Post on 20-May-2020
Accompagnement des startups en France – Olivier Ezratty – Mai 2008 - Page 1 / 72
L’accompagnement
des startups high-tech
en France
Olivier Ezratty
Mai 2008
Accompagnement des startups en France – Olivier Ezratty – Mai 2008 - Page 2 / 72
A propos de l’auteur
Olivier Ezratty
Conseil en Stratégies de l’Innovation
olivier@oezratty.net
http://www.oezratty.net
06 67 37 92 41
Olivier Ezratty conseille les entreprises des secteurs high-tech et des médias pour l’élaboration de leurs busines plan,
stratégies marketing et produits. Il leur apporte une triple expertise : technologique, marketing et management ainsi
que la connaissance des écosystèmes dans ces domaines. Il est Conseil Expert auprès d’INRIA Transfert ainsi que de
Scientipôle Initiative, et professeur vacataire à l’Ecole Centrale Paris sur les stratégies d’innovation. Il s’intéresse de
plus à l’impact de la convergence numérique dans la société et dans les métiers de la communication et du marke-
ting. Olivier Ezratty est un conférencier régulier dans tous ces domaines aussi bien en intra qu’en interentreprises. Il a
réalisé depuis 2006 des missions diverses et notamment pour L’Oréal et le Crédit Agricole, pour le groupe Skyrock
ainsi que pour différentes sociétés d’investissement en capital risque. Il accompagne par ailleurs des startups dans
leur développement, notamment le site de recommandations culturelles U-Lik, la société Zap-Meeting qui propose
des solutions de gestion de présentation pour les entreprises ainsi que Voluntis, un éditeur de logiciels de suivi de
traitement de maladies de longue durée, ainsi que Miyowa, spécialiste de la messagerie instantanée pour mobiles. Il
est auteur de différents rapports, notamment de Visite du Consumer Electronics Show, ou sur l’accompagnement des
startups hightech en France.
Olivier Ezratty débute en 1985 chez Sogitec, une filiale du groupe Dassault, où il est successivement Ingénieur Logi-
ciel, puis Responsable du Service Etudes dans la Division Communication. Il initialise des développements sous
Windows 1.0 dans le domaine de l'informatique éditoriale.
Entrant chez Microsoft France en 1990, il y acquiert une expérience dans de nombreux domaines du mix marketing:
produits, canaux, marchés, communication et relations presse. Il lance la première version de Visual Basic en 1991
ainsi que celle de Windows NT en 1993. En juillet 1998, Olivier Ezratty prend en charge la Direction Marketing et
Communication de Microsoft France et en mai 2001, de la Division Développeurs et Plate-forme d'Entreprise dont il
assure la création en France. Cette division promeut la plate-forme d'entreprise Microsoft auprès des développeurs,
des éditeurs de logiciels et SSII, des responsables informatiques, des architectes logiciels, ainsi que dans l'enseigne-
ment supérieur et la recherche. Il y lance la plate-forme .NET, de nombreux partenariats avec l’enseignement supé-
rieur, la recherche et les éditeurs de logiciels français. Il quitte Microsoft en 2005 pour se lancer à son compte dans
l’accompagnement de l’innovation avec une orientation grand public.
Olivier Ezratty est Ingénieur de l’Ecole Centrale des Arts et Manufactures, promotion 1985, Option Informatique
Générale.
Ce document vous est fourni à titre gracieux et est sous licence « Creative Commons »
dans la variante « Paternité-Pas d'Utilisation Commerciale-Pas de Modification 2.0 France »
Voir http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr/
mailto:olivier@oezratty.nethttp://www.oezratty.net/http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr/
Accompagnement des startups en France – Olivier Ezratty – Mai 2008 - Page 3 / 72
Table des matières
Introduction .................................................................................................................................... 4
Expression des besoins ................................................................................................................... 6 Composante humaine ................................................................................................................... 6 Stratégie et modèle économique .................................................................................................. 8
Juridique ..................................................................................................................................... 13 Financement ............................................................................................................................... 14 Modèle de prix ........................................................................................................................... 17 Stratégie vente, marketing et communication ............................................................................ 17 Choix technologiques ................................................................................................................. 21
Etat de l’art de l’accompagnement des startups ....................................................................... 24 Incubateurs ................................................................................................................................. 24 Pépinières ................................................................................................................................... 26
Financements privés ................................................................................................................... 27 Financements et aides publiques ............................................................................................... 39 Grands groupes industriels ......................................................................................................... 46
Associations ............................................................................................................................... 49 Evénements ................................................................................................................................ 50 Blogs .......................................................................................................................................... 53
Médias ........................................................................................................................................ 54
Le conseil d’accompagnement de startups ................................................................................ 55 Segmentation des conseils ......................................................................................................... 55
Exemples de sociétés de conseil ................................................................................................ 56
Business model de l’accompagnement ...................................................................................... 58 Quelles startups et quand?.......................................................................................................... 59
Facteurs clés de succès ............................................................................................................... 59
Conclusion..................................................................................................................................... 60
Annexes ......................................................................................................................................... 61 Personnes rencontrées ................................................................................................................ 61
L’avis d’un investisseur sur l’entrepreneuriat en France ........................................................... 63 Synthèse des types d’aide .......................................................................................................... 64 Propositions pour dynamiser l’innovation en France ................................................................ 65 Sites Web et bibliographie ......................................................................................................... 67
Glossaire .................................................................................................................................... 68 Historique des versions .............................................................................................................. 72
Accompagnement des startups en France – Olivier Ezratty – Mai 2008 - Page 4 / 72
Introduction
La création de ce document a été motivée par le démarrage en 2005 de mon activité de conseil stra-
tégique en innovation, un domaine encore peu structuré en France. Il est aussi le fruit d’un échange
avec Dimitri Dagot, alors responsable de l’option Technologies de l’Information à l’Ecole Centrale
Paris et le prolongement d’une conférence que j’assure pour ce cursus sur le thème des « Stratégies
de l’Innovation ».
Depuis quelques années, l’Europe et la France ont pris conscience de l’importance d’avoir des star-
tups innovantes pour créer de la croissance et des exportations. Cette prise de conscience a été exa-
cerbée par la crise de la recherche depuis 2004 et par la volonté de la France de conquérir plus effi-
cacement dans le secteur high-tech. Le rebond des investissements et du capital risque tout comme
l’émergence du Web 2.0 et de toutes les opportunités liées à la convergence numérique galopante
ont relancé la fibre entrepreneuriale en France. Le contexte politique et l’élection présidentielle de
2007 - tant à droite qu’à gauche - ont aussi contribué à valoriser cette « France qui gagne et qui
prend des risques ».
Les startups font partie de ce paysage. Mais leurs dirigeants font état de nombreux facteurs de blo-
cage du marché français : frilosité des investisseurs, des grands clients, faiblesse des accompagne-
ments, diversité mais complexité des aides publiques. D’un autre côté, l’observation montre que
trop de startups sont faibles dans les dimensions vente et marketing et qu’il est assez difficile pour
des jeunes de créer une startup. Les investisseurs ont tendance à plus faire confiance aux dirigeants
expérimentés. Les beaux succès récents en France en sont le résultat : Pierre Chappaz a créé Kelkoo
après près de 18 ans d’expérience, dont celle de Directeur Marketing chez IBM. Nombre
d’entrepreneurs visibles du moment sont des « serial entrepreneurs » bien connus (Marc Simoncini
de Meetic, Jean-Baptiste Rudelle de Criteo, Gilles Babinet, etc).
Il y a trop peu de grands succès visibles de startups créées par des jeunes « dans leur garage ». Pour-
tant, les jeunes générations en veulent et sont prometteuses. Elles sentent mieux les évolutions de la
demande sur ces marchés en pleine évolution à la fois technologique et sociologique. De leur côté,
les investisseurs ne font pas habituellement appel à des conseils externes expérimentés qui pour-
raient accompagner les sociétés qu’ils financent, en particulier celles qui seraient fondées par de
jeunes dirigeants. Résultat des courses : là où il y a du financement potentiel, les experts ne sont pas
utilisés, et là où ils devraient absolument l’être, il n’y a pas beaucoup de financement.
Il existe cependant de nombreux moyens d’accompagnement des startups. Ils sont toutefois diffus et
pas faciles à cerner. On trouve un grand nombre de structures d’accompagnement publiques ou pri-
vées. Elles ne sont pas toujours clairement positionnées les unes par rapport aux autres et sont sou-
vent redondantes. Il est donc critique pour l’entrepreneur d’identifier dans ces différentes organisa-
tions quelques « têtes de réseau » qui vont permettre d’identifier les autres contacts utiles pour le
développement de l’entreprise. Et éviter d’y perdre trop de temps pour récupérer des miettes de
subventions et autres prêts à taux zéro. Le milieu de l’entrepreneuriat est un microcosme où les rela-
tions comptent beaucoup et où les réputations se font et se défont très rapidement!
Ce document est une tentative de traitement de ces différents thèmes et le point de convergence de
ce que j’ai pu rencontrer comme situations et établir comme contacts. Nous allons y couvrir les
questions suivantes :
Quels sont tout d’abord les principaux besoins d’accompagnement des startups ? Quelles sont les grandes questions à se poser lors de la création d’une société dans la high-tech ? Et au pas-
sage, fournir quelques réponses clés.
