Post on 12-Sep-2018
STRATGIES IRRGULIRES
Guerres irrgulires : de quoi parle-t-on ? La thorie du partisan de Carl Schmitt
La guerre irrgulire dans le monde grec antique Stratgie et stratagmes dans lAntiquit grecque et romaine
Les barbares au sein de larme du Bas-Empire La pacification de lAfrique byzantine 534 - 546
La guerre des Camisards Tradition et modernit en Hongrie aux XVIe et XVIIe sicles
La guerre dindpendance hongroise au dbut du XVIIIe sicle La gurilla hongroise au XIXe sicle Napolon et la guerre irrgulire
Laction de la Gendarmerie dans la pacification en Espagne 1809-1814 Les francs-tireurs pendant la guerre de 1870-1871
LArme franaise face Abdelkrim La guerre dIndochine : guerre rgulire ou guerre irrgulire ? Le rle des bases aroterrestres dans la lutte contre la gurilla
Les suppltifs rallis dans les guerres irrgulires Les incohrences de la contre-gurilla franaise pendant la guerre dAlgrie
Lartillerie dans la lutte contre-insurrectionnelle en Algrie Les trois guerres de Robert MacNamara au Viet-nam
Les dtachements dintervention hliports dans la guerre irrgulire Lavion hlice dans la lutte anti-gurilla, archasme ou avenir ?
Lappui arien dans la guerre irrgulire Lemploi des armes chimiques dans les conflits asymtriques
Les adaptations de la guerre irrgulire aux nouvelles conditions
technologiques : vers la techno-gurilla Le mobile ontologique et politique de la guerre irrgulire
La guerre maritime et arienne partir et au-del de Carl Schmitt Otages : constantes dune institution archaque et variantes contemporaines
La contre-insurrection, une nouvelle confrontation idologique ? La contre-insurrection l'ge informationnel: le cas afghan
Le barbare : une nouvelle catgorie stratgique ? Une rvolution militaire en sous-sol. Le retour du modle Templiers
INSTITUT DE STRATGIE COMPARE
CONSEIL DADMINISTRATION
Prsident : Herv COUTAU-BGARIE
Vice-prsidents : Jean-Louis MARTRES ; Jovan PAVLEVSKI ;
Olivier BOR DE LOISY
Secrtaire gnral :Yves DECAUDAVEINE
Trsorier : Philippe de PADIRAC
Administrateurs :Bruno COLSON ; Franois CARON ;
Jrme PELLISTRANDI ;
CONSEIL SCIENTIFIQUE
Prsident : le gnral Lucien POIRIER
Mme le professeur Jacques BAYON, doyen de la Facult des Lettres de lUniversit Jean-Monnet
de Saint-tienne ; Sir James CABLE, former ambassador (Royaume-Uni) ; MM. le professeur
Jean-Claude ALLAIN, co-directeur du Centre Dfense et diplomatie dans le monde contemporain
(Paris III) ; le professeur Jean-Pierre BOIS, directeur du Centre dhistoire du monde Atlantique
(Nantes) ; linspecteur gnral des Finances Franois CAILLETEAU, ancien chef du Contrle
gnral des armes ; le professeur Claude CARLIER, directeur du Centre dhistoire de
laronautique et de lespace ; Grard CHALIAND, directeur du Centre europen dtude des
conflits ; le professeur Pierre CHAUNU, de lInstitut ; le professeur Pierre DABEZIES, ancien
prsident de la FEDN ; Olivier DARRASON, prsident de la Compagnie europenne dintelli-
gence stratgique ; le gnral Jean DELMAS, prsident dhonneur de la Commission franaise
dhistoire militaire ; le professeur Franois-Xavier DILLMANN, prsident de la Socit dtudes
nordiques ; le vice-amiral descadre Marcel DUVAL ; le commandant Ezio FERRANTE,
professeur lInstitut de guerre maritime (Italie) ; le gnral de corps arien Michel FORGET ; le
gnral Pierre-Marie GALLOIS ; le professeur Colin S. GRAY, Universit de Hull (Royaume-Uni) ;
le professeur Pierre GUILLEN, prsident de la Socit dtudes historiques des relations inter-
nationales contemporaines ; le professeur John HATTENDORF, Naval War College (tats-Unis) ; le
professeur Jean-Charles JAUFFRET, Institut dtudes Politiques dAix-en-Provence ; le professeur
Jean-Paul JOUBERT, directeur du Centre lyonnais dtudes de scurit internationale et de dfense
(Lyon III) ; le professeur Jean KLEIN, Universit de Paris I ; le professeur Yves LACOSTE,
directeur de la revue Hrodote ; le professeur Ioannis LOUCAS, Helmut-Schmidt Universitat ; le
professeur Andr MARTEL, Institut dtudes politiques dAix-en-Provence ; le professeur Jean-
Louis MARTRES, directeur du Centre danalyse politique compare de Bordeaux ; le professeur
Michel MOLLAT DU JOURDIN, de lInstitut, prsident dhonneur de la Commission internationale
dhistoire maritime ; le professeur Franois MONNIER, ancien prsident de la Section des
Sciences historiques et philologiques de lcole pratique des Hautes tudes ; le professeur Bruno
NEVEU de lInstitut, prsident honoraire de lcole pratique des Hautes tudes ; le gnral
darme arienne Bernard NORLAIN, ancien directeur de lInstitut des hautes tudes de dfense
nationale ; le professeur Jovan PAVLEVSKI, Universit de Paris V ; le doyen Guy PEDRONCINI ,
prsident dhonneur de lInstitut dhistoire des conflits contemporains ; le recteur Jean-Pierre
POUSSOU, prsident honoraire de lUniversit de Paris-Sorbonne ; le gnral de division Maurice
ROZIER DE LINAGE, ancien directeur du Collge Interarmes de Dfense ; lamiral de division
Vezio VASCOTTO (Italie) ; le professeur Nuno SEVERIANO TEIXEIRA, ministre de la Dfense
(Portugal) ; tienne TAILLEMITE, inspecteur gnral honoraire des Archives de France ; le gnral
Manuel Freire THEMUDO BARATA, prsident de la Commission portugaise dhistoire militaire ;
le capitaine de vaisseau Lars WEDIN, de lAcadmie royale des sciences militaires (Sude) ; le
recteur Charles ZORGBIBE, professeur lUniversit de Paris I.
Stratgies irrgulires
93-94-95-96 ditorial ............................................................................................................ 7
Guerres irrgulires : de quoi parle-t-on ?
Herv COUTAU-BGARIE ..................................................................... 13
La thorie du partisan de Carl Schmitt
David CUMIN ....................................................................................... 31
La guerre irrgulire dans le monde grec antique
Jean-Nicolas CORVISIER ...................................................................... 73
Stratgie et stratagmes dans lAntiquit grecque et romaine
Pierre LAEDERICH ................................................................................ 89
Recruter ses ennemis pour gagner les guerres irrgulires : les barbares
au sein de larme du Bas-Empire
Loc PATTIER ..................................................................................... 109
La pacification de lAfrique byzantine 534-546
Philippe RICHARDOT .......................................................................... 129
Une guerre irrgulire, civile et religieuse au sein de la grande guerre :
lexemple de la guerre des Camisards
Paul BURY .......................................................................................... 159
Tradition et modernit dans les affaires militaires du royaume
de Hongrie au XVIe et XVIIe sicles
Istvn CZIGNY .................................................................................. 179
Rgularit et irrgularit dans la guerre dindpendance hongroise
au dbut du XVIIIe sicle
Ferenc TTH ...................................................................................... 187
La gurilla hongroise au XIXe sicle. La petite guerre de Hromszk
en dcembre 1848
Tams CSIKNY ................................................................................. 205
Napolon et la guerre irrgulire
Bruno COLSON ................................................................................... 227
Soumettre les arrires de larme. Laction de la Gendarmerie impriale
dans la pacification des provinces septentrionales de lEspagne
(1809-1814)
Gildas LEPETIT ................................................................................... 259
Les francs-tireurs pendant la guerre de 1870-1871
Armel DIROU ..................................................................................... 279
Larme franaise face Abdelkrim ou la tentation de mener une guerre
conventionnelle dans une guerre irrgulire 1924-1927
Jan PASCAL ........................................................................................ 319
La guerre dIndochine : guerre rgulire ou guerre irrgulire ?
Michel GRINTCHENKO ....................................................................... 339
Le rle des bases aroterrestres dans la lutte contre la gurilla
Philippe KIRSCHER ............................................................................. 357
Les suppltifs rallis dans les guerres irrgulires
(Indochine-Algrie, 1945-1962)
Pascal IANI ......................................................................................... 371
La peur et le cur. Les incohrences de la contre-gurilla franaise
pendant la guerre dAlgrie
Michel GOYA ..................................................................................... 399
Lartillerie dans la lutte contre-insurrectionnelle en Algrie 1954-1962
Norbert JUNG ..................................................................................... 409
Les trois guerres de Robert McNamara au Viet-nam (1961-1968) ou
les errements de la raison dans un conflit irrgulier
Jean-Philippe BAULON ....................................................................... 425
Les dtachements dintervention hliports dans la guerre irrgulire
Frdric BOS ...................................................................................... 445
Lavion hlice dans la lutte anti-gurilla, archasme ou avenir ?
Jean-Christophe GERVAIS .................................................................. 461
Lappui arien dans le cadre de la guerre irrgulire
Olivier ZAJEC ..................................................................................... 477
Des armes maudites pour les sales guerres ? Lemploi des armes
chimiques dans les conflits asymtriques
Olivier LION ....................................................................................... 491
Les adaptations de la guerre irrgulire aux nouvelles conditions
technologiques : vers la techno-gurilla
Joseph HENROTIN ............................................................................... 533
Le mobile ontologique et politique de la guerre irrgulire
Aymeric BONNEMAISON, Tanguy STRUYE DE SWIELANDE ................ 567
La guerre maritime et arienne partir et au-del de Carl Schmitt
David CUMIN ..................................................................................... 595
Otages : constantes dune institution archaque et variantes contemporaines
Arnaud de COUPIGNY ......................................................................... 613
Dmocratie et guerre des ides au XXIe sicle : la contre-insurrection,
une nouvelle confrontation idologique ?
Franois CHAUVANCY ........................................................................ 647
La contre-insurrection lge informationnel : le cas afghan
Franais GR .................................................................................... 669
Le barbare : une nouvelle catgorie stratgique ?
