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Droit Administratif – L2 – semestre 1
Cours n°1 : Caractéristiques générales de l’organisation administrative française
1. Introduction
En 1er lieu, l’organisation administrative française est une organisation ancienne : il y a l’ancienneté
des communautés établies sur le territoire (cf ouvrage de Fernand Brodel, L’identité de la France). La
vie locale se développe dès le 13e siècle. Des communautés s’organisent, se structurent et
revendiquent des libertés locales. Elles ont donné naissance à nos communes. Il faut aussi prendre
en compte l’ancienneté de l’intervention de l’Etat. L’Etat français est un de ces Etats qui se sont
constitués le plus tôt dans l’histoire. La royauté cherche à s’imposer face au pouvoir du pape, dès le
14es. Le pouvoir temporel des rois va l’emporter sur celui des papes. En même temps, il crée une
administration et s’immisce dès la fin du 13e dans les affaires locales. La centralisation débute
comme cela.
En 2e lieu, l’organisation administrative française est très perfectionnée en ce sens qu’elle va
constituer un maillage très serré du territoire (communes, départements crées en 1789, région,
circonscriptions administratives spécialisés). L’administration est très présente à tous les échelons : la
France est un pays sur-administré.
Les administrations centrales sont plus importantes que dans d’autres pays. En 1791, il existait 6
ministères (intérieur, justice, trésor, relations extérieures, guerre, marine). Aujourd’hui, il existe près de
40 ministères. Autour d’eux, des organismes sont soit rattachés au 1er ministre soit à un ministre.
L’Etat les a multipliés. Il existe de nombreux relais à l’échelon local (département ou région ou les 2).
Les transferts de compétences de l’Etat vers les collectivités territoriales ne se sont pas traduits par
une réduction d’effectif au niveau national. La France a une forte propension à créer des structures
qui s’empilent (comme un mille-feuille).
2. L’Etat unitaire et l’Etat fédéral
La France est un Etat unitaire décentralisé et pas un Etat fédéral.
L’ Etat fédéral regroupe plusieurs Etats indépendants qui ont des lois propres. En France les régions
n’ont qu’une autonomie relative, elles appliquent toutes la même législation.
Dans l’Etat fédéral, les différents Etats ont une autonomie constitutionnelle, chacun a ses institutions
administratives et politiques, voire possède sa propre constitution. Les lois peuvent donc être
différentes d’un Etat membre à l’autre. Les Etats membres ont leur propre structure juridictionnelle,
une cour suprême assure la cohérence au niveau fédéral.
Dans l’Etat unitaire, la loi est la même partout. Les structures aussi. Les collectivités territoriales
disposent uniquement de l’autonomie administrative. Le fédéralisme peut être limité, la
décentralisation peut être très développée.
Dans un Etat unitaire, la décentralisation peut être très développé et pousser à développer des
administrations locales comme des régions quasi-automnes (Espagne, Italie mais pas la France). Ce
sont des Etats régionaux, à mi chemin entre l’Etat fédéral et unitaire.
3. La déconcentration
C’est un mode d’organisation du pouvoir au sein d’un Etat. Souvent on l’oppose à la décentralisation.
La déconcentration peut être définie comme la remise d’un pouvoir de décision à des agents de l’état
qui sont dispersés sur le territoire mai hiérarchiquement soumis au pouvoir. La déconcentration est le
représentant de l’état au plan local. Le préfet est une illustration de la déconcentration. L’autorité
déconcentrée agit toujours sous l’autorité centrale qui désigne les autorités déconcentrées, peut les
révoquer.
La déconcentration est associée à la centralisation. C’est une modalité de la centralisation.
La déconcentration a toujours été faible en France jusqu’à très récemment. Il y en avait peu sous la 3
et 4e république.
Elle prépare la décentralisation : la région a été créée peu à peu (après les collectivités de régions
dans les années 60). La déconcentration accompagne la décentralisation car dès qu’on décentralise,
il faut adapter les administrations locales pour gérer cela.
4. La réorganisation administrative sous la Révolution et sous l’Empire
Il y avait à cette époque, différentes structures administratives. C’est la Révolution qui apporte de
nombreux changements mais sans faire table rase du passé. On retient plusieurs principes :
notamment l’uniformité des structures qui résulte de la suppression de la diversité des structures
existantes.
La constituante va systématiser l’élection des agents pour tous les niveaux de l’état. Le 22/12/1789,
un décret crée les communes. La révolution veut la décentralisation administrative uniquement. En
1792, il y a le renouvellement total des administrations communales et locales.
Le 1er empire poursuit la centralisation : les autorités locales perdent leur autonomie. La loi du
17/02/1800 est restée célèbre car elle consacre la centralisation. Elle crée les préfets et préfectures.
Le préfet est seul chargé de l’administration.
5. De la restauration à la Ve République
La restauration et les périodes suivantes vont vers une décentralisation mais très lentement. La
monarchie de juillet évolue aussi vers le parlementarisme. Mais les mesures restent timides. On
rétablit l’élection des conseillers municipaux et des départements.
La 2e république pousse la décentralisation. Il faut organiser la commune avant d’organiser le pouvoir
législatif et exécutif.
Le 2nd empire constitue une parenthèse dans l’évolution vers la décentralisation car Napoléon III
reprend les rennes du pouvoir. Une loi de 1866 précise quand même les attributions des conseils
régionaux. En 1865 paraît un projet de décentralisation (dit programme de Nancy) : il critique les
départements jugés trop exigus.
Le 10/08/1871, c’est la 1e gde loi sur les départements : on cherche à distinguer les affaires du
département et celles de l’état, mais cette loi maintient le préfet. Il est le représentant de l’Etat dans le
département mais aussi c’est le pouvoir exécutif du département.
La loi du 05/04/1884 sur les communes apparaît comme un achèvement. Elle uniformise les régimes
juridiques des communes de France. Le maire représente d’abord la commune mais aussi l’Etat dans
certains domaines. Il y a une tutelle du préfet sur les personnes et sur les actes.
Art 61, alinéa 1 = le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune.
Il y a un vote d’une loi en 1889 sur les syndicats de communes.
La 4e république tente des innovations.
La constitution de 1946, art 87 déclare que les communes s’administrent librement via les conseils
municipaux et que leur décisions sont appliquées par le maire ou son représentant.
6. La Ve République
Les grandes réformes sur l’organisation administrative sont prises sous la 5e république. La
décentralisation débute dès 1959. Celle ci est constante depuis la création de la 5e République.
En 1959, on crée une nouvelle catégorie de syndicats de communes : à vocation multiples (SIVOM).
En 1960, 21 circonscriptions d’actions régionales sont crée pour faciliter l’exécution des décisions de
l’état.
En 1966, loi sur la création des communautés urbaines
La gestion administrative et la façon de l’améliorer deviennent des questions récurrentes.
Les dispositions financières sur l’organisation des collectivités territoriales voient le jour. Dès 1959, les
impôts locaux ne sont plus de répartition mais de quotité.
La loi du 02/03/1982 est relative aux libertés des communes. On supprime la tutelle administrative et
financière.
La loi du 07/01/19883 et 22/07/83 st relatives à la répartition des compétences entre l’état, les
départements et les communes.
Le code général des collectivités territoriales est adopté en 1996.
La réforme constitutionnelle de 2003 apporte d’importantes modifications à l’organisation territoriale.
7. La personnalité morale
Les collectivités publiques st des personnes morales de droit public. En dehors de l’Etat et des
collectivités territoriales, seuls les établissements publics et groupement d’intérêt public ont aussi une
personnalité morale.
La personnalité morale, c’est le fait de constater que des personnes physiques se sont reconnus des
intérêts communs et se sont regroupés pour les gérer. Ces intérêts sont différents des autres. Le
groupe est indivisible pour les gérer. C’est une technique juridique. La reconnaissance de la
personnalité morale a permis le développement de la décentralisation.
On impute à la personnalité morale les actes de ses organes ou de ses agents. On peut parler de sa
volonté. La personnalité morale peut agir en justice pour défendre ses intérêts. La personnalité morale
a aussi une certaine autonomie dans ses actes. Les collectivités territoriales sont des personnalités
morales publiques. Elles ont l’obligation d’agir pour le public.
8. La décentralisation territoriale et la décentralisation fonctionnelle (ou technique)
La décentralisation fonctionnelle est représentée par l’établissement public. Ce dernier est défini
comme un service public personnalisé. L’établissement est une expression de la décentralisation. Il a
des affaires qui lui sont propres (ex : un musée a pour but d’exposer ses oeuvres un public). Leur
autonomie varie également en fonction de leur finalité (ex : université ont plus d’autonomie qu’avant
avec la loi Pécresse).
Les collectivités territoriales ont un territoire, pas les établissements publics. Comme ils n’en ont pas,
ils sont rattachés à des autorités territoriales (nationales, régionales, locales…).
9. La Décentralisation territoriale et l’établissement public
Les établissements publics territoriaux ont tendance à se multiplier. L’origine est la loi sur les
syndicats de communes de 1890. Il y a toute une série d’établissements publics ainsi créés qui
disposent d’un territoire. Ils n’ont pas à être rattachés à des communes, des collectivités.
Ce qui les distingue des collectivités, ce sont l’étendue des compétences de la personne. Pour les
établissements publics, la compétence est spécifique et fixée par la loi. Celle des collectivités est
générale.
Droit Administratif – L2 – semestre 1
Cours n°2 : Organisation et fonctionnement des collectivités territoriales
10. Les collectivités territoriales de droit commun
Ce statut de droit commun, c’est celui des communes. Il y a 36 679 communes. Sur ce nombre, 36
565 sont en métropole et 114 en outre mer. A cela il faut ajouter 2 communes à St Pierre et Miquelon,
les communes de Mayotte, de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie. Ce nombre est très élevé,
plus que dans d’autres pays (ex : au Japon, 3 000 communes seulement alors qu’il y a 128 millions
d’habitants). La plupart est de petite taille. Il y a bien une spécificité française.
Certaines communes ont un statut dérogatoire (Lyon et Marseille) car elles sont divisées en
arrondissements et les élections sont faites par arrondissement et donnent un conseil d’ardt.
Les départements sont au nombre de 100 dont 96 en métropole. Le législateur peut modifier le
nombre de départements comme de communes. Ex : séparation de la Corse en 2 départements par
une loi de 1975.
Il y a 25 régions dont 21 en métropole. Le régime des régions est fixé par la loi du 04/01/1986. On
trouve 4 régions en outre-mer (Réunion, Martinique, Guyane, Guadeloupe). Elles sont particulières
cars elles sont monodépartementales (la territoire de la région = territoire du département). Du coup, il
y a des instances régionales et départementales.
Les régions sont crées en 1982 mais naissent en 1986 car le législateur avait tenu à préciser que la
création des régions se ferait avec l’élection des conseillers régionaux au suffrage universel, ce qui fut
fait en 1986.
Le découpage des régions retenu en 1982 se fait pour les besoins de l’Etat, et ne correspond pas
forcément aux besoins des collectivités territoriales.
11. Les collectivités territoriales à statut dérogatoire
Il y en a 2 sortes.
D’abord, les collectivités à statut particulier, comme Paris. La loi du 10/08/1964 a fait de Paris une
collectivité ayant des compétences de nature communale et départementale. La loi du 31/12/1975
continue de maintenir cette double nature. Paris n’est pas une commune ni un département car cela à
une incidence en matière de cumul de mandat.
La Corse est la 2ème collectivité à statut particulier. Elle a été une région jusqu’en 1991 où elle devient
collectivité à statut spécifique.
Il y a aussi les collectivités d’outre-mer. Il y en a 4 (Réunion, Martinique, Guyane, Guadeloupe). La
Guyane a 91 000km² et 157 000 habitants, la Réunion a 2 711km² et plus de 700 000hab. Le Conseil
constitutionnel rappelle dans une décision du 02/12/1982 que leur statut des départements doit être le
même qu’en métropole sous réserve de l’adaptation locale.
Art 73 Constitution = les départements d’outre-mer peuvent faire l’objet d’adaptation en fonction de
leur caractéristique particulière.
Les collectivités d’outre-mer (COM) constituent une catégorie juridique à part. Elles remplacent depuis
2003 les TOM mais ne correspondent pas totalement. Certains TOM ont disparu comme les TAAF
(terre australe et antarctique française). Mayotte et St Pierre et Miquelon, qui n’étaient pas des TOM,
sont devenus des COM. St Pierre et Miquelon, c’est 250 km² pour plus de 6 000 habitants. C’est la
plus ancienne possession française en outre-mer.
Mayotte est une COM.
La Polynésie est le plus vaste TOM avec 4 millions de km² de surface maritime. Depuis la loi du
27/02/2004, elle a une assemblée de polynésie et un gouvernement, avec à sa tête un président.
Wallis & Futuna sont des îles de 274km² et 14000hab.
Parmi les COM, il y a St Barthélémy, la Nouvelle Calédonie. Celle-ci a un particularité dû aux accords
de Nouméa du 5 mai 1998 qui ont été constitutionalisés. Elle devra ainsi se prononcer sur son
maintien ou non au sein de la République française.
12. Les règles communes à l’ensemble des collectivités territoriales
Il existe plusieurs dispositions communes à toutes les collectivités territoriales. La plupart st des
dispositions constitutionnelles, introduite par réforme du 28 mars 2003.
Cette réforme a permis l’unification du langage ; on parle uniquement de collectivités territoriales (et
non plus de collectivités locales). Dans la Constitution, après la réforme de 2003, on trouve
l’énumération des collectivités territoriales généralistes (communes, départemnt, régions, COM).
L’inscription des régions dans la Constitution ne date que de 2003.
Les collectivités territoriales font l’objet d’une représentation par le Sénat.
Art23, alinéa 3 Constitution de 1956 = Lé Sénat est le grand conseil des communes de France. Le
Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République. Donc quand il y a
création de collectivités territoriales ou de nouvelle catégorie, il faut du coup faire en sorte qu’elle soit
représentée au Sénat.
Le principe de subsidiarité (qui vient du droit canon) figure aussi de la Constitution.
La Constitution (art 72, alinéa 2) impose aux collectivités territoriales l’existence d’un organe collégial
élu. Les collectivités territoriales s’administrent par des conseils élus. Donc chaque collectivité
territoriale repose sur le régime représentatif.
Avant 2003, on discutait sur la possibilité d’un référendum local, depuis, c’est autorisé.
Art 3 Constitution et art 6 DDHC = les divisions entre les candidats en fonctions de leur sexe n’est pas
conforme à Constitution.
13. L’élection de l’organe délibérant
L’organe délibérant est constitué par les membres de l’assemblée délibérante. Le mandat a une durée
de 6 ans, fixée par la loi.
Pour les communes, les conseils municipaux st renouvelés intégralement tous les 6 ans, en mars. Il y
a quelques exceptions pour éviter de faire coïncider élection présidentielle et municipale (en 2007).
Les conseils généraux sont également élu en mars mais ils st renouvelés par moitié tous les 3 ans.
Loi du 11/12/1990 avait supprimé ce renouvellement partiel mais ensuite, il y a eu un retour en arrière
le 18/01/1994.
Les conseils régionaux = mandat de 6 ans. Une loi de 1999 avait ramené ce mandat à 5 ans mais on
est revenu à 6 ans en 2003.
Le mode de scrutin est différent car il y a un mélange de scrutin majoritaire et de proportionnel.
Loi de 19/11/1982 dit que pour les communes inférieures à 3 500 habitants, il y a un scrutin
majoritaire mais panachage et vote préférentiel est admis. Pour celles de plus de 3500 habitants, ce
sont des listes complètes et définitives.
Si une liste est majoritaire après le 1er tour : elle recueille la « moitié plus 1 » des sièges. Les autres
sièges sont répartis entre les autres listes avec un système proportionnel à la plus forte moyenne.
Cela permet la représentativité de tous les courants politiques.
Si pas de majorité au 1er tour, il y a un second tous mais uniquement avec les listes qui totalisent 10%
des votes. Les listes peuvent être modifiées entre les 2 tours. Pour qu’il y ait fusion de 2 listes, il faut
que les listes aient eut plus de 5%.
Après la réforme du 8/7/1999, la Constitution dit que la loi favorise l’accession des hommes et des
femmes aux mandats. La loi du 6 juin 200 a rendu obligatoire la parité pour élection municipale entre
hommes et femmes, pour communes de plus de 3 500 habitants.
L’écart de candidats en fonction de leur sexe ne peut pas être supérieur à 1.
A Paris, Lyon et Marseille, les élections se font par secteur.
Le canton existe depuis 1833. Depuis, les conseillers généraux sont élus par canton au scrutin
uninominal majoritaire à 2 tours. La majorité absolue est requise au 1er tour à condition qu’il y ait au
moins 25% de votants. Au 2nd tour, c’est la majorité relative pour les listes totalisant au moins 10% des
votes.
Pour les régions, le scrutin a beaucoup évolué. Au début 1985, c’était la proportionnelle à la plus forte
moyenne. Il y a eu du coup absence de majorité dans beaucoup de régions.
La loi du 19/01/1999 a modifié cela. La région devient la circonscription. La loi de 11/04/2003 a
introduit des sections départementales : la répartition des sièges se fait désormais entre les listes et
entre les sections départementales d’une même liste, au prorata des voix obtenues par chaque liste
dans chaque département. Il y a également parité complète. En cas, d’égalité des suffrages, c’est la
personne la plus âgée qui obtient le siège.
14. Inéligibilités, incompatibilités, cumul des mandats
Le cumul de mandat est possible.
L’inéligibilité empêche d’être élu. L’éligibilité est conditionnée par un lien existant avec la collectivité.
Désormais, il faut 18 ans pour être éligible.
L’incompatibilité oblige à choisir entre 2 fonctions électives ou entre 1 fonction privée et 1 fonction
élective. Pour les communes de plus de 500 habitants, il ne faut pas plus de 2 personnes de la même
famille sur une même liste. Il est interdit d’appartenir à plusieurs conseils de même nature (2 mandats
municipaux ou 2 mandats régionaux sont incompatibles) mais cela ne s’applique pas à Paris.
Le cumul vertical permettait à l’origine de cumuler 5 mandats (municipal, départemental, régional,
national, européen) et donc de cumuler les indemnités liés au mandat.
La loi du 30/12/1985 limite le cumul des mandats à 2 pour les communes de plus de 20 000 habitants
et à 3 pour les communes de moins de 20 000 habitants.
La loi du 5 avril 2000 maintient le cumul possible entre mandat local et national mais le limite à 2.
15. Désignation de l’organe exécutif
En droit français, l’organe exécutif est désigné par l’organe délibérant de la communauté en son sein.
La loi du 2 mars 1982 a généralisé le modèle municipal.
Le maire est élu par le conseil municipal pour la même durée que le conseil. La durée du mandat des
adjoints est liée à celle du maire. Si ce dernier cesse, les autres aussi.
Le scrutin est secret, le maire doit être élu à la majorité absolue pour les 2 premiers tours. Si besoin
est au 3e tour, c’est la majorité relative qui est retenue. Si personne n’est élu, c’est la personne la plus
âgée qui devient maire. Il n’est pas nécessaire d’être candidat aux 2 premiers tours pour être élu au
3e.
Les citoyens de l’UE peuvent voter au municipal mais ne peuvent pas devenir maire.
Un maire ne peut pas être en même temps président du conseil général ou régional.
Le président du conseil régional. L’organisation régionale est calquée sur celle du département. Les
conditions d’élection du Présidentt sont les mêmes que pour le département ou la commune à un
détail près. Avant chaque tour, les candidats à la présidence doivent distribuer un programme
d’orientation (budgétaire, politique et économique) à l’ensemble des membres du conseil régional.
16. Statuts des élus locaux
Les élus locaux st nombreux = près de 520 000. Près de 430 000 sont dans des communes de moins
de 3 500 habitants.
L’indemnisation du mandat. Le mandat est gratuit mais il peut y avoir des indemnités, déterminé à
partir d’une référence basée sur l’indice brut terminal de l’échelle indiciaire de la fonction publique. En
cas de cumul des mandats, l’indemnité ne peut dépasser 1,5 fois l’indemnité parlementaire. Il existe
aussi des remboursements de frais occasionné par le mandat (déplacement).
La formation reste à développer. Les élus ne sont pas toujours formés à leur mandat. Depuis 2002,
les élus ont droit à 18jours par mandat pour se former mais son utilisation reste facultative.
La disponibilité : l’élu doit avoir du temps pour gérer la collectivité. Le législateur a revu le système
autorisation d’absences des salariés et permet de pallier la perte éventuelle de revenu.
Un congé électif de 10 jours/an est prévu pour préparer les élections prochaines mais ils sont pris sur
les congés payés.
17. Coopération intercommunale
Il peut y avoir coopération entre plusieurs communes ou plusieurs départements mais la plus répandu
est celle des communes, du fait de leur nombre élevé.
Dès 1890, il y a création de syndicats de communes pour permettre cette coopération, notamment
pour les réseaux d’eau.
Les établissements publics de coopération intercommunale sont des établissements territoriaux.
En 1959, les syndicats de communes deviennent des SIVU (syndicat intercommunal à vocation
unique). Il existe aussi des SIVOM (syndicat intercommunal à vocation multiple).
Les communautés urbaines et les communautés de ville sont de nature différente. La loi du
12/07/1999 (loi Chevènement) a supprimé les districts et les communautés de ville.
Il ne reste donc aujourd’hui que des syndicats de communes et des communautés. Ces dernières
permettent la coopération des communes autour d’un projet commun. Il y en 3 catégories
- communautés urbaines, créé en 1966
- communautés de communes
- communautés d’agglomération, créé toutes les 2 en 1999.
Elles ont des compétences étendues. Elles perçoivent à la place des communes plusieurs taxes dont
la taxe professionnelle unique
La loi du 13/08/2004 permet le transfert de la police des communes au profit de la communauté.
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Cours n°3 : l’action et le contrôle des collectivités territoriales
18. Notion et fondement des compétences
Nous abordons dans cette leçon l'action des collectivités territoriales et le contrôle qui est exercé sur
elle. L’action parce que les collectivités publiques telles qu'elles soient sont d'abord faites pour
répondre à des besoins tels qu'ils sont estimés par les pouvoirs publics ou tels qu'ils seront exprimés
par les populations. Il faut donc que les textes puissent permettre à ces collectivités d'agir. Et c'est
pourquoi on rencontre la notion de compétence. La notion de compétences est une notion complexe,
on dirait aujourd'hui volontiers qu'elle est, selon les goûts, polysémiques ou bien, si on préfère les
images, polymorphiques. Cela veut dire que selon les auteurs, mais aussi le selon le contexte, la
notion de compétence n'est pas tout à fait la même. La compétence peut-être ne définit d'une manière
générale comme étant l'aptitude d'un agent ou d'une autorité individuelle ou collective à édicter des
normes qui produisent des effets de droit. En ce sens on peut parler de la compétence le législateur
on peut parler de la compétence du pouvoir réglementaire, on peut parler aussi de la compétence du
juge, administratif ou judiciaire. On peut parler aussi de la compétence d'une autorité administrative
pour édicter un acte réglementaire ou individuel. On peut parler aussi des compétences et lorsque l'on
parle des compétences des collectivités publiques, cela fait référence à deux choses. C’est l'étendue
des possibilités d'intervention mais l'étendue des possibilités d'intervention qui signifie à la fois la
capacité d'intervenir que l'on vient de voir mais aussi un ou plusieurs domaines d'intervention. Et c'est
cet aspect « domaines d'interventions », matière qui peuvent être régies par les autorités admiratives
qui qualifient la notion de compétences prises au pluriel. Cette notion de compétences est
relativement récente en ce qui concerne les collectivités locales. En effet si l'on regarde tout le xixe
siècle et encore la première moitié du xxe siècle, on constate que le législateur ne s'est guère
préoccuper de compétence : le terme n'apparaît pratiquement pas. La préoccupation dominante des
pouvoirs publics était alors celle du contrôle des autorités locales. On craignait que celle-ci ne
dépasse leur attribution pour faire ce qui était interdit. Ce n'est qu'à partir de là des années 1960 que
l'on a commencé à réfléchir sérieusement sur la motion de compétences des collectivités territoriales.
De ce point de vue, il faut faire plusieurs distinctions. Il faut distinguer les compétences des fonctions.
Les fonctions, ce sont les buts et les objectifs que se donne une collectivité publique. C'est ce que l’on
peut faire ou ce que doit faire une collectivité publique. Et un auteur célèbre tel que Carré de Malberg,
grand juriste, a pu réfléchir longuement sur les fonctions de l'État. Quelles sont les fonctions de l'État ?
On comprend que c'est question qui peut donner lieu à discussion, et pas seulement sur le plan
juridique, mais également sur le plan politique en fonction des préférences que chacun peut avoir
légitimement.
A partir de ces fonctions, on peut définir des compétences. C’est donc les domaines dans lesquels la
collectivité publique va intervenir. Une autre distinction est sans doute à faire entre les compétences et
les attributions.
Les compétences sont ce qui caractérise une collectivité, les attributions sont ce qui est remis à des
agents de cette collectivité. Ainsi par exemple on dira que la commune dispose d'un certain nombre
de compétences qui lui sont dévolues par la loi. En revanche le maire, le conseil municipal disposent
d'attribution dans le cadre de ses compétences et pour la mise en oeuvre de ces compétences.
Une autre distinction encore, mais qui paraît évidente, est à faire entre les compétences et les
charges. Mais il faut la citer, parce que à plusieurs reprises au cours de notre histoire, le législateur a
déclaré vouloir transférer des compétences, et les élus locaux, par leurs représentants, ont fait valoir
qu'en réalité le pouvoir central essayait de se décharger d'un certain nombre de dépenses beaucoup
plus que beaucoup plus qu'il ne voulait transférer des compétences.
A vrai dire les transferts de charges sont anciens dans notre histoire, on pourrait en trouver sans
doute des exemples avant la Révolution, mais c'est surtout sous le premier empire que l'on trouve des
exemples de transfert de charges. Il y a des décrets et de l'empereur qui déclare textuellement :
« dans notre munificence, nous transférerons à nos communes à nos département un certain nombre
de chose ». La fin de la phrase est bien essentielle : « à charge pour elle de les entretenir ». Il s’agit
essentiellement de bâtiment, de bâtiments de justice, de bâtiments abritant des services de l'État donc
de bâtiments qui n'avaient pas en théorie à être pris en charge par les collectivités locales.
La question de la compétence et des charges est une question qui revient périodiquement dans les
relations entre l'État et les collectivités locales. Elles constituent une source de l'incompréhension, de
malentendus entre les deux.
Quant au fondement des compétences des collectivités territoriales il a été longuement débattu.
Aujourd'hui la plupart des auteurs sont d'accord pour dire qu'il existe ce que l'on appelle, même si la
formule n'est pas entièrement satisfaisante, la clause générale de compétences. La clause générale
de compétences trouve sa source dans ce qui fut l'article 61 de la loi du 5 avril 1884 sur les
communes, qui déclarait textuellement : « le conseil municipal gère par ses délibérations les affaires
de la commune ».
Un certain nombre d’auteurs ont tiré de cette formule l'idée qu'il existait une clause générale de
compétences. En 1982 on peut dire que le législateur a étendu la clause générale de compétences
aux départements et aux régions, dans la mesure où l'on trouve exactement la même formule pour
ces collectivités : « le conseil général règle par ses délibérations les affaires du département, le
conseil régional règle par ses délibérations les affaires de la région ». Et cette clause générale de
compétences signifie que ce qui n'est pas interdit à une collectivités territoriale est permis dès lors que
cette collectivité agit dans un intérêt public, tel qu'il peut être contrôlé par le juge. Il faut ajouter que le
fait qu'il y ait de plus en plus de lois qui précisent les compétences à des collectivités territoriales
n'exclut pas pour autant la clause générale de compétences : ces lois sont une explicitation de la
clause générale de compétences.
La clause générale de compétences est évidemment une clause législative : il ne peut pas y avoir
bien entendu de compétences qui relèveraient, par nature, des collectivités territoriales.
19. Les lois relatives à la répartition des compétences
On vient de parler de lois qui sont attributives de compétences sous la Ve république. Un certain
nombre de loi a été adopté relativement à la répartition de compétences entre l'État d'un côté, les
collectivités territoriales de l'autre.
Il existe de ce point de vue un contraste considérable entre le passé et le présent. Hier, c'est-à-dire fin
xixe siècle au début du xxe siècle, il y avait très peu de dispositions législatives concernant les
compétences des collectivités territoriales. Aujourd'hui en revanche il y a une multiplication de ces lois
et l'on peut dire qu'il ne se passe pas une année sans qu’une loi, ou plusieurs lois, soit votée et qui
peut, directement ou indirectement, de manière plus ou moins étendue, modifier les compétences
d'une collectivité ou d'une catégorie de collectivités territoriales dans un domaine déterminé.
Les préoccupations que l'on trouve sous la Ve république sont assez différentes de celles que l'on
pouvait relever auparavant. Parmi ces préoccupations on peut en relever notamment de deux sortes.
En premier lieu, il y a eu, entre les années 60 et 2004, des volontés de transférer des compétences.
Cette volonté de transfert de compétences de l'État vers les collectivités territoriales a été justifiée par
le fait que la décentralisation était jugée insuffisante. Les collectivités, que l'on appelait alors
uniquement locale, exerçaient certes des compétences mais qui était en définitive des compétences
relativement limitées. Et à partir des années 60, il est apparu indispensable de faciliter l'exercice des
compétences par les collectivités locales, au premier chef par les communes d’où ces transferts de
compétences, qui ont été consacrés par la loi. En d'autres termes, on peut dire que on a considéré
que les transferts de compétence étaient l'une des meilleures expressions du développement de la
décentralisation. Une seconde préoccupation est la préoccupation de clarifier les compétences.
Au fur et à mesure que des lois ont été votées, qu'il y a eu donc une multiplication de compétences
locales, une question s'est faite insistante, une question que l'on peut résumer en « qui fait quoi » .
Quelle est la collectivité compétente pour intervenir ?
Et cette question de savoir quelle est la collectivité compétente pour intervenir a été rendue plus aiguë
par l'existence du nombre élevé de niveaux d'administration dans notre pays. En effet, on compte
quatre niveaux d'administration générale dans le pays. Il y a le niveau de la commune, le niveau du
département, le niveau de la région, le niveau de l'État, on ne parle pas du niveau communautaire ici,
et il ne faut pas oublier non plus les niveaux intermédiaire,s notamment le niveau intermédiaire
représenté aujourd'hui par les établissements publics de coopération intercommunale. Cela
représente un grand nombre de niveaux et cela impose qu'il y ait une clarification de compétences.
Cette clarification des compétences est également exigée par le fait que toutes ces collectivités
généralistes, communes - départements - régions, peuvent intervenir pratiquement dans tous les
domaines notamment du fait de cette clause générale de compétences. On peut parler de rêve du
législateur. Législateur qui a souhaité à plusieurs reprises, cela revient de manière récurrente dans les
débats, instituer ce que l'on appelle des « blocs de compétences ». L'idée est a priori séduisante.
L’idée de blocs de compétence, cela revient à donner à une catégorie de collectivités territoriales un
ensemble homogène de compétences, assurés par cette seule catégorie de collectivités territoriales.
L'idée de deux blocs de compétences est venue d’un emprunt de la répartition des compétences entre
les ordres juridictionnels, puisqu'il existe des blocs de compétences, au profit notamment du juge
judiciaire. Donc cette idée a priori était assez séduisante.
Les résultats n'ont pas été à la hauteur des espérances. En réalité, il n’y a jamais eu de blocs de
compétence qui ont été véritablement consacrés par le législateur. Cette idée qui paraît ici
satisfaisante est difficilement réalisable parce que les collectivités territoriales interviennent dans la
plupart des domaines. Elles sont sollicitées d'intervenir et aucune n'accepte de renoncer à intervenir
dès lors qu'il y a un intérêt public. On peut donc penser que les blocs de compétences sont tout à fait
irréalisables.
Quant aux lois qui sont donc intervenues, on ne peut pas tout passer en revue mais on peut citer en
quelque unes. La dernière grande loi en date est initiatrice : ce sont les loi du 7 janvier 1983, relatives
à la répartition de compétences entre l'État, les communes, les départements et les régions, et la loi
du 22 juillet 1983, qui complète la loi du 7 janvier 1983. Ces lois sont deux lois relatives à la répartition
de compétences - et non pas des compétences - ce qui signifie que ces lois n'ont pas établi une
répartition complète des compétences entre les collectivités publiques, et entre les collectivités
publiques et les personnes privées, ce qu'impliquerait la formule « répartition des compétences ».
La loi, fort sagement, et le législateur se sont tenus à la répartition de certaines compétences, c'est-à-
dire le transfert de compétences de l'État vers les collectivités territoriales (communes, départements
et régions). La dernière loi en date est la loi du 13 août 2004 relatifs aux libertés et aux responsabilités
locales. Cette loi est très importantes par les transferts qu'elles impliquent et qui a été long à mettre en
oeuvre - et qui n’est pas totalement achevé, tant elle ne prévoit pas de dispositions et tant qu'il a été
indispensable de prévoir de mesures d'applications qui ont soulevé quelquefois des difficultés. Depuis
cette loi, on a un peu le sentiment que les collectivités locales souhaitent faire une pause dans les
transferts de compétences, estimant que ces transferts sont suffisants.
Et certaines catégories de collectivités sont même quelque peu effrayés des transferts de
compétences qui ont été opérées, notamment lorsque cela passe par des transferts de personnel : on
pense aux régions avec le transfert des TOS (techniciens ouvriers de service).
20. Les compétences de la commune
Ayant vu de manière générale les lois relatives à la répartition de compétences entre l'État et les
collectivités territoriales, on peut envisager maintenant les catégories de collectivités territoriales et
tout d'abord les compétences de la commune.
La commune présente une spécificité très grande ne serait-ce-ce que par son ancienneté. Mais elle
présente aussi une particularité notable et qu’accentue le nombre de communes en France : la
commune est la collectivité de base, la collectivité de proximité à laquelle les citoyens se réfèrent en
premier lieu ; et le maire est la première autorité publique à laquelle s'adresse volontiers les citoyens
pour lui demander, non pas seulement de répondre à des questions relatives à l’administration locales
mais également à bien d'autres difficultés que rencontrent les citoyens.
Les communes ont reçu des lois, et notamment des lois de 1983, un certain nombre de compétences
provenant de l'État. En particulier parmi tous ces compétences, on peut citer, avec la loi du 7 janvier
1983, des compétences en matière de délivrance d'autorisation individuelle d'urbanisme : les
communes délivrent aujourd'hui le permis de construire. Tout au moins cela vaut pour les communes
qui sont dotées d'un plan local d'urbanisme approuvé. C'est là un changement considérable dans
notre histoire puisqu’ auparavant les permis de construire avaient été délivrés par l'État. Et cela n'a
pas toujours fait le bonheur des autorités communales car lorsque le permis de construire était délivré
par l'État, les maires avaient tendance à reporter sur l'État la responsabilité d'un refus de permis de
construire, en arguant que si elles avaient pu l’accorder, elle l'aurait accordé.
Aujourd'hui il est beaucoup plus difficile de se réfugier là derrière la décision de l'État et les élus
locaux sont amenés, comme l'on dit, à prendre leurs responsabilités. Cela fait d’eux des autorités qui
disposent de pouvoirs considérables car les autorités communales sont devenues, en matière de ces
autorisations d'urbanisme, quelquefois des magiciens pouvant transformer un terrain non constructible
en terrain constructible, ce qui change radicalement la valeur du terrain. Si on examine les
compétences des communes, en dehors de ces compétences en matière d'urbanisme qui sont si
importantes, on peut dire que il n'y a pas de listes que l'on pourrait dresser des compétences
communales car les communes peuvent intervenir à peu près dans tous les domaines - précisément
à raison de cette clause générale de compétences.
La raison de cet interventionnisme des communes est très ancien. Les communes, néanmoins si l'on
essaie de voir les grands domaines, les communes peuvent intervenir dans le domaine de l'action
sociale. Il y a l'action sociale facultative notamment, et les communes peuvent disposer d'un
établissement public communale qui est spécialisée dans l’action sociale. Cet établissement
communal était appelé autrefois « bureau d’aide sociale » ; il s'appelle aujourd'hui « centre communal
d'action sociale ». Il faut d'ailleurs préciser que ces centres communaux d'action sociale peuvent ne
plus être seulement communaux mais aussi des centres intercommunaux. C'est peut-être une des
possibilités qu’ont les établissements publics de coopération intercommunale. Les communes peuvent
ainsi gérer, du point de vue de social, des crèches pour enfants, des garderies et pour les personnes
plus âgées, les communes financent et peuvent gérer également des foyers pour personnes âgées.
Un autre domaine de la traditionnelle intervention des communes, qui relève également du domaine
social, c’est le domaine de l'enseignement. Dans ce domaine les communes sont compétentes pour
les écoles pré-élémentaires ainsi que pour les écoles élémentaires. En ce qui concerne les écoles
primaires, désormais celles-ci sont des établissements publics locaux depuis 2004. Il faut également
ajouter que les communes sont intéressées par un certain nombre d'établissements privés. En vertu
de ce qu'on appelle la loi Debré, et qui date de 1959, il existe des écoles privées qui sont sous contrat
d'association. Ces écoles privées sous contrat d'association, et seulement celles-ci, car il y a bien
d'autres écoles privées sans contrat, les écoles privées sous contrat d'association se voient attribuer
une aide par les personnes publiques. En vertu de la loi, ce sont les communes qui doivent ainsi aider
financièrement, dans des conditions bien précise, ces écoles privées. Ce sont des dépenses
obligatoires pour les communes.
En dehors du domaine social, on peut également relever le domaine culturel qui est très important. On
ne peut oublier que en France, ce sont les collectivités locales, et principalement les communes, qui
assurent l'essentiel des dépenses culturelles. Ces dépenses culturelles proviennent des interventions
des communes en matière de bibliothèque. Il y a les bibliothèques municipales qui sont souvent
gérées en régie. Il y a dans de nombreuses communes un ou plusieurs musées. Il faut souligner à ce
propos qu'un musée peut-être un établissement public communal, comme il peut-être un
établissement public d’une autre collectivité publique et comme, bien entendu, il peut être un
établissement public national, comme le Louvre par exemple.
En dehors des musées, toujours dans le domaine culturel, on peut citer également les établissements
publics d'enseignement artistique, ce que l'on appelait jusqu’en 2006, les conservatoires nationaux de
région et les écoles nationales de musique, sans compter les écoles municipales de musique. Les
trois catégories qui viennent d'être citées, malgré la dénomination tout à fait trompeuse d'école
nationale de musique, de conservatoire national de région, étaient toutes des écoles qui avaient un
statut municipal. Depuis 2006, en application de la loi de 2004, les écoles en question s'appellent
écoles à rayonnement communal, écoles à rayonnement départemental, écoles à rayonnement
régional, mais elles demeurent, pour la plupart, des écoles qui sont prises en charge par les
communes.
Un autre domaine enfin c'est le domaine des sports et des loisirs. Les communes sont intervenues
pour créer de nombreux équipements sportifs tels que piscine, des stades. Les communes
subventionnent de nombreuses autres activités qui sont assurées par des personnes privées aussi
bien en matière sportive que en matière de loisirs. Il faut souligner enfin, s'agissant des compétences
de la commune, que la commune exerce un certain nombre de fonctions au nom de l'État. Parmi ses
fonctions, il convient de citer évidemment l'État civil tenu par les communes pour le compte de l'État
ainsi que les fonctions électorales.
21. Les compétences du département
Après les compétences de la commune, nous voyons les compétences du département. Les
compétences du département sont largement déterminées par l'histoire.
Lorsque les départements sont créés à la fin de l'année 1789, leurs attributions sont relativement
limitées. Ce sont surtout des relais de l'État. Sous le premier empire, un décret de 1808 attribue aux
départements la lutte contre la mendicité et leur confie le soin de créer des dépôts de mendicité. Donc
dès le départ les fonctions qui sont attribuées aux départements sont principalement des fonctions
sociales.
Et le domaine social va devenir le domaine privilégié du département. Si l'on peut parler aujourd'hui de
vocation sociale du département, ce n'est pas en raison de la nature du département mais en raison
de l'histoire. L'action sociale, la santé, l'aide médicale sont des compétences remises aux
départements, consacré par la loi. Il faut préciser tout de même qu'il y a eu des modifications, en
particulier en ce qui concerne l'aide médicale.
Depuis la loi du 27 juillet 1999, portant création de la couverture médicale universelle, qu'on appelle la
CMU, cette aide médicale n'est plus à la charge des départements. Donc on voit bien que certaines
compétences peuvent être transférées de l'État vers le département mais qu'il peut y avoir des retours
en arrière. C'est ce qui a été également décidé d'ailleurs en 2004, pour un certain nombre de
compétences en matière de santé publique, parce qu’il est apparu que, dans le cadre des risques
d'épidémie que l'on peut connaître, on pense par exemple au H5N1 ou à la grippe aviaire, il est
préférable que les politiques soient définies à l'échelon de la nation et non pas à l'échelon du
département.
Il existe à cet échelon départemental à un service départemental d'aide action sociale. Ce service
départemental d'action sociale est donc le service qui assure, pour le compte du département, les
compétences sociales de ce dernier. Parmi ses compétences, on peut penser notamment à l’aide
sociale à l'enfance qui est un domaine important d'intervention du département. On peut citer
également ce qu'on appelle la PMI, c'est-à-dire la protection maternelle et infantile, qui implique de
nombreuses interventions de ce domaine, qui est partagée avec d'autres collectivités. Il ne faut pas
oublier également qu'il y a partage des compétences avec l'institution judiciaire.
