Post on 19-Aug-2015
Institut d'Archéologie
Prof. M. Honegger
Approches thématiquesen archéologie régionale
Sanctuaires et lieux de culte
Mottiez Paul-EmileRte Cantonale 45D
1964 Conthey
Semestre d'Automne 2013
Approches thématiques en archéologie régionale Mottiez Paul-EmileSanctuaires et lieux de culte
1. Sanctuaires et lieux de culte du plateau suisse p.3
La question des lieux de culte néolithiques p.3
Les alignements mégalithiques de Bevaix p.3
Temples ou bâtiments collectifs dans les villages ? p.4
Les sanctuaires d'Avenches p.7
Les cultes et divinités p.9
Sanctuaires et site funéraire d'En Chaplix p.9
2. Sanctuaires et lieux de culte en France orientale p.11
Rituels et objets métalliques laténiens en contexte fluvial p.11
Entre sanctuaires laténiens et sanctuaires romains p.12
3. La gestion des offrandes dans les sanctuaires grecs p.15
4. Conclusion p.17
5. Bibliographie p.19
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Approches thématiques en archéologie régionale Mottiez Paul-EmileSanctuaires et lieux de culte
1. Sanctuaires et lieux de culte du plateau suisse
La question des lieux de culte néolithiques
Les alignements mégalithiques de Bevaix
Entre les années 1993 et 2000, un complexe mégalithique, s'étendant sur près de trois hectares et
datant du milieux du Ve au milieu du IIIe millénaire, a été mis au jour à Bevaix. Ce site se localise à
l'extrémité occidentale du plateau de Bevaix, sur un axe de transport passant entre le massif du Jura
et le lac de Neuchâtel.1 Sur cet axe qui longe le pied oriental du Jura, le site de Bevaix s'inscrit au
sein d'une série de sites mégalithiques contemporains.
Les principaux vestiges retrouvés sont des restes de céramique, des foyers et des mégalithes. Ces
derniers sont des témoins évidents de gestes et d'une vie de l'acte sacré sur ce lieu.
Les datations effectuées au radiocarbone sur les restes céramiques ont permis d'établir deux
périodes de fréquentation du site. La première se situe entre 4'600 et 3'700. La deuxième se déroule
entre 2'900 et 2'600. Entre ces deux, une absence de vestiges pourrait signifier une période
d'abandon des lieux pendant environ 800 ans.2
Les fouilles ont permis la découverte de quinze menhirs. Sept d'entre-eux, en plus d'une pierre à
cupules, ont permis la restitution d'un alignement d'orientation nord-sud. A deux cent vingt mètres
au nord de celui-ci, trois autres menhirs ont été retrouvés, disposés selon le même axe.
Dans les environs immédiats, septante-trois aménagements divers, comportant des foyers en fosse
circulaire3, des fosses, des rejets et des ateliers, ont été dégagés. La stratigraphie des lieux fut
perturbée au cours du temps pour permettre d'établir une relation directe entre ces découvertes et
celles des menhirs. Cependant, leur répartition spatiale sur le terrain pousse à associer tous ces
éléments.
1 Constatation établie sur l'analyse des trouvailles lithiques dans lesquelles certains silex ont révélés uneappartenance à des matériaux d'importation. (cf. GRAU BITTERLI, M.-H. et LEDUCQ, A. 2006. 427)
2 Ce hiatus des trouvailles en contexte mégalithique est une constante au IVe millénaire que nous retrouvons surl'ensemble du territoire européen.
3 Ces foyers possèdent une couverture lithique, une autre de bois calcinée et une dernière de pierres de bordement.Certains sont plus grands et devaient être utilisés dans le cadre de cuisson de nourriture collective.
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La première période d'occupation comporte une série de fonctionnements de foyers et de fosses.
C'est à cette période que la majorité des installations mégalithiques4 eût lieu, comme l'utilisation de
deux statues-menhirs, munis à leur sommet d'un rostre.5 Le mobilier, quant à lui, reste discret. Nous
y retrouvons de la céramique, de manière peu abondante mais homogène, de la faune, de l'industrie
lithique, ainsi que des macrorestes carbonisés qui permettent d'attester l'existence de champs de
céréales à proximité du site.
Lors de la deuxième période d'utilisation du site, les deux statues-menhirs ont été réutilisés et
retravaillées afin d'y graver des éléments figuratifs, tels que visage, mains et vêtements ou éléments
d'anatomie du thorax. Etabli par la découverte d'outillage et de fosses de travail, où se mélangèrent
des déchets de taille, ce travail était effectué sur place. Plusieurs amas de gravats furent découverts,
ils sont le signe que la plupart des menhirs furent détruits. Nous trouvons également deux ateliers de
façonnage de lames de haches en roche verte, ainsi que des quelques vestiges campaniformes et du
Bronze Ancien qui correspondrait à une utilisation par un hameau6 à la fin du IIIe millénaire.7
Temples ou bâtiments collectifs dans les villages ?
Avec la présentation du site de Bevaix, nous venons de voir un lieu à vocation cultuel dans un
contexte externe à un lieu d'habitat. Une des questions qui peut se poser est de savoir s'il est
également possible que les villages néolithiques puissent posséder un lieux de culte à l'intérieur
même de leur agglomération. Nous nous pencherons sur le site de Marin-Les Piécettes dont les
fouilles faites en 1998 ont dévoilé un élément particulier.
Ce site du Néolithique moyen présente une sédimentation alternant des couches de tourbe et de
dépôts d'inondations. Les différentes structures se sont bien conservées. Nous y trouvons des foyers,
des trous de poteaux, des restes de chapes sous ce qui fut autrefois des maisons, et des zones de
dépotoir entre ces mêmes maisons.