Frdric RAMEL ................................................................................. 683
Une rvolution militaire en sous-sol. Le retour du modle Templiers
Bernard WITCH .................................................................................. 709
Ont collabor ce numro
Jean-Philippe BAULON, agrg et docteur en histoire, charg de
recherches lInstitut de Stratgie Compare. Prix Clment Ader de larme
de lair 2008 pour sa thse LAmrique vulnrable ? (1946-1976).
Aymeric BONNEMAISON, lieutenant-colonel, brevet de lenseignement
militaire suprieur, doctorant lUniversit catholique de Louvain.
Frdric BOS, chef de bataillon, stagiaire au Collge Interarmes de
Dfense.
Paul BURY, chef de bataillon, stagiaire au Collge Interarmes de
Dfense.
Franois CHAUVANCY, colonel, brevet de lenseignement militaire
suprieur, docteur en diplomatie et organisations internationales.
Tarns CSITRNY, lieutenant-colonel, professeur l'Universit de la
Dfense Mikls Zrnyi (Budapest).
Istvn CZIGNY, lieutenant-colonel, directeur-adjoint de l'Institut
d'histoire militaire (Budapest).
Bruno COLSON, doyen de la factult de droit des Facults universitaires
Notre-Dame de la Paix de Namur, matre de recherches lInstitut de Stratgie
Compare.
Jean-Nicolas CORVISIER, professeur lUniversit dArtois, dlgu
Nord-Artois de la Commission Franaise dHistoire Militaire.
Olivier DE COUPIGNY, doctorant lEcole pratique des Hautes tudes.
Herv COUTAU-BGARIE, directeur dtudes lcole pratique des
Hautes tudes, prsident de lInstitut de Stratgie Compare.
David CUMIN, matre de confrences (HDR) lUniversit Jean Moulin
Lyon III (CLESID).
Armel DIROU, lieutenant-colonel, brevet de lenseignement militaire
suprieur.
Franois GR, prsident de lInstitut franais danalyse stratgique.
Jean-Christophe GERVAIS, commissaire lieutenant-colonel, stagiaire au
Collge Interarmes de Dfense.
Michel GOYA, lieutenant-colonel, brevet de lenseignement militaire
suprieur, docteur en histoire.
Michel GRINTCHENKO, colonel, brevet de lenseignement militaire
suprieur, docteur en histoire, auditeur au Centre des Hautes Etudes Militaires.
Joseph HENROTIN, docteur en sciences politiques, charg de recherches
au Centre dAnalyse et de Prvision des Risques Internationaux (CAPRI).
Pascal IANNI, chef de bataillon, stagiaire au Collge Interarmes de
Dfense.
Norbert JUNG, chef de bataillon (TA), stagiaire au Collge Interarmes
de Dfense
Philippe KIRSCHER, lieutenant-colonel, brevet de lenseignement
militaire suprieur.
Pierre LAEDERICH, agrg et docteur en histoire, matre de recherches
lInstitut de Stratgie Compare.
Gildas LEPETIT, lieutenant, officier rdacteur la Dlgation au
patrimoine culturel de la gendarmerie.
Olivier LION, lieutenant-colonel, brevet de lenseignement militaire
suprieur, doctorant lEcole pratique des Hautes tudes.
Jan PASCAL, chef de bataillon, stagiaire au Collge Interarmes de
Dfense.
Loc PATTIER, chef descadrons, stagiaire au Collge Interarmes de
Dfense.
Frdric RAMEL, professeur de science politique lUniversit Paris
Sud XI, directeur de recherches au Centre dEtudes et de Recherche de lcole
Militaire.
Philippe RICHARDOT, agrg et docteur en histoire, charg de
recherches lInstitut de Stratgie Compare, dlgu Mditerrane-Rhne
de la Commission Franaise dHistoire Militaire.
Tanguy STRUYE DE SWIELANDE, professeur lUniversit catholique de
Louvain, Facults universitaires catholiques de Mons et lEcole Royale
Militaire.
Ferenc TTH, professeur lUniversit de Hongrie occidentale
(Szombathely), directeur dtudes invit lEcole pratique des Hautes tudes.
Bernard WICHT, privat-docent lUniversit de Lausanne, chef des
affaires internationales auprs de la Confrence suisse des directeurs
cantonaux de linstruction publique (CDIP).
Olivier ZAJEC, charg dtudes la Compagnie Europenne dIntelli-
gence Stratgique.
Directeur de la publication : Herv COUTAU-BGARIE
STRATGIQUE Revue trimestrielle fonde en 1979 par
la Fondation pour les tudes de Dfense Nationale,
continue en 1995 par lInstitut de Stratgie Compare,
en partenariat avec lInstitut dHistoire des Conflits Contemporains
et, depuis 2007, la Compagnie Europenne dIntelligence Stratgique
B.P. 08 00445 ARMES http ://www.stratisc.org
Directeur : Herv COUTAU-BGARIE,
directeur dtudes lcole pratique des Hautes tudes
Directeur adjoint : Franois GR,
directeur de lInstitut Franais dAnalyse Stratgique
COMIT DE RDACTION
Andr Bjin, directeur de recherches au CNRS ; Alain Bru, gnral de
brigade (C.R.) ; Franois Caron, contre-amiral (C.R.) ; Philippe Bou-
langer, matre de confrences lUniversit de Paris -Sorbonne ; Bruno
Colson, professeur aux Facults universitaires Notre-Dame-de-la-Paix
de Namur ; Paul-Marie Couteaux ; Loup Francart, gnral de brigade
(C.R.) ; Serge Gadal, charg de recherches lISC ; Jean-Jacques
Langendorf, prsident de lInstitut fr vergleichende Taktik (Vienne) ;
Jrme de Lespinois, chef de la division recherches au Centre dtu -
des stratgiques arospatiales ; Jean-Louis Martres, professeur mrite
lUniversit Montesquieu-Bordeaux IV ; Christian Malis, docteur en
histoire, dlgu gnral de la Fondation Saint-Cyr ; Martin Motte,
professeur aux coles militaires de Saint-Cyr-Cotquidan et au Centre
denseignement suprieur de la Marine ; Valrie Niquet, directeur de
recherches lInstitut franais de relations internationales ; Philippe
Nivet, professeur lUniversit dAmiens.
Secrtaires du comit : Joseph HENROTIN Olivier ZAJEC
Secrtaires de rdaction : Isabelle REDON Jean-Franois DUBOS
Les articles publis dans Stratgique ne reprsentent pas une opinion de lISC et
nengagent que la responsabilit de leurs auteurs. Sauf indication contraire,
ceux-ci sexpriment titre personnel.
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sans laccord pralable de lISC.
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INSTITUT DE STRATGIE COMPARE
BULLETIN DINSCRIPTION ET DE SOUSCRIPTION
( renvoyer lInstitut de Stratgie Compare
cole pratique des Hautes tudes
Sorbonne - 45-47 rue des coles - 75005 PARIS)
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LInstitut de Stratgie Compare est un tablissement priv,
but non lucratif, qui a pour objet la recherche stratgique. Il a repris
les actifs de la FEDN (revue et livres), aprs la dissolution de celle-
ci, et en assure aujourdhui lexploitation. Il ne prend pas parti et na
pas de doctrine qui lui soit propre.
Ladhsion donne droit :
au service de la revue Stratgique ; au service de la lettre dinformation Histoire militaire et stratgie ; au service des ouvrages de la collection Hautes tudes Strat -
giques ;
des prix prfrentiels sur les autres collections dites par lInstitut, ainsi que sur les ouvrages diffuss par lui (de la Fonda -
tion pour les tudes de Dfense Nationale, du Centre dAnalyse
Politique Compare de Bordeaux, de lInstitut dHistoire des
Conflits Contemporains, du Centre dHistoire de lAronau tique et
de lEspace) ;
participer aux runions et journes dtudes organises par lInstitut.
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tudiant (sur justificatif) ........... 40 Membre bienfaiteur collectif ............ 500
Membre collectif (institutions) .. 80 Membre fondateur individuel ....... 1 500
Membre fondateur collectif........... 3 000
ditorial
Le prsent numro de Stratgique est pour le moins
inhabituel, dune part en raison de son volume, qui correspond au
contenu de trois ou quatre numros ordinaires (do ladoption,
regret, dune typographie plus serre), dautre part en raison de
son insertion dans un programme gnral de recherche sur la
guerre irrgulire, auquel lInstitut de Stratgie Compare sest
spontanment associ.
Les coles militaires de Saint-Cyr Cotquidan et la Fonda-
tion Saint-Cyr ont, en effet, lanc lide dun grand colloque
international coupl la runion annuelle du Forum des acad-
mies militaires qui se runit cette anne Cotquidan. Le thme
retenu a t la guerre irrgulire. Il est vite apparu au conseil
scientifique du colloque (dont le signataire de ces lignes fait
partie) que le thme posait de multiples questions quil ne serait
pas possible dvoquer, mme sommairement, en un seul collo-
que, do lide de prparer celui-ci par un certain nombre de
travaux et de manifestations destins enrichir et largir la
problmatique du colloque, afin que celui-ci puisse sappuyer sur
des rflexions pralables. Plusieurs partenaires ont rpondu
cette invitation : le Kings College (Londres) a organis une jour-
ne dtude en novembre dernier, suivi par lInstitut dHistoire du
Temps Prsent (CNRS). En dcembre 2008, le Centre dEtudes
Stratgiques Arospatiales a organis des ateliers dont les actes
doivent tre publis dans un numro prochain de Penser les ailes
franaises. Le Centre dEnseignement Suprieur de la Marine a
organis, en fvrier 2009, une journe dtude Guerre sur mer et
irrgularit, dont les actes vont paratre dans la prochaine
livraison du Bulletin dtudes de la marine. La Commission Fran-
aise dHistoire Militaire, par le canal de sa dlgation Artois, a
organis deux journes dtude sur la petite guerre, runies dans
8 Stratgique
un numro de la Revue internationale dhistoire militaire (n 85,
mai 2009). LInstitut de Stratgie Compare a galement promis
une contribution, cest le prsent numro de Stratgique.
