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ISSN : 2260-1155 Directrice de la publication : Dominique Gay-Sylvestre
Rédactrices du numéro : Legros Valérie et Perret Laetitia
Publié en ligne le 17septembre 2018 https://unilim.fr/dire/index.php?id=901
DIRE N°10 | 2018 Les illustrations dans les manuels scolaires : approches
descriptives, diachroniques et épistémologiques
DIversités REcherches et Terrains
Jorgelina Molina Planas
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Les illustrations dans les manuels scolaires : approches descriptives, diachroniques et
épistémologiques
Illustrations in textbooks: descriptive, diachronic and epistemological approaches
Ilustraciones en libros de texto: enfoques descriptivos, diacrónicos y epistemológicos
Legros Valérie, Perret Laetitia
Cette livraison de DIRE entre dans la continuité d’un travail engagé depuis plusieurs années
sur l’analyse de manuels scolaires anciens. Après avoir étudié l’utilisation de livres scolaires
anciens pour la formation des enseignants (Bianchini, Moyon, 2014), après avoir exploré les
problèmes méthodologiques posés par leur analyse (Perret, 2015), il s’agira ici d’interroger la
place et le rôle des illustrations dans les manuels scolaires anciens et récents, c’est-à-dire des
livres datant des XIXe, XXe et XXIe siècles.
La place de l’image dans les manuels scolaires est aujourd’hui majeure, quelle que soit la
discipline ou le niveau (primaire, collège, lycée). Les illustrations occupent des surfaces très
importantes dans les pages des manuels. Le cadre de la double page semble aujourd’hui
devenu une norme pour les auteurs/autrices et les éditeurs/éditrices de manuels scolaires dans
beaucoup de disciplines. En histoire-géographie ou en sciences, l’organisation en double page
représente jusqu’à 80 % de la composition totale du manuel.
Cette situation de surprésence des images dans les manuels n’a pas toujours été. Si l’image
est considérée comme outil pédagogique depuis le XVIe siècle (Renonciat, 2011), c’est entre
1870 et 1960 que les images se développent dans les manuels. L’évolution des techniques
d’imprimerie a en effet permis de développer la présence des illustrations dans ces ouvrages
destinés à un public jeune (Choppin, 1992).
Ces différents éléments ont conduit les chercheur.es à s’interroger sur la place et la fonction
de ces illustrations dans les manuels scolaires La présence des images est analysée dans une
perspective comparative passé-présent qui interroge leur rôle dans la composition des manuels
(dimension esthétique) ou dans la construction des apprentissages des élèves (dimension
cognitive, pédagogique et didactique). L’utilisation des illustrations dans les démarches
pédagogiques proposées dans les manuels scolaires, anciens et récents, interroge également
leur rôle dans la construction des didactiques des disciplines, voire même dans la construction
des disciplines scolaires.
Les articles compilés dans ce numéro explorent différents champs disciplinaires de
l’enseignement primaire et de l’enseignement secondaire français.
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Quatre articles sont issus d’une journée d’étude qui a eu lieu le 9 novembre 2016, à l’ESPE
de l’Académie de Poitiers. Elle était organisée par Hugues Marquis et Laetitia Perret dans le
cadre du CPER 2015-20201 intitulé « Valorisation du patrimoine d’éducation en Poitou-
Charentes » qui vise à faire connaitre le fonds pédagogique hérité des écoles normales
primaires de La Rochelle, Poitiers, Angoulême et Niort. L’article de Muriel Coret, Denis
Gaume et Stéphanie Volteau utilise ce fonds, ceux de Catherine Faure, Claudia Frizzarini et
Valérie Legros explorent le Fonds d’histoire de l’éducation de l’université de Limoges, dépôt
des ouvrages hérités des écoles normales d’instituteurs et d’institutrices de la Creuse et de la
Haute-Vienne.
Les articles de Jean-Pierre Chevalier et Pascal Lenoir constituent des versions remaniées et
actualisées de communications effectuées lors de la 8ème Journée d’étude Pierre Guibbert, Les
images dans les manuels scolaires2, qui a eu lieu à l’IUFM de Montpellier, le 1er février 2012.
Six articles composent ce numéro :
L’objectif de l’article de Claudia Frizzarini et de Valérie Legros est de repérer des
savoirs mathématiques apparaissant dans les illustrations d’ouvrages d’arithmétique
et de travaux manuels parus pendant les premières décennies de la Troisième
République. L’étude descriptive identifie des savoirs mathématiques présents dans
les manuels d’arithmétique, surtout dans les parties sur la géométrie pour aider les
élèves à se représenter mentalement ces savoirs, et dans les livres de travail manuel
destiné aux garçons où ils ont plutôt une vocation d’outils au service de la
réalisation d’un objet. Au-delà les images ont surtout un intérêt descriptif de lien
entre les notions travaillées et leur expression dans la vie quotidienne des élèves.
Muriel Coret, Denis Gaume et Stéphanie Volteau ont focalisé leur étude sur les
illustrations présentes dans les manuels de grammaire, particulièrement sur la
construction de la catégorie du verbe entre 1845 et 2017. Une fois constatée le
faible nombre d’images dans les manuels de grammaire, l’analyse du corpus permet
de distinguer différentes fonctions de l’image dans les manuels de grammaire et
permet de poser les premières bases d’une typologie.
Catherine Faure étudie les représentations de Clovis et des Mérovingiens dans les
illustrations des manuels scolaires d’histoire et leur évolution depuis la fin de la
Troisième République. Cette étude descriptive est faite en fonction de l’évolution de
la discipline scolaire qu’est l’histoire, passant d’une histoire comme récit national à
une histoire basée sur l’analyse de sources. Elle prend également en compte
l’évolution des savoirs scientifiques : la période mérovingienne était considérée
jusqu’aux années 1980 comme étant en rupture avec l’Antiquité pour être ensuite
analysée comme une période de transition.
Pascal Lenoir travaille sur des manuels de l’enseignement secondaire en espagnol.
Son approche diachronique court tout au long du XXe siècle jusqu’au début du
XXIe. Son étude identifie un usage différencié de l’image en espagnol en fonction
des différentes méthodologies d’apprentissage prônées par le ministère de
l’éducation nationale.
1 CPER, axe 3 : Innovation, industries culturelles et valorisation du patrimoine, Thème 2 : Valorisation culturelle
et éducatives des données patrimoniales numérisées.
2 L’ensemble des articles des journées est en ligne à l’adresse
http://www.fde.umontpellier.fr/internet/site/cedrhe/jepg/modele/index.php?f=index.
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Jean-Pierre Chevalier propose ici une synthèse très documentée de la production de
manuels scolaires de géographie et de leur utilisation de l’iconographie, depuis le
début du XVIIIe siècle jusqu’aux nouveaux programmes pour l’école primaire de
2015. L’étude des illustrations est menée en parallèle des évolutions techniques de
l’imprimerie et de l’épistémologie de la discipline géographie.
Enfin, pour boucler ce parcours au fil de différentes disciplines, Laetitia Perret
synthétise les questionnements et problèmes posés aux chercheurs et chercheuses
qui s’aventurent à décrypter les images présentes dans les manuels scolaires, leurs
places, et surtout leurs rôles dans les différentes didactiques disciplinaires, tout
comme dans l’évolution des disciplines scolaires elles-mêmes. Le nombre d’images
progresse en effet différemment selon les disciplines, les niveaux et les publics. La
place de l’image dépend en à la fois des possibilités techniques de l’époque
considérée, du rôle que l’institution lui accorde, et des politiques de chaque éditeur.
Références bibliographiques
Bianchini, P., Moyon, M. (dir.) (2014). History of Education & Children’s Literature. School
textbooks and teachers training between past and present, IX, 1.
Choppin, A. (1992). Les manuels scolaires : histoire et actualités. Paris : Hachette Education.
Perret, L. (dir.) (2015). Analyser les manuels scolaires. Questions de méthodes. Rennes :
Presses universitaires de Rennes. (Paideia. Educations, savoir, société).
Renonciat, A. (2011). Voir/savoir. La pédagogie aux temps de l’imprimé. Paris : Scérén,
(Patrimoine Références).
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Montrer des savoirs mathématiques ? Les illustrations dans des manuels scolaires d’arithmétique et de travaux manuels de la
Troisième République
Showing mathematical knowledge ? Illustrations in some textbooks in arithmetic and
handwork during the French Third Republic
Claudia Regina Boen FRIZZARINI Doctorante en sciences, Université Fédérale de São Paulo, Brésil
claudiafrizzarini@gmail.com
Valérie LEGROS Maîtresse de Conférences en Sciences de l’Education à l’ESPE de l’Académie de Limoges,
Université de Limoges, France valerie.legros@unilim.fr
Dans les manuels scolaires anciens, les illustrations sont peu nombreuses. Avant la Troisième
République, leur présence est alors guidée par la nécessité plus que par l'esthétique. Dans cet
article, nous analyserons des manuels dans deux disciplines. D’une part, les manuels
d’arithmétique analysés présentes beaucoup d’illustrations. En géométrie, les schémas
montrent des savoirs mathématiques, ce qui aident les élèves à se les représenter mentalement.
En système métrique, elles montrent plutôt des objets du quotidien. En travaux manuels, des
savoirs mathématiques peuvent être montrer, mais de façon très différenciée dans les manuels
destinés aux filles ou aux garçons.
Mots-clés : illustrations, savoirs mathématiques, manuels scolaires, Troisième République
française
In ancient textbooks there are few illustrations. Their presence is then guided by necessity
more than by aesthetics. In this paper we will analyze textbooks in two school subjects. First,
the analyzed arithmetic manuals have a lot of illustrations. In geometry, the schemas show
mathematical knowledge, which help students to represent them mentally. In metric system,
they show rather everyday objects. Second, mathematical knowledge can be shown in manual
work, but in a very different way in the textbooks intended for girls or boys.
Keywords: illustrations, mathematical knowledge, textbooks, Third French Republic
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Introduction
« Ne conviendrait-il pas de réformer l’imagerie scolaire et enfantine et d’en tirer tous les
services qu’elle peut rendre indirectement à l’instruction populaire ? » (Gresse, 1887 : 1320)
Dans cet article, nous3 nous intéresserons à un type particulier d’images : celles figurant dans
les pages des manuels scolaires. Au-delà du rôle esthétique, culturel et stimulant de l’image,
la question centrale de cet article porte sur les savoirs en jeu dans ces images : quels savoirs
mathématiques sont présentés dans les illustrations de manuels scolaires, dans les premières
décennies de la Troisième République ? Cette question sera déclinée dans deux champs
disciplinaires présents dans les programmes de l’école dès 1882 en France, l’arithmétique et
le travail manuel. Les manuels scolaires de ces deux disciplines utilisent diversement les
illustrations.
I. Définitions, choix et méthodologie
Que sont ces savoirs mathématiques ? Margolinas définit un savoir comme « une construction
sociale et culturelle, qui vit dans une institution (…) Le savoir est dépersonnalisé,
décontextualisé, détemporalisé. Il est formulé, formalisé, validé et mémorisé. Il peut être
linéarisé, ce qui correspond à sa nature textuelle. » (Margolinas, 2012 : 2). Les savoirs
mathématiques constituent alors des constructions élaborées tout à la fois par des
mathématicien.ne.s (Margolinas, 2012) producteurs des savoirs savants, et par des politiques
et ministres qui définissent les limites de ces savoirs à enseigner dans chaque discipline. Tous
les acteurs qui participent à la scolarisation des savoirs savants œuvrent également à ce
processus, qu’il s’agisse des auteur.e.s qui proposent des interprétations des savoirs à
apprendre à travers les manuels qu’ils/elles rédigent, ou encore des enseignant.e.s qui font
vivre les savoirs mathématiques dans leur pratique quotidienne (Moreira, David, 2003). Dans
l’école primaire de la Troisième République, ces savoirs mathématiques sont présents dans
différentes disciplines : l’arithmétique, la géométrie, le dessin linéaire, ainsi que les travaux
manuels (Rodrigues Valente, 2015).
A. Arithmétique et travaux manuels à l’école primaire
Pendant le XIXe siècle, le rôle de l’arithmétique est de faire évoluer les pratiques populaires
en matière de calcul décimal et particulièrement de diffuser et de généraliser l’utilisation du
système légal des poids et mesures (Galisson, 2008) Avec l’avènement de la Troisième
République, le calcul devient un des champs de savoirs explicitement développé dans l’Arrêté
du 27 juillet 1882 réglant l'organisation pédagogique et le plan d'études des écoles primaires
publiques, pour les trois cours de l’école primaire. Des manuels scolaires d’arithmétique
spécialement destinés aux écoles primaires ont commencé à apparaître dès les premières
décennies du XIXe siècle, présentant une organisation des savoirs et savoir-faire à s’approprier
pour les élèves. Leur nombre augmente considérablement tout au long du XIXe siècle (Legros,
2018 à paraître).
Dès l’origine, l’arithmétique est appelée à répondre à deux objectifs principaux. D’une part
et pour reprendre les termes d’Ambroise Rendu, l’enseignement mathématique a à développer
l’esprit mathématique des élèves, celui-ci n’est « que la mise en pratique des facultés
3 Les deux auteures sont inscrites dans un projet de coopération Brésil-France CAPES/COFECUB :
« L’Enseignement des mathématiques à l’école primaire, XIXe. -XXe siècles : études comparatives,
Brésil-France », 2014-2017.
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naturelles, que la pensée des enfants contient en germe, et qu’il suffit d’éveiller » (Rendu,
1841 : 214). La théorie du calcul en elle-même n’est pas de mise à l’école primaire, elle ne
doit jamais devenir une fin en soi. Elle doit être rendue « sensible afin de la mettre à la portée
de tous » (id. : 218). La théorie n’a son utilité dans l’enseignement primaire, que par les
applications qu’elle permet. D’autre part, l’arithmétique doit fournir aux élèves des outils qui
leur seront utiles dans la « vie usuelle »4. Cet ancrage des problèmes dans les situations
concrètes va perdurer longtemps dans les programmes et instructions de l’école primaire
(d’Enfert, 2003, Priolet et Régnier, 2012). En définitive, l’arithmétique permet de développer
chez les élèves cet « esprit de calcul » qui leur sera si utile dans leur vie courante selon Rendu.
Et en cela, elle s’avère une discipline fondamentale pour la formation intellectuelle, sociale
et morale des élèves.
Le travail manuel, quant à lui, est introduit comme une discipline de l’enseignement primaire
français dans les Instructions officielles de juillet 1882. Il s’inscrit alors dans cet amalgame
de disciplines et connaissances établies pour et par l’école décrit par Warde (2014). Au début
de la Troisième République, la reconnaissance de l’utilité du travail manuel à l’école primaire
est unanime, même si ses objectifs sont discutés. Les uns valorisent la préparation directe à
un métier donc une dimension préprofessionnelle, alors que d’autres cherchent à préparer les
enfants à des aptitudes et qualités dont ils auront besoin dans leur vie future, personnelle et le
cas échéant professionnelle, par exemple, des habitudes d’attention, d’application, de
persévérance, d’ordre, de précision, d’exactitude, de dextérité (Schmitt, 1888). Ils servent
d’auxiliaire à l’enseignement général en requérant des connaissances acquises dans d’autres
champs de savoir : « le système métrique, les éléments de la géométrie, les notions de
physique et des sciences naturelles » (Schmitt, 1888). Le travail manuel se consolide comme
matière scolaire car il participe de l’éducation globale de l’enfant, à l'articulation des
éducations physique et intellectuelle.
B. Manuels scolaires et illustrations
Les tout premiers manuels composés pour l’enseignement primaire ont été rédigés pour les
instituteurs (d’Enfert, 2003). Les manuels spécialement destinés aux élèves vont s’imposer au
fil du XIXe siècle. Tantôt traités savants, tantôt abrégés élémentaires, les manuels scolaires
constituent une « fausse évidence historique » (Choppin, 2008). Ils font toutefois l’objet de
recherches dans différentes disciplines (Perret-Truchot, 2015). Si les manuels d’arithmétique
ont déjà été souvent étudiés5, l’analyse d’ouvrages de travaux manuels reste, elle, très
largement à faire (Lebeaume, 2014).
Dès le début de la Troisième République, les illustrations occupent une place importante dans
la composition matérielle des manuels (Choppin, 1992 ; Perret-Truchot, ici même). Le soin
apporté à la confection de ces manuels à destination des jeunes élèves traduit l’importance
symbolique de ce type d’ouvrages. Deux remarques s’imposent ici. D’une part, les
illustrations peuvent être analysées comme des représentations sociales et culturelles
spécifiques d’une époque, traduisant un regard sur la société contemporaine et les éléments
que l’on souhaite souligner dans l’instruction et l’éducation des élèves (Bastos et Busnello,
2004 ; Cecatto et Fernandes, 2012 ; Jacques et Ermel, 2013). D’autre part, elles traduisent
4 Déjà Rendu expliquait plusieurs décennies plus tôt : « Les problèmes ou exercices d’application auront toujours
pour objet des questions pratiques, se rapportant à la comptabilité d’un ménage, aux professions et aux industries
locales, aux travaux agricoles, etc. » (1841, 219).
5 Citons notamment les travaux de Maryvonne Priolet (2014) ; Eric Mounier et Maryvonne Priolet (2015) et ceux
de Carole Brugeilles et Sylvie Cromer (2005).
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aussi une prise de conscience de la spécificité enfantine des apprentissages qui requiert
l’utilisation des sens (Choppin, 1992). Comme le souligne Renonciat, dès le XVIe siècle,
l’image didactique est un « support de connaissance en elle-même » reposant sur son réalisme,
et elle « est un support d’apprentissage seulement dans la mesure où elle incite à l’observation
du réel » (2011 :11), constituant ainsi un substitut d’un objet absent.
Legros, quant à elle, évoque les illustrations dans son étude de manuels d’arithmétique de la
Troisième République : « A travers ces quelques manuels sélectionnés à des époques
différentes [entre les décennies 1880 et 1930], on perçoit l’évolution typographique dans la
conception des manuels. L’attractivité est travaillée et serait alors obtenue grâce à une
utilisation de plus en plus systématique des illustrations qui permettent d’impliquer les enfants
dans les problèmes. » (Legros, 2013 : 195). Elle fait le constat d’une faible présence
d’illustrations dans certains manuels, notamment au début de la Troisième République. Les
illustrations sont alors utilisées pour introduire des problèmes mathématiques, pour montrer
des objets mathématiques.
Les illustrations présentes dans les manuels analysés6 n’ont pas seulement un but ornemental,
décoratif ou attractif (Coret et al., ici même). Elles ont également un but pédagogique,
didactique7. Deux questions se posent alors : d’une part, comment les savoirs mathématiques
sont-ils montrés dans les illustrations de manuels de l’enseignement primaire ? D’autre part,
en quoi ces illustrations peuvent-elles aider les élèves à mieux comprendre les savoirs
mathématiques ?
C. Eléments méthodologiques
L’analyse menée ici porte sur quatre manuels scolaires d’arithmétique8 et quatre manuels de
travaux manuels9. Ils datent des toutes premières décennies de la Troisième République. Les
livres de Leyssenne utilisés pour l’étude en arithmétique constituent un corpus cohérent dans
sa composition. Le Nouveau cours d’arithmétique est postérieur aux autres ouvrages de
Leyssenne ; il constitue une nouvelle version du manuel d’arithmétique de cours moyen.
En travaux manuels, la production de manuels scolaires est beaucoup moins importante10 que
dans les disciplines du triptyque lire-écrire-compter. Quatre manuels d’auteur.e.s différents
6 Tous les manuels scolaires analysés sont issus du Fonds d’histoire de l’éducation de l’Université de Limoges.
7 La distinction entre pédagogie et didactique est postérieure à la Troisième République. Nous
utiliserons donc l’un ou l’autre terme, indiquant ici que les illustrations ont à voir avec des processus
de facilitation, d’accompagnement des apprentissages pour les élèves.
8 Pierre Leyssenne : L’année préparatoire d’arithmétique, Colin, 1920 (72e édition) ; Pierre Leyssenne : La
première année d’arithmétique, Colin, 1929 (148e édition) ; Pierre Leyssenne : La deuxième année d’arithmétique,
Colin, 1895 (68e édition) ; Pierre Leyssenne : Nouveau cours d’arithmétique, Colin, 1925 (Nouvelle édition
conforme au décret du 26 juillet 1919 sur les unités de mesure légales).
9 A. Planty : Cours de travail manuel, Gedalge Jeune Libraire-Éditeur, 1888 ; Rose Élise Chalamet : La première
année d’économie domestique: morale soins du ménage, hygiène, jardinage, travaux manuels, Armand Colin et
Cia. 8ème édition, 1893 ; Dauzat & Deramond : Le travaux manuels à l’école primaire, Alcide Picard et Kaan,
1890 ; (Anonyme) Cours de Travaux Manuels (Tricot, Couture, Coupe et Confection), Imprimerie et librairie
Camille Robbe, 1905.
10 Le catalogue de la BNF propose 32 occurrences associant « travail manuel » ou « travaux manuels » et « école »
dans le titre d’un ouvrage entre 1870 et 1914, contre 98 occurrences associant les termes « arithmétique » et
« école » sur la même période.
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ont pu être sélectionnés, respectant la distinction sexuée du public : deux ouvrages destinés à
des garçons et les deux autres à des filles.
Les huit manuels retenus ont été analysés à l’aide d’indicateurs extraits des textes de Vézin
(1986a) et Vézin (1986b). Deux groupes d’indicateurs ont été utilisés, portant sur les types
d’illustrations présentes dans les manuels, et les différentes fonctions de ces mêmes
illustrations.
II. Des savoirs mathématiques inégalement répartis
L’intention première de ce travail est de repérer les savoirs mathématiques présents dans les
illustrations de quelques manuels scolaires en arithmétique et en travail manuel, ainsi que
leurs fonctions. Tout d’abord, il faut souligner la difficulté de classifier les différents types
d’illustrations présents dans les manuels. Si les photographies sont aisément identifiables, il
est quelquefois difficile de distinguer un dessin d’un schéma ou d’un croquis (Vézin J.-F.,
1986 ; Vézin L., 1986). De la même façon, il a pu être difficile d’identifier la fonction d’une
illustration. Les intentions réelles des auteurs et éditeurs ne nous sont pas connues. Il faut
donc noter ici un possible biais d’interprétation. De plus, les auteurs que nous avons pu
consulter (Matalliotaki, 2010 ; Vézin J.-F., 1986 ; Vézin L., 1986) ne partagent pas les mêmes
classifications, nous obligeant à dégager nos propres analyses des fonctions des illustrations
(Perret-Truchot, 2018).
D’ores et déjà, il faut mentionner un usage varié des illustrations en arithmétique et en travaux
manuels, montrant des savoirs mathématiques utilisés dans des situations différentes.
A. Les illustrations dans les manuels d’arithmétique de Leyssenne
L’analyse des illustrations en arithmétique a été menée dans les manuels que Pierre Leyssenne
a publiés au début de la Troisième République, soit précisément au moment où se mettait en
place l’école républicaine. Une présence importante des illustrations est d’emblée perceptible.
Le tableau ci-après montre que le nombre d’illustrations va croissant au fur et à mesure du
niveau des élèves.
Figure 1 : Nombre d’illustrations dans les manuels de Leyssenne en regard du
nombre de pages
Nombre de
figures
Nombre de
pages
Année préparatoire (CE) 23 104
Première année (CM) 69 144
Deuxième année (CS) 299 410
Nouveau cours (CM) 169 339
73 % des illustrations concernent des savoirs en géométrie. Même si les programmes de 1882
précisent les contenus à apprendre en géométrie en cours élémentaire (CE), l’Année
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préparatoire ne comprend pas de chapitre qui lui soit consacré. Les chapitres consacrés à la
géométrie dans la Première année et dans la Deuxième année d’arithmétique, regroupent
respectivement 63 % et 90 % des illustrations de ces ouvrages (cf. figure 2).
Figure 2 : Répartition des illustrations par champ de savoir dans les manuels de
P. Leyssenne
73 % des illustrations présentées en géométrie sont des schémas, telles dans les figures n° 3
et 4, alors que les dessins ne représentent que 26 % des illustrations. Vézin (J.F., 1986)
différencie le schéma et le dessin : le schéma a une valeur de généralité quand le dessin
illustratif « montre ainsi un objet de la catégorie dans sa particularité » (Vézin J.F., 1986 : 71),
ce qui permet de s’en faire une représentation mentale.
La plus forte utilisation des schémas semble ici constituer une spécificité de la géométrie qui
requiert de la part des élèves des capacités d’abstraction plus importantes. Les illustrations
ont alors pour fonction d’aider les élèves à se représenter les objets d’apprentissage, les
notions et objets évoqués dans les énoncés, par exemple, le côté AB d’un triangle (Figure 3)
dans les figures les plus simples et les plus complexes, comme la tangente commune à deux
circonférences (Figure 4). L’illustration est ici une aide très précieuse pour conceptualiser le
savoir mathématique et en permettre l’appropriation par l’élève. Elle permet de lever « les
difficultés d’accès à la pensée abstraite » en s’appuyant sur le « besoin d’un appui sensoriel »
de l’enfant (Renonciat, 2011 : 14). En géométrie, une évolution de l’utilisation des
illustrations est perceptible en fonction de l’âge des élèves chez Leyssenne : plus les élèves
sont âgés, plus l’auteur recourt aux schémas. Dans la Première année, les schémas
représentent 61 % des illustrations de l’ouvrage, alors que dans la Deuxième année, ils
représentent 82 % des illustrations du manuel.
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10 Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International (CC BY-NC-SA 4.0)
Figure 3 : Les
parallélogrammes et triangles,
Première année
d’arithmétique, p. 118
Figure 4 : Circonférences et
tangentes, Deuxième année
d’arithmétique, p. 358
Les dessins utilisés par Leyssenne en géométrie permettent d’exemplifier les notions
mathématiques travaillées. La Figure 5 associe le schéma de la ligne courbe – ligne AB – et
un exemple de ce type de ligne pris dans la vie quotidienne, à savoir ici des bordures de jardin.
Le schéma représente un savoir mathématique alors que le dessin associé a pour fonction de
contextualiser le même savoir mathématique dans la vie quotidienne des élèves. La Figure 6
fournit un deuxième exemple – ici le cercle et la circonférence – dans une scène de la vie
courante, un homme change une roue de voiture. La légende est ici tout à fait évocatrice : le
dessin « donne l’idée » de l’objet mathématique.