Comment fonctionne l’aide aux startups en France ? Autant sur le fond que sur l’aspect finan-cier. Quels sont les organismes et individus qui mettent le pied à l’étrier des dirigeants de ces
entreprises ? Comment financer l’amorçage d’une startup ?
Accompagnement des startups en France – Olivier Ezratty – Mai 2008 - Page 5 / 72
Quel sont le rôle, l’impact et quelles sont les limites des diverses aides publiques et comment en tirer le meilleur parti?
Quelles recommandations fournir aux jeunes dirigeants d’entreprises innovantes qui souhaitent se lancer dans l’aventure ?
Quelle est la place pour un accompagnement stratégique plus structuré de ces startups et quel serait son business model ?
Comment s’y retrouver dans le jargon du financement des startups : levées, term sheets, valori-sation, TRI, exit strategy, et tout le toutim !
L’objectif principal de ces pages étant de créer une base documentaire qui sera utile pour les jeunes
entrepreneurs souhaitant se lancer dans l’aventure et se faire correctement accompagner. Les entre-
preneurs expérimentés pourront aussi se mettre à jour, ou plus simplement, contribuer par leurs re-
tours d’expérience à faire de ce document un bon creuset du partage de savoirs.
Ce document étant vivant et régulièrement mis à jour, je vous encourage à me contacter pour me
faire part de toute expérience vécue, de questions non traitées ou d’observations,
En vous souhaitant une bonne lecture et surtout, le cas échéant, une bonne aventure d’entrepreneur!
Olivier Ezratty
olivier@oezratty.net
mailto:olivier@oezratty.net
Accompagnement des startups en France – Olivier Ezratty – Mai 2008 - Page 6 / 72
Expression des besoins
Créer une entreprise est un acte souvent trop solitaire pour le ou les fondateurs. Il nécessite à la fois
de l’expérience et un accompagnement pour éviter les chausses trappes et aussi accélérer le proces-
sus. Les besoins d’accompagnement sont nombreux comme nous le verrons, en particulier pour les
startups créées par de jeunes étudiants fraîchement issus des grandes écoles d’ingénieur ou de
commerce, ou autres institutions de formation supérieure.
Très souvent, la bonne idée est là. Mais il lui manque au choix : son industrialisation technologique,
une structure de management opérationnelle, un business plan qui tienne la route d’un point de vue
financier et/ou une approche marketing et commerciale opérationnelle. Les ingénieurs comme les
commerciaux ne font pas toujours de bons marketeurs !
Pour commencer, voici donc un inventaire « à la Prévert » des disciplines, sujets et questions qui
nécessitent un accompagnement pour les startups, et l’état de l’art correspondant. Cette liste est ba-
sée sur ma propre expérience avec près d’une centaine de startups rencontrées depuis 2005 et dont
la liste partielle est fournie à la fin du document.
Pour chacun de ces sujets seront évoquées les grandes questions que se posent les entrepreneurs et
les grands principes ainsi que les pistes de réflexion qui permettent d’y répondre. Le tri est un peu
arbitraire et n’est pas forcément hiérarchisé, notamment par rapport à la dimension temps. Certaines
questions se posent en effet à des étapes différentes de la maturité de la startup.
Il ne faut en tout cas jamais oublier que l’entreprise est là pour satisfaire les besoins de clients, ex-
primés ou latents. Et que cela passe par une qualité d’exécution au niveau, voire au-delà de leurs
attentes si cela ne coûte pas trop cher, histoire de créer la surprise et la différence. Une bonne stra-
tégie ne donnera rien si la qualité d’exécution ne suit pas ! Le sens du détail, la qualité du service, la
réactivité, le soin apporté à la création de son site web (vitrine ou pas) et à ses outils marketing,
l’infrastructure informatique, tous ces éléments doivent bénéficier de l’attention du créateur de la
startup autant si ce n’est plus que le financement et le recrutement.
Une autre question clé à traiter est de savoir échelonner dans le temps tous ces points. L’entreprise
ne se créée pas en un jour. Il faut d’abord énoncer les basiques de l’entreprise dans un business plan
bien structuré (mais souple…) puis se lancer dans les aspects opérationnels. L’ordre des opérations
est souvent documenté dans les divers sites d’information destinés aux entrepreneurs, certains étant
évoqués plus loin dans ce document.
Composante humaine
C’est le premier critère de réussite d’une startup selon tous les entrepreneurs qui sont passés par là.
Et aussi pour les investisseurs qui les sélectionnent.
Il s’agit tout d’abord de créer dès le départ une « dream team » de fondateurs, puis de continuer sur
la lancée en recrutant des « top guns ». Le premier Graal de la startup, c’est souvent le financement
de son démarrage. Mais une fois les fonds levés, il faut généralement recruter et c’est là que les vé-
ritables difficultés commencent. En effet, dans certains métiers, il y a foire d’empoigne pour trouver
les bonnes compétences, en particulier dans le développement logiciel. Et ce, même pour des débu-
tants. Cela devient rapidement une course contre la montre.
Une fois les bases de l’équipe constituée, plusieurs questions clés se posent donc:
Recrutement
Comment créer une équipe cohérente, notamment avec une bonne complémentarité de profils
(commerciaux, marketing, ingénieurs, financiers) au niveau des dirigeants? C’est souvent un point
faible des équipes fondatrices. Elles sont trop fréquemment monoculture : deux jeunes d’école de
commerce, trois ingénieurs. Et sinon, on rencontre souvent des startups créées par un « inventeur »
Accompagnement des startups en France – Olivier Ezratty – Mai 2008 - Page 7 / 72
issu d’une grande entreprise, et coiffé d’un DG au profil très commercial et « beau parleur ». Mais
est-ce la bonne combinaison ? Créer une équipes fondatrice bien complémentaire requiert en tout
cas du « réseautage » au-delà de son premier cercle (son école, son entreprise) et une capacité à bien
vendre son projet. La recherche de financement pourra aussi servir à trouver des co-fondateurs. Lors
de cette étape, on tombera facilement sur des talents qui n’ont pas forcément de capacité
d’investissement financière. Et parfois, sur des talents qui ont les deux.
Ensuite, comment mener un entretien de recrutement ? Faut-il faire appel à des sites Internet de
recrutement, à un chasseur de tête ou plus simplement à de la cooptation? Comment sélectionner les
chasseurs de tête le cas échéant ? Combien de temps dure un recrutement ? Faut-il recruter des
jeunes ou des personnes expérimentées ? Quel usage intelligent peut-il être fait de stagiaires ou de
projets menés par des étudiants de l’enseignement supérieur? Faut-il faire appel aux Junior Entre-
prises ?
Quel salaire et package global proposer pour les postes à pourvoir?
A partir de quand faut-il recruter un DRH ? Et au passage, comment gérer la paye ?
Organisation : produits vs services, ventes vs marketing
Faut-il au départ générer une séparation des rôles entre R&D et services pour éviter la confusion des
genres ? A partir de quel stade déclencher cette séparation ? Même question sur la vente et le mar-
keting. Comment les associer ou les dissocier?
Spécialisation ou non des rôles
Faut-il délimiter clairement ou pas les rôles dans l’entreprise ? A partir de quand faut-il rentrer dans
cette démarche ? Même au démarrage, il est bon de créer des descriptions de postes pour clarifier
les rôles sachant qu’il sera évidemment demandé beaucoup de souplesse aux collaborateurs, tant
dans leur mission que dans le temps consacré à la société.
Plans de compensation
Comment bâtir son plan de compensation, notamment des dirigeants et des commerciaux ? Quelle
part pour le variable ? Comment favoriser le travail d’équipe ? Comment rémunérer le marketing ?
Comment gérer l’évaluation des collaborateurs ? Faut-il lancer des processus d’évaluation formels?
Faut-il prévoir des stock-options pour les collaborateurs ou juste pour les dirigeants (en fait, il s’agit
de BSPCE) ainsi que des BSA (Bons de Souscription d’Actions) pour les contributeurs externes 1?
Et à quelle phase du financement prévoir ces attributions, sachant que la procédure est généralement
coûteuse (4K€ à 7K€ selon les cabinets d’avocats) ?
Industrialisation du fonctionnement avec la croissance
Comment industrialiser les processus de l’entreprise avec sa croissance ? Que ce soit les process
techniques ou les processus de la relation client. La question se pose rapidement dans le dévelop-
pement logiciel, souvent peu structuré au début de la croissance ainsi que dans les processus de
vente et marketing.
Adaptation culturelle
L’adaptation des français à un contexte qui devient vite international est fondamentale pour les diri-
geants d’entreprise. Ce n’est pas simplement une question de concurrence internationale sur le busi-
1 Ces outils d’intéressement se différentient essentiellement par les entreprises couvertes (les PME de moins de 15 ans pour les BCE
et BSA, toutes les entreprises pour les stock-options), par la fiscalité (meilleure avec les BCE, la plus lourde avec les stock-options),
par l’impact sur la structure du capital de la société (les BSA ont un effet dilutif et servent aussi d’instrument permettant de faire
entrer des investisseurs au capital d’une entreprise sans en changer la structure et le nombre de parts) et par les personnes concernées
(uniquement le management et les salariés de l’entreprise pour les stock-options et les BCE).
Accompagnement des startups en France – Olivier Ezratty – Mai 2008 - Page 8 / 72
ness, c’est aussi celle d’une confrontation de cultures où le français part parfois avec des handicaps.