Le conseil général, en matière sociale, est appelé à adopter un règlement départemental d'aide
sociale. Ce règlement départemental d'aide sociale définit les conditions d'attribution de toutes les
prestations de nature sociale qui seront versés par le département .de même encore que le conseil
général établi ce que la loi appelle le schéma départemental des établissements et des services
sociaux et médico-sociaux. Le président du conseil général se voit reconnaître un certain nombre
d'attributions propres, en application bien entendue de ce qui était décidé par le conseil général. Le
président du conseil général est ainsi chargé d'attribuer les prestations qui relèvent de la compétence
du département. Il a également au pouvoir d'autoriser la création des établissements de statut privé
en ce domaine. Il fixe aussi la tarification des prestations qui sont fournies par les établissements et
services sociaux qui relèvent du département. Les interventions sociales du département sont
extrêmement importantes.
Autre domaine d'intervention du département, le département gère les transporteurs scolaires hors du
périmètre urbain. Il a reçu également compétences en matière de port, de pêche et de commerces. Le
département s'est vu transférer également un certain nombre de voies publiques, de route qui était
anciennement nationale et qui sont devenus départemental. Ce transfert a été opéré d'ailleurs en
plusieurs temps, le dernier temps étant celui de la loi de 2004. Les départements, après avoir été
demandeurs, estiment là aussi que l'État n'a pas transféré suffisamment de ressources pour un
entretien convenable de ces routes. C'est un des motifs de discussion ou de litige entre le
département et l'État.
Parmi les domaines importants d'intervention du département, il faut citer également les collèges. Les
collèges ont été transférés au département. Ce sont des compétences limitées parce que on ne peut
pas dire qu’il y ait eu un véritable transfert de compétences en matière d'éducation. Car tout ce qui
concerne la pédagogie, de même que tout ce qui concerne le personnel, ne relève pas de la
compétence du département. Le département est compétent pour la construction, la reconstruction
des collèges. C’est beaucoup mais on ne peut pas véritablement parler de décentralisation à propos
de l'enseignement. Dans d'autres pays, les personnels en matière d'enseignement sont nommés par
les collectivités locales. Ceci choquerait profondément en France et paraît pratiquement inacceptable.
Ces collèges sont des établissements publics départementaux. On peut également citer un certain
nombre de compétences culturelles des départements.
C'est ainsi que les départements se sont vus transférer à partir de 1983 des bibliothèques qui étaient
alors appelées bibliothèques centrales de prêt (BCP). Bibliothèques centrales de prêt qui avaient été
créés en 1945 et qui sont un échelon de l'État, financées largement par les départements. Il est
apparu logique de transférer ses bibliothèques aux départements, et de manière aussi logique, à partir
de 1992, ces bibliothèques centrales de prêts se sont appelées beaucoup plus logiquement
bibliothèque départementale de prêt. L'écart entre le transfert et le changement d'appellation a été
justifié par le fait que l'État a achevé un certain nombre d'investissements qu'il avait commencé.
De même le département s'est vu attribuer les archives, les archives départementales. Dans ces
archives, le département est tenu d'accueillir les archives des autres collectivités publiques, des
communes. Il peut accueillir aussi des archives privées. Les départements peuvent créer également
des musées, en fait, aujourd'hui chaque département s'est doté au moins d'un musée.
Enfin il ne faut pas oublier pour le département une compétence importante à laquelle les
départements tiennent, c’est l’aide apportée par les départements sous différentes formes aux
communes rurales.
22. Les compétences de la région
Après les compétences du département, les compétences de la région.
La région est peut-on dire la dernière venue parmi les collectivités territoriales. L’article L. 4221-1 du
code général des collectivités territoriales déclare que « le conseil régional règle par ses délibérations
les affaires de la région ». C'est donc que l'application de la clause générale de compétence. Mais
l'alinéa 2 de cet article ajoute que « le conseil régional a compétence pour promouvoir le
développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région et l'aménagement de
son territoire et pour assurer la préservation de son identité, dans le respect de l'intégrité, de
l'autonomie et des attributions des départements et des communes ». Cette formulation est à la fois
restrictive, parce que elle paraît revenir sur la définition d'une compétence générale de la région en
énonçant un certain nombre de domaines, mais en même temps c'est une formulation qui est large
parce que pratiquement tout pour entrer dans cette énumération de développement économique,
social, sanitaire, culturel, scientifique. Qu’est ce qui ne peut ne pas y rentrer dans l'un ou l'autre de ces
qualificatifs ?
C’est une formulation un peu pompeuse et qui soulève d'ailleurs un certain nombre de questions,
parce que lorsque le législateur déclare que la région doit préserver son identité, on peut penser qu'il
s'agit beaucoup plus d'un souhait ou d'un voeu pieux que d'une réalité.
En fait, il faut bien dire que la plupart des régions n'ont pas d'identité propre. La preuve est que dans
plusieurs régions, il y a des tiraillements entre plusieurs pôles, et que certaines parties de certaines
régions souhaiteraient se détacher pour constituer de nouvelles régions. Quoiqu'il en soit, il est
incontestable que la région dispose de compétence privilégiée en matière économique et que cela a
été voulu par le législateur.
En particulier, la région dispose de compétences en matière de contractualisation économique avec
l'État. Il y a eu une création originale qui est la création de ce qu'on appelait les contrats de plan État-
région, par la loi du 29 juillet 1982. Ces contrats de plan « État région « ont été conçus au départ pour
permettre l'application du plan de l'État. Cela a donné lieu à un certain nombre de contrats, appelés
donc contrat de plan, avec plusieurs générations de contrats de plan (1984-89, 1989-93, 94-98, 2000-
2006, 2007-2013). Il faut immédiatement préciser, pour ces derniers contrats de 2007-2013, que un
changement de nom tout à fait souhaitable est intervenu : on ne parle plus de contrats de plan État
région mais de contrats de projets État région, l'acronyme demeurant le même « CPER ». Le
changement d'appellation s'imposait parce que le plan de la nation a disparu sans que les lois qui y
sont relatives aient été jusqu'à présent modifié. Cette contractualisation entre l'État et les régions
apparaît comme une expression tout à fait originale et intéressante de collaboration, non seulement
entre l'État et les régions, mais plus largement entre l'État d'un côté, les régions d'autres catégories de
collectivités territoriales pour des personnes privées de l'autre.
En dehors de ces contrats de plan devenu contrats de projets, les régions sont compétentes en
matière de transports régionaux de voyageurs notamment en matière de transports ferroviaires.
Après une première expérience était menée à partir de 1997, il y a eu généralisation à partir de 2001
à toutes les régions de ces compétences.
Il faut insister également sur une compétence qui a beaucoup joué pour faire connaître les régions,
c’est une compétence de nature sociale : la compétence des régions en matière de lycée. Car si les
départements ont reçu les collèges, les régions ont reçu les lycées, avec les mêmes caractéristiques
qu'en ce qui concerne les départements. En ce sens, les lycées sont des établissements publics
régionaux et que les régions sont compétentes pour la reconstruction, l'aménagement de ces lycées.
Mais l'on peut dire la même chose pour les compétences de la région, en ce sens que la
décentralisation de l'enseignement y demeure extrêmement limité. Néanmoins les régions demeure
attachée à ces lycées, car effectivement la construction des lycées par les régions a été une véritable
vitrine pour les régions, et a permis de faire connaître celle-ci.
Les régions disposent également de compétences culturelles. Il y a une particularité en matière
culturelle qui existe à l'échelon de la région : il existe en effet ce que l'on appelle des fonds régionaux
d'art contemporain (FRAC), mais qui comme leur noms l'indiquent sont destinés à acquérir des
oeuvres d'artistes contemporains. Il y a un financement qui est à égalité entre la région et l'État. Plus
la région met d'argent dans son FRAC et plus l'État met également de financement. La région dispose
de certaines compétences également matière d'environnement. En matière culturelle, la loi du 13 août
2004, a apporté également une innovation en transférant aux régions ce que l'on appelle l'inventaire
général qui est une oeuvre remarquable, à peu près unique sans doute au monde, et qui consiste à
faire l'inventaire de tous les immeubles que l'on a en France. Une oeuvre énorme, commencée par
l'État sous l'impulsion d'André Malraux, et qui a été transférée aux régions. Celles-ci également
peuvent, mais ne sont pas très enthousiastes pour l'instant, les régions peuvent se voir transférer la
propriété d'un certain nombre de monuments historiques sur une liste qui a été arrêtée à l’avance.
23. L’exigence constitutionnelle du contrôle
Il convient de parler du contrôle et d'abord de l'exigence constitutionnelle du contrôle.
Mais lorsque l'on parle de contrôle, de quoi parle-t-on ? Il convient de distinguer le contrôle de la
tutelle.
Pendant très longtemps, le contrôle qui a été exercé par l'État sur les collectivités territoriales a été
une tutelle. Et cette tutelle était aussi bien une tutelle sur les personnes qu’une tutelle sur les actes. La
tutelle sur les personnes prenait la forme de décision de démission d'office, qui pouvait être prononcé
par les préfets ou de démission, de mesures de suspension.
En dehors de la tutelle, il y a des contrôles qui peuvent être exercés sur les actes des collectivités
locales. Les préfets furent chargés pendant longtemps de la tutelle légale sur les collectivités locales.
Les actes des collectivités locales, on pense surtout aux communes bien entendues, ces actes
n’étaient exécutoires qu'après approbation par l'autorité préfectorale, approbation qui fut longtemps
une approbation qui était explicite, et puis qui était devenue, au début de la Ve république, une
approbation implicite.
Quant aux modalités de contrôle, il faut bien voir que elles sont diverses. On peut distinguer trois
modalités de contrôle.
Une première modalité de contrôle est celle relative à l'organe du contrôle. En France il est admis que
le contrôle peut être exercé que par l'État. Au xixe siècle on a proposé quelquefois que le contrôle
soit confié à une autre collectivité territoriale : par exemple le contrôle sur la commune par les
départements. Ceci n'a jamais été admis, le contrôle est assuré par l'État et ceci par le biais des
juridictions qui interviennent au nom de l'État. Quant à la nature du contrôle, on peut dire que ce
contrôle peut être un contrôle qui peut être contrôle purement administratif, c'est-à-dire un contrôle
exercé sur les actes des collectivités locales. Il peut-être aussi un contrôle politique sur les finalités qui
sont poursuivies par les collectivités en question. Quant au moment du contrôle, on peut dire que il y a
deux formes de contrôle : le contrôle a priori et le contrôle a posteriori. Il va de soi que le contrôle le
plus protecteur est le contrôle a posteriori. S'il s'agit d'un contrôle a priori, on peut supposer que la
liberté des autorités locales sera beaucoup moins grande. La loi de 1982 a modifié les conditions du
contrôle en supprimant la tutelle. Il y a eu la suppression de la tutelle administrative, suppression de
la tutelle financière et allégement de la tutelle technique. Cependant le conseil constitutionnel, qui a
été saisi de cette loi, a déclaré le danger dans une décision du 25 février 1982, et je vais citer cette
formule extrêmement importante, concernant le contrôle de l'État sur les collectivités locales. Le
conseil constitutionnel déclare : « si la loi peut fixer les conditions de la libre administration des
collectivités territoriales, c’est sous la réserve qu'elles respectent les prérogatives de l'État énoncé à
l'alinéa 3 de cet article (article 72 de la constitution) ; ces prérogatives ne peuvent être ni restreintes ni
privées d'effet, même temporairement ».
L'intervention du législateur est donc subordonnée à la condition que le contrôle admiratif prévu par
l'article 72 alinéa 3 permette d'assurer le respect des lois et plus généralement la sauvegarde des
intérêts nationaux, auxquels de surcroît se rattache l'application des engagements internationaux
contractés à cette fin. Voilà le cadre constitutionnel du contrôle exercé sur les collectivités territoriales.
24. Le caractère exécutoire des actes des collectivités territoriales
La loi de 1982 a apporté une innovation importante qui est le caractère exécutoire des actes des
collectivités territoriales.
En effet en vertu de la loi, les actes des autorités locales sont exécutoires dès lors que des conditions
de publicité sont réunies. Ces conditions de publicité sont les suivantes. La publicité la plus importante
est celle qui est réalisée, imposée auprès du représentant de l'État dans le département, c'est-à-dire
le préfet. Cette publicité est appelée transmission. Les actes des autorités locales sont exécutoires à
compter de leur transmission auprès du représentant de l’État, la preuve de cette transmission
pouvant être faite par tous moyens.
Tous les actes des autorités locales n'ont pas à être transmis, et fort heureusement d'ailleurs, parce
que sinon les représentants de l'État ne pourraient évidemment pas assurer ce contrôle. Cette
transmission porte sur les actes les plus importants des collectivités territoriales. C'est-à-dire les
délibérations des assemblées délibérantes, ou encore les décisions prises par délégation, également
les décisions réglementaires ou individuelles, prises par le maire ou par le président du conseil
général, dans l'exercice du pouvoir de police qu'ils détiennent à titre propre. Précisons ici que il n'a
pas été cité le président de conseil régional car ce dernier ne dispose pas de pouvoirs de police.
Est encore soumis à l'obligation de transmission, les actes à caractère réglementaire pris par les
autorités communales, départementales, régionales, dans tout autre matière de leurs compétences,
les conventions relatives aux marchés et emprunt, les décisions individuelles relatives à la nomination
et à l'avancement de grade, à un certain nombre de sanctions, celles qui sont soumises au conseil de
discipline.
Ajoutons enfin les permis de construire et autres autorisations d'utilisation du sol. Cette liste est
longue. Cela représente aujourd'hui chaque année des millions d'actes qui sont ainsi transmis au
représentant de l'État (8 millions environ d'actes). C'est pourquoi la loi du 13 août 2004, déjà cité, a
réduit le nombre d'acteurs qui doit être obligatoirement retransmis au représentant de l'État, ceci pour
faciliter le contrôle, pour le limiter aux actes essentiels, parce que si on veut tout contrôler, on ne peut
plus rien contrôler. Pour ne citer qu'un exemple, les décisions de police relative à la circulation et au
stationnement n'ont plus à être transmis au représentant de l'État, de même pour les certificats de
conformité en matière d'urbanisme. Ce sont des réformes commandées par le bon sens. Non pas être
transmis, et cela vaut dès le départ, n'ont pas être transmis au représentant de l'État, les actes pris
par les autorités locales qui agisse au nom de l'État, pensons actes de l'État civil, ou bien encore les
actes qui sont soumis à un régime de droit privé, pensons par exemple aux actes de gestion du
domaine privé.
Mais cela ne veut pas dire qu'ils ne peuvent pas être contestés. Pour trois raisons : d'abord parce qu’il
peut y avoir une transmission spontanée de la part des autorités locales, deuxièmement parce que le
préfet peut demander communication d'un acte qui n'est pas soumis à l'obligation de transmission,
troisièmement parce que le citoyen peut toujours contester un tel acte devant le juge. A côté de cette
publicité qui est faite auprès du représentant de l'État, il faut signaler qu'il y a une autre publicité qui
est exigée pour que l'acte d'une autorité locale soit exécutoire, c'est la publication ou la notification.
Précisons que pour la publication, le législateur a estimé que la publicité pouvait être réalisée par voie
d'affichage.
25. Le contrôle de la légalité par le représentant de l’Etat
Ces actes sont donc contrôlés par le représentant de l'État.
Le représentant de l'État ne dispose plus du pouvoir de tutelle qui impliquait la possibilité d'annuler
l'acte d’une autorité locale. Mais il est chargé d'assurer le contrôle administratif des actes des autorités
locales. Il dispose à cette fin du pouvoir de déférer au juge administratif un acte d'une collectivité
territoriale qu’il estime illégal : c’est ce que l'on appelle le « déféré préfectoral ».
Le préfet doit informer sans délai l'autorité locale de son intention de déférer un acte qu’elle a pris au
tribunal administratif. Il doit communiquer à cette autorité locale toute précision sur les illégalités
invoquées. Cette information joue un rôle pré-contentieux, elle peut éviter un contentieux.
Le conseil d'État analyse cette information donné par le préfet comme un recours gracieux, ce qui
permet de conserver le délai de recours, à condition bien sûr que l'information qui ait été donnée par
le préfet soit elle-même faite dans le délai de recours contentieux.
Le préfet qui a engagé une action peut toujours se désister, toujours ceci pour éviter un contentieux.
Ce contentieux peut néanmoins exister. Le préfet peut, s'il n'a pas obtenu la modification qu’il
souhaitait, déférer l'acte de l'autorité locale au tribunal administratif dans le délai de deux mois. Il peut
assortir son recours d'une demande de sursis à exécution, que l'on appelle le « référé suspension ».
Depuis la loi du 30 juin 2000 relatif au référé devant le juge administratif, trois cas de figure sont à
distinguer. Il y a d'abord la suspension simple, si l'on peut dire : si un moyen invoqué par le préfet
paraît propre à créer un doute sérieux sur la légalité de l’acte attaqué, le juge doit statuer dans le délai
d'un mois sur cette demande de suspension. Puis il y a ce qu'on peut appeler, deuxième cas de
figure, le sursis accéléré. Car si l’acte est de nature à compromettre l'exercice d'une liberté publique la
suspension doit être prononcée dans les 48 heures.
Cette procédure est peu utilisée parce qu'il existe une autre procédure : le référé liberté, ouvert à tout
citoyen. Le tribunal et le juge administratif ont admis que cette procédure pouvait être utilisée pour
protéger la liberté administrative, considérée comme une liberté fondamentale. C'est le célèbre arrêt
du 18 janvier 2001 « commune de Venelles ».
Enfin 3e cas de figure, il y a une suspension automatique des actes en matière d'urbanisme, en
matière de marchés et en matière de délégations de service : lorsque le préfet assorti son déféré
d'une demande de suspension dans les 10 jours à compter de l'acte, au terme d'un délai d'un mois, si
le juge des référés ne s'est pas prononcé, l'acte redevient exécutoire.
26. Le contrôle budgétaire
Enfin il y a un contrôle budgétaire qui est assuré par une institution particulière.
En effet la tutelle financière a été supprimée mais un contrôle de nature financière est assuré par une
institution qu'on appelle « les chambres régionales des comptes ».
Ces chambres régionales des comptes sont des juridictions financières. Elles sont au nombre de 26.
Elles interviennent comme juridiction et aussi en qualité d'organe administratif par des avis et des
recommandations.
Le contrôle en budgétaire est prévu dans plusieurs hypothèses que le législateur a envisagées.
D'abord quand le budget de la collectivité n'est pas adoptée à la date qui a été légalement prévue,
cette date étant en principe le 31 mars de l'année, ou lorsqu'il y a des élections le 15 avril.
Deuxième hypothèse, c'est lorsque le budget n'est pas voté en équilibre réel. La notion d'équilibre réel
étant complexe et trop longue pour en donner la définition ici. Il y a une abondante jurisprudence sur
ce point.
Le troisième cas, c'est lorsque qu’il existe à un déficit réel d'exécution, déficit qui dépasse les 5 %
pour les communes, ou bien 10 % pour les communes de moins de 20 000 habitants.
Quatrième hypothèse c’est l'absence de crédits ou l'insuffisance des crédits pour le vote de dépenses
qui sont des dépenses obligatoires, c'est-à-dire des dépenses prévues par une loi ou qui résulte d'un
engagement de justice, ou d'un engagement contractuel.
Dans ces hypothèses, la chambre régionale des comptes intervient, que ce soit par l'intervention du
préfet ou bien du contrat public ou bien d'un tiers, qui y a un intérêt. Elle émet alors, dans le délai d'un
mois, un avis ou une proposition, et si le préfet s'écarte de cette proposition, de cet avis, il doit
spécialement motiver sa décision.
Droit Administratif – L2 – semestre 1
Cours n°4 : La Constitution et les traités internationaux
27. La supériorité de la Constitution sur les autres normes
Nous abordons dans cette leçon les sources de la légalité, plus exactement ce qu'il faudrait appeler
les sources de la juridicité.
Nous allons voir qu'il n'y a pas que la loi comme source des normes applicables par l'administration.
Parmi ces normes que l’administration doit respecter, on trouve au premier chef la constitution.
Il convient de parler d'abord de la supériorité de la constitution sur les autres normes. La constitution
est en droit interne la norme suprême. Aujourd'hui la constitution l'emporte de manière nette sur les
autres normes mais il n'en fut pas toujours ainsi. Il faut remonter avant notre régime actuel, avant
1958, pour se rendre compte de l'évolution qui s'est produite. « Un peuple qui n'a pas de constitution
n'a pas d'état » écrivait Montesquieu. Et avec la révolution française l'une des premières
préoccupations est de se doter d'une constitution. On sait qu'en France on aura beaucoup de mal à se
doter d'institutions stables. De nombreuses constitutions seront adoptées ou proposées.
Et il faudra attendre 1958 pour que la supériorité de la constitution sur les autres normes soit
véritablement rendue effective. En effet jusqu’en 1958, si l'on admet la supériorité théorique de la
constitution, dans la réalité, il n'en est pas tout à fait ainsi. Et cela tient à la conception que nous avons
eu en France de la loi.
Cette conception de la loi est une conception héritée des encyclopédistes, et plus particulièrement de
Jean-Jacques Rousseau. Celui-ci estime que la loi est l'expression de ce qu'il appelle la volonté
générale. La volonté générale ne peut pas se tromper dans la conception rousseauiste, la minorité
doit reconnaître qu'elle s'est trompée et se rallier à la volonté générale telle qu'elle est exprimée par la
majorité. La loi est l'expression de cette volonté générale. De ce fait, elle va être revêtue d'un
caractère quelque peu sacral, celui qui est lié à la volonté générale.
On va en déduire des conséquences : d'abord que la loi ne peut pas se tromper, parce que ce serait
contradictoire avec l'idée même de gêner le volonté générale dont elle procède. L'histoire a
évidemment montré que tel n'était pas le cas, que le législateur pouvait prendre des lois qui étaient
parfois contestables, voire un condamnable sur le plan démocratique ou sur le plan de l'éthique.
Ainsi par exemple le régime de Vichy adopte ce qu'il appelle entre guillemets « le statut des juifs ». Le
statut des juifs qui est contraire seulement l'éthique mais à tous les principes dont la France avait
prétendu se prévaloir. Par ailleurs la loi est une norme qui est adopté par le Parlement, lequel va
éprouver des réticences à se voir contrôlé. Elle est ainsi considérée comme incontestable. Sans
doute, il y a bien eu, au cours de l'histoire constitutionnelle très mouvementée de notre pays, des
créations d'institutions qui pouvaient ressembler à des juridictions constitutionnelles. Mais ce furent ou
bien des caricatures ou bien des organismes qui étaient dépourvus de tout pouvoir réel. Or en ce qui
concerne la norme constitutionnelle, la reconnaissance de la supériorité de celle-ci n'a de sens que s'il
existe un organe qui est effectivement en mesure de faire prévaloir cette norme sur les normes
inférieures.
La proclamation de la supériorité la constitution sur la loi implique nécessairement qu’un organe
puisse prononcer l'annulation d'une loi non conforme à la constitution. Et c'est bien cela qui, en
France, est apparu longtemps comme étant choquant. Il paraissait inadmissible que la volonté
nationale résultant du vote des citoyens exprimés par le parlement pu être mise en échec par une
institution dont la légitimité démocratique pouvait être contestée. De quelle légitimité aurait pu se
prévaloir les membres d'une telle institution ?
La constitution de 1958 a institué un véritable contrôle de constitutionnalité des lois. Cette constitution
qui est la nôtre aujourd'hui apporte des changements importants, même si le bouleversement n'a pas
été aussi grand que ce que l'on croyait au départ, même si le rapport du règlement à la loi n'a pas
connu la révolution que certains ont cru voir dans les toutes premières années de la Ve république.
La constitution apporte notamment 2 changements importants qui réagisse l'un sur l'autre et qui
concernent tout 2 la loi. Le premier de ces changements est relatif au domaine de la loi : celle-ci se
voit cantonner un certain nombre de domaines énumérés par l'article 34 tandis que, parallèlement, et
par voie de conséquence, à côté du règlement traditionnel d’application de la loi qui subsiste, apparaît
un autre règlement, le règlement de l'article 37, qui en théorie, intervient dans les domaines autres
que ceux de la loi. La qualification donnée au règlement de l'article 37 importe peu. Au début certains
ont cru pouvoir qualifier ces règlements de règlement autonome. Et puis certains auteurs se sont
insurgés contre cette qualification, estimant qu'elle était fausse, qu’elle ne correspondait pas à la
réalité. Quelle que soit la dénomination que l'on veuille donner à ces règlements de l'article 37, il ne
s'en distingue pas moins des règlements d'application l'article 34, et il existe ailleurs d'autres
catégories de règlement.
Sans doute, la jurisprudence du conseil constitutionnel a atténué ce que l'on croyait pouvoir déduire
du texte. Le conseil constitutionnel a admis en effet que le domaine de la loi n'était pas strictement
déterminé par l'article 34 de la constitution, mais également par d'autres articles, notamment l'article
72. Par ailleurs le conseil constitutionnel a estimé qu'une loi n'était pas inconstitutionnelle du seul fait
qu'elle était intervenue dans le domaine de l'article 37. Tout cela est bien exact mais il n'en reste pas
moins que, d'une part, cela n'invalide pas la distinction entre la loi et le règlement de l'article 37,
d'autre part, le gouvernement peut toujours demander au conseil constitutionnel de dire qu'une
disposition législative est en fait intervenue dans le domaine réglementaire, et obtenir de modifier par
voie réglementaire, parce qu'elle est de nature réglementaire, une disposition qui a été adoptée par le
législateur.
Le second changement est évidemment la création du conseil constitutionnel. Cette création est
importante puisque la constitution instituait ainsi un véritable contrôle de constitutionnalité des lois.
Mais surtout le conseil constitutionnel, par sa jurisprudence, a fait en sorte d'assurer la supériorité
effective de la constitution sur les lois. Il y donc eu reconnaissance par le juge de la supériorité de la
norme constitutionnelle sur les autres normes. Cette affirmation, par le conseil constitutionnel de son
rôle, s'est faite progressivement. A certains moments, il y a eu des occasions propices à l'affirmation
de cette supériorité.
L'une des dates les plus importants est évidemment celle du 16 juillet 1971, date à laquelle le conseil
constitutionnel a rendu une décision invalidante, pour partie, d’une loi, parce qu'elle était contraire à
un principe fondamental reconnu par les lois de la république : le principe de la liberté d'association.
Cette décision a fait beaucoup pour faire connaître au conseil constitutionnel, pour le dédouaner, en
quelque sorte, à l'égard de ceux qui pensaient qu'il était inféodé au pouvoir exécutif. Une autre
circonstance a contribué à accroître le rôle de conseil constitutionnel : ce furent les lois relatives à la
décentralisation adoptée à partir de 1982, notamment la loi du 2 mars 1982, à propos de laquelle le
conseil constitutionnel rendit une décision le 25 février 1982, extrêmement importante, affirmant à la
fois le principe de libre administration des collectivités territoriales, qui est un principe constitutionnel,
et rappelant la nécessité constitutionnelle d'un contrôle par l'État des actes des collectivités
territoriales.
Une précision doit être apportée, le fait d'affirmer des dispositions d'une valeur constitutionnelle ne
signifie pas obligatoirement que les citoyens peuvent s'en réclamer devant les juges. L’invocabilité ou
la justicité d'une disposition est distincte de sa valeur juridique. La question s'est posée notamment à
propos des dispositions de la charte pour l'environnement, adopté par le congrès le 28 février 2005.
Par son inscription dans le préambule de 1958, dont il va question dans quelques instants, la charte
devait être considérée comme ayant une valeur normative. L’invocabilité de cette charte devant le
juge administratif était beaucoup plus douteuse, car cette charte ne possède qu'une faible densité
normative.
Le conseil d'État, saisi par la première fois en 2006 de cette question d’invocabilité, dans le cadre d'un
contentieux de la légalité, s’est prononcé dans le sens que cette charte ne peut pas être invoqué
directement par les citoyens. Il a déclaré que, lorsque des dispositions législatives ont été prises pour
assurer la mise en oeuvre des principes énoncés dans la charte de l'environnement, la légalité des
décisions administratives s'apprécie par rapport à ses dispositions, sous réserve naturellement,
s'agissant de dispositions législatives antérieures à l'entrée en vigueur de la charte de
l'environnement, qu'elles ne soient pas incompatibles avec les exigences qui découlent de cette
charte.
28. Déclaration des Droits et Préambule
Un problème particulier s'est posé s'agissant des normes constitutionnelles, à propos de ce que l'on
appelle les préambules ainsi que les déclarations de droit.
En effet, les constitutions en France sont quelquefois précédées d'une déclaration, dont la plus
célèbre est évidemment la déclaration de 1789. Il peut y avoir à la place de la déclaration un
préambule, le plus connu étant le préambule de la constitution de 1946.
La question s'est posée de savoir quelle était la nature juridique de ces textes. Aujourd'hui, cette
question reçoit une réponse qui est indiscutée. La problématique de la valeur juridique des
déclarations et préambule a été la suivante : la question s'est posée à propos de la déclaration des
droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, qui n'était sans doute pas la première des
déclarations de droits, mais qui a été celle qui a le plus profondément marqué les esprits. La
philosophie des droits de l'homme repose largement sur cette déclaration, qui est une déclaration qui
se veut à portée universelle. Il faut relever, également, que la France, mais également d'autres pays,
ont connu ou connaissent à côté des déclarations de droits, des déclarations de devoir.
Pour la France, il existe un exemple : celui la constitution dite de l'an 3, c’est-à-dire de 1795,
constitution qui est précédée d'une déclaration des droits et des devoirs. Par la suite, l'idée d'une
déclaration des devoirs n'a jamais été reprise en France. On la trouve dans un certain nombre de
constitutions dans le monde aujourd'hui.
Cela ne veut pas dire, bien entendu, que le citoyen n'aurait pas de devoir. Tout citoyen a des
obligations mais également des devoirs à l'égard des autres citoyens et à l'égard des autorités
publiques, comme à l'égard de l'État. La question de savoir si ces devoirs doivent être inscrits en tant
que de devoirs dans un texte.
En France on a considéré que la réponse devait être négative parce que l'on estimait que l'on se
trouvait beaucoup plus dans le domaine du moral que dans le domaine du légal, et qu'il n'y avait pas à
s'immiscer dans un domaine relevant de l'appréciation de chacun. Quoi qu'il en soit, s'agissant de ces
déclarations de droits et de préambules, personne n'a jamais nié la valeur de la déclaration de 1789 et
du préambule de 1946. Mais tout dépend de ce que l'on entend par valeur. Que ce texte ait une valeur
philosophique, politique, a été admis très facilement. Ce qui a été nié en revanche, c’est la valeur
juridique, et c'est cela qui a changé eux dès le début de la Ve république.
Pour comprendre, il faut bien voir que la constitution de 1958 comporte un préambule. Un préambule
qui est extrêmement court, et paradoxalement c'est celui qui a permis l'avènement de ce qu'on appelle
« le bloc de constitutionnalité », c'est-à-dire, non pas seulement la constitution proprement dite, mais
également la déclaration de droit et préambules.
Le préambule de 1958 est apparemment assez anodin. Son alinéa premier dispose : « le peuple
français proclame solennellement son attachement aux droits de l'homme et aux principes de la
souveraineté nationale telle qu'ils ont été définis par la déclaration de 1789, confirmée et complétée
par le préambule de la constitution de 1946 ». Cette disposition a été complétée, depuis la réforme
constitutionnelle sur la charte de l'environnement, par la formule « ainsi qu'aux droits et devoirs définis
dans la charte de l'environnement de 2004 ». Le juge a reconnu une valeur juridique à ce préambule
de 1958, mais en reconnaissant ainsi une valeur juridique à ce préambule, il reconnaissait du même
coup une valeur juridique donc constitutionnelle à la déclaration de droits et au préambule de 1946. Le
bloc de constitutionnalité comporte donc, non seulement les dispositions de la constitution proprement
dite, mais également les normes que l'on trouve dans la déclaration de 1789 et dans le préambule de
1946.
La difficulté est que ce préambule de 1946 énonce plusieurs catégories de normes dont le contenu a
été longtemps un peu incertain, et qui a été éclairé par la jurisprudence du conseil constitutionnel. En
effet, le préambule de 1946 fait référence aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la
république. Mais le préambule ne précise pas en quoi consistent ces principes et il n'en donne pas de
liste.
Les seules certitudes tiennent à leur existence et à leur valeur qui est désormais constitutionnel, ainsi
qu'il vient d'être dit. La première grande occasion de faire référence à ces principes a été donnée au
conseil constitutionnel par une loi, dont il fut saisi, et qui restreignait la liberté d'association. Le conseil
constitutionnel a rendu une grande décision : celle du 16 juillet 1971. Il faut remarquer d'ailleurs, que
15 ans auparavant, le conseil d'État avait déclaré dans une décision, qui est apparue
rétrospectivement comme très importante, que la liberté d'association était un principe fondamental
reconnu par les lois de la république. C'est une décision qui a été rendu avant la constitution de 1958,
une décision du 11 juillet 1956, amical des annamites de Paris. Par la suite, le conseil constitutionnel
a reconnu d'autres principes fondamentaux reconnus par les lois de la république.
Citons ces principes :
- Principes du respect des droits de la défense par une décision de 1976,
- Principes de la liberté individuelle par décision de 1977,
- Principes de la liberté d'enseignement par une décision 1977,
- Principes de la liberté de conscience dans la même décision,
- Principes de l'indépendance de la juridiction admirative, décision de 1980,
- Principes de l'indépendance des professeurs d'université, décision de 1984,
- Principes de la compétence exclusive de la juridiction administrative pour l'annulation, la
réformation des décisions prises dans l'exercice des prérogatives de puissance publique par
l'administration, décision de 1987,
- Principes consacrant l'importance des attributions conférées à l'autorité judiciaire en matière
de protection de la propriété immobilière, décision de 1989
- Principes de la proportionnalité des peines applicables aux mineures décisions de 2002.
Cette catégorie des principes fondamentaux reconnus par les lois de la république appelle 2
remarques complémentaires.
D'une part, la liste de ces principes fondamentaux reconnus par les lois de la république, même si on
ne peut la considérer comme une clause, n'est pas illimitée. Le nombre de ses principes découverts
par le juge constitutionnel s’est stabilisé autour d'une dizaine, et l'on peut penser que c'est là un ordre
de grandeur qui ne devrait pas subir de modification fondamentale dans l'avenir, même si quelque
autre principe peut s'y rajouter.
D'autre part, et ce point a suscité beaucoup plus de controverses, le conseil d'État a reconnu lui-
même l'existence d'un principe fondamental reconnu par les lois de la république : le principe qui
impose à l'État de refuser l'extradition d'un étranger lorsqu'elle est demandée dans un but politique,
(conseil d'État, 3 juillet 1996, Koné).
La reconnaissance par le conseil d'État de principes fondamentaux reconnus par les lois de la
république ne doit pas dérouter car, en premier lieu, cette jurisprudence s'inscrit dans la continuité de
celle de 1956. En deuxième lieu, on peut estimer que l'il n'existe pas de monopole du conseil
constitutionnel dans la découverte de ces principes, donc on peut penser que même la Cour de
Cassation pourrait également éventuellement découvrir un jour de tels principes.
A côté des principes fondamentaux reconnus par les lois de la république qui sont si importants, il y a
également d'autres principes dans le préambule de 1946. Celui-ci parle des « principes
particulièrement nécessaires à notre temps ». Cette catégorie des principes particulièrement
nécessaires à notre temps présente des caractéristiques différentes de celles des principes
fondamentaux reconnus par les lois de la république, car le préambule donne une liste de ses
principes. Liste qui est assez longue et qui constitue l'essentiel du préambule de 1946.
Le juge administratif a déjà été saisi dans le passé de recours dans lesquels les requérants ont
invoqué les dispositions du préambule des principes particulièrement nécessaires à notre temps. La
réponse du juge administratif a été claire : en l'absence de dispositions législatives les mettant en
oeuvre, les citoyens ne peuvent se prévaloir de ces dispositions. Par exemple, s'agissant du 12e
alinéa, selon lequel « la nation proclame la solidarité et l'égalité de tous les Français devant les
charges qui résultent des calamités nationales », le conseil d'État a déclaré que le principe ainsi
posé, en l'absence de dispositions législatives en assurant l'application, ne saurait servir de base à
une action contentieuse en indemnités.
On peut penser que la même solution aurait prévalu dans un contentieux de la légalité. La liste des
principes particulièrement nécessaires à notre temps est suffisamment longue, et par certains de ces
énoncés, suffisamment vagues pour permettre au juge constitutionnel de trouver un fondement textuel
suffisant pour assurer sa mission. Ces principes n'épuisent cependant pas les normes
constitutionnelles, et de même que le conseil d'État, le juge constitutionnel peut énoncer des principes
d'origine jurisprudentielle. Un exemple est significatif : celui de principe de continuité des services
publics auxquels le conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle, sans le rattacher à
une disposition écrite précise. Cependant plusieurs auteurs estiment qu'il n'est pas difficile de trouver
plusieurs fondements textuels à ce principe avec l'article 5 par exemple de la constitution et avec les
lois qui, à différentes reprises, ont fait référence à ce principe.
29. La validité des traités internationaux
Après la constitution, nous passons à une autre catégorie de normes, qui est constitué par les traités
internationaux. Les traités internationaux sont très nombreux et l'analyse soulève la question des
rapports entre normes internes et normes internationales.
Il faut immédiatement citer à ce propos l'article 55 de la constitution. Cet article dispose que « les
traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité
supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque accord ou traité de son application par l'autre
partie ». Sous son apparente simplicité, cette disposition recouvre des questions juridiques assez
délicates, notamment la question de la validité mais des traités internationaux. Cette question de la
validité est celles qui divise le moins parce que on peut assez facilement se mettre d'accord.
Cet article 55 de la constitution subordonne la validité des traités internationaux au respect de règles
de forme, qui paraisse aller de soi, mais qui concrètement peuvent donner lieu à quelques
interrogations. En premier lieu pour être applicable, un traité international doit nécessairement exister.
Une telle affirmation pourrait faire ricaner un non-juriste par son évidence, mais c'est une fausse
évidence, car l'existence dont il est question ici, est évidemment l'existence juridique qui peut ne pas
coïncider avec l'existence matérielle.
Pour exister, le traité doit avoir été signée. Cette signature doit avoir été régulière, en ce sens que les
autorités qui signent pour la France, doivent effectivement être celles qui sont compétentes pour
signer, au regard des règles du droit interne - le droit public étant d'abord une organisation des
compétences. Il en résulte que le traité irrégulièrement signé n'existe pas.
En deuxième lieu, toujours selon l'article 55, le traité doit avoir été régulièrement ratifié ou approuvé.
La distinction habituellement retenue entre ratification est approbation porte sur la nature de l'accord.
La ratification est exigée pour les traités proprement dits, et elle est effectuée par le parlement.
L'approbation porte sur ce que l'on appelle généralement les « accords en forme simplifiée », elle est
faite par le président de la république. Le juge administratif accepte de vérifier si les traités ont été
régulièrement ratifiés.
En troisième lieu, le traité ou l'accord doit avoir été publié. La publication est la condition normale et
nécessaire pour que les citoyens en aient connaissance, et qu’ils puissent éventuellement contester et
que le texte soit opposable. Or, il arrive que la ratification, ou l'approbation, et la publication soient
dissociées, ce qui empêche l'introduction du texte dans l'ordre juridique français. Un traité publié en
France, mais qui n'a pas été ratifié, ne peut pas être invoqué devant les juridictions françaises.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, c'est le cas de la déclaration universelle des droits de
l'homme, adopté par l'ONU le 10 décembre 1948, et dont au surplus l'un des principaux rédacteurs est
un français, c'était René Cassin. Cette déclaration a bien été publiée au journal officiel de la
république française, mais n'a pas fait l'objet d'une ratification par le Parlement. Donc elle n'est pas
applicable sur le territoire français. Cette situation a priori, quelque peu choquante, n'est pas très
gênante en réalité, compte tenu d'une part de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales, plus couramment appelées Convention européenne des droits
de l'homme, qui a été adoptée par le conseil de l'Europe le 4 novembre 1950, et qui s'applique à la
France, et compte tenue d'autre part, des autres textes internationaux qui ont été signés et ratifiés par
la France, notamment, 2 pactes adoptés par l'ONU en 1966 (le pacte relatif aux droits civils et
politiques et le pacte relatif aux droits économiques et sociaux et culturels), pactes qui reprennent les
droits de la déclaration universelle.
Enfin il ne suffit pas qu'il y ait publication, encore faut-il que cette publication soit effectuée dans un
organe adéquat. L'exemple suivant éclaire cette exigence : la publication, en son temps, d'une
convention internationale dans le journal officiel de l'Inde française, c'était au temps où il existait des
comptoirs français en Inde qui étaient au nombre de 5 (Chandernagor, Pondichéry, Karikal, Yanaon,
Mahé), ne produit d'effet qu'à l'égard des seuls établissements français de l'Inde, et non pas sur le
territoire métropolitain. Ce sont les conditions de forme.
Quant aux conditions de fond, l'application des traités dans l'ordre juridique français peut soulever
deux questions. Une première question est celle de l'interprétation du traité. La question pouvant se
poser pour un traité comme pour n'importe quel autre texte. Plus encore que pour les textes de droit
interne, ne serait-ce qu'en raison des questions de langue et des formulations laborieuses parfois
adoptées pour parvenir plus facilement à un accord. La solution en droit français a connu une
évolution considérable.
