me donner le goût d’apprendre et de faire toujours
mieux. Annie, merci pour ta sollicitude et ta patience!
Je tiens à remercier très chaleureusement ma famille: oncles, tantes, cousins et cousines
ainsi que mes grands-parents. Merci pour vos bons mots, votre joie de vivre contagieuse et
votre amour. Plus particulièrement, je tiens à exprimer ma plus sincère gratitude à mes
parents, qui sont toujours derrière moi et qui m’encouragent dans mes projets les plus fous.
Je les remercie pour la confiance qu’ils me portent ainsi que pour tout le soutien moral et
financier qu’ils ont eu la générosité de m’offrir alors que j’étais aux études.
J’en profite aussi pour remercier les étudiants inspirants qui ont croisé mon chemin durant
mon passage à la maîtrise. Jean-Michel, Jean-Luc, Anthony, Elizabeth, Emily, Caroline,
Laura et Jonas : votre curiosité, votre motivation et votre rigueur m’ont donné envie de me
dépasser. Dans les moments de doute, vous avez été pour moi des modèles de ténacité qui
m’ont encouragé à aller de l’avant et à ne pas abandonner.
Je ne pourrais passer sous silence l’ouverture d’esprit et la générosité des professeurs du
département de la formation des maîtres de l’Université d’Helsinki. Sans leur confiance et
leur temps, ce projet n’aurait pas pu voir le jour. J’aimerais remercier par la même occasion
les étudiants du programme de formation initiale à l’enseignement pour m’avoir accepté au
sein de leur groupe, alors que je ne parlais pas la langue et que j’avais tout à apprendre.
Kiitos paljon kaikille !
vi
Finalement, je tiens à remercier très sincèrement la Fondation Rotary, organisme grâce
auquel j’ai pu mener ce très enrichissant travail d’ethnographie loin de la maison. Bien
qu’ardu, le séjour en Finlande s’est avéré riche sur tous les plans, et plein de surprises!
Je regarde les deux années qui viennent de passer, la tête dans les livres, les yeux rivés sur
l’ordinateur. Il m’est arrivé plusieurs fois, comme beaucoup d’autres, de me demander s’il
valait vraiment la peine de se donner tout ce mal. En contrepartie, il m’est aussi arrivé
d’avoir l’impression que ce mémoire donne plus de sens à ma vie que bien d’autres
projets… C’est donc le cœur gros mais plus léger que je mets fin à cette aventure qu’a été
celle de la maîtrise. Le voyage en Finlande ainsi que toutes mes inspirantes rencontres
feront vivre en moi pour toujours des souvenirs magnifiques de cette étape de ma vie.
vii
Table des matières Résumé .................................................................................................................................. iii Remerciements ....................................................................................................................... v Table des matières ................................................................................................................ vi Liste des tableaux,figures et photos ...................................................................................... ix Liste des annexes .................................................................................................................. xi Chapitre 1 - Contexte général ............................................................................................. 1 1.1 Introduction .................................................................................................................. 1 1.2 La Finlande après PISA: objet de fascination .............................................................. 2
1.2.1 Les enjeux entourant la comparaison à visée évaluative .................................. 4 1.2.1.1 Sa fonction régulatrice ............................................................................... 4 1.2.1.2 La comparabilité au détriment du caractère particulier de chaque milieu . 6
Chapitre 2 - Problématique ................................................................................................ 9 2.1 Identité professionnelle et construction identitaire ...................................................... 9 2.2 Former à la pratique réflexive et former le praticien réflexif : la double nature du concept de réflexivité .................................................................. 13 2.3 L’identité professionnelle de base : le rôle de la formation initiale dans la construction identitaire de l’enseignant .................................................................. 15 2.4 Synthèse ...................................................................................................................... 18 2.5 Le profil identitaire de l’enseignant finlandais ........................................................... 19
2.5.1 Recension de la littérature .............................................................................. 20 2.5.1.1 Son milieu de travail ................................................................................ 22 2.5.1.2 Sa formation initiale ................................................................................ 22
2.6 Perspectives historiques ............................................................................................. 24 2.7 Objectifs de la recherche ............................................................................................ 30 Chapitre 3 - Cadre théorique ............................................................................................ 33 3.1 Les fondements théoriques de l’étude : l’approche sociologique .............................. 33 3.2 Étudier le programme de formation initiale : le concept de curriculum .................... 33 3.3 La culture du curriculum ............................................................................................ 35
3.3.1 Culture du curriculum et identité professionnelle .......................................... 36 3.4 Synthèse ...................................................................................................................... 38 Chapitre 4 - Méthodologie ................................................................................................ 41 4.1 Le choix de la démarche ethnographique ................................................................... 41 4.2 Devant les particularités d’un nouveau milieu : reculer pour mieux avancer ............ 41 4.3 Voir au-delà des apparences : composer avec le « paravent » ................................... 42 4.4 Posture critique, démarche compréhensive: le choix de l’ethnographie .................... 48 4.5 Comprendre la démarche ethnographique .................................................................. 49 4.6 Les informations spécifiques à notre terrain de recherche ......................................... 52
4.6.1 Terrain de recherche et cueillette de données ................................................. 53 4.7 Au-delà de la subjectivité : savoir faire preuve de rigueur scientifique ..................... 57 4.8 La triangulation comme moyen d’assurer la validité interne de la recherche ............ 59 4.9 Analyse des données .................................................................................................. 61
viii
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données ................................................ 63 5.1 Composantes structurelles et organisationnelles ........................................................ 63
5.1.1 Le Département de la formation initiale à l’enseignement ............................. 63 5.1.1.1 La majeure en sciences de l’éducation ..................................................... 70 5.1.1.2 Projets de recherche ................................................................................. 71
5.1.2 Stages .............................................................................................................. 72 5.2 Les études multidisciplinaires (multidisciplinary studies) .......................................... 73 5.3 La mineure (optional minor subject and optional studies) ......................................... 74
5.3.1 Scénario 1: peaufiner des compétences liées à la pratique enseignante ......... 74 5.3.2 Scénario 2: se spécialiser dans une discipline (deuxième majeure)................ 75 5.3.3 Scénario 3: combiner compétences enseignantes et savoirs disciplinaires ..... 75
5.4 Les cours offerts au sein du programme ..................................................................... 76 5.5 Curriculum et culture du curriculum .......................................................................... 80
5.5.1 Le programme comme une grande communauté d’apprentissage .................. 80 5.5.1.1 La proximité ............................................................................................. 80 5.5.1.2 La collégialité........................................................................................... 85 5.5.1.3 Le rôle du formateur et de l’étudiant au sein de cette communauté
d’apprenants ............................................................................................. 89 5.6 Le programme comme un lieu d’épanouissement professionnel et personnel ........... 91 5.7 L’importance de la réflexivité ..................................................................................... 94
5.7.1 Systématiser une démarche professionnelle ................................................... 94 5.7.2 Favoriser l’épanouissement professionnel de chaque enseignant ................... 97
5.8 Culture du curriculum et identité professionnelle ....................................................... 98 5.8.1 L’enseignant finlandais : un professionnel efficace ........................................ 99 5.8.2 L’enseignant finlandais : un professionnel unique et essentiel à son milieu ................................................................................................... 100 5.8.3 L’enseignant finlandais : un professionnel averti ......................................... 100 5.8.4 L’enseignant finlandais : praticien-réflexif? ................................................. 101
Chapitre 6 - Conclusion ................................................................................................... 103 6.1 Retombées de notre étude ......................................................................................... 106 6.2 Limites de notre étude ............................................................................................... 107 6.3 Poursuite de la recherche .......................................................................................... 107 Bibliographie ..................................................................................................................... 109 Annexes ................................................................................. Erreur ! Signet non défini.
ix
Liste des tableaux, figures et photos Tableau 1 : Profils identitaires d'enseignants portugais .................................................... 12
Tableau 2 : Champs de formation dans la majeure ........................................................... 67
Tableau 3 : Axes de formation dans la majeure ................................................................ 69
Figure 1 : Triangle d'influences dans le développement identitaire ................................ 37
Figure 2 : Structure générale du programme .................................................................. 66
Photo 1 : Le local de menuiserie .................................................................................... 64
Photo 2 : Le local de didactique des mathématiques ..................................................... 64
Photo 3 : Un local de pratique pour les leçons de piano ................................................ 64
Photo 4 : Le local d'arts .................................................................................................. 65
Photos 5-6 : Future enseignante en stage pratique à Helsingin Yliopiston Viikin Normaalikoulu .................................................................................................. 72
Photos 7-8 : Exposition de projets d'art .............................................................................. 84
xi
Liste des annexes Annexe A : Canevas d'entretien destiné aux professeurs des cours disciplinaires ............ 117
Annexe B : Canevas d'entretien destiné aux professeurs en formation à la recherche ..... 118
Annexe C : Annonce de recrutement ................................................................................ 119
Annexe D : Consent Form ................................................................................................. 120
Annexe E : Grille d'observation ........................................................................................ 122
Annexe F : Grille d'analyse des résultats .......................................................................... 123
Annexe G : Curriculum for Class Teacher Education 2008 ............................................. 125
Annexe H : Document du Comité d'éthique de la recherche de l'Université Laval .......... 127
Chapitre 1 - Contexte général
1
Chapitre 1 - Contexte général
1.1 Introduction Il existe à plusieurs milliers de kilomètres du Québec, un lieu où l’enseignant semble
s’épanouir pleinement comme professionnel: la Finlande. L’enseignant finlandais, cité en
exemple depuis maintenant plus d’une décennie, est sorti de l’ombre grâce aux évaluations
du Programme international pour le suivi des acquis (PISA). Suite à ses succès répétés, la
Finlande a présenté le professionnalisme de ses enseignants comme un des éléments-clés
qui contribue à la réussite des élèves finlandais. Dans un contexte où la Finlande est
devenue synonyme de réussite éducative, dans la mesure où cette réussite est largement
associée au professionnalisme et à la qualité du travail des enseignants (Sahlberg, 2011),
nous avons jugé pertinent de se tourner vers ce modèle dans le cadre de notre mémoire, qui
s’inscrit dans une réflexion sur l’identité professionnelle de l’enseignant. Comme nous le
verrons, la conjoncture en matière d’éducation a fait de la Finlande, et plus spécifiquement
de l’enseignant finlandais, un cas suggestif1 propice à une réflexion sur l’identité
professionnelle de l’enseignant. Qui plus est, la popularité du modèle finlandais et la
fascination qui l’entoure ajoutait à la pertinence de notre étude, qui se donne pour objectif
de porter un regard compréhensif sur l’enseignant finlandais, un regard qui cherche à
dépasser cette « fascination », comme nous l’appelons, qui caractérise bon nombre d’écrits
sur le sujet.
Dans ce mémoire, il sera démontré que les connaissances que nous détenons actuellement
de l’enseignant finlandais restent superficielles, et qu’il est possible, par l’étude de son
curriculum de formation initiale, d’acquérir une compréhension approfondie des
caractéristiques de son profil identitaire qui contribuent à son caractère distinctif.
Le présent document est divisé en deux parties. La première partie comprend les quatre
premiers chapitres. Le premier chapitre propose de camper le projet dans son contexte
général, celui de la comparaison internationale en éducation et de ses enjeux. Le second
chapitre pose la problématique de notre recherche à partir d’une recension de la littérature
autour de l’identité professionnelle de l’enseignant en général et, de manière plus 1 Au sens entendu par Roy (2009), un cas suggestif prend la forme d’un « exemple particulièrement
révélateur qui exprime une réalité plus diffuse ou difficilement mesurable ailleurs » (p. 206).
Chapitre 1 - Contexte général
2
spécifique, de l’enseignant finlandais. Ce chapitre pose notre objet de recherche : le
curriculum de formation. Il explicite aussi l’objectif général ainsi que les objectifs
spécifiques à notre projet. Le troisième chapitre présente les balises théoriques de notre
travail. Il délimite les concepts de curriculum et de culture du curriculum en les plaçant plus
largement dans la tradition sociologique. Ce chapitre établit aussi les liens qui unissent les
concepts de curriculum, de culture du curriculum et d’identité professionnelle à l’intérieur
de notre cadre théorique. Le quatrième chapitre présente notre méthodologie de recherche:
l’ethnographie. Il expose la démarche à travers laquelle nous avons fait le choix de cette
méthode, en plus de fournir des explications permettant de comprendre et d’apprécier la
complexité de la démarche ethnographique. Ce chapitre décrit aussi les particularités de
notre terrain de recherche.
La deuxième partie comprend les deux derniers chapitres du mémoire. Dans le cinquième
chapitre, les données qui ont été colligées suite à notre enquête de terrain sont présentées en
trois temps: 1) la présentation de la structure et de l’organisation du curriculum, 2) les
éléments propres à la culture de ce curriculum et 3) les profils identitaires qui émergent de
cette culture.
Finalement, le quatrième et dernier chapitre propose un bilan des apprentissages réalisés. Il
expose aussi les limites ainsi que les retombées possibles de notre étude.
1.2 La Finlande après PISA: objet de fascination
Entre 2000 et 2009, la Finlande se place en tête des palmarès PISA dans les catégories
suivantes: le rendement en mathématiques, les sciences et la lecture, les trois champs de
compétences évalués par ce programme (Trygvason, 2009; 2012; OCDE, 2000; 2003;
2006; 2009). PISA est une enquête comparative menée par l’OCDE sur une base triennale.
Elle s’effectue auprès de jeunes de 15 ans au sein d’établissements d’enseignement dans les
34 pays membres de l’OCDE et de nombreux pays partenaires. L’enquête évalue
l’acquisition des savoirs et des savoir-faire essentiels à la vie quotidienne au terme de la
scolarité obligatoire. Elle teste aussi l’aptitude des élèves à appliquer les connaissances
acquises à l’école aux situations de la vie réelle. Les tests portent sur la lecture, la culture
mathématique et la culture scientifique. Les résultats de ces enquêtes donnent lieu à la
construction de palmarès qui, une fois diffusés dans les milieux d’éducation, enclenchent
Chapitre 1 - Contexte général
3
un processus de comparaison entre les milieux et de régulation avec les modèles éducatifs
faisant état des meilleurs résultats.
Compte tenu de son classement enviable au palmarès PISA, la Finlande est l’objet d’une
grande fascination et de beaucoup d’enthousiasme de la part de la communauté
internationale. Le moteur de recherche Google donne d’ailleurs accès à une foule d’articles
mettant en vedette la Finlande et son système d’éducation. À titre d’exemple, les mots-clés
« enseignant » et « Finlande » et leur équivalent en anglais « teacher » et « Finland »
donnent accès à une série de publications sur le sujet, dont notamment :
Les raisons de l’excellence finlandaise
Le miracle finlandais
L’éducation en Finlande : les secrets d’une étonnante réussite
Why are Finland’s schools successful?
What makes Finnish teachers special?
Why Finland’s schools are great?
The Finnish educational miracle
Miracle of education : the principles and practices of teaching and learning (ouvrage)
Finnish lessons: what can the world learn from educational changes in Finland? (ouvrage)
Finland’s phenomenon: inside the world’s most surprising school system. (film documentaire)
Cette liste d’articles qui inclut aussi un documentaire, deux ouvrages et un mémoire de
maîtrise, illustre la grande curiosité de la communauté internationale à l’égard de la
Finlande, qui semble avoir acquis une grande crédibilité ainsi qu’une certaine notoriété.
Nous sommes toutefois d’avis qu’il serait important, lorsqu'on s’intéresse à l’éducation en
Finlande, particulièrement dans un contexte où elle s’avère très populaire, de se pencher sur
ce cas avec une moins grande fascination et un regard plus critique. Sans présenter le
contenu des articles dont les titres figurent ci-haut, on peut remarquer que plusieurs
publications avec des titres tels que « le miracle finlandais » ou encore « les raisons de
l’excellence finlandaise » révèlent que le système finlandais est souvent associé à un
modèle de qualité et de réussite. Or, qu’est-ce qu’un système de grande qualité? Qui peut
Chapitre 1 - Contexte général
4
délimiter ce concept et quels sont les impacts d’une telle vision de l’éducation sur le reste
du monde?
Loin de nous l’idée de remettre en question la pertinence de mener des études portant sur la
Finlande ou de s’y intéresser par simple curiosité (nous serions bien mal placée pour le
faire puisque notre propre recherche porte sur l’éducation en Finlande). Nous jugeons
toutefois important, pour ne pas dire essentiel, de mettre en lumière le mécanisme de
régulation des pratiques qui se cachent derrière la comparaison à visée évaluative comme
PISA, ce que nous tâcherons de faire dans les paragraphes qui suivent. Expliciter ce
mécanisme permet, selon nous, de contextualiser le succès de la Finlande et de le remettre
ainsi en perspective. Il ne s’agit pas de délégitimer le succès finlandais ou encore de
remettre en question la pertinence ou l’intérêt de la comparaison à visée évaluative, mais
plutôt d’en comprendre les enjeux et les mécanismes sous-jacents afin d’être en mesure de
poser un regard « averti » sur le succès finlandais.
1.2.1 Les enjeux entourant la comparaison à visée évaluative
Les enjeux entourant la comparaison à visée évaluative constituent à eux seuls de potentiels
projets de recherche2. C’est pourquoi il ne nous sera pas possible de présenter de manière
exhaustive la multitude d’enjeux ainsi que leurs différents impacts. Nous tenterons tout de
même de présenter les principaux éléments de cette problématique de manière à expliciter,
comme nous le croyons nécessaire, le mécanisme régulateur inhérent à l’évaluation PISA
comme aux autres études comparatives à visée évaluative.
1.2.1.1 Sa fonction régulatrice
Selon Baye (cité dans Malet, 2011), l’évaluation internationale comme le PISA travaille à
orienter le débat et les décisions politiques en matière d’éducation. Par la création de
palmarès, les organisations internationales responsables de mener les évaluations favorisent
l’établissement d’une dynamique compétitive et contribuent à la mise en place de réformes
dans différents milieux d’éducation (Malet, 2011). Cet acte régulateur s’opère, selon cet
auteur, par la valorisation de l’éducation offerte par les pays « performants » (ici, la
2 Voir entre autres l’essai d’Amélie Deschenau-Guay (2007). La « société du savoir ». Résonnance et
performativité d’un discours de légitimation du capitalisme.
Chapitre 1 - Contexte général
5
Finlande) et la diffusion de recommandations quant à la manière de dispenser l’éducation
dans les pays « produisant » moins de réussite.
Pour Novoa et Yariv-Marshal (2003), cette dynamique s’inscrit dans une logique
concurrentielle visant la mise en place d’une politique dite d’imputabilité mutuelle (mutual
accountability). Dans ce contexte, les pays les plus performants deviennent la référence
obligée de tous les pays l’étant moins, faisant ainsi place à un lent mais sûr travail de
modification des politiques éducatives : The idea of mutual accountability brings a sense of sharing and participation, inviting each country to a perpetual comparison to the other […] this process brings a kind of verticality, that is a system of classification of schools according to standards that are accepted without critical discussion. […] The construction of comparable indicators serves as a “reference point” that will eventually lead the various national institutions to adopt “freely” the same kind of actions and perspectives within the educational field (Novoa et Yariv-Mashal, 2003, p.427-428).
Les études comparatives à visée évaluative contribuent donc à l’élaboration d’un langage
commun qui amène les pays du monde entier à valoriser des politiques semblables en
matière d’éducation. Elles cherchent, selon Malet (2011), à inciter ou à justifier
l’introduction de réformes éducatives ou scolaires, ce que Bayle (2001) désigne comme
étant la « fonction persuasive » des évaluations internationales :
Les évaluations internationales ont aujourd’hui – elles ont même été mises en place dans ce but – une « fonction persuasive » (Baye, 2001, p.12). Leur large diffusion est proportionnelle aux répercussions qu’on en attend sur les politiques éducatives nationales. Selon le point de vue où l’on se place, mais selon les contextes nationaux, les résultats de telles évaluations ont une fonction d’incitation, ou bien une fonction de justification, à l’introduction de réformes en matière éducative ou scolaire (Malet, 2011, p.323).
Force est de constater que la comparaison internationale, sous le couvert de l’objectivité
scientifique, opère une forte pression sur les différents milieux d’éducation et incite à la
conformité relativement à ce que les organisations internationales considèrent être un « bon
système d’éducation ». La promotion d’un système donné contribue à la propagation
d’idéologies partagées par un groupe. Pour Broadfoot (2000, p.360 ), la comparaison
internationale à visée évaluative (dont PISA) constitue, « the most powerful and insidious
development to date in the process of the world domination of one particular educational
model ». En d’autres mots, la comparaison à visée évaluative oblitère une logique
compétitive qui vise la domination d’un modèle unique en matière d’éducation.
Chapitre 1 - Contexte général
6
1.2.1.2 La comparabilité au détriment du caractère particulier de chaque milieu
La présentation du mécanisme régulateur inhérent à la comparaison à visée évaluative
souligne, selon nous, l’importance de poser un regard averti sur le succès finlandais. Plutôt
que de chercher des explications à leur succès, il semble plus intéressant de chercher à
comprendre la réalité finlandaise et à mettre en relief son caractère distinctif. Car la
comparaison à visée évaluative, en plus d’oblitérer un mécanisme de régulation des
pratiques qui incite la communauté internationale à adopter les pratiques des « plus forts »,
a pour défaut de n’offrir qu’une compréhension très partielle des systèmes d’éducation
qu’elle évalue. Métaphoriquement, nous pourrions dire que de l’iceberg tout entier,
l’évaluation PISA nous fait connaitre de la Finlande que la pointe. Novoa et Yariv-Mashall
(2003) font d’ailleurs cette critique à la comparaison à visée évaluative : celle du manque
de profondeur. Selon eux, la comparaison à grande échelle comme PISA amène une perte
de contact avec le caractère particulier, voire unique, des milieux d’éducation qui évoluent
dans des contextes sociaux et historiques qui leur sont propres. La comparaison à visée
évaluative aurait donc pour défaut de ne pas tenir suffisamment compte des caractéristiques
propres à chaque milieu. Elle privilégierait la rationalité instrumentale au détriment des
questions de sens et de culture, ce qui aurait pour effet l’élaboration d’équivalences dites
« fonctionnelles ». Or, pour Simola (2005), il n’existe pas de caractéristiques isolées qui
puissent expliquer le succès ou l’échec d’un système d’éducation. Pour lui, ce n’est pas la
mesure d’équivalences fonctionnelles, mais bien la connaissance d’un amalgame complexe
de facteurs sociologiques, historiques et organisationnels qui permettent de réellement
comprendre les subtilités d’un milieu d’éducation.
Cette perte de contact avec le milieu à des fins de comparabilité, ce que Malet (2011)
appelle « l’euphémisation des variations intra-culturelles » (Malet, 2011, p.6) aurait pour
conséquence l’atténuation de l’altérité entre les milieux :
Les concepts qui composent une langue, circulent et s’imposent dans un monde social renvoient à une histoire, à des usages dynamiques, et sont culturellement enracinés. Négliger cet ancrage social et culturel des mots expose à la construction de la comparabilité sur de seules équivalences fonctionnelles : bien que les pressions en ce sens soient fortes, c’est probablement le moyen le plus sûr de comparer l’incomparable (Malet, 2011, p.319)
Ce type de comparaison semble, dès lors, répondre à des fins utilitaires et pragmatiques
plutôt qu’à des fins de compréhension empathique de l’autre.
Chapitre 1 - Contexte général
7
Nous sommes d’avis qu’étudier la Finlande en étant sensible aux limites de la comparaison
à visée évaluative constitue un atout pour notre étude. Adopter une attitude critique quant
aux résultats de l’étude PISA ou de toute autre comparaison à visée évaluative contribue à
rompre avec la fascination populaire pour le succès et la recherche de solutions faciles à des
problèmes d’éducation qui sont fort complexes.
C’est donc consciente des enjeux entourant la comparaison à visée évaluative que nous
avons choisi, malgré tout, de nous intéresser à la Finlande en cherchant, comme le suggère
Malet (2011) à palier au problème de l’euphémisation des variables intra-culturelles et ce,
en se donnant pour objectif d’acquérir une compréhension de la réalité finlandaise en la
documentant de l’intérieur. La démarche à la fois compréhensive et critique qui caractérise
notre mémoire a pour objectif de mieux comprendre la Finlande, que l’on s’entende ou non
sur la légitimité de son succès, bien qu’il ne soit pas ici question de le remettre en cause.
Ce mémoire s’inscrit dans un questionnement général sur la construction de l’identité
professionnelle de l’enseignant finlandais. De façon plus spécifique, il cherche à
documenter les caractéristiques propres au milieu de la formation initiale à l’enseignement
en Finlande, dans la mesure où ce milieu se présente comme un lieu de transmission de la
culture professionnelle de l’enseignant. La sociologie du curriculum sert de base à l’analyse
théorique de cette étude. Le futur enseignant est introduit à la profession par sa formation
initiale. Le curriculum de formation initiale devient donc, de manière plus spécifique, notre
objet d’étude et porte sur une étude de cas d’un programme de formation initiale à
l’enseignement, celui de l’Université d’Helsinki. Par une approche ethnographique, elle
cherche à documenter le contexte de la formation initiale offerte aux futurs enseignants.
Chapitre 2 - Problématique
9
Chapitre 2 - Problématique Dans ce second chapitre, nous situons notre problème dans le champ de recherche sur la
construction et le développement d9e l’identité professionnelle en enseignement (IPE).
Puis, nous présentons le problème de la formation initiale à l’enseignement à partir d’une
revue des écrits sur le sujet. Enfin, nous exposons notre problématique de manière
spécifique, ainsi que les objectifs visés dans les chapitres suivants.
2.1 Identité professionnelle et construction identitaire
L’identité professionnelle de l’enseignant (IPE) est définie par Mockler (2010) comme
« the way teachers, both individually and collectively, view and understand themselves as
teachers (p.520) ». Gohier, Anadon, Bouchard, Charbonneau et Chevrier (2001) proposent
pour leur part une définition plus élaborée :
(…) processus dynamique et interactif de construction d’une représentation de soi en tant qu’enseignant, mû par des phases de remise en question, généré par des situations de conflit (internes et externes à l’individu) et sous-tendu par les processus d’identisation et d’identification. Ce processus, qui débute dès le début de la formation du futur maître, mène à la construction et, virtuellement, à la transformation de la représentation que la personne a d’elle-même comme enseignant tout au long de sa carrière (p. 9).
Cette identité se construit selon deux dimensions : l’une psychologique, l’autre sociale. La
dimension psychologique implique « les aspects personnels qui font référence aux rapports
affectifs et cognitifs que l’individu entretient avec les autres et lui-même » (Riopel, 2006, p.
30). La dimension sociale, pour sa part, réfère « aux rapports qu’entretient l’individu avec
différentes communautés porteuses de cultures » (Gohier et Scheiffer dans Riopel, 2006, p.
29).
Il n’existe, à ce jour, aucun consensus quant à la manière de conceptualiser la construction
de l’IPE. Uwamariya et Mukamurera (2005) sont toutefois parvenues à distinguer, à partir
d’une méta-analyse de la littérature, deux grandes perspectives théoriques relativement à la
manière de conceptualiser la construction identitaire de l’enseignant. À partir de ces
perspectives, la construction identitaire est vue tantôt comme une succession de stades
comportant des changements propres à travers le temps (perspective développementale),
tantôt comme un cheminement qui se vit par l’acquisition d’un ensemble de savoirs
pertinents à l’enseignement (perspective axée sur la professionnalisation des enseignants).
Chapitre 2 - Problématique
10
Bien que ces deux manières d’appréhender le développement professionnel soient
différentes, elles partagent toutes deux l’idée qu’il s’agit d’un processus dynamique,
continu et interactif de changement par lequel l’enseignant grandit et améliore sa pratique
au fil du temps, comme le mentionnaient Beauchamp et Thomas (2009).
Devant ce flou conceptuel, Beauchamp et Thomas (2009) ont cherché à identifier, à partir
d’une recension exhaustive de la littérature, certaines notions-clés sur lesquelles
s’entendent les chercheurs. À l’issue de leur analyse, ils s’entendent pour dire que l’idée
d’un processus dynamique, continu et interactif est celle qui fait présentement consensus :
The literature on teaching and teacher education reveals a common notion that identity is dynamic, and that teacher’s identity shifts over time under the influence of a range of factors both internal to the individual, such as emotion, and external to the individual, such as job and life experiences in particular contexts (Beauchamp et Thomas, 2009, p. 177)
Le développement de l’IPE se présente donc comme un phénomène dynamique et interactif
qui s’opère tout au long de la vie professionnelle de l’enseignant. À la fois « processus » et
« produit », sa construction implique une variété d’influences en interrelation (Ferreira et
al. 2009). En dehors de ces éléments-clés, il n’existe aucun consensus quant à la manière
dont se construit l’IPE. Notre recension de la littérature nous a toutefois permis de constater
l’omniprésence du concept de réflexivité dans les écrits portant sur l’IPE.
Pour ces chercheurs, l’enseignant (ou le futur enseignant) élabore lui-même son identité en
contexte et ce, en faisant appel à la dimension psychologique aussi bien que sociale de sa
personne. Le contexte apparait aussi comme une variable qui influence la construction de
l’identité professionnelle. Pour Korthagen (2005) comme pour Gohier, Anadon, Bouchard,
Charbonneau et Chevrier (2001), le développement professionnel est modelé par une série
d’influences externes. Les variables contextuelles comme l’environnement, les croyances et
la mission de l’école entrent en interaction avec l’individu et contribuent à altérer le
développement identitaire de l’enseignant. Ferreira, Lopes, Machado, Rocha, Sà et Silva
(2009) rendent compte, plus explicitement, de l’influence du contexte dans la définition du
processus de construction de l’IPE :
La construction de l’identité professionnelle est le produit (bien que provisoire) d’une double transaction biographique et relationnelle, et en même temps, que cette double transaction a lieu dans un contexte sociohistorique qui donne au sujet des significations typifiées spécifiques qui délimitent les contenus et les dynamiques de sa recherche d’identité dans les contextes de vie et dans les milieux scolaires (p. 130)
Chapitre 2 - Problématique
11
Des éléments propres à l’individu, comme son bagage personnel, ses valeurs ou ses
aptitudes, interagissent avec les variables contextuelles.
Une revue de la littérature sur le sujet révèle toutefois que seul un faible nombre d’études se
sont intéressées à l’IPE en prenant comme angle d’analyse le contexte dans lequel elle se
construit. Il semblerait qu’en dépit de l’importance accordée à ce facteur dans la
construction de l’IPE, encore peu d’études ont cherché à documenter cette question. Seules
quelques études se sont intéressées plus spécifiquement au développement de l’IPE en
plaçant le contexte au cœur de l’analyse. L’étude de Poulin (2010), par exemple, a porté sur
l’identité professionnelle construite chez les enseignants travaillant au sein d’écoles
alternatives. Bien qu’elle s’intéresse au contexte de l’école alternative, cette recherche ne
documente toutefois pas le contexte en lui-même, mais bien l’expérience des enseignants
qui y travaillent. Dans cette recherche, Poulin (2010) observe qu’il existe des traits
caractéristiques sur le plan de l’identité professionnelle chez les enseignants travaillant au
sein d’écoles alternatives. Cette étude ne parvient toutefois pas à déterminer si ces
enseignants ont choisi l’école alternative parce qu’ils présentaient, d’emblée, certaines
caractéristiques communes ou si ces dernières se sont développées au sein de leur milieu de
travail.
D’autres études, portant cette fois sur la formation initiale à l’enseignement, ont aussi
généré des résultats mettant en lumière l’influence du contexte de formation sur la
construction de l’identité professionnelle. Lopes et Pereira (2012) ont récemment cherché à
comprendre l’impact d’un programme de formation initiale offert dans une université
portugaise sur l’identité professionnelle des futurs enseignants. Pour Lopes et Pereira
(2012), le contexte de formation des maîtres opère une influence indéniable sur la
construction de l’identité professionnelle de base. Suite à une analyse comparative de
différents curriculums de formation en vigueur à différents moments au cours des cinquante
dernières années, elles affirment ceci : The relationship between the ecological system’s levels and the features of pre-service teacher education curriculum as a development scenario and landscape, also remind us that to change habits and ethos it is necessary to offer development scenarios capable of promoting identity conversion. The training climate must be strong in order to induce changes in representations and into personal and social perceptions (Lopes et Pereira, 2012, p. 33)
Chapitre 2 - Problématique
12
Bien que ces auteurs n’aient pas documenté le curriculum de formation initiale, elles
observent qu’il existe un lien entre le « climat de formation » que nous associerons plus
tard au concept de « culture du curriculum » et les changements qui surviennent dans le
développement de l’identité professionnelle des enseignants portugais.
