Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

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DOSSIER DE RECHERCHE DANS LE CHAMP DE L’INTERNET DES OBJETS. Charles Bail

description

Before starting my design school I went to Lyon III University. I started to study geography and I wanted to become a teacher. I’m still very interesting in education and learning methods. I’m also really interested in objects: connected objects, object design. That’w why I decided to make a study on the relation between tangible interfaces and the role they play in learning.

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Dossier De rechercheDans le champ De l’internet des objets.

Charles Bail

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e-artsup 2013-2014

Filière Design de l’interaction dirigée par Nicolas Baumgartner.

e-artsup n’endosse pas la responsabilité du contenu développé dans ce dossier. Il appartient à son auteur.

Dossier De rechercheDans le champ De l’internet des objets.

Les interfaces tangibles favorisent-elles

la pédagogie de l’enfant ?

Charles Bail

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Introduction ............................................................................. p.1

I. La pédagogie et ses enjeux ..................................................... p.31.1 Survol de la pédagogie

1.2 Le droit à l’erreur

1.3 Le développement cognitif

II. Les interfaces utilisateurs tangibles .....................................p.152.1 L’émergence des interfaces tangibles

2.2 Les TUIs face aux GUIs

III. Aujourd’hui : Les TUIs comme vecteurs d’apprentissage ............................................. p.29

3.1 Contexte : de nouvelles formes de pédagogie

3.2 Les TUIs dans les systèmes pédagogiques

3.3 Des limites

3.4 Quel avenir pour les TUIs ?

3.5 Conclusion ?

Annexes .................................................................................. p.55Interview de Michael Stora

Interview de l’équipe de Qleek.me

Interview de l’équipe du projet Lunii & Luniilab

Lexique

Références

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IntroductIonL’Homme émet toujours plus de données. Connecté à internet, son quotidien

est parfois partagé sans même qu’il ne s’en aperçoive. L’effervescence des objets

connectés laisse à penser qu’il a besoin d’un retour au réel, qu’il a besoin de ‘saisir’

ce qu’il a dématérialisé.

Avec pour fil directeur la pédagogie, ce dossier présente des principes

fondamentaux du développement de l’enfant, futur adulte s’appropriant le monde.

Ce sera aussi l’occasion de découvrir les précurseurs qui ont cherché a créer des

interfaces tangibles et en quoi elles répondent ou non aux attentes des utilisateurs.

Grâce à cela il sera possible de replacer le tangible dans un contexte actuel,

celui de « l’internet des objets » et d’aboutir à une proposition de projet pour

répondre à cette problématique.

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1Chapitrela pédagogie & ses enjeux

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Qu’est-ce Que la pédagogIe ?Le sens du terme ‘pédagogie’ a évolué depuis

la Grèce antique à nos jours. Il vient du grec

ancien paidagogia qui signifie « mener, conduire,

élever1 ». Si aujourd’hui on considère la pédago-

gie comme l’action de transmettre un savoir sou-

vent avec un rapport maître/élève, la définition

stricte faire référence à la personne qui soutient

l’enfant dans sa démarche d’apprentissage et

veille à son éducation, aussi bien lors des cours et

des devoirs mais aussi dans son environnement

de tous les jours.

L’enfant grec était souvent accompagné par un

esclave qui le protégeait et lui donnait des conseils,

se servant de ses propres connaissances et expé-

riences qu’il transmettait ensuite au plus jeune.

La pédagogie est donc la transmission des

connaissances mais aussi un ensemble de méthodes

et de processus éducatifs qui permettent à l’enfant

et aux adolescents de se construire2. Tout comme le

mot ‘pédagogie’, ces méthodes ont varié au cours

de l’histoire selon des influences culturelles ce

qui a engendré des questionnements sur le rôle

de l’enseignement et du rapport d’autorité entre

les différents acteurs du processus d’éducation,

sur les méthodes d’apprentissage ainsi que sur

le contenu des cours.

Survol de la pédagogie1.1

1. Définition du Larousse

2. MINOIS Georges, Les grands pédagogues, Du Seuil, 2006, p.9-10

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dIfférents types de pédagogIe500 ans avant J.-C., Socrate et Aristote avaient émis

des hypothèses en désaccord. Le premier défendait

un courant rationaliste basé sur des faits vérifiables

et qui faisait appel à la Raison de l’Homme. Le second

prônait une démarche empirique en partant de faits

vérifiés qui amenaient l’homme à des conjectures.

Les experts en science de l’éducation ont remar-

qué l’émergence de quatre courants principaux

à partir du XXe siècle3.

Les adhérents au courant constructiviste établi

par Jean Piaget, expert en psychologie du déve-

loppement et en épistémologie, considèrent que

l’enfant apprend grâce à ses actions. Il acquiert

un savoir en contournant des obstacles imposés

par l’enseignant lors d’exercices. Grâce à ses expé-

riences précédentes, il est capable d’en découvrir

de nouvelles et se construit peu à peu4.

Les socio-constructivistes insistent sur la néces-

sité de créer un dialogue entre les différents élèves

afin que leurs avis convergent ou qu’ils diffèrent.

Cela se matérialise sous la forme d’exercices de

groupes et de débats par exemple. Ainsi l’obstacle

peut être immatériel (il aurait pu apparaître sous

la forme d’un mur dans un jeu) lors d’un désaccord

par exemple où des avis s’opposent4.

3. KOZANITIS Anastassis, Historique de l’approche de l’enseignement, Bureau d’appui pédagogique Ecole Polytechnique, 2005, [en ligne]

4. LIEURY Alain, DE LA HAYE Fanny, Psychologie cognitive de l’éducation, DUNOD, 2009, p. 13 - 34

Aristote dans un détail de la fresque L’École d’Athènes du peintre Raphaël

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En simplifiant il est possible de dire que le

processus cognitiviste suggère un rapproche-

ment entre le raisonnement d’un humain et celui

d’une machine. L’enfant associe ses acquis à des

éléments qu’il perçoit. Puis il les range et les trie.

Lorsqu’il rencontre les mêmes facteurs déclen-

cheurs il fait appel à son savoir et sait où chercher

de la même manière qu’un ordinateur traite des

données informatiques5.

Enfin les ‘behavioristes’ ou ‘comportemen-

talistes’ modèlent l’enfant en aménageant l’es-

pace dans lequel il évolue. Il est souvent motivé

par une récompense proportionnelle à l’objectif.

C’est souvent un enseignement individuel qui per-

met à l’enseignant de suivre les élèves au cas par

cas et de procéder à des négociations : sur l’emploi

du temps ou le type d’exercice par exemple. Mais ce

modèle suggère le manque d’autonomie de l’élève

qui a un parcours trop jalonné.

La notion de pédagogie semble ne pas se

résumer à l’exacte définition d’un dictionnaire.

Elle est plutôt le fruit de constantes mutations

qui se traduisent par le nombre de courants

pédagogiques qui existent. Il possible de voir que

certains axes de réflexion sont radicalement opposés

et ne proposent pas les mêmes solutions en terme

de contenu de cours et d’objectifs à atteindre.

Néanmoins d’un point de vue de designer cela

peut être considéré comme une richesse car il est

possible d’étudier des réponses différentes

à des problématiques comunes autour d’utilisa-

teurs : l’élève,les parents et l’enseignant.

Que sIgnIfIe « se tromper » à l’école ?Jean-Pierre Astolfi est un spécialiste français de la

didactique des sciences qui a établi une liste d’er-

reurs. Dans sa recherche il évoque l’erreur de

compréhension de la consigne6. Elle peut relever

d’un manque de lexique qui a empêché l’élève

le droit à l’erreur1.2

5. CRAHAY Marcel, Psychologie de l’éducation, Quadrige, 1999

6. ASTOLFI Jean-Pierre, L’erreur, un outil pour enseigner, Broché, 2011

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sur ce qu’on croit connaître. Un élève qui ne sait

pas additionner ne fait pas d’erreurs d’addition

et celui qui ne sait pas écrire ne commet pas

de fautes d’orthographe. C’est une banalité. Toute

erreur suppose et révèle un savoir 8».

se tromper peut être perçu comme une peurL’élève peut se sentir responsable au point qu’il

développe une ‘phobie de l’erreur’. Cela vient du

fait que l’enseignement moderne considère trop

souvent que si les conditions d’enseignement,

les performances de l’enseignant et la motivation

de ses élèves sont favorables, alors il n’y aura pas

d’erreur9. Ce genre de pensée est de plus en plus

condamné, considéré comme « archaïque » par

Daniel Favre. Serge Boimare, directeur pédagogique

et administratif du Centre Médico-psychologique

Claude Bernard à Paris, parle du sentiment de

« persécution » des élèves qui « s’auto-dévalorient ».

Il en résulte un blocage de l’élève vis-à-vis de l’en-

seignement mais aussi vis-à-vis de lui-même dans

la conception qu’il a de son Soi10.

Ce processus est parfois renforcé en appliquant

une sanction, très souvent sous la forme d’une note

matérialisée par la fameuse encre rouge, agressive.

de s’approprier l’objectif. Ou bien la surcharge

cognitive lorsque l’apprenant traite un flux trop

important d’informations.

Le psychologue ergonome James Reason a pré-

cisé ces types d’erreurs en parlant des « lapsus » lors–

qu’il s’agit de la mauvaise application d’un schéma

d’actions dans une matière, de « ratés » quand

il a échoué à traiter l’information (par inattention

ou par difficulté à canaliser toutes les données d’un

problème mathématique par exemple) et enfin

les « fautes » lorsqu’il procède à une mauvaise utili-

sation de ses connaissances7.

Avec ces raisonnements l’erreur est plutôt consi-

dérée comme une conséquence plutôt qu’une cause.

Elle trouve son origine dans le travail de l’élève

mais elle peut être la conséquence de la trans-

mission d’une mauvaise méthodologie employée

par l’enseignant ou bien encore d’une mauvaise

formulation de la consigne. Cela peut être aussi

la conséquence des outils utilisés : si un apprenant

est mal à l’aise avec l’informatique il aura déjà des

informations supplémentaires à traiter en plus

d’utiliser un clavier et une souris avec lesquels il

n’est pas familier, ce qui signifie qu’il serait judi-

cieux d’anticiper les erreurs dans la création des

exercices. Trop souvent les élèves se sentent res-

ponsables et pensent avoir un manque de savoir,

« L’erreur n’est pas l’ignorance, on ne se trompe

pas sur ce qu’on ne connaît pas, on peut se tromper

7. REASON James, L’erreur humaine, Presses Universitaires de France, 1993

8. Scala, 1995, p. 23

9. SANA Thibault et BAYLOT Virginie, Fiche de lecture sur «L’erreur, un outil pour enseigner» de Jean-Pierre Astolfi, Université de Provence, [en ligne]

10. BOIMARE Serge, L’enfant et la peur d’apprendre, Dunod, 2000

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de l’exprimer, plutôt que des stries rouges sur

une feuille à carreaux. Ne pas noter un exercice

de façon dégressive en regardant quels points ont

été validés mais en observant le comportement de

l’élève face au problème et la façon dont il a utilisé

ses connaissances pour le résoudre, ou non.

On parle d’ailleurs du ‘zéro pointé’ qui est éli-

minatoire. Une fois encore les avis varient entre

les différents courants de pensée mais le minis-

tère de l’Éducation nationale se rend compte des

limites du système de notation11. Il faudrait donc

re-concevoir l’image de l’erreur et la manière

L’information scolaire, Robert Doisneau, 1956

11. Le point, Les zéros pointés en dictée, une pédagogie pas très efficace, 10 avril 2014, [en ligne]

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courant constructiviste et de la création de schémas.

L’erreur est alors positivée est c’est un travail in

situ et une interaction entre l’enseignant et l’élève

(ou entre les élèves) qui permettent d’avancer. « Se

raviser et se corriger, abandonner un mauvais parti,

sur le cours de son ardeur, ce sont qualités rares,

fortes et philosophiques » disait Montaigne dans

les Essais.

De mon point de vue, changer l’interaction entre

l’élève et l’enseignant c’est aussi repenser le rôle de

ce dernier. Il peut paraître inaccessible puisque

dans les yeux d’un enfant, c’est lui qui détient le

savoir. Parfois il impressionne, il effraie et pour ces

raisons il n’est pas imitable par les enfants12 qui le

considèrent comme supérieur. Le type de feedback

qu’il utilise peut l’aider mais aussi la forme de ses

cours où il aura un statut de conseiller et d’au-

xiliaire plus que de « juge » en élaborant des jeux

comportant des énigmes par exemple.

L’erreur apparaît donc comme une source de

connaissance car elle permet au professeur comme

à l’élève de vérifier leurs méthodologies. Elle créé de

l’interaction et se rend nécessaire à l’apprentissage.

De plus l’enfant agit plus en autonomie. Il y a plusieurs

se tromper pour mIeux comprendre : traItement de l’erreurJustement, l’élève ne résout pas le problème dans

tous les cas ou bien il se trompe pour diverses

raisons comme je l’ai développé précédemment

et il faut lui indiquer qu’il s’est trompé. Un enfant

devrait être préparé à affronter un problème dont

il n’a pas la solution et ne pas s’affoler mais être

en condition pour travailler, c’est-à-dire émettre

des hypothèses, les tester et les vérifier.