Trois étapes se sont succédées. Dans un premier temps, datant de 1823, le conseil d'État ne se
reconnaît pas le droit d'interpréter un traité. En cas de difficultés, d'interprétation, il renvoie au ministre
des affaires étrangères le soin de donner l'interprétation, et il considère que cette interprétation
s'impose à lui.
Dans un deuxième temps, à partir de 1938, le juge opère une distinction entre deux sortes de
dispositions du traité : des dispositions claires et les dispositions non claires. Pour les secondes, il y a
lieu à renvoi, comme dans la situation précédente. En revanche pour les premières, il n'y a pas lieu à
renvoi, parce que selon la formule traditionnelle, ce qui est clair n'a pas besoin d'interprétation.
Enfin, il y un troisième temps qui commence avec une décision du 29 juin 1990 (GISTI, groupement
d'information et de soutien des travailleurs immigrés et autres). Dans cette décision, le juge
administratif se reconnaît compétent pour interpréter les traités, même non clairs, en mettant à part les
traités communautaires, et il en résulte qu'une juridiction n'est pas tenue par l'interprétation, qui a pu
être donnée d'un traité par le ministère des affaires étrangères.
Une seconde question qui peut se poser est la question de la réciprocité. Elle découle de l'exigence
posée par l'article 55, qui subordonne l'application d'un traité par la France à son application par
l'autre partie. C’est là une difficulté considérable en parce que il peut y avoir de très nombreuses
autres parties.
Le conseil d'État, pour l’instant, estime que lorsque la question de réciprocité se pose, elle doit être
renvoyé à l'appréciation du ministère des affaires étrangères, mais il faut signaler que la cour
européenne des droits de l'homme a condamné la position du juge français, l'estimant liée par l'avis
du ministère des affaires étranges.
30. La supralégalité des traités internationaux
Une question importante se pose en ce qui concerne les traités internationaux, c'est la question de ce
qu'on appelle la « supra légalité » des traités internationaux.
Lorsque les conditions que l'on vient de voir sont satisfaites, les traités internationaux ont, en vertu de
l'article 55, une autorité supérieure à celle des lois. Mais que signifie cette formule ? Les traités sont
au-dessus de la loi, mais la disposition constitutionnelle de l'article 55 ne dit rien sur la place des
traités dans l'ordonnancement juridique. Les difficultés sont de deux ordres. Il y a, tout d'abord, les
difficultés qui tiennent au droit international. Passons sur le problème d'ordre pratique, mais qui n'en a
pas moins des incidences concrètes importantes, c'est-à-dire le nombre de traités auxquels la France
est partie.
Ce nombre est de plus de 6000 à l’heure actuelle. Cela signifie simplement qu ‘en cas de contentieux,
cela peut impliquer de la part des juges, comme du ministère des affaires étrangères, des recherches
compliquées.
Sur le plan juridique, une première difficulté tient au fait que tous les traités internationaux n'ont pas
d'effet direct en droit français, ce qui entraîne des situations complexes. Ainsi par exemple, en ce qui
concerne la Convention internationale sur les droits de l'enfant, qui a été signé à New York le 26
janvier 1990, et qui a été ratifiée par la France par une loi du 2 juillet 1990, le juge judiciaire lui refuse
tout effet direct, tandis que le juge administratif reconnaît des effets directs, mais à certains articles
seulement de la Convention, celle-ci ne pouvant être invoquée à l'encontre d'un acte réglementaire.
La position du juge administratif est similaire à l'égard du pacte relatif aux droits économiques et
sociaux. Une seconde difficulté est relative à certaines sources du droit international, qui ne sont pas
représentées seulement par les conventions internationales. Le juge administratif a été ainsi amené à
se prononcer sur la valeur de la coutume internationale. Il a estimée que celle-ci était applicable en
droit interne, mais que l'article 55 ne pouvait lui être appliqué, que la coutume ne pouvait donc
prévaloir en cas de conflit sur une loi.
Cette solution a été étendue à une autre source du droit international : les principes généraux du droit
international, à ne pas confondre avec les principes généraux du droit, qui sont reconnus par le juge
interne et que l'on verra plus loin.
A côté de cette première question tenant des difficultés relatives au droit international, une seconde
série de difficulté apparaît. Ce sont les difficultés tenant à la place des traités dans l'ordonnancement
juridique, et aux conséquences qui en découlent.
La difficulté ici est double. Elle tient d'abord à la place des traités dans l'ordonnancement juridique.
Cette question a une dimension théorique mais également des conséquences pratiques essentielles,
qui imposent que l'on apporte une réponse, car l'article 55 n'apporte qu'une réponse très partielle, qui
n'en est pas une, en affirmant que les traités ont une autorité supérieure à celle des lois. D'un point de
vue purement abstrait, détaché de toute autre considération, trois positions sont envisageables pour
les traités dans cet ordonnancement juridique : d'abord entre la loi et la constitution, ensuite au niveau
de la constitution, enfin au-dessus de la constitution.
Le conseil d'État a été amené à répondre à cette question dans une décision de principe, qui est la
décision du 30 octobre 1998 - Sarran et Levacher. Dans cette décision, le conseil d'État déclare que la
suprématie conférée aux engagements internationaux par l'article 55 ne s'applique pas, dans l'ordre
interne, aux dispositions de nature constitutionnelle. Cet arrêt a été longuement commenté. Il faut
remarquer que la Cour de Cassation a adopté la même position que le conseil d'État, en reproduisant
la motivation de l’arrêt Sarran dans un arrêt du 2 juin 2000 - Mme Fraysse. Par cette décision le
conseil d'État, comme la Cour de Cassation, affirme donc clairement que les traités ne peuvent
l'emporter sur la constitution. On remarque également que le conseil d'État prend soin de dire « dans
l'ordre interne ». Cela signifie que l'appréciation peut être différente si l'on se place du point de vue du
droit international, et cela veut dire également que l'articulation de l'ordre juridique interne et de l'ordre
juridique international est loin d'être satisfaisante sur le plan juridique, mais cela ne peut surprendre.
Les choses peuvent se compliquer encore lorsque le traité, qui n'apparaît pas conforme à la
constitution, se trouve être un traité communautaire. C'est ce qui est arrivé d'abord avec le traité de
Maastricht, dont certaines clauses ont été déclarées non conformes à la constitution par le conseil
constitutionnel. Puis avec d'autres modifications ultérieures des traités communautaires. La solution
qui a été adoptée, pour se conformer aux engagements communautaires de notre pays, a consisté à
procéder à une révision de la constitution. Le choix qui a été ainsi opéré est, au plus haut point, et
dans le meilleur sens du terme, un choix politique. Il ne pouvait pas en être autrement.
Cependant, et pour ne citer cet exemple, après que le conseil constitutionnel a déclaré que la charte
européenne des langues régionales ou minoritaires comportait des clauses contraires à la
constitution, la procédure de ratification de cette convention a, elle, été abandonnée.
Une autre difficulté tient à l'appréciation de non-conformité d'une loi à un traité. En d'autres termes,
comment assurer la supra-légalité des traités internationaux sur les lois, qui est prévu à l'article 55 de
la constitution ? On peut distinguer deux hypothèses dont la seconde seule présente un intérêt sur le
plan juridique.
La première hypothèse est celle dans laquelle la loi contraire au traité est antérieure à celui-ci,
hypothèse simple et parfaitement compréhensible. Après qu'une loi a été votée, un traité est signé,
ratifié, publié, et certaines de ses dispositions se révèlent contraire à des dispositions d'une ou
plusieurs lois intérieures. La solution est alors simple : le traité l'emporte sur la loi. On remarque
simplement qu'il n'est même pas nécessaire, pour faire prévaloir le traité sur la loi, de faire appel à
l'article 55. Il suffit de considérer que le traité a au moins la valeur de la loi, et en application du
principe « Lex posterieur derogat priori », l'emporterait sur elle. Ecartons donc cette première
hypothèse qui ne présente aucune difficulté.
Autrement plus délicate est la seconde hypothèse, qui appelle, elle, la mise en oeuvre l'article 55.
C'est celle dans laquelle la loi contraire à un traité est postérieure à celui-ci. A priori, cette situation est
étrange et ne devrait pas se présenter car on pourrait présupposer que le législateur, conséquent
avec lui-même, ne va pas se contredire et adopter une loi qui serait contraire un traité qu'il avait ratifié,
un certain temps auparavant. C'est cependant ce qui se produit, pour de multiples raisons, il peut
s'agir d'une mauvaise lecture par le législateur du traité ratifié, et il peut s'agir d'un changement de
circonstances, d'un changement de moeurs, de conception. Quoi qu'il en soit le problème s'est posé
et, si l'on peut dire, il s'est posé dans les plus mauvaises conditions que l'on puisse imaginer : après la
décision du conseil constitutionnel du 15 janvier 1975, décision relative à l'interruption volontaire de
grossesse, décision dans laquelle le conseil constitutionnel s'est déclaré incompétent pour connaître
de la non-conformité d'une loi à un traité, en l'espèce la Convention européenne des droits de
l'homme, et cela sur le fondement de l'article 61 de la constitution.
Le conseil d'État avait adopté, avant la décision du conseil constitutionnel précité, une position de
principe qui avait sa logique, et que l'on a appelé « la jurisprudence des semoules », par référence à
la décision dans laquelle cette position avait été adoptée. C'était une décision du 1er mars 1968 -
syndicat général des fabricants de semoule de France. Le considérant, le conseil d'État avait
considéré, dans cette décision, qu’il n'était pas le juge de la constitutionnalité des lois, puisqu'une
juridiction avait été spécialement instituée à cette fin, le conseil constitutionnel, et que lui, conseil
d'État, était seulement le juge de la légalité des actes administratifs, et enfin que la loi faisait écran
avec la constitution, d'où le nom de « théorie de la loi écran » que l'on a donnée à cette jurisprudence.
La position prise par le conseil constitutionnel en 1975, et les complications juridiques qui en ont
résulté, ont conduit le conseil d'État à modifier sa jurisprudence. La Cour de Cassation, elle, a modifié
immédiatement sa position, après la décision du conseil constitutionnel du 15 janvier 1975, elle l’a fait
dans un arrêt du 24 mai 1975 - administration des douanes contre café Jacques Vabre.
Quant au conseil d'État, dans une décision de principe du 20 octobre 1989, Nicolo, il a vérifié les
conformités d'une loi postérieure à un traité. Il s'agissait en l'espèce d'une loi de 1977, fixant les
modalités de désignation des représentants français au Parlement européen, le traité en question était
le traité de Rome de 1957. Le conseil d'État a fait prévaloir le traité sur la loi postérieure. Le principe
qu'une fois adoptée la jurisprudence Nicolo a pu être appliqué, non seulement au traité de Rome,
mais également à ce qu'on appelle le droit communautaire dérivé.
Le principe de supériorité du traité sur la loi a ainsi été appliqué au règlement communautaire, avec un
arrêt du 24 septembre 1990, Boisdet, puis aux directives communautaires avec deux décisions du
conseil d'État du 28 février 1992, société anonyme Rothman international France et, du même jour,
société Arizona Tobacco Products.
31. Les règles du droit communautaire
Le droit communautaire soulève des problèmes particuliers.
Le droit communautaire est constitué du traité de Rome, avec toutes les modifications ultérieures qui
lui ont été apportées (Maastricht, Amsterdam, Nic,e Lisbonne) ainsi que du droit produit par les
institutions créées par ce traité (commission, conseil des ministres, cour de justice des communautés
européennes, Parlement européen).
On appelle de ce droit issu des institutions communautaires « le droit communautaire dérivé ». C'est
ce droit communautaire dérivé qui, notamment avec les directives, constitue l'essentiel du droit
communautaire. Mais il convient de préciser ce que sont justement ces règles du droit
communautaire.
Les dispositions du droit communautaire ont soulevé de nombreuses et parfois délicates questions
juridiques. Schématiquement on peut présenter 2 difficultés.
La première difficulté a été la question de l'interprétation des dispositions communautaires. Le traité
de Rome institue une juridiction spécifique : il s'agit de la cour de justice des communautés
européennes (CJCE). Celle-ci n'est pas seulement compétente pour trancher les litiges pouvant
survenir entre les institutions communautaires, mais également, et cela en vue d'assurer une
cohérence dans l'application des dispositions communautaires, pour donner l'interprétation d'une
disposition dont le sens serait contesté. Le principe posé par le traité est celui du renvoi préjudiciel par
les juridictions nationales devant la cour de justice des communautés européennes. Cette dernière se
voyant donc attribuée un monopole en matière d'interprétation.
Le conseil d'État n'a commencé à renvoyer devant la cour de justice des communautés européennes
qu'à partir de 1970, avec un arrêt du 10 juillet 1970 (syndicats du commerce extérieur des céréales).
Jusqu'à cette date de 1970, des critiques avaient été faites à l'encontre du conseil d'État, parce qu'il
ne renvoyait pas. Ce n'est plus là désormais une difficulté.
En revanche une difficulté subsiste, en ce sens que le juge français applique une jurisprudence, qui
est évidemment antérieure à la création de la cour de justice des communautés européennes, en
distinguant, ainsi que nous l'avons vu, les actes clairs et les actes de non-clair. Il considère que ce qui
éclaire n'a pas besoin d'interprétation. Par voie de conséquence, il renvoie seulement à la CJCE pour
les actes non-clairs.
Mais cette distinction entre actes clairs et actes de non-clairs est rejetée par la cour de justice des
communautés européennes, qui estime qu'à partir du moment où une question d'interprétation se
pose, il doit y avoir renvoi devant elle, sans se demander si l'acte est clair ou non-clair. C’est un arrêt
de la cour de justice des communautés européennes du 15 juillet 1964, Costa contre Enel.
A côté de ces deux premières questions, une autre question se pose, relative à l'applicabilité des
dispositions communautaires. Il existe en effet plusieurs catégories d'actes communautaires. Deux
d'entre elles seulement nous intéressent véritablement : les règlements et les directives.
Les règlements communautaires, à ne pas confondre avec les règlements du droit interne, ont un
régime clairement défini par le traité de Rome. Selon l'article 189, c’est dans le traité modifié l'article
249, le règlement a une portée générale : il est obligatoire dans tous ses éléments et il est directement
applicable dans tout État membre. Le règlement s'impose donc directement aux autorités françaises
comme aux citoyens. Il a une valeur supérieure à la loi, les citoyens peuvent s'en prévaloir, et les lois
postérieures ne peuvent pas faire obstacle à son application, conseil d'État du 4 novembre 1990,
Boisdet.
Les difficultés sont beaucoup plus grandes pour les directives communautaires. Ces directives
communautaires sont surtout à ne pas confondre avec les directives du droit interne que l'on verra
dans une leçon ultérieure. Selon le traité de Rome, « la directive lie tout État destinataire quant au
résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence, quant à la forme et quant
aux moyens ».
Cela signifie que la directive a besoin d'être transposée en droit interne, et la transposition peut être
opérée au choix des autorités nationales par la norme appropriée. La question des effets des
directives a été très compliquée par une jurisprudence de la cour de justice des communautés
européennes. Une jurisprudence, à vrai dire difficilement compréhensible, et qui tend à faire produire
des effets directs aux directives sur le territoire des états membres, dès lors que ces directives sont
suffisamment précises : arrêt du 6 octobre 1970 - Franz Grad.
Le conseil d'État a refusé d'assimiler les directives au règlement quant à leurs effets. Il a estimé,
contrairement à la cour de justice des communautés européennes qui s'est prononcé dans un arrêt du
4 décembre 1974 Van Duyn, il a donc estimé que les directives ne pouvaient pas être invoquées par
des requérants, à l'appui d’un recours dirigé contre un acte administratif individuel. C'est la
jurisprudence devenue célèbre : Conseil d’Etat du 22 décembre 1978 ministre de l'intérieur contre
Cohn-Bendit. En revanche, le conseil d'État a admis le recours pour les actes réglementaires, même
lorsqu'une loi s'interpose entre la directive et l'acte en question. Ce sont les deux arrêts du conseil
d'État du 28 février 1992 cités Rothman international France et société Arizona Tobacco Products.
S'agissant de la question du délai de transposition, il faut retenir les points suivants. Tout d'abord,
avant l'expiration du délai prévu par la directive pour sa transposition, si l'on ne peut reprocher à l'État
de n'avoir pas transposé, puisque le délai n'est pas expiré, en revanche l'État doit s'abstenir de
prendre des mesures qui seraient de nature à compromettre sérieusement le résultat prescrit par la
directive. C'est la formule qui est utilisée par la CJCE dans un arrêt du 18 décembre 1997 - inter
environnement Valmy ASBL et région Wallonne. En ce qui concerne le conseil d'État, une décision du
10 janvier 2001 - France nature environnement. L'État ne peut pas non plus adopter des dispositions
qui seraient contraires aux objectifs poursuivis par la directive (conseil d'État 7 décembre 1985 -
fédération française de protection de la nature).
Après la limite de transposition, même si la directive n'a pas été transposée, elle produit tous ses
effets et les administrés peuvent s'en prévaloir. C'est ce qui résulte de l'arrêt du conseil d'État du 6
février 1998 - Tête et Association de sauvegarde de l’Ouest lyonnais. Mais l'État, en revanche de son
côté, ne peut pas opposer aux citoyens une directive qu’il n'aurait pas transposé (conseil d'État, 23
juin 1995, société anonyme Lilly France). Lorsque le délai de transposition est expiré, les dispositions
réglementaires non compatibles avec la directive doivent être abrogées et l'autorité admirative est
tenue d'y procéder, si elle est saisie d'une demande en ce sens c'est un arrêt de principe du conseil
d'État du 3 février 1989, compagnie Alitalia.
32. La sanction des règles communautaires
Enfin il faut s'interroger sur la sanction des règles communautaires et européennes.
La sanction de la violation des dispositions communautaires, qu’il s’agisse du traité ou du droit
communautaire dérivé, est d'abord l'annulation par le juge administratif des dispositions
administratives contraires à ces règles.
Dans une décision de 2007, très importante et très commentée, du 8 février 2007- société Arcelor
Atlantique et Lorraine, le conseil d'État a défini les modalités du contrôle, qu'il convient au juge
administratif d'exercer, sur les actes réglementaires de transposition des dispositions inconditionnelles
et précises des directives communautaires. Mais une responsabilité administrative est également
possible. Le conseil d'État s'était d'abord engagée sur la voie de la responsabilité sans faute de l'État,
ce qui avait fait l'objet de critiques, et le juge administratif s'est orienté vers une responsabilité pour
faute (conseil d'État 30 octobre 1996 - sociétés anonyme Jacques Dangeville). Dans un important
arrêt de 2007, le conseil d'État a jugé que la responsabilité de l'État, du fait des lois, était susceptible
d'être engagée, en raison de l'obligation qui lui incombe d'assurer le respect des conventions
internationales par les autorités publiques, aux fins de réparer l'ensemble des préjudices qui résultent
de l'intervention d'une loi adoptée, en méconnaissance des engagements internationaux de la France.
Il faut signaler que dans cet arrêt du 8 février 2007, Gardedieu, la responsabilité qui est retenue par le
conseil d'État, n'est ni une responsabilité pour faute, ni une responsabilité sans faute, ce qui soulève
de nombreuses interrogations que l'on aura l'occasion de revoir lors du chapitre sur la responsabilité.
Droit Administratif – L2 – semestre 1
Cours n°5 : Les lois
33. Les transformations de la loi
Nous abordons la question des normes représentées d'abord par les lois et ensuite par les principes
jurisprudentiels.
La loi est peut-être la norme avec laquelle les citoyens sont le plus familiarisé, parce que l'on apprend
très vite, même lorsque l'on est enfant, que dans une société organisée, il faut commencer par
respecter la loi, même si elle ne convient pas. Ce qui peut arriver quelquefois.
La question de la loi se pose de manière particulière en France, pour des raisons essentiellement
historiques. On peut résumer l'évolution intervenue sous forme d'une double affirmation qui peut
apparaître à la fois comme une lapalissade et une contradiction. La loi n'est plus ce quelle était, la loi
demeure la loi. Avant d'expliquer les raisons d'une telle affirmation, il convient de rappeler la définition
de la loi. La loi peut être définie comme étant l'acte pris par l'organe législatif selon la procédure
législative. La définition comporte deux éléments : le premier celui de l'organe compétent, le
législateur, celui-ci étant appelé générique ment le Parlement. Parlement qui est composé en France
de deux assemblées : l'assemblée nationale et le Sénat.
On ne revient pas ici sur les dispositions constitutionnelles relatives à l'adoption de la loi. Rappelons
simplement qu'en cas de désaccord entre les deux assemblées, le gouvernement peut donner à
l'assemblée nationale ce qu'on appelle le pouvoir de dernier mot, et des lois importantes ont été
quelquefois adoptées par la seule assemblée nationale. Par exemple la loi du 2 mars 1982 relative
aux droits et libertés des communes, des départements et des régions. Mais il ne suffit pas que l'acte
soit adopté par une assemblée pour qu'il soit considéré comme une loi. Encore faut-il que cette
adoption ait lieu selon la procédure législative telle qu'elle est prévue par la constitution. Cela signifie
que chacune des deux assemblées prend des actes qui ne sont pas des lois et qui sont des actes de
purement interne. Il en est ainsi, par exemple, de l'acte par lequel une assemblée adopte son budget
propre. Pas le budget de l'État bien entendu qui fait l'objet lui de lois, qu'on appelle « les lois de
finances ». Il en est encore ainsi des nominations de personnel d'une assemblée, par exemple la
nomination des questeurs, et plus généralement la nomination des fonctionnaires de ces assemblées.
L'idée que l'on se fait de la loi, et qui a des conséquences juridiques, a changé, même si la
transformation n'a pas été aussi profonde qu'on le pensait après l'adoption de la constitution de 1958.
Il n'empêche que cette constitution de 1958 a apporté des changements profonds à la loi et cela sur
un double plan.
La première est la plus importante transformation est celle qui a concerné le statut de la loi dans la
hiérarchie des normes juridiques. Il y a bien, de ce point de vue, un avant et un après 1958. En effet
jusqu'en 1958 la loi était considérée comme un acte incontestable, elle était l'acte de puissance
initiale, l'acte inconditionné. Cela tient à une conception héritée du XVIIIe siècle, et un grand juriste,
Carré de Malberg, a pu présenter cette conception dans un ouvrage remarquable intitulé « la loi,
expression de la volonté générale ».
Lorsque l'on parle de volonté générale, on pense naturellement Rousseau, que l’on a évoqué dans la
leçon précédente, et à son ouvrage célèbre du contrat social écrit en 1762, et cela bien que
Rousseau ait lui-même un emprunté cette idée du contrat social à d'autres auteurs. Il y a, selon
Rousseau, un pacte social. Pacte social que Rousseau formule de la manière suivante « chacun de
nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté
générale, et nous recevons encore chaque membre comme partie indivisible du tout ». La volonté
générale dans cette conception est infaillible, puisque selon Rousseau, « il est impossible que le corps
social veuille m'unir à tous ses membres, et il ne peut nuire à aucun en particulier ».
La loi expression de la volonté générale, elle ne peut être contestée. Cette conception, présentée très
schématiquement ici, a marqué toute notre histoire. Mais on peut dire que jusqu'à notre époque, elle a
inspiré le législateur. Le législateur révolutionnaire a surtout retenu que la loi, expression de la volonté
générale, ne pouvait pas faire l'objet d'une mise en cause. Cela explique la difficulté que l'on a eue en
France à mettre un en place un contrôle de constitutionnalité, d'autant que, véritable perversion du
système politique, un glissement s'est opéré : « la souveraineté parlementaire » se substituant à la
souveraineté nationale. Naturellement, il n’existe pas de souveraineté parlementaire, il n'existe que la
souveraineté nationale. Mais les auteurs ont utilisé l'expression de souveraineté parlementaire pour
montrer cette espèce de détournement par le parlement du pouvoir du peuple. Tout ceci est presque
terminé.
Pour la première fois de notre histoire non seulement, il est prévu un contrôle de constitutionnalité
mais surtout la loi doit respecter les normes supérieures. C'est ce que nous avons vu précédemment.
La loi doit respecter non seulement la constitution, mais également les autres normes qui lui sont
supérieures. La loi n'est plus la norme suprême et incontestable, elle s'insère dans la hiérarchie des
normes juridiques, dont la norme suprême est représentée, nous l'avons vu, dans l'ordre interne par la
constitution.
Il subsiste cependant encore des traces de cette incontestabilité de la loi. En effet, en l'état actuel du
droit, la loi promulguée devient incontestable. Sans doute, le conseil constitutionnel s'est engagée
dans la voie du contrôle de constitutionnalité par voie d'exception, en acceptant de contrôler la
constitutionnalité d'une loi promulguée, à l'occasion de l'examen des dispositions législatives qui la
modifient, la complètent ou affectent son domaine (conseil constitutionnel 25 janvier 1985 - états
d'urgence en Nouvelle-Calédonie).
Mais un véritable contrôle de l'exception d'inconstitutionnalité impliquerait une réforme de l'article 61
de la constitution. Réforme plusieurs fois proposée et qui peut être interviendra en 2008. Il serait
possible notamment de confier au conseil constitutionnel le soin de trancher les questions
préjudicielles de nature constitutionnelle, qui lui serait soumise par les juridictions administratives ou
judiciaires. La seconde transformation intervenue concerne le domaine de la loi. Dans la conception
dont nous avons hérité jusqu'en 1958, le domaine de la loi est infini. La loi peut intervenir dans
n'importe quel domaine. Le règlement, dont on percevait mal à la Révolution les caractéristiques, était
pensé comme ne devant être que constitué de pures mesures d'application de la loi. Ceci était
évidemment une vue de l'esprit, ce n'était pas réalisable. Mais bien que la pratique eut démontrée,
sous la IIIe République, la nécessité pour l’administration de disposer d'une marge d'appréciation,
bien que le législateur lui-même se fut parfois complètement déchargé sur le gouvernement, par le
biais des décrets-lois, on vivait avec cette fiction, selon laquelle la loi réglait l'ensemble des matières.
C'est en partie pour faire correspondre les textes à la réalité qu'en 1958 on a imaginé le mécanisme
des articles 34 et 37 : c'est-à-dire une délimitation qui ne pouvait être de ce fait aucune limitation du
domaine de la loi. L'article 34 consiste à énumérer un certain nombre de matières dans lesquelles la
loi peut intervenir et qui lui sont réservées. L’article 37 alinéas 1 déclare, dans une formule qui est
particulièrement claire, « les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère
réglementaire ». Le partage, opéré par les articles 34 et 37, aboutissait à distinguer au moins 2
pouvoirs réglementaires : le pouvoir réglementaire traditionnel de mise en oeuvre de la loi, qui
intervient dans le cadre de l'article 34, et le pouvoir réglementaire l'article 37, qui intervient dans des
domaines où il n'y a pas par définition de loi.
C'est pourquoi ce pouvoir réglementaire a pu être qualifié, notamment dans les premières années de
la Ve république, de pouvoir réglementaire autonome. Sans doute cette appellation de pouvoir
réglementaire autonome n'est pas vraiment satisfaisante. Elle a fait l'objet de critiques extrêmement
vives. D'une part, l'expression continue d'être utilisé aujourd'hui par un certain nombre d'auteurs, y
compris parfois par les commissaires du gouvernement, d'autre part, même si l'on récuse le terme
d'autonome pour ce règlement de l'article 37, il n'en reste pas moins que ce règlement se différencie
du règlement de l'article 34. Le conseil constitutionnel a atténué la distinction entre le domaine de la
loi et le domaine du règlement, distinction qui découlait semblait-t-il des articles 34 et 37.
D'une part, en effet, il a estimé que la compétence du législateur n'était pas déterminée seulement par
l'article 34 de la constitution mais également par d'autres articles de celle-ci. Cela a fait référence
notamment aux articles de la constitution qui sont relatifs aux collectivités territoriales.
D'autre part, le conseil constitutionnel a jugé qu'une loi n'était pas inconstitutionnelle, du seul fait
qu'elle était intervenue dans le domaine du règlement .c'est la décision du conseil constitutionnel du
30 juillet 1982, appelé décision blocage des prix.
En d'autres termes, si le gouvernement ne s'y oppose pas, le législateur peut empiéter sur le domaine
du règlement. Il faut remarquer que, il peut être de l'intérêt du gouvernement de laisser le parlement
empiéter sur le domaine de l'article 37, cela pour des raisons qui peuvent être des raisons de tactique
politique, ou bien pour obtenir un vote plus rapide qu'un texte, parce que lorsqu'il faut s'interroger sur
le point de savoir si telle disposition relève de l’article 34 ou 37, cela peut prendre plus de temps.
Il faut ajouter que sur le fondement du deuxième alinéa de l’article 37, le gouvernement peut toujours
demander au conseil constitutionnel si une disposition de loi relève en réalité du règlement, et si le
conseil constitutionnel constate qu’effectivement cette disposition est intervenue dans le domaine
réglementaire de l'article 37, il peut autoriser le gouvernement à modifier par voie réglementaire la
disposition en question.
34. Les problèmes soulevés par les lois
Les lois soulèvent un certain nombre de problèmes.
Les problèmes théoriques que l'on vient d'évoquer n'ont pas disparu, mais finalement aujourd'hui, ce
sont des questions beaucoup plus pratiques qui préoccupent les gouvernements, comme les juristes,
voire même les citoyens qui s'intéressent un peu à ces questions.
Un premier problème, que l'on peut évoquer, est le problème du nombre et de la longueur des lois. Le
conseil d'État, comme les auteurs, ont attiré depuis plusieurs décennies l'attention des pouvoirs
publics sur le phénomène, de ce qu'on a appelé « l'inflation législative ».
Inflation législative qui se manifeste doublement. La manifestation la plus visible de cette inflation est
l'augmentation du nombre de lois applicables. Pour donner un ordre de grandeur, il ressort d'une
enquête menée en 1990, à la demande du premier ministre de l'époque, que plus de 8000 lois étaient
applicables. Le compte exact est impossible à faire, et depuis cette date, les choses, peut-on dire,
n’ont pu qu'empirer, le nombre de lois n'a pu qu’augmenter. L'augmentation du nombre de lois
entraîne mécaniquement celle du nombre de règlements d'application. A la même date de 1990, on
peut estimer que plus de 120 000 décrets étaient applicables, et cela sans compter les arrêtés, et les
circulaires, dont le chiffre, disait le premier ministre lui-même, se chiffrait par millions.
Cela fait beaucoup de normes applicables et nous sommes de ce point de vue un pays assez
particulier. Une seconde manifestation, moins visible mais qui est également à relever, est
l'augmentation de la longueur moyenne des lois qui sont adoptées aujourd'hui par rapport à celle
d'hier. Le conseil d'État fait lui-même le compte : l'augmentation moyenne est de plus de 50 % par
rapport à il y a un demi-siècle, ou un peu plus.
L'une des solutions mises en oeuvre a été celle de la codification. Codifier consiste à rassembler dans
un ordre cohérent l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires concernant un domaine.
La codification dans les premières tentatives remonte à l'ancien régime est indispensable, lorsque le
nombre de textes applicables est très élevé, ce qui est le cas de la France. A l'heure actuelle, plus de
50 codes ont été ainsi adopté et l’entreprise de codification est très loin d'être achevé. Mais la
codification n'est pas une solution totalement satisfaisante. D'abord parce que le nombre de codes
augmente sans cesse, et que chaque que code enfle, si l'on peut dire, d'une année sur l'autre, parce
que l'on y insère des dispositions supplémentaires qui viennent d'être adoptées. Il suffit de voir de ce
point de vue le code général des collectivités territoriales, qui depuis sa première édition en 1996 a
augmenté lui aussi de plus de 50 %. Ensuite, autre raison de ne pas être entièrement satisfait, au fur
et à mesure que l'on insère de nouvelles dispositions dans les codes, ces derniers perdent de leur
lisibilité. Certaines matières sont sujettes au surplus à des variations continuelles, au point que la
codification qui évolue, qui est recherché est constamment reporté.
C'est par exemple le cas pour la fonction publique territoriale qui devrait être insérée, qui devait être
insérée dans le code général des collectivités territoriales, qui ne l'a pas été, qui ne l’est toujours pas,
qui fera peut-être l'objet d'un jour de codes à part, simplement parce que les dispositions relatives à la
fonction publique territoriale sont changées tous les ans sans exception, et l'on peut même citer
plusieurs lois qui chaque année modifie, peu ou prou, les dispositions relatives à cette fonction
publique. Il faut donc explorer les d'autres voies l'une de ses voix est ce que l'on appelle la
simplification du droit. La simplification du droit consiste à procéder à ce qu'on appelle un toilettage
des textes et à supprimer un certain nombre d'entre eux. C’est là une tâche indispensables qui est
constamment à reprendre et qui n'avance que lentement.
A côté de ce problème du nombre de la longueur des lois, un autre problème aujourd'hui attire
beaucoup l'attention : c'est le problème de la qualité des lois. Les rapports officiels le reconnaissent
tous : le Parlement fait preuve d'une sorte de logorrhée, qui est en définitive préjudiciable à l'intérêt
général et au bien de la société. Naturellement il ne saurait être question d'imposer quoi que ce soit
au Parlement, d'autant que la quasi-totalité des lois a pour origine des projets de loi, donc déposés
par le gouvernement. Ce dernier doit donc commencer lui-même à s'autodiscipliner et se limiter. Or la
tendance, qui est une croyance, est à régler en France les problèmes par des textes. Aussitôt qu'un
problème se présente dans la société et que les médias en parlent, on pense à faire une loi. Il n’est
que de songer par exemple à de lois récentes qui ont été votées : l'une sur les chiens dangereux et
une autre loi sur la sécurité des manèges à la suite d'un accident qui avait eu lieu.
La qualité de la loi est affectée par son instabilité, quel que soit pratiquement le domaine, les lois sont
informées en permanence. Il est difficile dès lors de connaître l'état du droit, et lorsqu'il s'agit de
régime législatif, par exemple l'aide au logement et à la création d'entreprises, plusieurs régimes
peuvent coexister selon la date à laquelle a été obtenus l'aide, et les bénéficiaires ne comprennent
pas les différences qui existent entre eux. Tout dépend de la date à laquelle ils ont formulé leurs
demandes. Tout cela crée un climat d'incertitude et de méfiance, qui alimente la société de défiance,
dont parlent certains auteurs, et pour reprendre le titre d'un ouvrage de l'un d'entre.
Il faut également que la loi soit compréhensible par tous. Portalis, en son temps, l'avait déjà dit en
termes magnifiques. Le conseil constitutionnel a fait du principe de clarté de la loi un objectif de valeur
constitutionnelle. Des ordonnances ont été prises sur la base de la loi d'habilitation du 2 juillet 2003
pour apporter des réformes et améliorer un certain nombre de procédures. Un bilan pourra être tiré
d'ici quelque temps de toutes les réformes qui seront intervenues.
35. Les principes invoqués par le juge
À côté de la loi, on trouve également un certain nombre de principes qui sont invoquées par le juge. Il
y a quelques décennies, le pouvoir normateur du juge était débattu. Aujourd'hui l'existence de ce
pouvoir n'est plus guère discutée, la question est plutôt du contenu et de l'étendue de ce pouvoir.
En ce qui concerne le juge administratif, ce que l'on peut constater, c’est l'existence de principes,
énoncés par ce dernier, et de principes qui sont essentiels dans les relations entre l'administration et
les administrés. La lecture des décisions rendues par le juge administratif, plus particulièrement par le
conseil d'État, montre le recours par ce dernier à un certain nombre de principes, qui n'entrent pas
tous dans la même catégorie, et parmi ces principes, il y a ce qu'on appelle les principes généraux du
droit et qui occupe une place privilégiée.
Il n'y a pas lieu de s'étonner que le juge fasse appel à des principes. La notion de principe est
extrêmement générale. On en trouve dans toutes les disciplines et d'abord dans les disciplines
scientifiques. Par exemple, l'un des principes les plus connus est sans doute le principe qualifié de
principes de la relativité, un principe qui est en fait double, et qui a été énoncé comme chacun le sait
par Einstein. Le langage courant utilise largement les termes de principe au singulier ou de principes
au pluriel. Certaines personnes affirment « avoir des principes », et celles qui ne le disent pas en ont
aussi, ils sont simplement différents. Nous disons facilement « en principe », ce qui implique que nous
allons apporter des exceptions ou que nous y pensons. Le terme de principes, au singulier ou au
pluriel, n'a donc pas du tout la même signification selon le contexte dans lequel il est utilisé.
Toutes les branches du droit comporte des principes qui ont une portée plus ou moins grande.
Certains, par l'écho qu'ils rencontrent, relèvent à la fois du droit de la politique, peut-être plus de celle-
ci que de celui-là. Le principe de précaution en est un exemple. D'autres sont bien des principes
juridiques applicables et reconnus aussi bien en droit privé qu’en droit public. D'autres encore sont
propres à une branche du droit, comme les principes que l'on trouve par exemple en droit budgétaire :
principe de l'universalité, principe de l’unité, principe de l'annualité budgétaire, le droit administratif
connaît ou consacre de nombreux principes.
Par exemple le conseil d'État a consacré, dans sa décision du 24 mars 2006, société KPMG, le
principe de sécurité juridique venu du droit communautaire. Un autre principe que l'on va retrouver
notamment dans le cadre de la police administrative, et qui est largement utilisé par le juge, est le
principe de proportionnalité.
Ce n'est pas de ces principes dont il est question ici. Les principes que l'on va traiter ne sont pas des
principes techniques comme peuvent l'être, par exemple, des principes de procédure. Ce sont des
principes qui sont relatifs aux relations entre l'administration et le citoyen, entre le pouvoir et individus
pour le dire en d'autres termes, ces principes sont nécessairement ceux d'un État libéral qui reconnaît
un certain nombre de droits à ses citoyens. En effet le droit administratif français est avant tout un
droit d'équilibre des droits. Les principes énoncés par le juge s'inscrivent dans cette volonté d'établir
un équilibre entre le pouvoir et les citoyens. En dehors des principes généraux du droit, dont il est
question ci-après, une autre catégorie de principes, que nous avons vu dans la leçon précédente, est
constitué par les principes fondamentaux reconnus par les lois de la république.
Ainsi que nous l'avons vu, ces principes fondamentaux reconnus par les lois de la république sont non
pas énoncés, ce qui faciliterait grandement les choses, mais affirmés sans autre précision par le
préambule de 1946. Outre la question de leur contenu, 2 autres questions se sont posées.
Une première question a porté sur l'auteur, ou les auteurs, de l'énonciation de principes fondamentaux
reconnus par les lois la république. La plupart de ces principes ont été découverts, et énoncés par le
conseil constitutionnel ce qui est évidemment logique. Certains ont été surpris lorsque que par sa
décision Koné, que nous avons vu, le conseil d'État reconnaît l'existence d'un principe fondamental
reconnu par les lois de la république. Des critiques ont été émises à l'encontre du conseil d'État par
ceux qui estiment que le conseil constitutionnel dispose, ou doit disposer, en la matière d'un
monopole. Mais rien en réalité, dans les normes constitutionnelles, ne réserve la découverte de
principes fondamentaux au conseil constitutionnel. L'argument selon lequel il serait dangereux que
d'autres juridictions que le conseil constitutionnel puisse découvrir de tels principes est de peu de
poids, puisque le dans leur ordre respectif conseil d'État et Cour de Cassation assurent l'unité de la
jurisprudence.
Une seconde question est celle de la distinction, que certains auteurs refusent d'ailleurs, entre les
principes fondamentaux reconnus par lois de la république et les principes généraux du droit. Selon
nous, la distinction doit être faite. Les principes fondamentaux à valeur constitutionnelle, ainsi que cela
résulte du texte du préambule de 1946, sont, ainsi que l’a bien souligné René Chapus, des principes
de droit écrits. Même s'ils ne sont pas répertoriés par le préambule, ils reposent en effet sur des lois
que l'on peut et que l'on doit retrouver dans l'histoire de nos républiques. Il en résulte que la liste de
ces principes, si elle n'est pas close, est cependant limitative. Les principes généraux du droit ne se
rattachent pas toujours et pas nécessairement directement à un texte. La liste des principes généraux
du droit est indéfinie, ce qui ne veut pas dire infinie, en ce sens est toujours ouverte.
Ce que l'on vient de voir permet de se faire une idée de ce que sont les principes généraux du droit.
Principes généraux du droit qui sont une catégorie de normes juridiques tout à fait originales.
Précisons que les principes généraux du droit ne sont pas plus un monopole du conseil d'État que les
principes fondamentaux reconnus par les lois de la république ne sont un monopole du conseil
constitutionnel. Les caractéristiques des principes généraux du droit tel qu'on peut les trouver dans la
jurisprudence administrative peuvent être résumés de la manière suivante.
Les principes généraux du droit sont, tout d'abord, des normes jurisprudentielles. Ils sont découverts
ou inventés par le juge, il ne résulte pas d'un texte écrit, plus exactement il ne résulte pas directement
d'un texte écrit, même lorsque l'on peut les rattacher, mais ce n'est pas le cas de tous, à la déclaration
des droits de 1789.
