Post on 05-Dec-2014
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Vendredi 3 octobre
Dispositifs d’enchantement et créativité. Entre regards anthropologiques et expérience artistique. Véronique SERVAIS, ULg - Anthropologie de la communication, ISHS
Arnaud HALLOY, Université de Nice - LAPCOS
Julien BRUNEAU, Chorégraphe
Avec le soutien de :
Dispositifs d’enchantement et créativité
Entre regards anthropologiques et expériences artistiques
Véronique Servais (ULg) Julien Bruneau (artiste indépendant)
Arnaud Halloy (U. de Nice Sophia Antipolis)
Approche anthropologique • Véronique Servais, psychologue et anthropologue,
spécialiste des relations hommes-animaux • Arnaud Halloy, anthropologue et spécialiste des
religions d’origine africaine au Brésil
Premier constat (intuition, insight)
• Nombreux points communs entre l’expérience de la
possession dans les cultes afro-brésiliens et celle vécue au cours de rencontres (en mer) avec des dauphins
• Points communs non seulement dans l’expérience, mais également dans les situations qui facilitent ou rendent possible ce type d’expérience
• D’où l’envie de travailler ensemble pour approfondir cette première impression
Approche artistique o 3 caractéristiques du travail de Julien Bruneau :
• Système de contraintes Mettre à distance les préférences individuelles, donner la préséance au dispositif.
• Oscillation entre passivité et activité. Etre poreux, se laisser porter, être agi et répondre à des exigences de composition.
• Etude de la dynamique entre intériorité et collectivité. Comment chacun compose son expérience? Comment du sens partagé émerge?
à Rituels de possession à collaboration avec Arnaud
Plan • En bref : ce que nous entendons par enchantement
et par dispositif d’enchantement (qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que ça fait?)
• L’expérience d’enchantement • Les dispositifs d’enchantement vus de plus près • Une approche artistique contemporaine et
expérimentale • Discussion:
o Les implications de notre approche de l’enchantement pour (re)penser la créativité
o (…)
Regards anthropologiques
Cultes de possession et « rencontres dauphins » • Au delà de la première impression
o Comparaison systématique des données ethnographiques, nombreuses discussions, essais de compréhension
o Constat: Nombreux points communs entre les deux types d’expérience et les deux situations où elles ont lieu
è Expériences et dispositifs d’enchantement
L’enchantement • Suspension de l’expérience ordinaire du monde • Sensations/émotions étranges, inhabituelles • De l’ordre de la révélation • Incertitude • Induit une transformation de la perception/
compréhension du monde*, mais également de l’individu lui-même
• è Comment de telles expériences sont-elles « culturellement produites »?
Les trois « étapes » du dispositif d’enchantement
Trois « étapes », ou « moments »:
1. Déverrouillage de l’imaginaire; éducation de l’attention
2. Expérience en situation 3. Validation sociale
Le dispositif d’enchantement
• Ce que fait un dispositif d’enchantement: o Il opère dans ce E. Belin, (2002), s’inspirant du travail de D.
Winnicot, appelle un « espace intermédiaire de pratiques » : un espace qui n’est « ni totalement subjectif, ni totalement matériel »
o Il relie des attentes, des dispositions et un imaginaire culturellement préparés à une situation extérieure en s’appuyant sur des ressentis particuliers
• Les dispositifs d’enchantement sont des outils culturels qui relient la vie intérieure (qu’ils contribuent en partie à élaborer) à la réalité extérieure d’une manière spécifique o Enjeu de notre recherche: décrire et comprendre comment
fonctionnent ces dispositifs et définir cette manière particulière de « se brancher » au monde qu’ils organisent
Caractéristiques des expériences d’enchantement • Six caractéristiques partagées
1. Expérience « sociale »: • Vécue au sein d’une communauté et susceptible d’être vécue par
d’autres
• Ouvre sur une nouvelle forme de relation sociale (avec un esprit, une divinité, un « animal »…)
2. Expérience sensorielle/émotionnelle non-ordinaire • Pur amour, euphorie, paix intérieure, saturation émotionnelle,
tremblement incontrôlable, long et intenses frissons, emballement de la respiration, des pulsations cardiaques, etc.
