Eléments de lexicologie (2) Pr. François MANIEZ Directeur du CRTT, EA 4162 (Centre de Recherche en...

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Eléments de lexicologie (2)

Pr. François MANIEZDirecteur du CRTT , EA 4162(Centre de Recherche en Terminologie et Traduction)Université Lumière Lyon 2requête Google : maniezffrancois.maniez@univ-lyon2.fr

II - Le lexique

Ensemble des mots d’une langue ; il n’est pas clos, et ses contours ne sont pas fixés de manière absolue.

A. Les sous-ensembles1. Lexique général et lexiques de spécialité

Le lexique général est commun à tous les locuteurs d’une langue, alors que les divers lexiques de spécialité sont liés à des domaines (sciences, techniques, vocabulaires des métiers). L’étude des lexiques de spécialité est la terminologie.

2. Facteurs de variation du lexique général

La variation diachronique est la variation dans le temps (néologie, nécrologie).

La variation diatopique est la variation dans l’espace. C’est l’un des types de variation qu’étudie la sociolinguistique.

La variation diastratique est liée aux registres, qui découpent dans le lexique des strates : familier, littéraire, argotique, etc.

 Aux frontières du lexique

1. Les noms propres Ils n’ont pas de sens à proprement parler, mais

un référent unique. Certains noms de ville ou de pays étranger ont une forme française, qui fait partie du lexique du français. Les dictionnaires non encyclopédiques ne les répertorient pas.

Un dictionnaire bilingue EN/FR donnera l’équivalence London/Londres, mais un dictionnaire du français (http://atilf.atilf.fr/) n’inclura pas l’entrée Londres, tout en incluant l’adjectif londonien.

Les noms de personne entrent dans le lexique :

lorsqu’ils désignent des personnages emblématiques (un don Juan). On parle parfois de noms propres métaphoriques (à dissocier des noms propres métonymiques, c.f. Kleiber 2008 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1991_num_92_1_6213)

lorsque des produits sont désignés par le nom de leur inventeur (poubelle, sandwich)

lorsqu’un nom de marque devient un nom commun (kleenex, mobylette, sopalin).

par l’intermédiaire de leurs dérivés : beaucoup d’adjectifs sont formés à partir de noms de lieu (lyonnais), d’auteurs (rabelaisien) ou de personnages (faustien, gargantuesque).

2. Les mots virtuels

« [...] in-décor-able existe déjà en puissance dans la langue [...] et sa réalisation dans la parole est un fait insignifiant en comparaison de la possibilité de le former.(F. de Saussure ? CLG, p. 227)

Au lexique attesté, on peut ainsi ajouter la masse des mots « en puissance ». Mais le fait de savoir lesquels de ces mots sont lexicalisés fait partie de la compétence du locuteur natif.

3. Les mots étrangers

Les langues empruntent toutes à d’autres une partie de leur lexique.

Ces emprunts donnent parfois lieu à des adaptations phonétiques et orthographiques (bifteck) ou morphologiques (relooker).

On distingue les calques (traduction littérale d’une expression : col blanc) et les xénismes, qui correspondent à une réalité étrangère (apartheid, toundra).

Le signe linguistique

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I. Le signe linguistique et le référent

FdS : le signe est une entité à double face (signifiant/signifié ou expression/contenu).

Le signifiant est l’aspect formel du signe qui évoque un contenu sémantique.

Le signifié est le contenu sémantique évoqué par le signifiant.

Tout signe linguistique - qu’il s’agisse d’un morphème (comme -able), d’un mot ou d’une unité de taille supérieure - a un signifiant et un signifié.

Les objets du monde, extérieurs à la langue, sont appelés référents.

Emploi référentiel /emploi autonymique du signe.

Le signe qui renvoie à lui-même est dit autonyme (Chat rime avec rat).

II. Sens et référence

A. RéférenceLe nom commun, en dehors de son

emploi en discours, renvoie à une classe de référents et non à un objet singulier. Par le passage de la langue au discours (acte d’énonciation), le signe permet au locuteur de désigner un objet unique (référence actuelle/référence virtuelle).

B. Le sens référentielLe sens référentiel d’une unité lexicale

est l’ensemble des propriétés du signifié qui permettent d’identifier une catégorie d’objets du monde par rapport à d’autres objets. On parle aussi de sens dénotatif ou désignatif.

C. Extension/intension Pour définir une classe d’objets, on peut : -énumérer les éléments qui composent cette

classe (définition en extension) - établir la liste des propriétés communes aux

objets de cette classe. Ex. chien = mammifère de l'ordre des carnivores digitigrades (définition en intension).

La définition en extension est parfois nécessaire, en l’absence de traits sémantiques (cas des couleurs).

III – Dénotation/Connotation(s)

Dénotation = extension d’un signeConnotation= valeurs sémantiques

secondes qui viennent s’ajouter au sens dénotatif

Le sens dénotatif s’oppose au sens connotatif (SDF v. clochard, sans-papiers v. clandestin)

Les valeurs connotatives varient en fonction des locuteurs.

