Post on 30-Nov-2018
Dossier pédagogique réalisé par Rénilde Gérardin, professeur du service éducatif : r.gerardin@lacomediedereims.fr Contacts relations publiques : Julie Cabrespines : j.cabrespines@lacomediedereims.fr Marie-Charlotte Kieffer : mc.kieffer@lacomediedereims.fr
Détail de la fresque : Les Noces Aldobrandines (autour de 0)
Iphis et Iante
d’Isaac de Bensérade mise en scène Jean-Pierre Vincent
du mardi 9 au jeudi 11 avril 2013
d’Isaac de Bensérade
mise en scène Jean-Pierre Vincent
assisté de Frédérique Plain
dramaturgie Bernard Chartreux
décor Jean-Paul Chambas, assisté de
costumes Patrice Cauchetier
lumières Alain Poisson
son Benjamin Furbacco
combats Bernard Chabin
maquillage Suzanne Pisteur
coiffure Véronique N’Guyen
réalisation des costumes CARACO
réalisation du décor Théâtre Nanterre
avec
Suzanne AUBERT : IPHIS, fille en garçon
Chloé CHAUDOYE : IANTE, maîtresse d’Iphis
Éric FREY : TÉLESTE, père d’Iante
Charlie NELSON : LIGDE, père d’Iphis
Anne GUÉGAN : TÉLÉTUZE, mère d’Iphis
Barthélémy MERIDJEN CNSAD
Antoine AMBLARD : NISE, ami d’Ergaste
Mathilde SOUCHAUD : MÉRINTE
Catherine ÉPARS : DÉESSE ISIS
DOMESTIQUE
© Raphaël Arnaud
production déléguée Théâtre du Gymnase [Marseille]
coproduction Théâtre du Gymnase [Marseille], Théâtre Liberté [Toulon], compagni
avec la participation artistique
avec le soutien du Fonds d’Insertion pour Jeunes Artistes Dramatiques, D.R.A.C. et Région
Provence-Alpes-Côte d'Azur.
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Pierre Vincent
Bernard Chartreux
, assisté de Carole Metzer
Patrice Cauchetier, assisté d’Anne Autran
CARACO
Théâtre Nanterre-Amandiers
, fille en garçon
, maîtresse d’Iphis
, père d’Iante
, père d’Iphis
, mère d’Iphis
CNSAD : ERGASTE, amoureux d’Iphis
, ami d’Ergaste
MÉRINTE, amoureuse d’Ergaste
DÉESSE ISIS / SŒUR D’ERGASTE, confidente de Télétuz
DOMESTIQUE de Téleste
Théâtre du Gymnase [Marseille],
Théâtre du Gymnase [Marseille], Théâtre Liberté [Toulon], compagni
avec la participation artistique du Jeune Théâtre National et de l’ENSATT,
du Fonds d’Insertion pour Jeunes Artistes Dramatiques, D.R.A.C. et Région
, confidente de Télétuze /
Théâtre du Gymnase [Marseille], Théâtre Liberté [Toulon], compagnie Studio Libre,
du Fonds d’Insertion pour Jeunes Artistes Dramatiques, D.R.A.C. et Région
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C’est une pièce d’avant nos grands classiques, une comédie atypique, un conte, une histoi
dormir debout. Elle fut créée en 1634 à l’Hôtel de Bourgogne. L’auteur, Isaac de Benserade, était
alors âgé de 22 ans.
Il ne s’agit pas pour nous d’accomplir un geste de renaissance stylistique, ni de dévotion au passé.
La redécouverte est plus direct
cette dérangeante histoire, à vous, gens de notre époque.
Ce spectacle voudrait parler en particulier aussi aux adolescents d’aujourd’hui qui, en termes de
sexualité, de « genre » et d’amour,
différentes de celles de générations antérieures. Ils (et elles !) pourront
retrouver dans la liberté et les tourments
PISTES
Cette histoire nous saute à l’esprit. Chaque spectatrice, chaque spectateur pourra trouver des échos
actuels, vivants, déroutants, en soi et autour de soi. C’est la légende qui importe. Comme toutes les
légendes, elle touche plus profondément les sources et les mystères
soient sondées (et dites) au théâtre les pulsions des désirs plus dérangeants, qu’y soient
franchement traités les tourments
À bien y penser, la fable est terrible, mais Benserade sous
sont lourds, mais c’est un chef-d’œuvre de fantaisie, voire parfois de cocasserie absurde.
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SSOOMMMMAAIIRREE
LLEE PPRROOJJEETT AARRTTIISSTTIIQQUUEE
NNoottee dd’’iinntteennttiioonn
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UUEE
C’est une pièce d’avant nos grands classiques, une comédie atypique, un conte, une histoi
en 1634 à l’Hôtel de Bourgogne. L’auteur, Isaac de Benserade, était
Il ne s’agit pas pour nous d’accomplir un geste de renaissance stylistique, ni de dévotion au passé.
La redécouverte est plus directe, plus urgente. C’est nous, gens de notre époque, qui racontons
histoire, à vous, gens de notre époque.
Ce spectacle voudrait parler en particulier aussi aux adolescents d’aujourd’hui qui, en termes de
« genre » et d’amour, vivent à la fois des histoires éternelles et des expériences bien
générations antérieures. Ils (et elles !) pourront – nous l’espérons
retrouver dans la liberté et les tourments d’Iphis et Iante.
aute à l’esprit. Chaque spectatrice, chaque spectateur pourra trouver des échos
actuels, vivants, déroutants, en soi et autour de soi. C’est la légende qui importe. Comme toutes les
légendes, elle touche plus profondément les sources et les mystères du désir. Il est rare qu’ainsi
(et dites) au théâtre les pulsions des désirs plus dérangeants, qu’y soient
franchement traités les tourments ordinaires de l’interdit.
À bien y penser, la fable est terrible, mais Benserade sous-titre bien sa pièce « Comédie
d’œuvre de fantaisie, voire parfois de cocasserie absurde.
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C’est une pièce d’avant nos grands classiques, une comédie atypique, un conte, une histoire à
en 1634 à l’Hôtel de Bourgogne. L’auteur, Isaac de Benserade, était
Il ne s’agit pas pour nous d’accomplir un geste de renaissance stylistique, ni de dévotion au passé.
e, plus urgente. C’est nous, gens de notre époque, qui racontons
Ce spectacle voudrait parler en particulier aussi aux adolescents d’aujourd’hui qui, en termes de
vivent à la fois des histoires éternelles et des expériences bien
nous l’espérons – se
aute à l’esprit. Chaque spectatrice, chaque spectateur pourra trouver des échos
actuels, vivants, déroutants, en soi et autour de soi. C’est la légende qui importe. Comme toutes les
ir. Il est rare qu’ainsi
(et dites) au théâtre les pulsions des désirs plus dérangeants, qu’y soient
Comédie ». Les cœurs
d’œuvre de fantaisie, voire parfois de cocasserie absurde.
Il n’y a pas de morale là-dedans, pas d’explication à donner, pas de leçon à tirer : c’est la force des
légendes.
C’est une histoire d’avant la psychanalyse et l’homosexualité moderne, un poème des heures
chaudes de la jeunesse. Car il n’y a pas qu’Iphis et Iante ; il y a Ergaste, et son amoureuse Mérinte, et
son frère Nise, et des parents paumés… Le désir
utopique et tragique. Et il ne faudra pas moins d’une déesse (dea ex machina) pour que tout rentre
dans l’ordre, ordre moral, social,
Pour franchir ce pas, pour nous entraîner à naviguer dan
« Il était une fois… ». C’est bien sûr un conte, un rêve, mais le rêve de qui ? D’Ovide ? de
Benserade ? d’Iphis et d’Iante ? Un cauchemar de leurs parents ? Un rêve de la déesse Isis, ou de
l’humanité dans la nuit des temps !?
De vous, finalement, peut-être…
DRÔLE DE GENRE
Qui est qui, dans cette histoire ? Que l’on se souvienne des récents d
vertement animés autour du « genre » dans certains manuels scolaires. La morale commune a
souvent un cran de retard sur le réel. Le rapport des adolescents d’aujourd’hui à la question de
l’identité sexuelle a connu une évolution.
étrange qu’une aussi ancienne comédie anticipe à ce point sur ces questions qui nous semblent si
nettement liées à la récente actualité.
Peut-être, donc, ces questions sont
seulement par certaines générations ?...
La présentation d’Iphis et Iante peut donner lieu à bien des rêveries, mais aussi à bien des débats.
FIGURES LIBRES : D’HIER À AUJOURD’HUI
Cette histoire vient de loin. Et ce n’est
histoire du passé. Nous ne sommes pas des baroqueux, mais nous n’aimons guère non plus
l’actualisation à tout crin. Jouer bêtement cela en jeans, petites robes et complets vestons, avec la
déesse en rock star, ne ferait que créer une illusion de proximité, et nous ferait rater l’essentiel. C’est
en faisant le détour du dépaysement,
que le sens va apparaître, dans son
C’est au metteur en scène et à ses acteurs de ne pas oublier leur actualité au vestiaire, d’oser
écouter ce que le texte dit vraiment et comment il le dit, mot après mot. L’écart entre un texte ancien
et nous est en mouvement constant. Il faut trouver le style qui convient aujourd’hui à cette
transmission, faire jouer la vieille, mais toujours efficace, dialectique entre la jubilation de la
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dedans, pas d’explication à donner, pas de leçon à tirer : c’est la force des
a psychanalyse et l’homosexualité moderne, un poème des heures
jeunesse. Car il n’y a pas qu’Iphis et Iante ; il y a Ergaste, et son amoureuse Mérinte, et
parents paumés… Le désir – et son empêchement –
faudra pas moins d’une déesse (dea ex machina) pour que tout rentre
dans l’ordre, ordre moral, social, sentimental, économique, sexuel, mis pour un temps en péril.
Pour franchir ce pas, pour nous entraîner à naviguer dans ces eaux troubles, Benserade, passe par le
une fois… ». C’est bien sûr un conte, un rêve, mais le rêve de qui ? D’Ovide ? de
Iante ? Un cauchemar de leurs parents ? Un rêve de la déesse Isis, ou de
a nuit des temps !?
être…
« Si vous accouchez donc d’une fille,
faites-la mourir en naissant…
Ovide, Les Métamorphoses
Qui est qui, dans cette histoire ? Que l’on se souvienne des récents débats qui courent encore,
animés autour du « genre » dans certains manuels scolaires. La morale commune a
retard sur le réel. Le rapport des adolescents d’aujourd’hui à la question de
évolution. La génération des parents ne s’y retrouve plus trop… Il est
comédie anticipe à ce point sur ces questions qui nous semblent si
nettement liées à la récente actualité.
être, donc, ces questions sont-elles bien plus permanentes, voire éternelles, éclipsées
certaines générations ?...
peut donner lieu à bien des rêveries, mais aussi à bien des débats.
FIGURES LIBRES : D’HIER À AUJOURD’HUI
Cette histoire vient de loin. Et ce n’est pas son moindre charme. Mais ce n’est pas seulement une
histoire du passé. Nous ne sommes pas des baroqueux, mais nous n’aimons guère non plus
à tout crin. Jouer bêtement cela en jeans, petites robes et complets vestons, avec la
ferait que créer une illusion de proximité, et nous ferait rater l’essentiel. C’est
en faisant le détour du dépaysement, en acceptant de se laisser aller au voyage du « il était une fois »
que le sens va apparaître, dans son universalité. Mais quelle historicité, quel dépaysement ?
C’est au metteur en scène et à ses acteurs de ne pas oublier leur actualité au vestiaire, d’oser
que le texte dit vraiment et comment il le dit, mot après mot. L’écart entre un texte ancien
mouvement constant. Il faut trouver le style qui convient aujourd’hui à cette
vieille, mais toujours efficace, dialectique entre la jubilation de la
dedans, pas d’explication à donner, pas de leçon à tirer : c’est la force des
a psychanalyse et l’homosexualité moderne, un poème des heures
jeunesse. Car il n’y a pas qu’Iphis et Iante ; il y a Ergaste, et son amoureuse Mérinte, et
parcourt ces lignes,
faudra pas moins d’une déesse (dea ex machina) pour que tout rentre
sentimental, économique, sexuel, mis pour un temps en péril.
s ces eaux troubles, Benserade, passe par le
une fois… ». C’est bien sûr un conte, un rêve, mais le rêve de qui ? D’Ovide ? de
Iante ? Un cauchemar de leurs parents ? Un rêve de la déesse Isis, ou de
Si vous accouchez donc d’une fille,
la mourir en naissant… »
Les Métamorphoses, livre IX, fable XII
ébats qui courent encore,
animés autour du « genre » dans certains manuels scolaires. La morale commune a
retard sur le réel. Le rapport des adolescents d’aujourd’hui à la question de
La génération des parents ne s’y retrouve plus trop… Il est
comédie anticipe à ce point sur ces questions qui nous semblent si
ntes, voire éternelles, éclipsées
peut donner lieu à bien des rêveries, mais aussi à bien des débats.
pas son moindre charme. Mais ce n’est pas seulement une
histoire du passé. Nous ne sommes pas des baroqueux, mais nous n’aimons guère non plus
à tout crin. Jouer bêtement cela en jeans, petites robes et complets vestons, avec la
ferait que créer une illusion de proximité, et nous ferait rater l’essentiel. C’est
en acceptant de se laisser aller au voyage du « il était une fois »
s quelle historicité, quel dépaysement ?
