Étude thématique
La mise en œuvre de la réforme ferroviaire : état des lieux du régulateurOctobre 2016
Indépendance et dialogue
La réforme ferroviaire adoptée en 2014, qui a suscité tant de débats lors de sa discussion et soulevé autant d’attentes face aux multiples défis à relever, vient de fêter son premier anniversaire depuis la création du groupe public ferroviaire le 1er juillet 2015.
La mission parlementaire conduite par Gilles Savary et Bertrand Pancher sur la mise en application de la loi du 4 août 2014 en dressera un premier bilan dans les prochains jours. Il nous a semblé utile, pour contribuer à leurs travaux, de faire part de l’éclairage particulier du régulateur sur la façon dont cette réforme est à ce jour mise en œuvre, au regard des missions qui nous ont été confiées, et, avec toutes les limites de l’exercice liées à un an de recul, d’apprécier dans quelle mesure les objectifs qu’elle se fixait sont atteints ou en passe d’être réalisés.
La mise en place d’un gestionnaire d’infrastructure de plein exercice, avec la création de SNCF Réseau, compte parmi les concrétisations en cours les plus structurantes. Pour autant, les points d’attention sont nombreux, qu’il s’agisse des garanties d’indépendance de SNCF Réseau au sein du groupe public, de l’encadrement financier de la « règle d’or » ou, de manière plus déterminante encore, d’une stratégie qu’on espère voir rapidement précisée dans les différents contrats à conclure avec l’Etat.
La régulation ne se résume pas au contrôle voire à la sanction. C’est aussi être force de proposition indépendante, à l’appui d’un diagnostic objectif de la situation du secteur et de la connaissance de ses enjeux. J’ai la convic-tion que l’Arafer, sans compromettre son impartialité, peut donner des clés de compréhension et suggérer des évolutions aux acteurs et aux décideurs pour faire mieux et aller plus loin.
Nous avons commencé cette entreprise avec la publication périodique de données de notre observatoire des marchés et, avant l’été, la contribution à la réflexion sur l’évolution des gares ferroviaires de voyageurs. Nous allons poursuivre, au-delà de cet état des lieux sur la mise en œuvre de la réforme ferroviaire, avec la préparation de la prochaine étape que constitue l’ouver-ture à la concurrence du transport ferroviaire domestique car il en va de l’avenir du secteur et du maintien de sa place à côté des autres modes.
L’indépendance du régulateur est au cœur de sa mission. Mais l’indépen-dance n’exclut pas le dialogue et je veux inviter l’ensemble de nos interlo-cuteurs institutionnels et économiques, à ce dialogue avec le régulateur. Un dialogue exigeant mais, je l’espère, porteur de solutions au bénéfice de tous.
Bernard RomanPrésident de l’Autorité de régulationdes activités ferroviaires et routières
I 02Étude thématique La mise en œuvre de la réforme ferroviaire : état des lieux du régulateur
Édito
INTRODUCTION
01La création d’un
gestionnaire d’infrastructure unifié
La réunification des fonctions de gestion de l’infrastructure
Les fonctions essentielles
Le transfert des installations de service
Le gestionnaire d’infrastructure au sein du groupe public ferroviaire
L’indépendance du gestionnaire d’infrastructure
Le rôle de l’EPIC de tête
02La dette et
la trajectoire financière du système ferroviaire
Le contrat entre l’État et SNCF Réseau
La « règle d’or » en matière d’investissements
03La place du régulateur
dans la réforme ferroviaire
Le nouveau rôle en matière de contrôle des équilibres financiers
du système de transport ferroviaire national
Le renforcement des pouvoirs de contrôle ex ante en matière de tarification de l’accès au réseau
principal et aux installations de service
L’aménagement du pouvoir de sanction
04La perspective
de l’ouverture à la concurrence du transport
national de voyageurs
CONCLUSION
Annexe
06
33
40
42
29
30
32
08
23
25
08
14
18
13
14
Sommaire
I 03Étude thématique La mise en œuvre de la réforme ferroviaire : état des lieux du régulateur
SynthèseLa réforme ferroviaire issue de la loi du 4 août 2014 a retenu l’option
d’un groupe verticalement intégré organisé autour de trois établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) : un EPIC de tête, la SNCF,
et deux EPIC « filles » que sont SNCF Réseau, gestionnaire d’infrastructure unifié, et SNCF Mobilités, exploitant ferroviaire.
Un gestionnaire d’infrastructure unifié
SNCF Réseau concentre désormais les fonctions de répartition des capacités, de tarification de l’uti-lisation du réseau, de gestion opérationnelle des circulations et de maintenance et développement du réseau. Le gestionnaire d’infrastructure est ainsi à même de disposer d’une connaissance complète de toutes les données techniques et financières nécessaires à une gestion efficace de son réseau. Toutefois, les systèmes d’information entre les en-tités qu’il a regroupées restent insuffisamment in-teropérables. En particulier, le système industriel de production des horaires (SIPH), qui permettra notamment de détecter les conflits entre sillons et travaux pour tous les horizons de temps, est actuel-lement en cours de déploiement. Il ne remplacera les outils actuels d’allocation des capacités qu’à l’horizon 2019.
Conformément à la stricte séparation des missions de chaque EPIC « fille » qu’appelait la réforme ferro-viaire, SNCF Mobilités a transféré à SNCF Réseau les installations de service qu’elle gérait pour le compte de l’État (stations gazole, voies de garage, terminaux de marchandises), à la suite de l’avis fa-vorable donné par l’Autorité le 25 mai 2016. Si le transfert des gares de voyageurs à SNCF Réseau n’a pas été envisagé par la réforme, cette évolution est souhaitable afin de garantir l’accès équitable et non-discriminatoire aux gares de voyageurs et aux prestations associées, au bénéfice de l’ensemble des entreprises ferroviaires et des usagers.
Une gouvernance du groupe ferroviaire public à parfaire
La loi du 4 août 2014 a fait le choix de constituer un groupe public ferroviaire intégré réunissant le ges-tionnaire d’infrastructure et l’exploitant historique aux côtés d’un EPIC de tête. Une telle organisation n’est pas sans présenter de risques concurrentiels, qui appellent des cloisonnements stricts entre en-tités.
Dans le but de garantir l’indépendance du gestion-naire d’infrastructure, L’Autorité a mis en œuvre le pouvoir qui lui a été attribué de s’opposer à la no-mination du président du conseil d’administration de SNCF Réseau dans son avis du 30 mars 2016.
Si la réforme ferroviaire visait à confier à la SNCF un rôle de pilotage stratégique du groupe public ferro-viaire et de gestion de certaines missions transver-sales, le positionnement effectif de l’EPIC de tête reste à clarifier. Le rattachement à l’EPIC de tête de l’entité SNCF Combustible, qui détermine les moda-lités d’accès aux stations gazole et les redevances à acquitter par les entreprises ferroviaires, en constitue une illustration dès lors que cette mission empiète sur celle du gestionnaire d’infrastructure, comme l’a indiqué l’Autorité en mettant la SNCF en demeure de remédier à cette situation d’ici le 30 juin 2017.
I 04Étude thématique La mise en œuvre de la réforme ferroviaire : état des lieux du régulateur
Une trajectoire financière toujours préoccupante
Des gains de productivité sont attendus de la créa-tion du gestionnaire d’infrastructure unifié et du groupe public ferroviaire, notamment grâce à la mutualisation d’un certain nombre de fonctions communes. Toutefois, au vu du projet de budget de SNCF Réseau pour 2016 sur lequel l’Autorité a été consultée, la réalité des économies d’échelle an-noncées apparaît à ce jour incertaine.
L’un des objectifs de la réforme ferroviaire est d’as-surer la maîtrise de la dette du système ferroviaire à un horizon de dix ans et de permettre au gestion-naire d’infrastructure de dégager les marges de manœuvre nécessaires à la modernisation d’un ré-seau ferroviaire vieillissant. Or, le contrat qui devait être conclu pour dix ans entre l’Etat et SNCF Réseau afin notamment de définir des objectifs de perfor-mance et de déterminer la trajectoire financière de SNCF Réseau ne l’est toujours pas. Cette lacune ne permet pas à l’Autorité de vérifier, contrairement à ce que souhaitait le Parlement, le respect par le gestionnaire d’infrastructure de la trajectoire finan-cière pluriannuelle.
De plus, la mise en place d’une « règle d’or », qui doit préciser les responsabilités respectives de SNCF Réseau et des collectivités publiques en matière de financement des investissements de développe-ment du réseau ferré national, demeure soumise à la publication d’un décret qui est toujours attendu.
Le régulateur renforcé dans ses attributions
Garante du bon fonctionnement du système de transport ferroviaire national, l’Autorité a vu ses pouvoirs renforcés. Ainsi, le régulateur est désor-mais associé au contrôle budgétaire et financier du gestionnaire d’infrastructure et peut, à cette occasion, formuler des recommandations. De plus, ses pouvoirs de contrôle de la tarification ont été étendus. L’avis conforme, déjà applicable à la tari-fication des prestations minimales, l’est désormais
aussi à la tarification des installations de service. Ces évolutions notables gagneraient toutefois en efficacité si le principe d’une fixation des redevances dans un cadre pluriannuel était consacré, avec une plus grande association du régulateur à la définition ex ante du cadre tarifaire.
La préparation à l’ouverture prochaine à la concur-rence du transport ferroviaire de voyageurs
La perspective de l’ouverture du transport national de voyageurs à la concurrence, envisagée tant au niveau européen qu’au niveau national, n’a été que partiellement prise en compte dans la réforme fer-roviaire mais doit être anticipée. Certains principes issus de la réforme se révèlent aujourd’hui peu compatibles avec un fonctionnement concurrentiel du secteur, comme l’organisation mise en place pour la gestion des gares.
En outre, se pose la question du statut d’établisse-ment public de SNCF Mobilités, qui peut être regar-dé comme constitutif d’une aide d’Etat dès lors que cet établissement, qui bénéficie de la garantie im-plicite de l’Etat, intervient dans un secteur concur-rentiel.
L’Autorité s’interroge par ailleurs sur les consé-quences, tant pour les nouveaux entrants que pour la compétitivité du groupe public ferroviaire, de la mise en place du nouveau cadre social sur l’ouver-ture du secteur à la concurrence.
Enfin, il convient d’anticiper les difficultés que repré-sente l’attribution potentielle de contrats de service public à des opérateurs distincts de l’opérateur his-torique au regard de l’accès aux informations né-cessaires, au sort des personnels ou à la reprise du matériel.
I 05Étude thématique La mise en œuvre de la réforme ferroviaire : état des lieux du régulateur
6
Introduction
L’ARAFER, garante du bon fonctionnement du secteur ferroviaire
La régulation ferroviaire a été mise en place sous l’impulsion du droit de l’Union
européenne dans le cadre de la création progressive d’un marché unique du transport
ferroviaire. Depuis l’adoption du premier « paquet ferroviaire »1, l’existence d’un
organisme de régulation indépendant est regardée comme une condition nécessaire
au bon fonctionnement du service public et des activités concurrentielles de transport
ferroviaire. La mise en place du régulateur vise à garantir tout à la fois une gestion
efficace des infrastructures ferroviaires et l’accès équitable et non discriminatoire des
opérateurs, notamment dans la perspective d’une ouverture progressive du secteur
ferroviaire à la concurrence.
Afin de répondre à ces exigences communautaires, la loi du 8 décembre 2009
relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires2 a créé l’Autorité
de régulation des activités ferroviaires (ARAF), devenue, le 15 octobre 2015, à la
faveur de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques3,
l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER). Cette autorité
publique indépendante, dotée de la personnalité morale, a notamment pour mission
de concourir au suivi et au bon fonctionnement, dans ses dimensions techniques,
économiques et financières, du système de transport ferroviaire national, notamment
du service public et des activités concurrentielles4. Elle doit veiller, en particulier, à ce
que les conditions d’accès au réseau, aux installations de service et aux différentes
prestations associées n’entravent pas le développement de la concurrence5. Dans le
cadre de sa mission générale d’observation des conditions d’accès au réseau
ferroviaire, l’Autorité peut formuler et publier toute recommandation qu’elle juge
utile6.
Il appartient a insi au régulateur sectoriel d’apporter un éclairage sur l’état du système
de transport ferroviaire national et de formuler toute recommandation destinée à en
améliorer le fonctionnement à l’aune des objectifs qui lui sont assignés.
1 Directive 2001/14/CE, article 30. 2 N° 2009-1503. 3 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. 4 Article L. 2131-1 du code des transports. 5 Article L. 2131-4 du code des transports. 6 Article L. 2131-3 du code des transports.
7
La réforme ferroviaire de 2014 déclinée en trois objectifs
Deux ans après l’entrée en vigueur d’une réforme ferroviaire très attendue7, qui s’est
traduite par la loi du 4 août 2014, il apparaît utile de dresser un premier bilan et de
vérifier dans quelle mesure les objectifs visés se sont concrétisés en améliorant de
manière visible l’efficacité du secteur ferroviaire. Le régulateur souhaite, dans cette
perspective, apporter sa contribution à travers cette étude. Une mission d'évaluation
parlementaire sur l’application de la réforme ferroviaire doit, à ce sujet, rendre
prochainement son rapport.
La loi du 4 août 2014 poursuivait trois objectifs principaux :
Sur le plan institutionnel tout d’abord, elle prévoyait d’améliorer l’efficacité de
l’organisation du système ferroviaire, d’une part, en unifiant les fonctions de
gestion de l’infrastructure et, d’autre part, en construisant un groupe public
ferroviaire verticalement intégré. En effet, la réforme de 1997, qui confiait à
RFF l’aménagement et le développement du réseau ferré national alors que
maintes responsabilités du ressort du gestionnaire d’infrastructure restaient,
dans les faits, assurées par la SNCF, avait mis en place une architecture
complexe entraînant de nombreux dysfonctionnements et un enchevêtrement
des responsabilités8.
La réforme ferroviaire de 2014 visait également le rétablissement, à l’horizon
2024, de l’équilibre financier du système ferroviaire, dont le niveau de dette
s’élevait, au 31 décembre 2013, à 43,9 milliards d’euros, dont 36,5 milliards
d’euros pour RFF (gestionnaire du réseau) et 7,4 milliards d’euros pour la
SNCF (alors opérateur historique de transport)9. Cette dette s’accroissait de
2 à 3 milliards d’euros par an10, en dépit d’engagements financiers importants
des personnes publiques (13 milliards d’euros par an)11.
