Post on 13-Sep-2018
LA MORT CHEZ LEOPOLD SEDAR SENGHOR
I) LA MORT EST PARFOIS PERCUE CHEZ SENGHOR DE FACON NEGATIVE A) ANGOISSE, AFFLICTION ET REVE BRISE En effet, Senghor, notamment en faisant appel aux ancêtres, écrit son angoisse de la mort. Pour parler des ancêtres, il ramène le lecteur au sein de la famille et aux liens qui unissent les membres entre eux et à l'Ancêtre fondateur qui est lui aussi assimilé aux autres ancêtres de la famille. C'est surtout à travers des réminiscences enfantines qui deviennent résolument oniriques que nous faisons connaissance avec les ancêtres et les esprits. En effet dans le poème ouverture du recueil Chants d'Ombre, « In Memoriam » perché dans son observatoire au bord de la Seine, Senghor imagine que les ancêtres l'assaillent comme ses migraines d'étudiant. Ces ancêtres qui le torturent sont la mort, la mort de ses rêves d'adolescent. L'angoisse de la mort conduit à un appel incessant des ancêtres. La mort dans ses écrits est exprimée par un état de spleen envoûtant . Dans le poème « Désespoir d'un volontaire libre », il voit la mort, mais tout en l'invoquant, il se trouve loin d'elle, et lui accorde une danse onirique tout en la laissant choir dans les abysses. « Rien que cette odeur, que cet éblouissement vide qui lui monte à la tête. Vertigineuse douceur de la mort, oh ! Vide de tout espoir, de toute souffrance vide. Un lent balancement qui se berce du corps – quelle grâce du danseur dans l'air élastique!-et la chute brutale, vertigineuse douceur ! Ô faible trop faible enfant, si fidèlement traître à ton génie » En outre, chez Senghor, la mort suscite une rébellion aux allures de négation de la Divinité. A la mort de sa progéniture, le poète éprouve une sorte d’angoisse indéfinissable qui étreint son cœur. De fait, la mort de l’enfant opère une véritable coupure dans l’existence de Senghor. Elle l’expose à la souffrance et ouvre sa conscience à d’obscures réflexions métaphysiques. Celles-ci déclenchent, pour ainsi dire, le bouleversement intérieur qui ouvre la voie à la négation de la mort. Ayant vécu la mort par de Guy, le second fils de son mariage avec Ginette Eboué, Senghor souffre dans son for intérieur. En effet, quoique tenu à l’écart de l’éducation de celui-ci, le père-poète sent une fibre se rompre en lui. Il a l’impression que le hasard complique davantage une situation qui l’est déjà. En effet, Guy était le trait d’union entre Senghor et Eboué. Avec la mort de ce fils, le poète perdait l’espoir de renouer les relations avec sa femme. Cet espoir se justifiait par les convictions profondes du poète. Chantre de la négritude, il essayait de faire en sorte que sa vie puisse être illuminée et illustrée par ses revendications raciales. D’ailleurs, interpellé sur son mariage tardif et ses choix sentimentaux, il confesse :
« Quand j’ai été nommé professeur agrégé à Tours, en septembre 1935, j’allais avoir vingt neuf ans. J’aurais pu me marier, alors, avec une Française. Je ne l’ai pas fait parce que, pensais-je, mon devoir était d’épouser, de préférence, une Noire d’Afrique, une Arabo-Berbère ou, à défaut, une Antillaise, c’est la raison pour laquelle j’ai attendu ».
Par-delà le rayonnement de l’enfant, qui se targue d’une certaine supériorité découlant de sa condition, apparaît, en filigrane, toute la satisfaction du père qui a réussi à inculper à sa progéniture l’idée de grandeur qu’il se faisait lui-même du métissage. C’est justement parce que Philippe Maguilen, autre fils mort du vivant de Senghor, semblait être une providence, un don du ciel, que sa mort est à l’origine d’un certain négativisme blasphématoire :
« Et j’ai dit « non ! » au médecin : « mon fils n’est pas mort, ce n’est pas possible ». Pardonne-moi, Seigneur, et balaie mon blasphème, mais ce n’est pas possible. Non non ! Ceux qui naissent mignotés des dieux ne meurent pas si jeunes. Tu n’es pas, non ! Un dieu jaloux, comme Baal qui se nourrit d’éphèbes ».
Ce cri se poursuit par de virulentes remarques où le poète, prolongeant son dialogue avec Dieu, retrace les étapes de son affliction.
« De notre automne déclinant il était le printemps ; son sourire était l’aurore Ses yeux profonds, un ciel cristallin et frangé d’humour. Il était vie et raison de vivre de sa mère, lampe veillant dans la nuit et la vie. Brutalement, tu nous l’a arraché, tel un trésor le voleur du plus grand chemin ».Elégie pour Philippe-Maguilen
Profondément attristé par cette mort, Senghor dévalorise Dieu en le comparant à Baal, le Dieu usurpateur, jaloux et cruel. Il ne pouvait croire qu’un Dieu juste puisse permettre une telle chose. La mort de Philippe, en plus de lui avoir enlevé un héritier, semble sonner le glas de la mission dont le poète est porteur. Cet enfant symbolisait le grand rêve généreux de Senghor d’un rassemblement des peuples et des cultures dans un respect mutuel, dans le but de construire la civilisation de l’universel.
B) DENONCIATION DE LA RAISON QUI MENE L HUMANITE AU SUICIDE
« Et ce fut l'an de la Raison. De leurs yeux ils crachèrent un feu rouge. Et la haine poussa au cou des hommes en ganglions noueux, et dans la boue du sang les soldats se baignèrent. On décora les bourreaux et les savants ; ils avaient inventé de tuer deux fois l'homme » « Princesse ton Épître », Ethiopiques. Les puissances de mort sont ici devenues expressions de vie : c'est la vitalité de la haine, vigueur démentielle qui conduit à la mort. La mort n'est que sacrilège, car le sang au caractère traditionnellement sacré, puisque sève de vie, se trouve associé à la boue, terme réductible à sa seule perception nécrophile. Le déchaînement de la haine entraîne l'homme à saccager la vie par la violence de ses actions. Notons en outre l'infiltration
insidieuse du mépris dans l'alexandrin « et dans la boue du sang les soldats se baignèrent » : le mépris libère et justifie la haine. On distingue deux grands thèmes dans l’œuvre de Senghor : les guerres et les oppressions, dont les clameurs se laissent entendre comme autant de variations d'une même préoccupation, celle de la mort de l'Homme. Car c'est le déchaînement de la haine de l'homme pour l'homme qu'exhibent dans leurs actions exterminatrices, les guerres de l'occident, telles qu'observées par Senghor, et ce plus particulièrement dans son recueil « Hosties noires » qui regroupe les poèmes inspirés par une période spécialement dramatique et troublée, celle qui couvre les années 35 45 avec l'invasion italienne de l’Éthiopie, la guerre d'Espagne, le Front Populaire et la Seconde guerre mondiale. Senghor décrit alors l'aveuglement de l'Occident à la recherche d'un Absolu de puissance. Par exemple, dans « Elégie pour Martin Luther King » Senghor ramasse dans un long cri de révolte toutes les images de violence et de mort, de haine et de mépris qui jalonnent l'histoire des relations humaines : « Je dis non, ce ne sont plus les kapos, le garrot le tonneau le chien et la chaux vive, Le piment pilé et le lard fondu, le sac le hamac le micmac, et les fesses au vent au feu, ce ne sont plus le nerf de bœuf la poudre au cul La castration l’amputation la crucifixion - l’on vous dépèce délicatement, vous brûle savamment à petit feu le cœur C’est la guerre postcoloniale pourrie de bubons, la pitié abolie le code d’honneur La guerre où les Sur-Grands vous napalment par parents interposés. Dans l’enfer du pétrole, ce sont deux millions et demi de cadavres humides Et pas une flamme apaisante où les consumer tous » Dans « Épîtres à la princesse » le lecteur se trouve face à une constatation froide et sèche : « On décora les bourreaux et les savants ; ils avaient inventé de tuer deux fois l'homme » : cette association étroite entre bourreaux et savants suggère une analogie dans leur art de manipuler l'Homme devenu pour eux une matière expérimentale chacun avec les nuances de leurs fonctions mais dont l'aboutissement est comparable : tuer deux fois l'homme : corps et âme. Dans « Chaka », le personnage éponyme est l'idéologue qui, « pour l'amour de son peuple » est prêt à justifier tous ses crimes, sans en nier la monstruosité. Lui parle-t-on de conscience morale, il parle science et efficacité. La cause est sans doute juste et l'argumentation de Chaka solide : -massacres de populations innocentes ? Il s'agissait d'une Afrique périmée, la purge était nécessaire -le meurtre de Novilé ? Le militant ne peut écouter son cœur « je ne l'aurais pas tuée si moins aimée » -un continent mis à feu et à sang par une haine raciale ? La colonisation ne laissait pas d'autre possibilité. Chaka, « beau parleur », est fort de son inhumaine certitude, lui qui a choisi de tuer le poète au profit de l'homme d'action.
La considération de l'homme pour l'homme disparaît au profit de la raison, de l'utilité des choses. « Ah ! Plus ne peux supporter ta lumière, la lumière des lampes, ta lumière atomique qui désintègre tout mon être. » peut-on lire dans « Elegie de Minuit. » : cette angoisse universelle obsédante de la mort de l'homme subjugué par la technique qui semble mener le monde n'abandonne pas Senghor. C) REVOLTE HUMANISTE Senghor est inquiet de voir son Afrique succomber au vertige de l'Occident et sombrer dans le désespoir du volontaire libre qui attiré par « l'espace vide et ce vaste pays vidé d'espoir » où « l'homme est un loup pour l'homme » n'a pas su vivre pour démentir cette pensée de Plaute qui traverse les siècles fidèlement mémorisée et illustrée par l'Histoire. Or, ne pas remettre en question les écrans dressés par l'Homme contre l'Homme, c'est admettre de vivre dans l'angoisse, la colère et les mutilations qu'ils entraînent, c'est concevoir, sinon accepter et même précipiter la mort de l'Homme. Le Sang noir doit redonner vie à la ville, saper les remparts de racisme et d'acier...Senghor nous engage à le suivre pour aller au delà de la « mort blanche », pour redonner visage humain à ce « siècle des dichotomies et des préjugés, des confusions et des simplifications, des idéologies sans esprit et des esthétiques sans imagination » comme nous pouvons le lire dans « Liberté ».
II) UNE MORT UTILE
A) LA MORT DANS UNE DEMARCHE INITIATIQUE La trajectoire de Senghor, telle qu'elle apparaît dans son œuvre poétique, est comparable à la démarche initiatique qui traditionnellement façonne l'âme négro-africaine, enseignement qui vise à une double connaissance, existentielle et ontologique, son but étant de vaincre tout ce qui peut entraver la découverte de l'être ou nuire à son épanouissement. La toute première initiation a lieu à l'adolescence et comporte trois étapes : -la séparation : le néophyte doit quitter sa famille pour entrer dans un lieu culturel tabou en toute autre circonstance, le bois sacré -la nuit initiatique : dans la forêt, sans abri, dans la crainte des esprits mauvais et des bêtes sauvages. Durant sa longue marche initiatique dans la forêt, le néophyte se trouve immergé dans un milieu hostile qui, lui faisant perdre conscience de ses faiblesses, l'amène à découvrir la peur de vivre autant que celle de MOURIR : de la même manière, Senghor commence lui aussi une longue descente dans la nuit d'Europe. Il se perd alors dans les labyrinthes de ses angoisses existentielles. Il bute sur l'interrogation suprême : serait-il en train de vivre les signes précurseurs de la mort de l'Homme ?
Face à cette question, plusieurs réponses s 'amorcent : -la régression -le désespoir -la révolte Mais toutes ces réponses ne font que manifester l'impuissance de l'homme à évincer l'angoisse et la souffrance, elles aboutissent à une impasse existentielle. -Troisième étape : l'enseignement initiatique : il subit une « mort à soi » qui se concrétise par des souffrances physiques (dont la circoncision) et morales. Elles l'amènent à prendre une plus claire conscience des difficultés d'être et des obstacles à franchir pour se libérer de ses propres freins. Cela développe le courage et la volonté de l’appliquant, le libère de certaines craintes face à la vie et le met en condition pour accueillir l'enseignement qui lui est prodigué. Chez Senghor des présences et transcendances s'éprouvent par les rituels de la mort et de la renaissance et ouvrent à la connaissance des dimensions de la vie ; c'est l'immersion aux sources fortifiantes de la négritude et l'émergence des valeurs christiques de l'occident. LA MORT EST SUIVIE D UNE RENAISSANCE A UNE VIE NOUVELLE : le jeune initié reçoit un nom nouveau et quitte la forêt pour rejoindre son village en fête. L'initiation est une éducation qui cherche à résoudre la déchirure initiale de l'Homme entre son goût de vivre et la certitude de mourir. Or la peur, l'angoisse, la souffrance ne cessent d'entretenir, sinon d'aggraver cette déchirure tout au long de l'existence. Il convient donc de familiariser l'adolescent avec ces chemins inévitables qui relient la vie et la mort. Cauchemars, nausées, déroutes de l'esprit sont vécus jusqu'au paroxysme de la souffrance chez Senghor dans la « nuit européenne ». Le découragement effleure même le poète lui même, lorsqu'il dit : « Ah ! Si seulement m'écrouler dans la fiente et le sang, dans le néant. » dans « Elegie de minuit ». Ce vers nous paraît être le carrefour où toutes les frayeurs de la nuit d'Europe éparses dans ses poèmes viennent se fondre en une expression ultime, celle d'une aliénation éprouvée comme une mort néantisante, un gouffre sans fond. Mais le poète ne veut pas se laisser fasciner par « l'angoisse des ténèbres, cette passion de mort et de lumière/ Comme les planètes la nuit sur les lampes tempête, dans l'horrible pourrissement des forêts vierges ». Il lui faut découvrir une voie libératrice. Alors le poète détache ses regards de la surface des choses et des êtres qui l'assaillent, et se retourne sur son passé, son Royaume d'Enfance. Il cherche des forces invisibles. Il va alors invoquer les ancêtres. Dans Chants d'ombre, il les invoque pour retrouver la familiarité de leur présence en dépit de l'étrangeté des lieux. Il ne faut pas rompre le courant de vie que l'on a reçu des ancêtres, et que l'on a charge de transmettre dans la fidélité de son sang, à sa race. Le poète va tout au fond de lui-même recueillir le souffle de ses ancêtres, dans « In memoriam » par exemple. « Ô morts, qui avez toujours refusé de mourir, qui avez su résister à la Mort Jusqu'en Siné jusqu'en Seine, et dans mes veines fragiles, mon sang irréductible Protégez mes rêves... »
mais aussi dans « Nuits de Siné » : « Que je respire l'odeur de nos Morts, que je recueille et redis leur voix vivante ». B) UNE MEDITATION SUR LES LIENS ENTRE LA VIE ET LA MORT Pour Senghor, la mort n'a pas à se clore sur elle-même dans l'impuissance ou la néantisation. Elle est au contraire le degré ultime d'une inévitable et continuelle mutation de l'être. Des symboles illustrent cela :
⁃ L'hivernage prépare le renouveau printanier. C'est le cycle saisonnier, la métaphore végétale qui nous fait partager les angoisses, les souffrances et les morts d'un paysage qui s'engloutit dans les grisailles et les moiteurs des pluies chaudes. Mais cette mort est féconde, elle est passage obligé, annonciatrice d'une vie renouvelée qui sera d'autant plus belle que le terreau et les graines laissés par elle seront plus riches. La moisson future sera renaissance pour les morts qui ont donné sens à leur sacrifice.