Marcel Crahay, professeur de pédagogie théori-

que et expérimentale, considère qu’il existe trois

manières d’appréhender l’erreur5. Il y a le « feed-

back simple » qui consiste à simplement signaler

sa présence, le « feedback expliqué » où l’enseig-

nant donne déjà une réponse à l’élève et enfin le « feed-

back de contrôle » où l’élève est invité à vérifier

son résultat. C’est dans ce dernier cas où l’enfant

fonctionne en autonomie et intègre un processus

de validation de son résultat. Le professeur ne fait

pas le travail à la place de l’élève mais il lui donne

simplement une piste. L’enfant peut retracer son

parcours de réflexion et s’il y avait une erreur dans

le résultat, il peut abandonner cette méthode de

réflexion pour une nouvelle qui lui donne des

résultats plus justes — ce qui se rapproche plus du

12. LALLEMANT Patrick, 5 questions à Jean-Pierre Astolfi : l’erreur, source d’apprentissage, 30 avril 2004, [en ligne]

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apprendre par l’actIonLes premiers mois de l’enfant montrent à quel point

l’Homme est sensible aux objets. Son œil est attiré

par le balancement d’un jouet suspendu au-dessus

de son berceau. Il va essayer de le saisir. S’il arrive

à le décrocher il va essayer de le porter à la bouche.

Puis, ayant compris le mécanisme, il va le répéter

sur d’autres objets à sa portée. Il se construit grâce

à la découverte et assimile petit à petit des connais-

sances qu’il va appliquer à d’autres domaines

en grandissant et même plus tard en tant qu’adulte.

Contrairement à l’étude moléculaire développée

précédemment, le calcul est une notion abstraite.

On pourrait penser que le simple fait de prototy-

per facilite la compréhension dans tous les cas,

moyens d’exprimer la présence d’une erreur

mais souvent les méthodes utilisées participent

aux « violences » de l’éducation. Mais ne serait-ce

pas plus facile pour un enfant ou un adolescent

de voir s’il y a une erreur en comparant un puzzle

ou un assemblage de cubes avec un modèle par

exemple ? Cela lui permettrait de se tromper plus

vite et de faire plusieurs tentatives facilement. Les

modèles moléculaires sont enseignés parfois dès

le collège puis au lycée grâce à des maquettes avec

lesquelles il est possible d’interagir afin de mieux

comprendre le fonctionnement des molécules.

Ce genre de méthode doit-elle être réservée aux

notions dites complexes alors que dès l’entrée au

collège certains ‘décrocheurs’ peinent à calculer

avec des nombres négatifs ? Mais existe-t-il des

méthodes qui favorisent l’apprentissage ?

le développement cognitif & leS méthodeS pour favoriSer l’apprentiSSage1.3

Illustration : maquette de molécules

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or parfois cela provoque une perturbation. Ainsi

pour étudier les fractions ce n’est pas évident

d’imaginer un gâteau que l’on coupe car l’œil

humain peut difficilement faire la distinction4

entre une part qui représente 1/20 et une autre

qui représente 1/21.

Popup book, illustration de Lorelyn Medina

13. Article universitaire [en ligne]

apprendre par l’ImageIl est généralement dit que la sensibilité de chacun

face à l’art et aux images varie. Mais elle provoque

généralement une réaction, que l’on apprécie

ce que l’on a sous les yeux ou non. Ainsi l’image

est un atout qui peut enrichir voir compléter une

explication. L’illustration a une fonction immer-

sive et donne le ton. Mais pour être efficace dans

la pédagogie l’image doit être liée à un vocabulaire

qui permet de la décoder. Ainsi par la suite il est

plus facile de se référer à un mot par une représen-

tation iconique, mais cela implique d’avoir aupa-

ravant rencontré ce mot pour lui associer ensuite

l’image. C’est la théorie du « double codage » déve-

loppée par le Canadien Allan Paivio13.

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de façon juste ou en trichant. Dans ce cas-là il sera

sanctionné mais c’est ce qui lui permet d’intégrer

les règles de comportement en société14.

Cette réflexion sur le développement cognitif de

l’enfant démontre que ses besoins et sa manière de

faire évoluent. Il se lasse souvent d’un objet une fois

qu’il a compris son fonctionnement et en découvre

un autre. Car l’enfant est curieux et il prouve

au fur et à mesure qu’il grandit qu’il a besoin de

diversifier ses activités pour s’épanouir et s’intégrer

au monde. Il devient ensuite un élève qui doit res-

ter curieux pour progresser. S’il y a un désintérêt,

c’est peut-être parcequ’au-delà d’une récompense

il a besoin de motivation constante. Le jeu, les

images, les expériences doivent être attrayantes

et donner envie afin de combler les attentes

et d’en créer de nouvelles. Elles lui permettent de

s’immerger plus facilement et de pouvoir mettre

des mots sur des images.

apprendre par le jeuDans ses recherches, Jean Piaget distingue quatre

catégories de jeux distinctes :

◊ le jeu de manipulation :  par répétition et

assimilation l’enfant se fait une expérience du

monde dans lequel il vit. Comme dans l’exemple

cité avant, cela peut être le fait de taper dans une

balle ou de tirer.

◊ le jeu symbolique : l’enfant a pris conscience

des personnes qui l’entourent et cherche à repro-

duire leurs actions, piochant à droite et à gauche

des schémas de comportement qu’il a observés.

◊ le jeu organisationnel : aussi appelé « jeu de

règles » c’est un mode de jeu coopératif où chaque

enfant tient un rôle bien défini et où des règles sont

fixées.

◊ le jeu de construction : il témoigne des capa-

cités autonomes de l’enfant. Il empile des LEGO,

teste par lui même, émet des hypothèses, con-

state des erreurs. Il fait un travail sur son aptitude

à prendre des décisions, en sollicitant de moins

en moins l’aide d’un adulte.

Une fois encore l’aspect social et l’interaction

sont mis en avant. L’enfant peut gagner ou perdre,

14. SARFATI Anne-Cécile, BRUNET Christine, Petits tracas et gros soucis de 1 à 7 ans : Quoi dire, quoi faire?, Broché, 2002

Une pièce de LEGO

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2Chapitreles inter- faces utilisateurs tangibles

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le tangIble en QuelQues mots« Qu’on connaît par le toucher ; matériel, sensible15 »

Le tangible est quelque chose, c’est une matière

palpable qui donne des sensations. Cela peut être

un objet. Il y a donc un rapport physique car l’objet

est manipulé mais aussi une dimension cognitive

car cela va jouer sur la perception de l’utilisateur

face à l’objet et à son environnement.

2.1

15. Définition du Larousse [en ligne]

16. HORNECKER Eva, What are Tangible Interfaces, 2004, [en ligne]

Qu’est-ce Qu’une Interface tangIble ?Une interface tangible est un intermédiaire qui

permet d’intervenir sur un contenu réel ou virtuel.

Les actions de l’utilisateur lui permettent d’agir soit

dans le réel soit dans le virtuel grâce à des objets

physiques aussi appelés tokens. Ils sont la représen-

tation physique d’une information virtuelle.

Eva Hornecker, professeur à l’université du

Bauhaus à Weimar en Allemagne, définit les inter-

faces tangibles comme un moyen de créer de l’im-

mersion dans l’expérience. Ce qui se passe dans

l’espace réel a un parallèle virtuel16, on parle alors

de cœxistence de ces éléments dans un « espace

interactif ». Les tokens subissent les lois de la physique,

l’émergence deS interfaceS tangibleS

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ils peuvent donc tomber, rouler, rebondir et même

se casser. Leur manipulation a une répercussion

dans le monde virtuel. L’utilisateur a plus de faci-

lité à s’approprier l’objet et sa représentation vir-

tuelle car il a des réactions naturelles qu’il a déjà pu

observer auparavant, ou qu’il vient d’étudier.

Il existe plusieurs types d’interfaces tangibles.

Aussi, il est important de pouvoir les distinguer

lorsque nous étudierons des projets de plus près.

Je me suis basé sur les propos de Brygg Ullmer17

qui distingue :

◊ les surfaces interactives : là où les utilisateurs

manipulent des objets physiques sur une surface

de projection. Par exemple le projet Urp qui sera

détaillé plus tard.

◊ les ensembles de constructions : ils sont com-

parables aux LEGO, ils sont souvent utilisés pour

faire l’analogie avec la construction (construction

d’une maquette d’un bâtiment par exemple). Ils

sont modulables et ils permettent de créer diffé-

rentes combinaisons. Par la suite nous aborderons

le projet i-Cube qui fait partie de ce type d’interface.

◊ les tokens et les contraintes :  les tokens sont

la matérialisation d’une information, cette infor-

mation est manipulée dans une certaine struc-

ture appelée « contrainte ». C’est le principe de la

Marble Answering Machine, un projet qui sera présenté

plus tard dans le dossier.

17. ULLMER Brygg, Tangible Interfaces for Manipulating Aggregates of Digital Information, M.I.T., 2002, [en ligne]

De gauche à droite : surface interactive, ensemble de constructions, tokens et contraintes

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Un enfant travaille avec la première tortue sans fil nommée Irving, photo de Wallace Feurzeig, 1970

les précurseurs et leurs projetsCette partie s’intéresse aux projets de plusieurs pré-

cursseurs parmi d’autres. Dans la première moitié

du XXe siècle aux États-Unis d’Amérique, le modèle

pédagogique dominant est le modèle progressiste,

proche des théories de Jean Piaget et du construc-

tivisme. Comme il a été dit précédemment les

modèles pédagogiques sont liés à l’environnement

socio-culturel d’un pays. Avec l’arrivée de « l’ère

spatiale » dans les années 60 suite au lancement

de Spoutnik par l’urss beaucoup ont voulu mettre

l’accent sur l’importance des mathématiques et de

la physique afin de tendre vers l’innovation.

Seymour Papert, Wallace Feurzeig, et Daniel

Bobrow ont mis au point LOGO (du grec « mot »)

un programme destiné aux plus jeunes pour

apprendre à programmer. LOGO a été conçu pour

être intuitif, permettre un débogage facile et favo-

riser la communication de groupe. Les enfants pro-

grammaient et déplaçaient une tortue robotisée.

Cette tortue laissait un tracé qui permettait aux

enfants de visualiser le résultat en temps réel de

leur code. Ainsi beaucoup de ces élèves ont appris

les concepts de base des fonctions et des variables18.

18. CHAKRABORTY Anit, GRAEBNER Randy, STOCKY Tom, LOGO : A Project History, 10 décembre 1999, [en ligne]

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20

exemple il suffit de placer une « brick » dans deux

coins diagonalement opposés et de les écarter, c’est

l’équivalent du ‘pinch’ de nos jours.

Hiroshi Ishii22 est le fondateur du Tangible

Media Group. Il voulait sublimer les « graspable

interfaces ». Il considérait que l’utilisation d’objets

ap partenait au domaine du réel mais qu’il était

possible d’aller plus loin en altérant le réel. En

comparaison avec le travail de George Fitzmau-

rice par exemple, effectuer un ‘pinch’ réduirait

réellement une feuille de papier si la pensée de

Ishii était interprétée de façon littérale. D’ailleurs

n’avait-on pas déjà développé de tels procédés en

créant les post-it, pouvant ainsi écrire des notes sur

des papiers que l’on pouvait fixer, enlever, dépla-

cer et grouper ? Ainsi le monde lui-même serait

une interface, c’est ce qu’il a nommé « tangible bits ».

En découlent trois principes clefs23 :

◊ transformer les surfaces en surfaces interac-

tives qui font l’interface entre le réel et le virtuel.

◊ lier des objets de la vie de tous les jours avec des

informations digitales ; “coupling of bits and atoms”.

◊ amplifier l’immersion et recréer un envi-

ronnement cohérent avec les informations grâce à

« l’ambient media » c’est-à-dire utiliser de la lumière,

du son des éléments naturels et de scénographie.

L’élément d’interface était à leur portée et de façon

symbolique ils pouvaient se l’approprier plus faci-

lement (l’utilisation d’un animal leur plaisait).

Dans le projet « Marble Answering Machine » de

Bishop en 1992, les appels manqués d’un télé-

phone apparaissaient sous la forme de billes.

En remettant la bille à l’intérieur de la machine,

le téléphone procédait à un rappel automatique19.

Une image plus actuelle serait celle des ‘crimes

prémédités’ représentés aussi par des billes dans

le film Minority Report. C’est un peu comme une

enveloppe corporelle pour l’information, cette

dernière devient sujette à la manipulation de l’uti-

lisateur. La structure qui génère les billes, qui les

font se déplacer d’un point A à un point B et revenir

à un point C est appelée « contrainte ».

En 1995 George Fitzmaurice s’est intéressé à

ce qu’il a appelé les « graspable interfaces20 ». Il a

développé une interface graphique manipulable

grâce à des blocs (souvent appelés « bricks ») posés

sur un écran21. Ainsi les actions de l’utilisateur

étaient directement reproduites sous ses yeux.

Cette expérimentation s’est faite pour s’appliquer

à des domaines comme l’architecture ou la gestion

de plannings et elle est à l’origine de la gestuelle

tactile d’aujourd’hui. Pour réduire un élément par

19. Vidéo d’explication [en ligne]

20. FITZMAURICE George, Graspable User Interfaces, University of Toronto, 1996, [en ligne]

21. Vidéo d’explication [en ligne]

22. Article du M.I.T. [en ligne]

23. ISHII Hiroshi et ULLMER Brygg, Tangible Bits : Towards Seamless Interfaces between People, Bits and Atoms, Proceedings of CHI, mars 1997

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21

Les interfaces tangibles établissent un lien entre

le réel et le virtuel par le biais d’objets physiques.