Figure 5 : Les lignes courbes, bordure de jardin, Nouveau cours d’arithmétique,
p. 144
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Figure 6 : Le cercle, Nouveau cours d’arithmétique, p. 152
Leyssenne utilise également massivement les dessins dans les chapitres consacrés au système
métrique. Très peu de schémas sont d’ailleurs présents dans ces chapitres. Dans cette matière,
différents savoirs sont en jeu, ceux concernant les longueurs, les poids, les volumes, etc. Les
dessins exposent des objets du quotidien. Les figures 7, 8 et 9 en fournissent des exemples.
Les dessins à vocation illustrative insistent sur la représentation, l’imitation la plus exacte
possible des objets réels – Leyssenne va jusqu’à proposer des objets « grandeur réelle »
(Figure 7). Qu’il s’agisse du litre comme contenant, l’auteur en recherche les différentes
occurrences dans la vie réelle (Figure 8). Le souci de précision, voire d’exhaustivité est
manifeste. Dans tous ces exemples, le dessin montre un objet du quotidien des élèves qui
exemplifie la notion mathématique, mais il ne s’agit pas là d’une représentation d’un savoir
mathématique.
Figure 7 : Le mètre pliant (grandeur réelle), Année préparatoire, p. 78-79
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Figure 8 : Les formes de litres,
Deuxième année
d’arithmétique, p. 158
Figure 9 : Pièces de monnaie
en argent (grandeur réelle)
Nouveau cours
d’arithmétique, p. 135
Dans les manuels de Leyssenne, à côté des 71 % d’illustrations consacrées à la géométrie et
des 23 % consacrées au système métrique, les 6 % restant illustrent des chapitres dédiés à
d’autres domaines de savoir. En premier lieu, la numération est illustrée dans l’Année
préparatoire : neuf dessins sont consacrés à montrer les dizaines (Legros et Moyon, 2017).
En second lieu, quelques fractions sont illustrées : les pommes et les galettes coupées en
quartiers ou en parts égales permettent aux élèves de se représenter des 4/4, 3/8 et 5/811, etc.
En définitive, les illustrations insérées dans les manuels de Leyssenne ont deux fonctions
majeures. D’une part, les schémas aident à se représenter mentalement, cognitivement les
savoirs mathématiques en jeu. Ceci est particulièrement le cas en géométrie, matière qui
demande de se représenter l’espace. D’autre part, les dessins ont pour fonction de resituer, de
contextualiser des savoirs mathématiques en les mettant en correspondance avec des objets
de la vie quotidienne des élèves. En cela, Leyssenne est parfaitement dans l’esprit des
instructions du 27 juillet 1882 qui précisent : « ces connaissances sont choisies de telle sorte,
que (…) elles assurent à l’enfant tout le savoir pratique dont il aura besoin dans la vie ».
B. Les illustrations en travaux manuels
Dans le corpus des quatre ouvrages analysés en travail manuel, une approche quantitative
permet de faire ressortir une utilisation beaucoup plus massive des illustrations dans les
manuels pour garçons (591) que dans les manuels destinés aux filles (138). Les manuels de
garçons présentent ainsi quatre fois plus d’illustrations que ceux à destination des filles.
Numériquement, les dessins représentent 59 % des illustrations dans ces manuels, soit la
catégorie la mieux représentée. Les schémas constituent la deuxième catégorie avec 34 % des
illustrations. Les croquis, seulement présents pour les garçons représentent 5,5 % des
illustrations, et les photos seules présentes pour les filles, 1,5 %. Statistiquement d’emblée,
les illustrations plus réalistes tels que les dessins et les photographies sont plus présentes dans
11 Première année d’arithmétique, p. 102.
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les livres à destination des filles, tandis que les illustrations présentant une plus grande part
de généralité comme les schémas ou les croquis sont plus présents dans les ouvrages à
destination des garçons.
Figure 10 : Les fonctions des illustrations à destination des filles ou des
garçons
Les illustrations sont majoritairement présentées avec une intention descriptive puis
fonctionnelle, c’est-à-dire d’explicitation d’un processus. Ce constat corrobore la présence
massive de schémas et de dessins évoquée juste avant. La fonction descriptive des illustrations
est néanmoins majoritaire dans les ouvrages masculins, alors que des illustrations
fonctionnelles sont un peu plus présentes pour les filles. Une analyse sexuée plus précise
s’impose…
Le Cours de travail manuel de Planty, à destination des garçons, fournit un ensemble
d’illustrations de travaux manuels en cours de réalisation, avec des explications textuelles
quant aux différentes étapes à suivre. Cette composition du manuel offre ainsi, en s’aidant des
illustrations, une procédure, des instructions à exécuter pour réaliser l’objet. Ce livre est le
seul à présenter la majorité de ses illustrations en couleur, (Figure 11), exhaussant ainsi
l’attractivité de l’ouvrage.
Figure 11 : Exemple de schémas proposés aux garçons, PLANTY, 1888, non
paginé
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En suivant la définition du schéma de Jean-François Vezin (1986), la Figure 11 présente une
forte valeur de généralité, il ne comprend même pas de mesure. L’image de la boîte avec son
couvercle propose une représentation générique : des surfaces polygonales. La même
procédure pourrait être exécutée pour fabriquer une boîte de base rectangulaire, par exemple.
Les schémas présents dans ce manuel ont deux fonctions : d’une part montrer le matériel et
l’organisation générale des figures à découper, et d’autre part expliquer le processus de
construction de l’objet final. Les illustrations aident donc l’élève à mieux comprendre le texte,
à se représenter mentalement les objets. Le composant descriptif est utilisé pour les parties du
texte « parfois difficile[s] de traduire par des mots », et le composant fonctionnel quand
« l’illustration permet de visualiser l’exposé d’un processus ou d’un système » (L. Vezin,
1986 : 118).
Le deuxième manuel destiné aux garçons, Les travaux manuels à l’école primaire, présente
aussi des savoirs mathématiques intégrés dans des dessins, schémas et croquis. Les croquis
sont des « représentations à grands traits qui montrent l’essentiel du sujet, du motif, effectués
sous la forme d’esquisses, communs au monde des peintres, sculpteurs et architectes »
(ENCYCLOPÉDIA UNIVERSALIS, 2017). Le croquis de la Figure 12 présente les différentes
perspectives d’un objet que les enfants doivent réaliser. Comme dans le manuel précédent, le
croquis permet de visualiser les différentes étapes d’une procédure de construction d’un objet.
Il fournit les perspectives et aide l’élève à mieux se représenter l’objet final dans l’espace (L.
Vezin, 1986 : 118).
Figure 12 : Exemple de croquis aux garçons, Dauzat & Deramond, s.d., p. 57
La construction des objets proposée aux garçons dans les ouvrages requiert l’utilisation de
nombreux outils et savoirs mathématiques. Les notions de mesure, perspective, constructions
géométriques, figures planes et dans l’espace, instruments du dessin géométrique notamment
sont mobilisées dans le texte et dans les illustrations.
Les deux manuels destinés aux filles ont en commun de présenter des chapitres sur les travaux
de couture, la coupe et la broderie. Ce sont les seules activités manuelles proposées à ces
jeunes filles de l’école primaire. Par exemple, dans La première année d’économie
domestique, la majorité des images, pour la plupart des schémas, illustrent les parties
consacrées à la réalisation de patrons, aux notions de coupe et de couture. Le dessin de la
Figure 13 montre de manière simple la façon de marquer des morceaux sur un lé de tissu pour
ensuite couper les différentes pièces de tissu nécessaires à la confection de la robe.
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Figure13 : Exemple de dessin à destination des filles, CHALAMET, 1893, p. 165
Le marquage des pièces de tissu permet ici d’utiliser des mesures, des connaissances
géométriques. Le texte à l’appui fournit les mesures à reproduire : « La longueur de la robe
sera de 45 centimètres. Mais il faut songer à l’ourlet du bas et au rentré du haut. Ajoutons 5
centimètres pour l’ourlet et un centimètre pour le rentré. Total, 51 centimètres. » (CHALAMET,
1893 : 164). Les dimensions proposées semblent correspondre à la confection d’une robe de
poupée, une de ces « activités enfantines de réalisations d’objets » (Lebeaume, 2015).
Toutefois aucune indication n’est ajoutée concernant une possible adaptation de cette
procédure pour réaliser une robe de fillette ou de femme.
Dans les manuels destinés aux filles, les savoirs mathématiques utilisés sont peu nombreux :
seules quelques notions de mesures, proportions et formes géométriques apparaissent. La
Figure 14 présente ainsi les différentes pièces nécessaires à la confection d'une chemise.
Figure 14 : Exemple de schéma à destination des filles (CHALAMET, 1893,
p. 169-170)
Cependant ici, il n'y a pas de correspondance entre l'image et le texte concernant le processus
de confection de la chemise. Des formes géométriques et des segments de figures sont
présents dans le schéma, mais le code mathématique ne peut pas être déchiffré dans
l’illustration, ni à l’aide du texte. Les mesures sont également absentes. Les savoirs
géométriques présentés ici ne sont d’aucune utilité réelle si l’on veut suivre la procédure
proposée par le manuel. Ainsi, les objectifs du travail manuel pour les filles ne sont pas de
promouvoir une connaissance étayée intellectuellement des activités manuelles, mais plutôt
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de proposer des connaissances très sommaires des savoirs domestiques qui participent de la
formation de la future femme-épouse-mère.
Le deuxième livre du corpus destinés aux filles, Cours de travaux manuels, présente les
mêmes caractéristiques. Les illustrations montrent les différents types de points de couture,
leur forme et leur processus de réalisation. Toutefois, ce manuel propose en sus des
photographies pour illustrer le texte. Celles-ci ont plutôt pour objectif de rendre la
composition plus esthétique, l’ensemble plus attractif, et aussi peut-être de motiver les jeunes
filles en montrant une réalisation achevée. Par exemple, la photo présentée en Figure 15
permet de montrer aux filles le résultat final d’un travail en tricot et d’agrémenter un début de
chapitre de l’ouvrage.
Figure 15 : Une photo d’un ouvrage de tricot, dans un manuel destiné aux
filles, ROBBE, 1905, p. 4
Ainsi les deux manuels destinés aux filles ne présentent que très peu de savoirs
mathématiques. Les seules mobilisations observées du côté des filles concernent des mesures
et des figures géométriques employées dans la coupe et la réalisation de vêtements. Ces
illustrations sont utilisées pour aider les jeunes filles à se représenter les différentes pièces du
patron à réaliser. Des figures et éléments géométriques sont montrés, mais pas nommés.
Pour conclure, et conformément au plan d'études des écoles primaires publiques de 27 juillet
1882, les travaux manuels ne présentent pas les mêmes objectifs pour les filles et pour les
garçons. Leur enseignement oblige les garçons à utiliser des connaissances intellectuelles, ce
qui participe à leur formation intellectuelle. Du côté des filles, l’intention est seulement de
leur fournir les éléments essentiels pour devenir une bonne « femme-épouse-mère »
(LEBEAUME, 1995 : 135), cette finalité de l'école l’emporte sur celle d’une formation
intellectuelle des filles.
Conclusion
Les analyses ont néanmoins permis d’identifier des savoirs mathématiques insérés dans des
illustrations. En premier lieu, les manuels d’arithmétique proposent des illustrations qui ont
pour seule fonction de montrer des savoirs mathématiques. Des galettes permettent de
représenter des fractions, des collections, les figures géométriques permettent de visualiser
des notions complexes. En travail manuel de la même façon, l’illustration permet de se
représenter mentalement une boîte ou un couvercle de boîte à réaliser. Les illustrations
permettent également de montrer des savoirs mathématiques utilisés comme outils au service
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d’un autre objectif. En travail manuel, ils vont servir à la réalisation d’objets. Ainsi les
mesures permettent de donner des indications quant aux dimensions des objets à réaliser. En
arithmétique, des savoirs mathématiques sont insérés et représentés via des objets du
quotidien.
Dans les deux situations précédentes, les savoirs mathématiques sont présentés dans des
illustrations qui ont pour fonction première de montrer un concept mathématique ou
géométrique, ou un objet à réaliser, ou une situation/un objet du quotidien des enfants. La
vocation de ces images est donc prioritairement descriptive. Les illustrations peuvent
également avoir pour vocation de montrer un processus, par exemple processus de
construction d’une figure géométrique, de réalisation d’un cartonnage, ou d’un point de
couture. L’image propose alors la visualisation d’une procédure à suivre.
Les manuels scolaires de la Troisième République, que ce soit en arithmétique ou en travail
manuel, proposent donc des illustrations variées dans leur forme et dans leur fonction.
Toutefois toutes ne montrent pas des savoirs mathématiques. Beaucoup n’ont pour seule
fonction que de rendre l’ouvrage plus esthétique – comme en travail manuel – ou bien de
montrer des objets du quotidien, comme par exemple des pièces de monnaies ou des ouvrages
de tricot.
Pendant la Troisième République, les instructions officielles permettent également de diffuser
des pratiques pédagogiques plus novatrices, notamment les leçons de choses dont l’utilisation
est largement préconisée. Dans ce contexte, l’illustration pourrait être envisagée comme
support de départ aux apprentissages, comme première étape de la leçon ou du chapitre. Cette
situation n’a jamais été observée dans les manuels analysés.
En dernier lieu, que ce soit en travail manuel ou en arithmétique, des différences sexuées sont
perceptibles quant à l’utilisation des illustrations. En arithmétique, aucune femme ou fille
n’est intégrée dans une illustration. En travail manuel, les illustrations sont plus réalistes pour
les filles alors qu’elles demandent de plus grande capacité d’abstraction pour les garçons.
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Vers une typologie de l’image dans les manuels de grammaire du français depuis le XIXe siècle
Hacia una tipología de la imagen en los libros de textos de gramática del francés desde el siglo XIX
Coret Muriel Maîtresse de conférences, FORELLIS EA3816, ESPE Université de Poitiers, France
muriel.coret@univ-poitiers.fr
Gaumé Denis Professeur d'Arts Plastiques, Collège Isaac de l'Etoile, Poitiers, France
denis.gaume@ac-poitiers.fr
Volteau Stéphanie Maîtresse de conférences, FORELLIS EA3816, ESPE Université de Poitiers, France
stephanie.volteau@univ-poitiers.fr
Notre travail porte sur un corpus de manuels de grammaire anciens et récents, et interroge la
place de l’image et la fonction qu’elle joue par rapport à la construction des savoirs
grammaticaux, plus précisément la construction de la catégorie du verbe.
La présence de l’image dans l’enseignement de la grammaire ne va pas de soi. Si elle est très
présente dans les manuels de certaines disciplines, comme l’histoire, la géographie, on ne la
trouve pas dans les manuels anciens de notre corpus (1800-1920). Mais, comme pour les autres
disciplines, elle est aujourd’hui très présente.
L’analyse du corpus nous amène à distinguer différentes fonctions de l’image dans le manuel
de grammaire et permet de poser les premières bases d’une typologie.
Mots-clés : manuel de grammaire, verbe, fonction de l’image, illustration
Nos referimos a un corpus de libros de textos de gramática, antiguos o recientes, y nos
interrogamos sobre la ubicacion de la imagen y su papel con respecto a la construcción de los
saberes gramaticales, más específicamente la construcción de la categoría del verbo. La
presencia de la imagen en la enseñanza de la gramática no es evidente por sí mismo. Si está
muy presente en los libros de texto de determinadas disciplinas, como historia, geografía, no
se encuentra en los textos antiguos de nuestro corpus (1800-1920). Pero al igual que con las
otras disciplinas, la imagen está muy presente hoy día. El análisis del corpus nos lleva a
distinguir distintas funciones de la imagen en el libro de texto de gramática y nos permite
presentar las primeras bases de una tipología.
Palabras-clave: libro de texto de gramática, verbo, función de la imagen, ilustración
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Cet article constitue un prolongement au travail de Coret & Kaheraoui (2014) sur l’histoire
du verbe dans les manuels de grammaire, qui avait comme objectif d’analyser les phénomènes
transpositifs en tenant compte d’une part de la diversité, voire de la divergence, des courants
linguistiques représentant les savoirs de référence et d’autre part, de l’autonomie « relative »
de la grammaire scolaire établie selon Chervel (198812) indépendamment de toute référence,
en fonction de finalités définies pour l’école.
Nous exploitons ici un corpus d’une quarantaine de manuels de grammaire scolaire de niveau
élémentaire, de français langue maternelle (F.L.M.), datant des XIXe et XXe siècles (1845 à
nos jours) – les plus anciens étant principalement issus d’un prélèvement du fonds des
anciennes écoles normales de Poitou-Charentes. Au total, ce corpus comporte cinq ouvrages
du XIXe, trente-sept manuels du XXe, dont six des années 70-80 et quatorze postérieurs aux
années 90 – que nous avons ajoutés pour les besoins de cette étude. Neuf manuels (voir
tableau en annexe) ne comportent pas d’image dans le chapitre examiné (le verbe).
Le corpus ne prétend donc à aucune exhaustivité, ni représentativité du point de vue
historique. Nous avons d’ailleurs mis de côté la question de la périodisation : elle pouvait a
priori reposer aussi bien sur l’évolution des techniques d’images (dessin, gravure, cliché, noir
et blanc ou couleurs etc.) que sur celle des programmes de français ou encore des conceptions
de l’enseignement de la grammaire (exposé de règles à apprendre et réciter ou situations qui
sollicitent la verbalisation pour faire émerger et formuler des régularités etc.). Il est très vite
apparu en tous cas que ces trois découpages ne sont pas superposables et ne permettent pas
de classer les manuels du corpus du point de vue qui est le nôtre ici : la relation image / texte
dans la construction du savoir grammatical.
Au-delà des premiers constats concernant l’apparition relativement tardive de l’image dans le
champ des manuels de grammaire - par rapport à d’autres domaines disciplinaires - notre
objectif ici est d’interroger la place et le rôle de l’image dans la construction des savoirs
grammaticaux, en nous focalisant sur la construction de la catégorie du verbe, que nous avions
retenue comme étant particulièrement stable dans l’histoire de la grammaire scolaire, donc
présente dans tous les manuels et susceptible d’être un objet de comparaison. Nous aborderons
d’abord la question sous l’angle de l’approche plastique / technique (quelles images ?) puis
proposerons quelques éléments d’analyse comme base possible d’une typologie.
I. Quelques repères dans l’évolution des techniques d'illustration
Au milieu du XVIIIe siècle, dans les éditions de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert par
exemple, les planches illustrées sont séparées des pages typographiées. Les illustrations sont
gravées en creux souvent en taille douce, c’est-à-dire sur une presse différente de celle qui
gère les caractères au plomb. Jusqu’au début du XIXe, seules font exception les gravures en
bois de fil qui, si elles permettent un calage sur le marbre d’impression des presses
typographiques, imposent des contraintes graphiques et esthétiques (aspect souvent considéré
comme rustique qui s’oppose aux attendus d’une illustration académique, voire réaliste). La
gravure en creux, sur métal (cuivre principalement), si elle ouvre des possibilités de dessin
très fin, demande un façonnage complexe et surtout incompatible avec la presse
typographique. Chaque plaque gravée est encrée à l’aide d’un rouleau, essuyée à l’aide d’une
tarlatane puis avec la paume de la main afin de ne conserver l’encre que dans les creux ; la
12 Selon Chervel en effet : « l’histoire montre que « la « théorie » grammaticale enseignée à l’école n’est pas
l’expression des sciences dites, ou présumées, de référence, mais qu’elle a été historiquement créée par l’école
elle-même, dans l’école et pour l’école. » (1988 : 67).
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feuille, elle, est présentée humide afin que sous l’effet de la pression elle aille chercher l’encre
au creux des sillons de la gravure. Cette opération ne peut s’effectuer que feuille à feuille et
contraint à une édition très laborieuse en tirage limité mais surtout à une différenciation entre
les pages typographiées et celles des planches illustrées.
Cependant, si l’image est physiquement séparée du texte, pour agrémenter la composition, le
typographe insère, grâce à la gravure en bois de fil, des bandeaux, fleurons, culs de lampe et
des fioritures, motifs qui portent principalement une fonction ornementale (ou « décorative »)
mais non illustrative (on y reviendra plus bas). Ces motifs sont des blocs assemblés sur le
marbre pour la composition au même titre que les blocs typographiques (ils sont traités
comme des caractères).
L’invention du bois debout attribuée à Thomas Bewick à la fin du XVIIIe siècle a permis une
ouverture sur une production plus industrieuse13 ; dorénavant les livres mettant en jeux des
illustrations en étroite collaboration avec le texte sont possibles. Aux alentours de 1840, les
éditions Hetzel participent à la diffusion d’ouvrages où l’œuvre littéraire est éclairée par des
illustrations directement insérées dans le texte. Encore aujourd’hui, ce que le grand public
connaît de Gustave Doré par exemple, ce sont plus ses illustrations des Fables de La Fontaine
ou des Contes de Perrault que son œuvre peinte, pourtant exposée dans les plus grands musées.
Le début du XIXe siècle ouvre donc sur une première forme d’industrialisation de la facture
de l’image. L’invention de la gravure sur bois debout a permis de confier la réalisation de la
matrice à des graveurs qui transposent l’illustration créée par l’artiste. Le dessin de l’artiste
est souvent divisé en carreaux répartis dans des ateliers où des ouvriers (le mot prend ici tout
son sens), gravent chacun une parcelle de l’œuvre, le maitre graveur procède, in fine, à
l’assemblage de la plaque et à l’ajustement des traits pour que l’ensemble paraisse
parfaitement cohérent, même à la loupe.
Cette apparition d’une relation nouvelle entre le texte et l’image semble définir une illustration
moderne, nettement influencée par l’évolution des techniques de publication.
L’industrialisation de la facture de l’image a repoussé régulièrement les contraintes d’édition
du point de vue technique mais aussi économique ; ainsi les possibilités d’association visuelle
entre image et texte typographique n’ont cessé de progresser.
De nombreux manuels de diverses disciplines (notamment histoire, géographie, travaux
manuels comme le montrent les articles de cet ouvrage) ont profité très rapidement de cette
évolution (avec un certain décalage toujours par rapport aux productions d’arts et de luxe -
voir Hetzel, le magazine L’illustration etc.). Cette image est tout d’abord en noir et blanc
(technique d’épargne14), c’est le temps de la presse typographique qui s’est prolongé durant
toute la première partie du XXe siècle dans les éditions aux échelles modestes15 telles que les
éditions de manuel.
Le domaine des manuels scolaires est loin d’être le lieu d’une avant-garde en termes de
techniques d’impression, et dans ce contexte, les manuels de grammaire, ont été
13 Dans la mesure où on gagne en habileté, en finesse, en précision avec l’utilisation de machines qui permettent
d’insérer la gravure dans une presse typographique.
14 Technique qui consiste à graver les blancs et « épargner » (réserver) les noirs – contrairement à la gravure « en
creux ».
15 Comparé aux très grandes diffusions de presse par exemple, qui recourent à des techniques plus modernes
permettant des tirages ponctuels beaucoup plus élevés, par l’utilisation du cliché et non de la gravure. Voir ici :
http://expositions.bnf.fr/presse/arret/03.htm sur les techniques d’impression de la presse.
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particulièrement frileux. En effet, malgré les progrès techniques, l’image n’apparaît dans
notre corpus que dans quelques manuels de grammaire au cours des années 1920 (dans
Maquet, Flot, Roy (1923) ou Dumas (1928)). Elle reste absente dans Souché (1936) ou Larive
et Fleury (1936) (voir ci-dessous Figure 1). Pourtant, l’illustration par une image insérée au
fil des blocs typographiques existait bien avant les années 20, y compris dans le monde
scolaire (notamment en histoire, en géographie, en arithmétique, en travaux manuels (Faure,
Chevalier, Legros & Frizziani, ici même), comme elle existe dans les riches éditions littéraires
mais aussi les ouvrages documentaires ; pas sous la forme qu’elle prend aujourd’hui
cependant - en particulier pour des raisons techniques (imbrications, superpositions, fondus
d’images sont des formes d’hybridations du texte et de l’image beaucoup plus récentes). Ces
premiers constats nous amènent à poser la question d’une spécificité de la discipline
« grammaire » en ce qui concerne une forme de résistance à introduire l’image dans les
manuels.
Figure 1 : Larive et Fleury, La première année de grammaire, Colin, 1936
Un exemple de grammaire sans illustration
Notre hypothèse est que cela ne relève pas seulement d’une explication technique (ou
économique) puisque d’autres champs disciplinaires s’en sont emparés avant la grammaire.
On peut évoquer peut-être, comme Peraya et Nyssen (1994) le soulignent pour les
publications scientifiques, le fait que les auteurs, en grammaire, rechignent à recourir à
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l’illustration à laquelle sont attribuées des valeurs contraires à la rigueur scientifique
revendiquée : l’image nuirait à la lucidité dans la mesure où elle favoriserait l’ouverture vers
l’imaginaire et l’errance intellectuelle – postures qu’on présuppose peu propices aux
apprentissages, dans certaines disciplines en tous cas (pas pour l’histoire par exemple (Faure,
ici même).
Figure 2 : Divers exemples extraits du corpus
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Evolution des techniques
Les exemples suivants tirés de manuels de notre corpus de différentes époques (Dumas, 1928,
Aubin 1937, Gabet 1941, Galizot 1972, Hachette 2003) permettent d’identifier quelques
repères dans l’évolution des techniques :
Transformation du dessin d’auteur en gravure manufacturée : l’illustration est une
estampe – technique aujourd’hui réservée au livre d’artiste commandé par des
bibliophiles.
Reproduction par effet photo-chimique (offset16) d’images en aplat de couleurs
(avec des évolutions progressives de l’aplat monochromatique aux trames de
pointes de couleurs17), encore utilisée actuellement.
Reproduction par clichés numériques, procédé très souple et économique.
II. Des propositions de classification
Une fois posés ces éléments de contexte et d’évolution des techniques d’insertion d’image
dans les livres notamment scolaires, nous pouvons reprendre la question centrale du rôle de
l’illustration dans les manuels de grammaire. Plusieurs cadres d’analyse peuvent être
convoqués à partir de travaux récents sur la fonction des illustrations dans le domaine de
l’éducation et de l’apprentissage, nous en reprenons les grandes lignes ci-dessous, sans
intention d’exhaustivité. Précisons que ces travaux ne relèvent pas d’une approche didactique
et ne se limitent pas à la grammaire. Il ne s’agit donc pas d’appliquer ces classifications mais
de les interroger au regard de notre corpus.