⁃ L'Hostie noire, symbole christique de la victime salvatrice. Les « hosties noires » consommées de par le monde sont les Tirailleurs Sénégalais. Ils ont fait don de leur corps et de leur vie vie pour sauver la France qui maintenant les oublie. Ils ont pourtant perdu visage, famille et racine, ces « Morts étendus dans l'eau au profond des plaines du Nord et de l'Est ». Les voilà cependant tous unis, ressuscités comme un seul corps par la voix du poète, offerts aux hommes comme nourriture spirituelle et fraternelle.
Senghor célèbre la poursuite de la vie par delà la mort. Il refuse l'absurde et le néant comme étant les insultes suprêmes jetées à la face des créatures, mais aussi du Créateur. Tout a un sens, c'est un des fondements de l'ontologie négro-africaine. La mort est donc signifiante. Aucune vie ne peut être sacrifiée pour rien. Or ces Tirailleurs Sénégalais furent sacrifiés. Senghor les présente comme hosties sacrificielles : il faut qu'elles deviennent une leçon de vie pour les survivants, que le dévouement des Tirailleurs soit reconnu comme une source de renouveau, que leur sang permette de réécrire l'Histoire, de redresser sa direction, de retrouver le chemin de la spiritualité que connotent les Hosties. Parler penser prier sentir sont les verbes que Senghor utilise le plus fréquemment pour exprimer les liens qui réunissent les morts aux vivants et rendent leur présence efficace. Ce n'est que dans la « plaine apocalyptique » que « pourrissent les morts comme des semences infécondes » parce que enterrés dans le silence, le vide et l'oubli. Cette foi est commune à toutes les religions négro-africaines traditionnelles, puisque la mort libère une force vitale que les survivants cherchent à capter et à laquelle ils rendent un culte. Dans les élégies de deuil, Senghor nous donne les dimensions d'une méditation pleinement vécue. La voix du poète s'étrangle, se blesse, se brise et perd toute défense.
Elle devient, elle est, elle vit elle partage cette mort-dans-l'âme. Elle reste liée, reliée à cette mort. Pourtant elle va ressusciter en même temps qu'elle découvre dans cette mort une éternité d'être. Car l'amour nie la mort, la foi renouvelle la vie et l'absence devient présence sur-réelle, plus vraie que sa réalité précédente puisque c'est une présence accomplie, inaltérable, essentielle, qui porte en elle son immortalité. « Je dis chantez le diamant qui naît des cendres de la Mort » « L'absente ». Il n'y a pas de réponse humaine à la mort. Il faut franchir, tout en les vivant, les souffrances de l'arrachement charnel d'une présence qui n'a plus regard ni parole. Dépasser la temporalité, transcender la mort par la renaissance du sens de la vie. Senghor dans ces élégies de deuil notamment adressées à Martin Luther King ou encore Georges Pompidou, cherche dans la souffrance le lieu où la vie s'unit à la mort dans le dépassement de soi, dans l'approche de l'Un, de l'Immuable. Cette méditation de Senghor sur les liens qui unissent la vie à la mort le conduit à déchiffrer ce que les métamorphoses de la mort ne sauraient occulter : notre devenir, ce « pont de douceur » qui nous relie à notre éternité d'être. Il se nomme amour est reste l'inaltérable force de vie. C'est, en d'autres termes, l'essence même de l'être. Or aimer et connaître sont des mouvements indissociables chez Senghor. Dès lors, les valeurs inaliénables de re-naissance vers le plus-être, vers l'être, mettent en évidence ces deux aspects complémentaires que sont le métissage, c'est à dire la co-naissance aux différences, et l'amour, c'est à dire la communion, l'accord conciliant.
C) UN RYTHME CYCLIQUE VIE/ MORT/ RENAISSANCE OMNIPRESENT
Senghor restitue, à travers l'histoire de l'Afrique et de ses hommes, le rythme cyclique Vie/Mort/Renaissance qui est l'un des fondements de toute cosmogonie africaine. Ce rythme est omniprésent dans l 'œuvre de Senghor, par exemple à travers l'image de la femme : en effet, l'image de la femme ne se limite pas à celle d'un objet esthétique ou sensuel. Sa beauté physique n'est pas une fin en soi, elle traduit sa beauté spirituelle. La femme porteuse de vie illustre le rythme cyclique du cosmos, mort/renaissance. Autre exemple, et non des moindres : Le Poème lui-même, objet créé en même temps que facteur de création, est destiné à renaître éternellement, dans un rythme cyclique qui se confond avec le rythme cosmique. Ce cheminement associe une expérience profane et un rituel sacré dans une construction chiasmatique :Dans le « Chant de l'initié », le lecteur assiste à l'évocation d'un monde ancestral en train de se faire, d'une initiation que l'initié revit, découvre et se prépare à vivre, il y a simultanément le poème d'une virilité maîtrisée, d'une fécondation du présent par le passé, d'une révélation qui ne débouche que sur la promesse d'une mort « pour renaître dans la révélation de la Beauté ». Toutefois ce rythme cyclique, jugé par un homme d'action, pourrait-allant du même au même-se confondre avec un immobilisme sacré. Senghor assume sans doute cette possibilité.
« Je ne sais en quel temps c'était, je confonds toujours l'enfance et l'Eden/ Comme je mêle la Mort et la Vie-un pont de douceur les relie » (ETHIOPIQUES) Mais peut être ce « pont de douceur » liant les vivants et les morts est il trop délicieux pour n'être pas redoutable. Nous nous trouvons bien face à un danger de la délectation d'un Passé présent ambigu qui se suffirait à lui même. Le troisième temps que veut traduire Senghor tient compte de la Victoire de l'Homme sur la Bête, sur les « peurs primaires, surgies des entrailles d'ancêtres », il est le temps du métissage qui transforme l'éternel retour en éternel devenir. Le métissage, « tornade séminale » annonciatrice de l'Afrique future. Lorsque survient ce troisième temps, la mort renaît vie « comme un diamant d'aurore »
En effet, « on ne peut s'enfermer dans son passé ni prolonger le présent, car la stagnation, c'est la mort assurée » peut-on lire dans « Liberté ». : Toute culture doit être simultanément fécondée par les autres et fécondante pour les autres. Senghor a choisi de vivre l'occident en africain et d'interroger l'Afrique à la lumière de l'occident. Cette complémentarité culturelle le conduit vers la formulation d'une exigence fondamentale : celle du métissage. L'image qu'il en donne dans un article paru en 1958, illustre pleinement son choix de vie « Il plonge, par ses racines, dans l'humidité de la tradition, tandis que sa tête respire, dans le soleil, l'air du monde contemporain, tel un palmier ».
III) LA MORT DANS LES ELEGIES MAJEURES
A) MORT ET RESURRECTION
Trois moments significatifs sont repérables dans les poèmes du recueil Elégies Majeures : l’événement qui déclenche le souvenir du défunt, la signification de l’épreuve et son parachèvement dans la Paix éternelle. Et le poète se met en scène d’abord dans une situation de recueillement, pour rappeler la vie des martyrs, ensuite pour dire leurs qualités comme dans une oraison funèbre débouchant sur l’annonce de l’état de grâce. Au sein de cet univers solitaire, le poète inspiré apparaît comme un prêtre sans soutane, un être privilégié qui reçoit la Révélation sous forme de visions. Il pénètre dans les intentions du Seigneur, dégage le sens de la mort des héros et décrit leur séjour en paradis. Senghor adopte, en somme, dans ses Elégies Majeures, un modèle de narration omnisciente où l’étape de l’entrée en prière, soigneusement marquée, prépare la composition de portraits sommaires comportant des jugements moraux et l’énoncé des qualités des défunts qui justifient l’optimisme de la vision.
Tout en reprenant les thèmes centraux de son inspiration (l’amour, la mort, le rôle du poète, la civilisation de l’Universel, etc.), Senghor chante le deuil et la souffrance. Mais, il ne perd pas son optimisme devant le désastre de la violence et de la trahison ou le spectacle de la mort. Par le biais des protagonistes de sa fiction poétique, il magnifie la tendresse, l’amitié et propose des images de la Passion du Christ et du rachat. Dans le cadre d’un dialogue privilégié avec Dieu, où le rêve apparaît comme le moyen, il met en relation la mort avec son prolongement et sa signification célestes. Le personnage de Jésus-Christ se présente comme la figure centrale de l’écriture élégiaque de Senghor qui reproduit les étapes de l’histoire chrétienne du salut. A côté de la donnée spatiale et étroitement liée à elle, il y a celle du temps biblique qui coïncide avec la vie, la mort et la résurrection prolongée par la vie éternelle. Dans Elégies Majeures, le désespoir accompagne toujours la souffrance. C’est chez l’auteur un sentiment fugace correspondant à un envahissement par une forte émotion. Le
poète s’émeut de l’annonce brutale de la mort d’un être aimé ou connu. Mais cette situation est de courte durée et appelle un prompt rétablissement de l’équilibre psychologique.
La vie du chrétien est à l’image de celle du Christ : elle est jalonnée d’épreuves et elle répète la Passion. Métaphoriquement, Jean-Marie, Philippe-Maguilen, Martin Luther King revivent le sacrifice du Fils de l’homme, parce que leur mort est destinée à racheter une humanité pécheresse. Déjà, avant la montée auprès du Seigneur, s’organisent les sacrements de la mort, dans l’attente de l’arrivée des Anges et « la jubilation de l’Alléluia ! ». Le poète peut dire de son fils : « On l’a baigné pour les noces célestes, parfumé frais de vétiver » (« Elégie pour Philippe Maguilen Senghor ») Mais bientôt la résurrection. L’« Elégie pour Martin Luther King » offre une description de l’au-delà, dans une vision sécularisée. Dieu se manifeste au poète sous les traits d’un patriarche, au milieu de « tous les fils de la même Terre-Mère ». Le tableau spirituel fait apparaître la communauté des morts célèbres de l’Amérique, assemblés dans l’Eternité autour de Martin Luther King. L’expérience de la mort et de la résurrection est vécue, chez Senghor, dans la communion des saints et des hommes de paix. Car le monde venu porter le deuil se caractérise par l’hétérogénéité. Senghor prolonge son rêve dans la vie de l’au-delà où il voit déjà Philippe ressuscité, transfiguré :
« T’accueilleront les Chérubins aux ailes de soie bleue, te/conduiront/A la droite du Christ ressuscité, l’Agneau Lumière de ten/dresse, dont tu avais si soif/Et parmi les noirs Séraphins chanteront les martyrs de /l’Ouganda./Et tu les accompagneras à l’orgue, comme tu faisais à Verson/Vêtu du lin blanc, lavé dans le sang de l’Agneau, ton/sang ».
Le poète évoque avec certitude les noces célestes de Philippe-Maguilen ; mais avec Georges Pompidou, il reste fidèle au serment de se laisser raconter le paradis. Aussi attendra-t-il la révélation du mystère d’un témoin de l’au-delà. Contrairement à l’« Elégie pour Martin Luther King » où le poète a une vision précise du ciel où siège Dieu, l’« Elégie pour Georges Pompidou » est l’occasion pour Senghor d’interroger son ami :
« Y’a-t-il des ruisseaux de lait serein, de miel radieux au milieu/Des cèdres/ [...]
Que le bonheur soit dans les yeux, est-ce vrai et qu’on/s’abîme dans la contemplation du Dieu unique ? ».
Dans la poésie de Senghor, il n’y a pas de situation d’individu pris dans quelque mortel engrenage, comme dans le tragique grec. Il n’existe aucune description de mécanisme monté menant à la catastrophe ; mais seulement la présentation du phénomène de la mort, surgissant dans l’articulation des événements du salut. L’idée d’échec est étrangère à cet univers fondé sur la réconciliation et la paix. Poésie chrétienne, le lyrisme senghorien est l’expression d’un homme qui a parié sur Dieu. Le poète ne peint pas des existences dominées par le péché et qui s’achèvent dans la damnation.
