Dossier De rechercheDans le champ De l’internet des objets.
Charles Bail
e-artsup 2013-2014
Filière Design de l’interaction dirigée par Nicolas Baumgartner.
e-artsup n’endosse pas la responsabilité du contenu développé dans ce dossier. Il appartient à son auteur.
Dossier De rechercheDans le champ De l’internet des objets.
Les interfaces tangibles favorisent-elles
la pédagogie de l’enfant ?
Charles Bail
Introduction ............................................................................. p.1
I. La pédagogie et ses enjeux ..................................................... p.31.1 Survol de la pédagogie
1.2 Le droit à l’erreur
1.3 Le développement cognitif
II. Les interfaces utilisateurs tangibles .....................................p.152.1 L’émergence des interfaces tangibles
2.2 Les TUIs face aux GUIs
III. Aujourd’hui : Les TUIs comme vecteurs d’apprentissage ............................................. p.29
3.1 Contexte : de nouvelles formes de pédagogie
3.2 Les TUIs dans les systèmes pédagogiques
3.3 Des limites
3.4 Quel avenir pour les TUIs ?
3.5 Conclusion ?
Annexes .................................................................................. p.55Interview de Michael Stora
Interview de l’équipe de Qleek.me
Interview de l’équipe du projet Lunii & Luniilab
Lexique
Références
1
IntroductIonL’Homme émet toujours plus de données. Connecté à internet, son quotidien
est parfois partagé sans même qu’il ne s’en aperçoive. L’effervescence des objets
connectés laisse à penser qu’il a besoin d’un retour au réel, qu’il a besoin de ‘saisir’
ce qu’il a dématérialisé.
Avec pour fil directeur la pédagogie, ce dossier présente des principes
fondamentaux du développement de l’enfant, futur adulte s’appropriant le monde.
Ce sera aussi l’occasion de découvrir les précurseurs qui ont cherché a créer des
interfaces tangibles et en quoi elles répondent ou non aux attentes des utilisateurs.
Grâce à cela il sera possible de replacer le tangible dans un contexte actuel,
celui de « l’internet des objets » et d’aboutir à une proposition de projet pour
répondre à cette problématique.
1Chapitrela pédagogie & ses enjeux
5
Qu’est-ce Que la pédagogIe ?Le sens du terme ‘pédagogie’ a évolué depuis
la Grèce antique à nos jours. Il vient du grec
ancien paidagogia qui signifie « mener, conduire,
élever1 ». Si aujourd’hui on considère la pédago-
gie comme l’action de transmettre un savoir sou-
vent avec un rapport maître/élève, la définition
stricte faire référence à la personne qui soutient
l’enfant dans sa démarche d’apprentissage et
veille à son éducation, aussi bien lors des cours et
des devoirs mais aussi dans son environnement
de tous les jours.
L’enfant grec était souvent accompagné par un
esclave qui le protégeait et lui donnait des conseils,
se servant de ses propres connaissances et expé-
riences qu’il transmettait ensuite au plus jeune.
La pédagogie est donc la transmission des
connaissances mais aussi un ensemble de méthodes
et de processus éducatifs qui permettent à l’enfant
et aux adolescents de se construire2. Tout comme le
mot ‘pédagogie’, ces méthodes ont varié au cours
de l’histoire selon des influences culturelles ce
qui a engendré des questionnements sur le rôle
de l’enseignement et du rapport d’autorité entre
les différents acteurs du processus d’éducation,
sur les méthodes d’apprentissage ainsi que sur
le contenu des cours.
Survol de la pédagogie1.1
1. Définition du Larousse
2. MINOIS Georges, Les grands pédagogues, Du Seuil, 2006, p.9-10
6
dIfférents types de pédagogIe500 ans avant J.-C., Socrate et Aristote avaient émis
des hypothèses en désaccord. Le premier défendait
un courant rationaliste basé sur des faits vérifiables
et qui faisait appel à la Raison de l’Homme. Le second
prônait une démarche empirique en partant de faits
vérifiés qui amenaient l’homme à des conjectures.
Les experts en science de l’éducation ont remar-
qué l’émergence de quatre courants principaux
à partir du XXe siècle3.
Les adhérents au courant constructiviste établi
par Jean Piaget, expert en psychologie du déve-
loppement et en épistémologie, considèrent que
l’enfant apprend grâce à ses actions. Il acquiert
un savoir en contournant des obstacles imposés
par l’enseignant lors d’exercices. Grâce à ses expé-
riences précédentes, il est capable d’en découvrir
de nouvelles et se construit peu à peu4.
Les socio-constructivistes insistent sur la néces-
sité de créer un dialogue entre les différents élèves
afin que leurs avis convergent ou qu’ils diffèrent.
Cela se matérialise sous la forme d’exercices de
groupes et de débats par exemple. Ainsi l’obstacle
peut être immatériel (il aurait pu apparaître sous
la forme d’un mur dans un jeu) lors d’un désaccord
par exemple où des avis s’opposent4.
3. KOZANITIS Anastassis, Historique de l’approche de l’enseignement, Bureau d’appui pédagogique Ecole Polytechnique, 2005, [en ligne]
4. LIEURY Alain, DE LA HAYE Fanny, Psychologie cognitive de l’éducation, DUNOD, 2009, p. 13 - 34
Aristote dans un détail de la fresque L’École d’Athènes du peintre Raphaël
7
En simplifiant il est possible de dire que le
processus cognitiviste suggère un rapproche-
ment entre le raisonnement d’un humain et celui
d’une machine. L’enfant associe ses acquis à des
éléments qu’il perçoit. Puis il les range et les trie.
Lorsqu’il rencontre les mêmes facteurs déclen-
cheurs il fait appel à son savoir et sait où chercher
de la même manière qu’un ordinateur traite des
données informatiques5.
Enfin les ‘behavioristes’ ou ‘comportemen-
talistes’ modèlent l’enfant en aménageant l’es-
pace dans lequel il évolue. Il est souvent motivé
par une récompense proportionnelle à l’objectif.
C’est souvent un enseignement individuel qui per-
met à l’enseignant de suivre les élèves au cas par
cas et de procéder à des négociations : sur l’emploi
du temps ou le type d’exercice par exemple. Mais ce
modèle suggère le manque d’autonomie de l’élève
qui a un parcours trop jalonné.
La notion de pédagogie semble ne pas se
résumer à l’exacte définition d’un dictionnaire.
Elle est plutôt le fruit de constantes mutations
qui se traduisent par le nombre de courants
pédagogiques qui existent. Il possible de voir que
certains axes de réflexion sont radicalement opposés
et ne proposent pas les mêmes solutions en terme
de contenu de cours et d’objectifs à atteindre.
Néanmoins d’un point de vue de designer cela
peut être considéré comme une richesse car il est
possible d’étudier des réponses différentes
à des problématiques comunes autour d’utilisa-
teurs : l’élève,les parents et l’enseignant.
Que sIgnIfIe « se tromper » à l’école ?Jean-Pierre Astolfi est un spécialiste français de la
didactique des sciences qui a établi une liste d’er-
reurs. Dans sa recherche il évoque l’erreur de
compréhension de la consigne6. Elle peut relever
d’un manque de lexique qui a empêché l’élève
le droit à l’erreur1.2
5. CRAHAY Marcel, Psychologie de l’éducation, Quadrige, 1999
6. ASTOLFI Jean-Pierre, L’erreur, un outil pour enseigner, Broché, 2011
8
sur ce qu’on croit connaître. Un élève qui ne sait
pas additionner ne fait pas d’erreurs d’addition
et celui qui ne sait pas écrire ne commet pas
de fautes d’orthographe. C’est une banalité. Toute
erreur suppose et révèle un savoir 8».
se tromper peut être perçu comme une peurL’élève peut se sentir responsable au point qu’il
développe une ‘phobie de l’erreur’. Cela vient du
fait que l’enseignement moderne considère trop
souvent que si les conditions d’enseignement,
les performances de l’enseignant et la motivation
de ses élèves sont favorables, alors il n’y aura pas
d’erreur9. Ce genre de pensée est de plus en plus
condamné, considéré comme « archaïque » par
Daniel Favre. Serge Boimare, directeur pédagogique
et administratif du Centre Médico-psychologique
Claude Bernard à Paris, parle du sentiment de
« persécution » des élèves qui « s’auto-dévalorient ».
Il en résulte un blocage de l’élève vis-à-vis de l’en-
seignement mais aussi vis-à-vis de lui-même dans
la conception qu’il a de son Soi10.
Ce processus est parfois renforcé en appliquant
une sanction, très souvent sous la forme d’une note
matérialisée par la fameuse encre rouge, agressive.
de s’approprier l’objectif. Ou bien la surcharge
cognitive lorsque l’apprenant traite un flux trop
important d’informations.
Le psychologue ergonome James Reason a pré-
cisé ces types d’erreurs en parlant des « lapsus » lors–
qu’il s’agit de la mauvaise application d’un schéma
d’actions dans une matière, de « ratés » quand
il a échoué à traiter l’information (par inattention
ou par difficulté à canaliser toutes les données d’un
problème mathématique par exemple) et enfin
les « fautes » lorsqu’il procède à une mauvaise utili-
sation de ses connaissances7.
Avec ces raisonnements l’erreur est plutôt consi-
dérée comme une conséquence plutôt qu’une cause.
Elle trouve son origine dans le travail de l’élève
mais elle peut être la conséquence de la trans-
mission d’une mauvaise méthodologie employée
par l’enseignant ou bien encore d’une mauvaise
formulation de la consigne. Cela peut être aussi
la conséquence des outils utilisés : si un apprenant
est mal à l’aise avec l’informatique il aura déjà des
informations supplémentaires à traiter en plus
d’utiliser un clavier et une souris avec lesquels il
n’est pas familier, ce qui signifie qu’il serait judi-
cieux d’anticiper les erreurs dans la création des
exercices. Trop souvent les élèves se sentent res-
ponsables et pensent avoir un manque de savoir,
« L’erreur n’est pas l’ignorance, on ne se trompe
pas sur ce qu’on ne connaît pas, on peut se tromper
7. REASON James, L’erreur humaine, Presses Universitaires de France, 1993
8. Scala, 1995, p. 23
9. SANA Thibault et BAYLOT Virginie, Fiche de lecture sur «L’erreur, un outil pour enseigner» de Jean-Pierre Astolfi, Université de Provence, [en ligne]
10. BOIMARE Serge, L’enfant et la peur d’apprendre, Dunod, 2000
9
de l’exprimer, plutôt que des stries rouges sur
une feuille à carreaux. Ne pas noter un exercice
de façon dégressive en regardant quels points ont
été validés mais en observant le comportement de
l’élève face au problème et la façon dont il a utilisé
ses connaissances pour le résoudre, ou non.
On parle d’ailleurs du ‘zéro pointé’ qui est éli-
minatoire. Une fois encore les avis varient entre
les différents courants de pensée mais le minis-
tère de l’Éducation nationale se rend compte des
limites du système de notation11. Il faudrait donc
re-concevoir l’image de l’erreur et la manière
L’information scolaire, Robert Doisneau, 1956
11. Le point, Les zéros pointés en dictée, une pédagogie pas très efficace, 10 avril 2014, [en ligne]
10
courant constructiviste et de la création de schémas.
L’erreur est alors positivée est c’est un travail in
situ et une interaction entre l’enseignant et l’élève
(ou entre les élèves) qui permettent d’avancer. « Se
raviser et se corriger, abandonner un mauvais parti,
sur le cours de son ardeur, ce sont qualités rares,
fortes et philosophiques » disait Montaigne dans
les Essais.
De mon point de vue, changer l’interaction entre
l’élève et l’enseignant c’est aussi repenser le rôle de
ce dernier. Il peut paraître inaccessible puisque
dans les yeux d’un enfant, c’est lui qui détient le
savoir. Parfois il impressionne, il effraie et pour ces
raisons il n’est pas imitable par les enfants12 qui le
considèrent comme supérieur. Le type de feedback
qu’il utilise peut l’aider mais aussi la forme de ses
cours où il aura un statut de conseiller et d’au-
xiliaire plus que de « juge » en élaborant des jeux
comportant des énigmes par exemple.
L’erreur apparaît donc comme une source de
connaissance car elle permet au professeur comme
à l’élève de vérifier leurs méthodologies. Elle créé de
l’interaction et se rend nécessaire à l’apprentissage.