Finalement, l’étude de Ferreira, Lopes, Machado, Rocha, Sà et Silva (2009) témoigne plus
explicitement de l’influence du contexte sur le développement de l’IPE. Cette étude,
réalisée à partir de 40 entretiens biographiques d’enseignants formés à différentes époques
au Portugal, s’est intéressée aux impacts de la culture d’un curriculum de formation offert à
une époque donnée sur l’IPE. Les résultats révèlent que les identités professionnelles de
base sont différentes en fonction du moment sociohistorique de la formation, ce qui
démontre que la manière dont les programmes sont élaborés, ainsi que les contenus qui y
sont privilégiés, a bel et bien un impact sur l’IPE du futur enseignant qui y chemine. Les
auteurs parviennent d’ailleurs à distinguer quatre profils identitaires différents en fonction
de quatre périodes dans le temps :
Tableau 1: Profils identitaires d’enseignants portugais
Noyau Dimension pédagogique de l’activité
Dimension sociale de l’activité
1ère période Basée sur l’enseignement
De type austère et conformiste
2e période Basée sur le professionnel
De type affectif et transformateur
3e période Basée sur l’enseignement
De type technico-affectif et innovant
4e période Basée sur l’apprentissage
De type cognitif et civique
Tiré de Ferreira, Lopes, Machado, Sà et Silva (2009). Tableau n°3 –
Les identités professionnelles de base des enseignants formés au cours des trente dernières années, p. 127
Ces chercheuses mettent en lumière l’importance du contexte sociohistorique dans lequel
évolue l’enseignant. Elles parviennent à mettre en exergue, comme en témoigne le Tableau
3, comment les différentes époques de formation ont contribué à la formation de jeunes
Chapitre 2 - Problématique
13
enseignants aux identités variées, puisque les programmes de formation offerts à ces
moments-là ont différé les uns des autres, autant sur le plan des contenus que sur le plan
des valeurs et des idéologies en regard à la profession enseignante.
Grâce à ces résultats de recherche, nous remarquons que l’identité de l’étudiant en
formation initiale se trouve altérée par le milieu dans lequel il évolue ainsi que par les
expériences auxquelles il est confronté. Ces derniers mettent en lumière l'influence
qu'opèrent les contextes (milieu de travail, formation initiale, culture organisationnelle)
dans le processus de construction de l'identité professionnelle des enseignants.
2.2 Former à la pratique réflexive et former le praticien réflexif : la double nature du concept de réflexivité
Nous avons abordé brièvement l’enjeu du concept de « praticien-réflexif » plus tôt dans ce
chapitre. Nous avons fait valoir son caractère polysémique en mentionnant qu’il était
difficile, selon nous, de définir avec précision l’enseignant finlandais en ayant recours à ce
concept.
Le Petit Larousse Illustré (2012, p.934) décrit la réflexivité comme « l’action de réfléchir à
quelque chose ». À l’instar du dictionnaire usuel, la littérature scientifique n’offre aucune
définition du concept de réflexivité qui fasse consensus et ce en dépit de sa grande
popularité. De nombreux auteurs rapportent d’ailleurs que le concept de réflexion demeure,
encore, à ce jour, peu clair et peu consensuel au niveau théorique (Beauchamp, 2006;
Chaubet, 2010; Tardif, 2012). Ces derniers soulignent la pluralité terminologique ainsi que
le caractère polysémique du concept. En plus de répondre à diverses appellations
(réflexivité, acte réflexif, praticien réflexif, etc.), le concept de pratique réflexive possède
une multitude de sens. À la fois processus et produit, la double nature qui caractérise la
pratique réflexive donne lieu à un important flou terminologique et conceptuel, comme le
souligne Fendler, cité dans Beauchamp (2006, p.12): Today’s discourse of reflection incorporates an array of meanings: a demonstration of self-consciousness, a scientific approach to planning for the future, a tacit and intuitive understanding of practice, a discipline to become more professional, a way to tap into one’s authentic inner voice, a means to become a more effective teacher, and a strategy to redress injustices in society. It is no wonder then that current research and practices relating to reflection tend to embody mixed messages and confusing agendas.
Chapitre 2 - Problématique
14
D’un côté, la réflexivité se présente comme un acte essentiel au développement identitaire,
un outil grâce auquel l’enseignant construit son identité professionnelle et parachève son
développement identitaire. Cette compétence permet à l’enseignant d’analyser et de
conceptualiser sa pratique. Elle apparaît aussi comme un moyen de s’adapter à une réalité
professionnelle en perpétuelle évolution (Toy et Ok, 2012).
D’un autre côté, la réflexivité se présente comme une finalité en soi: celle de former un
praticien-réflexif. Force est de constater, toutefois, qu’il n’existe aucun consensus quant à
la manière de définir cet enseignant. Si certains associent d’emblée l’idée de praticien-
réflexif à la définition élaborée par Schön (1983; 1987), il serait faux de croire que tous les
écrits valorisant ce type d’enseignant partagent cette conception.
Une revue de la littérature nous permet de distinguer deux discours prépondérants quant
aux finalités de la formation d’un praticien-réflexif. Dans le premier cas, la pratique
réflexive a pour objet les enjeux moraux, éthiques, politiques et instrumentaux vécus et
intégrés dans la pratique quotidienne de l’enseignant. Elle vise à doter l’enseignant de
l’esprit critique nécessaire à la remise en question du statu quo en éducation (Kincheloe,
2004; Erlandson, 2005). Dans son idéal que nous avons appelé « critique » et que Tardif
(2012, p. 51) présente comme « la réflexion comme critique des idéologies et des rapports
de domination », le praticien-réflexif agit à titre de moteur de changement. Il est conscient
du caractère fondamentalement politique de l’école. Le but ultime de cet enseignant est de
contribuer, par son analyse des enjeux relatifs au monde de l’éducation, à une plus grande
justice sociale. Cet enseignant est notamment celui qui est valorisé par les textes de la
pédagogie critique. Les auteurs Giroux (2008) et Kincheloe (2004), dépeignent l’idéal-
enseignant comme un éducateur avisé et au fait des mécanismes régulateurs qui évoluent
autour de l’école. Dans cette perspective, le savoir enseignant constitue un phénomène
critique dont l’étude peut déceler les tensions sociales et les idéologies à travers lesquelles
elles s’expriment (Gauthier et Mellouki, 2006). L’acte réflexif ne se limite donc pas au
contexte même de la classe, mais s’inscrit plutôt dans le contexte sociohistorique de la
société dans laquelle évolue l’école et où se situe la classe.
Dans le second cas, la réflexion a pour objet l’efficacité des stratégies auxquelles a recours
l’enseignant. La réflexion est alors mise à contribution de la professionnalisation de
Chapitre 2 - Problématique
15
l’enseignement. Elle sert d’outil permettant la systématisation d’une démarche de prise de
décision basée sur la rationalité, dans une perspective où l’enseignant est responsable, voire
imputable, de ses choix pédagogiques (Cochran-Smith, 2010, 2011; Rudduck, 1985;
Zeichner, 1983). Dans son idéal que nous avons appelé « autocritique » et que Tardif
(2012, p.53) présente comme « la réflexion comme expérience sociale », l’acte réflexif de
l’enseignant porte sur ses propres pratiques pédagogiques dans une perspective d’efficacité
et de développement professionnel. Cet enseignant se concentre sur les paramètres de sa
tâche et ses réflexions portent sur l’activité de la classe. L’enseignant efficace, bien qu’il ne
soit pas appelé à agir formellement en tant que chercheur, est invité à en adopter la
posture/l’attitude. Il doit porter un regard analytique sur ce qu’il fait, et veiller à réajuster
ses pratiques en se référant, en partie, à son savoir d’expérience, mais surtout en ayant
recours à des théories ou à des données de recherche empiriquement vérifiées.
Alors que notre survol de la littérature nous a permis de distinguer deux discours
prépondérants, Tardif (2012) pour sa part, distingue une troisième manière de
conceptualiser la réflexivité : la réflexion comme reconnaissance et interaction (p.64). Cette
troisième et ultime conception de la pratique réflexive a pour objet non pas la pratique
enseignante à proprement parler, mais bien une réflexion sur l'interaction de sa pratique
avec celle des autres enseignants ainsi qu’avec ses élèves. La réflexion s’inscrit au cœur des
interactions humaines, dans le flot quotidien des rapports entre les individus.
La pratique réflexive, qu’elle soit appréhendée comme une fin ou un moyen, occupe une
place importante dans la littérature sur l’IPE. Bien qu’il nous soit impossible de définir ce
concept avec plus de précision, être au fait des variétés de conception du terme nous permet
d’être vigilants au moment de lui donner un sens. En effet, nous savons maintenant que le
concept possède différentes significations en fonction des différentes idéologies en
présence.
2.3 L’identité professionnelle de base : le rôle de la formation initiale dans la construction identitaire de l’enseignant
En nous intéressant à la littérature documentant l’enseignant finlandais, nous avons
souligné la place qu’occupe la formation initiale à l’enseignement dans les écrits. Comme
en témoigne notre recension de la littérature, les informations sur la formation initiale, ses
Chapitre 2 - Problématique
16
paramètres ainsi que ses objectifs, étaient souvent mises de l’avant pour parler de l’identité
professionnelle. Cette observation s’inscrit toutefois logiquement dans les informations que
véhicule la recherche en regard à l’IPE. En effet, il semblerait que la formation initiale à
l’enseignement constitue le premier milieu d’acquisition de la culture professionnelle de
l’enseignant, culture qui se présente comme « l’ensemble des façons de penser, de sentir et
d’agir propres à [un] groupe, apprises et partagées par [les] membres et qui servent à
constituer objectivement et symboliquement ceux-ci en groupe particulier et distinct »
(Lessard, 1986 dans Riopel, 2006 p. 33). Cette étape charnière du développement
identitaire de l’enseignant contribue au développement de ce qu'on appelle l’identité
professionnelle de base (Ferreira et al. 2012; Connely et Clandini, 1999).
La formation initiale se présente dans la littérature comme le berceau de la construction
identitaire sur le plan professionnel. À cette étape du cheminement professionnel de
l’enseignant, l’IPE se construit à partir d’un travail de négociation entre les expériences
personnelles de l’étudiant à titre d’ancien élève, la perception du rôle de l’enseignant qui en
découle et la compréhension théorique qu’il développe au sein de son programme de
formation initiale (Anspal, Eisenschmidt et Löfström, 2012; Mokler, 2010; Parkison, 2009).
La formation initiale se trouve dans une position où elle doit agir à titre de médiateur entre
les préconceptions des étudiants et l’idée qu’elle se fait d’un enseignant et d’une formation
à l’enseignement de qualité (Sugrue, 2004; Korthagen, 2004). Le curriculum de formation
des maîtres se présente, dès lors, comme le contexte au sein duquel le futur enseignant
développe une représentation positive et adéquate de lui-même en tant que professionnel.
La construction de l’identité professionnelle s’opère tout au long de la carrière de
l’enseignant. Bien que chaque étape de sa carrière ait une importance particulière dans la
construction de son identité, la recherche indique que la formation initiale constitue le lieu
où naissent les premiers efforts de construction identitaire de l’enseignant:
While it is clear to us that further identity development will take place in actual practice later on, a teacher education program seems to be the ideal starting point for instilling not only an awareness of the need to develop an identity, but also to anticipate sense of the ongoing shifts that will occur in that identity (Beauchamp et Thomas, 2009, p.186)
La formation initiale de l’enseignant représente une étape charnière de son développement
professionnel, période au cours de laquelle émergent des attentes face à la profession, en
Chapitre 2 - Problématique
17
plus de servir de période de développement du rapport au métier, aux élèves ainsi qu’aux
savoirs (Riopel, 2009). Pour Evans (2010), supporter la construction de l’IPE dès le début,
et ce tout au long de la formation initiale revêt une importance capitale. La formation
initiale à l’enseignement se présente comme un mécanisme de socialisation à la profession
enseignante. Il s’agit du premier lieu au sein duquel le futur enseignant se familiarise avec
les normes et les valeurs partagées de la profession (Evans, 2010). Les résultats de
recherches portant sur le développement professionnel en contexte de formation des maîtres
font état de l’importance de la formation initiale comme étape charnière du développement
professionnel. Il s’agit d’une période au cours de laquelle émergent des attentes face à la
profession, en plus de servir de lieu de développement du rapport au métier et aux élèves
(Riopel, 2006; Ferreira et al. 2009).
La formation à la recherche a aussi été étudiée en tant que composante du curriculum de
formation initiale visant le développement de l’IPE. Plus précisément, la formation à la
recherche se présente comme un outil favorisant le développement de la réflexivité, qui à
son tour, contribue à la construction de l’IPE : (…) research during teacher education aims to encourage student teachers to engage in critical reflection, develop a questioning stance, understand school culture, construct new curricula and pedagogy, modify instruction to meet students’ needs, and become socialized into teaching by participating in learning communities (Cochran-Smith dans Dobber, Akkerman, Verloop et Vermunt, 2012, p. 1)
Dans leur étude, Dobber, Akkerman, Verloop et Vermunt (2012) ont comparé les activités de
recherche menées par deux groupes de futurs enseignants. Ils ont remarqué que les activités
de recherche donnaient la possibilité aux étudiants de vivre concrètement des situations de
collaboration et de prise de décisions qui favorisent la pratique réflexive. De son côté,
Lambe (2011) a exploré les impacts de la participation à la recherche-action en contexte de
FM sur les compétences réflexives des étudiants. D’après les résultats de cette étude, le
dialogue professionnel occasionné par la réalisation d’un projet de recherche contribue à
l’amélioration des capacités réflexives des futurs maîtres. La réalisation d’un tel projet crée
aussi des situations leur permettant de faire des liens entre la théorie présentée en contexte
universitaire et la pratique en milieu scolaire.
Les recherches que nous venons d’exposer démontrent que malgré la mise en place de
formules pédagogiques visant à favoriser le développement de la réflexivité, bon nombre
Chapitre 2 - Problématique
18
d’étudiants ne parviennent pas à se détacher suffisamment de leur préoccupation pratique.
À ce sujet, la supervision, le mentorat et les autres formes d’activités pédagogiques
permettant la modélisation par le formateur (scaffolding) et le dialogue sont vus comme
facilitant une démarche de réflexion plus abstraite (Hume, 2009; Anspal, Eisenschmidth et
Löfström, 2012). Correa Molina, Collin, Chaubet et Gervais (2010), suite à une vaste
recension des écrits sur le sujet, soutiennent que l’interaction verbale qu’ils définissent plus
largement comme « la dimension collective » de la réflexivité, joue un rôle non négligeable
dans le développement de la capacité réflexive; les réflexions individuelles se partagent et
s’enrichissent au contact des autres. La pratique réflexive collective présenterait d’ailleurs
plus d’avantages que la pratique individuelle dans le contexte de la formation initiale
(Makinster, Barab, Harwood et Andersen, 2006 dans Correa Molina, Collin, Chaubet et
Gervais, 2010). De la même manière, la formation à la recherche contribue au
développement de la réflexivité grâce aux opportunités qu’elle offre de résoudre des
problèmes et d’analyser sa pratique.
2.4 Synthèse
À la lumière des informations recensées, nous savons que le mécanisme de construction
identitaire s’explique de diverses façons, et qu’il n’existe aucun consensus à cet égard.
Nous savons aussi que l’identité professionnelle se construit de manière dynamique et
continue; elle ne se résume pas à une étape de la vie professionnelle de l’enseignant et elle
est influencée par divers facteurs d'ordre personnel, professionnel et contextuel. En d’autres
termes, elle évolue à travers une multitude d’interactions et de contextes qui contribuent à
sa construction au fil des années. La formation initiale à l’enseignement, bien qu’elle ne
représente qu’une étape dans le cheminement professionnel d’un enseignant, revêt
cependant une importance particulière dans son développement identitaire. Elle est perçue
comme le premier milieu de socialisation avec la profession. C’est d’ailleurs à l’intérieur de
cette formation que se développe l’identité professionnelle de base, qui sera ensuite appelée
à évoluer au cours de la carrière de l’enseignant.
Nous savons aussi que le concept de réflexivité semble lié étroitement à celui de l’IPE. En
effet, la réflexivité existe à la fois comme outil de développement identitaire (utiliser la
réflexivité pour se développer professionnellement) et comme finalité de ce même
Chapitre 2 - Problématique
19
développement (devenir un enseignant réflexif). Nous savons maintenant qu’il n’existe pas,
en dépit de sa popularité, de définition de la réflexivité faisant consensus, autant en ce qui
concerne la manière dont elle prend forme qu’en ce qui concerne ses finalités. Nous savons
toutefois que les liens étroits qui unissent l’exercice de la recherche, la pratique réflexive et
l’identité professionnelle donnent lieu à une importante valorisation de l’enseignant comme
praticien-réflexif. Ce profil identitaire, bien que répandu dans la littérature, ne semble
toutefois trouver aucun consensus quant à ce qui le caractérise. Cette absence de consensus,
qui caractérise aussi les écrits sur la réflexivité, témoigne des tensions idéologiques qui
règnent au sein de la profession enseignante. Ces tensions opposent tantôt une vision de
l’enseignant comme professionnel autonome à une vision davantage technicienne, tantôt
une vision humaniste à une vision davantage rationnelle (Zeichner, 1983; Zeichner et
Tabacnick). La charge idéologique des concepts utilisés dans la littérature rend leur
interprétation difficile. En effet, l’idée de praticien-réflexif, comme nous l’avons démontré,
réfère tantôt à un enseignant capable de porter un regard rationnel sur sa propre pratique,
tantôt à un enseignant apte à poser un regard critique sur des préoccupations sociales se
situant au delà du contexte de sa pratique. Ce pluralisme idéologique appelle à la
contextualisation des concepts utilisés. Nous entendons par-là qu’il nous apparaît
uniquement possible de définir plus clairement un concept comme celui de la réflexivité en
allant voir dans un milieu donné, le sens que lui donne les acteurs.
2.5 Le profil identitaire de l’enseignant finlandais
Maintenant que nous nous sommes intéressés à l’IPE comme champ de recherche, nous
nous attarderons plus spécifiquement aux études portant sur l’IPE de l’enseignant
finlandais.
L’enseignant finlandais est considéré par beaucoup comme l’élément-clé du succès que vit
présentement la Finlande. Morales (2012), qui s’est intéressée à la formation initiale des
enseignants finlandais dans une perspective comparée, affirme tout comme l’avait fait
Simola (2005) qu’il est difficile d’isoler un élément en particulier susceptible d’expliquer la
réussite éducative de la Finlande. Toutefois, nombreux sont les auteurs qui s’entendent
pour dire que la valorisation de la profession enseignante constitue, avec la qualité de leur
formation initiale, deux éléments susceptibles d’expliquer leur réussite (Kansanen, 2007;
Chapitre 2 - Problématique
20
Niemi, 2011, Niemi, Toom et Kallioniemi, 2012; Westbury et al, 2006). Bien que la
littérature n’attribue pas cette réussite davantage aux enseignants du « primaire » plutôt
qu’aux enseignants du « secondaire », nous avons choisi de nous intéresser à la formation
des enseignants de l’ordre primaire, appelés luokanopettaja3. Enseignante au primaire de
formation, nous nous sommes naturellement tournée vers cet ordre d’enseignement pour
mener notre recherche. Nous soutenons cependant qu’il aurait été tout aussi pertinent de
s’intéresser à l’enseignant du secondaire. Toutefois, la rédaction d’un mémoire de maîtrise
ne justifiait pas l’entreprise d’un aussi important chantier de recherche. Il était nécessaire,
dans ce contexte, de s’en tenir à l’un ou l’autre des ordres d’enseignement.
Dans les paragraphes qui suivent, nous allons répertorier les informations présentes dans la
littérature qui constitueront le point de départ à l’élaboration de notre problématique. Nous
tenons à spécifier, avant de conclure, que nous avons choisit d’utiliser le terme
« formateur » pour désigner les personnes qui œuvrent à la formation initiale des
enseignants. Ce terme implique tout type de formateurs (professeur, chargé de cours,
étudiant au doctorat) et nous évite ainsi de tomber dans les spécificités terminologiques des
différents milieux de formation. Par exemple, dans le cas de l’Université d’Helsinki, nous
aurions eu à distinguer le « lecturer » du « senior lecturer », du « Phd student ». Dans la
littérature anglophone, le terme « teacher educator » est généralement utilisé pour désigner
les formateurs au sens large (Krokfors et al., 2011).
2.5.1 Recension de la littérature
Les études qui se sont intéressées jusqu’à maintenant à l’identité professionnelle de
l’enseignant finlandais sont peu nombreuses. À notre connaissance, seules les publications
de Maaranen (2009; 2010) et de Maaranen et Krokfors (2008) se sont penchées sur cette
question, en prenant pour objet d’étude l’approche pédagogique spécifique au programme
de formation initiale, c’est-à-dire l’approche dite « basée sur la recherche ». Selon ces
chercheurs, cette approche pédagogique permettrait au futur maître de développer une 3 L’enseignant de classe (luokanopettaja) par opposition à l’enseignant des matières (aineopettaja) distingue,
dans le jargon de l’éducation finlandaise, l’enseignant du primaire de l’enseignant du secondaire. Mentionnons toutefois que nous construisons ces équivalences uniquement dans le but de faciliter la compréhension du lecteur québécois. En réalité, le système scolaire finlandais offre une formation dite « compréhensive » d’une durée de neuf ans qui ne segmente pas la formation « primaire » et la formation « secondaire ». L’enseignant de classe, qui fera ici l’objet de notre réflexion, est celui qui dispense la scolarité aux enfants âgés entre 7 et 12 ans. Il est tuteur d’un groupe le temps d’une année scolaire.
Chapitre 2 - Problématique
21
attitude professionnelle en partageant le savoir qu’il construit avec ses pairs et un sens des
responsabilités face à ses compétences et ses connaissances à long terme. Le travail de
réflexion sur sa pratique induit par le travail de recherche génèrerait aussi, selon ces
auteurs, des compétences réflexives favorisant le développement de son identité
professionnelle.
Bien que nos recherches n’aient pas permis d’identifier d’autres études empiriques sur le
sujet, nous avons pu identifier différents ouvrages dans lesquels on parle de l’enseignant
finlandais. La plupart des écrits présentent l’enseignant finlandais comme un « high-quality
teacher », un « highly-qualified teacher » ou encore un « highly professional teacher »
(Jakku-Sihvonen et Niemi, 2006; Kansanen, 2006; Niemi, Toom et Kallioniemi, 2012;
Sahlberg 2007; 2011). Bien qu’ils ne soient pas explicitement définis, ces termes semblent
être utilisés indistinctement et réfèrent généralement à la qualité de leur formation initiale,
laquelle sera traitée en détail plus loin dans ce chapitre.
L’enseignant est aussi présenté dans la littérature comme un « praticien-réflexif » (Aho,
Pitkänen et Sahlberg, 2006; Jakku-Sihvonen et Niemi; 2006, 2007; Niemi, Toom et
Kallioniemi, 2012; OPM, 1994; Sahlberg, 2011). Le concept de praticien-réflexif demeure
toutefois difficile à baliser et revêt différentes significations en fonction des différentes
idéologies qui le sous-tendent. Le fait de désigner l’enseignant finlandais comme étant un
praticien-réflexif soulève, à notre avis, davantage de questions qu’il n’offre de réponses.
Nous y reviendrons.
En dépit du grand intérêt qu’on porte à l’identité professionnelle de l’enseignant finlandais
et du volume important de publications s’y intéressant (Niemi, 2012; Sahlberg, 2011;
Jakku-Sihvonen et Niemi, 2007; Niemi, 2006), force est de constater que la littérature
abordant cette question nous fournit peu d’information sur ce qui caractérise l’enseignant
sur le plan identitaire. En effet, un survol de la littérature nous a permis de constater que
l’on traite généralement des éléments du contexte finlandais qui favorisent
l’épanouissement professionnel de l’enseignant, plutôt que de documenter les
caractéristiques propres à l’enseignant lui-même. Le contexte scolaire dans lequel est
appelé à travailler l’enseignant ainsi que le contexte de sa formation initiale sont les deux
milieux auxquels les auteurs se réfèrent le plus souvent pour étudier l’enseignant finlandais.
Chapitre 2 - Problématique
22
Comme nous le verrons toutefois, l’abondance des informations disponibles nous laisse
devant de nombreuses interrogations relativement à notre question de départ : qu’est-ce qui
caractérise l’enseignant finlandais ?
2.5.1.1 Son milieu de travail
Les informations disponibles au sujet de l’enseignant finlandais concernent le plus souvent
le milieu scolaire dans lequel il évolue. Puisque cette littérature est volumineuse, nous
présenterons grosso modo les éléments en lien avec notre problématique de recherche. La
littérature fait état de la « culture of trust », que nous pourrions traduire par la « confiance »
dont jouissent les enseignants dans le cadre de leur travail (Niemi, Toom et Kallioniemi,
2012; Sahlberg, 2011; Kansanen, 2003). Il semblerait, en effet, que le travail de
l’enseignant soit socialement respecté et valorisé et qu’une grande crédibilité soit accordée
aux enseignants de la part des parents d’élèves et du personnel œuvrant dans les écoles.
Cette « confiance » envers le personnel enseignant entrainerait une grande autonomie
professionnelle pour l’enseignant. Elle aurait aussi pour conséquence l’absence de certaines
pratiques régulatrices communes à d’autres pays comme la reddition de compte
(accountability) et l’évaluation du personnel (Sahlberg, 2011, Toom et al., 2010).
L’absence de telles régulations aurait pour effet de favoriser le professionnalisme de
l’enseignant, que l’on associe dans la littérature à la liberté de choix et d’action sur le plan
pédagogique.
Finalement, la littérature souligne les bénéfices de l’absence d’évaluations standardisées
dans le système d’éducation finlandais (Sahlberg, 2007; 2011). On dit que la Finlande ne
soumet aucun élève à de telles évaluations avant le début de la 7ème année de peruskoulu
(l’équivalent des études secondaires). Cette façon de faire contribuerait aussi à la liberté
professionnelle de l’enseignant, qui est libre de choisir les contenus qu’il enseigne, selon
quel ordre et de quelle manière. Le temps d’enseignement serait, dès lors, utilisé pleinement
à des fins éducatives plutôt qu’à préparer les élèves pour des examens.
2.5.1.2 Sa formation initiale
Chercher à documenter l’identité professionnelle de l’enseignant finlandais nous amène
aussi sur une autre piste: celle de la formation initiale à l’enseignement. Comme nous
l’avons mentionné, l’enseignant finlandais est fréquemment désigné comme étant un
Chapitre 2 - Problématique
23
enseignant hautement qualifié (highly qualified). La formation initiale à l’enseignement
occupe donc une place importante quand il s’agit de définir l’enseignant finlandais sur le
plan de son identité professionnelle.
Le nombre d’écrits documentant la formation initiale est important. Plusieurs auteurs
finlandais ont publié, à différents moments et dans différentes revues scientifiques, des
articles qui se recoupent sur le plan du contenu. C’est pourquoi, après avoir lu tous les
documents, nous avons cru bon de nous en tenir à ceux qui, plus récents, donnent la même
information que d’autres articles publiés antérieurement. Avant de s’intéresser plus
spécifiquement aux travaux publiés par des auteurs finlandais, attardons nous à l’étude de
Morales (2012) qui s’est elle aussi intéressée à la formation des enseignants finlandais,
dans une perspective comparée. Grâce à son étude, Morales (2012) parvient à identifier en
quoi la formation des enseignants québécois ressemble et/ou diffère de la formation des
enseignants finlandais. L’auteure remarque que les deux milieux étudiés valorisent la
formation d’un enseignant professionnel, mais que le contexte socioculturel de la Finlande
favoriserait davantage l’épanouissement professionnel de ses enseignants. Bien que cette
étude documente abondamment la Finlande et son programme de formation initiale, elle se
borne toutefois à une limite à notre avis non-négligeable : la littérature. En effet, l’analyse
de Morales (2012) s’est effectuée à partir d’une large recension des écrits documentant
l’éducation finlandaise. L’apport de la recherche de Morales (2012) réside donc plus
spécifiquement dans l’effort de documenter et de comparer ces deux milieux d’éducation.
Elle ne fournit toutefois aucun éclairage quant à ce qui se vit concrètement au sein de cette
formation.
Avant de poursuivre, mentionnons que notre recension des écrits traite de la « formation
initiale » sans tenir compte des variations entre les programmes. En effet, les programmes
de formation initiale offerts en Finlande sont tous uniques, car les universités détiennent
une grande liberté dans l’organisation du curriculum (OPM, 1994; Finnish Ministry of
Education and Culture). Toutefois, toutes les universités qui souhaitent offrir la formation
initiale à l’enseignement sont contraintes d’appliquer les mêmes principes directeurs émis
par le Ministère de l’Éducation et de la Culture. Ces principes datent de l’année 1975,
année marquée par la publication d’un rapport qui balise la mise en place d’un programme
Chapitre 2 - Problématique
24
de formation des maîtres en milieu universitaire. Les balises proposées dans ce rapport ont
été traduites en l’anglais par Jakku-Sihvonen et Niemi (2007, p.151) :
• All teacher education for comprehensive and upper-secondary schools should be
academic and carried out in universities;
• Teacher education should be unified for different teacher categories;
• The initial education of future teachers must give a common and broad qualification
to all teachers and this common background can be flexibly complemented by in-
service education;
• Pedagogical studies should be developed in such a way that teachers are prepared to
be educators in the broad sense of the concept and can attend to their pupils socio-
emotional growth. Teachers should have a pedagogical, optimistic attitude to their
work that is grounded into the latest research;
• Teacher education should consist of societal and educational policy studies.
Les universités en Finlande qui souhaitent offrir un programme de formation initiale à
l’enseignement doivent donc se conformer à ces principes directeurs qui, bien que
prescriptifs, laissent aux différents milieux la possibilité d’élaborer, de manière plus
concrète, leur propre curriculum (Jakku-Sihvonen et Niemi). C’est pourquoi nous parlerons
de « la formation initiale » au sens large, puisque tous les programmes doivent s’arrimer
aux mêmes principes directeurs. Nous tenions néanmoins à souligner le fait qu’aucun de
ces programmes ne sont identiques en tous points. Rappelons, par la même occasion, que
notre étude de cas porte spécifiquement sur le programme de formation initiale de
l’Université d’Helsinki.
2.6 Perspectives historiques
Historiquement, la formation des enseignants finlandais était dispensée par des écoles de
métiers, et ce jusqu’en 1975, année où le gouvernement met en place l’école
compréhensive.
Quatre ans plus tard, soit en 1979, la Finlande procède à une réforme massive de la
formation universitaire; le programme de formation initiale à l’enseignement devient alors
une discipline académique officielle. Conformément aux principes émis dans le rapport de
1975, la formation des maîtres adopte officiellement la structure d’un programme de
Chapitre 2 - Problématique
25
maîtrise d’une durée de quatre ou cinq ans (Kansanen, 2007). Ce diplôme est alors exigé
afin de se qualifier pour travailler à titre d’enseignant. La structure du programme demeure
la même au courant des années 1980 et 1990, c’est-à-dire, une formation d’une durée de
cinq ans suivie de la rédaction d’un mémoire de maîtrise. Dès lors, la formation des maîtres
détermine l’intégration théorie-pratique par la recherche comme fondement du programme.
Ce n’est qu’en 2005, avec la mise en place du Processus de Bologne4, que des
modifications furent apportées au niveau de la structure et de la pédagogie du programme
dans le but de répondre aux exigences de standardisation des diplômes à l’échelle
européenne (Krokfors, 2007). Le programme fut scindé pour respecter les normes établies
par le Plan Bologne : trois années de formation au premier cycle, suivies de deux années de
formation au deuxième cycle. Cette réforme a été l'occasion de clarifier et de baliser le
concept de recherche comme fondement du programme de formation des maîtres. Elle a
aussi permis d’établir de nouvelles connexions théorie-pratique dans les cours offerts dans
le programme (Krokfors, 2007).
La formation initiale est aujourd’hui dispensée dans les huit universités qui se trouvent en
Finlande. De ce nombre, sept d’entre elles ont le finnois comme langue d’enseignement, et
une le suédois (Finnish National Board of Education). Comme nous l’avons expliqué plus
tôt, les programmes peuvent différer d’une université à l’autre étant donné la liberté
administrative et pédagogique octroyée aux administrateurs des programmes. Chaque
université est toutefois tenue de respecter certains principes directeurs.
L’organisation de la formation
Le premier élément dont il est question quand on s’intéresse à la formation initiale de
l’enseignement finlandais est la rigueur avec laquelle les futurs enseignants sont
sélectionnés par les programmes de formation des enseignants au sein des universités
(Kansanen, 2003; 2006, 2007; Niemi, Toom et Kallioniemi, 2012; Sahlberg, 2007, 2011).
4 Le processus de Bologne est un processus de rapprochement des systèmes d'enseignement supérieur au sein de l’Union européenne. Initié en 1999, il a conduit à la création en 2010 de l’Espace européen de l’enseignement supérieur. Le processus a pour objectif de favoriser les échanges universitaires (étudiants, enseignants et chercheurs) et de faire converger les systèmes universitaires vers des niveaux de référence communs (European Commission).
Chapitre 2 - Problématique
26
En effet, une minorité d’étudiants sont retenus annuellement, soit environ 15% des
demandes soumises aux comités de sélection des différentes universités. Il s’agit donc de
programmes fortement contingentés et très populaires auprès des étudiants. On associe
d’ailleurs la popularité de ces programmes à la valorisation qui est faite de la profession
enseignante dans le pays. Les étudiants désireux d’intégrer un de ces programmes doivent
se soumettre à une série d’évaluations dont, notamment, l’évaluation du dossier scolaire.
Les étudiants ne sont toutefois pas uniquement sélectionnés en fonction de l’excellence de
leur dossier scolaire. Ils doivent aussi prendre part à un entretien et faire un examen
d’admission. Seuls les étudiants les plus « performants » selon les critères établis par le
programme sont retenus, c'est-à-dire environ 150 étudiants sur plus de 1000 demandes
d’admission chaque année à l’Université d’Helsinki.