Senghor inscrit ses démarches poétiques dans l’idéal de salut exprimé par la culture chrétienne. Le péché est effacé par l’Amour, dans l’épreuve du crucifiement et de la mort de Jésus Christ. De ce principe de rachat des fautes de l’humanité par le Fils, dérive la signification théologique de l’inscription de la mort dans Elégies Majeures.
B) L’ESTHÉTIQUE DE LA MORT
Désormais, la poésie attribue gloire et immortalité aux défunts car « seuls vivent les morts dont on chante le nom ». À la rencontre d’une conception africaine et d’une tradition biblique, la parole poétique, devenue démiurgique, fonctionne comme une Rédemption, une sanctification. En face de la puissance de destruction de la mort, le poète n’a que des mots, comme il le confie à son ami : « Pour toi rien que ce poème contre la mort ». Le poète n’a que des mots. Mais, il s’agit de mots réévalués et rendus supérieurs par une pratique poétique qui transforme la mort en vie. La parole des Élégies majeures est essentiellement magique ; elle a le don de provoquer la résurrection des morts :
« Moi que je prononce ton nom ton innocence, toi Jean-Marie Pour que tu revives, ivre et pur !... ».
Cette métaphysique de la parole sacralisée fait du poète un élu capable de transformer le Néant en Tout et le chaos en ordre sacral des signes : « Donc je nommerai les choses futiles qui fleuriront de ma nomination ». Le poème, à ce stade de son écriture, ne comporte ni ne colporte les marques du Néant. Mais, en désignant son masque du doigt, il constitue la manifestation d’une victoire verbale, un « acte métaphysique d’une valeur absolue », un énoncé performatif. La fonction instrumentale de la parole poétique et son aspect performatif se conjuguent et donnent une ampleur extraordinaire au verbe poétique. Après avoir entouré sa parole de toutes les garanties possibles , Senghor en fait un instrument permettant de nier la vérité de la mort. L’élégie composée à la mémoire de Georges Pompidou situe les morts « dans la distance de l’au-delà » ou « sur l’autre rive » mais, la parole poétique a le pouvoir de restructurer ce que la mort a déstructuré, de recomposer ce que le néant a décomposé. Car celui qui meurt ne disparaît pas totalement ; il meurt pour donner vie à la vie et pour être réintégré dans le Grand Tout avec lequel il communie constamment : « Écoute la noire mélopée bleue qui monte dans la nuit dravidienne ». C’est le point culminant de l’élégie. Contrairement aux images apocalyptiques du début de la strophe, nées de la réflexion du ciel sur l’eau (« Au fond du ciel, les étoiles chavirent sous les madras dénoués »), la fin du poème apporte l’apaisement. Et, naturellement, Georges Pompidou redevient vivant, comme l’ensemble des morts dont parle le recueil des Élégies majeures. La verticalité ascendante (« qui monte ») succède à la profondeur (« Au fond »). Devenu « un opéra fabuleux », Senghor vit, dans ce poème, un des plus grands moments du mysticisme universel. Comme « les victimes noires paratonnerres », que berce la voix de colère et d’espoir du poète dans « la béatitude bleue méditerranéenne », Georges Pompidou est transfiguré. La transfiguration passe essentiellement à travers les images surnaturelles qui orientent brusquement une scène terrestre vers sa signification métaphysique. Le déroulement de
l’histoire terrestre est constamment perturbé par des signes qui annoncent la présence de l’au-delà et le début du Jugement Dernier sur terre. Par exemple, l’emploi particulier de l’adjectif de couleur « bleu » permet d’inscrire le discours dans un espace où il signifie déjà l’apothéose :
« En vain tu cherchas les yeux de ciel bleu (...) Oh ! Doucement. Et dans un grand retournement vers les deux yeux d’azur Tu es parti très calme, vers ta joie bleue, vers la porte du Paradis ». (Elégie pour Georges Pompidou)
La transfiguration permet l’intrusion du surnaturel et du merveilleux chrétien et signale surtout un travail sur un espace-temps considérablement élargi par le poète visionnaire qui force les limites du réel. Ce déplacement des barrières de l’espace et du temps est une technique dont la fonction est d’exagérer les faits dont se saisit le poète qui, comme il l’avait d’ailleurs si bien dit dans « Élégie des Circoncis », peut désormais envisager les événements de la Terre au Ciel et du début de la Création au Jugement Dernier. En contact permanent avec l’Ineffable, le poète combine l’approche humaine de l’histoire à un mode d’appréhension extrahumain de la réalité. La frontière entre le monde réel et le surnaturel devient très mince et Senghor jette les bases d’une géométrie mystique inédite dans l’histoire de la littérature africaine d’expression française. Surtout pensée en fonction d’une finalité divine et transcendante, la mort est intégrée dans une histoire du salut. Dans la phase terminale de cette histoire du salut, les lecteurs des Élégies majeures relèvent une constante : les morts (re)naissent à l’appel de leur nom et retrouvent la vie dans le chant qui leur est consacré. L’écriture abolit la mort et régénère, par la même occasion, les défunts : « Et ils furent debout par la voix du poète ». Cette démarche poétique, qui exprime la dialectique de la vie et de la mort en même temps que la négation de la mort naturelle par le verbe créateur, est autorisée par l’inscription de la figure du Christ qui est omniprésente dans le recueil. Et, l’une des conséquences idéologiques les plus immédiates du récit invariant chrétien est d’évacuer toutes les angoisses liées à la mort présentée, dans « Élégie pour Georges Pompidou », sous la forme d’un dragon, archétype fondamental du monstre et symbole de la totalisation des peurs. La signification théologique et métaphysique que la spiritualité chrétienne affecte à la souffrance est utilisée par le poète qui, par cette pratique, organise un vaste espace du martyr et attribue une valeur sacrificielle à la mort. Senghor a constamment recours au récit invariant qui dérive de la Bible et qui structure l’imaginaire collectif de l’Occident chrétien : par amour pour les pécheurs, Dieu envoie son fils mourir sur la Croix. Cette mort fonctionne comme une Rédemption, une lourde rançon payée pour racheter les fautes de l’humanité. Donc, il y a de la mort dans l’amour et de l’amour dans tout ce qui meurt. Cette loi énigmatique, qui est inscrite dans l’écartèlement de la Croix, est à la base d’un itinéraire résumé par le schéma invariant chrétien que Senghor médite dans « Élégie des Saudades » à travers un passage faisant allusion à la pratique poétique de Mallarmé qui, dans « Le Tombeau d’Edgar Poe », voulait « Donner un sens plus pur aux mots de la tribu ». Mais, chez Senghor, la poésie ne fonctionne que rarement comme l’expérience tragique d’une impuissance du langage. Au contraire, elle communique par sa signification vitale et sa fonction sociale.
Le récit invariant chrétien est à la fois laïcisé et « parasité » par les pratiques poétiques qui l’expriment. Il permettait de vaincre la mort mais, en passant de l’espace idéologique à l’espace poétique, il subit des transformations radicales. Désormais, c’est la poésie qui réalise le schéma dialectique de la mort et de la résurrection et qui permet de dominer la mort. La Rédemption ne sera pas assurée par le sacrifice du Christ mais par la parole prophétique du « Maître-de-langue » célébrant un office en l’honneur d’un Ordre que Saint John Perse, autre poète du Royaume d’enfance, a magnifiquement appelé « Sa Sainteté le Langage ». Au terme de ce parcours poétique exceptionnel, l’alchimie réalisée est à la source de plusieurs renversements dans lesquels la mort est métamorphosée car elle perd toute négativité. Transposée au plan de l’esthétique, la perte d’un être cher devient « supportable ». Le fonctionnement traditionnel de la mort est inversé. Désormais, le défunt, par la magie du verbe poétique qui l’a sanctifié, assure la Rédemption des vivants. Les morts convoqués dans l’espace d’écriture des Élégies majeures sont exceptionnels puisqu’ils ont la charge, tout aussi exceptionnelle, de sauver les vivants.
Par la fonction attribuée à la mort, le recueil des Élégies majeures se transforme métaphoriquement en espace symbolique d’un Jugement Dernier où Senghor usurpe littéralement les fonctions divines. S’étant converti « en Dieu par la force de sa parole », il lui appartient désormais de tracer la ligne de démarcation entre les Bons et les Méchants et d’opérer la réversion des crimes et des bienfaits. En effet, le poète affirme une confiance absolue aux pouvoirs du Verbe par lequel la vérité historique est transmuée en matière poétique. Par une singulière alchimie, le verset des Élégies majeures constitue une musique orphique dont le charme participe à la résurrection des morts qui, à leur tour, garantissent la Rédemption des vivants. Il s’agit, bien sûr, d’une fiction poétique mais, l’univers imaginaire et symbolique mis en place est le résultat d’une représentation qui se justifie par elle-même et possède sa propre cohérence.
BIBLIOGRAPHIE
LES VOIES DU LYRISME DANS LES POEMES DE L. S. SENGHOR de Robert JOUANNY, ED. CHAMPION, PARIS 1987 LEOPOLD SEDAR SENGHOR : DE LA TRADITION A L’UNIVERSALISME DE JOSIANE NESPOULOUS-NEUVILLE, PARIS, SEUIL, 1988 Augustin Ndoroma Masques et ancêtres dans la littérature négro-africaine de langue française La Revue Ethiopiques, « Revue négro-africaine de littérature et de philosophie » LA FEMME A la lecture de Senghor, l'importance de la femme saute aux yeux. et ce dans la totalité de ses recueils. La poésie de Senghor n'est pas une poésie de guerre, de violence. Elle est surtout amour et douceur. On peut comprendre que la femme soit ainsi très représentée chez lui. Elle est la douceur du monde, la beauté que Senghor cherche à construire. Mais si elles représentent cette douceur, c'est aussi parce qu' elles ont strucuré sa vie et ainsi influencé son oeuvre : Ainsi, ses origines mêmes rappellent le souvenir de deux princesses qui ont fondé Sine et qui influenceront son oeuvre, sa vie. deviennent des archétypes et des modèles pour lui et qui placent déjà la vie de Senghor sous le signe féminin. Mais toute l'enfance de Senghor a aussi été bercée par l'amour de sa mère, et l'importance de la femme dans le peuple sérère. Ce n'est pas pour autant qu'il faut croire à une place réellement différente de la femme dans cette société : la polygamie la plaçait dans une position incomfortable. Je disais donc qu'il avait été élevée par sa mère, son père vivant avec une autre de ses femmes, jusqu'à l'âge de 7 ans. Il sera aussi entouré de sa nourrice. A l'âge adulte, Senghor va oeuvrer pour une certaine libération de la femme, s'insurgeant contre un grand nombre de pratiques africaines. Mais outre la dimension politique de la femme dans son age adulte, elle place aussi la vie de Senghor sous le signe de l'amour. D'abord marié à une femme par intéret politique, une Guyanaise, il divorce et épouse une française, Colette Hubert, qu'il aimera jusqu'à sa mort. Plusieurs de ses poèmes lui sont d'ailleurs dédiés. Ainsi, il épousa deux cultures dans sa vie, en quelque sorte, et elles peuvent nous permettre de mettre en avant un point important dans l'oeuvre de Senghor, c'est à dire sa représentation de la femme, qui traduit une ambiguité de sa vision de la femme dans sa poésie. Dans lettres d'hivernage notamment dans 'tu parles' on peut citer : 'femme ambigue, toute fureur toute douceur', ambiguité de la femme qu'on retrouve dans le tritre même de négresse blonde. On pourra, à partir de là, montrer les différents visages de la femme dans son oeuvre, femme oscillant entre le charnelle, le corporel, mais
aussi le spirituel. Ne peut on pas établir deux visions plutôt antithétiques, avec d'un côté la femme noire, charnelle, et de l'autre la femme blanche, spirituelle, mais surtout ne peut on pas voir chez Senghor une représentation d'un idéal féminin, qui est la représentation de la vie, du monde? Pour montrer cela, nous étudierons la conception charnelle de la femme dans l'oeuvre, sa sensualité. Ensuite nous nous pencherons sur le côté historique de la femme, sa représentation humaine dans la guerre. Enfin nous pourrons insister sur le caractère symbolique de la femme chez Senghor, rejoignant une poésie placée, justement sous le signe du symbole, et exprimant la vision senghorienne de la négritude. La femme, chez Senghor, est très souvent une femme sensuelle. C'est plus particulièrement présent chez la femme noire, symbole de la beauté africaine bien qu'évoqué chez la femme blanche mais avec moins d'ardeur tout de même. ainsi, le corps de la femme, comme celui de l'homme d'ailleurs, revêt une grande importance et est un letmotiv de sa poésie. nous pourrons procéder à cette analyse de la représentation charnelle et corporelle de la femme en deux temps : tout d'abord en insistant sur le caractère rythmé des corps, sur la danse et la sensualité de la femme noire. Ensuite en nous itnéressant à la peinture des corps, traduisant l'écriture poétique de Senghor; Il utilise en effet une technique assez particulière, où la femme semble prendre une forme matérielle sous nos yeux. - Le sensualité et la danse : la femme noire beauté d'Afrique Senghor, dans ses poèmes, insiste beaucoup sur la démarche noble de la femme. -dans Chant pour J thomson : longues jambes, noblesse de la femme mise sur un piédestal. On retrouve aussi la douceur et beauté du corps. p225 "tu partais en douceur dans la ruée de l'Ouragan, Et toutes tu les controlais sereinne, une chamelle qui va l'amble Te détachèrent net des autres sur leurs courtes jambes d'Albâtre" "Black is beautiful" -Sensualité surtout, qu'on retrouve à travers la danse : les djerbiennes : la femme devient rythme, musique. Comme la poésie de Senghor est elle même rythme de l'Afrique. p225 " Les voilà entrant dans la danse, vases sveltes, un vase sur la tête altière" "les Jerbiennes, soyeuses et souples Et déroulant rythmée leur fuite frissonnante, gracieuse." -On retrouve aussi une fonction rassurante du corps à travers les yeux de la mère "dans l'assurance de ton regard, redis moi les vieux contes des veillées noires".