Pour raliser celui-ci, tous les rseaux de lInstitut ont t
actionns. Dabord les deux sminaires : le sminaire dhistoire
des doctrines stratgiques lEcole pratique des Hautes Etudes et
le sminaire de thorie stratgique au Collge Interarmes de
Dfense. Naturellement, les chercheurs rguliers de lInstitut
ont rpondu cet appel. Mais aussi, des correspondants plus
occasionnels en France et ltranger. Mention spciale doit tre
faite de la Hongrie, grce au dynamisme du professeur Ferenc
Toth : pas moins de trois contributions hongroises ont pu tre
runies en des dlais trs courts.
La contrainte majeure tait, en effet, celle des dlais, puis-
que lobjectif est de pouvoir mettre ce numro la disposition
des participants au colloque de Cotquidan les 12 et 13 mai 2009,
alors que les appels contribution nont vritablement t lancs
qu la rentre 2008-2009. La consquence a t limpossibilit
dorganiser, ce stade, une quelconque rflexion sur les textes ici
runis. Il ne sagit que de matriaux dont lexploitation va main-
tenant tre entreprise, dj lors du colloque de Cotquidan, puis,
ultrieurement, dans des enceintes diverses qui restent dfinir.
Le sminaire dhistoire des doctrines stratgiques de lEcole pra-
tique des Hautes Etudes en fera lun de ses thmes durant lanne
2009-2010 ; lInstitut organisera vraisemblablement une journe
dtude sur Pense militaire et guerre irrgulire. Il y aura aussi
des initiatives manant dhorizons diffrents. Cest une illustra-
tion de ce que lon appelle aujourdhui le travail en rseau, dont
on parle beaucoup, mais quon pratique moins souvent.
Pourtant le rsultat est l, puisquen quelques mois seule-
ment, et avec une assise bureaucratique pour le moins lgre, ce
sont pas moins de 32 contributions qui ont pu tre runies. Les
retardataires fournissent dj la matire dun deuxime tome.
Cela prouve au moins que cette pense stratgique franaise
quon nous dcrit trop souvent comme anmie, sinon comateuse,
recle encore des rserves de dynamisme quil ne tient qu
quelques initiatives bien choisies de faire sortir. 13 stagiaires et
brevets du Collge Interarmes de Dfense ont apport leur
concours. Voil qui devrait tre de bon augure lheure o le
lancement de lInstitut de Recherches Stratgiques de lEcole
ditorial 9
militaire (IRSEM), dont on parlait beaucoup depuis des mois,
semble enfin tre sur les rails.
Les matriaux ici runis sont trs divers. Ils dmontrent
lintrt dune vritable pluridisciplinarit bien comprise. La
dimension historique est dterminante pour en finir avec les
dclarations premptoires, gnralement peu argumentes, sur la
radicale nouveaut des conflits actuels. Il y a indiscutablement
des aspects nouveaux, lis tantt la mondialisation (change-
ments politiques et stratgiques), tantt la rvolution des armes
et des procds (changements techniques). Mais il y a aussi des
lments trs anciens, voire archaques, comme la rsurgence du
fanatisme religieux ou le retour des guerres paysannes. Cest le
travail de lhistorien que de montrer et dvaluer les parts respec-
tives des permanences et des innovations. Que reste-t-il des
guerres irrgulires du pass ? Quels enseignements peut-on
encore en extraire ? Quelle est la part de nouveaut radicale ? La
rflexion sur ces thmes a commenc dans les annes 1990, elle
est domine par quelques auteurs connus, avec des thses pas
toujours conciliables et souvent une base historique un peu trop
troite. Lun des objectifs majeurs de la recherche devrait tre
prcisment llargissement de cette base historique, pralable
indispensable un raffinement thorique.
Parmi les multiples autres dimensions quil faudrait aborder
pour une pese globale de la guerre irrgulire, la dimension
juridique, longtemps mprise par les stratgistes, devrait tre
mieux prise en compte. Il y a beaucoup de travaux juridiques,
mais qui restent dans la sphre des spcialistes du droit ; un effort
considrable devrait tre consenti dans ce domaine pour mieux
apprhender cette contrainte juridique dornavant dterminante.
Il en va de mme de la contrainte mdiatique : des thmes comme
la rvolution de linformation ne sont pas simplement des lubies
de thoriciens, ils expriment une ralit particulirement forte et
qui pse dornavant directement sur la conduite des guerres et
particulirement des guerres asymtriques ou irrgulires.
Le plan technico-oprationnel est videmment dcisif.
Cest un lieu commun, malheureusement assez fond, de dire que
les armes rgulires sont, en rgle gnrale, peu aptes la guerre
irrgulire. Pourtant, il y a eu de multiples tentatives dadaptation
et certaines ont t couronnes de succs. Cela tait vrai lpo-
que des guerres coloniales, cela lest rest, au moins partielle-
ment, dans la deuxime moiti du XXe sicle : la guerre rvo-
10 Stratgique
lutionnaire ou asymtrique la souvent emport, notamment dans
les guerres les plus spectaculaires (Indochine, Algrie, Viet-nam),
elle ntait pas invincible pour autant : de la Grce la Malaisie
on peut opposer quelques contre-exemples moins connus, mais
qui mritent un examen attentif. Aujourdhui, le problme se
pose de nouveau. Cest un aspect peu remarqu du renouveau
doctrinal des armes amricaines au lendemain de la dbcle du
Viet-nam. Ce magnifique effort de rflexion avait une contrepar-
tie, savoir la volont de tourner la page vietnamienne en partant
du principe que les forces armes amricaines ne se laisseraient
plus entraner dans de telles impasses. Do la fixation sur la
guerre centrale, o pouvait pleinement exprimer la supriorit de
la puissance de feu et de la technique. Le rsultat a t cette
floraison de doctrines : Airland Battle, Maritime Strategy, la
guerre parallle de Warden Mais la guerre irrgulire a quand
mme fini par rattraper les tats-Unis en Afghanistan et en Irak
et ils doivent, une nouvelle fois, sadapter une ralit quils
avaient prtendu nier. Do des programmes lancs dans lur-
gence, aussi bien sur un plan doctrinal avec la redcouverte, faute
de mieux, de lcole franaise de contre-insurrection, spcia-
lement Galula et Trinquier, que sur un plan matriel, avec la
multiplication des crash programs, par exemple sur la protection
des personnels dans le combat urbain ou face aux engins
explosifs improviss.
Stratgique ne pouvait videmment pas couvrir un champ
aussi immense et on a privilgi ici, en complment des ateliers
du CESA, le problme de lappui arien. De la mme manire,
des contributions sintressent des aspects, non pas marginaux,
mais probablement sous-estims. On trouvera ici deux tudes de
fond sur lemploi darmes chimiques dans les conflits asym-
triques et sur les prises dotages. Ce sont deux sujets importants
qui ont donn matire, encore une fois, une littrature spcia-
lise ; mais, comme souvent, celle-ci reste trop peu prise en
compte dans la rflexion gnrale.
Enfin, et peut-tre surtout, fidle la vocation de lInstitut
de Stratgie Compare qui est de privilgier la recherche fonda-
mentale, ce numro essaie, malgr ses limitations de tous ordres,
desquisser quelques dveloppements thoriques. On a souvent
dit que la notion de guerre irrgulire tait vague, trop vague pour
fonder des analyses utilisables. Le fait est quon lui a prfr,
dans les dernires dcennies, des notions juges plus opratoires,
ditorial 11
plus modernes, notamment celle de guerre asymtrique.
Pourtant, le concept de guerre irrgulire se refuse disparatre, il
semble mme resurgir, y compris sur un plan institutionnel avec
la mise en place de groupes de travail sur la guerre irrgulire au
sein des organismes doctrinaux des forces amricaines. Peut-tre
est-il possible de donner ce concept apparemment flou une
substance ? Cest ce quessaie de montrer David Cumin partir
de cet auteur de rfrence inpuisable quest Carl Schmitt.
On le voit, le programme de recherche est immense. Il faut
remercier les coles militaires de Saint-Cyr Cotquidan et de la
Fondation Saint-Cyr davoir lanc cette initiative qui procure, en
un temps remarquablement court, des rsultats dj notables.
LISC se flicite davoir pu y apporter une premire contribution
qui devrait tre suivie par deux contributions historiques
majeures1, en attendant dautres dveloppements venir.
Herv COUTAU-BGARIE
1 Avec la publication prochaine de la thse de Sandrine Picaud-Monnerat sur
la petite guerre au XVIIIe sicle et de la recherche collective sur lhistoire
militaire des guerres de Vende.
Guerres irrgulires : de quoi parle-t-on ?
Herv COUTAU-BGARIE
omme aurait pu le dire le trs regrett M. de La
Pallice, la guerre irrgulire est cense sopposer
la guerre rgulire. Dans la pratique, lappellation
guerre rgulire nest jamais usite ; en revanche,
les historiens parlent souvent de guerre rgle. Lide est la
mme, savoir que la guerre, correctement entendue et faite, doit
tre gouverne par des lois. Celles-ci peuvent tre de deux
ordres :
juridique, avec le droit de la guerre qui se dcompose en deux branches : le droit la guerre (jus ad bellum) et
le droit dans la guerre (jus in bello). Le premier dfinit
les acteurs qui ont lgitiment comptence pour faire la
guerre (au-del de toute linfinie diversit des situations
historiques, on retrouve un critre fondamental qui est
celui de la souverainet). Le deuxime dfinit des
rgles de conduite observer afin de limiter les effets
destructeurs de la guerre (protection accorde aux civils
ou au moins certaines catgories dentre eux, propor-
tion observer entre les fins et les moyens). La
synthse de ces deux branches trouve sa forme la plus
acheve dans la doctrine de la guerre juste, esquisse
ds lAntiquit tardive avec saint Augustin et porte
sa perfection par les canonistes mdivaux.
stratgique, avec les principes de la guerre dgags par la science militaire. Ces principes sont de vritables lois
(pour les dterministes) dont lobservance ou la non-
CC
14 Stratgique
observance peut et doit conduire la victoire ou la
dfaite.
La guerre sera donc dite irrgulire ds lors quelle nobser-
ve pas lun de ces codes. On mesure demble toute lampleur et,
en mme temps, toute lambigut du sujet qui relve de deux
champs nettement diffrents : dun ct, le droit avec ses prolon-
gements ou ses consquences morales, philosophiques ou reli-
gieuses ; de lautre, la stratgie avec sa dualit politique et mili-
taire. Lapprciation sur la guerre irrgulire est un jugement de
valeur du premier point de vue, alors que, du deuxime, elle nest
quune froide valuation de lefficacit de la conduite adopte.
