Final Proposition 081007v2 Revu Sfd

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Memoire Credit default Swap derivative CDO CDS

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Les dérivés de crédit

Florian Demoizet Salim Darwish

Octobre 2007

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Nous tenons à remercier Jean-Pierre Chavaillard pour sa relecture.

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Table des matières 1 Notions préliminaires et introduction aux produits dérivés de crédit............ 6

1.1 Notion préliminaires............................................................................................... 6 1.1.1 Le risque de crédit .......................................................................................... 6 1.1.2 Capital économique et réglementaire .............................................................. 7 1.1.3 La marge de crédit ou credit spread................................................................ 7

1.2 Développement des produits dérivés de crédit ........................................................ 8 1.2.1 Les produits précurseurs des dérivés de crédit................................................. 8 1.2.2 Naissance des dérivés de crédits ..................................................................... 8

1.3 Types de produits dérivés et de règlements............................................................. 8 1.3.1 Les dérivés de crédit simples .........................................................................10 1.3.2 Les titres indexés sur risque de crédit ou credit linked notes (CLN) ...............15 1.3.3 Les Collateralized Debt Obligations ..............................................................15 1.3.4 Les types de règlements.................................................................................17

2 Utilisation et valorisation des dérivés de crédits ........................................ 19 2.1 Les applications des dérivés de crédit pour les investisseurs ..................................19

2.1.1 Les stratégies généralistes..............................................................................19 2.1.2 Le cas des Hedge Funds ................................................................................20 2.1.3 Les émissions de Cat-bonds par les assureurs ................................................21

2.2 Les applications des dérivés de crédit pour les banques .........................................22 2.2.1 La diversification du risque de crédit. ............................................................22 2.2.2 La gestion de bilan et l’amélioration de la rentabilité .....................................22 2.2.3 Réduction du coût de financement des positions ............................................24

2.3 Les applications de dérivés de crédit pour les entreprises.......................................24 2.3.1 La gestion du risque de crédit ........................................................................25 2.3.2 Les stratégies de financement ........................................................................26 2.3.3 Les stratégies d’investissement. .....................................................................26

2.4 Dérivés de crédit, investisseurs et LBO .................................................................26 2.5 Valorisation des Dérivés de crédit. ........................................................................28

2.5.1 Une approche simpliste du CDS (Modèle de Duffie, Hull-White) ..................28 2.5.2 La valorisation par modèle structurel .............................................................30 2.5.3 La valorisation par le modèle à intensité ou en forme réduite. ........................32 2.5.4 La méthode de Monte Carlo. .........................................................................34 2.5.5 Pour aller plus loin ........................................................................................34

3 Le marché des dérivés de crédit................................................................. 35 3.1 L’évolution des taux sans risque............................................................................35 3.2 Les conditions réglementaires ...............................................................................36

3.2.1 L’application des normes IFRS et de la juste valeur.......................................36 3.2.2 Bâle I et le comportement opportuniste des banques ......................................36 3.2.3 L’impact de Bâle II........................................................................................37 3.2.4 Solvency II ou la fin de l’avantage comparatif des assureurs ?.......................39

3.3 L’évolution du marché ..........................................................................................41 3.3.1 Nouveaux développements ............................................................................43 3.3.2 Les indices ....................................................................................................43 3.3.3 Les enchères favoriseront-elles le règlement en espèce ? ...............................45 3.3.4 Un marché organisé pour plus de transparence ?............................................46 3.3.5 Spreads et qualité des entités de référence .....................................................47

3.4 Les principaux acteurs...........................................................................................49 3.4.1 Les Banques ..................................................................................................51

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3.4.2 Les Hedge Funds et les investisseurs .............................................................53 3.4.3 Les Assurances..............................................................................................54

Annexe 1 : Quelques faits marquants pour les dérivés de crédit……………………………..58 Annexe 2 : Bibliographie……………………………………………………………………..62 Annexe 4 : Méthodes de valorisation issue de l’ouvrage d’Y. BRAOUEZEC ……………...64 Annexe 3 : Exemple de contrat de CDS…………………………………………………….XX

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1 Introduction

Le but de ce mémoire est de présenter les produits dérivés de crédit. En exposant les raisons qui ont poussé les banques à créer, puis à utiliser massivement ces instruments, nous chercherons également à en comprendre les limites. Ces dernières se sont illustrées au cours de l’été 2007 durant lequel l’engouement pour les produits dérivés de crédit a brusquement marqué le pas, révélant des comportements d’investissements peu prudents.

La crise des subprimes ne sera pas étudiée en détail tant elle est exposée de façon complète dans la presse financière. Elle traduit néanmoins de façon très nette la déconnexion entre les valeurs d’échange et réelle des dérivés de crédit dont le prix est supposé refléter le niveau du risque de l’encours sous-jacent.

La première partie sera consacrée à la description générale des dérivés de crédits et à l’historique de leur développement. Dans un second temps, l’utilisation que font les investisseurs, les banques et les assurances de ces produits financiers sera étudiée. Dans ce contexte, les différentes techniques de valorisation seront évoquées. Enfin, une analyse détaillée du marché permettra de souligner le rôle du contexte réglementaire dans l’émergence et la croissance vertigineuse de ces produits sur les deux dernières décennies. Dans ce contexte, la situation des banques, des investisseurs et des assurances sera présentée.

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2 Notions préliminaires et introduction aux produits dérivés de crédit

2.1 Notion préliminaires Il sera souvent fait mention du risque de crédit, de marge de crédit et de fonds propres

économiques et réglementaires, il apparaît dès lors nécessaire d’en définir brièvement les principales caractéristiques.

2.1.1 Le risque de crédit Le risque de crédit est le risque qu’un débiteur ne rembourse pas sa dette à l'échéance

fixée. A l'origine préoccupation des établissements bancaires exclusivement, il concerne désormais toutes les entreprises via les créances qu'elles accordent à leurs clients qui sont assimilables à des prêts à court terme. Les firmes sont ainsi, aujourd'hui souvent amenées à tenir compte du risque de crédit dans la mesure où il peut s’avérer lourd de conséquences, toute dette non remboursée se traduisant par une perte sèche pour le créancier1.

Les banques et les organismes financiers restent néanmoins les plus exposés au risque de crédit et doivent en dissocier les deux principaux types:

• Le risque de défaut ou de défaillance correspond à l’incapacité ou au refus du débiteur de remplir dans les délais fixés contractuellement les obligations financières envers son créancier au titre des intérêts et/ou du principal de la créance. On peut synthétiquement le définir comme tout manquement ou tout retard sur le paiement du principal et/ou des intérêts2.

• Le risque de dégradation de la qualité de crédit se définit comme le risque que la qualité de crédit de l’emprunteur ou de la contrepartie se détériore, sans pour autant entraîner une défaillance. Une dégradation de la qualité de crédit engendre une hausse de la prime de risque (spread) liée au crédit. Lorsque le débiteur est une société à laquelle est attachée une notation de la part d’une agence (les trois plus connues étant Moody’s, Standard & Poor’s ou Fitch), une détérioration de la qualité de crédit se traduit généralement par une dégradation de la note qui lui est attribuée.

Il faut noter que les risques de dégradation et de défaillance peuvent être corrélés dans

la mesure où la détérioration de la qualité de crédit peut, à la fois, être un précurseur du défaut mais aussi un catalyseur. En effet, le resserrement des conditions d’accès au crédit entraîne la hausse des coûts de financement, ce pénalise l’entreprise et réduit l’univers des projets ayant une Valeur Actuelle Nette positive. Dans l’incapacité de se financer à faible coût par la dette, l’entreprise verra, suite à la dégradation de sa note ou rating, sa rentabilité se dégrader en même temps que son CMPC3 augmenter. Cet effet ciseau peut l’amener vers la défaillance.

Par ailleurs, il faut distinguer le risque systémique du risque spécifique. Le risque

systémique est non diversifiable. Il est lié à la volatilité du niveau général du taux de défaut, et non aux fluctuations des risques de chaque contrepartie. Le risque spécifique est limité à une entreprise ou un groupe d’entreprises.

1 Voir sur le site wikipedia.fr 2 De Bodard, Philouze et Fons, Moody’s IS. 3 Coût moyen pondéré du capital

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Outre la distinction entre les risques de crédit, il est nécessaire de spécifier les différents

types de débiteurs suivants, qu’il s’agisse de défaut ou de dégradation : • On parle de risque émetteur (ou emprunteur) lorsque le risque de crédit, concerne un

instrument financier (en anglais funded) liquide tel qu’une obligation ou un emprunt bancaire.

• On parle de risque de contrepartie quand le risque de crédit porte sur la contrepartie d’un instrument non financé (en anglais unfunded), tel qu’un swap, une option ou une garantie.

Enfin, il est utile de maîtriser la dernière composante du risque de crédit liée au taux de

recouvrement. En effet, le montant de l’exposition au risque de crédit est calculé comme le produit du taux de perte sur une créance en cas de défaut et de la probabilité d’occurrence du défaut Le taux de recouvrement dépend de la séniorité de l’instrument de dette sur lequel le créancier est exposé, de l’existence ou non de sûretés et garanties et enfin de la nature du débiteur. L’utilisation du taux de recouvrement est illustrée dans l’exemple 2 de ce document.

Le risque de crédit constitue un des risques majeurs encourus par le système bancaire. Au niveau mondial, les pertes subies par les banques au titre des créances irrécouvrables s’élevaient à 113 milliards de dollars en 1992 (marquée par la crise des caisses d’épargnes américaines), 60 milliards en 2000, 110 en 2001 et 130 en 20024. Le risque de crédit ressort souvent en tête des craintes et des risques déclarés par les banquiers dans les études annuelles du Centre for the Study of Financial Innovation.

2.1.2 Capital économique et réglementaire Le capital économique est défini par l’établissement. Il correspond au montant

nécessaire pour faire face, avec une certaine probabilité, aux pertes inattendues, le choix du degré de couverture appartenant à l’établissement et fluctuant en fonction de son aversion au risque et de son objectif de notation externe.

Le capital réglementaire est fixé par le régulateur. Sans entrer dans le détail, il faudra

simplement retenir que, plus un crédit est risqué, plus les capitaux propres exigés pour les banques et les assurances sont élevés. Ces fonds propres leur sont doublement coûteux. D’une part, les banques et assurances supportent un coût de financement car les apporteurs de capitaux exigent une rémunération plus élevée que le taux sans risque, d’autre part, ils subissent un coût d’opportunité lié à la mise en réserve des fonds qui ne peuvent dès lors plus être alloués à des projets d’investissement rentables.

2.1.3 La marge de crédit ou credit spread La marge de crédit ou credit spread est le reflet de la qualité du crédit d’une entreprise

sur le marché du crédit. Son calcul est la différence entre le taux exigé, le yield, et le taux sans risque.

Si une entreprise bénéficie d’une estimation positive de sa qualité de crédit, alors le

spread qui lui est attaché est faible. En effet, le fonctionnement est le même que pour l’attribution d’un taux d’intérêt lors d’un emprunt. Si la banque prêteuse anticipe un fort 4 Voir Chassany (2002)

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risque, pour se couvrir elle offrira un taux plus élevé qu’au cas où le risque est jugé faible. En augmentant sa marge, elle couvre le niveau de pertes potentielles.

2.2 Développement des produits dérivés de crédit

2.2.1 Les produits précurseurs des dérivés de crédit Les obligations assorties d’une option de vente (put option), donnant à l’investisseur le

droit de revendre le titre à l’émetteur sur une durée prédéfinie pour un prix prédéterminé avec un exercice conditionnel à certains événements sont les premiers produits échangés sur le marché des titres à être assimilable à des dérivés de crédit. Ces titres ont été popularisés à la fin des années 1980 alors que les investisseurs obligataires demandaient des protections contre certains risques (OPA hostiles, LBO) qui pouvaient significativement dégrader la qualité de crédit de l’émetteur. Durant cette décennie, d’autres produits de ce type ont été développés :

• les rating sensitive notes dont la particularité est d’offrir la possibilité d’un réajustement trimestriel sous conditions ;

• les spread protected debt securities qui peuvent être revendus à l’émetteur après deux ans à un prix déterminé ;

• les options sur risque de défaut qui sont proposées sur le marché des émissions obligataires depuis 1971 sous la forme d’assurance obligataire.

Cependant, si ces produits ont introduit le principe et les objectifs des dérivés de crédit

sur le marché de la dette depuis de nombreuses années, ils n’offrent pas les avantages liés à l’utilisation des dérivés de crédit et notamment la possibilité de dissocier la composante risque de crédit de l’actif sous-jacent.

2.2.2 Naissance des dérivés de crédits Les premières transactions de dérivés de crédit ont été arrangées lorsque le Banker

Trust a émis des notes structurées référencées sur le risque de défaut d’un panier composé de plusieurs signatures de banques japonaises fin 1991. La même année, Banker Trust a signé avec Mellon Bank un contrat d’échange sur rendement total qui permettait à cette dernière de faire un prêt à son plus gros client tout en transférant la totalité du risque de ce crédit à Banker Trust.

Dés 1992, toutes les grandes banques américaines proposaient des notes et des produits

hors bilan (swaps et options) sur le risque de crédit. A l’origine, contractés à des vues uniquement défensives, ces produits devaient permettre aux banques de générer de nouvelles lignes de crédit sans pour autant en supporter le risque.

2.3 Types de produits dérivés et de règlements Les dérivés de crédit sont des produits hors bilan qui se négocient de gré à gré et dont

l’objet est de transférer le risque de crédit associé à un sous-jacent indépendamment du risque de marché qu'il peut présenter. On parle de produit dérivé car leur valeur varie en fonction des fluctuations de leur sous-jacent, c'est-à-dire de l’entité servant de référence au contrat. S’appuyant sur l’individualisation du risque de crédit et la séparation entre ce dernier et la

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propriété des actifs auxquels il se rattache, les dérivés de crédit ont facilité l’échange de ce risque.

Il existe trois grandes catégories de produits selon leurs utilisations et les mécanismes

en jeu.

AA.. Les produits dérivés sur le risque de défaut sont perçus comme les plus innovants car ils permettent des stratégies de trading et de couverture qui étaient indisponibles sur les marchés de capitaux avant leur création. Ils protègent leur utilisateur contre la survenance d’au moins un événement de crédit, généralement le défaut de paiement de l’entité de référence du contrat.

BB.. Les produits dérivés sur marge de crédit permettent aux investisseurs de prendre une position sur le niveau futur de l’écart de crédit entre deux titres de dette indépendamment du niveau absolu des taux d’intérêts. La valeur de ces produits dépend de l’évolution de la marge de crédit des titres mais n’est pas explicitement liée à la survenance de certains événements de crédits prédéterminés.

CC.. Les produits permettant la réplication synthétique5 de la performance d’un sous jacent. Ce type de produits dérivés, auparavant développé sur d’autres sous-jacents dont les actions, servent à répliquer synthétiquement la performance économique d’une exposition à un risque de crédit sans pour autant devoir acheter l’instrument de référence. En contrepartie, la partie cédant synthétiquement son exposition au risque de crédit se couvre contre le risque inhérent au sous-jacent.

Ce type d’instrument se définit comme un contrat bilatéral amenant l’acheteur de la protection à payer une commission périodique, exprimée en points de base du montant notionnel total de la transaction, et le vendeur de la protection à se tenir prêt à effectuer le paiement de la protection à la survenance de tout événement de crédit sur une ou plusieurs entités de référence.

• On parle de jambe fixe ou Fee Leg pour caractériser le paiement périodique que l’acheteur de la protection doit payer pendant la durée de vie du contrat. Négocié sur une base annuelle, le versement de cette prime est généralement trimestriel et son paiement ne peut dépasser la date d’exercice du contrat. Le montant de la prime dépend du notionnel et d’un taux prédéfini. La survenance du ou des événements de crédit met fin au versement de la prime.

• La jambe variable ou Prime Leg représente la perte des créditeurs sur l’actif de référence quand l’événement de crédit survient. Si le déclenchement du paiement de la compensation en cas de survenance de l’événement de crédit est automatique, on parle de default swap. Quand le paiement doit être déclenché par l’acheteur de la protection, on parle de credit default option. Les plus répandues sont les options de vente : credit default put option. On dit que cette jambe est variable car elle dépend du taux de recouvrement inconnu avant l’occurrence de l’événement de crédit qui n’est lui-même que probable.

Dans la typologie qui suit, les dérivés de crédit (hors CDO) seront distingués des Credit

Linked Notes car elles induisent un transfert de propriété et sont semblables à des obligations risquées. Les CDO seront traités dans une troisième partie. Quant aux indices de CDx6 développés ces dernières années, leur étude est intégrée dans la partie relative au marché des dérivés. Les acteurs de ce marché ont une inventivité très productive et la liste qui suit n’est

5 Synthétique car le transfert de risque se fait par le biais d’un produit dérivé. 6 CDx : dérivés de crédit dans leur ensemble, CDS, CDO, CLO, CLN….

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pas exhaustive tant il paraît ne pas exister de limites à la création de nouveaux produits dérivés de crédit à l’heure actuelle.

2.3.1 Les dérivés de crédit simples

• Les swaps sur défaillance ou credit default swaps (CDS), Les CDS sont des contrats par lesquels un établissement A s’engage à l’égard de son

cocontractant B à verser une prime régulière contre l’engagement pris par ce dernier de le dédommager de la perte subie sur l’actif de référence C en cas de survenance d’un événement de crédit.

Les CDS permettent aux investisseurs et aux banques de se prémunir contre le risque de défaut de paiement d'une entreprise, en échange du versement d'une prime assimilable à une prime d'assurance. La prime est généralement une prime annuelle qui s’exprime en point de base. Les CDS sont similaires à un contrat d'assurance sur la défaillance d'une entreprise. Les CDS auraient pu n’être que de nouveaux produits d’assurance proposés aux banques, les assurances proposent d’ailleurs des contrats sur le risque de crédit aux entreprises et aux banques. Cependant ceux-ci sont des actifs financiers dont la création avait pour but de faciliter les échanges alors que les contrats d’assurance ne sont pas échangeables, d'où la terminologie financière swap. Fortement liquides, les CDS permettent aux investisseurs d'être exposés sur le marché du crédit sans avoir à détenir la moindre créance et ne donnent lieu, pour le vendeur de protection, à aucun coût de financement (unfunded credit derivatives). Ils présentent donc un aspect purement synthétique.

Courant 2006, les Loan-only CDS ou LCDS sont apparus aux Etats-Unis et n’offrent que des prêts bancaires accordés à des entreprises comme sous-jacent.

B

C

A

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Exemple 1 : Fonctionnement d’un dérivé de crédit.

Le tableau ci-après présente les niveaux des primes et les notations accordées par S&P et Moody’s au 01 septembre 2002 pour quelques grandes entreprises.

Les CDS étant les outils les plus usités parmi les dérivés de crédit, les éléments clés de ces contrats et les standards de marché sont détaillés. La définition des événements de crédit et les différents types de règlements seront eux présentés en conclusion de la typologie des dérivés de crédits.

Les éléments clés d’un contrat de dérivés de crédit Lors de la conclusion d’un contrat, les parties doivent s’entendre sur les points

fondamentaux dont en particulier la définition du déclenchement de la protection. Bien que négociés de gré à gré, ces contrats se conforment généralement aux modèles et recommandations fournis par l’ISDA7. Sont ainsi obligatoirement précisés :

- L’entité de référence Le nom exact de l’entité sur laquelle on cherche à se couvrir ou à prendre un risque

- L’obligation Les dettes sur lesquelles on pourra observer un événement de crédit

- L’événement de crédit8

7 International Swaps and Derivatives Association, www.isda.org 8 Voir la section dédiée aux événements de crédit et leurs définitions

Un acheteur de protection A indique vouloir se couvrir pour une créance de 12 millions de dollars de dettes de General Motors (GM). Le vendeur B et l’acheteur A s’accordent sur le spread ou la prime qui définit le montant que le vendeur de protection recevra de la part de l’acheteur de protection. Cette prime est calculée en fonction du rating de GM. Ainsi plus la note (reflétant la prévision faite par les analystes sur l’avenir de GM) est bonne, plus le spread est réduit. Si GM est noté AAA par Standard & Poor’s (S&P), le spread devrait être très faible puisque la note reflète la très faible probabilité de défaut de GM. Considérons un spread de 50 pb et une maturité de 7ans, la prime annuelle est de 12 000 000 x 0,50 % = 60 000 dollars payable 7 fois par A à B. Si aucun événement de crédit ne survient, alors B recevra 420 000 dollars. Le niveau du spread étant fortement dépendant de la note attribuée à l’entité de référence, on comprend que l’essor des CDS se soit accompagné d’une montée en puissance des organismes de notation. Il sera intéressant de comprendre les interactions qui existent entre les deux développements.