Enfin, la réforme cherchait à corriger le manque de compétitivité du système
de transport ferroviaire, dans un contexte caractérisé par le développement
d’une concurrence intermodale de plus en plus vive (routier et aérien). Il
s’agissait, tout en garantissant un accès au réseau ferroviaire dans des
conditions équitables, d’améliorer la qualité de service et la compétitivité par
rapport aux autres modes de transport. Le manque de souplesse de
l’organisation du travail à la SNCF et l’absence de cadre social commun à
l’ensemble du secteur devaient, en ce sens, être revus.
7 J.L. Bianco, Recommandations pour réussir la réforme du système ferroviaire, Avril 2013 ; Ph. Duron, Mobilité
21. Pour un schéma national de mobilité durable, Juin 2013. 8 Etude d’impact du projet de loi portant réforme ferroviaire, présentée le 15 octobre 2013, page 14. 9 Rapport de gestion de SNCF Mobilités pour 2015, rapport de gestion de SNCF Réseau pour 2015 et rapport
financier du groupe SNCF pour 2015. 10 Evolution constatée depuis 2011 résultant des données publiées dans les rapports annuels consolidés. 11 G. Savary, Rapport n° 1990 au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du
territoire sur le projet de loi portant réforme ferroviaire, 28 mai 2014, p. 37 et s.
8
Si les effets de la réforme ne peuvent être pleinement mesurés à ce stade, l’Autorité
fait cependant le constat qu’en dépit des progrès accomplis, la création d’un nouveau
gestionnaire d’infrastructure unifié – SNCF Réseau – ne permet pas de garantir une
gestion pleinement efficace ni de s’assurer, notamment dans la perspective de
l’achèvement de l’ouverture du secteur à la concurrence, d’une utilisation équitable
de l'infrastructure ferroviaire répondant aux objectifs de la directive 2012/34/UE (I).
En outre, des instruments majeurs prévus par la loi pour stabiliser la dette ferroviaire
n’ont pas encore été mis en place, de sorte que le redressement du système
ferroviaire dans sa dimension financière en reste au stade d’objectif (II).
Enfin, si la réforme a renforcé les pouvoirs de l’ARAFER afin de garantir une régulation
plus efficace du secteur (III), elle a pris le parti de reporter l’examen des nombreuses
questions liées à la future ouverture à la concurrence du marché du transport
national de voyageurs. Ce choix pouvait trouver à l’époque sa justification mais les
perspectives ouvertes par l’accord conclu en mai 2016 sur le quatrième paquet
ferroviaire rendent à présent urgente la préparation de cette échéance (IV).
*
I. La création d’un gestionnaire d’infrastructure unifié
A. La réunification des fonctions de gestion de l’infrastructure
1. Les fonctions essentielles
L’objectif visé par la loi du 4 août 2014 concernant la réunification des métiers de
l’infrastructure et, notamment, des fonctions essentielles au sein d’un gestionnaire
d’infrastructure unifié (GIU), SNCF Réseau, était, selon l’étude d’impact annexée au
projet de loi, de réduire les dysfonctionnements opérationnels observés entre des
entités éclatées, pour accroître l’efficacité et la qualité du service, améliorer la
capacité d’innovation du système et redresser la trajectoire financière du gestionnaire
d’infrastructure.
La scission entre le gestionnaire du réseau ferroviaire (RFF) et son exploitant
historique (SNCF) issue de la loi du 13 février 1997 avait abouti, dans les faits, à
répartir les compétences sur le réseau ferroviaire entre trois entités comprenant, à la
veille de la réforme ferroviaire : RFF, propriétaire du réseau (environ
9
1 500 employés) ; la direction des circulations ferroviaires (DCF), gestionnaire des
circulations (environ 13 640 employés) créé en tant que direction autonome de la
SNCF12 ; et SNCF Infra, activité de l’opérateur historique en charge de la maintenance
du réseau (environ 45 000 employés).
Cette répartition des métiers de l’infrastructure entre RFF et SNCF, parfois qualifiée
de « vraie-fausse séparation »13 a d’ailleurs été jugée, dans l’état du droit alors
applicable, non conforme au droit de l’Union européenne par la Cour de justice de
l’Union européenne14 : « En ne prenant pas les mesures nécessaires pour assurer que
l’entité à laquelle est confié l’exercice des fonctions essentielles énumérées à
l’annexe II de la directive (…) 2001/12/CE du Parlement européen et du Conseil du
26 février 2001 soit indépendante de l’entreprise qui fournit les services de transport
ferroviaire, (…) la République française a manqué aux obligations qui lui incombent
en vertu de ces dispositions. ».
La réforme du système ferroviaire français qui était ainsi devenue indispensable a
consacré, à travers l’article 6 de la loi du 4 août 2014, la création d’un gestionnaire
d’infrastructure unifié (GIU), qui permet à SNCF Réseau de concentrer les fonctions
suivantes : la répartition des capacités et la tarification de l’utilisation du réseau, la
gestion opérationnelle des circulations et la maintenance de l’infrastructure du
réseau, comprenant l’entretien et le renouvellement de celle-ci.
En particulier, le regroupement des services de production des sillons sous une
chaîne de commandement unique qui a résulté de la réunification des fonctions
dévolues au gestionnaire d’infrastructure répond à l’objectif de cohérence industrielle
souhaité par le Parlement et régulièrement appelé de ses vœux par le régulateur dans
ses avis.
Après plusieurs mois de préfiguration, le gestionnaire d’infrastructure unifié prévu par
la réforme ferroviaire a été officiellement mis en place au 1er juillet 2015, ses effectifs
passant d’environ 1 700 à 54 100 salariés en fin d’année, dont 2 260 recrutements
nouveaux15. Il se trouve donc à même de disposer d’une connaissance complète de
toutes les données et informations techniques et financières pertinentes nécessaires
à une gestion efficace de son réseau. SNCF Réseau apparaît ainsi en mesure de
pouvoir concrétiser l’ambition de la réforme de parvenir à une utilisation optimale du
réseau ferré national, dans des objectifs de sécurité, de qualité de service et de
maîtrise des coûts16.
12 Loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009. 13 Rapport fait au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire par M.
Savary, député, le 28 mai 2014 14 CJUE, 18 avril 2013, n° C-625/10, Commission c/ France. 15
Comptes sociaux de SNCF Réseau pour 2015 et de RFF pour 2014. 16
Article L. 2111-9 du code des transports.
10
La constitution effective du GIU et, ainsi, la réalisation des objectifs parmi les plus
importants de la réforme suppose que SNCF Réseau dispose des systèmes
d’information propres à garantir le pilotage et le suivi de ses activités. Cet élément est
d’autant plus crucial aux yeux de l’Autorité que le gestionnaire d’infrastructure doit
nécessairement s’appuyer sur des données fidèles pour fixer les redevances
d’infrastructure dans le respect de la règlementation, qui implique, par exemple, de
s’appuyer sur le coût directement imputable aux circulations ferroviaires17 ou sur le
coût complet des prestations rendues dans les installations de service qu’il exploite.
Cette exigence est d’autant plus déterminante que l’Autorité, dans le cadre de l’avis
conforme qu’elle est appelée à formuler sur les redevances d’accès à ces
infrastructures, ne peut accomplir sa mission sans disposer de données fiables.
Toutefois, il peut être relevé que les systèmes d’information entre entités
nouvellement réunies (RFF, DCF, SNCF Infra) sont, encore aujourd’hui,
insuffisamment interopérables. Des adaptations s’avèrent nécessaires pour que les
bénéfices de cette nouvelle organisation puissent être pleinement tirés, s’agissant
tant de l’objectif d’amélioration de la performance opérationnelle que de celui de
rationalisation des coûts. Si SNCF Réseau a lancé un plan industriel de la chaîne
capacitaire (PICC) afin de moderniser les outils et processus de la chaîne de
production horaire, celui-ci demeure en cours de réalisation. A titre d’illustration, le
système industriel de production des horaires (SIPH), lequel permettra notamment de
détecter les conflits sillons/travaux pour tous les horizons de temps, est actuellement
en cours de déploiement. Il ne remplacera les outils actuels d’allocation des capacités
qu’à l’horizon 2019.
Par ailleurs, eu égard au rôle stratégique joué par les systèmes d’information de
SNCF Réseau pour l’exercice de ses missions, il lui appartient de s’assurer de
l’effectivité des garanties de confidentialité vis-à-vis des deux autres établissements
du groupe public ferroviaire. L’article 5 du décret n° 2015-137 du 10 février 2015
relatif aux missions et aux statuts de la SNCF et à la mission de contrôle économique
et financier des transports circonscrit utilement, en ce sens, le champ de la
mutualisation en excluant la couverture des besoins propres de SNCF Réseau dans
l’exercice de ses fonctions essentielles. Pour autant, il convient d’observer au
quotidien une vigilance toute particulière dans l’accès aux systèmes d’information, en
particulier dans le cas d’une intervention d’une entreprise tierce qui effectuerait des
prestations identiques pour le compte de la SNCF, de SNCF Mobilités ou de toute
autre entreprise ferroviaire. Dans ce dernier cas, le contrat conclu avec SNCF Réseau
devrait nécessairement prévoir des obligations de confidentialité.
17 Article L. 2111-15 du code des transports.
11
Si la réunification des fonctions du gestionnaire d’infrastructure au sein de SNCF
Réseau a bien été opérée, des difficultés structurelles, notamment en matière
d’attribution des sillons, persistent et viennent pénaliser les entreprises ferroviaires.
L’Autorité n’a, ainsi, pas constaté d’évolutions notables dans la dynamique des
résultats obtenus en matière d’allocation de capacités s’agissant des activités de fret
(cf. tableau). C’est la raison pour laquelle, après avoir, dans un premier temps, été
saisie par plusieurs entreprises ferroviaires de demandes de règlement de
différends18, elle a proposé, dans le cadre de son pouvoir règlementaire supplétif
soumis à homologation ministérielle19, la création d’un dispositif destiné à améliorer
l’efficacité de la gestion des demandes de sillons20. Ce mécanisme financier (système
de bonus-malus lié à la performance) vise à inciter, d’une part, SNCF Réseau à
accroître la qualité des sillons attribués grâce notamment à une meilleure
planification de ses travaux et, d’autre part, les candidats à restituer au plus tôt les
sillons dont ils n’auraient plus l’usage. De ces efforts réciproques, il est ainsi attendu
une meilleure utilisation des capacités d’infrastructure au bénéfice de l’ensemble du
secteur. La mise en place du SIPH doit conforter, d’ici 2019, la réalisation des
objectifs de SNCF Réseau en matière de construction et de gestion des sillons.
Enfin, les débats parlementaires ont mis en avant un engagement de réaliser des
gains de productivité de près de 500 millions d’euros par an jusqu’en 2020, en raison
notamment des synergies devant résulter du nouveau groupe public ferroviaire
(gestion des ressources humaines, achats généraux et systèmes d’information, par
exemple). Dans son avis du 18 novembre 201521, l’Autorité a cependant relevé que le
projet de budget de SNCF Réseau pour l’exercice 2016 prévoyait une augmentation
significative des charges d’exploitation par rapport à 2015, et en particulier des
contributions à la SNCF. Si des économies sur le total des dépenses (exploitation et
investissement) avaient bien été envisagées, elles n’étaient pas supérieures à celles
résultant des engagements de productivité pris par RFF et SNCF Infra antérieurement
à la réforme. L’Autorité a, de surcroît, indiqué qu’elle n’était pas en mesure de vérifier
le montant des économies affichées, non seulement en raison des nombreuses
évolutions affectant le budget (augmentation des volumes de production pour
répondre aux priorités identifiées par l’entreprise sur l’entretien et la maintenance
préventive du réseau, ou encore coûts de constitution du nouveau groupe public)22
mais aussi, et surtout, en l’absence de définition précise et partagée de la notion de
productivité.
18 Décisions n° 2014-016 à 2014-019 du 15 juillet 2014. 19 L’ARAFER tient ce pouvoir règlementaire supplétif de l’article L. 2132-5 du code des transports. 20 Décision n° 2016-167 du 19 juillet 2016 relative à l’établissement de mécanismes incitatifs à la bonne
utilisation des capacités d’infrastructure homologuée par le ministre en charge des transports pour l’horaire de
service 2017. 21 Avis n° 2015-042 du 18 novembre 2015 relatif au projet de budget de SNCF Réseau pour l’année 2016. 22 La SNCF a annoncé, par communiqué de presse du 30 juin 2016, poursuivre des plans de performance ayant
contribué à dégager 300 millions d’euros de gains de productivité au titre du premier semestre 2016 pour
l’ensemble du groupe ferroviaire, pour un objectif annuel de 750 millions d’euros. L’Autorité ne s’est pas
prononcée à ce jour sur ces éléments chiffrés qui ne distinguent pas la situation propre de SNCF Réseau.
12
Dans le cadre de ses avis, l’Autorité s’est à plusieurs reprises inquiétée de la hausse
tendancielle des coûts, relayée par la formule d’indexation tarifaire, sans que le
gestionnaire d’infrastructure ne propose de méthodologie de mesure de la
productivité. Avec la réunification de RFF et SNCF Infra, SNCF Réseau dispose
désormais de données permettant un meilleur suivi des facteurs de production.
L’enjeu est donc de pouvoir présenter, sur cette base, des indicateurs qui rendent
compte de manière synthétique et consolidée de la performance du réseau et de la
productivité du gestionnaire. Le recours à des méthodes économétriques de
benchmark, mises en œuvre depuis près de dix ans au Royaume-Uni par l’ORR, serait,
à cet égard, pertinent.
Evolution de la qualité de service
(attributions de sillons-jour fermes)
13
2. Le transfert des installations de service
La concentration des activités de gestion de l’infrastructure ferroviaire23 au sein d’une
entité unique a eu pour corollaire le transfert en pleine propriété des biens attachés à
ces missions, auparavant affectés à SNCF Mobilités, à SNCF Réseau au 1er
janvier 2015. Ce transfert s’est accompagné de celui de certaines installations de
service visant à élargir le champ de compétence du gestionnaire d’infrastructure
unifié. L’objectif de la réforme ferroviaire était, à cet égard, de permettre, dans un
souci de simplification et d’efficacité du fonctionnement du système ferroviaire, une
maîtrise de l’ensemble du réseau, infrastructure et installations de service rattachées
(à l’exception des centres de maintenance et des gares) par SNCF Réseau.