Ne pas connaître ses forces et ses faiblesses est dangereux. Autant donc lever les méconnaissances.
Je recommande à ce sujet la lecture d’un excellent ouvrage, écrit par Pascal Baudry, « L’autre
rive »2, qui explique d’où viennent les différences culturelles et de comportements entre français et
américains, et par extension, avec les anglais et les asiatiques. Autre recommandation, créer une
équipe internationale dès que possible, même si elle est basée uniquement en France.
Mais l’adaptation culturelle d’une entreprise est constante au gré de sa croissance. Il faut à la fois
préserver ce qu’il y a de bon dans la startup (goût du risque, sens du produit, capacité d’innovation,
réactivité) et en même temps acquérir un savoir faire de plus grande entreprise (rigueur, processus
industriels, qualité, relation client). Ces questions se posent à la fois au démarrage de l’entreprise :
le dirigeant doit-il définir d’emblée un système de valeur lisible pour les premiers collaborateurs, et
ensuite le faire évoluer graduellement, ou plutôt vivre un peu plus spontanément et laisser les uns et
les autres décoder le système de valeur de l’entreprise? L’expérience montre qu’il est bon d’avoir
quelques convictions dans le domaine et de se bâtir rapidement un système de valeur entrepreneu-
rial et managérial.
Au-delà, et même avant de constituer une équipe, il est bon de s’entourer de conseils. Pas juste de
consultants traditionnels spécialisés en stratégie ou dans différentes branches comme nous le ver-
rons plus loin (recrutement, finance, juridique, marketing), mais également de personnes référentes
du marché de la startup : anciens chefs d’entreprise, ou chefs d’entreprises en activité, dirigeants de
clients potentiels, scientifiques de renom. Ils pourront être rencontrés ponctuellement pour confron-
ter le projet avec leur expérience, ou bien, encore mieux, rassemblés dans un groupe de travail. Ces
personnes référentes ont de nombreuses utilités : elles donnent un avis éclairé sur le projet et son
évolution, elles valident le projet en tant que tel et vis-à-vis de l’extérieur, elles rassureront
d’éventuels investisseurs. Ces personnalités seront de préférence des individus à forte personnalité
n’ayant pas leur langue dans leur poche. Comment les trouver ? La logique du réseau compte avant
tout, mais également, la prise de contact directe. C’est un test très utile où la force de conviction de
l’entrepreneur est testée. Il faut tirer parti de ce qu’il y a plus de « personnalités » qu’on l’imagine
qui sont prêtes à aider les entrepreneurs. En effet, elles ont réussi, parfois financièrement, souvent
médiatiquement, et peuvent avoir envie de transmettre leur savoir à d’autres. Certains ont plus sim-
plement une fibre « patriotique » et veulent voir réussir les entreprises françaises, avec la conviction
que les jeunes entrepreneurs peuvent apporter beaucoup pour créer de la richesse en France.
On peut constituer jusqu’à deux groupes de travail : un Conseil Scientifique et un Advisory Board.
Ce dernier est un comité de gestion constitué de dirigeants expérimentés et d’anciens entrepreneurs
qui aide au montage et au démarrage de la société, tandis que le Comité Scientifique est constitué de
chercheurs, académiques et experts métier aidant les dirigeant à valider l’approche technique ou
scientifique de l’entreprise. Dans les deux cas, ces groupes qui se réunissent lorsque nécessaire
n’ont pas les responsabilités juridiques particulières que l’on confère à un Conseil d’Administration.
Stratégie et modèle économique
Nombreux sont les créateurs qui buttent sur la création d’un bon business plan et d’un bon business
model. Que ce soit sur l’aspect financier, l’aspect marketing, ou simplement sur la rédaction. Il leur
est parfois difficile de se démarquer de la culture « Powerpoint » ou même « Excel ». En effet, un
tableau de prévisions ne fait pas un bon business model pour autant. Les grandes questions à se po-
ser étant : qui va payer mon produit/service, sur quel volume, quelle est ma structure de coût et de
marge correspondantes? Et… quel modèle utiliser3 !
2 Voir http://www.pbaudry.com/cyberlivre/. Le livre est téléchargeable gratuitement.
3 On pourra utiliser celui qui figure en bonne position sur le site Web de l’AFIC (sur
http://www.afic.asso.fr/Website/site/fra_rubriques_espaceentrepreneurs_businessplanplandedeveloppement.htm). Comme l’AFIC
regroupe les investisseurs, il y aura de fortes chances que le plan correspondra à leurs attentes !
http://www.pbaudry.com/cyberlivre/http://www.afic.asso.fr/Website/site/fra_rubriques_espaceentrepreneurs_businessplanplandedeveloppement.htm
Accompagnement des startups en France – Olivier Ezratty – Mai 2008 - Page 9 / 72
Les thèmes relatifs au business model qui nécessitent souvent un approfondissement et un accom-
pagnement sont les suivants :
Expression de la valeur
Cela commence simplement par la définition claire du métier, des produits et services, et de la va-
leur qu’ils créent pour les clients. Il faut également définir clairement qui paye quoi dans le cycle de
vente. A quel prix ? Quel retour sur investissement ? Est-ce que l’offre correspond bien aux besoins
sociétaux et économiques du moment ? Est-ce que cette valeur est monétisée directement ou indi-
rectement, par de la publicité4 ?
Segmentation et poten-
tiel de marché
Dans pas mal de projets,
j’ai pu constater que ces
deux notions étaient très
vagues. Tel projet Inter-
net qui évoque le gigan-
tesque marché de la pu-
blicité en ligne alors
qu’il n’en cible qu’une
niche dont le potentiel
n’est pas évalué. Tel
autre projet qui ne décrit
pas précisément les seg-
ments clients visés, ou le
profil type du client. Ce
flou inquiète les investis-
seurs potentiels. Il faut
donc jouer avec le para-
doxe suivant : comment
valoriser un marché pré-
cis, bien segmenté, tout
en faisant miroiter un
potentiel de bon niveau ?
Certains disent qu’il vaut
mieux une grosse part
d’un petit marché qu’une
toute petite part perdue
dans un gros marché.
D’autres pensent qu’il
est dangereux de se lan-
cer dans un marché qui
n’est pas encore établi.
En tout cas, on ne peut
plus faire une bonne
segmentation de ses
marchés cibles. Et pas
seulement pour ensuite
4 Voir cet excellent article « How to make money on the Internet » qui décrit les différents modèles publicitaires de l’Internet, publié
en 2006 sur http://www.stromcode.com/modules.php?name=News&file=article&sid=20&mode=&order=0&thold=0.
Thermomètre de l’ARPU
Le calcul de « l’Average Revenue per User » fournit un repère intéressant par rap-
port aux sociétés existantes d’un secteur d’activité. Et en particulier pour celles qui
vivent d’un revenu publicitaire.
Le tableau suivant rassemble quelques uns de ces ARPU pour des éditeurs de logi-
ciels, sociétés Internet, médias et opérateurs télécoms. L’ARPU est ici calculé à
partir du chiffre d’affaire annuel de la société ou de l’activité considérée, divisé par
le nombre d’utilisateurs. Ce nombre est soit un trafic d’utilisateurs uniques mensuel
pour le web, soit un nombre d’abonnés moyen pour les services payants.
Le tableau montre la grande disparité des ARPU selon le modèle économique. On
constate que les modèles Internet financés par la publicité sont compris entre 0 et
une quinzaine d’Euros par an et par utilisateur mensuel. Et dans un grand nombre
de startups modestes, cet ARPU est inférieur à un Euro ! La manière d’augmenter
l’ARPU consiste à augmenter la valeur générée : du service – surtout s’il est payant,
et de la publicité, si le modèle de services est gratuit. Plus la publicité sera contex-
tuelle ou comportementale, plus le coût par contact sera élevé.
http://www.stromcode.com/modules.php?name=News&file=article&sid=20&mode=&order=0&thold=0
Accompagnement des startups en France – Olivier Ezratty – Mai 2008 - Page 10 / 72
dérouler son plan d’action marketing. Mais aussi, pour peaufiner son produit ou son service et
s’assurer qu’il correspond bien aux clients visés.
Structure de chiffre d’affaire et de marge
Qu’est-ce qui génère de la marge opérationnelle pour l’entreprise ? Qu’est-ce qui va la faire vivre ?
Est-ce bien rentable ? Est-ce que la rentabilité va augmenter avec le temps et la taille de
l’entreprise ? Est-ce que sa valeur ajoutée est bien différentiée pour maximiser cette marge ? Est-ce
que l’entreprise pourra réellement bénéficier d’un effet de volume favorisant sa marge?
Il faut aussi se demander quels sont les repères de l’industrie permettant de valider le bien fondé des
plans de la société. Cela concerne les différents ordres de grandeur de la société : chiffre d’affaire,
ARPU (chiffre d’affaire par utilisateur), profitabilité, nombre de collaborateurs, etc.
Quel mix dans la vente de produit et de services?
On trouve cette réflexion classique dans le monde du logiciel. Ainsi, un logiciel destiné aux entre-
prises est-il souvent incomplet et nécessite du spécifique pour être déployé chez un client. Le « time
to market » et le manque de moyens poussent la startup à vendre sous forme de service ce qui ne
peut pas être intégré dans le logiciel.
