MultiDevHaïti
Programme Multilatéral de Développement parlementaire francophone
Haïti
Rapport Mission d’identification des besoins techniques
de l’Assemblée nationale de la République d’Haïti
Port-au-Prince – 26 au 28 septembre 2018
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1. Contexte : Présentation de la situation électorale et politique récente en Haïti
Haïti est une République insulaire dont la création remonte au 1er janvier 1804. Elle a été
marquée par des instabilités politiques, la dictature du régime duvaliériste et la violence des
Tontons macoutes. Sources d’une désorganisation avancée des institutions, ces différents
problèmes politiques ont été aggravés par le dramatique tremblement de terre historique qui a
frappé la capitale Port-au-Prince le 12 janvier 2010. Ces dernières années, Haïti a traversé de
nouvelles crises qui ont affecté les institutions de la République.
Les élections de 2015
En décembre 2014, de violentes manifestations réclamant la démission du Président de la
République, M. Michel Martelly, et la tenue d’élections ont amené le Premier ministre, M.
Laurent Lamothe, à démissionner.
La campagne électorale a débuté officiellement le 9 juillet 2015 pour les scrutins visant à
renouveler l’ensemble de la Chambre des députés et les deux tiers du Sénat. Le premier tour
des élections législatives a eu lieu le 9 août et le second tour le 25 octobre, en même temps que
les élections municipales et le premier tour de l'élection présidentielle.
Ces élections qui avaient été reportées à maintes reprises pendant quatre ans ont présenté
plusieurs lacunes dans leur déroulement : lors du premier tour des élections législatives, la
majorité des bureaux de vote ont ouvert avec un retard important et certains, dans la capitale,
ont été le théâtre d’incidents violents ayant nécessité leur fermeture. Plusieurs électeurs n’ont
pas pu exercer leur droit de vote de façon secrète. Le taux de participation a été seulement de
18 % à l’échelle nationale.
Au total, le Conseil électoral provisoire (CEP) a annulé le scrutin de 25 des 119 circonscriptions
en raison de violences et d’incidents divers. 14 candidats soupçonnés d’irrégularités et de
violences durant le scrutin du 9 août ont été radiés des listes électorales.
Un mois après le vote, les résultats du premier tour des législatives n’étaient toujours pas
annoncés. Le premier parti d’opposition a annoncé le 9 septembre 2015 son retrait du processus
électoral. À l’issue des élections du 9 août, seuls 10 parlementaires étaient élus au premier tour
sur les 139 sièges à pourvoir.
Les Haïtiens ont de nouveau été appelés aux urnes le 25 octobre pour le second tour des
législatives, pour les élections municipales et pour le premier tour de la présidentielle. En tout,
cinquante-quatre hommes et femmes étaient en lice pour la présidence. Contrairement au vote
du 9 août, cette journée d’élection s’est déroulée dans le calme, et ce, malgré un taux de
participation beaucoup plus important.
Début novembre, l’opposition a manifesté dans les rues de la capitale à quelques reprises pour
contester les résultats du premier tour de l’élection présidentielle. Sept candidats à l’élection
présidentielle, dont ceux arrivés en deuxième et en troisième positions du premier tour, ont
formé un front commun pour contester la validité des résultats.
Le climat tendu dû aux manifestations a entraîné le report du second tour de l’élection
présidentielle. Le 23 décembre, le gouvernement a mis en place une commission d’évaluation
électorale qui a reconnu de nombreuses irrégularités dans le processus électoral de l’automne.
En conséquence, le deuxième tour de l’élection, prévu le 27 décembre, a été reporté au 24
janvier 2016.
La campagne du second tour a débuté le 8 janvier 2016 dans un contexte de crise, devant le
refus de M. Jude Célestin, candidat de l’opposition, de participer au scrutin tant que
l'administration électorale ne serait pas profondément remaniée.
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Dans l’intervalle, les députés et sénateurs nouvellement élus sont entrés en fonction le 11
janvier 2016, permettant au Parlement de reprendre ses travaux après un arrêt forcé causé par
les reports successifs des élections législatives. La rentrée parlementaire s’est toutefois
effectuée sans que la totalité des sièges ne soit pourvue. Aucune femme n’était par ailleurs
recensée parmi les 116 élus à prendre fonction.
Malgré la multiplication de manifestations violentes et le refus de M. Jude Célestin, candidat
de l’opposition arrivé deuxième lors du premier tour de la présidentielle, de participer au second
tour, le Président Michel Martelly a confirmé la tenue des élections le 24 janvier.