A cet effet, le I de l’article 31 de la loi portant réforme ferroviaire a prévu que certains
terminaux de marchandises24 appartenant à l’Etat et gérés par SNCF Mobilités
seraient transférés en pleine propriété à SNCF Réseau au 1er janvier 2015. Ainsi que
l’a déjà énoncé l’Autorité25, SNCF Mobilités a, pour se conformer à la mise en
demeure de l’Autorité26, complété la liste des 175 terminaux de marchandises déjà
inscrits à l’offre de référence 2015 en publiant une liste complémentaire de
141 terminaux qui était citée dans l’annexe du document de référence du réseau
pour 2013, portant le total des terminaux de marchandises à 316. L’ensemble de ces
terminaux a ainsi été transféré, conformément à la loi portant réforme ferroviaire, en
pleine propriété à SNCF Réseau.
Le II de cet article a prévu le transfert des autres installations de service, hormis les
gares de voyageurs et les centres d’entretien, de SNCF Mobilités vers SNCF Réseau,
après accord entre eux avant le 31 décembre 2015 soumis à l’avis de l’Autorité.
Un accord de transfert d’installations de service a effectivement été conclu entre les
deux établissements publics dans ce délai. Il prévoit le transfert à SNCF Réseau de
voies de garage réparties sur 36 sites, de 31 voies de passage vers des installations
terminales embranchées, de 36 stations-service et infrastructures associées, et de
105 sites potentiellement exploitables comme terminaux de marchandises. L’Autorité
s’est prononcée favorablement sur cet accord27. L’Autorité a rappelé, à cette
occasion, qu’une infrastructure de ravitaillement en combustible était une installation
de service au sens du droit de l’Union européenne et du code des transports, ainsi
soumise à un régime juridique propre, distinct de celui des centres d’entretien de
SNCF Mobilités. Elle en a déduit que le maintien, au sein de SNCF Mobilités, de 40
23 Activités mentionnées à l’article L. 2111-9 du code des transports. 24 Ceux inscrits à l’offre de référence SNCF pour le service horaire 2015 annexée au document de référence du
réseau ferré national. 25 Décision n° 2016-001 du 13 janvier 2016 portant sur la procédure en manquement ouverte à l’encontre de
SNCF Mobilités en application de l’article L. 2135-7 du code des transports pour non-respect de ses obligations de
gestionnaire de terminaux de marchandises. 26 Décision n° 2014-010 du 15 juillet 2014. 27
Avis n°2016-079 du 25 mai 2016 sur l’accord entre SNCF Réseau et SNCF Mobilités concernant le périmètre
des installations de services transférées à SNCF Réseau en application du II de l’article 31 de la loi n° 2014-872
du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire.
14
stations-service insérées dans des centres d’entretien entraînait une situation
patrimoniale encore plus complexe que celle précédant la réforme, les stations-
services étant dès lors réparties entre deux propriétaires distincts28. Ainsi, même
imparfait, le transfert des installations de service visées par cet accord, prévu pour le
1er juillet 2016, vient tout juste d’être réalisé, conformément à l’un des objectifs de la
réforme, et constitue un progrès.
Une évolution souhaitable qui permettrait « que l'accès aux installations de service
ainsi qu'aux différentes prestations associées soit accordé de manière équitable et
non discriminatoire »29, consisterait à soumettre à une obligation de transfert, selon
différents schémas possibles, les gares de voyageurs, qui restent aujourd’hui confiées
à l’opérateur historique. Cette question est évoquée plus en détail dans la partie IV.
B. Le gestionnaire d’infrastructure au sein du groupe public ferroviaire
Parmi les options envisageables pour se conformer à l’obligation de séparation
comptable entre la gestion de l’infrastructure et l’activité de transport figurant dans la
directive européenne 2012/34, la loi du 4 août 2014 a retenu l’option d’une
séparation juridique entre l’EPIC SNCF Réseau, gestionnaire d’infrastructure, et l’EPIC
SNCF Mobilités, exploitant historique de services de transport, les deux entités étant
cependant intégrées verticalement au sein d’un groupe public ferroviaire, l’EPIC
SNCF.
L’argument avancé pour justifier ce choix était qu’il convenait d’éviter que les
problématiques d’entretien de l’infrastructure et de circulation sur le réseau ne soient
disjointes des contraintes de l’exploitation des services de transport. Ce choix
organisationnel visait à améliorer la cohérence du système dans son ensemble et la
qualité du service rendu, à renforcer la capacité d’innovation du groupe public
ferroviaire et à redresser la trajectoire financière du gestionnaire d’infrastructure.
1. L’indépendance du gestionnaire d’infrastructure
La constitution d’un groupe public ferroviaire intégré, en tant qu’elle présente des
risques concurrentiels, nécessite des cloisonnements stricts30 en son sein, afin
notamment de préserver l’indépendance du gestionnaire d’infrastructure ferroviaire
et d’offrir ainsi toutes les garanties d’un accès non discriminatoire des entreprises
ferroviaires au réseau ferré national. L’un des moyens choisis par la loi a été de
renforcer les prérogatives de l’Autorité de manière à assurer l’« eurocompatibilité du
dispositif »31.
28 Idem. 29 Article L. 2131-4 du code des transports. 30 « Chinese wall ». 31 Rapport Savary, p. 53.
15
La préservation de l’indépendance du gestionnaire d’infrastructure dépend, en
premier lieu, de l’existence de mécanismes de protection contre d’éventuels conflits
d’intérêts. C’est ainsi que l’Autorité a été dotée par la loi portant réforme ferroviaire
du pouvoir de s’opposer à la nomination, au renouvellement et à la révocation du
président du conseil d’administration de SNCF Réseau32.
L’indépendance personnelle du président du conseil d’administration de SNCF
Réseau constitue la condition première permettant d’assurer l’indépendance du
gestionnaire d’infrastructure. Ainsi, l’Autorité peut refuser la nomination du président
du conseil d'administration de SNCF Réseau lorsque, eu égard notamment aux
conditions devant régir son mandat, à la nature et à l’intensité des liens d’intérêts
éventuellement entretenus avec des entreprises ferroviaires, le candidat pressenti ne
présente pas les garanties d’indépendance suffisantes ni n’apparaît en mesure
d’assurer l’indépendance décisionnelle de SNCF Réseau à l’égard de SNCF Mobilités
et des autres entreprises ferroviaires.
Cet élément du dispositif de contrôle de l’indépendance du gestionnaire
d’infrastructure a été pleinement effectif dans la mesure où l’Autorité a pu s’opposer
à une candidature ne présentant pas de garanties d’indépendance personnelles
suffisantes à l’égard des intérêts des entreprises exerçant une activité d’entreprise
ferroviaire, du fait d’un parcours professionnel très étroitement lié à l’exploitant public
ferroviaire33.
Pour autant, une ambivalence originelle de la réforme subsiste. Le conseil
d’administration de SNCF Réseau est composé de vingt-quatre membres comprenant
notamment sept personnalités choisies par la SNCF. Dans la mesure où le directoire
de la SNCF est présidé par le président du conseil d’administration de SNCF Mobilités,
la présence de ces sept représentants de la SNCF au conseil d’administration de
SNCF Réseau est susceptible de porter atteinte à l’indépendance du gestionnaire de
l’infrastructure. Comme l’Autorité l’a déjà recommandé34, la composition du conseil
d’administration devrait être modifiée ou, a minima, le fonctionnement des séances
devrait être adapté, afin de s’assurer du déport des représentants de la SNCF dans le
cas d’une délibération portant sur les missions de SNCF Réseau définies à l’article
L. 2111-9 du code des transports, et particulièrement celles relatives à l'accès à
l'infrastructure ferroviaire du réseau ferré national, comprenant la répartition des
capacités et la tarification de cette infrastructure.
32 Article L. 2111-16 du code des transports dans sa rédaction issue de la loi portant réforme ferroviaire. 33 Avis n° 2016-031 du 30 mars 2016 relatif à la nomination du président du conseil d’administration de SNCF
Réseau. 34 Avis n° 2014-024 du 27 novembre 2014 sur le projet de décret relatif aux missions et aux statuts de SNCF
réseau.
16
Afin de renforcer les garanties d’indépendance du gestionnaire d’infrastructure, il est
nécessaire de modifier la composition du conseil d’administration de SNCF Réseau
ou, a minima, de s’assurer du déport des représentants de la SNCF qui y siègent dans
le cas d’une délibération portant sur une fonction essentielle.
En outre, il n’existe aucun mécanisme contraignant pesant sur la nomination du
directeur des gares, alors même que la problématique de prévention des conflits
d’intérêts se pose dans des termes voisins à celle de la nomination du président du
conseil d’administration de SNCF Réseau. L’Autorité ne dispose en effet que d’un avis
simple à cet égard, purement consultatif. C’est la raison pour laquelle elle a estimé
que l’actuel état du droit ainsi que le projet de décret modifiant notamment le décret
n° 2012-70 du 20 janvier 2012 relatif aux gares de voyageurs, qui prévoit un mandat
de 5 ans renouvelable pour le directeur des gares, devaient être regardés comme une
simple étape, perfectible, dans l’attente des suites qui seront données au rapport que
devait remettre le Gouvernement au Parlement avant le 4 août 201635.
L’indépendance du gestionnaire d’infrastructure passe également par la préservation
des fonctions essentielles. La loi du 4 août 2014 a posé le principe selon lequel SNCF
Réseau devait assurer la gestion de l'accès à l'infrastructure ferroviaire du réseau
ferré national, incluant la répartition des capacités et la tarification de cette
infrastructure, dans des conditions assurant l’indépendance de ces fonctions36. Ce
premier jalon a été complété, comme la loi portant réforme ferroviaire le permettait37,
par l’article L. 2122-4-3 du code des transports38 qui achève la transposition de la
directive 2012/34/UE à cet égard. Cet article dispose ainsi que les fonctions de
gestion de l’infrastructure ferroviaire relatives à la répartition des capacités et à la
tarification de l'utilisation de celle-ci sont exercées par le gestionnaire d’infrastructure
en toute indépendance sur le plan juridique, décisionnel et organisationnel vis-à-vis
des entreprises ferroviaires et dans des conditions garantissant une concurrence libre
et loyale et assurant un accès équitable et non discriminatoire à l’infrastructure.
Les missions du gestionnaire d’infrastructure ainsi définies le conduisent à disposer
d’informations sensibles de la part des entreprises ferroviaires, qu’il lui incombe de
protéger. La loi portant réforme ferroviaire a interdit le principe d’une divulgation de
ces informations à toute personne étrangère aux services du gestionnaire
d’infrastructure, favorisant ainsi l’indépendance de ce dernier et prévenant les
35 Avis n° 2016-094 du 8 juin 2016 portant sur le projet de décret relatif à l’accès aux installations de service
reliées au réseau ferroviaire et aux services et prestations fournis par les exploitants d’installations de service, et
portant diverses dispositions en matière de transport ferroviaire. 36 Article 6, codifié à l’article L. 2111-9 du code des transports. 37 L’article 38 de la loi a habilité le Gouvernement, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à
prendre par ordonnance toutes mesures de nature législative propres à mettre en cohérence les dispositions
législatives existantes avec les modifications apportées par la présente loi, à abroger les dispositions devenues
sans objet à la suite de l'entrée en vigueur de la présente loi et à achever la transposition, engagée par la présente
loi, de la directive 2012/34/UE. 38 Issu de l’article 3 de l’ordonnance n° 2015-855 du 15 juillet 2015 prise en application de l’article 38 de la loi
de 2014
17
risques de discrimination. La loi a même donné la qualification de délit pénal à cette
divulgation39 en considérant qu’elle constituait la « révélation d'une information à
caractère secret par une personne qui en est dépositaire » au sens de l’article 226-13
du code pénal, punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.
Toutefois, le risque de communication d’informations confidentielles pourrait être
davantage limité en amont si la gestion des situations perturbées et, plus
généralement, des situations de crise, la gestion des gares ou la protection des
personnes et des biens sur le réseau ferré étaient confiées à SNCF Réseau ainsi que
l’Autorité a déjà eu l’occasion de le signaler40.
En outre, le décret qui précise les modalités d’application du principe d’interdiction de
divulgation des informations confidentielles présente des limites qui ne dissipent pas
tout risque. Il détaille certes les types d’informations visées par cette obligation, mais
il introduit par ailleurs une exception concernant la transmission d’informations par
les services du gestionnaire d'infrastructure responsables de la répartition des
capacités et de la tarification de l'infrastructure lorsque, notamment, cette
communication est nécessaire pour la gestion opérationnelle des circulations41. En
l’absence de définition, le risque d’une interprétation large de la notion de « gestion
opérationnelle des circulations », susceptible de conduire à une diffusion inappropriée
d’informations sensibles, ne peut être écarté. Des précisions restent donc à apporter
au niveau règlementaire pour expliciter cette notion et mieux garantir par là-même la
confidentialité des informations essentielles. Dans ses avis sur les décrets
d’application de la loi du 4 août 2014, l’Autorité pointait déjà l’existence d’un risque
de communication d’informations stratégiques ou commercialement sensibles entre
les deux EPIC42. Force est donc de constater que ce risque ne peut être
complètement écarté, d’autant plus qu’un élément significatif du dispositif prévu par
la réforme s’avère encore manquant.
En effet, afin de préserver la confidentialité des informations sensibles, la loi portant
réforme ferroviaire a imposé à SNCF Réseau d’établir, à destination de son personnel,
un plan de gestion des informations confidentielles (PGIC)43. Le PGIC précise la liste
des informations détenues par les services responsables de la répartition des
capacités et de la tarification de l’infrastructure, ainsi que leurs conditions
d’utilisation et de communication. La loi a fait du régulateur ferroviaire le garant du
contenu du PGIC en conditionnant son entrée en vigueur à un avis conforme de
l’Autorité44. Or, SNCF Réseau vient seulement, le 29 juillet 2016, de saisir l’Autorité
pour avis de ce plan, soit près de deux ans après que l’obligation lui en a été faite par
39 Article 12 de la loi codifié à l’article L. 2122-4-1 du code des transports 40 Avis n° 2014-026 du 27 novembre 2014 41 3° de l’article 2 du décret n° 2015-139 du 10 février 2015 relatif à la confidentialité des données détenues
par le gestionnaire de l'infrastructure ferroviaire et à la commission de déontologie du système de transport
ferroviaire 42 Notamment avis n° 2014-026 du 27 novembre 2014, II.8 à II.16 43 Article L. 2122-4-4 du code des transports 44 Article L. 2122-4-5 du code des transports
18
la loi de 201445. L’Autorité disposant d’un délai de quatre mois pour se prononcer, il
s’ensuit que la protection des données confidentielles du gestionnaire d’infrastructure
n’est pas encore assurée à la date de publication de la présente étude.