La littérature présente les programmes de formation initiale comme un tout réfléchi où les
objectifs du programme servent de point de départ à l’élaboration des contenus et au choix
d’une approche pédagogique dite « basée sur la recherche »:
Finnish teacher education is research-based, which refers to the design of the programme, which should be organized according to logical rules, an organizing theme, and principals stating the objectives of the curriculum, as well as be based on research results and evidence concerning teacher education (Maaranen, 2009, p. 222).
La formation à la recherche sert de principe directeur (organizing theme) à l’élaboration du
curriculum de formation initiale. Le programme s’articule autour des savoirs les plus
récents en matière de formation initiale à l’enseignement. La description du programme
fournie par Toom et al. (2010) explique plus concrètement la manière dont s’organise la
formation :
Firstly, the study programme is structured according to the systemic educational structure, secondly, all teaching is based on research, and thirdly, activities are organized so as to give students the opportunity to practice argumentation, decision making and justification when inquiring and solving pedagogical problems. Fourthly, students learn different research skills during their studies when they proceed to the master thesis level (p.108)
La formation basée sur la recherche est décrite comme une manière de concevoir le
programme qui intègre l’enseignement et la recherche au curriculum de formation: il s’agit,
pour les formateurs, de mettre les étudiants en contact avec des résultats issus de leurs
propres projets de recherche ou d’autres recherches avec lesquelles ils se trouvent en
contact. Il s’agit aussi d’introduire l’étudiant à la recherche scientifique en le formant à la
Chapitre 2 - Problématique
27
recherche, c’est-à-dire en lui demandant d’agir lui-même à titre de chercheur. C’est par la
réalisation de deux projets de recherche, soit une thèse à la fin du premier cycle et une
seconde thèse de plus grande envergure en fin de deuxième cycle que l’étudiant s’initiera
au travail du chercheur et sera en contact, de manière directe, avec le monde de la recherche
en éducation. Les savoirs générés dans le cadre de ce projet sont généralement étroitement
liés à des considérations pratiques en lien avec le travail d’enseignant :
Primary teachers, also called class teachers, have educational science as their major, and this degree requires the completion of a master’s thesis. The topics of the theses can be highly school-related, and the theses are very often action research projects (Niemi, 2011, p. 135)
La littérature fait état d’un second élément-clé contribuant à harmoniser les structures du
programme et à faciliter la connexion entre l’approche basée sur la recherche et le
développement du raisonnement pédagogique : le souci d’intégration théorie-pratique.
C’est à l’intérieur de cette « formule », dont les principales caractéristiques sont présentées
par (Kansanen, 2007, p.135), que se développe le curriculum de formation :
1) Student teachers practice and analyze teaching as part of their studies together with teacher educators;
2) Integration takes place in the problem-based situations where student teachers practice their methodological skills and use research methods to solve pedagogical problems.
L’intégration de la théorie à la pratique agit à titre de facilitateur de l’approche de manière
concrète pour familiariser l’étudiant à la fois avec l’enseignement et la recherche. Cette
intégration théorie-pratique se présente comme une formule pédagogique appliquée au
programme de manière générale. Ainsi, le programme alterne entre une formation pratique
dans les écoles associées et une formation théorique en milieu universitaire. D’un côté, les
étudiants sont appelés à réaliser des stages où ils vivent des expériences concrètes
d’enseignement. D’un autre côté, ils sont aussi appelés à réaliser deux projets de recherche
dont les problématiques touchent le contexte de la classe et leurs expériences de stage. En
ce sens, le programme intègre la théorie à la pratique en s’assurant d’un va-et-vient continu
entre ces deux sphères de connaissances. De manière plus spécifique, les cours du
programme ont aussi pour mandat de permettre une intégration théorie-pratique. Les cours
sont organisés de manière à mettre les étudiants en contact avec différentes théories de
Chapitre 2 - Problématique
28
pédagogie tout en leur donnant l’occasion de voir comment recourir à ces théories dans le
contexte pratique de la classe.
Le programme est donc élaboré selon une logique à deux axes: l’enseignement et la
recherche. De la même manière, il suit une logique à deux niveaux: théorique et pratique.
Les axes d’enseignement et de recherche réfèrent aux principales composantes du
programme. D’un côté, le curriculum de formation des maîtres dispense de l’enseignement
visant l’acquisition par les étudiants de connaissances utiles à leur future profession. De
l’autre côté, le curriculum intègre la production et la consommation de savoirs scientifiques
générés par la recherche dans le domaine des sciences de l’éducation. Dans son application,
l’axe de l’enseignement dispense des cours qui serviront à outiller le futur enseignant. Ces
cours sont axés sur le développement de compétences techniques et ancrés dans la réalité
quotidienne du travail de l’enseignant.
Le niveau pratique s’intéresse au travail quotidien de l’enseignant, à l’acquisition de
connaissances essentielles et de compétences pratiques (Toom et al., 2008; Byman et al.,
2009). Le niveau théorique, pour sa part, s’intéresse aux concepts et aux idées qui guident
l’action de l’enseignant en contexte pratique. Ce niveau se veut plus donc général. Son but
est d’apprendre à l’étudiant à se distancier de la pratique en ayant recours à la réflexion et à
l’autocritique en regard à sa pratique :
Although connected to the basic level, general level takes a certain distance from the teacher’s everyday practical work. This refers to reflection, thinking, discussion and other research-related activities. General level also implies a kind of metacognition of one’s own work and pedagogical decision-making (Kansanen, 2007, 134).
Le curriculum est conçu de manière à faire cheminer l’étudiant du stade pratique vers le
stade théorique (Kansanen, 2007; Niemi et Jakku-Sihvonen, 2011). Il s’agit, comme nous
l’avons déjà abordé, de lui apprendre à s'éloigner de la pratique dans le but de réfléchir de
manière plus abstraite et ainsi 1) identifier les problèmes relatifs à sa pratique et veiller à
trouver des solutions et 2) élaborer ses propres théories en regard à la pédagogie (Toom et
al. 2010)
Les objectifs de la formation initiale
Bien que l’étudiant doive se prêter à l’élaboration d’un projet de recherche dans le cadre de
sa formation initiale en enseignement, Toom et al. (2010, p.333) expliquent que l’objectif
Chapitre 2 - Problématique
29
derrière la rédaction du mémoire n’est pas de faire de l’étudiant un chercheur à proprement
parler :
The aim is not to produce researchers, but rather to provide students with skills and knowledge to complete their own studies, observe their pupils and analyze their thinking (…) its main priority is not to produce new knowledge or novel results, but rather to produce a research report and discover something either practical or theoretical based on the research.
Différents auteurs mentionnent que la formation à la recherche n’a pas pour objectif de
former des chercheurs, mais plutôt de former des enseignants capables de réfléchir comme
le ferait un chercheur. Kansanen (2007) parle de réfléchir « along with the lines of research
principles » alors que Toom et al. (2010) présentent plutôt l’approche comme une manière
d’acquérir une posture de recherche (acquire an inquiring attitude) vis-à-vis la pratique de
l’enseignement. Krokfors et al. (2011) expliquent d’ailleurs que la volonté de former les
futurs enseignants à la recherche ne réside pas dans le besoin de former des chercheurs,
mais plutôt dans la nécessité de former des enseignants autonomes, capables de prendre des
décisions basées sur des arguments rationnels. Il ne s’agit donc pas de former un chercheur,
mais plutôt de former un enseignant capable d’en adopter la posture. Cette volonté de
former les futurs enseignants selon cette approche réside dans l’objectif ultime de la
formation, soit celui de former des enseignants capables de raisonner sur le plan
pédagogique.
Comme il est possible de le constater, la littérature présente l’acte d’enseigner comme un
exercice constant de prise de décisions et de résolution de problèmes sur le plan
pédagogique. La formation encourage d’ailleurs le futur enseignant à concevoir sa future
profession de la sorte: Teacher students are encouraged to view teaching as a problematic and complex process, which demands continuous decision-making and rational argumentation (Krokfors et Maaranen, 2007, p. 360).
À l’issue de cette recension des écrits, nous sommes à même de constater le peu
d’informations tangibles que nous offre la littérature quant aux éléments qui caractérisent
l’enseignant finlandais sur le plan identitaire? En dépit de toute la crédibilité qui lui est
octroyé, les caractéristiques identitaires qui contribuent au caractère distinctif de
l’enseignant finlandais, que l’on identifie comme un acteur-clé du phénomène de la réussite
éducative qui touche présentement la Finlande, reste à ce jour assez méconnu.
Chapitre 2 - Problématique
30
2.7 Objectifs de la recherche
Consciente du caractère régulateur et incitatif des résultats générés par les évaluations
PISA, cette étude refuse de recevoir l’information « as given » (telle qu’elle nous est
transmise) et se donne pour objectif de cerner le caractère particulier de cet enseignant en le
situant dans son contexte. En d’autres termes, cette étude adopte une posture critique face
aux limites de la comparaison à visée évaluative et la fascination qu’ont engendrés les
succès de la Finlande suite aux évaluations du PISA. Ce projet s’inscrit donc dans une
volonté de pallier aux limites de la comparaison à visée évaluative présentées dans les
pages précédentes. Dans un contexte où les études comparées viennent imposer une
dynamique nouvelle de « mesure de l’autre » en éducation, cette recherche permet de
remettre en perspective un système d’éducation présenté comme un « modèle à suivre ».
La pertinence de cette recherche se voit rehaussée par le flou idéologique et terminologique
qui caractérise la littérature portant sur l’IPE et le concept de réflexivité. En l’absence de
définitions explicites et univoques, se contenter d’une littérature qui présente l’enseignant
finlandais comme un praticien-réflexif ou encore un high-quality teacher nous apparaît fort
insatisfaisant.
Dans un contexte où, comme nous l’avons souligné, nous détenons une compréhension très
superficielle de l’enseignant finlandais, et dans le contexte où la formation initiale à
l’enseignement constitue une étape charnière du développement identitaire des enseignants,
cette recherche a pour objectif général de distinguer le profil identitaire de l’enseignant
finlandais en procédant à une analyse de son curriculum de formation initiale. Comme nous
le ferons valoir dans le prochain chapitre, il existe un triangle d’influence entre la manière
de conceptualiser l’enseignant, la manière de concevoir sa formation initiale et les
manifestations concrètes des idéologies véhiculées par ce même curriculum. Notre enquête
s’intéressera donc aux éléments du quotidien qui traduisent les idéologies du curriculum de
formation initiale et qui contribuent au développement de l’IPE.
En d’autres termes, cette étude cherche à documenter le curriculum de la formation initiale
à l’enseignement dans ses manifestations concrètes, dans la mesure où cette étape de la
carrière d’un enseignant joue un rôle de première importance dans le développement de son
IPE. Comme en témoigne la littérature, la formation initiale constitue le premier lieu de
Chapitre 2 - Problématique
31
socialisation avec la profession enseignante. C’est à cette étape que l’on introduit
l’enseignant à la culture professionnelle propre au monde de l’enseignement.
Les objectifs spécifiques sont au nombre de trois. Le premier objectif est de documenter le
curriculum de formation initiale en s’intéressant à ses caractéristiques structurelles et
organisationnelles. Le deuxième objectif est de dégager, à partir de ces caractéristiques, les
éléments d’une culture propre à ce curriculum de formation. Finalement, notre ultime
objectif est de dégager, à partir de notre documentation de la culture du curriculum, des
éléments qui nous informent, directement ou indirectement, sur l’identité professionnelle de
l’enseignant finlandais. Les questions de recherche suivantes sont associées à ces trois
objectifs spécifiques :
- En quoi consiste la formation initiale à l’enseignement à laquelle les futurs enseignants finlandais prennent part?
- En quoi les caractéristiques du programme sur le plan de l’organisation et de la structure nous informent-elles sur une culture du curriculum?
- En quoi cette culture nous informe-t-elle sur le profil identitaire professionnel de l’enseignant finlandais?
Chapitre 3 - Cadre théorique
33
Chapitre 3 - Cadre théorique
3.1 Les fondements théoriques de l’étude : l’approche sociologique
Il peut sembler inadéquat, à première vue, de chercher à répondre aux objectifs de cette
recherche en adoptant un regard sociologique. Le choix de ce cadre d’analyse est toutefois
le fruit d’une longue réflexion. Il réside dans une volonté que nous avons explicitée
précédemment, qui est celle de chercher à comprendre l’enseignant finlandais « au-delà »
des informations qui nous sont déjà offertes. Or, cette volonté de comprendre une réalité
sociale au delà de ses apparences s’inscrit dans la pensée sociologique, dans la mesure où la
sociologie se définit comme une science qui refuse les évidences sociales, qui cherche à
interpréter les actions dans la conscience ordinaire (Berger, 2006). Le travail de
démystification de l’identité professionnelle de l’enseignant, tel que nous l’entamons ici,
s’inscrit donc naturellement dans la pensée sociologique.
Dans cette section, nous expliquerons les assises théoriques qui serviront de cadre
d’analyse à notre recherche. Plus précisément, cette section a pour objectifs de mettre en
relief 1) le caractère non neutre de tout curriculum de formation et 2) les interrelations qui
existent entre formation initiale, vision du bon enseignant et conception de la réflexivité.
Finalement, cette section fait aussi valoir l’idée d’une culture inhérente à un curriculum,
culture qui se présente comme une concrétisation des idéologies et des valeurs qu’il
contient.
3.2 Étudier le programme de formation initiale : le concept de curriculum
Dans le cadre de cette recherche, le curriculum de formation initiale constitue notre objet
d’étude, car c’est lui qui, comme nous le soulignerons, instigue la culture scolaire qui sert
de contexte au développement de l’identité professionnelle. Avant de poursuivre, nous
jugeons pertinent de définir le concept de curriculum tel qu’il sera entendu ici.
Le terme curriculum, emprunté à la tradition de recherche britannique, ne trouve pas son
équivalent dans la littérature scientifique francophone. Plus qu’un simple « programme de
formation », l’idée de curriculum implique que l’on prenne en considération l’ensemble
d’un parcours de formation. Les éléments d’un programme donné ne doivent pas être
étudiés isolément, mais bien de manière globale et dynamique (Forquin, 2008). La
Chapitre 3 - Cadre théorique
34
définition suivante correspond à ce qui est entendu par « curriculum » dans la présente
recherche :
Un ensemble institutionnellement prescrit et fonctionnellement différencié et structuré de tout ce qui est censé être enseigné et appris, selon un ordre déterminé de programmation et de progression, dans le cadre d’un cycle d’études donné (Forquin, 2008, p.8).
Selon la définition de Forquin, un curriculum de formation peut prendre toutes sortes de
formes et se vivre dans toutes sortes de milieux d’éducation. Dans le cadre de cette étude, le
curriculum de formation initiale à l’enseignement est envisagé comme le contexte au sein
duquel se développe l’IPE de base du futur enseignant. Plus précisément, la culture
inhérente à ce curriculum de formation, comme nous le présenterons dans les prochains
paragraphes, est appréhendée comme le contexte dans lequel l’identité professionnelle se
construit.
La sociologie du curriculum s’intéresse particulièrement aux tensions idéologiques
inhérentes aux processus de sélection des savoirs à transmettre dans différents contextes
éducationnels. Elle est définie par Forquin (2008) comme « une approche spécifique des
faits éducatifs qui tente d’élucider l’ensemble des fonctionnements et des enjeux sociaux de
la scolarisation en prenant comme point de vue privilégié les phénomènes de sélection,
d’organisation et de programmation » (p.77).
Cette branche de la sociologie a émergé en Angleterre au milieu des années 1960, dans les
débats autour de l’implantation de l’école compréhensive, d’une part, et dans ceux
concernant l’intégration des disciplines au milieu scolaire, d’autre part (Forquin, 1984). Ces
enjeux, le premier à caractère politique, le second à caractère épistémologique, ont
contribué à ce que Forquin (1984, p. 25) appelle la « cristallisation polémique du champ de
recherche en sociologie du curriculum ». Cela signifie que la sociologie du curriculum a,
dès lors, limité son champ d’études aux thèmes relatifs aux enjeux politiques et
épistémologies en lien avec le milieu de l’éducation.
La sociologie appliquée au curriculum évolue selon l’idée que la construction d’un
curriculum est sous-tendue par des rapports de pouvoir, des conflits d’intérêts ainsi que des
enjeux idéologiques. Pour Durkheim (cité dans Mangez, 2008), un curriculum est un
construit social imprégné des valeurs de groupes sociaux dominants. Les milieux
Chapitre 3 - Cadre théorique
35
d’éducation agissent, alors, comme lieu de consécration et de conservation, de gestion et de
transmission des savoirs et des symboles dans une société moderne. Il n’existerait donc pas
de curriculum qui soit « neutre », puisque le discours véhiculé par un curriculum de
formation s’élabore autour des valeurs et des idéologies du ou des groupes sociaux ayant
travaillé à son élaboration. Un curriculum de formation se présente, dès lors donc, comme
un objet socialement construit ou idéologiquement biaisé, comme le mentionne ici Spodek
(1974) au sujet de la formation initiale à l’enseignement : All teacher education is a form of ideology. Each program is related to the educational ideology held by a particular teacher educator or teacher education institution, even though the relationship may not be explicit. There is no such thing as a value-free teacher education just as there is no such thing as a value-free education for children (Spodek, 1974, p.8-9)
La sociologie du curriculum s’intéresse spécifiquement aux tensions idéologiques
inhérentes aux processus de sélection des savoirs à transmettre dans différents contextes
éducationnels. Elle est définie par Forquin (2008) comme « une approche spécifique des
faits éducatifs qui tente d’élucider l’ensemble des fonctionnements et des enjeux sociaux de
la scolarisation en prenant comme point de vue privilégié les phénomènes de sélection,
d’organisation et de programmation (p.77) ».
L’approche par la sociologie du curriculum, à la fois compréhensive et critique, sert les
objectifs de cette recherche puisqu’elle permet de démystifier la nature, le statut ainsi que
les valeurs propres à un curriculum donné, dans un contexte où l’arbitraire inhérent à
l’élaboration d’un curriculum de formation demeure le plus souvent inconnu.
3.3 La culture du curriculum
Joseph (2011) parle d’une culture du curriculum pour faire référence au style de vie induit
par un curriculum de formation. Cette culture est plus qu’un référentiel de critères,
d’objectifs que l’on démystifie par une analyse du discours qui le compose. Suivant la
théorie de l’auteure, les éléments qui composent un curriculum comme document écrit se
concrétisent dans la réalité, et seul l’intérêt pour ce « théâtre » quotidien donnerait accès
aux visées réellement poursuivies par un curriculum de formation donné : Curriculum conceptualized as orientation gives theorists a meaningful strategy for comprehending the fields of curriculum. The naming of curricula orientations provides a platform for awareness, analysis, and critique that allows for interpretation of the broad and perplexing field and for the encouragement of dialogue about curricula
Chapitre 3 - Cadre théorique
36
intentions and consequences- clarifying our beliefs and experiences about curriculum Joseph, 2011, p.13
Dans cette perspective, le programme de formation initiale à l’enseignement, ou plus
spécifiquement la culture induite par son curriculum agit à titre de contexte dans lequel
évolue le futur enseignant : The controlling institution is more than a governing body […] it also provides the ideological basis to organize the structure and content of teacher preparation program (Evans, 2010, p. 184)
En adoptant ce cadre théorique, il devient possible de s’intéresser à tous les détails ainsi
qu’à toutes les spécificités d’un milieu afin d’obtenir une compréhension précise, qui tienne
compte du fait que le curriculum, comme document écrit, est constamment interprété et
renégocié par les acteurs qui évoluent dans ce contexte. Il devient aussi possible,
conformément aux objectifs de Joseph (2011) et des théoriques critiques en général,
d’identifier des influences idéologiques et de mettre des mots sur les orientations prises par
un curriculum, dans la mesure où ces dernières sont généralement envisagées comme
« allant de soi » : […] our intention is to name, articulate, and reveal curricula as visions and belief system. We analyze these curricula worlds through philosophical inquiry informed by our understanding of various curricula components (Joseph, 2011, p.34)
L’idée de « culture » dans le contexte de la recherche sur le curriculum a pour postulat que
la compréhension holistique d’un curriculum s’opère par l’analyse de ses composantes
culturelles.
3.3.1 Culture du curriculum et identité professionnelle
Nous avons fait valoir l’idée qu’un curriculum de formation est porteur de valeurs et
d’idéologies qui se traduisent à l’intérieur d’une « culture » scolaire ou, dans notre cas,
universitaire (Joseph, 2011). La culture d’un curriculum se présente donc comme le
contexte dans lequel évolue l’apprenant. Au-delà du discours et des prescriptions qu’il
porte, le curriculum « prend vie » à travers ceux qui évoluent en son sein. Le programme de
formation initiale à l’enseignement se présente comme le contexte dans lequel le futur
enseignant entame le développement de son identité professionnelle. Les prémisses de son
développement identitaire se trouvent alors influencées par les valeurs et les idéologies
inhérentes à la culture du curriculum par laquelle le futur enseignant se forme. De la même
manière, les valeurs et idéologies inhérentes à une culture sont elles-mêmes influencées par
Chapitre 3 - Cadre théorique
37
la conception que l’on se fait d’une identité professionnelle souhaitable. Les valeurs et
idéologies d’un curriculum, qui se concrétisent à travers des manifestations dites
« culturelles » (Joseph, 2011) sont sous-tendues par une définition particulière de l’identité
professionnelle (Gohier, Anadon, Bouchard, Charbonneau et Chevrier; 2001), comme
l’illustre le tableau suivant :
Figure 1: Triangle d’influences dans le développement identitaire
Cette conception de l’idéal-enseignant se construit à partir des savoirs et des idéologies
valorisés par un milieu, des systèmes normatifs et déontologiques ainsi que des demandes
sociales en regard à la profession (Gohier, Anadon, Bouchard, Charbonneau et Chevrier;
2001). En d’autres termes, un programme de formation initiale à l’enseignement se base sur
une définition de l’identité professionnelle, une vision du bon enseignant. Il s’élabore par la
suite autour d’un questionnement sur les qualités essentielles que doit détenir un enseignant
et la manière de favoriser le développement de ces qualités. Pour Korthagen et Wubbels
(1995), la vision du bon enseignant se construit plus spécifiquement autour de ces deux
questions :
Chapitre 3 - Cadre théorique
38
1) Qu’est-ce qu’un bon enseignant?
2) Quels sont le rôle et la nature de la réflexion dans ce contexte?
Le concept de réflexivité, que nous avons présenté comme un élément central du processus
de développement identitaire apparaît comme une composante importante de la définition
de l’IPE. Pour Korthagen et Wubbels (1995), il existerait un lien entre la manière de définir
l’identité professionnelle et celle de définir la réflexivité en contexte de formation initiale : The various approaches to the development of reflective teachers differ substantially on a number of issues (Tom, 1985), one of which is the underlying view of what constitutes a good education, and what the role of the teacher should be in that education (Korthagen, 1993a). Authors who propose different objects of reflection often have differing views on what good teaching is. (p.51-52)
En effet, la définition que l’on se fait d’un bon enseignant (question 1) semble influencer la
conception que l’on se fait du rôle et de la nature de la réflexivité (question 2) et vice versa.
Il existerait donc des liens cohérents entre les choix qui sont faits sur la manière de former
les enseignants et l’identité professionnelle qui est valorisée au sein d’un programme : There is an assumed relationship between the conception of reflection, teacher competence and teacher education. If professional competence is supposed to indicate [a] kind [of] absolute autonomy […], it seems to be logical to give the student teacher a thorough training in critical reflection before he or she is permitted to start practical teaching in school (…) If, on the contrary, professional competence is supposed to indicate a capacity to reflect in action, this can be used as an argument for first of all giving the student teacher a supervised practical training in order to initiate him or her into the practical problems of the profession (Bengtsson, 1995, p.25)
Cet extrait traduit précisément les assises théoriques que nous avons cherché à établir dans
la présente section du chapitre. Bengtsson (1995) explique en effet les interrelations qui
existent entre formation initiale, vision du bon enseignant et conception de la réflexivité.
3.4 Synthèse
Dans le cadre de cette étude, la formation initiale est considérée comme un contexte porteur
d’une culture scolaire empreinte de valeurs et d’idéologies au sein de laquelle se développe
l’identité professionnelle du futur enseignant. La manière dont s’organise et se vit la
formation est vue comme une concrétisation des valeurs et des idéologies contenues dans
son curriculum. Les diverses composantes d’une culture scolaire nous informent sur les
principes et les idées régissant un curriculum de formation donné, principes et idées qui se
Chapitre 3 - Cadre théorique
39
construisent fondamentalement autour de l’identité professionnelle valorisée par le ou les
groupes responsables de son élaboration.
Ainsi, nous avançons l’idée que l’étude dynamique, systémique et empathique d’un
programme de formation à l’enseignement, dit « curriculum de formation », constitue un
moyen à la fois original et rigoureux de cerner l’identité professionnelle valorisée par un
milieu.
Chapitre 4 - Méthodologie
41
Chapitre 4 - Méthodologie
4.1 Le choix de la démarche ethnographique
Présenter notre méthodologie de recherche sans s’attarder d’abord à la manière dont nous
sommes parvenus à la choisir éclipserait une importante partie de notre travail de recherche.
Le choix d’une approche ethnographique, que nous prendrons soin de détailler plus loin,
n’est pas le fruit d’une décision prise avant notre séjour en Finlande. Au contraire, le choix
de cette démarche est issu d’un travail d’exploration du terrain, grâce auquel nous avons pu
à la fois peaufiner notre problématique et choisir l’approche méthodologie la plus adéquate.
De même, le concept de culture du curriculum ainsi que la démarche ethnographique qui
s’y rattache ne constituent pas des choix théoriques et méthodologiques réalisés a priori de
notre arrivée en Finlande. La découverte de cette approche théorique et méthodologique
découle de notre travail d’exploration. C’est à partir d’un travail de familiarisation avec le
milieu que nous en sommes venus à identifier les aspects qu’il serait intéressant d’examiner
ainsi que les limites des approches théoriques et méthodologiques que nous envisagions
alors.
Bien que cette façon de faire nécessite plus de temps (étant donné la phase exploratoire),
nous croyons que cette démarche inductive nous a permis de tirer le maximum de notre
expérience sur le terrain. En effet, à l’issue de notre passage en Finlande, nous croyons
qu’il aurait été moins fructueux d’imposer a priori une méthodologie de recherche à notre
terrain plutôt que d’accepter d’évoluer dans l’incertitude pendant un certain temps, afin de
choisir une approche qui tienne compte des réalités du milieu.
C’est pourquoi, avant de donner plus de détails sur l’approche ethnographique comme telle,
nous prendrons soin d’exposer la phase exploratoire de notre recherche.
4.2 Devant les particularités d’un nouveau milieu : reculer pour mieux avancer
Le début de cette recherche remonte déjà à l’an 2010, année où nous avons entamé des
études de maîtrise et avons aussi été récipiendaire d’une bourse de mobilité étudiante
permettant d’étudier pendant un an dans une université européenne. Devant cette
possibilité, nous nous sommes longuement questionnés à savoir où il serait pertinent de
voyager, car cela s'avérait intéressant de pouvoir combiner la réalisation du mémoire à
Chapitre 4 - Méthodologie
42
notre séjour de mobilité étudiante. C’est au fil de nos lectures sur la réussite scolaire des
petits finlandais que nous avons décidé de poser nos valises en Finlande afin de se pencher
sur des interrogations qui, malgré nos lectures, ne trouvaient pas de réponses claires.
L’élaboration de notre projet de recherche était motivée, comme nous l’avons mentionné au
chapitre 2, par le désir de mieux comprendre l’identité professionnelle de l’enseignant
finlandais. Devant les contraintes de notre bourse d’étude, à savoir 1) l’obligation de
fréquenter un établissement d’enseignement à temps plein et 2) de mener à terme des cours
en lien avec notre formation de deuxième cycle, nous avons choisi de circonscrire notre
étude au contexte de la formation initiale à l’enseignement, puisque nous allions passer
l’année entière sur le campus avec les futurs enseignants finlandais. De surcroit, une
recension de la littérature nous a permis de constater 1) l’importance de cette étape de la
carrière d’un enseignant dans le développement de son identité professionnelle et 2)
l’influence de la culture inhérente au curriculum de formation initiale sur le développement
de l’IPE.
À notre arrivée en Finlande, notre plan de recherche était encore bien imprécis. Alors que
d’autres auraient su, avant leur arrivée, ce qu’ils venaient investiguer, pourquoi et
comment, nous avons mis le pied en Finlande munis de quelques objectifs de départ qui
avaient comme but de briser l’ennui et de minimiser nos angoisses face à notre projet en
construction. Avec la rentrée universitaire, nous avons établi les premiers contacts avec le
milieu et fait nos premières rencontres avec les formateurs et les étudiants locaux, mais
surtout, avec les autres étudiants internationaux comme nous. Cette étape s’est avérée être
la phase la plus importante de notre étude, car c’est à partir de cette étape d’exploration que
nous avons pu baliser le travail de recherche présenté dans ce mémoire.
4.3 Voir au-delà des apparences : composer avec le « paravent »
Les premières semaines sur le terrain nous ont permis de réaliser l’existence d’un
« paravent5 » n’offrant qu’une compréhension superficielle de notre objet de recherche
c’est-à-dire le curriculum de formation initiale. Nous avons remarqué cet hermétisme dès
5 Nous avons appelé « paravent » les observations ainsi que les données d’entretien n'offrant qu’une
compréhension très superficielle du programme de formation. Dans le cadre de notre enquête, nous avons eu à composer avec une « façade » qui nous a longtemps empêchés de pénétrer au cœur du programme, au sein de ce qui s’y passe vraiment.
Chapitre 4 - Méthodologie
43
notre arrivée, quand nous avons appris que les cours auxquels nous prenions part étaient
destinés uniquement aux étudiants internationaux. En effet, l’Université d’Helsinki avait
conçu une série de cours offerts seulement aux étudiants étrangers ainsi qu’aux autres
« pèlerins6 » de l’éducation finlandaise. Lors du premier semestre, nous avons donc eu
accès uniquement aux cours de ce microprogramme, lequel offrait une formation axée sur
le modèle finlandais, comme en témoignent les titres des cours:
- Système scolaire finlandais
- L’éducation préscolaire en Finlande
- Histoire de l’éducation en Finlande
- Enseignement et apprentissage des langues en Finlande
Les étudiants internationaux prenant part à ces cours étaient pour la plupart en formation
pour devenir enseignants. Nous y avons aussi croisé des professionnels de l’éducation
notamment des enseignants, des directeurs d’école, des conseillers pédagogiques ainsi que
différents acteurs de l’administration scolaire venus en Finlande pour de brefs séjours. Les
étudiants internationaux ainsi que les pèlerins inscrits aux cours étaient majoritairement
européens. Nous avons toutefois rencontré quelques enseignants d’Amérique du Sud qui
prenaient part à une formation d’un mois, ainsi qu’une étudiante canadienne.
Plusieurs voyageurs se déplaçaient afin de visiter des écoles primaires, et suivre des
formations en milieu universitaire. Or, pour la majorité d’entre nous, le contact avec le
milieu scolaire a été limité à une ou deux visites de quelques heures :
Nous avons fait une autre table ronde pour nous présenter aujourd’hui. Plusieurs des étudiants du cours sont les mêmes que dans le cours d’hier. Quand le formateur nous a demandé ce que nous aimerions faire dans le cours, les étudiants ont encore répondu qu’ils aimeraient visiter des écoles, ou même faire de courts stages. Le formateur nous a expliqué qu’il était devenu très difficile de visiter des écoles au centre-ville depuis quelques années. Il nous a dit que les directions d’école et les enseignants avaient commencé à refuser l’accès aux visiteurs internationaux, car ils avaient l’impression que leurs écoles devenaient des « musées ». Il ne pouvait pas nous garantir que nous aurions la chance de visiter une école (26 septembre 2011).
Les écoles finlandaises, surtout celles de la capitale Helsinki, ont été victimes d’un fort
achalandage dans les dernières années. Pour cette raison, les écoles refusaient de nous 6 Nous avons appelé « pèlerins » les différents regroupements de spécialistes de l’éducation qui font de courts
séjours en Finlande afin de recueillir des informations sur la manière d’y mener l’éducation. Le terme pèlerin a été emprunté au jargon local «educational pilgrims», que nos formateurs utilisaient souvent afin d’illustrer la forte popularité et la grande crédibilité de la Finlande auprès de la communauté internationale.
Chapitre 4 - Méthodologie
44
accueillir, tant et si bien que lors des trois premiers mois de notre séjour, nous n’avons eu
droit qu’à une seule visite de trois heures au sein d’une école primaire située à Espoo, en
banlieue d’Helsinki.
À cette étape de notre enquête, nous avons dû nous résoudre à prendre part aux cours qui
nous étaient offerts c’est-à-dire ceux destinés aux étudiants étrangers. Malgré nos
demandes, nous n’avons pas réussi à intégrer les cours auxquels participaient les étudiants
finlandais. Les raisons données étaient, notamment, que le programme de formation initiale
auquel nous souhaitions prendre part n’accepte que des étudiants qui ont été soumis au
processus de sélection7. Certains formateurs ont aussi mentionné la barrière de la langue
comme obstacle à notre participation active aux cours. En prévision du semestre d’hiver,
nous nous sommes donc inscrits à un cours d’introduction au finnois afin de nous
familiariser avec la langue, en espérant que les règles s’assoupliraient avec le temps et que
nous gagnerions le droit de participer aux cours de ce programme au semestre d’hiver. En
effet, notre situation était telle que nous allions passer toute l’année universitaire en
Finlande, contrairement aux autres étudiants qui y passaient seulement quelques jours,
quelques semaines ou encore un semestre. Nous espérions donc que notre sérieux et notre
motivation nous donneraient certains accès privilégiés que nous avons éventuellement
obtenus à l’hiver 2012.