Cependant, la découverte qui nous intéresse ici se trouve être une colline artificielle, composée de
4 La découverte de galets volumineux sous les mégalithes, éléments de calage d'origine, montre que ces derniers ontpeu été déplacés au cours du temps.
5 Ce type de sculpture se rapproche de ce qui fut retrouvé à Yverdon, sur des stèles datant du Néolithique Moyen. (cf.GRAU BITTERLI, M.-H. et LEDUCQ, A. 2006. 424) Il s'agit également d'un élément de sculpture que nousretrouvons en Bretagne au Ve millénaire.
6 Des occupations de type lacustre ont été retrouvées à proximité du site.7 cf. GRAU BITTERLI, M.-H. et LEDUCQ, A. 2006. 427-428
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plusieurs couches de remblais, située au centre du village et sur laquelle fut construit à plusieurs
reprise un bâtiment.8 Quel rôle jouait cet édifice dans le cadre de ce lieu d'habitat ?
Il est incontestable que des sanctuaires d'habitat existaient au Néolithique. Cependant les sites
véritablement attestés dans ce contexte sont rares et seulement quelques cas ont révélé de manière
plutôt certaine leur utilité à des fins rituelles. Nous pouvons citer comme exemple plusieurs sites.
Au Proche-Orient, à Çayönü et Nevali Çori, des structures qui se distinguent par leur architecture et
le caractère de leurs vestiges furent mis en évidence. Ces deux cas possèdent des critères entrant
dans un cadre sacré. C'est à dire une architecture particulière, comme des dimensions plus élevées,
qui placent l'élément dans une fonction publique où peuvent se dérouler des réunions d'individus,
une proximité avec la mort, des représentations symboliques et des pratiques de sacrifices.9
Un autre exemple du Proche-Orient, Çatal Hüyük, montre l'existence de culte à caractère familial
par de petits emplacements sacrés étroitement liés à des ensembles domestiques.
En Egypte, la cité de Nekhen délivra les vestiges d'un ensemble composé de bois et de torchis, muni
d'un grand fronton donnant sur une cour. Malgré le manque de preuves directes de la sacralité des
lieux, par comparaison iconographique de même époque, il s'agit sans aucun doute d'un temple.
En Sardaigne, Monte d'Accoddi présente un menhir dressé sur une plate-forme carrée dont une
rampe en permet l'accès. A nouveau, le caractère sacré de ce lieu dépend de sa monumentalité, de
son emplacement central et dominant par rapport au cadre commun du village qui l'entoure, et du
caractère exceptionnel de la peinture rouge que nous retrouvons sur ses parois et son sol.
Un dernier exemple avec le site de Chalain 19 dans le Jura nous montre une maison sans distinction
architecturale particulière. Celle-ci se trouve à l'écart d'un habitat, mais ce sont ses vestiges qui
soulignent un caractère qui, si la piste sacrée n'est pas à écarter10, devait tenir le rôle de lieu de
réunion.
Pour le site de Marin-Les Piécettes, les arguments qui pourraient identifier cette structure comme
étant un sanctuaire sont peu nombreux. Contrairement aux constructions qui l'entourent, les
différents bâtiments successifs ne livrent aucun vestige de chape et très peu d'autres qui sont dus à
8 A noter qu'aucun bâtiment n'a été retrouvé en-dessous de cette colline.9 A Çayönü furent retrouvés des ensembles de crânes, des restes d'individus, des stèles dressées ainsi qu'une grande
pierre plate recouverte de sang animal et humain. Pour Nevali Çori, il s'agit de la découverte d'un lieu muni d'unegrande dalle centrale et d'une stèle anthropomorphe. (cf. HONEGGER, M. 2006. 177)
10 Comme à Çatal Hüyük, ce lieu peut être un sanctuaire étroitement lié à une zone à caractère domestique.
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des activités domestiques, comme des restes de faune, des objets rejetés ou abandonnés,
caractéristiques des zones de dépotoir. De plus, les analyses micromorphologiques permettent
d'exclure également le rôle d'étable ou de grenier. De part sa colline qui le surélève, le bâtiment
domine tous les autres. Brièvement cité précédemment, celui-ci est placé géographiquement de
manière centrale. Un chemin d'accès au village passait à côté de son flan occidental où
vraisemblablement devait se trouver son entrée.
La colline elle-même était composée de remblais, de couches organiques des différents niveaux
d'occupations et également de parois effondrées qui ont révélé que, bien que la répartition des pieux
indique la construction d'au moins trois bâtiments successifs, il faut augmenter ce nombre à quatre,
voire même six11. Ces parois de torchis retrouvées dans les remblais sont plus massives que celles
des habitations. Et, finalement, le dernier état de l'édifice révéla des poteaux plus larges et enfoncés
plus profondément, permettant d'obtenir des élévations hors norme.
En comparaison, les bâtiments d'habitation possèdent des chapes et des zones de dépotoir les
entourent, leurs entrées sont placées de manière axiale et ils n'ont été rebâtis que trois fois.
Au vue des différents éléments énumérés ci-dessus, nous pouvons aisément en conclure que le
bâtiment ne possède en aucun cas une fonction domestique, ni celle d'étable ou encore de grenier.
Même si l'hypothèse qu'il s'agit là d'un sanctuaire est séduisante, le manque d'informations claires
ne permet pas de l'étayer de manière certaine. Cependant, nous ne pouvons exclure le fait que cette
structure soit un élément particulier au sein d'un habitat.