Enfin, si la loi portant réforme ferroviaire a créé une commission de déontologie du
système de transport ferroviaire sur le modèle de la commission de déontologie de la
fonction publique, il a fallu attendre le décret du 10 février 2015 qui en fixe les
modalités de fonctionnement et l’arrêté du 7 avril 2016 qui en nomme les membres46
pour que cette commission devienne fonctionnelle. Cette commission, dont l’Autorité
assure le secrétariat, est saisie par le président de SNCF Réseau lorsqu’un dirigeant,
ou un membre de son personnel ayant eu à connaître, dans le cadre de ses fonctions
au sein du gestionnaire d’infrastructure, d’informations confidentielles relatives à la
répartition des capacités, envisage d’exercer des activités pour le compte d’une
entreprise ferroviaire. La commission apprécie dans quelle mesure les fonctions
envisagées sont susceptibles de donner lieu à l’exploitation des informations
détenues et de procurer un avantage indu à l’entreprise d’accueil, et rend des avis
contraignants. Depuis sa première séance qui s’est tenue le 22 juin 2016, la
commission de déontologie du système de transport ferroviaire a été saisie à six
reprises et a rendu deux avis favorables, trois avis favorables avec réserves et un avis
défavorable, attestant ainsi de l’existence de potentiels conflits d’intérêts au sein du
secteur ferroviaire.
2. Le rôle de l’EPIC de tête
La loi portant réforme ferroviaire a défini le rôle de la SNCF comme se limitant à
assurer le contrôle et le pilotage stratégiques du groupe, des missions transversales
nécessaires au bon fonctionnement du système de transport ferroviaire national
exercées au bénéfice de l’ensemble des acteurs de ce système, en matière de gestion
de crise, de préservation de la sûreté des personnes, des biens et du réseau et de
sécurité, et des fonctions mutualisées exercées au profit de l’ensemble du groupe
public ferroviaire, telles que la gestion administrative des ressources humaines, la
mise en œuvre de la politique du logement pour les salariés du groupe public
ferroviaire ou l’audit interne47. Le décret du 10 février 2015 relatif aux missions et
aux statuts de la SNCF et à la mission de contrôle économique et financier des
transports48 est venu détailler le contenu de ces dispositions.
45 Le décret d’application de la loi a été pris en février 2015 46 Décret n° 2015-139 du 15 février 2015 relatif à la confidentialité des données détenues par le gestionnaire de
l'infrastructure ferroviaire et à la commission de déontologie du système de transport ferroviaire et arrêté du 7 avril
2016 portant nomination à la commission de déontologie du système de transport ferroviaire 47 Article L. 2102-1 du code des transports 48 Décret n° 2015-137
19
Il apparaît aujourd’hui que le rôle et le positionnement de la SNCF ne sont pas
précisément définis au sein du groupe public ferroviaire. Il existe en effet, en pratique,
un risque qu’à travers une compréhension extensive des missions transversales ou
des fonctions mutualisées exercées par la SNCF, la portée des mesures instaurées au
sein du groupe verticalement intégré pour assurer sa conformité au droit de l’Union
européenne soit amoindrie. Plusieurs exemples d’application concrète peuvent
illustrer la tendance à s’écarter de l’esprit de la réforme ferroviaire par une
interprétation extensive des fonctions de l’EPIC de tête.
En premier lieu, l’Autorité a relevé que le rattachement de SNCF Combustible, entité
définissant les modalités d’accès et les services fournis dans les installations
d’approvisionnement en combustible et déterminant les redevances à acquitter par
les entreprises ferroviaires, à l’EPIC de tête depuis le 1er juillet 2015, était contraire
aux dispositions du code des transports49. En effet, la SNCF ne peut exercer aucune
des missions dévolues au gestionnaire d’infrastructure par l’article L. 2111-9 du code
des transports aux termes duquel SNCF Réseau est chargé d’assurer la gestion des
installations de service dont il est propriétaire50. La SNCF ne peut davantage exercer
de missions dévolues à SNCF Mobilités par l’article L. 2141-1 du code des
transports51, qui dispose que SNCF Mobilités gère les gares de voyageurs et les
autres installations de service qui lui sont confiées. C’est la raison pour laquelle
l’Autorité a mis en demeure la SNCF de se conformer, d’ici le 30 juin 2017, à
l’obligation de ne pas exercer les missions d’exploitation des installations
d’approvisionnement en combustible de SNCF Réseau et de SNCF Mobilités.
En deuxième lieu, la nomination, à compter du début de l’année 2016, d’un directeur
général « Sécurité » du groupe public ferroviaire, afin d’assurer la coordination de la
sécurité des circulations ferroviaires, interpelle. En effet, ce dernier est employé par
les trois établissements publics à la fois. Il est rattaché, au sein de la SNCF, à la
direction « Sécurité Système » et plus particulièrement à l’Inspection Sécurité, au sein
de SNCF Réseau, à la direction « Sécurité, Sûreté et Risques » et, au sein de SNCF
Mobilités, à la direction « Sécurité » (ex-Direction Sécurité et Capacité, hors direction
Service Sillons). Or, les dirigeants de SNCF Réseau ne peuvent exercer de
responsabilités au sein d’une entreprise ferroviaire, la qualité de « dirigeant » étant
conférée tant au président du conseil d’administration qu’aux responsables de la
direction générale52. L’exclusion du directeur général « Sécurité » de la liste des
emplois de dirigeant de SNCF Réseau traduit une acception restrictive de la notion de
« dirigeant » par le gestionnaire d’infrastructure au regard de la définition qu’en donne
le décret du 5 mai 199753. On rappelle en effet qu’« Outre le président, les dirigeants
au sens de l'article L. 2111-16-1 du code des transports sont les personnels de
49 Décision n° 2016-078 du 25 mai 2016 portant mise en demeure de la SNCF pour non-respect des règles fixant
les conditions d’exercice des missions d’approvisionnement en combustible par SNCF Réseau et SNCF Mobilités 50 Dernier alinéa de l’article L. 2102-1 du code des transports 51 Précisé par l’article 2 du décret n° 2015-138 du 10 février 2015 52 Article L. 2111-16-1 du code des transports 53 Article 39-1 du décret n° 97-444
20
l'établissement qui, placés directement sous l'autorité du président ou de ses
collaborateurs directs, exercent les compétences les plus étendues,
fonctionnellement ou territorialement ». Il est donc nécessaire, à tout le moins, que
SNCF Réseau réexamine la notion de dirigeant et en tire les conséquences quant au
positionnement du nouveau directeur général « Sécurité » au sein du groupe public
ferroviaire. Dans la mesure où la simple communication à l’Autorité de la liste des
emplois de dirigeants de SNCF Réseau54 prévue par la loi portant réforme ferroviaire
ne permet pas au régulateur de se prononcer sur son contenu, il serait utile de lui
permettre, a minima, de rendre un avis sur cette liste. Une telle attribution serait
cohérente avec sa mission de veiller « en particulier à ce que les conditions d'accès
au réseau ferroviaire par les entreprises ferroviaires n'entravent pas le
développement de la concurrence »55. Elle lui permettrait, le cas échéant, de relever
de possibles risques de conflits d’intérêt si l’Autorité venait à identifier qu’un
responsable de SNCF Réseau, exerçant par ailleurs des fonctions au sein d’une
entreprise ferroviaire, aurait dû être qualifié de « dirigeant » de SNCF Réseau.
Afin de permettre au régulateur ferroviaire de s’assurer, conformément à sa mission,
de l’absence d’entrave à la concurrence, la liste des emplois de dirigeant de SNCF
Réseau pourrait être utilement soumise à un avis préalable de l’Autorité.
En troisième lieu, l’articulation des rôles en matière de gestion des situations de crise
entre la SNCF et SNCF Réseau est perfectible. En effet, si la SNCF a reçu la mission
de coordonner la gestion des situations de crise56, SNCF Réseau est en charge de la
répartition des capacités de l'infrastructure disponibles57, fonction qu’il doit exercer
en toute indépendance58, et de la gestion des circulations. Aussi l’Autorité avait-elle
recommandé, dans son avis du 27 novembre 2014 portant sur le projet de décret
relatif à la SNCF, une clarification des rôles respectifs de la SNCF et du gestionnaire
d’infrastructure dans le document de référence du réseau, notamment sur les
modalités pratiques de la gestion de crise59. L’Autorité a également estimé, dans le
cadre de l’avis sur le document de référence de la SNCF relatif à la coordination de la
gestion des situations de crise du système ferroviaire60 qu’elle a formulé avant que ce
dernier ne soit adopté par le conseil de surveillance de la SNCF, que la transposition
du 4ème paquet ferroviaire pouvait être l’occasion de s’interroger sur l’opportunité
d’un transfert de la coordination de la gestion des situations de crise à SNCF Réseau.
Cette hypothèse présenterait en effet l’avantage de supprimer tout risque de
54 Article L. 2111-16-1 du code des transports 55 Article L. 2131-3 du code des transports 56 Décret n° 2015-137 du 10 février 2015 relatif aux missions et aux statuts de la SNCF et à la mission de
contrôle économique et financier des transports 57 Article L. 2122-4-1 du code des transports. 58 Article L. 2122-4-3 du code des transports. 59 Avis n° 2015-023 du 27 novembre 2014 sur les projets d’ordonnance et de décrets transposant la directive
2012/34/UE. 60 Avis n° 2016-127 du 29 juin 2016 sur le document de référence de la SNCF relatif à la coordination de la
gestion des situations de crise du système ferroviaire.
21
pratiques discriminatoires, et de garantir une cohérence avec les fonctions déjà
assumées par SNCF Réseau concernant la gestion des situations d’urgence61.
Dans la continuité des objectifs de la réforme ferroviaire, l’opportunité d’un transfert
de la coordination de la gestion des situations de crise de la SNCF à SNCF Réseau,
permettant d’éliminer tout risque de traitement discriminatoire envers les entreprises
ferroviaires, pourrait être étudiée.
En quatrième lieu, la SNCF assure des prestations de sécurité des personnes et des
biens, dans le cadre d’un service interne de sécurité plus communément dénommé
« surveillance générale » ou « SUGE », qu’elle facture aux entreprises ferroviaires. La
SUGE se trouve à cet égard en situation de monopole, pour certaines prestations
qu’elle rend, de sorte qu’il importe de prévenir tout risque de discrimination tarifaire
ou de dégradation des conditions d’accès au marché des services de transport,
autant que de garantir la maîtrise des coûts. L’Autorité est chargée d’émettre un avis
conforme sur la tarification de ces prestations62, qui sont facturées « au coût de la
prestation majorée, le cas échéant, d’un bénéfice raisonnable ». Comme l’a
néanmoins relevé l’Autorité, saisie du projet de tarification présenté par la SNCF, dans
son avis du 12 juillet 201663, tant les objectifs de performance économique portés
par la loi du 4 août 2014 que la doctrine établie en matière de régulation économique
doivent inciter la SNCF à orienter ses coûts vers ceux d’un opérateur efficace64.
Le décret du 10 février 2015 relatif aux missions et statuts de la SNCF pourrait être
complété afin de poser le principe d’une tarification des prestations de sécurité sur la
base des coûts d’un opérateur efficace.
En dernier lieu, la réalité des économies d’échelle annoncées par le groupe public
ferroviaire à la suite de la mutualisation d’un certain nombre de fonctions communes
(gestion des ressources humaines, achats généraux et systèmes d’information par
exemple), pourtant au cœur de la création de l’EPIC de tête, reste à confirmer, ainsi
que l’Autorité l’a relevé dans son avis du 18 novembre 201565. Les contributions de
SNCF Réseau à la SNCF ont, en outre, connu une hausse substantielle se concentrant
sur les centres de services partagés. Dans ces conditions, l’Autorité, qui doit prendre
en compte les dimensions financières pour veiller au bon fonctionnement du système
de transport ferroviaire national66, a estimé que les économies d’échelle avancées
par le groupe public ferroviaire ne pouvaient, à ce stade, être regardées comme
établies.
61 Articles 13 et 14 du décret du 19 octobre 2006 relatif à la sécurité des circulations ferroviaires et à
l'interopérabilité du système ferroviaire. 62 Article L. 2251-1-1 du code des transports. 63 Avis n° 2016-138 du 12 juillet 2016 relatif à la tarification des prestations de sûreté fournies par le service
interne de sécurité de la SNCF. 64 Avis n° 2016-138 du 12 juillet 2016 relatif à la tarification des prestations de sûreté fournies par le service
interne de sécurité de la SNCF. 65 Avis n° 2015-042 du 18 novembre 2015 relatif au projet de budget de SNCF Réseau pour l’année 2016 66 Aux termes de l’article L. 2131-1 du code des transports
22
De manière générale, la séparation stricte entre les fonctions assurées par le
gestionnaire d’infrastructure, l’opérateur historique de transport et l’EPIC de tête est
un impératif qui conditionne le bon fonctionnement du système ferroviaire, en
particulier pour assurer une égalité de traitement entre candidats et éviter toute
entrave au développement de la concurrence. Ainsi, le regroupement des trois entités
au sein d’un même groupe ne favorise pas l’indispensable indépendance de SNCF
Réseau vis-à-vis des deux autres établissements : il nécessite la mise en place de
mécanismes complémentaires afin d’assurer un fonctionnement harmonieux du
système ferroviaire, conforme à l’esprit de la réforme.
II. La dette et la trajectoire financière du système ferroviaire
D’après l’étude d’impact annexée au projet de loi portant réforme ferroviaire, la
trajectoire financière fait apparaître « une forte augmentation de l’endettement du
système à 68 Md€ en 2025 » (contre 41,5 Md€ en 2012), « avec un rythme annuel de
progression de la dette de 2,3 Md€ sur la gestion du réseau, en dehors même de tout
nouveau grand projet si ce n’est les quatre LGV en cours de construction »67.