Malgré la distance qui nous séparait du contexte réel de formation, cette première étape de
l’enquête a eu pour avantage de nous faire connaître de notre nouveau milieu. Nous avons
établi des contacts avec les formateurs qui nous enseignaient. Nous avons pu nous
introduire et leur parler de notre projet de recherche. Nous avons aussi sollicité leur aide
afin de nous faire connaître des personnes susceptibles de répondre à nos questions et
certains ont eu la gentillesse de nous présenter à des collègues. De fil en aiguille, ces
premières semaines au sein du Département de la formation nous ont permis de nous faire
connaître en plus de permettre la collecte des premières données de notre enquête. Malgré
la réticence que nous avons sentie face à nos premières demandes (participer aux cours
7 C’est au sein du programme de formation des enseignants du primaire (luokanopettaja) que nous voulions
réaliser notre enquête, pour des raisons que nous avons mentionnées plus tôt, à savoir la faisabilité de la recherche et l’intérêt du chercheur pour cette formation (voir page XX).
Chapitre 4 - Méthodologie
45
réservés aux étudiants finlandais), nous avons rencontré une ouverture de la part du
personnel enseignant face à notre projet de recherche.
Nous avons aussi profité de cette première étape pour questionner nos formateurs au sujet
du programme. Nos premiers entretiens se sont toutefois avérés peu fructueux, car le plus
souvent, nous détenions déjà les informations qu’ils acceptaient de nous transmettre. Les
informateurs avaient tendance à nous présenter des généralités en lien avec le programme,
des informations que nous avions déjà acquises lors du travail de lecture préparatoire. En
effet, nous avions pris la peine, avant notre voyage, de rassembler des documents qui nous
permettraient d’acquérir une base de connaissances sur le système d’éducation finlandais
dans son ensemble et sur la formation initiale à l’enseignement de manière plus spécifique.
Ces documents nous ont révélé beaucoup d’information relativement à certains concepts
centraux du programme même si, à l’origine, ils nous semblaient sans grand intérêt. Voici
une liste non exhaustive des documents ayant servis de lectures préparatoires:
- publications réalisées par des chercheurs finlandais au sujet de la formation des maîtres en Finlande (des ouvrages disponibles à la bibliothèque de la Faculté, mais aussi des articles);
- documents ministériels disponibles en anglais (le plus souvent des versions abrégées);
- plans de cours disponibles sur le portail du Département de la formation initiale;
- plateforme Internet de l’Université ainsi que celle spécifique au Département de la formation initiale;
- documents destinés aux étudiants internationaux de l’Université d’Helsinki;
- publications de l’Organisation de coopération et de développement économique;
- blogue de Pasi Sahlberg (spécialiste de l’éducation en Finlande).
À cette étape, nous avons été confrontés à un problème relatif au discours des acteurs qui a
engendré un défi méthodologique : Les informateurs avec qui je parle disent toujours les mêmes choses : le programme opère un processus de sélection sévère, les formateurs ont une grande liberté pédagogique, les écoles laissent les enseignants être autonomes, il n’y a pas de supervision ni de rapport hiérarchique entre les acteurs dans les écoles, la formation des maîtres mise sur la recherche, etc. J’ai l’impression que je devrai trouver une manière de rompre avec le discours institutionnel si je veux vraiment accéder à des informations nouvelles, brutes. C’est comme si les gens interviewés se mettaient en mode « pilote automatique » pour me parler de la formation initiale offerte à l’Université d’Helsinki. D’ailleurs, ils sont nombreux à parler de « nous, à l’Université
Chapitre 4 - Méthodologie
46
d’Helsinki » ou encore « ici, à l’Université d’Helsinki ». Je devrai trouver une manière de faire en sorte que les formateurs me parlent vraiment de ce qu’ils font plutôt que de me présenter les grandes lignes du programme (tiré du journal ethnographique).
Nos premiers entretiens exploratoires ont donc donné peu de résultats. En effet, les
informateurs avaient tendance à formuler presque mot pour mot les écrits parus au sujet de
la formation initiale. Sous la formulation « ici, à l’Université d’Helsinki » ou encore « nous,
en Finlande », les formateurs parlaient avec détachement de leur programme de formation,
certains se servant d’une présentation PowerPoint ou d’un feuillet d’information. Nos
premiers entretiens s’étant avérés infructueux, nous en sommes venus à la conclusion que
notre manque d’expérience en recherche ne nous dotait pas des compétences nécessaires
pour pallier au problème auquel nous étions confrontées. L’art de mener des entretiens,
celui de trouver les bonnes questions et d’adopter la meilleure approche, n’est pas simple à
maîtriser. Nous nous sommes aussi demandés si le programme de formation était tel qu’on
le présentait dans la littérature qui servait alors de point d’ancrage à notre étude : Pour le moment, je ne sais plus si je peux me baser sur les écrits. Parfois, j’ai l’impression que tout a été dit, puisqu’on me répète sans cesse les mêmes informations. À d’autres moments, je suis étonnée par ce que je vois ou que j’entends. Il se passe des choses qui ne sont pas trop abordées dans la littérature. Le programme est présenté toujours de manière très cartésienne, alors que sur le terrain j’ai peine à me retrouver dans la diversité des cours, les étudiants en sarrau plein de peinture, ceux qui travaillent assidûment sur leur mémoire à la bibliothèque et ceux qui mesurent les tables de la cafétéria avec des réglettes. Je crois que je devrai trouver des réponses à mes questions dans tous les indices du quotidien des étudiants et des formateurs plutôt que d’espérer des réponses à partir d’entretiens (tiré de notre premier journal de bord)
L’hermétisme qui caractérisait autant la formation offerte que le discours des acteurs
acceptant de répondre à nos questions nous a permis de constater l’existence d’une sorte de
« paravent » qui entravait notre démarche d’investigation. Peu à peu, nous avons compris
qu’en réponse à l'intérêt international, l’Université d’Helsinki a procédé à l’élaboration de
ce que nous appelons une « mise en scène » du programme à l'intention des acteurs
internationaux. Dès lors, le discours des acteurs, celui que nous pouvions aussi retracer
dans la littérature, était à la fois peu révélateur et très hermétique, comme en témoigne
l’extrait suivant8 : Aujourd’hui, je rencontre une professeure pour un premier entretien. Je suis pleine
8 Bien que, au début de notre séjour, nous ne détenions pas de journal ethnographique que nous remplissions
systématiquement, nous avions pris la peine de tenir un journal de bord afin d’assurer une sorte de suivi de notre démarche d’intégration au milieu.
Chapitre 4 - Méthodologie
47
d’attentes, parce que tout le monde au département me parle d’elle comme le « grand manitou » du programme et c’est elle qui a écrit plusieurs des articles que j’ai lus jusqu’à présent. Elle m’accueille à son bureau avec une présentation PowerPoint. Elle me présente plusieurs tableaux, différents écrits qu’elle a publiés sur le sujet. Quand je repars, je ne sais rien de plus que ce que je savais en arrivant. Je ressens plus ou moins la même frustration que lors de mon cours de la semaine passée où le professeur nous a fait écouter la vidéo « Finland’s phenomenon ». Depuis deux semaines, j’ai l’impression de ne jamais avoir été aussi loin de la réalité finlandaise que depuis que j’y habite (tiré de notre premier journal de bord).
Les entretiens que nous avons menés de même que les cours auxquels nous avons participé
en début d’enquête nous ont surtout permis de constater l’ampleur du « paravent » avec
lequel nous aurions à composer. Nous avons remarqué que la popularité de la Finlande était
telle qu’au fil des ans, les différents acteurs du milieu de l’éducation, notamment ceux de la
formation initiale à l’enseignement, avaient intégré un discours « commercial » qu’ils
utilisaient d’emblée lorsque questionnés au sujet du programme. Ce discours était aussi
transmis à l’intérieur des cours offerts aux pèlerins de l’éducation dont nous faisons en
quelque sorte partie. Ce discours inclut notamment l’importance de la formation à la
recherche dans le développement de l’autonomie professionnelle, la qualité de la formation
en lien avec l’importance accordée à la recherche issue d’une tradition pédagogique vieille
de trente ans ainsi que la qualité de la formation optimisée par la sélection des étudiants les
plus doués. D’autres éléments plus généraux en lien avec l’éducation dans son ensemble
sont aussi mentionnés notamment, le fait d’offrir une formation de type « compréhensif »
dans laquelle les élèves ne sont pas soumis au stress des examens, où les repas sont fournis
par l’école et dont les frais reliés au cheminement scolaire de chaque élève sont entièrement
couverts par le système public font partie des renseignements fréquemment donnés.
Finalement, cette étape nous a permis de faire certaines découvertes intéressantes,
notamment trois ouvrages auxquels nous n’aurions pas eu accès à la bibliothèque de
l’Université Laval et qui expliquent, en détail, plusieurs éléments centraux du programme
de formation soit la formation à la recherche et le concept de rationalité pédagogique. Nous
avons d’ailleurs intégré ces ouvrages à nos lectures préparatoires, de manière à nous
approprier plus en profondeur les concepts inhérents au programme.
C’est à partir des réussites et des échecs de nos premières semaines sur le terrain que nous
nous sommes tournés vers la démarche ethnographique et de manière plus générale, vers le
cadre théorique et méthodologique proposé par Joseph (2011) que nous avons pris soin
Chapitre 4 - Méthodologie
48
d’exposer dans le chapitre précédent. Cette démarche a pour avantage de mettre de l’avant
l’expérience du chercheur (nous-mêmes) dans la découverte d’un nouveau milieu. En
choisissant cette approche méthodologique, notre objectif était d’arriver à générer des
résultats de recherche en lien avec notre problématique en puisant de l’information dans
notre quotidien et dans nos interactions avec le milieu plutôt que de nous en tenir aux
discours des acteurs.
L’intégration au terrain de recherche s’est faite graduellement, notre connaissance du
milieu permettant de nous rapprocher des acteurs et d’évoluer au cœur de ce qui se vit dans
le programme. Notre compréhension du terrain de recherche s’est peaufinée au fil des mois.
Nous croyons que notre immersion prolongée au sein du programme a largement contribué
à la réussite de ce projet de recherche.
4.4 Posture critique, démarche compréhensive: le choix de l’ethnographie
Cette étude s’inscrit dans le paradigme de la recherche qualitative/interprétative issue du
courant anthropologique. La recherche qualitative a pour avantage d’offrir la souplesse
nécessaire à la réalisation d’une étude qui, comme dans le cas présent, privilégie la
compréhension approfondie d’un milieu. Elle s’ajuste aux caractéristiques ainsi qu’à la
complexité des phénomènes humains et sociaux, en plus de mettre en valeur la subjectivité
du chercheur et des sujets étudiés (Anadon, 2006).
Pour Joseph (2011), un curriculum de formation contient des informations que seul le
contact avec les milieux d’éducation permettra de mettre en lumière. Le concept de
« culture » dans le contexte de la recherche sur le curriculum valorise l’idée qu’une
compréhension holistique d’un curriculum s’opère par l’analyse systémique de ses
composantes culturelles, celles qui nous informent sur la manière dont les acteurs ont
interprété le contenu d’un curriculum.
Ceci est rendu possible, toujours selon Joseph (2011) par le contact avec le milieu, par
l’observation et l’interaction avec un milieu d’éducation ou de formation. De ce fait, la
démarche ethnographique est vue comme la meilleure manière d’étudier le curriculum, car
elle permet d'aller au-delà de l’assemblage de ses critères et objectifs. Joseph (2011) dit de
la méthode ethnographique qu’elle est capable de fournir une meilleure compréhension
d’un curriculum en s’intéressant directement aux contextes éducatifs :
Chapitre 4 - Méthodologie
49
Through the discipline of anthropology or ethnography inquiry, we can better understand curriculum by evoking authentic representation of schooling, looking for patterns of belief and behaviour within classroom and educational system. [It] allows us to study curriculum not just as an explicit set of aims or plans, but as experiences encountered, the values inherent in the environment of the classroom and school, and connections to the encompassing culture surrounding the school (Joseph, 2011, p.28).
4.5 Comprendre la démarche ethnographique
Nous pouvons décrire l’ethnographie comme un travail de description-interprétation de
faits. Il s’agit de construire le savoir à partir du voir et d’une écriture du voir (Laplantine,
1996). La démarche ethnographique est associée à une expérience de l’altérité. C’est
pourquoi, le plus souvent, on l’associe aussi à l’expérience personnelle (Copans, 2010) et
au dépaysement (Beaud et Weber, 1997). D'ailleurs la métaphore du poisson de
l’anthropologue Margaret Mead fait valoir l’idée qu’il est difficile de prendre conscience de
ce qui caractérise la culture dans laquelle nous évoluons: « if a fish were to become an
anthropologist, the last thing he would discover would be water » (cité par Spindler, 1982
dans Joseph, 2011). Pour cette anthropologue, c’est dans la distance et la nouveauté qu’il
est possible de rompre avec ce que chacun considère comme familier.
Le chercheur qui a recours à cette méthode n’est donc pas face à un objet du monde
extérieur; il est lui-même un sujet face à d’autres sujets qui entretiennent des relations
sociales (Watier, 2005). En d’autres mots, l’observateur est intégré dans le champ même de
son observation. Par sa proximité avec son objet d’étude, le chercheur est en mesure de
relever l’épaisseur des pratiques, de leur donner un relief que d’autres approches
scientifiques ne sauraient donner. L’ethnographie constitue donc une méthodologie de
recherche qui fait appel à l’expérience subjective car elle n’est contrôlée que par le
chercheur alors qu’il évolue au sein même du milieu qu’il étudie. La démarche
ethnographique est d’ailleurs qualifiée par Laplantine (1996) « d’expérience physique
d’une immersion totale » (p.49).
Les données sont recueillies au sein de la démarche ethnographique par l’enquête de terrain
et le terrain constitue le lieu où le chercheur entre en interaction avec ceux qu’il étudie.
Cette méthode suppose un lent travail d’imprégnation et de familiarisation avec l’objet. Sur
le terrain, le chercheur qui privilégie l’ethnographie doit mettre de l’avant intelligence,
sensibilité et empathie. Le travail de terrain exige du chercheur qu’il soit simultanément
Chapitre 4 - Méthodologie
50
capable de sociabiliser, d’écouter, de mémoriser et d’interpréter ce qu’il voit (Peretz, 2007).
Comme la démarche ethnographique ne permet jamais de savoir à l’avance comment va
évoluer l’enquête, l’ethnographe doit aussi faire preuve de flexibilité (Beaud et Weber,
1997).
Afin d’objectiver son travail d’observation, le chercheur qui est appelé à s’immerger dans
son terrain de recherche doit aussi faire un travail de distanciation avec ce qu’il étudie, ce
dernier étant intégré dans le champ même de son observation et y jouant un rôle actif. Le
journal de bord constitue, dès lors, le principal outil de l’ethnographe ainsi que le principal
outil de mise à distance avec le terrain. Il traite du rapport du chercheur au milieu et du récit
des journées d’observation (Beaud et Weber, 1997). Le chercheur y collige les données de
sa recherche et ces données peuvent prendre diverses formes. En effet, l’ethnographe est
libre de recueillir des données de diverses sources. En réalité, il peut s’attarder à tout ce qui
lui semble utile ou intéressant. Il est d’ailleurs invité à considérer avec intérêt des objets qui
peuvent, à prime abord, paraître sans valeur. On parle alors de « fabrication » de données
ethnographiques, c'est-à-dire que toutes données peuvent s’avérer pertinentes dans la
mesure où elles contribuent au travail d’interprétation du chercheur (Beaud et Weber,
1997). En plus de pouvoir varier les sources, le chercheur choisissant l’ethnographie peut
aussi recourir à différents modes de collecte des données. L’analyse documentaire,
l’observation directe et l’entretien ethnographique constituent trois techniques de collecte
de données auxquelles les ethnographes ont souvent recours :
L’analyse documentaire
L’analyse documentaire constitue généralement la première étape d’une recherche
ethnographique, bien que le chercheur puisse choisir de prendre en compte de nouveaux
documents tout au long de son étude. Au début, l’analyse documentaire sert à construire
une première compréhension de son terrain de recherche. Beaud et Weber (1997) affirment
d’ailleurs que c’est par la lecture que se font les premiers apprentissages du milieu à
l’étude. Selon Combessie (1996), le chercheur qui se prête à une analyse documentaire peut
utiliser différentes sources : articles scientifiques, documents officiels, journaux, etc.
Chapitre 4 - Méthodologie
51
L’observation
L’observation ethnographique peut prendre différentes formes : directe, indirecte,
participante ou non-participante. Ces formes d’observation de distinguent entre elles par la
proximité du chercheur avec le terrain et par son niveau d’implication aux activités
entreprises par les acteurs.
L’observation participante a pour principale caractéristique de placer le chercheur au centre
du processus d’observation. Le chercheur s’implique dans la situation qu’il observe de
manière à la vivre en même temps que les observés. Son travail consiste à percevoir,
mémoriser et noter, dans un va-et-vient permanent, les faits observés sur le terrain de
recherche (Copans, 2010). Le chercheur qui, par exemple, observe les discussions
qu’entretiennent les étudiants à la cafétéria de l’université est un observateur non-
participant. Celui qui repère des visages connus, s’assoit avec eux et prend part à leur
discussion est un observateur participant, car il s’implique au sein même du groupe qu’il
observe. Les distinctions entre l’observation directe et indirecte résident dans le rapport à
l’objet de recherche.
L’observation directe, pour sa part, consiste à être le témoin des comportements sociaux
d’individus ou de groupes dans les lieux mêmes de leurs activités ou de leurs résidences
sans en modifier le déroulement ordinaire (Peretz, 2007). C’est aussi une forme
d’observation dite naturelle, c’est-à-dire que l’action n’est pas détournée de son
déroulement ordinaire (Peretz, 2007). Pour reprendre le même exemple, le chercheur qui
s’intéresse aux interactions entre les étudiants universitaires dans les contextes informels
s’installera dans les lieux fréquentés par les étudiants pour observer ce qu’ils font (la
cafétéria, le café, la salle de spectacles, etc.). Celui qui, au contraire, adopte une approche
indirecte, cherchera plutôt à reproduire artificiellement ces situations.
L’entretien ethnographique
L’entretien ethnographique est comme une seconde paire d’yeux et d’oreilles. Pour un
chercheur, qui n’est pas surhomme, il est impossible de tout voir et de tout entendre. En
effet, le chercheur n’a que deux bras, deux jambes, deux yeux et deux oreilles. Dès lors, il
lui est impossible d’être partout à la fois. L’entretien ethnographique permet donc à
l’ethnographe d’acquérir une connaissance du milieu au-delà de ce qui lui est possible
Chapitre 4 - Méthodologie
52
d’observer. S’entretenir avec les acteurs permet d'obtenir de nouvelles informations ainsi
que des explications aux interrogations générées par son travail d’observation.
D’autre part, l’entretien ethnographique sert à valider ou à vérifier les informations
recueillies par observation (Kaufmann, 2007). Les entretiens que mène le chercheur ont
pour objectif, dans ces cas-là, de s’assurer que ses observations sont justes. Les
informations alors transmises par les acteurs peuvent aider le chercheur dans l’analyse et
l’interprétation des données.
L’entretien ethnographique peut prendre la forme d’un entretien semi dirigé ou non dirigé
dépendamment des besoins du chercheur. En d’autre termes, le chercheur peu posséder, ou
non, un canevas d’entretien. Dans la mesure où il n’en détient pas, il questionne
simplement les acteurs à partir de ses observations et de ses interrogations. L’entretien
ethnographique peut se dérouler autant dans des contextes formels (entretien sur rendez-
vous) qu’informels (sur le vif).
4.6 Les informations spécifiques à notre terrain de recherche
Afin de mieux comprendre l’identité professionnelle de l’enseignant finlandais, nous avons
réalisé une étude de cas au sein d’un programme de formation initiale à l’enseignement,
celui de l’Université d’Helsinki en Finlande. Le choix de l’Université d’Helsinki relève de
contraintes organisationnelles et à titre d’étudiant international, cette institution s’avérait
être la plus accessible.
La possibilité de passer dix mois sur le terrain de recherche a permis l’amélioration
constante des outils de collecte de données notamment la grille d’observation et la grille
d’entretien en procédant aux ajustements nécessaires au fur et à mesure des découvertes et
des questionnements suscités. Le contact prolongé avec le terrain a aussi permis la
réalisation d’une collecte de données riches et variées. Les prochains paragraphes
présentent d’abord notre terrain de recherche. Il expose ensuite, de manière séquentielle,
l’ordre général dans lequel la collecte de données a été réalisée, bien que ces étapes se
soient parfois chevauchées et/ou entrecoupées.
Chapitre 4 - Méthodologie
53
4.6.1 Terrain de recherche et cueillette de données
Notre terrain de recherche prenait la forme d’un petit territoire dans lequel cogitaient les
étudiants inscrits dans un programme de formation initiale à l’enseignement. Il incluait tous
les lieux dans lesquels on retrouve les étudiants de la formation initiale à l’enseignement
primaire. Rappelons que nous avons choisi de documenter uniquement la formation des
enseignants du primaire (luokanopettaja), car seule cette formation était dispensée en
totalité au Département de la formation initiale. La formation des enseignants du secondaire
(aaineopettaja) s’effectue un peu partout sur le campus de l’Université : dans les autres
facultés, dans le réseau d’écoles associées. La formation des enseignants du secondaire, de
par le contenu des cours (disciplinaires) rendait notre participation aux cours quasi
impossible. Dans le cas de la formation des enseignants du primaire, bon nombre de cours
pratiques nous étaient facilement accessibles, puisqu’il s’agissait le plus souvent de
manipuler des objets, des outils ou encore des instruments de musique. Les formules
pédagogiques déployées dans ces cours (les projets, les plénières) ont aussi facilité notre
intégration. Le contexte assez informel des rencontres, le petit nombre d’étudiants, sont
autant d’éléments qui nous ont permis de se faire une place au sein de la formation des
enseignants du primaire. Ces lieux se situent dans quatre édifices principaux
(Siltavuorenpenger 1A, 3A, 5A et 10) dans lesquels on retrouve des salles informatiques,
une cafétéria, une bibliothèque, une didacthèque ainsi que des locaux spécialisés pour les
cours d’arts et de musique. Ces édifices regroupent aussi des locaux pour le personnel
administratif, les bureaux des formateurs ainsi que des équipes de recherche.
Sur le terrain, les acteurs observés et rencontrés étaient des étudiants, des formateurs ainsi
que certains membres de l’administration du programme de formation des maîtres. Les
étudiants que nous avons côtoyés en étaient à différentes étapes de leur scolarité.
Mentionnons toutefois que la plupart d’entre eux faisaient leurs études de premier cycle ou
débutaient leurs études de deuxième cycle. Il n’était pas vraiment possible, comme nous le
verrons au chapitre 4, de suivre une « cohorte » d’étudiants, car les cheminements des
étudiants varient en fonction de leur plan d’étude.
Le travail d’observation a débuté en septembre 2011 et s’est poursuivi jusqu’en juin 2012.
Comme le contact avec les acteurs est devenu plus naturel et plus souple au fil des mois, un
travail d’observation plus soutenu s’est effectué entre février et juin 2012. Une grille
Chapitre 4 - Méthodologie
54
d’observation a servi de support à notre travail d’observation. Dans son tableau intitulé
« investigating curriculum », Joseph (2011, p.68) distingue six composantes culturelles
susceptibles de nous informer sur les idéologies et les valeurs qui sous-tendent un
curriculum : la vision, les étudiants, les formateurs, le contexte, la planification et
l’évaluation. Nous avons construit notre grille d’observation à partir de ces composantes
(voir annexes E et F) :
- Vision : les finalités de la formation;
- Étudiants : les croyances du programme vis-à-vis les besoins des élèves, leurs intérêts
et leur source de motivation à l’école;
- Formateurs : les croyances des enseignants quant à leur rôle professionnel;
- Le contexte : l’environnement de la classe et de l’école;
- La planification : la manière d’élaborer le curriculum de formation : les acteurs en
charge, les décideurs;
- L’évaluation : la manière de procéder à l’évaluation des étudiants, la manière
d’élaborer l’échelle d’appréciation des résultats aux évaluations.
Notre grille a servi de point de chute à toutes les informations recueillies ici et là par nos
diverses méthodes de collecte. Les informations comprises dans nos grilles ainsi que toutes
les autres observations ou commentaires furent recueillis et compilés dans un journal
ethnographique. Nous y avons eu recours quotidiennement pour y noter nos observations,
nos commentaires et nos interrogations. Nous y avons aussi noté la progression de la
recherche ainsi que les événements se rapportant à l’enquête.
Mentionnons toutefois que, de manière générale, le travail d’objectivation de nos
observations n’a pas été une tâche facile. En effet, les premières semaines d’observation ont
été biaisées par notre fascination pour le nouveau milieu. En plus, notre regard était
particulièrement conditionné par notre propre expérience de formation initiale à
l’enseignement. En effet, nous avions tendance à comparer les éléments du programme
finlandais à ceux du programme québécois. Dès lors, notre attention focalisait sur des
éléments précis au lieu de considérer l’ensemble des composantes culturelles. Bien que
notre travail soit réellement le fruit d’un regard croisé entre notre propre expérience à titre
d’ancienne étudiante en formation des maîtres et notre expérience de formation en contexte
finlandais, nous croyons cependant avoir appris, au fil des semaines, à tirer le meilleur
Chapitre 4 - Méthodologie
55
profit de ce « double bagage ». Le journal ethnographique, la démarche d’écriture et de
lecture qui lui est inhérente, a permis une mise à distance entre ces expériences et nous-
mêmes.
Pour ce qui est des entretiens, nous en avons mené dix-huit, d’une durée moyenne de 40
minutes et chaque entretien a été enregistré sur ordinateur à l’aide de l’application Smart
Recorder. Les participants étaient tous des formateurs du Département de la formation
initiale à l’enseignement et ont été recrutés suite à notre travail sur le terrain. Nous les
connaissions pour nous avoir donné un cours ou pour avoir animé un séminaire. Certains
d’entre eux nous ont été référés par d’autres formateurs, par le bouche à oreille. Le
recrutement s’est effectué selon deux critères simples : 1) agir à titre de formateur au sein
du programme des enseignants du primaire 2) et ce depuis au moins cinq ans. Nous avons
arrêté ces critères, en particulier, car nous tenions à nous entretenir avec des formateurs
capables de nous parler des cours offerts par le programme. Dès lors, il était essentiel que
ces derniers dispensent réellement des cours. Nous avons aussi choisi d’inclure un critère
« d’ancienneté » de cinq années afin de nous assurer que les formateurs détiendraient une
connaissance relativement bonne du programme dans son ensemble. Mentionnons toutefois
que nous nous sommes entretenus avec un professeur émérite qui, bien qu’il ne dispensait
plus la formation, en connaissait beaucoup sur le programme puisqu’il avait contribué à son
élaboration dès les années 1970. Ce formateur ne donnait plus de cours depuis quatre ans,
mais s’impliquait encore dans l’administration du programme. À ce sujet, mentionnons
aussi que nous avons cherché à recruter des formateurs qui, en plus de répondre à nos
critères de sélection de base, détenaient une expérience dans l’administration du
programme de formation (directeur de programme, responsable de la formation à la
recherche). Nous avons cru bon de les inclure afin qu’ils puissent nous fournir un éclairage
sur certains faits difficilement observables (des faits historiques, par exemple ou encore
certaines contraintes administratives que nous n’arrivions pas à démystifier à partir de nos
observations).
Nous avons choisi de nous entretenir uniquement avec les formateurs étant donné qu’il était
facile de communiquer avec eux en anglais. Qui plus est, nous jugions que ces derniers
étaient les mieux placés pour nous aider à documenter le curriculum de formation,
puisqu’ils travaillent quotidiennement à son élaboration et à son fonctionnement. Notre
Chapitre 4 - Méthodologie
56
objet de recherche étant le curriculum de formation, les formateurs et les administrateurs
étaient les mieux placés pour répondre à nos questions. Les étudiants, pour leur part, ont été
observés et questionnés sur le vif, dans le cadre de notre travail d’observation participante.
Nous aurions aussi pu mener des entretiens auprès d’eux. Toutefois, nous tenions à ne pas
tomber dans des entretiens traitant de l’appréciation ou encore des perceptions des étudiants
à l’égard du programme. Non pas que ces informations ne soient pas dignes d’intérêt, mais
nous devions garder en tête notre objet d’étude, c’est-à-dire le curriculum, et non
l’expérience de formation des futurs enseignants. Mentionnons toutefois, pour conclure sur
ce point, que nous avons eu la chance de côtoyer les étudiants de près dans le cadre de nos
cours, et ainsi retirer de nos échanges informels des informations intéressantes que nous
avons compilées dans notre journal de bord.
Suite à une première rencontre informelle où nous nous introduisions et expliquions
brièvement notre projet, nous recrutions formellement les formateurs par l’envoi d’un
courriel les invitant à prendre part à l’étude. À ce courriel était jointe une description
détaillée du projet de recherche (voir annexe C). L’objectif visé par ces entretiens était
d’accumuler un maximum d’informations, en particulier celles qui sont difficiles à observer
sur le terrain: par exemple, l’information concernant l’évaluation, les dilemmes ou encore
la planification. Ces thèmes plus abstraits sont difficiles à observer dans les situations
concrètes du quotidien. Les propos des acteurs venaient aussi compléter, infirmer ou
confirmer certaines interprétations découlant de nos observations. Dès lors, la
retranscription intégrale ne s’avérait pas nécessaire puisque nous ne nous intéressions pas
au caractère « récurrent » des informations transmises par les informateurs. Chaque
entretien a été écouté entre trois et cinq fois en adoptant la méthode « d’attention flottante »
telle que décrite par (Kaufmann, 2007). Il s’agissait d’écouter l’entretien en s’intéressant à
la fois à tout et à rien. Chaque écoute révélait de nouvelles informations intéressantes et
nous mettait sur de nouvelles pistes d’interprétation. Les informations que nous jugions
intéressantes étaient compilées dans un tableau construit à partir des composantes de la
culture du curriculum que nous avons abordées plus tôt (voir annexes E et F).
Chapitre 4 - Méthodologie
57
4.7 Au-delà de la subjectivité : savoir faire preuve de rigueur scientifique
L’ethnographie, bien qu’elle présente de nombreux avantages sur le plan méthodologique
comme la souplesse et la proximité, doit être menée avec rigueur puisqu’elle se fonde sur la
subjectivité du chercheur et de ses informateurs. Faire preuve de rigueur dans le cadre
d’une enquête de terrain implique, selon Merriam (1988), de procéder à une observation à
long terme des sujets étudiés, d’impliquer les participants à toutes les étapes de la recherche
et finalement, de déclarer la subjectivité et les préconceptions du chercheur dès le début du
projet.
Dans le cadre de ce projet, on peut affirmer que ces trois recommandations ont été prises au
sérieux et mises en application. Mentionnons d’emblée que nous avons privilégié
l’utilisation d’un journal de bord comme principale stratégie de mise à distance. En effet,
c’est par l’écriture que nous sommes parvenus à objectiver notre démarche de recherche
celle-ci permettant de porter un regard analytique sur notre travail.
Les dix mois passés ensuite au sein du programme de formation ont permis une intégration
graduelle qui a facilité les activités d’observation, lesquelles étaient de plus en plus fidèles
à la réalité des acteurs. Alors qu’au départ, les observations se faisaient de loin, dans les
corridors, ou à l'intérieur des cours n’incluant que quelques étudiants inscrits au programme
de formation des maîtres, les dernières semaines d’observation se sont déroulées dans les
cours pratiques destinés uniquement aux étudiants de la formation des maîtres.
Les contacts avec la Faculté, les formateurs puis avec les étudiants finlandais, le contact
avec le pays et la langue, ont contribué à la richesse des données et à la qualité du travail de
description-interprétation. Au fil des mois, notre compréhension du terrain s’est affinée et
le travail d’interprétation a été nourri jusqu’à la fin de nos expériences dans un contexte
universitaire. À ce sujet, mentionnons que les enjeux de proximité et de contact prolongé
avec le terrain nous ont fait opter pour la rédaction d’un journal de bord (journal
ethnographique) comme principale stratégie de mise à distance avec notre terrain d’étude.
Nos préconceptions, pour leur part, étaient d’abord issues de notre propre expérience de
formation à l’enseignement en adaptation scolaire et sociale. Le fait d’avoir pris part à un
programme de formation initiale à l’enseignement nous a poussés à nous intéresser aux
éléments de contenu et de structure comparables à ceux présents dans le programme de
Chapitre 4 - Méthodologie
58
formation québécois. Voici, à titre d’exemple, des réflexions issues du journal
ethnographique qui montrent combien, dans les premiers mois de l’étude, nous tendions à
comparer ce que nous observions en Finlande avec ce que nous connaissions du contexte
québécois :
Je remarque que les stages sont vraiment courts comparativement à nous (20 semaines en Finlande et dix mois au Québec). Je trouve aussi que les cours sont curieusement organisés. On ne reçoit pas de plan de cours. On reçoit juste des consignes pour des travaux (essai) avec plusieurs dates de remises différentes. Les lectures obligatoires sont substantielles ! (tiré du journal ethnographique, 26 septembre 2011).