Les analyses du sens lexical

En sémantique lexicale, les mots ont un sens que l’on peut décrire indépendamment de ses emplois, un invariant sémantique.

Il y a trois modèles théoriques distincts :

La définition par inclusion

La propriété métalinguistique du langage permet l’activité de définition, la périphrase.

L’énoncé du dictionnaire représente une analyse du sens dénotatif des unités lexicales, qui utilise les catégories logiques d’Aristote (genre et espèce).

Définition logique, hyperonymique, par inclusion.

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A. Le modèle aristotélicien

1. Genre prochain et différences spécifiquesLa définition bâtie sur ce modèle :

désigne le genre du nom à définirspécifie ce qui le différencie des autres

espèces appartenant à ce genreFonte : alliage de fer et de carboneAlliage est l’incluant ; fer et carbone sont

les éléments différenciateurs.

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Grog : boisson faite d’eau chaude sucrée et de rhum.

Fauteuil : siège à dossier et à bras, à une seule place.

La lecture de la définition pourrait s’arrêter après l’hyperonyme.

Aristote recommande la définition par le genre prochain.

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Aristote distingue trois genres dans une classification absolue :

Genre prochain (fauteuil siège)Genre éloigné (fauteuil meuble)Genre suprême (fauteuil objet)

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2. Visée référentielleC’est la vérification de la définition par

inclusion à l’aide d’un double test.Tous les fauteuils sont-ils des sièges à

dossier et à bras à une seule place ?Tous les sièges à dossier et à bras à

une seule place sont-ils des fauteuils?

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B. Types de définition

1. Def. hypospécifiques, suffisantes, hyperspécifiques (encyclopédiques)

Hypospécifique saharienne : veste de toile

Suffisante Chamois : ruminant à cornes recourbées vivant dans les

hautes montagnes d’Europe.

Hyperspécifique Chamois : ruminant à cornes lisses et recourbées au sommet,

aux jambes longues et fortes, qui se rencontre dans les hautes montagnes de l’Europe où il grimpe et saute avec agilité.

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2. Diversité du contenu dans la définition d’un mot.

Difficulté de sélection de l’incluant et des traits différenciateurs : carré peut être défini par l’incluant

rectangle, quadrilatère ou figure.couteau peut être défini par l’incluant

ustensile de cuisine, instrument, outil ou arme.

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Définitions de saharienne

PLI : veste de toile GR : veste de toile, à manches courtes GLLF : veste de toile très légère, de couleur

claire Hachette : veste de toile légère, à manches

courtes et à grandes poches plaquées. NPR : veste de toile ceinturée, à manches

courtes et poches plaquées, inspirée de l’uniforme militaire.

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Le nombre de traits définitoires peut être très élevé, et contribue à délimiter le sens référentiel du mot.

Ces traits définitoires variés expliquent le fait que les langues ne retiennent que certaines propriétés dans la dénomination d’un objet :

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Feuerwehrmann / brandweerman : feu + défense + agent humain

firefighter / fireman : feu (+ lutter) + agent humain

pompier / bombero / pompiere : pompe + agent humain

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C. Les limites du modèle

Les mots primitifs et les mots grammaticaux ne peuvent être définis à l’aide du modèle aristotélicien

mots primitifs : être / personne, chose / objet (primitifs lexicaux)

mots grammaticaux : prépositions, articles, pronoms. Leur contenu se réduit à leur fonction : Que : pronom relatif désignant une personne ou

une chose

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II. L’analyse sémique ou componentielle

A partir de la deuxième moitié du XX° siècle, les linguistes ont postulé l’existence de sèmes (ou traits sémantiques, ou encore composants), d’où la dénomination d’analyse sémique ou componentielle.

Il s’agit d’une adaptation du système structural des oppositions phonologiques au domaine du sens.

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A. Le modèle phonologique

1. Les concepts phonologiquesPour déterminer l’ensemble des

phonèmes d’une langue donnée, on a recours à la commutation dans le cadre de paires minimales (boule/poule).

Le phonème est défini comme un ensemble de traits distinctifs (ou pertinents). Les phonèmes distincts ont au moins un trait différent :

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Traits distinctifs des phonèmes /p/ et /b/

/p/ /b/

Sonorité - +

Labialité + +

Occlusion + +

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2. Concepts de l’analyse sémiqueLa substance sémantique d’un mot,

comme la substance phonologique d’un phonème, est constituée de traits distinctifs de signification appelés sèmes.

Le sémème est l’ensemble des sèmes caractérisant un mot.

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Archisémème et archilexème Deux sémèmes peuvent avoir plusieurs sèmes

en commun, qui constituent leur archisémème. Par exemple, femme et fille partagent les

sémèmes /humain/ et /non mâle/. Cet archisémème n’a pas de réalisation

lexicale. Quant elle existe, elle se nomme archilexème (siège, pour le sème /pour s’asseoir/).

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Les noms de siège (Pottier, 1964)

pours’asseoir

surpieds

pour unepersonne

avecdossier

avecbras

en matière rigide

chaise + + + + - +

fauteuil + + + + + +

tabouret + + + - - +

canapé + + - (+) (+) +

pouf + - + - - -

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