Les précurseurs ont essayé différentes approches

en répondant à des problématiques d’usage en

lien avec le contexte socio-culturel de leur époque,

c’est-à-dire à un besoin. Cela s’applique à différents

domaines notamment à l’éducation (projet LOGO)

afin de faciliter l’apprentissage de certains conte-

nus pour des utilisateurs spécifiques. Ils ont voulu

Il a développé avec ses élèves le projet Urp24 conçu

pour répondre à des problématiques d’urbanisme.

Grâce à une table qui supportait une project et

des blocs symbolisant des bâtiments. Urp permet-

tait d’afficher la circulation du vent ainsi que les

ombres projetées par les constructions. Le proto-

type offrait aussi la possibilité de modifier la vitesse

du vent et l’heure de la journée pour analyser le

déplacement des ombres au fil du temps.

Photograhie du projet Urp,l’ombre des bâtiments ainsi que l’affichage du vent (traits blancs) sont générés par la projection

24. ISHII Hiroshi, UNDERKOFFLER John, Urp : A Luminous-Tangible Workbench for Urban Planning and Design, 1999, [en ligne]

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22

De nos jours les ordinateurs dominent. Tout est pixel, intangible, vous pouvez voir mais vous

ne pouvez rien toucher

Hiroshi Ishii s’exprime d’ailleurs en ces termes

en faisant une analogie entre les interfaces et les

fonds marins :

“These days computers dominate. Everything is pixels, intangible, (...)

you can see but you can’t touch”

sublimer le statut de ces objets et celui des infor-

mations. Certains comme Ishii associent même les

« bits aux atomes ». Utiliser des interfaces tangibles

c’est aussi conserver la capacité de l’Homme à utili-

ser ses sens et une gestuelle naturelle. Aujourd’hui,

la société dans laquelle nous vivons semble plongée

dans le numérique et la dématérialisation au profit

du cloud computing, de la communication à distance,

de la simulation. Cependant beaucoup de cher-

cheurs et de designers sont animés par la volonté

de ramener le tangible au premier plan.

De nos jours les ordinateurs DOMINENT. Tout est pixel, intangible,

vous pouvez voir mais vous ne pouvez rien toucher

Page 29: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

23

différence avec leS Graphic User interfaces

défInItIonLa majeure partie des interfaces que nous rencon-

trons tous les jours sont des interfaces graphiques

(GUIs ; pour Graphical User Interfaces). Les inter-

faces graphiques sont la représentation, sous forme

de pictogrammes et de visuels, d’un environne-

ment digital sur un écran. Elles sont l’intermédiaire

entre un utilisateur et les informations contenues

sur un ordinateur. Il est possible de manipuler ces

éléments grâce à un pointeur comme une souris.

Contrairement aux interfaces tangibles les inter-

faces graphiques sont manipulées exclusivement

grâce au pointeur qui permet de faire des actions

sur des icônes, des fenêtres ou des boutons.

avantages des guIsCe type d’interface comporte des avantages pour la

pédagogie. Premièrement, elle permet aux utilisa-

teurs avec une faible connaissance en informatique

de s’approprier l’environnement. Il est donc pos-

sible de créer une interface en fonction des aptitu-

des de l’élève.

Si l’interface est graphiquement réussie elle

con tribuera à l’immersion de l’élève dans un

2.2

Illustration : capture d’écran de l’interface de Windows 8

Page 30: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

24

préférer les tuIs aux guIsBien qu’il y ait des avantages à utiliser les GUIs il y

néanmoins des désavantages et des limites. Les élé-

ments affichés qui peuvent être ‘actionnés’ n’existent

pas dans l’espace de l’utilisateur. Ils sont derrière une

vitre, même si le doigt peut les atteindre il reste une

barrière entre ces deux mondes. Il y a un déficit en

ressenti. L’ajout de vibrations ou d’autres retours de

force cela n’égale pas les sensations que nous avons

en touchant un objet.

S’il est possible de parler de l’affordance d’un élé-

ment d’interface, c’est en fait une représentation

exclusivement visuelle de son utilisation à l’instar

d’un objet physique qui a une texture, une forme.

Cela ne peut égaler l’affordance d’un objet physique

comme le dit Brigg Ullmer25.

Le temps est précieux et comme dit précédem-

ment il faut miser sur l’instantanéité. Mais n’est-ce

pas contre-productif de devoir rebrousser che-

min clique par clique parmi tous les menus d’une

arborescence lorsqu’il faut revenir à l’état initial du

menu ? L’utilisation est beaucoup plus séquentielle,

les actions se suivent les unes à la suite des autres

alors que la manipulation d’un objet permet une

intervention directe. De plus la génération d’ani-

mation ou le chargement d’un contenu dépend des

contexte de travail. Comme énoncé dans l’expli-

cation du développement cognitif, il est plus facile

de travailler dans un environnement qui plaît car

même si au premier abord l’enfant rechigne à l’idée

de devoir apprendre quelque chose, il aura plus

de chance d’être séduit par l’univers graphique

car cela fera appel à ses goûts, il sera donc plus

motivé :  c’est une interface user-friendly. De plus,

une interface réussie est aussi une interface qui

respecte le principe d’affordance. C’est-à-dire que

son apparence suggère son utilisation. L’utilisateur,

en voyant une icône ou un bouton doit savoir ce qui

l’attend s’il clique.

L’instantanéité est aussi un enjeu. Généralement

nos actions dans la vie de tous les jours nous pro-

curent un ressenti immédiat. Il faut que l’inter-

face utilisée soit aussi rapide pour ne pas frustrer

l’utilisateur. Il n’y a pas de mécanismes physiques

compte tenu du fait que c’est un espace virtuel,

ainsi il est plus facile d’imaginer des mécanismes

ou des animations complexes difficiles à repro-

duire dans le réel.

Enfin les GUIs sont aussi utiles pour la gestion

d’un grand nombre d’instances. Un dossier peut

contenir des milliers de dossiers contenant eux

aussi des milliers de fichiers. Difficiles à représen-

ter dans le monde réel ils sont pourtant présents et

accessibles dans cette interface virtuelle. Beaucoup

plus de contenu peut être géré.

25. ULLMER Brygg, Tangible Interfaces for Manipulating Aggregates of Digital Information, M.I.T., 2002, p.22, [en ligne]

Page 31: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

25

l’utIlIsatIon des tuIs n’exclut pas le vIrtuelEnfin nous pouvons aussi voir ici le manque

d’influence des actions sur le monde qui nous

entoure. Si la réussite d’une épreuve peut être

matérialisée par l’icône d’un trophée ou par l’ac-

quisition d’un nouvel équipement dans un jeu

de rôle par exemple, cela n’égale pas la richesse

d’un objet qui a toutes les chances d’être sublimé

grâce à l’imagination de l’enfant. Il n’est pas force-

ment question que de désavantages de la part des

GUIs mais de limites qui nous font préférer l’uti-

lisation d’interfaces tangibles, pour des questions

de temps, de collaboration, d’accessibilité et de

performance.

Si les GUIs sont différentes des TUIs cela ne veut

pas dire qu’il faut opposer les interfaces tangibles

et le contenu digital. Les interfaces tangibles per-

mettent de naviguer à travers ce contenu grâce à

des éléments réels et inversement. Le fait d’utiliser

du virtuel pour représenter le résultat d’une action

réelle ne veut pas dire que l’interface est intangible.

Cela ne signifie pas non plus que tangible et le vir-

tuel sont incompatibles. Au contraire, il semblerait

qu’ils se complètent.

capacités matérielles de la machine et cela varie

d’une machine à l’autre.

Dans une interface tangible il n’y a pas ‘d’état

initial’ à moins de remettre tous les éléments de

l’interface à leur emplacement de base26. Une

interface qui se ‘remet à zéro’ peut donner l’im-

pression d’être beaucoup plus radicale qu’une

interface composée d’objets qui peuvent être lais-

sés en plan, à l’image d’un jeu de construction que

l’enfant range d’une certaine façon et qu’il retrou-

vera plus tard dans cet état. En d’autres termes il est

possible de dire que les TUIs possèdent un pouvoir

de persistence27.

Aussi, ce genre d’interface affecte la collabora-

tion. Une étude de Scott28 en 2003 révèle que dans

un jeu où il faut résoudre un même puzzle, le groupe

d’enfants qui travaille sur papier collabore beau-

coup plus et montre moins de frustration. Car si sur

papier il est possible de prêter son stylo ou même

tout simplement d’utiliser deux stylos, ce n’est pas

le cas de l’ordinateur où l’utilisation de la souris

se fait au tour à tour, avec le risque toujours présent

qu’un enfant ne veuille pas partager sa souris, lais-

sant les autres dans un état passif.

26. Userstudio, DIRTI for iPad, 2013, vidéo [en ligne]

27. John M. Carroll, Emerging Frameworks for Tangible User Interfaces, Addison-Wesley, août 2001, p.579-601, [en ligne]

28. S.D. Scott, R.L. Mandryk et K.M. Inkpen, Understanding children’s collaborative interactions in shared environments, Departments of Computer Science, Universities of Calgary, Simon Fraser and Dalhousie, 2003, [en ligne]

Page 32: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation
Page 33: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

27

“We live in a complex world, filled with myriad objects, tools,

toys, and people. Our lives are spent in diverse interaction

with this environment. Yet, for the mostpart, our computing

takes place sitting in front of, and staring at, a single glowing

screen attached to an array of buttons and a mouse29.”

29. P. Wellner, W. Mackay and R. Gold, Computer-augmented environments. Back to the real world, Communications of the ACM, vol. 36, no. 7, p. 24–26, 1993

Traduction personnelle : « Nous vivons dans un monde complexe, rempli d’une myriade d’objets, d’outils, de jouets et de personnes.

Nous passons nos vies à interagir avec cet environnement. Pourtant notre relation au virtuel se fait la plupart du temps

en étant assis à regarder un écran lumineux relié à des rangées de touches et une souris. »

Page 34: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation
Page 35: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

3aujourD’hui :les tuis comme vecteurs d’apprentissaGe

Chapitre

Page 36: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation
Page 37: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

31

contexte : de nouvelleS formeS de pédagogie

éducatIon 2.0Lorsqu’il a été question des projets comme LOGO

nous avons vu que leur création dépendait de fac-

teurs socio-culturels. Si nous voulons voir en quoi

les TUI peuvent être considérés comme vecteurs

d’apprentissage il faut commencer par s’intéres-

ser aux nouvelles pratiques pédagogiques et au

contexte dans lequel elles s’installent.

les digital nativesAujourd’hui lorsque nous parlons des enfants nous

faisons référence aux ‘digital natives’, littéralement

‘natifs numériques’ en disant qu’ils sont nés ‘avec un

iPhone dans la main’. Afin de décrire cette partie

je m’appuie sur l’explication de Michael Stora30 sur

ce phénomène de société. Auparavant l’image était

sacralisée mais aujourd’hui elle est beaucoup plus

banale. Les générations précédentes qui sont nées

avec la télévision n’interagissaient pas avec l’image

qu’ils avaient devant eux, ce qui créait une distance.

3.1

30. Interview avec Michael Stora, Psychologue et psychanalyste

Page 38: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

32

l’enseignement télématique32. Ce sont des cours

digitaux avec un contenu dématérialisé, l’échange

entre les enseignants et les apprenants se fait par

mail ou par vidéo interposée.

les serIous gamesUn autre courant qui s’est développé est celui du

‘serious game’. Autrement dit c’est l’application des

approches du jeu vidéo à des domaines ‘sérieux’

dans une entreprise, ou pour la formation de

pilotes de lignes par exemple33. Cela correspond

à ce que nous avons vu concernant l’enseignement

facilité par le jeu. Ici l’intérêt peut être créé par

le scénario mis en place, par le graphisme et les

illustrations. Encore une fois l’accent est mis sur la

motivation et la création d’un espace ludique, mais

aussi la matérialisation de l’erreur qui souvent

invite à recommencer une étape jusqu’à y arriver.

L’erreur est ‘drôle’. Eric Sanchez, parle aussi de la

‘réflexivité’, c’est-à-dire la capacité de l’apprenant à

se remettre en question, à tester ses connaissances

et sa méthodologie voire en créer de nouvelles34.

