Francisco R. Klauser, Université de Neuchâtel, 1 octobre 2012
Les origines de la géographie politique:
Friedrich Ratzel
Une vision de la géographie politique – une vision du monde
•Repères biographiques & généralités
•Contexte socio-politique &
intellectuel
•Notions clés: Etat, Sol, Lebensraum,
Frontière
•Conclusions
Repères bibliographiques
• 1844 né à Karlsruhe (famille attachée au grand Duché de Bade)
• 1863 laborantin pharmacien
• 1868 docteur en zoologie, Université de Heidelberg
•Voyageur et journaliste: France, Italie, Hongrie, Cuba, Mexique, Etats-Unis
•1871: Chargé de cours (Géographie) à la Technische Hochschule München
• 1876: Chaire extraordinaire en Géographie à München
• 1882: Directeur de la société coloniale allemande
• 1886: Chaire de Géographie à Leipzig
Ouvrages principaux
1882 Anthropogeographie oder Grundzüge der Anwendung der Erdkunde auf die Geschichte. Partie 1, Stuttgart, J.Engelhorn
1891 Anthropogeographie. Die Geographische Verbreitung des Menschen. Partie 2, Stuttgart, Englehorn
1897 Politische Geographie, R.Oldenburg, Munich et Leipzig.
La Politische Geographie de Ratzel
Généralités:
•Ouvrage de référence et texte fondateur de la Géographie Politique. Mais: La Géographie Politique n’est pas une création ratzélienne
•La Géographie Politique comme « l‘Etude comparative des relations qu‘entretiennent l‘Etat et le sol »
•Projet scientifique qui vise à expliquer les logiques, structures et lois qui sous-tiennent et façonnent les formations spatiales de l’Etat
•Projet de codifier la manière de penser la politique d’un point de vue spatial
•Ambition de « grande théorie »: développement d’un système universel d’intelligibilité de la réalité spatio-politique
Contexte socio-politique de Ratzel
• Nationalisme prussien-allemand
• Colonialisme: Problématique de « l’Espace fermé »
• Nouvelles Technologies (transport, télécommunications, etc.)
→ Expansion vs Enfermement
Contexte Intellectuel de Ratzel
• Idéalisme et vision téléologique du monde
• Anthropocentrisme
• Pensée Romantique
• Darwinisme Social
• Positivisme
• Naturalisme
• Institutionnalisation récente de la géographie…
• Sciences naturelles – Sciences sociales
L’approche épistémologique de Ratzel
« L’être humain ne se considérera plus, dès lors, comme une exception face
aux lois de la nature, mais il commencera enfin à examiner les lois qui
déterminent ses propres actions et pensées et il s’efforcera de mener sa vie
conformément aux lois naturelles. […] La politique, la morale, les fondements
du droit, […] ne seront bâtis plus que sur les lois de la nature. L’existence
humaine, au sujet de laquelle on radote depuis des millénaires, attendra enfin
la vérité » (Ratzel, Sein und Werden der organischen Welt : 1877 : 478-479).
- Déterminisme
- Spatialisme
- Naturalisme
Notions clés chez Ratzel: L’Etat (1)
1. L’Etat comme finalité de l’histoire
2. L’Etat comme individu géographique → personnification de l’Etat
« La correspondance de l’Etat avec les conditions naturelles agit sur celui-ci
d’une manière toujours plus individualisante […] La prise en considération
des rapports organiques entre les Etats et de leur différenciation interne
nous a familiarisé avec la pensée que chaque place sur la terre a sa propre
valeur politique » (112 & 114)
Notions clés chez Ratzel: L’Etat (2)
3. Vision Organiciste de l’Etat
« Les Etats seront envisagés, à tous les stades de leur développement,
comme des organismes qui entretiennent avec le sol un rapport
nécessaire et qui doivent, de ce fait, être considérés sous un angle
géographique » (2). « L’Etat des hommes est, lui aussi, une forme de
propagation de la vie à la surface de la terre. Il est exposé aux mêmes
influences que toute vie » (11). « Chaque peuple constitue un corps
vivant établi sur un sol par essence immuable, dont il tire sa subsistance
et avec lequel il est en outre lié par des attaches affectives » (89).
Notions clés chez Ratzel: L’Etat (3)
4. Limites de la Vision Organiciste de l’Etat
4.1. Naturvölker vs Kulturvölker
« Plus un Etat atteint un niveau de développement élevé, plus tout son
développement constitue une croissance hors des fondements organiques,
de telle sorte que la simple comparaison de l’Etat avec un organisme
confient mieux aux Etats primitifs qu’aux Etats avancés » (12).
