GÉRARD DE… · publié dans la collection «ÞFolio BiographiesÞ» une biographie de Federico...

Post on 21-Sep-2018

213 views 0 download

Transcript of GÉRARD DE… · publié dans la collection «ÞFolio BiographiesÞ» une biographie de Federico...

Extrait de la publication

F O L I O B I O G R A P H I E S

c o l l e c t i o n d i r i g é e p a r

G É R A R D D E C O R T A N Z E

Extrait de la publication

Gallimard

Verdi

par

Albert Bensoussan

Extrait de la publication

Crédits photographiquesÞ:

1, 4, 16þ: Costa/Leemage. 2, 8þ: Cuboimages/Leemage. 3þ: Bettmann/Corbis.5þ: Luisa Ricciarini/Leemage. 6 : Electa/Leemage. 7, 9, 10, 17þ: DeAgostini/Leemage. 11þ: Interfoto/La Collection. 12, 14þ: Colette Masson/Roger-Viollet.13þ: Fototeca/Leemage. 15þ: Bianchetti/Leemage.

©ÞÉditions Gallimard, 2013.

Extrait de la publication

Universitaire, écrivain et traducteur, Albert Bensoussan est agrégéd’espagnol, docteur ès lettres et professeur émérite à l’université deRennes-2. Auteur d’essais littéraires, dont Retour des caravelles, Confes-sions d’un traître et J’avoue que j’ai trahi, ainsi que de fictions, notammentFrimaldjezar (prix de l’Afrique méditerranéenne) et Dans la véranda (prixdu Grand Ouest), il est la voix française, entre autres, de Mario VargasLlosa. Il a coordonné, pour le XXeÞsiècle, une Histoire de la littérature espa-gnole (Fayard). Il collabore régulièrement au Magazine littéraire. Il apublié dans la collection «ÞFolio BiographiesÞ» une biographie de FedericoGarcía Lorca.

Extrait de la publication

Extrait de la publication

À Jean-Claude Sam et Bernard,mes neveux mélomanes.

Extrait de la publication

11

Avant-dire

Verdi, on le porte dans ses fibres, il résonne àvos oreilles, il s’inscrit en votre âme et conscience.Dès mon plus jeune âge, à l’Opéra d’Alger où monpère louait à l’année l’avant-scène du premierbalcon, j’étais familier de Gilda, par la voix d’IdaDoneddu, une soprano colorature de chez nous quianimait dans la ville libérée une émission de belcanto sur les ondes de Radio-Alger. Notre voisined’immeuble, qui chanta en divette sous le nomd’Edmée Angèle, était devenue, en se retirant de lascène, directrice adjointe de l’Opéra, animé par legrand Pierre Portelli, qui avait eu une jolie voixdans son jeune temps, et s’employait à faire veniroutre-mer les plus grands chanteurs du moment.Ainsi avait-on pu entendre et applaudir José Luc-cioni et César Vezzani, les deux plus grands ténorsfrançais d’alors, et Mado Robin qui fut, définitive-ment, notre Lakmé avec son «ÞAir des clochettesÞ»et son incomparable contre-contre ré, ou RenéeDoria, autre grande GildaÞ; nous avions même vu,en Tosca, cette débutante qui s’appelait encoreMaria Meneghini, avant de devenir la Callas, qui