Il est ds lors trs difficile de dfinir la guerre irrgulire,
puisquil est pratiquement impossible denserrer les deux ordres
de considrations dans une seule dfinition. Le critre juridique
de comptence varie en fonction de la dfinition de la souve-
rainet : le droit international moderne identifie celle-ci ltat,
mais celui-ci nest pas une donne permanente et universelle :
comment en faire application des socits non-tatiques comme
lAfrique ou lAmrique avant larrive des Europens ou au
Moyen ge ? Par ailleurs, le droit international contemporain a
connu une volution remarquable provoque par le phnomne
de la rsistance contre le nazisme durant la seconde guerre mon-
diale, puis par les guerres dindpendance des peuples coloniss.
Il en est ainsi arriv (en 1977, par le protocole I de la convention
de Genve) reconnatre un statut des combattants qui auraient
t auparavant considrs comme irrguliers, donc non protgs
par le droit de la guerre, ce qui pose aujourdhui un problme ds
lors que nimporte quel mouvement de libration, voire des
mouvements terroristes, se rclament dune tel statut. Sur le plan
stratgique, les choses sont galement loin dtre simples : les
principes ne sont que des vrits trs gnrales qui sincarnent
dans des procds trs divers, sinon parfois antagonistes. Depuis
lAntiquit, on se trouve confront un problme rcurrent : le
mme procd sera qualifi de stratagme, valide au regard du
droit et de la stratgie, sil est mis en uvre par son propre camp,
et de vilnie, de tricherie, de lchet, condamnable tous gards,
sil est mis en uvre par ladversaire.
Guerres irrgulires : de quoi parle-t-on ? 15
La conclusion est simple : la diversit des situations histori-
ques est trop grande pour quil soit possible de dfinir un critre
universel qui permettrait de caractriser lirrgularit la guerre.
La seule solution est de recourir une dmarche que les politistes
contemporains qualifient dhistorico-descriptive, cest--dire la
constitution dun corpus rassemblant toutes les manifestations
que lon peut ranger intuitivement dans la catgorie des guerres
irrgulires, en vue didentifier quelques caractres communs qui
permettront de pousser un peu plus loin lanalyse. Cette dmar-
che inductive ne peut tre effectue qu partir dindices essen-
tiellement ngatifs : la guerre sera irrgulire, dans tous les cas,
lorsquelle sera mene par des combattants sans statut napparte-
nant pas larme rgulire, cest--dire mise sur pied et entre-
tenue par un pouvoir souverain. Un tel critre est suffisamment
souple pour tre dapplication trs large sinon universelle, au-
del de la constitution finalement trs tardive des armes perma-
nentes. Certes il peut y avoir des cas litigieux, par exemple ceux
des corsaires ou des francs-tireurs. La rgularit est certaine lors-
quelle est reconnue par les deux camps, elle doit tre value au
cas par cas lorsquelle est proclame par un camp et rfute par
lautre.
Sur le plan stratgique, la guerre irrgulire soppose ce
que lon a appel, depuis le XVIIIe sicle, la grande guerre, et que
lon appelle aujourdhui la stratgie conventionnelle, avec un lien
troit, sinon indissoluble, entre arme rgulire et stratgie fon-
de sur des principes. Mais les choses peuvent tre beaucoup plus
compliques : si les armes rgulires recourent prioritairement
la grande guerre, elles ne ddaignent pas le recours dautres
formes de guerre, que lon peut appeler stratgies alternatives et
qui peuvent tre regardes, du fait de leur opposition la stratgie
classique conventionnelle, comme des guerres irrgulires.
On peut en proposer une liste non exhaustive qui, au-del
de ses insuffisances et raccourcis, suffit faire apparatre luni-
versalit du phnomne et donc la ncessit et la difficult de son
tude.
16 Stratgique
FORMES TERRITORIALES
I Antiquit occidentale : guerre expditionnaire - guerre
dembuscades - guerre sauvage
Du point de vue stratgique, la guerre irrgulire est celle
qui oppose Rome des barbares qui refusent la bataille.
Lappellation de guerre expditionnaire apparat chez les auteurs
romains, particulirement chez Tite Live, qui parle de furtiva
expeditio pour dsigner les raids en territoire ennemi (sous
lEmpire, au-del du limes). Lappellation guerre dembuscades
(insidiae) est galement employe, pour dsigner la guerre de
harclement conduite par des ennemis de Rome. Larme romai-
ne y sera frquemment confronte, les deux cas les plus efficaces
tant la guerre mene en Afrique par Jugurtha, raconte par
Salluste, et la guerre mene en Lusitanie par Viriathe, raconte
par Tite-Live.
Nous sommes bien documents sur ces exemples clbres
mais on peut en trouver dautres bien avant Rome. Les Perses,
puis Alexandre le Grand ont ainsi t confronts la guerre trs
mobile des Scythes.
Du point de vue juridique, sont irrgulires toutes les
guerres civiles et les guerres insurrectionnelles rsultant de soul-
vements desclaves ou de mercenaires. Polybe parle de guerre
sauvage (aspondos) propos de la guerre des mercenaires com-
mands par Matho contre Carthage, de -241 -238 : Elle stait
accompagne dexcs et datrocits dpassant de loin tout ce
quon avait pu voir jusque-l1.
II Chine ancienne : guerre errante
Cest ainsi que lon peut rendre approximativement le
concept chinois de youji jiangjun, que lon constate notamment
durant la priode de guerres internes entre les Han et les Tang, du
VIe au X
e sicle. Alors que la guerre rgulire est trs centralise,
avec des gnraux troitement contrls par la cour, la guerre
errante est irrgulire double titre : le gnral jouit dune trs
large autonomie, au point de pouvoir lever lui-mme ses troupes
parmi la population locale et de mener ses oprations sa guise
1 Franois Decret, Carthage ou lempire de la mer, Paris, Seuil, 1977,
p. 177.
Guerres irrgulires : de quoi parle-t-on ? 17
sur les arrires de lennemi, sans dpendre directement et en per-
manence du commandement central. Les deux critres juridique
et stratgique se trouvent ainsi runis, de manire discutable pour
le premier, puisquil y a malgr tout une autorisation du pouvoir
central, de manire indiscutable pour le second.
III Byzance : guerre des vlites
Cette appellation est emprunte lun des plus clbres
traits militaires byzantins, celui attribu lempereur Nicphore
Phokas et connu sous le titre latin de De Velitatione. Il dcrit une
guerre base de mobilit et de harclement, gnralement
pratique sur les frontires orientales de lempire, par opposition
la guerre plus conventionnelle pratique sur les frontires
europennes, selon un modle qui conserve encore le souvenir,
sinon lhritage, des lgions romaines2.
IV Moyen ge occidental : guerre guerrante
Cette appellation caractrise certains pisodes de la guerre
mdivale en Europe occidentale, dont le plus clbre est vi-
demment celui de Du Guesclin qui, aprs les dsastres de Crcy
et de Poitiers, permet la France de reprendre linitiative par le
refus des batailles ranges et le recours une tactique de harc-
lement. Le critre juridique nest ici gure utilisable dans une
priode de fragmentation ou daffaiblissement extrme du pou-
voir politique ; le critre stratgique est, en revanche, pleinement
applicable.
V Espagne mdivale : gineta et zenetes
On trouve une variante hispanique avec la gineta mise en
uvre par les royaumes chrtiens durant la Reconquista. La
gineta est fonde sur une cavalerie lgre, la chevalerie de type
classique, trop lourde, tant incapable daffronter efficacement
2 Lopposition nest cependant pas absolue, puisque les Hongrois, hritiers
dune culture militaire de la steppe, pratiquent aussi une guerre base de
mobilit. Mais la spcificit hongroise sestompe progressivement, avec
ladoption dune culture militaire de type europen partir de lpoque arpa-
dienne, sans cependant disparatre compltement.
18 Stratgique
les combattants musulmans beaucoup plus mobiles : pour certains
historiens, la gineta ne serait dailleurs que la transposition des
zenetes arabes. Mme remarque pour la validit des critres que
dans le cas prcdent.
VI - Guerres paysannes
toutes les poques, les masses paysannes se sont soule-
ves contre limpt. En rgle gnrale, elles taient trop dsor-
ganises pour reprsenter une relle menace. Certaines dentre
elles sont nanmoins parvenues un degr dorganisation qui a
transform les oprations de rtablissement de lordre en guerre
civile : cest le cas de la rvolte de Wat Tyler en Angleterre
(1381), de la rvolte de Pougatcheff en Russie (1773-1774). Des
chefs surgis du peuple (Guillaume Carle, chef de la jacquerie de
1358) ou parfois de larme (on a suggr une filiation entre les
restes des routiers disperss par Du Guesclin et les tuchins
rvolts en 1382-13833) ont su organiser de vritables forces
armes et mettre en uvre des tactiques relativement labores,
reposant gnralement sur lvitement de la bataille frontale et le
harclement des forces gouvernementales. Il nest pas interdit de
penser que le souvenir des grands soulvements paysans sous le
rgne de Louis XIV (rvolte des Croquants, des Nu-pieds) a
survcu et a inspir un mouvement contre-rvolutionnaire comme
la chouannerie.
VII Europe moderne 1 : guerre de partis - guerre des
partisans
Lpoque moderne voit lapparition de groupes qui oprent
indpendamment de lArme runie et que lon va appeler partis.
Au XVIIe sicle, on se mettra parler plutt de guerre de
partisans. Le critre juridique est ici peu prs inapplicable mal-
gr lapparition des premires troupes soldes, la frontire entre
le soldat et lhritier des grandes compagnies tant pour le moins
permable ; le critre stratgique est, en revanche, tout fait
applicable, avec lvitement de la bataille et le recours une
tactique de harclement.
3 M. Mollat et P. Wolff, Ongles bleus, Jacques et Ciompi, Paris, Calmann-
Lvy, 1970, p. 181.
Guerres irrgulires : de quoi parle-t-on ? 19
VIII Europe moderne 2 : petite guerre
Le genre atteindra sa perfection au XVIIIe sicle sous
lappellation de petite guerre, transpose dans toute lEurope :
piccola guerra, klein Krieg, war in detachments Il sera thoris
par des auteurs importants comme La Croix, Grandmaison,
Jeney, La Roche La petite guerre est un complment de la
grande guerre, mene par des soldats dment enregistrs et dont
les chefs sont pourvus de commissions dofficiers. La petite
guerre nest donc pas irrgulire dun point de vue juridique ; elle
lest, en revanche, dun point de vue stratgique, tant la conti-
nuation pure et simple de la guerre de partis et de la guerre de
partisans.