C’est au metteur en scène et à ses acteurs de ne pas oublier leur actualité au vestiaire, d’oser
que le texte dit vraiment et comment il le dit, mot après mot. L’écart entre un texte ancien
mouvement constant. Il faut trouver le style qui convient aujourd’hui à cette
vieille, mais toujours efficace, dialectique entre la jubilation de la
reconnaissance et l’effarement de la
raconterons cet HIER…
Cela se passera dans un lieu imaginaire, fictionnel, mêlant les quatre époques…: c’est une fable de
l’ancienne Grèce, reprise d’abord par un Romain, puis par un jeune poète du XVII° siècle, puis par
nous aujourd’hui. Comment choisir entre tous ces moments ? Faut
question dans le théâtre d’aujourd’hui. Pour nous, cela se passera dans un lieu étrange entre les
quatre époques. Les costumes du passé ressembleront souvent à des choses de la dernière
moins que ce ne soit l’inverse).
intérieur, mais il aura de curieuses couleurs
vivante entre en scène, ce qui n’est guère le cas
plus vivant, c’est notre imagination, capable de brasser tout
Ah oui ! Bien sûr, la pièce est en vers, des vers d’avant le marbre classique ! Benserade ne prétend
pas au Panthéon… Nous habiterons ces vers comme nous habiterons les costumes, comme
l’espace, avec immédiateté, simplement. Pour que la flèche atteigne son but.
EEnnttrreettiieennss aavveecc JJeeaann--
Jean-Pierre Vincent parle de sa mise en scène d’
Entretien vidéo réalisé par Julien Bengel pour le Thé
disponible à l’adresse : www.theatre
5
reconnaissance et l’effarement de la découverte. C’est bien depuis AUJOURD’HU
Cela se passera dans un lieu imaginaire, fictionnel, mêlant les quatre époques…: c’est une fable de
l’ancienne Grèce, reprise d’abord par un Romain, puis par un jeune poète du XVII° siècle, puis par
t choisir entre tous ces moments ? Faut-il choisir ? C’est une grande
théâtre d’aujourd’hui. Pour nous, cela se passera dans un lieu étrange entre les
du passé ressembleront souvent à des choses de la dernière
moins que ce ne soit l’inverse). Par la magie de la lumière, le coin d’une rue deviendra parfois un
intérieur, mais il aura de curieuses couleurs de vase grec antique. Il faudra aussi qu’une déesse
vivante entre en scène, ce qui n’est guère le cas dans notre quotidien. Dans ce jeu, le plus actuel, le
plus vivant, c’est notre imagination, capable de brasser tout cela dans l’espace d’un instant.
Ah oui ! Bien sûr, la pièce est en vers, des vers d’avant le marbre classique ! Benserade ne prétend
Panthéon… Nous habiterons ces vers comme nous habiterons les costumes, comme
immédiateté, simplement. Pour que la flèche atteigne son but.
Jean-Pierre Vincent et Bernard Chartreux
--PPiieerrrree VViinncceenntt
erre Vincent parle de sa mise en scène d’Iphis et Iante
Entretien vidéo réalisé par Julien Bengel pour le Théâtre du Gymnase de Marseille et
www.theatre-contemporain.net/spectacles/Iphis-et-
découverte. C’est bien depuis AUJOURD’HUI que nous
Cela se passera dans un lieu imaginaire, fictionnel, mêlant les quatre époques…: c’est une fable de
l’ancienne Grèce, reprise d’abord par un Romain, puis par un jeune poète du XVII° siècle, puis par
il choisir ? C’est une grande
théâtre d’aujourd’hui. Pour nous, cela se passera dans un lieu étrange entre les
du passé ressembleront souvent à des choses de la dernière mode (à
Par la magie de la lumière, le coin d’une rue deviendra parfois un
de vase grec antique. Il faudra aussi qu’une déesse
notre quotidien. Dans ce jeu, le plus actuel, le
cela dans l’espace d’un instant.
Ah oui ! Bien sûr, la pièce est en vers, des vers d’avant le marbre classique ! Benserade ne prétend
Panthéon… Nous habiterons ces vers comme nous habiterons les costumes, comme
Pierre Vincent et Bernard Chartreux, novembre 2012
âtre du Gymnase de Marseille et
-Iante-entretiens/
Interview de Jean-Pierre Vincent
A l’occasion des représentations d’
au jeu de l’interview. Rencontre avec un metteur en scène aussi volubile que spirituel.
Comment avez-vous découvert
Ce n’est pas moi qui l’ai découverte
l’Université française a sélectionné le trio Molière/Corneille/Racine dans une sorte de centralisme
intellectuel : ce qui n’est pas classé «
choses formidables. Cette pièce
et d’une audace incroyables, même au XVII
liberté, avant la chape de plomb du classicisme.
une ébullition intellectuelle. Par la suite, elle deviendra au contraire un tombeau. Anne Verdier et
Christian Biet ont édité la pièce et me l’ont fait lire quand j’étais directeur du Théâtre des Amandier
Nanterre. J’ai été estomaqué par la pièce, je voulais la monter mais l’occasion ne se présentait pas…
En fait, ce n’est pas le critère de l’actualité du thème mais la rencontre avec les deux actrices qui a
accéléré le processus, d’autant que Dominique
de Paume/Grand Théâtre de Provence) est lui aussi immédiatement tombé sous le charme. Il a fallu
se battre pour monter une pièce comme ça. Quand ce sont de grands classiques, et surtout avec
une vedette, vous montez ça assez facilement. Pour une création, il faut un auteur étranger ou un peu
connu. Mais un auteur ancien, qui plus est pas au programme des lycées, c’est la galère
deux ans, notamment parce que la pièce devait obligatoirement se jo
spectacle comme ça ne passe pas par Paris, ça n’intéresse personne. Le centralisme est toujours
vivant…
De fait, la pièce coïncide aujourd’hui avec deux choses
manifs sur le mariage pour tous. Il y a plusieurs types de transgression dans la pièce qui font que ça
agitera toujours les consciences et les inconscients des gens. Les gens sont devant des gouffres
sur l’identité sexuelle, le choix d’une vie, d’un partenaire sexuel…
Aviez-vous un intérêt particulier d’être dans la transgression
C’est ce qui m’anime toujours, mais ce n’est pas une obsession. Le travail d’une œuvre d’art, c’est
de diviser et d’unir. Dans Molière, Edward Bond et Thomas Bernhard, il y a toujours des questions de
société. Ça fait exploser les sécurités, le bon sens et ce qui est convenu par la loi. Et en même
temps, ça doit unir les gens l’espace de deux ou trois heures, dans une sorte de réflexion
aventureuse sur ce que l’on est. L’auteur, Benserade, s’est appuyé s
Mais là où la légende d’Ovide transforme l’une des jeunes filles en garçon, Benserade va jusqu’à
célébrer et consommer le mariage. C’est unique dans la littérature, du point de vue de la franchise.
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Pierre Vincent 1
A l’occasion des représentations d’Iphis et Iante au Gymnase, Jean-Pierre Vincent s’est prêté
au jeu de l’interview. Rencontre avec un metteur en scène aussi volubile que spirituel.
vous découvert Iphis et Iante et pourquoi monter cette pièce maintenant
Ce n’est pas moi qui l’ai découverte mais des universitaires spécialistes du XVII
l’Université française a sélectionné le trio Molière/Corneille/Racine dans une sorte de centralisme
: ce qui n’est pas classé « Lagarde et Michard » n’a pas d’existence et pourtant,
choses formidables. Cette pièce-là est quand même assez particulière, elle a un thème d’une liberté
et d’une audace incroyables, même au XVIIe siècle. Ces années 1630 étaient encore des années de
liberté, avant la chape de plomb du classicisme. Quand Richelieu invente l’Académie française, c’est
une ébullition intellectuelle. Par la suite, elle deviendra au contraire un tombeau. Anne Verdier et
Christian Biet ont édité la pièce et me l’ont fait lire quand j’étais directeur du Théâtre des Amandier
Nanterre. J’ai été estomaqué par la pièce, je voulais la monter mais l’occasion ne se présentait pas…
de l’actualité du thème mais la rencontre avec les deux actrices qui a
accéléré le processus, d’autant que Dominique Bluzet (ndlr : directeur des Théâtres
de Paume/Grand Théâtre de Provence) est lui aussi immédiatement tombé sous le charme. Il a fallu
se battre pour monter une pièce comme ça. Quand ce sont de grands classiques, et surtout avec
vous montez ça assez facilement. Pour une création, il faut un auteur étranger ou un peu
connu. Mais un auteur ancien, qui plus est pas au programme des lycées, c’est la galère
deux ans, notamment parce que la pièce devait obligatoirement se jouer aussi à Paris. Si un
spectacle comme ça ne passe pas par Paris, ça n’intéresse personne. Le centralisme est toujours
De fait, la pièce coïncide aujourd’hui avec deux choses : d’une part, MP 2013, et d’autre part, les
tous. Il y a plusieurs types de transgression dans la pièce qui font que ça
agitera toujours les consciences et les inconscients des gens. Les gens sont devant des gouffres
sur l’identité sexuelle, le choix d’une vie, d’un partenaire sexuel…
un intérêt particulier d’être dans la transgression ?
C’est ce qui m’anime toujours, mais ce n’est pas une obsession. Le travail d’une œuvre d’art, c’est
de diviser et d’unir. Dans Molière, Edward Bond et Thomas Bernhard, il y a toujours des questions de
ociété. Ça fait exploser les sécurités, le bon sens et ce qui est convenu par la loi. Et en même
temps, ça doit unir les gens l’espace de deux ou trois heures, dans une sorte de réflexion
aventureuse sur ce que l’on est. L’auteur, Benserade, s’est appuyé sur Les Métamorphoses
Mais là où la légende d’Ovide transforme l’une des jeunes filles en garçon, Benserade va jusqu’à
célébrer et consommer le mariage. C’est unique dans la littérature, du point de vue de la franchise.
Pierre Vincent s’est prêté
au jeu de l’interview. Rencontre avec un metteur en scène aussi volubile que spirituel.
et pourquoi monter cette pièce maintenant ?
mais des universitaires spécialistes du XVIIe. L’histoire de
l’Université française a sélectionné le trio Molière/Corneille/Racine dans une sorte de centralisme
» n’a pas d’existence et pourtant, il y a des
là est quand même assez particulière, elle a un thème d’une liberté
siècle. Ces années 1630 étaient encore des années de
Quand Richelieu invente l’Académie française, c’est
une ébullition intellectuelle. Par la suite, elle deviendra au contraire un tombeau. Anne Verdier et
Christian Biet ont édité la pièce et me l’ont fait lire quand j’étais directeur du Théâtre des Amandiers à
Nanterre. J’ai été estomaqué par la pièce, je voulais la monter mais l’occasion ne se présentait pas…
de l’actualité du thème mais la rencontre avec les deux actrices qui a
: directeur des Théâtres : Gymnase/Jeu
de Paume/Grand Théâtre de Provence) est lui aussi immédiatement tombé sous le charme. Il a fallu
se battre pour monter une pièce comme ça. Quand ce sont de grands classiques, et surtout avec
vous montez ça assez facilement. Pour une création, il faut un auteur étranger ou un peu
connu. Mais un auteur ancien, qui plus est pas au programme des lycées, c’est la galère ! On a mis
uer aussi à Paris. Si un
spectacle comme ça ne passe pas par Paris, ça n’intéresse personne. Le centralisme est toujours
: d’une part, MP 2013, et d’autre part, les
tous. Il y a plusieurs types de transgression dans la pièce qui font que ça
agitera toujours les consciences et les inconscients des gens. Les gens sont devant des gouffres :
C’est ce qui m’anime toujours, mais ce n’est pas une obsession. Le travail d’une œuvre d’art, c’est
de diviser et d’unir. Dans Molière, Edward Bond et Thomas Bernhard, il y a toujours des questions de
ociété. Ça fait exploser les sécurités, le bon sens et ce qui est convenu par la loi. Et en même
temps, ça doit unir les gens l’espace de deux ou trois heures, dans une sorte de réflexion
Les Métamorphoses d’Ovide.
Mais là où la légende d’Ovide transforme l’une des jeunes filles en garçon, Benserade va jusqu’à
célébrer et consommer le mariage. C’est unique dans la littérature, du point de vue de la franchise.
Cependant, à la fin de la pièce, il y a une morale assez phallique, encore, puisque la résolution se fait
par un deus ex machina qui, pour rétablir l’ordre, transforme Iante en garçon.
Il était absolument impossible à un homme de lettres, à cette époque
Mais Benserade y rajoute un clin d’œil en faisant dire à Iante que l’union des jeunes filles est contraire
à la loi. Mais avant cette sorte de dénouement artificiel et artificieux, il s’est dit et il s’est fait des
choses qui remettent en question la sé
conscience, ce sont les limites auxquelles on se raccroche pour vivre ensemble. Il faut qu’elles se
dégradent très fort pour que les gens cherchent violemment comment vivre autrement ensemble.
Choisissez-vous le rire et la farce
Le rire est le propre de l’homme, comme disait Rabelais. La comédie est une chose sérieuse, mais en
France, c’est la rigolade. Depuis Labiche et Louis Philippe, les Français n’ont souvent pas assez pris
le théâtre au sérieux, même dans la comédie. Pourtant, rire, c’est comprendre quelque chose. Alors
que dans la tragédie, on peut pleurer sans comprendre.
Par rapport à cette volonté de transmission, cela ne vous inquiète
saisissent pas le deuxième degré d
Le but n’est pas que les gens comprennent le théâtre, il n’y a pas d’examen ni de notes à la fin. On
ne peut pas traverser ce spectacle sans réfléchir un tant soit peu.