L’idée très positive que nous détenions de la formation des maîtres dispensée en Finlande
fut une autre préconception ayant contribué à biaiser nos observations et nos interprétations
de la réalité dans les premières semaines de travail sur le terrain. À notre arrivée, nous
étions rapidement tentés d’observer et d’interpréter la réalité en considérant, d’emblée,
toutes les caractéristiques du programme comme des éléments expliquant la performance
des élèves aux évaluations PISA. La fascination que nous avions pour le programme nous a
toutefois empêchés de prendre le recul nécessaire pour l’observer selon ce qu’il est
vraiment. Pendant plusieurs semaines, les observations réalisées menaient de facto à des
interprétations positives de la réalité. Une fois passée l’étape de familiarisation avec le
terrain, ces interprétations se sont avérées impressionnistes.
Je trouve que les étudiants semblent cultiver une belle curiosité intellectuelle. On est en octobre et la bibliothèque est déjà pleine. Les étudiants ne se plaignent jamais du travail à faire dans les cours et ils parlent tous en anglais. Ils participent même à des cours en anglais qui ne sont pas obligatoires à leur cheminement. Je trouve qu’ils sont très motivés (tiré du journal ethnographique, 3 octobre 2011).
Nos préconceptions à l’égard du modèle finlandais ont eu une influence sur le regard que
nous posions sur les situations. Comme nous savions que les étudiants de la formation
initiale étaient soumis à un processus de sélection sévère, ces derniers nous apparaissaient
d’emblée comme étant « brillants » et « motivés ». De plus, les expériences que nous
avions vécues dans le cadre de notre propre formation, où des étudiants cherchaient à
diminuer les charges de travail proposées par les formateurs, nous ont fait voir les étudiants
finlandais comme étant « travaillants » et « sérieux » puisqu’ils n’adoptaient pas ce genre
d’attitude.
Chapitre 4 - Méthodologie
59
Ce regard sur le programme et ses étudiants était aussi biaisé par la conception que nous
nous avions alors d’un « bon » programme de formation à l’enseignement, conception que
nous avions développée suite à notre propre expérience de formation perçue alors comme
incomplète. Pour nous, un bon programme cherche à former des enseignants qui valorisent
la curiosité intellectuelle en favorisant des apprentissages n’étant pas directement en lien
avec la tâche d’enseignement, mais qui contribuent à enrichir le savoir de l’enseignant.
Comme nous pensions que la Finlande valorise ce type de formation, nous avions tendance
à interpréter la réalité de manière à inscrire ce que nous voyions dans ce type de formation :
Je vois que le programme offre une série de cours vraiment variés pour développer la culture générale des étudiants. Il y a des cours d’histoire et de musique. Il y a même des cours de littérature et de langues étrangères. On voit que le programme cherche vraiment à ouvrir les enseignants sur le savoir. Ça fait une formation vraiment intéressante comparativement à une formation qui est davantage axée sur l’acquisition de compétences utiles uniquement à notre tâche d’enseignement (tiré du journal ethnographique, 21 septembre 2011).
Ces préconceptions, au fil des semaines, étaient mises en exergue par le travail d’analyse
des observations et des discussions avec le superviseur de recherche. Les premières
observations du terrain se sont effectuées à travers des « lunettes » cherchant des réponses à
nos questions plutôt que des pistes de réflexion. Avec le temps, ces préconceptions se sont
amoindries et un réel travail de compréhension du milieu s’est enclenché par une mise à
distance de l’objet d’étude. À ce sujet, nous croyons que le fait d’avoir passé près d’une
année entière sur notre terrain de recherche a eu un impact positif sur le travail de terrain,
d’abord parce qu’il nous a permis de nous rapprocher des acteurs, mais aussi parce que ce
n’est qu’après avoir rompu avec nos préconceptions qu’une réelle démarche de
compréhension de l’autre a été rendue possible.
4.8 La triangulation comme moyen d’assurer la validité interne de la recherche
Selon Kaufmann (2007), la validité d’un travail de recherche peut être observée dans la
cohérence de l’ensemble de la démarche. Cette cohérence est assurée par la méthode de
validation appelée « triangulation ». Elle s’effectue en recherchant les convergences entre
les résultats (Kaufmann, 2007). Elle s'applique à la confrontation de plusieurs sources de
données ou d’instruments variés de collecte de données. Elle exige donc un travail
préalable de variation des points de vue et des modes de collecte de données de la part du
Chapitre 4 - Méthodologie
60
chercheur. La triangulation devrait généralement inclure deux séries de comparaison (Van
der Manen, 1996). La première série consiste à aller chercher de l’information en variant
les sources sans toutefois diversifier les techniques de collecte. La seconde série nécessite
de varier les techniques sans apporter de changement à la source d’information. Cette
combinaison d’informateurs et d’instruments contribue à la construction de la complexité
de l’objet d’étude et dès lors, à la validité interne du cas.
Dans le cadre de cette recherche, la méthode de triangulation a été prise en considération,
mais n’a toutefois pas été appliquée de manière systématique. Bien que nous ayons eu
recours à différentes sources de données et à différents modes de collecte, ces derniers
n’ont pas été appliqués systématiquement à toutes les situations, comme le préconise la
triangulation. Par exemple, les formateurs rencontrés n’ont pas tous été à la fois observés et
interviewés. Certains se sont prêtés à un entretien, alors que d’autres ont été observés. Il en
va de même pour les étudiants impliqués dans l’étude. La validité de cette recherche ne
réside donc pas dans la régularité de sa démarche, mais plutôt dans le souci d’accumuler
une grande quantité d’informations variées permettant la construction d’une compréhension
précise de la réalité dans laquelle nous avons évolué au cours de cette année en Finlande.
Pour Anadon (2006), d’autres critères de validité s’ajoutent à l’importance de la cohérence
de la démarche. Ces critères sont: la crédibilité, l’immersion sur le terrain et le respect de
principes éthiques.
Dans le cadre de notre recherche, le choix de la Finlande, que nous avons pris soin de
justifier en introduction, répond au critère de crédibilité, si l'on considère que ce pays se
démarque considérablement pour la qualité de l’éducation. Le fait de participer au
programme de formation initiale à l’enseignement sur une période de près d’une année (dix
mois) répond au deuxième critère de rigueur, qui est celui de l’immersion sur le terrain. En
plus d’une immersion significative à même le programme de formation des maîtres, ce
projet de recherche a pour qualité d’avoir eu un contact prolongé avec le terrain, permettant
ainsi un travail d’interprétation mieux informé.
Finalement, ce projet fut soumis et accepté par le Comité d’Évaluation de la Recherche de
l’Université Laval et son déroulement respecte toutes les exigences prescrites par ce
comité. Les informateurs contactés pour les entretiens semi-dirigés ont été informés sur les
Chapitre 4 - Méthodologie
61
buts et les modalités du projet de recherche grâce à un formulaire de consentement qu’ils
ont dû signer pour signifier leur accord quant à leur participation au projet (voir annexe D).
La protection de la vie privée des informateurs fut assurée par la substitution de leur nom et
prénom par des pseudonymes lorsque nous nous y référions dans notre journal. Les
enregistrements ainsi que toutes les informations issues des observations ont été conservés
dans un endroit sûr, sous clé, et y resteront pour une période de cinq ans, après quoi toutes
les données seront détruites. Finalement, afin d’assurer un maximum de transparence, un
compte-rendu de la recherche et des résultats qu’elle a générés sera envoyé aux
informateurs.
4.9 Analyse des données
Nous avons parlé, dans le chapitre 3, de l’existence d’une culture du curriculum. Ce
concept théorique soutient qu’un curriculum de formation existe par-delà son syllabus. Le
contenu du curriculum, le choix des thèmes abordés, le temps octroyé à la formation
pratique et théorique, la manière d’organiser la progression des apprentissages sont autant
d’éléments qui insufflent un style de vie propre à un programme de formation. Joseph
(2011) nous invite d’ailleurs à observer les manifestations concrètes de ce curriculum
auprès des étudiants et des formateurs, ce que nous avons fait. Ce concept se trouve au
cœur de notre travail de recherche. Bien qu’il balise notre travail de description et
d’interprétation, la démarche d’analyse inhérente à cette étude est une démarche inductive.
Car ni les profils identitaires, ni les caractéristiques propres à la culture du curriculum qui
seront identifiées sur le terrain ne peuvent en tout point se coller à une typologie
préexistante. D’ailleurs, il nous apparaît important de souligner que Joseph (2011) parle
d’un canevas pour comprendre le curriculum, et non pas pour en faire l’analyse. Il ne s’agit
donc pas de camper nos observations dans les catégories établies par Joseph (2011), mais
plutôt d’utiliser ces catégories pour structurer notre travail d’observation et d’analyse. Nous
ne voulons pas contraindre nos données à une catégorisation toute faite. Nous savons que
chaque terrain est unique, et nous voulons présenter le nôtre avec toutes ses richesses sans
avoir à laisser tomber des données au profit d’une catégorisation. Le concept de culture du
curriculum demeure au cœur de notre étude. Le cadre proposé par Joseph (2011) est pour
nous un outil visant à faciliter notre travail d’observation et d’analyse plutôt qu’une
typologie que nous nous imposons.
Chapitre 4 - Méthodologie
62
Notre analyse s’exécute en trois temps, afin de répondre à nos trois objectifs de recherche.
Dans un premier temps, il s’agit de s’intéresser plus spécifiquement au curriculum, à la
manière dont sont dispensés les cours. À cette étape, nous documentons le curriculum sans
toutefois s’intéresser à la culture qui lui est inhérent. Il s’agit surtout de découvrir le
curriculum dans son aspect formel. Nous cherchons à documenter ce qui pourrait
éventuellement nous informer sur une culture du curriculum, à savoir les caractéristiques
structurelles et organisationnelles du programme.
Dans un deuxième temps, notre analyse porte sur les caractéristiques du programme
décrites à l’étape précédente. À cette étape, les informations qui ont été recueillies sont
replacées dans le contexte de notre grille d’analyse. Une fois dans la grille, il devient
possible de voir ressortir certaines caractéristiques prédominantes. Ce sont ces
caractéristiques que nous présenterons alors.
De la même manière, la troisième étape implique de réfléchir sur les compétences, les
qualités et les aptitudes valorisées par un curriculum dont la culture est X, la structure Y et
l’organisation Z. À cette étape, le travail d’analyse des deux sections précédentes nourrit le
travail d’interprétation. Les compétences, aptitudes et qualités identifiées seront
rassemblées par profil identitaire.
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
63
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données Notre travail d’ethnographie nous a permis de recueillir une multitude de données, que
nous avons choisi de présenter en trois différentes parties. Dans un premier temps, ce
chapitre présente les caractéristiques structurelles et organisationnelles du programme de
formation que nous avons étudié. Par la suite, il propose une interprétation de la culture du
curriculum. Le chapitre se conclut par une analyse des profils identitaires qui émergent des
caractéristiques propres à cette culture.
5.1 Composantes structurelles et organisationnelles
5.1.1 Le Département de la formation initiale à l’enseignement
Le Département de la formation des maîtres (opettajankoulutuslaitos) fait partie de la
Faculté des behavioral sciences avec le Département de psychologie et des sciences du
langage. Ce département compte six programmes, dont celui de la formation initiale à
l’enseignement, destiné à la formation des enseignants du primaire (luokanopettajan
koulutus). Le département se spécialise aussi dans la formation des éducateurs à l’enfance
(lastentarhanopettajan koulutus), des enseignants en adaptation scolaire
(erityispedagogiikan koulutus), des enseignants du secondaire (aineenopettajan koulutus)
ainsi que des enseignants spécialisés dans la formation aux travaux manuels et aux arts
(kotitalous ja käsityötieteen koulutus).
La formation initiale à l’enseignement est offerte par la Käyttäytymistieteellinen Tiedekunta
(Faculté des Sciences behaviorales). Les cinq édifices qui accueillent les étudiants de la
Faculté sont tous situés dans un même quartier du centre-ville d’Helsinki. Certains édifices
sont dotés de locaux spécialisés permettant la manipulation et l’expérimentation de
différents équipements utiles au développement des compétences de l’enseignant
(équipements de menuiserie, métiers à tisser, salles insonorisées, salles informatiques,
espace aménagé pour la lecture d’albums pour enfants à la bibliothèque, etc.).
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
64
Photo 1: le local de menuiserie*
* tirée du journal ethnographique
Photo 2: le local de didactique des mathématiques*
* tirée du journal ethnographique
Photo 3: un local de pratique pour les leçons de piano *
* tirée du journal ethnographique
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
65
Photo 4: le local d’arts*
* tirée du journal ethnographique
Le syllabus
La formation initiale offerte à l’Université d’Helsinki est composée d’un programme de
premier cycle d’une durée de trois ans, suivi d’une formation de deuxième cycle d’une
durée de deux ans. Les études de premier cycle sont complétées lorsque l’étudiant a réalisé
la totalité des cours obligatoires et optionnels, en plus de la rédaction de son projet
personnel (bachelor thesis). Les études de deuxième cycle, quant à elles, sont complétées
une fois que l’étudiant a réalisé la totalité des cours exigés par le département (obligatoires
et optionnels), ainsi que son mémoire de maîtrise.
Le syllabus de la formation, dans sa version intégrale, est disponible à l’annexe G de ce
document. Sa composition s’avère cependant assez difficile à saisir. En effet, ce n’est qu’à
la suite de plusieurs semaines sur le terrain que nous sommes parvenus à le démystifier.
C’est pourquoi nous tenterons, afin d’en faciliter la compréhension, d’expliquer les grands
domaines de la formation, sans toutefois chercher à expliquer les cours et leur contenu.
La littérature indique, comme nous l’avons vu dans le premier chapitre, que le programme
se construit autour de trois grands concepts: le raisonnement pédagogique, l’intégration
théorie/pratique et, plus largement, l’approche basée sur la recherche. La figure suivante,
tirée de Krokfors et al. (2011, p. 4), illustre comment les grands concepts et les cours
coexistent pour former le programme tel qu’il existe :
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
66
Figure 2 : Structure générale du programme, tiré de Krokfors,, Kynäslahti, Stenberg, Toom, Maaranen, Jyrhämä, et al. (2011).
Comme il est possible de constater, les cours du programme (présentés à droite) sont
répartis entre trois grands champs: la majeure en sciences de l’éducation (education as a
main subject), les études multidisciplinaires (education as a minor subject), les mineures et
les cours optionnels (option minor subjects/optional studies). Cette structure, que nous
allons présenter plus en détail dans cette section, se révèle être une source intéressante
d’information.
Le curriculum de formation initiale à l’enseignement offert à l’Université d’Helsinki
possède donc trois champs de formation prioritaire. En établissant des rapports de
proportions entre les différentes parties du programme, il est possible de voir l’importance
accordée aux différents éléments du curriculum de formation.
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
67
Tableau 2: Champs de formation dans la majeure
Champs de formation ECTS9 % Nombre de cours
Major in Education • Cultural basis of education • Psychological basis of education • Pedagogical basis of education • Research studies in education • Teaching practice
140 46,66 16
Multidisciplinary studies 60 20 17
Optional minor subject and optional studies 75 25 N/A
TOTAL: 300 100
En regardant ces grands regroupements, on constate ce à quoi l’on accorde le plus
d’importance au sein de la formation. Sans grande surprise, le Major in Education occupe
la plus importante portion du curriculum (46,66%).
Fait intéressant, la seconde plus grande portion du curriculum est dédiée à la partie
optionnelle/libre de la formation, c’est-à-dire les minor studies (25%). Le cinquième de la
formation est réservé aux multidisciplinary studies. Il s’agit des études dites
« vocationnelles », où les futurs enseignants reçoivent une formation pratique sur les
sujets/matières qu’ils auront à enseigner en milieu scolaire.
On remarque que cette section compte pour 60 crédits, répartis sur 17 cours. Il s’agit donc
de petits cours si l’on compare à ceux offerts au sein de la majeure (140 crédits répartis sur
16 cours).
Mentionnons, avant de poursuivre, que la présentation qui suit a été divisée non pas en
fonction du cycle d’études (premier ou deuxième cycle) mais plutôt en fonction des quatre
domaines du programme. Nous avons choisi de procéder de la sorte afin de refléter le
mieux possible le programme tel qu’il est instauré. En effet, bien que le document présenté
en annexe G établisse des frontières explicites entre la formation de premier cycle et celle 9 L’European Credit Transfert System (ECTS) octroie un crédit pour environ 27 heures de formation. Pour
des fins de comparaison, disons qu’un crédit canadien correspond à trois ECTS. À titre d’exemple, la formation initiale à l’enseignement qui compte pour 300 ECTS dans une université finlandaise correspond à une formation d’environ 100 crédits dans une institution d'enseignement universitaire québécoise.
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
68
de deuxième cycle, la réalité s’avère beaucoup moins clairement définie. Lors de son
élaboration dans les années 1970, le programme était composé de cinq années de formation
complétées par la rédaction d’un mémoire de maîtrise, ce dernier menant à l’obtention d’un
diplôme et d’un permis d’enseigner. Avec la mise en place du Plan Bologne, la structure du
programme s’est scindée de manière à respecter les nouvelles contraintes européennes.
Même si la formation prend officiellement la forme « two tiers » privilégiée par le Plan
Bologne, l’ancienne formule plus souple laisse encore sa trace aujourd’hui dans la manière
d’organiser le programme et de faire cheminer les étudiants. À l’image du programme
d’origine, le cheminement des étudiants s’organise avec souplesse, faisant en sorte qu’il est
non pertinent de chercher à situer un cours donné dans une année ou un semestre en
particulier. Un des défis de notre présence sur le terrain a d’ailleurs été de déchiffrer cette
façon d'organiser le curriculum :
Je rencontre des étudiants de 4ème année qui ont terminé leur mémoire, mais qui n’ont toujours pas fait aucun stage. Inversement, j’ai rencontré des étudiants de cinquième année qui avaient fait leur stage et travaillaient présentement en milieu scolaire, sans toutefois avoir complété leur mémoire. Dans mon cours de musique, certains étudiants sont en stage en avant-midi, c’est pourquoi il leur arrive de s’absenter, alors que d’autres en sont seulement à leur deuxième année de formation. Je remarque que les étudiants semblent emprunter des chemins différents, ne pas être rendus au même stade au même moment... Une étudiante m’a brièvement expliqué aujourd’hui qu’ils sont libres d’organiser leur formation en établissant leur propre plan d’étude avec l’accord de la direction du programme. Il faudrait voir à quel point ils sont libres de choisir, car j’ai compris en procédant à mon inscription que certains cours étaient préalables à d’autres (tiré du journal ethnographique, 18 novembre 2011).
La formation à toute vitesse
La formation évolue dans un contexte pressurisé par la multitude de cours imposés par le
curriculum. Bien qu’il soit impossible de donner un nombre exact de cours à suivre étant
donné les différents parcours, on peut affirmer que les cours obligatoires du programme
sont au nombre de 45, soit neuf cours par année. Ceci exclut, comme je l'ai mentionné, les
cours relevant de choix personnels, c'est-à-dire les mineures. Si l’on considère que certaines
sessions ne comptent qu’un seul cours, par exemple lors des stages et de la rédaction du
mémoire, on peut estimer que chaque session compte entre sept et neuf cours. Les cours
offerts au sein du programme comptent généralement pour peu de crédits (en moyenne 3
crédits, où 1 crédit compte pour environ 27 heures). Plusieurs informateurs reprochent
d’ailleurs au programme d’inclure trop de petits cours : « the program is too full of too little
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
69
things » soutient un formateur avec lequel nous nous sommes entretenus du manière
informelle. Cette réalité place les étudiants devant une multitude d’exigences et de travaux
variés. Des informateurs nous dirons d’ailleurs que peu d’étudiants complètent réellement
la formation en cinq ans. Une grande partie d’entre eux, bien que nous ne détenions pas le
chiffre exact, choisissent d’alléger la formation qui se veut très intense surtout les deux
premières années. Selon certaines formatrices, la formation serait, le plus souvent,
complétée en six ou même sept ans pour certains. Le temps à allouer à la rédaction du
mémoire, de même que la possibilité d’obtenir un contrat de suppléant avant d’avoir
complété la formation sont d’autres facteurs qui contribueraient à ralentir leur cheminement
au sein de programme.
De manière spécifique, nous nous sommes aussi intéressées aux contenus enseignés dans la
majeure en sciences de l’éducation, domaine de formation qui se situe au cœur du
programme et qui occupe une place prépondérante.
Tableau 3: Axes de formation dans la majeure
Axes de formation ECTS %
Cultural basis of education 15 5
Psychological basis of education 15 5
Pedagogical basis of education 20 6,66
Research studies in education 70 23,22
Teaching practice 20 6,66 TOTAL: 140 100
Dans ce tableau, on remarque que le pourcentage de la formation dédié à la réalisation de
stages en milieu scolaire est de 6,66%, ce qui représente une des plus petites portions du
curriculum. Ce pourcentage nous indique que les stages ne sont pas de première importance
dans ce curriculum. À l’inverse, la formation à la recherche compte pour quatre fois plus,
soit 23,22% du total de la formation. Les stages, qui comptent pour 20 crédits, ne sont
toutefois pas les seuls moments où les étudiants sont en contact avec le milieu scolaire.
Nous le verrons plus tard, d’autres cours, offerts plus tôt dans la formation, font figurent de
« mini-stages ».
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
70
Le plan d’étude est un des éléments importants du programme de formation. Chaque
étudiant a son propre plan qu’il établit, à la fois, en fonction de ses intérêts et de ses besoins
de manière à conjuguer la formation avec, par exemple, un travail ou avec des contraintes
familiales. La flexibilité du programme constitue une de ces caractéristiques qui contribue à
son caractère distinctif. Nous y reviendrons plus loin. Pour le moment, nous allons détailler,
de manière plus précise, les différents domaines du curriculum de formation.
5.1.1.1 La majeure en sciences de l’éducation (Major in Education)
La majeure en sciences de l’éducation offre des cours axés sur l’acquisition de
connaissances jugées « fondamentales » dans la profession enseignante: la pédagogie, la
psychologie ainsi que les fondements sociaux de l’éducation. Ce bloc intègre aussi des
cours axés sur le développement de compétences en recherche: introduction aux méthodes
qualitatives et quantitatives en recherche, suivi, au deuxième cycle, des cours de méthodes
de recherche avancées. À ce stade, l’étudiant choisit entre un cours de méthodes
qualitatives OU quantitatives en fonction du projet de recherche qu’il compte mener.
Cette section de la formation inclut aussi les stages pratiques qui ont lieu en milieu scolaire
et qui font officiellement partie de la formation de deuxième cycle. Ces derniers comptent
pour 20 crédits, ce qui représente environ 7% de la formation. Les crédits sont répartis sur
deux expériences de stage: la première, de 12 crédits, est axée sur l’enseignement de
disciplines prédéterminées par l’université (généralement, le finnois, les mathématiques
ainsi que les arts plastiques ou la musique).
Des 120 de la majeure, 70 crédits sont attribués à des cours de formation à la recherche. De
ce nombre, 50 crédits vont à la rédaction des deux projets de recherche. La rédaction du
projet personnel de baccalauréat compte pour 10 crédits, alors que la rédaction du mémoire
compte pour 40. L’étudiant mène sa recherche de manière indépendante, avec le support de
son superviseur qui a généralement une douzaine d’étudiants sous sa responsabilité. Les
étudiants lui sont attribués en fonction de leurs intérêts de recherche.
Les cours « Méthodes de recherche en éducation » et « Méthodes de recherche avancées en
éducation » (qualitatives ou quantitatives) sont deux cours qui traitent des techniques
spécifiques aux méthodes qualitatives et/ou quantitatives de recherche. Le cours offert au
premier cycle aborde à la fois la recherche qualitative et quantitative. Ce cours introductif a
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
71
pour objectif de préparer l’étudiant à la rédaction de sa thèse de premier cycle, un document
d’une quarantaine de pages dans lequel l’étudiant doit élaborer toutes les étapes d’une
recherche scientifique. Le cours de méthodologie avancée, offert au deuxième cycle, se
concentre soit sur les méthodes qualitatives ou quantitatives. L’étudiant s’inscrit à l’un ou
l’autre des deux cours en fonction de ses besoins pour son propre sujet de recherche. Les
séminaires de recherche, pour leur part, servent à accompagner l’étudiant dans la rédaction
de ses deux projets de fin d’études (projet personnel de premier cycle ou mémoire).
5.1.1.2 Projets de recherche
Le parcours de formation est ponctué par deux projets de recherche, lesquels s’inscrivent
dans la majeure en sciences de l’éducation. Il s'agit 1) du projet de fin d’études et 2) du
mémoire de maîtrise. Le projet de fin d’études est un travail de recherche réalisé en guise
de conclusion aux études de premier cycle. La production de ce document est une exigence
nouvelle du programme. Ce projet a été instauré dans la foulée du Plan Bologne, afin de
permettre aux étudiants d’obtenir une certification officielle à la fin de leurs études de
premier cycle. L’étudiant procède à la rédaction de son projet de manière autonome
supervisé par un formateur qui a pour mandat de le conseiller et de l’orienter dans ses
démarches. Il élabore une courte recherche dont la problématique, le cadre théorique, la
méthodologie, les résultats et les interprétations seront présentés dans un document d'une
quarantaine de pages. L’étudiant intègre un séminaire de recherche où les étudiants
partagent les mêmes intérêts de recherche que lui. À titre d’exemple, un étudiant désireux
de réaliser un projet en didactique de l’histoire sera placé sous la supervision d’un
professeur en didactique de l’histoire.
Le second projet de recherche constitue le point culminant de la formation. Il s’agit du
mémoire de maîtrise, lequel compte pour 40 des 300 crédits qui composent le programme.
La rédaction du mémoire, au même titre que celle du projet de fin d’études, se fait de
manière individuelle, sous la supervision d’un professeur. Quant aux séminaires de
recherche, ils ont lieu tout au long de l’année et les étudiants sont invités à prendre la parole
à deux reprises: une première fois pour présenter leur plan de recherche, une seconde pour
faire part de leurs résultats. Lors des séminaires, les autres étudiants de même que le
professeur interviennent avec des questions ou pour suggérer des pistes de réflexion dans le
but d’améliorer les travaux de leur collègue. Il est aussi fréquent, selon les informations
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
72
recueillies, que l’étudiant choisisse d’approfondir, à la maîtrise, le thème de recherche
choisi pour son projet de fin d’études. Cette façon de faire est encouragée par le
département, car elle permet à l’étudiant de bâtir un projet de plus grande envergure à partir
d’une base existante au lieu de reprendre une recherche depuis le début.
5.1.2 Stages
Le programme de formation initiale à l’enseignement a sa propre école primaire, appelée
Helsingin Yliopiston Viikin Normaalikoulu (University of Helsinki – Department of
Teacher Education). Cet établissement scolaire est destiné à la formation pratique des futurs
enseignants. Il reçoit, tout au long de l’année, des stagiaires et des étudiants d’un jour, en
stage d’observation. Il reçoit aussi les étudiants qui effectuent les deux stages officiels du
programme. En effet, le curriculum inclut deux stages pratiques, dont l’un ou l’autre doit
s’effectuer dans cette école.
Le premier, d’une durée de huit semaines, a lieu habituellement durant la troisième année
de formation. Il porte sur l’enseignement des différentes disciplines comprises dans le
curriculum scolaire finlandais. L’étudiant doit donc avoir préalablement terminé tous les
cours d'études multidisciplinaires avant d’y prendre part.
Le second stage se déroule lors de la quatrième ou de la cinquième année de formation de
l’étudiant. D'une durée de quatre semaines, ce stage implique une prise en charge complète,
où l’étudiant remplace l’enseignant dans toutes ses fonctions. Ce stage est supervisé de la
même façon que le stage précédent. La première semaine de stage est consacrée à la
planification des leçons qui auront lieu lors de la prise en charge.
Photos 5 et 6: future enseignante en stage pratique à Helsingin Yliopiston Viikin Normaalikoulu. * tirées du journal ethnographique
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
73
Les expériences de stage se vivent généralement en équipe de deux. Les futurs enseignants
sont jumelés et travaillent en étroite collaboration tout au long de leur passage en milieu
scolaire. Les prises en charge se font en alternance et l'étudiant qui n’est pas en pris en
charge agit à titre d’assistant. Il suit le déroulement de la leçon telle que planifiée par son
pair, et lui prête assistance lorsque nécessaire. Il peut aussi arriver que l’étudiant non pris
en charge agisse à titre d’observateur et d’évaluateur. Il partage alors ses observations et ses
commentaires avec l’étudiant observé en fin de leçon. Les stages constituent des milieux de
travail propices au travail collaboratif et au développement d’un esprit de collégialité.
La supervision du stagiaire est faite par un formateur de l’Université d’Helsinki. Les
méthodes de supervision sont variées et ce, dans le but de s’adapter aux contraintes des
superviseurs et des étudiants. L’étudiant est invité à collaborer avec son pair lors du stage.
5.2 Les études multidisciplinaires (multidisciplinary studies)
Le domaine des « études multidisciplinaires » totalise 60 crédits, soit le cinquième de la
formation universitaire. Celui-ci comprend les cours de didactique de toutes les matières
scolaires à enseigner aux élèves finlandais: le finnois-langue maternelle, les mathématiques,
les arts visuels, les travaux manuels, l’éducation physique, la musique, l’histoire, la religion
et/ou l’éthique, la géographie, la biologie, la physique et la chimie (NBOE, 2012). Ces
cours permettent à l’étudiant de développer des compétences pratiques directement en lien
avec son travail d’enseignant et ont pour but d’outiller le futur enseignant en lui apprenant
des techniques étroitement liées à sa tâche. En d’autres termes, ces cours priorisent
l’apprentissage de techniques et de savoirs disciplinaires.
Ces cours sont élaborés de manière à couvrir toutes les disciplines que le futur enseignant
devra dispenser dans le cadre de ses fonctions: le finnois, l’éducation physique, la musique,
la biologie, la physique, la chimie, l’éducation à l’environnement, la géographie, l’histoire,
les arts plastiques, la menuiserie ainsi que l’enseignement religieux ou moral. Ils sont aussi
élaborés de manière à ce que le futur enseignant puisse participer activement et
expérimenter différentes techniques qui lui seront utiles en contexte de classe. Les 60
crédits de ce bloc sont répartis en 14 cours, ce qui signifie qu’ils sont généralement assez
courts, comptant généralement un ou trois crédits (soit entre 80 et 110 heures). Ces cours se
distinguent de ceux offerts à la majeure par leur caractère appliqué. Nous avons d’ailleurs
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
74
remarqué que le caractère appliqué de ces cours semblait rendre difficile l’intégration de la
recherche scientifique.
5.3 La mineure (optional minor subject and optional studies)
La mineure, pour sa part, totalise 75 crédits soit le quart de l'ensemble de sa formation.
L’étudiant doit normalement réaliser deux mineures dans le cadre de sa formation, soit une
par cycle d’études. Cette partie de son cheminement relève de choix personnels que
l’étudiant prend en adéquation avec ses intérêts et ses aspirations. Il n’existe donc pas de
scénario unique quant au cheminement scolaire des étudiants de la formation des maîtres.
En effet, le cheminement de chaque étudiant est susceptible de varier en fonction des choix
de mineures qu’il fait. C’est pourquoi l’Université d’Helsinki exige de chaque étudiant
qu’il ait un plan d’études personnalisé. Il s’agit d’un moyen pour baliser le cheminement de
l’étudiant en lui accordant la plus grande liberté possible.
Grâce au plan d’étude, l’étudiant est placé devant une multitude de choix, autant dans la
façon de répartir ses crédits que dans le choix de disciplines dans laquelle ou lesquelles il
choisira de se spécialiser. Les trois scénarios décrits ci-après constituent les trois
principales avenues empruntées par les étudiants. Ces scénarios ont été élaborés à partir des
données colligées par entretiens ethnographiques.
5.3.1 Scénario 1: peaufiner des compétences liées à la pratique enseignante
Le Département de la formation des maîtres offre une quinzaine de mineures permettant à
l’étudiant d’acquérir des compétences plus approfondies dans les domaines qui touchent
directement le travail de l’enseignant. Ces programmes courts comptent 25 ou 35 crédits.
Voici, à titre d’exemple, quelques unes des mineures offertes par le Département des
sciences de l’éducation. Elles comportent généralement cinq cours de 5 ECTS et
s’échelonnent sur une année universitaire :
- Langue maternelle et littérature – 25 ECTS
- Éducation préscolaire et premier cycle du primaire – 25 ou 35 ECTS
- Éducation multiculturelle – 25 ou 35 ECTS
- Discours et éducation théâtrale – 25 ECTS
- Éducation aux médias – 25 ECTS
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
75
5.3.2 Scénario 2: se spécialiser dans une discipline (deuxième majeure)
La seconde possibilité qui s’offre à l’étudiant est qu'il puisse faire non pas deux courtes
mineures, mais bien une longue mineure de 60 crédits, où tous les cours optionnels sont
prévus afin qu'il se spécialise dans une seule et même matière. On parle alors d’un
cheminement incluant deux majeures, la première étant la spécialisation en sciences de
l’éducation, obligatoire à tous les étudiants de la formation des maîtres. Comme 75 crédits
sont octroyés suite à la réalisation d’une mineure, les 15 crédits restants peuvent être
utilisés à la discrétion de l’étudiant, avec l’accord du superviseur responsable de son plan
d’étude.