Au contraire maintenant l’image a gagné

en proximité car il est désormais possible de la

toucher, de la manipuler grâce à des interfaces

tacti-les par exemple. L’enfant a une vision banale

de l’image et va acquérir peu à peu ses rouages :

il s’approprie l’image à tel point que du point de

vue du quotient intellectuel, c’est le QI de perfor-

mance qui l’emporte sur le QI verbal31. Cela appa-

raît comme une capacité innée. C’est un fait qui

peut être intéressant car cela induit que les enfants

semblent développer de nouveaux besoins (par

rapport à l’image notamment) et qu’il faudrait

adapter à cela la pédagogie.

e-learnIngInternet a permis de stocker les données, mais a

aussi participé au partage des connaissances sur

le web, ce qui est appelé la ‘cyberculture’. C’est

un web où l’utilisateur peut être un contributeur

et partager son savoir. Nous avons vu le dévelop-

pement des cours par correspondance et nous

observons maintenant celui de la formation en

ligne ou ‘e-learning’, désignant l’ensemble des solu-

tions et moyens permettant l’apprentissage par des

moyens électroniques. La formation en ligne inclut

ainsi des sites web éducatifs, la téléformation,

31. NICOLLET Jessica et al., Performance aux tests d’intelligence : vers une inversion de l’effet Flynn ?, 2009, article [en ligne]

32. Définition Wikipédia

33. Courrier Cadres, Les serious games : qu’est-ce que c’est ?, vidéo [en ligne]

34. Formasup, Interview d’Eric Sanchez: maître de conférences et directeur d’EducTice à l’Institut Français de l’Éducation (IFE) – École Normale Supérieure de Lyon, janvier 2014, vidéo [en ligne]

Page 39: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

33

L’enseignement est de plus en plus lié à la tech-

nologie mais il semble qu’il ne soit pas totalement

en phase avec la société actuelle où les plus jeunes

découvrent les choses de façon plus intuitive car ils

se sont appropriés les outils numériques. De fait,

cela créé pour eux de nouveaux besoins auxquels

les méthodes actuelles ne répondent pas forcément.

Les interfaces tangibles peuvent-elles palier à ces

insatisfactions ?

Illustration d’un enfant qui s’amuse avec un smartphone

Page 40: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

34

le projet mü : un exemple de pédagogIe collaboratIve et partIcIpatIveL’individualisme ne semble pas profiter à l’élève.

L’expérience se fait via un exercice lorsque l’élève

interagit avec des éléments physiques mais aussi

lorsqu’il a un contact humain.

Le projet Mü est un dispositif multimédia sous la

forme d’une table interactive multitouch. Il s’adresse

aux enfants en maternelle et plus précisément aux

classes de grande section. Les enfants peuvent pra-

tiquer des activités individuelles ou des jeux en

groupes dans le contexte des contes pour enfants.

Cela sensibilise les enfants à la musique et aux his-

toires et favorise leur esprit créatif. Ils se servent de

leS tuis danS leS SyStèmeS pédagogiqueS3.1

Des enfants utilisent la surface Mü

Page 41: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

35

leurs connaissances pour se préparer aux appren-

tissages fondamentaux (souvent à partir du CP)

comme la lecture et l’écriture.

Dans la vidéo de présentation du projet nous

remarquons que l’enseignante commence par

expliquer aux enfants les différents ‘tokens’ qui

vont leur permettre d’utiliser la table. Car même si

certaines fonctionnalités sont simplement tactiles,

la majeure partie des activités semble nécessiter

l’utilisation d’objets qui représentent les différents

acteurs du conte. Pour « Pierre et le loup » chaque

pièce représente un personnage et possède souvent

un son associé. La prise en main paraît simple et

intuitive car l’objet qu’ils possèdent représente réel-

lement l’information qu’il contient. Ainsi la pièce

qui correspond au loup est pourvue de triangles et

d’yeux rouges. Dans la main il est pointu. Il est qua-

lifié de « féroce » par un enfant. Après avoir écouté

le conte, les enfants s’approprient son univers, qui

est retranscrit sur la table avec plein de couleurs et

d’animations. Chaque enfant a un token et parti-

cipe à la création d’une scène, il sait qu’il possède

‘le loup’ ou ‘le grand-père’ et ils prennent plaisir à

jouer un rôle, comme dans un conte. L’enfant est

tout le temps investi car l’objet qu’il a dans la main

lui permet, à n’importe quel moment, de partir et

de revenir dans l’activité. Le fait qu’il possède cet

objet semble lui rappeler constamment qu’il fait

partie du groupe.

L’univers ludique a été créé et chaque enfant a pris

part à l’activité. Le feedback est immédiat, les enfants

n’éprouvent pas de frustration et jouent tout le temps

(principe de ‘l’engagement’). Les parents et les ensei-

gnants font aussi partie de l’activité. Ils ont un rôle

avant avec la préparation, pendant pour conseiller

les enfants et choisir les types d’activités de la table,

mais aussi après. Après car Mü est connectée à

internet et permet de consulter sur un serveur les

dessins qui ont été faits ou le résultat de certains

jeux. Facile par la suite d’imprimer les créations

des enfants pour décorer la salle et témoigner de

leur investissement pendant le cours (une façon

pour eux de comprendre qu’ils ont réussi). Facile

aussi de contrôler leurs résultats.

Page 42: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

36

personnages de dessins animés qui sautillent de

rochers en rochers pour traverser un cours d’eau).

De plus dans cette scène précise la projection n’a

pas de relief, elle est à même le sol, et seuls les

rochers dépassent du sol, ce sont vers eux qu’il faut

se diriger. Enfin la forme et la couleur rappellent

les rochers mais ils sont très ronds et nous devinons

leur matière (tissu et mousse) de loin : ce sont des

coussins. L’enfant se dirige alors vers ces coussins,

s’assoit dessus comme leur apparence le suggère,

et déclenche des ondes dans l’eau qui effraient les

habitants du bassin.

Il est aussi intéressant de constater que lorsque

l’enfant débute le jeu, il ne voit pas tous les ani-

maux marins apparaître. C’est en répétant l’expé-

rience, petit à petit, que l’enfant va découvrir les

animaux. S’il avait révélé tous les habitants de sous

le rocher en même temps il aurait fini très vite et se

serait lassé. Il faut étudier les mécanismes du jeu

ou d’une interaction pour donner les bases à l’en-

fant et qu’il se l’approprie à son rythme, qu’il y ait

toujours du contenu caché qu’il puisse découvrir.

Cela fait référence au game flow36.

L’esprit de découverte de l’enfant est sollicité,

il peut se déplacer, c’est-à-dire exister dans un

IncIter à la découverte de manIère IntuItIveL’enfant a beaucoup d’imagination. Lorsqu’il joue il

a besoin d’être mêlé à un univers qui facilite l’im-

mersion30. Le son et les images, comme pour un

conte d’enfants, peuvent faciliter créer de la moti-

vation. La scénographie d’un lieu aide à concevoir

des espaces ludiques.

L’installation Galets Magiques35 en est un

exemple. C’est une installation interactive où les

enfants peuvent découvrir les animaux marins en

les délogeant de leur abris. Pour cela ils doivent

sauter sur des rochers ce qui va les effrayer. Ce

qui est intéressant c’est de voir que des éléments

simples plantent le décor. Il y a des feuillages, des

rochers, une ambiance sonore et une projection

d’une surface d’eau au sol. Le cadre est simple mais

comme il en a été question avant, l’imagination de

l’enfant lui permet de dépasser ces représentations

basiques.

L’installation est intuitive et ne nécessite pas

de mode d’emploi. Lorsque l’enfant arrive dans

la scène il semble attiré par les rochers car ils ont

l’apparence de coussins. En réfléchissant à l’affor-

dance du rocher nous pouvons dire que dans une

situation réelle les rochers à la surface de l’eau sont

le seul moyen de rester sec (il y a aussi l’image des

35. CHAMPAIN Juliette, BLANCHET, Jonathan, Galets magiques, 2012, vidéo [en ligne]

36. JARRAUD François, Le jeu sérieux : un nouvel horizon pour l’Ecole ? Entretien avec Julian Alvarez, 15 mai 2008, [en ligne]

Page 43: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

37

dont certains apparaissent par projection sur le

bois. Ensuite, l’histoire est lue à l’enfant. L’enfant

est créateur. Même s’il a de la liberté il doit quand

même suivre les règles du schéma narratif. Lunii

est destiné aux enfants de 4 à 8 ans. Généralement

à partir du CE2 l’école enseigne la structure du récit,

de la situation initiale jusqu’au dénouement. Ce

projet peut servir de support pour l’enseignant afin

de rendre son cours plus interactif. Pour l’instant

le projet est en phase de prototypage et a pour but

d’être connecté afin de mettre en relation les élèves,

les enseignants et les parents. Une fois encore les

rapports de force sont gommés et incitent beau-

coup plus à la collaboration.

espace cohérent avec des éléments qui rappellent

un univers précis, ici celui des cours d’eau. Les ani-

mations des animaux participent au réalisme de la

scène et peuvent donner des informations supplé-

mentaires à l’enfant (certains ondulent alors que

d’autres utilisent leurs nageoires).

Ceci est plus une installation qui montre le concept

de l’affordance et de l’importance de la scénographie.

Les enfants entrent dans un univers physiques mais

ils peuvent aussi concevoir leur propre univers. Le

projet Lunii37, sous l’apparence d’une boîte en bois

très simple permet aux enfants de composer eux-

mêmes leurs scénari. Grâce à des boutons situés sur

la boîte, il peut choisir les composants de l’histoire

37. Article [en ligne]

Une petite fille saute sur un galet de l’installation

Galets magiques

Page 44: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

38

l’enfant doit essayer toutes les combinaisons pos-

sibles pour y arriver. Mais cela peut aussi se faire de

manière plus explicite. Le projet i-Cube38 illustre

à la fois le concept de sublimation de l’objet (ici les

cubes pour jouer que l’on a étant enfant), le concept

de travail par incrémentation et l’expression de l’er-

reur. I-Cube embarque plusieurs activités : la création de

compositions musicales, des jeux de construction et

aussi une activité pour apprendre à écrire les mots.

Lorsqu’un enfant compose un mot il positionne les

lettres présentes sur les faces des cubes les unes à

côtés des autres. Des signaux lumineux rouges et

bleus guident l’enfant pour lui indiquer s’il uti-

lise les bonnes lettres. Un feedback sonore a aussi

été implémenté pour réduire les combinaisons

possibles. Par exemple :  « deux lettres sont dans le

mauvais ordre ». L’enfant a utilisé les bonnes lettres

mais pas dans le bon ordre. Cela rejoint ce que nous

avons vu concernant les feedback dans la pédagogie.

une autre conceptIon de l’erreur et de la réussIteDans la partie I.2 nous avions abordé la question de

l’erreur et de sa matérialisation à l’école. Lors de l’in-

terview, Michael Stora30 me rappelait qu’à l’école la

conception de l’erreur comme moyen d’apprentis-

sage : « (...) n’existe pas, quand on perd on perd, on

a une note qui fait baisser notre moyenne ». Lors-

qu’elles sont liées à un contexte ludique les TUIs

permettent d’utiliser l’erreur comme un moyen

d’apprentissage et de dédramatiser l’erreur. Un

enfant qui utilise des interfaces tangibles manipule

des objets de tous les jours qu’il a déjà réussi à s’ap-

proprier, cela ne lui apparaît pas forcément comme

une nouvelle notion qu’il va devoir affronter. Ensuite

comme indiqué précédemment le feedback est

immédiat, l’enfant est invité à tester le plus de com-

binaisons possibles, si cela marche alors il intègre

le mécanisme et passe à une étape supérieure, si

cela ne marche pas il continue de tester. Ainsi il

peut banaliser l’erreur.

Il est intéressant se voir comment l’erreur peut

être signifiée. Si certains enseignants utilisent

l’encre rouge il existe pourtant d’autres moyens.

Par exemple il est possible d’imaginer un système

où si les conditions ne sont pas réunies, le méca-

nisme ne fonctionne tout simplement pas et alors

38. WOOI Goh et al., The i-Cube : Design Considerations for Block-based Digital Manipulatives and Their Applications, [en ligne]

Page 45: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

39

leS principaleS limiteS deS interfaceS tangibleS3.3

Ici le feedback intervient en même temps que l’ac-

tion de l’enfant ce qui lui permet de passer très vite à

un autre essai. Ensuite, les signaux qui lui indiquent

la validité ou non de sa réponse ne lui donnent

pas la solution et le laissent chercher son erreur

en toute autonomie, c’est un accompagnement. Il

faut noter que les auteurs de ce projet ont effectué

des sondages prouvant que les enfants étaient très

réceptifs aux signaux lumineux et sonores. Encore

une fois, l’erreur peut être ‘drôle’, et une anima-

tion plein de couleurs ou une musique entraînante

peuvent être des récompenses suffisantes.

Les TUIs semblent répondre à de nombreuses

problématiques de la pédagogie. Mais leur utili-

sation est-elle nécessaire dans tous les cas ? Il y a

beaucoup de possibilité d’interactions mais sont-

elles sans limites ?

mode de représentatIonL’équilibre entre l’emploi du tangible et du virtuel

est primordial. Dans la partie qui compare les TUIs

face aux GUIs il en est ressorti qu’il faut utiliser ‘les

bons outils’ et se servir des forces de chacun des

modes de représentation. Par exemple tout ce qui

appartient au réel peut faciliter la représentation

dans l’espace ou l’appréhension d’un objet. Ce qui

est virtuel peut permettre d’afficher plus de don-

nées sur un même support, de créer des anima-

tions. De fait il faut respecter un équilibre qui, mal

géré, affecte l’interaction39.

39. ULLMER Brygg, Tangible Interfaces for Manipulating Aggregates of Digital Information, M.I.T., 2002, [en ligne]

Page 46: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

40

représenter un groupe de cinq guerriers. Mais dans

une interface tangible si un élément en représente

cinq à l’écran, comment faire si l’on veut seulement

sélectionner les informations relatives à un seul de

ces individus ? Cela limite notre capacité à accéder

à une distinction plus fine.