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Les événements permettant de déclencher la protection sont au nombre de 6 : . o La faillite (Bankruptcy) On parle de faillite de l’entité de référence quand celle-ci ne peut plus faire face à ses obligations. La faillite doit être attestée par un document, une déclaration, une action juridique ou une décision administrative. o Le défaut de paiement (Failure to Pay) Il s’agit du non respect d’un contrat liant un débiteur à un créancier. Le débiteur ne règle pas une échéance de dette ou d’intérêts. o La déchéance ou accélération de l’obligation (Obligation Acceleration ou

Obligation Default) La survenance d’un événement (autre qu’un défaut de paiement) ayant provoqué l’exigibilité anticipée d’une ou plusieurs obligations de l’entité de référence pour un montant total supérieur ou égal au seuil de défaut. o La contestation / Moratoire (Repudiation / Moratorium) Non reconnaissance, contestation ou remise en cause de la validité d’une ou plusieurs obligations par l’entité de référence ou une autorité gouvernementale pour un montant total supérieur ou égal au seuil de défaut. o Restructuration (Restructuring) Toute modification du taux, des intérêts payables, du montant en principal dû à échéance. De même, tout report d’échéance, tout changement dans le rang de séniorité d’une obligation, tout changement de devise ou de composition des paiements sera considéré comme une restructuration.

- L’obligation livrable

Il s’agit de la nature du portefeuille de titre qui sera livré en cas de déclenchement d’un CDS avec règlement physique.

Les standards du marché pour les contrats de CDS Généralement, la maturité d’un CDS est de cinq ans et le montant notionnel du sous-

jacent varie entre dix et vingt millions de dollars pour un rating supérieur à BBB et entre deux et cinq millions pour un sous jacent ayant une note inférieure. Même si la documentation ISDA est à “choix multiple”, un standard de marché s’est développé :

- Les obligations sont généralement des emprunts - Les obligations livrables sont le plus souvent des obligations ou créances sur

prêts présentant les caractéristiques suivantes : o Pari Passu9 ou en monnaie du G710 o Le nom du porteur de l’obligation doit être connu o Reportabilité pour une maturité maximale de 30 ans o La transférabilité nécessite une Acceptation préalable.

- Les évènements de crédit couverts sont essentiellement des faillites, des défauts de paiement ou des restructuration de dette. A ce sujet, au sein même de l’ISDA, un débat a lieu en vue de ne retenir plus que deux événements de crédit : la faillite et le défaut de paiement. Dans ce sens, JP Morgan, acteur majeur sur le marché des dérivés de crédit, indiquait dès 2002 vouloir exclure la restructuration des événements de crédits de ses contrats.

9 Dans le cadre des conventions de crédit, les banques ont imposé le respect de certaines conditions. Le Pari Passu est une clause qui oblige l'entreprise à faire bénéficier le prêteur de toutes les garanties supplémentaires qu'elle sera amenée à donner lors de crédits futurs de même rangs. Cette clause assure un partage équitable des actifs d’une entité en faillite parmi les détenteurs d’une dette classée au même rang 10 Généralement, USD, Euro et GBP

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• Les options sur écart de crédit ou credit spread options Les CSO sont des contrats par lesquels un établissement A s’engage à l’égard de son

cocontractant B à verser une prime régulière contre l’engagement pris par ce dernier d’acquérir (credit spread call) ou de vendre (credit spread put), à un niveau déterminé (strike), un actif sous-jacent C dans le cadre de l’évolution du spread de crédit:

• Les options sur écart de notation Le fonctionnement est identique à celui des CSO mais dans ce type de contrat c’est le

changement de la notation par un organisme de notation, en général la dégradation, qui fait l’objet de couverture. La modification du rating de l’entité de référence C altère quasi mécaniquement le spread qui lui est attaché. Pour reprendre l’exemple 1, si GM passe d’une note S&P AAA à BB (forte dégradation du rating), l’option sur écart de notation est activée. Mais le CSO est aussi déclenché car le spread de crédit qui lui est attribué va s’élargir passant, par exemple, de 50 pb à 165 pb. Lorsque l’entité de référence est notée par une agence, ces options sont très proches d’un CSO. Toutefois, si l’entité de référence ne reçoit pas de note, il n’y a pas de lien entre le CSO à ce type d’option.

• Les options sur spreads de signature Celles-ci existent aussi sous des formes spécifiques, options plain vanilla et options

exotiques. La présentation qui suit se concentrera sur les options les plus couramment proposées sur le marché sans chercher à entrer dans le détail des es différentes stratégies qu’elles autorisent ni des dernières nouveautés apparues. .

- Les options plain vanilla Ces options correspondent au droit d’acheter (call) ou de vendre (put) un spread

de signature dans le futur à un prix d’exercice donné. C’est un pari fait dans le temps sur la qualité de signature d’un sous-jacent tout comme une option est un pari (ou l’élément d’une stratégie de couverture) sur l’évolution d’un titre.

- Les options exotiques Ces options se décomposent en options à barrière, options digitales, options

binaires et options lookback. Leur principale limite reste leur valorisation. AA.. L’existence des options à barrière est liée au franchissement d’un seuil qui

active ou désactive l’option. Par activer ou désactiver il faut comprendre créer ou supprimer. La barrière peut se trouver au-dessus ou au-dessous du prix d’exercice.

BB.. La particularité des options digitales est le paiement par l’acheteur de l’option d’une somme fixée à l’avance. Lorsque l’option expire dans la monnaie, la prime versée est indépendante de la valeur du sous-jacent par rapport à la marge d’exercice,. Les options digitales peuvent être appliquées soit aux spreads de crédit soit aux default swaps.

Pour entrer dans le détail des contrats, un exemple (en anglais) est inclus dans l’annexe au mémoire et l‘ISDA propose des modèles en ligne sur son site.

A B

C

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CC.. Le pay-off des options binaires se fait à un niveau fixé au préalable et indépendant de l’écart entre le niveau de spread de signature et le prix d’exercice. Si l’option se délie in-the-money, l’acheteur recevra le montant convenu à l’avance.

DD.. Les options lookback tiennent leur nom du fait que leur prix d’exercice n’est connu qu’à l’échéance. Le prix d’exercice dépend de l’évolution du spread de signature et consiste généralement en la différence entre la moyenne arithmétique du spread de crédit du sous-jacent sur la période de l’option et son niveau à l’échéance.

• Les contrats d’échange sur rendement total ou total return swaps Dans ces contrats, les deux contreparties s’échangent les flux représentant, pour

l’établissement A vendeur de risque, la rémunération de l’actif C (son coupon) majorée de sa possible appréciation, contre, pour l’investisseur acheteur de risque B, une prime périodique majorée de l’éventuelle dépréciation de l’actif C:

Ce titre permet de recevoir la performance économique d’un titre sans avoir à le détenir et il est qualifié de total car il concerne tous les flux liés à un actif et couvre intégralement le risque de perte en capital (risque de crédit mark-to-market).

• Les swaps sur première défaillance ou first-to-default (FTD) Les FTD instaurent qu’un établissement A s’engage à l’égard de son cocontractant B à

verser une prime régulière contre l’engagement pris par ce dernier, en cas de première survenance d’un événement de crédit sur l’un des actifs d’un panier de référence C, de le dédommager de la perte subie sur cet actif.

Un FTD peut se définir comme un CDS sur un panier de signatures. Il est également un instrument de bilan mais permet, à la différence du CDS, de gérer plusieurs risques de crédit simultanément. Ses flux sont liés à la survenance du premier événement de crédit sur une des signatures composant le panier.

• Caps et floors sur marge de crédit Le fonctionnement des caps et des floors sur marge de crédit est semblable à celui de

ces produits sur taux d’intérêts. L’achat d’un cap permet de fixer un spread de crédit plafond sur des emprunts futurs. Symétriquement, l’achat d’un floor bloque une marge de crédit

A B

C

A B

C

A

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plancher. Ces produits sont utilisés essentiellement pour les financements de projets de long terme.

Malgré son intérêt particulier, l’utilisation des caps et floors est limitée par plusieurs facteurs, dont notamment le niveau élevé du thêta dû à la pente très forte de la courbe de crédit forward, la détermination difficile des fixings en l’absence de marché centralisé et les difficultés à estimer une volatilité sur risque de crédit.

2.3.2 Les titres indexés sur risque de crédit ou credit linked notes (CLN) Ce type de titres est assimilable à des obligations risquées partiellement assurées contre

le risque de défaut dont le remboursement est conditionné à la non survenance d’un événement de crédit. L’établissement vendeur de protection s’engage, contre paiement d’un montant d’intérêts rémunérant le caractère composite du titre, à n’être remboursé, en cas d’événement de crédit sur l’actif sous-jacent du titre, qu’à la valeur de marché du titre après l’événement :

Le vendeur de protection étant contraint à l’achat d’un titre et donc d’une sortie de cash, on parle de funded credit derivatives à la différence des types de dérivés de crédit précédents.

2.3.3 Les Collateralized Debt Obligations La titrisation de crédits utilise de plus en plus des structures dites «synthétiques», c’est-

à-dire basées sur les dérivés de crédit. Cette combinaison permet de gérer des portefeuilles de crédit de taille significative et de faire mieux jouer les effets de diversification. En quelques années, ces produits sont devenus pour les banques un outil essentiel dans la gestion du risque de crédit.

• Le mécanisme d’un CDO Au confluent de la titrisation et des dérivés de crédit, les Collateralized Debt

Obligations recouvrent des montages répondant à différentes motivations des institutions financières, celles-ci pouvant chercher aussi bien à réduire leur coût de financement, à exploiter des opportunités d’arbitrage ou à se défaire de risques de crédit. Pour comprendre le mécanisme de la titrisation, il faut revenir sur les premières opérations de ce genre. C’est au début des années quatre-vingt que l'idée de diviser un portefeuille de crédits hypothécaires en plusieurs obligations destinées à être vendues à des fonds d'investissement a été pour la première fois mise en œuvre. Peu à peu, la titrisation s'est étendue aux encours de cartes de crédit, aux prêts automobile, aux crédits accordés aux entreprises, aux prêts octroyés à des fonds LBO et aux créances clients portées par des entreprises.

A B

C

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Pour se prémunir contre le risque de crédit mais aussi de remboursement anticipé dans le cadre de titre de créances hypothécaires MBS11, un nouveau type de valeur mobilière, le CMO, est apparu. Dans ce cas, le portefeuille de titres de créances hypothécaires est toujours scindé en plusieurs tranches, certaines étant liées au remboursement du principal, d'autres uniquement aux versements des intérêts, d'autres encore aux risques de défaut du portefeuille.

Dans la foulée, les premiers CDO, CBO et CLO apparaissent vers la fin des années

quatre-vingt et connaissent depuis une formidable expansion, devenant une véritable vache à lait pour les organismes financiers à partir de l'an 2000. Les opérations de titrisation cash où un véhicule ad hoc achète les actifs cédés par une banque grâce à une émission de titres et les rembourse grâce aux flux de principal et d’intérêts dégagés par lesdits actifs forment les CDO classiques. En revanche, les opérations de titrisation qui permettent à une banque de conserver juridiquement la propriété d’un portefeuille de créances tout en transférant le risque de crédit à un des tierces parties par le biais de dérivés de crédit sont qualifiées de CDO synthétique et permettent de ne pas céder un portefeuille de créances mais d’acheter une protection sur ce dernier. Le CDO, qu’il soit classique ou synthétique, permet de répartir le risque de défaut d'un portefeuille de créances obligataires en quatre tranches.

• La première, dite Equity représente généralement 3% de l'encours et supporte les premières pertes du portefeuille. Très risquée, elle n'est pas notée par les agences de notation ;

• La seconde tranche, Mezzanine, représente le plus souvent autour de 7% de l'encours et possède un rating BBB ;

• La tranche Senior (20%) affiche un rating AA ; • La tranche Super-Senior (70%) est notée AAA.

En théorie, plus le risque d'un portefeuille est élevé, plus le mécanisme du CDO est

attractif. Tel a notamment était le cas pour les crédits hypothécaires très risqués américains appelés subprime12 (les différents événements qui ont secoué l’histoire des produits dérivés de crédit sont présentés en annexe, dont l’actuelle crise des subprimes,).

• Les différents types de CDO Si le portefeuille de référence est défini à l’initiation de la transaction et n’est pas

modifié, on parlera de CDO statique. Dans le cas contraire, c'est-à-dire pour les CDO managés un gérant est désigné et peut effectuer un certain nombre de transactions sur le portefeuille de référence. Il retient en général une position sur une des tranches basses de titrisation et est rémunéré par une commission.

Les CDO sont qualifiés de CBO (Collateralized Bonds Obligations) lorsque le

portefeuille de créances est constitué d’obligations, de CLO (Collateralized Loans Obligations) lorsque celui-ci est constitué de prêts, de MBS (Mortgage Backed Security) ou de CMO13 (Collateralized Mortgage Obligations) pour les prêt immobiliers, ABS (Asset Backed Security) pour les crédits à la consommation ou automobiles. Outre les CDO classiques, les banques d'affaires ont imaginé le CDO Carré, c'est-à-dire un CDO constitué par l'investissement dans d'autres CDO, ainsi que le CDO Cube qui investit dans des CDO Carré. Il existe aussi des CDO synthétiques, dont certains associent le placement du capital 11 Mortgage Backed Securities 12 « L'immobilier américain et ses nouvelles courroies de transmission », 18 juin 2007, PAUL JORION, Les Echos ; PAUL JORION est auteur de « Vers la crise du capitalisme américain ? » (La Découverte, 2007) 13 Sur le marché des CMO, les principaux acteurs américains sont Fannie Mae (Federal National Mortgage Association), Ginnie Mae (Government National Mortgage Association) et Freddie Mac (Federal Home Loan Mortgage Corporate) qui forment les lots de qualité homogène offerts à la titrisation.

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au taux Libor et la vente de protections à des CDO sur plus de 100 entités de référence via des CDS. Enfin, en 2006 sont apparus les CPDO (Constant Proportion Debt Obligation) qui n'investissent que dans des indices14 de CDO. Ces instruments sont caractérisés par leur complexité croissante et par la difficulté d'en analyser la valeur qui en résulte

• L’usage des CDO

- Les CDO de gestion de Bilan Les CDO de gestion de bilan correspondent à la titrisation d’instruments logés à l’actif

du bilan du cédant initiateur de la transaction, tels que des prêts bancaires ou des obligations privées. Ils permettent un transfert de ces actifs et/ou du risque de crédit correspondant à une entité juridiquement distincte et répondent, ce faisant, à diverses préoccupations de gestion de la banque initiatrice: sortie d’actifs du bilan, libération de fonds propres, diversification et gestion du risque de crédit, réduction du coût de financement. Les CDO de gestion de bilan sont généralement de taille importante (dont l’ordre de grandeur est le milliard de Dollars), le portefeuille déconsolidé devant être suffisant pour avoir un impact significatif sur le RoE15 du cédant.

- Les CDO d’arbitrage

Les CDO d’arbitrage visent à bénéficier des écarts de rémunération entre les tranches titrisées et le portefeuille sous-jacent. La banque d'investissement ou la société de gestion d'actifs émettrice assemble le portefeuille sous-jacent via des achats d’actifs liquides (obligations d'entreprises) sur le marché.

Pour comprendre les mécanismes et les contrats de dérivés de crédit, il paraît

important de connaître les événements de crédit référencés par l’ISDA et les différents types de règlement disponibles

.

2.3.4 Les types de règlements Pour tous les produits dérivés de crédit, lors de la survenance d’un événement de crédit,

le dédommagement, par le vendeur de protection, de la perte subie par l’acheteur de protection peut être effectué selon trois modes :

• soit par un règlement physique ou physical settlement, qui consiste pour l’acheteur de protection à céder au vendeur de protection au pair la créance en défaut ;

• soit par un règlement en espèces ou cash settlement, qui consiste pour le vendeur de protection à verser à l’acheteur de protection la différence entre la valeur de marché de la créance en défaut et son montant au pair.

• Le fixed pay-out est de plus en plus rare et consiste en le paiement par le vendeur de la protection d’un pourcentage fixe de la valeur notionnelle du default swap. Ce pourcentage est négocié soit à la clôture du contrat soit selon une procédure fixée à l’avance.

14 Les indices de CDx (CDOs et CDS) sont étudiés plus tard 15 Return On Equity

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Le règlement physique est préféré par les participants dans la mesure où le vendeur de protection, qui reçoit les titres en échange de son paiement du pair, peut conserver les titres en tablant sur le rétablissement de l’entité de référence. D’après une étude faite en 2004 par British Bankers’ Associations, 86% des contrats sont finalisés en règlement physique. Ceci permet de ne pas figer les pertes au moment de la constatation de l’événement de crédit. Il est conseillé de se reporter à la partie Delphi pour connaître les enjeux autour du type de règlement.

Exemple 2 : Les différents types de règlement

Pour donner un exemple, si une banque A veut se défaire du risque lié à un encours de 10 millions d’euros sur Lufthansa en utilisant un CDS (voir le tableau des spreads au 01 septembre 2002), elle devra verser (10 000 000 x 140 pb =) 140 00 euros tous les ans au vendeur de protection B.

• En cas de règlement physique, B devra verser à A le notionnel du contrat soit 10 millions d’euros et recevra les titres de Lufthansa en échange.

• En cas de règlement en espèces, B verse à A le différentiel entre la valeur de marché après l’événement de crédit et le notionnel initial. En cas de défaut, si le taux de recouvrement est de 35%, B ne versera que les 6,5 millions non recouvrés.

ObligationObligationVendeur de protectionAcheteur de protection

Valeur nominale

Vendeur de protectionAcheteur de protection Valeur de MarchValeur de Marchéé

RRèèglement en espglement en espèècece

RRèèglement physiqueglement physique

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3 Utilisation et valorisation des dérivés de crédits Les produits dérivés de crédit sont utilisés par différents acteurs sur le marché. Il faut

distinguer les motivations des vendeurs de protection et celles de leurs acheteurs. Ses instruments facilitent la gestion du risque en le disséminant largement, limitant de fait sa concentration, mais aussi en réduisant le besoin en capital économique (pour les banques et les entreprises) ou réglementaire (pour les banques) et enfin en augmentant les revenus de l’ensemble des acteurs.

En 2002, une étude publiée par la Dresdner Kleinwort indiquait que l’arbitragisme et

la gestion du risque de portefeuille étaient les seules motivations qui soient partagées entre les acheteurs et les vendeurs de protection. Les acheteurs de protection cherchent aussi à libérer du capital économique et/ou règlementaire alors que les vendeurs de protection poursuivent le but d’améliorer leur revenu en recevant les primes et/ou de diversifier les risques qu’ils supportent.

Dans un premier temps, l’usage des dérivés de crédit sera présenté pour les investisseurs et les assurances. Le cas de l’utilisation des CDx dans le cadre des LBO sera étudié dans une partie spécifique. Ensuite c’est l’usage qu’en font les banques qui sera présenté, suivi de celui que peuvent en faire les entreprises.

3.1 Les applications des dérivés de crédit pour les investisseurs Les investisseurs utilisent les dérivés de crédit dans différentes stratégies que l’on peut

qualifier de généralistes. Cependant l’accroissement du nombre de Hedge Funds actifs sur ce marché induit la nécessité d’en présenter les spécificités. De même, la génération de Cat-bonds par les assureurs sera présentée dans le dernier volet de l’utilisation des dérivés de crédit par les investisseurs. Les assurances jouant ici un rôle identique à celui des investisseurs.