Au point que le modèle rencontre rapidement des limites pour l’indus-trialisation de l’offre, et no-
tamment, le développement à l’international de la startup. Ce modèle de service est souvent incom-
patible avec un modèle « produit » voire de distribution indirecte.
Mais il est normal pour une startup de démarrer son activité avec un fort mix service car le produit
n’est souvent pas encore « sec » et la startup ne dispose pas d’un écosystème formé et motivé pour
assurer la part de services nécessaire à son déploiement chez les clients. Partant de là, la startup
logicielle doit cependant faire son possible pour progressivement diminuer la part des services dans
son activité, surtout si elle vise un marché dont le volume est important. Les effets de levier parte-
naires seront indispensables pour mener à bien cette démarche d’externalisation des services.
Plus généralement, les startups ont donc besoin de faire des choix dans leur approche stratégique du
client. Est-ce que la valeur ajoutée du produit est bien maximisée dans le mix produit/service propo-
sé? Est-ce que ce mix est compatible avec un développement géographique, un modèle de distribu-
tion indirect et avec le volume nécessaire pour amortir les coûts de développement?
Barrières à l’entrée
Grand classique des questions posées par les investisseurs potentiels aux startups : quelle est votre
barrière à l’entrée ? Dans les produits industriels et les logiciels, celle-ci est souvent technologique
et peut s’appuyer sur des brevets ou le secret industriel. Cela empêchera les concurrents d’inonder
le marché avec une solution équivalente à la votre. En théorie.
Mais la barrière à l’entrée peut revêtir d’autres habits, notamment dans le monde de l’Internet. C’est
tout d’abord simplement la vitesse et la qualité d’exécution qui feront la différence. Plus rapidement
une base installée sera constituée, plus difficile sera la tâche du concurrent, surtout si il est difficile
de changer de solution. C’est particulièrement valable si la croissance du service Internet
s’accompagne de la génération d’un stock de contenus dont la valeur s’accumuler avec le volume.
Ensuite, il y a la capacité à créer un écosystème autour de sa solution-plate-forme.
Dernière barrière l’entrée, qui est aussi liée à la rapidité : être le premier ou l’un des premiers pro-
jets d’une catégorie à lever des fonds importants auprès des capitaux risqueurs. Une fois que les
principaux projets sont financés, les VCs passent généralement à autre chose et cela limite les capa-
cités de financement des projets « me-too ».
Quelle que soit la forme de la barrière à l’entrée : propriété intellectuelle, rapidité d’exécution, qua-
lité de la solution, financement, écosystème, elle devra être clairement énoncée.
Accompagnement des startups en France – Olivier Ezratty – Mai 2008 - Page 11 / 72
Effets de levier commerciaux et marketing
Une startup sous-estimera souvent la difficulté de créer une « surface de contact clients » et
s’étonnera que son produit ne soit pas acheté alors qu’il répond bien à un besoin et qu’il a même
bénéficié d’une couverture presse de bon niveau. C’est lié à plusieurs éléments : le client est sub-
mergé d’offres et doit en permanence faire des arbitrages, l’image mentale qu’il se fait des nouveau-
tés du marché est souvent très floue, et le passage du « nice to have » au « must have » est affaire de
temps.
D’une manière générale, il faut trouver les bons effets de levier pour démultiplier efficacement les
efforts de génération de notoriété de l’entreprise, de prospection et de vente. Ces effets de levier
sont particulièrement recherchés par les investisseurs dans les business plans car ils conditionnent la
rapidité de la croissance de la société.
Il ne suffit pas d’ajouter des commerciaux dans un tableau Excel. Il faut définir une stratégie de
vente ou d’influence indirecte, un marketing éventuellement viral (dans le business to consumer),
un marketing d’influence, des partenariats pour améliorer à la fois la visibilité et la distribution de
son offre. Et recruter des partenaires ne sera pas forcément plus simple que l’acquisition de clients.
Il faudra créer un discours bien étudié à leur attention pour qu’un investissement temps dans votre
société en vaille la peine.
Construction d’écosystème et lien avec l’ouverture technologique de l’offre
Dans le monde de la high-tech, que ce soit pour du logiciel, de l’Internet ou du matériel, la notion
d’écosystème est clé. Une startup doit rapidement créer une offre qui attire des sociétés tierces qui
vont y ajouter de la valeur. Pour ce faire, il faut que les produits soient extensibles et architecturés
pour. Il est donc impératif de bien aligner les exigences business d’un écosystème dense et ciblé
avec l’architecture technique des produits. Et il faut l’accompagnement marketing et commercial
pour entretenir cet écosystème. Mais par où commencer et comment s’y prendre lorsque l’on dé-
marre ? Comment par exemple initialiser une « approche développeurs » et attirer des contributeurs
– commerciaux ou bénévoles – autour de son offre ?
Dans les « slides de backup » d’une présentation, il peut être utile de créer un schéma présentant
l’articulation de son écosystème. Et en faisant bien la distinction entre l’écosystème « amont » qui
comprend les partenaires et fournisseurs qui aident à créer le produit ou le service, et l’écosystème
« aval » qui permet de toucher les clients et de diffuser son offre de manière directe (vente, ser-
vices) ou indirecte (influence, notoriété).
Accompagnement des startups en France – Olivier Ezratty – Mai 2008 - Page 12 / 72
Startup
Hébergeur
Fournisseurs de
services
Fournisseurs de
technologies
Laboratoires de
recherche
…
Canal revente
Canal services
Influenceurs
Médias
…
Clie
nts
Veille concurrentielle
Elle est souvent correcte chez les créateurs d’entreprise, mais pas suffisamment pour savoir par
exemple ce qui se trame chez d’autres sociétés équivalentes également en « early stage ». Le réflexe
classique des entrepreneurs est de sous-estimer leur concurrence pour se rassurer, et aussi, de
l’envisager de manière trop étroite. Les concurrents les plus dangereux sont parfois dans des activi-
tés adjacentes et non identiques à celles de la startup. Dans l’Internet, ce sont les sites qui « pren-
nent » du temps aux utilisateurs, dans les entreprises, ce sont les sociétés qui font consommer au
client un budget donné. Etc. Il vaut mieux avoir une vision large de la notion de concurrence. C’est
d’ailleurs l’un des moyens d’éviter de se faire dépasser et il est tout aussi valable pour les grandes
entreprises.
Il est sinon difficile d’accéder à des listes de référence de startups5. Le réseau et la connaissance des
VCs du marché doivent aider à connaître la réputation et les caractéristiques des projets concurrents.
Il est aussi critique d’effectuer une veille technologique à l’échelle mondiale et pas seulement à
l’échelle française. Même si la startup n’aborde pour commencer que le marché français. Si le mar-
ché décolle, un concurrent étranger peut très bien s’implanter en France et menacer sérieusement les
acteurs locaux. D’autant plus que les acheteurs français sont parfois plus séduits par les acteurs
étrangers, surtout nord-américains, au détriment des acteurs français, jugés trop fragiles. C’est parti-
culièrement vrai dans les logiciels d’entreprises.
Exit strategy
Quelles sont les bonnes « exit strategy » ? Est-ce qu’elles se préparent en amont et comment ?
Comment se vendre aux grands groupes6 ? Comment appréhender la stratégie des grands acteurs
susceptibles de racheter des startups comme Cisco, Google, Microsoft, Oracle ou IBM ?
5 Je n’ai pas encore découvert de répertoire ou guide des startups technologiques en France. Des listes partielles sont disponibles
autour des grands événements comme TechTour, Demo ou Capital IT. On en trouve ensuite sur les sites Web des incubateurs et des
sociétés de capital risque. Cela fait des dizaines de listes à compulser.
6 Voici quelques informations sur les méthodes de rachat employées par Microsoft Corp dans le blog de Don Dodge:
http://feeds.feedburner.com/TheNextBigThing?m=154.
http://feeds.feedburner.com/TheNextBigThing?m=154
Accompagnement des startups en France – Olivier Ezratty – Mai 2008 - Page 13 / 72
Que faire si une société propose l’achat de votre entreprise très tôt dans son cycle de vie, avec une
valorisation encore trop faible ? Particulièrement s’il s’agit d’une société de service pour un éditeur
de logiciel. Comment gérer une introduction en bourse ?
Faut-il privilégier une « exit strategy » au détriment du business model ? Sur Internet, c’est une ten-
tation : on se dit qu’en créant la « killer feature », on sera racheté par Google ou Microsoft. Et on
créé un produit et une base d’utilisateurs sans se presser à les monétiser. On sait que cette stratégie
est très risquée et fonctionne rarement. Tout simplement parce que les chances d’être racheté étant
maigres, il faut prévoir le cas alternatif, et donc, générer rapidement du chiffre d’affaire et de la
marge!
Anticipation des crises
Se pose par ailleurs la question de l’anticipation des crises et leur gestion lorsqu’elles surviennent.
Une startup va inévitablement traverser plusieurs crises qui peuvent être anticipées: le manque de
cash et les cycles interminables de roadshows devant les VC, les cycles de vente qui se rallongent,
le produit qui ne sort pas à temps, la création de filiale à l’étranger qui ne se passe pas comme prévu,
les distributeurs qui vous lâchent, les conflits entre fondateurs, etc. Il faut donc bien s’y préparer7.