Pour monter cette pièce en 2012, il a fallu faire certains cho
La question est toujours celle du degré d’actualisation. Je ne pratique pas l’actualisation à tout crin. Il
y a un certain nombre de comportements dans l’histoire de l’humanité qui n’ont pas d’histoire, qui
ont toujours été. Contrairement à la politique. Est
que De Gaulle ? La question n’a pas de sens. Mais sur la question de l’amour et de la sexualité, il y a
quelque chose d’invariable, avec des petites nuances. Il fallait donc actualiser,
vulgairement. Ici s’entremêlent quatre époques
Ovide), l’époque des libertins de 1630 et la nôtre. On doit faire en sorte qu’un costume du passé soit
imaginable sans faire écran au texte. De même
l’alexandrin, mais sans être soumis à un alexandrin scolastique et ennuyeux. Pareil pour les décors,
les costumes… Par exemple, on a choisi des costumes de la Renaissance, dont on peut rencontrer
certains éléments dans les boîtes de nuit aujourd’hui.
Votre prochain projet à Marseille
qui traite encore de la question des femmes…
Une précision d’abord : les tragédies grecques d’Eschyle ne
elles nous permettent de remonter à la racine, mais l’on s’approprie très vite leur univers. Quant à la
question des femmes, c’est vrai, mais d’un tout autre point de vue. La question sexuelle n’y est pas
présente, mais la question du mariage, si. Ce n’est pas la même porte d’entrée dans la question
7
èce, il y a une morale assez phallique, encore, puisque la résolution se fait
qui, pour rétablir l’ordre, transforme Iante en garçon.
Il était absolument impossible à un homme de lettres, à cette époque-là, de finir la pièce autremen
Mais Benserade y rajoute un clin d’œil en faisant dire à Iante que l’union des jeunes filles est contraire
à la loi. Mais avant cette sorte de dénouement artificiel et artificieux, il s’est dit et il s’est fait des
choses qui remettent en question la sécurité de conscience des spectateurs. La sécurité de
conscience, ce sont les limites auxquelles on se raccroche pour vivre ensemble. Il faut qu’elles se
dégradent très fort pour que les gens cherchent violemment comment vivre autrement ensemble.
vous le rire et la farce ?
Le rire est le propre de l’homme, comme disait Rabelais. La comédie est une chose sérieuse, mais en
France, c’est la rigolade. Depuis Labiche et Louis Philippe, les Français n’ont souvent pas assez pris
ême dans la comédie. Pourtant, rire, c’est comprendre quelque chose. Alors
que dans la tragédie, on peut pleurer sans comprendre.
Par rapport à cette volonté de transmission, cela ne vous inquiète-t-il pas si les gens ne
saisissent pas le deuxième degré de l’issue de la pièce ?
Le but n’est pas que les gens comprennent le théâtre, il n’y a pas d’examen ni de notes à la fin. On
ne peut pas traverser ce spectacle sans réfléchir un tant soit peu.
Pour monter cette pièce en 2012, il a fallu faire certains choix dramaturgiques…
La question est toujours celle du degré d’actualisation. Je ne pratique pas l’actualisation à tout crin. Il
y a un certain nombre de comportements dans l’histoire de l’humanité qui n’ont pas d’histoire, qui
t à la politique. Est-ce que Nabuchodonosor est un meilleur politique
? La question n’a pas de sens. Mais sur la question de l’amour et de la sexualité, il y a
quelque chose d’invariable, avec des petites nuances. Il fallait donc actualiser,
vulgairement. Ici s’entremêlent quatre époques : la Grèce antique, Rome (qui a son importance avec
Ovide), l’époque des libertins de 1630 et la nôtre. On doit faire en sorte qu’un costume du passé soit
imaginable sans faire écran au texte. De même pour les vers : il s’agissait de garder les sensations de
l’alexandrin, mais sans être soumis à un alexandrin scolastique et ennuyeux. Pareil pour les décors,
les costumes… Par exemple, on a choisi des costumes de la Renaissance, dont on peut rencontrer
ertains éléments dans les boîtes de nuit aujourd’hui.
Votre prochain projet à Marseille, Les Suppliantes d’Eschyle, est aussi une pièce classique, et
qui traite encore de la question des femmes…
: les tragédies grecques d’Eschyle ne sont pas classiques, mais antiques
elles nous permettent de remonter à la racine, mais l’on s’approprie très vite leur univers. Quant à la
question des femmes, c’est vrai, mais d’un tout autre point de vue. La question sexuelle n’y est pas
la question du mariage, si. Ce n’est pas la même porte d’entrée dans la question
èce, il y a une morale assez phallique, encore, puisque la résolution se fait
là, de finir la pièce autrement.
Mais Benserade y rajoute un clin d’œil en faisant dire à Iante que l’union des jeunes filles est contraire
à la loi. Mais avant cette sorte de dénouement artificiel et artificieux, il s’est dit et il s’est fait des
curité de conscience des spectateurs. La sécurité de
conscience, ce sont les limites auxquelles on se raccroche pour vivre ensemble. Il faut qu’elles se
dégradent très fort pour que les gens cherchent violemment comment vivre autrement ensemble.
Le rire est le propre de l’homme, comme disait Rabelais. La comédie est une chose sérieuse, mais en
France, c’est la rigolade. Depuis Labiche et Louis Philippe, les Français n’ont souvent pas assez pris
ême dans la comédie. Pourtant, rire, c’est comprendre quelque chose. Alors
il pas si les gens ne
Le but n’est pas que les gens comprennent le théâtre, il n’y a pas d’examen ni de notes à la fin. On
ix dramaturgiques…
La question est toujours celle du degré d’actualisation. Je ne pratique pas l’actualisation à tout crin. Il
y a un certain nombre de comportements dans l’histoire de l’humanité qui n’ont pas d’histoire, qui
ce que Nabuchodonosor est un meilleur politique
? La question n’a pas de sens. Mais sur la question de l’amour et de la sexualité, il y a
quelque chose d’invariable, avec des petites nuances. Il fallait donc actualiser, mais pas
: la Grèce antique, Rome (qui a son importance avec
Ovide), l’époque des libertins de 1630 et la nôtre. On doit faire en sorte qu’un costume du passé soit
: il s’agissait de garder les sensations de
l’alexandrin, mais sans être soumis à un alexandrin scolastique et ennuyeux. Pareil pour les décors,
les costumes… Par exemple, on a choisi des costumes de la Renaissance, dont on peut rencontrer
d’Eschyle, est aussi une pièce classique, et
sont pas classiques, mais antiques ;
elles nous permettent de remonter à la racine, mais l’on s’approprie très vite leur univers. Quant à la
question des femmes, c’est vrai, mais d’un tout autre point de vue. La question sexuelle n’y est pas
la question du mariage, si. Ce n’est pas la même porte d’entrée dans la question
féminine. Ici, il est question de la loi du mariage, des abus des hommes sur les femmes… De même,
il n’y a pas de lien esthétique entre les deux projets, même s’il s’agit là
nécessité. Dominique Bluzet m’a proposé ce que je rêvais de faire depuis des années
pièce avec des amateurs. Travailler avec des acteurs qui sortent d’écoles dramatiques, c’est très
différent — artistiquement et huma
horizons. Cela dit, comme je suis au centre des choses, sans doute que les deux projets se
ressembleront… Je crois toujours que je fais des spectacles très différents, mais un jour, je me suis
aperçu que c’était faux ; ça m’a scandalisé
Entretien réalisé par Joanna Selvidès
Interview de Jean-Pierre Vincent
Jean-Pierre Vincent : Iphis et Iante
Jean-Pierre Vincent est un comédien, metteur en scène et directeur de théâtre français. Après avoir
dirigé le Théâtre national de Strasbourg,
1986. Il succède ensuite à Patrice Chéreau au Théâtre Nanterre jusqu'en 2001 puis fonde la
compagnie Studio Libre avec Bernard Chartreux. Il est aujourd'hui membre des conseils
d’administration du Théâtre de l'Odéon, du Festival d'Avignon et du Jeune théât
avoir monté Don Juan de Molière à la Comédie Française en 2012, il met en scène en 2013
Iante, une pièce d'Isaac de Benserade,
pour ses divertissements de cour. Il nous e
laquelle il est question d'une jeune femme, Iante, que la mère a travesti en homme dès sa naissance
pour échapper à la vindicte d'un père qui souhaitait tuer tout nouveau
des premiers amours et des questionnements de Iante, vraie jeune fille, qui est aussi désespérée que
ravie du mariage que son père veut lui faire contracter avec Iphis...une pièce idéale pour débuter le
printemps.
Vous souvenez-vous de votre première rencont
« Un soir de demi brume à Londres, un voyou…
universitaires – Anne Verdier de Metz et Christian Biet de Nanterre
éditée à la fin des années 1990 et qui me l’ont fait connaître. Un petit livre, bien édité aux éditions
Lampsaque (!?!). J’ai lu ça et j’ai été immédiatement frappé par la liberté de cet auteur au nom
mystérieux, dont mon disque dur cérébral portait quelques traces incertaine
plus énigmatique… Ah, la pièce n’était pas facile à lire
encore ancienne, des passages à l’usage des raffinés de l’époque… Mais l’histoire, la fable était
stupéfiante d’actualité.
8
féminine. Ici, il est question de la loi du mariage, des abus des hommes sur les femmes… De même,
il n’y a pas de lien esthétique entre les deux projets, même s’il s’agit là encore d’un hasard, devenu
nécessité. Dominique Bluzet m’a proposé ce que je rêvais de faire depuis des années
avec des amateurs. Travailler avec des acteurs qui sortent d’écoles dramatiques, c’est très
artistiquement et humainement — d’un projet réunissant quarante amateurs de tous
horizons. Cela dit, comme je suis au centre des choses, sans doute que les deux projets se
ressembleront… Je crois toujours que je fais des spectacles très différents, mais un jour, je me suis
; ça m’a scandalisé !
Joanna Selvidès, publié sur http://www.journalventilo.fr/
Pierre Vincent 2
Iphis et Iante, une comédie résolument moderne sur les jeunes amours
Pierre Vincent est un comédien, metteur en scène et directeur de théâtre français. Après avoir
dirigé le Théâtre national de Strasbourg, il est Administrateur de la Comédie Française de 1983 à
1986. Il succède ensuite à Patrice Chéreau au Théâtre Nanterre jusqu'en 2001 puis fonde la
compagnie Studio Libre avec Bernard Chartreux. Il est aujourd'hui membre des conseils
d’administration du Théâtre de l'Odéon, du Festival d'Avignon et du Jeune théât
de Molière à la Comédie Française en 2012, il met en scène en 2013
, une pièce d'Isaac de Benserade, un dramaturge du XVIIème siècle, connu à l'époque surtout
pour ses divertissements de cour. Il nous explique son choix pour cette comédie atypique dans
laquelle il est question d'une jeune femme, Iante, que la mère a travesti en homme dès sa naissance
pour échapper à la vindicte d'un père qui souhaitait tuer tout nouveau-né féminin. Mais voilà l'heure
premiers amours et des questionnements de Iante, vraie jeune fille, qui est aussi désespérée que
ravie du mariage que son père veut lui faire contracter avec Iphis...une pièce idéale pour débuter le
vous de votre première rencontre avec la pièce d'Isaac de Benserade
Un soir de demi brume à Londres, un voyou… ». Non, sérieusement, ce sont les deux chercheurs
Anne Verdier de Metz et Christian Biet de Nanterre – qui ont trouvé la pièce, l’ont
années 1990 et qui me l’ont fait connaître. Un petit livre, bien édité aux éditions
Lampsaque (!?!). J’ai lu ça et j’ai été immédiatement frappé par la liberté de cet auteur au nom
mystérieux, dont mon disque dur cérébral portait quelques traces incertaines, avec ce titre encore
plus énigmatique… Ah, la pièce n’était pas facile à lire : une langue et une technique dramatique
encore ancienne, des passages à l’usage des raffinés de l’époque… Mais l’histoire, la fable était
féminine. Ici, il est question de la loi du mariage, des abus des hommes sur les femmes… De même,
encore d’un hasard, devenu
nécessité. Dominique Bluzet m’a proposé ce que je rêvais de faire depuis des années : monter une
avec des amateurs. Travailler avec des acteurs qui sortent d’écoles dramatiques, c’est très
d’un projet réunissant quarante amateurs de tous
horizons. Cela dit, comme je suis au centre des choses, sans doute que les deux projets se
ressembleront… Je crois toujours que je fais des spectacles très différents, mais un jour, je me suis
http://www.journalventilo.fr/, le 23/01/13
une comédie résolument moderne sur les jeunes amours.
Pierre Vincent est un comédien, metteur en scène et directeur de théâtre français. Après avoir
il est Administrateur de la Comédie Française de 1983 à
1986. Il succède ensuite à Patrice Chéreau au Théâtre Nanterre jusqu'en 2001 puis fonde la
compagnie Studio Libre avec Bernard Chartreux. Il est aujourd'hui membre des conseils
d’administration du Théâtre de l'Odéon, du Festival d'Avignon et du Jeune théâtre national. Après
de Molière à la Comédie Française en 2012, il met en scène en 2013 Iphis et
, connu à l'époque surtout
xplique son choix pour cette comédie atypique dans
laquelle il est question d'une jeune femme, Iante, que la mère a travesti en homme dès sa naissance
né féminin. Mais voilà l'heure
premiers amours et des questionnements de Iante, vraie jeune fille, qui est aussi désespérée que
ravie du mariage que son père veut lui faire contracter avec Iphis...une pièce idéale pour débuter le
re avec la pièce d'Isaac de Benserade ?