IX Europe moderne 3 : guerre de milices
Au plan local, la dfense territoriale est assure par des
milices dont le statut, quoique rgl par des ordonnances royales,
est pour le moins incertain : lors de linvasion de la Provence par
larme du duc de Savoie, en 1707, les milices harclent larme
ennemie en retraite : Cestoit partout comme une chane dem-
buscades et de continuelles attaques et dchanges de mousque-
terie Ceux que les ennemis ont pu prendre ont t pendus aux
arbres, ce qui na pourtant pas effray les autres, ny ralenti leur
poursuite4. On trouve lquivalent sur les confins autrichiens
gards par des soldats-colons.
X Guerre de course
Elle est le pendant de la guerre de partisans sur mer.
Lautorit souveraine dlivre des lettres de marque par lesquelles
elle concde un particulier le droit de faire la guerre, au nom du
souverain mais pour le profit dudit particulier. Le problme est
que certains tats, victimes des agissements des corsaires ou
flibustiers, refusent de reconnatre la validit de telles lettres de
marque et assimilent les corsaires et flibustiers de vulgaires
pirates ; la sanction quils encourent en cas de capture est gnra-
lement la mort. Le statut juridique de cette guerre de course est
4 Lettre du marquis de Grignan cite dans Fernand Braudel, LIdentit de la
France. Espace et histoire, Paris, Arthaud Flammarion, 1986, p. 331.
20 Stratgique
donc pour le moins ambigu, toujours partag entre la reconnais-
sance et la condamnation. Le critre stratgique fait rentrer la
course dans la guerre irrgulire, ds lors quelle refuse laffron-
tement militaire pour sattaquer des objectifs conomiques,
cest--dire civils, dans le cadre dune stratgie dusure.
XI - Rvolution franaise 1 : gurilla
La Rvolution franaise marque une rupture avec lappari-
tion dun nouveau genre que lon va appeler gurilla, partir de
la guerre dEspagne. Gurilla est simplement le mot espagnol
pour petite guerre, mais les deux concepts vont dsormais recou-
vrir des ralits diffrentes : la petite guerre dsignera, comme
lorigine, un complment de la grande guerre, mene par des
combattants rguliers, alors que la gurilla ne sera plus un com-
plment, mais une alternative la grande guerre, mene par des
combattants irrguliers.
Il y a de nombreuses expriences localises la fin du XVIIe
sicle et au XVIIIe sicle :
les Chenapans du Palatinat,
les Barbets de Savoie,
les Camisards des Cvennes,
les chasseurs sudois dans la grande guerre du Nord 1700-1721 ,
la crochetta corse.
Mais la premire gurilla de grande ampleur est la guerre
de Vende aprs lchec de lArme catholique et royale (vaincue
dans la Vire de Galerne) qui avait essay de reproduire le
modle de la grande guerre. Le grand homme de cette adaptation
est le chevalier de Charette, ancien officier de marine (donc
dpourvu des strotypes et des prjugs des officiers de
larme). Le modle aura un grand retentissement dans toute
lEurope (Charrette recevra mme une lettre de Souvoroff) et il
sera reproduit spontanment par les insurgs espagnols.
La petite guerre dsignera donc, lpoque contemporaine,
une ralit tactique et stratgique, alors que la gurilla dsignera
une ralit juridique et stratgique. Dautres appellations seront
Guerres irrgulires : de quoi parle-t-on ? 21
employes, gurilla tant parfois rendue par guerre de partisans,
par corps francs, parfois mme par corsaires terrestres (Napolon
dlivrera des lettres de marque pour une course terrestre lors de la
campagne de France en 1814).
XII Rvolution franaise 2 : chouannerie
Une variante de la gurilla est la chouannerie que lon peut
dfinir comme une micro-gurilla, mene avec des effectifs trs
restreints dans un primtre rduit. Cette symbiose entre un
terroir et les combattants interdira toute extension du phnomne,
mais contribuera sa prennit (on trouvera encore des Chouans
en Bretagne jusquen 1850).
XIII Empire franais : guerre nationale
La guerre nationale est le contraire de la chouannerie, cest-
-dire une gurilla organise lchelle dun pays. Cest le rve
des patriotes allemands qui appellent la formation dune
Landwehr issue dun soulvement national qui doit harceler
larme franaise. Par rapport la gurilla, les diffrences sont
notables sur les deux plans :
dun point de vue juridique, la Landwehr est cense avoir un statut, car rsultant dune dcision du pouvoir
souverain, mais ladversaire refuse de reconnatre ce
statut ;
dun point de vue stratgique, la Landwehr se rapproche plutt de la petite guerre largie, ds lors quelle est
conue comme un complment et non comme une alter-
native la grande guerre. Dans les faits, elle naura
quune efficacit trs limite, bien en de des espran-
ces de ses promoteurs, dont le plus clbre est un jeune
officier dtat-major alors inconnu, Carl von Clausewitz.
XIV - XIXe sicle : guerre insurrectionnelle
Le XIXe sicle va voir lmergence dun genre nouveau, la
guerre dinsurrection ou insurrectionnelle, qui va prendre le relais
des rvoltes dAncien rgime. Du point de vue juridique, elle est
tout fait irrgulire puisque issue de mouvements sans lgiti-
22 Stratgique
mit politique, plus forte raison sans souverainet. Du point de
vue stratgique, elle se diffrencie des rvoltes informes des
sicles prcdents par un essai dorganisation et mme de thori-
sation : des traits sont crits par divers auteurs italiens, alle-
mands ou polonais. La guerre insurrectionnelle commence gn-
ralement comme gurilla, mais avec lobjectif de se muer ds que
possible en grande guerre conduite par des troupes rgulires,
puisque son but est de semparer de ltat ou de crer un nouvel
tat. Ainsi agiront les insurgs hongrois en 1848 ou les insurgs
polonais lors de leurs soulvements rpts contre les Russes.
Dautres en restent au stade primitif, faute de moyens ou de
vision : cest le cas des guerres carlistes en Espagne.
Une autre nouveaut est la fin du caractre rural des soul-
vements, qui pourront dornavant se drouler en milieu urbain :
ce sera le cas en Pologne, durant les soulvements du XIXe sicle,
en France avec la Commune de Paris en 1871 et en Irlande au
dbut du XXe sicle, lors de la Pque sanglante de 1916 (le soul-
vement est cras en une semaine) et durant la guerre dindpen-
dance en 1919-1921 (gurilla de Michael Collins, combattue par
les Black and Tans).
Ces guerres insurrectionnelles, ainsi que les multiples
soulvements populaires ou nationaux qui jalonnent le XIXe si-
cle, susciteront une riposte qui sera mme thorise sous lappel-
lation de guerre des rues. Sa figure emblmatique est la marchal
Bugeaud, dont on a rcemment retrouv le manuscrit sur La
guerre des rues et des maisons. Moins connu, le gnral Roguet
est redcouvrir.
XV - Guerres coloniales 1 : le modle ibrique
La guerre coloniale nest pas une invention du XIXe sicle,
puisquelle apparat ds les dbuts de lexpansion europenne.
Elle fait mme lobjet dune amorce de thorisation au XVIe sicle
avec le Soldado Pratico de Diogo do Couto. Dans lAmrique
lusophone, on parle dabord de guerra brasilica, dcrite par le
pre Manuel Calado dans O Valoroso Lucideno e Triunfo da
Liberdade (1650), partir de la guerre contre les Hollandais ;
puis de guerre noire (guerra preta) contre les esclaves noirs
rvolts ; enfin de guerra da emboabas contre les Indiens.
Guerres irrgulires : de quoi parle-t-on ? 23
XVI - Guerres coloniales 2 : les guerres indiennes
En Amrique du Nord, les Anglais font face aux Indiens,
dont les mthodes de guerre se rvlent souvent efficaces,
bloquant la progression des colons vers lintrieur sur de longues
priodes (un sicle dans la valle de lOhio). Au Canada, les
Franais font alliance avec les Indiens, do lappellation
anglaise dIndian and French Wars. dfaut de thorisation,
elles ont donn lieu des rcits parfois pntrants (Bouquet). Les
colons ont retourn ces mthodes contre les Anglais durant la
guerre dIndpendance.
XVII - Guerres coloniales 3 : le XIXe sicle
Mais cest au XIXe sicle que la guerre coloniale se dve-
loppe vritablement, avec le dbut de la pntration en profon-
deur lintrieur des continents africain et asiatique en vue dune
colonisation de peuplement. Face un adversaire de culture
stratgique radicalement diffrente, il faut inventer dautres
mthodes fondes sur la mobilit. La France donne le signal avec
lexpdition dAlgrie. Va ainsi apparatre une cole coloniale
qui commence avec Bugeaud et qui va tre mise en pratique et
thorise par de grands noms comme Pennequin, Gallieni,
Lyautey
Lcole britannique, domine par le major-gnral Callwell
(Small Wars, 1900), est galement active.
XVIII Guerre de 1870 : francs-tireurs
Lappellation francs-tireurs va tre mise la mode lors de
la guerre de 1870, lorsque aprs leffondrement du rgime
imprial et la capitulation de larme rgulire Sedan, la
Rpublique essaie de ressusciter lesprit de la leve en masse de
1793 et encourage, non sans rticences parfois, la constitution de
corps francs ou francs-tireurs. Si les effets proprement stratgi-
ques sont relativement limits, limpact psychologique sera
immense et durable, contribuant largement au durcissement de la
guerre contre les civils ds 1914.
24 Stratgique
XIX Deuxime guerre mondiale : rsistance - maquis
La premire guerre mondiale a vu une remise en cause du
droit de la guerre traditionnel, avec les civils qui peuvent
dornavant tre la cible des oprations militaires (principalement
par le bombardement arien). Avec la seconde guerre mondiale,
ils deviennent dornavant des acteurs. Dans une guerre totale,
idologique, tous les moyens sont utilisables, y compris ceux qui
taient auparavant proscrits par le droit de la guerre. On va parler
de rsistance, avec une modalit spcifique lorsque les rsistants
se regroupent dans les montagnes ou les forts pour constituer
lembryon dune force combattante future : on parlera alors de
maquis.