Dans l'état actuel de la recherche, le site de Marin-Les Piécettes est le seul qui a délivré une telle
structure. Nous ne pouvons donc pas nous faire une image standard d'un village lacustre sans
obtenir de plus nombreuses comparaisons.12 Cependant, en comparant ce site aux autres, découverts
au nord des Alpes, ce dernier est celui qui possède la plus forte densité de population connue pour
le Néolithique moyen et final. Dans ce contexte, il est tout à fait possible que ce site, avec ce
bâtiment particulier, ait été un lieu de polarité de plusieurs agglomérations, un sanctuaire à l'échelle
régionale.
11 Les sites lacustres sont rarement connus dans leur aire totale d'occupation.12 Orientation différente de l'entrée des bâtiments domestiques pour lesquels celles-ci se situent de manière axiale. (cf.
HONEGGER, M. 2006. 180)
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Les sanctuaires d'Avenches
La cité d'Avenches fut la capitale de l'Helvétie. Elle fut fondée au début du I er siècle avant notre ère,
avant d'être intégrée à l'Empire romain en 15 av. J.-C. et de prendre le statut de colonie romaine en
72 ap. J.-C.. Comme toutes les villes de l'Empire, cette dernière déclina au cours du IIIe siècle.
Une des particularités de la cité d'Avenches est que ses sanctuaires, au nombre d'une dizaine, ont été
bâtis sur, ou à proximité, de structures funéraires plus anciennes, de l'époque laténienne pour le
quartier religieux, voire du début de l'Empire pour les secteurs d'En Chaplix et de la Grange des
Dîmes. Ce type de particularité existe en province nord-occidentale, toutefois uniquement dans le
contexte privé de grands domaines ruraux, dont la connotation aristocratique des dépôts semble
assurée. Cette réutilisation des lieux dans un contexte urbain fait l'originalité de la cité d'Avenches.13
Dans l'état actuel de la recherche, pour le reste de la Suisse, que cela soit en ville ou en campagne, il
ne semble pas exister de continuité des emplacements cultuels entre la période laténienne et la
période romaine.14
L'ensemble des sanctuaires est réparti sur trois pôles ; le quartier religieux occidental, le forum et la
zone d’En-Chaplix, qui sont tous trois reliés par le passage du decumanus maximus.
Le quartier religieux15, composé de temples de type gallo-romains, se trouve être le principal pôle
de sanctuaires dans les murs de la cité. Jusqu'au milieu du Ier siècle ap. J.-C., un secteur se construit
entre le flan de la colline d'Avenches et la voie principale, au sud-ouest de la ville. Il comprend le
temple rond, le temple de Derrière la Tour et le temple de la Grange des Dîmes. Parmi les sépultures
antérieures à l'érection de ces temples, deux furent découvertes sous la galerie du temple rond, et
une autre sous la galerie du temple de Derrière la tour16.
13 Y a-t-il par là une volonté de continuité d'utilisation des lieux qui pousserait à y placer des sanctuaires ? Il fautfaire attention à ne pas tirer de conclusions trop hâtives, car le manque de vestiges cultuels précoces ne fournit pasde preuves tangibles.
14 Dans le reste de l'Est de la Gaule, la réutilisation des sites cultuels antérieurs à la conquête romaine est possible,bien que la monumentalité des édifices religieux, comme à Avenches, ne débute pas avant le Ie siècle de notre ère.(cf. ALTJOHANN, M., CASTELLA, D., HUFSCHMID, T., MEYLAN KRAUSE, M.-F. et REY-VODOZ, V. 2006. 11)
15 Plan de situation complet, voir cf. ALTJOHANN, M., CASTELLA, D., HUFSCHMID, T., MEYLAN KRAUSE, M.-F.et REY-VODOZ, V. 2006. 38
16 Cette sépulture en urne, marquant le début d'une seule séquence stratigraphique, permet d'envisager uneoccupation continue des lieux entre la Tène D1 et l'époque romaine.
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Parmi les découvertes faites sous l'emplacement du
temple rond, une fosse-dépotoir, datant entre 10 av. et ap.
J.-C., pourrait être les vestiges de pratiques cultuelles.
De même, le temple de Derrière la Tour était précédé,
outre la sépulture citée auparavant, de plusieurs éléments
dont une série de trous de poteaux formant une petite
structure rectangulaire qui devait constituer le centre
d'une aire rituelle.
Si ces trois temples datent tous du milieu du Ier siècle de
notre ère, le temple de Derrière la Tour, tout comme le
temple rond, entreront dans le cadre d'une première
phase de monumentalisation des sanctuaires de la cité.
Par la suite, aux alentours de 40 ap. J.-C., le temple de la
Grange des Dîmes verra sa surface réaménagée. Ce
processus grandissant englobera l'ensemble des aires
sacrées jusqu'à atteindre son importance maximale avec la construction, durant la seconde moitié du
IIe siècle, de l’amphithéâtre.
Il ne semble pas que le statut de colonie qu'obtint Avenches en l'an 71/72 ait eu immédiatement des
conséquences sur le développement des sanctuaires de la cité. Il faudra donc attendre la fin du
même siècle pour voir une extension impressionnante de la zone sacrée dans la plaine marécageuse
se trouvant à l'est de la voie principale.17 Après un assainissement de la zone par l'implantation de
pilotis et l'aménagement d'un nouvel égout, le temple du Cigognier est construit en 98, sur le même
axe et dans le même temps que le théâtre, plus à l'ouest. Le sanctuaire de la Grange des Dîmes est
lui aussi remanié à nouveau en y plaçant le temple sur un podium sur lequel une cella carrée est
placé au centre d'un déambulatoire à colonnade, et contre le lequel est érigé un fronton. Dans la
première moitié du IIe siècle, son enclos est alors lié à celui du temple rond.