Ainsi, l’un des objectifs majeurs de la loi portant réforme ferroviaire était d’assurer la
maîtrise de la dette du système ferroviaire à un horizon de dix ans. L’objectif connexe
était de permettre au gestionnaire d’infrastructure de dégager les marges de
manœuvre nécessaires à la modernisation d’un réseau ferroviaire vieillissant.
Il était ainsi attendu de la loi portant réforme ferroviaire que les choix publics soient
rationalisés, eu égard à la difficulté à arbitrer entre des programmes d’investissement
et des projets de renouvellement du réseau ferroviaire. Sans que la question de la
reprise de la dette de RFF, notamment historique, soit directement traitée par la
réforme ferroviaire68, la loi a toutefois introduit plusieurs règles prudentielles strictes
afin de s’assurer que l’objectif de stabilisation à un horizon de dix ans de la dette du
gestionnaire d’infrastructure serait respecté.
67 Etude d’impact du projet de loi portant réforme ferroviaire, présentée le 15 octobre 2013, page 28 68
L’article 11 de la loi du 4 août 2014 dispose que « Dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de
la présente loi, le Gouvernement remet aux commissions permanentes du Parlement compétentes en matière
ferroviaire et financière un rapport relatif à la trajectoire de la dette de SNCF Réseau et aux solutions qui
pourraient être mises en œuvre afin de traiter l'évolution de la dette historique du système ferroviaire. Ce rapport
examine les conditions de reprise de tout ou partie de cette dette par l'Etat ainsi que l'opportunité de créer une
caisse d'amortissement de la dette ferroviaire ».
23
Tel est le cas du contrat entre l’Etat et SNCF Réseau, d’une part, et du décret relatif à
la définition de la « règle d’or » encadrant les dispositions financières relatives aux
investissements envisagés par le gestionnaire d’infrastructure, d’autre part.
Evolution de la dette du système ferroviaire
En M€
31/12/2015
31/12/2014
31/12/2013
31/12/2012
31/12/2011
RFF/ SNCF Réseau 42 178 39 589 36 526 33 627 30 292
SNCF / SNCF Mobilités
7 772 7 405 7 383 7 347 8 329
TOTAL 49 950 46 994 43 909 40 974 38 621
Variations N/N-1 2 956 3 085 2 935 2 353
Source : Rapports financiers de SNCF Mobilités et SNCF Réseau pour 2015
A. Le contrat entre l’Etat et SNCF Réseau
L’article L. 2111-10 du code des transports, dans sa version issue de la loi portant
réforme ferroviaire, a prévu la signature d’un contrat entre l’Etat et SNCF Réseau qui
détermine les objectifs de performance, les orientations en matière de
renouvellement, exploitation et entretien du réseau ferré, les objectifs de productivité
correspondants ainsi que la trajectoire financière de SNCF Réseau. Dans le cadre de
cette trajectoire, le contrat doit notamment préciser les moyens financiers alloués aux
différentes missions du gestionnaire d’infrastructure, les principes tarifaires
applicables et l’évolution des dépenses de gestion du réseau. Les indicateurs que
sont le taux de couverture du coût complet par les ressources de SNCF Réseau et le
rapport entre la dette nette et la marge opérationnelle font l’objet d’un suivi
particulier.
Ce contrat représente, selon l’étude d’impact annexée au projet de loi, « le principal
outil de pilotage du redressement de la trajectoire économique du gestionnaire
d’infrastructure »69 et consacre le rôle de stratège de l’Etat afin de « veiller à ne pas
reproduire les errements du passé notamment en matière de fuite en avant
financière, de programmation erratique et insolvable, et à stabiliser l’horizon
stratégique et financier de nos chemins de fer »70.
69 Etude d’impact du projet de loi portant réforme ferroviaire, présentée le 15 octobre 2013, page 29 70 Rapport fait au nom de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur le
projet de loi portant réforme ferroviaire par M. Gilles Savary, député, le 28 mai 2014, page 60
24
Cette contractualisation entre l’Etat et SNCF Réseau d’une durée de dix ans,
réactualisée tous les trois ans, doit ainsi permettre d’établir au préalable un
diagnostic partagé ainsi que la fixation d’objectifs en commun dont la réalisation
repose sur des engagements pris sur la durée par chacune des parties, et qui
associent, à la fois dans leur définition et leur mise en œuvre, des tiers extérieurs, tels
l’Autorité ou le Haut comité du système de transport ferroviaire.
Or, le rapport stratégique d’orientation71 préparé par le Gouvernement, qui devait être
soumis pour avis au Haut comité du système de transport ferroviaire l’année
précédant la conclusion de ce contrat, puis aux commissions du Parlement
compétentes en matière de transport et rendu public vient tout juste d’être établi. Ce
Haut comité, dont la composition a été arrêtée pour la première fois le 10 décembre
2015 puis récemment réactualisée72, a été installé le 14 septembre 2016 et saisi du
document.
Le contrat entre l’Etat et SNCF Réseau qui doit être pris à la suite de ce rapport
stratégique d’orientation n’est donc pas conclu à ce jour. En l’absence de contrat
entre l’Etat et SNCF Réseau, le système ferroviaire français se trouve privé d’un outil
de pilotage majeur, dont disposent pourtant l’Allemagne ou le Royaume-Uni.
Comme l’Autorité l’avait déjà relevé, dans son avis du 18 novembre 2015 sur le projet
de budget de SNCF Réseau pour l’année 201673, l’absence de trajectoire financière
s’avère préoccupante, près de deux ans après l’adoption de la loi portant réforme
ferroviaire et plus de trois ans après le dépôt à l’Assemblée nationale du projet de loi.
L’absence de visibilité qui en résulte altère la capacité du gestionnaire
d’infrastructure à procéder à une planification raisonnée des opérations de
rénovation de l’infrastructure et à engager efficacement les programmes d’actions
nécessaires à la réalisation des objectifs de productivité sur lesquels il est fortement
attendu. Outre SNCF Réseau, ce manque de visibilité affecte également les
entreprises ferroviaires et les industriels qui leur sont liés dans leurs perspectives de
développement, et compromet par là même la croissance de ce secteur.
En l’absence de contrat, le régulateur ferroviaire n’est pas en mesure de remplir
pleinement sa mission d’assurer « la cohérence des dispositions économiques,
contractuelles et techniques mises en œuvre par les gestionnaires d'infrastructure »,
à défaut de pouvoir prendre en compte les « enjeux et contraintes du système de
transport ferroviaire national, notamment la trajectoire financière du gestionnaire du
réseau ferré national »74 résultant du contrat.
71 Prévu au nouvel article L. 2100-3 du code des transports. 72 Arrêtés du 10 décembre 2015 et du 2 septembre 2016 portant nomination au Haut Comité du système de
transport ferroviaire. 73 Avis n° 2015-042 du 18 novembre 2015. 74 Article L. 2131-4 du code des transports.
25
En particulier, en l’absence de contrat conclu entre l’Etat et SNCF Réseau, l’Autorité
n’a pu vérifier le respect de la trajectoire financière pluriannuelle du gestionnaire
d’infrastructure75 par le projet de budget présenté par SNCF Réseau pour l’année
2016. En conséquence, elle n’a pas été à même de constater un éventuel
manquement aux obligations contractuelles de SNCF Réseau ou un éventuel écart de
la trajectoire financière, et, dès lors, de formuler une recommandation au conseil
d’administration de SNCF Réseau pour en corriger les effets.
Par suite, le cercle vertueux souhaité par la réforme ferroviaire dans la construction
d’une trajectoire financière pluriannuelle et dans le suivi annuel résultant, d’une part,
de l’avis de l’Autorité donné a priori sur le projet de budget, et, d’autre part, du
compte rendu annuel a posteriori de l’exécution du contrat par SNCF Réseau, se
trouve compromis.
De la même façon, saisie par SNCF Réseau du projet de tarification des prestations
minimales pour l’horaire de service 2017, l’Autorité a relevé, dans son avis
n° 2016-012 du 10 février 2016, qu’elle se trouvait dans l’impossibilité de se
prononcer au regard du 3° du I de l’article L. 2133-5 du code des transports, lequel
prévoit que le régulateur « émet un avis conforme sur la fixation des redevances
d'infrastructure liées à l'utilisation du réseau ferré national au regard : […] 3°) des
dispositions du contrat, mentionné à l'article L. 2111-10, conclu entre l'Etat et SNCF
Réseau ».
Il conviendrait donc que soit conclu dans les meilleurs délais un contrat qui puisse
donner à l’ensemble des acteurs du secteur la visibilité de moyen et long termes
indispensable à leur action. A cet égard, le Gouvernement s’est engagé le 8 juin 2016
devant l’Assemblée nationale à un aboutissement d’ici la fin de l’année76.
Afin de donner au secteur ferroviaire la visibilité nécessaire sur la trajectoire
financière de SNCF Réseau conformément à l’un des objectifs majeurs de la réforme,
l’Etat et le gestionnaire d’infrastructure doivent finaliser dans les meilleurs délais le
contrat que la loi leur impose de conclure.
B. La « règle d’or » en matière d’investissements
La réforme ferroviaire prévoyait, outre la conclusion d’un contrat entre l’Etat et le
gestionnaire d’infrastructure, des outils additionnels pour permettre la maîtrise de la
dette de SNCF Réseau. Le contrôle des investissements à réaliser devait, en
particulier, être assuré par la mise en place d’une « règle d’or ».
75 Article L. 2133-5-1 du code des transports. 76
Confirmation par le courrier du secrétaire d’Etat aux transports adressé à l’Unsa en date du 1er juin 2016.
26
L’article 4 du décret du 5 mai 1997 relatif aux missions et aux statuts de Réseau
ferré de France77 prévoyait déjà une « règle d’or » relative aux investissements de
RFF selon laquelle « (…) RFF ne peut accepter un projet d'investissement sur le
réseau ferré national, inscrit à un programme à la demande de l'Etat, d'une
collectivité locale ou d'un organisme public local ou national, que s'il fait l'objet de la
part des demandeurs d'un concours financier propre à éviter toute conséquence
négative sur les comptes de RFF sur la période d'amortissement de cet
investissement (…) ».
Les travaux parlementaires menés à l’occasion de la loi portant réforme ferroviaire
ont toutefois relevé que « cette règle n'a pas toujours été respectée par l'État, qui a
imposé à RFF, sur certains projets, une participation bien supérieure à ce qu'elle
aurait dû être. La Cour des comptes l'a illustré, dans son rapport de 2008, par
l'exemple de la branche Est de la LGV Rhin-Rhône, où la contribution de RFF a été
arbitrairement multipliée par plus de deux pour boucler le plan de financement,
passant de 302 millions d'euros à 642 millions d'euros »78. Aussi les travaux
parlementaires ont-ils conclu que cette clause s’était finalement « avérée impuissante
à contenir les incohérences et les politiques qui ont été imposées par l’Etat à RFF en
matière de programmation des investissements »79.
Si le principe d’une règle d’or a été conservé par la loi portant réforme ferroviaire, ses
modalités ont été sensiblement renforcées. L’article L. 2111-10-1 du code des
transports80 prévoit en effet expressément que les règles de financement des
investissements de SNCF Réseau sont établies en vue de maîtriser sa dette. Ainsi, les
investissements de maintenance du réseau ferré national sont financés selon des
modalités devant être prévues par le contrat conclu entre l’Etat et SNCF Réseau. Les
investissements de développement du réseau ferré national sont quant à eux évalués
au regard du ratio défini comme le rapport entre la dette financière nette et la marge
opérationnelle de SNCF Réseau. En cas de dépassement du niveau plafond de ce
ratio, les projets d'investissements de développement sont financés par l'Etat, les
collectivités territoriales ou tout autre demandeur. En-deçà du niveau plafond de ce
ratio, les projets d'investissements de développement doivent faire l'objet, de la part
de l'Etat, des collectivités territoriales ou de tout autre demandeur, de concours
financiers propres à éviter toute conséquence négative sur les comptes de SNCF
Réseau au terme de la période d'amortissement des investissements projetés.
77 Décret n° 97-444. 78 Rapport fait au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de
l’aménagement du territoire sur le projet de loi portant réforme ferroviaire par M. Michel Teston, député, le 2 juillet
2015, page 26 79 Rapport fait au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur le projet
de loi portant réforme ferroviaire par M. Gilles Savary, député, le 28 mai 2014, page 8 80 Article créé par la loi portant réforme ferroviaire et modifié par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la
croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques,
27
Ce renforcement de l’encadrement des règles d’investissement de SNCF Réseau a
pour objectif de préserver le gestionnaire d’infrastructure de la charge des
investissements de développement du réseau qui, aujourd’hui, apparaissent seconds
par rapport à la priorité de remise à niveau du réseau existant, ainsi qu’il ressort du
rapport d’orientation stratégique remis par le Gouvernement.
Le dernier alinéa de l’article L. 2111-10-1 du code des transports a prévu que les
modalités d'application de cet article, notamment le mode de calcul des éléments du
ratio et son niveau plafond, qui ne peut excéder 18, soient définies par décret.
Or, à ce jour, ce décret81 n’a toujours pas été adopté, ce qui rend de facto
difficilement applicable la règle qu’il est censé préciser.
Afin de garantir la pleine effectivité du dispositif de contrôle du respect de la
trajectoire financière du système ferroviaire prévu par la loi, le décret explicitant la
« règle d’or » en matière d’investissements ferroviaires doit être publié au plus vite.
Dans l’attente de la publication de ce texte, l’Autorité s’est montrée soucieuse, dans
son avis du 2 février 2016 sur le projet de liaison ferroviaire Charles-de-Gaulle
Express, que le champ d’application de la règle d’or ne fasse pas l’objet d’une
approche trop restrictive82. Tel est ainsi le cas de la prise de participation de SNCF
Réseau à la société de projet détenue majoritairement avec Aéroports de Paris (ADP)
pour l’établissement d’une liaison ferroviaire express directe dédiée au transport de
personnes entre Paris et l’aéroport Charles-de-Gaulle. Dès lors que l’objet de cette
société vise sans ambiguïté la réalisation d’un projet de développement du réseau
ferré national, exclure la prise de participation au capital de cette société du champ
de la « règle d’or » conduirait à dévoyer le dispositif conçu par la loi. L’Autorité note
que pour autant, sur proposition du gouvernement, l’Assemblée nationale a, le 27
septembre 2016, adopté un amendement ayant pour objet d’exclure de l’application
de cette « règle d’or » la participation de SNCF Réseau au financement de la société
de projet.