De plus l’enfant agit plus en autonomie. Il y a plusieurs
se tromper pour mIeux comprendre : traItement de l’erreurJustement, l’élève ne résout pas le problème dans
tous les cas ou bien il se trompe pour diverses
raisons comme je l’ai développé précédemment
et il faut lui indiquer qu’il s’est trompé. Un enfant
devrait être préparé à affronter un problème dont
il n’a pas la solution et ne pas s’affoler mais être
en condition pour travailler, c’est-à-dire émettre
des hypothèses, les tester et les vérifier.
Marcel Crahay, professeur de pédagogie théori-
que et expérimentale, considère qu’il existe trois
manières d’appréhender l’erreur5. Il y a le « feed-
back simple » qui consiste à simplement signaler
sa présence, le « feedback expliqué » où l’enseig-
nant donne déjà une réponse à l’élève et enfin le « feed-
back de contrôle » où l’élève est invité à vérifier
son résultat. C’est dans ce dernier cas où l’enfant
fonctionne en autonomie et intègre un processus
de validation de son résultat. Le professeur ne fait
pas le travail à la place de l’élève mais il lui donne
simplement une piste. L’enfant peut retracer son
parcours de réflexion et s’il y avait une erreur dans
le résultat, il peut abandonner cette méthode de
réflexion pour une nouvelle qui lui donne des
résultats plus justes — ce qui se rapproche plus du
12. LALLEMANT Patrick, 5 questions à Jean-Pierre Astolfi : l’erreur, source d’apprentissage, 30 avril 2004, [en ligne]
11
apprendre par l’actIonLes premiers mois de l’enfant montrent à quel point
l’Homme est sensible aux objets. Son œil est attiré
par le balancement d’un jouet suspendu au-dessus
de son berceau. Il va essayer de le saisir. S’il arrive
à le décrocher il va essayer de le porter à la bouche.
Puis, ayant compris le mécanisme, il va le répéter
sur d’autres objets à sa portée. Il se construit grâce
à la découverte et assimile petit à petit des connais-
sances qu’il va appliquer à d’autres domaines
en grandissant et même plus tard en tant qu’adulte.
Contrairement à l’étude moléculaire développée
précédemment, le calcul est une notion abstraite.
On pourrait penser que le simple fait de prototy-
per facilite la compréhension dans tous les cas,
moyens d’exprimer la présence d’une erreur
mais souvent les méthodes utilisées participent
aux « violences » de l’éducation. Mais ne serait-ce
pas plus facile pour un enfant ou un adolescent
de voir s’il y a une erreur en comparant un puzzle
ou un assemblage de cubes avec un modèle par
exemple ? Cela lui permettrait de se tromper plus
vite et de faire plusieurs tentatives facilement. Les
modèles moléculaires sont enseignés parfois dès
le collège puis au lycée grâce à des maquettes avec
lesquelles il est possible d’interagir afin de mieux
comprendre le fonctionnement des molécules.
Ce genre de méthode doit-elle être réservée aux
notions dites complexes alors que dès l’entrée au
collège certains ‘décrocheurs’ peinent à calculer
avec des nombres négatifs ? Mais existe-t-il des
méthodes qui favorisent l’apprentissage ?
le développement cognitif & leS méthodeS pour favoriSer l’apprentiSSage1.3
Illustration : maquette de molécules
12
or parfois cela provoque une perturbation. Ainsi
pour étudier les fractions ce n’est pas évident
d’imaginer un gâteau que l’on coupe car l’œil
humain peut difficilement faire la distinction4
entre une part qui représente 1/20 et une autre
qui représente 1/21.
Popup book, illustration de Lorelyn Medina
13. Article universitaire [en ligne]
apprendre par l’ImageIl est généralement dit que la sensibilité de chacun
face à l’art et aux images varie. Mais elle provoque
généralement une réaction, que l’on apprécie
ce que l’on a sous les yeux ou non. Ainsi l’image
est un atout qui peut enrichir voir compléter une
explication. L’illustration a une fonction immer-
sive et donne le ton. Mais pour être efficace dans
la pédagogie l’image doit être liée à un vocabulaire
qui permet de la décoder. Ainsi par la suite il est
plus facile de se référer à un mot par une représen-
tation iconique, mais cela implique d’avoir aupa-
ravant rencontré ce mot pour lui associer ensuite
l’image. C’est la théorie du « double codage » déve-
loppée par le Canadien Allan Paivio13.
13
de façon juste ou en trichant. Dans ce cas-là il sera
sanctionné mais c’est ce qui lui permet d’intégrer
les règles de comportement en société14.
Cette réflexion sur le développement cognitif de
l’enfant démontre que ses besoins et sa manière de
faire évoluent. Il se lasse souvent d’un objet une fois
qu’il a compris son fonctionnement et en découvre
un autre. Car l’enfant est curieux et il prouve
au fur et à mesure qu’il grandit qu’il a besoin de
diversifier ses activités pour s’épanouir et s’intégrer
au monde. Il devient ensuite un élève qui doit res-
ter curieux pour progresser. S’il y a un désintérêt,
c’est peut-être parcequ’au-delà d’une récompense
il a besoin de motivation constante. Le jeu, les
images, les expériences doivent être attrayantes
et donner envie afin de combler les attentes
et d’en créer de nouvelles. Elles lui permettent de
s’immerger plus facilement et de pouvoir mettre
des mots sur des images.
apprendre par le jeuDans ses recherches, Jean Piaget distingue quatre
catégories de jeux distinctes :
◊ le jeu de manipulation : par répétition et
assimilation l’enfant se fait une expérience du
monde dans lequel il vit. Comme dans l’exemple
cité avant, cela peut être le fait de taper dans une
balle ou de tirer.
◊ le jeu symbolique : l’enfant a pris conscience
des personnes qui l’entourent et cherche à repro-
duire leurs actions, piochant à droite et à gauche
des schémas de comportement qu’il a observés.
◊ le jeu organisationnel : aussi appelé « jeu de
règles » c’est un mode de jeu coopératif où chaque
enfant tient un rôle bien défini et où des règles sont
fixées.
◊ le jeu de construction : il témoigne des capa-
cités autonomes de l’enfant. Il empile des LEGO,
teste par lui même, émet des hypothèses, con-
state des erreurs. Il fait un travail sur son aptitude
à prendre des décisions, en sollicitant de moins
en moins l’aide d’un adulte.
Une fois encore l’aspect social et l’interaction
sont mis en avant. L’enfant peut gagner ou perdre,
14. SARFATI Anne-Cécile, BRUNET Christine, Petits tracas et gros soucis de 1 à 7 ans : Quoi dire, quoi faire?, Broché, 2002
Une pièce de LEGO
2Chapitreles inter- faces utilisateurs tangibles
17
le tangIble en QuelQues mots« Qu’on connaît par le toucher ; matériel, sensible15 »
Le tangible est quelque chose, c’est une matière
palpable qui donne des sensations. Cela peut être
un objet. Il y a donc un rapport physique car l’objet
est manipulé mais aussi une dimension cognitive
car cela va jouer sur la perception de l’utilisateur
face à l’objet et à son environnement.
2.1
15. Définition du Larousse [en ligne]
16. HORNECKER Eva, What are Tangible Interfaces, 2004, [en ligne]
Qu’est-ce Qu’une Interface tangIble ?Une interface tangible est un intermédiaire qui
permet d’intervenir sur un contenu réel ou virtuel.
Les actions de l’utilisateur lui permettent d’agir soit
dans le réel soit dans le virtuel grâce à des objets
physiques aussi appelés tokens. Ils sont la représen-
tation physique d’une information virtuelle.
Eva Hornecker, professeur à l’université du
Bauhaus à Weimar en Allemagne, définit les inter-
faces tangibles comme un moyen de créer de l’im-
mersion dans l’expérience. Ce qui se passe dans
l’espace réel a un parallèle virtuel16, on parle alors
de cœxistence de ces éléments dans un « espace
interactif ». Les tokens subissent les lois de la physique,
l’émergence deS interfaceS tangibleS
18
ils peuvent donc tomber, rouler, rebondir et même
se casser. Leur manipulation a une répercussion
dans le monde virtuel. L’utilisateur a plus de faci-
lité à s’approprier l’objet et sa représentation vir-
tuelle car il a des réactions naturelles qu’il a déjà pu
observer auparavant, ou qu’il vient d’étudier.
Il existe plusieurs types d’interfaces tangibles.
Aussi, il est important de pouvoir les distinguer
lorsque nous étudierons des projets de plus près.
Je me suis basé sur les propos de Brygg Ullmer17
qui distingue :
◊ les surfaces interactives : là où les utilisateurs
manipulent des objets physiques sur une surface
de projection. Par exemple le projet Urp qui sera
détaillé plus tard.
◊ les ensembles de constructions : ils sont com-
parables aux LEGO, ils sont souvent utilisés pour
faire l’analogie avec la construction (construction
d’une maquette d’un bâtiment par exemple). Ils
sont modulables et ils permettent de créer diffé-
rentes combinaisons. Par la suite nous aborderons
le projet i-Cube qui fait partie de ce type d’interface.
◊ les tokens et les contraintes : les tokens sont
la matérialisation d’une information, cette infor-
mation est manipulée dans une certaine struc-
ture appelée « contrainte ». C’est le principe de la
Marble Answering Machine, un projet qui sera présenté
plus tard dans le dossier.
17. ULLMER Brygg, Tangible Interfaces for Manipulating Aggregates of Digital Information, M.I.T., 2002, [en ligne]
De gauche à droite : surface interactive, ensemble de constructions, tokens et contraintes
19
Un enfant travaille avec la première tortue sans fil nommée Irving, photo de Wallace Feurzeig, 1970
les précurseurs et leurs projetsCette partie s’intéresse aux projets de plusieurs pré-
cursseurs parmi d’autres. Dans la première moitié
du XXe siècle aux États-Unis d’Amérique, le modèle
pédagogique dominant est le modèle progressiste,
proche des théories de Jean Piaget et du construc-
tivisme. Comme il a été dit précédemment les
modèles pédagogiques sont liés à l’environnement
socio-culturel d’un pays. Avec l’arrivée de « l’ère
spatiale » dans les années 60 suite au lancement
de Spoutnik par l’urss beaucoup ont voulu mettre
l’accent sur l’importance des mathématiques et de
la physique afin de tendre vers l’innovation.
Seymour Papert, Wallace Feurzeig, et Daniel
Bobrow ont mis au point LOGO (du grec « mot »)
un programme destiné aux plus jeunes pour
apprendre à programmer. LOGO a été conçu pour
être intuitif, permettre un débogage facile et favo-
riser la communication de groupe. Les enfants pro-
grammaient et déplaçaient une tortue robotisée.
Cette tortue laissait un tracé qui permettait aux
enfants de visualiser le résultat en temps réel de
leur code. Ainsi beaucoup de ces élèves ont appris
les concepts de base des fonctions et des variables18.
18. CHAKRABORTY Anit, GRAEBNER Randy, STOCKY Tom, LOGO : A Project History, 10 décembre 1999, [en ligne]
20
exemple il suffit de placer une « brick » dans deux
coins diagonalement opposés et de les écarter, c’est
l’équivalent du ‘pinch’ de nos jours.
Hiroshi Ishii22 est le fondateur du Tangible
Media Group. Il voulait sublimer les « graspable
interfaces ». Il considérait que l’utilisation d’objets
ap partenait au domaine du réel mais qu’il était
possible d’aller plus loin en altérant le réel. En
comparaison avec le travail de George Fitzmau-
rice par exemple, effectuer un ‘pinch’ réduirait
réellement une feuille de papier si la pensée de
Ishii était interprétée de façon littérale. D’ailleurs
n’avait-on pas déjà développé de tels procédés en
créant les post-it, pouvant ainsi écrire des notes sur
des papiers que l’on pouvait fixer, enlever, dépla-
cer et grouper ? Ainsi le monde lui-même serait
une interface, c’est ce qu’il a nommé « tangible bits ».
En découlent trois principes clefs23 :
◊ transformer les surfaces en surfaces interac-
tives qui font l’interface entre le réel et le virtuel.
◊ lier des objets de la vie de tous les jours avec des
informations digitales ; “coupling of bits and atoms”.
◊ amplifier l’immersion et recréer un envi-
ronnement cohérent avec les informations grâce à
« l’ambient media » c’est-à-dire utiliser de la lumière,
du son des éléments naturels et de scénographie.