À titre d’exemple, un étudiant au Département de la formation des maîtres, qui se destine à
être enseignant au primaire, peut choisir de faire ses deux mineures au Département
d’histoire et ainsi se qualifier à titre d’enseignant d’histoire au secondaire. Selon les
informations obtenues en entrevue, cette option offrirait à l’étudiant de meilleures chances
sur le marché de l’emploi (car plus polyvalent) et une légère augmentation de salaire étant
donné cette qualification supplémentaire.
Il existe différents accords entre la faculté qui chapeaute la formation des maîtres et les
autres facultés de l’Université, notamment dans des disciplines comme les mathématiques,
les langues (le finnois évidemment mais aussi le suédois, l'anglais, le français, etc.),
l’histoire, la géographie et les arts.
5.3.3 Scénario 3: combiner compétences enseignantes et savoirs disciplinaires
Une autre possibilité qui s’offre à l’étudiant est celle de réaliser une des deux (ou les deux)
mineures dans un autre département de la faculté ou dans une autre faculté. Selon les
informations recueillies en entrevue, les étudiants qui choisissent cette option doivent
d’abord faire approuver leur choix par le Département de la formation des maîtres. Il
semble que les demandes sont approuvées dans la mesure où elles répondent au critère
« supporter l’enseignement ». Une mineure de 25 crédits en sociologie, par exemple,
pourrait être une possibilité; bien que cette discipline ne soit pas directement en lien avec la
tâche de l’enseignant. Elle le dote cependant de capacités réflexives face à divers
phénomènes sociaux en lien avec l’école. Elle peut donc être considérée comme aidante à
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
76
la tâche d’enseignement, même si elle n’est pas directement liée à l’aspect pratique de la
tâche.
5.4 Les cours offerts au sein du programme
Nous venons de présenter les trois grands domaines où l'on offre différents cours et le détail
de ces cours est disponible en annexe G. Loin de nous l’idée de procéder à une description
exhaustive des contenus de chacun, la présente section a pour objectif de distinguer les
différentes approches pédagogiques qu’il nous a été possible d’observer sur le terrain. Bien
qu’elles peuvent sembler sans surprise, nous tenons à mettre l’emphase sur l’originalité de
ces formules, qui s’organisent et se synchronisent de manière à favoriser l’intégration de la
théorie et de la pratique.
Avant de poursuivre, mentionnons que chacune de ces formules est susceptible d’être
utilisée dans un cours. Les différentes formules pédagogiques sont intégrées aux cours dans
diverses mesures selon différents objectifs. Mentionnons toutefois que ces formules
existent distinctement et qu’elles sont intégrées au cours de manière séquentielle. Nous
entendons par là que, pour un cours donné, le nombre d’heures octroyé à une formule
pédagogique ou à une autre est prédéterminé. Le calendrier des rencontres pour un cours
donné distingue d’ailleurs les périodes réservées aux apprentissages théoriques de celles
consacrées à l’expérimentation ou au travail d’équipe.
Les cours se donnent dans de grands amphithéâtres, dans des salles de classe ainsi que dans
différents locaux spécialisés comme ceux présentés sur les photos. Les cours offerts dans le
programme s’élaborent selon différentes activités pédagogiques. Certaines de ces activités
sont propices à accueillir un grand nombre d’étudiants (les cours magistraux en sont le
meilleur exemple). À l’opposé, certaines formules, davantage axées sur le travail
collaboratif et l’expérimentation, se font en petits groupes. Voici, de manière plus détaillée,
les différentes formules pédagogiques exploitées au sein du programme. Pour un cours
donné, on peut choisir de répartir les heures d’enseignement prévues selon une ou plusieurs
de ces formules.
o Activité pédagogique A : les cours
Les « conférences » sont des périodes réservées à l’enseignement magistral. Elles se
déroulent habituellement dans un amphithéâtre et incluent environ une centaine d’étudiants.
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
77
Lors de ces périodes d’enseignement, le formateur a recours, la plupart du temps, à une
présentation de type PowerPoint. Ce matériel est mis à la disposition des étudiants avant le
cours par l’intermédiaire d’une plateforme Web.
Le formateur n’exige habituellement pas que l’étudiant se prépare au cours. J’entends par là
qu’il n’y a pas de lectures ou d’exercices préalables à une conférence donnée. Plusieurs
informateurs expliquent cela par des contraintes reliées au respect des normes en vigueur à
l’Université d’Helsinki quant à la charge maximale de travail autonome à donner aux
étudiants. Cette charge de travail inclut normalement la lecture d’un ouvrage obligatoire et
la rédaction d’un travail de session (voir travail autonome) et ces derniers soutiennent qu’il
ne reste pas assez de temps à accorder aux lectures/exercices/activités préparatoires aux
conférences. Les cours théoriques sont donc des moments où l’étudiant se déplace pour
recevoir un enseignement sur un sujet donné. Un cours peut compter une ou plusieurs
leçons. Il arrive parfois que plusieurs chargés de cours/professeurs dispensent un même
cours. Ils se séparent alors la tâche d’enseignement en fonction de leur expertise. À titre
d’exemple, dans un cours de développement de l’enfant offert au département, un
formateur X donne une conférence sur le développement de l’enfant et lors de la rencontre
suivante, un formateur Y vient parler des stratégies d’apprentissage chez l’enfant.
La présence à ces segments de cours n’est pas obligatoire. L’étudiant ne désirant pas ou
étant dans l’impossibilité de se présenter à un cours a pour responsabilité de prendre
entente avec d’autres étudiants présents au cours. Il peut aussi choisir de se familiariser
avec le contenu du cours par lui-même à partir du matériel disponible en ligne. Bien qu’il
ne soit pas obligatoire d’assister aux conférences, il demeure toutefois obligatoire de s’y
inscrire afin de pouvoir s’inscrire par la suite aux activités en sous-groupes.
o Activité pédagogique B : Les ateliers
L’apprentissage en sous-groupe constitue généralement une portion importante des cours.
Les sous-groupes sont conçus pour accueillir une vingtaine d’étudiants et sont formés à
partir du nombre total d'inscriptions à un cours donné. À titre d’exemple, un cours
comptant 120 inscrits aux conférences se divisera en six sous-groupes de 20 étudiants.
Étant donné le petit nombre d’étudiants, le sous-groupe constitue un environnement propice
à la discussion avec les pairs et au travail collaboratif.
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
78
Ce type d’activité d’apprentissage est axé sur l’application pratique et l’expérimentation
des contenus théoriques présentés lors des conférences. C’est pourquoi, dans la plupart des
cas, l’horaire des rencontres est conçu de manière à alterner les conférences et les
rencontres en sous-groupe. Dans d’autres cas, les personnes en charge des cours jugent
qu’il est plus approprié de donner toutes les conférences dans un premier temps, et
d’enchainer avec les activités en sous-groupe une fois que tous les contenus théoriques ont
été vus.
D’après les informations recueillies, les activités réalisées en sous-groupe prennent la forme
de courts projets que l’étudiant peut compléter à l’intérieur du temps prescrit pour une
rencontre. Ces activités sont de diverses natures et ont toutes pour objectif d’assurer
l’intégration de la théorie à la pratique :
- Concevoir une constellation d’idées sur un sujet donné puis mener une discussion
sur les idées qui ont été générées;
- Planifier une leçon en équipe de trois ou quatre étudiants et partager le fruit de son
travail avec les autres;
- Visiter une exposition d’art et commenter les œuvres en équipe;
- Procéder à l’analyse de contenu de certains manuels de classe puis présenter son
analyse à ses pairs;
- Présenter les résultats d’une recherche effectuée sur le terrain, puis mener une
discussion à partir des interrogations/réflexions suscitées par ce travail;
- Lire un article et mener une discussion sur les contenus de l’article en classe;
- Mettre en pratique une technique d’art plastique, par exemple le modelage, puis
façonner un vase qui sera photographié puis ajouté au portfolio de l’étudiant.
o Activité pédagogique C : le travail individuel
Le travail individuel doit être réalisé par l’étudiant de manière autonome. Le plus souvent,
une lecture obligatoire constitue la majeure partie de sa tâche et le reste des heures peut être
octroyé à différentes tâches. Les plus fréquentes sont: 1) la rédaction d’un essai qui prend la
forme d’une réflexion sur les apprentissages faits dans le cours ou sur un thème donné par
le responsable du cours; 2) la rédaction d’un journal d’apprentissage où l’étudiant note au
fur et à mesure des cours ce qu’il apprend; 3) la préparation d’un travail d’équipe qui inclut
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
79
normalement une rédaction et une présentation orale. Certains cours ont des exigences
particulières quant à l’utilisation de ces heures. Le cours de didactique de l’éducation
physique, par exemple, exige de l’étudiant qu’il pratique le ou les sports appris en classe et
dont il ne maîtrise pas bien les techniques (le patin, la natation, etc.). Le cours de didactique
des mathématiques, pour sa part, exige qu’une partie des heures soit consacrée aux devoirs
à faire à la maison. Ces devoirs sont en réalité des exercices préparatoires aux sessions
d’apprentissage en sous-groupe.
o Activité pédagogique D : l’examen
Pour un cours donné, un examen peut être prévu en fin de session. Cet examen porte
généralement le nom de « book exam » ou « examen sur le livre ». Cela s’explique par le
fait que l’examen porte majoritairement sur le contenu de l’ouvrage obligatoire. Il arrive
aussi que le formateur inclut certaines questions qui portent sur le contenu des conférences.
L’examen prend souvent la forme de questions à développement où l’étudiant doit formuler
ses réponses en se basant sur les contenus du livre ou de ses notes de cours. Ce dernier n’a
toutefois accès ni à ses notes, ni à l’ouvrage. Les examens sont notés sur 5 (5 étant la
meilleure note et 1 représentant l’échec). On offre normalement plusieurs dates pour la
passation d’un même examen (généralement deux ou trois). L’étudiant peut choisir de se
présenter à la date de son choix, et peut aussi se présenter à une reprise d’examen s’il n’est
pas satisfait de sa note ou s’il est en situation d’échec lors du premier examen.
Ce ne sont pas tous les cours qui incluent un examen. Dans certains cas, l’évaluation porte
uniquement sur le travail de session et la participation en classe, par exemple. Dans ces cas-
là, l’étudiant reçoit la note P (pass) ou F (fail).
o Activité pédagogique E : le contact avec le milieu scolaire
Les activités sur le terrain constituent le dernier type d’activité qui peut être mis en place
dans le cadre d’un cours. Bien que seulement quatre des 42 cours offerts dans le
programme incluent ce type d’activité pédagogique, les activités sur le terrain sont très
importantes, car elles sont considérées par le département comme de courtes expériences de
stage; elles permettent les premiers contacts entre l’étudiant en formation des maîtres et le
milieu scolaire. Ces activités impliquent une vingtaine d’heures de participation aux
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
80
activités de l’école. Les projets visant à mettre l’étudiant en contact avec le milieu scolaire
sont variés. Voici trois exemples recueillis lors des entretiens:
- Observer les pratiques pédagogiques d’un enseignant;
- Apprendre à connaître un élève en l’observant en contexte scolaire;
- Connaître les stratégies utilisées par un élève lorsqu’il résout des problèmes mathématiques.
Lors des plages horaires réservées aux activités sur le terrain, l’étudiant a pour
responsabilité de se rendre en milieu scolaire pour mener certaines observations. Les
expériences vécues ainsi que les informations recueillies sont ensuite discutées avec le
formateur et les autres étudiants lors des rencontres subséquentes en sous-groupe.
5.5 Curriculum et culture du curriculum
5.5.1 Le programme comme une grande communauté d’apprentissage
En évoluant au sein du programme, nous avons été à même de réaliser toute l’importance
accordée à la construction dynamique des savoirs, et ce, autant pour l’étudiant en formation
que pour ses formateurs. Le programme est conçu de manière à placer l’étudiant devant
l'obligation de participer activement à la construction de ses connaissances. C’est par
l’intégration théorie-pratique que les programmes de formation rassemblent les ingrédients
nécessaires à la mise en place d’un climat de travail dynamique et motivant pour l’étudiant.
Dans cette perspective, le programme de formation initiale à l’enseignement incarne une
grande communauté d’apprentissage, où le savoir de l’un devient le savoir de l’autre, où les
acteurs construisent ensemble leur compréhension de l’enseignement et du monde de
l’éducation de manière plus générale.
5.5.1.1 La proximité
Le premier élément nous permettant d’envisager le programme de formation comme une
grande communauté d’apprentissage est celui de proximité. Nous utilisons ce terme pour
illustrer le lien étroit entre le savoir et les étudiants. En effet, notre présence sur le terrain
nous a permis de constater que quels que soient les savoirs à apprendre, les étudiants ainsi
que leur formateur évoluent au centre de ces savoirs. L’étudiant apprend par les échanges,
la manipulation, l’expérimentation, la pratique ou encore la rédaction. Son savoir se
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
81
construit activement de différentes manières et selon différents objectifs. Dans ce qui suit,
nous tenterons de fournir des exemples issus du terrain qui soutiennent cette idée.
La formation à la recherche constitue certainement l’élément du programme qui traduit le
plus explicitement le désir de placer les étudiants en contact étroit avec la connaissance.
Cette formation offre d’abord une introduction à la recherche scientifique grâce aux cours
axés sur la méthodologie de recherche et au projet de fin d’études. Elle offre par la suite la
possibilité à l’étudiant d’approfondir ses compétences à titre de chercheur par la réalisation
d’un mémoire professionnel.
En se prêtant à l’exercice de rédaction du projet de fin d’études et du mémoire, l’étudiant
apprend à produire autant qu’à s’approprier les savoirs issus de la recherche. Dans les
séminaires de recherche tout comme dans l’exercice autonome de la recherche, l’étudiant
est appelé à faire des recherches en lien avec son sujet de mémoire dans les bases de
données. Ce travail de recension de la littérature l’amène à consulter et sélectionner des
articles pertinents. Dans ce contexte, l’étudiant évolue au sein même du savoir en sciences
de l’éducation. Il participe activement à la construction de ses connaissances en lien avec
son objet de recherche. À cette étape de son travail, l’étudiant devient un utilisateur du
savoir. Plus tard, le processus de collecte de données et d’écriture le placera plutôt dans une
position de producteur du savoir. Cette proximité avec le milieu de la recherche constitue,
selon un informateur, le meilleur moyen de rendre compte du caractère évolutif des savoirs
dans le domaine des sciences de l’éducation :
Je note les propos de cet informateur suite à notre entretien d’aujourd’hui au sujet de la formation à la recherche : « future teachers have to understand that knowledge is constantly changing. What’s good today was not necessarily good ten years ago, and might not be any more in ten years from now. If teachers want to be competent throughout their career, they have to understand that by making their own research, they can realize it, and only then they know how important it is to update their knowledge regarding pedagogy » (tiré du journal ethnographique, 3 décembre 2011).
La formation à la recherche telle que présentée dans cet extrait donne à l’étudiant
l’occasion de se familiariser avec le monde de la recherche en éducation. En apprivoisant
cette dimension de la formation universitaire, notamment par la réalisation d’un mémoire,
l’étudiant est à même de constater le caractère changeant, évolutif et parfois même
contradictoire de la connaissance. La proximité avec le savoir qu’offre cette formation
permet aussi à l’étudiant de « désacraliser » le savoir scientifique, de le démystifier de
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
82
manière à en comprendre la teneur et l’implication dans le contexte plus pratique du travail
de l’enseignant. Le contact avec la recherche a permis à cette étudiante de découvrir en
quoi consistent les activités de recherche et de reconnaître la portée des résultats générés
par ces activités sur sa propre pratique :
Pour ma collègue, le séminaire de projet personnel a été comme une « révélation ». Elle m’a dit qu’au départ, elle avait vraiment peur que ce soit difficile et « plate », parce qu’elle ne voyait pas ce que ça lui donnerait et que beaucoup d’étudiants se plaignaient que c’était inutile. Pourtant, elle admet avoir beaucoup appris de son séminaire. Elle dit qu’elle se sentait très « intelligente » quand elle comprenait les articles. Elle s’était même fait un cahier de notes. Elle dit que certains articles lui donnaient des idées pour ses stages ou encore qu’elle comprenait dans les articles des choses par rapport à son propre passé d’élève. Elle m’a parlé notamment des études en lien avec son projet de recherche sur la lecture à soi pour les élèves de première année. Elle me disait qu’elle avait beaucoup aimé connaître les différentes manières de présenter la lecture à des apprentis et elle avait particulièrement été « épatée » par les retombées positives des activités de lecture à voix haute qu’elle a pu répertoriées dans le cadre de son mémoire (tiré du journal ethnographique, 25 janvier 2012).
Par la recherche, l’étudiant est invité à découvrir, à utiliser et à produire du savoir. Nous
avons utilisé le terme « désacraliser » afin d’illustrer le caractère inaccessible, le rapport
hiérarchique qui peut exister entre les connaissances à caractère pratique que possède un
enseignant et les connaissances théoriques produites par la recherche. Dans le cas de cette
formation, l’intégration théorie-pratique cherche en quelque sorte à briser ce rapport
hiérarchique pour établir un rapport sain, basé sur la curiosité intellectuelle, l’effort et la
rigueur de chacun. Il n’y a pas de savoirs jugés inaccessibles ou trop complexes. Chaque
étudiant a la possibilité d’apprivoiser le savoir par le travail, la discussion et l’entraide.
D’ailleurs, la collégialité des rapports entre les étudiants et les formateurs constitue une
caractéristique importante du programme, qui contribue à l’établissement d’un climat
propice au développement d’une communauté d’apprentissage. Nous reviendrons sur ce
point dans la prochaine section de ce chapitre.
Nous venons de voir que la formation à la recherche offre à l’étudiant l’occasion d’évoluer
en contact étroit avec un savoir à caractère théorique, qu’il est appelé à intégrer dans sa
pratique. La proximité avec le savoir s’observe aussi dans la formation à caractère pratique,
soit la formation dite « multidisciplinaire ». La formation à la recherche est présentée dans
la littérature comme le cœur de la formation initiale offerte en Finlande. Pourtant, nous
avons remarqué qu’elle ne trouvait pas toute cette importance sur le terrain. L’intégration
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
83
théorie-pratique se vit en partie à travers cette formation, mais elle se vit surtout dans les
études multidisciplinaires et les stages, segments de la formation qui semblent intéresser
davantage les étudiants. En effet, ces derniers semblent tirer davantage de satisfaction de
leur formation multidisciplinaire que de leur formation à la recherche. Ils associent
d’ailleurs la formation à la recherche à une charge substantielle de travail n’étant pas
directement reliée à la tâche d’enseignement :
Je remarque que beaucoup d’étudiants me disent que la rédaction du mémoire de maîtrise constitue une étape difficile et frustrante de la formation. Plusieurs d’entre eux affirment ne pas être en mesure d’évaluer la portée ni les retombées de ce travail sur leurs compétences professionnelles. Les commentaires recueillis permettent aussi de constater que les étudiants appréhendent la formation à la recherche comme un passage obligé, alors qu’ils semblent apprécier davantage les cours à caractère pratique comme le cours de musique dans lequel j’ai eu la chance de les questionner. Les étudiants déplorent le fait qu’ils cheminent beaucoup plus lentement à cause de la formation à la recherche, information qui concorde avec celle recueillie auprès d’un formateur qui m’expliquait que les étudiants prennent généralement six ans pour terminer leurs études, alors que le programme est conçu pour être réalisé en cinq ans (tiré du journal ethnographique, 15 mars 2012).
La formation multidisciplinaire, bien qu’elle ne soit pratiquement jamais mentionnée dans
la littérature au sujet du programme, constitue, à notre avis, un élément très important de la
formation. Bien que nous reconnaissions l’importance et l’originalité de la formation à la
recherche, nous croyons que la formation multidisciplinaire contribue fortement à la fois à
la création d’une communauté d’apprentissage et à une expérience de formation captivante,
car elle donne à l’étudiant la chance de faire des expérimentations, des manipulations et de
se découvrir des talents ainsi que des intérêts nouveaux. Si la formation à la recherche offre
une proximité avec le savoir théorique, la formation multidisciplinaire, pour sa part,
introduit l’étudiant à une quantité de savoirs pratiques indispensables.
En effet, les études multidisciplinaires proposent des contenus concrets: l’étudiant
expérimente des techniques en lien avec l’éducation physique (le ski de fond, la natation,
etc.), rédige des poèmes dans le cours de littérature finnoise, visite le musée d’art moderne
suite à un projet en lien avec cette forme d’art. Les études multidisciplinaires permettent à
l’étudiant d’expérimenter les techniques propres à une discipline. Bien que les cours
incluent aussi une formation didactique, à savoir « comment enseigner » une discipline
donnée, les cours qui font partie des études multidisciplinaires se tournent surtout vers
l’expérimentation et la découverte :
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
84
Je remarque que les ateliers sont des moments réservés à l’expérimentation et à la discussion, de manière à développer des habiletés propres à chaque domaine d’activité. La première fois que je suis entrée dans un local de musique, je me suis demandée où j’étais. Les étudiants s’étaient déchaussés. Mon formateur se tenait devait moi, avec sa guitare. J’ai alors compris qu’aujourd’hui contrairement au cours précédent, nous n’allions pas seulement parler de didactique de la musique, nous allions bel et bien jouer de la musique. J’ai joué de la guitare électrique. Nous avons aussi chanté des chansons connues en créant de nouveaux rythmes. Tout le monde semblait avoir beaucoup de plaisir. Maintenant, avec le cours d’éducation physique, je fais des kilomètres de randonnée de ski de fond ou je m’exerce à patiner à reculons…! (tiré du journal ethnographique, 18 janvier 2012).
Les étudiants réalisent des projets artistiques dans les cours d’art, apprennent le piano dans
les cours de musique et façonnent des plateaux-repas dans leur cours de menuiserie. Leurs
travaux sont souvent exposés ou publiés et des expositions spéciales sont parfois organisées
dans les salles communes de la faculté, comme dans le cas de cette exposition de projets
d’art en face de la bibliothèque et dans les corridors du pavillon principal.
Photos 7 et 8 (tirées du journal ethnographique)
D’autres événements, notamment une pièce de théâtre, sont organisés annuellement par les
étudiants prenant part au cours d’introduction à l’art dramatique. En avril, les étudiants font
la promotion de leur pièce avec des affiches et par la distribution de « flyers ». Trois
représentations sont organisées en collaboration avec une salle de théâtre de la ville
d’Helsinki.
Les études multidisciplinaires, dans ce contexte, offrent à l’étudiant la possibilité d’évoluer
en étroite relation avec le savoir, au même titre que la formation à la recherche. La
différence entre ces deux sphères de la formation réside dans la nature des connaissances à
bâtir : des connaissances pratiques/techniques versus des connaissances théoriques.
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
85
5.5.1.2 La collégialité
Nous avons présenté le programme de formation comme une communauté d’apprentissage.
Nous avons illustré la volonté du programme de faire évoluer l’étudiant en relation étroite
et dynamique avec le savoir. Nous avons aussi exposé les différents contextes, certains
plutôt théoriques, d’autres plus pratiques, dans lesquels l’étudiant est appelé à construire
son savoir. Il est toutefois important, avant de conclure sur cet aspect du programme,
d’aborder un élément de la culture du curriculum qui contribue largement à l’existence de
cette communauté d’apprentissage : la collégialité.
La collégialité des rapports entre les formateurs et les étudiants, les formateurs entre eux ou
encore les étudiants entre eux peut être observée dans plusieurs situations. Le programme
est caractérisé par les rapports égalitaires, respectueux et intéressés qu’entretiennent, entre
eux, les acteurs du programme: apprendre ensemble, apprendre des autres et avec les autres,
construire son savoir en équipe, par l’échange, l’entraide, le pairage, et ce dans toutes sortes
de contextes : travaux, examens, séminaires de recherche, etc.
Le désir de placer le futur enseignant dans des situations authentiques de collaboration avec
ses pairs s’observe d’abord et avant tout dans la manière d’organiser les cours. La manière
dont les étudiants sont répartis en plusieurs petits groupes témoigne d’une volonté de
permettre aux étudiants ainsi qu’aux formateurs d’apprendre à se connaître et à travailler
ensemble. Contrairement à certains cours donnés dans un amphithéâtre d'une centaine
d’étudiants, la majorité des cours auxquels participent les enseignants en formation offre
une approche pédagogique qui favorise la proximité avec le savoir, comme nous l’avons
fait valoir, mais aussi la proximité avec les autres étudiants ainsi qu’avec leur formateur.
Les rencontres en petits groupes servent à mener de courts projets, à en partager les
résultats et à échanger sur les tenants et aboutissants du projet expérimenté dans le cours.
Cet environnement permet de développer un sentiment de collégialité où l’étudiant réalise
l’apport positif de la contribution de ses pairs à la réalisation d’une tâche. Le temps alloué
aux discussions en groupe est particulièrement propice à l’apprentissage par les pairs :
Le cours de didactique des mathématiques portait sur les jeux de société utiles pour le développement de notions mathématiques. Nous avons passé la période en équipe de quatre à démystifier les différents jeux et à voir comment et quand il serait pertinent de les utiliser en classe. À la fin de la période, le formateur avait réservé du temps pour discuter de nos expérimentations. Une étudiante a tenu à nous parler des problèmes survenus quand elle avait introduit ces jeux lors d’une journée de suppléance. Elle
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
86
disait ne pas se sentir à l’aise de répéter l’expérience, car les enfants avaient été très turbulents. D’autres étudiants l’ont encouragé en partageant des expériences similaires qui, avec un peu plus de préparation, avaient donné de meilleurs résultats. Ça m’a donné l’impression que la discussion donnait aux étudiants la chance de se supporter les uns les autres dans les situations plus difficiles de la formation. Le formateur qui donne le cours et avec lequel j’ai pu échanger à la fin de la période aujourd’hui, met aussi de l’avant l’idée que les étudiants se sentent plus à l’aise/réconfortés quand ils voient que leur crainte par rapport à l’apprentissage des mathématiques est partagée par leurs pairs. Tout ça semble placer l’étudiant dans une situation où il se donne le droit de faire des erreurs et de ne pas se montrer infaillible aux yeux de ses futurs collègues. J’ai l’impression que ça place tout le monde sur une sorte de « pied d’égalité » où l’important n’est pas ce que tu sais déjà mais plutôt ce que tu es prêt à apprendre (tiré du journal ethnographique, 12 avril 2012).
Par leurs échanges, les futurs enseignants enrichissent leurs connaissances en s’alimentant
de celles de leurs pairs. C’est aussi une manière pour eux de partager des expériences
vécues et d’ouvrir leurs horizons à de nouvelles façons de voir les choses en confrontant
leurs opinions à celles des autres. Il arrive aussi que certaines discussions soient source de
réconfort pour ces derniers, qui découvrent en leurs pairs les mêmes craintes, les mêmes
difficultés, les mêmes interrogations.
L’apprentissage par les pairs s’effectue aussi dans le cadre plus informel des travaux
d’équipe. Notre présence sur le terrain nous a permis d’observer de nombreuses situations
de travail en équipe dans les formules « ateliers » ainsi que dans les séminaires de
recherche. Les étudiants sont alors placés devant des tâches à accomplir. Le plus souvent, il
ne s’agit pas de projets à moyen terme (comme un travail de session), mais plutôt de tâches
à réaliser lors d’une rencontre, en lien avec le thème du cours. Lors de ces activités, les
étudiants sont appelés à se mobiliser afin de mener à terme la tâche prescrite. Pour un des
formateurs avec lequel nous avons pu nous entretenir, le travail d’équipe constitue le « best
of both worlds » parce qu’il place l’étudiant à la fois dans une situation d’apprentissage et
de coopération: Dans l’atelier d’aujourd’hui, les étudiants devaient élaborer un champ sémantique autour de la Fête de Pâques dans la religion catholique. Ils devaient y inclure des informations qu’ils ont apprises dans le cours théorique de la semaine passée. Dans mon équipe, nous avons élaboré le champ sémantique ensemble à partir de nos notes de cours. Nous sommes ensuite sortis de la classe pour aller à la bibliothèque de la faculté, où nous avons pris un livre sur le thème de Pâques (religieux) et un livre plus commercial (l’histoire d’un lapin de Pâques). Nous avons ensuite élaboré une séquence d’enseignement qui avait pour but de faire comprendre à des enfants de deuxième cycle la différence entre « Pâques » la fête religieuse et « Pâques » la fête du chocolat. L’idée de comparer ces livres a été apportée par un étudiant de l’équipe.
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
87
Nous avons ensuite ajouté d’autres idées afin de monter une séquence d’enseignement complète. C’était intéressant de voir l’ouverture des étudiants et leur pro-activité devant la tâche à accomplir. À la fin de la période, les équipes avaient généré des idées très différentes : illustrer la résurrection de Jésus suite à la lecture d’un passage de la Bible, créer des moules en chocolat illustrant des scènes du chemin de croix, participer à la représentation du chemin de croix organisée par la ville d’Helsinki à titre d’acteur ou de bénévole (tiré du journal ethnographique, 2 mai 2012).
Le travail d’équipe est une façon de recréer le contexte de l’école et de mettre l’étudiant à
la place de l’élève qui apprend en interaction avec d’autres apprenants et de l’enseignant
qui coopère avec ses collègues. La collégialité s’observe alors dans les échanges entre les
étudiants ainsi que dans leur façon de s’entraider et de travailler en équipe. Dans ce
contexte, le savoir se construit à l’intérieur d’une communauté d’apprentissage, à travers les
échanges et dans les relations qu’entretiennent les étudiants et leurs formateurs. Le travail
d’équipe constitue donc une partie importante de la formation des étudiants que ce soit lors
des rencontres formelles en classe où à l’extérieur des cours, les étudiants eux aussi sont
appelés à s’entraider. Ils le font d’ailleurs spontanément, même lorsque les occasions de
rendre service ne sont pas directement en lien avec la formation :
Quand je leur ai expliqué que je devais manquer le cours de demain pour cause de conflit d’horaire avec un autre cours, deux étudiants se sont offerts pour prendre les notes à ma place et me transmettre les documents. J’étais surprise. Je me disais qu’ils étaient sûrement gentils parce que j’étais étudiante internationale et que je faisais un peu « pitié ». Mais en réalité, je me suis rendue compte que je n’étais pas la seule à devoir m’absenter et que les étudiants étaient tous conscients des difficultés relativement aux horaires. Il règne un climat d’entraide à l’égard de cette réalité. J’observe depuis ce jour-là de nombreux échanges de bons procédés du même genre. Il arrive même que deux étudiants forment une équipe (lorsqu’ils participent aux même cours). Quand il y a conflit d’horaire, l’étudiant A se présente à un cours et prend les notes, alors que l’étudiants B participe à l’autre cours. Ensemble, ils partagent le fruit de leur travail et évitent ainsi de manquer des [contenus de] cours (tiré du journal ethnographique, 27 avril 2012).
Il est intéressant de voir, dans cet extrait, que la nécessité d’établir des rapports collégiaux
prend une dimension très significative. Par l'échange de bons procédés, l’étudiant tire
bénéfice de ses actes de collaboration. De la même manière, dans les discussions avec les
pairs, comme nous en avons parlé plus tôt, l’étudiant est à même de réaliser les bienfaits de
la collégialité dans le réconfort et le support qu’il trouve dans les témoignages de ses pairs.
Nous pensons que la culture de la collégialité de ce programme pourrait inciter les futurs
enseignants à adopter une telle attitude, car il leur est possible, dès leur formation initiale,
d’en mesurer les retombées positives. C’est d’ailleurs ce que nous a mentionné un
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
88
informateur interrogé sur les activités de pairage qu’il organise dans son cours d’éducation
physique :
Pour ce formateur, l’importance du pairage entre deux étudiants réside non seulement dans la nécessité d’apprendre les techniques spécialisées comme le patinage ou le ski de fond, mais bien dans la nécessité pour les étudiants de découvrir les aspects positifs de la collaboration et de l’apprentissage par les pairs. Pour elle/lui, les étudiants doivent « apprendre à apprendre » des autres. Quand une étudiante enseigne la natation à une autre qui lui enseigne le patinage en retour, cela représente une situation très concrète d’entraide. Le but de cette formule est certes de favoriser et de maximiser les apprentissages dans le contexte où les cours sont très courts, mais pour mon informateur, l’idée derrière le pairage est de « former à la collégialité » (elle me dit train them to be open-minded regarding their peers), de façon à ce que l’étudiant développe de l’intérêt pour ses pairs et un désir de partager ce qu’il sait tout en apprenant des autres (tiré du journal ethnographique, 3 février 2012).
Cet extrait explique l’idée d’une « posture collégiale » dont la finalité est de former des
futurs enseignants enclins à adopter une attitude d’ouverture et à travailler au sein d’une
réelle communauté d’apprentissage.
Les relations qu’entretiennent les formateurs entre eux sont aussi marquées par la
collégialité. En effet, ces derniers sont constamment appelés à travailler en équipe dans le
cadre des cours. Le plus souvent, un cours est supporté par un chef, mais ce sont deux,
trois, quatre et parfois même cinq formateurs différents qui s’occupent de le dispenser.