En raison de la tenue d’un scrutin présidentiel avec un seul candidat, la Secrétaire générale de
la Francophonie a décidé d’annuler la mission d’information et de contacts qui devait se rendre
en Haïti à l’occasion de ces élections.
Deux jours avant le scrutin, « face à la détérioration de l’environnement sécuritaire et les
menaces qui pèsent sur le processus électoral », le CEP a décidé de surseoir aux opérations
électorales et à la tenue du scrutin du 24 janvier.
Le gouvernement intérimaire et la reprise de l’élection présidentielle
À l’approche du terme du mandat présidentiel, le 7 février 2016, des concertations entre
l’exécutif et le législatif ont été engagées afin de trouver un consensus devant permettre le bon
fonctionnement des institutions et la relance du processus électoral. Ces concertations ont
abouti à la signature d’un accord entre le Président sortant, M. Michel Martelly, et les présidents
du Sénat et de la Chambre des députés. Cet accord tripartite prévoyait notamment la nomination
d’un président intérimaire, la formation d’un gouvernement et la recomposition du CEP pour
relancer le processus électoral.
Le 14 février, le Président du Sénat, M. Jocelerme Privert, a été élu président intérimaire. C’est
la première fois depuis 1946 qu’un chef d’État haïtien était élu par une élection indirecte. Avec
cette élection, Haïti a signé la fin du vide institutionnel. Le Président Privert a désigné le 26
février 2016 un nouveau Premier ministre, M. Enex Jean-Charles, ancien gouverneur de la
Banque centrale nationale. Le Président intérimaire a exhorté les secteurs concernés à désigner
leurs représentants au CEP afin de s’atteler très rapidement à la préparation du second tour de
l’élection présidentielle fixé le 24 avril 2016.
Le pouvoir intérimaire s’est attaché à mettre en place une Commission de vérification du
processus électoral, chargée de faire la lumière sur les conditions d’organisation des élections
de 2015. Le processus électoral, encore inachevé à cette date, avait déjà couté 100 millions de
dollars, majoritairement financés par la communauté internationale.
Au début du mois de juin 2016, suivant les recommandations de la Commission indépendante
d’évaluation et de vérification électorale, le CEP a annoncé l’annulation du premier tour de
l’élection présidentielle, tenu en octobre 2015, en raison d’irrégularités et de fraudes électorales
; l’origine de 40 % des suffrages était impossible à retracer. La reprise du premier tour de
l’élection présidentielle avait alors été fixée au 9 octobre 2016 et le second tour au 8 janvier
2017.
Au moment où Haïti était prête à reprendre le premier tour de l’élection présidentielle, le
passage dévastateur de l’Ouragan Matthew, le 4 octobre 2016, a obligé les autorités à reporter
le scrutin. Ouragan de catégorie 5, Matthew a ravagé l’Ouest et le Sud du pays. Selon le bilan
officiel communiqué par les autorités haïtiennes à la fin du mois d’octobre, l’ouragan aurait
entrainé la mort d’au moins 546 personnes. Du reste, plus de 170 000 personnes se sont
retrouvées sans-abris et plus de 1,4 million de personnes avaient un besoin urgent d’aide
humanitaire. L’épidémie de choléra a également connu une progression fulgurante, notamment
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dans les départements du Sud et de la Grande Anse, avant de se réduire à compter de décembre
2016.
Le CEP a présenté un nouveau calendrier électoral repoussant le premier tour de l’élection
présidentielle au 20 novembre 2016 et le second tour au 29 janvier 2017. La reprise du premier
tour du scrutin s’est bien tenue le 20 novembre parallèlement à un scrutin législatif partiel.
Selon les résultats préliminaires annoncés le 28 novembre par le CEP, M. Jovenel Moïse a été
élu dès ce premier tour avec 55 % des suffrages. La victoire de M. Moise n’a pas été reconnue
par les principaux candidats défaits et des violences ont éclaté dans certains quartiers de la
capitale. Au début du mois de décembre, trois candidats défaits ont déposé un recours en justice
pour contester les résultats préliminaires. La victoire de M. Jovenel Moïse a toutefois été
confirmée par le CEP le 3 janvier 2017.
L’ouverture de la première session de l’année législative 2017 a pu se tenir le 9 janvier en
présence des 93 députés et 14 sénateurs déjà en poste ainsi que des 30 nouveaux parlementaires,
soit 6 sénateurs et 24 députes élus lors du scrutin de novembre. Le nouveau Président a quant à
lui prêté serment le 7 février et a nommé, le 22 février, M. Jack Guy Lafontant au poste de
Premier ministre. La politique générale du nouveau chef du gouvernement a été approuvée par
le Senat haïtien le 16 mars et par l’Assemblée nationale le 21 mars 2017.