Peraya et Nyssen (1994), questionnant les usages pédagogiques de l’image, mentionnent sa
capacité reconnue à faciliter les apprentissages. Ils soulignent à la fois son pouvoir explicatif
et persuasif - qui intéresse le pédagogue - et, paradoxalement, son pouvoir ludique et
d’ouverture sur l’imaginaire - qui l’invite plutôt à la méfiance.
La classification du projet TECFA18, établie à partir de manuels récents de biologie et
d’économie, liste les fonctions qu'il est possible d'attribuer aux illustrations compte tenu de la
perspective communicationnelle des auteurs de manuels (le point de vue est ici plus
sémiotique que didactique). Dans le but de rendre efficace l'utilisation pédagogique des
documents visuels, les auteurs distinguent les fonctions :
De représentation : vise à fixer une définition visuelle du référent.
Diaphorique : traduction condensée des informations contenues dans le texte.
D’information : apporte une information plus ou moins présente dans le texte.
D’étayage : utilisée comme preuve dans le cadre d’une démonstration (cf. photo de
presse).
Esthétique : rend l’ouvrage plus beau, plus attractif.
D’apprentissage : support d’activités (pour déclencher des comportements
cognitifs).
16 Voir Marshall, A. (2003).
17 L’impression est limitée aux quatre couleurs cyan, magenta, jaune, noir (cmjn).
18 Unité active dans le domaine des technologies éducatives, Faculté de Psychologie et Sciences de l’Education,
Université de Genève.
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D’aide à la lecture : balises qui orientent la lecture (icônes, formes de renvoi…).
Vézin (1986), cherchant à mettre en valeur l'apport informationnel des illustrations dans
l'apprentissage de textes (rappel de textes narratifs) avec des enfants de 6 à 12 ans, montre,
avec l’angle de la psychologie qui est le sien, que l’image améliore l’apprentissage des textes
présentés oralement mais peut venir en concurrence du texte écrit et donc distraire le lecteur.
Elle récapitule, à partir de travaux antérieurs, quatre fonctions :
Motivationnelle : les illustrations attirent l’attention et rendent le texte plus
intéressant à lire ; mais au risque de mal orienter la compréhension sur des éléments
non pertinents. Elle souligne à ce propos que les « mauvais lecteurs » sont plus
facilement aidés.
Explicative : l’illustration fait comprendre sous forme visuelle ce qui est difficile à
transmettre sous forme verbale. Coste (1975) souligne d’ailleurs que l’illustration
peut présenter ou résumer un fonctionnement grammatical et expliciter certaines
règles (elle peut proposer une « radiographie d’un texte » en soulignant son
organisation, sa mise en page, elle peut visualiser les stratégies du discours).
Aide à la mémorisation : la mémorisation est meilleure si la présentation de l’image
est simultanée au texte et répétant le texte. Les illustrations qui « embellissent » le
texte n’améliorent pas l’apprentissage. Celles qui ne sont pas concordantes avec le
texte sont moins efficaces pour la mémorisation. La présentation de questions ou
d’illustrations avant le texte améliorent la mémorisation.
Aide à l’apprentissage en profondeur : l’illustration peut transmettre une
information, inciter au questionnement.
L’article conclut sur l’effet de l’illustration pour l’apprentissage en disant qu’elle éveille
l’attention, mobilise l’activité d’étude (par un effet de séduction ?) et rend possible la
comparaison image / texte - ce qui donc incite à l’étude du texte et en facilite la mémorisation.
Enfin, Soumia (2010), à propos de manuels français langue seconde (F.L.S.) adopte une
perspective différente des travaux précédents puisqu’elle interroge le rôle du texte qui
accompagne l’image (et non l’inverse), elle isole trois configurations :
L’ancrage : le texte oriente le sens dans l’image polysémique.
Le relais : dit ce que l’image ne peut pas dire.
L’accompagnement : le texte formule le déroulement narratif.
Elle souligne l’importance de l’image comme moyen privilégié dans les manuels FLS pour
faire découvrir aux enfants des aspects du réel avec lesquels ils n’ont pas de contact direct.
Par ailleurs, l’image peut aussi faciliter la compréhension de l’organisation du manuel et la
progression des activités, dans une intention qu’on pourrait appeler « ergonomique » (des
pictogrammes identifient les activités orales / écrites, les situations de recherche en groupe,
le niveau de difficulté des exercices etc.). Rapportées à notre corpus, on peut retenir de ces
conclusions que la fonction illustrative (accès à des référents non quotidiens des élèves) est
plus apparente pour une langue étrangère. Elle est peu présente dans notre corpus, puisque les
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chapitres retenus (identification du verbe) présentent peu d’enjeux lexicaux19. On n’en trouve
qu’un exemple tardif dans le manuel Facettes CE2 (2005) avec la photo du tamanoir qui
illustre un texte d’exercice ; elle relève clairement de la dimension référentielle.
Figure 3 : Facettes, CE2 (2005)
exemple d'illustration à valeur référentielle (le tamanoir)
Ces travaux mettent à disposition des typologies qui s'intéressent à l’image dans son rapport
à un texte préexistant (la plupart du temps narratif) ou à un thème d’étude approché d’un point
de vue référentiel (dimension FLS) - relation dans laquelle « l'image aurait constitué une sorte
de système de traduction entre la langue maternelle (L1) et la langue cible (L2) » (Peraya
&Nyssen, 1994, p. 2).
Intuitivement, on s’attend à ce que plusieurs des fonctions identifiées soient aussi à l’œuvre
dans notre corpus - quand il est question par exemple de représentation (Tecfa, Soumia),
d’aide à l’apprentissage (Peraya & Nyssen), d’explication (Vézin) etc. Mais en réalité la
transposition à notre corpus des propositions issues de ces travaux ne va pas de soi. Nous nous
situons dans le contexte de l’enseignement de la grammaire en FLM et plus précisément dans
celui de la construction d’une catégorie grammaticale, dans une perspective didactique. Ce
qui nous intéresse n’est pas tant (ni seulement) la relation de l’image à un texte - pour en
faciliter la compréhension ou la mémorisation - que son lien éventuel à la construction du
savoir. Questionner le rapport image / texte de la page de manuel consacrée à l’identification
du verbe, en prenant en compte l’objet grammatical lui-même - et non le texte en général -
nous a amenés à distinguer trois grands types de situations - au travers desquelles certaines
fonctions isolées par les auteurs cités ci-dessus se retrouvent, mais dans un questionnement
organisé de manière différente. Ce classement repose sur le fait que l’image peut être i/ sans
aucun rapport avec la notion étudiée, ii/ un support à la production de l’élève ou encore iii/
une reformulation du savoir construit.
19 La présence d’image est plus importante dans les chapitres où le déficit lexical pourrait faire obstacle à la
compréhension immédiate – ce qui relève plutôt d’enseignements sur les textes et la compréhension.
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III. Relations entre image et texte dans la construction du savoir
Nous présentons ci-dessous les différents cas rencontrés dans notre corpus, en nous appuyant
non pas seulement sur le lien que l’image entretient avec telle ou telle portion de texte mais
sur ce qu’elle apporte à la construction de la catégorie grammaticale du verbe. Le lien entre
l’image et la notion travaillée est plus ou moins lâche – c’est avec cet angle d’analyse que
nous avons identifié trois grandes situations.
Situation 1 : les objets graphiques n’ont pas de rapport avec le contenu grammatical :
l’intention est ornementale20, illustrative21 ou encore ergonomique22
Figure 4 : Manuel de lecture Mironeau (1911)
Image ornementale (intention de composition)
Dans l’image de la figure 4, les feuillages entrelacés ne renvoient ni à la notion de verbe, ni
au sens du texte (« La naissance de Polichinelle ») : l’ornementation est portée par un motif
sans lien avec ce qui l’entoure. On remarque qu’il apparaît tout au long de l’ouvrage pour
introduire la « lecture du samedi ».
On en trouve peu d’exemples dans les manuels récents de notre corpus (excepté dans Galichet
(1971) dans lequel chaque fin de chapitre est marquée par un dessin géométrique de carrés et
triangles rouges, blancs et bleus imbriqués), mais elle semble plus fréquente dans les manuels
de lecture. Il s’agit d’une ornementation typographique rythmant la mise en page et sa lecture
par une rupture visuelle - dans une intention de composition (cela renforce la « lisibilité »)
qui contribue à l’ergonomie du manuel, lorsque cela doit par exemple aider l’enseignant et
l’élève à repérer « les notions essentielles » de celles « dont l’étude peut être momentanément
différées » (Maquet, Flot, 1929, « Note sur l’emploi de ce livre »).
20 Recherche esthétique de la composition de la page, recherche du « beau ».
21 Apport d’un éclairage sur un ou plusieurs éléments de sens du texte, qui résulte d’une interprétation.
22 Qui cherche à favoriser, à faciliter et rendre plus efficiente l’activité en prenant en compte le potentiel du lecteur
et les possibilités techniques.
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Figure 5 : Grammaire Villars (1963)
L'image est une illustration d'un mot du texte (de son thème) : l'écureuil
Figure 6 : Grammaire Audrin (1943)
L'image est une illustration d'un mot du texte (de son thème) : l'étable
Les figures 5 et 6 sont représentatives des nombreux exemples de notre corpus où l’illustration
ne présente pas non plus de lien avec la notion étudiée (le verbe) mais elle étaye la
compréhension des éléments du texte, son thème, des éléments de contenu. Dans la mesure
où elle reprend un ou plusieurs éléments du texte, qu’elle « explicite », sa fonction est donc
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illustrative et non seulement ornementale. Elle est censée aider à comprendre un texte support
de la leçon ou le texte d’un exercice.
On perçoit dans ces exemples l’impact de l’époque de publication du manuel sur
l’illustration : le monde représenté évolue avec les époques, entre une représentation d’une
France rurale dans les manuels anciens (Troisième République) montrant des scènes de
moissons par exemple (ou « le fermier au labour », « le vieux paysan » dans Maquet, Flot,
Roy (1923) et des illustrations beaucoup plus modernes (une piscine dans Hachette, 2003).
Outre le fait qu’elle peut aider l’élève à accéder au référent (dans Facettes (2005) elle donne
à voir, par une photographie, ce qu’est un « tamanoir »), on peut penser que, pour les auteurs
et les éditeurs, elle favorise la motivation des élèves en donnant un aspect moins « austère »
qu’une page en plein texte.
Ce cas est le plus fréquent dans notre corpus. L’image n’aide pas à construire la notion : aucun
lien à trouver entre ces représentations d’oiseaux, de tamanoir ou d’écureuil… et le Verbe en
tant que catégorie grammaticale.
Dans la très grande majorité des cas, le rôle de l’image par rapport au texte est évident. On
relève toutefois un exemple résistant – dans Gross (1985) ci-dessous.
Figure 7 : Découvrir la grammaire, Gross (1985)
L'image comme métaphore poétique ?
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Ici, l’image est clairement figurative (elle représente un arbre), mais, contrairement aux cas
d’illustration, il est difficile d’identifier un quelconque rapport sémantique entre cette image
et le texte – qu’on s’intéresse à la figuration, aux formes ou même aux couleurs. La relation
est difficile à cerner, à moins de faire l’hypothèse d’une dimension métaphorique dans la
relation texte / image : le verbe, pivot de la phrase, serait représenté par un tronc d’arbre, à
partir duquel se déploient les branches, comme s’organisent les groupes syntaxiques autour
du verbe dans la phrase ?
Les exemples des figures 8, 9, 10 – tout en relevant encore de la situation 1 (pas de rapport
direct entre image et notion étudiée) montrent une autre fonction de l’image.
Figure 8 : L'île aux mots, CE1 (2008)
Un exemple d'image à dimension ergonomique
Figure 9 : Grammaire et compagnie (2016)
Un exemple d'image à dimension ergonomique
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Figure 10 : Ateliers Hachette (2003)
Un exemple d'image à dimension ergonomique
Plusieurs manuels – après les années 90 dans notre corpus – utilisent un dessin récurrent, qui
signale à l’élève une activité ou un texte particulier à repérer : consigne, « leçon à retenir »
Il peut s’agir par exemple de l’image d’un chat pour symboliser une situation d’observation,
d’une patte ou d’une ampoule pour signifier le texte d’une « leçon » à retenir etc. On rencontre
aussi ce type d’objets graphiques pour signaler des rubriques du manuel : « j’écoute et je
dialogue », « je répète », « je lis ». Dans Grammaire et compagnie (2016), il y a une
dimension supplémentaire puisque le personnage (récurrent) s’adresse à l’élève directement
(il peut même le tutoyer) : l’élève est inclus dans le dispositif.
Dans tous les exemples traités dans cette première situation, l’objet graphique ne fait pas sens
par rapport à la notion étudiée. Il peut cependant assumer différentes fonctions, il n’est pas
sans intérêt ou sans effet pour le travail de l’élève. Son utilité n’est pas illustrative, elle est
ailleurs : il s’agit en fait de faciliter le travail d’appréhension du texte par l’élève, en
l’aidant à :
Se représenter des éléments de réel non quotidiens (fonction référentielle).
Se repérer dans la page, le chapitre voire le manuel.
Se laisser « séduire ».
Situation 2 : l’image est un support pour « déclencher » la production orale / écrite
Figure 11 : Ateliers Hachette (2003)
L'image pour produire des phrases à l'oral et à l'écrit
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Figure 12 : Ateliers Hachette (2003)
L'image support à la production orale : produire des verbes
Dans ces extraits présentés figures 11 et 12, l’image invite l’élève à l’observation et constitue
un support au travail sur la langue et la verbalisation. Ainsi, à partir de l’image de Boule et
Bill, il est demandé à l’élève : « que fait le chien ? ». Les élèves, en s’appuyant sur l’image,
vont « spontanément » utiliser des tournures verbales (« il saute », « il fait le clown ») pour
répondre à cette question. On pourra ensuite les amener à observer leurs propres productions
pour faire émerger des fonctionnements, isoler et manipuler une liste de formes qui seront,
enfin, catégorisées comme des formes verbales. On relève d’autres exemples similaires dans
le corpus, généralement postérieurs aux années 2000 (Le Boucher (2002), p. 89 : « Pour
chaque animal [sept animaux sont représentés sous forme de dessins], écris une phrase avec
le verbe qui correspond à son cri » ou encore Aminta, Helbling, 2016).
L’apparition tardive23 dans notre corpus de ce type d’utilisation de l’image doit être mise en
lien avec la conception même de l’enseignement de la grammaire et la posture de l’enseignant
à laquelle elle renvoie : une démarche moins « transmissive » pour l’enseignement de la
langue. Les élèves ne sont pas seulement en situation d’observer / comprendre / apprendre
une règle déjà construite (à mémoriser et réciter) mais sont invités à observer leur propre
usage de la langue - et l’image joue donc le rôle d’appui à la verbalisation. Cette fonction est
aussi développée dans Soumia (2009-2010, p. 18) ; « l’image par son aspect ludique peut
aussi être un moyen pour inciter les élèves à s’exprimer ».
23 Une exception : on trouve dans Legrand (1970, p. 33) un exemple isolé de cette situation : deux images sont
proposées comme support de l’activité « Observons et parlons », pour mettre en évidence, par la comparaison, la
variation du verbe en temps et personne. Soulignons que dans notre corpus, ce manuel est le seul (avant les années
90) à être explicitement orienté vers l’expression. L’auteur indique ainsi dans son introduction de « méthode » (p.
3) : « 1. Toute leçon part de l’élocution sur image ou bande dessinée. 2. Cette élocution conduit à un texte simple
qu’on écrit et qu’on lit […]. Ce texte fera l’objet de la leçon de grammaire proprement dite. »
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Figure 13 : Coccinelle CE2 (2016)
L'image support : exprimer son ressenti
Au-delà des chapitres de grammaire, cette incitation à l’expression des élèves par l’image est
très présente dans les manuels proposant des activités visant à travailler l’oral. On y constate
la présence importante d’images en lien avec le développement des conduites langagières
(présentes dans les programmes officiels) : raconter, expliquer, décrire, argumenter (cf. dans
Coccinelle CE2, 2016, des supports très variés : BD, photographie, première de couverture
d’album etc.)
Proche de la situation précédente, l’image ci-dessous (figure 14), est support à une activité de
production d’écrit. Cette configuration est très fréquente dans les manuels lorsqu’il s’agit
d’écrire un texte, le plus souvent de nature descriptive (ce que l’élève » voit » sur l’image) ou
narrative (ce qui s’y passe, directement ou qu’on peut reconstruire).
Figure 14 : Outils pour le français, CE2 (2016)
L'image pour aider à produire du texte
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Dans ce cas, retenons que l’image n’est pas un simple prétexte : elle est choisie en lien avec
l’enjeu d’apprentissage. Il ne s’agit pas de faire s’exprimer les élèves « pour le plaisir »,
comme un but en soi (n’importe quelle image ferait l’affaire) - mais de leur donner l’occasion,
dans une situation partagée (une image, la même pour tous) de produire du texte, qui sera
ensuite objet d’analyse pour faire émerger un fait de langue, une régularité, une catégorie etc.
- dont on pense à l’avance qu’ils seront particulièrement bien représentés dans les productions.
On s’écarte donc de la situation précédente puisque ce qu’on vise n’est pas d’aider les élèves
à entrer dans du texte mais les aider à produire des formes linguistiques attendues.
Situation 3 : l’image propose une représentation du savoir construit
L’image peut être utilisée pour représenter les savoirs construits, sous forme d’arbres
(syntaxiques), de schémas, etc. Cela renvoie à une des caractéristiques des schémas définies
par Peraya et Nyssen (1994) : assurer une médiation entre un concept abstrait et la constitution
d’une image mentale. Ainsi en est-il dans Figure 15 ci-dessous : la « flèche du temps » figure
le concept de chronologie.
Figure 15 : Galichet (1971)
Représentation de l'axe du temps
Figure 16 : Outils pour le français CE2 (2016)
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Représentation de l'axe du temps : association image / texte / représentation
symbolique
Comment représenter l'antériorité ?
Comme on le voit dans les figures 16 et 17, concernant le verbe, c’est très souvent la
représentation de l’axe du temps et de la chronologie qui est figurée (cet usage des schémas
semble plus fréquent dans les manuels de sciences, mathématiques, Perret, ici même). On
trouve d'autres exemples en grammaire concernant par exemple la construction de la phrase
ou le marquage des accords.
Conclusion: Des pistes de réflexion pour une typologie
De ces premiers éléments d’analyse, il ressort que les manuels de grammaire scolaire restent
de forme assez conventionnelle et utilisent peu les ressorts de l’image, alors que des pistes
plus « graphiques » sont exploitées par ailleurs pour d’autres disciplines, ou aujourd’hui par
certains auteurs (cf. travaux de M. Charreau, figure 18 par exemple, ou les propositions de
représentations lexicales sous forme « d’objets » chez M. Cellier, 2015, etc.).
Figure 18 : Le français vu du ciel, 2016
D'autres formes d'images pour parler de la langue
Cette contribution, encore exploratoire, avait pour objectif de présenter quelques éléments de
réflexion à partir de l’analyse d’un corpus réduit – qui ne permet pas la généralisation. On a
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pu mettre en évidence différentes fonctions de l’image en grammaire, constater qu’elle
prédomine comme accompagnement du texte support et intervient peu dans la construction
du savoir en tant que tel. Lorsque c’est le cas, c’est soit qu’elle constitue un élément
déclencheur, soit (plus rare) qu’elle a pour but de représenter un savoir abstrait.
La typologie de l’image dans le manuel de grammaire reste donc à construire, et il conviendra
de mettre en perspective de manière plus précise les observations faites sur la relation de
l’image à la construction du savoir avec l’évolution des conceptions de l’enseignement de la
grammaire à l’école. Chervel (2008, p. 241) décrit l’enseignement de la grammaire au XVIIIe
siècle comme un discours strictement théorique, qui demande à l’élève d’« apprendre par
cœur, à la maison ou à l’étude, le texte de son manuel », sans explication préalable. Ce n’est
plus le cas aujourd’hui. Les objectifs et les modalités de cet enseignement ont
considérablement évolué et une étude prenant en compte un corpus plus large devrait
évidemment interroger les effets de cette évolution sur la forme même du manuel
(prédominance du texte de la leçon vs mise en page hybride mettant en évidence du corpus,
des activités de manipulation, des document supports…).
Nous pensons qu’un tel travail pourrait utilement s’appuyer sur quelques distinctions que nous
avons mises à jour : i/ la nature de la relation de l’image au texte ou à la notion, ii/ le caractère
plus ou moins explicite de son exploitation, iii/ sa fonction d’ornementation, d’ergonomie,
d’illustration ou de contribution à la construction du savoir (support déclencheur ou schéma).
Dans ce contexte, quelques pistes de prolongement nous paraissent aussi devoir être creusées :
Rendre explicites les choix didactiques en relation à la gestion de l’espace
graphique et aux fonctions attribuées à l’image : l’image - dans son interaction au
texte et au savoir - dit quelque chose de l’activité proposée à l’élève et de la
démarche didactique. Comment caractériser ce type d’interaction ?
Appréhender l’usage de l’image en lien avec la construction de la notion auprès des
enseignants. Quelle importance les enseignants attachent-ils à l’image dans le
manuel de grammaire ? Quel usage en font-ils ? Quelles sont leurs attentes dans ce
domaine ?
Comparer l’image dans les chapitres de grammaire, telle que l’étude en est amorcée
ici, avec son apparition dans des chapitres relevant d’une autre dimension de
l’enseignement de la langue (on pense au lexique en particulier), ou du français en
général (lecture / production d’écrits). Cela doit par ailleurs être interrogé dans le
contexte d’apparition de manuels numériques.
Répondre à ces questions, c’est aussi contribuer à la réflexion sur une spécificité éventuelle
de la grammaire comme discipline scolaire – thématique qui intéresse la didactique du
français dans la formation initiale et continue des enseignant.e.s.
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Corpus des manuels (ordre chronologique), présence et types d’images
Ouvrage (classement chronologique) Présence d’image (chapitre
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sur un plan très méthodique, Paris.
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Sans
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Sans
Garnier-Gentilhomme M. (1890). Grammaire Cours
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Sans
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Sans
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moyen et supérieur, Librairie Felix Juven.
Sans
Mironneau A. (1911), Choix de lectures. Armand
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Gravure, noir et blanc
Ornement, illustration (lecture)
Maquet, Ch., Flot L., Roy L. (1923-1925). Cours de
Langue Française Cours Moyen et Supérieur,
Hachette.
Gravure, noir et banc
« Le fermier au labour »
Dumas, L. (1928). Le livre unique de français, CM,
Hachette.
Gravure, noir et blanc
« L’école - La rentrée »
Maquet, Ch., Flot, L. (1929). Cours de la Langue
Française, Deuxième degré, Hachette.
Noir et blanc
Filet d’ornement
Larive et Fleury (1936). La première année de
Grammaire, Armand Colin.
Sans
Souché, A. (1936). La grammaire nouvelle et le
français, Nathan.
Sans
Aubin, A., Orgeolet, E., Cortat, R. (1937).
Grammaire française, Cours élémentaire et moyen,
Hatier.
Gravure, noir et blanc
« Les semailles »
Gabet G. (1941). La Grammaire par l’image,
Hachette.
Noir et blanc
Illustration « Le chat joue. »
Audrin, E. (1943). La grammaire de notre belle
langue française, Cours élémentaire Cours moyen,
Charles-Lavauzelle et Cie.
Image couleurs
« L’étable dormait »
Launay, F. (1948). Le français à l’école primaire,
Cours élémentaire, Cours moyen, Armand Colin.
Noir et blanc
« Le champ d’orge »
Galichet G. (1956). Grammaire expliquée de la
langue française, Editions Bourrelier.
Couleurs
Schéma « La route du temps »,
illustration « Au crépuscule »
Castanet, G., Naudon, A.R. (1959). Notre
Grammaire, CM-6ème, Nathan.
Couleurs
« Le canari chantait »
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Juredieu J.,Chenevoy, A., Pateaux, L. (1962).
Grammaire CE2, Magnard.
Couleurs
« La cabane », « Sur la plage »
Villars G., Marchand, J., Vionnet G. (1963).
Grammaire CM1, Hatier.
Couleurs
« Rencontre en forêt : L’écureuil »
Deneve, P. (1966). L’orthographe méthodique,
Nathan.
Photographie Noir et blanc
« Le camp II sur l’Annapurna »
Legrand, L. (1970). Grammaire pour l’expression,
cours élémentaire, Nathan.
Couleurs
« Observons et parlons »
Vaillot, R., Maitre R. (1970). Grammaire
fonctionnelle, CE2, De la grammaire à l’expression
écrite, Belin.
Couleurs
« Maman tricote »
Galichet G., Mondouaud, G. (1971). Je découvre la
grammaire… et l’orthographe, CE2, Charles-
Lavauzelle et Cie.
Couleurs
« Mari-Lou court » et schéma « La
route du temps »
Galizot R., Dumas, J.P., Capet B. (1972).
Grammaire fonctionnelle de la langue française,
Nathan.
Couleurs
« Papa bêche une plate-bande »
Genouvrier E., Gruwez Cl. (1973). Grammaire
nouvelle pour le CE2, Larousse.
Sans
Gross, G., Bonnevie, P., Charlemagne, J. (1985).
Découvrir la grammaire au CM1, Hachette.
Couleurs
Dessin d’un arbre
Tomassone, R. (1998). Grammaire pour lire et
écrire, CE2, Delagrave.
Images en couleurs assumant
différentes fonctions :
illustration du sens du texte
repérage dans le manuel
support pour la production
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L'image de Clovis et des Mérovingiens dans les manuels scolaires de la fin du XIXe siècle à nos jours :
Reflet de l'évolution historiographique et des pratiques pédagogiques
The image of Clovis and the Merovingians in textbooks from the end of the 19th century to today :
Reflection of historiographic evolution and pedagogical practices
Faure Catherine Formatrice en histoire, Université de Limoges
catherine.faure@unilim.fr
Les images ont joué un rôle essentiel dans l'enseignement de l'histoire. A partir du moment où
l'histoire devient une discipline d'enseignement obligatoire, elles participent à la formation
patriotique du jeune enfant. L'histoire mérovingienne est une période d'étude privilégiée car
elle est présente dans les programmes dès 1882 jusqu'à nos jours. Considérée comme une
période clé, dans les manuels de 1882 jusqu'aux années 1960, liée à la naissance de la France
et à une réflexion sur l'identité nationale, elle voit sa place évoluer pour apparaître à partir des
années 1980 comme une période de transition entre Antiquité et Moyen Age.