En 164, deux nouveaux temples de type gallo-romain, que l'on nomme temples Nord et Sud du
Lavoëx, sont construits à l'ouest de l'espace reliant le temple du Cigognier et le théâtre. Dénudé
17 Cette région ne fit pas l'objet d'une utilisation de part la nature de son sol peut propice à l'implantation d'édifices ouest-ce que les trouvailles funéraires celtiques peuvent laisser penser que cette zone avait été épargnéevolontairement de par son caractère sacré ? (cf. ALTJOHANN, M., CASTELLA, D., HUFSCHMID, T., MEYLANKRAUSE, M.-F. et REY-VODOZ, V. 2006. 45)
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Fig. 1Situation des différents sanctuaires d'Avenches.N°1 : Quartier religieuxN°2 : ForumN°3 : En Chaplix
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d'interprétation jusqu’à présent, derrière ces deux temples, un édifice quadriportique, à ciel ouvert et
semble-t-il sans aménagements, est élevé dans un vaste enclos.
Les cultes et divinités
De manière générale, le manque de divinités retrouvées sur ces différents lieux de culte ne permet
pas une connaissance exacte des pratiques cultuelles qui devaient se dérouler dans chaque temple.
Le culte impérial est bien attesté dans la cité, même avant d'obtenir son statut de colonie. Mais cette
information, connue de sources épigraphiques très souvent non localisées, comme d'autres, ne
permet non plus pas de nous éclairer de manière précise.
Le sanctuaire de la Grange des Dîmes était peut-être dédié au culte impérial. Cela dit, la trouvaille
d'un fragment de torse et d'un caducée sur son emplacement n'exclut pas l'hypothèse d'un culte à
Mercure. Le temple de Derrière la Tour, quant à lui, n'a délivré aucun indice permettant d'émettre
une hypothèse sur la divinité qui y était vénérée. Malgré le fait qu'à ce jour, le sanctuaire du
Cigognier se trouve être le mieux étudié, sa cella n'a pas été fouillée. Sa structure reprend
l'architecture du temple de la paix du forum de Rome, mais la comparer avec la forme de ce dernier
afin d'établir son culte présumé serait mal venu. La difficulté est d'autant plus grande qu'au culte
principal du temple peuvent également se mêler des emplacements plus petits dédiés à des divinités
secondaires. C'est peut-être le cas d'un petit autel qui semble être un ex-voto offert à Mars Caturix.
Alors le culte principal pourrait être matérialisé par la trouvaille d'aigles sculptés sur un chapiteau
du pronaos pouvant renvoyer à Jupiter ou au culte impérial.
Sanctuaires et site funéraire d'En Chaplix
Deux monuments funéraires ont été découverts lors du chantier de l'autoroute A1 dans la région dite
En Chaplix. Le site, qui apparaît à la fois comme funéraire et comme sanctuaire, se trouve à
cinq-cent mètres de la cité à coté d'une route reliant la cité antique à la villa romaine de Russalet.
Chacun entouré de son propre enclos quadrangulaire à ciel ouvert, un mur mitoyen les reliant, ces
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deux monuments18 funéraires, l'un datant de 28 et le second de 45 ap. J.-C., étaient composés de
pierres de taille, dont la base reposait sur une forme d'arc de cercle. Démonté volontairement, sans
doute dans le courant du IIIe siècle, les blocs qui restèrent sur place après cette destruction ont
permis de restituer les élévations des édifices qui atteignaient plus de vingt mètres de haut.19 Au
nord de ces deux constructions, un cimetière, où près de deux cents sépultures ont été dénombrées,
se développe dès le milieux du Ier siècle jusqu'au IIIe.
En face de cette zone funéraire, séparés par un axe de circulation qui deviendra le decumanus
maximus, deux temples ont été retrouvés. Nommés temples Nord et Sud, ces deux édifices de type
gallo-romain, bien que le temple Sud ne possède aucune trace quelconque de colonnade,
possédaient des élévations composées de matériaux légers. Une sépulture féminine d'époque
augustéenne de type bustum, dont l'incinération s'effectua in situ, fut découverte sous le radier du
temple Nord. Cette tombe fait sans doute office de vénération avant la construction du nouveau
temple qui remplaça l'ancien, quarante ans plus tard. En ce qui concerne le temple Sud, aucune
tombe n'a été localisée, mais l'aire du sanctuaire abritait différents dépôts, dont l'un, situé dans l'axe
du temple, était principalement composé d'armes métalliques.
Finalement, au niveau des interprétations possibles, il est clair que les découvertes d'amphores de
vin et de sauces de poissons nous dévoile l'organisation de banquets funéraires arrosés. Il s'agit
d'une constante des ensembles aristocratiques indigènes de la Tène finale et du début de l'Empire.
Le fait que les deux temples semblent liés à la propriété romaine de Russalet privilégie l'hypothèse
de cultes privés. Mais cette dernière ne se base uniquement que sur le fait de leur proximité
géographique avec la villa.
De plus, le problème principal est que nous n'avons aucune source historique ou épigraphique qui
permettrait de nous révéler qui furent les commanditaires de ces sanctuaires, de quels cultes il
s'agissait, et pour quelles personnes ils étaient destinés.