Il y a des désavantages qui concernent le lien

entre l’objet et l’information. Mais qu’en est-il du

lien entre l’espace et l’information ? Quand nous

avons vu le projet Urp lors de l’étude des précur-

seurs des interfaces tangibles nous avons remar-

qué qu’il était possible de créer une maquette de

bâtiments. Mais que se passe-t-il si nous voulons

rajouter des bâtiments à la limite de la surface

interactive ? Sur une interface graphique il est

possible d’agrandir la surface de travail, difficile

en revanche d’augmenter la taille de la table sur

laquelle sont posés les bâtiments. Cela impose de

penser en amont au placement des objets et de pré-

voir leur position.

un problème d’échelleL’interaction peut être altérée de plusieurs manières.

L’une d’entre elle est la limitation de la représenta-

tion à ‘échelle 1’. S’il est plus aisé d’utiliser des objets

et des représentations physiques dans un système

simple, c’est plus compliqué lorsqu’il faut faire face

à des milliers de données. Dans une interface gra-

phique le designer se pose la question du ‘screen

estate’ c’est-à-dire le nombre d’éléments affichés et

affichables sans devoir modifier la taille de l’écran

ou faire défiler la page40. Dans une interface tan-

gible le designer se pose aussi une question d’es-

pace mais dans un environnement réel : difficile de

faire défiler des éléments ou des les réduire. Il n’est

pas possible de rajouter de l’espace pour accueillir

ces éléments. Un exemple simple est la différence

entre avoir des milliers de dossiers contenant des

fichiers sur un ordinateur, et avoir des milliers de

fichiers et d’images sur un bureau : les dossiers

physiques vont remplir la pièce, alors que pour

faire du rangement sur le bureau virtuel sur un

ordinateur il suffit de les ranger ailleurs en faisant

un ‘glisser-déposer’.

Le phénomène de combinaison des éléments,

appelé la ‘généralisation’ signifie qu’un élément

en représente plusieurs. Par exemple sur un jeu de

plateau comme Risk41 une figurine de guerrier peut

40. Définition [en ligne]

41. Définition Wikipédia, [en ligne]

Page 47: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

41

des objets parfoIs fIgésLes tokens restent des objets. Leur manipulation

peut par exemple engendrer la modification d’une

représentation en trois dimensions. Par contre la

modification d’un objet à partir des données et de

la représentation virtuelle est plus délicate.

Cela dépend en effet des caractéristiques physiques

de l’objet, là où un élément en pâte à modeler peut

changer de forme alors qu’un cube en bois posera

plus de problèmes.

Illustration d’un token. Dans le film Inception réalisé par Christopher Nolan

le personnage principal possède une toupie, un objet qui lui permet de savoir s’il est dans un rêve ou dans la réalité. Le personnage

d’Ariadne dit que ces objets « sont une élégante manière de garder une trace de la réalité »

Page 48: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

42

des problèmes d’applIcatIonLes interfaces tangibles ne s’appliquent pas à tous

les domaines dans l’enseignement. Les informa-

tions sont contenues dans des tokens ce qui les

rendent concrètes. Il a été montré qu’en mathé-

matiques par exemple l’utilisation d’objets gêne

la compréhension des opérations car souvent les

nombres représentent des données abstraites42. De

plus, les problèmes de généralisation compliquent

la tâche lorsqu’il s’agit de former des groupes de

nombres ou au contraire de les traiter un par un

contrairement au jeu Risk où le joueur contrôle des

entités (des personnages de jeu).

Il faut aussi noter que les interfaces sont dévelop-

pées pour une application spécifique. Le design de

l’interface, des objets, la réflexion autour du contenu

du cours et de l’élève font qu’il n’est pas aisé de

transposer une activité à un autre domaine d’applica-

tion. C’est une problématique de réutilisation.

fatIgue et accessIbIlItéLorsque l’enfant joue constamment et qu’il doit

sans cesse déplacer des objets il se fatigue. La

fatigue arrive plus ou moins vite selon le nombre

et le poids des éléments à déplacer. Il faut donc

prendre ce critère en considération lors de la

création des activités. N’oublions pas que le game

flow suggère toutefois de créer une interaction à la

portée de l’utilisateur sans pour autant lui facili-

ter la tâche, réussir une activité qui demande une

implication physique et un effort représente un

challenge. Si l’output, c’est-à-dire le périphérique

de sortie, est un écran alors il peut aussi distraire

l’apprenant. Si ce dernier est fatigué cela ne fait que

renforcer la distraction.

Mais que se passe-t-il lorsque dix enfants

veulent avoir accès au même objet ou effectuer la

même action ? Lorsque nous avons vu que des élèves

étaient frustrés lorsqu’ils devaient se partager une

souris et un clavier, n’est-ce pas le même schéma

lorsqu’il doivent se partager l’espace pour accéder à

une activité ou bien voir correctement l’écran sur

lequel est affiché le résultat de leur action ?

42. Marshall et al., Tangibles in the Balance : A Discovery Learning Task with Physical or Graphical Materials, Conference Embedded, and Embodied Interaction, p. 153-160, 2010

Page 49: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

43

dans d’autres domaInes d’applIcatIonLes interfaces tangibles peuvent aussi être utilisées

dans le domaine de la musique. Golan Levin est un

artiste américain qui en 2005 a réalisé Scrapple43.

La table de 3x4 mètres qui sert de support est inter-

prétée comme une partition. Elle est divisée en plu-

sieurs temps et hauteur de notes, ce qui créé une

grille à la surface de la table. Un détecteur scanne

la présence d’objets posés sur la table. Selon leur

position, leur luminosité et leur forme ils vont

produire des sons différents. La mesure boucle

toutes les quatre secondes, le son est donc joué en

permanence. Modifier la position des éléments sur

la table permet d’effectuer un mixage en temps réel.

L’affichage de la grille de composition est optionnel

mais permet de mieux comprendre où placer les

éléments, cela a plus une apparence en lien avec

la musique. Plus récemment d’autres projets ont vu

le jour ; Xenakis est une table interactive qui réagit

aux objets posés à sa surface. En plus de produire

un son, la surface créé des animations pleine de

couleurs. Elle a moins une qualité de performance

artistique comme le projet Scrapple, et elle intègre

plus la notion de collaboration entre les utilisateurs

pour produire les sons44.

Dans le domaine du jeu vidéo, des jeux comme

Balloon Paper proposent un voyage onirique. Dans

quel avenirpour leS tuiS ?3.4

43. LEVIN Golan, Scrapple, 2005, [en ligne]

44. BISCHOF Markuset al., XENAKIS : Combining tangible interaction with probability-based musical composition, University of Augsburg, 2008, [en ligne]

Photographie de Golan Levin dans sa performance Scrapple

Page 50: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

44

le token avait du mal à être malléable et à changer

de forme. Nous avons vu aussi que Hiroshi Ishii

pensait coupler les “bits and atoms”, et que le péri-

phérique de sortie pouvait aussi être le périphé-

rique d’entrée. Les surfaces organiques permettent

d’afficher un contenu et possèdent des caractéris-

tiques physiques qui facilitent leur pliage et leur

déplacement. Lorsqu’une modification se fera sur

le contenu numérique alors l’objet pourra être

modifié selon les nouvelles données et évoluer en

temps réel. Des recherches ont déjà été faites en

un interview, Étienne Mineur, directeur artistique

aux Éditions Volumiques, explique que le but était

de matérialiser l’objet principal du jeu45. D’abord

l’enfant lit une histoire dans un petit livre illustré,

il obtient à la fin une montgolfière en papier qu’il

déplie. En posant la montgolfière en papier sur un

iPad il peut continuer l’aventure qu’il vient de vivre

dans une expérience interactive. En ajoutant des

effets d’ombre dans le jeu cela donne l’impression

que le ballon est effectivement en train de voler.

Il est possible de le voir atterrir, décoller alors que

le paysage défile sur l’écran.

de nouvelles possIbIlItés lIées à la technologIeLes possibilités des interfaces tangibles sont aussi

liées aux prouesses technologiques. Nous avons

vu que parfois les écrans d’ordinateur pouvaient

créer de la distance ou n’étaient pas forcément

accessibles à tous par manque de place (une classe

enfants autour d’un écran par exemple). Des sur-

faces innovantes ont vu le jour et sont en cours de

développement ou en cours d’amélioration.

Les surfaces organiques par exemple ont tout

le potentiel pour répondre à des problématiques

liées aux interfaces tangibles46. Nous avons vu que

45. ops2.com, Interview : 3 questions à Étienne Mineur, mai 2012, [en ligne]

46. GUILLAUD Hubert, Demain, les interfaces organiques, avril 2009, [en ligne]

Paper Balloon, réalisé par les Éditions Volumiques

Page 51: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

45

2002 par le groupe du MIT dirigé par Ishii avec le

projet Illuminated Clay, ce qui rejoint leur vision

de “radical atoms”47. La modification en temps réel

de l’argile permet d’actualiser simultanément sur

la projection les informations relatives à la topolo-

gie de la surface. « L’objet est l’interface » comme le

dit Jean-Louis Fréchin.

J’estime qu’il y aussi beaucoup de potentiel au

sein des dirty user interfaces. J’ai découvert DIRTI

qui est une expérimentation dont le périphérique

d’entrée est un ensemble de particules. Les créa-

teurs voulaient faire l’analogie entre le contrôle

de chaque pixel et le contrôle de chaque parti-

cule physique. Ils ont donc utilisé de la farine de

tapioca, de la glace à la noix de coco et aussi de

l’eau. Lorsque ces particules sont déplacées elles

modifient l’affichage de l’iPad qui est connecté au

système, permettant aux enfants qui utilisent l’in-

terface de jouer des sons, de créer des animations.

Ils associent alors un déplacement à un effet sonore.

Il existe plusieurs ambiance sonores qu’il faut choi-

sir avant ou pendant l’interaction. Les particules

physiques peuvent être jetées et tomber hors de la

surface qui les contient, elles peuvent tâcher et salir

les vêtements, elles peuvent même être mangées.

47. Définition [en ligne]

48. Jean-Louis Fréchin est le directeur du studio NoDesign

49. User Studio, SCHWARZ Diemo, DIRTI : Dirty Tangible Interfaces, [en ligne]

Photographie d’es enfants qui utilisent DIRTI et interagissent grâce à une interface en tapioca

Page 52: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

46

Concernant l’actuation, c’est la notion de « mettre

en mouvement ». Introduire le mouvement dans

une interface c’est permettre de renforcer la pré-

sence physique de l’utilisateur et de sortir de l’aspect

figé de l’objet. Le projet inFORM a fait beaucoup par-

ler de lui. Il donne la capacité à un utilisateur d’in-

teragir physiquement avec un espace distant51. Ce

n’est pas une simple reproduction de la forme des

mains de l’utilisateur, il peut physiquement exis-

ter dans un autre espace et grâce à un contact vidéo

il peut voir ce qu’il fait concrètement. Nous avions

déjà entendu parler de ce genre de système pour des

opérations chirurgicales qui demandaient l’interven-

tion d’experts à l’autre bout du Monde52.

les prochaIns grands enjeux ?Eva Hornecker et Shaer Orit expliquent que parmi

les futurs grands enjeux liés aux TUIs nous retrou-

verons des enjeux liés au mouvement de l’inter-

face, ce que l’on appelle “l’actuation”, ainsi que des

recherches qui se font sur l’interaction du corps de

l’utilisateur avec l’interface et pas seulement de

l’interaction avec ses mains50.

Nous pouvons interagir avec tout notre corps.

Les périphériques comme le Eyetoy, la Kinect ou la

console Wii nous permettent de jouer en prenant

compte de nos déplacements. Toutefois même s’il y

a un certain degré de tangibilité il manque toujours

le toucher dans ce type d’interaction avec des péri-

phériques infrarouges.

50. HORNECKER Eva, ORIT Shaer, Tangible User Interfaces : Past, Present, and Future Directions Foundations and Trends, 2009, [en ligne]

51. Article [en ligne]

52. Article [en ligne], décembre 2013

Page 53: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

47

Mais après l’entrée de la société dans ‘l’ère numérique’

et du WEB 2.0, ce fut l’abandon progressif des supports

multimédias tels que les disquettes et les CD et une ten-

dance à la dématérialisation de nos données.

Les utilisateurs ont préféré sauvegarder leurs

données personnelles ou professionelles sur des

le retour à l’objetIl ne sera pas nécessaire dans cette partie de déve-

lopper toutes les explications concernant les ‘objets

connectés’ mais plutôt d’effectuer un constat. Nous

avons vu que depuis les années 60 qu’il y a toujours

eu des designers et chercheurs qui ont montré

l’intérêt d’utiliser un objet plutôt qu’une souris.

Illustration : la valeur de l’objet

Page 54: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

48

personnalisable en bois :  un ‘tapps’. Lorsqu’il est

posé sur une plateforme spécifique, il se connecte

à internet et joue ou affiche automatiquement

le contenu du lien. Ce genre d’objet permet de

représenter un contenu numérique, la personna-

lisation permet d’extérioser ses goût, de redonner

un intérêt à l’objet qui a été spécialement designé

pour tenir dans la paume de la main. L’utilisateur

se positionne vis-à-vis de son objet, qui existe dans

un espace et qui peut aussi être accroché au mur et

contribuer à la décoration de l’environnement de

son possesseur. Il peut l’offrir ; alors ce qui aurait

été un simple partage de lien d’une musique sur

le mur facebook d’un ami devient une interaction

humaine. L’effet est amplifié si cette musique a une

signification particulière entre les deux protago-

nistes.