Il semble important de comprendre, à travers l'étude de quelques manuels significatifs allant
des années 1900 à nos jours, quelles images l'Ecole a sélectionnées et choisies pour étudier la
question des Mérovingiens et plus largement la question des origines de la France.
Mots-clés : image, manuels scolaires, Mérovingiens, historiographie
Pictures have played an essential part in history teaching. Since history has become a
compulsory education subject, pictures have been involved in child's patriotic education by
giving him examples to follow through a wide range of representations. Merovingian history
is a privileged period of study, for it has been present in the school curriculum since 1882 up
to the present day. Considered to be a key period in textbooks from 1882 to the 1960's because
it was linked to the birth of France, and to the reflection on national identity, its place has
evolved in the 1980's, to represent a transitional period between Antiquity and the Middle
Ages.
Through the study of some significant textbooks from the 1900's to this day, it seems important
to understand, which pictures School selected and chose to show on the question of the
Merovingians, and more widely on the question of the origins of France.
Keywords: image, textbooks, Mérovingiens, historiography
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Introduction
Privilégiant les textes, les historiens n'ont que tardivement intégré l'image dans leur corpus
ordinaire de sources. L'image, assignée au rôle d'illustration et rarement le point de départ des
recherches en histoire, était laissée à d'autres spécialistes comme les historiens de l'art.
Toutefois l'intérêt pour l'image s'est accru, en réponse à une demande sociale et face à la
prolifération contemporaine des images. Aujourd'hui, comme l'affirme Christian Delporte
(2008), les images occupent une place de plus en plus importante dans les manuels scolaires.
On ne saurait revenir sur le rôle des manuels scolaires d'histoire dans la formation des élèves
(Verdhelan-Bourgade, Bakhouche, Etienne & Boutan 2007). A l'école, l'histoire joue un rôle
particulier destiné à faire comprendre l'organisation de la société. Elle sélectionne les faits
qu'elle présente, véhicule des valeurs et porte des jugements sur certains événements,
certaines figures historiques (Amalvi, 1979). Les images jouent un rôle essentiel dans la
transmission du message diffusé par le texte. Toutefois, les images n'ont pas le même rôle
dans les manuels en fonction de l'évolution chronologique (Choppin, 1992). Dès que l'École
devient obligatoire, elles permettent d'illustrer les principaux thèmes d'étude des programmes.
Ernest Lavisse, ministre de l'instruction publique (en 1879, 1881, 1882 et 1883) et auteur de
manuels rappelle sa conception de l'enseignement de l'histoire : « la leçon est toujours très
courte, elle comprend un texte de quelques lignes, voilà pour la mémoire ; un récit et une
gravure : voilà pour l'imagination » (Lavisse, 1907, préface p. VII). Les images sont alors des
gravures destinées à conforter le texte : « toutes les gravures sont placées en regard du texte
qu'elles suivent de très près. Elles n'ont donc besoin, comme légende, que d'un simple titre »
(Lavisse, 1924 avant-propos). Cet intérêt pour les images dans l'enseignement ne se dément
pas et augmente au cours du XXe siècle. Les images proposées viennent certes toujours
conforter le texte des auteurs, mais le rapport texte-image doit être envisagé de façon plus
complexe car les images deviennent elles-mêmes objets d'apprentissage à partir des années
1980.
Pour mener à bien cette étude, nous allons privilégier une période historique assez méconnue :
la période mérovingienne. Ces trois siècles, qui vont de l'avènement de Clovis (481) à
l'avènement des Carolingiens (751), correspondent à une période de transition entre la fin de
l'Antiquité et le début du Moyen Âge, période peu familière des élèves et présentée souvent
de manière différente, voire contradictoire selon les manuels. Ainsi, un des personnages
principaux, Clovis peut apparaître comme le fondateur de la France ou au contraire comme
un barbare, chaque époque choisissant de mettre l'accent sur tel aspect plutôt que tel autre. La
période mérovingienne est devenue aussi un mythe fondateur national parce qu'elle cristallise
de nombreuses perspectives : victoire du christianisme, victoire sur les barbares que sont les
Huns, naissance de la France.
Une approche méthodologique spécifique a été nécessaire pour mener à bien cette réflexion
autour de trois axes : le besoin de définir le terme image, sa place dans les manuels, puis la
nécessité de constituer un corpus de manuels pour arriver enfin à identifier des périodes
chronologiques donnant à voir une évolution significative de l'utilisation des images des
Mérovingiens dans les manuels scolaires (Perret-Truchot, 2015).
Les images que l'on trouve dans les manuels d'histoire sont des reproductions imagées sous
forme de gravures (manuels de la fin du XIXe et du début du XXe siècle), de dessins puis de
photographies. Toujours présentes dans les manuels, elles voient leur rôle évoluer depuis le
début du XXe siècle. Sous la Troisième République les images ont une fonction de
dramatisation et un rôle affectif lié à la conception de l’enseignement de l’histoire comme
récit (Ogier, 2007), puis à partir des années 1970, elles deviennent objet d'étude pour elles-
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mêmes représentant les traces du passé pour évoluer en objet d'apprentissage susceptibles d'un
enseignement méthodologique à la fin du XXe siècle.
Le corpus de manuels retenu est issu du fonds Histoire de l’éducation de l'ESPE du Limousin
(Université de Limoges). Un échantillon d'une vingtaine de manuels d'histoire en usage dans
l'enseignement primaire français des années 1900 à nos jours a été retenu. Pour les années
1900 à 1980, nous avons choisi des manuels correspondant au niveau cours élémentaire (pour
des enfants de 7 à 9 ans) qui présentent un nombre d'images beaucoup plus important que
dans les manuels du cours moyen davantage centrés sur le texte (Gaulupeau, 1986). A partir
des années 1980, la réforme de l'éveil privilégie la structuration du temps au Cours
Elémentaire, ce qui nous a amené à utiliser les manuels du Cours Moyen qui seuls abordent
alors l'étude des Mérovingiens.
Nous avons essayé de répartir les ouvrages en plusieurs périodes chronologiques qui par leur
contenu et leur style iconographique présentent une certaine homogénéité. Cette répartition
chronologique a été la plus difficile à établir car elle doit prendre en compte deux temps qui
n'ont souvent pas grand chose en commun : le temps des historiens et le temps des
programmes et pratiques de classe.
A. Le temps des historiens (Graceffa, 2009)
Au XIXe siècle, les historiens participent à la construction des Etat-Nations et à une certaine
instrumentalisation politique du passé (Garcia & Leduc, 2003). L'étude de Clovis et des
Mérovingiens se prête particulièrement bien à cette construction. Dans l'entre-deux guerres,
l'historien Louis Halphen présente une Europe organisée par l’installation des peuples en
« royaumes barbares », Marc Bloch dans une approche socio-économique souligne
l’importance des invasions et les contrastes de civilisations entre Germains et Romains. Il faut
attendre la fin des années 1960 pour que les idéologies nationales disparaissent. Grâce
aujourd'hui à des programmes de recherche internationaux, grâce aux données de
l'archéologie, les historiens montrent que le monde romain n'a pas disparu mais s'est
transformé. Ce processus aboutit à la création de nouvelles identités ethniques autour
desquelles se forgent, lentement, de nouveaux peuples (Coumert & Dumézil, 2010). Ainsi,
aujourd'hui historiens français et allemands mettent en valeur les phénomènes culturels
d’accommodation ou de fusion entre gallo-romains et germains et répudient les mythologies
nationales (Beaune, 1985 ; Thiesse, 1999 ; Nicolet, 2003 ; Geary, 2001 ; Pohl, 2005 ;
Coumert, 2007).
Ces évolutions profondes proposées par les historiens du haut Moyen Âge dans la
compréhension du monde mérovingien ne sont que tardivement prises en compte dans les
programmes et les pratiques de classe.
B. Le temps des programmes et des pratiques de classe
Grâce à l'action d'Ernest Lavisse, sous la Troisième République, l'histoire est enseignée à tous
les degrés d'enseignement (Bruter, 1995). Une finalité est alors assignée à l’histoire : la
finalité patriotique (Citron, 2008). La période de Clovis et des Mérovingiens est un moment
clé dans la construction de la France (Roca, 1997). Des années 1890-1900 à 1945, les
programmes d'histoire ne connaissent guère d'évolution. Les mêmes images se retrouvent
dans les manuels : Clovis sur son bouclier, le vase de Soissons, le baptême de Clovis, les rois
fainéants sur leur char... insistant sur le rôle fondateur des Mérovingiens et de Clovis dans la
construction de la France. Au sortir de la guerre, les nouveaux dirigeants ont conscience que
l'École doit être impérativement réformée en profondeur afin de s’adapter à la nouvelle
société. Les élèves n'arrêtent plus leur cursus à la fin de l'école primaire et les programmes
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doivent évoluer. Il faut attendre les programmes d'histoire de 1978 pour le cours élémentaire
et 1980 pour le Cours Moyen, avec la réforme de l'éveil (Luc, 1985) pour noter une réelle
évolution dans les méthodes plus que dans les contenus. Les images traditionnelles des
Mérovingiens, sous forme de gravures et de dessins, laissent désormais place à ce que les
manuels appellent "traces du passé" : armes mérovingiennes, émaux mérovingiens, ivoires...
Les manuels d'histoire privilégient désormais les sources, laissant de côté les dessins. Si les
programmes de 1980 ne restent pas longtemps en vigueur, puisque à partir de 1985, un
nouveau programme est en place, la présence des images-sources est désormais la norme.
Pour comprendre ces évolutions, nous essaierons de montrer en quoi le choix des images est
à la fois le reflet de l'évolution historiographique et le reflet de l'évolution des pratiques
pédagogiques, autour de deux périodes clés : une première période allant des années 1900 aux
années 1960, lors de laquelle les manuels donnent une image controversée de Clovis et des
Mérovingiens en s'appuyant sur une grande abondance d'images alors qu'elles sont encore
chères (voir article de L. Perret dans le présent volume), puis une seconde période allant des
années 1960 à nos jours, lors de laquelle les images, assimilées à des traces du passé, veulent
d'abord placer les élèves dans le statut d'apprenti historien (années 1980) avant de privilégier
à partir des années 1990 leur formation critique, tout en restant au plus près de la vision
renouvelée de la période mérovingienne proposée par la recherche.
Les années 1900-1960: l'histoire en images, simplification et stylisation du passé
Les années 1900-1960 montrent une double évolution : d'une part des manuels proposant des
images en nombre croissant grâce à des procédés techniques plus performants, d'autre part
des méthodes pédagogiques qui se veulent plus rigoureuses.
A. Des images en nombre croissant
Dès que l'école est devenue obligatoire, les maisons d'édition mettent au point un modèle
d'organisation qui ne va guère connaître d'évolution jusqu'à la fin des années 1950. Le texte
est divisé en paragraphes numérotés et les images, sous forme de vignettes en noir et blanc de
petit format, sont insérées dans le fil du texte. Les titres des ouvrages révèlent l'intérêt des
éditeurs pour les images : Cours élémentaire d'histoire de France avec 366 gravures dont 14
tableaux de récapitulation par l'image pour le manuel Gauthier-Deschamps de 1908
(Gauthier-Deschamps, 1908), Histoire de France par l'image et l'observation directe pour le
cours Devinat refondu par Toursel chez Martinet en 1933 (Devinat-Toursel, 1933). Les noms
des illustrateurs sont toutefois rarement cités.
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Figure 1 : Gauthier-Deschamps (1908), Cours élémentaire d'histoire de
France, Hachette, p. 17
La page 17 du manuel Gauthier-Deschamps (Figure 1) présente une synthèse en images des
périodes mérovingienne et carolingienne. Elle s'organise autour des deux personnages clés
que sont Clovis et Charlemagne. Autour de chacun gravitent quatre images qui illustrent les
points importants à retenir. L'élève peut retracer les moments clés de l'histoire de Clovis et
des Mérovingiens. Les Francs, sous la direction du chef qu'ils ont choisi (vignette en haut à
droite), s'imposent face aux Huns, chassés de Paris grâce à sainte Geneviève (vignette en haut
à gauche). Clovis, après sa victoire sur les Alamans à Tolbiac promet de se convertir au
catholicisme (vignette en bas à gauche), promesse qui se concrétise par le baptême (vignette
en bas à droite). A partir de ce moment, Clovis a l'appui de l'Eglise.
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Un manuel toutefois se démarque des précédents : le Devinat et Toursel (Figure 2) qui
propose une approche de l'histoire à partir d' images en couleur : Histoire de France par
l'image et l'observation directe avec des illustrations de Ferdinand Raffin24.
Figure 2 : Devinat, E & Toursel, A. (1926). Histoire de France par l'image et
l'observation directe, Martinet, p. 8
L'étude des Mérovingiens s'appuie sur quatre vignettes. La lecture en est facilitée par le titre
et les sous titres (un chef Clovis, les Francs cruels, les Francs pillards et le roi Dagobert) et
par la composition rigoureuse de chaque vignette. Un même schéma organise l'image qui est
divisée en deux par une ligne verticale (Clovis/ colonne/ panache de fumée) autour de laquelle
gravitent des personnages qui se découpent sur un fond pastel. Le résumé s'appuie sur les
vignettes et donne une image très stéréotypée des Mérovingiens : des barbares cruels, menés
24 Né vers 1870, Ferdinand Raffin est un illustrateur français. Au cours de sa longue période d'activité - près de
60 ans - il illustre divers livres pour les maisons d'édition Armand Colin, Gedalge, Mame, Martinet, Picard &
Kaan, etc. Il rejoint La Semaine de Suzette en 1909 et lui restera fidèle jusqu'en 1948. Il collabore à de nombreuses
revues, comme Le Chat Noir, Le Petit Français illustré, etc. Il a également à son actif un nombre non négligeable
d'ouvrages scolaires (lecture, orthographe, etc.).
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47 Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International (CC BY-NC-SA 4.0)
par Clovis. Bons et mauvais rois sont nettement identifiés ce qui permet de penser que les
auteurs de manuels s'appuient sur les écrits de Grégoire de Tours (VIe siècle) qui attribue des
bons et mauvais points aux différents rois de la dynastie mérovingienne en privilégiant ceux
qui ont été généreux avec l'Eglise (Heinzelmann, 1994).
Après 1945, progrès techniques (grâce à l'impression offset) et finalités pédagogiques
conjuguent leurs efforts pour provoquer une mutation des manuels. Si le nombre des images
continue à progresser pour le niveau élémentaire (Gaulupeau, 1986), leur place est désormais
essentielle pour le cours moyen : alors qu'elles étaient souvent placées en fin de chapitre,
dorénavant une ou plusieurs images accompagnent chaque page de leçon (Brossolette et
Ozouf, 1946). (Figure 3).
Figure 3 : Brossolette, L. & Ozouf, M. (1946). Mon premier livre d'histoire de
France, Images en couleur, Delagrave, p. 9
La dimension des illustrations s'accroit. Le rapport du texte et de l'image tend à s'inverser.
Limitée par une bordure noire, (Brossolette et Ozouf, 1946), l'illustration sort du cadre étroit
de la vignette (Bernard & Redon, 1959) (Figure 4).
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Figure 4 : Bernard, P. & Redon F. (1959). Notre premier livre d'histoire,
Nathan, p. 12
La couleur est utilisée de façon significative. Les noms des illustrateurs sont mieux connus ;
ils figurent sur la couverture ou la page de titre, d'autant que l'habitude est prise de confier la
totalité de l'illustration à un seul artiste. On peut signaler les noms de René Giffey (Ozouf,
Leterrier & Giffey, 1961), Henri Dimpre (Bernard & Redon, 1959), Pierre Rousseau
(Chaulanges & Chaulanges, 1959). Le style graphique dominant se caractérise par une grande
simplicité du trait, souvent rehaussé par des aplats de couleurs franches. Les scènes
représentées montrent les personnages dans l'action comme si leurs gestes étaient pris sur le
vif. Leurs traits sont peu visibles alors que leurs expressions sont sans équivoque, dures ou au
contraire bienveillantes. Elles jouent sur l'émotion des jeunes enfants par des illustrations
significatives aisées à utiliser dans le cas des Mérovingiens. Plusieurs épisodes s'y prêtent
particulièrement bien : la férocité des Huns, Clovis proclamé roi sur le pavois, le vase de
Soissons, le supplice de Brunehaut, ou encore le cortège des rois fainéants tirés par des bœufs.
Aux figures héroïques de Clovis et Dagobert, s'oppose la vision des derniers rois
mérovingiens paresseux et traînés dans des chars à bœufs. Cette fainéantise des descendants
de Clovis est caractérisée par une absence de volonté, le rejet de toute forme de travail ou
d’effort. La représentation de ces rois avachis sur de pauvres chars illustre leur dépravation
morale et physique, que la mention d’une longue chevelure – pourtant attribut royal et sacré
chez les Mérovingiens – vient même conforter (Lavisse & Conard, 1935). La conséquence
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attendue du délitement de la puissance publique est un « retour à la barbarie », un état
d’anarchie.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale une rupture significative intervient avec cette
double lecture. Même si Clovis reste toujours un roi courageux mais rusé et cruel
(Chaulanges, 1959), les manuels donnent une vision négative des Francs : « Les Francs sont
des Barbares ; ils s'habillent de peaux de bêtes, ils ne savent ni lire ni écrire » (Bonifacio &
Merieult, 1952) (Figure 5). La raison essentielle en est la mutation profonde de la figure
héroïque, désormais déplacée sur la victime (Chanet, 2000). L’expérience du dernier conflit
stimule cette approche et renforce l’assimilation déjà observée entre Allemands modernes et
conquérants germains, « rudes et grossiers » (Ozouf et Leterrier, 1961).
Ce grand nombre d'illustrations nécessite de s'interroger sur le rôle de l'image dans la
formation de l'élève. La dimension pédagogique permet d'entrevoir la finalité d'utilisation des
images : d'abord impliquer l'imagination des élèves avant d'inciter, par des questions précises,
à la mise en place d'une participation plus active des élèves.
B. Impliquer l'imagination des élèves
Selon E. Lavisse (Lavisse, 1907), les images sont là pour développer la mémoire et
l'imagination des élèves. L'enfant est guidé par les images qui semblent parler par elles-
mêmes. Toutefois, cette juxtaposition est trompeuse car chaque image est accompagnée de
questions qui guident l'enfant dans la réponse à apporter. Ainsi, dans le manuel Gauthier-
Deschamps de 1908 (p. 9, cf. figure 5), la dernière question d'élocution est la suivante : « cette
histoire du vase de Soissons vous prouve-t-elle que les rois francs étaient très obéis de leurs
guerriers ? que les rois francs étaient barbares ? » Elle n'induit qu'une réponse qui est donnée
dans le texte en vis-à-vis (p. 9) : « cette vengeance cruelle de Clovis prouve combien les
Francs étaient encore des barbares ».
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Figure 5 : Gauthier-Deschamps (1908). Cours élémentaire d'histoire de
France, Hachette, p. 9
C. Vers une participation plus active des élèves ?
Grâce aux images en couleur, pendant l'entre-deux guerres, cette orientation est renforcée.
Une foule de détails savamment agencés activent l'imagination tout en orientant la lecture que
peut en faire l'élève par des questions fermées. Le Devinat-Toursel de 1933 correspond à cette
approche. Quatre images par page permettent à l'élève d'avoir une approche d'un thème. Ainsi,
la page 8, la Gaule envahie, présente quatre vignettes strictement délimitées par un cadre
(Figure 2 ci-dessus). Les questions posées avec les réponses placées sous les images sont à
destination du seul maître (comme les auteurs l'indiquent dans l'avant-propos). La vignette 2
« les Francs pillards » présente une bande de Francs transportant des coffres, des tissus, dans
une villa gallo-romaine. Au premier plan, un gallo-romain assassiné, revêtu d'une toge
blanche, certainement le propriétaire de la villa, renforce l'idée de brutalité et de cruauté des
Francs. Les questions posées sous la vignette suggèrent que le maître peut emmener les élèves
beaucoup plus loin dans les explications du dessin. Après la description de l'image, il va
chercher à justifier ces pillages en posant la question suivante : « la Gaule n'était donc pas
défendue ? ». La réponse attendue est la suivante : « la Gaule était mal défendue, après une
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longue paix, il y avait peu de soldats et elle était donc une proie facile ». On voit comment le
pillage d'une villa gallo-romaine, représentative du mode de vie des aristocrates gallo-
romains, permet d'évoquer la crise que connait la Gaule au Ve siècle, crise dont l'origine serait
l'arrivée des Francs pillards et cruels.
On constate une volonté de la part des auteurs des manuels de concevoir les leçons en partant
des images. Toutefois, les questions fermées posées par le maître guident fermement l'élève
ne lui laissant pas la possibilité d'émettre des hypothèses.
Vingt ans après dans le manuel Bonifacio de 1952 (Bonifacio, 1952) (Figure 5), la même
démarche est à l'œuvre. Les images ne sont certes plus enfermées dans un cadre, il n'y a plus
de limites précises entre le dessin et le texte mais les questions sont toujours des questions
fermées qui induisent une seule réponse.
Figure 6 : Bonifacio & Merieult. (1952). Histoire de France images et récits,
Hachette
Dès les années 1960, ces images sous forme de dessin disparaissent pour laisser la place à une
autre représentation du passé : l'utilisation des traces du passé.
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Des années 1960 à nos jours: les "images" comme traces du passé
A. Années 1960-années 1980 : les images comme traces du passé pour former des
apprentis-historiens
A partir des années 1960, les manuels délaissent les illustrations pour favoriser les sources
historiques25 : le calice de Gourdon (Chaulanges, 1963) ou l'image d'une stèle funéraire
(Gautrot-Lacour et Gozé, 1965) sont les seules illustrations proposées pour permettre à l'élève
de se représenter en image la période mérovingienne (Figure 7 et 8).
Figure 7 : Chaulanges, M. &
Chaulanges, S. (1963).
L'histoire au cycle moyen,
Delagrave
Figure 8 : Gautrot-Lacourt, J.
& Gozé, E. (1965). Histoire
de France. Cours moyen et
classes de 8e et 7e, Bourrelier
Les programmes de 1980, en lien avec la réforme de l'éveil, promeuvent un nouveau modèle
pédagogique (Hery, 2013). L'histoire se fait désormais à partir de sources qu'il convient
d'interroger pour construire la connaissance historique (Luc, 1985). Une seule image est
présentée pour étudier le baptême de Clovis (Hinnewinkel, Hinnewinkel, Sivirine & M.
Vincent, 1981) (Figure 8) : une plaque d'ivoire provenant du musée d'Amiens.
Cette plaque d'ivoire sculptée servait de reliure à un manuscrit aujourd'hui perdu qui contenait
probablement une Vie de saint Remi de Reims. Elle figure trois miracles du saint parmi
lesquels, au registre inférieur, le baptême de Clovis en présence de la reine Clotilde qui occupe
la bordure gauche de la scène. On voit Clovis immergé dans la cuve baptismale tandis qu'une
25 On constate une évolution identique au lycée (Baquès, (2007).
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colombe apporte du Ciel une fiole contenant l'huile miraculeuse. Cette représentation, la plus
ancienne que nous ayons du baptême, n'est pas contemporaine de la cérémonie (Ve siècle).
Elle fut produite dans l'entourage de l'évêque Hincmar de Reims (845-882) donc au IXe siècle,
soit quatre siècles après l'événement. Hincmar fut le premier à revendiquer pour sa cathédrale
le monopole du sacre, en se fondant sur le rôle joué par Remi auprès de Clovis. Comme son
prédécesseur avait baptisé le roi des Francs, il lui appartenait de sacrer les souverains. A partir
de là naît une confusion entre le baptême de Clovis et le sacre des rois dont le premier fut
celui de Pépin le Bref en 751.
Figure 9 : Ivoire carolingien de Saint Remi de Reims : le baptême de Clovis.
180 x 115 mm. Amiens, musée de Picardie, extraite de Hinnewinkel,
Hinnewinkel, Sivirine & M. Vincent, 1981. Histoire, découvrir, comparer,
connaître, Cours Moyen, Fernand Nathan
Ces sources, qui nécessitent de solides connaissances scientifiques, ne peuvent être utilisées
qu'avec l'aide du maître et ne parlent guère à l'imagination des élèves. Les maîtres, sans
formation nécessaire, n'ont pas toujours les moyens d'en voir les limites, d'autant que de
nombreuses images sont insérées dans les manuels sans aucune référence comme dans
l'ouvrage de G. Dorel Ferré chez Armand Colin (Dorel Ferré, 1981) (Figure 10). Seule une
légende précise : « de merveilleux bijoux barbares : une boucle de ceinture et une broche ».
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Figure 10 : Dorel Ferré, G. (1981). Les activités d'éveil au Cycle Moyen,
Histoire, Armand Colin, p. 45
Les images retenues dans les manuels sont rares car peu nombreuses pour la période
mérovingienne. On assiste à certaines incohérences : un souci de faire appel à des sources
(mais que nous ne pouvons considérer comme telles car elles ne sont pas contemporaines de
l'époque étudiée) et un texte de l’auteur dénué de toute objectivité scientifique.
La période mérovingienne a donc du mal à trouver sa place pendant ces années de réforme.
A partir des années 1990-2000, une réflexion nouvelle s'installe qui cherche à intégrer dans
les manuels les résultats de la recherche universitaire et des avancées pédagogiques en
adoptant de nouveaux axes de réflexion.
B. Des années 1990 à nos jours : de nouveaux enjeux : une vision renouvelée des
Mérovingiens et une place nouvelle pour l'image dans la formation des élèves
A partir de 1995, les contenus des programmes se rapprochent des résultats de la recherche
universitaire qui présente alors, grâce aux travaux de Régine Le Jan sur le haut Moyen Âge
(Le Jan, 1995), une approche renouvelée des Mérovingiens. Plusieurs aspects sont vivement
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remis en cause : le terme d'invasions barbares26 est délaissé au profit de migrations
germaniques (Le Calennec, 1997), l'année 496 du baptême de Clovis pose question et n'est
plus acceptée sans interrogation dans les programmes (Rouche, 1997). Enfin, dans les
manuels les plus récents, l'idée de rupture entre empire romain et époque mérovingienne est
abandonnée (Delaplace, 2015) à la faveur de continuité (programme de novembre 2015) ce
qui entraîne les auteurs du manuel Hatier (2016) à écarter l'image du chariot traîné par des
bœufs au profit d'une image jusque là inédite : la division du royaume franc entre les fils de
Clovis. Certes, cette image n'est pas une source puisqu'elle date du XVe siècle, elle veut avant
tout casser l'image des rois fainéants hérités de la Troisième République. (Figure 11).