Toutes les modalits stratgiques sont utilises : la gurilla
mene par les maquis est la plus frquente, mais on trouve aussi
la guerre psychologique et le terrorisme en milieu urbain, voire le
passage la grande guerre dans des circonstances exception-
nelles : cest notamment le cas de linsurrection communiste
yougoslave conduite par le marchal Tito.
Du point de vue juridique, la lgalit et la lgitimit des
mouvements de rsistance sont immdiatement reconnues par les
allis, alors que les Allemands les qualifient sans rserve de
terroristes.
XX Monde contemporain : guerre rvolutionnaire
La gurilla sous ses multiples formes ntait gnralement
quun pis-aller, impos par limpossibilit de mener une grande
guerre. Le gurillero tait dans une situation de faiblesse, inca-
pable de prendre linitiative, au-del de son horizon immdiat.
Labsence dencadrement politique limitait, le plus souvent, son
efficacit au seul plan tactique. Les choses changent lorsque la
gurilla se dote dune idologie et dun cadre thorique, fournis
par le marxisme, pour devenir la guerre rvolutionnaire. Le
gurillero nest plus ds lors en situation dfensive, se battant
pour la prservation de son identit ou de lordre ancien, il prend
linitiative en vue dun changement radical. Il ne lui suffit pas de
prserver son pr carr, il recherche la destruction de son
adversaire, labolition du systme existant. Lidologie lui fournit
une lgitimit que le droit lui refuse. Dun point de vue
stratgique, il part dune gurilla impose par les circonstances
Guerres irrgulires : de quoi parle-t-on ? 25
pour passer la grande guerre ds que le rapport de forces sest
suffisamment rquilibr.
Le grand thoricien de la guerre rvolutionnaire est Mao Ze
Dong, dans Problmes stratgiques de la guerre rvolutionnaire
(1938) et Problmes stratgiques de la guerre rvolutionnaire en
Chine (1940). Mao dmontrera lefficacit de ses thories durant
la guerre civile chinoise. Aprs lui viendront de multiples pi-
gones en Asie (Giap), en Afrique (Amilcar Cabral), en Amrique
latine (Che Guevara), prsentant des variantes parfois consid-
rables. La plupart de ces mouvements cherchent dabord sim-
planter en zone rurale, un seul prnera la gurilla urbaine (les
Tupamaros dUruguay, sous la conduite de Marcos Marighella)
qui se terminera par un chec lamentable. Les succs de la guerre
rvolutionnaire sont bien connus : Chine, Indochine, Viet-nam
On y mle souvent des luttes pour lindpendance qui ne sont pas
communistes (Algrie).
La guerre rvolutionnaire suscitera logiquement son oppos
avec la guerre contre-rvolutionnaire, domine par lcole fran-
aise qui se forge en Indochine et parvient maturit en Algrie
avec des thoriciens comme Trinquier (La Guerre moderne,
1964), Lacheroy, Galula (Contre-insurrection, 1964), et les
multiples collaborateurs de la Revue militaire dinformation. Il
existe galement une cole britannique, dont la figure la plus
connue est sir Edward Thompson, le pacificateur de la Malaisie
(Defeating Communist Insurgency, 1966). Cette cole de guerre
contre-rvolutionnaire thorise la pacification et la guerre
psychologique, ayant bien compris que face ladversaire mar-
xiste, les moyens militaires sont insuffisants et doivent sappuyer
sur une riposte politique et psychologique (on dira ultrieurement
mdiatique). Moins connus que ceux de ses adversaires, ses
succs ne sont cependant pas nuls : victoires sur les Mau-Mau au
Kenya, sur les Huks aux Philippines, sur les communistes chinois
en Malaisie
XXI - XXIe sicle : conflits de basse intensit - conflits
asymtriques
Lre nuclaire rendant impossible la guerre centrale entre
grandes puissances, on assiste, partir des annes 1960-1970,
la prolifration de crises rgionales et locales qui prennent la
suite des guerres de libration nationale. La doctrine amricaine
26 Stratgique
les qualifie, partir des annes 1980, de conflits de basse inten-
sit. Dans les annes 1990, certains auteurs se mettent parler de
conflits de moyenne intensit. Depuis le milieu des annes 1990,
ces deux catgories aux contours assez flous sont regroupes
dans un conglomrat encore plus informe, que lon appelle
conflits asymtriques, la notion tant apparue dans les annes
1970, au lendemain de la guerre du Viet-nam (Andrew Mack,
1975). Consacre par la Quadriennal Defense Review de 1997, la
notion a connu une clatante fortune au point dinclure aujour-
dhui peu prs tous les conflits en cours. Sa thorisation est tout
juste amorce.
Le recours par les adversaires asymtriques des moyens
modernes conduit certains commentateurs parler de techno-
gurilla. Le thoricien pionnier est un Franais, le lieutenant-
colonel Guy Brossollet (Essai sur la non-bataille, 1976), qui
raisonnait encore dans le contexte de la guerre froide face la
menace dune invasion sovitique. Le concept a paru trouver une
premire mise en application avec la guerre mene par le Hezbol-
lah chiite contre Isral au Liban lt 2006. Franck G.
Hoffmann a rcemment propos lappellation de guerres hybrides
(Conflict in the 21st
century : the rise of hybrid wars, 2007), pour
rendre compte de ce mlange de motivations religieuses ou triba-
les, juges archaques par la modernit, et de moyens perfec-
tionns. On se met aussi parler de nouvelles guerres, appellation
commode et encore plus indistincte (Mary Kaldor, Old and New
Wars, 1999. Herfried Munkler, Die neuen Kriege, 2003 ; traduc-
tion franaise 2006), de guerres btardes (Arnaud de La Grange
et Jean-Marc Balencie, Les Guerres btardes, 2008) Les
affaires dIrak et dAfghanistan sinscrivent dans cette catgorie.
FORMES NON TERRITORIALES
XXII - Guerre subversive
Avec la guerre froide, les Occidentaux accusent lUnion
sovitique de prparer la rvolution mondiale par des actions
subversives au cur mme des pays libres. La guerre subversive
se distingue donc de la guerre rvolutionnaire qui se droule dans
les pays coloniss et se caractrise par une dimension militaire
Guerres irrgulires : de quoi parle-t-on ? 27
active. La guerre subversive ne fait pas encore appel aux armes,
mais recourt divers procds de dmoralisation et dintoxication
de la population. Elle peut aussi inclure des actions spciales,
avec la constitution de rseaux dormants susceptibles de lancer,
le moment venu, des actions de terrorisme ou de sabotage dans la
perspective dune guerre classique. Le thme est lanc ds la fin
des annes 1940, par exemple par Fritz Otto Miksche (Secret
Forces, 1950). Il deviendra un vritable lieu commun de la
pense militaire franaise dans les annes 1950-1960. Mais il y
aura galement dimportants prolongements dans dautres pays,
jusqu Roger Mucchielli (La Subversion, 1971).
Lexistence mme de ces actions subversives suscite,
encore aujourdhui, un dbat, certains niant lexistence dune
direction centralise de la contestation et y voyant plutt des
phnomnes spontans. Les pays occidentaux ont rpondu, sur
leur propre sol, par des ripostes, lgales (interdiction du parti
communiste allemand en 1959) ou secrtes (opration Gladio de
mise sur pied de mouvements dormants anti-communistes, dont
certains chapperont tout contrle pour glisser vers la mafia et
le terrorisme, particulirement en Italie). Ils ont galement lanc
des actions subversives en direction des pays communistes, soit
ouvertes (avec Radio Free Europe), soit secrtes (avec le soutien
des mouvements anti-communistes).
XXIII Terrorisme 1 : les terrorismes historiques
Lobjectif du terrorisme nest pas de prendre le contrle
dun territoire, ni daffaiblir militairement son adversaire, mais
damener le pouvoir, de lui-mme ou sous la pression de
lopinion, composer, sinon capituler.
Le phnomne est universel : zlotes juifs du Ier
sicle,
secte des Assassins au Moyen-Orient au XIIIe sicle. Au XIX
e
sicle, certains rvolutionnaires, anarchistes plus que marxistes,
choisissent loption du terrorisme, avec lespoir de prcipiter un
soulvement gnral. Le terrorisme anarchiste sera particulire-
ment spectaculaire dans la deuxime moiti du XIXe sicle, avant
de steindre progressivement sous la pression conjugue de
rformes politiques et dune rpression policire efficace. Mais il
peut aussi y avoir un terrorisme mis au service dune cause natio-
nale, comme dans le cas des Carbonari italiens et des Fenians
irlandais qui cherchent tirer parti du dveloppement de la
28 Stratgique
presse. Cest le dbut du terrorisme publicitaire. Il y a aussi le
terrorisme des Thugs indiens contre les Anglais.
Le terrorisme resurgira au XXe sicle, combin avec la
gurilla, en Irlande durant la guerre dindpendance (1919-1921),
puis dans la guerre civile qui sensuivra (1921-1922) ou seul,
lappui de revendications nationalistes dans les Balkans (Main
noire serbe avant 1914, qui organise lattentat de Sarajevo ;
Oustacha croate et ORYM macdonienne dans lentre-deux-guer-
res), puis en Palestine la fin des annes 1940, o le terrorisme
du groupe Stern se combine avec la gurilla de lIrgoun.
XXIV Terrorisme 2 : les terrorismes contemporains
Le terrorisme va renatre partir des annes 1970, comme
expression la plus extrme du nihilisme contemporain plutt que
comme projet politique (RAF en Allemagne, Action directe en
France, Brigades rouges en Italie), mais il sera galement remis
au service de causes minoritaires ou nationales (Fatah palestinien,
IRA en Ulster, ETA basque, FLB breton). Dans les annes 1980,
le terrorisme nihiliste dextrme-gauche sera peu prs jugul,
certains terrorismes politiques glisseront vers le banditisme
(FNLC corse) ou les trafics mafieux (FARC en Colombie). Dans
les annes 1990, le relais sera pris par le terrorisme fondamen-
taliste islamique et par de nouveaux mouvements sparatistes
(UCK au Kosovo, Tigres tamouls au Sri Lanka, mouvements
tchtchnes, Front Pattani en Birmanie, Front Rohringa en
Thalande).