L’intérêt pour les interfaces tangibles s’accroît

car de plus en plus d’objets connectés sont déve-

loppés et prennent place dans notre vie de tous les

jours. Cela s’inscrit dans la tendance d’un retour

à l’objet suite à une réaction de la société face à la

dématérialisation. L’application de ces interfaces

dans la pédagogie est renforcée par la volonté d’in-

nover de la part des chercheurs et des designers.

systèmes de stockage en ligne, des clouds ; par

un souci de place, car les éléments physiques

occupent notre espace de vie. Pour des fans de

musique par exemple ce n’est pas facile de se

balader avec tous ses CD dans la rue. C’est pour

cela que des plateformes comme Spotify ont vu

le jour pour la musique, ou Steam pour les jeux

vidéos. Mais c’est aussi pour un souci de rapidité

et d’efficacité comme il en était question avec

la cyberculture et le partage presque instantané

d’informations et d’articles sur internet (avec un

simple blog).

Mais petit à petit c’est le phénomène inverse qui

apparaît. De nombreuses craintes découlaient de

ces données qui se retrouvaient sur le web : perte,

piratage ou détournement d’informations. Au final

il y avait une impression (légitime) de fragilité du

système. Aujourd’hui il est question de « l’internet

des objets ». Pour combler cette distance qui est

créée par la dématérialisation, l’Homme a créé de

nouveaux objets. Avoir un objet connecté permet

de redonner de la valeur à l’objet, de créer de la

rareté et un lien tangible.

Lorsque j’ai fait mes recherches sur les objets

connectés et les interfaces tangibles j’ai pris

connaissance du projet Qleek54. En quelques mots,

Qleek est un projet qui permet d’enregistrer un

lien internet, une suite d’images, une playlist ou un

lien youtube sur une petite plateforme hexagonale

53. ZANON Olivier, Dématérialiser ses données : quels sont les risques ?, 7 septembre 2011, article [en ligne]

54. Interview avec l’équipe de Qleek.me

Les ‘tapps’ utilisés par Qleek

Page 55: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

49

Interfaces tangIbles et pédagogIeIl est possible de dire que les interfaces tangibles

ont de nombreux atouts pour favoriser la pédago-

gie : elles encouragent le travail en groupe, la dis-

cussion avec les élèves et l’enseignant, la découverte,

l’autonomie et elles banalisent l’erreur. Couplées à

un univers graphique de qualité, elles motivent les

enfants et leur font prendre conscience de leur exis-

tence dans le monde, faisant appel à leurs sens. Des

limites apparaissent, mais les développeurs de TUIs

cherchent à les contourner. Les interfaces tangibles

s’inscrivent dans un contexte de re-conception de

la pédagogie, à l’heure de la revalorisation des rap-

ports humains, de l’importance du jeu et de la place

de l’objet dans notre quotidien. Si nous avons pu

voir qu’il existait encore des méthodes archaïques

pour la pédagogie il y a tout de même une prise

de conscience générale. Au début de l’année 2014,

Vincent Peillon alors ministre de l’Éducation a créé

un pôle numérique au sein de l’éducation nationale

avec pour but de faire entrer l’école dans l’ère du

numérique55. L’école continue d’intéresser les desi-

gners. Eliumstudio a fait une proposition appelée

“l’école en Archipel” qui développe une vision colla-

borative de l’école, où les enfants échangent et com-

muniquent, où ils apprennent grâce à des tablettes

et des outils numériques. Une école qui pour eux

3.5

55. CHAMPEAU Guillaume pour Numerama, Vincent Peillon crée la Direction du numérique pour l’éducation (DNE), 18 février 2014, [en ligne]

conluSion

Page 56: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

50

des deux derniers films de Terrence Malik, où les

enfants et les adultes déambulent en touchant

les murs, les fleurs, levant leurs mains au ciel57.

Il y a une richesse qui malheureusement, pour moi,

s’estompe une fois que ces éléments ne sont plus

qu’une donnée informatique que l’on consulte.

Si je me suis intéressé aux interfaces tangibles et

à la pédagogie pour les enfants c’est aussi par rap-

port à une problématique qui m’est propre. Plus

jeune, j’avais tous ces adjectifs, toutes ces images

et ces pensées en tête. Malheureusement toutes ces

idées venaient en même temps, à la fois parce que

j’étais impatient de tout mettre sur papier, mais

aussi parce que je manquais de méthode pour les

exprimer. Que de frustration de me sentir pénalisé

alors que j’avais la bonne réponse, la bonne idée, et

qu’au fur et à mesure que je m’exprime les sourcils

de mon interlocuteur se froncent proportionnel-

lement à son incompréhension, et moi de m’em-

brouiller de plus en plus  ! J’avais besoin de faire

des dessins, de faire des signes avec mes mains,

de tracer des flèches ; malheureusement à l’époque

je n’avais qu’un stylo, une feuille à carreaux et pas

le droit de dessiner sur ma rédaction à rendre à

la fin de l’heure. Pendant mes recherches pour ce

dossier j’ai pu prendre conscience de beaucoup de

problématiques liées à l’enseignement, sur l’erreur,

la façon de la traiter et sur ces différents acteurs

(philosophes, chercheurs, designers, enseignants)

« rapproche l’espace virtuel de l’espace tangible ».

C’est une vision d’une structure réaménagée où le

lieu favorise l’apprentissage.

pourQuoI ce sujetPour moi, « l’internet des objets » induisait immé-

diatement un contexte de réaction face à la déma-

térialisation et donc de retour au tangible. En

décembre 2013 j’avais déjà commencé à travailler

sur cette problématique lors d’un workshop en

imaginant un journal intime connecté. J’ai aussi

réalisé une installation interactive et photosen-

sible : Wall of Rain56, fonctionnant avec une kinect,

qui devait créer un lien tangible avec l’utilisateur.

Très sensible à la poésie, j’étais toujours impres-

sionné par le nombre d’adjectifs utilisés pour qua-

lifier un élément simple. Une chaise en bois, c’est

banal. Mais pas une chaise en noyer qui sent le ver-

nis, sur laquelle s’asseyait un être cher, rugueuse au

toucher aux endroits abîmés par les coups de pied

des enfants qui jouent. Tous ces adjectifs donnent

des informations qui donnent de la valeur (parfois

sentimentale) à un élément et viennent faire res-

surgir en nous des souvenirs : une odeur, une

sensation dont on se souvient du bout des doigts.

Il n’y a qu’à voir la force qui se dégage des images

56. Teaser de l’installation Wall of rain, vidéo [en ligne]

57. Terrence Malik a réalisé The Three of Life et To the Wonder respectivement en 2011 et en 2013

Page 57: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

51

Paléontologique permettait aux enfants et aux

parents de collecter des informations sur les dino-

saures du musée puis de les mettre en application

en les invoquant (avec un smartphone) sur une

table interactive de 2x4 mètres recréant l’environ-

nement de l’ère du Trias jusqu’au Jurassique pour

observer leur comportement : nutrition, déplace-

ments, création de troupeaux59.

Mais pendant mes recherches j’ai repensé à ce

concept et je me suis dis que plusieurs choses pour-

raient changer. Premièrement ce concept fonctionne

entièrement avec un smartphone ; lorsque je faisais

des recherches je me suis demandé pourquoi je

n’avais tout simplement pas utilisé des figurines.

En effet, elles ‘existent’, elles peuvent être empor-

tées à la maison pour décorer une chambre ou pour

jouer. Elles ont la capacité de créer un lien avec l’en-

fant qui a vu un squelette de dinosaure, qui a acquis

une figurine miniature de ce squelette et qui a pu

lui redonner vie dans un jeu. Il serait intéressant

de travailler avec des enseignants afin d’imagi-

ner comment créer un lien avec leur cours afin de

donner aux enfants l’occasion d’en apprendre plus

avant (préparation de la visite), pendant (étude

des squelettes et table interactive) et enfin après

(en classe ou à la maison) car les adultes pourront

accéder à l’historique des actions de chaque enfant

et ainsi voir quelles ont été ses erreurs, ce qu’il a

tenté de faire. Enfin bien que Florent et moi ayons

qui se sont intéressés à ce sujet et ont proposé des

solutions. Des solutions où l’on donne à l’appre-

nant des outils pour s’exprimer, où la collaboration

est encouragée pour partager le savoir, un domaine

où les interfaces tangibles ont de nombreux atouts.

Peut-être que cette curiosité vis-à-vis de la péda-

gogie et des méthodes était ce qui m’avait donné

envie d’entamer une licence à l’université Lyon III

afin devenir professeur d’Histoire et de géographie

avant de commencer l’école e-artsup.

proposItIon de projetGrâce à mes recherches j’ai pu réaliser qu’il fallait,

dans ma réflexion de designer, prendre en compte

non seulement les enfants mais aussi les parents et les

enseignants58. Aussi, je pense aussi qu’il très impor-

tant de créer une ambiance pour accueillir une

activité pédagogique pour toutes les raisons qui ont

été décrites précédemment.

Après une période de réflexion j’ai décidé de

re-penser un concept sur lequel j’avais travaillé

en début de 4e année avec Florent Chau. Le brief

donné en cours demandait d’imaginer un concept

de scénographie et d’application mobile au sein de

la galerie de paléontologie du Muséum National

d’Histoire Naturelle de Paris. Le projet Simulation

58. Interview avec l’équipe du projet Lunii

58. Vidéo de démonstration du projet Simulation paléontologique, vidéo [en ligne]

Page 58: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

52

En conclusion, ce projet d’installation et d’appli-

cation serait l’occasion de répondre à plusieurs pro-

blématiques en lien avec les interfaces tangibles et la

pédagogie en partant d’un concept repensé avec de

nouvelles informations sur les interfaces tangibles.

Il cible en priorité les élèves en cours élémentaire,

leurs enseignants et leurs parents afin de découvrir

la galerie de paléontologie du MNHN et ses dino-

saures en mélangeant à la fois une représentation

physique réelle (le squelette), un token (la figurine),

et une surface interactive qui comporte une représen-

tation virtuelle, celle du dinosaure réincarné.

imaginé une ambiance préhistorique avec des effets

de lumière et une bande son, je pense qu’il est pos-

sible d’aller plus loin : les murs pourraient être

rocheux, la lumière venant du plafond pourrait

donner l’illusion de la lumière du jour, comme si

l’utilisateur était au fond d’un trou qu’il a creusé

pour découvrir des ossements. La table, d’abord

imaginée en bois pourrait elle aussi être en pierre.

Il faut un lieu pour une expérience mémorable.

Finalement, ce concept incite lui aussi à jouer

en groupe. Cela reste un monde persistant, c’est-

à-dire que les actions des utilisateurs avec leurs

dinosaures vont avoir un impact sur l’environne-

ment et inversement. Ainsi le climat ou la topologie

de la carte pourraient changer. Cela engendre une

plus grande probabilité d’investissement dans l’ex-

périence de la part des utilisateurs car l’univers ne

reste pas figé, ce qui peut les amener à revenir au

musée pour jouer une nouvelle fois avec les figu-

rines qu’ils ont rapportées. L’erreur est encouragée.

Si un enfant s’est amusé à invoquer un tricératops en

plein désert “pour voir ce que ça fait” il saura doré-

navant que le Tricératops est un herbivore et qu’il

a besoin d’herbe et de plantes.

Page 59: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

53

Modélisation 3D de la table interactive dans une salle

du musée

Page 60: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation
Page 61: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

annexes

Page 62: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

56

IntervIew de mIchael stora, psychologue & psychanalysteLundi 2 juin 2014 à Paris

Pour vous, quels sont les avantages des interfaces tangibles ? Trouvez-vous

qu’elles ont des désavantages ? Apportent-elles quelque chose de plus que les GUIs ?

Pensez-vous qu’elles favorisent la découverte et l’autonomie par exemple ?

Un enfant naît avec ses cinq sens. Au cours de son développement l’enfant unifie

ses sens, c’est ce que l’on appelle la ‘transmodalité’. Lorsque l’enfant comprend qu’un

objet ou qu’une entité peut être toucher, entendu, vu, goûté ou senti il réalise qu’il peut

s’unifier avec le monde qui l’entoure. Ensuite vient la ‘proprioception’ où l’enfant

a conscience qu’il existe dans un espace. Si l’enfant jette un objet il va créer du bruit

et voir que l’endroit où il se trouve est composé de différentes matières, que l’objet qu’il

a lancé est à une certaine distance de lui, et à la distance de tel ou tel autre objet. On voit

donc que l’enfant découvre le monde tout petit avec sa bouche mais très vite il le fait

avec sa main, le professeur Gantheret disait d’ailleurs: « La main est la métaphore

du Moi dont le but est de serrer le monde entre son poing fermé ». Les interfaces tangibles

font appel aux sens des enfants et les incitent à le découvrir. Ce type d’interface

a la qualité de s’intégrer à l’espace dans lequel les enfants évoluent.

Dans une interface tangible l’enfant va utiliser un objet ; sa matière, sa texture,

amplifient les caractéristiques de l’objet et qui font encore plus appel aux sens

de l’enfant qui prend plaisir à exister.

Page 63: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

57

Hiroshi Ishii du M.I.T. Lab parlait de fusionner “atoms and pixels” et donc d’interagir sur

le réel. Pensez-vous qu’il faille forcémment imposer une représentation du réel ?