Certaines décisions sont particulièrement éclairantes de la démarche du juge. Tel est le cas de
l'affaire rendue par le conseil d'État le 8 juin 1973, Dame Peynet. Dans cette affaire, le juge était invité
à dire que l'article 29 du livre Ier du code du travail, qui interdit de licencier des salariés en état de
grossesse, institue un principe général du droit. Ce n'est pas ce qu’a fait le juge, qui a préféré
déclarer : « le principe général du droit dont s'inspire l'article 29 du livre Ier du code du travail ». La
différence entre la solution demandait la solution retenue est considérable. Certes, dans les deux cas
le résultat est l'affirmation d'un principe général du droit qui interdit de licencier les salariés en état de
grossesse. Mais la différence est dans le champ d'application. Ce qui était demandé était la
reconnaissance d'un principe général du droit déduit du texte, conditionné donc par ce texte, ayant le
même champ d'application que lui. La solution retenue par le juge consiste à inverser le lien. Ce n'est
pas le principe qui résulte du texte, le texte n'est qu'une application du principe. Cela donne une plus
grande latitude au juge qui peut donc appliquer ce principe en dehors du champ d'application du code
du travail.
Les principes généraux du droit sont applicables même en l'absence de texte, ainsi que le déclare la
décision du conseil d'État qui, pour la première fois depuis 1873, reconnaît explicitement l'existence
de principes généraux du droit. Il s'agit de la décision Aramu du 26 octobre 1945. Dans la décision
Dame Lamotte de 1950, qui est l'une des décisions les plus célèbres du conseil d'État, le conseil
d'État déclare également que le recours pour excès de pouvoir est ouvert même sans texte, contre
tout acte administratif, conformément aux principes généraux du droit. Les principes généraux du droit
ne sont pas des solutions d'espèces, caractéristiques que l'on prête souvent décisions rendues par les
administratif. Ils s'inscrivent dans la durée, ils sont destinés à avoir une certaine permanence. L'état
du droit peut changer, les principes demeurent, sauf cas particulier, parce qu'ils répondent à cette
exigence d'équilibre entre le pouvoir et les individus.
Les principes généraux du droit ne peuvent s'expliquer enfin que parce qu'ils reposent sur une
certaine conception des relations. Dans un état entre le pouvoir et les individus la conception sous-
jacente aux principes généraux du droit est celle d'un État libéral, politiquement et intellectuellement,
c'est donc une certaine conception de l'homme vivant en société que ces principes expriment.
36. Diversité des principes généraux du droit
Ces principes généraux du droit présentent une grande diversité. Depuis une soixantaine d'années, le
juge administratif a multiplié les principes généraux du droit, et ces derniers forment aujourd'hui un
ensemble impressionnant. Plusieurs classifications sont envisageables. Sans prétendre aucunement à
un caractère scientifique, on peut distinguer deux grandes masses. Il y a les principes que l'on peut
dire « à portée générale » et les principes que l'on peut dire « à portée plus spécialisée ». Quant aux
principes généraux du droit qui sont à portée générale, on peut les classer autour de trois grandes
idées.
Il y a, tout d'abord, les principes généraux du droit qui se rapportent à l'idée de liberté. Le juge
administratif a ainsi consacré la liberté individuelle, ainsi que la liberté d'aller et venir, par exemple
pour des campeurs (conseil d’Etat, 14 avril 1958, Abisset). Une autre grande liberté, classiquement
consacrée par le juge, est la liberté du commerce et d'industrie, à propos de laquelle tantôt le juge se
fonde sur la loi du 17 mars 1791, sur laquelle reviendra à propos des services publics, et une
application en est l'arrêt du conseil d'État du 22 juin 1951, Daudignac, et tantôt le juge ne se réfère
aucunement à la loi précitée, consacrant cette liberté sans support textuel, voir en ce sens conseil
d’Etat du 13 mai 1983, société René Moline. Il ne faut pas s'étonner du nombre, qui est en définitive
relativement peu élevée, du nombre de principes généraux du droit relatif à l'idée de liberté et cela
pour deux raisons. D'une part, les principales libertés ont été progressivement reconnues et
consacrées en France, sous la IIIe République par des lois. D'autre part, aujourd'hui la plupart des
grandes libertés ont une valeur constitutionnelle, et la nécessité d'éditions de principes généraux du
droit relatif à la liberté s'impose moins.
Un deuxième grand domaine pour ces principes généraux du droit à portée générale est constitué par
les principes généraux du droit, se rapportant à l'idée d'égalité. Les principes généraux du droit portant
sur l'égalité sont beaucoup plus nombreux que les précédents, et il n'y a rien là de surprenant. Tout
d'abord l'affirmation d'égalité en soi ne veut pas dire grand-chose. Pour que la formule ait un peu de
sens, il faut l'appliquer un domaine déterminé, sinon on reste dans le domaine de l'incantation, qui est
propre à toutes les dérives démagogiques. Ensuite, les situations à propos desquelles on peut
invoquer le principe d'égalité, sont extraordinairement variées. La loi ne peut pas toutes les prévoir, il
revient donc au juge de vérifier et d'apprécier, pour chaque situation, si le principe d'égalité est
applicable. Le principe d'égalité est d'abord le principe d'égalité devant la loi. Ce principe a été affirmé
dans une décision importante de 1958 qui a nourri les débats sur la valeur, qu'on examinera plus loin,
des principes généraux du droit : il s'agit de la décision du conseil d'État du 7 février 1958, syndicats
des propriétaires de forêts de chênes-lièges d’Algérie.
Le principe d'égalité devant la loi n'est pas quelque chose d'abstrait. Il trouve au contraire s'appliquer
dans des situations concrètes. Le juge a ainsi estimé que la loi du 15 novembre 1999, instituant le
pacte civil de solidarité, le PACS, impose d'étendre au signataire dudit pacte les avantages que la
réglementation accorde aux conjoints -conseil d'État 28 juin 2002, M. Villemain). Le principe d'égalité
est multiforme. Il s'applique à un grand nombre de situations. On peut citer par exemple, entre autres,
le principe d'égalité des usagers d'un même service public, lorsqu'ils sont placés au regard de ce
service dans une situation identique. Un vieil arrêt l'illustre bien, c'est l'arrêt du 29 décembre 1911,
Chomel, où l'intéressé s'était plaint parce que la poste ne lui distribuait pas son courrier. La poste avait
estimé qu'il se trouvait trop loin et qu'il lui revenait de venir prendre son courrier à la poste
directement, l’intéressé a contesté et il a obtenu satisfaction devant le juge sur le fondement du
principe d'égalité des usagers d'un même service public.
Un autre arrêt important est l'arrêt du 19 mars 1951, société des concerts du conservatoire, que l'on
présente habituellement comme un arrêt de principe, et qui relatif à l'accès de la société en question,
qui s'appelait société des concerts du conservatoire, à ce qui s'appelait alors la RTF la radio télévision
française, et dans cette affaire il avait été refusé l'accès de la société a cet RTF, la société avait fait un
recours, et là encore, elle l'avait obtenue satisfaction.
Un autre arrêt relatif aussi au principe des usagers devant le service public passé est l'arrêt du 26 avril
1985 villes de Tarbes, où là il s'agit d'usagers d'école de musique, on voit donc qu’il y a une
multiplicité de situations possibles pour les usagers.
A côté du principe d'égalité des usagers d'un même service public on trouve, dans ce principe
d'égalité, si on décline le principe d'égalité, le principe d'égalité dans l'utilisation du domaine public,
avec par exemple un arrêt d'application conseil d'État, 2 novembre 1956, Biberon.
Ou bien encore, autre principe d'égalité, principe d'égalité dans l'accès aux emplois publics. Principe
qui est évidemment essentiel et que l'on va retrouver un peu plus loin dans une autre leçon à propos
des services publics. Ce principe est illustré notamment par la décision du conseil d'État du 28 mai
1954, Barel.
Autre principe, principe d'égalité entre les sexes, qui recoupe d'ailleurs le précédent. S'agissant de ce
principe d'égalité entre les sexes, on peut comparer le deux arrêts mais qui y ont été pris à 30 ans
d'intervalle : d'abord que la décision du 3 juillet 1936, Mlle Bobard, où le conseil d'État admet encore
les discriminations, et la décision du 9 novembre 1966, Commune de Clohars-Carnoët, où le juge
sanctionne le non-respect de ce principe d'égalité. La décision Commune Clohars-Carnoët est
particulièrement intéressante parce qu'il s'agissait, avant la loi du 26 janvier 1984, relatif à la fonction
publique territoriale, de recrutement d'un secrétaire général de mairie, et le maire avait déclaré à
l'avance qu'il ne voulait pas d'une femme. Le concours a eu lieu présidé par le maire, c'est
naturellement un homme qui a été pris. Une dame, qui était candidate, a fait un recours et
naturellement, elle a gagné parce qu'il s'agissait d'une atteinte au principe d'égalité entre les sexes, en
même temps qu’une atteinte au principe d'égalité dans les emplois publics.
Egalement autre principe d'égalité, le principe d'égalité des candidats à un grade universitaire. Il est
illustré par un arrêt du 28 septembre 1962, Jourde et Maleville, ou encore principe d'égalité devant les
tarifs publics (conseil d'État 1er avril 1938, sociétés l'alcool Dénaturé de Coubert), principe d'égalité
devant les charges publiques (illustré par l'arrêt de principe du 30 novembre 1923, Couitéas). Dans
cette affaire Couitéas, il s'agissait d'une personne qui avait d'immenses domaine lui appartenant, dans
un territoire qui était alors français, qui était en Tunisie, et des tribus étaient venues s'installer sur son
domaine, et le sieur Couitéas avait demandé à la force publique d'intervenir et de chasser la tribu en
question se prévalant évidemment de sa qualité de propriétaire. La force publique avait refusée
d'intervenir pour éviter des troubles, ainsi qu'on peut le comprendre, et l'intéressé avait ensuite de
déféré ce refus de la force publique devant le juge administratif, et le juge a considéré qu'il y avait ici
une atteinte au principe d'égalité devant la charge publique, même si le refus de prêter cette force
publique pouvait être justifiée par les circonstances. Il faut souligner que ce principe d'égalité devant la
charge publique qui résulte de Couitéas trouve aujourd'hui encore de nombreuses applications.
Egalement, il faut citer, chacun y est sensible, le principe d'égalité devant l'impôt (conseil d’Etat, 4
février 1944, Guiyesse) mais le principe d'égalité devant l'impôt, c'est un principe difficile à faire
triompher, car ce principe peut revêtir des formes différenciées. L'égalité devant l'impôt se prête à des
débats infinis.
Principe d'égalité des candidats à un concours, également principe d'égalité devant la justice, ce ne
sont là que quelques applications du principe d'égalité, dont on voit qu'il est un principe général du
droit particulièrement important.
Un troisième grand domaine est constitué de ce que l'on peut appeler les autres grands principes
généraux du droit. Parmi ces principes généraux du droit, on peut citer notamment le principe du
respect des droits de la défense, qui est un principe absolument essentiel, avec en outre la décision
Aramu, que nous avons vu et qui est la première décision qui consacre ce droit. Mais sans
qu'apparaisse explicitement la référence à un principe général du droit, on peut citer donc que la
décision du 5 mai 1944, Dame veuve Trompier-Gravier, qui est une décision considérée comme étant
également de principe.
Ou encore, un principe de non rétroactivité des actes administratifs, illustré par une décision du 25 juin
1948, société du journal L'Aurore.
Ou encore principe selon lequel il est toujours possible d'intenter un recours en cassation contre une
décision rendue en dernier ressort, décision du conseil d'État du 7 février 1947, D’Aillères.
Et puis, sans doute avec un des arrêts les plus connus, que l'on a déjà cités, le principe selon lequel le
recours pour excès de pouvoir est ouvert, même sans texte, contre tout acte administratif. Ce principe
est illustré évidemment par la décision du conseil d'État du 17 février 1950, Dame Lamotte. Cet arrêt
Dame Lamotte est d'autant plus remarquable que, en l'espèce, la loi qui avait été prise excluait tout
recours administratif ou judiciaire, et si l'on comprend que le recours pour excès de pouvoir n'est
évidemment pas un recours administratif, certains pourraient penser qu'il entre dans les recours
judiciaires ; en réalité ce n'est pas un recours judiciaire mais un recours juridictionnel administratif, car
le recours judiciaire n'est que l'une des deux branches des recours juridictionnels, qui comprennent
les recours judiciaires et les recours devant les juridictions administratives.
Egalement on peut citer le principe selon lequel il est possible aux administrés d'exercer un recours
hiérarchique à l'encontre d'une décision d'une autorité subordonnée (conseil d'État, 30 juin 1950,
Quéralt). A ce propos, il faut retenir, d'ores et déjà, que le recours hiérarchique qui est intenté par un
administré prolonge le délai de recours contentieux.
Egalement on peut citer, parmi ces autres principes généraux du droit, le principe qu'on appelle « le
principe non bis inidem », c'est-à-dire l'interdiction de prononcer 2 sanctions pour une seule faute
(conseil d’état, 23 avril 1958, commune de Petit Quevilly).
Ou encore, le principe du caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle (conseil d’état, 12
mai 1961, société La Huta).
Ou encore, un principe selon lequel les collectivités publiques ont l'obligation de couvrir leurs agents
des condamnations civiles prononcées contre eux dès lors qu'aucune faute personnelle ne leur est
imputable (conseil d'État , 26 avril 1963, centres hospitalier de Besançon).
Il ne faut pas omettre, non plus, l'important principe, que l'on retrouvera à propos du régime juridique
des actes administratifs unilatéraux, et selon lequel, l'autorité compétente saisie d'une demande
tendant à l'abrogation d'un règlement illégal est tenue d'y déférer (conseil d'État, 3 février 1989
compagnies Alitalia).
A côté de ces principes généraux du droit qui ont une portée générale, on voit se développer des
principes généraux du droit qui sont, en quelque sorte, plus spécialisés. Certes l'expression
« principes généraux du droit spécialisé » pourrait apparaître comme un oxymore, figure de style très
utilisée de nos jours. Mais ce n'est pas du tout le but recherché.
En parlant de principes généraux du droit plus spécialisé, on veut simplement dire que l'on peut
identifier des catégories, à propos desquelles le conseil d'État a énoncé plusieurs principes généraux
du droit se rapportant à une même catégorie. Cette évolution n'a du reste rien d'étonnant car après le
temps de l'affirmation des grands principes généraux du droit, qui ont été vu précédemment, un temps
qui couvre en gros le premier tiers de la seconde moitié du XXe siècle, les principes généraux du droit
sont moins généraux, quant à leur champ d'application. Tout en conservant naturellement les
caractères des principes généraux du droit.
Parmi ces principes généraux du droit « plus spécialisés » entre guillemets, on peut citer par exemple
les principes énoncés par le juge à propos des étrangers. Dans une décision de 1978, le conseil d'État
a ainsi consacré le principe pour les étrangers vivant régulièrement en France, du « droit de mener
une vie familiale normale ». Ce droit a été interprété comme comportant notamment la faculté pour
ces étrangers de faire venir auprès de leurs conjoints et leurs enfants mineurs. C'est une décision du
conseil d'État du 8 décembre 1978, GISTI. Le conseil d'État a parlé également des principes généraux
du droit applicable aux réfugiés. Il y a notamment un arrêt du 1er avril 1988, Berciartua-Echarri, qui
évoque ce principe général du droit. Ces principes interdisent aux autorités françaises de remettre en
réfugiés aux autorités de son pays d'origine et imposent, pour l'unité de la famille, d'attribuer la qualité
de réfugié aux conjoints et aux enfants mineurs de l’étranger, auquel a déjà été reconnu la qualité de
réfugié. Voir en ce sens conseil d'État, 2 décembre 1994, Dame Agyepong.
On peut y ajouter également ce qu'on peut appeler « les principes généraux du droit de l'extradition ».
L'un de ses principes interdisant l'extradition des étrangers vers un État dont le système judiciaire ne
respecte pas les droits et libertés fondamentaux de la personne humaine (conseil d'État, 26
septembre 1984, Lujambio Galdeano).
Une autre série de principes généraux du droit concerne le droit du travail, qu'il s'agisse du secteur
privé ou du secteur public. On a déjà vu le principe d'interdiction de licencier une salariée en état de
grossesse, avec la décision Dame Peynet. On pourrait citer également, et l'on voit bien ici le caractère
spécialisé d'un tel principe, le principe selon lequel un employeur a l'obligation de chercher à reclasser
un salarié atteint d'une inaptitude physique à son emploi, et en cas d'impossibilité de le licencier
(conseil d'État 2 octobre 2002, chambre de commerce et d'industrie de Meurthe-et-Moselle). Dans le
secteur public, on peut citer le principe selon lequel le personnel non titulaire des collectivités
publiques a droit à une rémunération au moins égale au SMIC (conseil d'État, 23 avril 1982 villes de
Toulouse contre Mme Aragnou).
Enfin il faut ajouter que certains principes généraux du droit sont difficilement classables, ce qui
n'enlève évidemment rien à leur importance. On peut citer notamment un très important principe,
dégagé par le juge, et selon lequel, les principes déontologiques fondamentaux relatifs au respect de
la vie humaine, qui s'impose aux médecins dans ses rapports avec son patient, ne cessent pas de
s'appliquer après la mort de celui-ci (conseil d'État 2 juillet 1993, Milhaud).
37. Le débat sur la valeur juridique des principes généraux du droit.
Naturellement avec tous ces principes généraux du droit, se pose une question : la question de la
valeur juridique des principes généraux du droit.
Pour comprendre l’importance de la question, il est bon de rappeler une affaire est importante, non par
les circonstances dans lesquelles elle est intervenue, mais par la portée qu’elle a eu. C’est la décision
du conseil d'État du 26 juin 1959, syndicat général des ingénieurs conseils. Cette affaire est réglée par
le conseil d'État en 1959, mais elle porte sur une législation applicable sous la 4e république, donc a
priori une affaire sans intérêt ne présentant qu’un caractère historique. D'autant plus, qu'en l'espèce,
ce qui était en cause, c'était un pouvoir remis au gouvernement pour régir les colonies dans certains
domaines , en vertu d'un senatus consult du 3 mai 1854. Mais voir les choses ainsi, ce serait passer
complètement à côté du problème. Car le pouvoir dont disposait le gouvernement était un pouvoir
dans le domaine de la loi. La solution rendue par le conseil d’Etat n’avait en 1959 que des
conséquences pratiques très limitées. Mais nous avions changé de régime, et la Ve république
établissait précisément, avec les articles 34 et 37, une distinction entre le domaine de la loi et le
domaine du règlement, en déclarant qu'en faisant usage de son pouvoir de législateur colonial, le
gouvernement était tenu de respecter les principes généraux du droit, qui résultant notamment de
préambule la constitution s'impose à toute autorité réglementaire, même en l'absence de dispositions
législatives. Le conseil d'État adoptait une solution qui, pour l'espèce, ne présentait un intérêt limité
mais qui, pour l'avenir était déterminante, car la solution applicable au pouvoir réglementaire colonial
autonome du gouvernement de la IVe république était évidemment transposable au pouvoir
réglementaire de l'article 37. Le gouvernement doit respecter, dans l'exercice du pouvoir
réglementaire, qu’il tient de l'article 37 de la constitution, les principes généraux du droit, alors même
qu'il n'y a pas de loi en principe dans les matières relevant de cet article 37. Voilà l'importance de
cette décision par rapport au pouvoir réglementaire.
Quant à la valeur juridique des principes généraux du droit, les auteurs ont adopté des positions
différentes.
Selon une première thèse, les principes généraux du droit auraient une valeur constitutionnelle. C'est
un point de vue qui avait été soutenu par le commissaire du gouvernement dans ses conclusions, sur
la décision que nous avons vue, 26 juin 1959, syndicat général des ingénieurs conseils. Mais ce
n'était là qu'un point de vue.
Selon une deuxième thèse, les principes généraux du droit de valeurs législatives et il y a un arrêt au
moins dans laquelle on trouve effectivement que le conseil d'État affirme cette valeur législative : c’est
la décision, que nous avons vue, du 7 février 1958 syndicats des propriétaires de chênes-lièges
d'Algérie. Mais il s'agissait de la IVe république, non pas de la cinquième.
Une troisième position plus originale a été soutenue par Renée Chapus, c'est la thèse de la valeur
infralégislative et supradécrétal des principes généraux du droit. Le débat ne s'est pas éteint mais l'on
peut dire que, finalement son importance, est relative pour les raisons suivantes.
En premier lieu, on peut estimer que une norme n'a pas de valeur supérieure à celle de son auteur, ce
qui permet d'écarter la valeur constitutionnelle, le choix demeure entre la valeur législative et la valeur
infralégislative.
En deuxième lieu, s'agissant des principes un généraux du droit énoncé par le conseil constitutionnel,
on peut dire que, sans doute, ces principes généraux du droit ont une valeur constitutionnelle, mais
parce qu'ils sont énoncés par le conseil constitutionnel, tandis que ceux énoncés par le conseil d'État
ne peuvent pas avoir cette valeur. Cela est logique, il y a deux ordres juridiques distincts.
En troisième lieu, la réponse à la question de la place des principes généraux du droit dans
l'ordonnancement juridique est passionnante d'un point de vue théorique mais est indifférente pour
l'application du droit, car en définitive une seule chose compte sur laquelle tout le monde est
d'accord : l'administration doit respecter les principes généraux du droit quelque soit le pouvoir
réglementaire et l'utiliser dans son action.
C'est cela qui est essentiel. Les principes généraux du droit sont un instrument de soumission de
l'administration aux droits.
Droit Administratif – L2 – semestre 1
Cours 6 : Les atténuations du principe de juridicité
38. Les actes de gouvernement
Il arrive que les exigences normales du principe de juridicité s'atténuent. Et ce voile posé sur la liberté
ne supprime pas l'obligation de respecter ce principe. Dans certaines hypothèses, la légalité de droit
commun est remplacée par l’égalité d'exception, régie par tout un arsenal de règles, règles posées
par le juge ou par des textes, de niveau tant constitutionnel que législatif. Le cours aborde ainsi l'étude
des théories jurisprudentielles des actes du gouvernement et des circonstances exceptionnelles, puis
celle des situations exceptionnelles, prévues tant par le constituant que le législateur, c'est-à-dire à
des articles 16 et 36 de la constitution, puis de la loi de 1955 sur l’Etat d'urgence. Cet enregistrement
va permettre d'illustrer ces différents points du cours en examinant les principaux textes cités.
Les actes de gouvernement, et non pas du gouvernement, se caractérisent par une sorte d'immunité
juridictionnelle et sont rebelles à toute systématisation. Cette théorie est en effet rétive à toute
définition susceptible d'embrasser tous les cas d'actes de gouvernement. Mais il est possible, en
revanche, de dégager des lignes de force. Deux critères sont désormais avancés.
En premier, on estime que ce sont des actes qui mettent le plus souvent en cause le pouvoir exécutif
dans ses relations avec une autorité, échappant au contrôle du juge.
En second, selon les termes employés par M. Le professeur Chapus, « ce sont des actes politiques
en raison des matières dans lesquelles ils sont accomplis et que l'on pourrait à l'image des auteurs
anciens, qualifiée des matière de gouvernement ».
La prise en compte de ces deux critères permet de comprendre pourquoi il n'y a pas d'incompatibilité
entre l'État de droit et l'existence d'actes de gouvernement. Quelle serait l'utilité de l'intervention d'un
juge pour examiner un litige concernant la légalité d'un acte touchant à des matières essentiellement
politiques, et pour lesquels les questions juridiques qui pourraient se poser sont, au mieux, seconde ?
Ces actes ne sont pas pour autant dépourvus de sanctions mais en l'état actuel du droit celle-ci est de
nature politique ou diplomatique, et non pas juridictionnelle.
La liste des actes de gouvernement regroupe de manière classique deux ensembles hétérogènes
dont le domaine a été progressivement réduit par le conseil d'État. Ce sont d'une part les actes du
pouvoir exécutif dans ses relations avec le Parlement, ainsi que les actes qui intéressent les rapports
d'ordre constitutionnel entre le président de la république et le gouvernement. Ce sont, d'autre part,
les actes non détachables de la conduite des relations internationales de la France.
39. Les actes de l’exécutif dans ses relations avec le Parlement
Ces actes concernent les rapports de l’exécutif dans ses relations avec le Parlement en tant
qu’institution. L'immunité juridictionnelle dans ces actes bénéficie ne signifie pas qu'ils échappent à
tout contrôle, mais pour de tels actes, seul un contrôle parlementaire, et le cas échéant la mise en jeu
de la responsabilité politique de l'exécutif, ont véritablement un sens. Ces principes posés, nous allons
voir leur application dans deux exemples : l'un ou le juge a reconnu l'existence d'un acte du
gouvernement, l’autre où il l’a nié, mais dans les deux cas le conseil d'État appris une décision
exactement contraire à celles préconisées par son commissaire du gouvernement.
Premier exemple : un exemple contesté d'actes de gouvernement. Parmi les actes concernant les
rapports de l'exécutif avec le Parlement, sont considérés comme des actes du gouvernement par
exemple les décrets de promulgation des lois, la décision de mise en vigueur de l'article 16 de la
constitution, le refus par le gouvernement de déposer un projet de loi devant le Parlement, même s'il
s'était engagé politiquement ce sens, le décret soumettant un projet de loi à référendum, le décret de
dissolution de l'assemblée nationale, le refus du gouvernement de saisir le conseil constitutionnel aux
fins de lui faire constater un empêchement du président de la république, dernier exemple.
Dans ce contexte comment pouvait-on analyser la décision par laquelle le président de la république
nomme un membre du conseil constitutionnel ? C'est l'affaire du conseil d'État du 9 avril 1999, Mme
Bâ, reproduit dans le fascicule de TD.
Madame Bâ estimait que la décision par laquelle le président de la république avait nommé M. Pierre
Mazeaud, membre du conseil constitutionnel, dont nous savons par la suite qu'il l’a présidé,
nomination à l'application de l'article 56 de la constitution, était irrégulière dans la mesure où ce
dernier, Pierre Mazeaud, ne présentait pas selon Mme Bâ les garanties d'impartialité qu’exigeraient
cette fonction. Quelle analyse juridique peut-on faire en fonction des termes mêmes de l'arrêt ?
La question posée était donc celle de savoir si la nomination par le président de la république d'un
membre du conseil constitutionnel était ou pas un acte de gouvernement.
Si depuis la réforme de 1974, la fonction de juge de la constitutionnalité des lois a pris une place
déterminante dans l'activité du conseil constitutionnel, il tient de la constitution d'importantes
compétences non juridictionnelles et joue également un rôle fondamental dans le processus
d'élaboration des lois. Cette place dans nos institutions révèle bien l'importance du choix des hommes
qui la composent. Mais l'acte les nommant peut-il être considéré pour autant comme un acte de
gouvernement ?
Plusieurs arguments ont été confrontés. En particulier il semblerait superficiel, même très superficiel,
de rattacher la nomination d'un membre du conseil constitutionnel par le président de la république
aux rapports entre l'exécutif et le Parlement. Si le conseil constitutionnel se prononce sur la conformité
des lois à la constitution, il ne fait pas pour autant partie du pouvoir législatif, et ne saurait être
assimilé à une sorte de troisième chambre.
Autre argument, si les décisions du conseil constitutionnel concourent incontestablement à
l'élaboration de la loi, la nomination de ses membres ne peut être regardée comme une des
composantes du travail législatif. Rattacher la nomination d'un membre du conseil constitutionnel à la
catégorie des actes du gouvernement ne supposait-elle pas de résoudre ces réelles difficultés
juridiques ? Le conseil d'État, dans sa formation la plus solennelle, puisque cette décision a été
rendue en assemblée, le conseil d'État a considéré que cette décision de nomination d'un membre du
conseil constitutionnel constituait bien un acte de gouvernement, mais de manière brève, sans
trancher les difficultés soulevées, puisqu'il est simplement dit : « considérant qu'il n'appartient pas à la
juridiction administrative de connaître de la décision par laquelle le président de la république nomme
en l'application des dispositions de l'article 56 de la constitution un membre du conseil constitutionnel ;
que dès lors la requête à laquelle Mme Bâ demande l'annulation de la décision du 21 février du
président de la république nommant M. Mazeaud comme membre du conseil constitutionnel doit être
rejeté comme porté devant une juridiction incompétente ». Ce laconisme, cette brièveté, amène à se
poser d'autres questions et à envisager d'autres types de réponses. On pourrait dire que cette
décision, la nomination des membres du conseil constitutionnel, concerne les rapports entre le
président de la république et le conseil constitutionnel, tels qu’ils sont organisés par la constitution.
En définitive, ce serait les rapports d'ordre constitutionnel entre pouvoirs publics qui seraient ici en jeu,
et non pas seulement les rapports entre exécutif et législatif. Il serait possible alors que l'on s'en
présente d'une nouvelle catégorie, d'une sous catégorie d'actes du gouvernement, dans la catégorie
générale des actes de l'exécutif dans ses relations avec le Parlement.
Mais on pourrait également se demander si l'élément déterminant de cette décision ne réside pas
dans la nature même du conseil constitutionnel, dont le conseil d'État aurait ainsi reconnu la place
spécifique dans nos institutions. Désormais quatre organes relèveraient des pouvoirs publics
constitutionnels : le président de la république, le gouvernement, le parlement, et ce de manière
classique, mais également le conseil constitutionnel. Enfin on peut faire une dernière remarque en
relevant que la nomination d'un membre du conseil constitutionnel ne peut être soumise à aucun
contrôle tant juridictionnel que politique. Dans ce cas, la décision Mme Bâ n'était pas somme toute
regrettable.
40. Un refus contesté d’acte de gouvernement
Il est temps maintenant d’examiner un cas inverse, c’est-à-dire un refus, qui a été très contesté, un
refus du conseil d'État d'avoir un acte de gouvernement : il a refusé de voir un acte comme un acte
de gouvernement et, au contraire, l’a soumis à son contrôle.
Nous savons que ne constitue pas des actes de gouvernement le refus de saisir le conseil
constitutionnel sur la base de l'article 37 alinéa 2 de la constitution, en application d'une décision
célèbre, reproduit dans les grands arrêts, la décision rendue en section le 3 décembre 1999 par le
conseil d'État, Association ornithologique et mammalogique de Saône et Loire, Rassemblement des
opposants à la chasse.
Ou encore, autre exemple, la décision du président de la république de faire fleurir la tombe de Pétain
à l'occasion du 11 novembre. En revanche le décret par lequel le premier ministre charge un
parlementaire d'une mission auprès d’une administration est-il un acte de gouvernement ou un acte
administratif, détachable des rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, car constituant
un premier acte d'une mission administrative ?
Telle est la position adoptée par le conseil d'État dans la décision Mégret du 25 septembre 1998,
rendue sur les conclusions contraires de Mme Maugüé : « considérant que le décret par lequel le
premier ministre charge un parlementaire d'une mission, que celui-ci doit accomplir auprès d'une
administration, ou en son sein, constitue le premier acte de l'exécution d'une mission administrative
dont une parlementaire se trouve temporairement investi, qu'un tel acte qui détachable des rapports
entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif, tels qu’ils sont organisés par la constitution, revêt le
caractère d'une décision administrative susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de
pouvoir ».
Examinons brièvement les faits : si l'exercice de fonctions publiques non électives est incompatible
avec le mandat de député, en vertu de l'article L. O. 142 du code électoral, une exception est prévue
par l'article 144 du même code, qui dispose « les personnes chargées par le gouvernement d'une
mission temporaire peuvent cumuler l'exercice de ses missions avec leur mandat de député pendant
une durée n'excédant pas six mois ».
Par un décret du 10 février 1998, le premier ministre avait fait usage de cette faculté pour charger M.
d'Attilio, député des Bouches-du-Rhône, d'une mission temporaire auprès du secrétariat d'État à
l'industrie, mission portant sur l'utilisation auprès des collectivités locales des nouvelles technologies
de l'information. Cette mission étant renouvelée au-delà de sa durée initiale de 6 mois, tel que prévue
par les textes, M. d'Attilio fut remplacée à l'assemblée nationale par son suppléant.
M. Mégret, adversaire malheureux de M. d'Attilio lors des précédentes élections législatives, a formé
un recours contre la décision du premier ministre. Comment se présente l'analyse juridique ?
Christine Maugüé, commissaire du gouvernement, a estimé que cette mesure était un acte de
gouvernement pour trois raisons principales.
Tout d’abord, il lui paraissait qu'une telle décision constituerait une exception à l'incompatibilité entre
le mandat parlementaire et une fonction exécutive mettant directement en cause les relations du
gouvernement avec le Parlement. L'institution du parlementaire en mission permet de les associer à la
réflexion ou à l'action gouvernementale, elle leur permet le plus souvent de les charger de la rédaction
d'un rapport afin d'étudier divers problèmes préoccupant le gouvernement, voire même de leur confier
l'exercice de responsabilité.
En second lieu, Mme Maugüé faisait valoir que le parlementaire concerné n’est réputé à renoncer à
son mandat qu’en cas de prolongation de sa mission au delà du délai de six mois. Tant que cette
durée n'est pas dépassée, le parlementaire continue d'appartenir au Parlement et d'exercer
parallèlement son mandat.
Enfin troisième raison, les raisons qui justifient la désignation d'un parlementaire en mission sont de
nature éminemment politique et offrent peu de place à un contrôle de légalité. Le profil politique de
l'intéressé joue plus que sa connaissance d’une matière donnée et la nomination peut être un moyen
de compenser la perte d'une fonction antérieure, de privilégier telle composante de la majorité. Dans
ces conditions quel contrôle, quel contrôle de fond, de forme peut exercer le juge administratif ?
Le conseil d'État n'a cependant pas suivi l'analyse que lui proposait Mme Maugüé. Il a admis que le
décret par lequel le premier ministre charge un parlementaire d'une mission auprès d'une
administration ou en son sein constitue une décision administrative susceptible de faire l'objet d'un
recours pour excès de pouvoir. Relevons qu'un tel décret constitue le premier acte de l'exécution
d'une mission administrative dont un parlementaire se trouve temporairement investi, il en déduit que
cet acte est détachable. Détachable des relations entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, tel
qu'ils sont organisés par la constitution, et revêt donc le caractère d'une décision administrative
susceptible de recours contentieux. Face à un acte qui relevait à la fois de la sphère administrative et
de la sphère parlementaire, la section du contentieux a privilégié la première pour admettre la
compétence du juge administratif. Le juge s'est ainsi attaché à contrôler la nomination d'un
collaborateur exceptionnel de l'action gouvernementale, plutôt qu’à préserver l'immunité
juridictionnelle de cette désignation, du fat de l’origine parlementaire de son titulaire.
Cette position rejoint celle adoptée par le conseil constitutionnel une dizaine d'années auparavant. Le
conseil constitutionnel avait analysé la mission ainsi confiée un membre du Parlement comme
extérieure à sa fonction parlementaire, et je cite la décision du conseil constitutionnel en date du 7
novembre 1989 : « la mission qu'exerce un député ou un sénateur à la demande du gouvernement ne
s’inscrit pas dans l'exercice de sa fonction de parlementaire, d'ailleurs une telle mission ne peut être
confiée à une personne qui n'est pas membre du Parlement ».
41. Les actes de l’exécutif et les relations internationales
Examinons maintenant la seconde catégorie des actes de gouvernement : les actes de l'exécutif dans
ses relations internationales.
Le caractère diplomatique et politique de ce type d'acte apparaît si clairement qu’à l'inverse, on
pourrait même s'étonner qu'il puisse avoir une place pour le contrôle d'un juge. Il s'agit en effet d'actes
relatifs à la négociation, d'actes relatifs à la conclusion de traités internationaux, d'actes relatifs à la
conduite des relations internationales, d'actes relatifs à la participation de la France à des opérations
militaires, ou encore à la protection diplomatique des français se trouvant à l'étranger auprès des
autorités nationales des pays concernés.
Mais même dans ce domaine, on assiste à un recul de la notion d'actes de gouvernement. Par le biais
d'une analyse très fine des actes relatifs à la négociation et à la conclusion de traités internationaux, le
juge administratif limite le périmètre de la notion d'actes de gouvernement. Dans la leçon sur les
sources internationales du droit administratif, nous avons vu que le conseil d'État opère ainsi un
contrôle de la ratification des traités, et c’est l'arrêt du conseil d'État rendu en assemblée du 18
décembre 1998, SARL du parc d'activités de Blostheim. Ou encore, le conseil d'État accepte de
statuer sur une exception d'irrégularités soulevées à l'occasion d'une décision faisant application d'un
traité, et c'est l'arrêt du conseil d'État également rendu en assemblée le 5 mars 2003, Aggoun. Sur
ces points, je vous renvoie aux émissions et aux cours consacrés aux sources internationales du droit
administratif.
La décision du conseil d'État rendu en assemblée le 15 octobre 1993, Royaume-Uni de Grande-
Bretagne et d'Irlande du Nord, reproduite dans le fascicule mais également dans les grands arrêts, est
un nouvel exemple du travail du juge pour analyser ce domaine si sensible des actes de l'exécutif
dans ses relations internationales que sont les actes d’extradition. On a coutume de définir
l'extradition comme une procédure d'entraide internationale par laquelle un État, l'État requis, sur le
territoire duquel se trouve un individu, remet ce dernier à un autre État, l’Etat requérant, afin qu'il le
juge ou lui fasse exécuter sa peine. Même si les sources du droit de l'extradition se trouvent de plus
en plus dans des conventions bilatérales ou des engagements multilatéraux, les conditions, la
procédure, les effets de l'extradition sont encore le plus souvent déterminé par une loi nationale.
L'originalité de l'affaire que nous allons examiner tient à ce que le conseil d'État admet la compétence
du juge administratif pour reconnaître à la demande d'un État étranger de la légalité d'un refus
d'extradition opposée à cet Etat. Mieux même, suivant intégralement les conclusions du commissaire
du gouvernement Vigouroux, l'arrêt Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord annule
pour erreur de droit la décision de refus.
Cette décision permet d'illustrer la notion de détachabilité. Certaines opérations administratives,
notamment celles qui sont relatives aux relations internationales, exigent ou impliquent une pluralité
d'actes. Vont être considérées comme détachables et pourront par conséquent faire l'objet d'un
recours en annulation, les actes qui laissent aux autorités françaises une certaine marge
d'appréciation dans l'exécution comme dans le choix des moyens.
Faisons un exposé des faits. En l’espèce que M. Saniman, ressortissant malais, était accusé d'avoir
commis à Hong-Kong un nombre élevé d'infractions financières. L’intéressé ayant une résidence en
France, son extradition avait été demandée aux localités françaises par le gouverneur de ce territoire,
possession de la couronne britannique jusqu'aux 30 juin 1997, comme vous vous en souvenez peut-
être. La procédure d'extradition alors applicable était la suivante : la demande d'extradition devait en
premier être soumise à l’avis de la chambre d'accusation de la cour d'appel. Si celle-ci rendait un avis
défavorable, l'extradition ne pouvait être accordée. Dans le cas contraire, si l'avis de la chambre
d'accusation était favorable, le ministre de la justice proposait au premier ministre un décret autorisant
l'extradition, puis le premier ministre pouvait prendre le dit décret. Vous voyez bien qu'il y a là, la
chaîne de décisions dont nous parlions tout à l'heure.
Après un premier avis défavorable, rendu en 1987 par la chambre d'accusation, des faits nouveaux
avait amené la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles à rendre, trois ans après, en
1990, un avis favorable. Néanmoins le ministre avait fait connaître à l'ambassade de Grande-
Bretagne, le refus d’extrader. Après le rejet d'un recours gracieux, le gouvernement de Royaume-Uni
de Grande-Bretagne s'est pourvu devant le conseil d'état, aux fins d'obtenir l'annulation du refus
d'extrader.
Comment se présente l’analyse juridique ? Plusieurs considérations militaient dans le sens de
l'incompétence de la juridiction administrative, le litige opposant le gouvernement britannique à la
France. Ce litige pouvait, dès lors, être considéré, comme se rattachant à des rapports d'État à État.
Mais en premier, il existe une différence importante entre le décret accordant l'extradition qui, au
premier chef, est opposable à l’individu extradé, et un refus d'extradition directement opposée d'État à
État.
Dans le premier cas, il est facile d'admettre le recours d'une personne contre une décision qui met
directement en cause sa liberté. Dans l'autre hypothèse, le refus directement opposé d'État à État, le
débat qui s'installe entre les états peut faire intervenir des considérations d'ordre purement
diplomatique.
En second, l'intervention d'un État étranger devant une juridiction française pose par elle-même
quelques difficultés. La Cour de Cassation avait ainsi jugé qu’aucun texte n'autorise un État étranger à
intervenir dans la procédure soumise aux chambres d'accusation françaises à la suite d'une demande
d’extradition. Dans ses conclusions, le commissaire du gouvernement, après avoir soulevé et examiné
ces arguments, les avaient rejetés.
Pourquoi ? M. Vigouroux a surtout insisté sur le fait que le droit de l'extradition est de plus en plus régi
par les conventions internationales, dont certaines font, si les conditions sont réunies, elles font de
l'octroi d'extradition la règle et le refus d'extradition l ‘exception. Le commissaire du gouvernement y a
vu la marque de l'évolution de l'acte de souveraineté vers l’acte de juridiction. Et de l'évolution du
pouvoir discrétionnaire vers la compétence encadrée par des conditions légales. Si le juge veille au
respect de ces conditions en cas d'octroi d'extradition, pourquoi n'en est-il pas de même en cas de
refus ? Autre argument, le fait que le requérant soit un État étranger ne constitue pas non plus un
obstacle aux yeux du commissaire du gouvernement. Le fait que le juge examine ou pas la requête
ne dépend pas de la nature du requérant mais de la nature l’acte contesté, de la nature du droit
invoqué. Or le Royaume-Uni de Grande-Bretagne vient devant le juge administratif français parce qu'il
conteste un acte administratif français au nom du droit français.