Figure 11 : Le partage du royaume de Clovis entre ses quatre fils, Chroniques
des Rois de France, musée Condé, Chantilly, XVe siècle. Le Callennec, S.,
Martinetti, F. & Szwarc, E. (2016). Histoire, histoire des arts CM, cycle 3,
Hatier.
Contrairement à la période précédente, lors de laquelle, les auteurs de manuels ne voyaient
pas la nécessité d'indiquer les références précises des documents, désormais tous se font
obligation à la fois d'insérer l'origine des documents (date de production, nature ) et de
proposer un questionnement à côté des images. Si les questions permettent toujours de guider
la description du document, elles amènent de plus en plus l'élève à s'interroger sur la nature
du document proposé (Le Callennec, 2009) (Figure 12). L'étude de la tablette d'ivoire
évoquant le baptême de Clovis, s'accompagne de questions demandant aux élèves de préciser
la date de production de la tablette et de dire si cette image est une source ou un document. A
partir des années 2000, apparaît donc la nécessité de s'interroger sur le statut de l'image elle-
même. Les questions qui accompagnent les images poussent l'élève à avoir un regard critique
sur les documents du manuel, regard critique qui passe par une attention renforcée portée à la
date de production.
On retrouve ainsi dans les manuels du primaire des interrogations qui étaient présentes depuis
longtemps dans les manuels de collège. On assiste à une diffusion progressive d'un modèle
didactique d'analyse du document issu du secondaire (Falaize, 2016).
Enfin les images présentent l'opportunité de s'interroger sur la méthode historique. Elles
privilégient la mise en pratique d'une posture critique chez les élèves. Une tendance assez
nette dans les manuels de la dernière décennie pousse les élèves à s'interroger sur la manière
26 Il apparait toutefois encore dans le manuel de Baillat, Chossenot & Demotier, 1997.
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dont l'historien écrit son discours (Le Callennec, 2009). Une question à propos de l'étude de
la tablette en ivoire montrant le baptême de Clovis révèle bien cette intention : « A ton avis,
les historiens considèrent-ils cet épisode comme la vérité historique ? ».
Figure 12 : Le Callennec, S. (2009). Histoire-géographie CE2, Hatier, p. 72
La question voudrait amener l'élève à comprendre que l'écriture de l'histoire n'est pas une
simple reproduction de la réalité. Elle doit s'appuyer sur des critères précis (ici observer que
la date de production du document (IXe siècle) ne correspond pas à la date à laquelle les faits
se sont produits (Ve siècle). Ainsi, les élèves sont amenés à distinguer l'histoire de la fiction,
à prendre conscience que certaines images peuvent être produites bien longtemps après que
l'événement ne se soit produit, comme le préconisent les programmes de 2015.
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Se trouve ici posée la question de la vérité en histoire. L’histoire est ressentie à l’Ecole comme
un récit vrai (par opposition au récit de fiction). Pour les élèves le professeur dit la vérité. Et
l’enseignant, pour être crédible, doit faire « effet de vérité » (Borne, 2014). Une démarche
originale en trois étapes se dégage (Le Callennec, 2009) : ce que l'on croit, ce que les
historiens savent et ce que l'histoire a retenu du baptême de Clovis. Cette approche prend à
son crédit la démarche de Paul Ricoeur qui dans son ouvrage Temps et récit (Ricoeur, 1991)
identifie trois moments de l’opération historique : la phase documentaire ou recherche des
différentes informations sur un événement s'apparente à ce que l'on croit ; la phase
d’explication/compréhension correspond à ce que les historiens savent ; la phase de
représentation qui permet d'identifier ce que l'on a retenu du baptême de Clovis. Il met en
évidence l’intention de "de mise en intrigue", de donner sens à l'événement par le récit.
Cette approche très abstraite de l'image reste toutefois une exception. Le choix des images
donnant à voir Clovis et les Mérovingiens ne varie guère dans les manuels du cycle trois des
deux dernières décennies : les images-sources sont privilégiées, présentées avec toutes les
informations nécessaires quant à leur date de production. Les images ne sont plus là pour
montrer une reconstruction du passé, elles acquièrent un nouveau statut : elles deviennent des
documents à critiquer, favorisant le raisonnement historique.
Conclusion
Les images ont joué et jouent encore un rôle essentiel dans l'enseignement de l'histoire. A
partir du moment où l'histoire devient une discipline d'enseignement obligatoire, elles
participent à la formation patriotique du jeune enfant en lui fournissant tout un panel de
représentations qui lui propose des personnages à qui s'identifier. L'histoire mérovingienne
est une période d'études privilégiée car elle est présente dans les programmes dès 1882 jusqu'à
nos jours. Considérée comme une période clé dans la naissance de la France et de l'identité
nationale, dans les manuels de 1882 jusqu'aux années 1960, elle voit sa signification évoluer
pour apparaître à partir des années 1980 comme une période de transition entre Antiquité et
Moyen Age, lors de laquelle la vision des Francs, assimilés à des « barbares », c'est à dire à
l'Autre devient un élément de réflexion civique. Les images vont permettre aux élèves de
rendre vivants des personnages et des attitudes difficiles à comprendre. Pendant presque un
siècle, les images, sous forme d'illustrations sont là pour développer l'imagination des élèves,
imagination qui reste toutefois sous le contrôle des maîtres qui apportent des réponses toutes
faites. A partir des années 1980, les manuels proposent d'entrer dans l'histoire par des sources,
traces du passé qui doivent permettre, avec l'aide du maître, de reconstruire l'histoire. Cette
façon de faire, relativement abstraite, présente des faiblesses méthodologiques car aucune
information concernant l'image elle-même n'est mentionnée (ni l'auteur, ni la taille, ni la date
de production, ni le lieu de conservation si on a un objet archéologique). Les années 1990 et
surtout 2000 constituent un tournant à cet égard, les images sont à la fois traces du passé mais
aussi documents à critiquer, l'angle d'observation se déplace sur l'image elle-même. Les
images sont accompagnées d'un questionnement rigoureux, exhortant à une réflexion sur les
conditions de production de l'image.
Cette orientation peut être mise en lien avec la volonté de développer le jugement des élèves,
maître mot des nouveaux programmes d'EMC en 2015.
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L’utilisation de l’image en enseignement de l’espagnol : approche diachronique27
La iconografía en la didáctica del español como lengua extranjera en Francia: una aproximación
histórica
Pascal Lenoir Maître de conférences, Université d’Angers
Le présent article présente une analyse du rôle assigné à l’image dans la méthodologie
d’enseignement de l’espagnol en France entre 1970 et aujourd’hui. En renonçant à pratiquer
les méthodes audio – visuelles à la fin des années 1960, la didactique de l’espagnol renonce
du même coup à l’utilisation des images situationnelles associées à cette méthodologie. En
contrepartie, elle développe une utilisation originale de l’image dans le cadre de la
méthodologie active. L’image acquiert alors un statut de support de travail à part entière, aux
côtés du texte littéraire. Ce statut particulier n’a pas disparu aujourd’hui, car les hispanistes
n’ont pas renoncé à la méthodologie active en adoptant la perspective actionnelle du CECRL.
Mots-clés : manuel, image, méthodologie active, perspective actionnelle
En el presente artículo se examina el uso de la iconografía en la didáctica del español como
LE en Francia a partir de 1970. Al rechazar los métodos audio visuales a fines de los años 60,
dicha didáctica renuncia al mismo tiempo a las viñetas situacionales asociadas a esta
metodología. Esta situación se compensa al utilizar las imágenes como material didáctico de
pleno derecho, dándoles la misma importancia que la del texto literario en la metodología
activa. Este estatuto original de la iconografía en la enseñanza del español se ha mantenido
hasta hoy, ya que los hispanistas siguen practicando la metodología activa, combinándola con
la perspectiva accional del MCER.
Palabras-clave: manual, imagen, metodología activa, perspectiva accional
27 Cet article est une version largement remaniée et actualisée d’une communication lors des 8e Journées d’étude
Pierre Guibbert, Les images dans les manuels scolaires, IUFM de Montpellier, 1er février 2012. Récupéré sur le
site des journées Pierre Guibbert :
http://www.fde.univmontp2.fr/internet/site/cedrhe/_img_cedrhe/jepg/jepg_id_37.pdf.
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Introduction
Le traitement didactique de l’image dans les manuels d’espagnol (des années 1970 à
aujourd’hui) sera envisagé dans cet article dans une approche chronologique, à partir d’un
échantillon de 19 manuels parus entre 1911 et 201728, qui illustrent les évolutions des
programmes de l’enseignement secondaire. À travers ce traitement, on peut repérer
l’évolution spécifique de l’enseignement de l’espagnol à partir des années 1970. Du début du
XXe siècle jusqu’aux années 1970, les images dans les manuels d’espagnol sont utilisées de
la même manière que dans les autres manuels de langue conçus pour le collège ou le lycée.
Puis, en réaction à la publication de l’instruction officielle de 1969, qui introduit les méthodes
audio-visuelles dans l’enseignement scolaire des langues, l’image reçoit dans les manuels
d’espagnol un traitement didactique tout à fait spécifique et différent des manuels des autres
langues. Cette approche du matériau iconographique se maintiendra jusqu’à l’orée des années
2000, où avec l’adoption de la perspective actionnelle initiée par le Cadre Européen Commun
de Référence pour les Langues (CECRL), l’image pourra être mobilisée en espagnol dans des
dispositifs didactiques à nouveau comparables à ceux des autres langues.
I. Rôles de l’image en méthodologie Directe (MD)
A. Fonction élucidante de l’image en MD (1900-1920)
Les images sont apparues très tôt dans les manuels de langue du XXe siècle qui relevaient de
la méthodologie directe29 (pour la méthodologie antérieure, de grammaire – traduction, les
images n’étaient guère nécessaires puisque le recours à la langue maternelle était
systématique). Christian Puren (1988 : 94) situe la méthodologie directe (désormais MD)
entre le début du XXe siècle et les années 1920. La circulaire du 15 novembre 1901, relative
à l’enseignement des langues et instructions annexes, et l’arrêté du 31 mai 1902 concernant
les programmes d’enseignement des classes secondaires dans les lycées et collèges de
garçons, sont fondatrices de cette méthodologie.
Dans le cadre de la MD, les images ont eu très vite à remplir deux fonctions principales, en
langue et en culture : aider à l’élucidation des contenus linguistiques ou langagiers, et illustrer
le manuel, c’est-à-dire donner à voir différents aspects, géographiques, historiques ou
humains, du ou des pays où est parlée la langue étudiée, de façon à ce que les élèves, qui
n’avaient pas l’occasion de voyager, puissent se construire une représentation suffisante de
ces pays pour réaliser les activités langagières en classe.
En MD, l’enseignement était constamment réalisé en langue cible, pour remplir un objectif
essentiellement pratique. Les principes fondamentaux de la MD étaient d’enseigner la langue
cible (surtout orale) sans passer par la langue source des élèves. Le professeur expliquait donc
le vocabulaire à l’aide d’objets ou d’images, et ne traduisait jamais en langue maternelle.
L’enseignement de la grammaire étrangère se faisait d’une manière inductive. On privilégiait
les exercices de conversation et les questions – réponses dirigées par l’enseignant. Cette
méthodologie qui combinait les méthodes pédagogiques directe, active, et orale, faisait en
28 Une consultation rapide de Les manuels scolaires en France de 1789 à nos jours, vol. 6 : espagnol (cf.
bibliographie) permet de trouver environ 20 manuels parus entre 1900 et 1920 ; 80 entre 1927 et 1970. D’après
mes propres travaux, une centaine entre 1970 et 2002, une quarantaine entre 2002 et 2007.
29 J’utilise « méthodologie » dans le sens que lui donne Christian PUREN : ensemble cohérent de procédés,
techniques et méthodes qui s’est révélé capable, sur une certaine période historique et chez des concepteurs
différents, de générer des cours relativement originaux par rapport aux cours antérieurs et équivalents entre eux
quant aux pratiques d’enseignement – apprentissage induites. (1988 : 17)
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particulier appel à la capacité de divination intuitive des élèves, à partir d’objets ou d’images.
D’où une fonction essentiellement dénotative assignée à l’image en MD (Puren 1988 : 112 ;
132). On peut prendre pour exemple les illustrations d’un manuel comme Primeros pinitos,
Dibié & Fouret, © Didier, 191130 : elles relèvent de la « leçon de choses ». Par exemple, page
16 de l’ouvrage, Lección primera, « ¿Qué es esto ? Esto es un tintero. » (Qu’est-ce que c’est ?
C’est un encrier). Ces phrases sont accompagnées du dessin de l’objet désigné. L’image a ici
une fonction purement référentielle. Les auteurs de ces manuels faisaient donc appel à des
illustrateurs, leur collaboration était indispensable.
Par la suite, l’instruction officielle du 2 septembre 1925, et celle du 1er décembre 1950,
fonderont et stabiliseront la méthodologie Active (MA), qui supplantera durablement, tout
particulièrement en espagnol, la MD. La méthodologie Directe aura eu en définitive une
courte vie ; trop contraignante pour les enseignants, elle aura été assez vite remplacée dès les
années 1930 par la méthodologie Active, sorte de compromis entre la méthodologie
Traditionnelle de grammaire – traduction et la méthodologie Directe. L’objectif culturel
retrouve alors une place importante ; le texte littéraire à expliquer en cours dialogué devient
prépondérant dans les manuels de langue ; en outre, le recours au français est possible. Par la
suite, l’IO du 1er décembre 1950, qui finira de modéliser le schéma de classe en MA,
préconisera de privilégier des situations humaines, notamment dans des textes littéraires, pour
mieux intéresser les élèves, comme on peut le voir dans cet extrait, cité par Christian Puren
dans son Histoire des méthodologies :
« Cet enseignement s’appuie à tous les échelons sur des textes empruntés, dès que
possible, à des écrivains de qualité, immédiatement clairs pour leurs lecteurs
contemporains de même langue, pleinement intelligibles par eux-mêmes sans le
secours d’une documentation spéciale, historique ou biographique, et choisis pour leur
valeur littéraire, humaine ou sociale. Il a donc un double objet : exercer les élèves à la
pratique de la langue et contribuer à leur enrichissement intérieur par l’étude de textes
représentatifs de la vie et de la pensée du peuple étranger. Ces deux préoccupations ne
devront jamais être dissociées. » (Puren 1988 : 230)
Pourtant, en dépit des préconisations du rédacteur de 1950 privilégiant les situations humaines
dans les textes littéraires, en espagnol l’objectif culturel, notamment dans les classes de lycée,
consistera surtout en une présentation hyperbolique du patrimoine hispanique, jusqu’au
milieu des années 1960. Pour Denis Rodrigues, jusqu’en 1969, on repère chez les concepteurs
de manuels d’espagnol un souci d’émouvoir les élèves au contact des réalités du monde
hispanique en adoptant « un ton souvent hyperbolique qui transforme les manuels en
véritables apologies de l’hispanité » (1989 : 49). Cette fonction est majoritairement attribuée
au texte descriptif (sont choisis pour cela des textes qui portent sur l’histoire, la géographie
des pays ou régions hispaniques), mais l’image est rapidement sollicitée pour cette même fin :
on peut notamment repérer cette tendance dans le manuel España de hoy, © Belin, 1954,
réalisé par Jean Bouzet : par exemple, page 14, une gravure présente un paysage de Galice,
dont les élèves sont invités à repérer les éléments caractéristiques.
B. L’image support à part entière en MA d’espagnol ; le tournant de 1969
En 1969 est publiée une importante instruction officielle pour les langues (circulaire n° IV
69-364 du 28 août 1969). Son rédacteur y constate que l’enseignement des langues vivantes
30 N’étant pas autorisé à publier les pages de manuels citées, je renvoie le lecteur à une annexe en fin d’article où
j’indique les références des ouvrages.
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est « en plein développement », voire « en pleine mutation ». Les nouvelles préconisations,
selon le rédacteur, « précisent, dans une perspective pratique plus nettement affirmée, le
rapport entre les deux objectifs [culturel et linguistique] qui s’imposent à l’enseignement des
langues vivantes. Elles ouvrent largement la porte, déjà entrebâillée, à des techniques
pédagogiques nouvelles, audio-visuelles ou audio-orales » (Ibid.). La méthodologie audio-
visuelle (désormais MAV), plutôt conçue au départ pour des apprenants adultes, fait alors son
entrée dans l’enseignement scolaire. La MAV des années 1960 n’est pas sans rappeler la
méthodologie directe : si l’on fait abstraction des évolutions technologiques intervenues entre
1901 et les années 1960 (le lieu emblématique de mise en œuvre de la MAV est le
« laboratoire de langues »), la pédagogie active, orale, directe, répétitive, est à nouveau à
l’œuvre en MAV, et le passage par la langue maternelle est à nouveau proscrit, comme
autrefois en MD. On observe dans les méthodes de langue relevant de la MAV une
organisation très rigoureuse du matériau linguistique, lexical notamment, comme en MD. Les
innovations technologiques de la MAV viennent donc en quelque sorte au secours de la MD,
et lui apportent une seconde vie (Puren, 1988 : 335). Dans la classe de langue en MAV, le
magnétophone et le projecteur d’images fixes sont les outils de base. Dès lors, puisque la
traduction est à nouveau impossible, le recours aux images situationnelles à fonction
dénotative redevient indispensable comme au temps de la MD, notamment pour élucider le
vocabulaire nouveau de chaque leçon. En enseignement scolaire en France, à la suite de la
publication de l’instruction de 1969, cette méthodologie MAV sera surtout pratiquée dans les
classes de débutants, en collège, ou avec les grands commençants, en lycée.
À la différence des autres langues (notamment l’anglais et l’allemand), qui vont adopter plus
ou moins progressivement le tournant audio-visuel (et son traitement de l’image dans cette
nouvelle méthodologie) ce n’est qu’à partir de 1969 que la méthodologie d’espagnol va
adopter vraiment la méthodologie antérieure, c’est-à-dire la méthodologie active. C’est
seulement à partir de cette date, selon Denis Rodrigues, que les documents à contenu plus
humain entrent en classe d’espagnol :
« […] au lieu de n’envisager la pédagogie que par rapport à un contenu figé, lié à une
conception élitiste de la culture, la pratique pédagogique redescend […] au niveau de
l’humain qui en est sa finalité. Associé à l’irruption de la fiction romanesque dans les
manuels, ce changement d’optique contribue à l’intrusion du psychologique et à une
perception moins humaniste qu’humanitaire de la civilisation hispanique. » (1989 : 54-
55)
À partir du milieu des années 1960, et plus particulièrement à la suite de la publication de l’IO
de 1969, la didactique de l’espagnol va donc suivre son chemin propre, en particulier en ne
retenant pas les principes méthodologiques de la MAV, alors qu’elle avait connu la méthode
directe au début du XXe siècle31. La méthodologie d’espagnol adopte donc à sa façon, et fort
tardivement, les principes de la MA, sorte de compromis, comme on l’a vu plus haut, entre la
méthodologie traditionnelle grammaire – traduction et la MD. Avec la méthodologie active,
le texte littéraire va acquérir le statut de support privilégié pour l’enseignement de la langue
31 Pour Alain Choppin (2002), le développement de la LV2 au collège à la même période offre à l’espagnol
l’occasion de se développer, notamment au détriment de l’allemand, alors que l’anglais va progressivement
s’adjuger le créneau de la LV1 et le statut de langue de communication. L’espagnol, qui est majoritaire en LV2
dès 1973, devra assumer tout à la fois le statut contradictoire de langue facile et de langue de culture. Voir sur ce
point mon article publié en 2009 dans Synergies Rivages de la Baltique (cf. bibliographie en fin du présent article).
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étrangère, mais en espagnol, le texte va progressivement, et pendant une assez longue période,
partager ce statut avec l’image, considérée alors comme un support à part entière.
C. Une stratégie alternative à l’audio-visuel
La méthodologie d’espagnol adopte donc tardivement les principes et les objectifs de la MA.
Et elle ne choisit pas seulement le texte littéraire pour cela : elle assigne aussi ces mêmes
objectifs à l’image, considérée comme un support à part entière : dans cette configuration
didactique originale initiée par les hispanistes dans les années 1970, l’image est un document
en soi, porteur de sens, complexe. À cet égard, on peut même dire que les préconisateurs de
la MA d’espagnol (inspecteurs, concepteurs de manuels, rédacteurs d’IO, mais à cette époque
ce sont souvent les mêmes…) vont utiliser sciemment l’image à contre-courant de la
conception des audio-visualistes. Aux images situationnelles de la MAV, images simples,
destinées à éviter la traduction, les hispanistes vont préférer des images de type artistique :
dessins d’auteur, bandes dessinées d’auteurs prestigieux, photographies, reproductions de
tableaux de maîtres. Ce choix est revendiqué officiellement. Dans les manuels, ces images
seront accompagnées d’un appareil didactique spécifique permettant leur commentaire oral
(voir plus loin). Au cours d’une table ronde radiodiffusée en 1976, animée par Jeanne
Fernández-Santos, alors IPR (elle sera plus tard IG) d’espagnol, Guy García, enseignant,
affirme qu’en espagnol
« le temps est révolu où l’image était […] le support, vite oublié, le prétexte à une
conversation qui, elle-même, n’était que prétexte à l’introduction de structures
linguistiques diverses, raccordées tant bien que mal à l’image abusivement chargée de
les justifier. » (MEN 1986 : 24)
J. Fernández-Santos ajoute : « Nous avons rejeté cette conception de l’utilisation de l’image.
Cela revenait à la traiter comme un objet neutre dont le contenu n’avait pas d’intérêt original »
(p. 25). Cette déclaration revient à faire de l’image un document appelé à recevoir un
traitement équivalent à celui d’un texte. Au cours de cette même table ronde, les participants
mettent par ailleurs en évidence les spécificités de l’image, notamment son caractère
polysémique, le fait qu’elle ne doive pas être considérée – s’agissant de la photographie –
comme « l’exacte reproduction de la réalité » (p. 25) ; dès lors, l’image n’est pas innocente
(ibid.). Ils ajoutent que l’image « n’est pas, en soi, un être de langue ; elle ne constitue pas,
comme le texte, un modèle linguistique », ce qui selon J. Fernández-Santos confère au
professeur une responsabilité importante : « […] l’efficacité linguistique du commentaire
d’image suppose que le professeur est réellement maître de la langue enseignée et que sa
préparation, à court et à long terme, est rigoureuse » (p. 32).
Cette conception du travail de commentaire sur les images durera longtemps en espagnol. Le
rédacteur de l’IO de 1988 (arrêté du 25 avril 1988, classes de première et de terminale), invite
à un guidage serré et rigoureux du travail sur les images, car selon lui si les élèves vivent
entourés d’images dans leur vie quotidienne, ils ne savent pas toujours les lire et peuvent donc
être manipulés par elles :
« Inscrites dans l’environnement quotidien des jeunes et très prisées par eux, les images
contribuent à l’entraînement à l’expression orale dont elles sont les déclencheurs,
notamment parce qu’elles n’opposent pas toujours à l’élève l’obstacle de la
compréhension de la langue. Mais, contrairement aux apparences, l’image n’est pas
facile d’accès. Il convient de la considérer comme un système codé, toujours porteur
de significations. Son observation et son interprétation requièrent une attention
vigilante, du discernement, de l’esprit critique ainsi qu’une initiation technique,
modeste certes, mais sans laquelle nulle exploration sérieuse n’est possible. Apprendre
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à regarder les images, qu’elles soient reproductions, transpositions artistiques ou
distorsions délibérées du réel, c’est contribuer à la formation de l’esprit et du goût et
c’est aussi prémunir contre certaines manipulations. » (MEN rééd. 2000 : 50)
Le commentaire d’images devra donc être aussi rigoureux et aussi méthodique que sur les
textes. Ce schéma de travail sur les images est donc fixé pour une période d’environ 30 à 40
ans (années 1960-années 2000, ou, d’une IO à l’autre, de 1969 à 2002). Et on va voir
s’implanter durablement dans les manuels une organisation en doubles pages, avec sur une
des pages un texte à expliquer, et sur la page d’en face une image, également à commenter, et
qui entretient avec lui un rapport d’opposition, de complément, de contrepoint, etc., selon les
cas.
D. La méthodologie audio-visuelle et l’approche communicative peu représentées en
espagnol
Au cours de la période 1960-1980, on ne trouvera que quelques collections relevant de la
MAV ou de l’AC en espagnol. On note tout d’abord une méthode réellement audio-visuelle,
équivalent espagnol de Voix et images de France, par les mêmes auteurs, ou presque : Vida y
diálogos de España (© Didier 1962). Dans ce genre d’ouvrage, les images sont, comme c’est
l’usage dans cette méthodologie, utilisées pour illustrer le dialogue de base ou des exercices
structuraux de manipulation grammaticale.
On trouve aussi quelques ouvrages relevant de l’approche communicative32, tels que ¿Qué tal
Carmen ? (© Armand Colin 1968), que Ch. Puren situe entre MAV et AC, notamment parce
que le texte des dialogues est disponible dans le manuel de l’élève dès la première leçon, ce
qui est contraire à la MAV qui privilégiait l’oral pendant une assez longue période, comme
on peut l’observer dans le premier volume de Vida y diálogos de España, manuel pour
débutants. L’élève avait alors grand besoin des images situationnelles pour se figurer le
contexte de communication. ¿Qué tal Carmen ?, à l’attention des grands commençants
(classes de 2de LV3) a été réédité plusieurs fois, alors que l’opposition de l’inspection générale
d’espagnol à cet ouvrage était très grande. On peut aussi relever Embarque Puerta 1 y 2 (©
Nathan, 1983-84, pour le collège) où l’utilisation de l’image comme appui au dialogue de
base est tout à fait représentative de ce type d’ouvrages33. Mais ces méthodes d’enseignement
resteront tout à fait à la marge, alors que la MA d’espagnol, et sa conception de l’image
présentée plus haut, sera très majoritaire. Les prises de position récurrentes des membres des
corps d’inspection d’espagnol contre la MAV ont été à cet égard déterminantes à l’époque.