L’élément d’interface était à leur portée et de façon
symbolique ils pouvaient se l’approprier plus faci-
lement (l’utilisation d’un animal leur plaisait).
Dans le projet « Marble Answering Machine » de
Bishop en 1992, les appels manqués d’un télé-
phone apparaissaient sous la forme de billes.
En remettant la bille à l’intérieur de la machine,
le téléphone procédait à un rappel automatique19.
Une image plus actuelle serait celle des ‘crimes
prémédités’ représentés aussi par des billes dans
le film Minority Report. C’est un peu comme une
enveloppe corporelle pour l’information, cette
dernière devient sujette à la manipulation de l’uti-
lisateur. La structure qui génère les billes, qui les
font se déplacer d’un point A à un point B et revenir
à un point C est appelée « contrainte ».
En 1995 George Fitzmaurice s’est intéressé à
ce qu’il a appelé les « graspable interfaces20 ». Il a
développé une interface graphique manipulable
grâce à des blocs (souvent appelés « bricks ») posés
sur un écran21. Ainsi les actions de l’utilisateur
étaient directement reproduites sous ses yeux.
Cette expérimentation s’est faite pour s’appliquer
à des domaines comme l’architecture ou la gestion
de plannings et elle est à l’origine de la gestuelle
tactile d’aujourd’hui. Pour réduire un élément par
19. Vidéo d’explication [en ligne]
20. FITZMAURICE George, Graspable User Interfaces, University of Toronto, 1996, [en ligne]
21. Vidéo d’explication [en ligne]
22. Article du M.I.T. [en ligne]
23. ISHII Hiroshi et ULLMER Brygg, Tangible Bits : Towards Seamless Interfaces between People, Bits and Atoms, Proceedings of CHI, mars 1997
21
Les interfaces tangibles établissent un lien entre
le réel et le virtuel par le biais d’objets physiques.
Les précurseurs ont essayé différentes approches
en répondant à des problématiques d’usage en
lien avec le contexte socio-culturel de leur époque,
c’est-à-dire à un besoin. Cela s’applique à différents
domaines notamment à l’éducation (projet LOGO)
afin de faciliter l’apprentissage de certains conte-
nus pour des utilisateurs spécifiques. Ils ont voulu
Il a développé avec ses élèves le projet Urp24 conçu
pour répondre à des problématiques d’urbanisme.
Grâce à une table qui supportait une project et
des blocs symbolisant des bâtiments. Urp permet-
tait d’afficher la circulation du vent ainsi que les
ombres projetées par les constructions. Le proto-
type offrait aussi la possibilité de modifier la vitesse
du vent et l’heure de la journée pour analyser le
déplacement des ombres au fil du temps.
Photograhie du projet Urp,l’ombre des bâtiments ainsi que l’affichage du vent (traits blancs) sont générés par la projection
24. ISHII Hiroshi, UNDERKOFFLER John, Urp : A Luminous-Tangible Workbench for Urban Planning and Design, 1999, [en ligne]
22
De nos jours les ordinateurs dominent. Tout est pixel, intangible, vous pouvez voir mais vous
ne pouvez rien toucher
Hiroshi Ishii s’exprime d’ailleurs en ces termes
en faisant une analogie entre les interfaces et les
fonds marins :
“These days computers dominate. Everything is pixels, intangible, (...)
you can see but you can’t touch”
sublimer le statut de ces objets et celui des infor-
mations. Certains comme Ishii associent même les
« bits aux atomes ». Utiliser des interfaces tangibles
c’est aussi conserver la capacité de l’Homme à utili-
ser ses sens et une gestuelle naturelle. Aujourd’hui,
la société dans laquelle nous vivons semble plongée
dans le numérique et la dématérialisation au profit
du cloud computing, de la communication à distance,
de la simulation. Cependant beaucoup de cher-
cheurs et de designers sont animés par la volonté
de ramener le tangible au premier plan.
De nos jours les ordinateurs DOMINENT. Tout est pixel, intangible,
vous pouvez voir mais vous ne pouvez rien toucher
23
différence avec leS Graphic User interfaces
défInItIonLa majeure partie des interfaces que nous rencon-
trons tous les jours sont des interfaces graphiques
(GUIs ; pour Graphical User Interfaces). Les inter-
faces graphiques sont la représentation, sous forme
de pictogrammes et de visuels, d’un environne-
ment digital sur un écran. Elles sont l’intermédiaire
entre un utilisateur et les informations contenues
sur un ordinateur. Il est possible de manipuler ces
éléments grâce à un pointeur comme une souris.
Contrairement aux interfaces tangibles les inter-
faces graphiques sont manipulées exclusivement
grâce au pointeur qui permet de faire des actions
sur des icônes, des fenêtres ou des boutons.
avantages des guIsCe type d’interface comporte des avantages pour la
pédagogie. Premièrement, elle permet aux utilisa-
teurs avec une faible connaissance en informatique
de s’approprier l’environnement. Il est donc pos-
sible de créer une interface en fonction des aptitu-
des de l’élève.
Si l’interface est graphiquement réussie elle
con tribuera à l’immersion de l’élève dans un
2.2
Illustration : capture d’écran de l’interface de Windows 8
24
préférer les tuIs aux guIsBien qu’il y ait des avantages à utiliser les GUIs il y
néanmoins des désavantages et des limites. Les élé-
ments affichés qui peuvent être ‘actionnés’ n’existent
pas dans l’espace de l’utilisateur. Ils sont derrière une
vitre, même si le doigt peut les atteindre il reste une
barrière entre ces deux mondes. Il y a un déficit en
ressenti. L’ajout de vibrations ou d’autres retours de
force cela n’égale pas les sensations que nous avons
en touchant un objet.
S’il est possible de parler de l’affordance d’un élé-
ment d’interface, c’est en fait une représentation
exclusivement visuelle de son utilisation à l’instar
d’un objet physique qui a une texture, une forme.
Cela ne peut égaler l’affordance d’un objet physique
comme le dit Brigg Ullmer25.
Le temps est précieux et comme dit précédem-
ment il faut miser sur l’instantanéité. Mais n’est-ce
pas contre-productif de devoir rebrousser che-
min clique par clique parmi tous les menus d’une
arborescence lorsqu’il faut revenir à l’état initial du
menu ? L’utilisation est beaucoup plus séquentielle,
les actions se suivent les unes à la suite des autres
alors que la manipulation d’un objet permet une
intervention directe. De plus la génération d’ani-
mation ou le chargement d’un contenu dépend des
contexte de travail. Comme énoncé dans l’expli-
cation du développement cognitif, il est plus facile
de travailler dans un environnement qui plaît car
même si au premier abord l’enfant rechigne à l’idée
de devoir apprendre quelque chose, il aura plus
de chance d’être séduit par l’univers graphique
car cela fera appel à ses goûts, il sera donc plus
motivé : c’est une interface user-friendly. De plus,
une interface réussie est aussi une interface qui
respecte le principe d’affordance. C’est-à-dire que
son apparence suggère son utilisation. L’utilisateur,
en voyant une icône ou un bouton doit savoir ce qui
l’attend s’il clique.
L’instantanéité est aussi un enjeu. Généralement
nos actions dans la vie de tous les jours nous pro-
curent un ressenti immédiat. Il faut que l’inter-
face utilisée soit aussi rapide pour ne pas frustrer
l’utilisateur. Il n’y a pas de mécanismes physiques
compte tenu du fait que c’est un espace virtuel,
ainsi il est plus facile d’imaginer des mécanismes
ou des animations complexes difficiles à repro-
duire dans le réel.
Enfin les GUIs sont aussi utiles pour la gestion
d’un grand nombre d’instances. Un dossier peut
contenir des milliers de dossiers contenant eux
aussi des milliers de fichiers. Difficiles à représen-
ter dans le monde réel ils sont pourtant présents et
accessibles dans cette interface virtuelle. Beaucoup
plus de contenu peut être géré.
25. ULLMER Brygg, Tangible Interfaces for Manipulating Aggregates of Digital Information, M.I.T., 2002, p.22, [en ligne]
25
l’utIlIsatIon des tuIs n’exclut pas le vIrtuelEnfin nous pouvons aussi voir ici le manque
d’influence des actions sur le monde qui nous
entoure. Si la réussite d’une épreuve peut être
matérialisée par l’icône d’un trophée ou par l’ac-
quisition d’un nouvel équipement dans un jeu
de rôle par exemple, cela n’égale pas la richesse
d’un objet qui a toutes les chances d’être sublimé
grâce à l’imagination de l’enfant. Il n’est pas force-
ment question que de désavantages de la part des
GUIs mais de limites qui nous font préférer l’uti-
lisation d’interfaces tangibles, pour des questions
de temps, de collaboration, d’accessibilité et de
performance.
Si les GUIs sont différentes des TUIs cela ne veut
pas dire qu’il faut opposer les interfaces tangibles
et le contenu digital. Les interfaces tangibles per-
mettent de naviguer à travers ce contenu grâce à
des éléments réels et inversement. Le fait d’utiliser
du virtuel pour représenter le résultat d’une action
réelle ne veut pas dire que l’interface est intangible.
Cela ne signifie pas non plus que tangible et le vir-
tuel sont incompatibles. Au contraire, il semblerait
qu’ils se complètent.
capacités matérielles de la machine et cela varie
d’une machine à l’autre.
Dans une interface tangible il n’y a pas ‘d’état
initial’ à moins de remettre tous les éléments de
l’interface à leur emplacement de base26. Une
interface qui se ‘remet à zéro’ peut donner l’im-
pression d’être beaucoup plus radicale qu’une
interface composée d’objets qui peuvent être lais-
sés en plan, à l’image d’un jeu de construction que
l’enfant range d’une certaine façon et qu’il retrou-
vera plus tard dans cet état. En d’autres termes il est
possible de dire que les TUIs possèdent un pouvoir
de persistence27.
Aussi, ce genre d’interface affecte la collabora-
tion. Une étude de Scott28 en 2003 révèle que dans
un jeu où il faut résoudre un même puzzle, le groupe
d’enfants qui travaille sur papier collabore beau-
coup plus et montre moins de frustration. Car si sur
papier il est possible de prêter son stylo ou même
tout simplement d’utiliser deux stylos, ce n’est pas
le cas de l’ordinateur où l’utilisation de la souris
se fait au tour à tour, avec le risque toujours présent
qu’un enfant ne veuille pas partager sa souris, lais-
sant les autres dans un état passif.
26. Userstudio, DIRTI for iPad, 2013, vidéo [en ligne]
27. John M. Carroll, Emerging Frameworks for Tangible User Interfaces, Addison-Wesley, août 2001, p.579-601, [en ligne]
28. S.D. Scott, R.L. Mandryk et K.M. Inkpen, Understanding children’s collaborative interactions in shared environments, Departments of Computer Science, Universities of Calgary, Simon Fraser and Dalhousie, 2003, [en ligne]
27
“We live in a complex world, filled with myriad objects, tools,
toys, and people. Our lives are spent in diverse interaction
with this environment. Yet, for the mostpart, our computing
takes place sitting in front of, and staring at, a single glowing
screen attached to an array of buttons and a mouse29.”
29. P. Wellner, W. Mackay and R. Gold, Computer-augmented environments. Back to the real world, Communications of the ACM, vol. 36, no. 7, p. 24–26, 1993
Traduction personnelle : « Nous vivons dans un monde complexe, rempli d’une myriade d’objets, d’outils, de jouets et de personnes.
Nous passons nos vies à interagir avec cet environnement. Pourtant notre relation au virtuel se fait la plupart du temps
en étant assis à regarder un écran lumineux relié à des rangées de touches et une souris. »
3aujourD’hui :les tuis comme vecteurs d’apprentissaGe
Chapitre
31
contexte : de nouvelleS formeS de pédagogie
éducatIon 2.0Lorsqu’il a été question des projets comme LOGO
nous avons vu que leur création dépendait de fac-
teurs socio-culturels. Si nous voulons voir en quoi
les TUI peuvent être considérés comme vecteurs
d’apprentissage il faut commencer par s’intéres-
ser aux nouvelles pratiques pédagogiques et au
contexte dans lequel elles s’installent.
les digital nativesAujourd’hui lorsque nous parlons des enfants nous
faisons référence aux ‘digital natives’, littéralement
‘natifs numériques’ en disant qu’ils sont nés ‘avec un
iPhone dans la main’. Afin de décrire cette partie
je m’appuie sur l’explication de Michael Stora30 sur
ce phénomène de société. Auparavant l’image était
sacralisée mais aujourd’hui elle est beaucoup plus
banale. Les générations précédentes qui sont nées
avec la télévision n’interagissaient pas avec l’image
qu’ils avaient devant eux, ce qui créait une distance.