Extrait de la publication

12

fit trembler les murs de notre petite scène lyrique.Et des barytons tels que Valère Blouse, inoubliableHamlet, d’Ambroise Thomas, ou Louis Noguera,natif d’Alger, qui chanta Rigoletto, avant de deve-nir professeur au Conservatoire de Paris, vingt-cinq ans durant, cédant bientôt la scène au Constan-tinois René Bianco qui, dans Aïda et Un bal masqué,allait faire les beaux jours de l’Opéra. Lorsqu’ondisait «Þchanteur de l’OpéraÞ», il fallait toujourscomprendre l’Opéra de Paris, cette «ÞGrande Bou-tiqueÞ» qui tant fascina Giuseppe Verdi, et où avaittriomphé l’Algéroise Andrée Esposito qui fut unegrande Violetta au palais Garnier, et une Mireilleémouvante sur toutes les scènes de France. Dansces années d’après guerre, l’Opéra chez nous étaitun lieu d’affluence pour classe moyenne et petitpeuple de Bab el-Oued, où il y avait tant d’Italiensd’origine. Et qui fréquentaient l’Opéra ou dans lasalle ou sur scène. Ainsi, exerçant deux annéesdurant les fonctions (avec toute leur dignité) defigurant, j’y côtoyais pas moins de trois généra-tions d’artistes italiens réunis sur scène, la familleDelbesioÞ: le grand-père était choriste, ainsi que sabru, et son fils Angelotti, qui jouait les secondesbasses, surgissait dès le lever de rideau de La Tosca— «ÞAhÞ! je respire, fut-il terreur pire, je voyaispartout la face d’un sbireÞ», ainsi que se chantaitalors, en français, l’opéra italien —Þ; enfin, le petit-fils était mon camarade figurant et, à nous deux,nous campions tout un peloton d’exécution met-tant un terme au «Þdernier matinÞ» de Mario Cava-radossi. Populaire était alors l’opéra, et bruyant,

Extrait de la publication

13

débraillé, comme devait l’être, à coup sûr, la scènelyrique au temps de Verdi, dans ce XIXeÞsiècle tur-bulent de l’Italie où les grandes villes comptaientde nombreuses lices vocales — pas moins de cinqthéâtres lyriques à Milan au milieu du XIXeÞsiècle.Aujourd’hui, un fauteuil à l’Opéra n’est accessiblequ’au public bien argenté, capable de débourserdes centaines d’euros pour pénétrer à la Scala ouaux arènes de Vérone. Et ne disons rien de Salzbourg.On est évidemment très loin des prix d’autrefoisoù n’importe quel étudiant pouvait s’offrir un troi-sième balcon. L’Opéra, de nos jours, est un luxeculturel, un spectacle pour les happy fewÞ; nous leconstatons, nous n’y pouvons rien. Mais la gloirede Verdi est intacte et son nom reste populairechez tous les amateurs d’opéra.

BahÞ! la musique est accessible à tous par d’autresmoyens que la scène. Nous disposons d’innombra-bles disques, des CD aux 33-tours, voire aux 78-tours. Et puis les spectacles d’opéra sont retransmisà la télévision et gravés en vidéos. Nous pouvonsencore vivre l’opéra au quotidien et nous laisserbercer par ces airs de Verdi qui enchantèrent tantla jeunesse d’un Federico Fellini qu’il en fit l’un deses films les plus aboutis, E la nave va…, à la gloirede la soprano «ÞEdmée TetuaÞ» la bien nommée(sur la pellicule on entend la très belle voix deMara Zampieri, alors vedette de la Scala), pourcette cérémonie des adieux à la scène lyrique àlaquelle se livre le cinéaste de Rimini, en cette Émi-lie-Romagne où Verdi vit le jour.

Reprenons cette «ÞnefÞ» fellinienne, en feuilletant

l’album de vie et de souvenirs de Giuseppe Verdi,en relisant ses notes, en réécoutant ses quelque vingt-huit opéras, plus un petit nombre d’autres partitions,en entendant encore et toujours cette musique quijamais ne nous quitte, comme ce bruit de la meremprisonné dans la conque, traçant le droit filde cette ligne acoustique que nous imaginons, ainsiqu’Apollinaire en sa réflexion poétique, comme«Þl’unique cordeau des trompettes marines1*Þ».Puissent-elles retentir à jamais dans le décor gran-diose d’AïdaÞ! Ou nous faire frémir encore et tou-jours au «ÞDies iraeÞ» de son RequiemÞ!