3.1.1 Les stratégies généralistes Les investisseurs que sont les asset managers et les Private Equity utilisent les dérivés

de crédit comme des outils leur permettant d’améliorer la rentabilité de leurs placements au travers de différentes stratégies :

• La diversification et la flexibilité de l’investissement permettent de construire des portefeuilles de titre de dettes de qualité adaptée au couple rentabilité/risque souhaité. Grâce aux dérivés de crédit, l’investisseur peut diversifier son portefeuille de crédit en modulant son risque de concentration et de corrélation. Pour cela, il suffit de construire une dette synthétique sur n’importe quel émetteur sous-jacent avec les caractéristiques requises en termes de devises, maturité et coupon. La diversification de la prise de risque est couplée à des coûts de transaction faibles. De plus, la vente à découvert peut se faire sans passer par le marché cash via l’achat d’un CDS ;

• La couverture de positions obligataires par les dérivés de crédit permet de ne pas subir les difficultés d’illiquidité liées au marché obligataire et où le prix des options tant à l’achat qu’à la vente affiche une forte volatilité ;

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• L’arbitrage entre les valeurs relatives de deux crédits consiste en la prise d’une position longue sur un crédit et une position courte sur un second ayant des maturités identiques en misant sur la convergence des spreads de crédit à moyen terme. Mais cela implique une maturité identique sur les deux crédits ce qui est fort rare alors que les dérivés offrent la flexibilité nécessaire à la construction d’une telle position ;

• L’augmentation des rendements est proposée sur le marché par le biais des callable asset swaps où la banque vend un asset swaps à un investisseur et lui achète une option d’achat européenne sur le package au pair. Grâce à la prime du call, l’investisseur augmente son rendement mais renonce à profiter du possible resserrement de la marge de crédit du sous-jacent ;

• L’arbitrage sur le taux de recouvrement est le pari qu’une fois l’événement de crédit survenu, le taux de recouvrement de la dette sera suffisant pour couvrir l’écart entre le spread senior et le spread subordonné, voire bénéficiaire.

Même si les fonds d’arbitrage16 peuvent avoir recours aux stratégies décrites ci-dessus,

leur mode de financement les expose de façon plus importante. Si une parenthèse sur le fonctionnement et les spécificités de ce type de fonds parait indispensable, c’est qu’ils sont actifs dans 60 % des transactions de CDS et prés de 33% sur de CDO au premier semestre 2007.

3.1.2 Le cas des Hedge Funds Un Hedge Fund peut être défini comme un fonds de placement collectif bénéficiant

d’un cadre juridique très souple, qui lui permet de mettre en œuvre des stratégies de gestion portant sur une grande diversité d’instruments financiers tels que les titres, futures, options, dérivés, obligations et devises. Les Hedge Funds font l’objet d’une attention grandissante en raison de leur croissance rapide et de leur poids significatif. Celui-ci se caractérise par l’importance de leur relation avec les banques en tant que clients et l’incidence de leurs activités de négociation sur les marchés financiers mondiaux. Le fait qu’ils ne soient pas régulés accroît le risque qu’ils font peser sur ces mêmes marchés.

Du fait de la non diversification des portefeuilles (choix d'une stratégie unique) et du

recours massif aux produits dérivés, les Hedge Funds échappent aux catégories traditionnelles de Mutual funds. Chacun se spécialise généralement dans une stratégie alternative précise, mais celle ci devient de plus en plus complexe pour améliorer les rendements, c'est pourquoi il en existe autant de sortes que de stratégies alternatives. Un Hedge Fund n’est pas forcément un fond risqué. Certains ont une stratégie spéculative alors que d’autres ne cherchent qu’à limiter les risques tout en assurant un retour sur investissement meilleur que la bourse pour attirer les investisseurs. Les Hedge Funds utilisent généralement un effet de levier afin de se financer. Cela signifie que pour un investissement de 1 million de dollars, le financement par la dette sera de 75% et les investisseurs n’auront à apporter que les 25% restant soit 250 000 dollars. Ce type de financement contraint les gestionnaires à dégager une rentabilité suffisamment élevée pour rembourser les créances et les intérêts.

Depuis quelques années, ces acteurs s’intéressent au marché des crédits et de leurs

dérivés en achetant en vendant de la protection voire en prenant des positions sur des structures telles que les CDO, ABS, MBS et RMBS. Les Hedge Funds se sont principalement développés aux Etats-Unis et dans les zones dites offshore. Autant les banques sont des structures suivies et qui ont un capital réglementaire important pour couvrir les risques de 16 Hedge Funds en Français.

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pertes, autant les fonds d’arbitrage ne sont pas soumis à de pareilles obligations par les autorités de tutelles. De fait, ils sont considérés comme relativement plus risqués.

Outre les fonds qui ont été liquidés en raison de leurs expositions aux crédits subprime américains, certains fonds ayant des positions peu risquées ont été malmenés par la crise. Le cas typique d’un fonds actif sur les dérivés de crédit en position short sur le court terme et long sur le long terme, s’appuie sur la courbe des taux en misant sur le fait que les taux à long terme seront supérieurs aux taux à court terme. Le Credit Crunch actuel entraîne les taux à court terme à la hausse rapidement et réduit le niveau de liquidité sur le marché du crédit. Dans certains cas, il y a un cisaillement car les taux à court terme peuvent devenir supérieurs aux taux à long terme. Subissant le recul de la liquidité sur le marché de la dette et dans l’impossibilité de déboucler sa position, le fond perd de la valeur. De par l’effet de levier, les pertes enregistrées peuvent empêcher le fonds de faire face à ces créances et donc affiche un déficit. La fermeture du fonds génère une perte de valeur pour les investisseurs. Ainsi, l’effet de levier permet d’engendrer des gains plus importants mais a contrario il détruit plus de valeur et plus rapidement dés qu’il enregistre des pertes. Cela s’appelle l’effet de massue.

3.1.3 Les émissions de Cat-bonds par les assureurs Le métier de l’assureur est de couvrir un ensemble de risques ordinaires et récurrents en

utilisant le principe de la loi des grands nombres pour calculer les primes et mutualiser les risques en espérant en tirer un bénéfice. Quand il y a des risques que les primes versées ne couvre pas l’ensemble des risques auxquels doit faire face l’assureur, il se protège en s’assurant chez un réassureur. Celui-ci couvre généralement des pertes exceptionnelles entre deux montants, le montant maximum des risques ordinaires de l’assureur et une limite maximale.

Apparus à la fin des années quatre vingt dix, les Cat-Bonds ou bonds catastrophes, sont

classés dans les dérivés de crédits. Comme précédemment indiqué, un dérivé de crédit peut être comparé à un contrat d’assurance où une protection contre un événement de crédit est fournie moyennant une prime. Le principe des catastrophes bonds est identique avec pour le sous-jacent l’occurrence d’une catastrophe naturelle. En effet dans un dérivé de crédit classique, le sous-jacent est une obligation ou une dette d’entreprise. Pour valoriser la prime que doit payer l’acheteur de protection, les ratings et probabilités de défaut sont utilisés.

Pour les Cat-bonds, il peut s’agir de tous type de catastrophes allant du typhon aux

inondations en passant par les séismes. Ex-ante, les phénomènes naturels et les dégâts qu’ils peuvent entraîner sont difficilement prévisibles plusieurs mois à l’avance. Cependant, leur principe est simple, ils se produisent et génèrent des dégâts pour un montant quantifiable ex-post. Le but recherché par l’assureur est de transférer le risque vers un tiers ou de diversifier ces risques. Dans le cas d’une compagnie d’assurance en Louisiane qui a de forts risques d’inondation liés au fait que la majeure partie de ses assurés se trouve à la Nouvelle-Orléans, elle peut émettre des Cat-bonds pour un notionnel supérieur à son risque normal moyennant le paiement d’une prime. Ainsi elle se couvre pour un montant supérieur à ce qu’elle aura à rembourser aux sinistrés. Dès lors que le transfert de risque vers un tiers ne s’accompagne pas d’une prise de risque supplémentaire, cette technique peut libérer des Fonds Propres. Il faut avoir à l’esprit que les assureurs seront bientôt soumis à des conditions de fonds propres plus strictes et plus suivies (voir la partie 3.2.4 relative à Solvency II) du type Bâle II.

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3.2 Les applications des dérivés de crédit pour les banques Historiquement, les banques sont les plus importants acheteurs de protection sur le

marché des dérivés de crédits bien que la tendance soit à l’égalisation entre vente et achat de protection à un niveau global. Le fait que les banques sont les acteurs majeurs du marché des dérivés de crédit s’explique par trois raisons principales, la première étant la possibilité de gérer de façon dynamique le risque de crédit systémique et spécifique d’une entreprise particulière individuel. La seconde est la possibilité pour les banques de gérer leur capital réglementaire donc de leur coût du capital. Enfin, les dérivés de crédit permettent à des banques n’accédant au refinancement qu’à un coût élevé de réduire le coût de leur position obligataire.

3.2.1 La diversification du risque de crédit. Les produits dérivés permettent aux banques de diversifier leur portefeuille sans altérer

la relation commerciale qui les lie aux entreprises emprunteuses. En général, les banques ont tendance à avoir une surconcentration d’encours sur les signatures de leur propre pays et les dérivés de crédit leur permettent, par exemple, d’échanger les flux d’un portefeuille de prêts locaux avec ceux de prêts étrangers pour les décorréler de l’exposition naturelle du risque de crédit de la zone d’influence de la banque. De même, une banque surpondérée en encours sur un secteur cherchera à en échanger les flux avec ceux d’entreprises d’autres secteurs aux évolutions indépendantes. Ainsi, les banques peuvent à l’aide des dérivés de crédit sortir du paradoxe de crédit et du risque de concentration qui consiste à être surexposé sur les secteurs où elles détiennent un avantage comparatif.

Avant l’apparition des dérivés de crédit, certaines banques ont du refuser l’octroi de

crédit à leur plus important client par peur d’être concentrée. Ceci a nuit à la relation commerciale, le client ayant finalement le sentiment que la confiance accordée se dégradait. Aujourd’hui, les banques peuvent échanger du risque et en diversifier le profil en s’exposant, grâce aux dérivés, à des entreprises, secteurs ou zones géographiques avec lesquels elles n’ont pas de relation de clientèle. Les principaux établissements de crédit considèrent aujourd’hui les dérivés de crédit comme un outil essentiel de leur gestion de portefeuille, notamment vis-à-vis de leur clientèle de grandes entreprises.

Les banques parlent de gestion de ligne de crédit quand elles se désengagent ou

réduisent leur risque sur un client, sur un secteur d'activité ou sur une zone géographique par le biais des produits dérivés de crédit.

3.2.2 La gestion de bilan et l’amélioration de la rentabilité L’utilisation de Credit Default Swap et des dérivés de crédit dans leur ensemble entraîne

la modification du niveau du risque de crédit (puisqu’il a été externalisé) et dés lors l’émetteur ne doit plus se couvrir que contre un niveau de risque réduit17. Ce système permet à la banque de justifier la réduction du capital réglementaire alloué à la couverture du risque. Une des principales motivations qui ont amené les banques à développer les dérivés de crédit puis à les utiliser de façon grandissante reste que les banques peuvent réduire le niveau de capital règlementaire. 17 Sauf s’il y a une corrélation parfaite entre les probabilités de défaut du vendeur de protection et l’actif de référence ce qui est le cas lorsqu’une entreprise vend de la protection sur elle-même.

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Exemple 3 : Titrisation et gestion de bilan

Traditionnellement acheteuses de protection, les banques deviennent de plus en plus vendeuses de protection. Lorsque les banques sont de qualités financières différentes, elles se refinanceront à des taux différents sans pouvoir offrir des prêts à des taux trop éloignés, sinon la mauvaise banque ne pourra pas être compétitive sur le marché des offres de crédit face à celle de bonne qualité. Les banques ayant les moins bons taux de refinancement auront donc intérêt à vendre de la protection sur des prêts à taux faible plutôt que d’en offrir avec une faible rentabilité. Voici une illustration du mécanisme conduisant à un arbitrage sur le Return on Equity18 (RoE).

Exemple 4 : Amélioration des Return on Equity par l’utilisation de CDS.

Cependant, on peut reprocher au RoE d’être une mesure imparfaite de la rentabilité car il n’intègre pas le risque. Le RAROC (Risk Adjusted Return On Capital ; Retour Ajusté du Risque Sur Capital) permet, lui, d’intégrer la mesure du risque à la rentabilité mais sa mise en œuvre est très lourde ce qui laisse un grand nombre de financiers et d’investisseurs lui préférait le RoE.

18 Rentabilité des fonds propres, ce ratio est le résultat de la division du résultat annuel par les fonds propres affectés à l’entreprise ou au projet. Les banques le calculent avec pour dénominateur les fonds propres prudentiels affectés à l’opération.

En octobre 1996, Natwest a fait une transaction de 5 milliards de dollars de titrisation de créances bancaires. Plus de 200 créances bancaires ont été sélectionnées. Cela représente 30% en volume de ses engagements sur des grandes entreprises européennes et américaines. La titrisation de ces créances a permis à Natwest de libérer un montant de capital réglementaire égal à 400 millions de dollars (5 milliards*100%*8%) réallouables à des projets rentables. Auparavant bloqués à couvrir le risque, ces 400 millions ont permis de dégager un surplus de rentabilité pour Natwest.

Banque A Banque B Banque A Banque B

Taux RefinancementLibor + 10bps Libor - 10bps Libor + 10bps Libor - 10bps

Taux du Prê t AccordéLibor + 25bps Libor + 25bps Libor + 25bps

Gain+15bps + 35bps + 25bps +10bps

Couverture Prudentielle800 bps 800 bps 800 bps 200 bps *

RoE 1,8 8% 4,38% 3,13% 5,00%

* couverture à 200 bps suivant le modèle interne de la banque B

C DS"A" vendeuse de

protection à 25pbs annuel à "B"

On voit que le RoE de chacune des 2 banques est amélioré par le mécanisme des CDS. La banque A ne pouvant pas générer de gain important du fait de son taux élevé de refinancement préférera offrir de la protection car il n’y a pas de décaissement (sauf en cas d’événement de crédit). La Banque B sera aidée par la banque A qui, prenant à sa charge le risque de crédit, allège le besoin de fonds propres prudentiels et donc améliore son RoE.

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Les investisseurs et les banques profitent des Dérivés de crédit pour participer de plus en plus aux montages de Leveraged Buy-Out ou LBO. Les CDS sont devenus les éléments de base d'instruments financiers toujours plus sophistiqués, et sans eux, les montages de LBO n'auraient sans doute pas pris une telle ampleur car ils permettent aux banques de tirer profit de la dette qu’elles octroient sans en assumer le risque. En effet, le montage en LBO lors de l’acquisition s’appuie sur un fort levier de dette. La dette est souvent considérée comme très risquée et les dérivés de crédit permettent de transférer le risque du prêteur au vendeur de protection puisque le prêteur sera remboursé au pair par le vendeur de protection en cas de défaillance. Les banques ont en outre un avantage supplémentaire puisque le prêt risqué n’aura pas à être couvert par du capital règlementaire. Une étude plus approfondie est proposée plus bas dans ce mémoire.

3.2.3 Réduction du coût de financement des positions Les dérivés de crédit permettent, via les CDS ou les Total Return Swaps, aux entreprises

et aux banques dont le rating est bas, donc avec un coût de refinancement élevé, d’améliorer le rendement de leurs placements mais aussi de réduire le coût de leurs positions obligataires. Les flux des dérivés de crédit peuvent être utilisés afin de reproduire les flux d’obligation. La marge nette issue du portage de ces positions est instantanée. Dans le cas d’un total return swap, si le spread de financement d’obligation est supérieur au spread du total return swap, la cession des obligations, le placement au taux sans risque et l’entrée dans un total return swap où elle reçoit les coupons et les variations de mark-to-market des obligations lui permet de ne pas perdre le revenu tout en réduisant le coût de financement.

3.3 Les applications de dérivés de crédit pour les entreprises Il convient de rappeler que les entreprises ont elles aussi à gérer le risque de crédit au

travers du délai de paiement qu’elles accordent à leurs clients. Les créances clients qui apparaissent au bilan des entreprises sont conséquentes. Pour se prémunir contre ce risque, il existe l’affacturage et les assurances contre le non-paiement des créances mais ces deux solutions sont onéreuses. Dans le meilleur des cas, le factoring se négocie entre 3 et 7% des encours cédés et les primes d’assurances se situent autour de 6%. Cette externalisation se fait sachant que les créances les plus risquées peuvent être rejetées par le factor et l’assureur ou que ces derniers peuvent instaurer des clauses où ils peuvent se retourner contre l’entreprise. Les entreprises restent rares et peu actives sur le marché des dérivés de crédit. Ceci, malgré l’intérêt que leur portent les banques d’investissement souhaitant les y faire entrer. Pour ces dernières, les entreprises sont un relais de croissance dés lors que le marché se tend et se complexifie. Pour les entreprises, trois grandes stratégies sont envisageables à savoir la couverture du risque de crédit, les stratégies de financement et celles d’investissement. Hormis dans le cadre de la stratégie d’investissement où les CLN ont leur faveur, les entreprises ne portent leur intérêt quasiment que sur les CDS. La titrisation ne sera pas ici traitée car l’application qu’en font les banques est identique à celle des entreprises, à ceci près que les entreprises ne peuvent titriser que des créances clients dans le but d’alléger leur BFR.

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3.3.1 La gestion du risque de crédit Certaines grandes entreprises ont recours aux CDS dans le but de couvrir leurs risques

de crédit. Par exemple, Boeing et Airbus doivent se couvrir contre le risque de défaillance des compagnies aériennes. Ainsi, toutes les créances sur les clients importants à l’actif d’une entreprise peuvent avoir vocation à servir de sous-jacent à des CDS. De même, les grands équipementiers sont parfois amener à pré financer les achats de leur client. Pour chaque entreprise, le portefeuille est concentré avec une contrepartie souvent de qualité moyenne et elle ne couvrira pas ce risque par des fonds propres. La couverture par des fonds propres lui serait très onéreuse. Quant aux acteurs du BTP et aux entreprises se lançant dans un projet industriel à l’étranger ou des opérations d’export (par exemple, Aréva pour la construction d’une centrale nucléaire en Chine), le montant non couvert par les agences nationales d’export (la COFACE pour la France) peut être couvert au moyen d’un CDS sur la dette obligataire souveraine du pays en question. Cependant cette couverture peut s’avérer plus chère car l’actif étant très spécifique, le CDS sera peu liquide.

Enfin les entreprises peuvent utiliser les CDS pour couvrir les expositions sur les

produits dérivés de taux de change ou de matières premières. Dans la mesure où elles n’ont pas de contrat de compensation ou de collatéralisation avec leur contrepartie bancaire, elles sont exposées en fonction de l’évolution mark-to-market de leurs positions. On peut aussi noter que dans le cadre de Joint Venture ou de SPV, les concessionnaires peuvent être exposés au risque de défaillance de leur partenaire.

Une opération de CDS se conclut généralement pour un montant minimal de 5 millions

d’euros et les montants notionnels usuels sur le marché des dérivés de crédit peuvent amener les entreprises à ne pas l’intégrer car elles ne disposent pas forcément de créances d’au moins un million. Par ailleurs, la maturité des produits dépasse souvent la durée des expositions. De plus en plus d’entreprises européennes rejoignent les quelques américaines qui ont développés des services dédiés à la gestion de leur risque de crédit. Cependant, les services des grands groupes qui viennent sur le marché du crédit offrent des contrats qui s’écartent du standard ISDA.

Exemple 5 : Gestion des risques liés à un investissement à l’étranger par les dérivés de crédit.

Reprenons l’exemple d’Aréva qui pour se couvrir désire acquérir une obligation à dix ans émise par le gouvernement de la Chine et libellée en euros. Si ce titre n’existe pas sur le marché, elle peut toujours acheter une obligation à dix ans de l’État espagnol libellée en euros et vendre simultanément une protection de dix ans contre la défaillance du gouvernement chinois. Elle recevra les intérêts produits régulièrement par l’obligation espagnole plus une commission périodique pour la protection qu’elle a vendue. En échange de cette commission, elle assume un risque de perte en cas de défaut de paiement de la Chine (car elle serait alors dans l’obligation de verser une somme à la contrepartie de l’opération sur dérivé de crédit). Le profil risque/rendement net des deux opérations est très similaire au profil d’une obligation de la Chine à dix ans libellée en euros (le propriétaire de l’obligation chinoise toucherait une légère prime par rapport au rendement de l’obligation espagnole, mais subirait une perte en cas de défaut de paiement de la Chine)

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3.3.2 Les stratégies de financement Les entreprises peuvent utiliser les CDS afin de fixer par anticipation la marge de crédit

à laquelle elles pourront émettre leurs futures obligations. Elles peuvent pour se faire acheter un CDS sur leur propre risque sur le terme de l’émission, qui leur permet la couverture en mark-to-market en cas de décalage des spreads. Sinon elles peuvent aussi contracter un put sur le spread d’émission futur avec la banque qui souscrira à l’émission. Ceci dit les banques offrant cette possibilité sont rares et cela peut revenir cher en fonction de l’évolution des spreads. Par ailleurs, les entreprises peuvent vendre des spreads calls aux banques acheteuse d’obligations. En dernier lieu, l’émission de notes structurées contenant des dérivés de crédit peut reproduire exactement les profils de flux demandés par les investisseurs et conduire à une baisse du spread.