3.1
30. Interview avec Michael Stora, Psychologue et psychanalyste
32
l’enseignement télématique32. Ce sont des cours
digitaux avec un contenu dématérialisé, l’échange
entre les enseignants et les apprenants se fait par
mail ou par vidéo interposée.
les serIous gamesUn autre courant qui s’est développé est celui du
‘serious game’. Autrement dit c’est l’application des
approches du jeu vidéo à des domaines ‘sérieux’
dans une entreprise, ou pour la formation de
pilotes de lignes par exemple33. Cela correspond
à ce que nous avons vu concernant l’enseignement
facilité par le jeu. Ici l’intérêt peut être créé par
le scénario mis en place, par le graphisme et les
illustrations. Encore une fois l’accent est mis sur la
motivation et la création d’un espace ludique, mais
aussi la matérialisation de l’erreur qui souvent
invite à recommencer une étape jusqu’à y arriver.
L’erreur est ‘drôle’. Eric Sanchez, parle aussi de la
‘réflexivité’, c’est-à-dire la capacité de l’apprenant à
se remettre en question, à tester ses connaissances
et sa méthodologie voire en créer de nouvelles34.
Au contraire maintenant l’image a gagné
en proximité car il est désormais possible de la
toucher, de la manipuler grâce à des interfaces
tacti-les par exemple. L’enfant a une vision banale
de l’image et va acquérir peu à peu ses rouages :
il s’approprie l’image à tel point que du point de
vue du quotient intellectuel, c’est le QI de perfor-
mance qui l’emporte sur le QI verbal31. Cela appa-
raît comme une capacité innée. C’est un fait qui
peut être intéressant car cela induit que les enfants
semblent développer de nouveaux besoins (par
rapport à l’image notamment) et qu’il faudrait
adapter à cela la pédagogie.
e-learnIngInternet a permis de stocker les données, mais a
aussi participé au partage des connaissances sur
le web, ce qui est appelé la ‘cyberculture’. C’est
un web où l’utilisateur peut être un contributeur
et partager son savoir. Nous avons vu le dévelop-
pement des cours par correspondance et nous
observons maintenant celui de la formation en
ligne ou ‘e-learning’, désignant l’ensemble des solu-
tions et moyens permettant l’apprentissage par des
moyens électroniques. La formation en ligne inclut
ainsi des sites web éducatifs, la téléformation,
31. NICOLLET Jessica et al., Performance aux tests d’intelligence : vers une inversion de l’effet Flynn ?, 2009, article [en ligne]
32. Définition Wikipédia
33. Courrier Cadres, Les serious games : qu’est-ce que c’est ?, vidéo [en ligne]
34. Formasup, Interview d’Eric Sanchez: maître de conférences et directeur d’EducTice à l’Institut Français de l’Éducation (IFE) – École Normale Supérieure de Lyon, janvier 2014, vidéo [en ligne]
33
L’enseignement est de plus en plus lié à la tech-
nologie mais il semble qu’il ne soit pas totalement
en phase avec la société actuelle où les plus jeunes
découvrent les choses de façon plus intuitive car ils
se sont appropriés les outils numériques. De fait,
cela créé pour eux de nouveaux besoins auxquels
les méthodes actuelles ne répondent pas forcément.
Les interfaces tangibles peuvent-elles palier à ces
insatisfactions ?
Illustration d’un enfant qui s’amuse avec un smartphone
34
le projet mü : un exemple de pédagogIe collaboratIve et partIcIpatIveL’individualisme ne semble pas profiter à l’élève.
L’expérience se fait via un exercice lorsque l’élève
interagit avec des éléments physiques mais aussi
lorsqu’il a un contact humain.
Le projet Mü est un dispositif multimédia sous la
forme d’une table interactive multitouch. Il s’adresse
aux enfants en maternelle et plus précisément aux
classes de grande section. Les enfants peuvent pra-
tiquer des activités individuelles ou des jeux en
groupes dans le contexte des contes pour enfants.
Cela sensibilise les enfants à la musique et aux his-
toires et favorise leur esprit créatif. Ils se servent de
leS tuis danS leS SyStèmeS pédagogiqueS3.1
Des enfants utilisent la surface Mü
35
leurs connaissances pour se préparer aux appren-
tissages fondamentaux (souvent à partir du CP)
comme la lecture et l’écriture.
Dans la vidéo de présentation du projet nous
remarquons que l’enseignante commence par
expliquer aux enfants les différents ‘tokens’ qui
vont leur permettre d’utiliser la table. Car même si
certaines fonctionnalités sont simplement tactiles,
la majeure partie des activités semble nécessiter
l’utilisation d’objets qui représentent les différents
acteurs du conte. Pour « Pierre et le loup » chaque
pièce représente un personnage et possède souvent
un son associé. La prise en main paraît simple et
intuitive car l’objet qu’ils possèdent représente réel-
lement l’information qu’il contient. Ainsi la pièce
qui correspond au loup est pourvue de triangles et
d’yeux rouges. Dans la main il est pointu. Il est qua-
lifié de « féroce » par un enfant. Après avoir écouté
le conte, les enfants s’approprient son univers, qui
est retranscrit sur la table avec plein de couleurs et
d’animations. Chaque enfant a un token et parti-
cipe à la création d’une scène, il sait qu’il possède
‘le loup’ ou ‘le grand-père’ et ils prennent plaisir à
jouer un rôle, comme dans un conte. L’enfant est
tout le temps investi car l’objet qu’il a dans la main
lui permet, à n’importe quel moment, de partir et
de revenir dans l’activité. Le fait qu’il possède cet
objet semble lui rappeler constamment qu’il fait
partie du groupe.
L’univers ludique a été créé et chaque enfant a pris
part à l’activité. Le feedback est immédiat, les enfants
n’éprouvent pas de frustration et jouent tout le temps
(principe de ‘l’engagement’). Les parents et les ensei-
gnants font aussi partie de l’activité. Ils ont un rôle
avant avec la préparation, pendant pour conseiller
les enfants et choisir les types d’activités de la table,
mais aussi après. Après car Mü est connectée à
internet et permet de consulter sur un serveur les
dessins qui ont été faits ou le résultat de certains
jeux. Facile par la suite d’imprimer les créations
des enfants pour décorer la salle et témoigner de
leur investissement pendant le cours (une façon
pour eux de comprendre qu’ils ont réussi). Facile
aussi de contrôler leurs résultats.
36
personnages de dessins animés qui sautillent de
rochers en rochers pour traverser un cours d’eau).
De plus dans cette scène précise la projection n’a
pas de relief, elle est à même le sol, et seuls les
rochers dépassent du sol, ce sont vers eux qu’il faut
se diriger. Enfin la forme et la couleur rappellent
les rochers mais ils sont très ronds et nous devinons
leur matière (tissu et mousse) de loin : ce sont des
coussins. L’enfant se dirige alors vers ces coussins,
s’assoit dessus comme leur apparence le suggère,
et déclenche des ondes dans l’eau qui effraient les
habitants du bassin.
Il est aussi intéressant de constater que lorsque
l’enfant débute le jeu, il ne voit pas tous les ani-
maux marins apparaître. C’est en répétant l’expé-
rience, petit à petit, que l’enfant va découvrir les
animaux. S’il avait révélé tous les habitants de sous
le rocher en même temps il aurait fini très vite et se
serait lassé. Il faut étudier les mécanismes du jeu
ou d’une interaction pour donner les bases à l’en-
fant et qu’il se l’approprie à son rythme, qu’il y ait
toujours du contenu caché qu’il puisse découvrir.
Cela fait référence au game flow36.
L’esprit de découverte de l’enfant est sollicité,
il peut se déplacer, c’est-à-dire exister dans un
IncIter à la découverte de manIère IntuItIveL’enfant a beaucoup d’imagination. Lorsqu’il joue il
a besoin d’être mêlé à un univers qui facilite l’im-
mersion30. Le son et les images, comme pour un
conte d’enfants, peuvent faciliter créer de la moti-
vation. La scénographie d’un lieu aide à concevoir
des espaces ludiques.
L’installation Galets Magiques35 en est un
exemple. C’est une installation interactive où les
enfants peuvent découvrir les animaux marins en
les délogeant de leur abris. Pour cela ils doivent
sauter sur des rochers ce qui va les effrayer. Ce
qui est intéressant c’est de voir que des éléments
simples plantent le décor. Il y a des feuillages, des
rochers, une ambiance sonore et une projection
d’une surface d’eau au sol. Le cadre est simple mais
comme il en a été question avant, l’imagination de
l’enfant lui permet de dépasser ces représentations
basiques.
L’installation est intuitive et ne nécessite pas
de mode d’emploi. Lorsque l’enfant arrive dans
la scène il semble attiré par les rochers car ils ont
l’apparence de coussins. En réfléchissant à l’affor-
dance du rocher nous pouvons dire que dans une
situation réelle les rochers à la surface de l’eau sont
le seul moyen de rester sec (il y a aussi l’image des
35. CHAMPAIN Juliette, BLANCHET, Jonathan, Galets magiques, 2012, vidéo [en ligne]
36. JARRAUD François, Le jeu sérieux : un nouvel horizon pour l’Ecole ? Entretien avec Julian Alvarez, 15 mai 2008, [en ligne]
37
dont certains apparaissent par projection sur le
bois. Ensuite, l’histoire est lue à l’enfant. L’enfant
est créateur. Même s’il a de la liberté il doit quand
même suivre les règles du schéma narratif. Lunii
est destiné aux enfants de 4 à 8 ans. Généralement
à partir du CE2 l’école enseigne la structure du récit,
de la situation initiale jusqu’au dénouement. Ce
projet peut servir de support pour l’enseignant afin
de rendre son cours plus interactif. Pour l’instant
le projet est en phase de prototypage et a pour but
d’être connecté afin de mettre en relation les élèves,
les enseignants et les parents. Une fois encore les
rapports de force sont gommés et incitent beau-
coup plus à la collaboration.
espace cohérent avec des éléments qui rappellent
un univers précis, ici celui des cours d’eau. Les ani-
mations des animaux participent au réalisme de la
scène et peuvent donner des informations supplé-
mentaires à l’enfant (certains ondulent alors que
d’autres utilisent leurs nageoires).
Ceci est plus une installation qui montre le concept
de l’affordance et de l’importance de la scénographie.
Les enfants entrent dans un univers physiques mais
ils peuvent aussi concevoir leur propre univers. Le
projet Lunii37, sous l’apparence d’une boîte en bois
très simple permet aux enfants de composer eux-
mêmes leurs scénari. Grâce à des boutons situés sur
la boîte, il peut choisir les composants de l’histoire
37. Article [en ligne]
Une petite fille saute sur un galet de l’installation
Galets magiques
38
l’enfant doit essayer toutes les combinaisons pos-
sibles pour y arriver. Mais cela peut aussi se faire de
manière plus explicite. Le projet i-Cube38 illustre
à la fois le concept de sublimation de l’objet (ici les
cubes pour jouer que l’on a étant enfant), le concept
de travail par incrémentation et l’expression de l’er-
reur. I-Cube embarque plusieurs activités : la création de
compositions musicales, des jeux de construction et
aussi une activité pour apprendre à écrire les mots.
Lorsqu’un enfant compose un mot il positionne les
lettres présentes sur les faces des cubes les unes à
côtés des autres. Des signaux lumineux rouges et
bleus guident l’enfant pour lui indiquer s’il uti-
lise les bonnes lettres. Un feedback sonore a aussi
été implémenté pour réduire les combinaisons
possibles. Par exemple : « deux lettres sont dans le
mauvais ordre ». L’enfant a utilisé les bonnes lettres
mais pas dans le bon ordre. Cela rejoint ce que nous
avons vu concernant les feedback dans la pédagogie.
une autre conceptIon de l’erreur et de la réussIteDans la partie I.2 nous avions abordé la question de
l’erreur et de sa matérialisation à l’école. Lors de l’in-
terview, Michael Stora30 me rappelait qu’à l’école la
conception de l’erreur comme moyen d’apprentis-
sage : « (...) n’existe pas, quand on perd on perd, on
a une note qui fait baisser notre moyenne ». Lors-
qu’elles sont liées à un contexte ludique les TUIs
permettent d’utiliser l’erreur comme un moyen
d’apprentissage et de dédramatiser l’erreur. Un
enfant qui utilise des interfaces tangibles manipule
des objets de tous les jours qu’il a déjà réussi à s’ap-
proprier, cela ne lui apparaît pas forcément comme
une nouvelle notion qu’il va devoir affronter. Ensuite
comme indiqué précédemment le feedback est
immédiat, l’enfant est invité à tester le plus de com-
binaisons possibles, si cela marche alors il intègre
le mécanisme et passe à une étape supérieure, si
cela ne marche pas il continue de tester. Ainsi il
peut banaliser l’erreur.