*þLes notes bibliographiques sont regroupées en fin de volume, p.þ319.

15

L’enfant de Busseto

Sul placidoÞ/ÞRaggio del vostro clivo

Là dove invan germogliaÞ/ÞIl ramo dell’ulivo*

Simon Boccanegra

En assistant, au théâtre Giuseppe Verdi de Busseto,à une représentation mémorable des Vêpres sici-liennes (I vespri siciliani) — grand opéra verdienmalgré le piètre livret de Scribe —, on est frappéd’entendre à ce point retentir la voix de Verdi dansce petit théâtre qui, à l’échelle de la Scala de Milanou du San Carlo de Naples, ferait penser à un théâ-tre de poche. Les chanteurs sont disposés au milieudu public, «ÞO PalermoÞ» retentit dans la gorgeprofonde de Procida, l’insurgé, tout contre lesloges autour du parterre où se tiennent à peine unecentaine de personnes, entourées du chœur desSiciliens révoltés contre l’occupation française. C’estVerdi que l’on entend ainsi, au comble de l’émo-tion, dans cette enceinte à laquelle il ne voulait

*þ«ÞSur la douceÞ/ÞLumière de vos collinesÞ/ÞOù bourgeonne en vainÞ/ÞLe rameau d’oli-vierÞ» (Simon Boccanegra, L’Avant-scène Opéra, janvier-février 1979, p.Þ60. Les référencesdes numéros de L’Avant-scène Opéra indiqués sont celles des premières éditions).

16

pas donner son nom, tant le souvenir de Bussetoétait amer ou douloureux à son esprit. C’est pour-tant là que tout commença pour lui, sa vie demusicien, son existence d’homme, ses heurts et sesinfortunes, ces choses de la vie si dramatiques dontil allait nourrir, quel que soit le sujet de ses «Þmélo-dramesÞ», chacune de ses œuvres. Sur chaque note,on entend Verdi, comme on lit Picasso sur chaquetrait de sa peinture.

C’est à 4Þkilomètres de Busseto, au hameau deLe Roncole, dans le duché de Parme alors sous juri-diction française, que naît Giuseppe Verdi, déclaré«ÞJoseph Fortunin FrançoisÞ» à l’état civil, le 12Þocto-bre 1813. Il voit le jour dans une Italie morceléedont l’Europe — la France, l’Autriche, l’Espagne— se partage les restes ou les lambeaux. La Francenapoléonienne s’est emparée de cette région deParme pour l’annexer, depuis 1808, aux centtrente départements français, sous le nom de Taro,chef-lieu Plaisance. À partir de 1814, le duché passesous la souveraineté de l’impératrice Marie-Louised’Autriche, seconde épouse de NapoléonÞIer. Verdiest donc né français, mais n’en tira nulle gloire etse garda bien de faire valoir le droit du sol pourrevendiquer une nationalité française. La Francen’est d’ailleurs pas gâtée dans son œuvre, le com-positeur se livrant notamment, bien qu’avec lacomplicité de Scribe, son librettiste, au massacrevengeur des troupes françaises d’occupation, juste-ment dans ses Vêpres siciliennes — dont le premiercomme le dernier mot est «ÞVendettaÞ»Þ!

Toute sa vie, Verdi se souviendra de son enfancepauvre, au milieu des terres marécageuses de la