L’assemblée du contentieux a suivi son commissaire du gouvernement en relevant expressément que
le refus d'extradition est détachable de la conduite des relations diplomatiques de la France avec l'État
dont émane cette demande. Que par la suite la juridiction administrative était compétente pour
connaître de la requête. Après examen, le conseil d’Etat estime que le refus d'extradition était entaché
d'erreur de droit. A la suite de cette décision, le gouvernement a pris un décret autorisant l'extradition
de M. Saniman. Vous lirez dans votre fascicule de larges extraits de cette décision qui rappelle, après
le premier paragraphe posant la règle de droit, les considérations de cette espèce auxquelles cette
argumentation s'applique.
42. L’article 16 de la constitution
Deuxième point : les textes constitutionnels d'exception. Par ce terme « texte constitutionnel
d'exception », nous faisons ici référence aux articles 16 et 36 de la constitution de 1958.
Examinons d'abord l'article 16 de la constitution du 4 octobre 1958. Parmi les innovations apportées
dans le droit public français en 1958, l'article 16 de la constitution fut, en son temps, l'un des plus
controversé.
Disposant que, je cite, « lorsque les institutions de la république, l'indépendance de la nation,
l'intégrité de son territoire, ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacées d'une
manière grave et immédiate, et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels
est interrompu, le président de la république prend les mesures exigées par les circonstances après
consultation officielle du premier ministre, des présidents des assemblées, ainsi que du conseil
constitutionnel ».
L'article 16 a fort divisé la doctrine sur signification exacte comme sur sa portée éventuelle et fit l'objet
d'interprétations nettement divergents auxquels amis fin l’arrêt du conseil d'État rendu en assemblée
le 2 mars 1962, Rubin de Servens : « considérant que par décision en date du 23 avril 61, prise après
consultation officielle du premier ministre et président des assemblées, après avis du conseil
constitutionnel, le président de la république a mis en application l'article 16 de la constitution du 4
octobre 58, que cette décision présente le caractère d'un acte de gouvernement dont il n'appartient
pas au conseil d'État ni d'apprécier la légalité, ni de contrôler la durée d'application, que la dite
décision a eue pour effet d'habiliter le président de la république à prendre toutes les mesures exigées
par les circonstances qui l'ont motivé, et, notamment, à exercer dans les matières énumérées à
l'article 34 de la constitution le pouvoir législatif, et dans les matières prévues à l'article 37, le pouvoir
réglementaire ».
Rendue à l'occasion de la tentative de putsch survenu à Alger au printemps 1961, l'arrêt Rubin de
Servens opère une distinction capitale entre d’une part, la décision initiale de recourir à l'article 16,
d'un autre part les décisions prises en vertu de l'article 16 au cours de sa période d'application.
La décision initiale de mettre en application l'article 16 présente, selon le conseil d’Etat, le caractère
d'un acte de gouvernement dont il ne lui appartient ni d'apprécier la légalité ni de contrôler la durée
d'application, c’est une prérogative du chef de l'État, dispensée de contreseing.
Par contre, les décisions prises par le président de la république dans le cadre d'une sorte de
dédoublement fonctionnel institué par l'article 16, et qu’il prend en qualité d'autorité réglementaire,
relève de la compétence réglementaire, et peuvent, et doivent même, par là même, être contrôlées
par le juge administratif.
La faiblesse des garanties accordées par le texte constitutionnel a été maintes fois soulignée. Alors
que rien n'indique quel type d'atteinte aux libertés et types d'atteintes aux procédures sont permises,
puisque l'article 16 précise simplement « le président de la république prend les mesures exigées par
les circonstances », sa procédure de mise en oeuvre est largement laissée à la discrétion du pouvoir
exécutif.
Certes, le texte indique qu'avant de mettre en oeuvre l'article 16, le chef de l'État doit consulter de
manière officielle quatre personnages : le premier ministre, les deux présidents des deux assemblées,
assemblée nationale et Sénat, ainsi que le président du conseil constitutionnel. Il doit également
informer la nation par un message, et, sur cette base, le juge administratif, comme indiqué dans l’arrêt
Rubin de Servens, peut constater l'existence simplement matérielle de ces consultations officielles.
Mais ce contrôle ne constitue pas une garantie bien efficace, c’est juste une existence matérielle de
consultation officielle.
Cette garantie est d'autant plus faible que le conseil d'État a refusé, dans l’arrêt Rubin de Servens en
1962, pour sa seule application à ce jour, de contrôler la durée d'application l'article 16, durée qu'en
l'espèce les requérants estimaient abusive.
Quoique contestée par certaines personnes politiques, qui sont devenues après président de la
république, aucun président de la république n'a demandé une révision de cet article 16. Cependant le
rapport du comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions
de la Ve république, dit rapport Balladur, publiée au journal officiel le 30 octobre 2007, propose de
modifier sur ce point l'article 16 de la constitution.
Tout d'abord, le comité pose en principe que l'évolution de la Ve république vers un régime de forme
présidentielle correspond au souhait de plusieurs membres du comité. Cependant il s'est trouvé
unanime pour faire un choix clair qu'il a maintes fois réaffirmé depuis, de manière orale et officielle, en
plus de l'avoir écrit de manière officielle dans le rapport publié au JO. Dans ce cadre, donc, dans ce
cadre de l'évolution vers régime de forme présidentielle, le comité formule des propositions en faveur
d'un renforcement des pouvoirs du Parlement, d'une garantie accrue des droits et libertés du citoyen,
qui doit se traduire par une limitation des pouvoirs du président de la république.
C'est ainsi que le comité propose de redéfinir l'exercice de certaines attributions du chef de l’État, et
en particulier les mécanismes de contrôle de mise en oeuvre l'article 16, qu'il estime insuffisants. Le
comité a estimé qu'il n'existait pas de raison suffisante pour revenir sur l'existence même des
dispositions de l'article 16, qui permet au président de la république, lorsqu'il y a grave atteinte à
l'intégrité du territoire, à l'indépendance de la nation, lorsque les institutions sont menacées, ainsi que
le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, il permet de prendre des mesures exigées par les
circonstance. Et ces mesures doivent être inspirées par la volonté d'assurer aux pouvoirs publics
constitutionnels, dans les moindres délais, d’assurer les moyens d'accomplir leur mission. Mais qu'en
revanche le comité a relevé que le principal reproche adressé à ses dispositions, formulé maintes fois
lors de la seule utilisation jamais faite de l'article 16 du 23 avril au 29 septembre 61, ces reproches
tenaient à la longueur du délai pendant lequel il avait été appliqué.
Aussi le comité Balladur recommandait-il que l'article 16 soit modifié, de telle sorte que 60
parlementaires puissent, au terme d'un délai d'un mois après sa mise en oeuvre, saisir le conseil
constitutionnel afin que ce dernier puisse vérifier si les conditions d'application de l'article 16
demeurent toujours réunies.
Le comité propose également que le conseil constitutionnel soit ensuite habilité à vérifier par lui-même
de son propre chef si les conditions d'application de l'article 16 se trouvent toujours réunies, dans
l'hypothèse où ce dernier serait encore en vigueur plus d'un mois après sa mise en oeuvre. En
conséquence, le comité Balladur propose de compléter le texte de l'article 16, en y ajoutant un avant-
dernier alinéa ainsi rédigé, je cite, « au terme d'un délai de 30 jours, le conseil constitutionnel peut être
saisi par 60 députés ou 60 sénateurs aux fins d'apprécier si les conditions fixées à l'alinéa premier
demeurent réunies, il se prononce par un avis qu’il rend dans les moindres délais, il procède de lui-
même à cet examen après 60 jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels, et à tout moment au
delà ».
Les travaux du comité Balladur ont donné lieu à un avant-projet de loi constitutionnelle, soumis à
l'examen des principaux responsables politiques et juridiques au printemps 2008.
43. L’article 36 de la constitution
Nous en venons maintenant à l'examen du deuxième texte constitutionnel d’exception, c'est-à-dire
l'article 36 de la constitution. L’état de siège, compris comme un état de siège fictif ou politique, est
consacré par l'article 36 de la constitution articles très court contrairement à l'article 16 qui dispose, je
cite, « l’État de siège est décrété en conseil des ministres, sa prolongation, sa prorogation au-delà de
12 jours ne peut être autorisée que par le Parlement ».
Ce texte coexiste aux côtés de textes législatifs, comme une loi sur l'état de siège du 9 août 1849 et
du 3 avril 1878, qui transfèrent à l'autorité militaire un certain nombre de pouvoirs normalement
exercés par l'autorité civile. Dans ces textes, l'état de siège ne peut être déclaré qu'en cas de péril
éminent résultant d'une guerre étrangère ou d'une insurrection à main armée. Dans le cadre de la loi
de 1878, l'état de siège ne peut être déclaré que par une loi qui détermine à la fois son application
dans l'espace et son application dans le temps.
Actuellement l’état de siège est plus strictement entendu comme un état de siège militaire,
correspondant à l'investissement d'une place par l'ennemi, mais aussi comme un régime particulier
des libertés publiques, dans lequel les autorités militaires peuvent être substituées aux autorités
civiles pour exercer les pouvoirs de police et de maintien de l’ordre.
Les garanties accordées par le texte constitutionnel sont plus faibles que celles prévues dans les
textes législatifs. La procédure de mise en oeuvre de l'article 36, tout comme dans l'hypothèse de
l'article 16, est largement laissée à la discrétion du pouvoir exécutif. Rien n'indique quels types
d'atteintes aux libertés ou quels types d’atteinte aux procédures sont permis.
La déclaration de l'État de siège est confiée à l'exécutif seul, alors que dans les lois antérieures
comme celle de 1878, l'intervention du Parlement était obligatoire. Aucune procédure particulière n'est
prévue, sauf à respecter celle inhérente à tout décret en conseil des ministres. La constitution ne traite
que de l'entrée en vigueur et laisse à d'autres textes le soin de préciser le régime d'application,
contrairement au texte de 1978 et 1946 qui prévoyaient l'intervention du législateur pour prendre les
mesures d'application. Seul, est-il précisé, la prorogation de l'État du siège au delà de 12 jours, délai
relativement court, mais quand même, seule cette prorogation est soumise à l'approbation du
Parlement.
Le comité Balladur, que j'ai cité tout à l'heure, propose également de modifier l'article 36 de la
constitution, même s'il estime que la diversité des mesures des menaces potentielles qui pèsent sur la
sécurité nationale, à l'air du terrorisme mondialisé, justifie le maintien de cette disposition d'exception.
Le comité Balladur propose de modifier les dispositions de l'article 36, article 36 de la constitution, de
les modifier de telle sorte que le régime de chacun des états de crise, état de siège et état d'urgence,
mais lui régi comme nous allons le voir par un loi de1955, soient définis par une loi organique et la
ratification de la prorogation autorisée par le Parlement, dans des conditions harmonisées.
Il propose que l'article 36 serait ainsi rédigé, modifié : « l'état de siège et l'état d'urgence sont décrétés
en conseil des ministres, leur prorogation au-delà de 12 jours ne peut être autorisé que par la loi, une
loi organique définie ces régimes ils précisent leurs conditions d'application ».
44. L’état d’urgence
Nous en venons maintenant dans un troisième point l'étude d'un texte législatif de 1955 sur l’état
d'urgence. L’article 36 examinait l’état de siège, et là on parle d’état d’urgence.
A côté d'un état de siège, prévu et organisé par l'article 36, il existe un régime de l'état d'urgence régi
par une loi : la loi du 3 avril 1955, reproduite largement dans votre fascicule, que le texte
constitutionnel n'a pas eu pour effet d'abroger.
En effet, comme l’indique la décision du conseil constitutionnel en date du 25 janvier 1985, si la
constitution dans son article 36 vise expressément l’état de siège, elle n'a pas pour autant exclu la
possibilité pour le législateur de prévoir un régime d'état d'urgence, pour concilier les exigences de la
liberté et la sauvegarde de l'ordre public.
Nous avons vu que le comité Balladur propose d'harmoniser les conditions d'application de ces deux
circonstances exceptionnelles : l ‘état de siège, article 36, et l’état d'urgence, de la loi du 3 avril 1955.
La loi du 3 avril 1955 sur l'état d'urgence, liée, elle aussi aux événements d'Algérie, comme l’arrêt
Rubin de Servens est la seule application de l'article 16, a pour effet d'étendre les pouvoirs des
autorités civiles, et plus particulièrement les pouvoirs de police du préfet. Il peut être déclaré, article
premier, soit en cas de péril imminent résultant d'atteinte grave à l’ordre public, soit en cas
d'événement présentant par leur nature et leur gravité le caractère de calamité publique.
Il est déclaré, selon l’article 2, en conseil des ministres pour une durée maximum de 12 jours, au-delà
desquels il ne peut être prorogé que par une autorisation et législative, et la loi autorisant la
prorogation au-delà de 12 jours de l'état d'urgence fixe sa durée définitive, article 3.
Ces dispositions donnent ainsi des garanties sur l'application de cet état d'urgence bien supérieures à
celle du texte constitutionnel, comme nous venons de voir. La durée de son application est liée à celle
du gouvernement au cours duquel il est adopté, la dissolution de l'assemblée nationale entraînant
l'abrogation de l'état d'urgence de plein droit, article quatre.
Autres différences avec les articles 16 et 36 de la constitution, les articles 6, 8, 9,11 et 12, reproduits
dans le fascicule, articles de la loi du 3 avril 55, précisent les pouvoirs exceptionnels conférés dans ce
cas aux autorités, par exemple en matière de perquisitions, de contrôle de presse, d'éloignement
d'individus dangereux.
La compétence des tribunaux militaires est étendue aux civils inculpés de crimes et délits contre la
sûreté de l'État, l'intervention du juge se limite le plus souvent à la simple vérification de l'existence de
circonstances, de temps et de lieu, permettant l'application de ces régimes d'exception.
Contrairement aux articles 16 et 36 de la constitution, la loi de 1955 sur l'état d'urgence a été plusieurs
fois appliquée. Récemment lors des événements de la Nouvelle-Calédonie, et elle a donné lieu à la
décision du conseil constitutionnel du 25 janvier 1985, états d'urgence en Nouvelle-Calédonie.
Plus récemment, très récemment même, lors des troubles qui ont secoué plusieurs villes en métropole
à la fin de l'année 2005, déclarée par décret le 8 novembre 2005, prorogé par une loi du 18 novembre
2005, l'état d'urgence a pris fin en janvier 2006. L'application de l'état d'urgence pendant l'hiver de
2005-2006 a donné l'occasion au conseil d’Etat d'en préciser encore ses conditions d'application.
Il a jugé que si le président de la république disposait de larges pouvoirs pour décider d'y recourir, il
appartenait au juge de contrôler ses modalités de mise en oeuvre. A cette occasion le juge
administratif a vérifié l'existence des atteintes graves et manifestement illégale aux libertés
fondamentales, dans une décision rendue en 2005, Mme Allouache, il a également effectué un
contrôle renforcé sur le décret d'application de l'état d'urgence, comme le montre l'arrêt du conseil
d'État de 2006, Rolin et Boisvert, reproduits dans largement dans le fascicule de travaux dirigés.
Les précisions ainsi apportées sont tous moins de 4 sortes.
En acceptant d'en effectuer un contrôle, le conseil d'État indique que le décret par lequel le président
de la république déclare l'état d'urgence, en vertu de la loi de 1955, n'est pas un acte de
gouvernement. Il est dès lors compétent pour en connaître.
Deuxièmement, compte tenu des caractéristiques propres au régime défini par la loi de 55, la
prorogation de l’état d'urgence par le législateur rectifie la décision prise par décret de déclarer l'état
d'urgence, et une fois le législateur intervenu, la légalité des dispositions du décret déclarant l'état
d'urgence n'est dès lors plus susceptible d'être discuté par voie contentieuse.
Troisième précision, le juge vérifie que les mesures prises par le décret portant application de l’état
d'urgence sont légalement justifiées par les troubles à l'ordre public constaté.
Enfin 4ème précision, la loi de 1955 est compatible avec les stipulations de la Convention européenne
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment avec celle de son
article 15.
Nous voyons, par l'étendue de ce contrôle, combien est différent le voile jeté sur la liberté quand les
articles 16 ou 36 s’appliquent, ou quand les dispositions de la loi de 1955 sont mises en oeuvre.
Droit Administratif – L2 – semestre 1
Cours 7 : le pouvoir réglementaire
45. Introduction
Deux cours enregistrés complètent la partie du cours écrit consacré l'étude de la décision
administrative unilatérale, plus communément nommé l’acte administratif unilatéral.
La première partie du cours a permis de se familiariser avec le contenu de la notion d’acte
administratif.
En premier, son caractère unilatéral. L'acte unilatéral créé des droits et devoirs, qui s'imposent par la
seule volonté de son auteur, indépendamment du consentement de ses destinataires. Ce caractère
unilatéral l’oppose nettement au contrat qui, réglant les rapports mutuels de ses auteurs, ne peut
modifier l’acte juridique qu’avec le consentement de ses destinataires. La distinction entre les deux
procédés ne repose pas sur le nombre de manifestations de volonté, puisqu'il existe des actes
unilatéraux, édictés conjointement par plusieurs auteurs, comme par exemple les arrêtés
interministériels. La distinction ne repose pas non plus sur le rôle de la négociation dans l'élaboration
de l'acte, car dans le cadre des contrats dits d’adhésion, une des parties ne fait qu'accepter des
stipulations, qu'elle ne peut négocier.
Longtemps, les juristes estimaient que l'acte unilatéral, monopole de droit public, exprimait un pouvoir
propre à l'administration, le droit privé reposant sur le contrat, c’est-à-dire sur un accord de volonté.
Actuellement ces oppositions tranchées ne sont plus acceptables.
D'une part, il est admis que l'acte unilatéral existe également en droit privé, par exemple le pouvoir
disciplinaire du chef d'entreprise qui crée ou supprime des emplois, répartit de travail, etc ; ou encore
la reconnaissance d'un enfant naturel. De plus si l'acte unilatéral reste peut-être le symbole de
l'administration, celle-ci n'est pas uniquement commandante, mais aussi largement contractante,
comme le montre par exemple le régime de la plupart des grands services publics. Enfin, il peut
arriver qu'un acte administratif soit pour partie unilatérale, pour partie contractuelle, comme par
exemple les contrats de concession de service public ou de travaux publics.
Ce caractère unilatéral se conjugue, deuxièmement, à des caractères décisoires. L’acte unilatéral doit
comporter une décision qui modifie l'ordre juridique, c’est ce que l'on appelle un acte normateur, qui
pose une norme. Cette prérogative est aussi une obligation, les autorités administratives étant
irrecevables à demander au juge de prononcer des mesures qu'elles ont le pouvoir de décider.
On écrit également que l’acte administratif est un acte qui fait grief, selon une expression qui renvoie
la procédure contentieuse à la qualité du requérant pour intenter un recours. Il est de règle que seuls
les actes administratifs unilatéraux, en portant décision, peuvent être déférées à la censure du juge
administratif, notamment par la voie du recours pour excès de pouvoir. Ne le sont pas les actes
préparatoires, c’est à dire les voeux, recommandations et propositions émises lors de l'élaboration de
l'acte, qui ne prennent aucune position définitive sur la décision qui sera adoptée.
A côté de ces actes, il existe des mesures par lesquels les autorités administratives donnent des
indications sur la conduite à tenir. Parmi ces mesures incitatives, certaines, comme les circulaires, les
directives, occupent une place particulièrement importante.
Enfin en troisième, lieu l'acte doit être administratif, car toutes les décisions de l'administration ne
seront pas des actes administratifs soumis au droit public et au contrôle du juge administratif. Il faut
qu'elle se rattache à la fonction administrative, telle que la conçoit le juge administratif par exemple.
Position reprise par le conseil constitutionnel en 1987 dont vous avez déjà entendu parler : « conseil
de la concurrence ». Sauf exception, le juge administratif exclue de son contrôle les actes législatifs,
les actes parlementaires, ce qui se rattache au fonctionnement de la justice, et les actes de
gouvernement.
Enfin pour être administratif, l'acte doit révéler l'exercice de la puissance publique, le juge administratif
refuse de contrôler les actes de droit privé, bien qu'ils soient émis par des personnes administratives.
Ils estiment qu'ils relèvent du droit civil ou de droit commercial et de la compétence des tribunaux
judiciaires. En principe, une décision prise par une personne publique est présumée être un acte
administratif, mais les personnes publiques peuvent prendre des actes de pure gestion privée et
certains de leurs actes peuvent relever de la compétence du juge judiciaire.
Il faut faire cependant une remarque à ce sujet sur le terrain administratif des actes car, a contrario, le
juge administratif nomme « actes administratifs unilatéraux » certaines décisions édictées par des
personnes privées, et c'est là une exception notoire à ce que nous venons de dire. Les décisions des
organismes privés sont présumées de droit privé, mais à titre exceptionnel, ces organismes peuvent
prendre des actes administratifs unilatéraux, quand ils assument une mission de service public. Les
décisions des organismes de droit privé assurant un service public administratif sont des actes
administratifs lorsqu'elles traduisent la mise en oeuvre dans l'exécution du service de prérogatives de
puissance publique, confiée par habilitation à ces organismes.
C'est ce qui ressort de deux arrêts importants : l’un du conseil d'État de 1942, arrêt Monpeurt, et un
de 1961, arrêt Magnier.
Mais les décisions des organismes de droit privé assurant un service public industriel et commercial
ne sont administratives que dans le cas des figures énoncées par le tribunal des conflits en 1968,
(l’arrêt Epoux Barbier), les décisions réglementaires intéressant l'organisation même du service, et
dans la mesure où la personne privée a été habilitée par la loi pour le faire.
Il y a donc là une définition très restrictive quand il s'agit d'un organisme privé assurant une mission de
service public industriel et commercial.
Enfin après ces principales caractéristiques qui permettent de définir ce qu'est l'acte administratif
unilatéral, il faut bien comprendre que les actes unilatéraux peuvent être classés. Ils peuvent être
classés selon leur objet : règlement, que l'on dit autonome de l'article 37, acte d'application des lois,
ordonnances.
Ils peuvent peut-être également classés non plus selon leur objet mais selon leur auteur.
Ils peuvent enfin être classés selon leur contenu, ils peuvent être réglementaires ou individuels et c'est
ce point sur lequel nous allons nous concentrer. L'étude de l'acte réglementaire fera donc l'objet de 5
enregistrements avec en premier l'étude du domaine du règlement, puis celle de l'exercice
réglementaire, puis l'étude d'une décision de justice illustrant ces propos.
46. Définition du domaine réglementaire
Le domaine du règlement va être étudiée en trois paragraphes : définition, différente du règlement, et
hiérarchie des règles.
Dans paragraphe premier, définition du domaine du règlement.
Le règlement est un acte administratif qui édicte une règle générale et impersonnelle destinée à un
sujet de droit indéterminé. Par exemple, un arrêté de police fixant les règles de circulation ou de
stationnement dans une commune. Autre exemple, un décret définissant le statut du préfet.
Cette définition entraîne 2 conséquences. Premières conséquences : émanant de l'administration le
règlement est un acte essentiellement subordonné. En bas de l'échelle de la hiérarchie des normes il
doit respecter la constitution les traités internationaux, la loi et les principes généraux du droit. C’est
un arrêt célèbre qui a imposé ce principe, un arrêt de 1959, syndicat général des ingénieurs conseils.
En tant qu’acte administratif, le règlement est placé sous le contrôle du juge administratif.
Deuxième conséquence, en tant qu'acte normatif, c’est à dire créant une norme modifiant l'ordre
juridique, le règlement est lui même source de légalité pour les particuliers et pour l'administration elle-
même.
En d'autres termes, les règlements sont hiérarchisés entre eux et, de plus, l'auteur d'un règlement doit
le respecter tant qu’il ne l'a pas modifié ou abrogé. L'acte individuel, au contraire, édicte des normes
ayant pour destinataire une personne, la délivrance d'une autorisation, ou plusieurs personnes,
comme le procès-verbal des résultats d'un concours ou d'un examen, mais toutes nominativement
désignées. Voir pour cela le procès-verbal des résultats d'un examen ou d'un concours. Les
règlements sont supérieurs aux décisions individuelles, y compris celles qui émanent de la même
autorité et ils sont soumis à un régime juridique différent.
47. Les différents types de règlements
La constitution semble établir une distinction majeure entre les règlements d'exécution des lois de
l'article 21, et les règlements autonomes de l'article 37 alinéa 1.
Innovation importante de la constitution de 1958, ces matières réservées au pouvoir réglementaire
sont protégées contre les empiétements du pouvoir législatif, par les articles 48 à et 37 alinéa deux de
la constitution. Mais l'interprétation concordante du juge constitutionnel et du conseil d'État ont affaibli
cette distinction. Le pouvoir réglementaire n'étant pas plus autonome par rapport à la loi qu'il n'est à
l'abri d'une incursion de celle-ci.
Il semble même que le conseil d'État applique l'analyse du conseil constitutionnel, qui considère que
l'article 21 désigne le titulaire général du poids réglementaire et l'article 37 son domaines de
compétence sans qu'il y ait à distinguer entre règlement d'exécution et règlements autonomes.
Les règlements peuvent à titre exceptionnel prendre la forme d'ordonnance ou de mesures, prises en
application de l'article 16 de la constitution. Edictées par le gouvernement sur habilitation législative,
les ordonnances de l'article 38 sont prises en conseil des ministres. Appartenant ainsi à la
compétence du président de la république, elles sont des actes administratifs soumis au contrôle du
juge administratif, tant que le Parlement ne les a pas rectifiés (conseil d'État, 1907 compagnie des
chemins de fer de l'Est, et conseil d'État assemblé, 1961, fédération nationale des syndicats de
police).
Après leur ratification, leurs dispositions relevant de l'article 37 restent de nature réglementaire. Par
contre les ordonnances de l'article 11 prises par les autorités administratives, à la suite d'une
habilitation accordée par le peuple par voie de référendum, sont toujours de nature administrative,
ainsi que l’a posé le conseil d'État en 1962 dans l’arrêt Canal, que vous pourrez retrouver dans tous
les grands recueils de jurisprudence administratives.
Les mesures prises en application de l'article 16 de la constitution, qui ne sont pas intervenues dans
les domaines réservés à la loi par l'article 34, sont des actes administratifs, ainsi qu'il ressort, là aussi
d'un arrêt important de 1962, Rubin de Servens, que vous retrouvez également reproduit dans tous
les grands recueils de jurisprudence administrative.
48. La hiérarchie des règlements
Les règlements sont hiérarchisés entre eux, en fonction des autorités dont ils émanent.
Le règlement d'une autorité supérieure l'emporte toujours sur celui d'une autorité subordonnée, mais
également en fonction des procédures suivies pour leur édictions.
Seuls le président de la république et le premier ministre prennent des décrets. Ils se situent, avec les
ordonnances non ratifiées, au sommet de la hiérarchie des actes administratifs. Parmi eux il faut
distinguer un décret pris en conseil des ministres qui prime sur un décret pris en conseil d’État, qui
prime lui-même sur un décret simple.
Constituent des décrets en conseil d'État ceux qui sont revêtus de la mention « le conseil d'État
entendu ».
Les décrets en conseil des ministres sont ceux qui ont été délibérés en conseil des ministres, que
cette délibération aient été juridiquement imposés ou qu'elles résultent de simples considérations
d'opportunité, tel qu'il ressort d'un arrêt de 1992, Meyet. Quoique contestées, ces définitions purement
formelles, je dirais même de procédure, ont le mérite d'être simple et ne sont plus contestées depuis
1992.
Les autres autorités administratives, donc ne sont ni le président de la république ni le premier
ministre. Toutes les autres autorités administratives prennent des arrêtés. Il est admis qu'une autorité
inférieure puisse, sans contredire le règlement d'une autorité supérieure, le compléter et même le
rendre plus sévère lorsque les circonstances locales l’exigent, et ce depuis 1902 ,depuis une décision
célèbre « commune de Néris- les-Bains ». Ce principe se verra souvent appliqué en matière de police
administrative, comme nous le verrons dans le prochain semestre.
Avant de terminer cet exposé sur le domaine du règlement, il faut bien comprendre et faire attention à
l'idée que les classifications, que je viens d'expliquer, se croisent puisque l'une concerne l'organe,
c'est-à-dire la personne qui a pris le règlement, l’autorité administrative qui a pris la décision, le
président de la république, le premier ministre ou toute autre personne administrative, mais l'autre
classification concerne le contenu de la décision.
D'une part, c’est une règle générale ou impersonnelle, acte réglementaire, ou une personne
nommément désignée, acte individuel. Ainsi un décret, acte pris seulement par le président de la
république ou le premier ministre, peut-être de nature individuelle, ou au contraire de nature
réglementaire, c’est un décret individuel ou un décret réglementaire. Il en est de même pour les
arrêtés, actes pris par les autres autorités administratives, qui peuvent, en fonction de leur contenu,
être un arrêté réglementaire ou un arrêté individuel.
49. Le partage du pouvoir réglementaire général
Le pouvoir réglementaire peut se définir comme la faculté d'édicter, au moyen d'actes administratifs
unilatéraux, des règles de portée générale et impersonnelle, attribuées à certaines autorités
administratives.
Dans un paragraphe premier nous allons d'abord examiner le partage du pouvoir réglementaire
général, avant d'examiner le contreseing, le pouvoir réglementaire d'attribution, et en fait, tout à fait à
la fin, l’obligation d'exercer le pouvoir réglementaire.
Donc paragraphe premier : le partage du pouvoir réglementaire général entre le chef de l'État et le
premier ministre.
Innovation de la constitution de 1958, le pouvoir réglementaire général s'appliquant sur toute l'étendue
du territoire national est partagé entre le chef de l'État et le premier ministre, qui, nous venons de le
voir prennent des décrets.
En vertu de l'article 21 de la constitution, le premier ministre est l'autorité de droit commun : « il assure
l'exécution des lois sous réserve des dispositions de l'article 13, il exerce le pouvoir réglementaire et
nomme aux emplois civils et militaires ». L’article 13 de la constitution réserve au président la
signature des ordonnances et des décrets délibérés en conseil des ministres, selon les critères posés
par l’arrêt Meyet, comme nous venons de le voir. La signature des textes délibérés en conseil des
ministres devient ainsi le critère qui permet de distinguer les actes du président de ceux du premier
ministre.
Enfin, il appartient au premier ministre, en tant que chef du gouvernement et en vertu de ses pouvoirs
propres, d'édicter des mesures de police applicable à l'ensemble du territoire, selon les termes de
l’arrêt Labonne, paru en 1919, arrêt du conseil d'État, également reproduit dans tous les grands
recueils de jurisprudence. Notons que, à ce printemps 2008, le rapport du comité de réflexion et de
propositions sur la modernisation et le rééquilibrage les institutions de la Ve république des rapports
Balladur d'octobre 2007 proposent de modifier les rédactions des articles 5, 20 et 21 de la constitution
afin de clarifier les attributions respectives du président et du premier ministre.
Un projet de loi de réforme constitutionnelle a été déposé devant le Parlement et est donc en
discussion lors de ce printemps 2008.
50. Le contreseing
Paragraphe 2 le contreseing.
Seuls le chef de l'État et le premier ministre signent des textes réglementaires, des règlements qui
sont ensuite contre signés. Les actes du président de la république sur la contresigner par le par le
premier ministre et le cas échéant par les ministres responsables, selon la formule posée par l'article
19 de la constitution. Ministre responsable, c'est-à-dire le ministre auquel incombe à titre principal la
préparation et l'application des décrets dont il s'agit.
Si le chef de l'État signe un décret qui n'a pas été délibéré en conseil des ministres, le contreseing le
régularise et en fait un acte du premier ministre, la signature du chef de l'État devenant ainsi
surabondante, c’est la règle qui avait été posée par l’arrêt Sicard en 1962.
Certains actes du président de la république sont dispensés de contreseing, c’est ce qu’on appelle
« ses pouvoirs propres », énumérés par la constitution qui sont, par exemple, la nomination du
premier ministre, article 8 de la constitution, les actes pris en période exceptionnelle, article 16 de la
constitution, ou le recours au référendum, article 11 de la constitution.
Après les actes du président, les actes du 1er ministre. Ces actes du 1er ministre sont contresignés, le
cas échéant, non pas par les ministres responsables, comme pour les actes du président, mais les
actes du premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de l'exécution,
selon l'article 22 de la constitution, c'est-à-dire selon à nouveau l'arrêt Sicard de 1962, qui a interprété
ces formules, c'est-à-dire par les ministres qui ont compétence pour signer ou contresigner les
mesures réglementaires ou individuelles que comporte l'exécution du décret.
La règle du contreseing est donc le second critère qui permet de distinguer les actes du président de
la république de ceux du premier ministre. Enfin sauf autorisation expresse, les ministres ne peuvent
que contresigner les actes réglementaires opposables aux administrés même pour les affaires qui
relèvent de leur département.
51. Le pouvoir réglementaire d’attribution
Maintenant, paragraphe trois : le pouvoir réglementaire d'attribution.
L'article 21 de la constitution permet au premier ministre de, je cite, « déléguer certains de ses
pouvoirs au ministre ». Et le conseil constitutionnel a admis que le législateur puisse confier à une
autre autorité que le premier ministre le soin de fixer des normes permettant de mettre en oeuvre des
lois à condition que cette habilitation ne concerne, je cite, « que des mesures à portée limitée tant
dans leur champ d'application que par leur contenu ».
De nombreux textes ont ainsi conféré par une habilitation expresse indispensable et limitée à
certaines matières précises un pouvoir réglementaire spécialisé soit au niveau national, soit niveau
local.
Au niveau national, les ministres ne détiennent pas un pouvoir réglementaire général, cependant
comme d'autres autorités administratives, telles que les chefs de service ou les préfets, ils ont la
faculté d'édicter dans la limite de leurs compétences sur la base d'un texte (loi ou décret) des
règlements. Ces acte nommé arrêté (arrêté ministériel, arrêté préfectoral) ont une valeur juridique
inférieure au décret.
Enfin le pouvoir de prendre des actes unilatéraux a été également accordé par la loi à certaines
autorités administratives indépendantes comme, par exemple, le conseil supérieur de l'audiovisuel,
mais également à certains établissements publics, à des entreprises publiques pour déterminer les
règles d'organisation du service public industriel et commercial , comme il ressort que la décision du
tribunal des conflits de 1968, compagnie Air France contre époux barbier, reproduit dans tous les
grands recueils de jurisprudence, mais également exceptionnellement à des organismes de droit privé
investi d'une mission de service public, c'est ce qui ressort de l'arrêt Monpeurt de 1942, dont nous
parlions tout à l'heure, dans l'exercice de prérogatives de puissance publique, deuxième règle posée
par l’arrêt Magnier de 1961, également arrêt dont nous avons parlé.
Ce pouvoir réglementaire d'attribution a été également confié au niveau local, à certaines autorités
locales, comme le dispose désormais de manière expresse de l'article 72 de la constitution, reprenant
en partie une jurisprudence antérieure : les collectivités territoriales peuvent prendre dans des
conditions prévues par la loi, dans le cadre de la circonscription territoriale et pour l'exercice de leurs
compétences des mesures réglementaires. Celles-ci sont édictées par les autorités territoriales ou par
leurs assemblées délibérantes.
Cette règle reprend un fait qui existait déjà manière ponctuelle, par exemple le maire par ses arrêtés
municipaux joue un rôle essentiel en matière de police. Contrairement à ce qui a pu parfois être
soutenu, le pouvoir réglementaire local a un caractère résiduel. Il ne peut édicter des mesures
réglementaires que pour mettre en oeuvre des lois précisées par décret. Seule une loi suffisamment
détaillée pour n'avoir pas ) être complétée peut lui permettre d'intervenir directement sans que cela
puisse interdire l'intervention éventuelle d'un décret en ce domaine. Autre section, une loi peut elle-
même habiliter une collectivité à définir les modalités d'application d'une loi, au cas où il serait
nécessaire d'adapter les dispositions réglementaires nationales aux spécificités locales, règle
exceptionnelle qui ressort d'une décision du conseil constitutionnel paru le 17 janvier 2002 : lois
relatives à la Corse.
Ce pouvoir réglementaire d'attribution a donc été accordée au niveau national au niveau local, mais il
existe également un pouvoir réglementaire interne. En tant que chef de service, les services les
autorités administratives (préfets, chefs des services déconcentrés, directeurs d'établissements
publics) de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement de leurs services, ce qui ressort
de l’arrêt Jamart de 1936, reproduit dans tous les grands recueils, peuvent prendre toutes les mesures
nécessaires au bon fonctionnement de leurs services sous forme d’arrêté, de directives ou de
circulaires. Ne s'adressant aux agents de l'administration, ce pouvoir n'a en principe que des
conséquences internes, on l'appelle souvent, à part évidemment pour les arrêtés, mais pour les
directives et pour les circulaires on parle de mesures d'ordre intérieur.
52. L’obligation d’exercer le pouvoir réglementaire
Maintenant le paragraphe 4 qui concerne l’obligation d'exercer le pouvoir réglementaire.
Les autorités administratives sont, de jurisprudence constante, tenues de prendre les textes
réglementaires nécessaires à la pleine application de la loi. Cette obligation, de plus en plus
largement entendue et sanctionnées, est désormais considérée par le juge comme un principe
général du droit depuis une décision de 2002, syndicats des commissaires et hauts fonctionnaires de
la police nationale, le juge a ainsi précisé 4 points.
Premier point : le juge a précisé les conditions générales de mise en oeuvre de cette obligation. Cette
obligation existe en effet, soit que la loi est prélevée elle-même l'intervention d'une réglementaire en
ne lui laissant aucune liberté d'application, soit que le juge estime que l'intervention du Parlement est
nécessaire pour assurer la pleine application de la loi même si celle-ci ne l'a pas expressément
prévue, et c'est une décision de 2000, Association France Nature Environnement. Cette obligation
s'étend aux cas où une loi crée une situation juridique nouvelle, sans pour autant rendre inapplicable
des dispositions réglementaires incompatibles entre elles. C'est ce qui ressort d'une décision
intéressante de 2002, l’arrêt Villemin, a à propos du pacte civil de solidarité. Le problème posé a été
celui de savoir si les personnes liées par Pacs pouvaient avoir les mêmes droits que les personnes
liées par un contrat de mariage.
En fait, le conseil d'État a estimé que la loi créant une nouvelle forme d'union légale entre deux
personnes physiques majeures, distincte de l'institution du mariage, cette loi nouvelle ne permettait
être traitée comme assimilant de manière générale les personnes liées par un Pacs aux personnes
mariées. Et considérant que les liens juridiques qui unissaient les personnes ayant conclu un Pacs
avaient été organisés par le législateur de manière différente, notamment du point de vue de leur
intensité, de leur stabilité, de ce qui existe entre deux conjoints, que ces deux catégories de
personnes étant ainsi placées dans des situations juridiques différentes, le principe d'égalité
n’imposait pas qu’elles soient traitées de manière identique. Il ressortait de tout cela que les
partenaires liés par un Pacs, du seul fait de l'intervention de la loi de 1999, devaient être regardées
comme des conjoints, pour l'application des textes réglementaires réservant des droits ou avantages
au profit de ceux qui ont cette qualité. Que l'ensemble de ces textes réglementaires, donc accordant
des avantages conjoints, n'étaient pas devenus illégaux ,dès l'entrée en vigueur de cette loi.
Considérant cependant que, sans pour autant rendre par elle-même inapplicable les dispositions
réglementaires incompatibles avec elle, la loi crée une situation juridique nouvelle. Il appartenait au
pouvoir réglementaire, afin d'assurer la pleine application de la loi de tirer les conséquences de cette
situation nouvelle, créée par le Pacs, en apportant dans un délai raisonnable les modifications à la
réglementation applicable rendue nécessaire par les exigences inhérentes à la hiérarchie des normes,
et en particulier les principes généraux du droit.
Considérant que, dans le PACS, cette obligation impose au pouvoir réglementaire de mettre à jour
l'ensemble des textes qui ouvrent des droits, créent des avantages, ou plus généralement fixe une
règle, en se fondant sur la qualité du célibataire, de concubins, ou de conjoint, de manière à
rapprocher en fonction de l'objet de certains de ces textes la situation du signataire d'un Pacs de
celles applicables à l'une des trois qualités énumérées ci-dessus.
En outre, le conseil d'État rappelle que si le pouvoir réglementaire dispose du choix des moyens pour
appliquer les lois, le gouvernement n'a pas complètement le choix du moment. Le premier ministre
devant s'acquitter de cette obligation dans un délai dit raisonnable. Toutefois quand un texte fixe un
délai, ces délais fixés par les textes n'ont qu'une valeur indicative et le juge tient compte des
circonstances, notamment des difficultés d'élaboration des règlements , mais il faut que tout cela reste
dans un délai raisonnable. Enfin, les autorités administratives ont l'obligation d'abroger les règlements
illégaux en agissant de leur propre initiative ou sur demandes des intéressés.
Ceci ressort de la décision, compagnie Alitalia, qui pose ainsi un principe général du droit, que
l'illégalité exista « ab initio », c'est-à-dire depuis le début , ou qu’elle ait été provoquée à la suite d'un
changement dans les circonstances de temps et du lieu.
Ceci ressort depuis 1930, depuis l’arrêt Despujol. Mais ce point sur l'abrogation des règlements
illégaux fera l'objet le plus grand développement.
Après le premier point consacré au fait que le juge précise les conditions générales de la mise en
oeuvre de l’obligation d’exercer le pouvoir réglementaire, deuxième point.
Le juge a également précisé les conditions de mise en oeuvre de cette obligation, dans le cadre
maintenant du droit communautaire. Les autorités administratives doivent assurer l'application du droit
communautaire même si elles disposent d'un large pouvoir d'appréciation.