Il est intéressant se voir comment l’erreur peut
être signifiée. Si certains enseignants utilisent
l’encre rouge il existe pourtant d’autres moyens.
Par exemple il est possible d’imaginer un système
où si les conditions ne sont pas réunies, le méca-
nisme ne fonctionne tout simplement pas et alors
38. WOOI Goh et al., The i-Cube : Design Considerations for Block-based Digital Manipulatives and Their Applications, [en ligne]
39
leS principaleS limiteS deS interfaceS tangibleS3.3
Ici le feedback intervient en même temps que l’ac-
tion de l’enfant ce qui lui permet de passer très vite à
un autre essai. Ensuite, les signaux qui lui indiquent
la validité ou non de sa réponse ne lui donnent
pas la solution et le laissent chercher son erreur
en toute autonomie, c’est un accompagnement. Il
faut noter que les auteurs de ce projet ont effectué
des sondages prouvant que les enfants étaient très
réceptifs aux signaux lumineux et sonores. Encore
une fois, l’erreur peut être ‘drôle’, et une anima-
tion plein de couleurs ou une musique entraînante
peuvent être des récompenses suffisantes.
Les TUIs semblent répondre à de nombreuses
problématiques de la pédagogie. Mais leur utili-
sation est-elle nécessaire dans tous les cas ? Il y a
beaucoup de possibilité d’interactions mais sont-
elles sans limites ?
mode de représentatIonL’équilibre entre l’emploi du tangible et du virtuel
est primordial. Dans la partie qui compare les TUIs
face aux GUIs il en est ressorti qu’il faut utiliser ‘les
bons outils’ et se servir des forces de chacun des
modes de représentation. Par exemple tout ce qui
appartient au réel peut faciliter la représentation
dans l’espace ou l’appréhension d’un objet. Ce qui
est virtuel peut permettre d’afficher plus de don-
nées sur un même support, de créer des anima-
tions. De fait il faut respecter un équilibre qui, mal
géré, affecte l’interaction39.
39. ULLMER Brygg, Tangible Interfaces for Manipulating Aggregates of Digital Information, M.I.T., 2002, [en ligne]
40
représenter un groupe de cinq guerriers. Mais dans
une interface tangible si un élément en représente
cinq à l’écran, comment faire si l’on veut seulement
sélectionner les informations relatives à un seul de
ces individus ? Cela limite notre capacité à accéder
à une distinction plus fine.
Il y a des désavantages qui concernent le lien
entre l’objet et l’information. Mais qu’en est-il du
lien entre l’espace et l’information ? Quand nous
avons vu le projet Urp lors de l’étude des précur-
seurs des interfaces tangibles nous avons remar-
qué qu’il était possible de créer une maquette de
bâtiments. Mais que se passe-t-il si nous voulons
rajouter des bâtiments à la limite de la surface
interactive ? Sur une interface graphique il est
possible d’agrandir la surface de travail, difficile
en revanche d’augmenter la taille de la table sur
laquelle sont posés les bâtiments. Cela impose de
penser en amont au placement des objets et de pré-
voir leur position.
un problème d’échelleL’interaction peut être altérée de plusieurs manières.
L’une d’entre elle est la limitation de la représenta-
tion à ‘échelle 1’. S’il est plus aisé d’utiliser des objets
et des représentations physiques dans un système
simple, c’est plus compliqué lorsqu’il faut faire face
à des milliers de données. Dans une interface gra-
phique le designer se pose la question du ‘screen
estate’ c’est-à-dire le nombre d’éléments affichés et
affichables sans devoir modifier la taille de l’écran
ou faire défiler la page40. Dans une interface tan-
gible le designer se pose aussi une question d’es-
pace mais dans un environnement réel : difficile de
faire défiler des éléments ou des les réduire. Il n’est
pas possible de rajouter de l’espace pour accueillir
ces éléments. Un exemple simple est la différence
entre avoir des milliers de dossiers contenant des
fichiers sur un ordinateur, et avoir des milliers de
fichiers et d’images sur un bureau : les dossiers
physiques vont remplir la pièce, alors que pour
faire du rangement sur le bureau virtuel sur un
ordinateur il suffit de les ranger ailleurs en faisant
un ‘glisser-déposer’.
Le phénomène de combinaison des éléments,
appelé la ‘généralisation’ signifie qu’un élément
en représente plusieurs. Par exemple sur un jeu de
plateau comme Risk41 une figurine de guerrier peut
40. Définition [en ligne]
41. Définition Wikipédia, [en ligne]
41
des objets parfoIs fIgésLes tokens restent des objets. Leur manipulation
peut par exemple engendrer la modification d’une
représentation en trois dimensions. Par contre la
modification d’un objet à partir des données et de
la représentation virtuelle est plus délicate.
Cela dépend en effet des caractéristiques physiques
de l’objet, là où un élément en pâte à modeler peut
changer de forme alors qu’un cube en bois posera
plus de problèmes.
Illustration d’un token. Dans le film Inception réalisé par Christopher Nolan
le personnage principal possède une toupie, un objet qui lui permet de savoir s’il est dans un rêve ou dans la réalité. Le personnage
d’Ariadne dit que ces objets « sont une élégante manière de garder une trace de la réalité »
42
des problèmes d’applIcatIonLes interfaces tangibles ne s’appliquent pas à tous
les domaines dans l’enseignement. Les informa-
tions sont contenues dans des tokens ce qui les
rendent concrètes. Il a été montré qu’en mathé-
matiques par exemple l’utilisation d’objets gêne
la compréhension des opérations car souvent les
nombres représentent des données abstraites42. De
plus, les problèmes de généralisation compliquent
la tâche lorsqu’il s’agit de former des groupes de
nombres ou au contraire de les traiter un par un
contrairement au jeu Risk où le joueur contrôle des
entités (des personnages de jeu).
Il faut aussi noter que les interfaces sont dévelop-
pées pour une application spécifique. Le design de
l’interface, des objets, la réflexion autour du contenu
du cours et de l’élève font qu’il n’est pas aisé de
transposer une activité à un autre domaine d’applica-
tion. C’est une problématique de réutilisation.
fatIgue et accessIbIlItéLorsque l’enfant joue constamment et qu’il doit
sans cesse déplacer des objets il se fatigue. La
fatigue arrive plus ou moins vite selon le nombre
et le poids des éléments à déplacer. Il faut donc
prendre ce critère en considération lors de la
création des activités. N’oublions pas que le game
flow suggère toutefois de créer une interaction à la
portée de l’utilisateur sans pour autant lui facili-
ter la tâche, réussir une activité qui demande une
implication physique et un effort représente un
challenge. Si l’output, c’est-à-dire le périphérique
de sortie, est un écran alors il peut aussi distraire
l’apprenant. Si ce dernier est fatigué cela ne fait que
renforcer la distraction.
Mais que se passe-t-il lorsque dix enfants
veulent avoir accès au même objet ou effectuer la
même action ? Lorsque nous avons vu que des élèves
étaient frustrés lorsqu’ils devaient se partager une
souris et un clavier, n’est-ce pas le même schéma
lorsqu’il doivent se partager l’espace pour accéder à
une activité ou bien voir correctement l’écran sur
lequel est affiché le résultat de leur action ?
42. Marshall et al., Tangibles in the Balance : A Discovery Learning Task with Physical or Graphical Materials, Conference Embedded, and Embodied Interaction, p. 153-160, 2010
43
dans d’autres domaInes d’applIcatIonLes interfaces tangibles peuvent aussi être utilisées
dans le domaine de la musique. Golan Levin est un
artiste américain qui en 2005 a réalisé Scrapple43.
La table de 3x4 mètres qui sert de support est inter-
prétée comme une partition. Elle est divisée en plu-
sieurs temps et hauteur de notes, ce qui créé une
grille à la surface de la table. Un détecteur scanne
la présence d’objets posés sur la table. Selon leur
position, leur luminosité et leur forme ils vont
produire des sons différents. La mesure boucle
toutes les quatre secondes, le son est donc joué en
permanence. Modifier la position des éléments sur
la table permet d’effectuer un mixage en temps réel.
L’affichage de la grille de composition est optionnel
mais permet de mieux comprendre où placer les
éléments, cela a plus une apparence en lien avec
la musique. Plus récemment d’autres projets ont vu
le jour ; Xenakis est une table interactive qui réagit
aux objets posés à sa surface. En plus de produire
un son, la surface créé des animations pleine de
couleurs. Elle a moins une qualité de performance
artistique comme le projet Scrapple, et elle intègre
plus la notion de collaboration entre les utilisateurs
pour produire les sons44.
Dans le domaine du jeu vidéo, des jeux comme
Balloon Paper proposent un voyage onirique. Dans
quel avenirpour leS tuiS ?3.4
43. LEVIN Golan, Scrapple, 2005, [en ligne]
44. BISCHOF Markuset al., XENAKIS : Combining tangible interaction with probability-based musical composition, University of Augsburg, 2008, [en ligne]
Photographie de Golan Levin dans sa performance Scrapple
44
le token avait du mal à être malléable et à changer
de forme. Nous avons vu aussi que Hiroshi Ishii
pensait coupler les “bits and atoms”, et que le péri-
phérique de sortie pouvait aussi être le périphé-
rique d’entrée. Les surfaces organiques permettent
d’afficher un contenu et possèdent des caractéris-
tiques physiques qui facilitent leur pliage et leur
déplacement. Lorsqu’une modification se fera sur
le contenu numérique alors l’objet pourra être
modifié selon les nouvelles données et évoluer en
temps réel. Des recherches ont déjà été faites en
un interview, Étienne Mineur, directeur artistique
aux Éditions Volumiques, explique que le but était
de matérialiser l’objet principal du jeu45. D’abord
l’enfant lit une histoire dans un petit livre illustré,
il obtient à la fin une montgolfière en papier qu’il
déplie. En posant la montgolfière en papier sur un
iPad il peut continuer l’aventure qu’il vient de vivre
dans une expérience interactive. En ajoutant des
effets d’ombre dans le jeu cela donne l’impression
que le ballon est effectivement en train de voler.
Il est possible de le voir atterrir, décoller alors que
le paysage défile sur l’écran.
de nouvelles possIbIlItés lIées à la technologIeLes possibilités des interfaces tangibles sont aussi
liées aux prouesses technologiques. Nous avons
vu que parfois les écrans d’ordinateur pouvaient
créer de la distance ou n’étaient pas forcément
accessibles à tous par manque de place (une classe
enfants autour d’un écran par exemple). Des sur-
faces innovantes ont vu le jour et sont en cours de
développement ou en cours d’amélioration.
Les surfaces organiques par exemple ont tout
le potentiel pour répondre à des problématiques
liées aux interfaces tangibles46. Nous avons vu que
45. ops2.com, Interview : 3 questions à Étienne Mineur, mai 2012, [en ligne]
46. GUILLAUD Hubert, Demain, les interfaces organiques, avril 2009, [en ligne]
Paper Balloon, réalisé par les Éditions Volumiques
45
2002 par le groupe du MIT dirigé par Ishii avec le
projet Illuminated Clay, ce qui rejoint leur vision
de “radical atoms”47. La modification en temps réel
de l’argile permet d’actualiser simultanément sur
la projection les informations relatives à la topolo-
gie de la surface. « L’objet est l’interface » comme le
dit Jean-Louis Fréchin.
J’estime qu’il y aussi beaucoup de potentiel au
sein des dirty user interfaces. J’ai découvert DIRTI
qui est une expérimentation dont le périphérique
d’entrée est un ensemble de particules. Les créa-
teurs voulaient faire l’analogie entre le contrôle
de chaque pixel et le contrôle de chaque parti-
cule physique. Ils ont donc utilisé de la farine de
tapioca, de la glace à la noix de coco et aussi de
l’eau. Lorsque ces particules sont déplacées elles
modifient l’affichage de l’iPad qui est connecté au
système, permettant aux enfants qui utilisent l’in-
terface de jouer des sons, de créer des animations.