». Non, sérieusement, ce sont les deux chercheurs
qui ont trouvé la pièce, l’ont
années 1990 et qui me l’ont fait connaître. Un petit livre, bien édité aux éditions
Lampsaque (!?!). J’ai lu ça et j’ai été immédiatement frappé par la liberté de cet auteur au nom
s, avec ce titre encore
: une langue et une technique dramatique
encore ancienne, des passages à l’usage des raffinés de l’époque… Mais l’histoire, la fable était
Qu'est-ce qui vous a séduit dans cette comédie
Je pense toujours que le théâtre est fait à la fois pour déranger et pour rassembler
sans l’autre. Les artistes sont là pour voir et décrire la vie «
l’encontre de bien des préjugés, bien des refoulements et des prétendus interdits quant à la vie
érotique, sexuelle de chacune et de chacun
entre filles ! Benserade s’avance dans ce sujet avec une rare audace. Il tr
d’Ovide dont il s’est inspiré. Il « pousse le bouchon
enchanté tout de suite.
Une comédie qui évoque la confusion des sentiments et des sexes…résolument moderne
donc ?
Ce n’est pas seulement la confusion, c’est cette sorte d’incertitude, de hantise, de question parfois
sans réponse que tous les adolescents se posent quant à leur devenir, ici sexuel, souvent social ou
professionnel. Toutes les questions de l’identité se posent en
quand il écrit la pièce, il se souvient bien de cela. Les comportements peuvent changer d’une époque
à l’autre, mais les questions sont les mêmes. Et en plus, avant Janvier 2013 en France, la loi et les
interdits sont à peu près les mêmes du XVII° siècle à aujourd’hui… Il y a des pièces anciennes qui
peuvent ainsi être plus « modernes
Isaac de Benserade était un jeune poète lors de l'écriture d'
qualifier le style de cet auteur, que diriez
À côté de cette modernité du propos, Benserade est un auteur d’avant nos grands Classiques. Il est
de cette génération des années 1630, cherchant à écrire du grand théâtre, mais n’y parvenant pas
encore. C’est aussi une génération fantasque, libertine à tous les sens du terme, encore non inféodée
aux « règles », justement. La pièce est en cinq actes et en vers, mais ce n’est pas «
langue est encore irrégulière, comme on dit. Certains vers sont
cheveux : qu’importe, la jeunesse avance. On appelle ça «
vivant, en tout cas. Et notre travail aujourd’hui c’est de marcher sur cette crête fragile entre ancien et
moderne.
Quels décors, quels costumes avez
La question est délicate car la pièce fait référence à quatre époques
la légende, le Romain Ovide qui nous la transmet, et qui la passe à
la racontons en 2013. Nous avons beaucoup navigué entre ces époques durant notre travail
préparatoire (dramaturgie, décor, costumes, etc). Nous avons même envisagé, à un moment donné,
une franche actualisation dans la Grèce
travail. Et en fin de compte, il y a un peu des quatre
univers fictionnel, un sorte de rêve éveillé, de «
faire un voyage et en même temps de penser librement à eux
9
ui vous a séduit dans cette comédie ?
Je pense toujours que le théâtre est fait à la fois pour déranger et pour rassembler
sans l’autre. Les artistes sont là pour voir et décrire la vie « autrement ». Cette pièce va (allait) à
e bien des préjugés, bien des refoulements et des prétendus interdits quant à la vie
érotique, sexuelle de chacune et de chacun – et à ses conséquences sociales
! Benserade s’avance dans ce sujet avec une rare audace. Il transgresse la Métamorphose
pousse le bouchon » aussi loin que sa société le lui permet. Cela m’a
Une comédie qui évoque la confusion des sentiments et des sexes…résolument moderne
pas seulement la confusion, c’est cette sorte d’incertitude, de hantise, de question parfois
sans réponse que tous les adolescents se posent quant à leur devenir, ici sexuel, souvent social ou
professionnel. Toutes les questions de l’identité se posent en même temps. Benserade a 22 ans
quand il écrit la pièce, il se souvient bien de cela. Les comportements peuvent changer d’une époque
à l’autre, mais les questions sont les mêmes. Et en plus, avant Janvier 2013 en France, la loi et les
près les mêmes du XVII° siècle à aujourd’hui… Il y a des pièces anciennes qui
modernes » que des pièces écrites la semaine dernière.
Isaac de Benserade était un jeune poète lors de l'écriture d'Iphis et Iante
lifier le style de cet auteur, que diriez-vous ?
À côté de cette modernité du propos, Benserade est un auteur d’avant nos grands Classiques. Il est
de cette génération des années 1630, cherchant à écrire du grand théâtre, mais n’y parvenant pas
st aussi une génération fantasque, libertine à tous les sens du terme, encore non inféodée
», justement. La pièce est en cinq actes et en vers, mais ce n’est pas «
langue est encore irrégulière, comme on dit. Certains vers sont très beaux, d’autres tirés par les
: qu’importe, la jeunesse avance. On appelle ça « préclassique » ? Oui, peut
vivant, en tout cas. Et notre travail aujourd’hui c’est de marcher sur cette crête fragile entre ancien et
écors, quels costumes avez-vous imaginé pour accompagner votre vision de ce texte
La question est délicate car la pièce fait référence à quatre époques : la Grèce très antique d’où vient
la légende, le Romain Ovide qui nous la transmet, et qui la passe à Benserade en 1634, et… nous qui
la racontons en 2013. Nous avons beaucoup navigué entre ces époques durant notre travail
préparatoire (dramaturgie, décor, costumes, etc). Nous avons même envisagé, à un moment donné,
une franche actualisation dans la Grèce d’aujourd’hui, nous qui n’aimons vraiment pas ce genre de
travail. Et en fin de compte, il y a un peu des quatre ! Mais de façon fondue, pour constituer un
univers fictionnel, un sorte de rêve éveillé, de « il était une fois », qui permette aux spectateur
faire un voyage et en même temps de penser librement à eux-mêmes.
Je pense toujours que le théâtre est fait à la fois pour déranger et pour rassembler : l’un ne va pas
». Cette pièce va (allait) à
e bien des préjugés, bien des refoulements et des prétendus interdits quant à la vie
et à ses conséquences sociales : le fameux mariage
ansgresse la Métamorphose
» aussi loin que sa société le lui permet. Cela m’a
Une comédie qui évoque la confusion des sentiments et des sexes…résolument moderne
pas seulement la confusion, c’est cette sorte d’incertitude, de hantise, de question parfois
sans réponse que tous les adolescents se posent quant à leur devenir, ici sexuel, souvent social ou
même temps. Benserade a 22 ans
quand il écrit la pièce, il se souvient bien de cela. Les comportements peuvent changer d’une époque
à l’autre, mais les questions sont les mêmes. Et en plus, avant Janvier 2013 en France, la loi et les
près les mêmes du XVII° siècle à aujourd’hui… Il y a des pièces anciennes qui
Iphis et Iante : si vous deviez
À côté de cette modernité du propos, Benserade est un auteur d’avant nos grands Classiques. Il est
de cette génération des années 1630, cherchant à écrire du grand théâtre, mais n’y parvenant pas
st aussi une génération fantasque, libertine à tous les sens du terme, encore non inféodée
», justement. La pièce est en cinq actes et en vers, mais ce n’est pas « Bérénice ». La
très beaux, d’autres tirés par les
? Oui, peut-être. C’est
vivant, en tout cas. Et notre travail aujourd’hui c’est de marcher sur cette crête fragile entre ancien et
vous imaginé pour accompagner votre vision de ce texte ?
: la Grèce très antique d’où vient
Benserade en 1634, et… nous qui
la racontons en 2013. Nous avons beaucoup navigué entre ces époques durant notre travail
préparatoire (dramaturgie, décor, costumes, etc). Nous avons même envisagé, à un moment donné,
d’aujourd’hui, nous qui n’aimons vraiment pas ce genre de
! Mais de façon fondue, pour constituer un
», qui permette aux spectateurs de
Pour cette comédie fantaisiste et cocasse, quelle distribution
Oui, c’est une comédie, mais elle est par instants sidérante. J’aime beaucoup, personnellement, ces
pièces qui passent sans arrêt du bouffon au tragique et vice versa. Les personnages principaux sont
de tout jeunes gens. C’est quand j’ai rencontré Suzanne Aubert et Chloé Chau
que je me suis dit (10 ans après avoir lu la pièce
construit le reste, avec d’autres jeunes acteurs et de vieux compagnons. Sans vedette.
Enfin, si vous deviez citer une phrase d'un des personnages qui illustre bien l'état d'esprit de la
pièce, laquelle serait-ce ?
C’est Iante qui dit au V° acte, après la fameuse nuit de noces, délicieuse et ratée
« Ce mariage est doux, j’y trouve assez d’appâts,
Et si l’on n’en riait, je ne m’en plaindrais pas
Si la fille épousait une fille comme elle,
Sans offenser le ciel et la loi natur
Mon cœur assurément n’en serait point fâché.
C’est la plus grande audace de Benserade, après quoi il se doit d’écrire un «
et politiquement correct pour ne pas être emprisonné
Entretien réalisé par
DDeess pphhoottooggrraapphhiieess dduu
10
Pour cette comédie fantaisiste et cocasse, quelle distribution ?
Oui, c’est une comédie, mais elle est par instants sidérante. J’aime beaucoup, personnellement, ces
ans arrêt du bouffon au tragique et vice versa. Les personnages principaux sont
de tout jeunes gens. C’est quand j’ai rencontré Suzanne Aubert et Chloé Chaudoye à l’école du TNS
me suis dit (10 ans après avoir lu la pièce !) : « c’est elles ». Et c’est autour d’elles que j’ai
construit le reste, avec d’autres jeunes acteurs et de vieux compagnons. Sans vedette.
une phrase d'un des personnages qui illustre bien l'état d'esprit de la
qui dit au V° acte, après la fameuse nuit de noces, délicieuse et ratée
Ce mariage est doux, j’y trouve assez d’appâts,
Et si l’on n’en riait, je ne m’en plaindrais pas :
Si la fille épousait une fille comme elle,
Sans offenser le ciel et la loi naturelle,
Mon cœur assurément n’en serait point fâché. »
C’est la plus grande audace de Benserade, après quoi il se doit d’écrire un « happy end
et politiquement correct pour ne pas être emprisonné !
Entretien réalisé par Julie Cadilhac, publié sur http://www.bscnews.fr/
uu ssppeeccttaaccllee
Iphis-et-Iante-14_credit-Raphael Arnaud
Oui, c’est une comédie, mais elle est par instants sidérante. J’aime beaucoup, personnellement, ces
ans arrêt du bouffon au tragique et vice versa. Les personnages principaux sont
doye à l’école du TNS
est autour d’elles que j’ai
construit le reste, avec d’autres jeunes acteurs et de vieux compagnons. Sans vedette.
une phrase d'un des personnages qui illustre bien l'état d'esprit de la
qui dit au V° acte, après la fameuse nuit de noces, délicieuse et ratée :
happy end » farcesque
http://www.bscnews.fr/, le 25/03/13
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Iphis-et-Iante-23_credit-Raphael Arnaud
Iphis-et-Iante-33_credit-Raphael Arnaud
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Iphis-et-Iante-41_credit-Raphael Arnaud
Iphis-et-Iante-42_credit-Raphael Arnaud
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Iphis-et-Iante-46_credit-Raphael Arnaud
Iphis-et-Iante-47_credit-Raphael Arnaud
EEcchhoo ddee ll’’aaccttuuaalliittéé
Assister à une représentation d’Iphis et Iante
et à réfléchir à l’actualité politique et sociale du moment. La fin de l’intrigue, le mariage d’Iphis,
encore fille, et d’Iante, leur nuit de noces, l’intervention d’Isis, pour transformer Iphis en garçon
semble faire directement écho à la question débattue aujourd’hui, parfois violemment, au Parlement
et dans toute la société, de l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.
Il peut être intéressant, à ce titre, de consulter, le projet de loi traitant ce sujet sur le s
l’Assemblée Nationale. L’introduction de ce projet de loi est reproduite ci
ASSEMBLÉE NATIONALECONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 novembre 2012.
PROouvrant le mariage
(Renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration généralede la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les déla
au nom de M.
garde des sceaux, ministre de la justice.
14
Iphis et Iante aujourd’hui ne peut que nous amene
et à réfléchir à l’actualité politique et sociale du moment. La fin de l’intrigue, le mariage d’Iphis,
encore fille, et d’Iante, leur nuit de noces, l’intervention d’Isis, pour transformer Iphis en garçon
à la question débattue aujourd’hui, parfois violemment, au Parlement
et dans toute la société, de l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.
Il peut être intéressant, à ce titre, de consulter, le projet de loi traitant ce sujet sur le s
L’introduction de ce projet de loi est reproduite ci-dessous
N° 344
_____
ASSEMBLÉE NATIONALECONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 novembre 2012.
PROJET DE LOI
mariage aux couples de personnes de même sexe
(Renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration généralede la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉ
au nom de M. Jean-Marc AYRAULT,
Premier ministre,
par Christiane TAUBIRA,
garde des sceaux, ministre de la justice.
EXPOSÉ DES MOTIFS
aujourd’hui ne peut que nous amener à nous intéresser
et à réfléchir à l’actualité politique et sociale du moment. La fin de l’intrigue, le mariage d’Iphis,
encore fille, et d’Iante, leur nuit de noces, l’intervention d’Isis, pour transformer Iphis en garçon,
à la question débattue aujourd’hui, parfois violemment, au Parlement
et dans toute la société, de l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.
Il peut être intéressant, à ce titre, de consulter, le projet de loi traitant ce sujet sur le site de
dessous :
ASSEMBLÉE NATIONALE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 novembre 2012.
même sexe,
(Renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
Mesdames, Messieurs,
Institution pluriséculaire où se reflèttraditionnellement défini comme un acte juridique solennel par lequel l’homme et la femme établissent une union dont la loi civile règle les conditions, les effets et la dissolution.
Prérogative exclusive de l’Église durant l’Ancien régime, la sécularisation définitive du mariage fut consacrée à l’articleconsidère le mariage que comme un contrat civilensuite fixé les conditions de formation du mariage, parmi lesquelles la célébration devant l’officier public communal. Cette conception civile et laïque du mariage sera reprise par les rédacteurs du code civil.