La loi portant réforme ferroviaire a instauré un mécanisme de contrôle
supplémentaire en confiant à l’Autorité le soin d’émettre un avis motivé83 sur le
montant des concours financiers devant être apportés à SNCF Réseau et sur la part
contributive de SNCF Réseau, au regard notamment des stipulations du contrat
conclu avec l’Etat, pour chaque projet d'investissement supérieur à
200 millions d’euros84. Cet avis porte notamment sur la pertinence des prévisions de
81 Décret dont l’intervention a été ajoutée par la loi du 6 août 2015. 82 Avis n° 2016-010 du 2 février 2016 sur le projet d’ordonnance relative à la réalisation d’une ligne ferroviaire
entre Paris et l’aéroport Charles-de-Gaulle. 83
Article L. 2111-10-1 du code des transports. 84 Ce seuil a été fixé par l’article 31 du décret n° 97-444 du 5 mai 1997 modifié relatif aux missions et aux statuts
de SNCF Réseau auquel renvoyait la loi.
28
recettes nouvelles, en particulier au regard de leur soutenabilité pour les entreprises
ferroviaires, ainsi que sur l’adéquation du niveau de ces recettes avec celui des
dépenses d’investissement projetées.
Dans les faits, pour les éventuels projets de développement dont l’Autorité aurait à
connaître dans les prochaines années, il est peu probable qu’une contre-expertise de
la participation financière de SNCF Réseau s’impose. Comme elle l’a indiqué dans son
avis du 18 novembre 201585 et sous réserve des détails du mode de calcul des
éléments du ratio devant être précisés dans le décret, le ratio plafond entre la dette
financière nette et la marge opérationnelle de SNCF Réseau fixé à 18 par la loi
apparaît d’ores et déjà significativement dépassé en 2015 (19) comme en 2016 (22).
C’est la raison pour laquelle l’Autorité a insisté, dans cet avis, sur la nécessité d’une
rationalisation des choix publics ferroviaires, en particulier s’agissant des décisions de
financement de nouvelles lignes à grande vitesse ou de la mise en œuvre des
contrats de plan entre l’Etat et les régions. Or, si dans son projet de budget pour
2016, SNCF Réseau a affiché une nette priorité en faveur de la maintenance et de la
rénovation du réseau, en cohérence avec le constat qui est fait unanimement d’un
état de vétusté préoccupant, l’Autorité a relevé que les investissements de
développement pèsent de manière encore trop marquée sur l’ensemble du
programme budgété par SNCF Réseau en 201686. Si l’effort financier portant sur le
renouvellement du réseau ferroviaire s’est accru ces dix dernières années, passant
de 900 M€ en 2014 à près de 2,4 Md€ en 2015, près de 20 % des voies du réseau
structurant demeurent « hors d’âge » en 2014. Au total, en 2014, 4300 km de lignes
sont concernées par des ralentissements dont environ 1200 km sur le réseau
principal.
Au vu de l’ampleur des déséquilibres financiers de SNCF Réseau, l’Autorité a déjà
appelé à des arbitrages clairs dans les priorités d’investissement du gestionnaire
d’infrastructure. Elle a recommandé, dans la perspective du futur contrat avec l’Etat,
d’affecter l’intégralité des moyens au financement de la rénovation du réseau87, tout
en estimant que la seule mobilisation des financements de SNCF Réseau risquait de
ne pas être suffisante pour accompagner la montée en charge souhaitée du
programme de rénovation. Ainsi, sans se prononcer sur le niveau pertinent du volume
d’investissement annuel, et sans préjudice des actions de maîtrise des coûts à mettre
en place, l’Autorité estime souhaitable que les pouvoirs publics accompagnent les
efforts de SNCF Réseau dans la rénovation du réseau.
85 Avis du 18 novembre 2015 sur le projet de budget pour l’année 2016 de SNCF Réseau 86 Avis du 18 novembre 2015 sur le projet de budget pour l’année 2016 de SNCF Réseau 87 Avis du 18 novembre 2015 sur le projet de budget pour l’année 2016 de SNCF Réseau
29
III. La place du régulateur dans la réforme ferroviaire
Clé d’une régulation efficace, le renforcement des capacités d’intervention de
l’Autorité faisait partie des objectifs de la loi. Cette exigence n’est pas nouvelle. Le
droit de l’Union exige l'indépendance des organismes de contrôle nationaux, ceux-ci
devant être juridiquement distincts et indépendants au plan fonctionnel, hiérarchique
et décisionnel de toute entité publique ou privée88. La loi du 8 décembre 2009
relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires allait clairement
en ce sens en faisant de l’ARAF – devenue ARAFER – une autorité publique
indépendante dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière.
En tant qu’« organisme de contrôle » français au sens de la directive 2012/34/UE du
21 novembre 2012, l’Autorité est chargée de veiller au bon fonctionnement, dans ses
dimensions techniques, économiques et financières, du système de transport
ferroviaire national. Elle doit notamment garantir la transparence et l’équité de l’accès
des entreprises ferroviaires au réseau, contrôler la procédure de répartition des
capacités, le système de tarification et le niveau des redevances d’utilisation de
l’infrastructure.
Les pouvoirs dont dispose l’Autorité en vue de mettre en œuvre ces missions ont été
renforcés par la réforme ferroviaire. En particulier, l’Autorité est désormais chargée de
veiller aux équilibres financiers fondamentaux du système ferroviaire. En outre, son
intervention a été renforcée en matière de contrôle de la tarification. Enfin, son
pouvoir de sanction a été réaménagé afin de le rendre conforme aux exigences
constitutionnelles.
A. Le nouveau rôle en matière de contrôle des équilibres financiers du
système de transport ferroviaire national
Comme développé précédemment89, la réforme ferroviaire a davantage associé
l’Autorité à la surveillance et la maîtrise des équilibres fondamentaux du système
ferroviaire. Ainsi, l’Autorité doit rendre un avis sur le projet et les actualisations du
contrat cadre stratégique conclu pour une durée de dix ans entre la SNCF et l’Etat
(article L. 2102-5 du code des transports) et sur le projet de contrat conclu entre
l’Etat et SNCF Réseau (article L. 2111-10). Elle est également invitée à s’exprimer sur
le projet de budget de SNCF Réseau, en particulier au regard du respect de la
88 Directive 2012/34/UE, article 55 § 1. L’article 30 de la directive n° 2001/14/CE exigeait déjà la création d’un
organisme de régulation et de contrôle indépendant destiné à accompagner l’ouverture progressive du secteur
ferroviaire à la concurrence et à assurer le bon fonctionnement du service public et des activités concurrentielles
de transport ferroviaire. 89 II. La dette et la trajectoire financière du système ferroviaire
30
trajectoire financière définie par le contrat conclu entre le gestionnaire
d’infrastructure et l’Etat (article L. 2133-5-1). L’Autorité rend enfin un avis motivé sur
chaque projet d'investissement dont la valeur excède un seuil de 200 millions d’euros
(article L. 2111-10-1).
Si de telles évolutions sont significatives, leur portée effective reste plus difficile à
apprécier. En premier lieu, les délais impartis à l’Autorité pour se prononcer, souvent
réduits, limitent la profondeur d’analyse. S’agissant par exemple de l’avis sur le projet
de budget arrêté par le conseil d’administration de SNCF Réseau, l’Autorité dispose
d’un délai d’un mois. Même si l’on conçoit bien que le calendrier soit contraint pour
assurer l’adoption du budget avant le début de l’exercice, ce délai d’instruction réduit
ne saurait permettre un examen exhaustif, mais limite nécessairement ce dernier aux
éléments les plus saillants, et ce d’autant plus si les informations nécessaires à la
compréhension du budget présenté ne sont pas transmises dès la saisine90.
En second lieu, l’intervention de l’Autorité consiste, conformément à l’article
L. 2131-1 du code des transports, à formuler des recommandations destinées à
concourir au bon fonctionnement, dans sa dimension financière, du système de
transport ferroviaire national. Le régulateur n’a toutefois pas vocation à se substituer
aux acteurs dans la définition des équilibres financiers du système. Tel est le cas, en
particulier, du projet de budget de SNCF Réseau, sur lequel l’Autorité émet un avis
motivé mais qu’il revient au conseil d’administration d’adopter définitivement en
décidant des éventuelles suites données aux observations soulevées91. Sous ces
limites qui se justifient, l’avis de l’Autorité lui permet d’informer le secteur sur
l’évolution de la trajectoire financière du gestionnaire du réseau, d’en analyser les
causes et de proposer des mesures correctives au gestionnaire d’infrastructure.
B. Le renforcement des pouvoirs de contrôle ex ante en matière de
tarification de l’accès au réseau principal et aux installations de service
La réforme ferroviaire a étendu les pouvoirs d’avis conforme de l’Autorité, en
particulier en matière de tarification. Pouvoir majeur de l’activité de l’Autorité depuis
sa création, l’avis conforme sur la fixation des redevances liées à l’utilisation du
réseau ferré national a été étendu à la tarification de l’accès aux installations de
service92 et des prestations de sûreté93.
L’avis conforme confère à l’Autorité une influence déterminante puisqu’il conditionne
la validité des tarifs. Toutefois, cet outil ne s’est pas toujours révélé, dans la pratique,
90 En ce sens, v. Avis n° 2015-042 du 18 novembre 2015 relatif au projet de budget de SNCF Réseau pour
l’année 2016, pt 2. 91
Article L. 2133-5-1 du code des transports. 92 Article L. 2133-5 du code des transports. 93 Article L. 2251-1-1 du code des transports.
31
aisé à mettre en œuvre puisqu’il contraint le régulateur à arbitrer chaque année, dans
un délai réduit94, entre la validation de propositions tarifaires le plus souvent
imparfaites au regard des dispositions juridiques applicables et la nécessité, en
pratique, de ne pas aggraver les difficultés que connaît déjà le gestionnaire
d’infrastructure. La portée d’un avis défavorable, notamment en matière de
tarification, est déterminante pour le gestionnaire d’infrastructure. En l’absence d’avis
conforme du régulateur ou de levée des réserves associées à un avis conforme, le
gestionnaire du réseau est tenu de lui soumettre de nouvelles propositions tarifaires
puisque le caractère exécutoire de la tarification de l’accès au réseau est subordonné
à la publication, par SNCF Réseau, d’une tarification conforme à l’avis de l’Autorité
trois mois avant le début de l’horaire de service95.
Compte tenu de cette difficulté et afin de perfectionner le cadre de régulation, il serait
opportun que le gestionnaire du réseau inscrive sa tarification dans un cadre
pluriannuel96. Une telle solution garantirait aux entreprises ferroviaires et aux
candidats une plus grande prévisibilité sur l’évolution des redevances et permettrait
d’atténuer, sur plusieurs années, le poids des évolutions tarifaires, parfois brutales,
sans porter préjudice au fonctionnement du marché. En outre, la fixation des tarifs
sur une base pluriannuelle permettrait de mettre en place un cadre plus propice à la
maîtrise des coûts, à la performance du gestionnaire d’infrastructure et au
développement d’une régulation incitative, dans l’esprit même de la réforme
ferroviaire. La mise au point d’une tarification pluriannuelle nécessite des travaux
plus approfondis entre le gestionnaire et le régulateur, d’une part, et avec l’ensemble
du secteur, d’autre part. Enfin, elle renouvellerait le rôle de l’Autorité en lui
permettant, à l’instar d’autres régulateurs sectoriels97, d’agir sur la définition ou
l’adaptation des mesures d’encadrement pluriannuel des tarifs ou de définir des
mesures incitatives appropriées pour encourager les opérateurs à améliorer leurs
performances.
L’Autorité recommande que la loi pose le principe d’une fixation de la tarification des
prestations minimales dans un cadre pluriannuel.
En outre, la régulation tarifaire du secteur pourrait encore être améliorée par une
association différente de l’Autorité à la définition du cadre tarifaire. En effet, même si
l’avis conforme constitue un outil fondamental pour asseoir la régulation en matière
tarifaire, on peut s’interroger sur sa pertinence à moyen terme : il fait du régulateur un
censeur et non un véritable acteur de la définition du cadre tarifaire, qui reste de la
94 L’avis conforme sur la tarification des prestations minimales doit être rendu dans un délai de deux mois suivant
la publication du DRR (article 9 du décret n° 97-446). L’avis de l’ARAF sur la tarification des prestations de sûreté
doit être rendu dans un délai de trois mois suivant la réception du projet. Passé ce délai, l’avis est réputé conforme
(article 6 du décret n° 2015-845). 95 Article 9 du décret n° 97-446. 96 Article 35 du décret n° 2003-194 modifié. 97 Pour la CRE : articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de l’énergie (secteur du gaz) ; articles L. 341-1 à L. 341-3 du
même code (secteur de l’électricité) ; Pour l’ARCEP : articles L. 36-7 et D. 311 du code des postes et
communications électroniques. Au Royaume-Uni, l’Office of Rail Regulation (ORR) peut définir en amont le cadre de
tarification, v. The Railways Infrastructure (Access and Management) Regulations 2005, regulation 12 (1).
32
compétence du gestionnaire d’infrastructure. C’est pourquoi il serait souhaitable
d’élargir le rôle du régulateur afin d’améliorer la portée de la régulation des tarifs, en
permettant à l’Autorité de définir en amont et de manière concertée les règles
applicables. Ainsi, l’ARCEP dispose par exemple d’un pouvoir de « régulation
asymétrique »98 qui lui permet d’imposer ex ante certaines obligations tarifaires aux
opérateurs réputés exercer une influence économique significative sur le marché99. A
cet égard, il est intéressant de relever que, dans le cadre de ses nouvelles
compétences relatives à la régulation du secteur du transport routier de voyageurs,
l’Autorité s’est récemment vu reconnaître une compétence de « régulation
asymétrique » similaire. L’article L. 3114-13 du code des transports permet en effet à
l’Autorité de fixer elle-même certaines obligations en matière d’accès aux exploitants
de gares routières de voyageurs ou aux fournisseurs de services sur ces installations
dès lors qu’ils exercent une influence significative sur un marché du secteur des
transports de personnes.