Ainsi, à travers les yeux de sa mère, Senghor retrouve une certaine sérénité et sécurité. caractère des yeux et du regard = miroir de l'Afrique 'Et penchhé une fois au bord de tes yeux, Ouverts comme des palais ombreux, j'ai vu surgir la fierté triomhante des vieux Gulwars'. A une antilaise On lit le peuple Africain dans les yeux de la femme. -éléments qui reviennent souvent : yeux, bouche et chevelure. 'to a dark girl' allusion aux yeux : "Princesse, dont les yeux chantent la nostalgie des splendeur du Mali sous les sables ensevelies". Mais là aussi il pointe sur sa démarche ! "et ta démarche mélodie". On a ce mélange avec la musique, qui fait que la vision de Senghor mêle tous les sens. - Le peinture : une écriture proche de la peinture, importance de la sculpture, la femme moyen d'expression d'un style -vision picturale du corps : 'Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté' dans femme noire -'femme noire' : statue, beauté éternelle. comme dans une peinture, il tente de fixer sa beauté 'je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l'éternel'. Il en va de même dans au bout de la lunette : statue avec des collines, vallons parfumés. image d'une femme aux lignes courbes qui rappelle des paysages. 'Et les femmes laudantes et les femmes vibrantes comme les courbes des collines, leurs vallons sont parfumés...' p259. Synesthésie du corps et de la nature, du paysage? Forme un tout. - dans A une antillaise : on retrouve les mains, les reins. Cf signification sur document peinture. Et donc suite de ce que j'ai trouvé On en a parlé dans la première partie, ces parties du corps reviennent souvent. Parfois plus appuyées que d'autres, comme si Senghor, dans un ordre précis, s'arrachait à décrire une oeuvre d'art. 'Princières tes mains sous les chaines, Aérienne ta grace légère, Plus fine, Plus fiere la cambrure de tes reins'. Le femme est ainsi, chez Senghor, une image corporelle, physique, qui est peinte telle une sculpture, comme figée, adorée et admirée. Elle est la sensualité, l'amour du peuple noir, la force rassurante de la mère dans le regard. C'est récurrent chez Senghor et cela témoigne de son amour pour la femme, mais par là aussi de son amour pour l'Afrique, car c'est en quelque sorte l'Afrique qu'il retrouve à travers la femme noire. Je n'ai pas parlé de la femme blanche ici, car la vision charnelle est plus marginale. C'est en effet qu' elle est aussi plus morale, inscrite dans l'histoire. On retrouve le rôle de la femme dans l'histoire avec un grand H. C'est à travers les épreuves de la guerre, mais aussi à travers les différents âges du poète que le femme acquiert son importance. On peut ainsi examiner la fonction de la femme dans l'imaginaire de l'enfance Senghorienne.
En effet, la mère, la nourrice, a tenu un rôle important dans la construction de Senghor, en tant que femme courage et admirée par lui. Ensuite, on verra qu'à l'âge adulte, c'est surtout la femme au coeur de la guerre qui s'impose dans la poésie senghorienne, et par là, la femme blanche. Dans cette partie, on insistera donc plus particulièrement sur la représentation morale de la femme. La mère, la nourrice : la femme dans l'enfance du poète, une aide, une inspiratrice -Comme les ancêtres en général, l'idée de famille et de lignée revient régulièrement chez Senghor. Ainsi, la mère a la place rassurante de la protectrice au retour du fils bien aimé, ou est là pour le guider. Exilé en Europe, il s'aperçoit de l'importance de sa mère : la figure de la mère lui porte secours dans 'mère sois bénie' quand il craint pour sa vie. -Le retour de l'enfant : mère de nouveau, la mère courage qui attend le retour de son enfant aimé. -A l'appel de la race de Saba : mère voix rassurante, voix courroucée, bénie, nourrice voix profonde et prière de la mère . Chez Senghor, la mère a un rôle important, d'où une véritable prièce, un hymne à la mère 'sois bénie'. on a tous les visages de la mère dans ce poème : sévère 'Mère Oh! j'entends ta voix courroucée' dans la Partie I, 'Tu ne m'entends pas quand je t'entend, telle la mère anxieuse qui oublie de presser le bouton du téléphone'. Image très parlante, peur d'avoir une mauvaise nouvelle de son fils. Mais aussi impossibilité de dialogue, tristesse de l'éloignement. - Ndessé : mère, retour de l'enfant, réconfort, nostalgie et fils meurtri, honte et recherche de ses racines. Il revient près de sa mère, 'Voici que je suis devant toi, mère, soldat aux manches nues' et sa mère le réconforte. 'Tu les sais faire doux et moelleux comme à ton fils chéri autrefois." -Dans hostie noire, importance de la figure de la mère car c'est un recueil sombre, écrit en échos à la guerre, et le soldat a besoin de se souvenir d'elle pour ne pas être complètement perdu. -Elle est là pour ramener le poète vers ses racines, ce dont nous parlerons plus précisément plus tard. féminisme, femmes de France, le femme dans lâ vie adulte et européenne de Senghor Si la femme noire à travers la mère rappelle l'enfance de Senghor, l'âge adulte de celui ci est marqué par sa découverte de la femme européenne, la blonde, femme courage et visage de l'europe. La femme apparait plus civilisée, attelée au travail de l'esprit. La femme blanche présente plutôt un côté intellectuel et politique; C'est elle qui aide les soldats, les soutiens. sur ce point, elle tient un peu le même rôle que la mère pour Senghor, c'est le femme courage. -Pour Emma Payelleville : a la mort, qui est cette femme? Elle est chanté car a compris l'homme noir. 'Tu rompis les rempars décrétés entre toi et nous, les faubourgs indigènes', Tes mains découvrir, tes mains extirper les noeuds de leurs misère' p23. Aide précieuse. C'est un véritable hymne à cette infirmière qui, plus
que les autres, su voir autre chose que les hommes noirs. Senghor lui écrit comme un hymne, pour l'honorer et la remercier. -femmes de France : courage. dédiée à une française, Jacqueline Cahour. Senghor chante les femmes de france qui, par leurs lettres, leurs mots doux, a bercé la nuit des soldats. ' Vos lettres ont bercé leurs nuits de prisonnier de mots diaphanes et soyeux comme des ailes' elles sont la face la plus humaine de la france pour Senghor. il exprime la gratitude du poète soldat. 'Soyez bénies' dit il. Courage car 'Pour eux vous osates braver l'affront de l'Hyène, l'affront plus mortel que les balles.' Donc à la fois femme qui permet de garder le contact avec sa terre mais aussi meilleure facette de la france. -A la princesse : salon et esprit 'princesse très prudente et princesse très bonne à la princesse p139 'l'éclat des salons''J'ai dessein de méditer ces énigmes' 'et les femmes y sont vives, la voix des femmes de cristal et l'âme plus déliée dans l'éclat des salons' 'car j'ai pris gout aux choses de l'esprit' 'et ce pays est de l'esprit. La femme blanche permet au poète, en France de s'initier à la réflexion. Mais aussi, toujours le souvenir de la princesse de Belborg, son tiraillement entre elle et son peuple p144 'car ta seule rivale, la passion de mon peuple' Elle est aussi épouse et muse. Elle inspire, elle aime. -Kayan Magan : femme étrangère. Senghor montre ici son amour de la femme blanche, "mon empire est celui d'Amour et j'ai faiblesse pour toi femme L'étrangère aux yeux de clairière, aux lèvres de pomm cannelle au sexe de buisson ardent. Même façon de peindre la femme blanche que la femme noire ici. En effet, même si on a moins une vision corporelle, on retrouve quand même la sensualité de Senghor. C'est dû à cette poésie des sens. On peut finir en évoquant l'importance de sa seconde femme. En effet, il finit sa vie avec elle, une normande. Véritable histoire d'amour, elle lui fit ressortir ses premiers poèmes, le poussa, il lui dédie ses poèmes -citer- ce qui prouve l'importance dans l'éloboration de son oeuvre, notamment les élégies. Il dit aussi, en introduction : 'Je les avais mis de côté puis donnés à ma femme Colette... Ma femme avait conservé ces poèmes, pensant...' Tout est dit! On a pu voir ainsi une autre dimension de la femme, plus spirituelle, en tant que mère, nourrice, épouse ou femme de France, aide aux soldats. C'est encore une fois une image positive, concrete de la femme. Elle est ici un soutien et une inspiration morale pour Senghor. Mais nous allons voir que plus qu'une vision concrête, la femme est un symbole. La femme, en tant que symbole, est une des explications de ce qu'on appelle poésie de la négritude. En effet Senghor, à travers la femme, crée une poésie des sens. Une poésie vivante, qui se lit à travers les lignes, qui se vit réellement, et qui ne se comprend qu'à travers une véritable communion de l'homme noir avec sa terre.
On verra cela en montrant que la femme permet d'établir un lien avec les ancêtres et avec la terre d'Afrique, lien qui fait de la femme un symbole de l'Afrique justement, la femme peut se faire lien entre l'homme et la nature, se faire à la fois symbole de la vie et de la mort. Enfin on verra que la femme est symbole du déchirement du poète. -Symbole du lien avec les ancêtres : muse et mère la muse, parce que sa beauté inspire le poète, elle est reflet de sa poésie, de son Afrique. mais la parole de la mère est aussi là pour établir le contact avec l'afrique, chanter les valeurs de la race noire et la mère le pleure. -A rené Marran : la femme est inspiratrice, comme une force divine. ainsi 'les poétesses du sanctuaire mon nourries', aussi la femme fondatrice du royaume sérère,'Et parmi elles, la mèrede Sira Badral, fondatrice des royaumes', 'femme qui meut les mondes chantants' = dans ce poème, on a la femme présentée comme mère fondatrice, princesse, forte et puissante, comme si elle était l'histoire du peuple africain. hymne à la force de la femme, qui inspire le poète comme poétesse, muse. poétesse inspiratrice d'une nouvelle poésie. -Nature vie mort, embrasser le monde On voit cela dans Congo, où la femme fait corps avec le fleuve. p105 On a l'impression que la nature fait l'amour avec la femme, parfaite harmonie entre les deux. 'Car tu es femme par ma tête par ma langue -On voit cela dans Une main de lumière première partie de chants pour Signare p177, où la femme représente la mort. 'tu as gardé longtemps, longtemps entre les mains le visage du guerrier, Comme si l'éclairait déjà un crépuscule fatale'. Il parle de 'la main de lumière'. -Beaucoup de féminité dans les éléments qui entourent le poète, dans les images, les allégories. Véritablement une idéalisation de l'éternel féminin, à travers tous les sens, tous les objets. Un grand tout. Elle transparait à travers les sentiments, la nature. Elles sont représentées par les prétresses, etc. Symbole du déchirement du poète : -Je repasse : p238 la fille poésie Elle est muse : 'Ou est donc la fille de mon espoir défunt, Isabelle aux yeux clairs... Car elle existe la fille poésie, sa quête est ma passion...' Laquelle choisir? La banche ou la noire? -épitres à la princesse, réflexion sur le poème plus particulièrement : hésitation entre la femme et le pays, déchirement du poète. Ambivalence de son rapport à la femme et de la femme elle même : "Pincesse de Belborg, Sous quel ciel fleurit ta prestance? Aux pays du septentrion, en ton palais de Ouistreham ouver sur la mer et les vents? Ou bien à Denestal e ton manoir, au milieu de ton peuple?" p138 -l'appel de Belborg : dans ce poème on voit le déchirement du poète, qui se traduit à travers cet appel. Dans Belborg, on entend à la fois la femme européenne, la princesse de salon, dame courtoise, celle qui connait l'heure du thé (cf). Mais c'est aussi l'angoisse de la séparation, le vertige du poète perdu entre deux monde. "Mon séjour n'est pas d'un quartier et déjà me poignent le flanc les cent
regrets du pays noir" p141. C'est vraiment le passé qui alimente le présent dans ce Belborg. en Belborg coexistent ombre et lumière, la blonde et la noire, mais aussi la blonde et LE noir. Ainsi si on avait l'hésitation du poète face aux deux femmes, la blonde, la noire, on peut lire aussi un couple de la blonde et du noir, un couple binaire uni dans la diversité. Les épitres sont les lettres à une femme aimée et absente, au delà de la mer et, tout en étant femme de chair, elle est aussi le symbole même de son pays, de la france, de l'europe. La Princesse devient même son pays aux vers « Mon désir est de mieux apprendre ton pays de t’apprendre ». (« Comme rosée du soir ; ibidem, p. 135) « Je pense à toi Princesse de Belborg Je songe aux pays du Septentrion ». (« Ambassadeur du peuple noir » ; ibidem, p. 134). Ainsi, cette femme que le poète aime devient l'expression de ce que le poète aime dans la france, comme dans Femme de France où on voyait le visage positif de la femme, ce qui donne à la france son humanité. Ce qu'il aime alors, c'est l'esprit. Ce poème, tout en étant l'histoire d'une séparation entre l'homme noir et la femme blanche, est aussi l'expression d'un déchirement, d'une attirance ambigue pour la femme. Ainsi la femme devient le symbole même de l'ambivalence des rapports du poète avec deux civilisations. On remarque donc chez Senghor que la femme, qu'elle soit noire ou blanche, malgré, bien sur, certains poèmes où la femme est inférieure : Nuit de Sine, chant d'ombre, utilisation d'impératifs, la femme semble présente partout, dans la nature, dans l'esprit, dans la vie de Senghor. En cela elle a un rôle prépondérant dans son oeuvre. Elle est celle qui est, le côté charnel de la vie, elle est celle qui aide, le côté morale, le soutien de l'homme, elle est aussi celle qui symbolise le monde, et par cela est omniprésente, dans la nature, dans l'ésotérisme, partout. Elle est le symbole du déchirement du poète, témoin de l'éloignement avec sa terre natale et donc d'un manque inhérent au poète. Synthèse entre le pays et la femme, ou deux pays et deux femmes : la femme blanche, la femme noire.. éléments constitutifs du canon de la beauté seereer, les parties du visage les plus importantes sont précisément celles que Senghor privilégie dans ses poèmes. En somme, Senghor ne fait pas seulement œuvre de peintre, mais œuvre de peintre seereer ; c’est en s’enracinant dans sa culture et son esthétique, que le poète construit son travail pictural. La technique senghorienne possède en outre l’avantage de constituer un modèle de portrait, qui se répète à l’identique dans sa forme, tout en étant sujet à de multiples variations ;pour décliner la femme dans son infinie diversité ! Il suffit de
comparer ces cinq occurrences, qui déploient les yeux et la bouche de cinq visages féminins, dans une profonde variété traversée par un coup de pinceau commun : « Les paupières closes, coupe double et source scellées. Ce fin croissant, cette lèvre plus noire et lourde à peine - où le sourire de la femme complice » [67] ? « L’Etrangère aux yeux de clairière, aux lèvres de pomme cannelle au sexe de buisson ardent » [68]. « Si timide d’abord devant tes yeux de métal bleu, ton sourire de givre » [69]. Considérons par exemple cette description d’un étonnant visage, que nous rapprocherions volontiers d’un tableau cubiste de Picasso : « Ton sourire de part en part traverse ce ciel mien, comme une voie lactée. Et les abeilles d’or sur tes joues d’ombre bourdonnent comme des étoiles Et la Croix-du-Sud étincelle à la pointe de ton menton Et le Chariot flamboie à l’angle haut de ton front dextre » [89]. Nous avons en effet affaire à des angles et à des formes géométriques un grand trait représente la bouche, l’angle de deux côtés d’un triangle constitue le menton, et un second angle dessine les contours du front.