Le mariage n’a toutefois pas été défini par ldans un titre distinct, des conditions, des effets et de la dissolution du mariage. Nulle part n’a été expressément affirmé que le mariage suppose l’union d’un homme et d’une femme. Cette condition découle toutefois d’autres dispositions du code civil.
De fait, jusqu’à une époque récente, l’évidence était telle que ni les rédacteurs du code, ni leurs successeurs, n’éprouvèrent le besoin de le dire expressément. La différence de sexe n’en était pas moins une condition fondamentale du mariage en droit français, de sorte que son non-respect constituait une cause de nullité absolue du mariage (article
L’idée de l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe a constamment progressé depuis le vote de la loi n° 99-une majorité de français y étant aujourd’hui favorable. Il est vrai que si le pacte civil de solidarité a permis de répondre à aspiration réelle de la société et que significativement renforcé et rapproché de celui du mariage, des différences subsistent, et cet instrument juridique ne répond ni à la demande des couples de personnes de même sexe qui souhaitent pouvoir se marier, ni à leur demande d’accè
Une nouvelle étape doit donc être franchie.
Tel est l’objet du présent projet de loi qui ouvre le droit au mariage aux personnes de même sexe et par voie de conséquence l’accès à la parenté à ces couples, via le mécanisme de l’adoption. Ce sont donc à titre principal les dispositions du code civil relatives au mariage et à l’adoption qui sont modifiées ainsi que celles relatives au nom de famille, qui nécessitent des adaptations. Enfin, des dispositions de coordination sont nécessaires prinle code civil mais aussi dans nombre d’autres codes.
La suite du projet de loi peut être consultée sur le site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante
http://www.assemblee-nationale.fr/14/projets/pl0344.asp
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Institution pluriséculaire où se reflètent traditions et pratiques religieuses, le mariage est traditionnellement défini comme un acte juridique solennel par lequel l’homme et la femme établissent une union dont la loi civile règle les conditions, les effets et la dissolution.
usive de l’Église durant l’Ancien régime, la sécularisation définitive du mariage fut consacrée à l’article 7 de la Constitution de 1791 aux termes duquel «considère le mariage que comme un contrat civil ». Le décret des 20-25nsuite fixé les conditions de formation du mariage, parmi lesquelles la célébration devant
l’officier public communal. Cette conception civile et laïque du mariage sera reprise par les
Le mariage n’a toutefois pas été défini par le code civil, qui traite des actes du mariage, puis, dans un titre distinct, des conditions, des effets et de la dissolution du mariage. Nulle part n’a été expressément affirmé que le mariage suppose l’union d’un homme et d’une femme. Cette
le toutefois d’autres dispositions du code civil.
De fait, jusqu’à une époque récente, l’évidence était telle que ni les rédacteurs du code, ni leurs successeurs, n’éprouvèrent le besoin de le dire expressément. La différence de sexe n’en
une condition fondamentale du mariage en droit français, de sorte que son respect constituait une cause de nullité absolue du mariage (article 184 du code civil).
L’idée de l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe a constamment progressé -944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité,
une majorité de français y étant aujourd’hui favorable. Il est vrai que si le pacte civil de solidarité a permis de répondre à aspiration réelle de la société et que significativement renforcé et rapproché de celui du mariage, des différences subsistent, et cet instrument juridique ne répond ni à la demande des couples de personnes de même sexe qui souhaitent pouvoir se marier, ni à leur demande d’accès à l’adoption.
Une nouvelle étape doit donc être franchie.
Tel est l’objet du présent projet de loi qui ouvre le droit au mariage aux personnes de même sexe et par voie de conséquence l’accès à la parenté à ces couples, via le mécanisme de
sont donc à titre principal les dispositions du code civil relatives au mariage et à l’adoption qui sont modifiées ainsi que celles relatives au nom de famille, qui nécessitent des adaptations. Enfin, des dispositions de coordination sont nécessaires prinle code civil mais aussi dans nombre d’autres codes.
La suite du projet de loi peut être consultée sur le site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante
nationale.fr/14/projets/pl0344.asp.
ent traditions et pratiques religieuses, le mariage est traditionnellement défini comme un acte juridique solennel par lequel l’homme et la femme établissent une union dont la loi civile règle les conditions, les effets et la dissolution.
usive de l’Église durant l’Ancien régime, la sécularisation définitive du 7 de la Constitution de 1791 aux termes duquel « la loi ne
25 septembre 1792 a nsuite fixé les conditions de formation du mariage, parmi lesquelles la célébration devant
l’officier public communal. Cette conception civile et laïque du mariage sera reprise par les
e code civil, qui traite des actes du mariage, puis, dans un titre distinct, des conditions, des effets et de la dissolution du mariage. Nulle part n’a été expressément affirmé que le mariage suppose l’union d’un homme et d’une femme. Cette
De fait, jusqu’à une époque récente, l’évidence était telle que ni les rédacteurs du code, ni leurs successeurs, n’éprouvèrent le besoin de le dire expressément. La différence de sexe n’en
une condition fondamentale du mariage en droit français, de sorte que son 184 du code civil).
L’idée de l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe a constamment progressé novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité,
une majorité de français y étant aujourd’hui favorable. Il est vrai que si le pacte civil de solidarité a permis de répondre à aspiration réelle de la société et que son régime a été significativement renforcé et rapproché de celui du mariage, des différences subsistent, et cet instrument juridique ne répond ni à la demande des couples de personnes de même sexe qui
Tel est l’objet du présent projet de loi qui ouvre le droit au mariage aux personnes de même sexe et par voie de conséquence l’accès à la parenté à ces couples, via le mécanisme de
sont donc à titre principal les dispositions du code civil relatives au mariage et à l’adoption qui sont modifiées ainsi que celles relatives au nom de famille, qui nécessitent des adaptations. Enfin, des dispositions de coordination sont nécessaires principalement dans
La suite du projet de loi peut être consultée sur le site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :
IIPPHHIISS EETT IIAANNTTEE
BBiioogg
C’est à 22 ans qu’ISAAC DE BENSERADE
succès lors de sa création durant le carnaval de
Benserade était toujours fourré à l’Hôtel de Bourgogne, amoureux du théâtre et de la comédienne
Bellerose.
Poète précieux et brillant, protégé de Richelieu, puis de tous les puissants après lui, il est
passé par le théâtre, brièvement, durant les années 1630, écrivant surtout quelques tragédies. Puis il
a mené une activité constante de librettiste/scénariste de ballets, en particulier auprès de Lully, donc
en concurrence avec Molière autour de Louis XIV :
exemple. Il a aussi mené une querelle célèbre (à l’époque…) contre Voiture, celle des Jobelins contre
les Uraniens. Puis il entra à l’Académie Française et, le succès le fuyant, il se retira dans sa maison
de Gentilly où il mourut à l’âge de 82 ans.
RRééssuumméé
La scène est en Crète. C’est une vieille histoire, donc, d’après une des
d’Ovide (Livre IX, fable XII). Ainsi commence le poème dans la traduction de Du Ryer (1655)
« Un certain habitant de
d’accoucher, lui parla en cette manière
accouchiez sans douleur, et l’autre que vous accouchiez d’un fils, parce que si vous avez une fille
c’est un fardeau que vous vous donnez. Si vous accouchez donc d’une fille, faites
naissant… ». Fatalement, la dame accouche d’une fille. Elle pleure toute une nuit en compagnie de sa
voisine ; mais au matin, la déesse Isis lui apparaît et lu
mari n’y verra que du feu.
La pièce de Benserade commence quelque vingt ans plus tard. Iphis, jeune fille
amoureuse d’une vraie jeune fille, Iante. Iphis se sait fille, mais qu’importe, cette pa
autant qu’elle la désespère. La jeune Iante étant de famille riche, le père d’Iphis voudrait conclure le
mariage. Condamnée au silence, la mère invente de pauvres arguments pour retarder cette
échéance, mais rien n’y fait.
D’autre part, la voisine a un frère, Ergaste, qui est lui
amoureux d’Iphis – sachant qu’elle est fille, mais ne l’ayant jamais vue qu’en garçon…
fille du quartier est encore amoureuse d’Ergaste et le pourchasse
contrarié.
16
dd’’ IISSAAAACC DD
ggrraapphhiiee dd’’IIssaaaacc ddee BBeennsseerraaddee
ISAAC DE BENSERADE produisit Iphis et Iante, qui eut un assez beau
succès lors de sa création durant le carnaval de 1634. Sensé étudier la théologie à la Sorbonne,
Benserade était toujours fourré à l’Hôtel de Bourgogne, amoureux du théâtre et de la comédienne
Poète précieux et brillant, protégé de Richelieu, puis de tous les puissants après lui, il est
é par le théâtre, brièvement, durant les années 1630, écrivant surtout quelques tragédies. Puis il
a mené une activité constante de librettiste/scénariste de ballets, en particulier auprès de Lully, donc
en concurrence avec Molière autour de Louis XIV : Les Plaisirs de l’Île enchantée
exemple. Il a aussi mené une querelle célèbre (à l’époque…) contre Voiture, celle des Jobelins contre
les Uraniens. Puis il entra à l’Académie Française et, le succès le fuyant, il se retira dans sa maison
Gentilly où il mourut à l’âge de 82 ans.
La scène est en Crète. C’est une vieille histoire, donc, d’après une des
Ainsi commence le poème dans la traduction de Du Ryer (1655)
Un certain habitant de Pheste, voyant que sa femme était grosse, et qu’elle était prête
d’accoucher, lui parla en cette manière : Je demande deux choses aux Dieux, l’une que vous
accouchiez sans douleur, et l’autre que vous accouchiez d’un fils, parce que si vous avez une fille
c’est un fardeau que vous vous donnez. Si vous accouchez donc d’une fille, faites
». Fatalement, la dame accouche d’une fille. Elle pleure toute une nuit en compagnie de sa
; mais au matin, la déesse Isis lui apparaît et lui conseille d’élever sa fille «
La pièce de Benserade commence quelque vingt ans plus tard. Iphis, jeune fille
amoureuse d’une vraie jeune fille, Iante. Iphis se sait fille, mais qu’importe, cette pa
autant qu’elle la désespère. La jeune Iante étant de famille riche, le père d’Iphis voudrait conclure le
mariage. Condamnée au silence, la mère invente de pauvres arguments pour retarder cette
voisine a un frère, Ergaste, qui est lui-même dans le secret. Ergaste est
sachant qu’elle est fille, mais ne l’ayant jamais vue qu’en garçon…
fille du quartier est encore amoureuse d’Ergaste et le pourchasse : le rut est par
DDEE BBEENNSSEERRAADDEE
, qui eut un assez beau
1634. Sensé étudier la théologie à la Sorbonne,
Benserade était toujours fourré à l’Hôtel de Bourgogne, amoureux du théâtre et de la comédienne
Poète précieux et brillant, protégé de Richelieu, puis de tous les puissants après lui, il est
é par le théâtre, brièvement, durant les années 1630, écrivant surtout quelques tragédies. Puis il
a mené une activité constante de librettiste/scénariste de ballets, en particulier auprès de Lully, donc
s Plaisirs de l’Île enchantée à Versailles, par
exemple. Il a aussi mené une querelle célèbre (à l’époque…) contre Voiture, celle des Jobelins contre
les Uraniens. Puis il entra à l’Académie Française et, le succès le fuyant, il se retira dans sa maison
La scène est en Crète. C’est une vieille histoire, donc, d’après une des Métamorphoses
Ainsi commence le poème dans la traduction de Du Ryer (1655) :
Pheste, voyant que sa femme était grosse, et qu’elle était prête
: Je demande deux choses aux Dieux, l’une que vous
accouchiez sans douleur, et l’autre que vous accouchiez d’un fils, parce que si vous avez une fille,
c’est un fardeau que vous vous donnez. Si vous accouchez donc d’une fille, faites-la mourir en
». Fatalement, la dame accouche d’une fille. Elle pleure toute une nuit en compagnie de sa
i conseille d’élever sa fille « en garçon » : son
La pièce de Benserade commence quelque vingt ans plus tard. Iphis, jeune fille-garçon, est
amoureuse d’une vraie jeune fille, Iante. Iphis se sait fille, mais qu’importe, cette passion la dévore
autant qu’elle la désespère. La jeune Iante étant de famille riche, le père d’Iphis voudrait conclure le
mariage. Condamnée au silence, la mère invente de pauvres arguments pour retarder cette
même dans le secret. Ergaste est
sachant qu’elle est fille, mais ne l’ayant jamais vue qu’en garçon… ! Une autre
: le rut est partout, et partout
Mais revenons au point central. Le père d’Iphis, associé au père d’Iante, agacé par les
résistances, décide d’avancer le mariage
vérité, les deux pères le tiennent po
Iphis qui sait qu’il court à la catastrophe, ne cherche pourtant pas à l’éviter, s’en remet pour
se tirer d’affaire, soit à la bonne déesse, soit… au suicide. Le mariage est conclu. Et le mariage est
consommé !
Au petit matin après cette nuit de noces, Iante pense avoir rêvé (un rêve finalement assez
doux), Iphis est morte de honte et de colère, sa mère n’aurait
naissance ? Et pourtant cette nuit fatale lui fut aussi délicieuse.
Tout ce petit monde se retrouve au temple d’Isis où le pot aux roses est enfin découvert. Le
scandale est général ! Mais la déesse Isis redescend de son nuage pour… changer Iphis en garçon.
Ainsi les choses reprennent-elles leur place, et l’honneur est apparemment sauf…
histoire aura laissé des traces difficiles à effacer chez nos personnages, et aussi en nous, spectateurs
sidérés.