Toutefois, il n'y a aucun doute que les défunts20 retrouvés sous les temples et monuments étaient de
grands notables21 qui, sans aucun doute, étaient honorés de manière plus large que celui d'un cadre
familial très strict.
18 La monumentalité de ces édifices peut faire qu'ils soient considérés comme des temples.19 N'ayant aucuns parallèles connus sur le reste du territoire romain, ces deux monuments sont donc des témoins-clefs
pour l'étude de l'architecture funéraire antique. (cf. FLUTSCH, L. 2009. 100)20 A noter une prédominance de femmes dans ces structures funéraires.21 La déification de personnages publics est clairement attesté à Rome. Et le concept de culte du héros faisait
également partie de ceux des populations celtes.
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2. Sanctuaires et lieux de culte en France orientale
Rituels et objets métalliques laténiens en contexte fluvial
Concernant les lieux cultuels que nous pouvons trouver à l’époque laténienne, nous ne pourrions
pas faire main basse sur les cours d’eau et leurs trouvailles archéologiques. En effet, les objets mis
au jour dans de tels contextes dépassent largement le cadre-seul de la Tène et nous y retrouvons du
mobilier dès la période mésolithique. Bien entendu, la quantité et les différentes catégories d'objets
retrouvés peuvent varier grandement au fil du temps et selon les régions, mais cependant cela
montre bien l'importance qu'eurent ces lieux.
Malgré le caractère toutefois important que peuvent avoir les cours d'eau, il convient d'effectuer des
recherches comparatives afin de pouvoir vérifier s'il existe des points de convergence, ou au
contraire des divergences, entre différents dépôts relevés dans différents bassins fluviaux. De part
des relations culturelles relativement proches, une étude comparative des objets datant du XIIIe au
IXe siècle av. J.-C. retrouvés dans le lit de la Saône peut être effectuée avec celles du Rhin et du
Danube.22
Ces dépôts de la période du Bronze final ont révélé une prédominance de haches23, qu'elles aient été
des éléments d'armement ou d'outillage, ainsi que celle d'épées et de pointes de lance. Il s'agit là
d'éléments que l'on retrouve de manière récurrente dans tous les cours d'eau de l'Europe. A noter
que, contrairement à ces objets de type offensif, seul semble faire défaut, dans le même contexte, le
matériel défensif tel que les casques ou les boucliers.
Mais ces armes ne sont pas les seuls objets découverts. Un nombre moins conséquent d'objets
usuels quotidiens, liés à la production, font également partie de ces dépôts. C'est le cas d'objets de
parure et d'outillage. Cela dit, leur moindre proportion doit être mise en lumière par le fait que ce
type d'objets, généralement plus petits, est plus fragile et également moins facile à détecter. Dans
ces conditions, il est tout à fait envisageable de penser que, en réalité, l'écart de proportionnalité
entre les armes et les objets usuels se trouvait être bien moins grand.
22 Malheureusement, nous sommes loin de connaître le potentiel archéologique des grands cours d'eau. Grâce à desrecherches actives, la Saône demeure une exception. Il convient également de pouvoir avoir accès à l'ensemble descollections. (cf. WIRTH, S. 2012. 158-159)
23 De tels objets sont déjà présents dans le même contexte fluvial dès le Néolithique. (cf. WIRTH, S. 2012. 161)
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Au fils du temps, la quantité de mobilier peut grandement changer. Ainsi, dans le lit de la Saône,
contrairement à l'époque gallo-romaine dont les dépôts sont plus conséquents24, le Premier âge du
Fer n'a livré que peu d'éléments. Ce constat peut se faire pour les autres cours d'eau d'Europe. La
compréhension, de ce fait, ne peut être mise en lumière que par réflexion plus globale sur les
habitudes concernant les dépôts de mobilier.
Premièrement, cette proportion temporelle ne concerne pas la production céramique qui demeure
relativement stable. Deuxièmement, ce faible taux de mobilier métallique durant le Premier âge du
Fer peut s'expliquer par le fait que nous constatons une réapparition des armes dans les ensembles
funéraires de cette période.25
Malgré les études menées jusqu'ici sur le mobilier retrouvé en contexte fluvial, aucune explication
ne peut encore nous éclairer sur les intentions des populations sur l'établissement de tels dépôts
immergés. En effet, si ces objets entrent bel et bien dans le cadre d'un rituel, il ne faudrait pas perdre
de vue qu'un rituel ne possède pas toujours un caractère religieux. Ce qui est le cas des rituels
utilisés sans preuve d'un culte ou de pratiques cultuelles immédiates.
Entre sanctuaires laténiens et sanctuaires romains
Nous avons mis précédemment en lumière la possibilité, à Avenches, d'une éventuelle continuité
entre des sanctuaires de la Tène et des sanctuaires gallo-romains qui apparurent par la suite.
Pouvons-nous trouver ailleurs des situations similaires qui nous permettraient d'appuyer ce propos
ou non ?
Nous prendrons ici l'exemple des sites de Mandeure et de Mirebeau-sur-Bèze afin de voir si des
éléments de réponse peuvent en sortir.
L'antique cité de Mandeure compte vraisemblablement trois secteurs distincts abritant des
sanctuaires. A l'extrémité orientale de la cité, une structure qui tranche nettement avec le parcellaire
napoléonien pourrait être interprétée comme sanctuaire. Du côté occidental, dans la zone
d'habitation, trois structures qui semblent s'apparenter à des sanctuaires. Cependant, elles n'ont pas
24 Nous constatons aussi une explosion du nombre de dépôts, ainsi que de leur masse, au cours de la Tène D.25 cf. WIRTH, S. 2012. 161
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la même orientation que l'axe d'urbanisation de la cité. Sans effectuer de fouilles, les relevés,
uniquement établis par prospection électrique, ne permettent pas de comprendre la chronologie des
lieux. Au sud de cette zone, un complexe religieux clairement défini est notamment composé d'un
théâtre.