Ce nouveau pouvoir de régulation asymétrique, applicable au secteur des gares
routières de voyageurs, pourrait constituer une source d’inspiration pour la
redéfinition du rôle du régulateur dans la régulation des redevances applicables au
secteur ferroviaire, en particulier pour les installations de service dont la gestion est
assurée par un opérateur ferroviaire exerçant une position dominante sur un marché
du secteur (gares ou centres de maintenance par exemple).
C. L’aménagement du pouvoir de sanction
Principale évolution des outils de régulation ex post de l’Autorité, la modification du
déroulement de la procédure de sanction a permis de satisfaire aux exigences posées
par le Conseil constitutionnel. En effet, dans sa décision du 5 juillet 2013100, le
Conseil constitutionnel avait estimé que les dispositions relatives au pouvoir de
sanction de l’ARCEP101 n’étaient pas conformes aux principes constitutionnels
d’indépendance et d’impartialité. Le juge constitutionnel avait estimé que la
séparation au sein de l’Autorité entre les fonctions de poursuite et d’instruction, d’une
part, et la fonction de jugement, d’autre part, n’était pas garantie. Le régulateur
ferroviaire était concerné par cette décision, dans la mesure où le collège cumulait
alors les fonctions de poursuite, d’instruction et de jugement des manquements.
En confiant la fonction de jugement des éventuels manquements à une commission
des sanctions organiquement distincte du collège et composée de membres des plus
hautes juridictions, le législateur a opté pour une séparation similaire à celle déjà
appliquée dans certaines autorités de régulation (ARJEL, AMF). Cette évolution est un
98 Régulation différenciée des acteurs selon leur profil, ce qui revient à adapter le niveau de contrôle à l’enjeu 99 Articles L. 37-1 et L. 38 du code des postes et des communications électroniques 100 Décision QPC n° 2013-331. 101 Article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques.
33
progrès réel, la séparation organique constituant la meilleure garantie d’impartialité
de la procédure de sanction. Cette solution a été préférée à la création d’un
rapporteur permanent chargé de conduire l’instruction, inspiré du modèle désormais
applicable au CSA, initialement proposée par le projet de loi. L’usage de la procédure
de sanction demeurant encore peu fréquent, la création d’un poste de rapporteur
permanent n’apparaissait guère adaptée.
En effet, en adoptant, dans un premier temps, une décision de mise en demeure et
en procédant, si elle le juge utile, à sa publication, l’Autorité est jusqu’alors parvenue
à obtenir la modification du comportement de l’opérateur dans le délai et dans les
conditions définis par la mise en demeure. Ce n’est qu’en cas de persistance du
manquement, dans un second temps, que le collège de l’Autorité peut décider de
notifier des griefs à l’intéressé et en saisir la commission des sanctions, qui décide s’il
y a lieu de prononcer l’une des sanctions prévues à l’article L. 1264-9 du code des
transports102.
Les membres de la commission des sanctions ont été désignés par un décret du
16 octobre 2015. La commission des sanctions de l’Autorité est désormais
fonctionnelle, depuis son installation le 19 mai 2016. Compte-tenu de l’augmentation
des pouvoirs de l’Autorité, tant en matière ferroviaire que routière et autoroutière, le
périmètre des manquements pouvant faire l’objet d’une sanction, défini à l’article
L. 1264-7 du code des transports, a été en conséquence élargi.
IV. La perspective de l’ouverture à la concurrence du transport national
de voyageurs
Le projet de loi portant réforme ferroviaire a été élaboré et examiné par le Parlement
dans une période marquée par les discussions au niveau européen sur l’achèvement
de l’ouverture du secteur à la concurrence. Le projet de quatrième paquet ferroviaire
présenté par la Commission européenne en janvier 2013 prévoyait la libéralisation
complète des lignes nationales à partir de 2020 et, dans le prolongement du
règlement du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs
par chemin de fer et par route103, la généralisation progressive de l’attribution des
102 Les sanctions sont prononcées en fonction de la gravité du manquement. Elles peuvent consister en une
interdiction temporaire d’accès à tout ou partie du réseau ferroviaire pour une durée n’excédant pas un an et/ou
une sanction pécuniaire, dont le montant est proportionné à la gravité du manquement, à la situation de
l’intéressé, à l’ampleur du dommage et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 3% du chiffre
d’affaires hors taxes du dernier exercice clos réalisé en France. Ce montant peut être porté à 5% en cas de
nouvelle violation de la même obligation. 103 Règlement CE n° 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relatif aux services
publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements (CEE) n°1191/69 et
(CEE) n°1107/70 du Conseil.
34
contrats de service public par appel d’offres. Pour autant, la loi du 4 août 2014104 ne
contient aucune disposition qui pose les jalons d’une future ouverture à la
concurrence du transport de voyageurs ou qui envisage même sa préparation ou son
expérimentation.
Depuis le 29 avril 2016, l’accord des Etats membres sur le quatrième paquet est
acquis. Le principe d’une ouverture à la concurrence à compter du 3 décembre 2019
est maintenu, bien qu’assorti de certaines contraintes d’application. En particulier,
l’ouverture à la concurrence des lignes à grande vitesse en open access, prévue à
compter de 2020, suppose le respect d’un délai de prévenance de 18 mois et un test
d’équilibre économique. Pour les lignes faisant l’objet d’un contrat de service public,
le recours à l’appel d’offres est lui aussi conservé à compter de 2020 mais la
poursuite des contrats réalisés sous l’empire de l’attribution directe restera possible
jusqu’en 2023. La publication de la directive devrait intervenir à la fin de l’année
2016, après un nouvel examen par le Parlement européen à l’automne. Dans cette
hypothèse, la transposition devra être effective pour la fin de l’année 2018.
Le secteur des transports se caractérise aujourd’hui par son caractère multimodal et
connaît une multiplication des offres à destination des voyageurs. La perspective
d’une ouverture à la concurrence des transports nationaux de voyageurs devient ainsi
une réalité qu’il est désormais indispensable de préparer. Cette étape est également
attendue par les autorités organisatrices de transport qui souhaitent offrir un service
plus large à leurs usagers105. Les Régions souhaitent notamment pouvoir expérimenter
par anticipation une ouverture à la concurrence sous forme de délégation de service
public dans les prochains appels d'offre, ce que le Gouvernement a annoncé avoir
accepté en juillet 2016, sous réserve du vote d’une loi l’autorisant. Dans le cadre de
cette ouverture, l’Autorité a pour objet de concourir au développement effectif de la
concurrence dans les secteurs ferroviaire et routier, en garantissant un accès au
réseau dans des conditions techniques et financières transparentes et non
discriminatoires106. Ainsi, l’ouverture prochaine du transport national de voyageurs à la
concurrence doit conduire, dès aujourd’hui, à s’interroger sur certains principes issus
de la réforme ferroviaire, qui se révèlent difficilement compatibles avec un
fonctionnement concurrentiel du marché.
104 La question de la préparation de l’ouverture à la concurrence du transport national de voyageurs a bien été
évoquée lors des débats autour du projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
(devenue la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, dite « Loi Macron »). Pour autant, elle n’a pas davantage donné lieu
à l’édiction de dispositions en ce sens. Ainsi, en première lecture et en nouvelle lecture après la commission mixte
paritaire, le Sénat a proposé de poser à l’article 1er quinquies du projet de loi le principe de « l'ouverture à la
concurrence totale ou partielle des conventions de délégation de service public régissant les transports
ferroviaires organisés par les régions, dès le 1er janvier 2019 » (Rapport de la commission spéciale n° 541 déposé
le 23 juin 2015). Dans l’attente de l’accord des Etats-membres sur le quatrième paquet ferroviaire, l’Assemblée
nationale n’a pas suivi cette proposition. 105
Les régions veulent expérimenter la mise en concurrence des TER avant la libéralisation européenne, Interview
de Michel Neugnot, Président de la commission transports de l’ARF, Contexte, 17 mai 2016. 106 Voir notamment les articles L. 2131-1 et L. 3114-8 du code des transports.
35
En premier lieu, ainsi que l’avait déjà souligné l’Autorité à l’occasion de la publication
des décrets d’application de la loi du 4 août 2014107 et de son étude sur la gestion
des gares de voyageurs108, l’organisation mise en place pour la gestion des gares de
voyageurs ne concourt pas à une concurrence effective et efficace. En effet, les gares
de voyageurs constituent des infrastructures essentielles dont la gestion devrait être
assurée par une entité juridique distincte de l’entreprise ferroviaire historique et
disposant de l’ensemble des moyens propres à assurer pleinement cette fonction.
Dans son avis sur le projet de décret relatif aux gares de voyageurs et aux autres
infrastructures de services, l’Autorité a précisé que la gestion des gares de voyageurs
et des autres infrastructures de services du réseau ferroviaire « serait plus efficace et
plus transparente si elle n’était pas confiée à une entreprise exerçant des activités de
transport ferroviaire »109.
Or, à ce jour, si l’activité de gestion, d’exploitation et de développement des gares de
voyageurs est prise en charge par une direction spécifique identifiée de SNCF
Mobilités (SNCF Gares & Connexions), elle ne constitue nullement une entité
juridiquement distincte. En l’absence de ressources humaines propres suffisantes,
SNCF Gares & Connexions doit recourir aux autres services de SNCF Mobilités pour
assurer la réalisation de ses prestations en gares. En outre, son budget demeure
tributaire d’arbitrages internes à SNCF Mobilités. Comme déjà souligné, cette
organisation ne permet pas de s’assurer de ce que la gestion des gares de voyageurs
respecte les conditions d’indépendance et d’égal accès nécessaires au
développement de la concurrence. La gestion par SNCF Réseau de l’ensemble des
infrastructures ferroviaires et des installations de service, dont les gares de
voyageurs, serait de nature à créer les conditions d’une véritable ouverture du secteur
à la concurrence.
L’indépendance organisationnelle et décisionnelle du gestionnaire des gares doit être
davantage garantie. L’Autorité renvoie, à cet égard, aux solutions préconisées dans
son rapport sur la gestion des gares ferroviaires de voyageurs en France publié en
juillet 2016.
En deuxième lieu, l’ouverture prochaine du transport de voyageurs à la concurrence
pose la question du statut d’établissement public à caractère industriel et commercial
de SNCF Mobilités, entreprise ferroviaire historique. En effet, la Cour de justice de
l’Union européenne a récemment considéré que les garanties illimitées apportées par
l’Etat à un établissement public à caractère industriel et commercial pouvaient être
regardées comme constitutives d’une aide d’Etat dès lors que cet établissement
107 Avis n°2014-025 du 27 novembre 2014 sur le projet de décret relatif aux missions et aux statuts de SNCF
Mobilités. 108
Arafer, Etude thématique sur le gestion des gares de voyageurs en France, Juillet 2016. 109 Avis n° 2011-014 du 15 juin 2011 sur le projet de décret relatif aux gares de voyageurs et aux autres
infrastructures de services du réseau ferroviaire.
36
intervient dans un secteur concurrentiel110. Cette lecture avait été initiée par la
Commission européenne à propos de l’établissement public EDF111. De la lecture de
cet arrêt il ressort que le statut d’établissement public à caractère industriel et
commercial de SNCF Mobilités pourrait être regardé comme un avantage économique
qui, s’il était démontré112, serait incompatible avec l’ouverture du secteur à la
concurrence et avec l’objectif d’égal accès au réseau associé. Dans ce contexte, la
transformation de SNCF Mobilités en société anonyme, à l’image d’EDF, de GDF Suez
(devenue ENGIE) ou de France Télécom (devenue Orange), pourrait constituer une
évolution nécessaire. Ce nouveau statut serait de nature à renforcer l’égal accès au
réseau des entreprises ferroviaires, au bénéfice des clients et des usagers.
En troisième lieu, la nécessité de permettre aux différents acteurs d’entrer dans le
marché du transport de voyageurs et de venir concurrencer SNCF Mobilités pose la
question du cadre social applicable aux personnels du groupe SNCF et, plus
généralement, à l’ensemble des salariés du secteur. Dans un contexte où le secteur
ferroviaire est déjà soumis à une concurrence croissante, qu’elle soit intramodale ou
intermodale en raison du développement du transport routier de voyageurs et de
marchandises mais aussi des prix attractifs de l’aérien ou du covoiturage, il est
impératif que les entreprises du secteur ferroviaire puissent exercer leur activité dans
des conditions garantissant leur attractivité.
Ainsi, la loi du 4 août 2014 a posé les jalons de la mise en place d’un cadre social
commun à l’ensemble du secteur. L’article 17 de la loi portant réforme ferroviaire
imposait la publication d’un décret-socle sur la base duquel serait négociée une
convention collective sur le temps de travail applicable au secteur ferroviaire. De
surcroît, ce cadre pouvait être complété par des accords négociés au sein de chaque
entreprise ferroviaire, sous réserve qu’ils ne soient pas moins favorables que le cadre
social commun applicable aux salariés du secteur.
Le décret socle a été adopté le 8 juin 2016113. Il précise le régime de la durée du
travail des salariés des entreprises du secteur du transport ferroviaire et des salariés
affectés à des activités ferroviaires au sens de l’article L. 2161-2 du code des
transports. De même, un premier volet de la convention collective applicable à toutes
les entreprises du secteur ferroviaire est entré en vigueur le 1er juillet 2016 et porte
sur les dispositions générales, l’organisation du travail et les contrats de travail. Sont
notamment abordés le nombre de jours de congés des salariés, les indemnités de
départ à la retraite et les dispositions relatives au travail de nuit. Les autres aspects
de la convention-collective devraient être négociés dans un délai de deux ans, tels
ceux relatifs à la formation professionnelle, à la rémunération, à la prévoyance ou à
110 CJUE 3 avril 2014, République française c/ Commission, aff. C-559/12 P. 111 Lettre du 4 avr. 2003 (2003/C164/03). 112 Voir sur ce point Arrêt TUE n°T-479/11 du 26 mai 2016, France / Commission. 113
Décret n° 2016-755 du 8 juin 2016 relatif au régime de la durée du travail des salariés des entreprises du
secteur du transport ferroviaire et des salariés affectés à des activités ferroviaires au sens de l’article L. 2161-2 du
code des transports.
37
l’exercice des droits syndicaux. Enfin, un accord d’entreprise a été adopté à la même
date au sein de SNCF Mobilités.