Ovide faisait intervenir la déesse (et la métamorphose)
Benserade ose la faire intervenir
des années 1630, transgresse vivement morale et bienséance pour nous offrir, encore aujourd’hui,
une histoire d’une insolente modernité.
EExxttrraaiitt La scène est en Crète.
LIGDE
D’où te vient cette humeur ? et quelle répugnance
Te fait tant retarder cette heureuse alliance
Pourquoi t’efforces-tu d’en empêcher le cours
N’est-elle pas utile au repos de nos jours
Vois-tu dans ce parti du bien qui
N’est-ce pas de quoi mettre un fils bien à son aise
TÉLÉTUZE
Vous ne songez qu’au bien.
17
Mais revenons au point central. Le père d’Iphis, associé au père d’Iante, agacé par les
résistances, décide d’avancer le mariage : il aura lieu le soir même. Ergaste a beau leur dénoncer la
vérité, les deux pères le tiennent pour fou et concluent l’affaire.
Iphis qui sait qu’il court à la catastrophe, ne cherche pourtant pas à l’éviter, s’en remet pour
se tirer d’affaire, soit à la bonne déesse, soit… au suicide. Le mariage est conclu. Et le mariage est
n après cette nuit de noces, Iante pense avoir rêvé (un rêve finalement assez
doux), Iphis est morte de honte et de colère, sa mère n’aurait-elle pas dû la supprimer dès sa
? Et pourtant cette nuit fatale lui fut aussi délicieuse.
onde se retrouve au temple d’Isis où le pot aux roses est enfin découvert. Le
! Mais la déesse Isis redescend de son nuage pour… changer Iphis en garçon.
elles leur place, et l’honneur est apparemment sauf…
histoire aura laissé des traces difficiles à effacer chez nos personnages, et aussi en nous, spectateurs
Ovide faisait intervenir la déesse (et la métamorphose) avant la consommation du mariage.
Benserade ose la faire intervenir après la « nuit de noces »… Le tout jeune poète, libertin à la mode
des années 1630, transgresse vivement morale et bienséance pour nous offrir, encore aujourd’hui,
une histoire d’une insolente modernité.
ACTE I
Scène première
LIGDE, TÉLÉTUZE, IPHIS
? et quelle répugnance
Te fait tant retarder cette heureuse alliance ?
tu d’en empêcher le cours ?
elle pas utile au repos de nos jours ?
tu dans ce parti du bien qui te déplaise,
ettre un fils bien à son aise ?
Mais revenons au point central. Le père d’Iphis, associé au père d’Iante, agacé par les
: il aura lieu le soir même. Ergaste a beau leur dénoncer la
Iphis qui sait qu’il court à la catastrophe, ne cherche pourtant pas à l’éviter, s’en remet pour
se tirer d’affaire, soit à la bonne déesse, soit… au suicide. Le mariage est conclu. Et le mariage est
n après cette nuit de noces, Iante pense avoir rêvé (un rêve finalement assez
elle pas dû la supprimer dès sa
onde se retrouve au temple d’Isis où le pot aux roses est enfin découvert. Le
! Mais la déesse Isis redescend de son nuage pour… changer Iphis en garçon.
elles leur place, et l’honneur est apparemment sauf… Mais l’étrange
histoire aura laissé des traces difficiles à effacer chez nos personnages, et aussi en nous, spectateurs
la consommation du mariage.
»… Le tout jeune poète, libertin à la mode
des années 1630, transgresse vivement morale et bienséance pour nous offrir, encore aujourd’hui,
LIGDE
On ne peut sans le bien, faire un bon mariage
C’est à son jeune cœur d’aimer ce qui lui plaît,
Comme c’est à nous deux d’aimer son intérêt.
Tes meilleurs sentiments ne sont plus à la mode,
On fuit la pauvreté, parce qu’elle incommode,
De tous les autres maux ce mal est le soutien.
Et principalement dans le siècle où nous sommes,
Ou l’or a des autels dans les esprits des hommes,
Ou le désir du gain, de l’aise, et du bonheur
Met ce traître métal au dessus de l’honneur
Pourvu que la richesse accompagne une fille,
On la croit belle, honnête et de bonne famille.
D’ailleurs la belle Iante est sage autant que riche,
Et son père n’a pas le renom d’êtr
Il est en bonne odeur, il a du revenu,
Et son bien est trop grand pour n’être pas connu
N’estimerons-nous pas la fortune prospère
Quand notre propre fils deviendra notre père
Quel appui nos vieux jours devraient
Si mon fils refusait l’honneur d’être son gendre
TÉLÉTUZE
C’est bien fait d’assurer le repos de nos ans,
Mais il faut procurer celui de nous enfants,
Iphis est jeune encore, et s’il chérit Iante,
Je crois que ce n’est pas d’une amour violente.
LIGDE
Tu parles sans raison, et quoi, ne vois
Comme Iphis la cajole, et meurt pour ses appâts
Comme Iante lui rend ce bien et lui fait fête
Et comme elle témoigne en être satisfaite
Ne t’aperçois-tu pas au discours qu’ils se font,
Du mutuel amour qui se lit sur leur front
TÉLÉTUZE
Je vois bien tout cela, mais,
18
On ne peut sans le bien, faire un bon mariage ;
C’est à son jeune cœur d’aimer ce qui lui plaît,
Comme c’est à nous deux d’aimer son intérêt.
s meilleurs sentiments ne sont plus à la mode,
On fuit la pauvreté, parce qu’elle incommode,
De tous les autres maux ce mal est le soutien.
Et principalement dans le siècle où nous sommes,
Ou l’or a des autels dans les esprits des hommes,
ain, de l’aise, et du bonheur
Met ce traître métal au dessus de l’honneur ;
Pourvu que la richesse accompagne une fille,
On la croit belle, honnête et de bonne famille.
D’ailleurs la belle Iante est sage autant que riche,
Et son père n’a pas le renom d’être chiche
Il est en bonne odeur, il a du revenu,
Et son bien est trop grand pour n’être pas connu :
nous pas la fortune prospère
Quand notre propre fils deviendra notre père ?
Quel appui nos vieux jours devraient-ils plus attendre,
refusait l’honneur d’être son gendre ?
C’est bien fait d’assurer le repos de nos ans,
Mais il faut procurer celui de nous enfants,
Iphis est jeune encore, et s’il chérit Iante,
Je crois que ce n’est pas d’une amour violente.
raison, et quoi, ne vois-tu pas
Comme Iphis la cajole, et meurt pour ses appâts ?
Comme Iante lui rend ce bien et lui fait fête ?
Et comme elle témoigne en être satisfaite ?
tu pas au discours qu’ils se font,
eur front ?
LIGDE
Quoi, mais
TÉLÉTUZE
Qu’ils ne pourront jamais s’accommoder ensemble.
Ces amants une fois sous la loi de Vénus
Ne sont pas pour s’aimer après s’être connus
Je veux qu’ils s’aiment bien et qu’ils soient d’un même âge,
Ils n’ont pas ce qu’il faut pour faire un bon ménage.
Iphis n’est qu’un enfant, qu’un feu léger consomme,
Et qui ne ferait pas les fonctions d’un homme.
LIGDE
Vous moquez-vous de mettre au nombre des enfants,
Un garçon comme Iphis à l’âge de vingt ans
TÉLÉTUZE
Il est vrai que c’est être à la fleur de son âge,
Mais pour se marier, il en faut davantage
Il faut être tout fait devant que s’attacher
D’un lien dont jamais on ne peut s’arracher.
LIGDE
Enfin tu ne suivras jamais ma volonté
Qu’on ne m’en parle plus, c’est un point arrêté
Aujourd’hui ces amants se donneront la foi,
Je n’en démordrai point aussi bien comme toi,
Le père en est d’accord, la fille en est contente,
Et sans doute qu’Iphis languit dan
Tout leur désir ne tend qu’à se voir épousés.
TÉLÉTUZE
Je ne les y vois pas pourtant bien disposés.
LIGDE à Iphis.
Est-il vrai ? parlez donc, cette affaire vous touche,
Et vous n’en daignerez ce semble ouvrir la bouche,
N’aimez-vous pas Iante, et n’êtes
A suivre mon vouloir de même qu’un arrêt
19
Quoi, mais ?
Il me semble
Qu’ils ne pourront jamais s’accommoder ensemble.
Ces amants une fois sous la loi de Vénus
Ne sont pas pour s’aimer après s’être connus :
s’aiment bien et qu’ils soient d’un même âge,
n’ont pas ce qu’il faut pour faire un bon ménage.
Iphis n’est qu’un enfant, qu’un feu léger consomme,
Et qui ne ferait pas les fonctions d’un homme.
vous de mettre au nombre des enfants,
Un garçon comme Iphis à l’âge de vingt ans ?
fleur de son âge,
Mais pour se marier, il en faut davantage :
Il faut être tout fait devant que s’attacher
D’un lien dont jamais on ne peut s’arracher.
ne suivras jamais ma volonté ?
Qu’on ne m’en parle plus, c’est un point arrêté ;
Aujourd’hui ces amants se donneront la foi,
Je n’en démordrai point aussi bien comme toi,
Le père en est d’accord, la fille en est contente,
Et sans doute qu’Iphis languit dans cette attente,
Tout leur désir ne tend qu’à se voir épousés.
Je ne les y vois pas pourtant bien disposés.
? parlez donc, cette affaire vous touche,
Et vous n’en daignerez ce semble ouvrir la bouche,
Iante, et n’êtes-vous pas prêt
A suivre mon vouloir de même qu’un arrêt ?
IPHIS répond froidement
Iante a sur mon âme une entière puissance,
Et je n’ai pour vous deux que de l’obéissance.
LIGDE
Je n’attendais pas moins d’un naturel si doux,
Qui désire son bien, et qui craint mon courroux
Mon fils, vous méritez cette jeune merveille,
Dont la rare beauté n’eut jamais de pareille
Voyez-la, mettez-vous un peu sur le caquet,
Et faites tout d’un temps préparer le banquet
Je vous irai trouver sur le soir chez son père,
Où nous achèverons le reste de l’affaire,
Afin qu’un chaste hymen vous donne cette nuit
Le moyen de goûter les douceurs de son fruit.
[…]
Isaac de Bensérade
TTeexxttee eenn ppaarraallllèèllee
La Renommée eût peut-
même, le destin d'Iphis eût permis d'admirer un prodige étranger
celle de Gnosse, avait vu naître Ligdus, homme sans nom, d'une condition obscure, mais libre
la fortune fut conforme à sa naissance, mais qui était irréprochable dans sa vie et dans ses actions.
Sa femme allait devenir mère, lo
que tu me donnes un fils ; l'autre, que Lucine abrège pour toi les douleurs de l'enfantement. La
charge d'une fille est trop pesante
une fille ; je frémis.... ô nature ! pa
son visage en donnant cet ordre barbare, et sa femme pleure en le recevant.
Elle conjure son époux de ne pas détruire l'e
Ligdus inflexible persiste dans son dessein. Cependant Téléthuse touchait au terme où elle doit
enfanter, lorsqu'au milieu de la nuit, et tandis que le sommeil répand sur elle ses pavots, elle voit, ou
20
Iante a sur mon âme une entière puissance,
Et je n’ai pour vous deux que de l’obéissance.
Je n’attendais pas moins d’un naturel si doux,
n bien, et qui craint mon courroux ;
Mon fils, vous méritez cette jeune merveille,
Dont la rare beauté n’eut jamais de pareille ;
vous un peu sur le caquet,
Et faites tout d’un temps préparer le banquet :
hez son père,
Où nous achèverons le reste de l’affaire,
Afin qu’un chaste hymen vous donne cette nuit
Le moyen de goûter les douceurs de son fruit.
Isaac de Bensérade, Iphis et Iante [1634], version adaptée po
par Jean-Pierre Vincent et B
IIpphhiiss eett IIaanntthhéé
-être étonné de ce prodige les cent villes de Crète, si, dans cette île
même, le destin d'Iphis eût permis d'admirer un prodige étranger. La ville de Phestus, voisine de
celle de Gnosse, avait vu naître Ligdus, homme sans nom, d'une condition obscure, mais libre
la fortune fut conforme à sa naissance, mais qui était irréprochable dans sa vie et dans ses actions.
ir mère, lorsqu'il lui tint ce discours : « Je n'ai que deux vœux à former
; l'autre, que Lucine abrège pour toi les douleurs de l'enfantement. La
charge d'une fille est trop pesante ; et, dans ma misère, je ne puis la supporter. Si le sort me donne
! pardonne.... je commande sa mort. » Il dit, et ses larmes coulent sur
son visage en donnant cet ordre barbare, et sa femme pleure en le recevant.
Elle conjure son époux de ne pas détruire l'espoir de sa grossesse. Ses prières sont vaines,
Ligdus inflexible persiste dans son dessein. Cependant Téléthuse touchait au terme où elle doit
enfanter, lorsqu'au milieu de la nuit, et tandis que le sommeil répand sur elle ses pavots, elle voit, ou
version adaptée pour la scène
Pierre Vincent et Bernard Chartreux.
être étonné de ce prodige les cent villes de Crète, si, dans cette île
. La ville de Phestus, voisine de
celle de Gnosse, avait vu naître Ligdus, homme sans nom, d'une condition obscure, mais libre ; dont
la fortune fut conforme à sa naissance, mais qui était irréprochable dans sa vie et dans ses actions.