La caractristique commune la plupart de ces nouveaux
mouvements est leur radicalisation, avec le passage dun terro-
risme cibl (contre les symboles et les agents de ltat) ou de
prises dotages non sanglantes, dans un but mdiatique (enlve-
ment de Fangio par les castristes, premiers dtournements
davions par les Palestiniens) un terrorisme aveugle qui vise
tuer et crer le chaos. La grande nouveaut est le recours, par
les islamistes et les Tamouls, aux attentats-suicides. La riposte
repose sur une panoplie tendue de moyens combinant prven-
tion, rpression et persuasion (Hoching, 2003) :
emploi de lois dexception ;
gnralisation du renseignement ;
Guerres irrgulires : de quoi parle-t-on ? 29
contrle prventif des activits politiques ;
intervention militaire en cas de dsordres ;
stratgie de communication de crise.
XXV Terrorisme 3 : hyperterrorisme ?
Les attentats du 11 septembre 2001 ont conduit Franois
Heisbourg forger le concept dhyperterrorisme, voulant signi-
fier quil tait dornavant possible dobtenir par des actions terro-
ristes des rsultats matriels immenses, alors que le terrorisme
classique ne cherchait que des effets psychologiques, les seuls qui
lui taient accessibles. La validit du concept reste encore
dmontrer : Grard Chaliand le rcuse (Les Guerres irrgulires,
2008). Les attentats qui ont suivi le 11 septembre (Madrid, 2004 ;
Londres, 2005 ; Bali, 2006 ; Bombay 2008) restent conformes
au modle traditionnel, avec des effets matriels trs limits.
Mais le risque dattaque des infrastructures essentielles existe, de
mme que celui de mise en uvre darmes de destruction mas-
sive (apparition du bioterrorisme : secte Aoum au Japon, lettres
lanthrax aux tats-Unis ; spectre du terrorisme nuclaire).
Les tats-Unis prennent la menace au srieux et recourent
des ripostes globales (Global War On Terror), combinant action
militaire extrieure (Afghanistan, 2001 ; Irak, 2003) et scurit
intrieure (Homeland Security), avec des rsultats contrasts.
Lerreur de base rside dans labsence de discrimination entre
djihadisme global et terrorismes locaux qui appellent des rpon-
ses diffrentes : aucune ngociation nest envisageable avec le
djihadisme global, alors que des solutions politiques peuvent
contribuer lradication de terrorismes locaux.
*
* *
Ce survol extrmement cursif suffit suggrer, la fois,
luniversalit et la diversit du phnomne des guerres irrgu-
lires. Lhistorien, sensible la spcificit de chaque situation
historique, soulignera les caractres propres chaque phnomne
et limpossibilit de les runir tous sous une seule dfinition,
voire mme en quelques grandes catgories. Le stratgiste et le
politiste ne peuvent se satisfaire dun tel constat, ils doivent
30 Stratgique
essayer didentifier des points communs de manire faire appa-
ratre des invariants constitutifs dune thorie stratgique uni-
versellement valide et, quand cela est possible, une gnalogie
faisant ressortir les continuits, les filiations, entre des mouve-
ments apparemment disjoints. Ce travail de comparaison est
difficile, sinon impossible, dun point de vue juridique, tant il
oblige une prise en compte de tous les facteurs sociaux : les
catgories du droit des gens moderne, devenu le droit internatio-
nal contemporain, largement issu du droit romain, sont diffici-
lement transposables dans des socits non-europennes qui peu-
vent avoir dautres catgories, dautres conceptions du droit :
quest-ce quun combattant irrgulier lorsquil ny a pas dauto-
rit politique souveraine, lorsquil ny a pas darme perma-
nente ? On la dj dit, les situations la marge sont frquentes.
En revanche, la comparaison est plus facile dun point de vue
stratgique, ds lors que le domaine peut plus facilement tre
isol de son contexte social. Au-del dinfinies variantes, on voit
apparatre quelques points communs qui peuvent nous servir de
guide et, surtout, un dnominateur commun fondamentalement
ngatif : le refus de la grande guerre avec ce qui en est le
paroxysme, au moins dans la thorie stratgique contemporaine,
la bataille range, du dnouement du conflit par la confrontation
directe des forces militaires. Pour reprendre une distinction
popularise par Liddell Hart, toutes les guerres irrgulires
relveraient de la stratgie indirecte. Mais une stratgie indirecte
nest pas forcment irrgulire.
La thorie du partisan de Carl Schmitt
David CUMIN
arl Schmitt (1888-1985)1 a t un universitaire et
un partisan intellectuel : en parlant ainsi de
Rousseau2, cest de lui-mme quil parlait, linstar
de ses crits sur Machiavel, Hobbes, Savigny, Tocqueville ou
Donoso Corts, vritables autobiographies3 dguises. Avec sa
Thorie du Partisan4, Schmitt a voulu faire uvre scientifique : il
a analys le phnomne dun point de vue historique, philoso-
phique, politologique, juridique, soit une relle contribution la
polmologie contemporaine, sintressant aussi bien aux guerres
napoloniennes et la guerre franco-prussienne de 1870 qu la
1 Cf. notre thse de doctorat : La pense de Carl Schmitt (1888-1985), ainsi
que notre livre : Carl Schmitt. Biographie politique et intellectuelle, Paris,
Cerf, 2005. 2 Dem wahren Johann Jakob Rousseau, Zrcher Woche, 29 juin 1962,
article crit loccasion du 250e anniversaire de la naissance de Rousseau,
dans lequel Schmitt se rfre longuement louvrage de Rolf Schroers, Der
Partisan. Ein Beitrag zur politischen Anthropologie (Cologne, Kiepenheuer u.
Witsch, 1961). 3 Cf. Ex Captivitate Salus. Expriences des annes 1945-1947, Paris, Vrin,
2003 (1950), prsent et annot par A. Dormus. 4 Paris, Calmann-Lvy, 1972 (1963), 96 pages. complter avec les deux
textes suivants : Conversation sur le partisan. Carl Schmitt et Joachim
Schickel (1970), in La Guerre civile mondiale (recueil de six textes de
Schmitt parus entre 1943 et 1978), Maisons-Alfort, Ere, 2006, prf. C. Jouin,
pp. 113-136 ; Clausewitz comme penseur politique (1967), in Carl Schmitt :
Machiavel, Clausewitz. Droit et politique face aux dfis de lhistoire (recueil),
Paris, Krisis, 2007, pp. 43-85, tude de fond sur Clausewitz, Fichte, les
rformateurs prussiens, le choc des lgitimits dynastique et populaire, la
formation du nationalisme et la lutte contre Napolon. Cf. notre article :
Linterprtation schmittienne de Clausewitz, Stratgique, n 78-79, 2000.
CC
32 Stratgique
seconde guerre mondiale et aux guerres dIndochine ou dAlg-
rie. Mais, contre-rvolutionnaire allant sur le terrain de la rvolu-
tion, Schmitt a aussi voulu faire uvre militante : le nationaliste
antimarxiste a contre-distingu le partisan patriote et le partisan
communiste5 ; le juriste hostile aux juridictions de Nuremberg
6,
utilisant lanticommunisme, a cherch rhabiliter la Wehrmacht
confronte la guerre de partisans en URSS et a entendu dnon-
cer les consquences de ce type de guerre sur le jus in bello7 ; le
5 Telle quelle sest dveloppe, tout dabord au cours de la guerre sino-
japonaise depuis 1932, puis dans la seconde guerre mondiale et enfin, aprs
1945, en Indochine et dans dautres pays, la guerre de partisans de notre
poque conjugue deux processus opposs, deux formes de guerre et dhostilit
totalement diffrentes : dune part, la rsistance autochtone, de nature dfen-
sive, que la population dun pays oppose linvasion trangre, et, dautre
part, le soutien et le tlguidage de cette rsistance par des tiers intresss,
des puissances dagression jouant au plan mondial (prf. La Notion de
politique-Thorie du partisan, Paris, Calmann-Lvy, 1972, 1963, p. 55). 6 Sur cet aspect, cf. Thorie du partisan, op. cit., pp. 218-227, 231-253, 267,
286-289. Rappelons que deux types de crimes internationaux commis par des
Allemands furent distingus par les Allis : les crimes localiss ou mineurs,
soumis rpression par les Puissances allies sparment, notamment par
leurs tribunaux nationaux ou leurs tribunaux doccupation en Allemagne ; les
crimes majeurs, sans localisation gographique particulire, soumis rpres-
sion par les Puissances allies conjointement, travers le Tribunal militaire
international pour lEurope, sis Nuremberg (en zone amricaine). Du 14
novembre 1945 au 1er octobre 1946, le TMIE constitua le procs principal,
celui des dirigeants et des organisations accuses dtre criminelles (Cabinet
du Reich, Corps des chefs du NSDAP, SS et SD, Gestapo, SA, tat-Major
gnral et Haut Commandement des forces armes). Le TMIE fut suivi par
une srie dautres procs contre les cadres des organisations juges criminelles
(Corps des chefs du NSDAP, SS, SD, Gestapo), notamment les douze procs
tenus par le Tribunal militaire amricain Nuremberg, du 9 novembre 1946 au
14 avril 1949, contre 195 accuss. Britanniques, Franais et Sovitiques
conduisirent galement des procs en Allemagne, de moindre importance. Par
la suite, la rpression fut confie aux Allemands eux-mmes, via lOffice
central pour linstruction des crimes de guerre, bas Ludwigsburg. Fut
notamment institu le procs des gardiens dAuschwitz Francfort en 1963-
65 (celui des ingnieurs dAuschwitz eut lieu Vienne en 1972). Sajoutent
les jugements rendus lencontre de ressortissants allemands par les cours des
pays ayant t occups par lAllemagne, ou encore laffaire Eichmann en
Isral. 7 Rappelons que le jus in bello, ou droit de la guerre au sens strict (relatif
laction de guerre), rgit lusage de la force arme en dterminant qui a le droit
de faire la guerre et comment, autrement dit, qui sont les acteurs (les combat-
tants) et quels sont les instruments (les armements) et les modalits des
conflits arms ; le jus ad bellum, ou droit de la guerre au sens large (relatif
La thorie du partisan de Carl Schmitt 33
thologien politique a renouvel son affirmation thique du poli-
tique lencontre du libralisme et du pacifisme8. Schmitt na pas
plus rdig un manuel de stratgie consacr la guerre irrgulire
ou la contre-guerre irrgulire, quil na rdig des manuels de
droit constitutionnel, de droit international ou de science
politique.