Ils associent alors un déplacement à un effet sonore.
Il existe plusieurs ambiance sonores qu’il faut choi-
sir avant ou pendant l’interaction. Les particules
physiques peuvent être jetées et tomber hors de la
surface qui les contient, elles peuvent tâcher et salir
les vêtements, elles peuvent même être mangées.
47. Définition [en ligne]
48. Jean-Louis Fréchin est le directeur du studio NoDesign
49. User Studio, SCHWARZ Diemo, DIRTI : Dirty Tangible Interfaces, [en ligne]
Photographie d’es enfants qui utilisent DIRTI et interagissent grâce à une interface en tapioca
46
Concernant l’actuation, c’est la notion de « mettre
en mouvement ». Introduire le mouvement dans
une interface c’est permettre de renforcer la pré-
sence physique de l’utilisateur et de sortir de l’aspect
figé de l’objet. Le projet inFORM a fait beaucoup par-
ler de lui. Il donne la capacité à un utilisateur d’in-
teragir physiquement avec un espace distant51. Ce
n’est pas une simple reproduction de la forme des
mains de l’utilisateur, il peut physiquement exis-
ter dans un autre espace et grâce à un contact vidéo
il peut voir ce qu’il fait concrètement. Nous avions
déjà entendu parler de ce genre de système pour des
opérations chirurgicales qui demandaient l’interven-
tion d’experts à l’autre bout du Monde52.
les prochaIns grands enjeux ?Eva Hornecker et Shaer Orit expliquent que parmi
les futurs grands enjeux liés aux TUIs nous retrou-
verons des enjeux liés au mouvement de l’inter-
face, ce que l’on appelle “l’actuation”, ainsi que des
recherches qui se font sur l’interaction du corps de
l’utilisateur avec l’interface et pas seulement de
l’interaction avec ses mains50.
Nous pouvons interagir avec tout notre corps.
Les périphériques comme le Eyetoy, la Kinect ou la
console Wii nous permettent de jouer en prenant
compte de nos déplacements. Toutefois même s’il y
a un certain degré de tangibilité il manque toujours
le toucher dans ce type d’interaction avec des péri-
phériques infrarouges.
50. HORNECKER Eva, ORIT Shaer, Tangible User Interfaces : Past, Present, and Future Directions Foundations and Trends, 2009, [en ligne]
51. Article [en ligne]
52. Article [en ligne], décembre 2013
47
Mais après l’entrée de la société dans ‘l’ère numérique’
et du WEB 2.0, ce fut l’abandon progressif des supports
multimédias tels que les disquettes et les CD et une ten-
dance à la dématérialisation de nos données.
Les utilisateurs ont préféré sauvegarder leurs
données personnelles ou professionelles sur des
le retour à l’objetIl ne sera pas nécessaire dans cette partie de déve-
lopper toutes les explications concernant les ‘objets
connectés’ mais plutôt d’effectuer un constat. Nous
avons vu que depuis les années 60 qu’il y a toujours
eu des designers et chercheurs qui ont montré
l’intérêt d’utiliser un objet plutôt qu’une souris.
Illustration : la valeur de l’objet
48
personnalisable en bois : un ‘tapps’. Lorsqu’il est
posé sur une plateforme spécifique, il se connecte
à internet et joue ou affiche automatiquement
le contenu du lien. Ce genre d’objet permet de
représenter un contenu numérique, la personna-
lisation permet d’extérioser ses goût, de redonner
un intérêt à l’objet qui a été spécialement designé
pour tenir dans la paume de la main. L’utilisateur
se positionne vis-à-vis de son objet, qui existe dans
un espace et qui peut aussi être accroché au mur et
contribuer à la décoration de l’environnement de
son possesseur. Il peut l’offrir ; alors ce qui aurait
été un simple partage de lien d’une musique sur
le mur facebook d’un ami devient une interaction
humaine. L’effet est amplifié si cette musique a une
signification particulière entre les deux protago-
nistes.
L’intérêt pour les interfaces tangibles s’accroît
car de plus en plus d’objets connectés sont déve-
loppés et prennent place dans notre vie de tous les
jours. Cela s’inscrit dans la tendance d’un retour
à l’objet suite à une réaction de la société face à la
dématérialisation. L’application de ces interfaces
dans la pédagogie est renforcée par la volonté d’in-
nover de la part des chercheurs et des designers.
systèmes de stockage en ligne, des clouds ; par
un souci de place, car les éléments physiques
occupent notre espace de vie. Pour des fans de
musique par exemple ce n’est pas facile de se
balader avec tous ses CD dans la rue. C’est pour
cela que des plateformes comme Spotify ont vu
le jour pour la musique, ou Steam pour les jeux
vidéos. Mais c’est aussi pour un souci de rapidité
et d’efficacité comme il en était question avec
la cyberculture et le partage presque instantané
d’informations et d’articles sur internet (avec un
simple blog).
Mais petit à petit c’est le phénomène inverse qui
apparaît. De nombreuses craintes découlaient de
ces données qui se retrouvaient sur le web : perte,
piratage ou détournement d’informations. Au final
il y avait une impression (légitime) de fragilité du
système. Aujourd’hui il est question de « l’internet
des objets ». Pour combler cette distance qui est
créée par la dématérialisation, l’Homme a créé de
nouveaux objets. Avoir un objet connecté permet
de redonner de la valeur à l’objet, de créer de la
rareté et un lien tangible.
Lorsque j’ai fait mes recherches sur les objets
connectés et les interfaces tangibles j’ai pris
connaissance du projet Qleek54. En quelques mots,
Qleek est un projet qui permet d’enregistrer un
lien internet, une suite d’images, une playlist ou un
lien youtube sur une petite plateforme hexagonale
53. ZANON Olivier, Dématérialiser ses données : quels sont les risques ?, 7 septembre 2011, article [en ligne]
54. Interview avec l’équipe de Qleek.me
Les ‘tapps’ utilisés par Qleek
49
Interfaces tangIbles et pédagogIeIl est possible de dire que les interfaces tangibles
ont de nombreux atouts pour favoriser la pédago-
gie : elles encouragent le travail en groupe, la dis-
cussion avec les élèves et l’enseignant, la découverte,
l’autonomie et elles banalisent l’erreur. Couplées à
un univers graphique de qualité, elles motivent les
enfants et leur font prendre conscience de leur exis-
tence dans le monde, faisant appel à leurs sens. Des
limites apparaissent, mais les développeurs de TUIs
cherchent à les contourner. Les interfaces tangibles
s’inscrivent dans un contexte de re-conception de
la pédagogie, à l’heure de la revalorisation des rap-
ports humains, de l’importance du jeu et de la place
de l’objet dans notre quotidien. Si nous avons pu
voir qu’il existait encore des méthodes archaïques
pour la pédagogie il y a tout de même une prise
de conscience générale. Au début de l’année 2014,
Vincent Peillon alors ministre de l’Éducation a créé
un pôle numérique au sein de l’éducation nationale
avec pour but de faire entrer l’école dans l’ère du
numérique55. L’école continue d’intéresser les desi-
gners. Eliumstudio a fait une proposition appelée
“l’école en Archipel” qui développe une vision colla-
borative de l’école, où les enfants échangent et com-
muniquent, où ils apprennent grâce à des tablettes
et des outils numériques. Une école qui pour eux
3.5
55. CHAMPEAU Guillaume pour Numerama, Vincent Peillon crée la Direction du numérique pour l’éducation (DNE), 18 février 2014, [en ligne]
conluSion
50
des deux derniers films de Terrence Malik, où les
enfants et les adultes déambulent en touchant
les murs, les fleurs, levant leurs mains au ciel57.
Il y a une richesse qui malheureusement, pour moi,
s’estompe une fois que ces éléments ne sont plus
qu’une donnée informatique que l’on consulte.
Si je me suis intéressé aux interfaces tangibles et
à la pédagogie pour les enfants c’est aussi par rap-
port à une problématique qui m’est propre. Plus
jeune, j’avais tous ces adjectifs, toutes ces images
et ces pensées en tête. Malheureusement toutes ces
idées venaient en même temps, à la fois parce que
j’étais impatient de tout mettre sur papier, mais
aussi parce que je manquais de méthode pour les
exprimer. Que de frustration de me sentir pénalisé
alors que j’avais la bonne réponse, la bonne idée, et
qu’au fur et à mesure que je m’exprime les sourcils
de mon interlocuteur se froncent proportionnel-
lement à son incompréhension, et moi de m’em-
brouiller de plus en plus ! J’avais besoin de faire
des dessins, de faire des signes avec mes mains,
de tracer des flèches ; malheureusement à l’époque
je n’avais qu’un stylo, une feuille à carreaux et pas
le droit de dessiner sur ma rédaction à rendre à
la fin de l’heure. Pendant mes recherches pour ce
dossier j’ai pu prendre conscience de beaucoup de
problématiques liées à l’enseignement, sur l’erreur,
la façon de la traiter et sur ces différents acteurs
(philosophes, chercheurs, designers, enseignants)
« rapproche l’espace virtuel de l’espace tangible ».
C’est une vision d’une structure réaménagée où le
lieu favorise l’apprentissage.
pourQuoI ce sujetPour moi, « l’internet des objets » induisait immé-
diatement un contexte de réaction face à la déma-
térialisation et donc de retour au tangible. En
décembre 2013 j’avais déjà commencé à travailler
sur cette problématique lors d’un workshop en
imaginant un journal intime connecté. J’ai aussi
réalisé une installation interactive et photosen-
sible : Wall of Rain56, fonctionnant avec une kinect,
qui devait créer un lien tangible avec l’utilisateur.
Très sensible à la poésie, j’étais toujours impres-
sionné par le nombre d’adjectifs utilisés pour qua-
lifier un élément simple. Une chaise en bois, c’est
banal. Mais pas une chaise en noyer qui sent le ver-
nis, sur laquelle s’asseyait un être cher, rugueuse au
toucher aux endroits abîmés par les coups de pied
des enfants qui jouent. Tous ces adjectifs donnent
des informations qui donnent de la valeur (parfois
sentimentale) à un élément et viennent faire res-
surgir en nous des souvenirs : une odeur, une
sensation dont on se souvient du bout des doigts.
Il n’y a qu’à voir la force qui se dégage des images
56. Teaser de l’installation Wall of rain, vidéo [en ligne]
57. Terrence Malik a réalisé The Three of Life et To the Wonder respectivement en 2011 et en 2013
51
Paléontologique permettait aux enfants et aux
parents de collecter des informations sur les dino-
saures du musée puis de les mettre en application
en les invoquant (avec un smartphone) sur une
table interactive de 2x4 mètres recréant l’environ-
nement de l’ère du Trias jusqu’au Jurassique pour
observer leur comportement : nutrition, déplace-
ments, création de troupeaux59.
Mais pendant mes recherches j’ai repensé à ce
concept et je me suis dis que plusieurs choses pour-
raient changer. Premièrement ce concept fonctionne
entièrement avec un smartphone ; lorsque je faisais
des recherches je me suis demandé pourquoi je
n’avais tout simplement pas utilisé des figurines.
En effet, elles ‘existent’, elles peuvent être empor-
tées à la maison pour décorer une chambre ou pour
jouer. Elles ont la capacité de créer un lien avec l’en-
fant qui a vu un squelette de dinosaure, qui a acquis
une figurine miniature de ce squelette et qui a pu
lui redonner vie dans un jeu. Il serait intéressant
de travailler avec des enseignants afin d’imagi-
ner comment créer un lien avec leur cours afin de
donner aux enfants l’occasion d’en apprendre plus
avant (préparation de la visite), pendant (étude
des squelettes et table interactive) et enfin après
(en classe ou à la maison) car les adultes pourront
accéder à l’historique des actions de chaque enfant
et ainsi voir quelles ont été ses erreurs, ce qu’il a
tenté de faire. Enfin bien que Florent et moi ayons
qui se sont intéressés à ce sujet et ont proposé des
solutions. Des solutions où l’on donne à l’appre-
nant des outils pour s’exprimer, où la collaboration
est encouragée pour partager le savoir, un domaine
où les interfaces tangibles ont de nombreux atouts.