En ce sens, c'est ce qui ressort d'une décision, reproduit dans les recueils de
jurisprudence, Association ornithologique et mammalogique de Saône et Loire et Rassemblement des
opposants à la chasse.
Désormais, en cas de doute sérieux sur la compatibilité de la loi au droit communautaire, l’autorité
administrative doit, par voie de circulaire, fixer une interprétation conforme au droit communautaire,
décision de 2000, Commune de Breil-sur-Roya.
L’autorité administrative a également l'obligation de ne pas prendre de mesures d'exécution d'une loi
contraire aux objectifs d'une directive (conseil d'État, 1999, association de patients de la médecine
d'orientation anthroposophique). Enfin, si la loi est véritablement incompatible avec le traité ou les
objectifs d'une directive, l’autorité administrative doit donner des instructions à ses services pour
écarter l'application de la loi, par exemple décision de 2003, Association avenir de la langue française,
que nous allons étudier par ailleurs.
Les règlements pris en application d'une incompatible seront irréguliers et devront être abrogée. Ainsi
saisie, d'une demande en ce sens par un requérant, le pouvoir réglementaire ne peut se fonder sur
une loi incompatible pour refuser d'exercer sa compétence dans le respect des objectifs d'une
directive communautaire, c'est ce qui reste un grand arrêt auquel je vous renvoie, décisions de 1999,
Association ornithologique et mammalogique de Saône et Loire et Association France Nature
Environnement.
Ces deux arrêts de 1999 ont des noms assez proche. Le début est le même « Association
ornithologique et mammalogique de Saône et Loire » mais dans le premier cas, il y a Rassemblement
des opposants à la chasse, et dans le deuxième cas Association France nature environnement.
Cette obligation de mettre en oeuvre le droit communautaire, cette obligation d'agir, connaît une limite
qui a trait à la répartition des compétences. Les ministres ne peuvent trouver dans une telle
incompatibilité un fondement juridique les habilitant à édicter des dispositions de caractère
réglementaire qui se substituerait aux dispositions législatives. C'est ce qui ressort nettement d'au
moins 2 arrêts : un premier arrêt de 2000 du conseil d'État, Association choisir la vie, et un deuxième
arrêt de 2003, Association avenir de la langue française.
Troisième point, non seulement le juge précise les conditions générales de mise en oeuvre de cette
obligation d'exercer le pouvoir réglementaire, les conditions de mise en oeuvre de cette obligation
dans le cadre du droit communautaire mais le juge, troisième point, annule le refus implicite ou
explicite d'agir par la voie de recours pour excès de pouvoir.
Depuis la loi du 8 février 1985, cette annulation peut être assortie de l'injonction formelle d'édicter le
règlement dans un délai déterminé sous menace d'une astreinte. Le refus peut enfin provoquer la
condamnation de l'autorité administrative fautive à payer une indemnité réparatrice du préjudice
causé, avec un arrêt du Conseil d’Etat assemblé, donc important, de 1964, Dame veuve Renard.
Enfin quatrième et dernier point, toujours dans cette obligation d'exercer, il s’agit d'obligations d'édicter
des mesures transitoires, l’exercice du pouvoir réglementaire implique pour modifier à tout moment les
normes qu'il définit sans que puisse être invoqué un droit au maintien de la réglementation existante.
Ces nouvelles règles ont vocation à s'appliquer immédiatement.
Toutefois l'autorité administrative compétente doit édicter des mesures transitoires qu'implique la
réglementation nouvelle lorsque que celle-ci entraîne une atteinte excessive aux intérêts publics ou
privés en cause. C’est une application nouvelle du principe de sécurité juridique, posé par l'arrêt du
conseil d'État de 2006, société KPMG.
53. Exercice corrigé : Association Avenir de la langue française.
Pour appliquer les notions un peu abstraites que nous venons de voir, un exercice corrigé, donc à
partir d'une décision, qui est reproduite dans le document de travail, qui s'appelle Association avenir
de la langue française. C’est une décision du conseil d'État du 30 juillet 2003.
Je vous demande de prendre le texte sous les yeux pour mieux comprendre le raisonnement et mieux
suivre ce que j'ai à vous dire.
Ce texte est divisé en paragraphes et en fait , chaque paragraphe est bien spécialisé.
Mais évacuons tout de suite le sens du dernier paragraphe qui commence par la « décide » et qui est
divisé en articles. L’article 1 contient donc que ce qu'on appelle la décision de justice, et c’est cette
décision-là qui est opposable et qui a force juridique, donc le « décide », dans l’article premier, c'est
la décision juridictionnelle proprement dite. Par contre, tous les autres paragraphes que nous allons
examiner, contiennent le raisonnement du juge et c'est ce qu'on appelle « l'exposé des motifs », ils
contiennent donc l’exposé des motifs, contiennent la motivation, c'est-à-dire les éléments de fait et de
droit sur lesquels va reposer le raisonnement du juge.
Regardons donc en premier le paragraphe 1 : « considérant que l'interprétation par voie notamment
du circulaire » et qui se termine par « une règle contraire à une norme supérieure ».
Si on lit très rapidement ce paragraphe que ce qu'on voit ? D'abord l'interprétation par voie notamment
d’une circulaire ; l'autorité administrative donne des lois et règlements qu’elle a pour mission de mettre
en oeuvre, n'est pas susceptible d’être déférée, lorsque étant dénué de caractère impératif elle ne
serait, quel qu'en soit le bien-fondé, faire grief.
Qu’en revanche, les dispositions impératives à caractère général peuvent regarder comme faisant
grief tout comme le refus de les abroger. Voyez, c’est le principe posé par l’arrêt Duvignières, qui
oppose la nouvelle opposition entre circulaires à caractère impératifs, qui peuvent être donc déférées
devant le juge pour excès de pouvoir, et circulaires à caractère non-impératif, qui donc sont
insusceptibles de recours juridictionnelles.
Une fois cette définition posée, qu’est-ce qu’une décision, une circulaire susceptible de recours
contentieux, décision reprise tel quel dans l’arrêt Duvignières ?
Il y a une deuxième partie de paragraphe qui dit dans quel cas, une fois que cette circulaire est
admise à être examinée par le juge, quelles sont les règles qui vont permettre au juge de décider si le
contenu de cette circulaire est régulier ou par. C’est à dire, il va commencer l'examen au fond du
contenu de la circulaire.
Il pose plusieurs règles là : que le recours formé à l’encontre de la circulaire doit être accueilli, si les
dispositions fixées par la circulaire dans le silence des textes fixe une règle nouvelle attachée
d'incompétence.
Alors première règle : si une circulaire impérative dans le silence des textes fixe une règle nouvelle
attachée d'incompétence, le recours doit être accueilli parce qu'elle est irrégulière. Aussi deuxième
règle, deuxième condition, alors même qu'elle ait été compétemment prise, même si elle n’est pas
attaché d'incompétence, il est soutenu à bon droit qu’elles sont illégales pour d'autres motifs.
Quels sont ces autres motifs ? Qu'il en va de même donc s'il est soutenu à bon droit que
l’interprétation qu'elle prescrit d'adopter méconnaît le sens et la portée des dispositions législatives ou
réglementaires qu'elle entend expliciter ou réitère une règle contraire à une norme supérieure.
Dans une règle posée par une circulaire impérative sera régulière si elle ne correspond à aucun point
d'irrégularité posé par cette deuxième partie du texte, ou au contraire elle sera considérée comme
irrégulière et le recours sera accepté si on relève un de ces trois points posés, c'est-à-dire
incompétence, illégalité, irrégularité pour d'autres motifs propre à la circulaire ou alors l'interprétation
qu'elle adopte méconnaît le sens et la portée d'une disposition qu'elle entend expliciter ou réitère une
règle contraire à une norme supérieure.
Cette décision de justice, Association avenir de la langue française a fait l'objet d'un examen et d’un
devoir, d un commentaire dirigé avec des questions.
La première question posée était : « à la lumière de la jurisprudence récente, présentez le premier
considérant de cet arrêt ».
Que c'est ce que ça voulait dire ? Ça veut dire que vous dire que vous deviez parler de la définition
des circulaires et de leur nouveau régime juridique. Nouveau régime juridique posé par l’arrêt
Duvignières de 2002, donc peu de temps avant, 1 an avant Association avenir de la langue française
et que cette décision Association avenir de la langue française appliquait.
On pouvait donc répondre comme ça à la question posée, je vous propose cette présentation
suivante : Acte adressé à un supérieur par un supérieur à un subordonné, la circulaire fixe
l'interprétation ou les modalités d'application des lois et règlements.
Il faut toujours commencer par la définition des mots que l'on emploie. Il y a dès lors pour lui un délicat
équilibre à trouver, comment éviter que toute circulaire fasse l'objet d'un recours pour excès de
pouvoir tout en prévenant tout risque de mauvaise application des lois et règlements.
Pendant longtemps, depuis 1954, depuis la décision Institution Notre-Dame du Kreisker, une
distinction fondamentale était faite par le juge qui opposant les circulaires interprétatives aux
circulaires réglementaires.
La première a été dite interprétant, commentant un texte, rappelant une solution, elle était donc
considéré comme insusceptible de recours contentieux car n’ajoutant rien à l'État de droit. En
revanche, les circulaires réglementaires contenant des dispositions réglementaires modifiant l'ordre
juridique étaient susceptibles de recours contentieux.
Mais cette distinction était malaisée à mettre en oeuvre et a été donc abandonné en 2002. En effet le
juge devait examiner tous les recours puisque la recevabilité du recours dépendait de l'examen au
fond de la circulaire. Est-ce qu’elle interprétait un texte ou au contraire est-ce que la circulaire modifiait
le droit en vigueur ?
Désormais le juge a décidé qu'il fallait d'abord examiner la volonté de l'auteur de la circulaire et non
plus l'état du droit en vigueur. Lorsque le interprétation que l'autorité administrative donne par voie de
circulaire ou d'instruction des lois et règlements est dotée d'un caractère impératif, cette interprétation
est considérée comme faisant grief aux requérants et donc susceptible de recours contentieux.
Ainsi la distinction entre circulaire impérative et circulaire non-impérative posé par l’arrêt Duvignières
en 2002, arrêt dont je renvoie la lecture dans un recueil de grands avec jurisprudence, cette distinction
Seules les circulaires impératives font grief car elles imposent des prescriptions qu'elle fixe pour
l'application des lois et des règlements. Ayant déclaré le recours recevable, le juge va l’examiner au
fond. La aussi, dans la décision Association avenir de la langue française, le juge reprend la position
adoptée par Duvignières.
Si la circulaire est impérative son interprétation sera régulière si elle est conforme aux lois et
règlements, en revanche si elle comporte des dispositions nouvelles par rapport au texte existant, elle
sera généralement entaché d'incompétence dans la mesure où son auteur n'a pas en principe de
pouvoirs réglementaires sauf texte particulier, ou en raison de compétences propres. Elle sera
également annulée, cette circulaire, si elle méconnaît le sens et la portée des textes qu'elle entend
expliciter.
Mais cette compétence, attention elle ne peut faire échec à la théorie de la loi écran. Je rappelle que
dès lors que la règle que la circulaire réitère est inscrite dans la loi, et que la norme supérieure
invoquée est de niveau constitutionnel, le juge ne vérifie pas à la contrariété de la loi avec la circulaire.
Par contre, le moyen est recevable quand on demande au juge de contrôler la conformité d'une
décision à une norme internationale. C’est ce que nous allons voir en l’espèce alors même que cette
décision se borne à appliquer une règle contenue dans un texte de loi. C'est-à-dire qu’il y a contrôle
de la circulaire conforme à une loi contraire au droit international. C'est ce que nous allons voir ici
dans cette décision Association avenir de la langue française.
Venons en maintenant justement aux paragraphes 2 et 3 de la décision. On va comprendre pourquoi il
y a cause d'irrégularités.
Les paragraphes 2 et 3 posent l'effet de l'espèce et en même temps, leur problématique juridique.
Donc il y a d'abord, comme dit le texte, donc l'article 2 de la loi de 1994 relatives à l'emploi de la
langue française, je cite : « dans la désignation, l’offre, la présentation, etc, l'emploi de la langue
française est obligatoire ».
Qu’une circulaire, donc attaquée par l'association, du 20 septembre 2001 indique que l'article 2 de la
loi de 1994 ne fait pas obstacle à la possibilité d'utiliser d'autres moyens d'information, tels que
dessins ou pictogrammes pouvant être accompagnés de mentions en langue étrangère, non traduite
en français. C’est donc exactement ce point-là que contestait l'association. Qu’il ressort des termes
mêmes du mémoire présenté devant le conseil d'État par le ministres que les ministres signataires de
cette circulaire avaient ainsi entendus aménager les dispositions de la loi 1994 afin de rendre le droit
national conforme à l'article 30 du traité de Rome, aujourd'hui devenu l'article 28 du traité instituant
l'union européenne, tel qu’interprété par la cour de justice des communautés européennes.
Donc on voyait bien qu'ici le problème posé était donc la loi 1994, une circulaire d'application de
20001, qui entend interpréter la loi de 1994 de manière à la rendre conforme à l'interprétation que
donne le ministre de l'article 30 du traité de Rome, devenu article 28 du traité instituant l'union
européenne.
Donc le problème posé était bien problème de compatibilité d'exercice du pouvoir réglementaire. Pour
rendre le droit national compatible avec le droit communautaire et il fallait examiner si en l'espèce
l'interprétation donnée par la circulaire était bien compatible avec le droit communautaire, si l’exercice
du pouvoir réglementaire en l’espèce était bien régulier.
Que doit faire le point réglementaire quand il doit rendre le droit national compatible ? C'est ce
qu'indique immédiatement dans le paragraphe 3 le conseil d'État. Il dit que, certes il appartient aux
autorités administratives sous le contrôle du juge d'exercer les pouvoirs qui leur sont conférés par la
loi, en donnant à celle-ci une interprétation qui dans la mesure où sort texte le permet, soit conforme
au droit communautaire, et notamment aux objectifs fixés par les directives, et s'il appartient au
ministre, dans l'hypothèse où des dispositions législatives se révéleraient incompatibles avec les
règles communautaires, de donner instruction à leurs services de n’en point faire application, les
ministres ne peuvent pas trouver dans une telle incompatibilité un fondement juridique les habilitant à
édicter des dispositions de caractère réglementaire qu’ils substitueraient à des dispositions
législatives.
Alors là il y a 2 choses indiquées par le conseil d’état. D’une part, il rappelle donc les règles qui
s'imposent au pouvoir réglementaire dans son délicat exercice de rendre le droit national compatible
avec le droit communautaire mais il dit également, et c’est un des principaux intérêts de cet arrêt, il
dit, certes qu'il faut rendre le droit national compatible mais les ministres ne peuvent trouver dans une
telle incompatibilité un fondement juridique les habilitant à édicter des dispositions de caractère
réglementaire qui se substitueraient à des dispositions législatives, c'est ce que j'ai dit tout à l'heure. Il
y a là un respect du partage des compétences, le pouvoir réglementaire ne peut se substituer au
législateur.
Sur ce paragraphe, une question 2 était posée dans le devoir : « l'article 2 de la loi du 4 août 1994
vous paraît-il compatible avec l’article 28 du Traité instituant l'union (cet article interdit les restrictions
quantitatives à l'importation et les mesures d’effet équivalent) ? En cas de doute sérieux sur une telle
compatibilité, que peuvent faire – ou ne pas faire – les autorités administratives nationales, d’après le
conseil d’état ? »
D'abord il faut reprendre l'étude de ce qu’est une obligation, une obligation parlementaire et aussi ce
qu’est la notion de compatibilité, de conformité imposée dans l'exercice du pouvoir réglementaire.
Alors on pouvait répondre cette manière. Les autorités administratives ne peuvent prendre que des
mesures régulières , c'est-à-dire conforme au droit, et cette obligation de conformité au droit, la plus
traditionnelle, se transforme parfois en une simple question de compatibilité. Dans cette hypothèse, la
règle inférieure doit simplement ne pas être contraire à la règle supérieure. Un tel rapport de
compatibilité et non plus de conformité est par exemple demandé par le juge administratif lorsqu’il
examine la régularité d'un texte de loi, au regard d'une convention internationale.
C’est l’arrêt Nicolo, en 1989, qui a donné naissance à un véritable contrôle de conventionalité du juge
administratif qui ne recherche plus la simple compatibilité des deux normes mais la conformité de la loi
à la règle internationale. Il interprète la loi interne en évitant à la fois toute mesure radicalement
incompatible avec le droit international et toute solution qui marquerait une rupture avec le droit
national.
En l'espèce l'article 2 de la loi 1994 s'oppose à l'emploi d'autre langue que le français pour le
commercialisation des marchandises. Hors l'article 28 du traité instituant l'union européenne, interdit
les restrictions aux échanges et à la libre circulation des marchandises ainsi que toutes mesures
d'effet équivalent. Il s’agit donc de savoir si l'usage obligatoire du français pénalise les entreprises
étrangères où si cet usage du français est justifié par des considérations objectives et proportionées à
cette fin. Si le français n'est pas justifié pour assurer une bonne utilisation du produit, la loi peut-être
excessive et n'être pas compatible avec le traité de l'union. Pour autant, la loi n'a pas être conforme
au droit communautaire mais simplement compatible, comme nous venons de voir.
Alors en cas de doute sérieux sur la compatibilité de la loi au droit communautaire, l’autorité
administrative, comme nous venons de voir, peut par voie de circulaire fixée une interprétation
conforme (c’est ce qui ressort de la décision Commune de Breil sur Roya de 2000), l'autorité
administrative a l'obligation de ne pas prendre des mesures d'exécution d'une loi contraire aux
objectifs définis par les directives (décision de 1999, Association des patients de la médecine
d'orientation anthroposophique).
Enfin, si la loi est véritablement incompatible avec le traité ou les objectifs d’une directive, elle doit
donner des instructions à ses services pour écarter l'application de la loi, comme nous le verrons en
l'espèce dans Association avenir de la langue française. En revanche, les ministres ne peuvent pas
fixer par voie réglementaire des dispositions compatibles avec le droit communautaire, qui relèverait
du domaine droit, et c'est la dernière partie du paragraphe de la décision que nous venons
d’examiner.
Les ministres ne peuvent en revanche trouver dans une telle incompatibilité entre droit national et droit
communautaire un fondement juridique les habilitant à édicter des dispositions de caractère
réglementaire qui se substituerait à ces dispositions législatives.
Nous en venons au 4e paragraphe. Que fait-on en l’espèce, qu’est-ce qui se passe ?
Et là, en fonction, donc de ce que nous venons d'examiner, c'est-à-dire des textes qui doivent être
compatibles entre eux, le rappel des obligations qui s'imposent au pouvoir réglementaire, maintenant
on va voir ce qui se passe en l’espèce, comment on va appliquer toutes ces règles de droit.
On regarde que les dispositions, je cite la décision, « considérant que les dispositions critiquées de la
circulaire, le ministre de la culture et de la communication, le secrétaire d'État au budget et le
secrétaire d’Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l’artisanat et à la
consommation ne se sont pas bornés à interpréter la loi du 4 août 1994 ». Les services n'ont pas
davantage donné d'instructions, c’est à dire les ministres n'ont pas davantage donné d’instructions à
leurs services de ne pas faire application de l'article 2 de la loi, dans la mesure où celle-ci peut être
incompatible. Qu’en revanche la circulaire fixe une règle nouvelle de caractère impératif, que les
ministres n'avaient pas compétence pour édicter. Que les dispositions attaquées doivent par suite être
annulées pour incompétence.
Quelle est cette règle ? L’article2 la loi disait « l'emploi de la langue française est obligatoire » et la
circulaire d'interprétation disait « l'article 2 ne fait pas obstacle à utiliser d'autres moyens d'information
tels que dessins ou pictogrammes, accompagnés de mention non traduite en français ». Il y avait bien
une règle nouvelle de caractère impératif, que la loi ne donnait pas compétence au ministre d’édicter.
Il avait là incompétence et il y avait même rupture de la règle de la séparation du pouvoir, puisque le
ministre édictait une disposition qui remplace les dispositions législatives. Le conseil d'État examine la
jurisprudence justement de la cour de justice des communautés, tel qu’elle interprète l'article 30 du
traité de Rome devenu l'article 28 du traité instituant l'union. Que seules certaines directives du
conseil tel qu’interprétées par la cour de justice, je lie donc la le texte même de la décision Association
avenir de la langue française, « seules certaines directives imposent pour des produits déterminés
que l'information du consommateur soit effectuée dans une langue compréhensible pour lui, ou assuré
par d'autres mesures, tandis que d'autres directives optent pour les langues nationales ou les langues
officielles des états membres, notamment en ce qui concerne les dominations textiles et produits
cosmétiques, les détergents, les jus de fruits ou la sécurité des jouets » ainsi les dispositions
critiquées de la circulaire, excédées par la généralité de leurs termes, les mesures nécessaires pour
atteindre les objectifs poursuivis par l'article 28 du traité, tel qu’interprété par la cour de justice.
Puisque la cour de justice des communautés interprétant dans l'article 28 sur la libre circulation disait :
oui mais il ne faut pas que cette libre circulation empêche les consommateurs de comprendre dans
leur langue, en tout cas dans une langue compréhensible pour eux les choses essentielles à la
sécurité tels que le contenu des détergents, les jus de fruits, la sécurité, des jouets produits
cosmétiques etc.
Or la circulaire allait au-delà des principes et des restrictions posées par la cour de justice puisqu’elle
acceptait que certains produits entrent en France sans qu'ils aient été accompagnées, plus
exactement d'une instruction, comportant des dessins, des pictogrammes accompagnés de mentions
non traduite en français. Donc cette circulaire pouvait rendre des produits dangereux, dont l'utilisation
pouvait être dangereuse pour le consommateur. Cela allait à l'encontre du principe posé par la cour
de justice.
Conclusion logique, il résultait de ce qui précédait que l'association avenir la langue française était
fondée à demander l'annulation de cette partie de la circulaire, et qui ne formait pas un tout indivisible
avec les autres parties de la circulaire, et que seule cette partie-là de la circulaire a été annulée par le
conseil d'État.
Donc pour répondre à la troisième question qui était posée sur cette décision Associations avenir la
langue française : « quels sont les moyens d'annulation retenus, en espèces, par le conseil d'État à
l'encontre des dispositions critiquées de la circulaire ? »
On voyait les trois moyens d'annulation qui était retenus par le juge.
D'abord l’incompétence, qui est un moyen d’ordre public. Incompétence dans la mesure où le ministre
a édicté des règles nouvelles impératives se substituant à la loi, pris des dispositions qui relèvent de
l’article 34 de la constitution c'est-à-dire de la compétence du Parlement ,même si la loi existante
pouvait apparaître comme incompatible avec le droit communautaire.
Le second chef d'incompétence était relevé par le juge dans la mesure où il indiquait que le ministre
n’avait pas prescrit à ses services, comme l’obligeait dans ce cas-là le conseil d’Etat, en cas
d'incompatibilités supposée entre droit national et droit communautaire, il n'avait pas à édicter une
règle nouvelle se substituant la loi, mais il avait à prescrire à ses services de ne pas appliquer la loi
qu’il estimait incompatible. Et donc il avait là une méconnaissance d'agir puisqu'il n'avait pas prescrit à
ses services ne pas appliquer la loi.
Au surplus, il s’agissait ici d’un motif surabondant, c’est à dire d'un troisième chef d'irrégularité, mais
vu l’existence des deux premiers, ce troisième motif était surabondant, l'incompétence justifiant à elle
seule l'annulation, le ministre avait fait une interprétation complètement erronée du droit
communautaire, tel qu’il était posé par la jurisprudence de la cour de justice qui n'imposait pas de
telles restrictions à l'emploi de la langue française, seule langue officielle.
L'annulation prononcée était donc partielle, en raison du caractère divisible des dispositions de la
circulaire, seule la disposition critiquée a été annulée, les autres dispositions n’étant pas impérative
mais interprétative, n'était pas examinée par le juge en application de la jurisprudence Duvignières.
On vous demandait ensuite de faire un plan de commentaire d’arrêt. Après une introduction qui doit
obligatoirement rappeler les faits, la procédure, l'exposé du point de droit, c’est à dire la problématique
juridique, et l’annonce du plan qui doit aider à résoudre la problématique juridique. Celle-ci pouvait
donc être divisée en deux. Première partie : l'étude de la circulaire c'est-à-dire des 2 règles posées
par la jurisprudence Duvignières, de règles de la recevabilité et des règles de l’examen au fond, de
l’examen de la régularité des circulaires. Dans une deuxième partie : l'application du droit
communautaire par les autorités administratives avec l'interdiction de se substituer au législateur, et
les obligations qui s’imposent au pouvoir réglementaires dans l’examen de l'application du droit
communautaire, c'est-à-dire en faire une interprétation conforme, l’interdiction d’appliquer une loi
incompatible et l'interdiction d'édicter des règles nouvelles qui permettraient d'intervenir à la place du
législateur. C’est ce qu’on pouvait attendre d'un commentaire sur cet arrêt Association avenir la
langue française.
Droit Administratif – L2 – semestre 1
Cours 8 : le régime juridique de l’acte administratif
54. Elaboration d’un acte administratif
Les éléments de régularité qui gouvernent l'élaboration d'un acte administratif sont souvent présentés
sous la forme de moyens d'illégalité ou d’irrégularités, qui peuvent être soulevées à l'occasion d'un
recours pour excès de pouvoir. Or il appartient à l'autorité administrative de se demander, au moment
de prendre une décision, si celle-ci est conforme à la légalité. Une fois la décision prise si il y a
recours, le juge se posera la même question. Les questions donc que se pose l'autorité administrative
et le juge sont identiques et concerne à la fois les règles qui gouvernent l’auteur de l'acte, les
coordonnées de l'acte, la procédure d'élaboration et la forme prise par l’acte : quatre points qui font
l'objet de quatre paragraphes.
55. L’auteur de l’acte
L’auteur de l’acte suppose de s’interroger, de définir la notion de compétences.
L’auteur d’un acte est celui, ou ceux, dont le consentement est nécessaire pour que la décision soit
prise. Cette capacité à modifier l'ordre juridique s’appelle la compétence. A l'intérieur de l’ordre
administratif, les compétences sont déterminées de façon rigide, elles sont réparties dans le temps,
on parle alors de ratione temporis, dans l’espace (ratione loci), la compétence étant territoriale, enfin
par matière (ratione materiae), une autorité administrative ne pouvant intervenir dans une autre
matière, étrangère à ces attributions.
Les règles de compétence sont rigides, très importantes en droit administratif. Elles font l'objet d'un
contrôle particulier, l'incompétence étant considérée par le juge comme un moyen d'ordre public,
c'est-à-dire pouvant être soulevé à tout moment, et emportant l'annulation de l'acte, pris par une
autorité incompétente.
Ce point posé, de définition de la compétence, il faut examiner les modifications des règles de
compétence. En principe, une autorité administrative ne peut disposer de sa compétence. En pratique
il arrive qu’elle puisse ou qu’elle doive être remplacée par une autre. Mais ces modifications sont de
portée limitée. Quand une autorité est empêchée pour diverses raisons (maladie, absence…),
d'exercer ses pouvoirs, elle est au automatiquement remplacée, dans les conditions prévues par un
texte, selon le mécanisme dit de la suppléance. Le mécanisme de l'intérim est différent puisque
l'autorité compétente désigne elle-même une personne spécifique pour exercer, à titre provisoire et de
manière limitée, ses pouvoirs.
Enfin, il est souhaitable que les ministres et les chefs de service puissent déléguer une partie de leurs
compétences. Il existe pour cela en droit 2 sortes de délégation consenties par une autorité
supérieure au profit d'une autorité inférieure : cela s'appelle la délégation de compétence et la
délégation de signature. Si leurs conditions sont semblables, leurs effets diffèrent. Les délégations ne
sont régulières qu'à trois conditions : premièrement avoir été autorisé par un texte, deuxièmement être
suffisamment précise, troisièmement avoir été publié.
Cependant les effets des délégations de compétence et de signatures sont différents si leurs
conditions sont identiques. La délégation de pouvoir est consentie abstraitement d'autorité à autorité,
et réalise un transfert juridique de compétence puisqu'elle dessaisit l'autorité supérieure pendant tout
le temps qu'elle dure. La délégation de signature est consentie à une autorité nominativement
désignée et ne fait que décharger matériellement le délégant dans l'exercice d'attribution dont il reste
le titulaire.
56. Les coordonnées de l’acte
Examinons les coordonnées de l’acte.
Le droit administratif est indifférent au lieu de l’acte. Les règles sont plus contraignantes pour le
moment de l’acte, le délai. En principe l'autorité administrative choisit discrétionnairement le moment
d'édicter un acte. Quand un texte prévoit qu’un acte doit intervenir dans un délai déterminé,
l’administration n'est pas toujours tenue de respecter à peine de nullité. Les délais ainsi fixés ne sont
impératifs qu'en cas de substitution de compétences, par exemple l'article 38 de la constitution pour
les ordonnances, ou s'il présente une garantie pour les administrés, par exemple la durée des
enquêtes publiques.
Il arrive également au juge d'interdire aux autorités administratives de prendre une décision avant un
certain délai, c’est ce que l'on nomme « les délais utiles », ou au contraire prescrivent de le faire avant
une certaine date limite, qu'on appelle le délai raisonnable.
Un délai qui n’est pas raisonnable est celui à partir duquel le juge estime que l'abstention de
l’administration s’analyse un refus implicite d'agir, un refus de prendre les mesures nécessaires à
l'application de l'acte initial. Ce refus d’agir est susceptible d'être annulé par la voie du recours pour
excès de pouvoir, et depuis la loi du 8 février 1985, cette annulation peut être assortie de l'injonction
formelle d'édicter le règlement dans un délai déterminé, sous menace d'une astreinte.
Et c'est la règle qui a été prononcée en 1996 par le conseil d'état dans la décision Association
lyonnaise de protection des locataires. Le refus peut enfin provoquer la condamnation de l'autorité et
administrative fautive à payer une indemnité réparatrice du préjudice causé , c’est ce qui ressort d'un
arrêt d'assemblée de 1964 du conseil d’état, Dame veuve Renard.
57. La procédure d’élaboration
Et maintenant dans un paragraphe trois : la procédure proprement dite d'élaboration de l’acte
administratif de la décision unilatérale. La fabrication de la décision, nommée en droit administratif
« procédure préalable à la décision », correspond à ce que l'on appelle en sciences administratives
« le processus de décision ».
Non codifiée, contrairement à ce qui existe dans de nombreux pays, constituée d'un mélange de
dispositions textuelles et de solutions jurisprudentielles, la procédure encadre l'action de
l'administration. Elle participe à l'amélioration des relations entre l'administration et les citoyens dans
la mise en place d'une véritable démocratie administrative. Ses règles, très nombreuses, destinées à
éclairer l'autorité compétente, permettent notamment aux destinataires d'une décision de présenter
utilement leurs objections lors d'une procédure disciplinaire ou leurs remarques, dans le cadre d'une
enquête publique.
C’est alors ce que l’on nomme « la procédure contradictoire », mais également lors de l'élaboration
d'une décision, l'autorité compétente peut toujours solliciter des avis, c’est la procédure consultative,
que nous allons examiner en 2 points. Premier point : La procédure consultative. Deuxième point : La
procédure contradictoire.
La procédure consultative règle le régime des consultations, c'est-à-dire à la fois la portée juridique
des avis sollicitées par l'autorité administrative compétente ainsi que les modalités de cette
consultation.
La portée juridique des avis tout d'abord. Trois sortes d'avis sont traditionnellement distinguées. L'avis
conforme, premier type d'avis, que l’auteur de l'acte doit prendre et suivre, deuxième type d’avis, l’avis
obligatoire que l'auteur de l'acte doit prendre mais est libre de suivre ou de ne pas suivre, enfin
troisième type, l’avis spontané que l'auteur est libre de solliciter et également libre de suivre l'avis n'est
pas une décision et sa portée est variable.
L’auteur qui a pris un avis facultatif ne saurait s’estimer lié par lui sous peine d'entacher sa décision
d'irrégularités. Au contraire l'absence d'avis obligatoire, entraîne la nullité de la décision.
En cas d’avis conforme, l'autorité consultante ne peut décider que conformément à l’avis. L'organisme
consulté se trouve ainsi étroitement associé à l'exercice du pouvoir décisionnel, l'avis conforme est en
réalité une codécision, ainsi que l’a examiné le conseil d'État en 1969, dans l’arrêt Dame Veuve
Chantebout.
Un tel acte, qui a pour effet de modifier les règles de compétence, n’est légal qu’à condition d'émaner
d'une source de droit au moins égale à celle dont l'autorité, qui doit se plier à la procédure d'avis
conforme, tient elle-même sa compétence. Toutefois les irrégularités qui peuvent l'affecter ne seront
soulevées à l'encontre de la décision prise, au nom de cet avis, c'est-à-dire par voie d'exception à
propos d'un recours fait contre la décision elle-même, et non contre l'avis. Elles entraînent l'annulation
de la décision pour incompétence et ceci quel que soit le sens de la décision, ou le requérant, que le
litige soit en première instance ou en appel.
L’analyse de l'exposé de la procédure consultative suppose de connaître également les modalités de
la consultation. A partir du moment où un avis est demandé, qu’il soit conforme, obligatoire ou
facultatif, il doit l'être selon une procédure régulière qui précise les dispositions relatives au
fonctionnement des organismes consultatifs. Mais ces précisions ne sont applicables qu'aux
organismes collégiaux dont l’avis est requis par les administrations de l'État ou de l'établissement
public administratif, ainsi, sauf texte particulier, les organismes collégiaux doivent être convoqués 5
jours au moins avant la date de la réunion sur un ordre du jour précis et au vu des documents
nécessaires à l'examen des affaires qui y sont inscrites.
Seules peuvent siéger les personnes prévues par les textes, à l'exception de tout membre intéressé à
l’affaire. Ils ne peuvent statuer que si le quorum de la moitié des membres présents ou représentés
est atteint. Si l’organisme consultatif dont la consultation est obligatoire n’a pas émis son avis dans un
délai raisonnable, l'autorité compétente peut passer outre, pour qu'il n’y ait pas blocage du processus
décisionnel. Je rappelle que ces règles, sauf texte particulier, ne sont applicables qu’aux
administrations de l'État ou les établissements publics administratifs de l’Etat. Ne pas solliciter un avis
obligatoire ou demander un avis dans des conditions irrégulières conduit à l'annulation des décisions
prises à sa suite pour vice de procédure.
La procédure d'élaboration suppose d’examiner également dans un deuxième point la procédure
contradictoire, après la procédure consultative.
La procédure contradictoire règle les cas où l’auteur d'une décision ne peut légalement décider sans
avoir entendu l'autre partie. Si l'adage bien connu par « audit alteram partem » a une portée générale
en procédure juridictionnelle, il n’en est pas de même ici où cette procédure n'existe que dans
certaines hypothèses et selon des modalités très diverses. Principe générale du droit depuis 1944
grâce à un arrêt du conseil d'État, Dame veuve Trompier-Gravier, et également un arrêt très connu de
1945, Aramu. Principe général du droit consacré par le conseil constitutionnel, donc devenu du niveau
constitutionnel, le respect des droits de la défense doit être assuré en dehors de textes spécifiques,
selon les règles désormais posées par la loi du 12 avril 2000, ou à défaut par le juge.
Que dit l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 sur les droits des citoyens dans leurs relations avec les
administrations ? Les décisions individuelles qui doit être motivées et qui ne sont pas prises sur
demande de l'intéressé ne peuvent intervenir qu'après que l'intéressé ait été mis à même de présenter
des observations écrites. A sa demande, à la demande de l'intéressé, celui-ci peut présenter des
observations orales, se faire assister par un conseil, ou se faire représenter par un mandataire de son
choix.
Toutefois les dispositions de l'article 24 de la loi d'avril 2000 ne sont pas applicables en cas d'urgence,
en cas de circonstances exceptionnelles, ou lorsque les nécessités de l'ordre public sont en jeu. Donc
en dehors de ce cas, prévu par la loi d’avril 2000, le juge a posé un principe général du droit de la
défense, donc depuis 1944. Ce principe général du droit de la défense s'impose, sauf en matière de
police, quand une autorité administrative prend une décision d'une certaine gravité en considération
de la personne d'un agent public ou pour des motifs relatifs à sa personne. L'agent public doit avoir
été mis à même de consulter son dossier au préalable, ou dans des conditions satisfaisantes. Il peut
présenter ses observations mais l'autorité administrative n'est pas tenue de l'entendre. Je vous
renvoie à la lecture de la décision de 1944, Dame veuve Trompier-Gravier reproduit dans tous les
grands arrêts de jurisprudence administrative.
58. Les règles de forme
La forme d’un acte, sa présentation, est toujours l’écho d’un fond. La signature de l’acte et les
contreseings désignent l’auteur de cet acte. Les motifs de l’acte sont exprimés dans la motivation
écrite de l’acte, etc.
Comment se présente les règles concernant la présentation matérielle, dans un premier point.
Il faut bien comprendre que le droit administratif, contrairement au droit privé, est indifférent à la
présentation matérielle des décisions administrative. La décision peut être orale et écrite, gestuelle,
verbale. Je vous renvoie par exemple aux gestes de l'agent de police qui vous intime l'ordre d'arrêter
simplement alors qu'il brandit sa main, il n’ y a aucun acte qui est pris sauf ce mouvement de la main.
Décision gestuelle qui peut être également accompagnée d'une décision verbale (il vous intime l’ordre
de vous arrêter).
Les décisions peuvent également être implicites ou explicites. Il y a décision implicite quand une loi
ou un règlement a prévu qu’au terme d'un certain délai, déclenché par une demande intéressée à
l'autorité compétente, aucune décision expresse n'est intervenue. Selon les cas cette décision
implicite sera soit de rejet soit d'acceptation, sera soit une décision implicite de rejet soit une décision
implicite d'acceptation.
Les articles 21, 22 et 23 de la loi du 12 avril 2000, relatif aux droits des citoyens dans leurs relations
avec administration, dite plus simplement Loi DCRA, modifie profondément les effets juridiques des
décisions implicites. Ainsi désormais depuis dans cette loi DCRA, le silence gardé pendant plus de 2
mois par l'autorité administrative sur une demande d’un administré vaut décision implicite de rejet. Le
délai court à compter de la date de réception de la demande par l'autorité administrative. Lorsque la
complexité ou l’urgence de la procédure le justifie, des décrets pris en conseil d'État pourront prévoir
des délais diffèrent. Par dérogation à ce principe, le silence gardé pendant deux mois vaut, non plus
décision implicite de rejet, mais décision implicite d'acceptation dans les cas limitativement prévus par
décret en conseil d'État. Par exemple cela concerne le permis de conduire tacite. Le délai court à
compter de la date de réception de la demande par l'autorité administrative compétente. Ce régime
est complété par des règles permettant d'en limiter la possibilité de retrait.
Les règles de formes concernent également les règles de la motivation. La motivation, c'est-à-dire
l'expression écrite des motifs de fait et de droit sur le document écrit d'une décision, bénéficie d'un
statut particulier dans la mesure où elle était perçue comme un moyen d'améliorer les relations entre
l'administration et l'administré. L’auteur d'une décision doit toujours fonder sa décision sur des motifs
réguliers.
Faisons une petite parenthèse. Nous avons vu que dans l'examen d'un texte d'une jurisprudence la
partie décisionnelle commençait par le mot « Décide », et était divisé en articles : décide premier
article, deuxième article, etc. Mais au-dessus de cette partie décisionnelle, il y avait un certain nombre
de paragraphes commençant par le mot « considérant » et qui, en fait, nous l'avons dit, examinait les
motifs du raisonnement du juge en fait et en droit.
Il y a donc, dans une décision juridictionnelle, expression écrite des motifs de fait et de droit sur le
document écrit. Tel n'est pas toujours le cas dans une décision administrative classique, non
juridictionnelle, une décision administrative prise par une autorité administrative. Certes, l'auteur d'une
décision administrative doit toujours fonder sa décision sur des motifs réguliers. Et leur contestation
par le requérant, leur examen par le juge constitue une des pièces maîtresses du contrôle de légalité.
En revanche l’auteur de l'acte administratif unilatéral, contrairement au juge, est libre de motiver ou
non sa décision c'est-à-dire d'exprimer ses motifs par écrit. Il n’a pas l’obligation de les exprimer par
écrit si aucun texte ne lui impose, pas de motivation sans texte. Cette règle générale souffre d'une
seule exception, et met d'importantes dérogations légales. Exception : le juge fait obligation aux
commissions administratives collégiales de motiver leurs actes. C’est une exception posée à la règle
générale depuis 1970, décision Agence maritime Marseille Fret.
Mais depuis, en application de la loi du 11 juillet 1979, doivent être désormais motivé toute une série
de décisions, les décisions administratives individuelles défavorables à la destinataire. Par exemple
celle qui refuse une autorisation, celle qui restreigne l'exercice d'une liberté publique, celle qui inflige
une sanction, celle qui restreigne ou abroge une décision créatrice de droit, et depuis 1986 les refus
d'autorisation. Cette obligation de motive, posée par la loi, ne tombe que dans trois cas, également
prévus par la loi. Le premier cas l’urgence absolu, deuxième cas le secret médical, troisième cas la
Défense nationale.
Cette motivation écrite doit être donc écrite, et comporter l'énoncé des considérations de fait et de
droit qui constitue le fondement de la décision. Le juge estimant qu'une motivation imprécise,
incomplète, stéréotypée entache l'acte de nullité. Avant de prendre une décision soumise à l'obligation
de motivation, l'autorité administrative compétente doit permettre à la personne intéressée de
présenter ses observations écrites voire ses observations orales selon les règles de la procédure
contradictoire.