-‐ Le Sang dans l’Œuvre poétique de Senghor -‐
INTRODUCTION Dans l’Œuvre poétique de Senghor le sang est partout tout en n’étant nulle part. En effet, s’il n’y a pas de poème à proprement parler sur le « sang », on relève en tout 132 occurrences de ce mot dans l’ensemble de l’ouvrage. Ainsi chez Senghor le sang est partout. On peut même aller jusqu’à dire que ce poète a comme un besoin de faire entendre, de faire retentir à nos oreilles le mot « sang ». Par exemple, dans le poème Il a plu « Lettres d’hivernage » p.243, Senghor, dans une figure qui pourrait presque s’apparenter à une épanorthose fait sonner les homonymes « ceignait » et « saignait », comme si introduire le verbe « saigner » était quasiment une nécessité pour lui, d’autant plus que seul le lecteur peut le voir. Dès lors nous pouvons nous interroger : pourquoi une telle obsession pour le sang de ce poète? S’agit-‐il seulement d’une obsession ? Et que signifie donc le sang chez Senghor ? Nous verrons que chez ce poète, le sang est d’abord le sang qui coule (représentatif de la souffrance du poète, de la folie meurtrière de la guerre mais aussi du sacrifice qu’il soit animal ou humain). Puis, nous montrerons que le sang est aussi le sang qui bout (la manifestation du vivant, l’être dans l’être, le principe vital) pour comprendre finalement que ce recueil n’est qu’un chant du sang, celui du sang noir et de la Négritude. PLAN I. LE SANG QUI COULE… Dans ses poèmes, Senghor fait abondamment couler le sang et même son propre sang. A) La souffrance du poète. Effectivement, le sang qui coule a tout d’abord une première signification : celle de la souffrance du cœur amoureux du poète. On peut en voir quelques exemples dans « Les lettres d’Hivernage » dans un poème comme C’est cinq heures p. 234 « Il y a Gorée où saigne mon cœur mes cœurs », ou encore comme Ton soir mon soir p.237 (bas de la page). Le sang qui coule est aussi la démonstration de la difficulté, de la frustration qui entraine la souffrance du poète notamment face au mystère de la femme comme on peut le voir dans le poème
Chant d’ombre p. 43 (les mains sanglantes du poète qui tente de gravir la montagne-‐femme) VOIR EXPOSE « FEMMES ». Mais si Senghor fait couler son propre sang, il fait surtout se répandre le sang des autres hommes, et principalement de ceux victimes de la folie meurtrière de la guerre. B) La folie meurtrière de la guerre Le sang qui coule est une démonstration de la violence de la guerre. Dans ce recueil qui est pourtant celui de la réconciliation et de la paix, on voit quelques fois poindre des éclats de violence liés généralement à ce sang qui coule, à ce sang qui gicle et à cette guerre. Dans le poème Que m’accompagne kôras et balafong de « Chants d’ombre » p.38 (odeur « vineuse », âpre, sans doute désagréable du sang), et surtout dans celui intitulé Méditerranée dans « Hosties noires » p. 66 (Effet de suspens, le mot enfant n’arrivant qu’à la fin ; comparaison avec une grenade : image très représentative, violence poétique due à l’éloignement des deux réalités « grenade qui explosent » et « têtes ardentes d’enfant », à relier peut-‐être avec l’idée de Pierre Reverdy « L’image est une création pure de l’esprit. Elle ne peut naître d’une comparaison mais du rapprochement de deux réalités plus ou moins éloignées. Plus les rapports des deux réalités seront lointains et justes, plus l’image sera forte, plus elle aura de puissance émotive et de réalité poétique. », Etc.). Il y a donc bel et bien une démonstration de la violence de la guerre mais aussi de son horreur, horreur qui s’associe obligatoirement à l’idée de mort. Tout le recueil des « Hosties noires », principalement dédié aux Tirailleurs Sénégalais morts pendant la guerre pour la France en est un exemple. VOIR EXPOSE « MORT ». Or certains passages de ce recueil lient le sang à la mort dans une infinie souffrance et tristesse. Le poème Luxembourg 1939 p.69 en est un exemple (ambiguïté à propos du sujet grammatical de la phrase : rêves ou camarades (?) Les deux sont certainement sujets, ils vont ensemble ; énumération « vieillis piétinés blessés à mort (…). » avec absence de ponctuation entre les termes : ils forment un tout, une même idée insistante ; expression « sanglant de sang » : insistance, effet d’assonance, le mot résonne aux oreilles du lecteur ; le tout symbolise peut-‐être la souffrance du poète qui a perdu ses rêves en perdant ses camarades). Cependant, si le sang qui coule dévoile, voire dénonce cette folie meurtrière de la guerre, il n’a pas qu’une signification négative, au contraire. En effet, ce sang devient don, devient libation, devient sacrifice presque expiatoire duquel renaît l’Espoir et la Vie. C) Le sacrifice. Dans le poème Tyaroye « Hosties noires » p.95 (massacre du camp de Tyaroye, camps de tirailleurs noirs, par les français) « Vous n’êtes pas morts gratuits Ô Morts (…) » (renaissance) ; élégie pour Aynina Fall dans « Nocturne » p. 217 « Il a racheté nos fautes (…) Aynina Fall est mort, Aynina Fall est vivant parmi nous » (analogie complète avec le Christ, sacrifice expiatoire). Or cette dimension positive du sang qui coule se retrouve aussi dans celui provenant des sacrifices animaliers qui font honneur aux dieux et qui rappellent toute la culture traditionnelle de l’Afrique noire. è Ainsi chez Senghor le sang coule, mais il ne coule pas en vain. Il a donc une dimension profondément positive, ce qui est d’autant plus démontré dans cette œuvre que le sang est aussi ce qui intérieur, ce qui est expressément humain et vivant. II. LE SANG QUI BOUT… A) La manifestation du vivant. Le sang chez Senghor c’est ce qui fait que nous ressentons des émotions se propager tout le long de notre corps. C’est donc ce qui fait de nous des êtres vivants, des hommes. Dans cette œuvre, le sang est la manifestation de toute sorte d’émotion. Il est celles de la souffrance et de la tristesse, mais aussi celles de la colère, de la révolte, de la peur, de l’amour, du désir, du changement, du sentiment et de bien d’autres encore. Il est la manifestation du vivant, de ce qu’il y a de caché au plus profond de nous-‐mêmes, de ce battement mystérieux de nos vies. Dans un poème comme C’est le temps de partir de « chant d’ombre » p. 41 c’est l’émotion du départ mêlé à l’envie et à la peur qui se fait ressentir (le poète a le cœur qui bat si fort qu’il ne sait plus si c’est bien lui qu’il entend ou si c’est simplement la batterie des roues sur les rails). Dans un autre poème, comme celui Chant de Printemps d’ « Hosties noires » p.89, c’est le désir qui est manifesté à travers une personnification du sang qui « chuchote » dans les veines du poète. B) L’être dans l’être. Car le sang chez Senghor est un être à part entière, est un être dans l’être. A de nombreuses reprises il est personnifié (voir supra), ou encore associé à un animal : le cheval (p.41, p.61, etc.), ou au léopard, au lion, au félin (p.39 Que m’accompagnent kôras et balafong). Le sang est finalement comme le totem de l’Africain. C) Un principe vital p.177
De cette manière, le sang apparaît aussi être un principe vital et supérieur. Il est souvent associé à la sève, comme c’est le cas par exemple p. 177 (analogie complète entre le poète et un arbre). Or la sève est ce qui nourrit les végétaux, leur donne la couleur, la vitalité, l’énergie et la vie. Il est même associé une fois dans l’ouvrage au Dieu créateur. Ainsi dans l’Elégie des Alizés p. 276 (Le sang est manifesté par la couleur rouge, il est « Plus-‐que-‐vie », il est Dieu ; plus qu’un principe vital, un principe créateur du sang). Enfin, l’idée d’un sang sacrifié duquel découle la Renaissance renforce cette idée. è Ainsi, chez Senghor, le sang a aussi et surtout une signification positive. Cependant, Senghor ne chante pas n’importe quel sang (le sang qui coule, c’est le sang noir ; le sang qui bout, c’est aussi le sang noir), il chante le sang noir, celui de ses ancêtres, de ses frères, de sa terre africaine et finalement celui de sa négritude. III. LE SANG NOIR... Le sang prend souvent la signification des origines : le sang qui « chuchote » dans les veines du poète, c’est celui de ses ancêtres, c’est celui de son Afrique natale. A) Le sang des ancêtres et le sang de l’Afrique On sait à quel point les ancêtres sont importants dans la culture africaine. Ils vivent dans l’homme noir, placés à côté du totem. Par exemple, si Senghor est africain à part entière, s’il est le résultat d’une union entre deux sangs d’Afrique noire (peul et sérère), il n’oublie pas la goute portugaise qui coule soi-‐disant en lui, comme nous le montre l’Elégie des Saudades « Nocturne » p.207 ou encore Sur la plage bercé « Lettres d’Hivernage » p. 242. (Senghor était persuadé d’avoir du sang portugais : selon lui son nom aurait une origine portugaise, et son père viendrait d’une région de la Haute-‐Guinée qui était portugaise). Oublier une seule goutte de son sang (et même si celle-‐ci s’apparente à une sorte de fantasme), autrement dit une seule minime origine de son être, ce serait pour ce poète comme s’oublier lui-‐même et c’est certainement pourquoi il se bat pour garantir la noblesse du sang noir, pour le glorifier dans sa Négritude. En effet, le sang, originellement rouge, est souvent associé dans cette œuvre à la couleur noir. P.16 Nuit de Sine « Chant d’ombre », « le sang sombre » p.147 Epître à la princesse « Ethiopiques ». On note donc ici une sorte de revalorisation profonde du sang noir puisque le sang est plus que « principe vital », est ce qui permet la Renaissance. En outre, ce sang noir est épais, fertile, bouillonnant, abondant il coule dans les veines noires comme « un raz de marée » terrifiant mais aussi magnifique et puissant. B) Le sang du poète Senghor dans son recueil revalorise donc ce sang noir, d’autant plus qu’il fait délibérément le choix de ce sang. Dans Que m’accompagnent kôras et balafong « Chants d’Ombre » p.32 il nous montre qu’il a choisi son sang noir. Par ailleurs, à plusieurs reprises dans le reste du recueil, il nous prouve qu’il refuse de renier son sang, ou même de le laisser se tarir un temps soit peu. A l’Appel de la Race de Saba « Hosties noires » p.62 ; Elégie pour Jean-‐Marie « Elégies majeures » « protège mon sang » p.288. Senghor est noir et refuse de devenir blanc, de voir sa belle peau noire se faner, sa culture noire se dessécher, sa Négritude se gâter. Et pour empêcher cela il est prêt à beaucoup, et même à détruire la syntaxe de la poésie française « classique » qu’il aime tant, pour y introduire le rythme noir, autrement dit, le tam-‐tam lancinant de son sang, le chant africain. C) Le chant du sang : la Négritude renouvelée Effectivement dans cet ouvrage, le battement du sang est partout. P.32, p.120 A New York « Ethiopiques » ; p.125 Chaka « Ethiopiques » ; p.156 D’autres chants « Ethiopique », p. 309 Elégie pour Martin Luther King « Elégies majeures », etc. Parfois, le sang paraît si possédé par le génie du rythme que l’on ne sait plus lequel du cœur ou du sang, du sang ou du tam-‐tam entraine l’autre. Le sang devient l’essence même du poème, l’élan créateur de la poésie (le rythme vient du sang, le poème vient du rythme à la poésie vient du sang, le sang comme cœur, origine de la poésie). Le sang devient chant et le chant devient sang. On observe, comme le dit lui-‐même Senghor dans Le Discours sur la poésie francophone « [la] symbiose de l’âme et du corps, [la] greffe du verbe dans la chair et le sang ». Or, une telle symbiose est l’image même de la Négritude qui s’exprime, de la Négritude intègre à elle-‐même et qui utilise son propre langage. Le sang prend donc une dernière signification positive dans ce recueil : il est le chant passionnel de la Négritude de Senghor. Sang : communion avec l’Afrique, pouls profond de l’Afrique. Du sang particulier qui coule ou qui bout, on arrive à une expression d’une certaine universalité : le sang noir africain, le chant noir africain. CONCLUSION Ainsi, dans l’œuvre poétique de Senghor, le sang est une présence cachée, qui s’exprime en filigrane à travers un rythme sacré. Le sang est le chant de la Négritude, le sang est le cœur lancinant d’un pays, l’Afrique. Il
ne s’agit donc pas d’une obsession, comme nous l’avions pressenti dans notre introduction, mais de bien plus : de l’expression de l’essence même du poète, de son cœur, de ses origines, de sa parole noire, de sa Négritude.