Ce dernier ensemble, le plus grand de la ville découvert jusqu'à présent, est délimité par trois murs.
Sans doute à cause de la topographie escarpée, seul son côté oriental n'a pas été fermé par l'enceinte.
Celle-ci est délimitée dans l'angle nord par le sanctuaire du Champs des Fougères, dans l'angle sud
par un ensemble de bâtiments pouvant être des temples, dans l'angle ouest par le sanctuaire du Clos
du Château et finalement dans le dernier angle par le théâtre.26
Les principaux éléments retrouvés dans ce secteur sont les suivants. Sur l'ensemble de ce périmètre,
plusieurs aménagements tels que des fosses, des puits, des espaces de circulation, des systèmes
d'adduction et des réserves d'eau ont été révélés. A proximité du sanctuaire du Champs des
Fougères ont été découvertes deux statues, identifiées comme étant Mars et Bellone. Le grand
sanctuaire du Clos du Château se situe en face du théâtre. La structure intérieure est désaxée par
rapport à son péribole ovoïde, autour duquel un espace de circulation délimité par une clôture de
forme polygonale fut identifié. Au sud du sanctuaire, deux bâtiments, parmi plusieurs vestiges,
évoquent explicitement des temples à plan centré.
Une chose intéressante est que, en l'état actuel de la recherche, les sanctuaires du Champs des
Fougères et du Clos du Château ont révélé une superposition de structures attestant d'une succession
d'états allant de l'époque laténienne puis à l'époque romaine.
En regardant de plus près les vestiges laténiens du Clos du Château, deux étapes du sanctuaire ont
pu être identifiées. Un premier ensemble de mobilier, correspondant à la fin de La Tène C2 et à la
Tène D1a, se trouvait enseveli sous un remblai de graviers. De part l'homogénéité des objets, il est
indiscutable qu'il s'agit là d'une utilisation rituelle. La seconde étape, de La Tène D2 à l'époque
d'Auguste, est représentée par un grand ensemble de petits objets où nous retrouvons notamment un
nombre conséquent de pièces de monnaie, de fibules, de rouelles, de cages et d'anneaux bouletés.
Malgré leur ancienneté, les trouvailles de ces vestiges permettent d'établir l'existence et l'activité
d'un sanctuaire dès le IIe siècle av. J.-C..
26 Cependant il n'est pas exclu que cette zone cultuelle ne s'étende sur la plaine. (cf. BARRAL, P., THIVET, M. et coll.2011. 559)
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De son côté, le sanctuaire du Champs des Fougères est contemporain de la deuxième phase
d'occupation du grand sanctuaire du Clos du Château. Il s'agit d'un espace muni d'un grand péribole
ovoïde composé de deux murs parallèles qui lui donnent une forme polygonale.27 Cette enceinte,
datant des années 80 ap. J.-C., montre qu'elle fut bâtie sur une structure similaire antérieure ayant
elle-même subit plusieurs reconstructions. La couche d'occupation de la Tène D2a a fournit du
mobilier céramique, métallique et monétaire en abondance. Les monnaies permettent de voir une
fréquentation des lieux dès la fin de la période laténienne.
Le sanctuaire de Mirebeau-sur-Bèze fut fondé vers la fin du IVe siècle av. J.-C. et fut abandonné
dans le courant de la deuxième moitié du IIe siècle ap. J.-C.. Le premier niveau d'occupation ne livre
pas de mobilier mais nous montre clairement un périmètre circulaire irrégulier composé d'un fossé,
ayant la fonction de délimiter l'espace sacré, contre lequel une structure à palissade fut accolée du
côté est. Dans un second temps, ces structures orientales s'étendent de ce même côté, laissant le
périmètre initial en place tout en comblant le fossé qui sera remplacé par une enceinte palissadée.
Par la suite, l'espace du sanctuaire reste extraordinairement inchangé jusque vers les années 40 ap.
J.-C. où ce dernier se monumentalise. L'enceinte s'élargit et prend une forme polygonale prononcée
composée de deux murs parallèles. A l'instar du péribole du sanctuaire du Champs des Fougères de
Mandeure, ces deux murs devaient dans le même temps servir de clôture et de galerie de circulation.
Par ces différents exemples, nous voyons donc une continuité flagrante des lieux de cultes laténiens
lors du passage de la région dans l'Empire romain. Les dépôts retrouvés sur le site de
Mirebeau-sur-Bèze devraient permettre une étude approfondie des rituels terrestres du Second âge
du Fer. Nous pouvons également constater que, à Mandeure comme à Mirebeau, la forme et la
position des périboles des sanctuaires gallo-romains semblent donc fortement conditionnées par
celles des clôtures d'époque laténienne.
27 Au centre de ce péribole doit se trouver le temple. Mais la présence de constructions récentes n'a pas permis defouiller les lieux. (cf. BARRAL, P., THIVET, M. et coll. 2011. 563)
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3. La gestion des offrandes dans les sanctuaires grecs
Pour notre connaissance des pratiques antiques, sans nul doute que l'un de ces atouts demeure les
sources écrites.28
Parmi les offrandes que nous pouvons trouver dans les sanctuaires grecs, il était possible de
rencontrer des statues, des chaudrons, des fibules, des armes, des vêtements, de la céramique, des
figurines, des bijoux, etc... Ces offrandes se retrouvent dans des listes d'inventaires de sanctuaires.