Les conséquences de la mise en place de ce cadre social harmonisé sur l’ouverture à
venir du secteur du transport ferroviaire de voyageurs à la concurrence sont encore
difficiles à apprécier.
D’un côté, le renchérissement des coûts de production par rapport au cadre jusqu’à
présent applicable aux entreprises alternatives de transport ferroviaire de fret pourrait
être de nature à pénaliser les nouveaux entrants. En effet, la jurisprudence pose que,
si les conventions de branche ou les accords professionnels ne sont pas, en eux-
mêmes, des « ententes » au sens du code du commerce, les stipulations de ces
accords collectifs ne doivent pas avoir pour objet ou pour effet d'empêcher, de
restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, notamment en
limitant l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres
entreprises114.
D’un autre côté, la mise en œuvre du cadre social harmonisé pourrait
paradoxalement avoir pour effet de pénaliser le groupe public ferroviaire. En effet, la
négociation de l’accord d’entreprise propre à la SNCF, qui vient préciser dans un
sens plus favorable aux salariés les règles issues de la convention collective, n’a pas
permis de revoir l’organisation du travail au sein de l’établissement public ni de
réduire l’écart de compétitivité entre les opérateurs privés et l’opérateur historique. Le
maintien de cet écart de compétitivité pourrait conférer un avantage aux autres
moyens de transport qui ne sont pas soumis aux conditions sociales spécifiques au
groupe SNCF115.
Les écarts de coûts, plus ou moins importants selon les acteurs, pourraient donc
constituer un handicap dans le jeu de la concurrence intermodale avec les autres
secteurs des transports.
En dernier lieu, l’ouverture potentielle de l’attribution de contrats de service public à
des opérateurs distincts de SNCF Mobilités peut connaître des freins qui appellent la
définition d’un cadre législatif et règlementaire adapté, sur lequel l’Autorité doit
pouvoir apporter son expertise.
Au stade de la procédure de mise en concurrence, l’autorité concédante116 doit
notamment veiller à ce que l’ensemble des informations nécessaires à la remise
d’une offre adaptée et compétitive figure dans les documents de la consultation afin
de réduire le déséquilibre d’informations entre les candidats et l’exploitant sortant117.
114 CE, 16 janvier 2002, Syndicat national des entreprises d’esthétique et de coiffure à domicile, n° 223859. 115
Etude d’impact du projet de loi portant réforme ferroviaire, présentée le 15 octobre 2013, page 4. 116 Article 7 de l’ordonnance de 1986 relative à la liberté des prix et du commerce, codifié à l’article L. 420-1 du
code de commerce 117 Sur ce point, voir notamment CAA Paris, 7 nov. 2006, Société Soccram, n° 03PA00325,
38
De même, le sort des personnels lors de la reprise de l’activité par un nouvel
opérateur de droit privé peut constituer une barrière à l’entrée. En effet, les
personnes employées par un établissement public à caractère industriel et
commercial sont soumises, sauf exception, au droit privé et, par conséquent, au code
du travail. Or, les articles L. 1224-1 et L. 1224-2 du code du travail prévoient la
poursuite des contrats en cours lors d’« une modification dans la situation juridique
de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds,
mise en société de l'entreprise ». La jurisprudence considère que ce principe de
continuité du contrat de travail s’applique dans le cas d’une succession de
délégataires de service public. Le délégataire successeur est ainsi tenu de poursuivre
l’exécution des contrats de travail de droit privé conclus par le précédent
délégataire118. Il convient de préciser que cette règle ne s’impose que dans le cas où
le personnel des deux entités est soumis au droit privé ; les exigences diffèrent dans
l’hypothèse d’une reprise en régie ou d’une externalisation du service.
Si la reprise du personnel peut constituer un avantage en termes de continuité de
l’activité, notamment lorsque le nouveau délégataire ne dispose pas du personnel
suffisant, elle reste susceptible de limiter la concurrence au stade de la procédure de
consultation. En effet, la masse salariale générée par le personnel en place et devant
être repris pourrait, si elle est conséquente, pénaliser la compétitivité des offres et
favoriser le maintien de l’acteur en place119.
Enfin, le sort des matériels roulants TER en fin de convention de délégation se heurte
aux incertitudes nourries notamment par la rédaction actuelle de l’article L. 2121-4-1
du code des transports120 qui prévoit une simple faculté de reprise des matériels
roulants par l’autorité organisatrice compétente ainsi qu’une obligation de mise à
disposition à SNCF Mobilités. Dans un premier temps, l’ouverture à la concurrence du
transport de voyageurs devrait s’accompagner d’un élargissement de l’obligation de
mise à disposition du matériel roulant à toutes les entreprises ferroviaires
délégataires. Dans un second temps, il conviendra de veiller à ce que les nouveaux
entrants disposent effectivement du matériel roulant nécessaire à l’exploitation du
service qui leur est confié. Ce sujet est d’importance dans la mesure où certaines
conventions TER prévoient que le matériel roulant est la propriété de SNCF Mobilités.
118 C. Cass 27 février 1934, Goupy, S 1934.I.179 et, plus récemment, C. Cass Ass.16 mars 1990, n°89-45-730 et
86-40.686. 119 Sur l’asymétrie d’information concernant la reprise du personnel voir CE 11 avril 2012, CCI de Bastia et de la
Haute-Corse, n°355183. 120
Article L. 2121-4-1 du code des transports : « les matériels roulants utilisés par SNCF Mobilités (…) peuvent être
repris par l’autorité organisatrice compétente, qui les met à disposition de SNCF Mobilités pour la poursuite des
missions qui font l’objet de ce contrat de service public (…) ».
39
Or, l’ambiguïté de l’article L. 2121-4-1 du code des transports fait obstacle à ce que
les matériels roulants soient systématiquement repris par l’autorité organisatrice
compétente à l’issue de la convention. A défaut, les matériels roulants devraient être
apportés par le nouvel entrant, ce qui nécessiterait un investissement dissuasif pour
nombre de candidats potentiels, freinant ainsi l’ouverture à la concurrence du
secteur, en l’absence d’un marché des matériels roulants de seconde main.
Il se déduit de ce qui précède que la structure actuelle du système ferroviaire
comporte plusieurs aspects pouvant constituer des obstacles à la mise en œuvre
d’une concurrence effective. Le statut d’EPIC de SNCF Mobilités, le cadre social des
salariés du ferroviaire ou encore la reprise des activités d’exploitation, sont autant de
difficultés que pourront rencontrer les opérateurs alternatifs dans un environnement
concurrentiel. Dans la perspective d’une évolution vers un marché du transport de
voyageurs pleinement concurrentiel à l’horizon 2020, tant pour les lignes à grande
vitesse en open access que pour celles faisant l’objet d’un contrat de service public,
un travail de réflexion sur les conditions de mise en œuvre d’une concurrence
effective devrait être engagé dans les meilleurs délais.
40
Conclusion :
Les recommandations de l’Autorité
Afin d’assurer une gestion pleinement efficace et une utilisation équitable de
l'infrastructure ferroviaire, le système de transport ferroviaire national doit faire l’objet
de nouvelles adaptations. L’Autorité estime nécessaire de franchir une nouvelle étape
destinée à mieux garantir l’indépendance du gestionnaire d’infrastructure, rétablir
l’équilibre financier du système et renforcer la compétitivité de ce mode de transport,
dans un contexte de stagnation de la fréquentation121 et de développement de la
concurrence intermodale.
En premier lieu, la réunification des fonctions de gestion de l’infrastructure doit être
poursuivie dans des conditions garantissant un traitement transparent et non
discriminatoire des entreprises ferroviaires. A cet égard, il est essentiel de faire de
SNCF Réseau un véritable gestionnaire d’infrastructure unifié, assurant directement
ou à travers une filiale la gestion de l’ensemble des installations de service - y
compris des gares de voyageurs - et disposant de toutes les garanties
d’indépendance nécessaires à l’exercice de ses missions. Compte-tenu de la
structure organisationnelle intégrée créée par la réforme ferroviaire de 2014, il
incombe de veiller à ce que la confidentialité des systèmes d’information du
gestionnaire d’infrastructure soit garantie et que son indépendance dans l’exercice de
ses missions soit respectée. Sur ce dernier point, le plein exercice des compétences
de l’Autorité sur le fonctionnement du gestionnaire d’infrastructure et ses relations
avec les autres entités du groupe public ferroviaire constitue une condition
nécessaire pour assurer l’absence d’entrave au développement de la concurrence.
En deuxième lieu, le gestionnaire du réseau reste en difficulté du fait de l’absence de
perspectives claires. Il est donc urgent que la trajectoire financière de SNCF Réseau
et les moyens pour le gestionnaire de la suivre soient clairement définis, sur la base
du contrat devant être conclu entre l’Etat et le gestionnaire de l’infrastructure. En
outre, les investissements de SNCF Réseau doivent être rigoureusement encadrés
par les textes réglementaires, dont l’absence s’avère pénalisante.
121 D’après les données du service de l’observation et des statistiques du ministère de l’Environnement, de
l’Énergie et de la Mer relatives au transport ferroviaire de voyageurs, le trafic a légèrement diminué, passant de
77 milliards de voyageurs.km en 2012 à 75,2 milliards de voyageurs.km en 2015. La part modale du transport
ferroviaire de voyageurs est de 10.2% en 2014, contre 83% pour les transports individuels, 5.4 % pour les
autocars et autobus et 1.3 % pour l’aérien. S’agissant du fret, le trafic a sensiblement diminué, passant de
57.7 milliards de tonnes-km (2000) à 40.7 (2005) puis 32.2 (2014). La part modale du transport ferroviaire de
marchandises est de 9.8 % en 2014, contre 87.8% pour le mode routier.
41
En troisième lieu, il pourrait être envisagé d’adapter les pouvoirs du régulateur pour
lui permettre de veiller plus efficacement à la transparence des conditions d’accès
des entreprises ferroviaires au réseau et de définir les principes nécessaires au
développement d’une concurrence équitable sur le marché. Dans cette perspective,
l’adoption d’un cadre pluriannuel de tarification de l’utilisation de l’infrastructure
constituerait une avancée importante. De même, l’Autorité pourrait se voir confier le
pouvoir de définir ex ante les obligations tarifaires applicables aux exploitants
d’installation de service et les mesures incitatives appropriées pour les encourager à
améliorer leurs performances.
En dernier lieu, l’ouverture à la concurrence des transports nationaux de voyageurs
doit être anticipée et préparée en identifiant les potentiels obstacles à la mise en
œuvre d’une concurrence effective sur le marché. Outre la problématique de la
gestion des gares, sur laquelle l’Autorité a déjà formulé des recommandations, le
statut d’EPIC de SNCF Mobilités, le cadre social applicable aux salariés du secteur
ferroviaire ou encore la reprise des activités d’exploitation, sont autant de difficultés
que pourront rencontrer les opérateurs alternatifs dans un environnement
concurrentiel.
42
Annexe : Recommandations de l’Autorité
1. La création d’un
gestionnaire
d’infrastructure
unifié
Afin de renforcer les garanties d’indépendance du
gestionnaire d’infrastructure, il est nécessaire de
modifier la composition du conseil d’administration
de SNCF Réseau ou, a minima, de s’assurer du
déport des représentants de la SNCF qui y siègent
dans le cas d’une délibération portant sur une
fonction essentielle.
Afin de permettre au régulateur ferroviaire de
s’assurer, conformément à sa mission, de l’absence
d’entrave à la concurrence, la liste des emplois de
dirigeant de SNCF Réseau pourrait être utilement
soumise à un avis préalable de l’Autorité.
Dans la continuité des objectifs de la réforme
ferroviaire, l’opportunité d’un transfert de la
coordination de la gestion des situations de crise de
la SNCF à SNCF Réseau, permettant d’éliminer tout
risque de traitement discriminatoire envers les
entreprises ferroviaires, pourrait être étudiée.
Le décret du 10 février 2015 relatif aux missions et
statuts de la SNCF pourrait être complété afin de
poser le principe d’une tarification des prestations
de sécurité sur la base des coûts d’un opérateur
efficace.
2. La dette et la
trajectoire
financière du
système
ferroviaire
Afin de donner au secteur ferroviaire la visibilité
nécessaire sur la trajectoire financière de SNCF
Réseau conformément à l’un des objectifs majeurs
de la réforme, l’Etat et le gestionnaire
d’infrastructure doivent finaliser dans les meilleurs
délais le contrat que la loi leur impose de conclure.
Afin de garantir la pleine effectivité du dispositif de
contrôle du respect de la trajectoire financière du
système ferroviaire prévu par la loi, le décret
explicitant la « règle d’or » en matière
d’investissements ferroviaires doit être publié au
plus vite.
43
3. La place du
régulateur dans
la réforme
ferroviaire
L’Autorité recommande que la loi pose le principe
d’une fixation de la tarification des prestations
minimales dans un cadre pluriannuel.
4. La perspective
de l’ouverture à
la concurrence
du transport
national de
voyageurs
L’indépendance organisationnelle et décisionnelle
du gestionnaire des gares doit être davantage
garantie. L’Autorité renvoie, à cet égard, aux
solutions préconisées dans son rapport sur la
gestion des gares ferroviaires de voyageurs en
France publié en juillet 2016.
La structure actuelle du système ferroviaire
comporte plusieurs aspects pouvant constituer des
obstacles à la mise en œuvre d’une concurrence
effective. Le statut d’EPIC de SNCF Mobilités, le
cadre social des salariés du ferroviaire ou encore la
reprise des activités d’exploitation, sont autant de
difficultés que pourront rencontrer les opérateurs
alternatifs dans un environnement concurrentiel.
Dans la perspective d’une évolution vers un marché
du transport de voyageurs pleinement concurrentiel,
tant pour les lignes à grande vitesse en open access
que pour celles faisant l’objet d’un contrat de
service public, un travail de réflexion sur les
conditions de mise en œuvre d’une concurrence
effective devrait être engagé dans les meilleurs
délais.
Twitter : @arafer_officiel
Cette étude thématique a été réalisée avec le concours de la direction des affaires juridiques, de la direction du transport ferroviaire et de la direction des affaires financières de l’Arafer.
Tour Maine Montparnasse 33 avenue du Maine - BP48.75755 Paris Cedex 15. Tel : 01 58 01 01 10
Siège 57 boulevard Demorieux - CS 81915. 72019 Le Mans Cedex 2. Tel : 02 43 20 64 30arafer.fr
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