Les enfants peuvent-ils être troublés par une déformation de la réalité ?

L’enfant reste encore à un stade de découverte, vers l’âge de trois ans il est encore

à un stade de développement de sa ‘motricité fine’ et puis il est encore dans l’imaginaire

et l’imagination, il verra plus tard par lui-même comment différencier le vrai du faux,

au même titre que sa réalité n’est pas déformée lorsqu’il voit des illustrations car ce sont

souvent des univers métaphoriques. Avant l’âge de sept ans il se laisse beaucoup plus

aller à sa poésie intérieure.

Je pense qu’il ne faut pas prêter trop de puissance au tangible et en effet le considérer

comme un vecteur. Combiné au virtuel, le tangible peut dépasser ses propriétés,

là où l’on va pouvoir simuler des choses, créer des animations.

Pensez-vous que ces interfaces sont adaptées au système éducatif actuel ?

Quel est leur avenir ?

l’Éducation nationale a débloqué un budget de dix millions d’euros pour

le développement de “serious games” pour apprendre les fondamentaux. Ce qui

témoigne d’une prise de conscience. On est beaucoup plus sur de la pédagogie active.

Quel est votre avis concernant la notion de “digital natives” ? Est-ce que c’est vérifié ?

Est-ce que c’est positif ?

Ma génération est née avec des écrans. Mais par exemple pour la télévision c’était une

relation ‘interpassive’. On interprète ce que l’on voit à l’écran, on le met en parallèle

avec ce que l’on ressent et avec notre histoire : c’est un processus d’identification.

La nouvelle génération est née avec un phénomène d’appropriation de l’image.

Car auparavant on voyait l’image mais aucun moyen d’agir dessus, cela créait alors

de la distance. De nos jours les enfants peuvent toucher l’image, il n’y a plus de distance.

J’ai d’ailleurs parlé dans un article du Monde du « doudou sans fil » en faisant référence

à l’iPhone car le doudou va palier aux angoisses de séparation.

Page 64: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

58

Les enfants nés avec cela ont un surinvestissement de la perception visuelle au point que

le QI de la performance a explosé, il est devenu supérieur au QI verbal31. Mais d’un côté

cela créé un rapport plus sain à l’image pour les enfants comparés à leurs parents.

Les plus petits comprennent les mécanismes de l’image et comment elle peut parfois

être mensongère (photoshop). Pour les digital natives, l’image est devenue un objet banal.

Comment définiriez-vous un bon espace de travail ? Sur quel critères ?

La scénographie peut-elle contribuer à améliorer cela ?

Avant le CP on va surtout apprendre aux enfants à exister dans l’espace, à se déplacer,

à ne pas bouger par exemple. On leur créé des activités et des parcours mais ils restent

bien souvent sans enjeux. Or les enfants sont toujours en compétition les uns avec

les autres. Pour ne pas créer un espace individuel ou chacun existe dans son coin

la scénographie peut participer à la création d’un cadre collaboratif, un jeu en groupe

par exemple. L’exposition ‘Mille milliards de fourmis’ au Palais de la découverte à Paris

présente d’ailleurs un jeu qui, pour faire l’analogie entre la cohésion de groupe

et la collaboration des fourmis, repose sur la coopération entre les joueurs. C’est-à-dire

qu’il est impossible de gagner seul. C’est là que la dimension du ludique est essentielle,

car c’est souvent par le jeu que l’enfant s’approprie le savoir. Il faut donc créer un

espace pour le jeu et s’il y a une ambiance associée (avec du son ou des illustrations)

cela contribue à la motivation et aussi à la désacralisation de l’enseignant qui devient

accessible. On ne créé pas se rapport de force entre l’élève et le professeur mais

on mutualise les statuts de chacun. Il faut que cet espace favorise aussi l’imaginaire,

où un simple bâton peut devenir l’épée du roi Arthur par exemple. Pour Freud :

« il n’y a pas d’apprentissage sans expérience hédonique ». Le tangible est au service

de l’imaginaire et de l’imagination.

Page 65: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

59

Concernant l’éducation, que pensez-vous du système de notation ? Ne devrait-on pas

encourager l’expérience et la découverte et du coup noter les méthodes employées

plutôt que le résultat ?

Malheureusement l’école ne favorise pas toujours la créativité, lorsque l’on apprend

à ne pas dépasser quand il faut colorier par exemple. Des écoles favorisent la ‘pédagogie

active’ où l’enfant apprend à ne pas avoir peur de se tromper et où il est conseillé

de rechercher la nouveauté. L’enfant en sort grandi car il développe un sens de déduction

lorsqu’il va comparer ses différentes créations, examiner les couleurs d’un dessin

par rapport à un autre. En fin de compte on pourrait presque dire que l’on favorise

l’erreur mais c’est grâce aux erreurs que l’on créé un processus de travail car on

sait ce que l’on devra faire et ne pas refaire à la prochaine tentative. C’est très bien

illustré dans les jeux vidéos où l’ont dit parfois que l’on est ‘bloqué’, jusqu’à avoir refait

suffisamment de fois une action pour comprendre le mécanisme. C’est en perdant

qu’on apprend à gagner alors qu’à l’école une note peut faire baisser une moyenne

sur toute l’année. Mon avis c’est qu’il faudrait voir l’école comme une simulation

de soi où l’on prend des risques.

Page 66: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

60

IntervIew de johanna hartzheIm & pIerre-rudolf gerlach Respectivement designer et CTO du projet Qleek.me

Jeudi 12 juin 2014, lors de l’exposition Futur-en-Seine à Paris

Quel type de lien le projet Qleek54 est-il susceptible de créer ?

Pourquoi créer de l’interaction ?

Le lien est dans le début d’une conversation. Tu vas chez quelqu’un, s’il n’avait que des

fichiers sur son ordinateur tu n’aurais aucune idée de ce qu’il aime et de ce qu’il écoute.

En revanche si tu arrives quelqu’un et que tu vois sa bibliothèque tu as une idée de qui

est la personne et de vos points communs. Tu extériorises ce que tu es. Même principe

pour les photos où tu as l’habitude d’en prendre sur ton téléphone mais tu ne vas jamais

les voir sur ton ordinateur, et tu vas encore moins les imprimer à cause du coût,

du déplacement que ça peut impliquer et du temps que ça prend.

Concernant le design : pourquoi ces matériaux ? Cette forme hexagonale ?

Tout a été étudié pour que l’objet tienne dans la main, ça a une vertu ergonomique.

Aussi c’est important pour le rangement car ça tient facilement dans une bibliothèque.

Ça n’a pas la taille d’un livre ni d’un CD : pas trop grand ni trop petit. Comme ça l’objet

reste facile à transporter mais il prend toujours un peu de place, et donc de l’importance.

J’ai utilisé du bois pour m’éloigner de l’univers ‘tech’ et ainsi se placer plutôt dans l’univers

maison, intérieur et design. Le bois est aussi connoté comme étant plus friendly

car il est doux et chaleureux. Cela évite aussi d’effrayer les technophobes car ils ont en

face d’eux un matériaux commun qui communique la simplicité. La forme hexagonale

n’incarne pas ce vers quoi elle redirige (des images, des vidéos, des playlists) mais elle possède

la qualité de rendre l’objet modulaire, c’est plus facile pour les ranger les uns à côté des

autres our bien pour décorer.

Page 67: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

61

Pourquoi pensez-vous qu’il y a un retour à l’objet ?

Je pense que ce n’est pas vraiment un retour à l’objet. C’est juste qu’il y a de nouveaux

objets. L’objet n’a jamais vraiment complètement disparu. On a pris l’habitude de tout

accumuler et de ne plus trier ; quand tu as accès à tout et que les possibilités semblent

infinies les choses perdent de leur valeur. Du coup l’objet recréé la rareté qu’on a perdu.

Que pensez-vous de de l’avenir des objets connectés ?

Je ne suis pas très fan du terme ‘objet connecté’. Je suis plutôt de l’avis de Rafi Haladjian

pour qui le fait qu’un objet soit connecté va devenir très vite une commodité ; avant

on parlait des objets électriques mais maintenant plus besoin de préciser si l’objet est

électrique ou non car c’est devenu naturel. La question se pose plutôt sur les nouveaux

usages qui vont voir le jour. Je pense que dans trois ans ce terme aura disparu. D’ailleurs

on peut prendre l’exemple des téléphones, au final il n’y a rien de plus connecté qu’un

smartphone, c’est un objet connecté mais personne ne le précise car c’est une évidence.

Généralement les gens placent Qleek comme un objet connecté, or on ne capte aucune

donnée, c’est une redirection automatique vers un contenu. Le projet Mother développé

par Sen.se (d’ailleurs créé par Rafi Haladjian) est pour moi l’achèvement des objets

connectés, il enregistre énormément d’informations. Au final ce qui est intéressant

ce n’est pas forcément les données que l’on capte mais la façon dont elles sont traitées

et perçues par les destinataires.

Page 68: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

62

IntervIew de l’éQuIpe du projet lunII & lunIIlabReprésentée par Claire Bresson et Pauline Dorel (LE CUBE)

ainsi que Thomas et Irgor Krinbarg (VeridisQuo Design)

Jeudi 12 juin 2014, lors de l’exposition Futur-en-Seine à Paris

Avez-vous testé le projet auprès des enfants ?

Pendant six mois, les enfants étaient dans cinq classes dans la Communauté

d’Agglomération Grand Paris Seine Ouest (GPSO). Chaque classe, d’une moyenne de

30 élèves répartis en binômes, a écrit 15 histoires en suivant le schéma narratif tel

qu’il est enseigné à l’école avec une partie d’introduction, l’élément perturbateur, les

péripéties et enfin le dénouement. Ce sont ces quatre blocs qui sont interchangeables

et permettent de combiner les histoires des enfants. Le test de la combinaison des

histoires s’est fait auprès d’une seule classe car le faire au sein des cinq classes aurait été

trop important, il fallait se contenter au début d’un plus petit échantillon. Il y avait tout

de même des contraintes pour qu’il y ai une suite logique entre les différentes parties.

Serait-ce un support pour les enseignants ?

On a remarqué que pour l’enseignant Lunii servait d’appui pédagogique. Ça a lui a permis

pendant six mois de créer beaucoup plus d’interaction dans sa classe et de rendre le cours

moins ennuyeux car ce n’était pas un travail individuel. Les enfants se sont ancrés dans

un projet réel en collaboration avec leur enseignant mais aussi les autres écoles: un projet

concret. La communication entre les différents acteurs sur l’avancée du projet s’est faite via

un compte Twitter mis à leur disposition sous le regard des parents, spectateurs de l’avancée

de leurs enfants. Ces derniers d’ailleurs utilisaient le compte Twitter directement sans

passer par l’enseignant afin de nous poser des questions comme si Twitter

était devenu un jeu pédagogique.

Page 69: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

63

Est-ce qu’à l’avenir vous imaginez que ce genre de concept peut-être applicable

un peu partout au sein de l’Éducation nationale ?

Les enseignants nous ont fait de nombreux retours positifs. Pour eux ce genre

d’application est tout à fait justifié car il est ancré dans leur programme. Ils ont

aussi relevé la grande motivation des enfants grâce à l’interaction qui était créée,

loin de la rédaction sur la feuille a carreaux. Ils se sont amusés. La valeur ajoutée

est le travail en binôme car cela surprend mais on apprend aux enfants à travailler

en groupes seulement à partir du collège. En revanche au début c’était assez compliqué

pour les élèves pour la formation des groupes. Chaque enseignant avait une approche

différente mais c’était souvent la composition d’un binôme avec un maillon fort

et un élève moins à l’aise ou alors par affinité.

Toutefois c’est le premier type de binôme qui a le mieux fonctionné. À plus grande

échelle cela fait sept ans que nous faisons les ateliers “connectons nos écoles” où nous

testons chaque année une nouvelle technologie dans un atelier avec beaucoup

de succès. On considère la technologie non pas comme le but mais comme le moyen.

On se focalise sur les méthodes employé et le résultat final auquel arrivent les élèves.

On hésite pas à mélanger les outils : twitter, la radio, les applications.

La relation apprenant/enseignant a-t-elle changé durant ce projet ?

L’enseignant se sentait beaucoup plus soutenu car nous étions là pour le conseiller

et vice versa. Il y avait un contact régulier qui permettait de faire avancer le projet

concrètement. De plus des enseignants ont rattaché certaines parties du projet à leur

expérience ou à d’autres parties de leur cours. Lorsqu’il s’agissait d’établir le lieu

de l’intrigue et que les enfants ont choisi de partir sur le labyrinthe, un enseignant

conquis par la culture anglaise s’est dit qu’il fallait concevoir un labyrinthe

‘à l’anglaise’. Pour l’écrit et la rédaction l’utilisation de Twitter n’exemptait pas

les enfants de faire des fautes, et l’utilisation de 140 caractères les contraignait

à choisir les bons mots pour s’exprimer tout en ayant un message impactant.

Page 70: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

64

Avez-vous rencontré des problématiques liées au coût d’un tel projet ?

Ce projet est intervenu dans le cadre d’un appel à projet que l’on a remporté ce qui

nous a permis de débloquer des fonds de la Région Île de France pour le développer.