59. Vie et mort de l’acte
Après donc que tout cet examen des règles permettant l'élaboration d'une décision administrative
unilatérale, venons en maintenant aux règles qui régissent la vies de l’acte administratif, voire sa mort,
dans une section 2. En produisant des effets de droit, l'acte administratif unilatéral, la décision
unilatérale, affecte l'ordre juridique et le modifie. La question à résoudre est de savoir quand, à partir
de quand, entrée en vigueur, et jusqu'à quand, sortir de vigueur, l’acte produit ses effets. La seconde
question concerne le régime de son exécution et plus précisément la portée de l'obligation
d’exécution. Nous allons examiner dans un premier paragraphe la modification de l'ordre juridique par
les actes unilatéraux, dans un paragraphe 2 l'exécution de l'acte administratif unilatéral. Dans le
premier paragraphe : la motivation de l'ordre juridique qu’il faudra examiner en 2 points : l’entrée dans
l’ordre juridique puis la sortie de l’ordre juridique.
60. Entrée dans l’ordre juridique
Paragraphe premier : la motivation de l'ordre juridique. Premier point : l'entrée dans l'ordre juridique.
Elle suppose d'examiner les notions de validité et d’opposabilité, les notions de non-retroactivité et
enfin les nouvelles règles régissant la publication des actes. Les notions de validité et d’opposabilité
sont importantes pour comprendre l'entrée dans l’ordre juridique.
Si la régularité des actes administratifs s’apprécie au jour de leur signature, assorti le cas échéant des
contreseings, leur aptitude à produire des effets juridiques à l'égard de leurs destinataires dépend de
leur entrée en vigueur.
L’entrée en vigueur d'un acte est différente selon qu'il s'agisse d'une décision réglementaire ou d’une
décision individuelle. L’entrée en vigueur des règlements est subordonnée à la publication ou à
l‘affichage. Les décrets, ainsi que certains arrêtés sont ainsi publiés au journal officiel. Certains
ministères disposent de leur propre bulletin officiel. Les décisions des autorités locales sont publiées
dans des recueils appropriés, recueil des actes administratifs dans chaque département. Dans
certains cas, la publicité ou l'affichage ne portent leurs conséquences normales qu’à la condition
qu'une autre mesure ait été accomplie, ainsi nous avons vu que les règlements des autorités locales
décentralisées doivent, en outre, avoir été transmis aux préfets, ce sont les règles de la transmission
des actes des collectivités décentralisées, que nous avons examiné lors d'une étude du déféré
préfectoral.
Les règles régissant l'entrée en vigueur des actes individuels sont différentes selon que l'acte
individuel est favorable ou défavorable. L'entrée en vigueur d'un acte individuel favorable à leurs
destinataires s'effectue dès sa signature. En revanche, les décisions individuelles défavorables
doivent avoir été notifiées nominativement à leurs destinataires par lettre recommandée avec accusé
de réception, c'est la procédure de notification. Les décisions individuelles des autorités locales
décentralisées soumises à transmission doivent être notifiées aux intéressés et transmises aux
préfets.
L‘entrée d'un acte administratif, qu’il soit réglementaire ou individuel, lui confère donc force obligatoire.
Il est invocable par tout administré qui peut ainsi se prévaloir mais également opposable à tout
administré, qui peut le contraindre, cet administré disposant alors d'un délai de deux mois pour en
contester la régularité devant le juge administratif. L’entrée en vigueur d'un acte administratif le fait
bénéficier en outre du privilège du préalable et de son corollaire le privilège de l'action d’office.
Qu’entend on par là ? L'introduction d'une instance contre un acte administratif ne suspend pas
l'exécution des règles qu'il édicte. Les actes administratifs sont présumés réguliers, c'est le privilège
du préalable, érigé en règle fondamentale du droit public par le conseil d'État en 1982 dans l'arrêt
Huglo.
Ce privilège du préalable a pour corollaire celui de l'action d'office, également nommé privilège de
l'exécution provisionnelle. Contrairement à ce qui se passe en droit privé, en droit administratif, même
si un intéressé conteste la régularité d'un acte administratif, celui-ci continu à s'appliquer tant qu'il n'a
pas été annulé par le juge. Cette situation donne à l'administration deux avantages : le recours
contentieux n'est pas suspensif, sauf procédure spéciale, et devant le juge le demandeur doit prouver
le bien-fondé de son droit. Ce privilège d'actions d'office comporte quelques exceptions prévues par
les textes, en particulier en droit fiscal (sursis de paiement) et en droit des étrangers (en cas de
recours formé contre les arrêtés de reconduite à la frontière). L'entrée en vigueur de l'acte
administratif dans l'ordre juridique suppose également l'examen du principe de non rétroactivité.
L'entrée en vigueur d'un acte ne peut être en principe rétroactive. Il ne dispose pas pour l'avenir. Le
principe de non rétroactivité des actes administratifs est un principe général du droit depuis 1948,
société du journal l’Aurore, reproduit dans toute recueils de jurisprudence. Cependant les actes
administratifs sont d'application immédiate aux situations non contractuelles en cours. Enfin l’entrée
dans l'ordre juridique suppose l'examen des règles de publication, largement inspirées des
propositions faites par le conseil d’Etat.
L'ordonnance du 20 février 2004 relatif aux modalités et effets de la publication des lois et de certains
actes administratifs modifient les règles de publication qui datait principalement du XIXe siècle.
Désormais, article 1er de la loi des février 2004, les lois et les actes administratifs publiés au journal
officiel entreront en vigueur le lendemain de la publication, sauf disposition contraire. A un double
archaïsme est ainsi supprimé : l'entrée en vigueur des textes différés d'un jour franc et le décalage
Paris/ Province.
L'article 2 détermine les catégories d'actes qui doit être publié au JO : les lois, les ordonnances, les
décrets et certains actes administratifs. En vertu de l'article 2 de la loi de février 2004, l'édition
électronique du journal officiel aura désormais la même valeur juridique que son édition papier.
Selon l'article 5 de la loi de février 2004, un décret en conseil d'État définira les catégories d'actes
administratifs dont la publication au JO sous forme électronique suffira à assurer leur entrée en
vigueur.
Ce nouveau régime ne concerne ni les actes des collectivités territoriales, ni les actes des collectivités
déconcentrées de l'État, ni les actes individuels. Conformément au principe d'assimilation législative, il
est destiné à s'appliquer tel quel au département ou région d’outre-mer mais ne seraient lettres aux
collectivités d'outre-mer à statut spécial (tel que Mayotte, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie
française, Saint-Pierre-et-Miquelon, les terres australes et antarctique, Wallis et Futuna). Voici les
règles qui modifient l'ordre juridique quand un acte administratif entre en vigueur. Mais l'ordre juridique
est également modifié quand l’acte administratif sort de l’ordre juridique, c'est-à-dire meurt. Et c'est ce
que nous allons examiner dans un deuxième point : la sortie de l'ordre juridique
61. La sortie : l’abrogation
Un acte administratif peut disparaître de l’ordre juridique de 2 manières différentes. Dans un premier
cas, il est abrogé : l’abrogation supprime les effets juridiques de l'acte pour l'avenir. Dans un second
cas, l’acte retiré : le retrait est un procédé singulier, exceptionnel qui permet d'anéantir avec effet
rétroactif les décisions.
Le juge doit ainsi trouver un compromis subtil entre les impératifs de la légalité, qui permet ou qui
impose la disparition d'un acte régulier, et le principe de sécurité juridique. On va voir comment ces
impératifs contradictoires sont accommodés dans les règles qui président à l'abrogation et dans les
règles qui président aux retraits. Les règles qui concernent l’abrogation ou le retrait, qui sont un peu
délicates, seront à nouveau réexaminées lors de la conférence consacrée à la sortie de vigueur des
actes administratifs unilatéraux.
Première sortie : l’abrogation. L’abrogation est en fait un procédé familier, normal qui permet aux
autorités administratives de modifier, d'adapter à tout moment la réglementation qu'elles édictent. Elle
est une conséquence du principe de mutabilité des règlements ou des services publics. L'abrogation
peut être totale, peut-être partielle, expresse, ou tacite. Les autorités administratives sont libres
d'abroger à tout moment les règlements.
Mais cette liberté d’abroger se transforme en une obligation quand un administré demande
l’abrogation d'un règlement irrégulier, que l'irrégularité remonte à la date de sa signature, ou qu'elle
résulte d'un changement dans des circonstances de droit et de fait postérieures à ce date. Posée en
premier par l’arrêt Despujol en 1930, cette règle est devenue un principe général du droit depuis l'arrêt
Compagnie Alitalia, qui a repris et systématisé la jurisprudence antérieure ainsi que l'article 3 du
décret du 28 novembre 1983, abrogée depuis. Ces textes seront commentés lors de la conférence
n°4. La demande peut être présentée à tout moment sans condition de délai et le refus implicite ou
explicite d'abroger est susceptible de faire l'objet d'une annulation contentieuse.
L'abrogation d'un acte individuel régulier est possible dans les limites prévues par les textes, elle est
également possible lorsque cet acte est irrégulier dès l'origine. Elle devient obligatoire à la demande
de toutes personnes intéressées en cas de changement de circonstances de fait et de droit, depuis
l'arrêt de 1990 Association les verts. Enfin, l'obligation d'abroger existe sans condition, et si l'acte n'a
pas créé de droits dans les délais de recours pour excès de pouvoir dans le cas contraire.
62. La sortie : le retrait
Si les règles concernant l’abrogation sont simples et plus aisées à comprendre que celles qui
régissent le retrait, pour l'examen du retrait il faut d'abord voir ces conditions générales puis le retrait
des décisions régulières créatrices de droit et enfin le retrait de décisions régulières non créatrice de
droit.
Tout d’abord, les conditions générales du retrait. En faisant disparaître une décision qui a déjà produit
des effets, le retrait, contraire aux principes non rétroactivité des actes administratifs que nous avons
évoqué tout à l'heure, remet en cause la stabilité des situations juridiques et ne peut être a priori
acceptable que pour assurer le strict respect du principe de légalité, en agissant en quelque sorte
comme un substitut de l'annulation contentieuse.
En règle générale, le retrait ne peut être prononcé que si l’acte est irrégulier. De plus, le régime du
retrait est dominé par la distinction faite entre les décisions créatrices de doit et les décisions non
créatrices de droit. La distinction entre acte créateur de droit et acte non créateur de droit est
malaisée. Si la plupart des actes individuels sont créateurs de droit (nominations, promotions dans la
fonction publique, autorisation de construire etc), ne sont pas créateur de droit les règlements, les
autorisations de police, les décisions qui ne font que reconnaître une situation déterminée, les
décisions inexistantes ou acquises par fraude, mais aussi les déclarations d'utilité publique ou encore
les décisions défavorables à la destinataire.
Quelles sont les règles qui régissent dès lors le retrait des décisions régulières créatrices de Droit ?
En principe, ce retrait est impossible. Cependant, en cas d'irrégularités, le retrait est possible si l’acte
n'est pas devenu définitif, c'est-à-dire dans le délai de recours contentieux ou pendant toute la durée
de l'instance si un recours a été formé.
C’est la combinaison des décisions Dame Cachet de 1922 et de la décision Mme de Laubier de 1997,
étudiées lors de la conférence n°4. Point de départ du délai de retrait, l'acte doit avoir été publié, dans
le cas contraire l'acte pouvait être retiré à tout moment. Cette jurisprudence, pour logique qu’était,
pouvait conduire à une situation où l'administration retirait une décision plusieurs années après qu'elle
eut été prononcée ; l'administration n'aura plus désormais la même latitude.
L'assemblée du contentieux a en effet abandonné la jurisprudence Ville de Bagneux par une décision
de 2001 Ternon commentée dans la conférence 4. Cette décision Ternon a en effet dissocié le délai
du recours contentieux dont disposait les tiers et le délai de retrait de l’administration. Celle ci dispose
désormais d'un délai maximum de quatre mois après la signature pour retirerr un acte individuel
créateur de droits entachés d'irrégularités et ce, que le délai est ou non couru à l'égard des tiers, et
que l'acte soit devenu ou non définitif à l'égard des tiers. L’autorité administrative peut toutefois retirer
un tel acte au-delà de quatre mois, à la demande du bénéficiaire lui-même. Ces règles ne s'appliquent
bien entendues qu'en l'absence des dispositions législatives ou réglementaires fixant des régimes
spécifiques de retrait.
Enfin l'article 23 de la loi du 12 avril 2000 autorise désormais le retrait des décisions implicites
d'acceptation irrégulière pendant le délai de recours contentieux s'il y a une information des tiers ou à
défaut pendant deux mois après son émission ou enfin pendant la durée de l'instance contentieuse en
cours. Le retrait des décisions régulières non créatrices de droit en principe ne peut exister mais en
cas d'irrégularités d'une décision non créatrice de droit le retrait possible à tout moment.
63. L’exécution de l’acte
Après toutes ces règles concernant l'entrée et la sortie de vigueur d'un acte administratif, c'est-à-dire
toutes les règles qui permettent de modifier en plus ou en moins l'ordre juridique, examinons
maintenant dans un nouveau paragraphe l'exécution d'un acte administratif unilatéral.
Contrairement à ce que l'expression parfois employée à son sujet de décision exécutoire suggère
l'administration n'a jamais le droit, sauf exception, d'assurer elle-même l'exécution des actes
administratifs unilatéraux. C'est pour ça que l'expression décision exécutoire souvent employée est
susceptible de provoquer des fausses notions, des faux amis et des erreurs de compréhension.
Comme toute décision, l'acte administratif unilatéral est pris en vue d'être appliqué. Cependant, en
vertu du privilège préalable, l'acte modifié dès son émission l'ordonnancement juridique et a force
obligatoire. Il doit être respecté tant qu'il n'a pas été annulé par le juge ou retiré par l'administration. Il
est présumé régulier.
Cela veut dire que l'administré peut le contester devant le juge mais que sa requête n’en suspendra
pas ses effets. Il continuera à produire des effets juridiques tant le juge ne l’aura pas déclaré irrégulier.
Cette exécution, dite par provision, trouve sa limite dans le cadre du référé-suspension, comme nous
l'examinerons dans le semestre 4 avec l'étude des procédures contentieuses. L’autorité administrative
ne peut exécuter ses décisions elle-même, comme nous venons de le dire, ne peut exécuter elle-
même ces décisions par la force, d’où le caractère trompeur de la notion de décision exécutoire. Il
appartient comme à toute administré de saisir le juge, le juge pénal, le juge civil voire le juge
administratif des référés pour que le juge l’autorise à recourir à la force. Ca c’est le principe. Ce
principe évidemment subit quelques exceptions. De manière tout à fait exceptionnelle, l'autorité
administrative peut directement employer la contrainte et recourir à la procédure dite de l'exécution
forcée, nommée également exécution d'office, dans seulement trois hypothèses limitativement citées :
premièrement hypothèse d'urgence, deuxièmement en cas d'absence d'autres voies de droit,
troisièmement si un texte de loi le prévoit et ce depuis une décision de 1902 du tribunal des conflits,
société immobilière Saint-Just, reproduit dans tous les grands recueils de jurisprudence.
Nous en venons maintenant pour terminer dans l'exécution des actes administratifs à ce que l’on
nomme l’étude des sanctions administratives. Depuis quelques années, les autorités administratives
peuvent prendre même dans certains cas des sanctions. Sanctions administratives telles que le
blâme, la suspension, l'interdiction d'activité etc.
Le statut juridique de ces sanctions administratives a peu à peu été défini et encadré. Le principe de
la séparation des pouvoirs n'interdit pas de donner de telle compétence à des autorités non-
juridictionnelles mais à la triple condition que les autorités administratives ou que les sanctions
administratives aient été créées par une loi, qu'elles ne prononcent pas une sanction privative de
liberté, qu’elles soient strictement et évidemment nécessaire.
C'est ce qui ressort d'une décision du conseil constitutionnel, décision de 1989 dite loi relative à la
liberté de communication, et d'une autre décision de 1989 aux lois relatives à la sécurité et la
transparence du marché financier.
Depuis 1999, le conseil d’Etat admet d'appliquer les règles du procès équitable aux sanctions
administratives prises par certains organes administratifs. Il est ainsi quand, eut égard à la nature, à la
composition, aux attributions et à la gravité des sanctions prononcées, le juge peut qualifier cet
organisme de tribunal aux sens de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Une telle décision a été prise par exemple à propos des sanctions prononcées par l'ancien conseil des
marchés financiers, ou encore par celles prononcées par la commission bancaire.
Ces sanctions cependant doivent être motivées, prononcées au terme d’une procédure contradictoire.
Toutefois, contrairement à la Cour de Cassation, le conseil d'État estime que la présence du
rapporteur délibéré ne porte pas atteinte au principe d'impartialité, si certaines conditions sont
remplies, en particulier si le rapporteur n'est pas à l'origine de la saisie. Jadis exceptionnel, le
prononcé de telles sanctions est devenu courant, en particulier par les autorités administratives
indépendantes, comme les sanctions pécuniaires infligées par le conseil supérieur de l'audiovisuel
aux sociétés de radio et télévision.
Droit Administratif – L2 – semestre 1
Cours 9 : les contrats administratifs I
64. Introduction
La loi permet, ordonne, interdit. Le contrat lui appelle à la négociation. Partout en Europe le contrat
s’impose chaque jour un peu plus au détriment de la loi comme si pour réglementer ou pour mener à
bien des politiques publiques le contrat était de nos jours autant valorisés que la loi serait disqualifiée.
Un tel développement du contrat public n'appelle évidemment pas en soi de critiques ni de
commentaires. De quelque côté que l'on se tourne, le contrat est aujourd'hui omniprésent dans la
sphère collective qu'il s'agisse de gérer le domaine ou les services publics, de financer, de construire,
d'exploiter des infrastructures, d'acquérir des biens et des services, de piloter l'action administrative et
des politiques publiques ou de régir les relations sociales.
Prenons quelques données chiffrées pour mieux comprendre cette montée en puissance du contrat
public. Les marchés publics d'abord. Selon le recensement de 2006 de l'observatoire économique de
l’achat public, il existe 178 735 marchés publics très exactement, et en 2006 les marchés passés
l’ont été pour une valeur globale d'un montant de 59 milliards d'euros, se répartissant entre 27
milliards d'euros de marchés passés par l'État, et de 32 milliards d'euros pour les marchés passés par
les collectivités territoriales. Ce montant global de 59 milliards est équivalant à environ 8 % du produit
intérieur brut de la France.
Autre exemple : la gestion déléguée. Pour la gestion déléguée, peu de chiffres sont disponibles, sauf
pour le secteur de l'eau, où il existe 29 000 services de distribution d'eau et d'assainissement, dont
20 000 en régie et 9000 en gestion déléguée. La durée moyenne du contrat est de 11 ans. Moins de
10 % des contrats sont remis en concurrence chaque année, et l'opérateur est maintenu en place
dans 96 % des cas. Autre exemple dans la fonction publique, les contractuelles dans la fonction
publique représente 15 à 20 % des effectifs, selon l'observatoire de la fonction publique.
Enfin dernier exemple, la lutte contre l'exclusion. Il existe 541 000 contrats d'insertion du RMI et plus
de 115 000 contrats d'accueil et d'intégration. Cet engouement pour le recours aux contrats publics
trouve sans doute sa source dans la remise en cause plus ou moins forte en France, comme chez nos
partenaires européens, des modes unilatéraux d'action qui caractérisent notre vie publique :
prééminence de l'État central et de la loi, expression d'intérêt général, ou encore préférence des
collectivités publiques pour la gestion en régie, faire soi-même plutôt que de faire faire, etc. Le contrat
public présente de fait des atouts qui contribuent à sa faveur actuelle.
Car si la loi exprime la volonté générale, comme le rappelle la déclaration des droits de l’homme et du
citoyen de 1789, le contrat de son côté fonde la société. Il favorise par sa dimension procédurale, par
le réseau des droits et de devoirs qu'il crée, l'adhésion des citoyens, l'orientation de leur
comportement et incite sans contrainte. Il permet ainsi à la puissance publique d'ordonner autrement
ses rapports avec la société civile. Enfin le contrat est un outil essentiel de régulation dans une
économie de marché, comme en matière sociale, l'émergence d'un droit public économique concerté
et de procédures d'autorisation de sanctions quasi négociées notamment par les autorités
administratives indépendantes témoignent de l'ampleur du mouvement de contractualisation à l’oeuvre
dans notre société.
Mais parce qu’il peut conduire à un affaiblissement d'intérêt général ; le procédé contractuel suppose
être utilisé à bon escient. Cette tendance de fond, que nous avons signalée, mérite de faire l'objet d'un
débat dans le secteur public, et plus globalement dans la société. C'est ainsi que le conseil d'État
dans son étude générale, publiée dans son rapport annuel de 2008, y consacre une large étude
intitulée « le contrat, mode d'action publique et de production des normes ».
Cette étude aborde ainsi un certain nombre de questions : pourquoi l'admiration a-t-elle besoin de
recourir davantage aux contrats ?A quoi sert exactement le contraire administratif ? En quoi est-il
différent des autres normes ou mode d’action de l’administration ? Dans quel cas est-il plus
avantageux pour les pouvoirs publics de recourir aux contrats ? Faut-il envisager de nouvelles
extensions pour la sphère contractuelle ou faut-il encadrer son développement ? Comment améliorer
la sécurité juridique des contrats administratifs ?
Le rapport 2008 du conseil d'État fait un certain nombre de propositions. Plutôt que de créer avec de
nouveaux contrats par des textes spécifiques qui fixent des règles de passation et de fond
particulières à chaque contrat, souvent pour un temps limité, puisque parfois ils sont remis en cause
peu de temps après pour des raisons politiques ou juridiques, le conseil d’Etat recommande de définir
les principes fondamentaux et les règles générales de procédures applicables à l'ensemble des
contrats de commandes publiques, et plus largement les contrats administratifs. Il propose ainsi de
mettre rapidement en chantier un code de la commande publique ou des contrats administratifs. Dans
l'atteinte d'un droit européen des contrats, un effort d’harmonisation du droit des contrats se met en
place, la commission européenne devant adopter un cadre commun de référence en 2009, avant de
mettre en place un véritable droit européen des contrats. Deux émissions, cette année, seront
consacrés aux contrats administratifs : la première à la notion des contrats administratifs, la seconde
sera consacrée au régime juridique des contrats administratifs.
65. Définition et notion de contrat administratif
Généralement, le contrat est défini comme un procédé ou un acte multilatéral, contrairement à la loi
ou à la décision administrative réglementaire ou individuelle qui sont des actes unilatéraux décidés par
une personne (ministre, préfet, maire) ou votée par une institution comme le parlement.
Selon l'article 1101 du Code civil, le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs
personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres à faire ou à ne pas faire aux quelque chose.
Héritage du droit commun, cette convention fait naître des obligations ou crée une relation de
créancier à débiteur.
On trouve également dans la littérature juridique plusieurs autres définitions. Par exemple dès 1370,
une définition ancienne par M. Oresme dit que le contrat est un accord de deux ou plusieurs volontés
en vue de créer une obligation. Beaucoup plus tard, en 1921, Duguit écrit que la convention qui a pour
objet la formation d'une obligation se nomme plus spécialement contrat. Ou encore, de manière tout à
fait contemporain, dans un projet de code européen des contrats de 2001, édité par l'académie des
privatistes européens, donc dans ce projet il est dit que le contrat est l'accord de deux ou plusieurs
parties, destiné à créer, régler, modifier ou éteindre un rapport juridique qui peut comporter des
obligations et d'autres effets même à la charge d'une seule partie.
Afin de préserver l'intérêt général et individuel, la formation du contrat est subordonnée à la présence
de consentement libre et éclairé non vicié, qui se rencontre dans le but de trouver un accord sur la
chose et le prix, il suppose un échange de volonté conclue, il devient la loi des parties selon le vieil
adage romain « pacta sunt servanda », une source de normes ou d'obligations. Le contrat ne doit pas
être confondu avec la Convention, nom générique donné à tout accord de volonté entre deux ou
plusieurs personnes, destiné à produire un effet de droit quelconque.
Quels sont dans ce cadre général les spécificités du contrat administratif ? Comme tout contrat, le
contrat administratif est l'acte dont le contenu règle les rapports mutuels de ces auteurs. Les normes
qu'ils édictent créent entre eux des obligations et des droits, les auteurs du contrat en sont donc
également des sujets.
L'ordre juridique est modifié par l'accord de volonté exprimée par toutes les parties en présence. Nous
voyons donc que cette définition est à la fois différente de celle de l'acte administratif, que nous avons
donnée lors d'une précédente émission, où la modification de l'ordre juridique est le fait d'une seule
personne ; nous voyons aussi que cette définition est très différente de celle que nous avons
précédemment donnée puisqu’il n'est pas du tout question du nombre de personnes présentes au
contrat, ni même de ces d'obligations qu'il crée, de manière précise.
On dit simplement que le contrat est l'acte dont le contenu règle les rapports mutuels de ces auteurs.
Tous les contrats des personnes publiques obéissent à un certain nombre de règles communes
(interdictions de contacter dans certains domaines, par exemple) que ces contrats soient de droit
public ou de droit privé. Car l'administration, les autorités administratives peuvent passer et passent
des contrats régis par le droit public ou des contrats régis par le droit privé. Ces contrats de droit
public obéissent à des règles spécifiques, dû à leur caractère administratif et à la compétence de la
juridiction administrative.
Il est donc important de délimiter parmi les contrats passés par les personnes publiques quels sont
ceux qui sont administratifs, et qui ne sont pas, loin de là, la majorité. Mis à part quelques rares
interventions de la loi, les critères du contrat administratif sont essentiellement opposés par le juge.
Ce sont donc des critères d'origine principalement jurisprudentielle. Et selon cette définition
jurisprudentielle, un contrat administratif est un contrat conclu par une personne publique qui contient
soit des clauses exorbitantes du droit commun, soit fait participer le cocontractant à l'exécution du
service public. Nous trouvons donc dans cette définition jurisprudentielle un critère fixe, la présence
nécessaire d'une personne publique, autrement dit un critère organique, mais également un critère
alternatif, dit matériel. Il faut en plus de la personne publique soit des clauses exorbitantes du droit
commun, soit la participation du cocontractant à l'exécution de services. Nous verront donc en trois
sections : premièrement la présence nécessaire d'une personne publique (critère organique),
deuxième section le critère complémentaire alternatif dit critère matériel, et enfin troisième section, les
cas où il existe des contrats administratifs par qualification de la loi, par détermination de la loi
66. Le critère organique, le principe
Section 1 : le critère organique ou la présence nécessaire d'une personne publique. En principe donc
un contrat administratif suppose la présence au moins d'une personne publique. Un contrat entre deux
personnes publiques revêt en principe un caractère administratif, sauf dans les cas où, eut égard à
son objet, il ne fait naître entre les parties que des rapports de droit privé. Ce principe avait été opposé
par un arrêt du tribunal des conflits de 1983, l’arrêt UAP (union des assurances de Paris) reproduit
dans votre fascicule et dont je lis le considérant principal : « considérant qu’un contrat conclu entre
deux personnes publiques revêt en principe un caractère administratif, impliquant la compétence des
juridictions administratives pour connaître des litiges portant sur les manquements aux obligations en
découlant, sauf dans les cas où, eut égard, à son objet il ne fait naître entre les parties que des
rapports de droit privé ».
Après cette position de principe, le tribunal des conflits examine et l’applique aux faits de l'espèce à
propos d'un contrat un passé entre le centre national d'exploitation des océans, qualifié par la loi
d'établissement public industriel et commercial, et le fait qu’il avait confié par contrat la gestion
administrative et logistique du navire océanographique Jean Charcot, au secrétariat d'État aux postes
et télécommunications.
Alors le tribunal des conflits analyse la nature de ce contrat, il conclut que ce contrat, eut égard à son
objet, a fait naître entre les parties des rapports qui ne relèvent pas du seul droit privé, qu’il revêt dès
lors un caractère administratif et que par ensuite la requête par laquelle les assureurs du centre
national d'exploitation des océans, subrogés dans ses droits, réclament au ministre des PTT le
remboursement des indemnités versées par eux à la société des câbles de Lyon, à la suite de la
détérioration par une dague du Jean Charcot, par un câble sous-marin en cours de pause, dont la
présence n'a pas été signalé au centre national d'exploitation des océans. Et donc que ce litige
ressortait à la compétence des juridictions administratives.
Mais ce principe ainsi posé souffre de nombreuses exceptions qu'il nous faut maintenant examiner, et
le trait commun de ces exceptions est de ne pas être toujours très claire ou très défendu en doctrine.
67. Les exceptions au critère organique
Paragraphe 2 exceptions au critère organique. Tout d'abord, la première exception classique qui ne
fait pas beaucoup de difficulté a trait à la théorie du mandat.
En principe, un contrat passé entre deux personnes privées n'est pas administratif, comme nous
venons de le voir. Mais l'application de ce principe n'est cependant pas rigide. Par une interprétation
extensive de la notion de personne publique le juge qualifie d’administratif un contrat passé entre
deux personnes privées lorsqu'ils résultent qu’un des cocontractants a agi pour le compte d'une
personne publique.
Cette solution ne constitue pas une véritable exception critère organique mais une modalité
d'application de celle-ci. La personne publique est réputée être partie au contrat passé par son
mandataire, par application du principe de la séparation. En dehors de cette théorie du mandat qui est
communément accepté, le juge a consacré d'autres exceptions au critère organique.
Première exception, celle posée en 1963 parla décision du tribunal des conflits Société Entreprise
Peyrot. Par dérogation au principe de la présence d'une personne publique, le juge estime qu’un
contrat administratif s'il a pour objet la construction de routes nationales ou d'autoroutes car celles-ci
appartiennent par nature à l'état. En conséquence, les contrats qui portent sur cette construction ont
nécessairement un caractère administratif quel que soit la qualité des parties, y compris s'il s'agit de
personnes privées, purement privées.
Quels étaient les faits de l’espèce ? Je vous renvoie à la lecture donc de cet arrêtde votre recueil de
jurisprudence. Une loi de 1955 avait fixé le statut des autoroutes. Elle disposait dans son article 4 que
la construction et l'exploitation d'une autoroute pouvaient à titre exceptionnel être concédées à une
collectivité publique, à une chambre de commerce ou une société d'économie mixte. La société de
l'autoroute Esterel-Côte d'Azur avait été ainsi constituée un application de ce texte. Elle avait reçu la
concession de l'autoroute par convention, approuvée par décret en conseil d’état. La société avait
passé des marchés avec un entrepreneur pour la construction de l’autoroute. L'un de ces contrats
conclu avec la société entreprise Péyrot donne lieu à un litige.
Le problème juridique soulevé par cette affaire se rattachait au développement des nouveaux modes
d'action de la puissance publique. Nous sommes en 1963, à la fin des années 50. De plus en plus
souvent, l'État commençait à agir non pas directement mais par personne interposée. Ses missions,
mêmes les plus traditionnelles, étaient confiées à des organismes de statut privé, tel que société,
association, mutuelle ou syndicats.
Dans le domaine des grands travaux et des opérations d’urbanisme, la technique la plus couramment
utilisée est celle des sociétés d'économie mixte ou SEM. Ces sociétés, dont beaucoup étaient des
filiales de la caisse des dépôts et consignations, étaient constitués par des capitaux privés et publics,
les capitaux publics étant souvent largement majoritaire. Soumis un contrôle étroit de l’Etat, elles
étaient chargées d'une mission d'étude de construction et d'exploitation. Il arrivait que ces sociétés
recourent à capital entièrement privé. L'association de ces organismes privés, de forme commerciale,
à l'exécution de service public posait inévitablement des questions de répartitions entre d'une part le
droit public et la compétence administrative, et d'autres pas le droit privé et la compétence judiciaire.
Que décide et comment s'effectue alors le raisonnement du tribunal des conflits ? Le fondement
juridique retenu par le tribunal des conflits qui dépasse les solutions antérieures présente une certaine
approximation. C'est pour ça que cette jurisprudence va être très critiquée.
Sur la jurisprudence antérieure, il n'était pas douteux que le contrat conclu entre l'État et la société
était administratif, et les travaux de construction d'autoroutes des travaux publics, mais aussi que le
marché passé entre la société et entreprenant gardait un caractère privé. C'est pour la qualification
des contrats passés par la société avec des entrepreneurs qu'apparaissent les difficultés.
La jurisprudence a en effet posé en principe que seuls les contrats passés par une personne publique
ont un caractère administratif. Le tribunal des conflits, s’il a dérogé en l'espèce au principe selon
lequel les contrats passés par des personnes publiques ne peuvent pas avoir un caractère
administratif, c'est essentiellement, semble-t-il, pour des motifs d'opportunité. Motifs développés par
les conclusions du commissaire du gouvernement Lasry et dans les commentaires du président
Josse.
Il serait fâcheux, pensait-il, que pour des travaux de même nature le régime juridique applicable soit
différent selon que qu’ils soient directement exécutée par l’Etat ou confié à une société d'économie
mixte. Il est souhaitable que ces travaux soient dans leur ensemble, quelque soit la forme utilisée,
soumis au droit public et que leur contentieux soit réglé par le juge administratif. Ils seront ainsi régis
par les principes généraux des contrats administratifs, posés par le conseil d'État, en fonction de
préoccupations d'intérêt général. Il s'agissait en si somme toute d’éviter sur le plan juridique la
privatisation des grands travaux d'État. Après cité les termes de la loi de 1955, le tribunal des conflits
et a déclaré que « la construction des routes appartient par nature à l'état, que les marchés passés
pour cette exécution sous soumis au droit public » et il ajoute « qu'il doit en être de même pour les
marchés passés pour la construction d'autoroutes, quelques soit les modalités adoptées et même
lorsque la construction est confiée à une société d'économie mixte, agissant en pareil cas pour le
compte de l'État « .cette dernière expression ne constitue pas une référence suffisante à la notion
juridique de mandat, qui ne pourrait-elle s'appliquer sans inconvénient dans ce domaine. La société
concessionnaire en effet n'était pas un véritable mandataire au sens précis du terme.
Quel est dès lors la portée de cet arrêt ? Cette jurisprudence est actuellement très critiquée. La
construction des autoroutes est actuellement confiée de manière quasi exclusive à des personnes
privées. On est loin de la tradition alors en vigueur en 1963. De plus, si l'on peut penser qu'il existe
des activités qui appartiennent par essence à l’Etat, qui en sont ses éléments constitutifs en quelque
sorte, il est plus délicat d'affirmer qu'il y a des activités qui lui appartiennent par nature, et ce d'autant
plus que le juge a cantonné le champ d'application de cette jurisprudence d’activités appartenant par
nature à l’Etat aux seuls ouvrages routiers et autoroutiers.
La 2eme exception a été posée par l'arrêt du conseil d'État du 30 mai 1975, société d'équipement de
la région montpelliéraine, reproduite dans votre fascicule de travaux dirigés.
Cette deuxième exception concerne les effets des contrats passés par les sociétés d'économie mixte
avec des entrepreneurs. Et qui portent sur des travaux d'aménagement urbain. Dès que le produit de
ces travaux d'aménagement urbain est remis dès leur achèvement à la société concédante, laquelle
se substitue à la personne privée pour toute action décennale, dès lors que ces deux critères sont
réunis, on est en présence d'un contrat administratif, quelles que soient donc les personnes en
présence, par exception au critère organique.
Ces 2 critères, c'est-à-dire la remise des travaux d'aménagement urbain dès leur achèvement à la
personne concédante et le fait que celle-ci se substitue à la personne privée pour toute action
décennale, laisse perplexe, autant que la méthode choisie par le conseil d'État pour y arriver, dit du
faisceau d’indices. Cette perplexité est d'autant plus grande que le juge se réfère également, quand
vous lisez le texte, à la théorie du mandat. Je cite « la société d'économie mixte agit non pour son
propre compte ni en sa qualité de concessionnaire mais pour le compte des collectivités publiques
auxquelles les voies devaient être remises ».
Les autres exceptions sont au nombre de deux et sont plus minoritaires.
La première a été posée dans la décision Laurent, également par le tribunal des conflits, qui renvoie à
la juridiction administrative la connaissance du contentieux né entre un comité des fêtes municipal et
manadier1. Il considère le contrat relatif à l'exécution d'une mission de service public, un lâcher de
taureaux traditionnel, il considère que ce contrat est également administratif parce que ledit comité
des fêtes a agit pour le compte d'une personne publique, eut l'égard à son organisation et à son mode
de financement . Il semble là qu’il y ait une référence manifeste à la notion de transparence de la
personnalité morale des associations parapubliques.
Dernière exception également minoritaire, dans la décision Société Nersa du 10 mai 1993. A nouveau
le tribunal des conflits a eu recours à la méthode du faisceau d'indices pour considérer que la société
Nersa agissait pour le compte d'électricité de France, créée par décret en l'application d'une loi, cette
société dont le capital est majoritairement détenu en droit comme en fait par une personne publique et
dont le personnel bénéficie d'un statut semblable à celui du personnel d'edf, poursuit des objectifs
identiques à ceux des établissements publics. On a pu y voir un régime exorbitant du droit commun
qui sert ici à prouver la présence d'une action menée pour le compte d'une personne publique, ou
encore l'attachement du juge aux éléments tirés de la ressemblance de cette société avec un
établissement public et qui ne sont pas loin de faire passer à l'idée de transparence du caractère privé
de cette personne morale comme dans la décision Laurent.
Ces deux dernières exceptions sont minoritaires et ne concernent que les cas cités. Après examen de
ce critère organique, donc en principe, pour qu’un contrat soit administratif il faut d'abord qu’il y ait la
présence d’une personne publique, ce critère organique ne suffit pas et doit être complété par un
critère complémentaire dit alternatif : le critère matériel.
68. Les clauses exorbitantes du droit commun
Section 2 le critère complémentaire alternatif, dit critère matériel.
La présence d’une personne publique au contrat est une condition nécessaire mais pas suffisante
pour qu’on soit en présence d’un contrat administratif. Pour être administratif, le contrat doit en outre
présenter soit des clauses exorbitantes du droit commun, soit un lien avec le service public
Les clauses exorbitantes du droit commun sont inusuelles dans les relations entre particuliers. Elles
marquent l'exercice de prérogatives de puissance publique et ce critère a été posé par un vieil arrêt du
conseil d'État de 1912, société des granits porphyroïdes des Vosges, reproduit dans les livres de
jurisprudences administratives auxquelles je vous renvoie. Un litige s'étant élevé entre la ville de Lille
et la société des granits porphyroïdes des Vosges, relativement un marché portant sur une fourniture
de pavés, le conseil d'État déclare que la juridiction est incompétente pour connaître d'un contrat qui
avait, je cite, « pour objet unique des fournitures à livrer, selon les règles et conditions des contrats
intervenus entre particuliers ».
Dans ses conclusions, le commissaire du gouvernement Léon Blum avait rappelé que l’administration
peut, tout en agissant dans l'intérêt d'un service public, contracter dans les mêmes conditions qu'un
simple particulier et se trouver soumise aux mêmes règles comme aux mêmes juridictions. Ainsi se
trouvait posé le principe selon lequel les contrats conclus dans l'intérêt d'un service public pouvaient
1 Éleveur de troupeaux de chevaux et de taureaux en Camargue
être soit des contrats de droit commun, soit des contrats administratifs. Dans ses conclusions, Léon
Blum indiquait les éléments et les critères distinction.
Je cite « quand il s'agit de contrat, il faut rechercher non pas en vue de quel objet ce contrat est
passé, mais ce qu'est ce contrat de par sa nature même. Et pour que le juge administratif soit
compétent, il ne suffit pas que la fourniture qui est l'objet du contrat doive être ensuite utilisé pour le
service public. Il faut que ce contrat par lui même, et de par sa nature propre, soit de ceux qu'une
personne publique peut seule passer, qu'il soit, par sa forme et sa contexture, un contrat administratif.
Ce qu’il faut examiner, c’est la nature du contrat lui-même, indépendamment de la personne qui l’a
passée et de l’objet en vue duquel il a été conclu ». Le commissaire du gouvernement considérait que
le critère du contrat administratif était la présence de clauses exorbitantes du droit commun.
Depuis cet arrêt société des granits porphyroïdes des Vosges, la jurisprudence a eu l'occasion de
préciser le critère de la clause exorbitante ainsi que sa portée. Le critère de la clause exorbitante n'est
pas parfaitement clair. Certains arrêts y voient une clause qui n'est pas usuelle dans les rapports entre
particuliers, d'autres définissent la clause comme ayant pour objet et pour effet de conférer au parti
des droits ou de mettre à leur charge des obligations étrangères par leur nature à ceux qui sont
susceptibles d'être librement consentis par quiconque dans le cadre des lois.
On a pu y voir également la clause fondée directement sur des motifs d'intérêt général. Parmi les
exemples courants de clauses exorbitantes, on trouve celles qui permettent à l’administration de
résilier elle-même le contrat, de diriger, surveiller ou contrôler son exécution.
En revanche n'ont pas été considérée comme exorbitante une clause de résolution de plein droit, en
cas d'inexécution de certaines obligations, la clause par laquelle une commune s'engage à lever les
impôts nécessaires en remboursement d’un emprunt. Le cumul de clause exorbitante dans un même
contrat est évidemment déterminant.