Juridique
Dès la création de l’entreprise, le dirigeant est confronté à de nombreux aspects juridiques, que ce
soit pour constituer la société, pour en structurer le capital ou l’augmenter, et enfin, pour protéger sa
propriété industrielle. Il s’agit alors, non pas de devenir un spécialiste du domaine, mais de bien se
faire assister. En particulier autour des sujets suivants :
Statuts de la société
Quel statut choisir pour la société ? SA ? SAS ? SARL ? Etc. Il est préférable de se faire accompa-
gner d’un bon avocat jouant le rôle de conseil juridique en droit des affaires, voire par un notaire.
L’APCE propose un site sur le sujet8. Certaines startups rémunèrent leur avocat en parts dans la
société.
Stratégie de propriété intellectuelle
Protéger sa propriété intellectuelle est un véritable casse-tête pour une startup. Cela concerne les
marques (société, produits), les brevets, les dessins et modèles (qui protègent le design en Europe et
en France, et sont intégrés dans les brevets aux USA), le secret (facile à appliquer dans le cas de
services Internet), et – à ne pas oublier – les noms de domaine Internet.
Une protection de la propriété intellectuelle résultante de la R&D de l’entreprise peut avoir plu-
sieurs finalités : défensive vis-à-vis de concurrents, monétaire si elle est valorisable sous forme de
licences, et aussi pour inspirer confiance à des investisseurs potentiels.
Les logiciels sont un peu plus difficiles à protéger en Europe qu’aux USA, et il est couteux de le
faire aux USA. On peut cependant facilement déposer des brevets de procédés techniques mettant
en œuvre du logiciel pour peu que ces logiciels interagissent avec du matériel9. Les solutions Web
et « Software as a service » sont plus faciles à protéger. Cachées derrière un serveur, elles ne peu-
vent pas être facilement copiées par le client ou un concurrent et le besoin de brevets est moins cru-
cial.
7 Michel Safars, le COO d’INRIA Transfert, anime un cours électif sur ce sujet au MBA d’HEC. J’y interviens pour faire part de mon
expérience dans le contexte de mes 15 années passées chez Microsoft.
8 Voir http://www.apce.com/index.php?rubrique_id=116&tpl_id=106&type_page=I&type_projet=1¶m=0.
9 La majeure partie des brevets logiciels d’IBM ou de Microsoft ont été déposés aux USA comme en Europe. L’Office Européen des
Brevets et la règlementation associée sont assez souples. La quasi-totalité des procédés techniques logiciels sont associables à du
matériel dans leur description.
http://www.apce.com/index.php?rubrique_id=116&tpl_id=106&type_page=I&type_projet=1¶m=0
Accompagnement des startups en France – Olivier Ezratty – Mai 2008 - Page 14 / 72
Quand aux idées qui relèvent de l’intégration ou de principes technologiques simples, ce n’est pas
plus évident. Tout comme la protection de services Internet.
Par ailleurs, il faut créer les marques de l’entreprise et de ses produits sans risquer d’enfreindre
celles d’autres entreprises. Dans ces domaines, l’INPI est d’un grand secours, mais il est insuffisant.
L’accompagnement d’un spécialiste de la propriété industrielle peut rapidement devenir nécessaire.
Eventuellement par le truchement d’une organisation publique d’accompagnement des startups.
Il faut aussi se poser la question du choix des licences dans le cas du développement d’un logiciel
en mode open source, ou même, simplement un logiciel commercial au dessus d’une plate-forme
open source comme Linux. Si l’on veut se faire racheter par Microsoft (ce qui est rare), on évitera
de créer des logiciels sous licence GPL voire même s’y faire appel. L’aspect « viral » de cette li-
cence fait peur à l’éditeur et cela a fait échouer plus d’une tentative d’acquisition de startup ces der-
nières années, y compris en France ! Dans d’autres cas de figurer, il faudra prévoir le cas d’un déve-
loppement open source auquel serait adjointes des briques logicielles propriétaires.
Contrats clients et fournisseurs
Comment créer de bons contrats qui protègent bien la société et limitent les risques juridiques et
financiers (pénalités de retard, propriété intellectuelle)?
Protection de la vie privée
C’est une question cruciale pour la plupart des sites Internet : le respect de la règlementation en
matière de protection de la vie privée, sous le contrôle de la CNIL pour ce qui est de la France.
Toute base de données contenant des informations sur les utilisateurs d’un service doit être déclarée
à la CNIL10
. Et cette dernière peut faire des remarques sur les modalités opératoires de la collecte et
de l’usage qui est fait de ces données. La règlementation en vigueur est très exigeante sur les droits
des utilisateurs : notamment, à l’information et à l’accès aux données les concernant,
De plus, les mots de passe des utilisateurs doivent être cryptés dans les bases de données, et inac-
cessibles en clair aux équipes de la startup.
Enfin, il faut prendre gare aux variations de traitement de la vie privée selon les pays. Mais à priori,
qui peut le plus peut le moins, la France et l’Europe étant les plus protecteurs des consommateurs de
ce point de vue là.
Choisir un avocat d’affaires
Et oui, pour gérer tout cela, il faudra faire appel au minimum à avocat d’affaire. Le choix est impor-
tant car sa fiabilité conditionnera le bon fonctionnement d’étapes clés comme les levées de fonds.
C’est un conseil qui aidera à négocier les pactes d’actionnaires avec les investisseurs.
Il est important de vérifier les références du cabinet que vous sélectionnerez. Et notamment pouvoir
contacter une ou plusieurs startups qui y ont fait appel et dans un grand nombre des étapes de la vie
de la startup, de la création jusqu’au développement, si ce n’est à la « sortie ».
Certains cabinets d’avocat peuvent aussi prendre en charge les aspects de propriété industrielle. Là
encore, il faut vérifier leurs références. Mais il est généralement préférable de faire appel à un con-
seil spécialisé en propriété industrielle.
Financement
Très tôt, le financement de l’entreprise empêche le dirigeant de startup de dormir et occupe une
grande partie de son temps, notamment pendant les levées auprès de capitaux risqueurs. Mais de
10 En octobre 2007, la procédure était documentée sur http://www.cnil.fr/index.php?id=1245.
http://www.cnil.fr/index.php?id=1245
Accompagnement des startups en France – Olivier Ezratty – Mai 2008 - Page 15 / 72
nombreuses autres dimensions financières sont à prendre en compte dans la vie de l’entreprise et là
encore, il vaut mieux disposer des bonnes compétences ou se faire accompagner.
Financement de la croissance
Comment financer les différentes étapes de croissance de la startup ? Elle consomme une (trop)
grande partie du temps des créateurs de startups. Surtout quand ils sont jeunes. Ils passent du temps
à « pitcher » des relations, des business angels, des VCs. Ils testent leurs idées. Et se font éventuel-
lement aider de leveurs de fonds11
. La question qui se pose est de savoir rechercher le bon niveau
d’investissement au bon moment. L’équilibrage entre business angels et VCs est délicat et est con-
ditionné par la capacité de la startup à générer des fonds propres pour sa croissance et aussi par la
capacité de croissance générée par le business model. Les VCs ne s’intéressent pas aux sociétés à
croissance « moyenne ». Les Business Angels sont rares en France et difficiles à débusquer. Nous
reparlerons plus en détail de cet aspect.
Structure du capital, parts des fondateurs et leur évolution
Lors de la création de l’entreprise se pose la question de la répartition du capital entre les associés
fondateurs. Elle n’est pas forcément égale car leur contribution est rarement synchrone et identique.
On peut utiliser une péréquation basée sur plusieurs paramètres : l’origine de l’idée, l’origine du
business plan, l’apport d’expertise métier ou technique, l’engagement personnel et le risque pris et
enfin, les responsabilités opérationnelles. On peut y ajouter un intangible comme le « leadership »
et bien entendu, la mise de fonds initiale. En pondérant ces différents facteurs et en les estimant
d’un commun accord entre les associés, ils pourront aboutir à une répartition rationnelle du capital
(voir ci-dessous et 12
). Il sera d’ailleurs préférable de faire ainsi ressortir un leader dans l’équipe
fondatrice. Cette asymétrie de responsabilité et de parts dans le capital assure une stabilité dans la
direction de la société et est appréciée par les investisseurs.
Et puis, la structure du capital évoluera au gré des tours de financement. Certains créateurs pourront
sortir du capital, d’autres contributeurs importants y rentrer.
Réaliser son pitch auprès des capitaux risqueurs.
Il est critique de maitriser les trois « médias » utilisés pour présenter un plan et obtenir le finance-
ment escompté:
11 Quelques leveurs connus en France : Aélios Finance, Chausson Finances, Acta Finance, LD&A, Clipperton, MGT, Multeam,
GO4Ventures et Tykya.
12 Cette méthode est documentée par Frank Demmler dans « The founder’s pie caculator » sur
http://www.andrew.cmu.edu/user/fd0n/35%20Founders'%20Pie%20Calculator.htm.
http://www.andrew.cmu.edu/user/fd0n/35%20Founders'%20Pie%20Calculator.htm
Accompagnement des startups en France – Olivier Ezratty – Mai 2008 - Page 16 / 72
La version texte, qui est généralement la plus complète et exprime clairement les grandes idées du plan. Cette version est difficile à créer pour les entrepreneurs, à la fois parce que la culture de
l’écrit se fait de plus en plus rare, et parce que c’est l’exercice le plus délicat demandant le plus
de précision.