L’amour chez Senghor
*Introduction*
Lorsque l’on pense à l’amour on pense aux relations qui unissent un homme et une femme. Mais l’amour ne se limite pas à cela dans l’œuvre de Senghor. C’est un thème très vaste qui parcourt entièrement le recueil. Senghor est un poète de l’amour, il chante l‘amour, ce n’est d ‘ailleurs pas pour rien qu’il utilise la poésie, qui est le genre le plus apte à chanter l’amour. Senghor vit dans un siècle cruel, de guerres qui voit se développer l’informatique, les machines. Ainsi les sentiments humains se dissipent peu à peu. L’amour est donc chose très importante pour Senghor car il s’en sert comme une sorte de refuge. Qu’appelle t on l’amour ? Selon le petit robert, l’amour est la disposition à vouloir le bien d’une entité humanisée (dieu, le prochain, l’humanité, la patrie) et à se dévouer pour elle. Autrement dit l’amour est un sentiment d’attachement envers une chose ou un être et cet attachement conduit à quelque chose, normalement, de positif. Nous nous demanderons quels sont les objets de l’amour de Senghor et comment exprime t il cet amour. Nous aborderons d’abord l’amour de la terre, puis l’amour de l’Homme, enfin l’amour de dieu.
I. Senghor exprime l’amour qu’il éprouve pour les terres qui l’ont vu naitre, celles qui l’ont vu grandir, pour la culture qu’elles lui ont offerte.
A. Le royaume d’enfance
Il est né à joal. Il passe son enfance dans une tradition villageoise entre les champs et les troupeaux de bétails. Il peint avec des couleurs gaies une enfance édénique. Le village est un paradis « c’était un royaume d’innocence et de bonheur » Poésie et action de Senghor. Il aime cette terre et les richesses qui la composent.
C’est une terre d’amour ou tout cohabite avec symbiose. Cette culture lui a transmis des valeurs traditionnelles sérères, ainsi que le gout de l’ouverture à d’autres cultures. C’est en effet à djilor qu’il apprend le christianisme et le français.
Cette terre est un refuge pour le poète qui se trouve dans un paris triste. Il lui suffit de nommer ce lieu pour revivre ces instants de paix et de joie comme il le dit page 165 dans la postface d’éthiopique.
*Joal p17*
Nous avons au 1er vers le nom propre qui constitue la phrase. Il est isolé. Il y a un pt d’exclamation qui appuie l’importance de ce lieu. C’est comme si tout était dit. Le 2ème vers
insiste sur cette idée. Nommer le lieu suffit pour tout revivre
B. L’afrique
Senghor aime la terre d’afrique et souhaite revaloriser la civilisation africaine et la culture noire. Il participe à la négriture, mouvement qui veut revaloriser l’homme noir, la culture noire grâce à l’art. Elle est lutte culturelle. Cette revalorisation se fait en ôtant à l’afrique toute civilisation occidentale, en se tournant vers les valeurs ancestrales.
*P36-‐37*
La civilisation occidentale est qualifiée de « contagion » une chose dangereuse qui nuit. La revalorisation s’exerce d’abord en procédant par un lavage. 7 mille : hyperbole ils sont
nombreux, forts, ils sont soldats, ils combattent ils possèdent des qualités puisqu’ils sont fiers et humbles. Ils montrent leur richesse grâce à l’art musicale. Les richesses ne sont plus les
matières qui intéressent les colons mais leur tradition.
Senghor lui-‐même avec cette œuvre revalorise la culture noire. Elle s’adresse aux noirs mais
également aux blancs.
C. la France
La France est le pays d’accueil de l’étudiant, du prof et du retraité. Il est reconnaissance envers elle et il lui reconnait parfois un paysage agréable
*Le portrait p 223*
La saison est personnifiée et tente de séduire le poète qui lui reconnait des attributs.
Il n’est pas fermé à la culture française. Il refuse la haine qui ne sert qu’à
détruire et préfère prendre ce qu’il y a de positif dans la culture française : il écrit en français car il aime cette langue. Il y mêle sa culture puisqu’il introduit dans la poèsie écrite en français un rythme qui rappelle l’oralité typiquement africaine. Il faut pardonner pour progresser.
è Il aime sa terre d’origine, ainsi que sa culture, qu’il lie avec celle qui l’a accueilli.
II. Senghor exprime également l’amour qu’il éprouve pour les Hommes, qu’il met sur le devant de la scène et qu’il chante
A. La femme
Il est issu d’une culture matrilinéaire qui favorise la femme. Il l’aime et l’admire.
Nous retrouvons la figure de la mère, qui console et conseille. Cette mère plein de douceur et de tendresse est rattachée à la nourrice
*P61*
Nga lui donne de la tendresse et fait son éducation en lui chantant des contes. Elle lui enseigne la culture musicale. Elle éduque le futur poète.
Il chante son amour pour la femme noire qui est très sensuelle
*Femme noire p18*
Il insiste sur la sensualité de la femme noire. Elle est nue et noire, ce sont deux qualités pour lui. Elle enivre comme le vin. Il met l’accent sur un amour physique.
Il chante sont amour pour la femme blanche
*Femme de France p 82*
Il chante ces femmes. Elles sont réconfortantes, elles chantent et bercent les hommes noirs. Elles participent à la réconciliation entre le poète et la France.
B. l’homme
Il voue un amour à son frère noir, qu’il côtoie lors de son combat en faveur de la négritude.
*Lettre à un poète p13
Il le glorifie. Le titre lui donne du prestige car il le désigne en tant qu’artiste. Il fait son éloge dans le poème. Il le complimente sur son style en utilisant la métaphore « cueillir une étoile au firmament ». Il possède un talent précieux. Ils ont une relation forte : ils sont liés par le combat
et par l’amitié.
Mais il chante également l’homme blanc. Ses amis de khâgne ont contribué à
le réconcilier avec la France. Pompidou lui a fait découvrir une grande partie de la culture française.
*élégie à pompidou p 324*
Le fait d’écrire une élégie témoigne de son amitié.
C. l’humanité
Senghor aime l’homme, qu’il soit blanc ou noir. Le blanc et le noir sont semblables car ce sont des hommes et qu’ils possèdent les mêmes sentiments humains.
*P74*
L’enfant noir et l’enfant blanc éprouvent un sentiment universel : celui de la tristesse et du recueillement. Ils se serrent la main en guise de paix. Ils possèdent tous deux cette partie du corps, la main, qui permet le symbole de la réconciliation (le fait de se serrer la main)
Senghor est un poète humaniste qui place la personne humaine et la dignité
de l’individu au dessus de toute valeur. Il pardonne la cruauté du blanc. Il ne le hait pas mais il l’aime.
III. L’amour est une valeur chrétienne. Senghor est un croyant.
A. Animisme
C’est une croyance dans une âme, une force vitale qui anime les êtres vivants mais également les éléments naturels et les choses. Cette fois animiste lui vient de sa culture sérère.
Dans cette atmosphère spirituelle les masques jouent un rôle important. Ils rappellent le peuple à l’ordre et veillent au respect des normes religieuses. Ils sont craints et respectés.
Les totems sont importants et protecteurs
*Totem p26*
Le poète se trouve en France donc il doit le cacher. Même en France il conserve cette foi. Il lui rappelle sa culture noire.
De plus, il n’y a pas de rupture entre le monde des morts et le monde des vivants
dans a foi animiste
B. La foi catholique
Il est catholique. Il s’imprègne de cette religion dans son recueil puisqu’il fait des cf bibliques. Cette religion lui enseigne le pardon, qui refuse la haine et conduit à l’amour.
*Prières de paix p 98*
Il utilise une forme religieuse : la prière. Il désigne et s’adresse au seigneur. Il utilise des verbes à l’impératif. Ce texte semble fonctionner à la manière d’une prétérition car il dit au seigneur qu’il ne doit pas être haineux et pourtant ses propos semblent être imbibés de haine. Il y a une opposition entre les termes très violents désignant l’attitude des blancs et le vocabulaire
chrétien. Même si l’amour et la paix priment chez Senghor, il utilise ce détour afin de dénoncer la cruauté des blancs.
*Conclusion* Poète de l’amour, il rejette la haine et tout ce qui est différent, tout ce qui
s’oppose, vivent en symbiose chez lui. # Césaire : début de Cahier d’un retour au pays Natal. L’Occident chez Senghor
Senghor a prétendu que ‘notre réel est complexe puisqu’interdépendant, nègre, africain et français en même temps’. Comme le jésuite Pierre Teilhard de Chardin, dont la pensée a influencé Senghor, le poète propose la vision d’un monde culturellement et spirituellement unifié. La négritude et la francophonie ne sont pas opposées mais utiles l’une à l’autre. Comme les autres poètes de la négritude il cherchera à rehausser l’art nègre dans le regard des Occidentaux tout en se révoltant contre leur impérialisme. D’où cette idée d’amour-‐haine que l’on retrouve souvent à propos de sa poésie. Il prend conscience de sa responsabilité quant à l’émancipation de l’Afrique tout en atténuant sa révolte. L’Occident, plus particulièrement l’Europe, dans sa poésie, est donc perçue de manière paradoxale car sa poésie de l’amour
l’emporte vers un pardon dans un but précis. D’abord on peut y voir une Europe coloniale oppressante. Senghor lui pardonne par amour de sa culture. Cela pour la création d’une civilisation de l’universel.
I] Senghor, moins révolté que d’autres poètes de la négritude, critique tout de même l’oppression européenne.
1) L’exil Arrivée en France Senghor se sent exilé. Paris l’isole face aux hommes ‘aux yeux bleus’ et ‘au visage de pierre’ (In Memoriam) et il s’enferme sur lui-‐même. Mais c’est un exil producteur qui lui permet d’entretenir la nostalgie de son pays natal en se tournant plus particulièrement vers son terroir et son enfance : ‘parce que le royaume d’enfance c’est le royaume même de la poésie’. Le recueil Chants d’Ombre accumule les souvenirs d’un passé lointain où il décrit d’innombrables moments édéniques pour se remettre du malaise de sa condition d’exilé confronté à une crise identitaire. In Memoriam : préoccupation personnelle par rapport à son état de confinement, sa solitude entre lui et ses semblables étrangers, la Seine le conduit jusqu’au Sine et aux paysages africains. Joal : perception du regret par l’anaphore ‘je me rappelle’ qui confère l’impression d’un expace rêvé, lointain et imaginaire. ‘A l’appel de la race de Saba’ ressemble à un cri de détresse à sa mère pour le sauver de cette ‘solitude’ (draps blancs//In Memoriam) et le verbe se rappeler est de nouveau présent. Senghor se compare à un lamantin dans la préface aux Ethiopiques : le retour aux sources nécessaire, la révélation de la grandeur d’une Afrique dénigrée par l’Europe.
2) L’Afrique dénigrée par l’Europe Senghor se bat contre une Europe déchirée qui dénigre les Africains. Neige sur Paris : une Europe divisée, vocabulaire des armes, de la violence, vision particulièrement péjorative d’hommes violents qui détruisent tout et acculturés, seul Dieu parait capable de sauver l’Afrique, la civilisation. Que m’accompagnent koras et balafong : Senghor pense à son enfance moment de ‘l’innocence de l’Europe’. Senghor accuse l’Europe d’avoir désorganisé la société négro-‐africaine en tarissant les sources de sa civilisation (concrétisation avec la destruction des forêts… Neige sur Paris//déculturation). Elle a propagé sa civilisation scientifique, rationaliste. Il manifeste contre l’oppression politique et culturelle de l’Occident. C’est ce qui compose la négritude : révolte contre le Blanc et affirmation de soi dans ses traditions. Poèmes politiques comme Kaya-‐Magan : fin de l’empire et impatience du colonisé qui se redresse (lion=l’Occidental si on se fie à une interview de 1966 à propos de son écriture : L’écrivain doit dompter le lion de son cœur et, s’il s’agit d’un Nègre, le volcan intérieur de sa négritude). Il dénonce le mécanisme répressif de l’ordre colonial qui a bouleversé l’équilibre psychologique du colonisé, les soi-‐disant progrès apportés par l’Europe qui détruisent l’Afrique et le mépris du Blanc envers le négro-‐africain. Poème Liminaire : il arrachera les ‘rires banania de tous les murs’ ce qui indique la vision primitive que proposait les Occidentaux. Aux tirailleurs sénégalais : ignorance des soldats morts pour la République, l’oubli (solitude, obscurs, oublieuses)
3) Le combat contre l’assimilation Le fait que les Africains reçoivent la même instruction et soient élevés comme les Européens. Ils ont leurs propres cultures et racines, leur savoir qui ne doit pas être effacés. Lors d’une conférence de 1973 il explique que l’enseignement qu’il a reçu ne convient pas aux aspirations du monde noir puisqu’il y a rejet des valeurs africaines. Parce qu’il est bien intégré dans la vie parisienne les partisans de l’assimilation voient en lui un Français à peau noire. Senghor répond sans cesse qu’il se sent nègre et fait connaitre sa négritude, son refus de l’Autre, de s’y assimiler. Imposer la langue et la culture occidentale est présenté comme facteur de déracinement et d’aliénation. Ainsi alors qu’il est collégien il se rebelle contre les prêtres qui se réjouissent de franciser un nègre. L’assimilation réduisait les nègres au statut racial inférieur. Les pètes cherchent à saisir les valeurs possédées avant le contact avec l’Occident. Senghor souligne d’ailleurs l’extrême différence entre la conception et l’exécution par l’Occident qui impose des structures politiques et culturelles qui se révèlent être des adaptations exactes des valeurs occidentales ne correspondant pas à l’environnement africain.