Extrait de la publication

17

vallée du Pô et dans un bourg dont le nom signifie«Þl’élagageÞ». Son trisaïeul de la branche mater-nelle, Carlo Uttini, tenait une taverne à Busseto.Son arrière-grand-père, Carlo Verdi, s’était établiaubergiste, 4 kilomètres plus bas, à Le Roncole.Cette auberge de campagne, l’Osteria Vecchia, quilogeait quelques colporteurs de passage, faisait éga-lement office d’épicerie où l’on s’approvisionnaiten farine, huile, sucre, café, vin, sel ou tabac, etcela aurait certes permis de vivoter, sans plus,n’était la possession de quelques terrains alentourqui, avec le temps, devaient prendre de la valeur.Carlo Verdi épousa, en 1805, Luigia Uttini, fileusede son état dans un coin de l’auberge familiale deBusseto. Le grand-père du compositeur naquit decette union, et il se nommait également Giuseppe,tout comme son père se prénommait Carlo, seloncette habitude — détestable pour les biographes —de transmettre les mêmes prénoms de générationen génération. Pour ce qui nous intéresse, donc,Giuseppe Verdi naquit à Le Roncole le 10Þoctobre1813 de Carlo Verdi et de Luigia Uttini. Il eut unepetite sœur, handicapée mentale, qui ne dépassapas l’adolescence. Verdi crut longtemps être né en1814 — du moins l’affirma-t-il assez longtemps, enimputant l’erreur à sa mère*, probablement peufier donc d’être né français. C’est en 1814, en effet,

*þ«ÞJe suis en vérité né en 13 et, il y a quelques jours, je suis entré dans ma64eÞannée. Ma mère m’avait toujours dit que j’étais né en 14. Naturellement je l’aicrue, et j’ai ainsi trompé tous ceux qui me demandaient mon âgeÞ» (lettre à la com-tesse Clara Maffei, le 14Þoctobre 1876, in Verdi par Verdi, textes choisis, traduits etprésentés par Gérard Gefen, 2001, L’Archipel, p.Þ25-26).

Extrait de la publication

18

que les troupes françaises, derniers grognards del’Empire napoléonien, furent boutées hors d’Italie— un pays encore morcelé en petits duchés oucomtés, et constamment envahi et occupé — parles Autrichiens et les Russes coalisés.

Mais nous parlons ici de l’enfance du plus grandmusicien italien du XIXeÞsiècle et, forcément, nousdevons lui trouver une vocation précoce. Qui semanifeste, inévitablement, au sein de l’Église. C’estl’organiste de Le Roncole, Pietro Baistrocchi, quilui apprend les rudiments du solfège et lui permet,tout enfant encore, de poser ses doigts sur les cla-viers de l’orgue, avant même que ses pieds puissentatteindre les touches du pédalier qui font l’accom-pagnement grandiose de tout le répertoire reli-gieux. Pietro Baistrocchi l’a tenu sur ses genoux, lechoyant et l’aimant, puis lui apprenant tout ce qu’ilsaitÞ; ce Pietro est à la fois instituteur et organiste— et aussi paysan, certes, natif de Sant’Agata, làmême, à quelques kilomètres de Busseto, où Verdiallait fixer plus tard sa résidence. Dès l’âge de qua-tre ans, l’enfant apprend de ses lèvres l’italien —mais précisons qu’il parlait, au milieu des siens, ledialecte des duchés de Plaisance et de Parme — etmême le latin. Ce qui lui sera bien utile lorsqu’ilcomposera, plus tard, son fameux Requiem à lamémoire de Manzoni. À six ans, le voilà à l’écoledu village, tenue par ce Baistrocchi, qualifié demagister parvulorum Roncularum (maître d’écoledes enfants de Le Roncole) — titre bien ronflant,mais l’Italie aime ces fastes et cette éloquence, quinourrissent tout l’opéra italien. La qualité d’orga-

Extrait de la publication

19

niste — organicus — du maître favorise sans nuldoute l’éveil musical de l’enfant, et cela dès son âgele plus tendre.