La version chiffrée, avec tableaux Excel. Elle permet de valider les grands principes du busi-ness model. Le compte d’exploitation et de cash flow permettent de valider le plan de finance-
ment, de revenus et de coûts. C’est dans ce genre de tableaux que l’on voit si les entrepreneurs
ont les pieds sur terre. Les chiffres doivent être à la fois optimistes (pour motiver), réalistes
(pour inspirer confiance) et cohérents (pour montrer son professionnalisme). L’approche clas-
sique consiste à montrer une situation d’équilibre au bout de trois ans au maximum. Au-delà, le
projet sera véritablement trop risqué, en tout cas dans la high-tech. Dans les bio-techs, des délais
supérieurs peuvent cependant être censés.
La version présentation, souvent en Powerpoint, qui sert surtout à « pitcher » les investisseurs. C’est un document qui doit être très synthétique et tenir en moins de douze transparents, eux-
mêmes, pas trop denses en texte. C’est l’art oratoire qui doit apporter l’essentiel du contenu, pas
les transparents ! Mais il faut savoir expliquer rapidement ce que l’entreprise propose, son posi-
tionnement et son marché. Créer une « image mentale » du produit ou du service, montrer son
unicité, son originalité, sa correspondance avec un véritable besoin sont plus faciles à dire qu’à
bien exécuter. Dans des comités de sélection de startups, on rencontre encore trop souvent des
startups dont, après une demi-heure de présentation, on se demande encore ce qu’ils font exac-
tement. Idéalement, il faudrait pouvoir commencer par décrire l’entreprise avec une phrase du
genre : «nous [la société] sommes un [métier] qui propose [une solution] aux [segments clients
visés], leur apportant [un bénéfice unique et bien différentié] ». Et d’ajouter ensuite : « Notre
modèle économique consiste à [mode de monétisation du service ou du produit]. Nous pré-
voyons [chiffre d’affaire à 3 ans] avec une marge nette de x%». Au passage, il est bon de pré-
voir dans sa présentation les copies d’écran permettant de faire une démonstration sans accès In-
ternet s’il s’agit d’un site web. En effet, chez de nombreux investisseurs, les visiteurs n’ont pas
accès à Internet, que ce soit en réseau câblé ou en
wifi !
Comment donc s’y prendre pour faire tout cela correc-
tement ?
Recherche d’aides publiques
Comme nous le verrons plus loin, les aides publiques
aux entreprises innovantes sont très diverses et pas
toujours facile à identifier et récupérer. En même
temps, elles sont devenues incontournables car, avec
les business angels, elles sont le moyen privilégié de
financer l’amorçage d’une startup.
Donc, quelles aides privilégier ? Lesquelles apportent
le meilleur rapport montant récupéré sur temps inves-
ti ? Quelles aides entrainent d’autres aides ? Quels sta-
tuts sont bons à obtenir (Jeunes Entreprises Innovantes,
etc) ? Quel point de contact unique peut-on éventuel-
lement utiliser pour trouver ces subventions et autres
aides ?
Formation de base à la finance
C’est particulièrement vrai pour les créateurs issus d’écoles d’ingénieur. Sans l’accompagnement
d’un financier ou contrôleur de gestion, il leur faut découvrir les fonds de roulement, les conditions
Combien de transparents ?
Combien de slides faut-il pour présenter son
projet à des investisseurs ?
Le modèle classique est en sept à huit slides :
solution, marché, concurrence, technologie,
modèle économique, stratégie vente et marke-
ting, équipe, compte d’exploitation et cash
flow.
Jean-Louis Gassée recommande lui de ne
commencer sa présentation qu’avec trois trans-
parents : équipe, solution, modèle économique.
Ils doivent amener les questions de l’auditoire
et ensuite les autres transparents peuvent être
présentés dynamiquement en fonction de la
dynamique de la réunion. On appelle cela les
« slides de backup » et on peut en avoir autant
que nécessaire, pour peu qu’ils ne soient pré-
sentés qu’en fonction du besoin.
La limite maximum à ne pas dépasser est en
tout cas de 15 transparents.
Accompagnement des startups en France – Olivier Ezratty – Mai 2008 - Page 17 / 72
de l’affacturage et autres structures de frais généraux. Evidemment, il faut aussi découvrir patiem-
ment les joies des process pour arriver à se faire payer par les grands clients !
Prévision de compte d’exploitation
Le besoin est relativement simple et l’aide d’investisseurs chevronnés fait normalement l’affaire. Il
s’agit de savoir comment structurer son compte d’exploitation pendant les deux à trois premières
années de vie de l’entreprise. Quelles charges doivent-elles être intégrées ? A quelle vitesse le reve-
nu va-t-il couvrir les charges ? A quelle vitesse le recrutement peut-il se faire pour déclencher les
ventes et le revenu ? L’expérience montre que les comptes d’exploitation présentés par les créateurs
de startup sont irréalistes. Ils minimisent systématiquement les coûts et présentent une croissance
trop rapide. Souvent par manque d’expérience. Le coût de développement d’un logiciel sera au mi-
nimum du double de ce qui est prévu, tout comme les coûts marketing et vente. Présenter une marge
irréaliste (genre >50%) va rapidement attirer l’attention. Il vaut mieux être raisonnable de ce point
de vue là et cibler une marge pas trop décalée par rapport au métier dans lequel on est, sauf botte
miracle bien documentée (genre : une astuce pour créer beaucoup de valeur avec très peu de coûts) !
Modèle de prix
Que ce soit pour du logiciel (licence, hébergement) ou du service (tarif à la journée), c’est une des
questions les plus délicates pour l’entrepreneur. Elle nécessite une connaissance des pratiques du
marché considéré, des concurrents en place, ainsi que des pratiques d’achat des clients. Il faut savoir
dans quelle partie du compte d’exploitation des clients sera intégrée la startup : budget marketing,
coût des ventes, R&D ou autre.
Mode de tarification des logiciels
C’est pour les licences de logiciels d’entreprise que la question est la plus délicate. Faut-il vendre
ou louer des licences ? Sont-elles indexées au nombre d’utilisateurs, de serveurs, d’unité gérée, en
fonction de la valeur générée chez le client ? Quel ratio appliquer : un uplift sur les coûts, un % en
dessous de la concurrence ou une part de la valeur créée ? Curieusement, il n’existe pas vraiment de
littérature sur le sujet et donc l’expertise repose uniquement sur les praticiens du secteur.
Faut-il définir son prix uniquement en fonction des objectifs de croissance de la société ?
Mode de tarification des services
Dans le cas des services, quel taux horaire pratiquer pour ses ingénieurs selon les métiers et la durée
des prestations ? Faut-il travailler au forfait ou à la régie ? Peut-on intégrer le prix du service dans le
prix d’un logiciel ? Ou réciproquement ?
Stratégie vente, marketing et communication
Avec le financement, la vente et le marketing sont le carburateur de la croissance. Il est critique de
bien les organiser pour générer rapidement des ventes, si possible en créant des références clients
qui vont servir à la fois à payer les salaires et à alimenter le marketing.
Discours et technique de vente
Avant même toute stratégie de vente et de marketing, il faudra peaufiner son discours, son « pitch
de vente ». Le tester, le retester et sans cesse l’améliorer. Bien entendu, il faut une ou plusieurs pré-
sentations de type Powerpoint. Tout comme une brochure.
Il y a plusieurs manières de structurer son discours de vente. En approche client directe, certaines
méthodes consistent à mettre en évidence un manque ou des difficultés existantes, des pertes de
chiffre d’affaire ou des surcoûts dans l’entreprise cliente. On remue un peu le couteau dans la plaie
Accompagnement des startups en France – Olivier Ezratty – Mai 2008 - Page 18 / 72
en faisant parler le client de ces aléas13
. Et ensuite, on plante le décor avec son offre. Et celle-ci de-
vra mettre en évidence d’un côté un bénéfice clair, une valeur aussi chiffrable que possible, et de
l’autre, un coût bien inférieur.
Personnalisation du discours par rapport au client
Faire parler le client sur sa situation et ses besoins
Evocation de l’existant des clients, et de ses
inconvénients et coûts
Ce que fait le produit ou service
Val
eu
r aj
ou
tée
pe
rçu
e1 2 4
Le après par rapport à l’avant
3
Le après par rapport à l’avant pour le segment
Personnalisation du discours par rapport à un segment de clients
Evocation des besoins spécifiques du segment
Discours marketing Discours commercial
Le après par rapport à l’avant pour le client
Le schéma ci-dessus montre visuellement les bénéfices d’un discours qui créé bien le contraste
entre l’existant des clients et la solution proposée.
Le cas 1) correspond à la présentation de la solution es-abstracto, dans évocation du client et de ses besoins. Ce cas est plus fréquent qu’il n’y parait. L’efficacité est plutôt moyenne.
Le cas 2) correspond à la présentation préalable de la situation existante des clients avec les problèmes qu’elle génère en termes de complexité, de temps perdu, de coût. La valeur ajoutée
perçue est évidement plus élevée.
Dans le cas 3), le discours sur la situation existante et sur la solution est plus spécifique car per-sonnalisé pour chaque segment client visé. Cette technique s’applique comme les précédentes
dans les discours marketing (communiqué de presse, brochure, site web, séminaire).
Le dernier cas 4) est celui de l’approche commerciale directe face à un client. Le mieux à faire consiste à faire parler son client
avant de vendre son offre. Et de le
questionner sur sa situation exis-
tante, ses difficultés, ses besoins.