En 2006, 11% des groupes multinationaux ayant répondu à l’étude annuelle de

Fitchrating19 indiquent posséder des CDS sur elles-mêmes sans pour autant qu’il soit fait mention du montant de protection qu’elles ont vendus, ni l’objectif recherché.

3.3.3 Les stratégies d’investissement. Une troisième possibilité d’utilisation des dérivés de crédits pour les entreprises est de

s’en servir à des fins de placement de trésorerie. Profitant du flou juridique et règlementaire, une entreprise peut prendre une position longue sur son propre risque de crédit. Dans le cas d’une trésorerie excédentaire, l’entreprise peut investir dans une CLN sur mesure référençant son risque de crédit. Le fait de préférer une CLN prévient la banque acheteuse de protection contre le risque de contrepartie. En théorie cela permet de placer sa trésorerie à un taux plus intéressant que Euribor – X pb auprès de sa banque sans accroître la prise de risque car l’entreprise reste créancière auprès de la banque tout comme dans un dépôt normal. Cela permet, in fine, à l’entreprise de générer un placement synthétique de retrait anticipé de dette sur le marché.

Malheureusement, les cas ENRON et Parmalat ont rendu les acteurs et les agences de

notation craintifs à l’égard de ce genre de pratiques. Parmalat avait investi dans des CLN à hauteur de 290 millions d’euros sur son propre nom mais dés lors qu’elle a du rembourser ses emprunts et s’est retrouvée à court de liquidités, les créances n’ont pu être remboursée ni la protection payée.

Une dernière stratégie consiste en l’offre de protection sur le défaut de ses concurrents.

Si le concurrent fait défaut, les gains de part de marché permettront d’essuyer le paiement au pair du sous-jacent mais si le concurrent ne fait pas défaut, l’entreprise se contente d’améliorer son bénéfice en recevant la prime de protection. Mais rares sont les entreprises adeptes de ce genre de pari.

3.4 Dérivés de crédit, investisseurs et LBO De plus en plus fréquemment, les mécanismes de transfert de risque servent de support

aux montages de LBO (acquisition d’entreprises avec effet de levier) mis en place, notamment, par des firmes de capital-investissement, Hedge Funds ou Private Equity. Ces

19 Voir le site http://www.fitchratings.com

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opérations sont construites sur l’architecture suivante. Le montage financier d’un LBO comporte une part de fonds propres, typiquement de l’ordre de 30 % du montant de l’acquisition, apportée par des fonds de LBO, et une part de l’ordre de 70 % de dette, fournie par des banques et de façon croissante par des créanciers non bancaires tels que les fonds d’arbitrages, des véhicules de titrisation ou des fonds spécialisés en financement mezzanine. Une fois la syndication réalisée, les banques participantes tendent à céder la majeure partie de leurs créances de LBO à d’autres intervenants de marché, dont les fonds d’arbitrages le plus souvent par l’intermédiaire de CLO voire des CDS de prêts à haut rendement. Ces derniers rachètent les prêts à haut rendement accordés par les banques et les refinancent en émettant des tranches obligataires.

Portés par des conditions économiques et financières favorables, ces mécanismes de transfert n’ont pas été pleinement testés en cas de choc de grande ampleur, par exemple un ralentissement marqué de la croissance suivi d’une montée rapide des taux de défaut. La question de leur solidité, dans une telle hypothèse, se pose donc et mérite d’être discutée. S’ils contribuent à l’efficience et à la résilience du système financier, ils peuvent générer des risques encore mal connus et mal maîtrisés au plan de la stabilité financière. La crise actuelle des subprime semble être le choc qui va permettre de tester la solidité du marché des dérivés de crédit tant la tournure actuelle des choses semble indiquer que ce marché a perdu la confiance des acteurs.

Les fonds d’arbitrages jouent un rôle croissant d’acheteurs de risque sur les marchés de

crédit. Leur part dans les échanges sur dérivés atteindrait 25 % selon Fitch Ratings (et 60% sur le marché américain). Les fonds d’arbitrages interviennent notamment sur les segments les plus risqués et achètent souvent des tranches Equity de CDO, qui étaient auparavant conservées par les banques. Ils sont particulièrement actifs dans les montages de LBO. Dresdner Kleinwort estime que l’activité des fonds d’arbitrages sur le marché européen des leveraged loans a plus que doublé en 2006. Les fonds d’arbitrages participent aux opérations de LBO, soit comme actionnaires des fonds de Private Equity, soit comme créanciers directs via d’autres supports à rémunération élevée : obligations à haut rendement (où ils représentent près de 30 % des investisseurs), prêts mezzanine, second lien, payment in-kind (PIK).

La motivation des banques à participer au marché très rentable des LBO est variée.

Certaines cherchent à se couvrir contre un éventuel retournement du cycle de crédit, en profitant du faible niveau actuel des spreads. D’autres ont indiqué titriser 20 à 30 % des encours détenus sur des grandes entreprises ou fonds d’investissement et, au final, conserver la majeure partie du risque sous la forme d’Equity, tranche de premières pertes. Selon l’agence de notation Standard & Poor’s, les banques européennes cèdent aujourd’hui environ 50 % des prêts qu’elles accordent au titre des LBO à des institutions non bancaires sur le premier semestre 2007.

Un danger qui guette la croissance du nombre de LBO et de leur volume, en outre la

crise des subprime réside dans la nouvelle tendance des dettes dites cov-lite. Selon Thomson Financial, depuis le début de l'année, 50 % des montages de dette se font avec des covenant lite ou procédures de garantie à minima. L'an dernier, seul 15 % des opérations en étaient porteuses. Standard and Poor's souligne combien le marché de la dette est devenu très, voire trop favorable aux emprunteurs. À l'inverse, l’agence estime que les prêteurs, notamment les CLO qui absorbent une part de plus en plus importante de la dette LBO, se trouvent en position de risque accru. Et elle vient de modifier ses critères de notation à leur égard. En situation de forte concurrence, les CLO évoluent dans un marché du à prendre ou à laisser qui peut les conduire à être moins rigoureux dans leurs prises de décision. S&P suggère aux

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gestionnaires de revenir à des covenants traditionnels et révèlent désormais dans ses synthèses l’exposition en cov-lite des fond notés.

3.5 Valorisation des dérivés de crédit.

En 2006, Fitch indiquait déjà que les valorisations des dérivés de crédit sont basées sur des modèles qui ne reflètent pas la réalité des prix du marché, les opérateurs pouvant ainsi sur ou sous évaluer leurs gains ou pertes. Peu de banques sont émettrices de dérivés de crédit, elles donc ont un pouvoir de marché conséquent. De plus, les remous actuels traduisent le fait que les modèles utilisés pour valoriser les dérivés de crédits ne sont pas infaillibles. Cependant, il est nécessaire de connaître les méthodes utilisées. De nombreuses références permettront au lecteur de s’approprier intégralement les notions de bases et les modèles présentés.

3.5.1 Une approche simpliste du CDS (Modèle de Duffie, Hull-White)

Avant de regarder les modèles qui demandent de grandes connaissances mathématiques, il paraît utile de prendre exemple simple de décomposition pour valoriser un CDS. Pour cela nous allons utiliser un arbre de probabilité qui va nous permettre de comprendre les composantes du prix de ce produit.

En revenant à notre exemple de départ et en considérant que s’il y a un défaut il ne peut

se produire qu’après le paiement d’une prime, cela nous permet de construire notre arbre binaire. Pour notre exemple, nous nous situerons sur une échelle de 1 an avec un versement trimestriel de la prime. Soit pi la probabilité qu’il n’y est pas de défaut à l’instant i. Soit N le nominal de notre CDS. Soit c la prime de notre CDS. Soit di les discounts factors du taux sans risque. Soit R le taux de recouvrement de notre entreprise T, c’est le montant qui sera redistribué une fois que l’entreprise aura été revendue par rapport au montant notionnel initial. Pour cet exemple, il faut se placer sous les hypothèses suivantes :

- Un marché risque neutre, - Un marché efficient, - Les coûts pour sortir du swap sont nuls.

Le modèle de Duffie est basé sur le principe que le défaut survenant juste après chaque

versement de coupon, il y a une probabilité pi de non défaut et 1-pi de défaut. Cela peut être représenté par le schéma suivant :

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Cela donne le résultat suivant qui se présente sous forme de tableau : Période Valeur actuelle de la

prime Valeur actuelle du défaut de paiement

Probabilité

Défaut en période 1 0 N(1-R) * d1 1-P1 Défaut en période 2 -Nc / 4 * d1 N(1-R) * d2 P1 * (1-P2) Défaut en période 3 -Nc/4 * (d1+d2) N(1-R) * d3 P1 * P2 * (1-P3) Défaut en période 4 -Nc/4 * (d1+d2+d3) N(1-R) * d4 P1 * P2 * P3 * (1-P4) Pas de défaut -Nc/4 * (d1+d2+d3+d4) P1 * P2 * P3 * P4 Pour calculer le prix du CDS, il faut additionner l’espérance de gains soit : PV = (1-P1) * N(1-R) * d1 + P1 * (1-P2) [N(1-R) * d2 -Nc / 4 * d1] + P1 * P2 * (1-P3) [N(1-R) * d3-Nc/4 * (d1+d2)] + P1 * P2 * P3 * (1-P4) [N(1-R) * d4-Nc/4 * (d1+d2+d3)] + P1 * P2 * P3 * P4 [-Nc/4 * (d1+d2+d3+d4)]

PV représente la valeur actuelle du CDS. Il faut prendre en compte le fait que la probabilité de défaut varie avec le temps en suivant une loi exponentielle de dégradation en fonction de la courbe de spreads de crédit (p= exp(-s(t)? t) où s(t) est la fonction de la courbe zéro coupon du spread de crédit).

Ce modèle simplificateur a l’avantage de présenter le fonctionnement du credit default swap et d’en formuler le calcul de valeur actuelle. Cependant, il ne permet pas de calculer la valeur du spread de CDS. Pour cela, il faut utiliser des modèles plus complexes qui seront présentés plus bas. Ainsi, le modèle de la firme de Merton est utilisé pour valoriser l’option sur le risque de défaut.

P1 P2 P4 P3

1-P1 1-P2 1-P3 1-P4

= Nc / 4 = N (1 – R)

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3.5.2 La valorisation par modèle structurel Le modèle structurel est aussi appelé modèle de Black-Scholes-Merton ou modèle de la

firme. Il a été utilisé par Robert Merton en 1973 et s’appuie sur le modèle de Black and Scholes pour valoriser une option sur le risque de défaut lié à une obligation d’entreprise. Ce modèle s’articule sur le concept que le risque de défaut correspond à une option d’achat (Call) sur la dette de l’entreprise. Cette option a pour date de maturité la date de remboursement de la dette et comme prix d’exercice (Strike) le montant de la dette. Le modèle suit les hypothèses suivantes :

1. Absence de coût de transaction, de taxes ou de problèmes liés à l’indivisibilité des actifs ;

2. Existence d’un nombre suffisant d’investisseur avec le même niveau de richesse tel que chaque investisseur peut acheter ou vendre autant d’actifs qu’il le souhaite au prix du marché ;

3. Existence d’un marché où il est possible d’emprunter et de prêter au même taux d’intérêt ;

4. possibilité de vente à découvert de tout actif, avec la complète utilisation des gains ;

5. Les actifs peuvent être échangés continuellement dans le temps. 6. Le théorème de Modigliani Miller précisant que la structure capitalistique de

l’entreprise est invariable, est vérifié. 7. La structure à terme est plate et connue avec certitude. (le prix d’une obligation

sans risque qui promet un paiement de 1 USD à l’instant t dans le futur est P(t) = exp (-rt) où r est le taux d’intérêt instantané sans risque, le même pour toutes les périodes.

8. La dynamique de la valeur de la firme, V, suit un processus de diffusion de type stochastique avec des équations différentielles stochastiques (EDS) dans le temps :

dV = (aV-C) dt + sVdz Où • a est le taux instantané espéré de retour sur la firme par unité de temps (Return On Equity) soit le montant total des échanges financiers de la firme vers les actionnaires et les investisseurs. Si le montant est négatif, c’est l’ensemble des sommes reçues par l’entreprise pour de nouveaux financements.

• s ² est la variance instantanée de retour sur la firme par unité de temps (variance du ROE).

• dz est un processus stochastique standard de Gauss-Wiener.

Il faut noter que la plupart des hypothèses émises ne sont pas nécessaires. En particulier, celles concernant le marché parfait (1 à 4) peuvent être allégées. La 7 est choisie pour distinguer l’effet du risque de structure par rapport au risque de taux sur le prix. La 5 et la 8 sont les hypothèses critiques, en effet, l’hypothèse 5 requiert que le marché soit ouvert pour ce type d’échange la plus part du temps. Quant à l’hypothèse 8, elle nécessite que les mouvements de prix soient continus et que le retour non anticipé sur les titres soit une série strictement indépendante. Ceci est conforme avec les hypothèses d’efficience des marchés.

Pour une démonstration complète du modèle de Merton et une étude approfondie, le lecteur pourra s’intéresser à l’article « On the pricing of corporate debt : the risk structure of interest rates » publié en 1973 par de Robert C. Merton. Pour comprendre le modèle structurel, il faut prendre en compte les éléments suivants :

§ V représente la valeur des actifs § N représente le nominal de la dette de la société

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§ La valeur des actifs est considérée comme inférieure à la valeur du nominal de la dette

En partant du principe que la valeur V des actifs suit une loi log-normal, on voit que :

Vt = Vs * exp[(?-(s ²/2))(t-s)+s (wt-ws)] Où ? et s sont deux paramètres. Il faut montrer que la dette et les actions sont des produits dérivés dont le sous-jacent est la valeur de l’actif. Suivant les cas, la valeur des actions et de la dette en t est :

§ L’actionnaire rembourse la dette N en récupérant la différence entre la valeur de l’actif et la dette (Vt–N) alors que les créanciers sont remboursés de l’intégralité de la dette N si la valeur de l’actif est supérieure à la valeur de la dette. Le taux de recouvrement est de 100%.

§ A contrario, si la valeur de l’actif est inférieure ou égale à la valeur de la dette, l’actionnaire ne récupère rien et les créanciers reçoivent la valeur de l’actif V t. Ainsi le taux de recouvrement est R = Vt / N, où R<100%

En s’appuyant sur ces résultats, la valorisation d’un CDS peut se faire de la façon

suivante, en utilisant les valeurs suivantes : § Soit Et la valeur des fonds propres en t ; § Soit Bt la valeur de la dette en t.

Ainsi, Et et Bt peuvent être exprimés en fonctions des résultats précédents :

§ ET = Max {Vt-N ; 0} = (Vt–N)+ § BT = Min {Vt ; N} = N – (N–Vt)+

Il apparaît que la valeur des fonds propres peut être approchée par celle d’un call européen et celle de la dette par la valeur de la dette moins un put européen. Pour déterminer la valeur des fonds propres et de la dette, il faut utiliser la formule de Black and Scholes de valorisation d’une option d’achat. Pour les fonds propres : Et = ?t [e-r(T-t) (VT – N )+] où ?t représente l’espérance risque neutre. Et = Vt ? (d1) – e-r(T-t) N? (d2) Avec ? (u) = (1/v2? ) ? e-(z²/2)dz (intégrant entre -8 et u) d1 = (ln (Vt / N) + (r + s²/2) (T-t)) / (sv (T – t)) d2 = d1 - sv (T – t) (T – t) est la distance à la maturité. Pour la dette, nous avons : Bt = ?t [e-r(T-t) (N - (N - VT)+)] où ?t représente l’espérance risque neutre. Bt = N e-r(T-t) –( e-r(T-t) N ? (-d2) – Vt ? (-d1)) Avec e-r(T-t) N ? (-d2) – Vt ? (-d1) est égal à la valeur du put européen.

Une des faiblesses de ce modèle est la difficulté de calibration car il n’existe que très rarement des données de marché sur des actifs d’entreprise qui sont très peu échangés. Il est donc très difficile d’en connaître le prix et d’en observer la volatilité. Par ailleurs, il faut intégrer à ce raisonnement la quasi-impossibilité de valoriser une dette sur le marché. De plus, il est considéré que les caractéristiques de la dette sont définies au départ et invariantes or la dette est au moins aussi instable que l’actif du bilan. Pour contourner ces difficultés, il est

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possible d’approcher les valeurs recherchées par la valeur des actions qui s’échangent sur le marché. Mais comme cette valeur ne représente pas la valeur réelle des actifs, le résultat est biaisé. En annexe, trois méthodes de valorisation issue de l’ouvrage d’Y. BRAOUEZEC, Dérivés de crédit vanille et exotiques, seront présentées. Enfin, les processus de Wishart20 ont permis de développer une approche plus fine mais pour le moment purement théorique.

3.5.3 La valorisation par le modèle à intensité ou en forme réduite.

Au lieu de se baser sur la structure de l’entreprise, le modèle à intensité ne s’intéresse qu’aux conditions de marché. Le modèle à intensité constante suit une loi de Poisson où la date de défaut est liée au premier saut. On parle de modèle à intensité constante car l’intensité ? du processus de Poisson est constante. Le modèle en forme réduite prend pour hypothèses un marché sans arbitrage avec une dette qui ne paie pas de coupon qui peut être représenté comme suit :

Bt / N = e-r(T-t) ?t (It>T + R It=T) Où ?t représente l’espérance risque neutre et I une fonction indicatrice de survie Ce qui donne :

Bt / N = e-r(T-t) (1 – R e –?(T-t) + R) Ceci est la forme basique du modèle à intensité utilisant le processus de poisson contant. Pour évaluer le modèle à intensité, il faut définir les variables suivantes :

- Un sous-jacent, c'est-à-dire un émetteur de dette ; - N, le notionnel du CDS ; - T, la maturité du CDS ; - Sc, le spread du contrat de CDS ; - t0 = 0 < t1 < t2 < … < tn = T, les dates de paiements du spread ; - ? t : La périodicité des paiements du spread, généralement trimestrielle ; - VANJF = Valeur actuelle nette de la jambe fixe (FeeLeg) ; - VANJV = Valeur actuelle nette de la jambe variable (PrimeLeg).

En utilisant les résultats précédents, la Valeur Actuelle Nette du CDS peut se calculer suivant le niveau de l’écart de marge contractuel de la façon: - VANJF(SC) + VANJV Achat de protection VANCDS(SC) = + VANJF(SC) - VANJV Vente de protection En considérant qu’il n’y a pas de défaut lors de la date d’entrée dans le contrat, il est possible d’évaluer la jambe fixe à une date donnée tj à partir de t = 0 où deux possibilités existent:

- Soit il y a eu défaut en tj et t = tj donc la prime n’est pas payée. - Soit il n’y a pas de défaut en tj et t > tj ainsi la prime N Sc ? t est payée.