3. Opacité cognitive • Impossibilité de rendre compte de la nature des êtres impliqués ni de
la nature de l’expérience elle-même, dans les catégories ordinaires; blocage interprétatif
4. Changement du registre attentionnel (absorption/qualité de présence à soi et au dauphin)
5. Etats dissociatifs non pathologiques • Amnésie totale ou partielle des épisodes de possession, perte ou
altération de la perception du temps et/ou de l’espace, “rêve éveillé”, …
6. « Basculement » de l’intentionnalité • Les pensées et/ou le corps sont pensés comme contrôlés par la
situation plutôt que par l’individu lui-même • Les individus ne se perçoivent plus comme des êtres conscients mais
comme un élément d’un tout qui les dépasse
• Ils se sentent « agis » plutôt que « agissant »
Les possédés du Xangô
Caractéristiques des dispositifs d’enchantement
1. Ils sont basés sur l’incertitude o L’expérience d’enchantement n’est ni automatique, ni purement
contingente (ce qu’Emmanuel Belin a joliment appelé une « promesse de surprise » (2002: 226)
2. Ils sont bienveillants o Et reposent sur la confiance. “La bienveillance véhicule un sentiment de
grâce (…) elle autorise une suspension de la frontière entre le dedans et le dehors (2002: 181), alors que la confiance est la “possibilité de ne pas savoir, de renoncer au contrôle”(ibid.: 247)”
3. Ils offrent un paysage sensoriel déroutant o Ils relient et agencent des saillances perceptuelle (matérielles et sociales)
disparates et hétérogènes o Cet agencement singulier guide l’attention et réorganise le sensorium o Les saillances perceptuelles relient l’imaginaire et les ressentis o è Création de nouvelles significations incarnées (le dauphin
« parle »; connaissances tacites, implicites, intuitives, sensorimotrices, émotionnelles)
Un dispositif d’enchantement: l’amasi
La rencontre dauphins
Ouvertures • Les dispositifs d’enchantement ne peuvent être
réduits à la possession religieuse ou aux « rencontres dauphin » o Ils existent sous bien d’autres formes et d’autres contenus (rituels New-
Age, rencontres Mariales, certaines formes de méditation ou de pratique sportive, pratiques artistiques, …)
• Notre but, en parlant d’enchantement plutôt que de « sacré » ou « religieux », était de réunir des expériences religieuses et profanes sous un même terme o Inversement, toutes les expériences religieuses ne sont pas enchantées.
• Enchantement et créativité o Dans le cas de la possession o Dans le cas des rencontres dauphins
Du dispositif d’enchantement à la danse contemporaine
• Le travail de Julien nous a inspirés pour mettre au point des situations semi-expérimentales pour tester notre modèle o En nous basant sur les « scores » développés par Julien, nous avons
élaboré des expériences pour tester le rôle de l’opacité cognitive et celui de « l’incertitude ontologique » dans la probabilité de survenue de l’enchantement. Etude en cours.
“some crosscuts of some of our improbable bodies”
Recherche développée pendant 2 ans de master en chorégraphie à Amsterdam (Theaterschool).
Travail impliquant danse, dessin et parole se succédant dans une chaîne de transformation potentiellement infinie.
à une pratique à un spectacle
On va s’intéresser aux premières étapes de la chaîne de transformations (version courte de la chaîne), en restant dans la pratique et en adoptant le point de vue des praticiens (les artistes)
1. Pratique à plusieurs où on crée une série de dessins collectifs à partir d’explorations en aveugle, de mouvement et de collages/ découpages d’énoncés écrits.
2. Choix d’un dessin et exégèse collective: à on crée des liens entre plusieurs modes d’expérience (réflexif,
pictural, sensoriel) et entre plusieurs point de vue (les différents participants). à hétérogénéité, fossé (opacité) qui alimente l’imaginaire.
Associations proliférantes.
On développe un « paysage » et on trace sa « carte ». Collecte d’images et d’objets qui activent le paysage développé.
à On a développé une « mythologie ». Ensemble de ressources partagées, qui fait sens pour chacun, mais pour chacun différemment
3. Pratique individuelle. Yeux fermés, redessiner le dessin initial, en en refaisant l’exégèse. Ce n’est pas la justesse mimétique qui importe. Il s’agit de rendre le paysage présent à soi.
à C’est à la fois « nourrir » le paysage et l’appeler. « Invocation ».
4. Chargé de l’imaginaire et des émotions surgies lors de l’exégèse, on va danser. Explorer le « paysage par le mouvement et la composition chorégraphique.
à Etape de l’ « incarnation », de la « manifestation ».
3 caractéristiques faisant écho aux rituels de transe
• Système de contraintes :
o logique de la chaîne de transformation par laquelle, étape par étape émerge un "paysage". Le danseur est là pour faire advenir ce paysage, le chorégraphe pour guider ce processus, en prendre soin.
• Tension entre passivité et activité :
o Donner l'initiative au dispositif et au "paysage", le danseur se fait poreux, il dérive sous son influence. Mais en même temps, il a de nombreuses « prescriptions », de nombreuses exigences de composition.
• Dynamique entre intériorité et collectivité.
o L'intériorité de chacun contribue à une "mythologie collective émergente". Chacun vit intimement le paysage créé avec d'autres (d'autres imaginaires, d'autres corps...) Lien entre expériences infimes, informes et thèmes, images signifiantes pour le groupe (le groupe de participant, mais aussi la « société ».)
créativité
• artiste démiurge
• individu complet, auto-suffisant, en contrôle
• il produit; il ajoute au monde
• invention
• artiste médium
• individu poreux, en réseau, sous influences
• il véhicule; il manifeste ce qui est latent
• révélation
créativité réceptivité
Révélation : c’est le même monde, c’est le même soi, pourtant l’un est l’autre apparaissent renouvelés grâce à une reconfiguration de leur rapport, vécu de manière intense et intime.
à En définitive, ce qui m’intéresse : mettre en place un dispositif qui me permet de faire l’expérience de ce par quoi je suis créé, de reconfigurer mon rapport à ce jeux de forces, et de voir quel monde, quel soi et quelle communauté sont créés à partir de ce nouveau rapport.
Qu’est-ce que je fais de ce qui me fait être ce que je suis ?