Ensuite, le discours sur la solution
peut être personnalisé. C’est dans
ce cas que la valeur ajoutée perçue
13 Cette technique s’appelle « Spin Selling » et a été documentée par un certain Neil Rackham. Voir http://www.amazon.com/SPIN-
Selling-Neil-Rackham/dp/0070511136.
Coût solutionDélai
ChangementIntégration
Risque>ValeurRéduction des
coûts tiers
http://www.amazon.com/SPIN-Selling-Neil-Rackham/dp/0070511136http://www.amazon.com/SPIN-Selling-Neil-Rackham/dp/0070511136
Accompagnement des startups en France – Olivier Ezratty – Mai 2008 - Page 19 / 72
est la plus forte, sans compter la confiance qui est générée par un contact humain direct.
La perception du client devra être comme sur cette balance : la valeur économique de la solution
devra être de loin plus importante que son coût global, ce qui intègre le délai de mise en œuvre, le
changement induit chez le client, les questions d’intégration et évidemment les notions de risques.
Le point le plus difficile à traiter étant sûrement le risque de choisir une startup. On minimise ce
risque perçu avec un bon financement, de bonnes références clients, et une capacité pour le client à
substituer l’offre par une autre. Très souvent, le risque est minimisé chez le client par la mise en
place d’un « pilote » qui testera les capacités de l’offre. Dans ce cas, il faudra prendre gare à être
aussi proche que possible de l’opérationnel et du business du client, sinon, le pilote va se fondre
dans la masse et ne pas déboucher sur une vente. De plus, il faut aussi tout faire pour vendre le
pilote. Les grands clients français ont une propension à vouloir obtenir ces pilotes à l’œil, aux frais
du fournisseur. Ce genre de client est à éviter, sauf s’il est inévitable !
Accès aux grands comptes
Créer ses premières références dans de grands comptes français est souvent une tâche ardue. Leurs
modes d’achat, surtout dans le secteur public, pénalisent les acteurs locaux en réduisant le nombre
de fournisseurs référencés. Les grands comptes souhaitent diminuer leur dépendance des grands
acteurs (comme Microsoft ou Oracle) mais en même temps, ils favorisent mécaniquement les
grands fournisseurs, mais il est vrai plus dans le domaine du service que du logiciel. Certains
acteurs américains ou canadiens sont préférés à des acteurs français, même sans références ni filiale
locale, et avec un chiffre d’affaire moindre ! Ils présentent en surface une plus grande pérennité.
D’où le militantisme des entrepreneurs et VCs pour un Small Business Act à la française, qui ins-
taurerait un % minimum de commande publique vers des fournisseurs PME. De nombreuses asso-
ciations comme l’IE Club ou l’AFIC se sont fait l’écho d’une telle demande, qui se heurte pour
l’instant aux régulations économiques de la Commission Européenne. Mais de telles mesures, si
elles n’existaient, n’impacteraient que les relations avec les grands comptes du secteur public, pas
du privé !
L’aide attendue ici relève du fonctionnement en réseau pour entrer en contact avec les bons interlo-
cuteurs chez les clients cibles, et aussi un décryptage des modalités d’achat de ces grands groupes.
Elle pourra aller jusqu’à des prestations spécialisées telles celles de Software Continuity14
, une so-
ciété française pour propose une réassurance « pérennité » aux éditeurs de logiciels pour leurs rela-
tions avec leurs grands clients.
En tout cas, le premier grand compte client devra servir à créer une référence client communicable.
Et est bon de s’en assurer rapidement et que le client acceptera cette communication car sinon,
l’effet de levier de la première commande sera bien limité d’un point de vue commercial et marke-
ting.
Dimensionnement du cycle de vente
Un bon plan opérationnel traitera du dimensionnement du cycle de vente complet en indiquant le
nombre de clients à chaque étape (prospection, démarchage, démonstration, pilote, projet, signature,
etc) et les taux de transformation entre chaque étape. L’évolution de ce taux dans le temps sera une
bonne indication de la maturation de l’expérience de la société.
14 Software Continuity propose pour 2% du coût du logiciel ou 10% du coût de sa maintenance une assurance technique garantissant
la pérennité du code source et de ses corrections pour les clients d’un éditeur de logiciel au cas où celui-ci viendrait à disparaître. Son
offre est commercialisée par le biais des éditeurs de logiciels. Software Continuity se charge de la prise en main de la connaissance
du code source de l’éditeur en procédant à sa maintenance corrective au fil de l’eau des logiciels de l’éditeur.
Accompagnement des startups en France – Olivier Ezratty – Mai 2008 - Page 20 / 72
Ventes directes ou indirectes
Question classique, en particulier pour la
vente de logiciels en entreprise. La tenta-
tion est souvent de commencer par de la
vente directe et à remettre la vente indi-
recte à plus tard. Pourtant, une stratégie de
vente indirecte est souvent incontournable
pour le développement rapide de la société
et pour lui permettre de faire des écono-
mies d’échelle. A chacun son métier !
Quels sont les paramètres à prendre en
compte dans ce choix : taille du marché,
expansion internationale, nombre de
clients potentiels, besoins de produits et
services complémentaires autour des pro-
duits et services de la startup, revenu par
client et par projet ? Comment s’appuyer
sur les SSII pour accéder aux clients
grands comptes ?
Réseau de distribution
Une fois qu’une stratégie de vente indi-
recte est sélectionnée, il faut créer le ré-
seau. Souvent en s’accrochant à un réseau
existant. Parfois en créant un réseau de
toutes pièces, voire des franchisés. Quels
acteurs sélectionner ? Comment les moti-
ver ? Quelle marge ou remise leur propo-
ser ? Qui va générer la demande, eux ou la
startup ? Qu’attendre d’eux ?
Développement international
Les questions courantes sont : quand faut-
il se lancer à l’international et comment ?
Par quel pays commencer ? Le Royaume
Uni et l’Allemagne avant les USA, ou le
contraire ? Comment ? A quel coût ? Quel
délai pour un retour sur investissement ?
Avec une filiale, un représentant, un
commercial itinérant ? Quel investisse-
ment est nécessaire ? Comment réussir ses
recrutements à l’étranger ? Est-ce que le
marketing peut être centralisé ? Est-ce que
l’on peut s’en passer dans le cas d’une
stratégie de vente sur Internet ?
Ces questions peuvent aller jusqu’à : faut-il établir la société aux USA pour démarrer ? Faut-il y
chercher des financements ? Avec quels relais locaux ?
La réponse dépend étroitement de la nature du business. Est-ce un business de portée mondiale ou
locale ? Est-on dans le « btob » ou le « btoc » ? Exemple : les logiciels d’infrastructure en btob. Ils
touchent d’emblée un marché mondial et il est préférable de ne pas cibler uniquement la France,
S’établir aux USA
Pour une startup logicielle ou Internet, la tentation est grande
d’aller s’installer aux USA. Le marché intérieur y est non
seulement le plus important du monde, mais il définit les
autres marchés par ricochet. Le bénéfice d’une telle installa-
tion est plus important pour une activité b-to-b que b-to-c. En
effet, ces dernières, surtout sur Internet, peuvent s’affranchir
des lieux.
On peut s’établir aux USA de plusieurs manières dans un
engagement croissant: via un réseau de revendeurs ou parte-
naires, avec une filiale, en y installant son siège, l’activité
française devenant une filiale, et en déménageant toute la
société là-bas.
Quelques conseils pratiques :
Avoir une filiale établie aux USA permet d’inspirer con-fiance aux clients, notamment en b-to-b, et à fortiori pour
les grands comptes.
Recruter des équipes locales et que seul le manager pourra provenir de la maison mère française.
Etablir son siège fiscal et juridique au Delaware plutôt qu’au Nevada. Cela procure différents avantages : déci-
sions concentrées car l’Etat est petit, tarifs permettant
d’aller plus ou moins vite selon le besoin, crédibilité, ins-
trument pour le capital risque et une fiscalité plus at-
trayante que celle de la Californie (source : François Lau-
gier, avocat chez RMKB dans la Silicon Valley).
Installer ses bureaux dans la Silicon Valley. Si possible, pas trop loin de Palo Alto et de l’aéroport international de
San Francisco.
Commencer par sous-louer des locaux à d’autres startups. C’est ainsi que NetVibes était installé avec cinq personnes
en 2007.
Apprendre les bonnes manières du business aux USA et dans la Silicon Valley : payer à temps (15 jours) ses four-
nisseurs, respecter ses contrats, admettre ses erreurs.
Comprendre les spécificités du marché du travail, qui est très volatile. On peut recruter des collaborateurs tempo-
raires, qui sont payés à la quinzaine et ensuite les embau-
cher. Mais une embauche n’est pas un CDI. Le collabora-
teur peut rapidement partir chez un concurrent. Il faut donc
le fidéliser !
Faire attention à préserver la propriété intellectuelle : de ses produits, dans ses contrats avec des développeurs ex-
ternes dans ses contrats clients. Attention également aux
références à des contenus tiers sur les sites web.
Faire appel à un bon avocat.