En novembre 2017, à l’issue de manifestations importantes, le Président Jovenel Moïse a
annoncé la remise en fonction de l’armée nationale dont Haïti était dépourvue depuis 1995.
Manifestations et mise en place d’un nouveau gouvernement
À l’été 2018, plusieurs manifestations d’envergure se sont tenues à Port-au-Prince et dans les
principales villes du pays afin de s’opposer à la hausse annoncée des tarifs des carburants. Le
14 juillet 2018, une semaine après des violences meurtrières et la suspension de la hausse des
produits pétroliers, M. Jack Guy Lafontant annonce sa démission du poste de Premier ministre,
qui est acceptée par le Président de la République. Il expédie alors les affaires courantes. Le 6
août, M. Jean-Henry Céans est nommé Premier ministre. Il annonce la composition de son
Gouvernement le 6 septembre. Le 15 septembre, le Sénat lui vote la confiance et la Chambre
des députés fait de même le 16 septembre. Le Gouvernement de M. Céans est installé par le
Président de la République le 17 septembre.
Au cours de l’automne, des manifestations contre la corruption se sont poursuivies dans les
principales villes du pays, les manifestants réclamant des sanctions contre les auteurs de
malversations financières dans la gestion du fonds « PetroCaribe », initié par l’ancien président
vénézuélien Hugo Chavez et qui permettait à plusieurs pays d’Amérique latine et des Caraïbes
d’acquérir des produits pétroliers à un coût avantageux.
Mission des Nations Unies
En avril 2017, le Conseil de sécurité des Nations Unies a annoncé le départ des Casques bleus
de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) au cours de
l’automne 2017. Déployée en 2004 après le départ du Président Jean-Bertrand Aristide pour
aider à endiguer l’escalade de violence, la MINUSTAH a, selon plusieurs observateurs, un bilan
mitigé, notamment en raison des scandales de crimes sexuels perpétrés par son personnel et de
l’épidémie meurtrière de choléra causée par ses Casques bleus. Les derniers éléments de la
mission ont quitté le pays le 5 octobre 2017.
En remplacement de la MINUSTAH, le Conseil de sécurité des Nations Unies a annoncé le
déploiement d’une nouvelle mission onusienne : la Mission des Nations Unies pour l’appui à
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la justice en Haïti (MINUJUSTH) chargée de soutenir la professionnalisation de la police
nationale haïtienne et la stabilisation des institutions et de l’État de droit. Formée de 1 275
policiers et 350 civils étrangers, la MINUJUSTH a débuté son mandat de deux ans le 16 octobre
2017.
2. Contexte : L’Assemblée nationale de la République d’Haïti et l’APF
Parlement fondateur de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) et Etat fondateur
de l’Organisation internationale de la Francophonie, Haïti est un pays majeur de la
Francophonie dans la Caraïbe.
1. Composition de l’Assemblée nationale de la République d’Haïti
Au sens de l’article 88 de la Constitution de la République d’Haïti, « le pouvoir législatif
s’exerce par deux Chambres représentatives. Une Chambre des députés et un Sénat qui forment
le Corps législatif ». En outre, l’article 98 dispose que « la réunion en une seule Assemblée des
deux branches du pouvoir législatif constitue l’Assemblée nationale ».
La Chambre des députés est composée de 119 parlementaires (dont actuellement 3 femmes) et
le Sénat de 30 parlementaires (dont actuellement 1 seule sénatrice).
2. Le Fonds spécial d’aide de l’APF
À la suite du tremblement de terre historique du 12 janvier 2010, la solidarité francophone s’est
mise en œuvre et l’APF a créé un fonds de soutien à l’attention du Parlement haïtien. Ainsi, lors
de son Bureau de N’Djamena (janvier 2010), l’APF a mis en œuvre le Fonds spécial d’aide à
la reconstruction du Parlement haïtien. Doté par des contributions volontaires des sections
membres de l’APF, ce fonds a pour but de financer diverses actions multilatérales permettant
au Parlement haïtien de retrouver un fonctionnement normal.