La question financière ne s’est pas trop posée car tout a été fait en fonction de l’enveloppe qu’on

nous a donnée. Après pour nos autres projets on essaye toujours de travailler avec

des outils qui coûtent peu cher. Lorsqu’on a eu besoin d’utiliser de la réalité augmenté

on a travaillé avec une application pré-conçue (Aurasma) qui coûtait moins d’une dizaine

d’euros. Il ne faut pas effrayé les enseignants parfois technophobes, et leur montrer

que s’ils veulent refaire cette activité une autre année c’est quelque chose

de financièrement abordable, il faut que ce soit à leur portée. Il ne faut pas oublier

que les régions équipent les classes de plus en plus avec des tablettes, des ordinateurs

et autres outils numériques.

Mais cela ne représente-t-il pas une inégalité entre les régions

qui sont moins équipées ?

D’un côté si. Mais il faut savoir que récemment l’Éducation Nationale a créé un pôle

numérique et puisque les écoles primaire sont gérées par les municipalités elles

peuvent plus facilement demander à débloquer des fonds pour le développement

d’activités numériques. Ça se développe de plus en plus. L’avenir de l’école c’est d’aller

vers des outils de plus en plus maniables et collaboratifs.

Page 71: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

65

Page 72: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

66

Pinch

Traduit de l’anglais par « pincer ». Sur un écran tactile cela

correspond à la gestuelle où l’utilisateur rapproche deux doigts. Pour

agrandir une image par exemple.

Bits

Le bit est un chiffre binaire, c’est à dire 0 ou 1. Il est donc aussi

une unité de mesure en informatique, celle désignant la quantité

élémentaire d’information représentée par un chiffre du système

binaire.

Cloud computing

Le cloud computing est une manière de fournir et d’utiliser les

aptitudes des systèmes informatiques, qui est basée sur les ‘nuages’ :

un parc de machines, d’équipement de réseau et de logiciels

maintenu par un fournisseur, que les consommateurs peuvent

utiliser en libre service via un réseau pour échanger ou stocker des

données. Quelques services connus: google drive et dropbox.

User friendly

Une interface est qualifiée de “user friendly”

lorsqu’elle est conviviale pour ses utilisateurs finaux.

Affordance

La capacité d’un système ou d’un produit à suggérer sa propre

utilisation. C’est un concept imaginé par James J. Gibson

dans les années 1970.

Instance

Synonyme d’une entité unique qui comporte des qualités propres.

Elle peut être dupliquée mais chacune des copies se réfère à l’entité

initiale. Dans le jeu Risk par exemple un seul pion peut remplacer

plusieurs pions de niveau inférieur.

Multitouch

Une interface est multitouch lorsqu’il est possible d’utiliser plusieurs

doigts pour la contrôler, ou lorsque plusieurs utilisateurs peuvent

interagir sur la même surface simultanément. Cette notion s’oppose

au single touch qui fonctionne avec un seul doigt.

Engagement

Dans le contexte cognitif, l’engagement est la combinaison

de l’attention et de la concentration de l’utilisateur

vis-à-vis d’une activité.

lexIQue

Page 73: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

67

Gameflow

C’est le déroulement d’un jeu. Un gameflow équilibré varie la

difficulté d’une épreuve pour ne pas être linéaire et il n’est

ni trop difficile, ni trop facile, il est adapté aux attentes du joueur.

Incrémentation

En informatique, l’incrémentation est l’opération qui consiste

à ajouter une valeur à un total. Dans le contexte du travail cela

se traduit par le fait de travailler étape par étape en ajoutant des

nouvelles connaissances à chaque tentative afin de progresser.

Input et Output

L’output est le périphérique de sortie qui permet de constater

le résultat d’une action effectuée via un input. Par exemple

sur un ordinateur portable, l’input est le clavier et l’output

est l’écran. L’output n’est pas exclusivement visuel, il peut peut

aussi être sonore.

Interface organique

Interface sur un dispositif d’affichage qui peut se plier,

changer de forme en fonction d’une donnée informatique

ou bien changer de forme par lui-même.

Page 74: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

68

1. Définition du Larousse

2. MINOIS Georges, Les grands pédagogues, Du Seuil, 2006, p.9-10

3. KOZANITIS Anastassis, Historique de l’approche de l’enseignement, Bureau d’appui pédagogique Ecole Polytechnique, 2005, [en ligne] http://www.polymtl.ca/bap/docs/documents/historique_approche_enseignement.pdf

4. LIEURY Alain, DE LA HAYE Fanny, Psychologie cognitive de l’éducation, DUNOD, 2009, p.13-34

5. CRAHAY Marcel, Psychologie de l’éducation, Quadrige, 1999

6. ASTOLFI Jean-Pierre, L’erreur, un outil pour enseigner, Broché, 2011

7. REASON James, L’erreur humaine, Presses Universitaires de France, 1993

8. SCALA, 1995, p. 23

9. SANA Thibault et BAYLOT Virginie, Fiche de lecture sur L’erreur, un outil pour enseigner de Jean-Pierre Astolfi, Université de Provence, [en ligne] http://cies.univ-provence.fr/data/SanaBaylot_Fichelecture.pdf

10. BOIMARE Serge, L’enfant et la peur d’apprendre, Dunod, 2000

11. Lepoint, Les zéros pointés en dictée, une pédagogie pas très efficace, 10 avril 2014, [en ligne] http://www.lepoint.fr/societe/les-zeros-pointes-en-dictee-une-pedagogie-pas-tres-efficace-10-04-2014-1811893_23.php

12. LALLEMANT Patrick, 5 questions à Jean-Pierre Astolfi : l’erreur, source d’apprentissage, 30 avril 2004, [en ligne] http://www.vousnousils.fr/2004/04/30/hors-serie-recherche-appliquee-2105-questions-a-jean-pierre-astolfi-lerreur-source-dapprentissage-246821

13. Article universitaire [en ligne] http://theses.univ-lyon2.fr/documents/getpart.php?id=lyon2.2005.pekdag_b&part=104016

14. SARFATI Anne-Cécile, BRUNET Christine, Petits tracas et gros soucis de 1 à 7 ans : Quoi dire, quoi faire?, Broché, 2002

15. Définition du Larousse [en ligne]

16. HORNECKER Eva, What are Tangible Interfaces, 2004, [en ligne] http://www.ehornecker.de/Tangibles.html

17. ULLMER Brygg, Tangible Interfaces for Manipulating Aggregates of Digital Information, Massachusetts Institute of Technology, 2002, [en ligne] http://alumni.media.mit.edu/~ullmer/thesis/full-noblanks.pdf

références

Page 75: Recherche – Interfaces tangibles dans l'éducation

69

18. CHAKRABORTY Anit, GRAEBNER Randy, STOCKY Tom, LOGO : A Project History, 10 décembre 1999, [en ligne] http://web.mit.edu/6.933/www/LogoFinalPaper.pdf

19. Vidéo d’explication [en ligne] https://vimeo.com/19930744

20. FITZMAURICE George, Graspable User Interfaces, University of Toronto, 1996, [en ligne] http://www.dgp.toronto.edu/~gf/papers/PhD%20-%20Graspable%20UIs/Thesis.gf.html

21. Vidéo [en ligne] https://www.youtube.com/watch?v=V-TGEe-Imro

22. Article [en ligne] http://tangible.media.mit.edu/person/hiroshi-ishii

23. ISHII Hiroshi et ULLMER Brygg, Tangible Bits : Towards Seamless Interfaces between People, Bits and Atoms, Proceedings of CHI, mars 1997

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25. ULLMER Brygg, Tangible Interfaces for Manipulating Aggregates of Digital Information, Massachusetts Institute of Technology, 2002, p.22, [en ligne] http://alumni.media.mit.edu/~ullmer/thesis/full-noblanks.pdf

26. Userstudio, DIRTI for iPad, 2013, vidéo [en ligne], http://www.userstudio.fr/projets/dirti-for-ipad

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28. S.D. Scott, R.L. Mandryk et K.M. Inkpen, Understanding children’s collaborative interactions in shared environments, Departments of Computer Science, Universities of Calgary, 2003, [en ligne] http://pages.cpsc.ucalgary.ca/~sheelagh/wiki/uploads/Main/Publications/Scott.pdf

29. P. Wellner, W. Mackay, and R. Gold, Computer-augmented environments. Back to the real world, Communications of the ACM , vol. 36, no. 7, pp. 24–26, 1993

30. Interview avec Michael Stora

31. NICOLLET Jessica et al., Performance aux tests d’intelligence : vers une inversion de l’effet Flynn?, 2009, article [en ligne] http://osp.revues.org/2109

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32. Définition Wikipédia http://fr.wikipedia.org/wiki/Formation_en_ligne

33. Courrier Cadres, Les serious games : qu’est-ce que c’est?, vidéo [en ligne] https://www.youtube.com/watch?v=1zL1gqYJdqk

34. Formasup, Interview d’Eric Sanchez: maître de conférences et directeur d’EducTice à l’Institut Français de l’Éducation (IFE) École Normale Supérieure de Lyon, janvier 2014, vidéo [en ligne] http://www.canal-u.tv/video/formasup/embed.1/les_jeux_serieux.14111

35. Vidéo [en ligne] https://vimeo.com/57373837

36. JARRAUD François, Le jeu sérieux : un nouvel horizon pour l’Ecole ? Entretien avec Julian Alvarez, 15 mai 2008, [en ligne] http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/laclasse/Pages/2008/93_EcoleEntretienavecJulianAlvarez.asp

37. Article [en ligne] http://www.lunii.fr/accueil2/concept-2/

38. WOOI Goh et al., The i-Cube: Design Considerations for Block-based Digital Manipulatives and Their Applications, [en ligne], http://www3.ntu.edu.sg/home/aswbgoh/publication/DIS2012_iCube.pdf

39. ULLMER Brygg, Tangible Interfaces for Manipulating Aggregates of Digital Information, Massachusetts Institute of Technology, 2002, [en ligne] http://alumni.media.mit.edu/~ullmer/thesis/full-noblanks.pdf

40. Définition [en ligne] http://www.usabilityfirst.com/glossary/screen-real-estate/

41. Définition Wikipédia, [en ligne] http://fr.wikipedia.org/wiki/Risk#Attaques

42. MARSHALL et al., Tangibles in the Balance : A Discovery Learning Task with Physical or Graphical Materials, Proc. ACM Fourth Int’l Conf. Tangible, Embedded, and Embodied Interaction, p. 153-160, 2010

43. LEVIN Golan, Scrapple, 2005, [en ligne], http://www.flong.com/projects/scrapple_perf

44. BISCHOF Markuset al., XENAKIS – Combining tangible interaction with probability-based musical composition, 2008, [en ligne] http://modin.yuri.at/tangibles/data/xenakis.pdf

45. ops2.com, interview : 3 questions à Étienne Mineur, mai 2012, [en ligne] http://www.ops2.com/opserver/blogdetail.asp?idblog=95

46. GUILLAUD Hubert, Demain, les interfaces organiques, avril 2009, [en ligne] http://www.internetactu.net/2009/04/22/demain-les-interfaces-organiques

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71

47. Définition [en ligne] http://tangible.media.mit.edu/vision

48. Jean-Louis Fréchin : directeur du studio NoDesign

49. User Studio, SCHWARZ Diemo, DIRTI : Dirty Tangible Interfaces, [en ligne] http://www.topophonie.fr/content/publications/39/file5145e46fd1d3a.pdf

50. HORNECKER Eva, ORIT Shaer, Tangible User Interfaces : Past, Present, and Future Directions Foundations and Trends, 2009, [en ligne] http://www.academia.edu/232329/Tangible_User_Interfaces_Past_Present_and_Future_Directions

51. Article [en ligne] http://tangible.media.mit.edu/project/inform/

52. Article [en ligne], décembre 2013, http://tempsreel.nouvelobs.com/le-dossier-de-l-obs/20131129.OBS7645/chirurgie-a-distance-les-exploits-d-un-medecin-francais.html

53. ZANON Olivier, Dématérialiser ses données : quels sont les risques ?, 7 septembre 2011, article [en ligne] http://www.journaldunet.com/solutions/expert/50139 dematerialiser-ses-donnees---quels-sont-les-risques.shtml

54. Interview avec l’équipe de Qleek.me

55. CHAMPEAU Guillaume pour Numerama, Vincent Peillon crée la Direction du numérique pour l’éducation (DNE), 18 février 2014, [en ligne] http://www.numerama.com/magazine/28463-vincent-peillon-cree-la-direction-du-numerique-pour-l-education-dne.html

56. Teaser de l’installation Wall of Rain [en ligne] https://vimeo.com/96439425

57. Teaser du projet Simulation paléontologique [en ligne] http://youtu.be/oMIdRU583nE

58. Interview avec l’équipe du projet Lunii

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Dans ce mémoire, les fontes utilisées

sont les suivantes :

Titres : Frutiger LT Std 45 Light corps 16

Intertitres : Frutiger LT Std 75 Black corps 12

Texte courant : Mrs Eaves XL Serif corps 10

Notes : Mr Eaves Mod OT corps 8

Dossier de recherche

imprimé en Juin 2014 à Paris.

Le format choisi est celui d’un iPad : 240 x 185 mm.

Cela permet d’évoquer l’objet qui peut être sublimé

et par lequel on accède en le manipulant.

« Les livres sont des secrets échangés dans la nuit »

Citation de Christian Bobin, écrivain français.

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