De ces deux cas, une valeur à la date t peu être déduite par la formule :

E [e-r * tj (N Sc ?t)(It>tj )]

20 in « Empirical Investigation of an Intensity-Based Model for Pricing CDO Tranches», Peter Feldhütter of the Copenhagen Business School, http://www.defaultrisk.com/pp_cdo_24.htm

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En simplifiant cette formule devient :

E [It>tj ] = e-?tj Donc, à la date tj la valeur de la prime est égale à :

e –(r+?) tj (N Sc ?t) Cette équation traduit le fait que le taux d’actualisation est devenu le taux ajusté du risque incluant ?. VANJF(SC) = E [ S e-r * tj+1 (N Sc ?t)(It>tj+1 )] avec S somme de j = 0 à n-1 VANJF(SC) = N Sc (S e–(r+?)* tj+1 ? t) Si ? t tend vers 0 alors : VANJF(SC) = E [ ? e-r * tj+1 (N Sc ?t)(It>tj+1 )] Intégrale bornée entre 0 et T VANJF(SC) = N Sc ? e–(r+?)t dt Intégrale bornée entre 0 et T Après avoir évalué la jambe fixe, il est nécessaire d’évaluer la jambe variable de la protection du CDS. Il faut auparavant étudier les deux possibilités : - Soit le défaut est constaté à t = T et le vendeur de protection devra payer N(1-R) à l’acheteur de protection. - Soit il n’y a pas de défaut et donc pas de paiement. A partir de ces principes, il est possible d’écrire que la valeur actuelle de la jambe variable est :

VANJV = E [e-rt N(1 - R)(It=T )] Avec une intensité constante, la densité de t, notée f(t), est une loi exponentielle de la forme :

f(t) = ? e ?t pour t = 0 d’où: VANJV = ?(1 - R) N ? e-(r+?)t dt Avec intégrale bornée entre 0 et T Une fois que les valeurs des jambes du CDS sont connues, la VAN du CDS peut se réécrire : VANJF(SC) = VANJV D’où N Sc ? e–(r+?)t dt = ?(1 - R) N ? e-(r+?)t dt => Sc = ?(1 - R) Cette relation est connue sous le nom de triangle du crédit. Vu que Sc est observé sur le marché et que R est estimé par les desks alors ? peut être calculé. Lorsque ? est calibré sur les données de marché, il s’agit d’intensité risque neutre.

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Ce modèle est plus simple que le modèle de Merton et plus facile à mettre en œuvre car il ne laisse aucune interrogation sur la structure de l’entreprise. De plus son calibrage ne présente aucune difficulté. Après avoir vu ces deux modèles attardons nous sur un outil de la modélisation qui se nomme formule de Monte-Carlo et qui permet d’approximer certains modèles plus complexe qui ne peuvent être calculés autrement.

3.5.4 La méthode de Monte Carlo.

La méthode de Monte-Carlo permet de dépasser des difficultés de calculs liés aux équations différentielles stochastiques en s’appuyant sur la loi des grands nombres. Le principe de base stipule que plus la quantité est importante plus elle est représentative de la réalité et l’estimation en devient plus fiable.

Ainsi dans la méthode de Monte-Carlo, une loi de probabilité est utilisée pour simuler un grand nombre de tirage. Plus le nombre de tirage dans la loi de probabilité est grand, plus le résultat est considéré comme fin car il semble converger. Cette méthode est largement utilisée lors de la valorisation des CDO pour simuler les risques de défaut sur chacun des éléments du panier indépendamment et ainsi recréer une matrice de corrélation des probabilités de défaut entre chacun des noms composant le CDO.

Pour plus de détail sur l’utilisation de la méthode Monte Carlo dans la valorisation des

CDO et autres dérivés de crédits, Fincad propose une présentation complète, en anglais à l’adresse suivante :

http://www.fincad.com/support/developerFunc/mathref/CDOMonteC.htm

La méthode de Monte-Carlo est une méthode de calcul mais pas une méthode de valorisation. Pour valoriser des produits complexes où les modèles structurels ne suffisent plus, il faut en revenir aux modèles factoriels ou à forme réduite.

3.5.5 Pour aller plus loin De nombreux ouvrages, mémoires, travaux de recherche et sites internet mettent à

disposition des informations permettant de comprendre les modèles utilisés par les organismes pour valoriser les dérivés de crédit. Un des meilleurs travaux proposés en français reste celui d’Aude GUILHAMON (ENSAE 2001) qui recevait le prix du meilleur mémoire ALM 2002 décerné par l'Association Française des Gestionnaires Actif-Passif (AFGAP). Une alternative peut aussi consister à essayer de comprendre les modèles utilisés par les produits KMV, CreditMetrics ou CreditRisk+ et autres logiciels de valorisation.

Depuis leur création, le développement des dérivés de crédits suit un rythme soutenu. Après avoir apprécié le but recherché par les différents acteurs, c’est le marché dans son ensemble qui sera l’objet de la partie suivante. Dans cette partie, outre l’évolution de la taille du marché, des développements récents de produits ou de choix méthodologiques, l’analyse des contextes réglementaire et macroéconomique semble inévitable pour estimer les perspectives. Enfin nous chercherons à comprendre quels sont les acteurs majeurs.

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4 Le marché des dérivés de crédit Les informations relatives à la taille et aux montants notionnels utilisés dans cette partie

sont principalement issues des informations trouvées sur www.fitchCDx.com et sur www.gtnews.com. En ce qui concerne les aspects réglementaires nous nous sommes largement appuyés sur les informations fournies par la BCE et la commission européenne mais aussi sur les documents publiés sur le site de la Banque de France (www.banque-france.fr). Bien que le marché des produits dérivés de crédit soit en pleine effervescence depuis le début de la crise des subprimes, les informations utilisées ici sont antérieures au mois d’Août 2007.

4.1 L’évolution des taux sans risque Depuis 2000, les niveaux de taux d’intérêt proposés par les banques centrales

américains et européennes sont relativement bas. Ceci amène les investisseurs et organismes financiers, en recherche permanente de croissance et de rentabilité forte, à s’intéresser de plus en plus au marché du crédit. Comme tous les financiers le savent, la rémunération n’est que le reflet du risque et plus la rentabilité proposée est élevée, plus le risque à supporter est conséquent. Les institutions qui ont placés des fonds chez Bear Stearns connaissent aujourd’hui le prix de cette recherche effrénée de rentabilité. Au moment de la rédaction de ce mémoire, la crise des subprime commence à engendrer, outre-Atlantique, de nombreux remous qui semblent rappeler aux investisseurs le risque sous-jacent des dérivés de crédits et on voit d’une part les spreads de crédit grimper, l’appétit pour le risque diminuant et d’autre part, les indices de CDS diminuer de façon rapide. La Une du Financial Time du 28-29 Juillet 2007, à propos du marché des dérivés de crédit et des LBO était ‘Wake-up call’ for investors et laissait la parole au secrétaire du Trésor Américain qui s’attendait à une réévaluation des risques et à un ajustement sévère du marché

Au sein de la zone européenne, les rapports de Fitch rappellent que les banques françaises sont celles qui mettent les plus importants montants notionnels sur le marché. Elles restent encore acheteuses de protections. Ci-dessous, les taux directeurs de la BCE et des taux de marché réels, fournies par la Banque de France, n’affichent une relative remontée que depuis le deuxième trimestre 2006.

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4.2 Les conditions réglementaires En premier lieu, l’impact de la comptabilisation des dérivés de crédits en juste valeur

suite à la mise en œuvre des IFRS sera étudié bien qu’il soit mineur en regard des retombées de Bâle I et II. Ensuite, l’impact des dispositions de Bâle I et l’anticipation de celui de Bâle II sur la demande de protection des banques qui seront étudiés. Enfin, nous nous intéresserons à Solvency II bien que les rapports sur le fait que les assurances européennes devront bientôt le mettre en œuvre soient rares. Pourtant, elles ne seront peut-être plus aussi friandes des primes de protection dans la mesure où elles seront amenées à bloquer des fonds propres pour couvrir le risque de crédit qu’elles reçoivent en contrepartie.

4.2.1 L’application des normes IFRS et de la juste valeur La nécessité pour les établissements bancaires soumis aux normes IFRS de devoir

comptabiliser le plus souvent en juste valeur des instruments venant en couverture d’éléments enregistrés en réescompte dans le portefeuille bancaire, en particulier les dérivés de crédit couvrant des prêts, est une source d’asymétrie comptable. Afin d’éviter une telle asymétrie, source de volatilité des résultats, une inclusion plus systématique en portefeuille de négociation de l’ensemble de ces éléments risque d’être privilégiée par les établissements, aux dépens des critères prudentiels posés pour un tel enregistrement. Intégré dans les normes IFRS depuis mars 2004 et en voie d’adoption pour l’US GAAP, l’option de juste valeur permet aux banques et organismes de crédit de porter au bilan la valeur de marché des créances, des prêts et obligations. Fitch21 indique dans son enquête annuelle de 2005 que certaines banques appliquent déjà cette norme pour les prêts proposés sur le marché des dérivés et cette tendance ne peut qu’aller en s’accélérant. Les sous-jacents mais aussi les produits dérivés de crédits apparaissent de plus en plus au bilan dans une vision mark-to-market ce qui permet aux banques de réduire la volatilité dans leur reporting financier.

De plus, la suppression, dans le nouveau dispositif d’adéquation des fonds propres

défini par le Comité de Bâle (Bâle 2), du plafond actuel des exigences de fonds propres applicables aux positions du portefeuille bancaire (8 % des risques pondérés) pourrait inciter les banques à transférer une partie de ces dernières, notamment celles présentant un risque élevé, plutôt vers le portefeuille de négociation. En effet, le spectre des pondérations dans Bâle 2 est beaucoup plus large que dans l’Accord de 1988 et conduira à appliquer des pondérations supérieures à 100 % (maximum actuel) aux expositions sur les contreparties ayant une probabilité de défaut importante.

Pour les assurances, les dérivés sont inscrits au bilan en fair value avec variations de

valeur transitant par le compte de résultat, sauf si la stratégie adoptée répond aux conditions d’une comptabilité de couverture contre les risques de variations des flux de trésorerie attendus.

4.2.2 Bâle I et le comportement opportuniste des banques Mis en place en 1988, Bâle I est un ensemble de règles dont le but est de limiter

l’exposition des banques au risque de faillite induit par l’insuffisance de fonds propres face à

21 Voir “Global Credit Derivatives Survey: Indices Dominate Growth as Banks’ Risk Position Shifts: September 2006” sur le site internet de Fitch

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un trop grand montant de dette. Pour ce faire, un capital minimal est calculé par pondération des dettes émises en plusieurs catégories en utilisant le ratio Cooke:

FP = 8 % * S dettes pondérées La pondération de chacune des dettes via un coefficient défini par le comité de Bâle suit

cette définition : - Dettes souveraine pondérées à 0 % - Dettes bancaires pondérées à 20 % - Dettes entreprises pondérés à 100 % - Dettes hypothécaires pondérées à 50%

Ce ratio a mécaniquement permis de limiter l’exposition des banques mais il a aussi

généré une externalité inattendue, le recours à la titrisation et au transfert du risque de crédit. En effet, en mettant en place une réglementation stricte sur la pondération à donner au niveau des dettes entreprises, il devient théoriquement plus intéressant de prêter à une entreprise risquée avec un taux d’intérêt plus élevé plutôt qu’à une entreprise mieux notée et avec un taux moins rémunérateur. L’absence de critère qualitatif s’est donc rapidement fait ressentir

4.2.3 L’impact de Bâle II Pour le secteur bancaire, la philosophie de Bâle II repose sur une approche qualitative

du risque quand le ratio Cooke ne proposait qu’une approche quantitative, les fonds propres prudentiels devant représenter 8% des encours22. Cette nouvelle approche est similaire au capital économique et notamment par son pilier 2. En effet, ce dernier instaure que les établissements financiers doivent déterminer en interne le niveau de capital adapté à leur profil de risque pour l’ensemble des risques, contrairement au ratio Cooke qui s’appliquait indifféremment à tous les encours sans distinction de leur niveau de risque.

L’illustration ci-dessus rappelle les pondérations suivant Bâle II où FMN signifie Firmes Multinationales et PME, petites et Moyennes Entreprises

L’intégration du capital économique, dont l’approche est similaire à celle de la Value at

Risk pour les financiers d’entreprise, dans les directives de Bâle II à l’encontre des banques n’est que la suite logique de Bâle I. Désormais, les banques doivent déterminer un montant de capital basé sur une estimation (interne) du risque. Cependant, il leur est possible de s’appuyer sur des agences de notations externes afin de valider leur modèle de capital économique ou d’en externaliser la construction. Le coût de ces fonds propres prudentiels, nécessaires pour faire face au risque des engagements est une incitation forte à sortir certains types de risques des bilans des banques.

22 Pour certains types de prêts, en fonction du risque ce taux varie de 0 à 150% suivant l’approche choisie par l’établissement, voir le texte disponible sur le site de la BRI, www.bis.org.

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Le graphique ci-dessus reflète une disparité encore importante entre UBS et BNP. UBS

et BNP ont les mêmes FP quand le rapport de la Var est d’environ dix. De même, Merrill Lynch et Bank of America ont des VaR similaires quand la deuxième banque affiche des fonds propres trois fois supérieurs. Sans pouvoir mettre en opposition directe rentabilité et importance des fonds propres, l’allocation trop importante de fonds propres est pénalisante. L’actionnaire a d’autant moins intérêt à laisser la banque supporter la totalité du risque de crédit relatif au défaut d’un client que les fonds alloués à la couverture diminuent la rentabilité globale. Les conditions du marché favorisent le transfert de risques avec l’existence d’acteurs désireux de diversifier leur portefeuille de risques et à la recherche de rendements élevés, notamment les assureurs et les investisseurs. Ces vendeurs de protection, offrant une liquidité et une demande qui sont restées constantes sur la dernière décennie, détiennent une grande partie des risques par le biais de dérivés de crédits.

Cependant, la procyclicité de la liquidité sur ce marché peut être aggravante en cas de

choc. En période de taux d’intérêt bas, les défauts sont relativement peu nombreux et il est facile de structurer des opérations de titrisation rentables. Un défaut majeur survenant en haut de cycle aurait un impact mineur. A l’inverse, en bas de cycle, les banques ont plus de mal à transférer les risques coûteux en capital et les opérations de titrisations sont moins rentables car l’investisseur exige une plus forte rétribution. On remarque que les mécanismes de transfert de risques ont un comportement procyclique bien que diluant l’impact dans l’économie23. Les produits dérivés de crédit sont nés du souci des banques de disposer d’un instrument de marché simple et qui leur permette de gérer dynamiquement leurs risques de crédits. Outre la couverture du risque en soi, la réglementation et les critères d’allocation de fonds propres prudentiels ont démultiplié l’intérêt des banques pour les dérivés de crédit. L’implémentation de Bâle II réduira certainement l’amplitude de la marge d’arbitrage mais n’entamera que peu l’intérêt du mécanisme de transfert des risques. Schématiquement, on peut penser que les banques affineront le niveau de couverture quand il sera inférieur à 8% et se cantonneront à la limite réglementaire dans le cas contraire. En effet, certaines études anticipent que la mise en place de Bâle II au sein des banques entraînera une modification dans la motivation de ces dernières à la création de CDO de Bilan. Les nouveaux CDO pourraient ne proposer plus que les parties les plus risquées (tranche Equity) afin de réduire le besoin en capital réglementaire en conservant dans leur bilan les parties senior et super senior.

23 Revue Banque, Février 2007, « L’incitation au transfert de capital ».

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Par ailleurs, on peut même se demander si le fait que les banques deviennent de plus en plus vendeuses de protection n’est pas le résultat du développement (consécutif à Bâle II) des modèles de rating interne qui leur permettent aujourd’hui de connaître le risque de crédit sur un très grand nombre d’entité de référence ? Après le développement des agences de rating concomitant avec celui des CDS, les banques n’auront-elles pas, grâce à leur modèle interne de notation, une carte à jouer sur le marché du crédit en affinant et en améliorant en permanence leur connaissance afin d’acquérir ou conserver un avantage concurrentiel ? Ceci leur permettra de mieux cerner le risque avant d’accorder le crédit et de s’en défaire au meilleur prix une fois celui-ci accordé.

En mars 2006, la Federal Reserve des États-Unis a indiqué que les plus importantes

banques américaines, en particulier celles dont l’activité est internationale, devront respecter l’intégralité des règles imposées par le nouvel accord de Bâle II. Ces dernières ont réagi négativement à cette annonce car elles espéraient n’en devoir respecter qu’une partie. Un des aspects relatifs aux dérivés de crédit est que Bâle II exige une antériorité minimale de trois ans pour les probabilités de défaut indispensables à la construction du modèle de calcul du capital économique pour couvrir le risque. Comme l’ont souligné les analystes risque de certaines banques, y compris européennes où l’accord de Bâle II devra être également appliqué, certains produits dérivés de crédit structurés ou synthétiques ont une existence inférieure à cette période. Comment intégrer ses produits, dont le risque ne peut être négligé ni par les banques ni par les régulateurs, dans le calcul de capital économique ?

4.2.4 Solvency II ou la fin de l’avantage comparatif des assureurs ? Le cœur de l’activité d’un assureur est de compenser les risques au niveau sectoriel et

temporel, ainsi la gestion des risques a toujours été l’élément clé du travail d’un assureur. La crise sur le marché des capitaux il y a quelques années a mis au jour des cas attestant de faiblesses dans la gestion systématique des risques patrimoniaux par les banques mais aussi par les assurances.

Initié en 2001 par la Commission Européenne, le projet Solvency II ou Solvabilité II

pose de nouvelles bases pour la gestion des risques des compagnies d’assurance européennes. Les dispositions de Solvency II créeront un système de solvabilité qui devra être à même de saisir et couvrir la nature complète et actualisée des risques de l’assureur, pour les doter de fonds propres nécessaires en fonction des risques courus. Il s’agit de la continuité de Solvabilité I, initié en 1970, qui comme le ratio Cooke, contraignait les assurances à un niveau de Fonds Propres obligatoire pour faire face au risque de leur portefeuille. Tout au long de la description de Solvabilité II, de nombreuses similitudes avec Bâle II apparaîtront.

Deux niveaux d’exigence en capital seront requis : le Solvency Capital Requirement

(SCR), calculé par une mesure dite standard ou via le modèle interne développé par l’assurance et le Minimum Capital Requirement (MCR). Leurs modalités de calcul ne sont pas encore connues, mais il semble que le SCR deviendra l'outil principal des autorités de contrôle. En effet, le SCR est le seul à être basé sur l'exposition aux risques, en incorporant tous les risques liés à l'activité, le risque de souscription, le risque de crédit, le risque opérationnel, le risque de liquidité et le risque de marché. Une assurance qui ne serait pas en mesure de démontrer que son niveau de fonds propres est suffisant pour couvrir ces risques devra soumettre à son autorité de contrôle un plan précisant comment et quand elle pourra concrètement respecter ces critères. En accord avec les développements attendus de l’IASB, un best estimate des provisions techniques devra être calculé, auquel s’ajoutera une marge de sécurité, de sorte que la probabilité d’une insuffisance de provisions par rapport aux

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prestations futures corresponde à un seuil prédéfini soit infime. Si le capital atteint un niveau inférieur au MCR, des actions sévères seront à mettre en place par les autorités de contrôle. La formule du MCR devra être simple et facile à calculer pour permettre des évaluations fréquentes.

Solvency II s’apparente à Bâle II24 et prévoit une meilleure adéquation de la dotation de

solvabilité selon le profil du risque assuré. De plus, trois piliers lui sont rattachés, le premier concerne les ressources financières minimales, le second concerne la supervision financière et le dernier la communication financière. Solvabilité II est actuellement en phase de test pour le développement des calculs des ratios standard. Cela implique d’édicter des prescriptions étendues relatives au capital des assureurs, d’harmoniser les prescriptions sur la constitution des réserves actuarielles, de créer une procédure de contrôle plus approfondie par les autorités de surveillance et d’obliger les entreprises à publier des informations nettement plus étendues.

Ainsi, la distorsion réglementaire existante entre les banques et les assureurs européens devraient disparaître au début de la prochaine décennie. On peut se demander pourquoi les assureurs resteraient acheteurs de titres dont les banques se débarrassent pour réduire leur obligation de couverture par le capital économique si eux-mêmes devenaient sujets à une contrainte similaire. Bien que les assurances ne représentent qu’une faible partie des vendeurs de protections (environ 8% de montant de protection vendue), leur retrait ou simplement leur recul aurait un impact négatif sur la liquidité du marché du crédit. Dans une vision optimiste, on pourrait penser que les assurances européennes deviennent à leur tour acheteuses de protection. Cette tendance apparaît depuis que les assurances titrisent certains de leur portefeuille d’assurance25.

Outre les définitions émanant d’organismes internationaux, la mise en place par les

banques de Bâle II et par les assurances de Solvency II soulève la question du contrôle. En effet, une entreprise (banque ou assurance) devra faire preuve d’une grande expertise pour analyser l’intégralité de son portefeuille de risque, le noter et mettre en adéquation l’exposition au risque avec les capitaux de couverture. Dans un deuxième temps, les régulateurs (celui des banques et celui des assurances) auront-ils les ressources nécessaires, en temps et en hommes, pour analyser l’intégralité du portefeuille de chaque banque et de chaque assureur, en estimer le risque et construire un niveau de capital réglementaire spécifique ? Ce ne serait qu’à ce prix que les deux directives seraient pleinement appliquées.