II] Senghor se révolte contre l’Europe coloniale. Mais sa poésie de l’amour lui fait pardonner par pacifisme et amour profond de la culture européenne.
1) Le pardon La révolte des tirailleurs bouleverse Senghor qui ne reconnait plus la France qu’il admire : la fille des Lumières. Mais il ne veut pas réagir de la même façon : de manière irrationnelle et irréfléchie. Sa volonté de pardonner après avoir récriminé contre la France l’amène à la réconciliation, à l’acceptation de l’Autre. Dans sa thèse Poésie de la négritude Marcien Towa explique que c’est par ‘amour chrétien des ennemis et le devoir de fraternité universelle’. In Memoriam : conclusion par le vœu d’une réconciliation malgré les traits qui l’opposent au monde blanc. Après s’être enfermé il rejoint la foule (préposition ‘avec’ en début de vers), Blancs et Noirs deviennent ‘frères’. Towa ajoute que l’accord conciliant que Senghor veut bâtir entre monde noir et monde blanc découle de son amour égalitaire des deux mondes. Poème liminaire : affirmation de son amour pour la France. Prière de paix : appel à Dieu pour pardonner à l’Europe blanche qui a attaqué l’Afrique et l’a défigurée, jeu récrimination-‐pardon. Le pardon est préférable au combat.
2) L’amour de la culture occidentale Il aime cette culture et s’en imprègne. Son éducation est chrétienne, son instruction française. Il loue particulièrement la langue française : entretien de 1977 ‘Le français est une langue idéale de communication internationale. Pourquoi ? A cause de sa clarté, à cause de sa cohérence, à cause de sa logique. A cause de sa clarté d’abord, cause de son vocabulaire dont la majeure partie vient du grec et du latin. A cause de l’ordre des mots dans la phrase qui est un ordre logique […] A cause de la précision du vocabulaire, mais à cause aussi de son rythme. On a dit que c’est une langue sans rythme, c’est une erreur. C’est une langue qui n’est pas chantante, car le rythme du français […] est un rythme d’intensité […] C’est une langue monotone oui, mais c’est peut-‐être, pour moi, ce qui fait sa poésie’. Senghor est francophone et ne s’en cache pas. Il se sent à l’aise dans le monde culturel européen. Lors de ses années
d’études il est en contact direct avec cette culture : il rencontre Picasso (cubisme), Matisse et il s’imprègnent de leur talent, il lit Giraudoux, Gide, Péguy, s’intéresse à la langue de Rimbaud, Hugo, Saint-‐John Perse, Claudel pour établir la sienne. Il s’intéresse à la civilisation gréco-‐latine. Que m’accompagnent koras et balafong rappelle la mythologie romaine à allure épique : ses ancêtres Mandingues sont vaincus par les Peuls et partent fonder Djilor (Enéide).
III] Senghor cherche à fonder une civilisation de l’universel
1) La complémentarité des deux mondes Senghor est convaincu de la complémentarité des deux mondes : chacun peut apporter à l’autre et permettre la réalisation de toute la condition humaine. L’Afrique apporte à l’Europe dans le domaine des arts, l’Europe apporte sa langue de gentillesse et d’honnêteté que les poètes de la négritude transforment en instrument de la négritude. La raison hellène contre l’émotion nègre. La négritude n’est pas que l’enracinement dans les valeurs passées mais aussi la contribution au monde de l’universel, à forger le monde futur. Il s’agit de réintégrer l’Afrique dans l’humanisme occidental qui l’en exclu. L’Occident est nécessaire pour ses techniques indispensables au développement humain. La sensibilité et la simplicité des peuples africains manquent à la civilisation européenne artificielle. A New-‐York : réciprocité de la relation. ‘Aujourd’hui nous allons dans le sens d’une civilisation panhumaine, où tous les continents, toutes les races, toutes les civilisations apportent, chacun, sa contribution. A ce rendez-‐vous ‘du donner et du recevoir’ pour employer une expression d’Aimée Césaire […] les Africains auront beaucoup appris de l’Europe, mais ils apporteront, en contre-‐partie, quelque chose de nécessaire : quelques vertus, irremplaçables’ (Mohamed Aziza La poésie de l’action, conversation avec Léopold Senghor).
2) Un monde métis Le monde idéal est métis ‘nous sommes tous des métis culturels’ clame le poète, ‘j’avais découvert que c’était le miracle du métissage biologique mais surtout culturel qui avait créé la civilisation grecque comme auparavant la civilisation égyptienne’. Toutes les grandes civilisations sont métisses, le métissage est facilité par les évolutions techniques et la facilité des voyages. Sa poésie est celle du voyage et transgresse les frontières : elle nous mène en Afrique, en Amérique et en Europe, elle permet un va-‐et-‐vient entre Afrique et Occident. La francophonie exalte la négritude : être mieux compris, relever l’art africain au même statut que l’art occidental. L’Elégie pour la reine de Saba : communion entre Salomon et la reine, entre l’Europe et l’Afrique, cette communion c’est la civilisation idéale : la civilisation métisse, la reine représente la figure de la négritude qui possède le poète occidentalisé et qui entretien le regret de l’Afrique tout en incarnant l’amour qui le pousse vers l’autre, la sympathie naturelle qui s’offre au contact du Blanc, un mariage pour la création de ce nouveau monde. Ce métissage culturel doit même être dépassé pour atteindre un métissage biologique. P.375 Dialogue sur la poésie francophone.
3) Senghor modèle de ce métissage Africain ayant toujours affirmé son enracinement dans les valeurs négro-‐africaines il se considère franco-‐sénégalais. Il est converti au catholicisme mais est
attaché aux traditions africaines. Il assume donc sa part européenne ce qui d’ailleurs lui a valu des critiques : on l’a dit hypocrite envers l’assimilation qu’il rejette. Il s’affirme nègre en tant qu’emblème. Sa poésie investit l’espace européen, la langue française en manifestant l’Afrique dans son étendue : ‘J’écris en français parce que je pense en français. Si mes sentiments restent toujours des sentiments négro-‐africains, l’expression naturelle chez moi, c’est en français’ (interview de 1974), A New-‐York. Il refuse le choix et abolit les frontières. On peut y voir le va-‐et-‐vient mental entre ces deux espaces. Son universalité est marquée par le métissage des langues (accroches des poèmes, mots africains, lexique). Il revendique son métissage.
L’Occident fait partie intégrante de Senghor autant que l’Afrique. Senghor cherche à unifier ce qui est divisé. Son humanisme est fondé sur le dialogue des cultures pour contribuer à la création de l’universel. Jean Godefroy Bidima dans L’Art négro-‐africain s’oppose à cette thèse : ‘la civilisation de l’universel ne peut être que fictive car il n’y a pas d’Afrique avec une culture mais avec des singularités’. De plus Senghor est critiqué par son statut social : il fait partie de l’élite et participe à une contestation acceptée, réduite (son pardon), livresque (poèmes).
L’INITIATION Initiation vient du latin initiare qui signifie « initier », qui vient lui-‐même de inire « pénétrer dans ». Le Nouveau Littré : « Relig. Chez les anciens, action d’initier aux mystères, c’est-‐à-‐dire d’introduire à la connaissance et à la participation des mystères ; cérémonie qui accompagnait cette action. En Afrique noire, l’initiation était un rite traditionnel pratiqué à l’adolescence et terminé par la circoncision ou l’excision, marquant l’entrée dans le monde adulte. » Dans les sociétés africaines traditionnelles, les rites d’initiation sont très importants. I – L’initiation dans les sociétés africaines traditionnelles Il s’agit plus précisément d’un changement de statut d’un individu humain par rapport à la communauté dans laquelle il vit et où il doit s’intégrer (particulièrement passage des mâles de l’enfance à l’état adulte). Les rites de passage, dans les sociétés traditionnelles, tels que l’ethnologie les décrit, comprennent des éléments invariants :
Ø Les jeunes hommes sont écartés du groupe et réunis dans un lieu où ils seront seuls = mort symbolique. Rupture d’avec le monde profane quotidien.
Ø Ils reçoivent un enseignement qui leur permet de comprendre leur place,
celle du groupe dans l’univers, et de connaître ce qui est nécessaire pour y agir.
Ø Ils subissent ensuite une série d’épreuves qui permettent d’apprécier leur
maturité morale et leurs capacités physiques = résurrection symbolique. Accession à un statut supérieur, agrégation à la communauté.
Ø Le changement radical d’état est inscrit dans le corps (tatouages, scarification,
circoncision…) et dans le langage (adoption d’un nouveau nom). L’initiation des filles, beaucoup plus sommaire, moins ritualisée, comporte au moins l’apprentissage de la maternité, plus rarement celui de la sexualité, qui est entourée d’interdits. Elle peut se clore par l’excision. Dans tous les cas, le rituel comporte une séparation avec l’ordre ancien, l’enfance, puis une période plus ou moins longue d’isolement et enfin une intégration dans le nouvel ordre, qui correspond pour l’initié à une nouvelle naissance. Initiation = « épreuve destinée à transformer l’être "naturel" de l’individu en un être "social", en manifestant son désir d’intégration et son endurance » (Durkheim, sociologue) II – L’initiation chez Senghor
Sérères = un des quatre groupes ethniques les plus importants du Sénégal (avec les Wolofs, les Peuls et les Toucouleurs).
Société matrilinéaire : Senghor vit avec sa mère, le chef de famille est son oncle maternel (Waly Bakhoum). Il tient le rôle du père dans l’enfance de Senghor. Pendant les 7 premières années de sa vie, Senghor = Sédar Gnylane. SÉDAR = prénom sérère, surnom, sobriquet « qui n’a pas honte », « impudent », « sans vergogne ». Surnommé ainsi car enfant chétif : humour. GNYLANE = prénom de sa mère.
Toute sa première éducation échappe à l’influence de son père. C’est le frère de sa mère qui fait la première éducation de Senghor : éducation morale et religieuse dans un esprit animiste, éducation aux choses de la nature. Senghor garde les troupeaux et explore la nature avec son oncle, qui répond à la curiosité de l’enfant par un code élaboré pour ne pas trop lui en révéler (sorte de pré-‐initiation).
« Chant de l’initié » p. 197
Alioune DIOP : (10 janvier 1910, Saint-‐Louis du Sénégal -‐ 2 mai 1980, Paris) est un intellectuel sénégalais qui a joué un rôle de premier plan dans l'émancipation des cultures africaines, fondant notamment la revue Présence africaine. Entre 1947 et 1960, on trouvera 12 fois la signature de Léopold Sédar Senghor dans la revue Présence Africaine.
Découpage des parties en fonction des instruments important et très significatif.
• Versets 1 à 14 : Découverte et communion avec la nature => champ lexical de la nature ; champ lexical de la lumière = connaissance.
• Versets 15 à 27 : Epreuves initiatiques => rythme, nature dangereuse et aggressive
• Versets 28 à fin : Résurrection => note plus joyeuse et vivante du xylophone
Léo. car « lion » en latin, et prénom sérère de son père (Basile Diogoye) signifie Lion. Lion présent sur les armes de la République du Sénégal. « Elégie des Circoncis » p. 205 Explication du poème Wolof : La circoncision est un moment important du jeune garçon sénégalais. Dans la religion musulmane, la circoncision des jeunes garçons est une obligation. Mais cette pratique existait bien avant l'arrivée de l'Islam au Sénégal. C'était également une pratique animiste. Une fois la circoncision effectuée, les enfants revêtent alors la tunique et le bonnet blancs traditionnels des circoncis.
• Champ lexical de l’enfance lié à celui de l’innocence : l’enfant est naïf et innocent, ignorant. Il arrive à un âge où les mystères doivent lui être révélés.
• Champ lexical de la mort vue comme une nécessité • Initiation : connaissance et révélation • Verset 34 : opposition entre Royaume d’Enfance et âge adulte
A la lecture de ces deux poèmes, nous voyons donc que Senghor, dans la tradition animiste des Sérères, a subi les épreuves de l’initiation traditionnelle, qui s’achève avec la circoncision et l’adoption d’un nouveau prénom. Toutefois, nous pouvons considérer que Senghor a subi un autre type d’initiation quand il a été envoyé par son père chez l’un de ses amis en pension à Joal et sous la tutelle du curé de la Mission catholique de Joal. En effet, cette année de pension constitue également une étape d’isolement destinée à apprendre au jeune Senghor la discipline, le contrôle de soi et les règles de politesse, pour s’intégrer dans le monde Occidental, comme il va très bien le faire.
Le sang chez Senghor
Le sang est partout tout en étant nulle part : il n’est pas l’objet central des
poèmes, et pourtant on en compte 132 occurrences. Senghor veut faire résonner le sang à nos oreilles. Pourquoi une telle obsession du sang ? Que signifie-‐t-‐il ? I. Le sang qui coule, associé à la souffrance et la mort.