On pourra s’en convaincre en lisant, dans l’arrêté du 14 mars 1986 fixant les programmes de
la classe de seconde, les propos suivants clairement opposés aux méthodes répétitives de la
MAV de la part du rédacteur pour l’espagnol, qui leur préfère une reprise des formes
linguistiques en situation de commentaire de document :
32 L’Approche Communicative (AC) est apparue au cours des années 1970, en réaction à l’échec des méthodes
audio-visuelles : trop centrées sur la répétition de structures, ces méthodes qui privilégiaient l’oral ne permettaient
cependant pas assez à l’apprenant de s’exprimer en tant que locuteur responsable. L’AC cherche à prendre en
charge la globalité de la situation de communication ; elle proclame l’émergence du sujet apprenant, prend en
compte l’erreur comme trace de la démarche d’apprentissage, et promeut une éthique de la rencontre avec l’autre
à travers des dispositifs pédagogiques tels que le jeu de rôle et la simulation. Dans les manuels, les images
situationnelles, comme dans la MAV, sont très présentes, pour illustrer les situations de communication.
33 Par exemple, pages 30-31, des jeunes font un pique-nique dans la campagne de Ségovie. Arrivent de jeunes
motards qui leur demandent leur chemin. Les images illustrent la situation (installation du pique-nique, dialogue
avec un des motards).
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« Le professeur fait en sorte que les formes grammaticales soient utilisées dans les
situations vivantes qu’offrent les documents à commenter. Étant donné la variété de
ces documents, l’élève est amené à réemployer de façon naturelle les mêmes formes
dans des situations différentes. Il parvient à les assimiler grâce à ces réemplois et à leur
mémorisation à la maison. On évalue réellement cette assimilation, non point à travers
des exercices qui entrainent l’emploi mécanique d’une langue purement formelle […],
mais en pratiquant des exercices qui incitent à mettre les structures au service d’idées,
de sentiments et d’opinions personnelles que l’on veut communiquer » (MEN, rééd.
2000 : 33-34).
Alors que l’anglais et l’allemand cherchent à former des communicateurs, en adoptant
successivement la MAV et l’AC, l’espagnol entend faire des élèves des commentateurs de
documents en s’en tenant à la MA. On notera au passage l’allusion de la part du rédacteur à
la variété des documents : c’est un point très important. De fait, puisque la méthodologie
active d’espagnol était à l’époque unique et non négociable, le seul paramètre à la disposition
des enseignants pour « aérer » les cours était la possibilité de varier les documents, afin de ne
pas lasser les classes. C’est dans ce contexte qu’il faut replacer l’utilisation très importante
des images « supports » dans les cours d’espagnol. Les images viennent alors en contrepoint
des textes littéraires, elles « dialoguent » en quelque sorte avec ces derniers, elles apportent
un autre éclairage, elles ne sont pas seulement une illustration ; la contrainte méthodologique
donne lieu à une contribution tout à fait originale de la part des acteurs de la didactique
scolaire de l’espagnol.
La didactisation très spécifique des images à partir des années 1970 est révélatrice de cette
évolution méthodologique tout à fait particulière de l’espagnol en France, que j’ai modélisée
dans plusieurs de mes travaux au moyen du concept d’« ellipse méthodologique » (Lenoir,
2009a et 2009b). En évitant la MAV des années 1960, puis l’approche communicative des
années 1970 pour leur préférer le maintien de la méthodologie active, la didactique de
l’espagnol a cheminé en quelque sorte « en solitaire » pendant une quarantaine d’années,
II. Une autonomie toute relative des images en MA d’espagnol
A. Un dialogue original texte-image en MA d’espagnol
Si la contribution d’illustrateurs était indispensable pour la MAV et l’AC, seuls quelques rares
concepteurs de manuels pour la MA y ont fait appel : en MA d’espagnol, ce sont plutôt des
concepteurs de matériels didactiques pour débutants qui l’ont fait, comme Albert Mercier
avec Pueblo première année d’espagnol (© Armand Colin 1965, collège), Jean-Paul Duviols
pour Sol y sombra classe de quatrième (© Bordas 1979), ou Maurice Aigoin pour Díselo (©
Hatier 1995, pour le collège). Cela est d’autant plus nécessaire que dès les niveaux de
débutants, on introduit des textes assez longs, en MA d’espagnol, pour former des
commentateurs34. À ces exceptions près, l’image est utilisée pour constituer un support de
travail à part entière, et donc pour recevoir le même traitement que les textes ; souvent, elle
est mise en rapport avec le texte dans une approche assez complexe.
On peut par exemple trouver dans Gran Vía classe de seconde (© Didier, 1991) ce
« dialogue » entre un récit à tonalité fantastique dans lequel, sous la plume de Manuel
Vázquez Montalbán, un couple d’automobilistes prend une auto stoppeuse qui disparaît de la
34 J’ai parlé à ce propos d’ « ellipse curriculaire », puisque la problématique du débutant était en quelque sorte
« effacée » en espagnol (Lenoir 2009a, p. 216).
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voiture après avoir annoncé un virage dangereux, et la reproduction d’une « vanité », huile
sur toile de Pedro de Camprobín, La Mort et le jeune homme, du XVIIe siècle. De tels
rapprochements peuvent être stimulants, mais en l’espèce, le traitement didactique du tableau
est tout de même assez ambitieux. Par exemple, on trouve cette question où l’élève est invité
à relever les éléments symboliques de la nature morte sur la table qui se trouve entre les deux
personnages représentés. Dans Conéctate classe de première (© Hatier 2002), une double
page associant un texte de Mario Benedetti où un peintre se demande comment représenter
l’horreur d’Hiroshima, et un tableau de Herman Braun-Vega, où le peintre péruvien cite L’art
de la peinture, de Vermeer. Il s’agit dans les deux documents de mettre en évidence la
responsabilité de l’artiste. Là aussi, la didactisation est très ambitieuse : on demande aux
élèves d’effectuer des mises en rapport tout à fait subtiles entre le texte et la reproduction du
tableau de Herman Braun-Vega, et il est permis de se demander si l’étayage, notamment en
termes d’apports linguistiques, est suffisant pour que les élèves puissent réaliser ce travail.
Dans Puerta del sol classe de première (© Delagrave 2005), c’est parfois le texte qui doit
fournir le matériau langagier nécessaire au commentaire de la photo : je retiens par exemple
cette double page où les élèves doivent d’abord relever tout ce qui dans un extrait de roman
sur l’exil espagnol à la fin de la guerre civile permet de commenter une photo de Robert Capa
sur la même question.
B. Un guidage trop étroit
Malgré les précautions envisagées par les membres des corps d’inspection citées plus haut,
malgré les précisions apportées par les rédacteurs de textes et instructions (comme dans
l’extrait cité de l’instruction de 1988), le traitement didactique de l’image dans les matériels
relevant de la MA d’espagnol aura eu tendance à enfermer les élèves dans des normes de
présentation qui leur ont en fait laissé peu de marge de manœuvre. Et même, dans de
nombreux cas, on peut se demander si le traitement de l’image n’instrumentalisait pas
fortement cette dernière. Par exemple, dans La palabra viva 1 (© Hatier 1976, collège), figure
ce « dialogue » entre une photo prise dans une mine de Bolivie et un extrait de roman néo-
réaliste de l’après-guerre espagnole, où le personnage est un paysan qui a décidé d’entrer à la
mine, dans les années 1950. Dans le dossier pédagogique, le traitement didactique de la photo
est très contraignant, et on note des effets de placage, avec des structures à faire réemployer
telles que « il est bien connu que … (la mine est dangereuse, etc.) ».
On peut noter par ailleurs une tendance récurrente à demander aux élèves de s’interroger sur
l’état d’esprit des personnes peintes ou photographiées, et, s’agissant notamment des photos,
sans donner toujours assez d’information sur les conditions dans lesquelles les clichés ont été
pris. Dans Lengua y vida 2 (© Hachette 1980, collège), à propos de la photo d’une jeune
pionnière cubaine, on trouve dans le cahier de l’élève des propositions de commentaire très
ambitieuses. Les concepteurs proposent un vocabulaire qui associe trop étroitement des
objectifs langagiers (le vêtement, l’expression du visage) et culturels (une jeune femme,
membre d’une brigade d’étudiants en mission à la campagne, peut-être…). Mais en réalité on
ne sait pas exactement où et à quelle occasion la photo a été prise. Dans le même ordre d’idées,
les concepteurs de Díselo (© Hatier 1995, collège) proposent un guidage du commentaire des
photos qui a tendance à extrapoler à l’excès le sens à donner au document, comme par
exemple avec cette photo d’un indien, musicien des rues dans une localité proche du lac
Titicaca : les élèves doivent émettre des hypothèses sur la manière de jouer, sur la nature de
la mélodie…
En réalité, le guidage finalement très serré pour faire travailler les élèves sur ces documents
qui ne sont pas des « êtres de langue », comme disent à l’époque les membres des corps
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d’inspection35, est dicté par le souci permanent de susciter l’expression orale dans les classes.
J’y vois personnellement une trace du paradigme direct de la MA d’espagnol. En MA
d’espagnol comme à l’époque de la MD, il était fortement préconisé de stimuler l’expression
orale, aussi « spontanée » que possible, chez les élèves. Et paradoxalement, pour que cette
expression orale puisse advenir, les concepteurs l’ont considérablement étayée par des
amorces de phrases autour du document iconographique, ou par des conseils très étroits aux
enseignants dans les livrets pédagogiques. Dès lors, au cours de cette période, l’expression
orale des élèves a-t-elle toujours été aussi autonome ? Il est permis d’en douter.
III. Dernières tendances avec la Perspective Actionnelle du CECRL
Au XXIe siècle, la didactique de l’espagnol a dû rejoindre celle des autres langues, plus
ou moins contrainte et forcée par la politique linguistique volontariste du Ministère, avec
l’avènement de la perspective actionnelle (désormais PA) initiée par les rédacteurs du Cadre
Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL), publié en France en 2001, et
adopté en 2005 par une loi d’orientation (BO n° 18 du 5 mai 2005) (Lenoir 2009a et 2009b).
Avec la mise en œuvre de cette nouvelle configuration didactique initiée par le Cadre, l’image
était susceptible de pouvoir prendre place dans des démarches de projets dans lesquelles les
élèves sont invités à s’impliquer collectivement. Dès lors, il ne s’agit plus seulement de
contempler, ou d’admirer de belles images, il peut également s’agir d’en créer, et de soumettre
ces créations à la validation du groupe ou d’un public plus large. Il faut alors acquérir des
connaissances et des savoir-faire, se construire une compétence de communication située,
apprendre à travailler ensemble, tenir ses engagements, en somme prendre place en tant que
sujet social dans un projet collaboratif.
Les concepteurs pour l’espagnol se sont saisis des possibilités offertes par la Perspective
actionnelle, mais ils n’ont pas pour autant abandonné les configurations didactiques
antérieures, dont la MA. C’est ainsi que l’on peut trouver dans les manuels édités à partir des
années 2005, diverses utilisations de l’image, représentatives de divers courants
méthodologiques.
Je relève par exemple ces deux utilisations « actionnelles » de l’image dans deux manuels de
lycée : ¡Apúntate ! classe de seconde (© Bordas 2008), et Nuevas voces, classe de première
(© Didier 2011). Dans ¡Apúntate !, les élèves doivent étudier le scénario et la mise en images
dans deux BD fort différentes en termes de graphisme, mais qui toutes deux ont à voir avec
l’enfance au travail, après quoi ils doivent s’organiser pour créer une BD sur ce même sujet,
dans une perspective dénonciatrice. Une exposition des travaux est prévue. Dans Nuevas
voces, il faut d’abord rechercher des informations sur des légendes ou des croyances dans le
monde hispanique, et en présenter une sous la forme d’une page HTML qui, après validation,
pourra être incluse dans l’ENT de l’établissement. Ces travaux sont donc à réaliser en sous-
groupes, la classe entière étant en fin de projet le cadre de la présentation des objets réalisés.
Dans d’autres manuels récents, l’utilisation de l’image peut encore faire penser à la MA : par
exemple, dans A mí me encanta classe de 3ème (© Hachette, 2017), p. 62, une image
humoristique est à commenter, avec le guidage de questions. Un homme offre un énorme
bouquet de fleurs différentes à sa femme en expliquant qu’il ne se souvenait plus de ses fleurs
préférées. Le bouquet est démesuré. Dans Escalas classe de 1ère (© Hatier, 2015), les textes
35 Cf. ces propos de J. Fernández Santos, au cours de la table ronde de 1976, déjà citée : « […] l’image est toujours
interprétée, dans nos classes, par rapport à un certain code linguistique, et commentée de même, mais elle n’est
pas, en soi, un être de langue ; elle ne constitue pas, comme le texte, un modèle linguistique ». Ibid., p. 32.
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proposés à la compréhension de l’écrit sont en quelque sorte « introduits » par une
iconographie qui figure en haut à droite de la page, insérée dans le coin droit du texte : leur
commentaire guidé par une question spécifique permet de mieux repérer la thématique
abordée. Un peu plus loin (p. 73), il s’agit de comprendre qui sont les « patronas » au
Mexique ; ces femmes qui se placent le long d’une voie ferrée très utilisée par les migrants
vers les Etats-Unis distribuent de la nourriture aux passagers clandestins des trains de
marchandises. Dans Pasarela Terminale (© Hachette, 2016), les textes sont illustrés par des
images, comme au meilleur temps de la MA ; page 123, un texte sur Emiliano Zapata est
illustré par une photo d’époque du personnage. Dans Enfoques classe de 1ère (© Hachette,
2016), pages 112-113, à propos de Mémoire historique, la double page associe un article de
El País à propos de l’inauguration en 2015 du « jardin des combattants de la Nueve » par le
roi Felipe VI et Anne Hidalgo, maire de Paris, espagnole et fille de républicains, une photo
prise à cette occasion, et une page de la BD « La Nueve », de Paco Roca. Ces documents sont
à prendre en charge ensemble au moyen d’un guidage approprié. En synthèse, une question
propose d’imaginer une conversation préparatoire entre le dessinateur et son témoin, ancien
membre de la Nueve36 : les simulations étaient la tâche de prédilection de l’approche
communicative.
Conclusion
L’introduction et l’utilisation massives de l’image dans les manuels d’espagnol au cours des
années 1960 auront donc été le résultat d’une réaction contre les images situationnelles de la
MAV (dans laquelle l’image n’avait alors qu’une fonction d’illustration de dialogues
fabriqués), afin de maintenir, quel que soit le support d’enseignement apprentissage, une
méthodologie unique (la méthodologie active, en l’occurrence) fondée sur le commentaire de
documents authentiques. C’est pourquoi, à partir du milieu des années 1960, on a pu repérer
dans les manuels d’espagnol des formes d’association texte-image originales, dans lesquelles
l’image avait le statut de support à part entière, dans le cadre d’une association thématique
avec un texte, afin de pouvoir être commentée comme ce dernier. Si quelques équipes de
conception de manuels d’espagnol ont fait appel à des illustrateurs (dans ce cas, l’image avait
pour seul rôle celui de contribuer à une meilleure compréhension du texte étudié, à l’instar de
la MAV), dans la très grande majorité des manuels publiés entre 1970 et 2000, les images
sont des reproductions d’œuvres picturales, de dessins, de BD, des photographies d’auteurs,
etc., choisies pour être commentées, comme les textes. Les progrès techniques de l’édition
aidant, dès les années 1980 on voit apparaître dans les manuels d’espagnol une iconographie
très riche et très variée, d’une grande qualité esthétique le plus souvent.
Cependant, pour pouvoir être commentée comme un texte, l’image a dû à l’époque recevoir
en espagnol un traitement didactique particulier de la part des concepteurs, en termes
d’apports lexicaux spécifiques et / ou de guidages plus ou moins étroits, afin que les
productions langagières des élèves soient facilitées, voire très étayées. Dès lors, l’autonomie
langagière et de pensée des élèves était toute relative. Parfois même, la signification de
l’iconographie retenue par les concepteurs pouvait passer au second plan derrière leur volonté
de faire réactiver certains contenus langagiers par les élèves.
Il convient de souligner le très grand savoir faire et la grande créativité qu’ont su se donner
les enseignants d’espagnol au cours de cette longue période de méthodologie active
36 La 9e compagnie du régiment de marche du Tchad faisait partie de la fameuse 2e division blindée du général
Leclerc. Elle a été surnommée “La Nueve” car elle comptait de nombreux républicains espagnols.
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d’espagnol, notamment en matière de choix de supports (et donc d’images). Toutefois, le
paradigme direct de la MA d’espagnol aura cependant représenté un frein à cette créativité,
car à trop vouloir encadrer l’expression orale des élèves, les concepteurs n’ont pas tiré
nécessairement tout le parti possible des potentialités d’une iconographie pertinente, riche et
variée. La perspective actionnelle issue du Cadre Européen Commun de Référence pour les
Langues (CECRL) publié en 2001 rend aujourd’hui possibles des approches plus
constructivistes, plus diversifiées, plus respectueuses de la culture d’apprentissage des élèves
d’aujourd’hui et de leur désir d’autonomie, mais il n’est pas certain que les équipes de
conception de manuels aient pris le parti d’utiliser toute la marge de manœuvre qu’autorise
cette dernière configuration didactique. Elles ont plutôt choisi de conserver vivant l’héritage
méthodologique que la didactique de l’espagnol et des langues leur avait légué, tout en prenant
en compte la nouvelle donne.
Glossaire37
MD : méthodologie directe
MA : méthodologie Active (instructions officielles de 1920, puis circulaire du 1er décembre
1950) ; méthodologie active d’espagnol, depuis l’instruction de 1969 jusqu’à celle de 2002.
MAV : méthodologie Audio Visuelle (introduite dans les années 1950).
AC : approche Communicative (introduite dans les années 1970).
PA : perspective actionnelle (initiée dans le CECRL, 2001).
Corpus des manuels scolaires cités (ordre chronologique) :
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Paris : Armand Colin, 224 p.
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Duviols, J.P. (1979). Sol y sombra, classe de quatrième, deuxième langue. Paris : Bordas,
219 p.
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Paris : Hachette, 190 p.
Pissavy-Veneau, A-M. (1983). Embarque Puerta 1, Classe de quatrième seconde langue.
Paris : Nathan, 159 p.
37 Pour une présentation synthétique de ces différentes configurations didactiques, je renvoie au glossaire de
termes didactiques que j’ai élaboré dans Lenoir et al., 2015, pp. 314-348. Pour une approche approfondie,
l’Histoire des méthodologies de Ch. Puren (1988) est un incontournable.
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deuxième année. Hatier : 191 p.
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première. Paris : Hatier, 252 p.
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¡Apúntate !, classe de seconde. Paris : Bordas, 223 p
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Rosello, S. (2016). Enfoques classe de 1ère . Paris : Hachette, 2016, 222 p.
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Références bibliographiques
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Rééd. Août 2000. Paris : CNDP.
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le site Les revues synergies du gerflint : https://gerflint.fr/Base/Baltique6/lenoir.pdf
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direction de J.F. Botrel. Université de Haute Bretagne.
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Cartographique, photographique, numérique, trois idéaux-types pour les manuels de géographie (1719-
2017)
Cartographic, photographic, digital, three ideal-types for geography textbooks (1719-2017)
Jean-Pierre Chevalier Professeur émérite, Ecole Mutations Apprentissages EA 450, Université Cergy-Pontoise, France
jean-pierre.chevalier@u-cergy.fr
Jusqu’à la fin du XIXe siècle la géographie s’est enseignée avec les cartes pour quasiment
seules images, complétées par quelques gravures. Au XXe siècle la géographie scolaire a de
plus en plus recours à des photographies. Succédant aux films et aux vidéos analogiques, les
images numériques sont un nouveau paradigme épistémologique pour la géographie scolaire.
Mots-clés : cartes, photographies, images numériques, géographie scolaire
Until the end of the 19th century, geography was taught with maps, almost alone images,
except some engravings. In the 20th century school geography increasingly used photographs.
Succeeding analog movies and videos, digital images are a new epistemological paradigm for
school geography.
Keywords: maps, photographs, digital images, school geography
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Cet article actualise une conférence faite en février 2012 à Montpellier dans le cadre de la 8ème
journée Pierre Guibbert sur les manuels scolaires38. Ces livres sont des objets fréquemment
étudiés, plus commodes à observer que les situations de classe, surtout si l’on veut s’interroger
sur les pratiques du passé. Dans la mesure où il s’agit de produits commerciaux, ils nous
informent du quotidien des classes. L’importance de la diffusion de certaines collections est
un indicateur non négligeable des prescriptions institutionnelles et des usages qui en
découlent. Au sein des manuels, l’iconographie tient une place particulière : son étude relève
d’approches spécifiques, différentes de celles permises par les écrits du livre. Trois grandes
familles d’approches peuvent être distinguées, celles que l’on qualifierait d’iconique, de
didactique et de conceptuelle.
Par approche iconique, on peut entendre celles qui portent sur la nature des images et sur le
fonctionnement des images dans le livre. Des typologies permettent de distinguer les dessins
et les photographies qui nous présentent des images proches de la vision humaine, tandis que
d’autres images s’en éloignent : « fausses couleurs » pour voir l’infrarouge ou l’ultraviolet,
images issues de la radioscopie, de l’IRM ou des radars. Certaines images sont muettes, sans
écrit, tandis que d’autres comme la plupart des cartes, étaient qualifiées autrefois de
« parlantes » avec leurs toponymes écrits. Quand les images sont des schémas, des graphiques
ou des graphes, leur rapport au réel perd une très grande partie de son aspect figuratif et le
degré d’abstraction est encore plus élevé quand on arrive à la mise en tableau de mots ou de
chiffres. Les images des livres sont souvent agencées et peuvent présenter des emboîtements :
cartouches, cartons, vignettes. Au sein d’un livre, une image peut aussi participer de relations
inter iconiques : série séquentielle, emboîtement d’échelles, images de nature différente d’un
même objet (photo et carte), images sous des angles différents (vue du sol, vue oblique et vue
verticale). Au sein du livre scolaire, y compris dans les atlas, les images sont en relation avec
le texte au sein du « système manuel » (Niclot, 2001) avec leur titre et leur légende, avec le
texte courant, voire avec des questions portant spécifiquement sur l’image.
Les approches didactiques des manuels scolaires s’intéressent aux différentes activités que
permettent les images du livre : lire, modifier, produire (Mottet, 1997). Lire les images du
livre c’est prélever des informations sur des images informatives, souvent en étant guidé par
des séries, parfois organisées dans des logiques allant du particulier au général, ou de
l’observation au questionnement plus large en comparant, en coordonnant, en changeant de
point de vue, en la confrontant à d’autres informations. Par contre, le manuel scolaire n’est
que rarement le support d’images à modifier par détourage, par surlignage, mais parfois à
décalquer, ou à remettre dans un ordre spatial ou temporel. Ce genre d’activités est plus facile
avec les livrets élèves et davantage encore avec les manuels numériques. Les manuels
proposent plus rarement de produire des images à l’aide d’invites à agrandir par quadrillage
ou à faire un schéma graphique, un croquis d’une photographie, sauf peut-être en géographie.
On pourrait définir comme approche conceptuelle les travaux qui, s’appuyant sur l’analyse
des images du livre, cherchent à mettre en valeur des concepts, des partis pris. Ainsi les images
ont souvent été l’objet d’études de type social studies. Les études sur les valeurs transmises
par l’école (Blanc, 2008) et les études de genre s’en servent tout particulièrement. En
géographie, l’inventaire des photographies permet de cartographier les lieux privilégiés
(Mendibil, 2000) ou l’étude du cadrage des cartes (Chevalier, 2001) et, plus largement,
d’identifier des notions géographiques (Wastable, 2011). Mais les images toujours
38 8ème Journée d’études Pierre Guibbert, Les images dans les manuels scolaires, IUFM de Montpellier, 1er
février 2012. Récupéré sur le site des journées Pierre Guibbert :
http://www.fde.umontpellier.fr/internet/site/cedrhe/_img_cedrhe/jepg/jepg_id_26.pdf.
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polysémiques entrent difficilement dans des catégorisations, d’où le choix de Didier Mendibil
de s’appuyer sur le titre choisi pour les légender et ainsi travailler sur l’intentionnalité de
l’auteur du livre (Mendibil, 1999).
La géographie est en effet un des cadres privilégié d’apprentissage de la lecture, a priori non
esthétique, de diverses images. Le livre de géographie, depuis qu’il est devenu manuel
scolaire, est un livre d’images. Il s’agira ici de combiner ces approches iconiques et
didactiques avec l’épistémologie de la géographie en tant que discipline scolaire ; faisant
l’hypothèse qu’il existe des rapports forts entre les outils à disposition du maître et les
pratiques scolaires, plus largement entre les évolutions technologiques dans la fabrication des
images et l’épistémologie de la géographie scolaire. Ces rapports ne sont pas mécaniques. La
généralisation de la double page ne relève pas d’une nouveauté technologique dans
l’imprimerie, mais d’un choix pédagogique (Prévot, 1973, préface). De même les nouveautés
dans la mise en page typographique au milieu du XIXe siècle relèvent à la fois de l’évolution
des techniques et des demandes des auteurs. Les nouvelles possibilités technologiques
proposent et les pédagogues disposent. Ce qui permet de distinguer trois périodes associant
l’épistémologie de la géographie scolaire et l’édition : la géographie scolaire cartographique,
la géographie scolaire paysagère photographique, l’émergence d’une géographie scolaire
numérisée.
I. Des livres pour une géographie cartographique et mnémonique
Du XVIIIe au XIXe siècle, l’enseignement de la géographie est, du point de vue des images
essentiellement cartographique. Il s’agit avant tout de mémoriser des noms de lieux et de les
localiser, la carte est la principale image d’appui. Ici se combinent le statut des cartes dans le
livre et les évolutions technologiques de l’imprimerie.