24 Vers une réforme de la surveillance prudentielle des assureurs européens », by Jean-Michel Pacaud & Fabienne Dalne, Ernst & Young Luxembourg. 25 Voir http://www.axa.com/lib/fr/uploads/cp/groupe/2005/AXA_CP_20051103.pdf

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4.3 L’évolution du marché

Avant toute chose, il faut distinguer deux zones géographiques, l‘Amérique du Nord et l’Europe, sur lesquels les dérivés de crédits connaissent des évolutions différentes en fonction de contraintes spécifiques. Le marché asiatique et les marchés émergents sont encore de faibles acteurs (8% des volumes échangés) et ne seront pas étudiés ici. Le marché des dérivés de crédit américain est principalement basé sur des obligations car le marché obligataire y est plus développé. En Europe, les dérivés de crédit ont plutôt pour sous-jacent des prêts bancaires. En 2006, les échanges de CDS se font pour 47% aux EU et 45% en Europe.

En 2001, le marché des dérivés de crédit n’était qu’un marché en voie de développement quand il a du encaissé les secousses de l’attaque terroriste du World Trade Center et de la faillite d’Enron. Les spreads étaient déjà élevés mais l’aversion au risque a été alors accrue par ces événements, passant de 100 pb à 130 pb (BBB à 5 ans) à fin 2001. La succession de fraudes (WorldCom, Tyco) mais aussi les réajustements d’Adecco et Ahold (qui indiquaient avoir surévalué leur bénéfices passés) n’ont fait qu’aggraver la situation et ont conséquemment poussé à la hausse les spreads, atteignant des pics à plus de 200pb sur BBB à 5 ans à la fin Juillet 2002.

La réaction des entreprises pour couper court à la morosité des investisseurs fut de

vendre de nombreux actifs pour réduire leur niveau d’endettement. Ceci entraîna la baisse des spreads entre la fin 2002 et Mars 2005, quand GM et Ford ont fait l’objet de dégradation de notes de la part des agences de notation. Ces deux entreprises étant de grands pourvoyeurs d’obligations, les investisseurs américains se sont empressés de revendre des titres qu’ils craignaient voir devenir des Junk bonds. Les Hedge Funds, aveuglés par leur appétit pour les tranches Equity des CDO, avaient mal anticipé ce risque dans les modèles de valorisation utilisés. Ils ont donc tenté de se défaire massivement de ses titres soutenant la hausse ds spreads. En 2005, l’aversion au risque redevenant au goût du jour les spread sont passés de 40 pb à 60 pb entre le 20 Février et 15 Avril.

L’environnement économique général n’étant pas très favorable en 2005, la plupart des

entreprises ont de nouveau solidifié (via des ventes d’actifs) leur passif en remboursant les dettes contractées auparavant. 2007 a vu la reprise des fusions & acquisitions (achat de Puma par PPR, acquisition par Vodafone de l’indien Hutchinson Essar) et la montée en puissance de LBO soutenus par des fonds d’investissements, dont le rachat de Chrysler par Cerberus est une illustration. Ce mouvement est de nature à dynamiser le marché des produits dérivés de crédits puisque la majorité de ces opérations font massivement appel à la dette. Au début de l’année 2007, la faiblesse de l’aversion au risque a soutenu une forte liquidité sur le marché de la dette et des dérivés de crédit.

Dans le Rapport Annuel 2005 de la Banque des règlements internationaux (BRI), celle-

ci indique que l’encours notionnel échangé pour les dérivés de crédit dépasse le montant des obligations depuis 2005. C'est-à-dire que le montant des crédits sur lesquels une protection a été échangée est supérieur à celui des échanges obligataires. Dans son rapport semestriel sur l'activité des marchés de produits dérivés négociés de gré à gré, la BRI constate un nouveau doublement de la taille du marché. Fin 2006, les encours de CDS auraient atteint 28.838 milliards de dollars contre 20.352 milliards fin juin 2006 et à 13.908 milliards fin 2005. Les chiffres communiqués par l'ISDA dessinent la même tendance, cette dernière établissait que les encours de CDS étaient passés de 26.000 milliards USD (fin juin 2006) à 34.500 milliards à fin 2006 contre 8 420 milliards au début de 2005 et 2 306 en 2003. Ce niveau de croissance a été favorisé par un taux de défaillance des entités de références très faible mais Fitch rappelait début 2006 que le nombre de défaut entre 2003 et 2005 était

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anormalement bas et que les investisseurs devaient rester prudents quant au niveau de risque qu’ils prenaient

Les graphiques ci-dessous illustrent la croissance du volume notionnel de CDS

comparativement au volume d’obligations échangées depuis 1997 (courbe grise- Obligations/ rouge- Dérivés) et les volumes semestriels du notionnel de dérivés de crédit entre 2001 et fin 2006.

Parmi les dérivés de crédit, les CDS restent les produits les plus échangés avec un poids de près de 65% et les CDS ayant pour sous-jacents des ABS ou autres produits financiers structurés, bien que ne pesant que 4% du total, affichent des taux de croissance supérieurs à 100 % par an depuis 2005 et bénéficie de contrats standards proposés par l’ISDA.

Suite à la crise des subprimes, les fonds qui utilisent les dérivés de crédit pour se défaire du risque sont bien à la peine pour trouver des conditions financières intéressantes. Un élément tout à fait caractéristique réside en la difficulté que connaît Cerberus pour revendre sa dette sur le marché des CLO. Cerberus a acheté Chrysler à Daimler en utilisant un fort levier d’endettement et en espérant se défaire de celle-ci via des CLO. C’eut été possible à des conditions très favorable début 2007 mais l’effet subprime sur le marché a freiné l’appétit pour le risque de crédit et élargi les spreads. A l’initiation de l’opération, Cerberus pouvait tabler sur des spreads faibles mais aujourd’hui ce différentiel de taux lui est nettement moins favorable. Le tableau suivant indique les dettes en attente suite à la crise des subprimes mais aussi les Hedge Funds les plus actifs sur le marché des produits dérivés de crédits :

Hedge Fund Cible Taille de la dette (Md $) Etat du CLO

TPG Alltel 23,2 RepousséBain Clear Channel 22,1 Repoussé

JC Flowers Sallie Mae 16,5 RepousséCerberus Chrysler 12,0 Repoussé

KKR Alliance Boots 10,2 AnnuléDolan Family Cablevision 9,2 Repoussé

TPG Harrah's Enterprise 9,0 RepousséCarlyle Allison Transmissions 4,6 Repoussé

KKR US Food Service 1,6 AnnuléKKR Maxeda 1,4 Annulé

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4.3.1 Nouveaux développements L’enquête annuelle 2006 de Fitch indique que les principaux facteurs de risques avancés

par les intervenants sont un retournement du marché de crédit, suivi par un resserrement de la liquidité, des difficultés de règlement et de livraison, ainsi que le financement des LBO. Fitch ajoute également que les valorisations des dérivés de crédit sont basées sur des modèles qui ne reflètent pas forcément la réalité des prix du marché, les opérateurs pourraient ainsi sur- ou sous-évaluer leurs gains ou pertes. Certains acteurs, dont Fitch et l’ISDA indiquent que la mise en place d’un marché organisé serait à même de favoriser la transparence voire à accroître l’efficacité du marché dans son ensemble.

Parmi les nouveaux développements qui seront étudiés dans cette partie, il sera d’abord

question de quelques uns des indices de dérivés de crédit puis nous verrons que l’ISDA se penche sur le processus d’enchère pour faciliter les règlements en espèces et enfin, nous nous intéresserons à la convoitise qu’affichent de nombreux organisateurs de marché pour les dérivés de crédit. En effet, les marchés organisés américains et européens souhaitent proposer leur service aux acteurs du marché du crédit.

4.3.2 Les indices Le principe des indices de dérivés de crédit a cela de particulier qu’ils sont indexés à un

risque de crédit, non pas représenté par un émetteur individuel ou par un panier d’émetteurs mais à la performance du marché de crédit dans son ensemble. La négociation d’un produit indiciel peut être ramenée à l’échange d’un CDS lui-même référencé sur un portefeuille de CDS standards. Il existe de nombreux indices et seuls quelques uns seront ici détaillés.

La famille des indices iBOXX, créé par la Deutsche Bank et ABN Amro en 2002, n’a

connu un réel essor qu’après que Citigroup et la Société Générale s’y associent en 2003. Les indices TRACERS de Morgan Stanley et JECI de JP Morgan fonctionnent sur le même principe avec de 25 à 100 produits equipondérés. La gestion de ces deux derniers indices a été cédée à Dow Jones qui les a fusionnés dans les indices iTraxx.

Les indices iTraxx ont été introduits par Dow Jones et ont été tropicalisés pour diverses

zones géographiques : Etats-Unis, Europe, Japon, Asie hors Japon, Australie, divers secteurs industriels et niveaux de volume échangé. Seuls un petit nombre d'entre eux servent de base à des produits dérivés, notamment l'indice iTraxx Europe. Les données sur les CDS sont collectées auprès d'un ensemble d’opérateurs influents. Ceci conduit à une longue liste de noms, dans laquelle on retient les noms européens, avec une notation suffisante (au dessus de BBB). Ces noms sont ensuite classés en fonction du volume de transactions au cours des six derniers mois. Le portefeuille servant de base au calcul comprend 125 noms avec une répartition prédéfinie par secteur d'activité. Les noms les plus liquides sont retenus dans chaque section. Voici une liste des indices iTraxx et le nombre d’entités de référence qu’ils comportent

Les indices CDX fonctionnent de la même façon (NA signifiant Amérique du Nord)

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L’indice LCDX, crée fin Mai 2007, ne s’appuie que sur des CDS ayant pour sous-jacents de créances d’entreprises, les Loan-only CDS et il avait déjà généré plus de 80 milliards USD de volume sur le seul mois de Juin selon Markit Group26. Ce marché est extrêmement actif, ainsi des LCDS étaient déjà activement négociés courant Juin sur le prêt envisagé par KKR pour le rachat de FirstData avant même que le montage ait été communiqué. Cette sur activité a d’ailleurs entraîné la première correction de l’indice LCDX traduisant une détérioration de la perception du risque de crédit.

Pour confirmer l’attrait croissant pour les indices de dérivés de crédit, en mars 2007,

Eurex a rendu disponible les premiers contrats d’échange de dérivés du crédit, basé sur les index de CDS d'iTraxx Europe, de HiVol et de Crossover CDS. Eurex a conçu les contrats pour que les flux qui leur sont associés soient le plus proche possible des contrats négociés de gré à gré. Chaque contrat est de 100 000 €, avec cash settlement et un coupon fixe estimé au spread initial de l’index. Une différence importante est que les primes sont versées avec un arriéré de trois mois.

En dernier lieu, il semble intéressant de parler de l’indice ABX.HE qui a été créé en

2006 dans le but d’améliorer les échanges sur les prêts subprime, HE signifiant Home Equity. Les dérivés de crédits sur HE sont parmi les plus liquides et les plus rémunérateurs car parmi les plus risqués. L’indice a été créé à la demande de 16 banques d’investissement américaine car les subprime sont les RMBS les plus liquides et les plus échangés. Le panier de cet indice représente 20 CDS constitués de deals de plus de 500 millions de dollars et d’une maturité de 4 à 6 ans, supérieure à 5 ans pour la tranche AAA. Cet indice, entre Octobre 2006 et Février 2007 perdait déjà 40% de sa valeur. A fin juin, la chute ne s’était pas ralentie et il est probable que l’engouement suscité par les subprime en 2006 continue de se transformer peu à peu en regret et perte de valeur.

A un niveau global, alors qu’ils ne représentaient qu’un peu plus de 400 milliards de dollars de volumes échangés en 2004, à fin 2005, les indices représentent plus de 3 700 milliards. Au cours de l’année, c’est la plus forte croissance, 900%. Car ces produits permettent aux investisseurs d’investir dans des paniers déjà customisés mêlant des

26 CDS IndexCo, a consortium of dealer banks and Markit launches LCDX

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obligations américaines, européennes, asiatiques, de pays émergent mais aussi des tranches d’ABS.

4.3.3 Les enchères favoriseront-elles le règlement en espèce ? Pour accroître la part du cash settlement27 des transactions de dérivés de crédit OTC28,

le choix semble se porter sur le processus d'enchère dont la dernière utilisation remonte à novembre 2006 au moment de la faillite du fabricant du Michigan de pièces d'automobile, Dura. Robert Pickel, de l’ISDA, indique que la méthodologie des enchères a pour but de faciliter les échanges assujettis aux règles de l'ISDA: En initiant une étude sur les processus d’enchère, l’objectif de l’ISDA est de s'assurer que l'intégrité et la transparence des enchères n'est pas compromise par des influences extérieures qui s’exerceraient sur le prix atteint. Euronext.liffe, projette de lancer des single name CDS et des produits d’index valorisé par un système d’enchère, espérant qu’ils susciteront autant d’intérêt du côté acheteur que du coté vendeur.

Dans son enquête 2005, Fitch signale en page 6 que la croissance du marché des dérivés

de crédit ne fait qu’augmenter la dépendance qui existe entre les valorisations proposées sur le marché et les modèles existants, le mark-to-model. Ces modèles n’ont pas été testés en période de crise. A chaque fois que les valorisations mark-to-model ont été confrontées au marché, mark-to-market, via des enchères, des écarts significatifs sont apparus. Les conditions réelles n’étant jamais celles intégrées dans le modèle.

Les produits structurés complexes tels que les CDO sont très peu liquides et ne peuvent

pas être valorisés par un prix de marché, car celui-ci est souvent absent ou peu fiable. Ces instruments sont souvent conservés jusqu’à maturité par leurs détenteurs. De plus, leur complexité et leur manque de standardisation n’incitent pas les teneurs de marché à investir en moyens humains et matériels pour coter un prix car il n’y a pas suffisamment d’échanges pour rentabiliser de tels investissements. Il faut donc faire appel à des modèles pour les valoriser. Or, compte tenu de la complexité des produits, les modèles actuels manquent de robustesse et leur opacité laissent perplexes les analystes de l’ISDA. Ainsi, faute d’avoir pu être testés sur longue période, ils génèrent un risque de modèle. Ainsi, les perturbations liées aux abaissements de notation sur General Motors et Ford, en mai 2005, ont montré le danger à se reposer sur des modèles incapables de reproduire les dynamiques de prix tenant compte des comportements des intervenants, notamment quand il s’agit de dénouer des positions dans des marchés étroits et peu liquides.

En période de tensions, le risque de liquidité et le risque de modèle peuvent se

matérialiser simultanément. La liquidité des instruments peut s’assécher rapidement. En conséquence, les prix de marché se comportent différemment de ce que prédisent les modèles, provoquant des pertes non anticipées. L’existence d’aléas sur le niveau de liquidité et sur les modèles devrait donc plutôt inciter à une valorisation prudente des produits les plus complexes. Or, les spreads à l’émission des CDO ont continué à baisser entre 2005 et fin 2006, dans le sillage des rétrécissements de primes de risque de crédit enregistrés sur les autres compartiments.

Dans certains cas, les prix de marché de gré à gré ne compensent plus l’ensemble des

risques encourus. Le processus d’enchères, la mise en place d’un marché organisé pourraient

27 En 2005, le règlement en espèce ne représente que 14% des règlements. 28 OTC : Over The Counter ; en français marché de gré à gré.

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permettre aux prix de s’ajuster en fonction des volumes et plus d’être simplement le résultat de modèles utilisés par un pool de grandes banques, basés sur les notes attribuées par trois organismes et sur lesquels les vendeurs de protection n’ont que peu de visibilité. Les grandes banques qui ont construit les modèles de valorisation sont aussi celles qui traitent la plus grande partie des volumes échangés de dérivés de crédit, les faiseurs de marché sont aussi les faiseurs de prix, sachant que leur intérêt est de conserver des spreads de crédits au plus bas niveau possible, limitant ainsi le coût de la protection qu’ils obtiennent de leur contre partie.

4.3.4 Un marché organisé pour plus de transparence ? Euronext souhaite pouvoir standardiser les dérivés de crédit mais aussi s’appuyer sur

son back office pour faire le clearing de ceux qui sont sur le marché OTC, ainsi que de les transférer en partie sur un marché organisé. Selon les partisans de la création d’un marché organisé, il y a plusieurs raisons d’y négocier les dérivés de crédit.

La première est de réduire les surcharges du Back office qui résulterait du clearing et

des règlement bilatéraux - le risque opérationnel posé par ce processus dans des dérivés de crédit a été particulièrement grave, et a incité la banque de réserves fédérale de New York à exiger que les acteurs les plus importants de dérivés de crédit procèdent à de nombreux clearing sur les encours non confirmés en septembre 2005. En outre, un future négocié sur un marché organisé et probablement une option, pourraient devenir des outils liquides et fiables sur lesquels construire des produits de crédit structurés innovants.

Parallèlement, l'avantage le plus souvent embrassé par les places d’échanges elles-

mêmes, est qu'un contrat effectué sur un marché organisé pourrait amener de nouveaux participants sur le marché des produits dérivés de crédit. En particulier, ils sont très intéressés par attirer des clients qui ne sont pas reconnus par l'ISDA, sont limités à de faibles agréments ou n’ont pas de mandats pour négocier des dérivés de gré à gré. Eurex indique que les clients sont prêts à entrer sur ce marché, mais sont peu disposés à le faire tant qu’ils ne verront pas les prix se resserrer. Cela ne pourra pas arriver tant que le nombre de revendeurs reste limité et que la liquidité s’en trouve réduite. Le seul réel avantage pour le moment n’existe que pour les organismes qui ne peuvent pas évoluer sur le marché des dérivés car ils ne sont pas agrées par l’ISDA. Les cibles sont donc limitées puisque les principales contreparties sont reconnues par cet organisme.

GFI laisse entendre que les organismes de courtage sont intéressés par le clearing

d’opérations de gré à gré et leurs règlements. Ceci est démontré par le fait que GFI et Icap ont acheté des participations dans la Clearing Corporation de New York, qui offre des services de clearing au marché OTC. En dépit des problèmes, les plateformes continueront à s’intéresser au marché des dérivés de crédit car un marché en valeur 34 500 milliards de dollars29 est trop grand pour qu’ils l’ignorent. De nombreuses voix demandent plus de transparence sur les prix et sur la valorisation des produits proposés. Afin d’éviter de tomber dans un système de marché oligopolistique, la mise en place de marchés organisés aux EU et en Europe pourrait faciliter le développement des dérivés de crédit mais aussi le pérenniser.

29 Valeur du marché des CDS en 2006, selon l’ISDA.

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Outre le schéma d’échange actuel (ci-dessus), voici le modèle pour un marché organisé

proposé par Anshuman Choudhary et Kishnan Shivram, de Cognizant Technology Solutions.

4.3.5 Spreads et qualité des entités de référence Les tendances actuelles alimentent certaines inquiétudes quant à la qualité des sous

jacents. En effet, à l’intérieur de l’indice CDX ayant la faveur des investisseurs américains il apparaît que la qualité de crédit des entités de référence se dégrade. On peut penser que la plupart des créances sur les sous-jacents de bonnes qualités ne nécessitant plus de la part des banques américaines et européennes le blocage de fonds propres, grâce à l’utilisation de leurs modèles de scoring interne et leur validation par les organismes de contrôle, celles-ci sont amenées à ne proposer sur le marché des dérivés de crédit que des prêts plus risqués et donc de plus mauvaise qualité de crédit dans l’optique de leur gestion de bilan. Les tranches AAA, AA et A ont respectivement perdu entre 2002 et 2005 11%, 8% et 6% qui ont été transférés en intégralité dans la tranche below investment grade (+24% en 4 ans).

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qualité de crédit dans l'indice CDX 2002 2003 2004 2005AAA 22% 17% 14% 11%AA 14% 10% 8% 6%A 29% 25% 22% 23%BBB 28% 29% 32% 29%Sous le niveau "Investissement" 7% 19% 24% 31%

100% 100% 100% 100%

0%10%20%30%40%50%60%70%80%90%

100%

2002 2003 2004 2005

AAA

AA

A

BBB

Sous le niveau"Investissement"

Au sein de l’indice CDX, caractéristique de l’ensemble du marché, les échanges de tranches AAA, AA et A ne représentent plus que 3%, 6% et 18% courant 2006 alors qu’elles représentaient en 2002 respectivement 22%, 14% et 29%. Auparavant, l’indice comportait 65% de bonne qualité (au-dessus de BBB) alors qu’à fin 2005, celles-ci ne pèsent plus que 40%.