A l’aide de ce Fonds spécial d’aide, trois types d’activités ont été réalisées, à savoir :
- L’impression d’un « livret du député » en 2011 ;
- Le financement chaque année depuis 2012 (sauf en 2018 en raison de l’absence de
candidatures transmises au secrétariat général de l’APF) de la participation de
fonctionnaires parlementaires des deux chambres du Parlement haïtien, au stage co-
organisé à Paris par le Parlement français et l’École nationale d’administration
(CISAP) sur l’organisation du travail parlementaire ;
Le financement d’un stage long au Secrétariat général de l’APF d’un fonctionnaire
parlementaire haïtien1.
3. Autres actions de l’APF : séminaires et formations
Séminaire parlementaire en novembre 2013
Les 12 et 13 novembre 2013, s’est tenu à l’hôtel Montana de Pétion-Ville, à la demande du
Parlement haïtien, un séminaire parlementaire sur « le contrôle parlementaire de l’action 1 Le Bureau de l’APF, lors de sa réunion de Phnom Penh (février 2012), a choisi M. Jean Edgard Aïs, assistant du
chef de service des commissions, chargé de l’encadrement des commissions (Sénat) pour bénéficier de ce stage de
décembre 2012 à février 2013.
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gouvernementale ». Organisé conjointement par l’APF et le Parlement de la République d’Haïti
avec le soutien de l’Organisation internationale de la Francophonie et de son Bureau régional
pour les Pays de la Caraïbe, ce séminaire a réuni une quarantaine de députés et sénateurs haïtiens
ainsi que les cadres fonctionnaires des deux chambres du Parlement haïtien. Les débats ont été
animés par trois conférenciers : Mme Carole Poirier, 1ère vice-présidente de l’Assemblée
nationale du Québec ; M. Sylvestre Ossiala, 2ème vice-président de l’Assemblée nationale de la
République du Congo ; M. Gabriel Serville, député de la Guyane (France), membre du Bureau
de l’Assemblée nationale de la République française. La séance solennelle d’ouverture a été
présidée par le Président de la Chambre des députés, l’hon. Jean Tolbert Alexis et le Président
délégué de la section haïtienne de l’APF, l’hon. François Anick Joseph. Un message du
Secrétaire général parlementaire de l’APF, M. Pascal Terrasse, député de l’Ardèche (France) a
été lu par M. Gabriel Serville. Les échanges riches, dynamiques et comparés ont notamment
porté sur la problématique générale du contrôle parlementaire, le pouvoir d’amendement des
parlementaires, les questions posées au Gouvernement, les fonctions de contrôle des
commissions parlementaires, la mise en jeu de la responsabilité gouvernementale, la différence
de contrôle mis en œuvre par la Chambre des députés et le Sénat. La qualité des débats a été
révélatrice de toute l’importance accordée par les parlementaires haïtiens au contrôle
parlementaire du gouvernement dans la dynamique sous-régionale francophone. Ces deux
journées de travaux ont permis aux parlementaires des différents pays représentés d’échanger,
de confronter leurs expériences concrètes et de comparer les systèmes institutionnels et les
modes de fonctionnement de leurs Assemblées. Les participants ont hautement apprécié la
qualité des contributions produites par les conférenciers et les en ont vivement remerciés.
A cet effet, le séminaire a notamment montré l’importance de la responsabilité des
parlementaires de la majorité et de l’opposition pour construire dans le dialogue l’avenir du
pays et de la population haïtienne. En conclusion, ils ont souhaité que s’affermisse davantage
la coopération avec l’APF pour bénéficier de son concours à d’autres actions afin de renforcer
les capacités du Parlement haïtien et des parlements francophones de la Caraïbe.
À l’occasion de ce séminaire parlementaire, deux conseillers du Secrétariat général de l’APF2
ont alors rencontré, à la demande du Président du Sénat haïtien, divers acteurs du Sénat et de la
Chambre des députés de la République d’Haïti ainsi que des représentants de divers organismes
internationaux intervenant dans le domaine de la coopération en Haïti afin de pré-identifier les
besoins du Parlement haïtien avant la mise en œuvre d’un éventuel programme de coopération.