A. Une géographie scolaire
Jusqu’à la généralisation de l’enseignement simultané, il est difficile de distinguer le manuel
scolaire des autres livres éducatifs (Choppin, 2008) et de différencier les atlas des cartes
publiées séparément. Les gravures représentant Louis XVI enfant devant les cartes de son
royaume ou la Leçon de géographie de Girodet (Chevalier, 2005) témoignent de l’usage des
cartes pour adultes dans l’apprentissage de la géographie, cartes que l’on peut retrouver
regroupées dans les petits « atlas portatifs » édités au tout début du XIXe siècle. Alors que la
plupart des géographies sont sans aucune iconographie, (Nicolle de la Croix, éd. 1773), même
si quelques rares atlas didactiques en particulier l’Atlas Methodicus (Homann, 1719)
contiennent des cartes conçues pour des exercices, muettes codées uniquement avec la lettre
initiale des noms, la table de l’ensemble de ces noms étant développée à part ; dès le XVIIIe
siècle, on voit apparaitre des relations entre le texte et la carte.
« Dans les autres Editions de cet Ouvrage, on n’avoit inséré aucunes Cartes ; on a cru
le rendre plus utile en y plaçant celles qui sont nécessaires pour l’usage de ce Livre.
Tous les Lieux dont il est fait mention dans cette Géographie, se trouvent sur ces Cartes,
à l’exception de quelques-uns qui ont été marqués d’une Etoile. La position des Lieux
qui ne se trouveront pas dans les Cartes de cet abrégé est tellement indiquée dans le
Livre, qu’il sera facile de la déterminer sur la Carte. » (Gibrat, 1776, p.VII).
La séparation des cartes est une question d’imprimerie. D’un côté les typographes composent
des livres, de l’autre des graveurs tracent des cartes sur des plaques de métal et les deux sont
imprimés séparément. Ainsi, une édition tardive de la célèbre géographie de l’abbé Gaultier
(De Blignières et al., 1866) se compose toujours d’une part du livre proprement dit, 364 pages
au format 9x14 sans illustration, et d’autre part de 15 cartes coloriées et d’une feuille du jeu
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d’étiquettes à poser sur les cartes muettes (Olivier, 1990). Quand les cartes sont insérées dans
le livre, sous forme de tirés à part, cela peut donner lieu à des décalages chronologiques
surprenants. Ainsi l’auteur d’une édition de 1823 de la géographie dite de Crozat (Libraires
Associés, 1823) nous indique que l’ouvrage est conforme aux traités de 1814 et 1815 et que
« cette nouvelle édition est ornée de 7 cartes faites d’après les changemens qu’ont fait subir
à l’Europe et aux trois autres parties du monde, et la révolution française, et la rapidité de
nos conquêtes » (page vij). En effet alors que les 364 pages tiennent compte de la géographie
politique de 1823, la carte (de format déplié 35 x30 cm) insérée entre les pages 40 et 41 nous
présente une France dont les départements s’étendent encore des bouches de la Weser
jusqu’aux Apennins, comme en 1811. Par contre, ce livre, comme d’autres ouvrages de cette
époque, comprend quelques gravures insérées dans le texte présentant la géographie
astronomique, « enrichie de vingt-huit figures instructives pour la démonstration des
premiers éléments de la sphère ». Mais, excepté ces quelques pages, il ne peut y avoir de
relation entre le texte et l’iconographie. En 1871, une des dernières éditions de la géographie
d’Achille Meissas et Auguste Michelot ne contient toujours aucune carte ou autre illustration,
alors que l’éditeur propose tout un dispositif didactique conçu par ces auteurs : livres de
géographie autorisés par le Conseil de l’Instruction publique, atlas « qui leur sont affectés »
avec des cartes au format de livres39, de grandes cartes murales coloriées, muettes et écrites40.
« Les petites cartes murales conviennent aux classes dans lesquelles les grandes cartes ne
peuvent être placées à cause de leur dimension. Les questionnaires des grandes cartes peuvent
être utilisés pour les petites. Le collage sur toile avec gorge et rouleau, et vernissage, se paye
en sus » (Meissas & Michelot, 1871, p. X). Toutes ces images sont séparées du livre. Certains
prétendent même que la géographie s’apprendrait « sans le livre » (Lebrun & Le Béalle,
1851), c’est-à-dire en fait sans le texte, uniquement avec des cartes que l’on observe, que l’on
copie, que l’on trace.
« Cette manière d’enseigner la géographie aux enfants, par la raison même qu’elle est
la plus simple et la plus facile, promet d’excellents résultats. En général, c’est à l’aide
d’un livre qu’on leur inculque les connaissances géographiques, et la carte jointe à ce
livre n’est qu’accessoire. Et cependant, il est à remarquer que c’est la carte que nous
avons étudiée et que nous nous représentons dans l’esprit, quand il est question pour
nous d’un nom géographique ou d’un point quelconque à la surface du globe. A ce
compte, l’étude de la géographie se fait plutôt dans la carte que dans le livre, et cette
nouvelle méthode que présentent MM. Lebrun et Le Béalle paraît préférable à toute
autre, surtout pour les enfants » (Louandre, 1859).
Le tracé du croquis cartographique que ce soit au tableau ou par différents procédés dans le
cahier devient primordial (Robic, 1991). Il est présenté comme associé à la méthode intuitive,
alternative à l‘apprentissage par cœur de sèches listes de nomenclatures (Levasseur, 1878).
Cette primauté de la carte sous toutes ses formes, feuille imprimée, carte murale, atlas, voire
« reliefs » est manifeste dans les sections instructions de expositions internationales, à Vienne
en 1873 (Buisson, 1875) comme à Philadelphie (Buisson, 1878).
39 19 cartes grand raisin39 (50 cm sur 65 cm), 17 cartes quart jésus (14 x 19cm), des cartes muettes pour des
exercices cartographiques sur grand raisin et des feuilles d’exercices lithographiées demi-carré (22,5 cm sur 28
cm).
40 D’un format de 1,8 m sur 2,3 m à composer en collant de 16 à 20 feuilles de plus petite taille.
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B. Les livres-atlas
Le bond qualitatif dans l’iconographie des manuels de géographie est l’apparition des livres-
atlas ou textes-atlas. C’est aux États-Unis que le Suisse Arnold Guyot inaugure le dispositif
(Nietz, 1961). Emile Levasseur les a observés lors de l’exposition de Philadelphie et les
introduit en France (Levasseur, 1868). Sa Petite géographie de la France et de ses colonies,
à l’usage des écoles primaires se compose de 23 pages, soit 50 leçons regroupées en 13
chapitres. Les pages du livre au format in-4° oblong sont deux fois plus grandes que les précis
de géographie des décennies précédentes. L’iconographie est sobre, sans couleur, 27 cartes et
25 gravures. Seules trois pages ne comportent pas d’illustration (Benoît, 1992). Rapidement,
avec le recours de l’impression en couleur grâce à l’invention de la lithographie, la puissance
suggestive des cartes se renforce, ce qui fait le succès des livres-atlas de Pierre Foncin :
Première année de Géographie (1875) préparant au certificat d’études primaires, Deuxième
année pour le brevet élémentaire, puis une Troisième année. Ces manuels scolaires proposent
de nouveaux dispositifs, leur lecture n’est plus exclusivement linéaire ; des textes et des
images de statut différent se juxtaposent. Les cartes et les leçons sont systématiquement
« mises en regard ». Chaque titre de leçon est sous-titré par cette consigne « Suivre sur la
carte ». Les textes-atlas du Cours complet d’enseignement primaire conçus par Henry
Lemonnier et Franz Schrader sont eux aussi fondés sur les facultés d’observation et de
raisonnement. En 1890 un décret rend obligatoire dans les écoles publiques un petit atlas
élémentaire de géographie pour les élèves de cours moyen (9-10 ans) et un atlas de géographie
pour ceux du cours supérieur (11-12 ans)41. Lemmonier et Schrader écrivent alors :
« C’est en évitant les longues énumérations, en préparant les enfants à apprendre ce
qu’ils ne peuvent savoir du premier coup, en leur offrant un enseignement à la fois
simple et concret, en les habituant à regarder, pour les façonner à voir et à réfléchir,
que nous avions essayé de mettre en œuvre cette méthode. Nous n’avons plus besoin
aujourd’hui de revenir sur ces idées, où nous nous trouvions d’accord avec beaucoup
de géographes et d’éducateurs. Il nous sera pourtant permis de dire qu’elles ont reçu
depuis dix ans une consécration officielle, aussi bien dans l’instruction secondaire que
dans l’instruction primaire. » (Lemonnier & Schrader, 1890).
Il faut pourtant nuancer cette opinion, le même Schrader est aussi directeur d’une collection
de livres pour l’enseignement secondaire qui ne ressemblent en rien aux manuels du primaire :
peu de cartes et petit format in-8°. Chez Armand Colin, l’éditeur de Foncin, comme chez les
autres éditeurs on constatera jusque dans les années 1970 le même contraste entre des livres
majoritairement au format in-4° pour le primaire et des livres de plus petite taille et beaucoup
moins illustrés pour le secondaire. Si ce contraste est manifeste dans le dernier tiers du XIXe
siècle au temps d’une géographie scolaire cartographique, le décalage s’accentue avec
l’apparition de la photographie.
II. Les géographies, des livres d’images
L’invention de la photographie par Niepce en 1826 n’a eu dans l’immédiat guère d’effets sur
la géographie scolaire. Dans les livres scolaires, comme dans la grande presse les gravures, y
compris d’après photographie, ont pendant longtemps été les seules illustrations analogiques
de personnages, de monuments ou de paysages. Pourtant progressivement les livres de
41 Décret portant règlement d'administration publique sur le matériel obligatoire d'enseignement, les livres et les
registres scolaires dans les écoles publiques (29 janvier 1890), cité par F. Buisson à l’article Matériel
d’enseignement.
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géographie vont peu à peu se transformer en albums photo et plus largement en livres
d’images. Aujourd’hui, l’ensemble de l’iconographie couvre plus de la moitié de la surface
éditoriale dans les livres du primaire (Chevalier & Picrel, 2010) et de lycée (Mathieu, 2007).
A. Les gravures comme illustration
Les livres atlas de Foncin, de Lemonnier et Schrader et même ceux plus tardifs de Pierre
Vedel, Eugène Bauer et Edmond de Saint-Etienne (1895-1917) ne contiennent aucune
photographie, alors qu’ils contiennent des dizaines de gravures et de cartes. Leur livre pour le
cours supérieur (Vedel et al., 1899) propose tout d’abord une série de schémas pour illustrer
la cosmographie, comme on pouvait déjà en voir dans les livres, un siècle auparavant, à la
différence qu’elles sont désormais en couleur et de plus grande taille. Ensuite chaque
continent bénéficie d’une page entière où de haut en bas se succèdent un graphique comparant
la longueur des fleuves, une gravure schématique rassemblant, avec force exagération du
relief, les principaux sommets du continent pour les comparer et ensuite un tableau composé
représentant les types humains, les animaux et les productions du continent. Pour l’Asie nous
voyons au premier plan des Japonais, des Tonkinois, des Chinois et des Hindous, un peu en
arrière un Persan, un Arabe et un Turc, à l’arrière-plan un Sibérien, chacun vêtu à sa manière.
Les animaux sont un marabout, des hermines, des cobras, un ours, un chameau, un mouflon
sauvage, un rhinocéros, un gavial, un éléphant, un tigre, un paon, un orang-outang et des
rennes. A l’arrière-plan on nomme une jonque et des maisons chinoises. Au bas du dessin les
productions indiquées sont le riz, les épices et l’opium. Cet inventaire peut nous paraître
dérisoire aujourd’hui, mais il faut rappeler le contexte d’une société où les images des autres
et de l’ailleurs sont rares.
Pour les élèves de l’enseignement secondaire, les livres restent de petite taille (in 8°), quelques
gravures les agrémentent en plus des cartes et croquis. Ces gravures sont hors texte, le livre
d’Eugène et Richard Cortambert de1886 pour les élèves de 5ème contient une seule carte et
treize gravures imprimées en noir : vue prise sur l’Océan Glacial ; Le Sahara. ̶ Vue prise entre
Ouargla et Ghadamès, le mont Ararat, Samarkand. ̶ Vue prise à l’intérieur de la ville. Bénarès.
Vue prise des bords du Gange ; etc. Au total neuf gravures, quasiment toutes imprimées au
format paysage dans un livre de 136 pages relié en portrait. Cinq de ces gravures sont
qualifiées de « vue de… ». Probablement parce que ce sont des gravures d’après photographie,
mais ce n’est pas dit. On notera aussi le format paysage mais aussi le fait que les hommes sont
absents de ces images.
B. Des photographies en noir et blanc
Pour que la photographie se diffuse dans les journaux et les livres, il fallait passer de
l’argentique à l’imprimé. Eugène Grasset et Charles Gillot mirent au point la photogravure ou
"gillotage", qui permet de transformer une image plane en image en relief sur une plaque de
zinc, puis de l'imprimer en même temps que le texte, y compris en couleur, par superposition
de plaques encrées. Le premier livre imprimé grâce à la photogravure en plusieurs couleurs
fut en 1883 l'Histoire des quatre fils Aymon. La technique n’apparaît au début que très
marginalement dans l’édition scolaire. Signalons néanmoins un ouvrage destiné aux élèves
de septième publié chez un petit éditeur, Laffitte à Marseille, et rédigé par Frédéric Mane,
professeur de septième au lycée de Marseille : Géographie élémentaire de la France et de ses
colonies. L’ouvrage contient 24 cartes au noir et des « gravures », en fait la plupart de ces
« gravures » sont des photos reproduites par gillotage. Dans la préface, Paul Girbal, professeur
agrégé d’histoire au lycée de Marseille, chargé de conférences de géographie à la faculté des
lettres d’Aix écrit que Mane, son collègue « a joint l’illustration la plus appropriée au texte,
une collection de croquis dessinés avec soin, ne renfermant que les noms propres inscrits
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dans la leçon et un grand nombre de gravures, reproductions de vues photographiques,
judicieusement choisies ».
Ces 18 photographies sont légendées en indiquant le nom du photographe : Marseille, vue
prise de la batterie du Pharo, cliché de M. Terris ; le Mont Saint-Michel, cliché de M. Lebel
à Avranches ; Nice, promenade des Anglais, cliché de M. Philkis, photographe amateur à
Nice ; etc. On soulignera que la grande majorité est constituée de vues larges, avec plusieurs
plans et une ligne d’horizon, que ce sont donc des vues paysagères. Inversement, les 7
gravures au trait de ce livre sont toutes fortement centrées sur un monument, Rouen, la Tour
de pierre ; Maison de Jacques Cœur à Bourges ; Palais de justice de Grenoble, etc.). Certes
les photographies, pas plus que les gravures, ne sont questionnées ; elles sont encartées dans
le livre en hors-texte, comme l’étaient un siècle auparavant les cartes.
Cependant, les ouvrages les plus vendus, en particulier les Foncin ou les Lemonnier et
Schrader, connaissent de nombreuses rééditions, actualisées avec toujours la couleur pour les
cartes et de plus en plus de couleur pour les gravures au trait, mais aucune photo. Si dans
l’Entre-deux guerres, les photographies aériennes verticales sont des illustrations nouvelles,
signe de modernité, comme le seront plus tard les images satellitales, il ne s’agit que de
quelques pages en début d’ouvrage, pour le reste lisons la surprenante défiance envers les
photographies de la part de Jean Brunhes dans la préface de son manuel pour le cours moyen.
« Les photograveurs […] ont bien voulu suivre ma direction impulsive et chercher avec
moi des couleurs et des nuances qui nous arrachent à la banalité de ces fadeurs
courantes, devenues, hélas ! Presque conventionnelles !
Oui, la carte, et la carte parlante, vibrante, toujours sous les yeux ! Toujours aussi près
possible du texte ! La carte répétée sous des formes et des teintes variées, - et qui sera
d’autant plus instructive que les yeux et les cerveaux jeunes en saisiront les traits avec
curiosité et joie.
Les photographies en noir, publiées sous de trop petites dimensions, comme il arrive
en beaucoup de manuels, forment un ensemble terne, presque morne, et qui
n’intéressent pas suffisamment l’enfant. Aussi avons-nous recouru encore une fois au
talent si géographique de Roger Broders, dont les dessins en couleur sont à la fois des
analyses et des emblèmes, […] » (Brunhes, 1929, préface).
Propos d’autant plus étonnants que Jean Brunhes est passionné de cette technique, qu’il y a
recours, en concordance avec les nouvelles pratiques de recherche (Mendibil, 2006), qu’il
anime le projet d’Archives de la planète d’Albert Kahn et ses extraordinaires collections
photographiques (Lesourd et al.,1993) et que les auteurs qu’il dirige chez Mame, puis chez
Hatier utilisent certaines de ses photographies pour les manuels du secondaire. Des clichés
réalisés par Jean Brunhes participent de l’abondante iconographie de la collection qui
continue à porter son nom en direction des lycées, 16 dans le livre de sixième (Grosdidier de
Maton et al.,1940). Dans un contexte de large diffusion des photographies dans la société, on
pense au développement des cartes postales, la plupart des éditeurs ont introduit la photo dès
les années 1920 et 1930 dans les manuels du cours moyen. C’est par exemple le cas du livre
d’Edmond Dôme et Pierre Besseige pour les CM et CS (1937) ou de ceux de Louis Gallouédec
et Fernand Maurette pour le brevet élémentaire (1928), abondamment pourvu de cartes
couleur et illustré de nombreuses photographies en noir et blanc. Les cartes servent à répondre
à des questions du livre, les photographies sont accompagnées d’une légende descriptive
longue de une à dix lignes. En fait il s’agit d’un triple phénomène de différenciation qui
répond aux progrès de l’imprimerie, à l’évolution de l’épistémologie de la discipline et aux
transformations de la conception didactique du manuel de géographie.
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C. La couleur et l’offset
Chez Hachette la nouvelle collection pour le secondaire dirigée par Albert Demangeon à partir
des années 1930-1940 comprend elle aussi de nombreuses photos, des cartes monochromes
dans le texte, et des cartes encartées en couleur. On peut dater la généralisation de la couleur
pour les cartes des manuels du secondaire de la fin des années 1920, ce distinguo entre cartes
en couleur et photographies en noir et blanc dure jusqu’à la fin des années 1950, dans les
manuels pour les lycéens, (Allix et al., 1950), excepté quelques cartes en couleur encartées
hors texte (Baron, 1959). Ce décalage entre la couleur des cartes et le noir et blanc des
photographies, s’explique par le fait que les photographies en couleur sur papier ne datent que
de 1942. Ensuite, leur reproduction par offset va progressivement les généraliser, de sorte
qu’à la fin des années 1960 dans certains manuels toute l’iconographie est désormais en
couleur et insérée dans le texte (Le Lannou, 1967). On peut suivre cette évolution dans les
livres de Victor Chagny et Jacques Forez, au fil de leurs éditions successives entre 1959 et
1996. Ainsi en 1965, la double page sur le Massif central du livre pour le cours moyen 1
propose : trois cartes couleur, une petite photo couleur et trois photos noir et blanc. Ces pages
sont quasiment reproduites à l’identique en 1973, si ce n’est qu’il y a trois photographies en
couleur et une seule en noir et blanc. En 1981 la double-page est remaniée, la part du texte est
réduite, deux cartes du massif sont conservées et il y a désormais cinq photographies, dont
une grande, tout en couleur, idem en 1986.
III. Du paysage en couleur aux images numériques
Comme les propos de Jean Brunhes cités ci-dessus nous y invitaient, on voit que le choix de
telle ou telle imagerie dans les manuels de géographie ne relève pas uniquement de la
technologie disponible, mais aussi de choix pédagogiques et didactiques.
A. Le degré d’iconicité
Dans une même collection, la proportion de cartes, de photographies et de gravures varie
suivant les âges des élèves et donc des documents que les auteurs pensent les plus adéquats.
Quand Louis François et Marcel Villin s’adressent à des élèves de cours élémentaire première
année, ils juxtaposent une page intitulée « A la ville » qui propose une grande photographie
de l’avenue de l’Opéra à Paris et une gravure montrant un agent réglant la circulation et une
page intitulée « Une grande ville », comprenant un croquis aérien oblique de Lyon et un plan
de Lyon simplifié (Premier livre, 1956). Quand les mêmes auteurs rédigent un livre pour des
élèves un peu plus âgés, le nombre de gravures diminue ; pour les cours élémentaires 2e année,
la double page « Voyage à Paris » a sa page gauche partagée entre deux grandes vues
aériennes obliques de Paris (CE, 1966). Pour des élèves de CM1 (1961), les auteurs partagent
la page gauche de la leçon « Paris, capitale de France » entre un plan de Paris et une vue
aérienne oblique. Enfin, aboutissement du processus, pour les élèves encore plus âgés (classes
de transition, 1964), la page gauche de la leçon « Paris et l’agglomération de Paris » propose
une carte, un plan et un graphique. Aux plus jeunes le plus fort degré figuratif avec les
gravures, aux plus âgés les images plus abstraites, cartes et graphiques. Ainsi en règle générale
les gravures en couleur étaient l’apanage des petites classes, certains livres pour débutants
n’ont que des gravures couleur et aucune carte ou photographie (Blin et al, 1936), (Lechaussée
& Valette, 1957), (Chagny & Cabau, 1958), (Ageorges & Anscombre, 1966), d’autres (Géron
& Rossignol, 1961) ne proposent que des gravures en couleur, excepté dans la dernière leçon
où il y a 2 photos couleur. Développement des technologies, mais probablement plus grande
culture des images de la part des élèves, le basculement est net dans la dernière décennie du
XXe ; les manuels plus récents proposent des photos (Nembrini et al., 1995), (Baillat et al.,
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1997), quelques plans et cartes (Combes & Buzacoux, 1981) et même une image satellite de
la météo (Baldner et al., 1998).
Si pendant la première moitié du XXe la photographie s’est plus rapidement diffusée dans les
manuels pour le primaire que pour le public des lycées, ce n’était pas uniquement lié à la
piètre qualité des photos, mais principalement à l’idée que ce type d’image ne permet pas de
rendre compte de l’abstraction.
B. Images numérisées et manuels scolaires
C’est avec ces éclairages que l’on peut s’interroger sur les nouveautés en matière
d’iconographie dans les manuels, les images numérisées fixes ou mobiles des manuels
numériques enrichis (Chevalier et al., 2012). Proches des outils utilisés dans le cadre familial,
ils peuvent être rapidement appropriés par les enseignants plus familiers de l’ordinateur.
Les manuels numériques proposent l'intégralité du manuel papier rendu interactif grâce à des
outils faciles à utiliser : sommaire, zoom, spot, cache, gomme, surligneur… les plus récents
permettent même à l’enseignant d’organiser les documents du manuel et d’importer des
images personnelles. La géographie avec sa voisine l’histoire est particulièrement concernée
et le ministère a mis en place un dispositif d’observation42. Avec la publication de nouveaux
programmes en 2015, s’est posée la question du renouvellement des supports d’apprentissage.
Dans le second degré les livres sont financés par les départements et régions et chaque
professeur d’histoire et de géographie veille à ce que les élèves aient des outils papier ou
numériques conformes aux programmes.
Il en est tout autrement dans les écoles primaires où les livres et autres matériels sont
généralement financés par les communes : la priorité n’est pas donnée à la géographie dans
les budgets d’autant que certains enseignants ne se soucient guère des nouveautés dans les
programmes de géographie. Les éditeurs scolaires se sont trouvés devant des choix délicats
révélateurs du recul des achats de manuels papier, du moins pour la géographie. À titre de
sondage, nous avons consulté en décembre 2017 sur la Toile l’offre des éditeurs pour la
géographie au niveau CM1. La Librairie des Ecoles, deux ans après la publication des
nouveaux programmes, semble avoir renoncé à proposer de nouveaux outils et ne garde à son
catalogue qu’un ouvrage fondé sur l’ancien programme. Belin et Magnard, poursuivent
l’édition de manuels papier non accompagnés de solutions numériques pour les élèves. Hatier
et Hachette qui dominaient le marché des manuels de géographe pour le primaire depuis
quelques années, proposent tous les deux un dispositif qui associe un manuel papier pour les
élèves et des solutions numériques, manuels numériques enrichis dans la collection Citadelle
chez Hachette, manuel numérique interactif professeur et élèves dans la collection Magellan
chez Hatier. Mais le passage au numérique quadruple le coût. Enfin, ACCỀS Éditions, Nathan
et Retz ne proposent plus de manuels papiers mais une offre bi-média combinant CD-Rom et
possibilités d’impression de fiches.
Alors qu’il y a quelques années les changements de programme étaient une opportunité pour
les éditeurs de renouveler leur offre on note sur ce marché fragile du livre de géographe pour
le primaire des hésitations, des renouvellements. En effet l’offre de ressources en ligne n’a
jamais été aussi forte, sites collaboratifs, sites contributifs gratuits se sont multipliés au cours
des dix dernières années, au point que le Ministère a créé une plate-forme qui recense l’offre
42 Lettre d’information Édu_Num Histoire-Géographie http://eduscol.education.fr/site.histoire-
geographie/edunum proposée [consulté le 19 décembre 2017]
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en ligne de ressources : (https://www.jenseigne.fr). Il s’agit principalement d’outils
pédagogiques élaborés par Pass-education.fr sous la tutelle de l’éducation nationale, mais
aussi d’offres privées gratuites ou payantes. Ceci constaté, ces ressources en ligne proposent
la plupart du temps des fiches d’exercice pour les élèves et des conseils pédagogiques au
maitre qui ne font pas appel à une activité de recherche sur la Toile ou une activité interactive
avec des outils numériques. « Communiquer d’un bout à l’autre du monde grâce à l’Internet »
est désormais un des trois thèmes du programme de géographie de CM2.
Les frontières entre la vidéo et le papier, entre le livre et le cahier d’exercice, entre le livresque
et le personnel s’effacent. Au total les ressources iconographiques disponibles pour faire de
la géographie augmentent de façon quasiment exponentielle. De google street view au cycle
2 pour voir l’école et ma maison aux cartes thématiques de l’INSEE la Toile propose une
quantité quasi illimitée de ressources.
Reste à savoir quelle sera avec ces nouveaux outils l’activité non pas du maître, mais des
élèves quand ils disposent d’écrans et de tablettes personnelles pour en tourner eux-mêmes
les pages numérisées, pour y chercher des ressources, observer, interroger, compléter,
modifier l’iconographie ? À côté de l’offre scolaire, l’Internet permet aussi d’accéder à de
multiples outils, requêtes pour rechercher texte, données chiffrées, images ou manipuler des
outils cartographiques.
Pour être lue, manipulée et produite l’image numérique au XXIe siècle doit requérir en
géographie un apprentissage, comme la carte était à découvrir il y a plus d’un siècle.