Peut-être que cette curiosité vis-à-vis de la péda-
gogie et des méthodes était ce qui m’avait donné
envie d’entamer une licence à l’université Lyon III
afin devenir professeur d’Histoire et de géographie
avant de commencer l’école e-artsup.
proposItIon de projetGrâce à mes recherches j’ai pu réaliser qu’il fallait,
dans ma réflexion de designer, prendre en compte
non seulement les enfants mais aussi les parents et les
enseignants58. Aussi, je pense aussi qu’il très impor-
tant de créer une ambiance pour accueillir une
activité pédagogique pour toutes les raisons qui ont
été décrites précédemment.
Après une période de réflexion j’ai décidé de
re-penser un concept sur lequel j’avais travaillé
en début de 4e année avec Florent Chau. Le brief
donné en cours demandait d’imaginer un concept
de scénographie et d’application mobile au sein de
la galerie de paléontologie du Muséum National
d’Histoire Naturelle de Paris. Le projet Simulation
58. Interview avec l’équipe du projet Lunii
58. Vidéo de démonstration du projet Simulation paléontologique, vidéo [en ligne]
52
En conclusion, ce projet d’installation et d’appli-
cation serait l’occasion de répondre à plusieurs pro-
blématiques en lien avec les interfaces tangibles et la
pédagogie en partant d’un concept repensé avec de
nouvelles informations sur les interfaces tangibles.
Il cible en priorité les élèves en cours élémentaire,
leurs enseignants et leurs parents afin de découvrir
la galerie de paléontologie du MNHN et ses dino-
saures en mélangeant à la fois une représentation
physique réelle (le squelette), un token (la figurine),
et une surface interactive qui comporte une représen-
tation virtuelle, celle du dinosaure réincarné.
imaginé une ambiance préhistorique avec des effets
de lumière et une bande son, je pense qu’il est pos-
sible d’aller plus loin : les murs pourraient être
rocheux, la lumière venant du plafond pourrait
donner l’illusion de la lumière du jour, comme si
l’utilisateur était au fond d’un trou qu’il a creusé
pour découvrir des ossements. La table, d’abord
imaginée en bois pourrait elle aussi être en pierre.
Il faut un lieu pour une expérience mémorable.
Finalement, ce concept incite lui aussi à jouer
en groupe. Cela reste un monde persistant, c’est-
à-dire que les actions des utilisateurs avec leurs
dinosaures vont avoir un impact sur l’environne-
ment et inversement. Ainsi le climat ou la topologie
de la carte pourraient changer. Cela engendre une
plus grande probabilité d’investissement dans l’ex-
périence de la part des utilisateurs car l’univers ne
reste pas figé, ce qui peut les amener à revenir au
musée pour jouer une nouvelle fois avec les figu-
rines qu’ils ont rapportées. L’erreur est encouragée.
Si un enfant s’est amusé à invoquer un tricératops en
plein désert “pour voir ce que ça fait” il saura doré-
navant que le Tricératops est un herbivore et qu’il
a besoin d’herbe et de plantes.
53
Modélisation 3D de la table interactive dans une salle
du musée
annexes
56
IntervIew de mIchael stora, psychologue & psychanalysteLundi 2 juin 2014 à Paris
Pour vous, quels sont les avantages des interfaces tangibles ? Trouvez-vous
qu’elles ont des désavantages ? Apportent-elles quelque chose de plus que les GUIs ?
Pensez-vous qu’elles favorisent la découverte et l’autonomie par exemple ?
Un enfant naît avec ses cinq sens. Au cours de son développement l’enfant unifie
ses sens, c’est ce que l’on appelle la ‘transmodalité’. Lorsque l’enfant comprend qu’un
objet ou qu’une entité peut être toucher, entendu, vu, goûté ou senti il réalise qu’il peut
s’unifier avec le monde qui l’entoure. Ensuite vient la ‘proprioception’ où l’enfant
a conscience qu’il existe dans un espace. Si l’enfant jette un objet il va créer du bruit
et voir que l’endroit où il se trouve est composé de différentes matières, que l’objet qu’il
a lancé est à une certaine distance de lui, et à la distance de tel ou tel autre objet. On voit
donc que l’enfant découvre le monde tout petit avec sa bouche mais très vite il le fait
avec sa main, le professeur Gantheret disait d’ailleurs: « La main est la métaphore
du Moi dont le but est de serrer le monde entre son poing fermé ». Les interfaces tangibles
font appel aux sens des enfants et les incitent à le découvrir. Ce type d’interface
a la qualité de s’intégrer à l’espace dans lequel les enfants évoluent.
Dans une interface tangible l’enfant va utiliser un objet ; sa matière, sa texture,
amplifient les caractéristiques de l’objet et qui font encore plus appel aux sens
de l’enfant qui prend plaisir à exister.
57
Hiroshi Ishii du M.I.T. Lab parlait de fusionner “atoms and pixels” et donc d’interagir sur
le réel. Pensez-vous qu’il faille forcémment imposer une représentation du réel ?
Les enfants peuvent-ils être troublés par une déformation de la réalité ?
L’enfant reste encore à un stade de découverte, vers l’âge de trois ans il est encore
à un stade de développement de sa ‘motricité fine’ et puis il est encore dans l’imaginaire
et l’imagination, il verra plus tard par lui-même comment différencier le vrai du faux,
au même titre que sa réalité n’est pas déformée lorsqu’il voit des illustrations car ce sont
souvent des univers métaphoriques. Avant l’âge de sept ans il se laisse beaucoup plus
aller à sa poésie intérieure.
Je pense qu’il ne faut pas prêter trop de puissance au tangible et en effet le considérer
comme un vecteur. Combiné au virtuel, le tangible peut dépasser ses propriétés,
là où l’on va pouvoir simuler des choses, créer des animations.
Pensez-vous que ces interfaces sont adaptées au système éducatif actuel ?
Quel est leur avenir ?
l’Éducation nationale a débloqué un budget de dix millions d’euros pour
le développement de “serious games” pour apprendre les fondamentaux. Ce qui
témoigne d’une prise de conscience. On est beaucoup plus sur de la pédagogie active.
Quel est votre avis concernant la notion de “digital natives” ? Est-ce que c’est vérifié ?
Est-ce que c’est positif ?
Ma génération est née avec des écrans. Mais par exemple pour la télévision c’était une
relation ‘interpassive’. On interprète ce que l’on voit à l’écran, on le met en parallèle
avec ce que l’on ressent et avec notre histoire : c’est un processus d’identification.
La nouvelle génération est née avec un phénomène d’appropriation de l’image.
Car auparavant on voyait l’image mais aucun moyen d’agir dessus, cela créait alors
de la distance. De nos jours les enfants peuvent toucher l’image, il n’y a plus de distance.
J’ai d’ailleurs parlé dans un article du Monde du « doudou sans fil » en faisant référence
à l’iPhone car le doudou va palier aux angoisses de séparation.
58
Les enfants nés avec cela ont un surinvestissement de la perception visuelle au point que
le QI de la performance a explosé, il est devenu supérieur au QI verbal31. Mais d’un côté
cela créé un rapport plus sain à l’image pour les enfants comparés à leurs parents.
Les plus petits comprennent les mécanismes de l’image et comment elle peut parfois
être mensongère (photoshop). Pour les digital natives, l’image est devenue un objet banal.
Comment définiriez-vous un bon espace de travail ? Sur quel critères ?
La scénographie peut-elle contribuer à améliorer cela ?
Avant le CP on va surtout apprendre aux enfants à exister dans l’espace, à se déplacer,
à ne pas bouger par exemple. On leur créé des activités et des parcours mais ils restent
bien souvent sans enjeux. Or les enfants sont toujours en compétition les uns avec
les autres. Pour ne pas créer un espace individuel ou chacun existe dans son coin
la scénographie peut participer à la création d’un cadre collaboratif, un jeu en groupe
par exemple. L’exposition ‘Mille milliards de fourmis’ au Palais de la découverte à Paris
présente d’ailleurs un jeu qui, pour faire l’analogie entre la cohésion de groupe
et la collaboration des fourmis, repose sur la coopération entre les joueurs. C’est-à-dire
qu’il est impossible de gagner seul. C’est là que la dimension du ludique est essentielle,
car c’est souvent par le jeu que l’enfant s’approprie le savoir. Il faut donc créer un
espace pour le jeu et s’il y a une ambiance associée (avec du son ou des illustrations)
cela contribue à la motivation et aussi à la désacralisation de l’enseignant qui devient
accessible. On ne créé pas se rapport de force entre l’élève et le professeur mais
on mutualise les statuts de chacun. Il faut que cet espace favorise aussi l’imaginaire,
où un simple bâton peut devenir l’épée du roi Arthur par exemple. Pour Freud :
« il n’y a pas d’apprentissage sans expérience hédonique ». Le tangible est au service
de l’imaginaire et de l’imagination.
59
Concernant l’éducation, que pensez-vous du système de notation ? Ne devrait-on pas
encourager l’expérience et la découverte et du coup noter les méthodes employées
plutôt que le résultat ?
Malheureusement l’école ne favorise pas toujours la créativité, lorsque l’on apprend
à ne pas dépasser quand il faut colorier par exemple. Des écoles favorisent la ‘pédagogie
active’ où l’enfant apprend à ne pas avoir peur de se tromper et où il est conseillé
de rechercher la nouveauté. L’enfant en sort grandi car il développe un sens de déduction
lorsqu’il va comparer ses différentes créations, examiner les couleurs d’un dessin
par rapport à un autre. En fin de compte on pourrait presque dire que l’on favorise
l’erreur mais c’est grâce aux erreurs que l’on créé un processus de travail car on
sait ce que l’on devra faire et ne pas refaire à la prochaine tentative. C’est très bien
illustré dans les jeux vidéos où l’ont dit parfois que l’on est ‘bloqué’, jusqu’à avoir refait
suffisamment de fois une action pour comprendre le mécanisme. C’est en perdant
qu’on apprend à gagner alors qu’à l’école une note peut faire baisser une moyenne
sur toute l’année. Mon avis c’est qu’il faudrait voir l’école comme une simulation
de soi où l’on prend des risques.
60
IntervIew de johanna hartzheIm & pIerre-rudolf gerlach Respectivement designer et CTO du projet Qleek.me
Jeudi 12 juin 2014, lors de l’exposition Futur-en-Seine à Paris
Quel type de lien le projet Qleek54 est-il susceptible de créer ?
Pourquoi créer de l’interaction ?
Le lien est dans le début d’une conversation. Tu vas chez quelqu’un, s’il n’avait que des
fichiers sur son ordinateur tu n’aurais aucune idée de ce qu’il aime et de ce qu’il écoute.
En revanche si tu arrives quelqu’un et que tu vois sa bibliothèque tu as une idée de qui
est la personne et de vos points communs. Tu extériorises ce que tu es. Même principe
pour les photos où tu as l’habitude d’en prendre sur ton téléphone mais tu ne vas jamais
les voir sur ton ordinateur, et tu vas encore moins les imprimer à cause du coût,
du déplacement que ça peut impliquer et du temps que ça prend.
Concernant le design : pourquoi ces matériaux ? Cette forme hexagonale ?
Tout a été étudié pour que l’objet tienne dans la main, ça a une vertu ergonomique.
Aussi c’est important pour le rangement car ça tient facilement dans une bibliothèque.
Ça n’a pas la taille d’un livre ni d’un CD : pas trop grand ni trop petit. Comme ça l’objet
reste facile à transporter mais il prend toujours un peu de place, et donc de l’importance.
J’ai utilisé du bois pour m’éloigner de l’univers ‘tech’ et ainsi se placer plutôt dans l’univers
maison, intérieur et design. Le bois est aussi connoté comme étant plus friendly
car il est doux et chaleureux. Cela évite aussi d’effrayer les technophobes car ils ont en
face d’eux un matériaux commun qui communique la simplicité. La forme hexagonale
n’incarne pas ce vers quoi elle redirige (des images, des vidéos, des playlists) mais elle possède
la qualité de rendre l’objet modulaire, c’est plus facile pour les ranger les uns à côté des
autres our bien pour décorer.
61
Pourquoi pensez-vous qu’il y a un retour à l’objet ?
Je pense que ce n’est pas vraiment un retour à l’objet. C’est juste qu’il y a de nouveaux
objets. L’objet n’a jamais vraiment complètement disparu. On a pris l’habitude de tout
accumuler et de ne plus trier ; quand tu as accès à tout et que les possibilités semblent
infinies les choses perdent de leur valeur. Du coup l’objet recréé la rareté qu’on a perdu.