Cette manière de faire implique une concertation des acteurs qui doivent tous, chacun à leur
façon, travailler envers des objectifs communs : Quand j’ai procédé à mon inscription en septembre dernier, je ne comprenais pas pourquoi je devais choisir un formateur en particulier pour me donner un cours. Le plus souvent, je pouvais choisir entre trois ou quatre personnes, et je n’en connaissais aucune. À l’issue de mon entretien avec la direction du programme, je comprends aujourd’hui que les cours sont la responsabilité de plusieurs formateurs, qui décident ensemble de ses contenus et de ses objectifs. Les cours doivent être dispensés par plusieurs formateurs, car ils n’accueillent généralement qu’entre 15 et 20 étudiants alors qu’il y a une centaine d’inscriptions. La formation de petits groupes apparaît comme une manière intéressante de personnaliser la formation, de la rendre « à échelle humaine ». Il est probablement plus facile de discuter de pédagogie dans un contexte propice à la pédagogie, qui se rapproche du contexte de la classe. Cela démontre aussi l’importance pour les formateurs de travailler ensemble et de partager une mission commune pour un cours donné (tiré du journal ethnographique, 29 novembre 2011).
Cet extrait illustre comment l’organisation du programme est propice au développement
d’une attitude collégiale entre les formateurs. La façon d’organiser les cours, en partageant
la responsabilité entre plusieurs formateurs, invite à la collaboration et à l’entraide. Le
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
89
travail d’équipe revêt, dès lors, une importance particulière, car il permet aux formateurs de
mener à bien l’organisation des cours
5.5.1.3 Le rôle du formateur et de l’étudiant au sein de cette communauté d’apprenants
Le formateur incarne, en quelque sorte, l’enseignant qu’il aimerait voir ses étudiants
devenir. On peut observer son rôle de modèle à différents niveaux: d’abord, en contexte de
classe, il prend soin de modéliser la posture du chercheur en expliquant aux étudiants sa
démarche réflexive dans différents contextes. Cela peut être à la fois une manière
d’expliciter une démarche que l’on souhaite systématiser chez l’étudiant et une façon de
maximiser le temps de classe en ne soumettant pas aux étudiants les publications
scientifiques et autres ouvrages auxquels il se réfère: Depuis les deux derniers cours, le formateur fait constamment référence à des recherches qu’il ne nous présente pas, ne nous demande pas de lire, rien. Il est souvent en train de dire qu’elle/il a « lu une recherche » ou « que la recherche a démontré que ». Il me donne l’impression de réfléchir à voix haute pour qu’on voit comment il fait. C’était plus flagrant quand il a dit « je n’étais pas du tout en accord avec les résultats de cette recherche. J’avais déjà lu d’autres articles sur l’importance de fréquenter un jardin d’enfants avant l’âge de quatre ans, et les auteurs arrivaient à des conclusions différentes ». J’y ai vu comme un effort d’expliciter sa manière de réfléchir et de remettre en question les conclusions d’une recherche scientifique en la mettant en lien avec d’autres études sur un même thème (tiré du journal ethnographique, 8 février 2012)
Le formateur agit aussi à titre de modèle par son attitude auprès de ses collègues et dans
son milieu de travail. Tout comme l’enseignant en milieu scolaire, les formateurs doivent
faire preuve d’une grande ouverture face au travail collaboratif. Ils doivent souvent partager
les charges de cours. Le plus souvent, un formateur est responsable des aspects
fondamentaux d’un cours (la partie théorique) et le segment pratique est assuré par
plusieurs formateurs différents. Ces derniers doivent donc collaborer à la planification du
cours. Ils doivent s’entendre sur les modalités d’évaluation, les lectures ainsi que les
travaux à réaliser. Nous avons remarqué que, la plupart du temps, les formateurs adoptent
une attitude d’ouverture face aux étudiants. Il n’est pas rare de voir les formateurs partager
un repas entre collègues à la cafétéria de la faculté, à travers le lot d’étudiants qui s’arrêtent
pour échanger avec eux. Les étudiants utilisent d’ailleurs le tutoiement avec leurs
formateurs et les autres membres du personnel de l’université. De plus, les formateurs se
montrent très disponibles à recevoir des étudiants pour discuter. Ils agissent de la manière
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
90
qu’ils souhaitent voir agir les futurs enseignants lorsque ces derniers auront intégré la
profession.
En plus d’agir comme modèle, le formateur agit aussi comme guide. Il n’est pas en classe
seulement pour transmettre le savoir, mais bien pour le partager et pour guider l’étudiant
sur les traces du savoir. Dans ce contexte, son rôle est de mettre l’étudiant en contact avec
des éléments théoriques et de lui permettre de connecter cette théorie à la pratique. Le
formateur agit donc à titre de facilitateur, qui place les étudiants dans des circonstances
favorables au développement de son savoir. Son rôle de guide s’observe aussi dans la
manière dont il supervise les travaux des étudiants, qu’il s’agisse de travaux de recherche
ou de simples travaux de session.
Le travail de guide du formateur est facilité par le fait qu’il n’enseigne que ce dans quoi il
est expert. Nous entendons par là que le formateur se doit d’être actif en recherche dans un
domaine donné afin de pouvoir enseigner dans ce domaine. Par exemple, monsieur C,
enseignant en didactique de la physique, fut d’abord bachelier en sciences physiques avant
d’entreprendre des recherches en didactique de la physique. Il travaille aujourd’hui
activement comme chercheur, et profite des cours pour informer les étudiants de faits
récents issus de la recherche dans le domaine. Dans ce contexte, il agit aussi à titre de
facilitateur entre le savoir scientifique et les étudiants. Bien que, le plus souvent, on ne
fasse pas la lecture de publications scientifiques en classe, les étudiants s’approprient
lentement le jargon d’un domaine et développent éventuellement une curiosité pour un
champ de recherche: Le formateur que j’ai interviewé aujourd’hui m’a dit qu’il reçoit normalement une dizaine d’étudiants par année dans son séminaire pour le projet de fin de baccalauréat (bachelor thesis). Il m’explique que les étudiants qui se joignent à son cours sont ceux qui ont aimé les cours en didactique de la physique et qui aimeraient faire une recherche sur ce thème. Je note que c’est une forme intéressante de jumelage, car elle assure à la fois la compétence du superviseur et l’intérêt des étudiants pour le sujet. Cet informateur me mentionne qu’à partir de là, son rôle est surtout d’aguiller les étudiants sur de bonnes pistes de réflexion et de les mettre en contact avec des ouvrages/publications pertinents (tiré du journal ethnographique, 2 avril 2012)
L’enseignant agit à titre de modalisateur de la posture réflexive. Il agit aussi à titre de guide
et de chercheur actif. Son rôle est de placer l’étudiant dans un cadre stimulant de
découverte et de réflexion.
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
91
Si le formateur a pour mission d’agir comme guide, l’étudiant a pour responsabilité de
prendre part à l’exploration, c’est-à-dire, d’être l'agent actif de ses apprentissages. Il
apprend à travers l’expérimentation, le questionnement et la discussion. Bien que plusieurs
d’entre eux se présentent aux conférences avec leurs broches à tricoter, alignant les mailles
en écoutant le formateur donner son cours théorique, le rôle passif de l’étudiant se résume à
quelques heures par semaine. Le temps qu’il accorde à ses travaux personnels ainsi que le
temps passé dans les activités en sous-groupe l’oblige à travailler activement à la
construction de son savoir. Il doit jouer de la guitare dans son cours de musique, tisser des
tapis dans son cours de travail manuel, élaborer un projet de recherche dans son séminaire
de maîtrise, mener une enquête dans son cours d’enseignement de l’éthique et des religions
ou encore vulgariser un article scientifique à ses pairs dans son cours sur le développement
des curriculums. Le futur enseignant finlandais est donc le principal responsable de ses
apprentissages. L’énergie qu’il investit dans ses cours contribuera grandement à la qualité
de la formation qu’il aura reçue :
Le formateur avec qui je parle aujourd’hui confirme mes observations concernant les plans de cours. Comme le curriculum comprend plusieurs cours, chacun d’entre eux vaut pour peu de crédits. Toutefois, le formateur m’explique que malgré le faible nombre de crédits accordés pour un cours, le contenu à transmettre est souvent très dense, ce qui a pour conséquence de pressuriser les cours. La solution envisagée par le personnel est généralement, selon ses dires, de donner beaucoup de travail personnel à l’étudiant, notamment la lecture d’un ou deux ouvrages complémentaires au cours, en plus d’un travail de session (tiré du journal ethnographique, 23 janvier 2012).
L’étudiant finlandais apprend par le contact avec les autres, l’expérimentation et les
échanges. C’est pourquoi il est souvent placé en situation d’apprentissage par les pairs.
Paradoxalement, il est aussi fréquemment mis en situation de travail autonome, où il doit
apprendre à gérer son temps et sa charge de travail. Qu’il s’agisse de la réalisation du
mémoire de maîtrise ou des lectures obligatoires, l’étudiant finlandais doit faire preuve de
beaucoup d’autonomie, de débrouillardise et de flexibilité devant les différentes tâches à
accomplir.
5.6 Le programme comme un lieu d’épanouissement professionnel et personnel
Le curriculum offre un cadre très souple en ce qui a trait autant au cheminement dans son
ensemble qu’au fonctionnement des cours. Il semble régner dans ce programme un souci
pour la formation d’enseignants aux profils diversifiés. Du cheminement au sein du
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
92
programme au choix des travaux de session, le programme laisse à l’étudiant la possibilité
de donner une certaine couleur à sa formation. En effet, le programme de formation offre la
possibilité aux étudiants de modifier leur cheminement pour qu’ils puissent progresser à
leur propre rythme et selon leurs intérêts. Cette caractéristique donne la possibilité à
l’étudiant de se définir comme enseignant de manière unique, selon une démarche
personnelle et ce, en se spécialisant dans un ou plusieurs domaines qui l’intéressent
particulièrement. Qu’il s’agisse de la liberté dans le choix des cours ou des évaluations, ces
pratiques témoignent de l'importance accordée au développement d’une identité propre à
chaque futur enseignant : Je rencontre des étudiants de quatrième année qui ont terminé leur mémoire, mais qui n’ont toujours fait aucun stage. Inversement, j’ai rencontré des étudiants de cinquième année qui avaient fait leur stage et travaillaient présentement en milieu scolaire, sans toutefois avoir complété leur mémoire. Dans mon cours de musique, certains étudiants sont en stage en avant-midi, c’est pourquoi il leur arrive de s’absenter, alors que d’autres en sont seulement à leur deuxième année de formation. Je remarque que les étudiants semblent emprunter des chemins différents, ne pas être au même stade au même moment... Une étudiante m’a brièvement expliqué qu'ils sont libres d’organiser leur formation en établissant leur propre plan d’étude10 avec l’accord de la direction du programme. Aujourd’hui, un formateur me disait que les étudiants peuvent choisir de prioriser la formation à la recherche en réalisant les deux projets de recherche d’abord, puis les stages ensuite. Ce dernier me mentionne que dans plusieurs cas, les étudiants choisissent plutôt de faire les stages d’abord. Plusieurs terminent la formation à la recherche à temps partiel, car ils obtiennent souvent de petits contrats ou travaillent comme suppléant (tiré du journal ethnographique, 17 novembre 2013).
Au-delà de la possibilité d’organiser sa progression au sein du programme, l’étudiant a
aussi la possibilité d’en choisir le contenu. En effet, la formation comprend deux mineures
comptant pour un total de 75 crédits. Le choix du contenu des mineures est laissé à la
discrétion de l’étudiant. Il peut alors choisir de 1) peaufiner des compétences liées à la
pratique enseignante, 2) se spécialiser dans une discipline ou 3) combiner compétences
enseignantes et savoirs disciplinaires. Ces différents parcours constituent une opportunité
pour l’étudiant de nourrir sa curiosité intellectuelle tout en personnalisant sa formation :
10 Le plan d’étude est un document dans lequel l’étudiant prédétermine son cheminement au sein du
programme, avec l’aide d’un superviseur qui lui est attitré en début de formation. Le plan peut être révisé d’une année à l’autre afin de mieux s’adapter aux réalités de l’étudiant. Chaque étudiant possède son propre plan, qu’il établit à la fois en fonction de ses intérêts et de ses besoins. Avec l’accord de la direction du programme, l’étudiant peut cheminer à sa manière, en respectant les engagements qu’il a pris dans son plan d’étude.
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
93
Aujourd’hui, j’ai pris part au cours d’arts plastiques de niveau « avancé ». J’ai eu la permission du formateur pour assister aux cinq prochains cours. En classe, je m’informe auprès de mes collègues à savoir pourquoi il s’agit d’un cours « avancé ». Une étudiante m’explique qu’il n’y a qu'un seul cours d’art obligatoire dans le programme de formation et qu’il s’agit d’un cours d’introduction. Les étudiants qui aiment l’art, qui ont du talent en art ou qui cherchent à se spécialiser peuvent faire une mineure en didactique des arts plastiques. Cette mineure de 25 crédits compte cinq cours d’arts plastiques de niveau avancé. Elle me dit qu’elle avait eu envie de se spécialiser en arts, mais qu’une autre étudiante avec qui elle est amie (et que je connais d’un autre cours) avait plutôt choisi de faire la mineure en littérature finnoise. C’est pourquoi elles avaient beaucoup moins de cours ensemble cette année (tiré du journal ethnographique, 15 avril 2012).
La flexibilité offerte par le programme de formation apparaît comme une façon de
permettre à chaque étudiant de personnaliser son cheminement. Cette diversité de profil
présente, aux yeux des formateurs, des avantages notables sur la qualité de l’enseignement
dispensé dans les écoles. Pour ce formateur, le cadre souple qui caractérise le programme
contribue au développement d’enseignants intéressants et curieux :
Ce formateur me dit qu’elle/il a pour objectif personnel de ne pas former des enseignants « ennuyeux ». Elle cherche à m’expliquer pourquoi elle laisse les étudiants libres de mener les travaux de recherche de leur choix, sans donner trop de consignes. Pour elle, imposer un type de travail (l’essai) et un nombre de pages (10-15 pages, par exemple) est suffisant. Elle préfère laisser l’étudiant explorer des sujets qu’ils n’ont pas le temps de voir en classe, car elle admet ne pas avoir tout le temps dont elle aurait besoin pour couvrir toute la matière. Pour elle, c’est aussi une manière de garder les étudiants motivés et de leur donner la chance d’apprendre sur des sujets qui les intéressent. Pour elle, cette façon de faire nourrit la curiosité des étudiants. Elle explique qu’il fut un temps où elle imposait des thèmes et que les travaux qu’elle recevait alors n’étaient pas aussi bons que ceux qu’elle reçoit aujourd’hui (tiré du journal ethnographique, 9 février 2012).
De plus, en variant l’expertise de chaque enseignant, chacun d'entre eux est vu comme un
professionnel indispensable à son milieu de travail, comme le mentionne cet informateur:
J’apprends aujourd’hui par un formateur qui travaillait anciennement à la direction du programme que l’idée derrière les mineures est de donner à chaque futur enseignant une sorte « d’expertise » qu’il pourra faire bénéficier à son milieu de travail. L’exemple donné lors de l’entretien est celui de la mineure ou du programme court en histoire. Le formateur m’explique que l’idée derrière la mineure est que les enseignants en milieu scolaire puissent se fier sur celui qui a une expertise en histoire pour être une ressource pour ses collègues, de pouvoir aider au renouvellement des livres d’histoire à la bibliothèque de l’école, ou commander du nouveau matériel pédagogique par exemple (tiré du journal ethnographique, 11 mai 2012).
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
94
5.7 L’importance de la réflexivité
5.7.1 Systématiser une démarche professionnelle
La formation d’un enseignant réflexif est située au cœur des préoccupations du programme.
La réflexivité se présente comme la compétence à développer dans le but d’assurer
l’autonomie du futur enseignant. Elle est envisagée comme un exercice permettant à
l’enseignant d’analyser ses propres pratiques en adoptant une posture critique, et a pour
objectif de maximiser l’efficacité des pratiques pédagogiques de l’enseignant :
“As future teachers, they have to learn to make decisions by themselves and to justify them. Being a good teacher means making decisions based on knowledge that aren’t only intuitive. On the contrary, they should always base their argumentation on rational arguments. Teachers should always be able to justify why they decided to use some specific approach over another. That being said, deciding isn’t always easy, but it is something the teacher has to do by himself if he wants to be considered as a professional” (tiré du journal ethnographique, extrait d’un entretien, 24 février 2012).
La réflexivité est considérée comme un outil de travail visant à systématiser une démarche
de remise en question de ses actes et de ses décisions pédagogiques. Le fait d’être
autocritique par rapport à son travail contribue à garantir une certaine qualité des pratiques,
car l’enseignant cherche constamment à s’améliorer sur le plan pédagogique. La réflexivité
est vue comme une compétence nécessaire à un processus de « prise de décisions
pédagogiques ». À ce sujet, nous avons remarqué que plusieurs formateurs associent la
tâche d’enseignement à une tâche de prise de décisions. Pour plusieurs, l’acte d’enseigner
constitue, en partie, une tâche de résolution de problèmes pédagogiques. La réflexivité est
associée à la capacité d’autoréguler ses pratiques professionnelles ainsi qu’à celle d’assurer
sa formation continue, comme en témoigne cet extrait d’entretien auprès d’un informateur :
Les informateurs parlent fréquemment de « rationalité » en référence à une démarche de résolution de problèmes centrée sur la justification des décisions prises par l’enseignant. L’informateur rencontré aujourd’hui me disait : «°teachers have to learn to make educational decisions based on rational argumentation. To work efficiently as a teacher, you need to be able to rely on research to help you decide what is best to do in the classroom. Relying only on personal experience is not sufficient to be a good teacher anymore°» (tiré du journal ethnographique, 1er mars 2012).
Il est souhaité que le futur enseignant apprenne à poser un regard analytique sur sa propre
pratique, ce que la littérature présente comme « metacognition of one’s own work ». Le
désir de développer, chez le futur enseignant, des capacités réflexives s’observe à l’intérieur
de la formation à la recherche. L’étudiant est alors placé dans une position de
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
95
questionnement face aux pratiques pédagogiques qu’il expérimente et qu’il observe en
milieu scolaire. Bien que cette formation serve réellement à introduire l’étudiant à une
démarche scientifique, à consommer ainsi qu’à produire du savoir, les informations
recueillies sur le terrain nous portent à croire que l’objectif derrière la formation à la
recherche est davantage de développer chez l’étudiant la « posture du chercheur » que de
former des chercheurs à proprement parler :
Le futur enseignant apprend à analyser son travail, sa pratique en adoptant l’attitude du chercheur qui se questionne constamment, qui ne prend rien pour acquis et qui ne valide pas ses pratiques en se basant uniquement sur son savoir d’expérience. Il ne s’agit pas tant de recourir aux données de la science que de réfléchir en adoptant la posture du chercheur. Même si beaucoup d’emphase est mise sur la formation à la recherche, ce n’est pas tant la capacité de faire des recherches sinon le bon prétexte que donne la réalisation d’une recherche. L’étudiant doit se questionner, chercher des réponses, être rationnel (tiré du journal ethnographique, 30 mai 2012).
Dans ce contexte, on comprend que la formation dite « basée sur la recherche » n’a pas
pour objectif de former des chercheurs, mais bien des enseignants qui en adoptent la
posture. Si on insiste sur la nécessité de se référer à des informations issues de la recherche
scientifique, c’est que l’on cherche à former des enseignants qui ne se fient pas
exclusivement à leur savoir d’expérience. Nous avons d'ailleurs remarqué que le contact
avec le milieu scolaire par les stages est moins important que la formation à la recherche ou
les études multidisciplinaires :
J’ai profité de ma rencontre pour lui faire part de mes observations à l’égard des stages. Je lui disais que j’étais surprise de constater que les stages comptaient pour uniquement 20 des 300 crédits du programme. Il me disait que cela comptait pour 12 semaines en milieu scolaire à l’intérieur d’une formation de cinq ans. Il me dit: « We prefer to train our teachers within the university, where they can acquire knowledge that they can’t really find in the schools » (tiré du journal ethnographique, 16 novembre 2011)
La forte valorisation de la formation à la recherche au détriment de la formation pratique en
milieu scolaire témoigne toutefois de l’importance et de la crédibilité accordée aux savoirs
issus de la recherche par rapport aux savoirs d’expérience. Cela s’observe notamment à
travers des commentaires recueillis lors d’entretiens. Au sein du programme, les savoirs
scientifiques sont associés à des savoirs « vivants » alors que les savoirs issus de la pratique
et de l’expérience sont associés à des savoirs « morts » ou « figés dans le temps ». Pour
plusieurs formateurs, le savoir d’expérience est conceptualisé comme un bagage qui n’est
pas appelé à évoluer vers de nouvelles pratiques, plus récentes. Il s’ancre dans les pratiques
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
96
du passé et se conforte dans ces dernières. Former à la recherche constitue donc un moyen
de mettre l’étudiant en contact avec des savoirs en évolution au lieu de mettre les étudiants
uniquement en contact avec l’héritage de l’expérience pratique de leur prédécesseur. Dès
lors, les cours offerts dans la formation semblent détenir une plus grande importance que le
temps passé à chausser les bottes d’un enseignant en contexte de stage pratique :
Mon professeur me parle de « dead knowledge » en référence aux savoirs d’expérience. J’en comprends qu’il associe en quelque sorte les connaissances issues de la pratique à des connaissances « figées », qui n’évoluent pas avec le temps. Il renchérit aussi sur le sujet de manière très intéressante quand il parle des stages et qu’il mentionne, à ma grande surprise, que « practice is good, but too much practice is not good. 30 years of teacher’s work is enough practice » (tiré du journal ethnographique, 7 février 2012).
Grâce aux propos de cet informateur, il est possible de constater toute l’importance que l’on
accorde aux savoirs de la recherche associés au progrès, versus les savoirs d’expérience,
que l’on associe d’une certaine manière à des savoirs ancrés dans le passé et qui refusent
d’évoluer.
La réflexivité s’entend donc comme la « posture du chercheur ». Elle sert à baliser le
processus décisionnel de l’enseignant vis-à-vis ses pratiques pédagogiques. Ce qui
explique d’ailleurs pourquoi, dans la littérature, l’argument de rationalité est fortement mis
en valeur. Le travail de l’enseignant est vu comme une tâche de prise de décisions
pédagogiques se basant sur des arguments rationnels. Les résultats issus de la recherche
scientifique en éducation sont considérés comme des arguments rationnels.
Notre présence sur le terrain nous a permis de réaliser que la réflexivité, même quand elle
est dite critique, réfère davantage à une manière de systématiser une démarche rationnelle
de résolution de problèmes. La tâche de l’enseignant est donc vue comme une tâche de
résolution de problèmes, et la réflexivité est là pour assurer le jugement rationnel de
l’enseignant. La réflexivité comme une manière d’assurer un professionnalisme de qualité,
une manière d’assurer l’autonomie de l’enseignant qui a pour guide cette posture réflexive.
En conclusion, la réflexivité est considérée comme une compétence à développer dans le
but d’assurer l’autonomie du futur enseignant. Elle est envisagée comme un exercice
permettant à l’enseignant d’analyser ses propres pratiques en adoptant une posture critique.
« Being reflexive gives the teacher the capacity to keep learning and doing better outside of the University. It is only by increasing this capacity that we can ensure the
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
97
quality of the teaching staff in the school 20 years from now » (tiré du journal ethnographique, extrait d’entretien, 2 février 2012).
La réflexivité a aussi pour objectif de maximiser l’efficacité des pratiques pédagogiques de
l’enseignant. Les informateurs parlent fréquemment de « rationalité » en référence à une
démarche de résolution de problèmes centrée sur la justification des décisions prises par
l’enseignant :
« Teachers have to learn to make educational decisions based on rational argumentation. To work efficiently as a teacher, you need to be able to rely on research to help you decide what is best to do in the classroom. Relying only on personal experience is not sufficient anymore to be a good teacher » (tiré du journal ethnographique, extrait d’entretien, 2 février 2012).
L’autonomie est abordée, sur le terrain, comme la compétence que l’enseignant doit
posséder dans le monde d’aujourd’hui et cette compétence se présente comme essentielle à
l’accomplissement de sa tâche. La réflexivité constitue l’outil permettant à l’enseignant
d’être autonome, et la rationalité agit comme régulateur de l’acte réflexif. Dans ce contexte,
la réflexivité se présente comme un moyen « indirect » d’opérer un certain contrôle sur la
pratique de l’enseignant qui agit de manière autonome. Cette compétence est associée à la
capacité d’autoréguler ses pratiques professionnelles ainsi qu’à celle d’assurer sa formation
continue :
« The teacher has to be autonomous in order to stay updated in a world where knowledge evolves very fast. It is only by adopting a reflexive stance that a teacher will be able to react and adapt his or her practice to newer approaches » (tiré du journal ethnographique, extrait d’entretien, 4 novembre 2011).
5.7.2 Favoriser l’épanouissement professionnel de chaque enseignant
La réflexivité se présente aussi dans une tout autre perspective, celle du développement
personnel et de l’épanouissement sur le plan professionnel. Bien que l’on semble accorder
une importance indubitable à la rationalité, nous avons noté dans le discours le désir de
laisser s’épanouir le futur professionnel en permettant à ses intérêts, ses sentiments et ses
expériences d'alimenter sa construction identitaire. Les informateurs interrogés ont souvent
mentionné le souhait de permettre aux futurs enseignants de se découvrir sur le plan
professionnel. Plusieurs formateurs ont relevé l’importance pour les futurs enseignants de
connaître leurs forces et leurs faiblesses mais aussi leurs intérêts qui font d’eux des acteurs
uniques du milieu de l’éducation.
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
98
Mentionnons aussi que dans plusieurs cours, avec des formules comme l’essai ou les bilans
de stages, on incite l’étudiant à exprimer comment il se sent, comment il vit sa formation et
comment il perçoit sont rôle d’enseignant. On l’invite à poser un regard réflexif sur son
passé d’élève, sa propre expérience influençant la vision de son rôle, à identifier ses forces
et ses faiblesses ainsi que les caractéristiques qui font de lui un professionnel unique. La
réflexivité prend alors un autre sens. Alors que la réflexivité dite « critique » cherche à
systématiser une démarche professionnelle, cette forme de réflexivité plus personnelle
favorise le développement de l’identité professionnelle de l’étudiant en valorisant ses forces
et ses intérêts. Les propos de cet informateur témoignent de l’importance accordée à
l’épanouissement de l’étudiant au sein de sa formation. Pour lui, l’enseignant doit être en
mesure d’identifier ses forces, ses faiblesses et ses intérêts afin de développer son identité
professionnelle :
« We have to support student teachers in discovering their personal strengths and constructing their professional identities based on these strengths. Every teacher is unique and has something special to provide to his or her working environment. University is the moment when they get to know what kind of teacher they want to be and why » ((tire du journal ethnographique, extrait d’entretien, 20 janvier 2012).
Alors que, dans le contexte de la formation à la recherche, la réflexivité permet de définir
une forme de rationalité servant à baliser un processus de prise de décisions, elle se définit
dans le reste de la formation davantage comme une forme d’introspection visant une
meilleure connaissance de soi sur le plan professionnel.
À la lumière de ces observations, il est possible d’affirmer que le contexte dans lequel
évoluent les étudiants en est un d’ouverture, qui célèbre la diversité d’intérêt des étudiants
en leur permettant de diversifier leur formation de toutes sortes de façons.
5.8 Culture du curriculum et identité professionnelle
Notre interprétation de la culture du curriculum se présente comme suit : une formation qui
mise sur le développement de compétences professionnelles spécifiques, tout en favorisant
la diversité des modèles. Nous entendons par là que le programme de formation, bien qu’il
cherche à systématiser chez le futur enseignant une démarche réflexive bien précise,
favorise aussi la diversification des parcours des étudiants en fonction de leurs intérêts et de
leurs habiletés respectives. La culture du curriculum se caractérise donc par sa volonté de
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
99
former une variété de professionnels adoptant une démarche de travail avec comme
fondement la réflexivité et ce, dans une perspective de rationalité et de prise de décisions.
5.8.1 L’enseignant finlandais : un professionnel efficace
Notre description ethnographique nous a permis d’identifier la finalité du programme à
former des enseignants capables de prendre des décisions basées sur des arguments
rationnels. Dans la littérature comme sur le terrain, les arguments rationnels se définissent
comme des arguments qui ne sont pas uniquement issus du savoir d’expérience, mais qui
prennent plutôt racine dans une démarche réflexive où l’enseignant adopte une position
autocritique face à ses pratiques pédagogiques. La formation à la recherche, qui agit à titre
de thème organisateur du programme de formation, n’a donc pas pour mandat de former
des chercheurs mais de former des enseignants capables d’en adopter la posture, et ce afin
de les doter de la capacité d’analyser leur pratique dans le but de les améliorer tout au long
de leur carrière.
À la lumière de cette analyse du programme, nous pouvons déduire qu’il est essentiel, aux
yeux des administrateurs et des formateurs à l’origine de ce curriculum, de former des
enseignants qui appréhendent la tâche d’enseignement de la même façon, c’est-à-dire,
comme un acte de résolution de problèmes dans lequel la rationalité sert de point de départ
au processus décisionnel. C’est donc dire, en premier lieu, que l’enseignant finlandais est
d’abord appréhendé comme un idéal que nous qualifions « efficace », c'est-à-dire qu’il
cherche à maximiser la portée et l’efficacité de ses pratiques pédagogiques à travers une
démarche réflexive bien spécifique, celle de la posture du chercheur.
Les futurs enseignants formés à l’Université d’Helsinki sont appelés à développer des
compétences professionnelles tournées vers l’efficacité de leurs pratiques pédagogiques.
Cela se voit notamment dans le choix d’une approche basée sur la recherche dans laquelle
on valorise une forme de réflexivité et où la tâche de l’enseignant est vue comme un
exercice de résolution de problèmes. L’importance accordée au développement de la
flexibilité et de l’autonomie témoigne aussi de la volonté de former un enseignant capable
de mener son travail de manière indépendante, tout en sachant s’adapter aux différentes
situations de la vie professionnelle. La flexibilité, l’autonomie et la collégialité sont
d’ailleurs associées à l’idée de « lifelong learning » que nous pourrions traduire par
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
100
« apprentissages tout au long de la vie ». Dans cette perspective, la formation initiale est
vue comme un milieu au sein duquel le professionnel apprend à apprendre à travers la
réflexion sur sa pratique. Cette posture de remise en question perpétuelle motive
l’acquisition de nouvelles connaissances en lien avec son champ d’études, et ce au-delà de
la formation initiale. Cette posture est d’ailleurs fortement valorisée par le programme à
travers l’approche basée sur la recherche, qui semble avoir deux objectifs : 1) développer
chez le futur enseignant la posture du chercheur qui prend des décisions rationnelles basées
sur des faits empiriques plutôt que sur ses intuitions et 2) développer la posture de
l’apprenant désireux d’actualiser ses connaissances et ses compétences.
5.8.2 L’enseignant finlandais : un professionnel unique et essentiel à son milieu
Nous sommes toutefois placés devant un paradoxe intéressant. Alors que, comme nous
venons de le présenter, le programme de formation s’efforce à former des enseignants qui
réfléchissent selon une démarche uniforme, on constate que le programme cherche aussi à
diversifier les cheminements de manière à former des enseignants aux expertises variées.
D’un côté, le programme impose une sorte de « moule » en systématisant une démarche
réflexive et de l’autre, il invite chaque étudiant à revêtir ses propres couleurs.
L’enseignant finlandais est appréhendé comme un professionnel unique en ce sens qu’il est
valorisé par une manière de cheminer selon ses talents et ses intérêts. Fait intéressant, la
volonté de diversifier les profils existe afin mieux répondre aux besoins du milieu scolaire.
En effet, les formateurs s’entendent généralement pour dire que la qualité de
l’enseignement réside dans la mise en commun des connaissances de chacun. L’enseignant
finlandais est donc invité à construire une identité professionnelle à son image, et à en faire
bénéficier les autres enseignants. Sa formation lui donne la chance de choisir des cours lui
permettant de se spécialiser dans une discipline académique ou de perfectionner des
techniques propres à l’enseignement. Les formules pédagogiques utilisées par les
formateurs lui donnent la chance de se questionner sur ses valeurs et sa mission, d’élaborer
sa propre conception de l’acte d’enseigner, de son rôle et des besoins de ses élèves.
5.8.3 L’enseignant finlandais : un professionnel averti
L’enseignant finlandais est aussi envisagé comme un professionnel averti au sens où il est
appelé à comprendre, notamment, les mécanismes à travers lesquels le savoir est construit
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
101
et divulgué. Bien que nous ayons recueilli très peu de commentaires nous permettant de
valider cette interprétation, le programme semble propice au développement d’une pensée
critique chez les étudiants ayant un intérêt particulier pour des questions en lien avec les
aspects politiques, sociaux et moraux de l’éducation.