Et puis le père de Giuseppe, voyant l’éveil pré-coce de l’enfant à la musique, qui a notammententendu à l’auberge un musicien ambulant jouer del’orgue de Barbarie, lui achète une épinette — ceclavecin italien appelé spinetta — alors qu’il n’aque huit ans. Un petit clavier pour lui tout seul, etsi cher au cœur de Verdi qu’il le conservera sa viedurant, en le laissant en héritage à la Casa diRiposo qu’il fera construire à Milan pour les vieuxartistes, et qui se trouve aujourd’hui au musée dela Scala de Milan. Et l’on peut lire, en relevant lecouvercle au-dessus des touches, un papillon por-tant cette belle appréciation du facteur qui, en1821, remit en état l’instrumentÞ:

Par moi, Stefano Cavalletti, ont été remis à neuf et recou-verts de cuir ces sautereauxÞ; j’ai aussi réajusté les pédales, ceque j’ai fait gratuitement comme il en a été de même pour lessautereaux, voyant la bonne disposition du jeune GiuseppeVerdi à apprendre à jouer cet instrument, ce qui est assez pourme satisfaire tout à fait. L’an du Seigneur 18211.

On ne saurait mieux dire ni mieux prédire lagloire future d’un enfant qui n’a que huit ans.

Le curé de Le Roncole, Dom Giacomo Masini,lui apprend pour sa part à lire et à écrire, et le voilàservant la messe comme tout bon enfant de chœurÞ;la légende s’empare ici du personnage et le musicien,en son âge avancé, se rappelle — invente aussi ou,peut-être, exagère — un épisode significatif de son

20

éducation musicaleÞ: l’enfant, ravi par la musiquede l’orgue, oublie de donner les burettes au curé quicélèbre la messe, lequel lui aurait alors flanqué unbon coup de pied au derrière, le faisant valdinguerau bas des marches du maître-autel. C’est ce querapporte le biographe Arthur Pougin — célèbremusicologue et musicien français — dans Verdi.Histoire anecdotique de sa vie et de ses œuvres,publié à Paris en 1886, récit mêlé d’entretiens lesplus précieux avec le compositeurÞ:

Cet homme, d’un caractère brutal, donna au pauvre bambin,pour le tirer de sa torpeur, une telle poussée qu’il l’envoya rou-ler au bas des trois marches de l’autel. La chute fut si violenteque l’enfant s’évanouit et dut être transporté dans la sacristie2.

Verdi se souvient avec émerveillement du carac-tère fort qu’il avait déjà, bref il aurait lancé au prê-tre, en le maudissant dans son dialecte parmesanÞ:«ÞDio t’manda ’na sajettaÞ!Þ», littéralement «ÞqueDieu t’envoie une flècheÞ!Þ», autrement dit «Þqu’Ilte foudroieÞ!Þ». Ce qui finit par arriverÞ: huit ansplus tard, dit-on, la foudre tomba précisément surl’église de Le Roncole, et ce curé mourut foudroyé.L’église de la Madonna dei Prati porte encore tracedu passage de la foudre*. La malédiction de Giu-seppe à son encontre avait été suivie d’effet. Com-ment ne pas rattacher cet épisode à un thèmemajeur dans l’œuvre du compositeurÞ: la malédic-

*þDominique Fernandez écrit que «Þdans l’église de la Madonna dei Prati, on voitencore, sur le mur de gauche, un tableau dont la corniche baroque a été dédorée etbrûlée par la foudreÞ» (Le Voyage d’Italie, Perrin, 2007, p.Þ893).

Extrait de la publication

21

tionÞ? Qui allait aussi retentir, ici et là, du bruit dela foudre, du tonnerre et des éclairs.

Notons, pour mieux mettre en évidence l’impactterrorisant qu’aura eu cet événement sur l’esprit del’enfant, que Giuseppe, qui devait chanter ce jour-là dans les chœurs de cette église, avait été retardésur la route de Busseto à Le Roncole par unebande d’amis et que, grâce à ce retard inopiné, ilparvint à l’église juste pour constater le désastreÞ:

Ce misérable prêtre était assis là où la foudre l’avait frappé,en train de prier, le pouce encore pressé contre ses narines,comme s’il y avait été collé. Son visage noirci terrifiait, maisl’apparence des autres victimes était moins effrayante3.