Cependant, comme c'est le cas pour le sanctuaire de Délos, ces dernières sont souvent très
différentes de la réalité archéologique. De plus, nous ne comprenons pas véritablement le but
recherché dans l'établissement de ces listes d'inventaires. D'une autre manière, comme à Athènes,
nous trouvons aussi des informations sur les offrandes par le biais des comptes de sanctuaires.
En ce qui concerne l'exposition de statues, qui peuvent être isolées ou faire partie de groupes
statuaires29, les dédicants cherchent toujours à les placer dans les endroits les plus visibles, comme
le long de la voie sacrée qui mène au sanctuaire ou au temple, ou alors autour de l'autel ou de la
façade du temple.
Après la mise en lumière de ce dernier point, et de part la fréquentation des sanctuaires sur des
périodes relativement longues, nous ne pouvons nous empêcher de penser que ces derniers se
trouvaient submergés par la quantité d'offrandes qui leur était apportées. Il devient normal de voir
apparaître une réglementation au sein des établissements sacrés qui devait remédier à la gestion de
l'afflux d'offrandes.
Cependant, mis à part Loryma et Rhodes, très peu de textes ont été retrouvés. Dans ces derniers,
nous rencontrons des interdictions de déposer les offrandes de telle manière que celles-ci gêneraient
le passage des fidèles. Dans certains cas, les dédicants doivent faire une demande d'autorisation afin
de pouvoir exposer leurs offrandes. Il s'agissait d'un cas très fréquent en ce qui concerne la statuaire.
Il pouvait également exister des restrictions d'accès à des statues qui, même si elles étaient exposées
à la vue de tous, se trouvaient séparées de manière physique du public par des barrières de
28 Nous pouvons compter parmi elles : Le dialogue entre Kokkalé et Kunno dans les Mimes d'Hérondas ou encore letexte de Pausanias dans le Périégète. Nous pouvons en retirer que plus un sanctuaire est rempli d'offrandes, quiplus est de grande statues, plus ce dernier devient attrayant. N'oublions pas toutefois que cet atout peut égalementposer des problèmes quant à leur compréhension ou leur décalage face aux faits des découvertes archéologiques.
29 Les statues pouvaient être exposées dans des niches de bâtiments qui n'avaient pas cette fonction à la base. Lesdédicants pouvaient également créer des édifices pour les exposer.
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protection. D'autres textes font aussi mention de demandes d'accès de la part des fidèles, ou encore
de l'obligation de certains sanctuaires d'ouvrir des lieux généralement fermés au public, selon le
calendrier.
Un autre aspect de la gestion des offrandes d'un sanctuaire concerne la mise au rebut des anciennes
offrandes. Ce retrait, qui devenait indispensable car l'accumulation des offrandes pouvait aller
jusqu'à cacher à la vue des pèlerins la statue même de la divinité30, devait surtout permettre de se
débarrasser des objets et devait surtout permettre de retrouver de la place à nouveau disponible au
sein du sanctuaire afin d'accueillir de nouvelles offrandes.
Dans la majeure partie des cas, les objets à supprimer de l'espace public sont généralement enfouis
dans l'enceinte même du sanctuaire. Mais dans d'autres, les objets métalliques pouvaient être
refondus, comme en témoignent plusieurs sources épigraphiques notamment d'Athènes.31 Cette
mesure s'accompagne d'inventaires des offrandes « sacrifiées » avec la mention de leur poids. Les
offrandes pouvaient également être revendues afin d'obtenir de l'argent pour assurer la gestion du
sanctuaire, comme des fêtes religieuses.
Cette mise au rebut, mais surtout cette vente et cette destruction, sont des événements importants
pour lesquels il faut bien comprendre que toutes les offrandes d'un sanctuaire étaient considérées
comme étant la propriété de la divinité elle-même. Dans le premier cas, les objets mis sous terre
restent dans l'enceinte-même du sanctuaire, lieu d'habitat de la divinité. Mais nous pouvons voir que
la vente ou la destruction d'offrandes ne sont pas des mesures qui sont prises à la légère. Nous
pouvons le constater dans un décret d'Athènes dans lequel la gérance du sanctuaire effectue une
demande pour la fonte d’un certain nombre de petits objets en métal et dont le matériel obtenu doit
servir à la réalisation d'une oinokhóê qui reviendra à la divinité du sanctuaire du Héros Médecin.32
Au final, nous voyons donc clairement, par ces informations épigraphiques et textuelles, que la
gestion des offrandes des sanctuaires était loin d'être une activité anodine et qu'elle devait être une
préoccupation de la majorité des lieux de cultes du monde grec.
30 Voir texte n°43 cf. SOKOLOWSKI, F. 1969. 79-80.31 Voir texte n°54 cf. LE GUEN-POLLET, B.1992. 167-169. et les textes n°42 et 70 cf. SOKOLOWSKI, F. 1969. 78-79,
141-143.32 Voir texte n°54 cf. LE GUEN-POLLET, B.1992. 167-169.
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4. Conclusion
Ce bref tour d'horizon nous permet de mettre en lumière des éléments importants sur les sanctuaires
et les lieux de cultes. Certains des points traités ci-dessus nous montrent quelles peuvent être parfois
les difficultés d'identification des structures découvertes, mais surtout de leur interprétation
d'utilisations.