Je n'ai que deux vœux à former : l'un,
; l'autre, que Lucine abrège pour toi les douleurs de l'enfantement. La
er. Si le sort me donne
Il dit, et ses larmes coulent sur
spoir de sa grossesse. Ses prières sont vaines,
Ligdus inflexible persiste dans son dessein. Cependant Téléthuse touchait au terme où elle doit
enfanter, lorsqu'au milieu de la nuit, et tandis que le sommeil répand sur elle ses pavots, elle voit, ou
croit voir s'arrêter devant sa couche, Isis, dans tout l'éclat de la pompe qui la suit. Le croissant brille
sur son front, des épis dorés le couronnent. Le sceptre des rois est dans sa main. Près d'elle sont
l'aboyant Anubis, la divine Bubastis, Apis, marqué de
le silence, les sistres harmonieux, Osiris, que toujours en vain on cherche sur la terre, et le serpent en
Égypte adoré, ailleurs étranger, qui porte un venin assoupissant. Téléthuse croit veiller, voir, et
entendre. Isis lui parle ainsi : « Ô toi qui me fus toujours chère, cesse de t'affliger. N'exécute point
l'ordre de ton époux ; et lorsque Lucine t'aura délivrée, quel que soit le sexe de ton enfant, ne crains
pas de le conserver. Je suis une divinité secou
d'avoir honoré une déesse ingrate et sourde à tes prières
Téléthuse s'éveille, et dans sa joie, levant des mains pures au ciel qu'elle implore, elle
demande l'effet du songe de la nuit. Le terme arrive où elle va devenir mère. Elle se délivre sans
peine de son fardeau. C'est une fille qui lui doit le jour
qu'il désire. Une nourrice est seule confidente et complice
Cependant Ligdus croit ses
nom d'Iphis, que portait son aïeul. Ce nom plaît à Téléthuse
pourra tromper les mortels ; ainsi par un te
Telle fut la beauté d'Iphis, qu'elle convenait à l'un et à l'autre sexe. Iphis avait atteint sa
treizième année, et déjà son père lui destinait pour épouse Ianthé, aux cheveux blonds, fille
Télestès, et la plus belle des vierges de Phestus. Pareil est leur âge, pareil aussi l'éclat de leurs
attraits. Ensemble élevées, elles ont reçu des mêmes maîtres les mêmes leçons. Cependant un
même trait les a blessées. Leur amour est égal, mais leur
Ianthé, avec impatience, attend le jour où l'hymen doit l'unir à celle qu'elle croit un amant, et
qui n'est qu'une amante. Iphis aime sans espérance
obstacle irritant son amour, et retenant
aimant ? quelle est cette passion étonnante, et bizarre, et nouvelle
favorables en détournant l'arrêt de mon trépas
donner des penchants que condamne la nature
jument ne recherche point une autre jument
ainsi que s'aiment les oiseaux. Dans toute la nature,
« Eh ! pourquoi faut-il que je vive
fille du Soleil fut éprise d'un taureau, mais il était d'un autre sexe que le sien
flamme est plus furieuse et plus désordonnée. Pasiphaé put espérer dans son égarement
l'artifice de Dédale, elle ne fut point trompée dans ses infâmes amours.
21
voir s'arrêter devant sa couche, Isis, dans tout l'éclat de la pompe qui la suit. Le croissant brille
sur son front, des épis dorés le couronnent. Le sceptre des rois est dans sa main. Près d'elle sont
l'aboyant Anubis, la divine Bubastis, Apis, marqué de diverses couleurs ; le dieu dont le doigt prescrit
le silence, les sistres harmonieux, Osiris, que toujours en vain on cherche sur la terre, et le serpent en
Égypte adoré, ailleurs étranger, qui porte un venin assoupissant. Téléthuse croit veiller, voir, et
Ô toi qui me fus toujours chère, cesse de t'affliger. N'exécute point
; et lorsque Lucine t'aura délivrée, quel que soit le sexe de ton enfant, ne crains
pas de le conserver. Je suis une divinité secourable ; j’exauce qui me prie. Tu ne te plaindras point
ingrate et sourde à tes prières ». Elle dit, et disparaît avec sa suite.
Téléthuse s'éveille, et dans sa joie, levant des mains pures au ciel qu'elle implore, elle
l'effet du songe de la nuit. Le terme arrive où elle va devenir mère. Elle se délivre sans
peine de son fardeau. C'est une fille qui lui doit le jour ; Téléthuse déguise son sexe
qu'il désire. Une nourrice est seule confidente et complice de ce pieux mensonge.
Cependant Ligdus croit ses vœux accomplis ; il rend grâces aux dieux, et donne à sa fille le
nom d'Iphis, que portait son aïeul. Ce nom plaît à Téléthuse ; il est commun aux deux sexes, il ne
; ainsi par un tendre artifice, l'épouse de Ligdus cache le sexe de son fils.
Telle fut la beauté d'Iphis, qu'elle convenait à l'un et à l'autre sexe. Iphis avait atteint sa
treizième année, et déjà son père lui destinait pour épouse Ianthé, aux cheveux blonds, fille
Télestès, et la plus belle des vierges de Phestus. Pareil est leur âge, pareil aussi l'éclat de leurs
attraits. Ensemble élevées, elles ont reçu des mêmes maîtres les mêmes leçons. Cependant un
même trait les a blessées. Leur amour est égal, mais leur espoir est différent.
Ianthé, avec impatience, attend le jour où l'hymen doit l'unir à celle qu'elle croit un amant, et
qui n'est qu'une amante. Iphis aime sans espérance ; vierge, elle brûle pour une vierge
obstacle irritant son amour, et retenant à peine ses larmes : « Quel succès, dit-elle, puis
? quelle est cette passion étonnante, et bizarre, et nouvelle ? les dieux m'ont
favorables en détournant l'arrêt de mon trépas ? et s'ils voulaient me conserver la vie, devaient
donner des penchants que condamne la nature ? La génisse n'aime point une autre génisse
jument ne recherche point une autre jument : le bélier suit la brebis ; le cerf suit la biche
ainsi que s'aiment les oiseaux. Dans toute la nature, l'amour unit des sexes différents.
il que je vive ! La Crète ne doit-elle donc produire que des monstres
fille du Soleil fut éprise d'un taureau, mais il était d'un autre sexe que le sien ; et,
flamme est plus furieuse et plus désordonnée. Pasiphaé put espérer dans son égarement
l'artifice de Dédale, elle ne fut point trompée dans ses infâmes amours.
voir s'arrêter devant sa couche, Isis, dans tout l'éclat de la pompe qui la suit. Le croissant brille
sur son front, des épis dorés le couronnent. Le sceptre des rois est dans sa main. Près d'elle sont
; le dieu dont le doigt prescrit
le silence, les sistres harmonieux, Osiris, que toujours en vain on cherche sur la terre, et le serpent en
Égypte adoré, ailleurs étranger, qui porte un venin assoupissant. Téléthuse croit veiller, voir, et
Ô toi qui me fus toujours chère, cesse de t'affliger. N'exécute point
; et lorsque Lucine t'aura délivrée, quel que soit le sexe de ton enfant, ne crains
; j’exauce qui me prie. Tu ne te plaindras point
. Elle dit, et disparaît avec sa suite.
Téléthuse s'éveille, et dans sa joie, levant des mains pures au ciel qu'elle implore, elle
l'effet du songe de la nuit. Le terme arrive où elle va devenir mère. Elle se délivre sans
Téléthuse déguise son sexe ; Ligdus croit ce
de ce pieux mensonge.
; il rend grâces aux dieux, et donne à sa fille le
; il est commun aux deux sexes, il ne
ndre artifice, l'épouse de Ligdus cache le sexe de son fils.
Telle fut la beauté d'Iphis, qu'elle convenait à l'un et à l'autre sexe. Iphis avait atteint sa
treizième année, et déjà son père lui destinait pour épouse Ianthé, aux cheveux blonds, fille de
Télestès, et la plus belle des vierges de Phestus. Pareil est leur âge, pareil aussi l'éclat de leurs
attraits. Ensemble élevées, elles ont reçu des mêmes maîtres les mêmes leçons. Cependant un
Ianthé, avec impatience, attend le jour où l'hymen doit l'unir à celle qu'elle croit un amant, et
; vierge, elle brûle pour une vierge ; et cet
elle, puis-je espérer en
? les dieux m'ont-ils été
? et s'ils voulaient me conserver la vie, devaient-ils me
? La génisse n'aime point une autre génisse ; la
; le cerf suit la biche ; et c'est
l'amour unit des sexes différents.
elle donc produire que des monstres ! La
; et, si j'ose l'avouer, ma
flamme est plus furieuse et plus désordonnée. Pasiphaé put espérer dans son égarement ; et par
« Rentre en toi-même, Iphis; rappelle ta raison
espoir. Tu sais quel est ton sexe, et tu ne peux toi
femme, n'aime que ce qu'une femme doit aimer. L'amour vit et se soutient par l'espoir
espoir le tien peut-il être nourri ? Ce ne sont ni les soins d'un surveillant incommode, ni la vigilance
d'un mari jaloux, ni la sévérité d'un père, qui s'opposent à tes vœux
et cependant tu ne peux rien obtenir. Quoi qu'il puisse arriver, quand les hom
s'emploieraient pour ton bonheur, tu ne peux être heureuse. Hélas
succès de mon amour. J'ai trouvé des dieux faciles
Mais, en vain, ce que je désire est le vœu de
nature, plus forte que les hommes et les dieux, s'oppose à mon bonheur, et n'est qu'à moi seule
contraire. Le jour que j'ai dû désirer approche
être et ne peut être à moi. Nous sommes l'un et l'autre condamnées aux tourments de Tantale. Ô
Junon, ô Hyménée, pourquoi viendriez
l'épouse, et n'aura point d'époux qui la conduise à l'autel
Elle dit, et se tait. Comme elle, Ianthé brûle. Hyménée, c'est toi que, dans ses vœux
impatients, elle invoque, elle appelle.
elle emploie tour à tour une feinte langueur, et le vain présa
délais officieux ne peuvent plus se prolonger
qui retient les cheveux d'Iphis et les siens
« Déesse, s'écrie-t-elle, toi que l'Égypte révère, que les champs de Maréotis, la ville d'Ammon,
Pharos, et le Nil aux sept bouches, reconnaissent pour souveraine, sois
alarmes ! Ô Déesse ! c'est toi que j'ai vue dans mon humble demeure, avec
t'accompagne en ce lieu révéré. J'ai tout reconnu, ton brillant cortège, tes sistres, tes flambeaux. J'ai
reçu tes ordres puissants, je les ai suivis
je n'en sois point punie. Prends pitié d'Iphis et d'une mère infortunée. J'implor
ton ouvrage » ! Telle fut la prière de Téléthuse, et ses larmes coulaient. Soudain elle croit voir, et ce
n'est point une illusion, l'autel s'agiter, les voûtes du temple s'
brille d'un feu plus pur, et le sistre appendu résonne et frémit.
Téléthuse espère; mais, sans être rassurée par ce présage, elle sort du temple. Iphis, qui la
suit, marche d'un pas plus ferme et plus hardi. Son te
ses cheveux plus courts. Elle sent une audace nouvelle, étrangère à son sexe
changé. De fille que tu étais, tu deviens homme, Iphis. Allez, portez au temple vos offrandes, et pleins
de confiance, rendez grâces aux dieux. Ils retournent au temple
inscription : « Iphis, jeune garçon, acquitte le
L'Aurore du lendemain avait ouvert les portes du jour. Junon, Vénus, et l'Hy
les deux amants ; et, sous leurs auspices, Iphis devient l'heureux époux d'Ianthé.
Ovide, Les Métamorphoses, Livre IX,
22
même, Iphis; rappelle ta raison ; étouffe un amour insensé, puisqu'il est sans
espoir. Tu sais quel est ton sexe, et tu ne peux toi-même t'abuser. Désire ce qui t'est permis, et,
femme, n'aime que ce qu'une femme doit aimer. L'amour vit et se soutient par l'espoir
? Ce ne sont ni les soins d'un surveillant incommode, ni la vigilance
d'un mari jaloux, ni la sévérité d'un père, qui s'opposent à tes vœux ; Ianthé même ne te refuse rien,
et cependant tu ne peux rien obtenir. Quoi qu'il puisse arriver, quand les hom
s'emploieraient pour ton bonheur, tu ne peux être heureuse. Hélas ! tout semblait concourir au
succès de mon amour. J'ai trouvé des dieux faciles ; ils m'ont accordé tout ce qui était possible.
Mais, en vain, ce que je désire est le vœu de mon père, le vœu d'Ianthé, celui de ses parents
nature, plus forte que les hommes et les dieux, s'oppose à mon bonheur, et n'est qu'à moi seule
contraire. Le jour que j'ai dû désirer approche ; les flambeaux de l'hymen vont s'allumer. Ianthé doit
et ne peut être à moi. Nous sommes l'un et l'autre condamnées aux tourments de Tantale. Ô
Junon, ô Hyménée, pourquoi viendriez-vous à cette triste solennité, où chacune de nous se trouvera
ux qui la conduise à l'autel ! »
Elle dit, et se tait. Comme elle, Ianthé brûle. Hyménée, c'est toi que, dans ses vœux
impatients, elle invoque, elle appelle. Mais ce qu'elle désire, Téléthuse le craint
elle emploie tour à tour une feinte langueur, et le vain présage d'un songe qui l'effraie. Mais enfin ces
délais officieux ne peuvent plus se prolonger : il ne reste qu'un jour. Téléthuse détache le bandeau
qui retient les cheveux d'Iphis et les siens ; et, prosternée avec sa fille dans le temple d'Isis
elle, toi que l'Égypte révère, que les champs de Maréotis, la ville d'Ammon,
Pharos, et le Nil aux sept bouches, reconnaissent pour souveraine, sois-moi favorable, dissipe mes
! c'est toi que j'ai vue dans mon humble demeure, avec
t'accompagne en ce lieu révéré. J'ai tout reconnu, ton brillant cortège, tes sistres, tes flambeaux. J'ai
reçu tes ordres puissants, je les ai suivis ; et si ma fille voit le jour, c'est à toi qu'elle le doit. Fais que
t punie. Prends pitié d'Iphis et d'une mère infortunée. J'implor
! Telle fut la prière de Téléthuse, et ses larmes coulaient. Soudain elle croit voir, et ce
n'est point une illusion, l'autel s'agiter, les voûtes du temple s'ébranler. Le croissant de la déesse
brille d'un feu plus pur, et le sistre appendu résonne et frémit.