Bien que notre enquête n’ait pas explicitement relevé de moments dans lesquels les
étudiants furent appelés à poser un regard critique sur des questions relatives à la mission
de l’école, aux mécanismes de régulation qui régissent l’école ou plus largement à des
questions en lien avec la justice sociale, nous sommes d’avis que le programme contribue
au développement d’un professionnel critique dans la mesure où le futur enseignant, par la
formation à la recherche, est exposé à la manière de créer et de sélectionner le savoir. Cette
proximité avec la connaissance donne lieu à des réflexions intéressantes sur les mécanismes
qui régissent les savoirs qui sont enseignés à l’école, la manière dont certains savoirs sont
valorisés au détriment d’autres. Le fait de s’impliquer dans des séminaires de recherche où
le futur enseignant est appelé à évaluer le travail de ses collègues lui donne aussi la chance
de se questionner sur les fondements de l’évaluation et son caractère normatif. Finalement,
la diversification des parcours de formation permet à certains étudiants d’opter pour une
formation à caractère plus libéral en choisissant, notamment, d’étudier les sciences
politiques, la sociologie, la philosophie ou encore la littérature. Ce bagage de connaissances
est propice au développement d’un regard critique porté au-delà de l’acte d’enseigner et des
préoccupations concrètes de la classe.
5.8.4 L’enseignant finlandais : praticien-réflexif?
L’idée du praticien-réflexif, comme nous l’avons souligné, renvoie à une variété de
conceptions différentes. Dans le contexte de cette étude, il est possible d’associer la volonté
de former des enseignants «°efficaces°» à une forme de réflexivité autocritique, qui porte
sur les pratiques professionnelles de l’enseignant et qui vise l’amélioration constante de ses
pratiques pédagogiques.
Le futur enseignant apprend à analyser son travail, sa pratique en adoptant l’attitude du
chercheur qui se questionne constamment, qui ne prend rien pour acquis et qui ne valide
pas ses pratiques en se basant uniquement sur son savoir d’expérience. L’attitude du
chercheur sert en quelque sorte à baliser le processus décisionnel de l’enseignant en regard
Chapitre 5 - Présentation et interprétation des données
102
à ses pratiques pédagogiques. Ce qui explique d’ailleurs pourquoi, dans la littérature,
l’argument de rationalité est fortement mis en valeur. Le travail de l’enseignant est
considéré comme une tâche de prise de décisions pédagogiques se basant sur des arguments
rationnels. Les données issues de la recherche scientifique en éducation sont considérées
comme telles. Toutefois, il ne s’agit pas tant de recourir aux données de la science mais
plutôt de réfléchir en adoptant la posture du chercheur.
Nous avons vu, dans la formation de cet enseignant réflexif, une volonté de systématiser la
démarche de prise de décisions de l’enseignant en lui inculquant le désir de justifier ses
pratiques pédagogiques à partir de certains critères de rationalité. Cela peut s’interpréter/se
comprendre comme une forme indirecte de « contrôle » de la qualité du personnel
enseignant dans un contexte où l’administration de l’éducation est fortement décentralisée
et où les enseignants détiennent une grande liberté professionnelle.
Dans ce contexte, on comprend que la formation dite « basée sur la recherche » n’a pas
pour objectif de former des chercheurs, mais bien des enseignants qui en adoptent la
posture. Si on insiste sur la nécessité de se référer à des informations issues de la recherche
scientifique, c'est que l’on cherche à former des enseignants qui ne se fient pas
exclusivement à leur savoir d’expérience. La réflexivité est envisagée comme un outil de
travail visant à systématiser une démarche de remise en question de ses actes et de ses
décisions pédagogiques. Le fait d’être autocritique face à son travail contribue à garantir
une certaine qualité des pratiques, car l’enseignant cherche constamment à s’améliorer sur
le plan pédagogique.
Chapitre 6 - Conclusion
103
Chapitre 6 - Conclusion
Nous avons exposé, au chapitre 3, les liens qui unissent le curriculum de formation, la
culture qu’il induit et l’identité professionnelle développée par le futur enseignant. Nous
avons alors fait valoir l’idée qu’une culture scolaire (universitaire dans notre cas), comme
celle présentée dans le chapitre précédent, s’élabore autour d’un curriculum de formation
qui lui, se construit autour d’une vision idéale de l’enseignant. Nous avons appelé « idéal-
enseignant » cette conception idéale, et ce en référence au concept de « vision of good
teaching » proposée par Korthagen et Wubbels (1995). Dans le même ordre d’idées, nous
avons fait valoir que la culture d’un curriculum nous informe sur les qualités et les
compétences jugées essentielles chez le bon enseignant.
L’objectif général de cette étude était, rappelons-le, de distinguer le profil identitaire de
l’enseignant finlandais en procédant à une analyse de son curriculum de formation initiale.
De manière plus spécifique, nous avions pour objectif de documenter le curriculum de
formation initiale en s’intéressant à ses caractéristiques structurelles et organisationnelles.
Notre deuxième objectif était de dégager, à partir de ces caractéristiques, les éléments d’une
culture propre à ce curriculum de formation. Finalement, notre troisième objectif est de
dégager, à partir de notre documentation de la culture du curriculum, des éléments qui nous
informent, directement ou indirectement, sur l’identité professionnelle de l’enseignant
finlandais.
À l’issue de cette étude, nous sommes parvenus à répondre à nos objectifs de recherche.
L'immersion prolongée au sein de ce programme de formation nous a permis d’acquérir une
compréhension du programme qui va au-delà des informations disponibles dans la
littérature, informations qui se sont vite présentées à nous comme un paravent qui en disait
bien peu sur les éléments qui lui donnent son caractère distinctif.
Conformément à notre premier objectif spécifique, nous sommes parvenus à documenter en
profondeur le curriculum de formation. Nous savons maintenant que la formation initiale
dispensée à l’Université d’Helsinki est constituée d’un amalgame complexe de cours,
certains destinés à une formation pratique, d’autres à une formation davantage théorique.
Nous savons que la formation pratique implique un réel travail de manipulation,
d’expérimentation et de créativité par l’étudiant. De la même manière, nous savons que la
Chapitre 6 - Conclusion
104
formation à la recherche compte pour une partie importante de la formation, et qu’elle
implique de la part de l’étudiant qu’il accepte de relever des défis, dont notamment celui de
mener à terme la rédaction d’un mémoire de manière autonome. Documenter le curriculum
de formation nous a aussi permis d’apprendre que le temps accordé à la formation pratique
dite «°en stage°» était de moindre importance par rapport à la formation théorique dite «°de
recherche°». Bien que les étudiants prennent part à des stages, ce ne sont qu’une douzaine
de semaines sur une formation de cinq ans qui sont destinées à l’apprivoisement de la
réalité scolaire. Ces informations donnent une profondeur nouvelle à celle proposée par la
littérature présentement disponible, qui ne fait généralement valoir que la qualité de la
formation à la recherche et l’importance de l’intégration théorie-pratique dans le
programme. Or, comme nous l’avons souligné, le curriculum se distingue bien au-delà de
sa formation à la recherche. La formation multidisciplinaire, qui permet à chaque futur
enseignant de développer des habiletés en lien avec la profession, de même que les cours
optionnels qui permettent à chacun de se spécialiser en fonction de ses intérêts, sont autant
de caractéristiques qui contribuent au caractère distinctif de ce programme.
Conformément à notre deuxième objectif, qui était de dégager, à partir des caractéristiques
structurelles et organisationnelles du programme, les éléments d’une culture propre à ce
curriculum de formation, nous sommes parvenus à faire trois grands constats. La culture du
programme se distingue par un profond respect dans les relations humaines. Cette grande
«°communauté d’apprentissage°» comme nous l’avons appelée, privilégie les rapports
collégiaux et se préoccupe du rapport de proximité qu’entretiennent les individus entre eux
ainsi qu’avec le savoir. Elle se distingue aussi par l’importance qu’elle accorde à
l’épanouissement des futurs enseignants, autant sur le plan personnel que professionnel.
Finalement, le programme nourrit une importante culture de la réflexivité. En effet, le
concept de pratique réflexif évolue au cœur du programme. Si l’approche basée sur la
recherche agit à titre de thème organisateur du programme, l’intégration théorie-pratique
agit comme facilitateur de la mise en œuvre de cette approche. Le raisonnement
pédagogique se présente comme l’objectif premier de la formation. Le désir de former les
étudiants à partir de savoirs théoriques et/ou empiriquement vérifiés est justifié par
l’importance pour l’enseignant de pouvoir se référer à autre chose que son savoir
d’expérience dans le cadre de sa pratique. La recherche est utilisée pour développer, chez le
Chapitre 6 - Conclusion
105
futur enseignant, le désir de justifier ses décisions pédagogiques selon des données
vérifiables plutôt que sur son savoir d’expérience. Il ne s’agit donc pas, dans les faits, de
former des enseignants capables de mener des études ou de les publier, mais plutôt de
former des professionnels conscients du caractère contradictoire et évolutif des savoirs, et
aptes à réfléchir en adoptant une posture rationnelle. L’approche basée sur la recherche se
présente, dès lors, comme un contexte de formation mis en place dans le but de favoriser le
développement de compétences réflexives associées au professionnalisme enseignant,
c’est-à-dire à l’autonomie professionnelle et à l’imputabilité.
Le troisième objectif, celui de dégager à partir de notre analyse de la culture du curriculum,
des éléments qui nous informent sur l’identité professionnelle de l’enseignant finlandais, a
lui aussi été atteint. À l’issue de cette recherche, nous savons de l’enseignant finlandais
qu’il est appelé à adopter, dans une perspective d’efficacité des pratiques, une posture
autocritique à travers laquelle il porte un regard critique sur les actions qu’il pose et les
décisions pédagogiques qu’il prend. Si l’objectif principal semble être la formation d’un
professionnel efficace, le programme de formation des maîtres de l’Université d’Helsinki
nous a toutefois révélé différents objectifs en lien avec l’identité professionnelle, certains
placés au premier plan, d’autres plus effacés. En effet, bien que l’on semble chercher à
systématiser une démarche de réflexion professionnelle dans une perspective d’efficacité, le
programme cultive aussi un désir de diversifier les cheminements de formation en laissant
l’étudiant libre de choisir une importante partie de son cursus. On remarque aussi une
volonté de faire comprendre le caractère évolutif, changeant et voire même politique de la
connaissance et de la transmission des savoirs. On remarque toutefois que certains efforts,
certes plus marginaux, sont faits dans le but de former un enseignant dont les
caractéristiques s’inscrivent dans l’idéal sensible de l’enseignant, observation qui peut
sembler paradoxale si elle n’est pas mise en contexte. L’analyse fait aussi état des
potentialités du programme quant à la formation de l’enseignant dans son idéal critique.
Bien que cet objectif ne semble pas de première importance, certaines caractéristiques du
programme permettent à ceux qui ont une propension vers ce type d’enseignement de s’y
découvrir des intérêts. La formation d’enseignant aux profils diversifiés fait aussi partie des
préoccupations du programme.
Chapitre 6 - Conclusion
106
La valorisation d’une réflexivité parfois rationnelle, parfois empathique et parfois critique
au sein d’un même programme témoigne encore ici du pluralisme idéologique qui
caractérise le concept de réflexivité. Il est toutefois intéressant de constater que différentes
conceptions de la réflexivité puissent coexister au sein d’un seul et même programme.
C’est une observation qu’avait faite Zeichner (1983) qui mentionnait, suite à son étude des
paradigmes de la formation initiale aux Etats-Unis, que bien qu’un programme de
formation adopte une idéologie dominante, il est possible de retracer toutes les formes
d’idéologies à différents niveaux d’importance.
À l’issue de cette étude, l’enseignant finlandais apparait comme un professionnel efficace
doté d’une expertise qui contribue à le distinguer de ses collègues et qui invite à la
collaboration et au partage des connaissances. Bien plus qu’un praticien réflexif, comme la
littérature nous le présente, l’enseignant finlandais s’est présenté à nous comme un acteur
du monde de l’éducation, capable de faire preuve de discernement, mais aussi d’empathie
et d’ouverture face au défi que représente la profession enseignante.
L’Université d’Helsinki et son programme de formation des maîtres offrent un bel espace
de réflexion sur les finalités de la formation enseignante et sur les manières d’arriver à ces
fins. Dans un contexte où les études comparées viennent imposer une dynamique nouvelle
de « mesure de l’autre » en éducation, cette recherche permet de remettre en perspective un
système d’éducation présenté comme un « modèle à suivre ».
6.1 Retombées de notre étude
La principale retombée de notre étude est de contribuer à une meilleure connaissance de la
Finlande et de son système d’éducation. Dans un contexte où, comme nous l’avons
souligné, la recherche comparative tend à atténuer les différences entre les milieux, à se
questionner quant à l’identité professionnelle valorisée dans un contexte social spécifique,
elle nous informe 1) sur les rôles que l’enseignant sera appelé à jouer une fois dans le
milieu scolaire, 2) sur la manière dont on conçoit l’apprentissage et l’apprenant et 3) sur la
mission de l’école. Par le choix de ce thème de recherche, nous croyons que les résultats
générés par cette étude contribueront à une compréhension plus claire d’un système
d’éducation qui s’est illustré comme un modèle à suivre.
Chapitre 6 - Conclusion
107
6.2 Limites de notre étude
Dans l’élaboration de sa théorie du curriculum comme culture, Joseph (2011) rappelle qu’il
n’existe pas de culture qui soit « pure ». L’auteur entend par là qu’il est impossible de
délimiter les frontières entre les éléments qui relèvent d’une culture de curriculum et celles
qui relèvent d’une autre. De la même manière, nous tenons à souligner les limites de notre
travail d’interprétation relativement à cette idée de culture. En effet, nous avons présenté
les composantes du curriculum comme relevant uniquement de la formation initiale à
l’enseignement. Or, nous nous imaginons que certaines de ces composantes relèvent peut-
être davantage de la culture universitaire dans son ensemble (pensons, entre autres, à
l’importance accordée au travail autonome) ou encore à la culture facultaire (pensons à
l’importance de l’intégration théorie-pratique, élément qui peut s’avérer tout aussi
important au sein des autres programmes composant la faculté).
Qui plus est, cette étude a pour limites celles qui caractérisent généralement l’étude de cas.
Il est impossible de généraliser les résultats de notre étude à d’autres programmes de
formation initiale qu’à celui que nous avons étudié. En ce qui a trait à la subjectivité du
chercheur dans le travail de cueillette et d’interprétation des données, nous sommes
consciente de l’influence qu’a pu détenir notre propre expérience de formation initiale en
enseignement dans la réalisation de cette recherche. Nous avons toutefois pris soin, comme
nous l’avons exposé dans notre chapitre méthodologie, d’expliciter nos préconceptions au
fil de l’étude.
6.3 Poursuite de la recherche
Les profils identitaires que nous avons pu identifier ne sont, en réalité, qu’une esquisse qui
pourrait être peaufinée en menant d’autres études s’intéressant plus spécifiquement à
l’identité de base construite à l’issue de cette formation. Il serait intéressant de se pencher
sur l’expérience des étudiants ainsi que sur la perception qu’ils détiennent de leur identité
professionnelle, un peu comme l’ont fait Beauchamp et Thomas (2009), qui ont étudié cette
question auprès d’étudiants québécois.
Dans un autre ordre d’idées, il y a lieu de porter un regard sur les enseignants qui ont
terminé la formation initiale et qui travaillent en milieu scolaire. L’identité professionnelle
Chapitre 6 - Conclusion
108
s’altère avec le temps et en fonction de divers facteurs. Il serait donc intéressant de voir
comment s’épanouit l’IPE de ces enseignants après leur passage en formation initiale.
109
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117
ANNEXES
Annexe A
Canevas d’entretien destiné aux professeurs des cours disciplinaires
Professeur : ____________________________ Autre fonction : _____________________ Cours dispensé (s): ________________________
1. Comment le contenu du cours est-il déterminé (en équipe, par vous-même, par le programme, etc.) - How do you determine what is to be learned in the course?
2. Si vous deviez donner une note de zéro à cinq, zéro signifiant que vous n’avez jamais recours à la littérature scientifique et cinq signifiant que vous y avez toujours, quel chiffre décrirait le mieux votre cours - Giving a note from 0 to 5, 0 meaning never and 5 meaning always, how would you grade your use of scientific literature among your course?
3. Comment choisissez-vous les lectures / activités à caractère scientifique qui seront faites dans le cadre du cours et pourquoi - How do you choose the research-based readings and activities to do in class, and why?
4. Comment choisissez-vous la formule pédagogique pour aborder un article / ouvrage scientifique - How do you decide of the way to use those readings?
5. Quel est votre objectif quand vous présentez un article / ouvrage scientifique a vos étudiants - What are you aiming to do when you introduce research-based literature to your students?
6. Quels sont les travaux que les étudiants ont à réaliser dans le cadre du cours (en référence au travail autonome)? Quels sont vos objectifs par rapport à ceux-ci -What is the independent work that students have to do within your course? What are your objectives related this type of work?
7. De par vos expériences, comment les étudiants participent-ils au cours en général - How do the students participate in class?
8. Pensez-vous qu’ils bénéficient du contact avec la recherche? Si oui, comment? Si non, pourquoi - Do you think pre-service teachers gain from the research-based approach? If so, how? If not, why?
9. En somme, votre cours contribue-t-il, selon vous, à la formation à la recherche des étudiants? Justifiez - Would you say your course contributes to the research training of the students? Why?
10. Autres questions en lien avec les observations réalisées en contexte de classe, le cas échéant – Other questions related to observation sessions.
118
Annexe B
Canevas d’entretien destiné aux professeurs en formation à la recherche Professeur : ____________________________ Autre fonction : _____________________ Cours dispensé (s) : ________________________
1. Comment expliquez-vous l’importance/ la nécessité de la maîtrise dans la formation des enseignants - How would you explain the importance/ necessity of a master's degree for teachers?
2. Le curriculum offre cinq cours de formation portant spécifiquement sur la recherche en éducation. À quels moments ces cours sont-ils placés dans le curriculum - The curricula offers five courses related to research studies in education. When are those courses taking place?
3. Quels sont les travaux que les étudiants ont à réaliser dans le cadre de ces cours (en référence au travail autonome)? Quels sont vos objectifs par rapport à ceux-ci - What is the independent work that students have to do within your course? What are your objectives related to this?
4. Qu’est-ce qui distingue la thèse du baccalauréat de la thèse de la maîtrise? Ces deux projets s’articulent-ils ensemble? Si oui, comment - What are the distinctions between the bachelor and the master’s thesis? Are those two projects related somehow?
5. Quel est le support offert aux étudiants pendant la réalisation de leurs thèses (baccalauréat et maîtrise) - What kind of support is given to the students during the writing of their thesis?
6. En quoi consistent les séminaires de recherche -What are the research seminars like?
7. Les projets de maîtrise dans le département de la formation des maîtres sont-ils soumis aux mêmes exigences que dans le reste de la faculté? Si non, quelles sont les différences - Are the evaluation criteria the same among the different departments of the faculty concerning the writing of the master's thesis? If not, what are the differences?
8. Diriez-vous que le programme de formation des maîtres cherche davantage à former des producteurs de recherches scientifiques, des consommateurs ou les deux? Pourquoi -Would you say that the research-based approach tends to train producer or consumer of research, or both? Why?
9. Pensez-vous que les étudiants bénéficient du contact avec la recherche? Si oui, comment? Si non, pourquoi? - Do you think pre-service teachers gain from the research-based approach? If so, how? If not, why?
10. Autres questions en lien avec les observations réalisées en contexte de classe, le cas échéant – Other questions related to observation sessions.
119
Annexe C
Annonce de recrutement
Dear Madam or Sir, My name is Laurie Dorval-Morissette and I am a master’s student from Université Laval, Canada. I am currently in Helsinki in order to study the functioning of the research-based approach within the teacher education program at the University of Helsinki. The objective of this research is to better understand the application of the research-based approach within the curriculum. This study has been approved by Université Laval’s research ethics committee, approbation number 2011-283/ 06-01-2012. As part of my research, I am currently recruiting professors from the Department of teacher education to realize 45 to 60 minutes individual interviews. This interview is meant to collect information on how the research-based approach is taking place within the teacher education program. Interviews will be recorded to facilitate note-taking. A second interview could be done if necessary with the agreement of the participant. As a complement to the interview, a series of three to five observations in class could also be done with the agreement of the participant and its students. Your collaboration to my project would be much appreciated. It would contribute to the development of knowledge related to teacher education. The interview can be realize whenever suits you the best. Thanks for taking time to participate to this research project. You can show your interest to this project by sending an e-mail to the following address: laurie.dorval-morissette.1@ulaval.ca Best regards and thank you for your collaboration, Laurie Dorval-Morissette
120
Annexe D
CONSENT FORM
RESEARCH PROJECT: The functioning of research-based teacher education: a case study of the University of Helsinki Dear Madam or Sir:
I am a Master’s student at the Faculty of Education (Département des fondements et pratiques en éducation) at Université Laval, Canada. I am presently studying the research-based approach within the teacher education training at the University of Helsinki. This project is undertaken independently by the University of Helsinki. It is supervised by madame Annie Pilote, professor and researcher at Université Laval.
As part of my research, I am currently recruiting participants for a study. The objective of this study is to document the application of the research-based approach among the courses offered in teacher education at the University of Helsinki. This research project should lead to a better understanding of the research-based approach and a better understanding of the training offered to pre-service teachers within this institution.
The research method consists of one individual interview with the student-researcher (myself). This semi-structured interview, lasting between 45 to 60 minutes, will take place at the University of Helsinki during winter session 2012. An audio recorder will be used during the interviews to facilitate note-taking. The recordings will be reserved exclusively for the research study and will not be made available to any other individual or organization. A second interview could be realized if necessary with the agreement of the participant.
As a complement to the interview, a series of 3 to 5 observations in class could be realized with the agreement of the participant and its students.
Please note that all research activities will be carried out with strong adherence to rules of ethics and that this study has been approved by the university’s research ethics committee, approbation number 2011-283/ 06-01-2012. I ensure confidentiality to all participants in the study, by using fictional names in the research report and in any other distribution of information. A code will be used in all research documents and only myself will have access to the list of codes and names. If quotations (excerpts from the interviews) are used, we ensure that it will not be possible to identify interview participants or other parties mentioned during the interview. Material collected during the research will be kept locked or inside electronic files to which the access is protected by a password. It should be noted that all information and material collected during the research, including the recordings, will be kept for a period of 5 years and will then be destroyed (no later than fall 2017)”.
121
You may also note that participation is voluntary. Participant can withdraw at any time confidentially and without providing any explanation by contacting using the contact information provided below. In that case, information and data collected from the participant will be destroyed. Upon completion of the study, the results will be made available to all participants who wish to consult them. A summary will also be prepared to facilitate distribution of results to those interested.
*Please keep one copy of this document for your personal files.
1. I, the undersigned, ____________________________ declare that I have read and understand the information contained in the document “Consent Form”. By signing this document, I consent to participating in the study entitled “The functioning of research-based teacher education: a case study of the University of Helsinki” according to the research method described.
2. I understand that I may ask the student-researcher any question I wish, so as to better understand the methods of the study.
3. I may withdraw myself from this study at any time without giving a reason and without prejudice.
____________________________ ________________________ Signature of the participant Date ____________________________ ________________________ Signature of student- researcher Date
Any complaints or concerns may be addressed to the Head of the Class teacher programme:
Anu Laine Siltavuorenpenger 5A, 308 C Helsinki, Finland Phone number: 09-19129551 E-mail: anu.laine@helsinki.fi
***IMPORTANT***
All questions related to the project may be addressed to the researcher:
Laurie Dorval-Morissette Hietaniemenkatu 14 A, 501
Helsinki, Finland Email : laurie.dorval-morissette.1@ulaval.ca
Telephone : 04 06 25 49 41 (Finland) +001 418 839 9259 (Canada)
122
Annexe E
Grille d’observation
Focus Explanation What are the existing beliefs and norms in classrooms and schools?
Visions Ultimate purposes of education?
Students Students’ need and how they learn?
Teacher Role of teacher?
Context Subject matter and its organization? Environment of the classroom and school?
Planning How curriculum should be planned and who should be involved?
Evaluation How students should be assessed and curriculum evaluated?
Tableau X: Adaptation de « Investigating Curriculum » (tiré de Bolotin Joseph et al. 2011, p.68)
123
Annexe F
Grille d’analyse des résultats
Focus Explanation
Visions Ultimate purposes of education.
Students Students’ need and how they learn.
Apprennent beaucoup de manière autonome (projet personnel et lecture de livres) *le fait de ne pas être obligé d’assister aux lectures renforce cette idée. L’étudiant peut apprendre en « autodidacte » à partir du matériel disponible en ligne. Lecture : ils ont presque toujours un livre à lire. Parfois une lecture obligatoire et une lecture au choix. Renforce encore l’idée du travail autonome et de l’apprentissage personnel. Section « good to know » avec des lectures suggérées. Beaucoup de travail collaboratif dans les séminaires/petits séminaires ou séminaires de thèses.
Teacher Role of teacher. Assurer le lien théorie-pratique en proposant la théorie pertinente, ainsi que les activités appropriées pour mettre cette théorie en pratique. Travailler en équipe, de concert avec les pairs. Parfois, ils se divisent la tâche des lectures en fonction de leurs expertises. D’autres fois, quelqu’un prend en charge les lectures et d’autres prof/CDC donnent les séminaires.
Le prof ou CDC sert de modèle, modélisation « la recherche dit que, j’ai lu dans une publication scientifique que »: plusieurs d’entre eux servent de superviseur pour les thèses. Ils guident les étudiants en fonction des thèmes qu’ils ont choisi et ils animent les séminaires.
Context - Subject matter and its organization.
- Environment of the classroom and school.
Les sous-groupes comptent une vingtaine d’étudiants dans des petits locaux. Souvent, les locaux possèdent des équipements spéciaux (S10 – local de käsityö technique et textile, d’arts, de musique. Les lectures ont lieu dans des auditoriums et incluent normalement de 80 à 120 étudiants.
*L’organisation du curriculum, se référer aux calculs faits.
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Planning How curriculum should be planned and who should be involved.
Intégration théorie-pratique. Les cours sont divisés en différentes parties. Le plus souvent: cours théoriques, apprentissage en sous-groupe et travail autonome. La répartition du travail se fait le plus souvent suivant cet ordre (de la plus grosse charge de travail vers la plus petite): 1) travail autonome, 2) apprentissage en sous-groupe, 3) lectures.
Peu de temps semble accordé à l’enseignement magistral conventionnel. Cela peu s’expliquer par le fait qu’il existe une règle au sein du département voulant qu’il n’est pas obligatoire de la part de l’étudiant de participer aux lectures
Evaluation How students should be assessed and curriculum evaluated.
Les évaluations prennent la forme de notes : 1 à 5 (5 signifiant la meilleure note), la simplement la forme P/F (Pass or Fail). Les évaluations prennent souvent la forme de book exam ( %) ou d’essais.
( %), parfois d’examen en groupe, parfois rien du tout.
Book exam : souvent question à cours développement où l’étudiant doit témoigner de ses connaissances issues de la lecture de l’ouvrage et/ou des sujets traités en classe.
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Annexe G
Curriculum for class teacher education 2008 300 ECTS credits
BEd= studies included in the Bachelor of Education degree MEd= studies included in the Master of Education degree
BEd MEd Communication studies and orientation studies 25 CR Basics of curriculum planning 5 cr 3 cr 2 cr Language and communication skills 14 cr Mother tongue Speech communication and interaction skills 4 cr Scientific writing 4 cr Foreign language 3 cr Second national language 3 cr Information and communication technology in studies 3 cr 3 cr Introduction to media education 3 cr 3 cr Main subject studies in education 140 cr Cultural bases of education 15 cr Introduction to educational sciences 3 cr Change and continuity in education 7 cr Individual confronting change 5 cr Psychological bases of education 15 cr Growth, development, and learning 5 cr Knowing your pupil 5 cr Special needs education and pupil welfare services 5 cr Pedagogical bases of education 20 cr Didactics 7 cr Theory and didactics of early childhood education 3 cr Curriculum theory and evaluation 3 cr Pedagogical knowledge and construction of personal practical theory 7 cr Research studies in education 70 cr Introduction to educational research 3 cr Educational research methods 7 cr Bachelor’s thesis (incl. seminars 4 cr) 10 cr Research in teaching 5 cr Advanced quantitative research methods or 5 cr Advanced qualitative research methods 5 cr Master’s thesis 40 cr BEd MEd
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Teaching practice 20 cr Minor subject teaching practice 12 cr Main subject teaching practice 8 cr Minor subject studies Multidisciplinary studies in subjects and cross-curricular issues taught in comprehensive school 60 cr 1. Mother tongue and literature education 8 cr 8 cr 2. Mathematics education 7 cr 7 cr 3. Arts and skills education 13 cr 3.1 Arts education 3 cr 3.2 Crafts education 4 cr 3.3 Physical education 3 cr 3.4 Music education 3 cr 4. Didactics in humanistic subjects 6 cr 4.1 History education 3 cr 4.2 a) Evangelical-Lutheran religious education or 3 cr 4.2 b) Secular ethics education 3 cr 5. Didactics in environmental and science subjects 12 cr 5.1 Geographical education 3 cr 5.2 Biology education 3 cr 5.3 Physics education 3 cr 5.4 Chemistry education 3 cr 6. Optional courses 14 cr 6.1 Arts education 4 cr 6.2 Crafts education 4 cr 6.3 Physical education 4 cr 6.4 Music education 4 cr 6.5 History education 3 cr 6.6 Evangelical-Lutheran religious education 3 cr 6.7 Secular ethics education 3 cr 6.8 Geographical education 3 cr 6.9. Biology education 3 cr 6.10 Physics education 3 cr 6.11. Chemistry education Optional minor subject and optional studies 75 cr 40 cr 35 cr Study points in the whole degree: 300 CR 1 ECTS credit = 27 hours of work Department of Applied Sciences of Education Faculty of Behavioural Sciences University of Helsinki
Annexe H
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APPROBATION DE L’ÉTHIQUE
Projet de recherche impliquant des êtres humains ou la consultation de renseignements personnels
Ce projet de recherche a été examiné en conformité avec les
Modalités de gestion de l’éthique de la recherche sur des êtres humains de l’Université Laval, par le Comité sectoriel d’éthique de la recherche en psychologie et en sciences de
l’éducation Projet intitulé : L'application de l'approche basée sur la recherche en
formation des maitres: le cas de l'Université d'Helsinki
Nom du chercheur : Madame Laurie Dorval Morissette
Nom du directeur de recherche : Madame Annie Pilote
Numéro d’approbation : 2011-283 / 06-01-2012
Date de décision : 6 janvier 2012
Date d’expiration de l’approbation : 1er février 2013
Après examen des informations et des documents qui lui ont été transmis, le Comité a constaté que ce projet respecte les principes d’éthique de la recherche avec des êtres humains. Il prend acte de la confirmation écrite de la chercheure à l’effet qu’elle a pris connaissance des mesures de suivi11 associées à l’émission de l’approbation éthique de son projet et qu’elle accepte de les appliquer. Par conséquent, le Comité approuve ce projet pour un an.
Lise Giard, vice-présidente Comité d’éthique de la recherche en psychologie et en sciences de l’éducation
Date
11 Rappel des mesures de suivi au verso
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MEsUREs DE sUIvI AssOcIÉEs à L’APPROBATION ÉTHIQUE
Pour le projet intitulé : L'application de l'approche basée sur la recherche en formation des maitres: le cas de l'Université d'Helsinki (numéro de dossier : 2011-283)
1. Faire parvenir la réponse officielle des autorités de l’Université d’Helsinki dès qu’elle sera
disponible, afin de compléter votre dossier; 2. Informer le Comité par écrit et dans les meilleurs délais (indépendamment du calendrier de ses réunions
statutaires) des situations suivantes si elles se présentent : • de toute modification au projet, comme il a été approuvé en ce jour, qui comporterait des
changements dans le choix des participants, dans le recrutement, dans la manière d’obtenir leur consentement, de réaliser la collecte des données ou encore, dans les risques ou inconvénients encourus par la participation, et ce, préalablement à l’application de ce changement (modèle de lettre de demande d’amendement disponible sur le site Internet des CÉRUL);
• de toute modification qui serait apportée à un instrument utilisé pour le recrutement (annonces, affiches, etc.), confirmer le consentement (formulaire de consentement, feuillet d’information, etc.) ou effectuer la collecte des données (questionnaire, grille d’entrevue, etc.) en fournissant la nouvelle version du document concerné, où les modifications auront été mises en évidence, préalablement à son utilisation;
• de tout événement imprévu et sérieux (ex. : détresse psychologique d’un participant, menace proférée à l’égard d’une personne, effets secondaires ou imprévus ou indésirables d’un produit, d’un médicament ou d’un test, etc.) qui surviendrait dans le déroulement d’une activité du présent projet et qui impliquerait un participant, en complétant le formulaire VRR-EI disponible sur le site Internet des CÉRUL;
• de l’interruption prématurée de ce projet de recherche pour une raison quelconque, qu’il soit financé ou non, y compris en raison de la suspension ou de l’annulation d’approbation d’un organisme subventionnaire.
3. Tant que le recrutement ne sera pas définitivement terminé, présenter annuellement une demande de renouvellement de l’approbation, en fournissant un rapport sur le déroulement de la recherche, le nombre de participants recrutés et, le cas échéant, sur les difficultés rencontrées en cours de réalisation. à l’aide du formulaire VRR-107 qui doit être transmis au Comité dans un délai de 2 à 3 semaines avant la date de fin de l’approbation.