Les alignements mégalithiques de Bevaix mettent en scène une large surface. En utilisant la matière
locale à disposition, chose de loin inhabituelle, il ne fait aucun doute que l'axe de diffusion de tels
aménagements s'est effectué à partir de l'Atlantique à l'est, jusque dans des régions telles que les
nôtres. Site retrouvé à proximité de zones d'eau et en lien avec des sépultures, tout comme ceux de
St-Aubin, de Corcelles, d'Yverdon, de Lutry et de Sion, sa véritable utilité est aussi sujette à
discussion. Quel en est le sens exact ? Comme nous l'avons vu dans le cadre de trouvailles du lit de
la Saône, l'eau, ou tout du moins sa proximité au site, devait jouer un rôle cultuel important dès le
Néolithique. Ce point étant également relevé pour ces sites mégalithiques de Romandie, la fonction
religieuse paraît tomber sous le sens. Cependant, vu le caractère imposant des mégalithes, qui sont
placés pour se trouver à la vue de tous, la question que ces derniers aient eu également un rôle de
séparation territoriale se pose.
Le site de Marin-Les Piécettes nous permet également de ne pas perdre de vue le fait que
l'identification des structures n'est pas forcément d'une évidence lumineuse. En plus de la dimension
temporelle qui joue un rôle sur l'aménagement d'un sanctuaire, il ne faut pas non plus oublier sa
dimension spatiale. Et que la présence évidente de sanctuaires dans d'autres régions très éloignées
l'une de l'autre, propose des formes tout aussi variées dont il faut avoir conscience que malgré
certaines ressemblances une transposition sur les découvertes faites dans nos régions n'est pas
valide dans sa totalité.
C'est également une constatation que nous pouvons faire en ce qui concerne les sites gallo-romains.
Si nous pouvons voir une certaine similitude urbanistique entre l'emplacement du théâtre
d'Avenches et de Mandeure face un sanctuaire, il ne faudrait pas en oublier les différences.
Mandeure possède le même esprit d'organisation chronologique de son espace sacré qu'à
Mirebeau-sur-Bèze, où une continuité des sanctuaires est bien marquée entre la période laténienne
et la période romaine, alors que dans le cas d'Avenches, la chronologie est plus floue. En effet, bien
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que des vestiges de la Tène aient été découverts sous l'emplacement des vestiges romains de la cité
helvétique, il s'agit là surtout de tombes isolées. La présence de la construction postérieure de
sanctuaires gallo-romains tente ici de s'expliquer par le fait que ces sépultures devaient très
certainement faire l'objet de pratiques rituelles en lien avec une vénération posthume de ces
personnes enterrés.
A noter également qu'un manque d'informations épigraphiques claires, contrairement à certains sites
de la Grèce antique, pose de grands problèmes d'identification des divinités vénérées dans les
sanctuaires gallo-romains, tout comme les rituels qui leur étaient liés.
Finalement, il s'avère que certaines problématiques relevant des sanctuaires et des lieux de cultes
peuvent poser bien plus de questions qu'elles ne fournissent de réponses claires. Évitons toutefois le
piège de classer tous vestiges peu compréhensibles comme relevant obligatoirement du domaine
cultuel.
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5. Bibliographie
Ouvrages généraux
Sous la direction de FLUTSCH, L., KAENEL, G. et ROSSI, F. 2009. Archéologie en terrevaudoise. Infolio.
Ouvrages
LE GUEN-POLLET, B.1992. La vie religieuse dans le monde grec du Ve au IIIe siècle avant notreère. Toulouse : Presses Universitaires du Mirail.
SOKOLOWSKI, F. 1969. Lois sacrées des cités grecques. Paris : Éditions E. de Boccard.
Articles particuliers
ALTJOHANN, M., CASTELLA, D., HUFSCHMID, T., MEYLAN KRAUSE, M.-F. etREY-VODOZ, V. 2006. Topographie sacrée et rituels. Le cas d’Aventicum, capitale des Helvètes.Antiqua, 43, 9-12.
BARRAL, P. et JOLY, M. 2011. Le sanctuaire de Mirebeau-sur-Bèze in Aspects de la romanisationdans l’Est de la Gaule. Bibracte, 544-556.
BARRAL, P., THIVET, M. et coll. 2011. Les sanctuaires de Mandeure in Aspects de laromanisation dans l’Est de la Gaule. Bibracte, 557-566.
BRIDEL, P. et MATTER, G. 2006. Sanctuaire du Cigognier, théâtre antique et temples du Lavoëx :un cas particulier ?. Antiqua, 43, 51-58.
CASTELLA, D. 2006. « Mon père, ce héros ! ». Sanctuaires liés à des structures funéraires àAvenches et dans les provinces du nord-ouest de l’Empire. Antiqua, 43, 103-120.
GRAU BITTERLI, M.-H. et LEDUCQ, A. 2006. Dès le Ve millénaire sur le plateau de Bevaix(Neuchâtel, Suisse) : Fosses, foyers et ateliers de taille en contexte mégalithique. Deux-Sèvres, 2,423-428.
HONEGGER, M. 2006. Le site de Marin-Les Piécettes (Neuchâtel, Suisse) et la question dessanctuaires néolithiques : potentiel et limite de l’approche archéologique. Cahiers d’archéologieromande, 108, 175-183.
MOREL, J. et BLANC, P. 2006. Les sanctuaires d’Aventicum. Évolution, organisation, circulations.Antiqua, 43, 35-50.
WIRTH, S. 2012. Le mobilier archéologique de la Saône et la nécessité d’une approchecomparative et diachronique des trouvailles fluviales. Cahiers d’archéologie romande, 132,157-164.
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