Téléthuse espère; mais, sans être rassurée par ce présage, elle sort du temple. Iphis, qui la
suit, marche d'un pas plus ferme et plus hardi. Son teint perd son éclat ; ses traits sont plus mâles,
ses cheveux plus courts. Elle sent une audace nouvelle, étrangère à son sexe ; et déjà son sexe est
changé. De fille que tu étais, tu deviens homme, Iphis. Allez, portez au temple vos offrandes, et pleins
onfiance, rendez grâces aux dieux. Ils retournent au temple ; ils sacrifient, e
Iphis, jeune garçon, acquitte le vœu que jeune fille il avait fait ».
L'Aurore du lendemain avait ouvert les portes du jour. Junon, Vénus, et l'Hy
; et, sous leurs auspices, Iphis devient l'heureux époux d'Ianthé.
Les Métamorphoses, Livre IX, (vers 1 ap. J.-C.), traduction de G.T.
nsensé, puisqu'il est sans
même t'abuser. Désire ce qui t'est permis, et,
femme, n'aime que ce qu'une femme doit aimer. L'amour vit et se soutient par l'espoir ; mais de quel
? Ce ne sont ni les soins d'un surveillant incommode, ni la vigilance
; Ianthé même ne te refuse rien,
et cependant tu ne peux rien obtenir. Quoi qu'il puisse arriver, quand les hommes et les dieux
! tout semblait concourir au
; ils m'ont accordé tout ce qui était possible.
mon père, le vœu d'Ianthé, celui de ses parents : la
nature, plus forte que les hommes et les dieux, s'oppose à mon bonheur, et n'est qu'à moi seule
; les flambeaux de l'hymen vont s'allumer. Ianthé doit
et ne peut être à moi. Nous sommes l'un et l'autre condamnées aux tourments de Tantale. Ô
vous à cette triste solennité, où chacune de nous se trouvera
Elle dit, et se tait. Comme elle, Ianthé brûle. Hyménée, c'est toi que, dans ses vœux
se le craint ; et pour l'éloigner,
ge d'un songe qui l'effraie. Mais enfin ces
: il ne reste qu'un jour. Téléthuse détache le bandeau
fille dans le temple d'Isis :
elle, toi que l'Égypte révère, que les champs de Maréotis, la ville d'Ammon,
moi favorable, dissipe mes
! c'est toi que j'ai vue dans mon humble demeure, avec tout l'appareil qui
t'accompagne en ce lieu révéré. J'ai tout reconnu, ton brillant cortège, tes sistres, tes flambeaux. J'ai
; et si ma fille voit le jour, c'est à toi qu'elle le doit. Fais que
t punie. Prends pitié d'Iphis et d'une mère infortunée. J'implore ton appui, achève
! Telle fut la prière de Téléthuse, et ses larmes coulaient. Soudain elle croit voir, et ce
ébranler. Le croissant de la déesse
Téléthuse espère; mais, sans être rassurée par ce présage, elle sort du temple. Iphis, qui la
; ses traits sont plus mâles,
; et déjà son sexe est
changé. De fille que tu étais, tu deviens homme, Iphis. Allez, portez au temple vos offrandes, et pleins
; ils sacrifient, et laissent cette
L'Aurore du lendemain avait ouvert les portes du jour. Junon, Vénus, et l'Hyménée, unissent
; et, sous leurs auspices, Iphis devient l'heureux époux d'Ianthé.
de G.T. Villenave, 1806.
HHiissttooiirree ddeess AArrttss
DDeess MMééttaammoorrpphhoosseess ddaannss
Le Bernin, Apollon et Daphnée, 1623-
24, Galerie Borghèse, Rome.
23
ss lleess AArrttss dduu 1177èèmmee ssiièèccllee..
Nicolas Poussin, Apollon et Daphnée
huile sur toile, Alte Pinakothek Museum, M
Luca Giordano, Minerve et Arachné
Apollon et Daphnée, 1634,
Alte Pinakothek Museum, Münich.
Minerve et Arachné, 1695.
Nicolas Poussin,
Musée du Louvre
24
Diego Velasquez, La Légende d’Arachné
Les Fileuses, vers 1657, Museo del Prado, Madrid.
colas Poussin, Echo et Narcisse, 1629-30,
Musée du Louvre, Paris.
Arachné ou
Museo del Prado, Madrid.
EE
25
EECCHHOOSS DDAANNSS LLAA PPRREESSSSEE
Article publié dans La Provence
publié dans La Provence, le 17/01/13.
26
Article publié dans La Marseillaise
Marseillaise, le 17/01/13.
BBIIOOGGRRAAPPHHIIEE DDUU MM
JEAN-PIERRE VINCENT vient, à son grand étonnement, de ne pas célébrer ses cinquante ans
de théâtre…Tout commence en 1958, au Groupe théâtral du Lycée Louis le Grand à Paris. Aux côtés
de Patrice Chéreau, il se fraie un chemin vers le « professionnalisme ». Acteur, assistant, il apprend
sur le tas tous les éléments du métier et de l’art théâtral. Dix ans plus tard, juste après Mai 68,
l’acteur Vincent ose franchir le pas de la mise en scène avec
de Brecht. Il vient aussi de rencontrer Jean Jourdheuil, avec qui il inaugure en France le tandem
metteur en scène-dramaturge. Avec lui, et avec un groupe d’acteurs exceptionnels, il va monter une
compagnie, Le Théâtre de l’Espéra
des Bouffes du Nord, Vincent est nommé en 1975 Directeur du Théâtre National de Strasbourg, où il
part huit années avec un collectif d’auteurs, metteurs en scène et acteurs. En 1982, Jacques Toj
propose de venir mettre en scène
expérience aboutit à sa nomination au poste d’Administrateur Général, qu’il occupera jusqu’en 1986,
date où il reprend sa liberté. Quatre ans plus tard, il rec
de… Patrice Chéreau. Il y passera 11 onze années, poursuivant son travail de création, aidant et
accueillant beaucoup d’autres artistes, jeunes (Rambert, Catherine Anne, Py, Nordey, Gabily,
Sivadier…) et moins jeunes (Françon, Régy, Martinelli…). En 2001, il reprend la route, en créant la
Compagnie Studio Libre, avec son dramaturge Bernard Chartreux et ses collaborateurs de (presque)
toujours.
La pédagogie, exercée depuis longtemps, devient un axe de travail domin
puis au TNS, à côté de grands spectacles coproduits avec les institutions nationales : Lagarce à la
Colline et à l’Odéon, L’Ecole des femmes
d’Avignon, Ubu Roi à la Comédie Français
Nanterre et tout récemment Cancrelat
27
MMEETTTTEEUURR EENN SSCCEENNEE
vient, à son grand étonnement, de ne pas célébrer ses cinquante ans
de théâtre…Tout commence en 1958, au Groupe théâtral du Lycée Louis le Grand à Paris. Aux côtés
se fraie un chemin vers le « professionnalisme ». Acteur, assistant, il apprend
sur le tas tous les éléments du métier et de l’art théâtral. Dix ans plus tard, juste après Mai 68,
l’acteur Vincent ose franchir le pas de la mise en scène avec C’est La noce chez les petits bourgeois
de Brecht. Il vient aussi de rencontrer Jean Jourdheuil, avec qui il inaugure en France le tandem
dramaturge. Avec lui, et avec un groupe d’acteurs exceptionnels, il va monter une
Le Théâtre de l’Espérance. Après un bref passage chez Peter Brook, pour l’ouverture
des Bouffes du Nord, Vincent est nommé en 1975 Directeur du Théâtre National de Strasbourg, où il
part huit années avec un collectif d’auteurs, metteurs en scène et acteurs. En 1982, Jacques Toj
propose de venir mettre en scène Les Corbeaux d’Henry Becque à la Comédie Française. Cette
expérience aboutit à sa nomination au poste d’Administrateur Général, qu’il occupera jusqu’en 1986,
date où il reprend sa liberté. Quatre ans plus tard, il recueille le Théâtre des Amandiers, des mains
de… Patrice Chéreau. Il y passera 11 onze années, poursuivant son travail de création, aidant et
accueillant beaucoup d’autres artistes, jeunes (Rambert, Catherine Anne, Py, Nordey, Gabily,
nes (Françon, Régy, Martinelli…). En 2001, il reprend la route, en créant la
, avec son dramaturge Bernard Chartreux et ses collaborateurs de (presque)
La pédagogie, exercée depuis longtemps, devient un axe de travail dominant à l’ERAC, à l’ENSATT
puis au TNS, à côté de grands spectacles coproduits avec les institutions nationales : Lagarce à la
L’Ecole des femmes à l’Odéon, le Silence des Communistes
à la Comédie Française, Les acteurs de bonne foi au Théâtre des Amandiers
Cancrelat à Théâtre Ouvert.
vient, à son grand étonnement, de ne pas célébrer ses cinquante ans
de théâtre…Tout commence en 1958, au Groupe théâtral du Lycée Louis le Grand à Paris. Aux côtés
se fraie un chemin vers le « professionnalisme ». Acteur, assistant, il apprend
sur le tas tous les éléments du métier et de l’art théâtral. Dix ans plus tard, juste après Mai 68,
chez les petits bourgeois
de Brecht. Il vient aussi de rencontrer Jean Jourdheuil, avec qui il inaugure en France le tandem
dramaturge. Avec lui, et avec un groupe d’acteurs exceptionnels, il va monter une
. Après un bref passage chez Peter Brook, pour l’ouverture
des Bouffes du Nord, Vincent est nommé en 1975 Directeur du Théâtre National de Strasbourg, où il
part huit années avec un collectif d’auteurs, metteurs en scène et acteurs. En 1982, Jacques Toja lui
d’Henry Becque à la Comédie Française. Cette
expérience aboutit à sa nomination au poste d’Administrateur Général, qu’il occupera jusqu’en 1986,
ueille le Théâtre des Amandiers, des mains
de… Patrice Chéreau. Il y passera 11 onze années, poursuivant son travail de création, aidant et
accueillant beaucoup d’autres artistes, jeunes (Rambert, Catherine Anne, Py, Nordey, Gabily,
nes (Françon, Régy, Martinelli…). En 2001, il reprend la route, en créant la
, avec son dramaturge Bernard Chartreux et ses collaborateurs de (presque)
ant à l’ERAC, à l’ENSATT
puis au TNS, à côté de grands spectacles coproduits avec les institutions nationales : Lagarce à la
le Silence des Communistes au Festival
au Théâtre des Amandiers
BBiibblliiooggrraapphhiiee
- Isaac de Benserade, Iphis et I
- Ovide, Les Métamorphoses,
- Isaac de Benserade, Les Métamorphoses d
- Molière, Amphitryon, 1668,
- Molière, Dom Garcie de Navarre
De la même époque et évoquant également les troubles amoureux de l
- Corneille, La Place Royale, 1633.
SSiittooggrraapphhiiee
La page du spectacle sur le site du Théâtre
- http://www.lestheatres.net/fr/saison
La page du spectacle sur le site de La Comédie de Reims
- http://www.lacomediedereims.fr/evenement/iphis
La page du spectacle sur theatre
- http://www.theatre-contemporain.net/spectacles/Iphis
Des poèmes d’Isaac de Benserade
- http://www.bmlisieux.com/curiosa/benserad.htm
Le projet de loi visant à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe est
consultable sur le site de l’Assemblée nationale à
- http://www.assemblee-nationale.fr/14/projets/pl0344.asp
Le schéma de la procédure législative se rapportant au projet de loi visant à
l’ouverture du mariage aux couples
l’Assemblée nationale à l’adresse
- http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/mariage_personnes_meme_sexe.asp
28
Iphis et Ianthe, 1634,
étamorphoses, vers 1 ap. J.-C.,
Les Métamorphoses d’Ovide en rondeaux, 1676,
Garcie de Navarre, ou le Prince jaloux, 1661,
De la même époque et évoquant également les troubles amoureux de la jeunesse
, 1633.
La page du spectacle sur le site du Théâtre du Gymnase de Marseille :
http://www.lestheatres.net/fr/saison-2013/31/iphis-et-iante ;
La page du spectacle sur le site de La Comédie de Reims :
http://www.lacomediedereims.fr/evenement/iphis-et-iante/ ;
La page du spectacle sur theatre-contemporain.net :
contemporain.net/spectacles/Iphis-et-Iante/ ;
Isaac de Benserade :
http://www.bmlisieux.com/curiosa/benserad.htm
Le projet de loi visant à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe est
consultable sur le site de l’Assemblée nationale à l’adresse :
nationale.fr/14/projets/pl0344.asp
chéma de la procédure législative se rapportant au projet de loi visant à
l’ouverture du mariage aux couples de même sexe est consultable sur le site de
l’Assemblée nationale à l’adresse :
nationale.fr/14/dossiers/mariage_personnes_meme_sexe.asp
LA COMEDIE DE REIMS Centre dramatique national Direction : Ludovic Lagarde 3 chaussée Bocquaine 51100 Reims Tél : 03.26.48.49.00 www.lacomediedereims.fr
a jeunesse :
Le projet de loi visant à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe est
chéma de la procédure législative se rapportant au projet de loi visant à
est consultable sur le site de
nationale.fr/14/dossiers/mariage_personnes_meme_sexe.asp