Il semble que le niveau de défaut plutôt faible et la baisse des spreads de crédit ont

poussés les vendeurs de protection à chercher des catégories plus lucratives . Cependant, le fait que le taux de défaut sur la période 2003-2005 était anormalement bas a été indiqué dés la fin 2005 par Fitch et S&P. En effet, plus le niveau de risque est élevé, plus le spread de crédit est élevé, plus la prime annuelle versée au vendeur de protection est importante. Depuis Septembre 2002, les spreads ont chuté à des niveaux tellement bas sur les catégories de AAA à BBB qu’ils ont favorisé la prise de risque sur des notations plus faibles. Hors l’effet GM-Ford en 2005.

Les craintes sur la qualité de crédit aux États-Unis et la surabondance de liquidité ont

miné la confiance des investisseurs américains sur les CLO. Dans le même temps en Europe, l’offre massive de prêt de capitaux a réduit les marges de taux et rend de plus en plus difficile de générer de la valeur ajoutée. Pourtant, en mars 2007, douze introductions en Europe pour un total de 6.1 milliards d’euros et 20 CLO aux États-Unis pour 9 milliards de dollar ont eu pour effet de faire passer le niveau du spread de 150 pb à 200 pb au début du mois d’avril. Désormais, en complément de la couverture sur les indices comme iTraxx ou les LCDS, les banques utilisent des CDS ayant pour sous jacent des CLO de tranches BB ou BBB pour améliorer leur rentabilité. Ces instruments sont plus risqués, moins liquides et se négocient bien plus cher que les tranches de CLO cash. Aux États-Unis, les spreads sur les CLO cash ont atteints les niveaux de produits synthétiques. Il apparaît que les LCDS, couplé à l’offre venant des gérants de CLO et de fonds d’arbitrage, affectent les spreads. Se rabattant sur un marché plus restreint et illiquide, cette demande subite tend à faire chuter le spread des LCDS en dessous du taux de prêt sous-jacents.

Selon l’avis de certains acteurs sur le marché des LCDS, les banques devraient alors

réviser les taux de prêt à la baisse. Et certaines le font car elles savent pouvoir se couvrir à des taux encore plus bas que celui auquel elle révise leur prêt. Cette tendance amène certains managers de CLO à attendre et voir avant de lancer de nouvelles opérations. Même si le marché américain est secoué par la crise ponctuelle des subprime affectant la qualité de crédit,

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l’Europe, elle, subit les conséquences d’un problème plus fondamental, l’inadéquation entre l’offre et la demande de sous-jacents, vu le niveau élevé de la demande. Depuis 18 mois, la demande en Europe est allée croissante sans discontinuité, un ajustement est donc nécessaire selon la Dresdner. Tous les acteurs s’inquiétaient en Juillet 2007 que la croissance affichée en, 2005 et 2006 ne pourra pas être au rendez vous en 2007.

4.4 Les principaux acteurs

Il apparaît, au vu, du graphique ci-dessus que les banques (Global Banks sur le graphique) sont les acteurs les plus importants et qu’elles restent globalement acheteuses de protection.

Les assureurs (Insurance) et investisseurs (ici dénommés, Financial Guarantor) ne sont que vendeur de protection. Les rares fois où ils sont à la recherche de protection, c’est qu’ils peuvent acheter de la protection sur des dérivés de crédit pour lesquels ils se portent déjà garanties, un peu comme un mécanisme de réassurance.

Bien que les dérivés de crédits offrent la possibilité de diversifier le risque et de le répartir sur un grand nombre d’acteur, les dix plus importants arrangeurs ont mis sur le marché de la vente ou de l’achat de protection plus de 85% du montant notionnel record de 2006. Morgan Stanley, Deutsche Bank, Goldman Sachs, JPMorgan Chase et UBS restent les cinq plus importants acteurs en termes de volume après que Merrill Lynch ait été remplacé par UBS en 2004 dans le top 5. Dans la mesure où le douzième plus important acteur, Bear Stern, a publié en Juillet 2007 des pertes abyssales sur des CDO qui avaient été indexés sur des prêts hypothécaires américains subprime et que des acteurs parmi le top 5 ont annoncé avoir été impacté par cette perte, le risque de contagion ne semble pas totalement écarté. Par ailleurs, selon une étude de Crédit Suisse First Boston, dans de plus en plus nombreux cas outre atlantique, les fonds d’arbitrage et les banques passent du statut de clients à celui de partenaires. Les banques et les fonds d’arbitrage ont des relations assimilables à celles des sociétés mères - filiales.

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Ainsi, lorsque les banques prennent en charge la totalité d'un financement, elles transfèrent tout ou partie du risque de crédit aux fonds d’arbitrage via des CDS. Après s'être dirigés sur les produits actions, les fonds d’arbitrage investissent aujourd'hui beaucoup dans la dette. Ils misent sur les dérivés de taux, crédit et change (fixed income), mais rachètent de plus en plus de tranches de dettes de fonds spécialisés comme les CDO. Il est à craindre qu'en cas de défaut ou d'effondrement des marchés, la contagion n'épargne pas les banques, trop liées aux fonds d’arbitrage. Le cas des subprimes en sera peut-être une première illustration. Les banques américaines sont surtout visées car elles choisissent d'être actionnaires de ces fonds, alors que les banques européennes restent de simples partenaires pour trouver de nouvelles solutions d'investissement.

Banque Assurance Fonds d'arbitrage

Asset Manager

0%

20%

40%

60%

80%

100%

Source: Citigroup (données 2006)

Senior

Mezzanine

Equity

Le graphique ci-dessus illustre les motivations de chacun des acteurs du marché des

produits dérivés de crédits. Il représente la proportion des tranches de CDO sur lesquelles les banques, les assurances et les investisseurs sont vendeurs de protection. Rappelons une nouvelle fois que plus une tranche est risquée plus la prime d’assurance r eçue par le vendeur de protection est élevée. Les banques cherchent à diversifier leur risque en préférant les tranches senior et donc peu rémunératrices. Elles font de la gestion de ligne de crédit, en achetant de la protection sur des prêts risqués et en la vendant sur des prêts peu risqués, dans un soucis de réduction de capital économique. De même, les assurances se repartissent équitablement sur les 3 types de tranches dans le but de disséminer le risque qu’elles auraient à supporter en cas de défaut des entités de références. Par contre, les Hedge Funds, en se positionnant à 50% sur les tranches les plus risquées (Equity), cherchent les primes les plus importantes possibles et ne s’intéressent que minoritairement aux tranches mezzanine et senior. Les asset managers ne s’intéressent quasiment pas à la tranche senior mais apprécie aussi bien les tranches Equity que Mezzanine. Ce comportement reflète un souhait de limiter le risque encouru et procède d’un arbitrage rémunération/risque encouru.

Il est intéressant de connaître aussi les entités de références qui sont, en valeur et en volume les plus utilisées sur le marché en 2005 :

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Comme indiqué dans la partie dédiée à l’utilisation des dérivés de crédit par les entreprises, les dérivés de crédit sur dettes souveraines (Brésil, Russie, Turquie) sont surtout utilisés pour couvrir les risques d’exposition (taux ou change) sur des dettes non souveraines dans ces pays. L’émergence de ces pays dans le haut de la liste indique à la fois le volume croissant des investissements qui se portent vers eux (et couverts via les CDx) mais aussi la croissance des exportations depuis ces pays vers les pays développés.

Quant aux entreprises qui apparaissent dans la liste, il s’agit aussi simplement des entreprises qui sont parmi les plus endettées sur les marchés financiers et en situation plutôt difficile.

4.4.1 Les Banques Avec la possibilité de transférer les risques, la plupart des banques ont considérablement

modifié leur comportement. Elles sont ainsi passées d’un schéma statique où elles conservaient à leur bilan pendant plusieurs années le risque de crédit, à un schéma dynamique où elles peuvent s’en défaire en le transférant au marché. Ceci leur permet de se réorienter vers des activités rémunérées par des commissions (conseil, négociation, structuration), moins risquées et moins volatiles.

En 2005, les banques ont été vendeuses de protection pour 11 044 milliards de dollar et acheteuses à hauteur de 11 312. Sur chacune de ses positions, les croissances ont été respectivement de 138% et 123%. Et parmi le solde de 268 milliards de dollars de protection achetés, les banques américaines ont acheté 142 milliards de protection et les banques européennes 126. Les 10 banques les plus actives sur le marché du crédit ont généré en 2005 70% des échanges. Les banques, lorsqu’elles vendent de la protection, le font par le biais d’indices dans un cas sur trois. Différentes études indiquent que le risque de concentration est accentué par le fait que les plus grandes banques que sont JPMorgan Chase, Goldman Sachs, Morgan Stanley et la Deutsche Bank utilisent des modèles très similaires. Comme ce marché est caractérisé par un mark-to-model très important de par

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l’absence d’un marché organisé, Fitch s’inquiète du risque de mauvaise évaluation ou de déconnexion entre le prix réel et le prix contractuel.

- Aux Etats-Unis, on distingue deux catégories de banques, celles qui achètent principalement des garanties pour les prêts qu’elles ont consentis et celles qui ont une approche de dealer, en achetant et vendant de la protection afin d’obtenir une position plus diversifiée en terme de gestion du risque. 99% du montant notionnel échangés sur le marché américain correspond à l’activité de dealer. Les banques américaines les plus actives sont JPMorgan Chase, Morgan Stanley, Wachovia, Citibank et HSBC Bank USA et représentent la quasi totalité de la protection vendue. Ces cinq établissements négocient soit au nom de certains de leurs clients soit directement pour rééquilibrer leur banking book. Sur le marché nord américain, le volume notionnel des CDS en nom unique représente près de la moitié des dérivés de crédit échangés, suivi par les indices (qui n’apparaissaient pas un an auparavant dans cette liste) et les produits de portefeuilles, sachant que les single names CDS nord américains représentent 77% du total mondial.

Seule une petite trentaine de banques américaines sont acheteuses de protection sur le

marché du crédit et une petite vingtaine en sont vendeuses.

Au sein de Citigroup, la négociation des produits dérivés de crédit représente aujourd’hui la moitié de celle des prêts. Il est probable qu’elle lui devienne bien supérieure à la fin 2007. Selon Markit Group, les volumes des LCDS30 a atteint le niveau record 85 milliards USD fin Juin 2007 et ils constituent la cible de choix de banques américaines.

En 2006, l’ISDA indiquait que seulement 19 banques américaines étaient actives sur le

marché en 2003 (sur un ensemble de 345 grandes banques) mais que les dérivés de crédits qu’elles utilisent ont pour sous-jacents plus des deux tiers des créances de plus d’un milliard de dollars.

- En Europe, les comportements sont en pleine mutation puisque de plus en plus de banques se transforment en pourvoyeuse de protection alors qu’en 2002 l’ensemble des banques européennes était acheteur de protection. Ce sont les banques Britanniques et Helvètes qui ont été les précurseurs de ce mouvement suivi par les banques Allemandes.

Cependant, depuis que les Landesbanks n’ont plus de garantie de la part des Lander

Allemands, en Juillet 2005, leur prise de risque a fortement diminué. Comme les banques

30 Loan-only Credit Default Swap

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Françaises, acteurs de référence en dérivés de crédit, affichent un solde acheteur, le solde des banques européennes reste acheteur.

La grande différence au niveau des produits échangés entre les banques européennes et

leurs consœurs américaines est le plus faible intérêt européen pour les produits de portefeuille car les banques européennes sont, elles, très friandes de CDO.

4.4.2 Les Hedge Funds et les investisseurs

D’après Greenwich Associates, l’influence des fonds d’arbitrage ne cesse de croître et représentait en 2006 60 % des transactions de CDS et prés de 33% sur de CDO. Si les banques utilisent toujours les CDS comme outils de couverture, ces derniers deviennent également des outils de trading actifs. Pour les fonds d’arbitrage, traiter du CDS est moins coûteux et plus simple que de la dette ou des obligations sous-jacentes. Le CDS permet de prendre un pari sur la capacité de l’entreprise sous-jacente à repayer sa dette. Acheter le CDS revient ainsi à vendre la dette sous-jacente sans avoir à décaisser d’argent.

Dernièrement, les fonds d’arbitrage ont acheté des CDS pour se couvrir contre des pertes potentielles de leur CDO liés aux subprime, entraînant les primes de risque des obligations Corporate américaines à la hausse. On note que les Hedge Funds les plus actifs sur les marchés financiers (Carlyle, KKR et TPG) sont aussi ceux qui sont les plus présents sur le marché des dérivés de crédit.

Pour faire écho à l’étude de CSFB indiquant que les banques et les fonds d’investissements tissent des partenariats de plus en plus étroits, Standard & Poor’s, soutenue par un consortium de banques européennes que sont Calyon, KBC Financial et Landesbanks Baden-Wurtemberg, a intégré le petit groupe des CDPC (Credit Derivatives Product Companies). Ces entreprises sont une sorte de mélange entre les grands assureurs fournissant des garanties financières sur les marchés de titrisation et les véhicules dérivés complexes tels que les CDOs. Ils agissent en tant qu'assureurs finaux pour supports de risque de crédit en émettant des contrats dérivés. L'intérêt est grandissant pour ce type d’entreprise après le succès de Primus Guarantee, un groupe basé aux Bermudes, fondé en 2002 et coté en 2004. Jusque récemment, Athilon (New York), coté vers la fin de 2004 et soutenu par des capitaux privés, était le seul autre CDPC.

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Courant 2007, deux fonds ont été créés : Invicta, du Massachusetts Mutual Life Insurance Company et géré par Babson; et Cournot Financial Product de Morgan Stanley. Les CDPC utilisent des leviers allant jusqu’à 30 fois en termes de dettes et d’equity. Il est certain que l’engouement pour ses types de montages ne se dément pas puisque plus d’une dizaine de créations sont attendues pour l’année 2007.

4.4.3 Les Assurances

Les assurances offrent une couverture sur quasiment tous les événements pouvant survenir dans la vie d’un particulier, d’une entreprise ou d’un organisme. Pour elle, la recherche de diversification sur le marché des dérivés de crédit concerne le risque global de leur portefeuille. Elles souhaitent trouver des risques décorrélés des ceux que leur cœur de métier engendre naturellement. Comme on parle du paradoxe de crédit qui pousse les banques à vouloir se sortir du risque de concentration, les assurances trouvent dans les dérivés de crédit des revenus liés à des événements dont la survenance (et donc le versement de la garantie) est indépendante du reste des risques qui sont déjà dans leur portefeuille. L’intérêt que portent les assurances au marché des CDx va dépendre du rôle que joue l’assurance. Soit l’assurance se comporte comme un investisseur et aura pour principale motivation la recherche de haut rendement et la diversification de son portefeuille, soit, elle est à considérer comme un sponsor et ne cherchera qu’à bénéficier de nouvelles primes et de la possibilité de diversifier ses sources de revenus.

Une des premiers études sur le rôle des assurances sur le marché des dérivés de crédits a

été faite par la FSA en 2002 (Financial Services Authority britannique) car elle s’inquiétait de ce qu’elles étaient considérées comme des acteurs naïfs par les banques plus rompues à la valorisation et aux échanges de produits financiers complexes. Le rôle naïf que les banques accordent aux assurances n’est qu’un brouillard stratégique puisqu’il s’avère que les assurances sont tout à fait capables de rejeter des opérations leur semblant trop risquées et que les valorisations qu’elles établissent en fonction du risque de crédit se fait sur des modèles différents des grandes banques et aussi solides, aux dires des experts de la FSA, qui en Europe sont en pointe sur les discussions relatives à Bâle II, preuve de leur compétence sur l’évaluation des risques. Il ressort de cette étude que les assurances font leur choix dans l’univers des dérivés de crédit et mesurent bien le risque qu’elles encourent. Elles sont d’autant plus actives sur ce domaine qu’elles considèrent que les risques contre lesquels elles offrent une protection sont décorrélés des différents risques qui constituent le portefeuille de leur cœur de métier. Le risque inhérent à cette confiance est que les assurances continuent d’accepter des primes qu’elles-mêmes jugent sous-évaluées puisqu’elles considèrent trouver un avantage dans la possibilité de diversifier leur portefeuille.

Aux Etats-Unis, les assureurs ne peuvent pas inscrire de CDx non financés (unfunded credit derivatives) à leur bilan aussi elles sont contraintes de les répliquer par des positions équivalentes sur des obligations, habituellement les T-Bonds. Comme les charges en capital sont les mêmes pour les réplications que pour la détention d’obligations, ces dernières n’inscrivent les CDx à leur bilan que si le pricing est plus attractif sur le marché des dérivés de crédit que sur le marché obligataire. En outre, AIG a créé une filiale dédiée aux opérations sur le marché des dérivés de crédit, AIG Financial Products, qui capte une grande partie des échanges faits pas les assureurs nord américains (en 2005, 217 milliards de dollars sur 268).

Etonnamment, les assurances américaines ne considèrent pas qu’investir dans des CDO

est assimilable à vendre de la protection de crédit mais plutôt comme des investissements à revenus fixes. Si les fonds d’assurances vie ne s’intéressent plus guère aux CDO du fait des

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dégradations de qualités qu’ils ont constatées sur les années précédentes, le reste des assureurs US en sont les premiers acquéreurs.

En Europe, les assurances jettent leur dévolu sur les CDS en nom simple au détriment

des CDO et autres paniers de signatures. Par ailleurs, la réglementation britannique interdit aux assurances de porter à leur bilan des CDx sauf s’il s’agit d’obtenir une protection. Aussi ont-elles mis en place un système de SPV off-shore qui leur permet de venir sur ce marché sans prendre de risque par rapport à la règle imposée. Le SPV off-shore est vendeur de protection sur le marché des produits dérivés de crédits et souscrit ensuite un contrat d’assurance auprès de l’assurance contre le risque de perte sur le dérivé de crédit. Les assureurs européens, anticipant l’application de Solvency II comment déjà à titriser des portefeuilles de contrats dans le but de transférer les risques pour lesquels seront bientôt exigés des fonds réglementaires supplémentaires.

Ainsi Axa est un des premiers assureurs au monde à avoir utilisé la titrisation lors de l'opération de titrisation du portefeuille d'assurance automobile d'AXA France IARD, arrangée par IXIS Corporate & Investment Bank. Cette opération a reçu le titre de « ABS Deal of the Year 2005 - Europe ». Ce prix a été décerné par la revue anglaise International Securitisation Report (ISR), principale référence dans le secteur des opérations structurées éditée par Thomson Financial.

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5 Conclusion La lecture de ce mémoire aura offert de comprendre les mécanismes en jeu mais aussi

les conditions et motivations de chacun des acteurs du marché des produits dérivés de crédit. Ces produits ont vu le volume notionnel de leurs sous-jacents croître sans à-coups depuis leur création. Qu’il s’agisse de diversification des risques, de minimisation du niveau de capital prudentiel, de simple recherche de revenu perçus comme peu risqué, chacun semble y trouver son compte, tant que le marché reste liquide. Pourtant, l’illiquidité qui se met en place sur le deuxième semestre 2007 et le « credit squeeze » actuel ne font que traduire la prise de conscience que les émetteurs de CDx ont surfé sur l’appétit général de dérivés de crédit pour introduire dans les tranches proposées au marché des actifs de qualité surestimée ou tout simplement mal évaluée. Depuis plusieurs mois, la question de fond posée par de nombreux spécialistes ne se résume cependant pas à un problème de liquidité mais bien à une question de confiance. Question d’une part sur le degré de résistance des modèles de valorisation utilisés par les plus importants émetteurs face à une crise et d’autre part, question sur la capacité d’anticipation des agences de notation qui n’ont pas été en mesure de prévoir le danger lié aux subprimes et n’ont pas prévenu le marché de ce risque, alors que c’est une des missions que le marché financier et ses régulateurs leur attribuent31.