Pourtant, sa Thorie du partisan peut tre considre
comme lquivalent de la Thorie de la Constitution10
, du Nomos
de la Terre11
ou du Concept du politique12
, cest--dire comme
un ouvrage de rfrence, en tout cas, une tape incontournable
dans lapprhension du phnomne. Il y a l un paradoxe logique.
Figure de la Rvolution conservatrice allemande, Schmitt a t
le doctrinaire de lEglise catholique et de ltat. Il a aussi t le
Kronjurist de la Reichswehr, le laudateur puis le dfenseur de
linstitution militaire prussienne : cest ainsi quon peut interpr-
ter le sens de son uvre. Or, cet adepte de lautorit, expert du
droit de crise, thoricien de la dictature et promoteur de la
dfense de la constitution, donc de la lutte contre lennemi
intrieur13
, sintresse la rbellion et linsurrection ! Il sy
intressait, comme toujours, de son point de vue de juriste rudit
et engag. Le connaisseur de la tradition chrtienne, le philoso-
phe de ltat et le taxinomiste des droits fondamentaux, mais
ltat de guerre), rgit le recours la force arme en dterminant qui a le droit
dordonner la guerre et pourquoi, autrement dit, qui sont les auteurs (les
belligrants) et quels sont les causes ou les buts des conflits arms. 8 Cf. Heinrich Meier : Carl Schmitt, Lo Strauss et la notion de politique. Un
dialogue entre absents, Paris, Commentaire/Julliard, 1990, prf. P. Manent. 10 Paris, PUF, 1993 (1928), prf. O. Beaud. 11 Le Nomos de la Terre dans le droit des gens du jus publicum europaeum,
Paris, PUF, 2001 (1950), prf. P. Haggenmacher. 12 Rappelons que le Concept du politique, toujours traduit en franais par La
notion de politique, a connu diffrentes versions. La version de 1963 a t
prsente par Julien Freund et traduite par Marie-Louise Steinhauser en 1972
sous le titre : La notion de politique - Texte de 1932 avec une prface et trois
corollaires, plus la Thorie du partisan (Paris, Calmann-Lvy), le tout rdit
en collection Champs, Flammarion en 1999. Cf. Piet Tommissen : Contribu-
tions de Carl Schmitt la polmologie, Revue europenne des sciences
sociales. Cahiers Vilfredo Pareto, n 44, 1978, pp. 141-170, pp. 142-145. 13 Schmitt dveloppe les lments de la lutte contre lennemi intrieur : tat
dexception, dictature, interdiction des partis rvolutionnaires, limitation
matrielle de la rvision constitutionnelle, mutation politique du droit pnal...
Cf. notre article : Lennemi intrieur dans luvre de Carl Schmitt, Strat-
gique, paratre.
34 Stratgique
aussi lopposant la Rpublique de Weimar comme la Rpu-
blique de Bonn, voquait non seulement la distinction -aussi
rvolutionnaire quantipositiviste- de la lgalit et de la lgiti-
mit, mais encore le droit de rsistance loppression14
. Lorsque
ltat ne protge plus, le devoir dobissance la loi cesse (prote-
go ergo obligo, tel est le cogito ergo sum de ltat hobbsien,
disait Schmitt). Si du refus dobir aux autorits on passe la
dsobissance puis, violence ajoute, la rsistance, souvre la
perspective de la guerre civile, antithse de ltat. La problma-
tique du droit de rsistance loppression mne ainsi la ques-
tion de savoir si une guerre civile peut tre lgitime : de mme
quil existe, dans toutes les traditions religieuses, thiques ou
juridiques, des guerres justes, existerait-il des guerres civiles
justes ? Il savre donc que le thme de la guerre civile tait lun
des horizons de sens de luvre du Juriste de lArme ! Cest
pourquoi Schmitt ne pouvait qutre amen saisir la question du
Partisan, celle de linsurg qui dsigne lui-mme lennemi, soit
ltranger, soit lautorit, et le combat ou appelle le combattre
les armes la main. Tel est le point commun entre ceux quon
appelle terroristes, tous les partisans de lhistoire universelle, le
gnral York en 1813, le gnral de Gaulle en 1940 ou le gnral
Salan en 196115
: ce sont des individus qui ont dclar la
14 Thorie de la Constitution, op. cit., pp. 301-312 ; La Notion de politique,
op. cit., pp. 95-96 ; Lgalit et lgitimit, in Du politique. Lgalit et
lgitimit et autres essais (recueil de quinze textes de Schmitt parus entre
1919 et 1952), Puiseaux, Pards, 1990, prf. A. de Benoist, pp. 39-79, p. 62 ;
Le Fhrer protge le droit (1934), Cits, n 14, 2003, pp. 165-171 ; Ltat
comme mcanisme chez Hobbes et Descartes (1937), Les Temps modernes,
1991, pp. 1-14, pp. 7-8 ; Il Leviatano nella dottrina dello stato di Thomas
Hobbes. Senso e fallimento di un simbolo politico (1938) et Il compimento
della Riforma. Osservazioni e cenni su alcune nuove interpretazioni del
Leviatano (1965), in Scritti su Thomas Hobbes (recueil des cinq textes de
Schmitt sur Hobbes), Milan, Giuffr, 1986, prf. C. Galli, pp. 60-143, 159-
190, pp. 119-120, 175 ; Fhrung und Hegemonie, Schmollers Jahrbuch,
LXIII, 1939, pp. 513-520, p. 514 ; Entretien sur le pouvoir (1954),
Commentaire, n 32, 1985-86, pp. 1113-1120, pp. 1114-1115. 15 Carl Schmitt compare les trois personnages dans les pages 300 302 de la
Thorie du partisan. Raymond Aron a rpondu cette comparaison dans
Penser la guerre, Clausewitz, Paris, 2 t., Paris, Gallimard, 1976, t. 2, pp. 117-
123, 219-222. Rappelons que le 18 juin 1940, jour de lAppel, le gouverne-
ment en place, de manire parfaitement lgale, en France, ntait pas celui de
Vichy, mais celui de la IIIe Rpublique, qui sapprtait, de manire tout
aussi parfaitement lgale, signer un armistice avec lAllemagne et lItalie.
La thorie du partisan de Carl Schmitt 35
guerre, y compris la guerre civile, sans tre des autorits
publiques lgales, qui ont fait la guerre, y compris la guerre
civile, sans tre des agents publics lgaux ou sans bnficier
dune dlgation publique lgale.
Avec la Thorie du partisan, Schmitt se concentre sur le
concurrent et ladversaire du Soldat, lun, acteur de la guerre irr-
gulire ou subconventionnelle, lautre, acteur de la guerre rgu-
lire ou conventionnelle. Il en tablit la gnalogie, la typologie
et la critriologie. proprement parler, sa rflexion nest pas
dordre stratgique : pour pluridisciplinaire et multidimension-
nelle que ft son uvre, le savant na pas t un stratgiste ; elle
sinscrit dans la poursuite de la rflexion sur le politique. La
Thorie du partisan est troitement lie au Concept du politique,
comme lindique son sous-titre : Note incidente relative au
Concept du politique. Lune a t publie et lautre a t rdit
la mme anne 1963 ; les deux livres ont t runis en un seul
volume dans la traduction franaise de 1972. On y retrouve la
mme ide fondamentale : le politique dfini par la relation
dhostilit, do rsulte la tension dialectique entre le politique et
ltat. Le noyau de ltat, cest la relation de protection et
dobissance ; le noyau du politique, cest la relation ami-ennemi.
Ltat, en tant quunit politique, doit conserver le monopole de
la dsignation de lennemi (le monopole de la violence lgitime,
disait Max Weber) sil veut continuer dassurer la protection et
dimposer lobissance ; mais tout antagonisme nest jamais com-
pltement supprim au sein de ltat ; les situations exception-
nelles que sont la rvolution ou la guerre civile montrent que le
monopole tatique peut voler en clats. Cette ide fondamentale
exprime dans les annes 1930, Schmitt lexpose dans un nou-
veau contexte, celui de la guerre froide et des guerres de dcolo-
nisation, propice aux guerres civiles internationalises dans
lesquelles sillustrent les partisans. La Thorie renouvelle ainsi
les rflexions schmittiennes sur le problme de la dsignation de
lennemi, la distinction lgalit/lgitimit, la thorie et le droit de
la guerre, le contraste entre la guerre sur terre et la guerre sur
mer, le dclin du jus publicum europaeum et la problmatique du
nouveau nomos du globe. Cest dire si la Thorie du partisan ne
contient pas quune thorie du partisan ! Connue et traduite
36 Stratgique
depuis longtemps, commente par Raymond Aron16
, on la pr-
sentera en la compltant et en montrant en quoi elle a t une
tape indispensable au dveloppement de lanalyse du phno-
mne17
, videmment mene par dautres auteurs18
.
DTERMINATION DE LIRRGULARIT ET DUALIT
DE LA FIGURE DU PARTISAN
En faisant la rtrospective des guerres irrgulires, Carl
Schmitt prsente un matriau empirique trs diversifi. En ressor-
tent, dune part, un point commun fondamental, qui rside dans
lirrgularit, dautre part, la dualit de la figure du Partisan.
Daprs Schmitt, la gurilla espagnole de 1808 1813 fut le
point de dpart historique du phnomne partisan au sens
moderne, mme si les protagonistes taient encore anims par des
idaux traditionnels. Toutes les poques ont connu des rgles de
la guerre et, par consquent, des transgressions de ces rgles.
Lgalit et rgularit, illgalit et irrgularit ne se confondent
cependant pas : des combattants irrguliers (des partisans) peu-
vent tre des combattants lgaux sils respectent les conditions
poses par les Conventions pertinentes19 ;
inversement, des
16 Op. cit., pp. 61-79, 97-123, 187-207, 219-222. Cf. aussi Herv Savon :
Lennemi absolu, Guerres et paix, n 12, 2-1969, pp. 76-79 (recension de
Thorie du partisan), ainsi quEmile Perreau-Saussine : Raymond Aron et
Carl Schmitt lecteurs de Clausewitz, Commentaire, n 103, 2003, pp. 617-
622. 17 Les ouvrages rcents dAlain de Benoist (Carl Schmitt actuel. Guerre
juste, terrorisme, tat durgence, nomos de la terre, Paris, Krisis, 2007)
ou de Jrme Monod (Penser lennemi, affronter lexception. Rflexions crit