Que pensez-vous de de l’avenir des objets connectés ?
Je ne suis pas très fan du terme ‘objet connecté’. Je suis plutôt de l’avis de Rafi Haladjian
pour qui le fait qu’un objet soit connecté va devenir très vite une commodité ; avant
on parlait des objets électriques mais maintenant plus besoin de préciser si l’objet est
électrique ou non car c’est devenu naturel. La question se pose plutôt sur les nouveaux
usages qui vont voir le jour. Je pense que dans trois ans ce terme aura disparu. D’ailleurs
on peut prendre l’exemple des téléphones, au final il n’y a rien de plus connecté qu’un
smartphone, c’est un objet connecté mais personne ne le précise car c’est une évidence.
Généralement les gens placent Qleek comme un objet connecté, or on ne capte aucune
donnée, c’est une redirection automatique vers un contenu. Le projet Mother développé
par Sen.se (d’ailleurs créé par Rafi Haladjian) est pour moi l’achèvement des objets
connectés, il enregistre énormément d’informations. Au final ce qui est intéressant
ce n’est pas forcément les données que l’on capte mais la façon dont elles sont traitées
et perçues par les destinataires.
62
IntervIew de l’éQuIpe du projet lunII & lunIIlabReprésentée par Claire Bresson et Pauline Dorel (LE CUBE)
ainsi que Thomas et Irgor Krinbarg (VeridisQuo Design)
Jeudi 12 juin 2014, lors de l’exposition Futur-en-Seine à Paris
Avez-vous testé le projet auprès des enfants ?
Pendant six mois, les enfants étaient dans cinq classes dans la Communauté
d’Agglomération Grand Paris Seine Ouest (GPSO). Chaque classe, d’une moyenne de
30 élèves répartis en binômes, a écrit 15 histoires en suivant le schéma narratif tel
qu’il est enseigné à l’école avec une partie d’introduction, l’élément perturbateur, les
péripéties et enfin le dénouement. Ce sont ces quatre blocs qui sont interchangeables
et permettent de combiner les histoires des enfants. Le test de la combinaison des
histoires s’est fait auprès d’une seule classe car le faire au sein des cinq classes aurait été
trop important, il fallait se contenter au début d’un plus petit échantillon. Il y avait tout
de même des contraintes pour qu’il y ai une suite logique entre les différentes parties.
Serait-ce un support pour les enseignants ?
On a remarqué que pour l’enseignant Lunii servait d’appui pédagogique. Ça a lui a permis
pendant six mois de créer beaucoup plus d’interaction dans sa classe et de rendre le cours
moins ennuyeux car ce n’était pas un travail individuel. Les enfants se sont ancrés dans
un projet réel en collaboration avec leur enseignant mais aussi les autres écoles: un projet
concret. La communication entre les différents acteurs sur l’avancée du projet s’est faite via
un compte Twitter mis à leur disposition sous le regard des parents, spectateurs de l’avancée
de leurs enfants. Ces derniers d’ailleurs utilisaient le compte Twitter directement sans
passer par l’enseignant afin de nous poser des questions comme si Twitter
était devenu un jeu pédagogique.
63
Est-ce qu’à l’avenir vous imaginez que ce genre de concept peut-être applicable
un peu partout au sein de l’Éducation nationale ?
Les enseignants nous ont fait de nombreux retours positifs. Pour eux ce genre
d’application est tout à fait justifié car il est ancré dans leur programme. Ils ont
aussi relevé la grande motivation des enfants grâce à l’interaction qui était créée,
loin de la rédaction sur la feuille a carreaux. Ils se sont amusés. La valeur ajoutée
est le travail en binôme car cela surprend mais on apprend aux enfants à travailler
en groupes seulement à partir du collège. En revanche au début c’était assez compliqué
pour les élèves pour la formation des groupes. Chaque enseignant avait une approche
différente mais c’était souvent la composition d’un binôme avec un maillon fort
et un élève moins à l’aise ou alors par affinité.
Toutefois c’est le premier type de binôme qui a le mieux fonctionné. À plus grande
échelle cela fait sept ans que nous faisons les ateliers “connectons nos écoles” où nous
testons chaque année une nouvelle technologie dans un atelier avec beaucoup
de succès. On considère la technologie non pas comme le but mais comme le moyen.
On se focalise sur les méthodes employé et le résultat final auquel arrivent les élèves.
On hésite pas à mélanger les outils : twitter, la radio, les applications.
La relation apprenant/enseignant a-t-elle changé durant ce projet ?
L’enseignant se sentait beaucoup plus soutenu car nous étions là pour le conseiller
et vice versa. Il y avait un contact régulier qui permettait de faire avancer le projet
concrètement. De plus des enseignants ont rattaché certaines parties du projet à leur
expérience ou à d’autres parties de leur cours. Lorsqu’il s’agissait d’établir le lieu
de l’intrigue et que les enfants ont choisi de partir sur le labyrinthe, un enseignant
conquis par la culture anglaise s’est dit qu’il fallait concevoir un labyrinthe
‘à l’anglaise’. Pour l’écrit et la rédaction l’utilisation de Twitter n’exemptait pas
les enfants de faire des fautes, et l’utilisation de 140 caractères les contraignait
à choisir les bons mots pour s’exprimer tout en ayant un message impactant.
64
Avez-vous rencontré des problématiques liées au coût d’un tel projet ?
Ce projet est intervenu dans le cadre d’un appel à projet que l’on a remporté ce qui
nous a permis de débloquer des fonds de la Région Île de France pour le développer.
La question financière ne s’est pas trop posée car tout a été fait en fonction de l’enveloppe qu’on
nous a donnée. Après pour nos autres projets on essaye toujours de travailler avec
des outils qui coûtent peu cher. Lorsqu’on a eu besoin d’utiliser de la réalité augmenté
on a travaillé avec une application pré-conçue (Aurasma) qui coûtait moins d’une dizaine
d’euros. Il ne faut pas effrayé les enseignants parfois technophobes, et leur montrer
que s’ils veulent refaire cette activité une autre année c’est quelque chose
de financièrement abordable, il faut que ce soit à leur portée. Il ne faut pas oublier
que les régions équipent les classes de plus en plus avec des tablettes, des ordinateurs
et autres outils numériques.
Mais cela ne représente-t-il pas une inégalité entre les régions
qui sont moins équipées ?
D’un côté si. Mais il faut savoir que récemment l’Éducation Nationale a créé un pôle
numérique et puisque les écoles primaire sont gérées par les municipalités elles
peuvent plus facilement demander à débloquer des fonds pour le développement
d’activités numériques. Ça se développe de plus en plus. L’avenir de l’école c’est d’aller
vers des outils de plus en plus maniables et collaboratifs.
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Pinch
Traduit de l’anglais par « pincer ». Sur un écran tactile cela
correspond à la gestuelle où l’utilisateur rapproche deux doigts. Pour
agrandir une image par exemple.
Bits
Le bit est un chiffre binaire, c’est à dire 0 ou 1. Il est donc aussi
une unité de mesure en informatique, celle désignant la quantité
élémentaire d’information représentée par un chiffre du système
binaire.
Cloud computing
Le cloud computing est une manière de fournir et d’utiliser les
aptitudes des systèmes informatiques, qui est basée sur les ‘nuages’ :
un parc de machines, d’équipement de réseau et de logiciels
maintenu par un fournisseur, que les consommateurs peuvent
utiliser en libre service via un réseau pour échanger ou stocker des
données. Quelques services connus: google drive et dropbox.
User friendly
Une interface est qualifiée de “user friendly”
lorsqu’elle est conviviale pour ses utilisateurs finaux.
Affordance
La capacité d’un système ou d’un produit à suggérer sa propre
utilisation. C’est un concept imaginé par James J. Gibson
dans les années 1970.
Instance
Synonyme d’une entité unique qui comporte des qualités propres.
Elle peut être dupliquée mais chacune des copies se réfère à l’entité
initiale. Dans le jeu Risk par exemple un seul pion peut remplacer
plusieurs pions de niveau inférieur.
Multitouch
Une interface est multitouch lorsqu’il est possible d’utiliser plusieurs
doigts pour la contrôler, ou lorsque plusieurs utilisateurs peuvent
interagir sur la même surface simultanément. Cette notion s’oppose
au single touch qui fonctionne avec un seul doigt.
Engagement
Dans le contexte cognitif, l’engagement est la combinaison
de l’attention et de la concentration de l’utilisateur
vis-à-vis d’une activité.
lexIQue
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Gameflow
C’est le déroulement d’un jeu. Un gameflow équilibré varie la
difficulté d’une épreuve pour ne pas être linéaire et il n’est
ni trop difficile, ni trop facile, il est adapté aux attentes du joueur.
Incrémentation
En informatique, l’incrémentation est l’opération qui consiste
à ajouter une valeur à un total. Dans le contexte du travail cela
se traduit par le fait de travailler étape par étape en ajoutant des
nouvelles connaissances à chaque tentative afin de progresser.
Input et Output
L’output est le périphérique de sortie qui permet de constater
le résultat d’une action effectuée via un input. Par exemple
sur un ordinateur portable, l’input est le clavier et l’output
est l’écran. L’output n’est pas exclusivement visuel, il peut peut
aussi être sonore.
Interface organique
Interface sur un dispositif d’affichage qui peut se plier,
changer de forme en fonction d’une donnée informatique
ou bien changer de forme par lui-même.
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2. MINOIS Georges, Les grands pédagogues, Du Seuil, 2006, p.9-10
3. KOZANITIS Anastassis, Historique de l’approche de l’enseignement, Bureau d’appui pédagogique Ecole Polytechnique, 2005, [en ligne] http://www.polymtl.ca/bap/docs/documents/historique_approche_enseignement.pdf
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5. CRAHAY Marcel, Psychologie de l’éducation, Quadrige, 1999
6. ASTOLFI Jean-Pierre, L’erreur, un outil pour enseigner, Broché, 2011
7. REASON James, L’erreur humaine, Presses Universitaires de France, 1993
8. SCALA, 1995, p. 23
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10. BOIMARE Serge, L’enfant et la peur d’apprendre, Dunod, 2000
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12. LALLEMANT Patrick, 5 questions à Jean-Pierre Astolfi : l’erreur, source d’apprentissage, 30 avril 2004, [en ligne] http://www.vousnousils.fr/2004/04/30/hors-serie-recherche-appliquee-2105-questions-a-jean-pierre-astolfi-lerreur-source-dapprentissage-246821
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14. SARFATI Anne-Cécile, BRUNET Christine, Petits tracas et gros soucis de 1 à 7 ans : Quoi dire, quoi faire?, Broché, 2002
15. Définition du Larousse [en ligne]
16. HORNECKER Eva, What are Tangible Interfaces, 2004, [en ligne] http://www.ehornecker.de/Tangibles.html
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19. Vidéo d’explication [en ligne] https://vimeo.com/19930744
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21. Vidéo [en ligne] https://www.youtube.com/watch?v=V-TGEe-Imro
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53. ZANON Olivier, Dématérialiser ses données : quels sont les risques ?, 7 septembre 2011, article [en ligne] http://www.journaldunet.com/solutions/expert/50139 dematerialiser-ses-donnees---quels-sont-les-risques.shtml
54. Interview avec l’équipe de Qleek.me
55. CHAMPEAU Guillaume pour Numerama, Vincent Peillon crée la Direction du numérique pour l’éducation (DNE), 18 février 2014, [en ligne] http://www.numerama.com/magazine/28463-vincent-peillon-cree-la-direction-du-numerique-pour-l-education-dne.html
56. Teaser de l’installation Wall of Rain [en ligne] https://vimeo.com/96439425
57. Teaser du projet Simulation paléontologique [en ligne] http://youtu.be/oMIdRU583nE
58. Interview avec l’équipe du projet Lunii
Dans ce mémoire, les fontes utilisées
sont les suivantes :
Titres : Frutiger LT Std 45 Light corps 16
Intertitres : Frutiger LT Std 75 Black corps 12
Texte courant : Mrs Eaves XL Serif corps 10
Notes : Mr Eaves Mod OT corps 8
Dossier de recherche
imprimé en Juin 2014 à Paris.
Le format choisi est celui d’un iPad : 240 x 185 mm.
Cela permet d’évoquer l’objet qui peut être sublimé
et par lequel on accède en le manipulant.
« Les livres sont des secrets échangés dans la nuit »
Citation de Christian Bobin, écrivain français.
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