Références bibliographiques
Références bibliographiques contemporaines
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politique, et finie par une géographie sacrée et une ecclésiastique, ou se trouvent tous
Évêques et archevêques de l'Eglise Catholique et les principaus des Eglises schismatiques.
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Places et rôles des images des manuels dans l’évolution des disciplines scolaires
Ubicación y función de las imagenes de los libros de textos en la evolución las disciplinas escolares
Laetitia Perret laetitia.perret@univ-poitiers.fr
Maîtresse de conférences, FORELLIS EA3816, ESPE, Université de Poitiers, France
La présence ou l’absence d’images, le type d’image (figurative, abstraite) sont des indicateurs
de l’évolution de l’histoire des disciplines. En comparant la place de l’image dans les
disciplines, niveaux, filières dont la présente publication de DIRE rend compte, cet article
analyse la fonction que chaque discipline lui attribue. Cette place dépend à la fois des
possibilités techniques de l’époque considérée et du rôle que l’institution lui accorde. Il faut
aussi tenir compte du fait que ces programmes n’accordent pas la même place à l’image selon
les niveaux et selon les disciplines. Enfin, chaque éditeur a sans doute sa propre politique
quant à l’introduction de l’image.
Mots-clés : manuels, images, disciplines, didactique, histoire de l’éducation
La presencia o ausencia de imágenes, el tipo de imagen (figurativa, abstracta) son indicadores
de la evolución de la historia de las disciplinas. Al comparar la ubicación de la imagen en las
disciplinas, niveles y cursos academicos, este artículo analiza la función que cada disciplina
le atribuye. Esta ubicacion depende tanto de las posibilidades técnicas del período considerado
como de la funcion que la institución le asigna. También se debe tener en cuenta que estos
programas no dan a la imagen la misma funcion según los niveles escolares, el curso
academico y las disciplinas. Por ultimo, cada editor probablemente tenga su propia política en
cuanto a la introducción de la imagen.
Palabras-clave: manuales, imágenes, disciplinas, didáctica, historia de la educación
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Dans son article sur le manuel scolaire entre 1880 et 1950 pour l’Histoire de l’édition
française, Choppin (1986) écrivait :
« S’il est difficile de faire la part dans l’évolution du manuel des innovations d’origine
pédagogique, de celles qui découlent des progrès de la technique et de celles qui
ressortissent à la surenchère commerciale, il apparaît cependant que les changements
intervenus dans l’aspect des ouvrages sont intimement liés à l’évolution de l’illustration
didactique. » (p. 303)
Si le nombre d’images augmente quantitativement au fil du temps dans les manuels, ce n’est
pas uniquement à cause de ce que l’on appelle communément l’arrivée d’une « société de
l’image ». En effet, la synthèse des articles de cette livraison portant sur six disciplines
(histoire, géographie, langues vivantes, grammaire, arithmétique, travaux manuels), et la
lecture d’autres articles (notamment sur les sciences physiques) montrent que le nombre
d’images progresse différemment selon les disciplines, les niveaux et les publics entre 1870
et 1960, période où les images apparaissent et se développent dans les manuels. Mais ces
articles montrent aussi que l’analyse de l’image ne peut pas être uniquement quantitative : sa
nature (abstraite, figurative) varie selon les mêmes facteurs.
Ces variations de la place de l’image interrogent la « dimension systémique » du manuel
(Louichon, 2015) : que disent-elles des facteurs éditoriaux, techniques, pédagogiques qui
orientent les corpus iconiques ? En quoi ces variations signalent-elles les valeurs, les fonctions
qui sont assignées et associées à l’image scolaire ? Si plusieurs articles de cet ouvrage font
référence aux études sur l’image et l’enseignement dans le domaine de la sémiotique (Peraya
& Nyssen, 1994), ou de la psychologie cognitive (Vezin, 1986), la perspective ici adoptée est
plus spécifiquement didactique et interroge le lien entre image et discipline dans une
perspective historique.
I. L’image dans le manuel, au croisement de la technique, du commerce et de la
pédagogie
A. Dimension technico-commerciale et périodisation
Étudier l’imagerie scolaire suppose d’adopter une double périodisation. D’une part, une
« périodisation institutionnelle », fondée sur les programmes, d’autre part, une « périodisation
médiatique ou technologique, fondée sur les aspects formels et techniques (images,
numériques, diffusion…) » (Louichon, 2015, p. 27). Si Coret, Gaumé et Volteau rappellent
dans ce numéro les grandes lignes de l’histoire des techniques d’illustration, Alain Choppin
(1986, 1992) a plus précisément travaillé sur le lien entre manuels scolaires et techniques
d’impression. Ces dernières évoluent selon trois dates importantes. De 1880 jusque vers 1900
c’est la gravure sur bois qui prédomine. En 1900 la photogravure s’étend, les premiers clichés
en noir et blanc apparaissent. En 1945, avec le renouvellement du matériel typographique, la
généralisation de nouvelles techniques (offset, héliogravure) la couleur devient
systématique43, les procédés de tirage et d’illustrations deviennent moins onéreux.
L’introduction de l’image génère donc un surcoût jusqu’aux années 1945 et on peut supposer
que les éditeurs ne l’intègrent que si l’opération commerciale est rentable, c’est-à-dire si les
43 Parallèlement, après la première guerre mondiale, les progrès de l’imprimerie permettent de varier les formats
des manuels, qui s’individualisent, le format des illustrations ainsi que leur nombre augmente.
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enseignants trouvent un bénéfice à acheter un manuel illustré44, bénéfice que l’on peut
supposer pédagogique. Les progrès technologiques ne deviennent donc des enjeux
commerciaux que s’ils répondent à des préoccupations pédagogiques qui varient selon les
publics et les disciplines45.
Une méthodologie de l’analyse de la place des images dans les manuels doit donc tenir compte
de différents « critères d’homogénéité » (Bishop, 2015, p. 93) qui permettent de comparer les
manuels selon des caractéristiques communes, en termes de périodisation, public, niveau. On
ne peut parler de la place de l’image globalement : elle dépend à la fois des possibilités
techniques de l’époque considérée et du rôle que l’institution lui accorde (en se référant
notamment aux programmes). Il faut aussi tenir compte du fait que ces programmes
n’accordent pas la même place à l’image selon les niveaux et selon les disciplines. Enfin,
chaque éditeur a sans doute sa propre politique quant à l’introduction de l’image. Si le corpus
d’articles ne permet pas de répondre à toutes ces questions, il permet toutefois de clarifier
certains éléments46.
B. Image et public
Ce sont les ouvrages destinés aux très jeunes enfants (abécédaires, livres de lecture,
catéchismes) qui sont parmi les premiers à être illustrés mais leur coût élevé les destine aux
familles les plus aisées (pédagogie familiale) et les pensionnats des élites (Julia, 1982, Melot,
1985). Sous la Troisième République, l’« explication d’images » (Gaulupeau, 1986) fait
consensus dans les conférences pédagogiques et dans les programmes des classes enfantines.
Les méthodes de lecture comme René et Maria (Combier et Renaudin, Boutrelier, 1931) sont
aussi parmi les premières à introduire la couleur (Choppin, 1986).
C. Image et discipline
Certaines disciplines attribuent un rôle important à l’image, comme les sciences naturelles,
l’histoire et la géographie, illustrées dès la fin du XVIIIe siècle (Julia, 1982, Melot, 1985,
Chevalier, ici même). Ces disciplines ont pour point commun d’accorder une grande
importance à l’observation sous la Troisième République et C. Faure rappelle dans son article,
l’importance que Lavisse accorde à l’image, à l’enseignement par les yeux. Lenoir (ici même)
montre qu’en langue vivante, l’usage de l’image se répand entre le début du XXe siècle et les
années 1920, en lien avec la méthodologie directe.
La discipline histoire connaît une forte augmentation des images dont le nombre triple dans
les manuels de l’enseignement primaire entre 1880 et 1945 (Choppin, 1986, 1992). La
géographie est la discipline à introduire le plus tôt la photographie à l’école primaire
(Chevalier, ici même). La photographie joue un rôle important dans la concurrence qui oppose
Hachette, Delagrave, Colin sur le marché du manuel de géographie (Mendibil, 1997). Dans
le manuel Éléments de géographie de Schrader et Gallouédec les photos remplacent
44 « Le transfert aux membres du corps enseignant de la responsabilité du choix des ouvrages scolaires » se met
en place de façon progressive dans les années 1870 (Choppin, 1992, p. 38)
45 Selon J.P Chevalier (ici même) dans les manuels de géographie : « Les nouvelles possibilités technologiques
proposent et les pédagogues disposent ».
46 J’ai rédigé un article portant sur la même question mais avec un corpus un peu différent pour les actes des
journées Pierre Guibbert (2017) Le manuel scolaire, objet d’étude et de recherche : enjeux actuels et perspectives.
S. Wagnon (dir.). Berne : Peter Lang (à paraître).
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progressivement les gravures au fil des rééditions (Choppin, 1992). Hachette, éditeur de cet
ouvrage, rentabilise les images en les réutilisant d’une collection à l’autre (Mendibil, 1997).
D’autres disciplines ont une tradition d’enseignement moins liée à l’image. Elle est ainsi très
peu présente dans les manuels de mathématiques des débuts de la Troisième République
(Legros, 2013) et dans ceux de grammaire (Coret & alii ici même) où elle apparaît,
marginalement, en 1920.
L’image se diffuse plus vite dans l’enseignement primaire que dans le secondaire : les
manuels d’histoire de l’école primaire supérieure47 (Gaulupeau, 1986) et les manuels de
géographie du lycée (Chevalier, ici même) sont moins illustrés que ceux du primaire jusqu’au
début du XXe siècle. Le nombre d’images quadruple ensuite dans les manuels d’histoire du
secondaire entre 1905 et 1938 (Choppin, 1986, 1992). En sciences physiques, discipline du
second degré, Brigitte Quentin-Heuzé (2007) montre que l’image reste tout aussi rare
jusqu’aux années 1960.
Si la quantité d’images varie en fonction des disciplines, des âges, et des éditeurs, c’est parce
qu’elle est plus ou moins considérée comme une aide à l’apprentissage. En effet, cette
variation concerne aussi sa dimension abstraite ou figurative.
II. Nature des images et apprentissage
A. Nature des images et disciplines
1. Images figuratives.
L’image figurative varie selon les disciplines, qui privilégient soient des images du quotidien,
soit des images dramatiques.
Dans l’enseignement de l’histoire, des débuts de la Troisième République à la fin des
années 1960, l’image privilégie les « scènes dramatiques » (Amalvi, 2001, p. 35, Gaulupeau,
1986) c’est-à-dire une histoire de France qui sélectionne « quelques temps forts » autour de
quelques figures (Amalvi 2007, p. 62). Cette image dramatique est intimement liée au récit
qui caractérise l’enseignement de l’histoire à l’école primaire de cette période (Ogier, 2007).
Les analyses de C. Faure (ici même) montrent ainsi que l’histoire des Mérovingiens, qui est
aussi celle des origines de la France, insiste sur leur rôle fondateur dans la construction de la
France et privilégient des images dramatiques comme celle de Clovis sur son bouclier, le vase
de Soissons, le baptême de Clovis, des scènes de pillage.
D’autres disciplines privilégient des images figuratives mais relevant d’un réalisme du
quotidien. À la lecture des articles de cet ouvrage, ces images réalistes ont deux fonctions.
Elles sont tout d’abord utilisées dans l’apprentissage de la langue et sont très présentes dans
les disciplines à enjeux lexicaux, comme les manuels de langue (Lenoir, ici même), de lecture
courante, les abécédaires, les livres du cours préparatoire (Duborgel, 1992) et dans certaines
leçons de grammaire à partir de 1920 (Coret & alii ici même). En espagnol, les images sont
dans un premier temps essentiellement dénotatives, puisqu’elles ont pour fonction d’élucider
le vocabulaire. A ces objectifs linguistiques s’ajoutent à partir des années 1930 des objectifs
culturels avec la mise en place de la Méthodologie Active. Les manuels proposent alors des
47 Qui deviendront les collèges modernes en 1941.
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reproductions du patrimoine hispanique que les élèves doivent commenter en utilisant une
méthode identique à celle du commentaire de texte, ce qui génère parfois un guidage trop
étroit. En effet, l’identité disciplinaire de l’espagnol est celle d’une « langue de culture »
(LV2) aux côtés de l’anglais (LV1) « langue de communication » (Lenoir ici même).
Les images figuratives ont aussi pour fonction de resituer, de contextualiser des savoirs en les
mettant en correspondance avec des objets de la vie quotidienne des élèves. C’est le cas dans
les manuels d’arithmétique, notamment pour les notions de système métrique et de
numération (cette dernière dans les petites classes). Dans cette discipline, les illustrations
réalistes permettent de montrer, de repérer des objets géométriques dans l’environnement
quotidien des enfants, ils permettent aussi de montrer leur utilisation dans des situations
particulières (Frizzarini & Legros, ici même).
D’autres disciplines sont concernées, comme les travaux manuels et toutes les disciplines qui
mettent en place « les savoirs pratiques dont [l’élève] aura besoin dans la vie » (instructions
du 27 juillet 1882). Ces images réalistes des manuels d’arithmétique ont donc pour objectif
de faire le lien entre savoirs abstraits et savoir-faire de la vie quotidienne.
2. Image « abstraite », « conceptuelle »
Les manuels proposent une autre catégorie d’images, plus difficile à définir, ou définissable
par défaut : l’image non figurative, c’est-à-dire « abstraite », « conceptuelle ».
Pour définir cette image, nous nous aiderons de la définition du schéma en physique par B.
Quentin-Heuzé. Celui-ci « constitue bien le premier stade du traitement-compression de
l’information visuelle et […] est sans doute l’outil de prédilection du physicien », car il permet
le « processus d’abstraction […] ce qui a été extrait du concret immédiat. » (2007, p. 13).
J.F. Vezin (1986) différencie le schéma et le dessin de la même façon, distinguant les
caractéristiques générales du premier de la particularité du second (Coret & alii, ici même)
Le schéma est donc une illustration qui permet d’accéder à l’abstraction. Ainsi, dans les
manuels d’arithmétique, il a pour fonction de conceptualiser le savoir mathématique,
notamment pour les notions complexes de géométrie (Frizzarini & Legros, ici même).
Cette notion d’abstraction permet de regrouper divers types d’images, chaque discipline ayant
sa conception de ce qu’est une illustration à caractère conceptuel, abstrait qui peut prendre la
forme de schémas, de graphiques, de cartes...
B. Nature des images et public
La proportion des images abstraites varie en fonction des niveaux.
Les manuels de géographie des petites classes sont souvent dépourvus de cartes sous la
Troisième République : « certains livres pour débutants n’ont que des gravures couleur et
aucune carte ou photographie » (Chevalier, ici même). Et ces gravures sont figuratives : « Aux
plus jeunes le plus fort degré figuratif avec les gravures, aux plus âgés les images plus
abstraites, cartes et graphiques » (ibid.).
Le phénomène est identique dans les manuels d’arithmétique de Leyssenne parus à partir de
1872 (Frizzarini & Legros, ici même), la proportion entre les dessins figuratifs et les schémas
s’inversant au fur et à mesure que le niveau de classe augmente.
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La nature de l’image change aussi en fonction des publics masculins et féminins lorsque ces
derniers bénéficient de manuels différents. Dans les manuels de travaux manuels, les dessins
sont statistiquement plus présents dans les manuels destinés aux filles alors que les schémas
sont plus présents dans les manuels destinés aux garçons (Frizzarini & Legros, ici même). Or
ce sont les schémas qui permettent de construire les savoirs mathématiques (les notions de
mesures, proportions et formes géométriques sont peu nombreuses dans les manuels destinés
aux filles, qui privilégient les activités de couture, coupe et broderie). Les objectifs de
l’enseignement primaire féminin pendant la Troisième République ne sont pas destinés à
promouvoir une connaissance intellectuelle des travaux manuels liés avec les autres matières
du cours primaire, mais une connaissance pratique des savoirs domestiques pour bien former
la future femme, épouse, mère.
III. Images et processus mentaux en jeu
A. Deux conceptions des apprentissages
Tous ces résultats montrent deux conceptions des apprentissages.
Certaines disciplines, certains niveaux d’enseignement utilisent majoritairement des images
contextualisantes, figuratives, réalistes, voire dramatiques parce que l’affect, l’identification,
l’imagination y sont considérés comme des processus mentaux d’apprentissages, générés par
l’instauration d’une proximité avec l’objet à étudier.
D’autres disciplines, niveaux privilégient au contraire les schémas, les images abstraites,
conceptuelles, généralisantes, ce sont cette fois ci l’abstraction, la mise à distance qui
favorisent l’accès au savoir.
Ces variations montrent alors la conception que l’école a de l’imagination et de l’abstraction.
B. Image, imagination en français, en histoire.
L’imagination a un statut complexe dans l’institution scolaire (le mot ne figure dans les
programmes de français que depuis 2015). Roger Cousinet, dans l’article « Imagination » du
dictionnaire Ferdinand Buisson (1911) distingue ainsi une mauvaise imagination, purement
imitative, ou source de confusion et une « bonne et féconde imagination » que doit développer
l’école. Cette « bonne imagination » se manifeste par l’usage d’images réalistes ou
dramatiques, selon les disciplines. Les images réalistes, du quotidien font appel à une
imagination canalisée, qui contribue non seulement à intégrer des apprentissages (notamment
lexicaux, mathématiques, manuels), mais aussi des comportements sociaux, et le respect d’un
ordre social établi. En français, en géographie, nombre d’images font l’éloge de la vie rurale
et dévalorisent la ville, lieu de perdition (Duclerc, 2007). La discipline français sous la
Troisième République privilégie des activités de lecture et d’écriture sur des textes du
quotidien dans le but de canaliser l’imagination (Bishop 2007, Jey, 2006).
En revanche, l’imagination en histoire a un statut institutionnel bien différent : si les images
dramatiques sont présentes uniquement en histoire, c’est parce que cette discipline considère
que son apprentissage est de l’ordre de l’adhésion, de l’identification. E. Lavisse, en 1876,
résume la conception de ses Leçons préparatoires d’histoire de France : « La leçon est
toujours très courte ; elle comprend un texte de quelques lignes, voilà pour la mémoire ; un
récit et une gravure : voilà pour l’imagination ». (Gaulupeau, 1986, p. 34).
L’histoire est la seule part d’exaltation imaginaire, d’affect, d’identification auquel l’élève du
primaire aurait droit, car elle a pour objectif de constituer une identité nationale, à travers
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l’amour de la patrie (culte des grands hommes, exaltation de la vie rurale) particulièrement
lisible quand on compare les illustrations des manuels laïques et confessionnels, comme l’ont
montré les travaux d’Amalvi (2001). C. Faure, ici même, montre que l’histoire des
Mérovingiens est un mythe fondateur national parce qu’elle cristallise de nombreuses
perspectives : victoire du christianisme, victoire sur les barbares que sont les Huns, naissance
de la France, ce qui explique la riche iconographie dramatique, stimulant l’imagination dans
les manuels jusqu’aux années 1960.
C. Images abstraites et mise à distance
Les images les moins figuratives sont considérées comme permettant des apprentissages plus
conceptuels. Les disciplines et les niveaux de classe qui utilisent majoritairement des images
non figuratives, plus abstraites, signaleraient une conception de l’apprentissage non par la
proximité, l’adhésion, mais au contraire par la mise à distance du réel, le développement du
métalangage, les apprentissages formels.
Selon les disciplines, l’image figurative est donc considérée tantôt comme un obstacle tantôt
comme une aide à l’apprentissage. Trop facilement accessible, trop ancrée dans un contexte
particulier, elle serait un obstacle à la généralisation, à la conceptualisation pour certains
niveaux, dans certaines disciplines, à certaines époques.
Ces conceptions perdurent lorsqu’on lit les critiques de chercheurs sur les manuels de
mathématiques et de physique actuels. Brigitte Quentin Heuzé (2007) a ainsi un jugement
sévère sur la prolifération des images dans les manuels de physique « dont la nécessité
pédagogique n’est pas toujours facile à défendre » (p.2) ce qui l’amène à créer, dans sa
typologie, à côté des graphiques, dessins, schémas, une rubrique « non classable » pour les
images qui apparaissent dans les années 1990 et qui ont un rapport lointain avec le cours et
« amusent, distraient le lecteur » (p. 2).
Diane Biron (2007) signale la même inquiétude des didacticiens des mathématiques sur
l’inflation des images dans cette discipline et souligne la « nécessité d’introduire l’image pour
rendre concret ce qui est abstrait puis la nécessité de s’en éloigner pour mieux conceptualiser »
(p. 196).
Si cette mise à distance caractérise les disciplines scientifiques, notamment les
mathématiques, elle caractérise aussi certains champs disciplinaires réservés aux garçons
(dans les travaux manuels) ou à l’enseignement secondaire (la physique).
Elle peut aussi, dans une même discipline, caractériser certains niveaux : les images abstraites
arriveront alors progressivement dans le cursus.
En effet, l’article Abstraction du dictionnaire Ferdinand Buisson explique, à travers une
histoire de l’enseignement de l’abstraction, que cette dernière est un processus mental simple
pour l’adulte, mais complexe pour l’enfant qui n’y a accès que progressivement. L’article en
tire alors des conséquences pédagogiques :
« L’enfant part du concret, et son maître veut qu’il parte de l’abstrait, parce que
l’abstrait est plus simple. Or cette marche du simple au composé, du général au
particulier, est aussi peu naturelle à l’enfant qu’elle est rationnelle pour l’homme. En
présence de cette discordance établie par la nature entre les instincts intellectuels de
l’enfant et ceux de l’adulte, que faut-il faire ? Lequel des deux doit se plier aux procédés
qui conviennent à l’autre ? La réponse n’est pas douteuse, c’est au maître à marcher du
pas de l’élève. »
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Dès lors, l’enseignement de l’abstraction doit être « gradué » et « toujours […] précédé de
l’intuition ».
Cette démarche est particulièrement lisible dans les manuels d’arithmétique où figurent deux
types d’images qui ont deux fonctions : les schémas aident à conceptualiser les savoirs
mathématiques en jeu, notamment en géométrie et les images réalistes permettent d’articuler
le concept avec le quotidien. Les images pour les plus jeunes sont figuratives, puis
graduellement les schémas deviennent de plus en plus nombreux.
La situation semble être la même en géographie où les cartes et graphiques arrivent
tardivement dans les manuels.
D. Image abstraite, figurative et évolution des disciplines.
Cette gradation de l’image figurative vers l’image conceptuelle peut aussi caractériser
l’évolution des disciplines.
Par exemple, l’évolution de la discipline histoire passe par une évolution des images
proposées aux élèves : C. Faure montre que les manuels d’histoire privilégient depuis les
années 1980 les sources, les « traces du passé » laissant de côté les dessins, les illustrations
figuratives dramatiques et proposant des reproductions d’armes mérovingiennes, d’émaux
mérovingiens, d’ivoires.... L’enseignement de l’histoire privilégie désormais la mise en
pratique d’une posture critique chez les élèves et les images sont des sources qu’il convient
d’interroger (Ogier, 2007, Baquès, 2007), et non plus des images auxquelles l’élève
s’identifie. Il serait intéressant de voir quand apparaissent les graphiques, les schémas, à
savoir à quel niveau, mais aussi à quelle époque.
En revanche, l’histoire de l’enseignement de la grammaire montrerait une évolution inverse :
l’approche de l’étude de la langue se pratique par la mise à distance sous la Troisième
République et une absence totale d’illustration jusqu’aux années 1920. Depuis les
années 1960, l’enseignement de la grammaire se veut moins transmissif. Les élèves ne sont
pas seulement en situation d’appliquer une règle déjà construite, mais sont invités à observer
les phénomènes linguistiques. Dès lors, l’illustration se généralise et fait appel au quotidien.
Par exemple à partir de l’image de Boule et Bill, on demande « que fait le chien » afin que les
élèves produisent des tournures verbales (Coret & alii, ici même).
On pourrait se demander si le rôle de l’image se modifie alors, en regardant précisément, pour
une discipline, à quel niveau, à quelle période, chez quels éditeurs la proportion image
figurative/abstraite s’inverse ou pas. Les schémas arrivent-ils de plus en plus tôt (en termes
de niveau) en histoire, en géographie, en mathématiques ?
E. Image et amphi iconicité
Cette évolution de l’image a bien des points communs avec l’étude de l’extrait dans
l’enseignement de la littérature48. Elle interroge ce que j’appellerai son « amphi-iconicité »,
terme que je construis à partir de ceux qu’utilise A.-M. Bassy (1982) qui parle de « trans-
iconicité, inter-conicité » (p.156) et celui d’amphitextualité inventé par Nathalie Denizot.
L’amphitextualité « relie un texte à un ou plusieurs textes à côté desquels il est posé »
(Denizot, 2010, p. 225) ce qui modifie le point de vue que l’on a sur ces textes. Or certaines
images ont aussi une longue histoire scolaire. Cela interroge leur processus de
48 L’extrait et la fabrique de la littérature. A. Belhadjin & L. Perret (dir.) Berne : Peter Lang, à paraître.
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sélection/extraction. D’où viennent ces images ? Pourquoi ont-elles été sélectionnées ? Les
images, les légendes, les textes qui les accompagnent évoluent-ils ? Pourquoi ? En quoi cela
signale-t-il de nouvelles fonctions attribuées à ces images ?
Conclusion
L’image montre donc comment chaque discipline, chaque niveau, chaque filière, chaque type
d’enseignement (confessionnel/laïque) institue l’enfant (sujet privé, social) en élève (sujet
scolaire), et en « apprenant » d’un contenu (sujet didactique) (Daunay & Fluckiger, 2011).
Selon l’âge, le sexe de l’élève, les images seront figuratives, ou abstraites, ce qui révèle la
conception scolaire de l’abstraction, de l’imagination.
Après les années 1960-1970, le coût de l’image est notablement réduit et les images semblent
être de plus en plus nombreuses dans les manuels, dans toutes les disciplines, à tous les
niveaux. C’est semble-t-il aussi à cette époque la liberté du pédagogue auteur de manuel se
restreint avec ce que Marie-Christine Baquès appelle « la dictature du maquettiste […]
formelle et commerciale et non pédagogique » (p. 132).
Si, tant que l’image est chère, chaque éditeur a sa propre politique quant à l’introduction de
l’image, il semble que désormais la politique soit d’en introduire en grande quantité, ce qui
modifie peut-être encore les fonctions qui lui sont attribuées.
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