Mais une seule clause exorbitante peut aussi bien suffire à imprimer le caractère administratif au
contrat où elle se trouve. Désormais, le critère de la clause exorbitante s'est élargi avec celui du
régime exorbitant, selon lequel le contrat est conclu. Ainsi ont été considéré comme administratifs, les
contrats par lesquels EDF achète aux producteurs autonomes d'électricité le courant produit par leurs
installations, ses contrats étant conclus obligatoirement et leur contentieux donnant lieu à une
intervention préalable du ministre. C’est la décision à laquelle je vous renvoie, et qui est reproduite, du
conseil d'État en 1973 Société d'exploitation électrique de la rivière du Sant.
La question des critères de la clause ou du régime exorbitant du droit commun s'est posé
particulièrement pour les marchés publics, contrats par lesquels les personnes publiques chargent
une entreprise de prestations, moyennant une rémunération consistant dans le prix qu’elle paie, tel
était le cas dans l'affaire société des granits porphyroïdes des Vosges où l'absence de clause
exorbitante a conduit le conseil d'État à dénier au marché un caractère à administratif.
La loi du 11 décembre 2001, dite loi MURCEF, est revenue sur ces solutions en disposant, article 2,
« les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats
administratif ».s il en est ainsi même s'ils sont conclus sur formalités préalable. Un contrat de
fourniture de pierre pour le revêtement d'une place publique, semblable au marché de fourniture de
pavés de l’affaire société des granits porphyroïdes des Vosges, a donc été reconnu désormais comme
administratif. Ce sont donc désormais des contrats administratifs par détermination de la loi.
69. Le lien avec le service public
Deuxième paragraphe le lien avec le service public.
S’il n’existe pas de clauses exorbitantes ou du régime exorbitant du droit commun, un contrat
administratif peut également être donc soumis au régime de droit public, si en plus d'une personne
publique au contrat, celui-ci entretient un lien fort avec le service public.
La 1ère référence de ce lien entre le contrat et le service public a été mentionnée dans l’arrêt Théron
de 1910, rendu à propos de la capture et de la mise en fourrière des chiens errants et l'enlèvement de
bêtes mortes. Je vous renvoie là aussi à votre recueil de jurisprudence, où il indique qu'en traitant
dans les conditions rappelées avec le Sieur Théron, la ville de Montpellier a agit en vue de l'hygiène
de la sécurité de la population et a eu dès lors pour but d'assurer un service public, qu’ainsi les
difficultés pouvant résulter de l'inexécution de la mauvaise exécution de ce service sont, à défaut d'un
texte en attribuant la conséquence une autre juridiction, de la compétence du conseil d’Etat.
Dès lors, le marché passé entre la ville de Montpellier et le Sieur Théron, qui avait pour objet la
capture et la mise en fourrière de chiens errants et l’enlèvement de bêtes mortes, était un contrat à
administratif.
Ce lien a été désormais affiné dans deux décisions rendu en 1956 : la décision Ministre de
l'agriculture contre consorts Grimouard, et la décision Epoux Bertin, reproduites également dans votre
jurisprudence.
Désormais, le lien avec le service public est entendu de la manière suivante. Le contrat est
administratif lorsqu'il constitue une modalité d'exécution du service public ou lorsqu'il confie à un
particulier l'exécution même du service public. Donc le lien avec le service public est lui-même divisé
en deux branches : soit le contrat constitue une modalité d'exécution du service public, soit il confie à
un particulier l'exécution même du service public. Cela ressort clairement des deux affaires Bertin et
Grimouard.
Dans l’affaire Bertin, les ressortissants soviétiques qui se trouvaient en France au moment de la
libération avaient été hébergés dans des centres de rapatriement, placé sous l'autorité du ministre des
anciens combattants. Le 22 novembre 1944 les époux Bertin s'étaient engagés à les héberger par un
contrat verbal passé avec le chef du centre. Le 1er décembre 1944, le chef du centre leur demanda de
servir un complément de nourriture mais le ministre des anciens combattants refusa de payer le
montant d'une prime pour ce supplément. L'affaire fut portée devant le conseil d'État, dont le ministre
déclina la compétence. Suivant les conclusions du commissaire du gouvernement M. Long, le conseil
d'État a admis que le contrat qui confiait un particulier l'exécution même d'un service public était
nécessairement un contrat administratif.
Dans la seconde affaire, l’affaire Grimouard, l'administration des eaux et forêts avait entrepris des
opérations de reboisement sur des terrains privés en vertu de contrats passés des propriétaires,
suivant la procédure fixée par la loi du 30 septembre 46. L’arrêt considère que l'exécution de ces
opérations constitue si l'une des modalités d'exécution même du service public préposé tant à la
conservation au développement et à la mise en valeur de la forêt française. Il s’en suit que ces
opérations ont le caractère de travaux publics et que quelles que puisse être la nature des stipulations
incluses dans les contrats, ceux-ci tiennent leur objet même de caractère de contrat administratif. Les
2 arrêts, par une référence commune à l'exécution du service public, apportent une contribution
essentielle à la définition des contrats administratifs, avec cette double branche dont nous avons
parlé. Pour l’arrêt Epoux Bertin, l'espèce était assez insolite puisque l'accord passé entre
l'administration et les époux Bertin était verbal, il ne contenait manifestement aucune clause
exorbitante du droit commun. Toutefois le commissaire du gouvernement invita en termes pressant le
conseil d'État a réexaminer le fondement de sa jurisprudence et donc à créer un nouveau critère à
côté de celui des clauses exorbitantes.
Je cite le passage des conclusions du commissaire du gouvernement « allez vous juger que le contrat
est de droit privé ? Vous y êtes conduits si de jurisprudence exige la juxtaposition de deux conditions,
chacune nécessaire et chacune insuffisante pour qu’un contrat soit administratif, la participation au
service publique, l’existence de clauses exorbitantes du droit commun. La seconde de ces conditions,
celle qui tend à être considérée comme la condition essentielle, manque incontestablement au cas
d’espèce Bertin. Cependant la solution face de laquelle vous vous trouvez n'est pas admissible pour le
juge administratif. Le rapatriement des ressortissants étrangers, leur hébergement avant leur départ,
entrent dans les attributions les plus traditionnelles de l'État, c'est une mission qui peut même engager
sa responsabilité internationale. L'on connaît bien la sensibilité des opinions publiques nationales à
cet égard. Si la détermination des activités de service public de l'État peut parfois prêter à discussion,
nous sommes ici incontestablement en présence d’une mission de service public, nous dirions même
si c’était nécessaire de puissance publique. Nous ne pouvons en aucun cas laisser l’administration
confier à un simple particulier l'exécution d'une mission de service public et se dépouiller en même
temps des droits et prérogatives que lui assure le régime de droit public. Dès lors, nous devons nous
demander si lorsque l'objet d'un contrat est l’exécution même du service public, cet objet ne suffit pas
à le rendre administratif même s'il ne contient pas de clauses exorbitantes du droit commun ».
Dans l’arrêt Bertin, le conseil d’état a suivi ce raisonnement du commissaire du gouvernement, et
depuis que le juge a confirmé, précisé cette solution notamment pour les contrats de louages de
services. Donc désormais le contrat est administratif quel que soit ses clauses soit s’il confie au
cocontractant l'exécution directe et immédiate d'une mission de service public, soit si pour charger le
cocontractant d'une mission de service public, il a pour objet l'exécution même du service public
assuré par l’autorité administrative contractante.
Si le critère du service public ne joue pas, un contrat peut néanmoins être administratif dès lors qu’il
comporte des clauses exorbitantes du droit commun. En l'absence de ces critères, sauf dispositions
législatives particulières, les contrats d'administration restent des contrats de droit privé.
Il faut maintenant signaler que désormais tous les contrats d'engagement de personnel dans les
services publics administratifs sont publics quel que soient l'emploi occupé, et ce depuis la décision du
tribunal des conflits de1996, Préfet de la région Rhône Alpes, dite affaire Berkani. Nous en trouvons
une application rendue par le conseil d'État aussi en1996, dans la décision Commune de Cereste,
reproduite dans votre fascicule. Cette double jurisprudence, posée donc à la fois par le tribunal des
conflits puis par le conseil d'État, met fin à une jurisprudence inutilement compliquée et qui concernait
les contractuels de droit public ou de droit privé, en tout cas les personnels recrutés par contrat par les
personnes publiques.
C’est l’exemple très connu de la jurisprudence Dame Veuve Mazeran. Une école avait donc recruté un
personnel des service, la dame veuve Mazeran, qui dans la journée pouvait s'occuper des enfants
avec le personnel enseignant mais le soir nettoyait les locaux du l’école. On avait estimé que quand
cette dame aidait les enseignants a s'occuper des enfants, elle était sous régime de droit public, par
contre le soir après le départ des enfants et des enseignants, quand elle nettoyait les bureaux, elle
était sous régime de droit privé. Cette jurisprudence, inutilement compliquée, a ainsi été abrogé par la
décision du tribunal des conflits Berkani de 1996, plus exactement la décision Préfet de la région
Rhône-Alpes, Préfet du Rhône et autres / Conseil de prud'hommes de Lyon, dite affaire Berkani, qui
indique très clairement « considérant que les personnels non statutaires travaillant pour le compte
d'un service public à caractère et administratif uniquement sont des agents contractuels de droit public
quel que soit leur emploi ».
Dans l'espèce M. Berkani travaillait depuis 60 ans en qualité d'aide de cuisine service du CROUS de
Lyon-Saint-Étienne, il s'ensuit que le litige l'opposant à cet organisme, qui gère un service public à
caractère administratif, relève de la compétence de la juridiction administrative, et que c'est donc à
juste titre que le préfet de la région Rhône-Alpes, Préfet du Rhône avait élevé le conflit. Vous en
trouverez une application dans la décision commune de Cereste du conseil d'État qui est reproduite
dans le fascicule.
70. La qualification par la loi
Nous en venons maintenant très brièvement à la section 3 : les contrats administratifs par qualification
de la loi. Certains contrats sont administratifs par détermination de la loi. Il en est ainsi pour le contrat
relatif aux travaux publics si le critère organique est remplie (loi du 28 Pluviose, An 8), pour les
contrats comportant occupation du domaine public, enfin pour les marchés entrant dans le champ
d'application du code des marchés, et ce depuis la loi 1168 du 11 décembre 2001, portant mesures
urgentes des réformes à caractère économique et financier dite loi MURCEF, que nous allons souvent
retrouver, et qui dit que dans son article 2, je cite, « les marchés passés en application du code des
marchés le caractère administratif ». Toutefois le juge judiciaire demeure compétent pour connaître
des litiges qui relèvent de sa compétence et qui ont été porté devant lui avant la date d’entrée en
vigueur de la présente loi. Ce n’est qu'une mesure transitoire. Désormais, les marchés passés en
application du code des marchés publics ont le caractère de contrat administratif.
Droit Administratif – L2 – semestre 1
Cours 10 : les contrats administratifs II
71. Le caractère écrit du droit de la formation des contrats
Enregistrement numéro 10 : les contrats administratifs, leur régime juridique.
Si le régime juridique de la formation des contrats administratifs est largement écrit, celui de
l'exécution des contrats est au contraire d'origine principalement jurisprudentielle. Nous allons donc
l’examiner en deux sections indépendantes : sections1, le caractère largement écrit du droit de la
formation des contrats, puis en section 2, le caractère au contraire essentiellement jurisprudentiel du
droit de l'exécution du contrat, enfin avant d'examiner dans une section 3 les recours contentieux,
spécifique typique des contrats à caractère administratif.
Section1 : le caractère largement écrit du droit de la formation des contrats administratifs. Les
personnes publiques passent de très nombreux contrats et ces derniers sont tout aussi nombreux
qu'hétérogènes, comme nous avons pu le voir dans la notion générale à la notion de contrat
administratif examiné dans le cours numéro 9.
Mais une distinction principale parmi tous ces contrats oppose les marchés publics aux contrats de
délégation de service public.
D’où les deux premiers paragraphes consacrés le premier au marché public et le deuxième à la
délégation de service publics. Le troisième paragraphe sera consacré au choix du cocontractant dans
les marchés publics, le quatrième aux règles de publicité préalable de mise en concurrence et le
cinquième aux aléas de la rédaction du code des marchés publics.
Paragraphe premier : le marché public.
Depuis la publication de l’article 1er du code des marchés publics de 2004, le marché public est
désormais défini comme selon la loi des contrats conclus à titre onéreux avec des personnes
publiques ou privées par les personnes morales de droit public, pour répondre à leurs besoins en
matière de travaux, de fourniture ou de services, quel que soit leur montant. Le marché public est
donc un contrat écrit, comportant une soumission d’offre, l’acte d'engagements du candidat, et les
cahiers de charges qui déterminent la plus grande partie des obligations contractuelles, cahier des
clauses administratives générales, cahier des clauses techniques particulières, etc. Il est soumis aux
règles définies dans le code des marchés et les formalités qui doivent être respectées lors de la
passation varient suivant leurs montants.
Désormais, en application de la loi du 11 décembre 2001, portant mesures urgentes des réformes à
caractère économique et financier, dite loi MURCEF, tous les marchés publics passés en application
du code des marchés sont des contrats administratifs. Cette qualification emporte en conséquence de
soumettre tous les marchés publics au contrôle de légalité, quel que soit leur montant.
Aussi afin de ne pas encombrer les services de l'État, l'article 11 de la loi dispense-t-elle de l'obligation
de transmission pour les marchés publics passés sans formalités préalables en raison de leur
montant.
L'article 1 du code des marchés donne d'autres précisions : quel que soit leur montant, les marchés
publics respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des
candidats et de transparence des procédures. Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la
commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. Ils exigent une définition préalable des
besoins d'achats publics, le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence, le choix
de l'offre économiquement la plus avantageuse.
Les marchés publics de travaux ont pour objet la réalisation de tous travaux de bâtiment ou de génie
civil, à la demande d'une personne publique exerçant la maîtrise d'ouvrage. Les marchés publics de
fourniture ont pour objet l'achat, la prise en crédit-bail, la location ou la location-vente de produits ou
matériels. Les marchés publics de services ont pour objet la réalisation de prestation de services.
Un marché public relevant d'une des trois catégories mentionnées ci-dessus peut comporter, à titre
accessoire, des éléments relevant d'une autre catégorie. Lorsqu’un marché public a pour objet à la
fois des services et des fournitures, il est un marché de services, si la valeur de ceux-ci dépasse
celles des produits à fournir.
Les délégations de service public dans un paragraphe 2.
La délégation de service public est désormais définie par la loi, plus exactement l'article 3 de la loi du
11 décembre 2001 dont nous avons parlé, comme, je cite, « un contrat par lequel une personne
morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un
délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de
l'exploitation du service ». Cet article 3 de la loi de 2001 est maintenant inclus dans le code général
des collectivités territoriales à l'article L. 1411 -1.
La concession de travaux publics ou de service public est l'exemple le plus ancien de contrats de
délégation de service public. Dans la mesure où il s'agit de confier la gestion d'un service public,
l’administration choisit librement son partenaire. Cependant, pour éviter toute dérive, la loi du 29
janvier 1993, relative à la prévention de la corruption, dite loi Sapin, pose un certain nombre de
règles : publicité, liste des candidats admis à présenter l’offre, etc. La gestion s'effectue en principe
aux risques et périls du concessionnaire, ce dernier étant rémunéré au moins substantiellement par
les résultats de l'exploitation prise en charge.
Les contrats administratifs sont soumis à un formalisme les procédures de passation de plus en plus
encadrée par le droit national ou par le droit communautaire, et de plus en plus contrôlés, comme
nous le verrons un peu plus tard dans la section 3 avec par exemple le référé précontractuel depuis
1989.
Cet encadrement législatif de la formation des contrats nous amène à étudier maintenant dans un
paragraphe 3 le choix du cocontractant et marché public.
Le décret du 7 mars 2001, portant réforme du code des marchés publics, a simplifié la procédure de
mise en concurrence. Les marchés publics peuvent être passés sans formalités préalables lorsque le
seuil de 90 000 € hors taxes n'est pas atteint. Entre le seuil de 90 000 €hors taxes et celui de
200 000€ hors taxes, pour les collectivités publiques territoriales, ou du 130 000 €, hors taxe pour
l'État, la personne publique a la possibilité juridique de choisir d'attribuer le marché au terme d'une
procédure de mise en concurrence simplifiée, publicité obligatoire, négociations avec au moins deux
candidats, en utilisant la procédure de l'appel d'offres ou des marchés négociés. A partir du seuil de
130 000€ HT, ou de celui de 200 000 € HT pour l'État, la personne publique ne peut utiliser que la
procédure d'appel d'offres sauf dans les 11 cas où à titre dérogatoire le nouveau code oblige de
recourir à la procédure du marché négocié. Au-delà du seuil de 90 000 € hors taxes, les marchés
doivent nécessairement être écrits, être constitué d'un acte d'engagement, de cahier des charges et,
le cas échéant, de bon de commande.
Nous avons parlé de règles de publicité, désormais de mise en concurrence qu’imposent les textes.
Paragraphe 4 : les règles de publicité et de mise en concurrence.
Sous l’influence du droit communautaire, les règles destinées à assurer la transparence et la mise en
concurrence accrue entre les candidats n'ont cessé de se renforcer : lois de janvier 91, janvier 92,
décembre 93, décembre 2001.
Les personnes publiques sont désormais soumises, comme les personnes privées, au respect des
règles de publicité de mise en concurrence imposée par le code des marchés publics et/ou les
directives communautaires. Cette soumission est désormais étendue sauf exception aux interventions
des services d'État, des régions et des départements en matière de concours technique auprès
d'autres collectivités publiques. C'est ce qui ressort de l'article 1 de la loi du 11 décembre 2001, dite loi
MURCEF. Cette loi s’étend également à certains organismes qui ne relèvent pas du code des
marchés publics mais qui sont qualifiés de pouvoirs adjudicataires par le droit communautaire comme
la Banque de France ou les établissements publics industriels et commerciaux.
Nous avons dit donc que le droit de la formation des contrats est un droit est anciennement écrit,
comme nous venons de le voir les règles sont posées par la loi, et les différents textes de lois ont
donné lieu à la réaction d'un code des marchés publics, nous en avons parlé également.
Le code des marchés publics, depuis sa première parution, a subi de nombreux aléas juridiques.
Paragraphe 5 : les aléas du code des marchés.
Fruit d'une longue maturation, le code des marchés publics du 7 mars 2001 a été vite périmé. Alors
qu'il a été simplement question de le modifier, le décret du 7 janvier 2004 portant code des marchés
publics l'abroge et le remplace. Il est entré en vigueur le 10 janvier 2004.
Ce « nouveau nouveau » code se voulait ainsi plus conforme au droit communautaire, mais il n'a pas
convaincu la commission européenne, qui a décidé, le 4 février 2004, de saisir la cour européenne de
justice contre la France pour non conformité avec les directives marchés publics et le traité de la
communauté. En l'état actuel du droit positif, les principales modifications du code entré en vigueur en
janvier de 2004 ont pour objet de donner davantage de souplesse et de marges de manoeuvre aux
acheteurs publics et de transparence aux procédures. Il est accompagné d'un manuel d'application.
Le code 2004 a été remplacé par un « nouveau nouveau nouveau » code, entrée en vigueur le 1er
septembre 2006, cette réforme s'inscrivant dans la continuité de celle du code de 2001 et 2004, son
application restant inchangée. Cette réforme n’est toujours applicable qu'aux marchés de l'État et des
ces établissements publics industriels et commerciaux, aux collectivités territoriales et à leurs
établissements publics.
Ce troisième code de 2006 a subi, lui aussi, une annulation partielle de certaines de ses dispositions
ayant été annulée par le conseil d'État, dans un arrêt célèbre de 2007, Société EGF- BTP et autres.
Ces annulations restent toutefois limitées. Le conseil d'État a donc annulé trois dispositions du code
des marchés publics, annexés au décret du 1er août 2006, et deux points de sa circulaire
d'application. La haute juridiction avait été saisie d'une dizaine de requêtes critiques en différents
points du code, version de 2006 .dans un arrêt d'une longueur exceptionnelle (22 pages !), le conseil
d'État rejette la plupart des moyens articulés à un l’encontre du texte. Seules certaines dispositions
visant à favoriser les petites et moyennes entreprises et une interprétation de la deuxième partie du
code par la circulaire de 2006 sont annulées.
72. Les prérogatives juridiques de la personne publique
Section 2 : le caractère essentiellement jurisprudentiel du droit de l'exécution des contrats.
Dans l'exécution du contrat, la personne publique détient des pouvoirs spécifiques à l'égard du
cocontractant, qui se justifient par la poursuite de l'intérêt général. En contrepartie le cocontractant
bénéficie d'un droit à l'équilibre financier du contrat, qui donne lieu à une indemnité ou à son
rétablissement. D’où 2 paragraphes. Paragraphe premier : les prérogatives juridiques de la personne
publique, paragraphe 2 : les doits financiers des cocontractants.
Paragraphe premier : une exécution marquée par une prérogative juridique de la personne publique.
L'exécution des contrats administratifs ne respecte pas à la règle fondamentale d'égalité des parties.
De plein droit, la personne publique dispose d'un pouvoir de direction et de contrôle et peut prononcer
des sanctions motivées, après mise en demeure. Ces sanctions peuvent être pécuniaires, coercitives
quand l'administration se substitue à son cocontractant à ses frais, elles peuvent être des sanctions
de résiliations prononcées par l’administration ou par le juge.
Mais l'administration, deuxième pouvoir, peut également, même s'il est partie au contrat, en modifier
les conditions d'exécution. Ce pouvoir de modifications unilatérales détenues mêmes sans texte, en
vertu des règles générales du contrat, dit un arrêt du conseil d'État de 1902, lui fait obligation de
rétablir l'équilibre financier par le versement d'une indemnité couvrant l'intégralité des charges
nouvelles et des profits éventuellement perdus. Le cocontractant peut demander des dommages-
intérêts en cas de modification non justifiée par des motifs d'intérêt général ou même la résiliation si
des transformations trop importantes affectent des stipulations contractuelles.
Ce pouvoir de modifications unilatérales, détenu mêmes sans texte, a été donc posé dès 1902 par la
décision très célèbre Compagnie générale du gaz de Deville-lès-Rouen, lecture à laquelle je vous
renvoie dans votre recueil de jurisprudence. Cette affaire du gaz de de Deville-lès-Rouen illustre ce
que l'on appelait le conflit de l'électricité et du gaz.
Une commune avait concédée, en 1874, le privilège exclusif de l'éclairage à une compagnie du gaz.
L’éclairage électrique se répandit quelques années après et la commune demanda à son
concessionnaire d'assurer l'éclairage public et privé par l'électricité. Le concessionnaire du gaz
n'acceptant pas, la commune s'adressa à une compagnie d'électricité à qui elle proposa la concession
de l'éclairage public électrique. La compagnie du gaz forme alors une demande d'indemnité, en raison
du préjudice résultant pour elle de l'autorisation donnée à la compagnie d'électricité de poser sur le
territoire de la commune des fils pour l'éclairage électrique.
Le conseil d'État avait d'abord donné du privilège des concessionnaires de gaz une interprétation
extensive. Il avait jugé que la clause par laquelle il est engagé à ne pas favoriser les entreprises
concurrentes s'appliquait aux entreprises d'éclairage électrique et que les villes engageaient leur
responsabilité en autorisant ces entreprises à poser des fils sur les voies urbaines. Cette
jurisprudence rigoureuse constitue une entrave au progrès et le conseil d'État cherchait depuis
plusieurs années à l'assouplir, ainsi qu’en témoigne plusieurs arrêts rendus en 1900.
L’arrêt Compagnie générale du gaz de Deville-lès-Rouen de 1902 inaugure une jurisprudence
nouvelle. Le conseil d'État a tenu à placer sa nouvelle interprétation sous le signe de la commune
intention des parties, dont il avait éprouvé le besoin de justifier la recherche à laquelle il se livre. Les
parties qui ont prorogé le traité de 1874 -1887, époque à laquelle l'éclairage électrique existait déjà
sont en faute de n'avoir pas manifestement exprimé leur volonté au sujet de la concession de cet
éclairage. Le juge se trouve autorisé par cette négligence à donner au litige une solution d'équité. La
compagnie du gaz se voit reconnaître le privilège d'assurer l’éclairage par n'importe quel moyen, mais
la commune à la faculté d'assurer le service aux moyens de l'électricité, en le concédant à un tiers
dans le cas où la compagnie du gaz mise en demeure refuse de s'en charger.
Cette jurisprudence a donc pour effet d'obliger le concessionnaire à adapter le service. Elle devait
déboucher sur la reconnaissance expresse du pouvoir de modifications unilatérales, pouvoir au profit
de l'administration contractante dans l'intérêt du service. Cet arrêt a été depuis maintes fois confirmé.
Troisième privilège, après celui de pouvoir de direction et de sanctions, celui de modifications
unilatérales, celui de résiliation unilatérale.
L'administration contractante dispose d'un pouvoir de résiliation unilatérale, dans l'intérêt général du
service, auquel elle ne peut renoncer : c’est ce qui ressort d'une décision de 1985, Association
Eurolat ; aucune faute ne lui étant reproché le cocontractant est alors indemnisé intégralement de son
préjudice et c'est ce qui ressort d’un arrêt de 1958, distillerie de Magnac-Laval.
La distillerie de Magnac-Laval demandait l'annulation de plusieurs arrêtés ministériels : l'arrêté du
ministre des finances des affaires économiques du 6 février19 54, relatif aux modalités de réduction
des droits et alcools divers, l'arrêté de décembre de 1953, portant réduction de droits d'alcool de
betterave et de mélasse, le décret de février 1954 relatif à l'indemnisation des distilleries dont les
contingents d’alcool étaient réduits ou supprimés et enfin du décret de décembre 54 relatif à
l'indemnisation des distilleries dans le droit de production d’alcool divers étaient réduits ou supprimés.
Donc ces différents textes mettaient en péril largement l'activité de la distillerie de Magnac-Laval
située en Haute-Vienne. Le conseil d’Etat a examiné que si les droits résultats pour leur titulaire, en
l'occurrence la distillerie, des marchés de fournitures d’alcool à l'État en cours d'exécution
constituaient des biens, auxquels la loi de 1953 ne permettait pas au gouvernement de porter atteinte,
il lui appartenait en tout état de cause, en vertu des règles applicables aux contrats administratifs,
sous réserve des droits indemnités dés intéressées, de mettre fin à ses marchés de fournitures et
qu’aucunes dispositions du décret de 1953 cependant ne faisaient obstacle à ce que les intéressés
fassent valoir leurs droits à indemnités.
Par la suite, en conséquence, le gouvernement pouvait légalement non seulement réduire la quantité
totale d'alcool acheté annuellement par les services des alcools et abrogé pour l'avenir les articles du
code général des impôts permettant à l'État de conclure des contrats d'achat d'alcool en sus des
contingents, mais aussi mettre fin au contrat en cours. Donc l'État disposait d'un pouvoir de résiliation
unilatérale mais il fallait que, en l'occurrence, aucune faute ne pouvant être reprochée à la distillerie
de Magnac-Laval, il fallait que celle-ci soit indemnisée intégralement de ce changement de législation.
73. Les droits financiers du co-contractant
Originalité essentielle du contrat administratif, et qui fait donc pendant aux pouvoirs unilatéraux et
prérogatives juridiques de la personne publique, le cocontractant a droit à ce que soit maintenue
l'équilibre financier total ou partiel du contrat qu’il a signé.
En cas de changement de circonstances imprévues, il doit continuer à exécuter le contrat, sauf à
compromettre l'exécution de la continuité du service. Seule une impossibilité absolue est admise
comme clause de non-exécution. Donc il est indemnisé à condition de continuer à exécuter, et cette
indemnisation peut être totale ou partielle.
Dans quel cas cette indemnisation est-elle totale ? L’indemnisation totale du cocontractant est
possible dans plusieurs cas.
Par exemple, quand du fait des circonstances, il doit supporter une charge plus lourde que prévue. Il
en est également ainsi quand la rupture de l'équilibre financier provient du comportement de
l'administration, en dehors de toute faute de sa part. Cette théorie, dite « du fait du prince », s'applique
quand la transformation des conditions d'exécution du contrat est due à la seule personne publique
contractante, qui agit en dehors des pouvoirs qui découlent des règles générales applicables aux
contrats administratifs. L'indemnisation du cocontractant est alors totale, mais il faut que le
comportement de l’administration mette en cause l'objet même du contrat ou en modifie un élément
essentiel. En dehors de ce cas d'indemnisation total, dû au fait du prince, le cocontractant peut être
indemnisé de manière partielle, en application de la théorie dite de l’imprévision posée en 1916 par
l'arrêt Compagnie Générale d’Eclairage de Bordeaux.
Que s’était-il passé ? La Compagnie Générale d’Eclairage de Bordeaux avait actionné la ville devant
le conseil de préfecture de la Gironde, afin de faire juger que le prix du gaz, fixé par le contrat de
concession, devait être relevé et pour obtenir une indemnité réparant la perte qu'elle avait été subir la
hausse du prix du charbon. Nous sommes en 1916. La tonne de charbon était en effet passée de 35
Francs en janvier 1915 à 117 Francs en mars 1916, donc une augmentation extrêmement importante
du fait des circonstances de la guerre, rappelé d'ailleurs dans la décision du conseil d'État (occupation
par l'ennemi des grandes régions productives du charbon, difficultés des transports maritimes).
Après avoir défini le caractère essentiel du contrat, contrat qui charge un particulier ou une société
d'exécuter un ouvrage public ou d'assurer un service public à ses frais, avec ou sans subvention, avec
son garantie d'intérêt, et qu'il en rémunère en lui confiant l’exploitation d'ouvrage public ou l'exécution
du service public, avec le droit de percevoir des redevances sur les usagers d'ouvrages publics, le
commissaire du gouvernement Chardenet rappelait les nombreuses décisions rendues en matière de
travaux publics, lorsque les entrepreneurs avait rencontré des terrains d'une nature tout à fait
imprévue. Le commissaire du gouvernement proposa d'appliquer les mêmes principes que dans le
cas du concessionnaire victime d'une hausse exceptionnelle et imprévisible des prix.
Je cite ses conclusions : « on se trouve en présence de charges dues à des événements que les
parties cocontractantes ne pouvaient prévoir et qui sont elles que, temporairement, le contrat ne peut
plus être exécuté dans les conditions où il est intervenu. Le service public n'en doit pas moins être
assuré, l'intérêt général l’exige, et le contrat doit subsister. La puissance publique le concédant aura à
supporter les charges que nécessite le fonctionnement du service public et qui excède le maximum de
ce que l'on pouvait admettre comme prévision possible et raisonnable par une saine interprétation du
contrat ».
L’arrêt rappelle d'abord, qu'en principe, le contrat de concession règle de manière définitive les
obligations des parties jusqu'à son expiration, et que la variation du prix des matières premières est un
des aléas du contrat. Mais confrontant ensuite la hausse prévisible du charbon, matière première de la
fabrication du gaz, au moment de la signature du contrat, évalué entre 23 et 28 Francs, avec la
hausse réelle (116 Francs), la haute assemblée constate que l'augmentation a déjoué les prévisions
des parties par son ampleur et qu'il n’y a pas lieur d'appliquer purement et simplement les cahiers des
charges comme s'il allait a été ordinaire. Elle donne alors une solution tenant compte à la fois de
l'intérêt général, lequel exige la continuation du service par la compagnie à l'aide de tous ses moyens
de production, et des conditions spéciales qui ne permettent au contrat de recevoir son application
normale. La compagnie devra assurer le service mais ne supportera que la part du déficit que
l'interprétation raisonnable du contrat permet de laisser à sa charge. La ville lui versera une indemnité
d'imprévision couvrant le reste du déficit. A défaut d'accord entre les parties, l'indemnité sera fixée par
le juge.
Depuis lors, la jurisprudence Gaz de Bordeaux a eu l'occasion de s'appliquer maintes fois. Cette
jurisprudence de l’imprévision a bien sûr été d’un grand usage au moment du premier choc pétrolier et
continue également d'être d'actualité.
Ce qui ressort de cette jurisprudence, c’est que l’administration contractante doit aider financièrement
le cocontractant à exécuter le contrat, lorsqu'un événement imprévisible et étranger à la volonté des
parties en provoque le bouleversement. Si les trois conditions sont remplies (bouleversements de
l'économie du contrat, première condition, deuxième condition, caractère imprévisible, troisième
condition, fait étranger à la volonté des parties) et que le cocontractant a continué cependant
d’exécuter le contrat, l’administration contractante doit lui verser une indemnité qui ne couvrira pas
cependant l'intégralité des charges extra contractuelles, puisqu'une partie des charges dites
contractuelles, restera à charge.
Si les difficultés rencontrées ne sont pas temporaires mais permanentes, la résiliation du contrat pour
force majeure est alors décidée et prononcée à défaut par le juge. Donc, toute la discussion qu'on
rencontre communément dans la jurisprudence est de savoir si oui ou non les difficultés rencontrées
sont temporaires. A ce moment-là, il y a exécution obligatoire du contrat et prise en charge du
déséquilibre excédant les charge normale par la puissance publique ; ou au contraire les difficultés
rencontrées sont permanentes, dans ce cas, on peut demander la résiliation du contrat pour force
majeure, qui pourra être fixée soit l'amiable soit à défaut par le juge. Cela ressort d'une vieille
jurisprudence de 1932, Compagnie des Tramways de Cherbourg.
La rédaction de la décision est parfaitement claire. Je cite : « considérant que, au cas où les
circonstances imprévisibles ont eu pour effet de bouleverser le contrat, il appartient au concédant de
prendre les mesures nécessaires pour que le concessionnaire puisse assurer la marche du service
public dont il a charge et notamment de lui fournir une aide financière pour pouvoir aux dépenses
extra contextuelles afférentes à la période d’imprévision » on est donc toujours dans le cadre de la
théorie de l’imprévision. « Mais cette obligation ne peut lui incomber que si le bouleversement du
contrat présente un caractère temporaire ». La théorie de l’imprévision ne s’applique donc que s'il y a
bouleversement temporaire du contrat. Si au contraire, c'est là tout l'apport de l'arrêt, « dans le cas
où les conditions économiques nouvelles ont créé une situation définitive e non plus temporaire,
situation définitive qui ne permet plus aux concessionnaires d'équilibrer ses dépenses et des
ressources dont il dispose, le concédant ne saurait être tenu d'assurer aux frais des contribuables et
contrairement aux prévisions essentielles du contrat le fonctionnement d'un service qui a cessé d'être
viable. Dans cette hypothèse la situation nouvelle ainsi créée constitue un cas de force majeure et
autorise à ce titre aussi bien le concessionnaire que le concédant, à défaut d'un accord amiable sur
une orientation nouvelle d'exploitation, à demander au juge la résiliation de la concession, avec
indemnité s'il a lieu, en tenant compte tant des stipulations du contrat que de toutes les circonstances
de l’affaire ».
Ce principe ainsi posé, le conseil d'État à l'applique à l'espèce Compagnie des Tramways de
Cherbourg. En l’espèce, il était établi que le 16 septembre 1922 des tarifs ont atteint un taux qui ne
pouvait être, à l'époque, être utilement dépassée. Mais que l'état du dossier ne permet pas de
déterminer si cette impossibilité était temporaire, et dans l'affirmative à quelle date elle a disparu ou si,
au contraire, elle présentait un caractère définitif, qu'il y a lieu dans ce cas de renvoyer l'affaire devant
le conseil de préfecture, qui existait alors à la place des tribunaux administratifs, pour qu'il soit
procédé à des mesures d'instruction, afin de déterminer si les circonstances imprévisibles étaient ou
non définitives, et de déterminer en conséquence le montant de l'indemnité à laquelle la Compagnie
des Tramways de Cherbourg pouvait prétendre.
74. Le recours contentieux spécifique aux contrats administratifs.
Le contentieux de la formation des contrats relève largement du juge administratif et plus rarement du
conseil de la concurrence, comme il ressort d'une décision du tribunal des conflits de 1989, Préfet
d'Ile-de-France contre ville de Pamiers.
Les contrats administratifs sont de plus en plus contrôlés et ce grâce à trois grands types de recours :
le référé précontractuel, le contentieux de pleine juridiction, le recours en annulation.
Le référé précontractuel.
En cas de violation des règles de formation des contrats (marchés publics ou convention de
délégation de services publics), toute personne, ayant intérêt à conclure le contrat et susceptible
d'être lésée, peut, avant la signature, engager cette procédure d'urgence devant le président du
tribunal administratif. C'est ce qui ressort de l'article L. 551-1 du code de justice administrative. Ce
référé peut en fonction du domaine sur lequel porte le marché déboucher seulement sur le
prononciation d'une injonction, ou en sus, suspendre la passation du contrat, annuler les décisions,
supprimer les clauses contractuelles irrégulières.
A côté de ce référé précontractuel, il existe des contentieux plus classiques qui sont le contentieux de
pleine juridiction et le contentieux d'annulation.
Le contentieux de pleine juridiction permet au juge administratif de prononcer la nullité totale ou
partielle du contrat, en raison des conditions dans lesquelles il a été formé, les conditions de sa
formation. Si le cocontractant a commencé à exécuter le contrat, il peut obtenir réparation du préjudice
subi. Le juge peut être également appelée à trancher le litige relatif à l'exécution du contrat et
ordonner le versement de dommages intérêts dans le cadre d'un accord en responsabilité
contractuelle pour faute, en cas de manquement des parties à leurs obligations, pour inexécution ou
mauvaise exécution du contrat. Il en est de même, en dehors de toute faute, dans les diverses
hypothèses où les conditions d'exécution du contrat ont été transformées. Les compétences du juge
restent donc limitées puisqu'il tire essentiellement les conséquences des différentes mesures
d'exécution du contrat prise par la puissance publique. Seules les parties avaient accès à ce
contentieux de la pleine juridiction jusqu'à un revirement important effectué en 2007 par l'arrêt Société
Tropique Travaux Signalisation, reproduit dans votre fascicule.
Désormais, dans un délai de deux mois à compter de la conclusion du contrat, tout concurrent évincé
peut contester la validité totale ou partielle et demander des indemnités. Par cette jurisprudence, le
conseil d'État tend à favoriser la réflexion et la poursuite du contrat. Il propose au contentieux
contractuel la faculté qu'il se reconnaît de ne pas donner d’effet rétroactif aux qu’il prononce et de
limiter à l'avenir les conséquences de ces décisions. Il affirme ainsi dans cette décision s Société
Tropique Travaux Signalisation, sur laquelle nous reviendrons lors des conférences de méthode, que
la réfection du contrat est préférable à son annulation, de telle sorte que sa sécurité juridique se
trouve renforcée.
L'arrêt Société Tropique Travaux Signalisation de juillet 2007 reconnaît ainsi au juge du contrat de
larges pouvoirs afin de ne déboucher sur l'annulation totale du contrat que dans des circonstances qui
devraient rester rare.
Les recours en annulation.
En principe interdit contre les contrats, ces recours en annulation sont actuellement de plus en plus
admis. Traditionnellement toute personne lésée pouvait demander au juge d'annuler les actes
unilatéraux détachables du contrat, mais uniquement les actes détachables du contrat. Donc on n'était
pas dans un recours en annulation contre le contrat mais uniquement contre les actes unilatéraux
détachables. C'est ce qui ressortait d'un arrêt du 1905, Martin.
Désormais, les tiers peuvent également demander l'annulation des clauses réglementaires du contrat.
C'est ce qui ressort d'un arrêt de 1996, Cayzeele, et même demander l'annulation d'un contrat de
recrutement d'agents non titulaires, depuis 1998, arrêt Ville de Lisieux.
Enfin la loi du 2 mars 1982 a reconnu aux préfets le droit de demander l'annulation de tout le contrat
par le biais de la procédure du déféré que le contrat soit soumis ou pas à l'obligation de transmission.
Mais là il s'agit vraiment d'une exception accordée uniquement aux préfets, dans le cadre du déféré
préfectoral.
75. Conclusion
Nous arrivons ainsi à la fin du cours de droit administratif général. Il s’agit bien d’un cours de droit
administratif général, car il développe des notions qui vous seront utiles dans toute votre étude de
droit public postérieur. Il faut donc pas imaginer que ce que vous avez appris pendant ce semestre
doit être remis au placard ou dans des tiroirs une fois l'examen passé.
Pourquoi ? Nous avons d’abord examiné les structures territoriales de l'administration, de
l'administration d'État ou des collectivités territoriales, puis les sources du droit administratif enfin les
moyens d'action des personnes publiques que sont les actes unilatéraux ou les contrats. Ces matières
en fait sont utiles, sont les éléments de base qui permettent au pouvoir public de fonctionner, de voir
qui ils sont (administration d’Etat, collectivités territoriales), comment s’organise la répartition des
pouvoirs entre ces différentes structures (par le biais de la déconcentration ou de la décentralisation),
mais après comment agissent ces personnes publiques.
Elles agissent selon la règle de droit qui s'impose à elle. Elles s’appliquent des règles de droit, posées
par des textes qu'ils soient d'origine constitutionnelle, internationale communautaire, législative ou
réglementaire. Et en fait elles prennent des décisions (des actes ou des contrats) qui sont applicables
dans de multiples matières.
Il faut connaître le fonctionnement de ces bases pour mieux appréhender ensuite des matières telles
que les travaux publics ou la fonction publique ou le droit d'urbanisme. Ici nous avons simplement
donné les outils par lesquels les pouvoirs publics fonctionnent, nous les avons simplement présenté.
Toutes ces notions ne sont certainement pas à oublier et vous aurez besoin de les utiliser quand vous
vous étudierez ou pratiquerez le droit public, au cours de vos études ou dans votre vie
professionnelle.