Accompagnement des startups en France – Olivier Ezratty – Mai 2008 - Page 21 / 72
même dès le début de la vente. D’autant plus que le marché français de l’informatique d’entreprise
n’est pas très dynamique en comparaison avec d’autres pays occidentaux : les cycles de vente sont
plus longs, les DSI prennent moins de risques (le risque n’imprègne pas vraiment la culture fran-
çaise en général) et les conditions de paiement sont mauvaises (3 mois, etc). Donc, il est bon d’aller
vite voir ailleurs, au-delà de quelques premières références créées en France. En btoc, c’est un peu
différent. Certains services, notamment sur Internet, ont une composante linguistique, sociale et
culturelle assez locale. Et le marché français est plus perméable aux nouveautés que le marché de
l’entreprise.
Communication et buzz marketing
Comment construire un plan marketing qui créé notoriété et génération de demande à bon compte ?
Comment provoquer efficacement du buzz marketing ? A quel coût ? Avec quel impact sur les
ventes ? Quels leviers privilégier ? Est-ce que la construction d’un site Web et d’un blog suffisent ?
Comment fonctionne le marketing viral ? Comment bien référencer son site Web sur les moteurs de
recherche15
? Comment bien gérer ses relations presse ? Comment sélectionner ses agences de mar-
keting et de communication ?
Partenariat avec grands groupes
Quels sont les moyens de s’appuyer sur les forces marketing des grands acteurs du secteur (Micro-
soft, Oracle, IBM, etc) ? Quelles sont les limites de ce modèle ? Comment s’y retrouver dans leur
organisation souvent très complexe et mouvante ?
Support technique
L’organisation du support technique, sa qualité, son prix, sont des éléments critiques de la satisfac-
tion client, en particulier pour les éditeurs de logiciel. Comment s’y prendre et s’organiser? Peut-on
sous-traiter tout en partie de cette activité à un tiers ? Doit-il être payant ou gratuit, intégré dans le
prix du produit ou du service ? A quel prix le facturer le cas échéant?
Choix technologiques
Je l’ai placé en dernier mais ce sujet est très important au regard de l’offre produit. La startup doit
souvent faire des choix de plate-forme qui vont conditionner ses coûts de R&D ainsi que l’accès au
marché et même la confiance des capitaux risqueurs.
Choix de plate-forme
De nombreuses startups se lancent billes en tête dans un développement sur telle ou telle plate-
forme du marché, sans forcément en mesurer les conséquences. Souvent ce choix est plus fait pour
rassurer les investisseurs que pour répondre à une véritable logique technologique et économique. Il
relève aussi des compétences acquises pendant les études pour les jeunes entrepreneurs. Ce choix
mérite d’être creusé, notamment en fonction de l’ouverture de la plate-forme, des clients visés, de la
charge de développement et des besoins de maintenance du logiciel. Il dépend aussi des compé-
tences disponibles sur le marché de l’emploi.
Il peut être nécessaire, comme dans la mobilité, de viser une technologie multi-plate-forme, permet-
tant de cibler les différents appareils du marché, sans être lié à l’un d’entre eux.
On peut aussi coupler ou découpler les choix côté poste de travail (Windows, Linux, Macintosh) et
côté serveur (Linux, Windows Server). Parfois, le choix de la plate-forme cible peut se faire indé-
pendamment du choix de la plate-forme de développement. C’est ce qui explique le choix fréquent
de Java ou de technologies Web, qui ne dépendent pas de la plate-forme Windows. Mais il ne faut
15 Voir ce site qui décrit quelques astuces pour un référencement efficace et gratuit de son site Web sur les moteurs de recherche:
http://www.brakstar.com/referencement/preparation-au-referencement.htm.
http://www.brakstar.com/referencement/preparation-au-referencement.htm
Accompagnement des startups en France – Olivier Ezratty – Mai 2008 - Page 22 / 72
pas exclure pour autant les technologies Microsoft (que j’ai eu à défendre pendant mon passage
chez Microsoft France). Les outils .NET et Visual Studio présentent un intérêt certain en termes de
productivité pour le développement et d’interopérabilité. Si le logiciel développé est
« lourd », .NET est un choix très compétitif.
Enfin, l’aspect coût entre évidemment en ligne de compte. Ce qui fait souvent préférer les solutions
open source pour les projets Internet. On s’attachera dans ce cas surtout à avoir une structure de
coûts logicielle aussi fixe que possible, et ne croissant pas avec le trafic. On l’obtient avec des li-
cences serveur illimitées chez les éditeurs commerciaux ou avec des logiciels open source courants.
Pour les éditions « payantes » de Linux et du middleware associé, le prix qui est associé à un ser-
vice sera ainsi de préférence indexé sur les ressources du partenaire impliquées que sur le nombre
de serveurs gérés.
Quelque soit le choix de la plate-forme logicielle, il est en tout cas bon d’architecturer ses logiciels
de manière à ce qu’ils montent bien en charge au gré de la croissance de l’activité.
Industrialisation du développement logiciel (builds, sécurité, gestion de versions, roadmap).
On ne s’improvise pas éditeur de logiciel ni opérateur de services Internet! Il faut mettre en place
des méthodes de travail, d’organisation du développement, des tests, qui sont non négligeables.
J’ai listé dans le tableau ci-dessus à cette partie les différents éléments à prendre en compte dans
son organisation technique. Ces points peuvent être audité aussi bien lorsque la startup réalise une
levée de fonds auprès de sociétés de capital risque qu’au moment d’une « exit » où cette analyse
sera évidemment bien plus fouillée… et exigeante.
Domain Topic
Organization Technical teams org chart, Roles and responsibilities, Skills and curriculum for each team member, Developer stars identification, Hiring and staffing process, attrition history, Manage-
ment style, Performance evaluation and compensation
Product
roadmap Roadmap overview, Roadmap timing and workload estimates, Planning respect track record
Architecture Overall software architecture, Client and mobile side architecture, Server side architecture, Openness and multiplatform support, Integration with customer infrastructure, Software and op-
erations internationalization
Development Functional specifications, Technical specifications, Development methodologies (Agile, Ex-treme, object orientation, etc), Developer workbench: tools, customization, Code architecture
and sizing (modules, components, lines of code), Variable naming, Code comments (quantity,
quality), Security handling, Build process, Versions management, Code backup and archiving,
Offshore development
Quality Testing methods (manual, automatic, customer beta-tests), Debugging methodologies (identifi-cation, fixes), Bug tracking methodologies and tools (logs, attributions, roles)
Operations Datacenter operations, Server infrastructure, Scalability support, Fault tolerance, Database ad-ministration, Diagnosis tools, alerts management, audits, Datacenter backup site, Technical
Support organization and process
Legal APP deposits, Branding, Patents or trade secrets, Open source code involved and associated risks, Privacy handling
Dependencies Subcontractors, Key providers, Contracts, Partnerships
Internal IT Networking, VPN, Security, Intranet and groupware, Management systems (SFA, CRM, ac-counting)
Accompagnement des startups en France – Olivier Ezratty – Mai 2008 - Page 23 / 72
Hébergement
Le choix d’un hébergeur est à prévoir dans le cas d’une activité web comme pour celui d’un site
vitrine. Dans le premier cas, le choix sera stratégique et il faudra prendre gare à bien prévoir les
étapes de montée en charge et éviter de se faire surprendre par un hébergeur qui bloquerait l’accès
au site dans un cas de dépassement de bande passante autorisée. C’est déjà arrivé…
Infrastructure informatique
Il ne faut pas oublier cette composante interne qui conditionnera la capacité de l’entreprise à monter
en charge, surtout si le nombre de ses clients est important. Il faut donc se préoccuper de
l’équipement en système de facturation, de paye, de relation client, de gestion de stock (s’il y a lieu),
de réseau local, de VPN et d’accès au réseau de l’entreprise pour les collaborateurs itinérants, de
messagerie, de travail collaboratif, etc. Et qui va s’occuper de tout cela au démarrage de
l’entreprise ? Certains font appel à un ingénieur système bon à tout faire pour démarrer cela.
Accompagnement des startups en France – Olivier Ezratty – Mai 2008 - Page 24 / 72
Etat de l’art de l’accompagnement des startups
Nous allons dans ce qui suit faire un tour des différentes structures d’accompagnement et de finan-
cement des startups en France. Ce tour sera agrémenté d’exemples et d’une vue critique des disposi-
tifs en place.
Ces structures concernent aussi bien l’apport de financement ou d’aides publiques, la stratégie,
l’accès au marché français ou international. Les aides sont à la fois privées – surtout pour le finan-
cement – et publiques. Le conseil à l’innovation existe mais sans être très structuré.
Ces différentes aides sont pour le moins éclatées. Il est fort difficile de s’y retrouver pour le néo-
phyte. Au point que c’est à se demander parfois s’il n’y a pas plus de structure d’accompagnement,
notamment publiques, que de startups !
L’expérience montre que ce monde, comme tant d’autres, est une affaire de réseaux. Pas simple-
ment de réseaux dits d’influence. Mais de réseau tout court car le monde de l’entrepreneuriat est
assez étroit. Réseau également car de nombreuses structures publiques se financent les unes les
autres : Oséo finance en partie les pôles de compétitivité et les collectivités locales, les collectivités
locales financent les membres du réseau France Initiative et ceux du Réseau Entreprendre, etc.
L’enjeu pour nombre d’entrepreneurs est d’identifier la ou les têtes de ponts de ces réseaux pour
accéder la plus efficacement à ses différents nœuds.
Plan Amorçage Développement Lancement Expansion