Il s’agit bien là d’une image forte, et récurrente,qui va marquer à jamais l’enfant, et sans doute a-t-elle nourri la noirceur habituelle des opéras ducompositeur. Faut-il y voir, d’autre part, le germed’un anticléricalisme qui s’est confirmé par la suite,en apothéose, à travers le personnage du GrandInquisiteur de Don CarlosÞ? Ou bien Verdi l’anti-clérical a-t-il plaisir à se remémorer — en le mythi-fiant — cet épisode de la malédiction du prêtre…et de son église foudroyéeÞ? Nous ne retiendrons,donc, de cette anecdote plus ou moins légendaire— mais consignée par tous ses biographes — quece que le compositeur en a voulu soulignerÞ: lamalédiction, maître mot de ses opéras à venir, n’est-ce pasÞ? et tout particulièrement Rigoletto, dont letitre initial devait être «ÞLa MaledizioneÞ»Þ! («ÞLevieillard m’a mauditÞ», chante encore à mes oreilles

Extrait de la publication

22

adolescentes la rude voix de Jean Borthayre sur lascène de l’Opéra d’Alger).

Comment est-il, ce Giuseppe si précoce, élevédans une auberge-épicerieÞ? Peppino — ainsi quel’appelaient ses parents — était alors un joli petitgarçon, maigrelet, le cheveu châtain et ondulé, lesyeux bleu-vert qu’il gardera toute sa vie avec uneintensité accrue du regard, qui grandira assez pourapparaître comme de haute taille pour les Italiens— 1,75Þmètre, à l’âge adulte. Mais c’est un enfanttimide et introverti — il en restera quelque chosechez l’homme réservé et quelque peu revêche qu’ilallait devenir —, avec un caractère qui s’affirmedéjà, comme on vient de le voir en particulier dansl’épisode du curé de Le Roncole, et qui lui vaudraune réputation d’homme intraitable, notammenten affaires.

C’est à l’âge de dix ans que la vocation du musi-cien se précise. Son maître Baistrocchi meurt en1823. Cette année-là, son jeune disciple Giuseppele remplace à l’orgue de l’église San Michele Arcan-gelo, à temps partiel et en alternance avec un nou-vel organiste aveugle, Donnino Mingardi, qui allaitquitter Le Roncole deux ans plus tard, laissant laplace, pleine et entière, à Verdi, alors âgé de douzeans. Quelle fierté chez cet enfant qui se le rappel-lerait bien des années aprèsÞ!

Ma plus grande ambition était de succéder un jour à monprofesseur, Pietro Baistrocchi et, en trois ans, j’y parvins, ce quinous emplit d’orgueil, mes parents et moi. […] Mon pèrem’envoya alors à Busseto afin d’y recevoir une meilleure ins-

Verlaine, par J E A N -B A P T I S T E B A R O N I A N

Boris Vian, par C L A I R E J U L L I A R D

Léonard de Vinci, par S O P H I E C H A U V E A U

Wagner, par J A C Q U E S D E D E C K E R

Andy Warhol, par M E R I A M K O R I C H I

Oscar Wilde, par D A N I E L S A L V A T O R E S C H I F F E R

Tennessee Williams, par L I L I A N E K E R J A N , prix du Grand Ouest des écri-

vains de l’Ouest 2011.

Virginia Woolf, par A L E X A N D R A L E M A S S O N

Stefan Zweig, par C A T H E R I N E S A U V A T

Extrait de la publication

Verdi Albert Bensoussan

Cette édition électronique du livre Verdi d’Albert Bensoussan

a été réalisée le 19 février 2013 par les Éditions Gallimard.

Elle repose sur l’édition papier du même ouvrage (ISBN : 9782070443796 - Numéro d’édition : 183869).

Code Sodis : N49394 - ISBN : 9782072445323 Numéro d’édition : 232596.

Extrait de la publication