� Le sang coule abondamment, il fait même couler le sien propre = expression de la souffrance du poète. C’est la démonstration de la difficulté, de la frustration, face à la femme notamment (« Champ d’ombres »). Le sang qui coule est aussi une démonstration de la violence de la guerre. P. 38 : « l’odeur vineuse du sang ». P. 66 : « éclaboussant de sang de cervelle les murs noirs ». Cf. tirailleurs sénégalais morts pour la France. Le sang est aussi associé à la mort. � Un sang qui dénonce les horreurs de la guerre, mais connotation positive également : il devient don, voire sacrifice expiatoire. « Osti noir » : « Non vous n’êtes pas mort gratuits ». Ce don appelle la renaissance et l’espoir. Référence au Christ dans la description d’un syndicaliste noir qui verse son sang pour racheter les fautes de ses semblables. Le sang coule, mais pas en vain. II. Le sang qui boue : la manifestation du vivant.
� Le sang intérieur est manifestation de vie : il fait de nous des hommes et fait se manifester nos émotions. C’est le battement mystérieux de nos vies. P. 41 : l’émotion du départ mêlée à la peur (« le hennissement sifflant de mon sang qui se souvient »). Une manifestation du désir : « mon sang chuchote malgré moi ». � Le sang est un être à part entière, qui a sa liberté propre : un animal, un compagnon. Le sang est le totem de l’Africain (= un gardien). Le sang est donc un principe vital et supérieur, associé à la sève (p. 177). � Une connotation positive, mais Senghor ne chante pas n’importe quel sang : le sien et celui de ses frères, donc le sang noir. III. Le sang noir.
� Importance des ancêtres dans la culture africaine : ils vivent à l’intérieur des vivants et se manifestent par les battements du cœur. Senghor se bat pour garantir la noblesse du sang noir. Le sang est en effet sombre : « écoutons battre notre sang sombre ». � Revalorisation profonde de la couleur noire, à travers le sang : c’est un raz-‐de-‐marée, un jaillissement. A la page 288, Senghor demande à ce qu’on protège son sang : il revendique son appartenance noire. � Dans « A New York », on retrouve l’idée du sang qui bat. Le sang est possédé par le génie du rythme, il devient chant (assimilation aux tam-‐tam). Symbiose entre le corps et le langage : la langue est matérielle, elle est faite de chair et de sang. Les mots sont de la même matière que Senghor.
Le sang est une présence sacrée qu’on trouve en filigrane dans toute l’œuvre de Senghor, à travers le vocabulaire et le rythme. C’est l’expression même de sa négritude et de son appartenance au monde noir. Le sang est une métaphore de l’Afrique : un entrelacement, une intercommunication entre le sang de Senghor et le sang de sa terre natale.
La couleur chez Senghor
Elle est extrêmement présente dans l’œuvre de Senghor. Cette diversité de couleur ne traduit-‐elle pas un langage universel ? I. Une poésie aux multiples teintes.
a) L’objet et la couleur.
� « Le poète n’a pas à nous traduire une couleur mais à nous faire rêver la couleur » (Bachelard). La couleur qualifie l’objet chez Senghor, mais elle va jusqu’à le transcender pour lui donner vie. � Le bleu renvoie à la transparence et au rêve. Pas de monochromie, il est mêlé à d’autres teintes (vert, gris, violet). La couleur bleue est également associée à des objets intrigants (l’ombre, la forêt), à la mémoire de la nuit. Senghor joue sur son intensité et son éclat : il peut être vif ou plus doux, clame. P. 235 : « car je ne pense pas, mes yeux boivent le bleu rythmique » : la couleur est substantivée et devient liquide (= la poésie matérialise le bleu). � Le rouge traduit le sang, le cœur, la vivacité : « je viens t’offrir l’offrande de mon amour printanier, il est rouge… ». Le rouge est également un pays entier puisqu’il qualifie l’Afrique même. C’est une couleur criarde, sanglante, violente, alarmante. � Parfois, omniprésence d’une couleur sans qu’elle ne soit citée : la couleur jaune dans « Ethiopique » (sable / paille / étoiles / or). Les teintes sont multipliées et nuancées par l’accumulation d’images. � Une couleur également envisagée dans sa pluralité : un auteur multicolore (mélange du jaune, du bleu, du vert et du blanc dans « Ethiopique »). b) Le corps et les couleurs.
� Sublimation des visages et des corps par l’intermédiaire de la couleur. Senghor s’attache à décrire les yeux, la bouche, le front et les yeux. Cf. La beauté seereer, du modèle mythique au motif poétique, d’Amade Faye : Senghor se base effectivement sur des critères de beauté typiques de la culture seereer. � « Femme noire » : un éloge de la femme noire, vêtue de sa propre couleur, qui est vie. La couleur sublime le personnage. � P. 224, éloge d’une athlète : jambes d’olive (coloration faite par les objets) comparées aux jambes d’albâtre des femmes blanches (moins élégantes). � Même la voix est teintée : « ta voix de bronze et de roseau ».
II. La couleur, miroir de l’intériorité du poète.
a) Un poète peintre de la couleur.
� La couleur est mélodie mais également symbole = l’expression concrète des sentiments du poète (cf. amour de Senghor pour la poésie). � Une rencontre très importante dans sa vie : Chagall. Véritable fraternité d’âme entre le poète et le coloriste. « Ce peintre a su faire chanter la couleur » : Senghor fait de même dans sa poésie, elle est le reflet du monde tel que le ressent le poète. Cf. « New York » : une évocation du ressenti. La poésie senghorienne possède une dimension picturale : l’oreille du poèe fait corps avec l’œil du peintre. Cf. « Femme noire » = sublimation de la couleur noire. La poésie est visuelle, colorée avant tout. b) Des couleurs symboliques associées à différents sentiments ou états du poète.
� Cf. la madeleine de Proust : les couleurs comme un moyen de remémoration des souvenirs. � La couleur noire est le Fil d’Ariane de l’œuvre, elle lie les poèmes entre eux. En Occident, le noir est considéré comme une non-‐couleur et est connoté négativement : l’autorité, la mort, le mal. Senghor s’attache au contraire à l’exalter. « La couleur noire est la couleur de référence de l’homme noir » (Marie-‐Madeleine Marqué). Le noir représente le souvenir de l’Afrique : il renverse les codes en l’associant la vie. « Nocturne » : « il était noir… il était doux… il était beau ». � Le noir est la couleur de la nuit et de l’Afrique : c’est la couleur de la mélancolie et de la solitude (« lettres d’hivernage » : « nuits d’angoisse »). Mais les angoisses du poète sont aussi matérialisées par le blanc : pas de chaleur. � La couleur bleue est souvent associée à la mort. Cf. « La mort et la princesse ». Donc gradation : évocation du souvenir de l’Afrique, puis angoisse et enfin référence à la mort. Dans chaque culture, toute couleur est dotée d’une double connotation, bénéfique et maléfique. � Les couleurs sont le reflet de l’intériorité de Senghor. Le blanc et le gris sont surtout les couleurs de la France, du ciel parisien, du brouillard, alors que les couleurs chaudes renvoient à l’Afrique. III. Nuances de sens et double culture.
a) Des nuances de teinte.
� Le poète n’imite pas les teintes réelles de la nature. De nombreuses nuances. Cf. « Elégie pour une reine de Sabbat » dans l’évocation de la peau noire de la femme = une couleur qui reflète la lumière.
� Différentes teintes de bleu : clairs pour faire référence au rêve et à l’imaginaire, profonds et foncés pour renvoyer à la terre natale. b) Des nuances à l’image d’une multitude de significations.
� La couleur existe en elle-‐même : elle renvoie à des codes, qui varient selon les cultures. Mais Senghor appartient à deux cultures différentes. L’Afrique est un monde coloré, rose et vert. Le vert est un symbole de vie, de renouveau et d’espoir. A l’inverse, l’Occident est un monde terne et angoissant (gris). � Le noir représente l’homme noir et la conception de Senghor s’oppose à la vision occidentale. Il est source de lumière et de vie. A l’inverse, le blanc est associé à l’Occident et au souvenir de la colonisation. Cf. « Champ d’ombre » : « les mains blanches ». La neige est assimilée à une « mort blanche ». Dans la culture africaine, le blanc est la couleur de la mort, du sacrifice et du veuvage. � Parfois, des images assez étonnantes pour un poète africain : « Neige sur Paris ». Cette neige évoque la paix et le pardon = valeur positive de bonté qui témoigne d’une double culture africaine et occidentale. De même dans « Lettres d’hivernage » = une couleur vaporeuse et légère. � La couleur or se retrouve dans une association traditionnelle de la femme à ses bijoux : les bijoux illuminent la peau de la femme noir. L’or est aussi lié au cycle de la fécondité. C’est également, comme en Occident, la couleur de la richesse : « le roi de l’or, qui a la splendeur du Midi » = puissance, victoire. Le rouge est aussi la couleur du triomphe, de même que celle du sang. � Le bleu, à l’image du blanc, est la couleur de la mort. C’est aussi un moyen d’opposer l’homme blanc à l’homme noir (l’homme occidental est représenté blond aux yeux bleus). � Senghor créé une œuvre métisse, riche et singulière, un monde où les couleurs peuvent tout exprimer.
La couleur est un langage universel : elle symbolise l’objet, renvoie à l’intériorité du poète et exprime un métissage culturel. Pas de mépris de l’homme blanc même si éloge de la couleur noire. « Poème à mon frère blanc » : « alors de nous deux, qui est l’homme de couleur ? ».
La stylistique chez Senghor è Musicalité.
Un musicien des mots, qui accorde une grande importance à la musicalité et à l’oralité. Le rythme demeure un problème : on le trouve dans la construction même du verset, mais aussi dans l’emploi instinctif de certaines figures de langage : allitérations, assonances, homéotéleute.
Senghor élit un certain nombre de figures de style pour en faire les principes de base de sa poétique. En choisissant le verset, il élimine la rime comme scansion
sonore. Il va donc rapatrier la musicalité à l’intérieur du vers. Le rôle de la rime va donc être suscité par des échos internes que Paul Valéry appelait des « intrasonnances ».
Une figure majeure chez Senghor, la paronomase (réunir dans une même expression deux mots de sens différent ou opposé mais dont le son est très proche). Ex : dans « In memoriam », la paronomase le sauve de sa séparation avec l’Afrique (« jusqu’en Sine jusqu’en Seine ») = deux lieux éloignés géographiquement qui sont réconciliés par le pont des sons. D’autres exemples : « jeune fille jeune fleur » / « sans erg sans herbe » / « quand la pensée dérive et que délire l’âme ». Il s’agit ici pour Senghor de rendre les mots productifs par leur son, comme s’il contenait un savoir autant que leur sens.
Importance des allitérations : retour multiplié d’un son identique pour produire une chambré d’écho et faire résonner un texte. Consonnes liquides : p. 16, « voici que décline la lune lasse vers son lit mer étale ». Consonnes sifflantes : p. 196, « ma poitrine qui siffle comme un serpent noir ». Abondance également de consonnes fricatives et dentales (p. 106, « Tamtam toi toi tamtam des bonds de la panthère »). L’harmonie consonantique est déterminante chez Senghor.
Il s’agit de créer des regroupements sonores. Chaque poème possède une note dominante autour de laquelle se regroupent d’autres éléments. Senghor confie la conduite du poème à la mélodie, ainsi que son sens même (musicalité = maîtresse du sens). Il y a chez Senghor un frémissement, un murmure créé par cette musicalité. è Africanisation de la langue française.
Refus d’un certain nombre d’éléments (ex : prépositions), volonté de briser la phrase française : p. 206, « que meure le poème se désintègre la syntaxe, que s’abîment tous les mots qui ne sont pas essentiels / Le poids du rythme suffit, pas besoin de mots-‐ciment ». Les langues romanes sont dites agglutinantes, c’est-‐à-‐dire scellées par des mots-‐outils qui ne font pas sens par eux-‐mêmes. Senghor choisit de les supprimer et fait s’accoupler les mots selon la brachylogie (= langage court). Il appose les mots, les rassemble de façon très intensive. P. 174, « la canonnade colère de Dieu » + p. 180, « une fille cheveux fous » + « le sang lait ».
Ellipse des coordonnants grammaticaux de la langue française : les mots flottent librement sans pronom personnel (« pour tes longues jambes olive t’avais élue »), sans prépositions, sans déterminant, parfois même sans verbe = abondance de la phrase nominale (p. 214 : « et de tendres antilopes aux yeux de nuit » + p. 216 : « pour qui l’éloge et l’épopée ? »). Senghor insuffle un esprit africain à la langue française, pour la rendre moins analytique et cartésienne.
Le lexique de Senghor suit pourtant le chemin inverse de la syntaxe. Senghor enlève ce qui lie les mots entre eux, il allège la syntaxe, mais il enrichit et alourdit son vocabulaire (d’où la nécessité d’un petit dictionnaire placé en fin de recueil). Abondance des mots empruntés aux langues africaines Wolof, Seereer, etc., ce qui peut rendre les choses obscures et nuit à l’immédiateté de la poésie (en cela il s’inscrit dans une tradition de l’hermétisme qu’on trouve aussi chez Mallarmé : le lecteur doit collaborer, apporter sa part de sens). P. 143 : il s’agit de rendre la parole
« à la langue de ma mère, au crâne de l’Ancêtre, au tamtam de mon âme ». Dans l’africanisation des mots, Senghor cherche à retrouver un vibrato intérieur.
Les mots africains ont une valeur musicale, euphonique : même s’il s’inscrit dans la langue française, Senghor parvient malgré tout à s’en éloigner et à se trouver au plus près de soi. Des néologismes : p. 197, « élémentale » ≠ élémentaire.