4.2. « Spiritualisme »
« Dans toutes les manifestations vitales de l’Etat la relation spirituelle agit
sur le fondement corporel » (15).
4.3. Autres échelles géographiques… Le monde comme organisme
« Le commerce mondial tend à transformer toute la terre en un organisme
économique unique, au sein duquel les peuples et les pays ne seront que
des organes plus ou moins subordonnés » (28).
Notions clés chez Ratzel: Le sol
• Source de vitalité, énergie primitive à disposition du peuple
• L’Etat comme réalité spatiale (vs sciences politiques)
• Relation de l’Etat au sol: comme base et moteur de l’histoire
« L’étendue de la surface terrestre constitue pour l’homme et son histoire
une grandeur immuable. Les hommes se multiplient, mais le sol sur
lequel ils doivent vivre et agir reste le même. […] On pourrait dire que
l’histoire devient, avec chaque génération, plus géographique ou plus
territoriale. Les hommes naissent et disparaissent, le sol demeure :
comment chaque époque historique ne devrait-elle pas l’apprécier
davantage ? » (34).
« Tout développement étatique est une organisation progressive du sol, par
le biais d’une relation toujours plus étroite avec le peuple » (15).
Notions clés chez Ratzel: Le Lebensraum
« Pour l’humanité, la signification de son Lebensraum, auquel on a donné le
nom d’oekoumène, est de première importance. Mais chaque espèce
végétale et chaque espèce animale a son oekoumène. C’est l’espace que
l’espèce s’approprie sur terre ; une partie de la capacité de vie de l’espèce
dépende de la grandeur et de la forme de cet espace. Même si nous ne
distinguons pas exactement cet espace, il est clair qu’il appartient aux
plantes, aux animaux et au peuple » (Ratzel, 1901 : 45).
Notions clés chez Ratzel: Equilibre spatial
« La tendance générale à l’adaptation et à l’équilibration spatiale propage
l’accroissement de la taille d’Etat à Etat et l’intensifie de manière
ininterrompue. C’est le propre de l’essence de l’Etat que de se développer en
compétition avec ses voisins, dans une lutte dont l’enjeu consiste
généralement en portions de territoire » (247).
Accroissement de l’Etat
Finitude de l’espace Tendance à l’égalisation
-Conflictualité interétatique constante- progression des nouvelles espèces – régression des anciennes- processus: conquêtes spatiales / migrations- conflit comme nécessité naturelle, et comme signe de vitalité
Notions clés chez Ratzel: Frontière (1)
La frontière comme limite
« Si on veut bien comprendre les frontières politiques actuelles, il faut
prendre en considération simultanément les limites linguistiques, raciales,
culturelles, religieuses et économiques par lesquelles le tracé précis des
lignes se dissout dans l’image d’une frange territoriale » (331).
La frontière comme mouvement
•Ligne frontière vs zone frontière; frontière close et frontière discontinue
« Si l’on admet que la frontière est l’expression périphérique d’un
déploiement dans l’espace, alors la forme de la frontière laisse deviner la
nature de ce mouvement: enflée si la croissance est facile, repliée en cas de
rétention, avec parcours d’autant plus sinueux que les conditions sont
changeantes » (335).
« La frontière apparemment si immuable n’est que le lieu transitoire d’un
mouvement» (332).
Notions clés chez Ratzel: Frontière (2)
La frontière comme processus
Formation, démarcation, stabilisation, institutionnalisation
« Les peuples ayant un bas niveau de développement culturel ne voient pas
dans la définition rigoureuse du tracé des frontières une nécessité d’ordre
étatique. La délimitation géométrique de la frontière n’est le propre que d’un
haut niveau de civilisation et elle est à peu de choses près accomplie, à ce
jour, en Europe seulement » (338).
- nationalisme, Eurocentrisme
Notions clés chez Ratzel: Mouvement
« On a l’impression que le peuple se meut en avant ou en arrière comme une
masse liquide » (90) Il n’existe pas, dans les limites de l’oekoumène,
d’obstacles absolus au mouvement de la vie » (93)
La géographie politique comme une théorie du mouvement
Le mouvement comme
•résultat de la relation sol – Etat
•‘fait naturel’
•signe de vitalité
•finalité
Conclusions (1)
• Une « grande théorie » en géographie politique
• Projet « d’écriture de l’espace »
• Programme d’observation mais aussi une véritable ontologie spatiale
• Problématique relationnelle de la géographie
• Approche nomothétique
• Spatialisation de la question politique et historique
Conclusions (2): Les problèmes avec Ratzel…
• Déterminisme/spatialisme
• Théorie générale comme projet politique
• Supériorité nationaliste
• Appel aux armes (implicite)
• Anti-individualisme
… et une suite très problématique…
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