Dans une approche mark-to-market des CDS, il serait primordial d’être en mesure

d’évaluer au plus juste la valeur des spreads de crédit. Différentes études ont été publiées pour montrer que les spreads de crédit pouvaient être calculés grâce à la valeur d’obligations d’entreprise. Ainsi, la possibilité de prendre le prix des CDS pour expliquer la valeur des spreads est en vogue. Notamment en raison du recours de plus en plus massif aux produits dérivés de crédit qui, malgré la crise des subprimes, conservent la faveur des investisseurs. Le modèle développé par Robert Jarrow, Li Li, Mark Mesler et Donald Van Deventer définit la valeur d’un CDS comme déterminant de la valeur du spread de crédit. Au mieux, les CDS n’expliquent le spread de crédit qu’à 80% en retenant les hypothèses théoriques usuelles de concurrence pure et parfaite. En prenant le raisonnement à l’envers, il paraîtrait normal que la valeur d’un spread de crédit et le CDS sur ce même crédit s’expliquent mutuellement de façon quasi intégrale puisque ce dernier est dépendant du spread (sensé traduire le niveau de risque réel, composante essentielle du prix du CDS). Dans la réalité, les hypothèses théoriques n’ont plus cours car le marché des CDS n’est pas parfaitement liquide, des coûts de transaction sont bien réels et les acteurs sur ce marché ne possèdent ni fonds ni garantie de façon illimitée. Dés lors que les spécialistes académiques sont dans l’impossibilité de proposer des modèles théoriques capables d’expliquer la valeur des spreads par les CDS, donc des CDS par le niveau de spread, il paraît impossible que le niveau de risque réel lié à un crédit soit intégralement traduit dans la valeur du CDS et du spread.

De plus, le comportement des agences de notations, en dégradant sans sommation de

plusieurs niveaux les notes attribuées aux organismes et fonds fortement impliqués dans les subprimes contribue au flou actuel. En effet, ces dernières n’ont pas été en mesure d’évaluer correctement le risque lié aux créances titrisées alors qu’elles sont supposées connaître les activités et les investissements des entreprises pour leur attribuer un niveau de risque. L’évaluation des risques est leur fonds de commerce. Si les banques, fonds de placement et autres véhicules d’investissement sont aujourd’hui incapables de connaître l’exposition de leur portefeuille aux subprime ou autres actifs à hauts risques - les investisseurs préfèrent substituer au terme hauts risque celui de hauts rendements, on peut finalement se demander

31 « La crise du subprime place les agences de notation sur la sellette », Kaysser CHERIF, 27 juin 2007, L’Agefi

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comment les agences de notation peuvent à leur tour évaluer le risque induit par des situations inconnues des entreprises elles-mêmes.

Même si la réflexion sur le rôle et le contrôle des agences de notation est engagée

outre atlantique, il ne faudrait pas croire qu’un simple habillage puisse porter plus de fruit que la muraille de chine ne l’aura fait quant au conflit d’intérêt entre les services de conseil et d’évaluation des banques. C’est a priori une réforme en profondeur qui devra être mise en place pour que les évaluations soient transparentes. Dans un second temps, les propositions faites par l’ISDA quant à l’organisation d’un marché ouvert et centralisé, la possibilité d’avoir recours à un mécanisme d’enchères pourraient rendre plus efficientes et plus transparentes les valorisations de produits dérivés de crédit.

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Annexe 1 - Quelques faits marquants pour les dérivés de crédit

Delphi

a) une illustration du risque opérationnel lié aux dérivés de crédit La faillite de l’équipementier automobile américain Delphi, en octobre 2005, a mis en

lumière l’augmentation du risque opérationnel liée à la forte croissance du marché des dérivés de crédit. Les vulnérabilités proviennent tant de dysfonctionnements internes des institutions financières (écart entre la rapidité du développement du marché et le rythme de développement des fonctions de supports et de contrôle), que de contraintes de capacité globale du marché, le volume des dérivés de crédit devenant de plus en plus important par rapport au volume de sous-jacent disponible. Des suspens de confirmation qui créent une insécurité juridique que les régulateurs ont cherché à réduire.

Même si elle n’a finalement donné lieu à aucune contestation juridique, la faillite de

Delphi a accéléré la prise de conscience de l’insécurité juridique générée par ces suspens, l’une des parties pouvant refuser d’honorer ses obligations si la transaction n’est pas confirmée. Aux États-Unis, une initiative conjointe des quatorze banques internationales les plus actives sur les dérivés de crédit, en liaison avec le Système fédéral de réserve de New York, a permis de réduire de 54 % les retards supérieurs à un mois dans les confirmations de transactions entre septembre 2005 et juin 2006. Parallèlement, la part des transactions confirmées électroniquement est passée de 46 % en septembre 2005, à 62 % en janvier 2006.

b) Des modalités de dénouement encore peu adaptées aux encours relatifs de dérivés et de sous-jacents

Dans le cas de Delphi, l’encours de dérivés de crédit sous diverses formes (swaps de

défaut individuels, indices de swaps de défaut, CDO) représentait plus de dix fois l’encours d’instruments obligataires sous-jacent. Après la faillite, la nécessité de livraison physique des

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contrats, héritée de la vocation initiale de couverture des swaps de défaut, a entraîné une hausse du prix de l’obligation Delphi sur le marché, alors même que l’entreprise était en défaut. Seule la mise en place par l’ISDA d’un protocole multilatéral ad hoc permettant la livraison en espèces des contrats sur indices de swaps de défaut subordonné (le prix de dénouement étant fixé par un mécanisme d’enchères) a permis d’abaisser le prix de l’obligation Delphi à des niveaux plus conformes au taux de recouvrement constaté habituellement sur ce type de signature.

Le prix d’enchères est ainsi ressorti à 63,4 %, un peu au-dessus du taux de

recouvrement moyen historique de 40 % sur les signatures de la catégorie spéculative mais en dessous de son pic d’octobre 2005. Même s’il a permis de vérifier avec un certain succès la résilience du système financier, l’épisode Delphi n’a pas apporté de solution pérenne aux problèmes de dénouement.

Ainsi, des évolutions contradictoires de prix, résultat d’un développement du marché

des dérivés beaucoup plus rapide que celui du sous-jacent et d’une inadaptation des modalités de dénouement, pourraient menacer ce marché si les défauts venaient à se multiplier. Le décalage entre dérivé et sous-jacent peut être très prononcé sur certaines signatures individuelles et la réflexion de l’ISDA sur les modalités de dénouement en espèces en cas de défaut constitue une étape importante en vue du renforcement de la robustesse du marché.

Conseco

Confronté à une restructuration de dette sans faillite en septembre 2000, cette entreprise de crédit à la consommation passe sous le contrôle de Gary Wendt. Lors de la restructuration de la dette, les CDS référencés sur elle sont déclenchés. Les banquiers de Conseco accordent des crédits supplémentaires afin de l’aider à éviter la faillite et l’autorisent à restructurer sa dette. Etant partie prenante dans les CDS et la renégociation, les banques en ont profité pour se protégé par un coupon plus élevé et ont laissé la dette s’apprécier aussi peu chère que des actifs obligataires de maturité résiduelle de plus de 20 ans. En effet, lors de la constatation d’un événement de crédit, c’est à la discrétion de l’acheteur de protection de déterminer le portefeuille de prêts ou d’obligation (les Deliverable Obligations indiquées dans le descriptif d’un contrat de CDS) qu’il envisage de livrer au vendeur.

L’acheteur aura toujours tendance à choisir les obligations les moins chères sur le

marché, on parle de cheapest-to-deliver. Donc en cas de défaut, le vendeur de protection se retrouvera avec des titres livrables les plus décotés du marché et il parait normal qu’il reçoive alors une rémunération supplémentaire. Conseco fut le cas où la restructuration engendra un effet cheapest-to-deliver. Considéré techniquement comme une restructuration, les banques ont pu activer la protection et livrer les obligations décotées de Conseco aux vendeurs de protection. Toutefois, l’utilisation de ce contrat n’est pas réglementée. Dans cette illustration, le créancier put en retirer un double avantage :

• le paiement par le vendeur de protection contre livraison des actifs les moins chers trouvés par le prêteur sur le marché ;

• remboursement des prêts restructurés. Ce cas explique en partie pourquoi l’ISDA a proposé une vision révisée de la

restructuration (Modified Restructuring). Celle-ci indique que les deux tiers des créanciers doivent accepter la proposition de restructuration pour que l’événement de crédit soit reconnu. Les acteurs européens ont milité pour la mise en place d’un Modified Modified Restructuring ou MMR car ils souhaitaient que le cas Conseco soit intégré dans la vision de la restructuration, à savoir qu’une banque ne puisse pas déclarer la restructuration à son gré en

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accord avec l’entreprise mais sans avoir à renoncer à ce qu’un seul créancier puisse annoncer l’événement de crédit. Selon le Groupe de travail du Committee on the Global Financial System, le débat autour de la restructuration ne peut pas être résolu simplement. En effet, les vendeurs de protection, en particulier les assureurs, considèrent que conserver la restructuration de la dette comme événement de crédit les met à la merci de comportements opportunistes des banques et les banques se considèrent mal protégées si elles ne sont pas couvertes contre ce risque. Les études montrent en effet que c’est sur cet événement de crédit que l’on retrouve le plus de comportements opportunistes de la part des acheteurs de protection.

Les subprimes

Le secteur subprime du marché immobilier américain est considéré par les acteurs du marché financier comme inquiétant bien que seul un cinquième environ des prêts résidentiels américains soit concerné. L'immobilier subprime constitue un détonateur à deux titres : d'une part en tant que partie la plus exposée du secteur immobilier résidentiel élément clé macroéconomique, d'autre part du fait du rôle qu'il joue en tant que composante de certains CDO. On parle de prêt subprime dans la mesure où les prêts hypothécaires ont été accordés à des personnes peu solvables et à des conditions très favorables grâce à des taux promotionnels sur 2 ans. Les taux étant variables et le gros de ses prêts ayant été accordés en 2006, l’impact maximal aura vraisemblablement lieu en 2008. Consentis à des ménages aux moyens modestes, le secteur subprime est en première ligne des défaillances lorsque le contexte économique se détériore. Le taux de défaillance actuel de 13,77 %32 est inquiétant et sa croissance ne faiblit que très peu au début du deuxième semestre 2007. Le mécanisme a failli par l’anticipation d’une plus value latente que le retournement du marché immobilier américain, avec une amorce de baisse intervenue en 2007, a rendu très improbable. Ainsi, même en l'absence d'une revente, les organismes de prêt ont encouragés les emprunteurs à tirer parti du capital devant s'accumuler rapidement par la montée des prix de l’immobilier, en leur accordant des prêts dont le collatéral était précisément cette plus-value non réalisée. Les organismes prêteurs renouvellent les fonds consacrés au prêt au logement par le biais de la titrisation, où plusieurs milliers de prêts individuels sont agrégées sous forme d'obligations, les MBS33. Ces MBS sont vendues au public, redistribuant la dette parmi l'ensemble des investisseurs. Les prêts subprimes sont titrisés au côté des prêts automobiles et des découverts sur cartes de crédit, sous la forme d'ABS34. Les CDO ont un fonctionnement différent mais le découpage en tranches de risques qu’ils proposent procède du même principe.

Les partisans de la titrisation avancent que le risque systémique d'un effet domino dans

les marchés financiers où chaque faillite en entraîne d'autres à sa suite, s'est amenuisé du fait de la titrisation de la dette car le risque est mieux analysé par les marchés et réparti sur plus d’acteurs.

Tout indique au contraire qu'un petit nombre de banques centrales, principalement

asiatiques, de fonds de pension, de compagnies d'assurance et surtout de fonds d’arbitrage ont concentré ce risque entre leurs mains par le biais des CDO. Certes, il existe des modèles mathématiques pour évaluer le prix de tels instruments mais la valeur calculée par un modèle peut être fort différente d'une valeur de marché. Et aujourd'hui, le risque est que la valeur de

32 La Mortgage Bankers Association a publié un indice au premier trimestre 2007 de défaillance sur des loans de 60 jours ou plus en hausse de 44 pb à 13,77% quand les saisies de bien hypothécaires se sont accélérées à 1,28% 33 Le montant des MBS, CMBS et RMBS (Commercial Residential Mortgage Backed Securities) émises dépassait en 2006 celui des obligations d'Etat américaines (5.200 milliards de dollars contre 4,9). 34 Asset Backed Securities

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marché provoque une baisse précipitée des CDO. Le fait que Bear Stearns ait renfloué ses fonds aura permis d’éviter de liquider rapidement leur investissement. Une vente aux enchères des titres détenus aurait apporté de la transparence et la fameuse valeur de marché (via le processus des enchères) sur de multiples instruments. Bien que les grandes banques d’affaire qui avaient investit dans les CDO de Bears Stearns ont menacé de mettre les titres en ventes sur le marché, elles préfèrent sans doute utiliser la valeur de leurs modèles mathématiques pour le reste de leurs instruments que de confronter cette valeur mark-to model au prix qui résulterait d’enchères ouvertes. Elles peuvent dans une certaine mesure remercier Bear Stearns d’avoir évité la confrontation à des pris mark-to-market.

Depuis le début de la crise des subprime, le coût de garantie contre le défaut sur Bears

Stearns, fortement compromis dans les subprime avait augmenté de 54 pb selon Phoenix Securities à mi Juin 2007. En attendant, les CDS des groupes tels que Goldman Sachs ont également augmenté de 37 pb et ceux de Lehman Brothers ont affiché 39 pb.

Par ailleurs, La justice américaine s’intéresse à l’implication des agences de notation

dans le segment très risqué du subprime en particulier et des produits dérivés de crédit en général. Les agences Fitch, Moody’s, Standard & Poor’s sont montrés du doigt par la justice américaine et par les gérants de fonds qui ont subi des pertes suite à la crise du subprime. Ces derniers indiquent qu’elles ont, entre autre, failli dans leur rôle de mise en garde. Les trois agences sont liées aux pertes enregistrées sur les produits structurés ayant pour sous -jacent des crédits subprime. Pour un nombre grandissant d’experts, les agences ont joué un rôle clé dans le développement rapide du segment risqué des CDO et autres ABS mais ont aussi favorisé l’essor des produits dérivés de crédits dont la tarification dépend en ligne directe des avis qu’elles émettent.

Fin juillet, Freddie Mac annonçait qu’un cinquième de son portefeuille de prêts était

constitué de prêts subprime, soit 120 Milliards de dollar. Cette annonce fait suite à celles de deux constructeurs immobiliers qui indiquaient avoir enregistré des pertes suite au ralentissement du marché immobilier américain (-6% de logements neufs vendus). Tout comme Bears Stearns, le fonds australien Absolute Capital, détenu à 50% par ABN Amro, devait confirmer la débâcle de deux de ses fonds spécialisés dans les CDO subprime.

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Annexe 2 – Bibliographie

§ « Vers un continuum de marché ? modèles structurelles et interactions entre les marchés actions et crédits », François HAAS, banque de France Juin 2003 http://www.banque-france.fr/fr/publications/telechar/rsf/2003/etud2_0603.pdf

§ « Options, Futures and other derivatives”, John C Hull, 6éme edition. § Journal of derivatives, fall 2006, “Valuing Credit Derivatives Using an implied

Copula approach” John Hull and Alan White. § “Dynamics Model of portfolio credit risk : A simplified approach”, John Hull

and Alan White, May 2007 § “On the pricing of corporate debt: The risk structure of interest rates”. Robert C

MERTON November 1973. § “Idiosyncratic Risk, Systematic Risk and Stochastic volatility : An

implementation of Merton’s Credit Valuation”, Dr Hayette Gatfaoui. § BIS Working papers no 203 “Macro factors in the Term Structure of Credit

Spreads”, Jeffery D Amato and Maurizio Luisi, March 2006 § BIS Working papers No 163, “CDO rating methodology: Some thoughts on

model risk and its implications” by Ingo Fender and John Kiff, November 2004 § “Explaining Credit Default Swap Spreads with the Equity Volatility and jump

Risks of individual Firms” by Benjamin Yibin Zhang, Hao Zhou, Haibin Zhu 2005-63

§ La fiche thématique du capital investissement n° 26 d’octobre 2006. www.afic.asso.fr

§ « Vers une réforme de la surveillance prudentielle des assureurs européens », Jean-Michel Pacaud et Fabienne Dalne Juillet 2005 www.ey.com/Global/content.nsf/luxembourg_e/media_press_articles_solvency_II

§ International Herald Tribune Articles : o Goodbye US investment bank… o Wall Street often shelved damaging sub prime reports o Mortgage renewals set to prick US property bubble o Another wave of bad news pounds the US mortgage market o US mortgage crisis hits Pacific Rim markets o APEC finance chiefs discuss recent market turmoil o Funds raise interesting weather futures o Sub prime rout sweeps Asian Markets o Wall street ends in a rally after a roller coaster trading day o American Home Mortgage says it will close o ODDO AM, fermeture des fonds Oddo Cash Arbitrage et Oddo Court

Terme Dynamique o Asian bankers seek to ease credit jitters

§ “The bank’s role: Credit supplier or Risk Consultant” by Ruud Nijs, Michiel de Gou, 25 septembre 2005.

§ « Evaluation des CDS et des Forward Start CDS » par Riadh BELHAJ § « The emergence of credit Derivatives”, 1 août 2004,

www.creditmag.com/public/showPage.html?page=168229 § « De Bâle 1 à Bâle 2, Effets sur les marches de crédit », Patrick ARTUS, Revue

économique, janvier 2005. § « Basket Default Swaps, CDO’s and Factor Copulas », Jean-Paul LAURENT et

Jon GREGORY, octobre 2002. § « Solvabilité 2, L’assurance en émoi », L’AGEFI n° 62 du 7 au 13 décembre 2006

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§ Risk based Capital (from basel 1 to basel 2) by Jremy Y. PRENIO, 14 Janvier 2005 : http://www.bsp.gov.ph/regulations/Basel/basel2ppt2.pdf

§ Modalité de calcul du ratio international de solvabilité Actualisation au 1 janvier 2006 par la commission bancaire en date du 17 février 2006. http://www.banque-france.fr/fr/supervi/telechar/supervi_banc/cooke.pdf

§ « Le dispositif de Bâle 2 : role et mise en œ uvre du pilier 2 », Pierre Yves THORAVAL, décembre 2006. http://www.banque-France.fr/fr/publications/telechar/rsf/2006/etud6_1206.pdf

§ « Bâle 2 et IAS 39 : Les nouvelles exigences en fonds propres réglementaires des banques et l’évaluation en juste valeur des instruments financiers ». Dominique LACOUE-LABARTHE http://www.courdecassation.fr/IMG/File/bale_II_lacoue_labarthe.pdf

§ Capital adequacy ratios for banks - simplified explanation and example of calculation http://www.rbnz.govt.nz/finstab/banking/regulation/0091769.html

§ Campbell, J., and B. Taskler, 2003, Equity Volatility and Corporate Bond Yields, Journal of Finance, 58, 2321–2350.

§ Collin-Dufresne, Pierre , Robert S. Goldstein, and J. Spencer Martin, "The Determinants of Credit Spread Changes", Journal of Finance, Vol. 56, No. 6, (December 2001), pp. 2177-2207

§ “The determinants of corporate credit spreads”, Technical papers - 1 September 2007, Risk Magazine, Robert Jarrow, Li Li, Mark Mesler and Donald van Deventer.

§ Elton, E.J., Gruber, M.J., Agrawal, D., Mann, C. (2001), "Explaining the rate spread on corporate bonds", Journal of Finance, Vol. 56 pp.247-77

§ Informations provenant de www.gtnews.com o “A Debate on Exchange Traded Credit Default Swaps”, Anshuman

Choudhary, Cognizant Technology Solutions - Krishnan Shivram, Cognizant Technology Solutions - 15 Aug 2006

o “Credit Default Swaps: An Overview”, Birgit Specht, Dresdner Kleinwort - 12 Sep 2002, www.gtnews.com

§ L'Art de la finance - 11/12, “VaR : quelle mise sur la table du casino ? », www.lesechose.fr

o Global Credit Derivative Survey, Roger W. Merritt, Fitch Ratings - 10 Jan 2005, www.gtnews.com

o Hedge Funds: An Emerging Force in the Global Credit Markets, Roger W. Merritt, Fitch Ratings - Ian C. Linnell, Fitch Ratings - 28 Feb 2006

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Annexe 3 – Modèle de valorisation (complément)

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Annexe 4 – Exemple de Contrat

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