Séminaire parlementaire en décembre 2013
Les 12 et 13 décembre 2013, le Parlement haïtien a accueilli à Port-au-Prince un séminaire de
sensibilisation des parlementaires de la région Caraïbe sur les enjeux de l’environnement et le
développement durable pour les pays de la Caraïbe. Organisé conjointement avec l’Institut
Francophone du Développement Durable (IFDD), le Parlement haïtien, et en collaboration avec
le Bureau régional de l’OIF pour les pays de la Caraïbe, il s’est clôturé sous la présidence de
M. Simon Desras, Président du Sénat de la République de Haïti. M. Salibou Garba, député du
Tchad, alors Président de la Commission de la coopération et du développement de l’APF, et
M. Sani Maigochi, député du Niger, Vice-président du Réseau parlementaire sur les
Changements climatiques, ont pris part aux travaux. Une trentaine de parlementaires et
fonctionnaires des ministères et des ONG en charge des questions d’environnement et de
développement durable ont participé à cet événement qui s’inscrivait dans un cycle de
séminaires internationaux ayant également eu lieu en Afrique de l’Ouest, en Afrique Centrale,
en Asie Pacifique, et dans l’Océan Indien. Des représentants des ministères concernés, du
2 MM. Philippe Péjo, conseiller de la Commission des affaires parlementaires, et Maxime Carrier-Légaré,
conseiller de la Commission politique de l’APF.
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PNUD et des ONG étaient également présents. Durant ces deux jours de travaux, les
parlementaires haïtiens ont, avec leurs homologues, examiné successivement, les grands enjeux
environnementaux et du développement durable, les questions de la planification et de la prise
de décision, les accords multilatéraux sur l’environnement, l’intégration et les opportunités des
conventions sur l’environnement, ainsi que le rôle des parlements nationaux face à la
gouvernance de l’environnement. S’agissant des grands enjeux et défis environnementaux, un
accent particulier a été mis sur l’économie verte, l’éducation au développement durable et la
nécessité de sensibiliser les jeunes sur ces thématiques. Ce séminaire, qui s’est tenu au
lendemain de la Conférence de Varsovie sur le changement climatique, avait pour objectif de
renforcer les capacités des parlementaires de la région de la Caraïbe à relever les défis relatifs
au développement des législations nationales et au contrôle de l’action des gouvernements en
matière d’environnement. Ainsi, les parlementaires francophones étaient amenés à apporter un
point de vue éclairé dans la perspective de la Conférence sur le dérèglement climatique qui s’est
tenue à Paris à l’automne 2015.
Formation diplômante de fonctionnaires parlementaires en mars-avril 2014
À la demande du Parlement haïtien, une formation diplômante francophone portant sur
« l’administration et l’organisation du travail parlementaire » s’est tenue à Port-au-Prince du 31
mars au 5 avril 2014. Cette activité s’est adressée à une quarantaine de fonctionnaires des
différents services du Sénat et de la Chambre des députés de la République d’Haïti. Elle était
conjointement organisée par l’APF et l’Université Senghor d’Alexandrie avec le soutien
d’IDEA-Haïti et du Bureau régional de l’OIF pour les pays de la Caraïbe. Les enseignements
ont été dispensés par un professeur franco-camerounais de l’Université Lyon 3, professeur-
associé de l’Université Senghor et des fonctionnaires de haut niveau provenant de l’Assemblée
nationale du Québec, de l’Assemblée nationale de la République française et de l’Assemblée
nationale de la République du Sénégal. Un diplôme d’Université a été remis à chacun des
participants ayant suivi l’intégralité de la formation par le professeur Albert Lourde, alors
recteur de l’Université Senghor d’Alexandrie. Le président du Sénat de la République d’Haïti,
M. Simon Dieuseul Desras a honoré de sa présence cette remise solennelle de diplômes et a
prononcé le discours de clôture de cette semaine de formation francophone.
Vers un programme multilatéral de développement parlementaire francophone
Par courrier en date du 24 mars 2017, adressé à M. Youri Latortue, alors Président du Sénat et
de l’Assemblée nationale de la République d’Haïti, M. Pascal Terrasse, Secrétaire général
parlementaire de l’APF, a indiqué que le Bureau de l'APF, lors de sa réunion tenue en février
2017 à Québec, avait décidé de proposer au Parlement frère haïtien de bénéficier de la mise en
place d’un programme multilatéral de développement parlementaire francophone afin de
renforcer les capacités du Parlement de la République d’Haïti. A cet égard, il a précisé qu’une
mission d’identification des besoins serait nécessaire avant la mise en œuvre d’un tel
programme de coopération parlementaire francophone et qu’un délai de deux mois était
nécessaire entre la saisine et la réalisation d’une telle mission.
Par courrier en date du 28 avril 2017 adressé par le Président Latortue à SE Mme Michaëlle
Jean, Secrétaire générale de la Francophonie, par lequel il sollicitait de l’OIF « l’envoi d’une
mission d’évaluation du Parlement haïtien », le Président du Sénat haïtien précisait que « cela
permettra de déterminer les types et les modalités des actions de renforcement institutionnel
qu’il conviendra d’effectuer durant les quatre prochaines années ».
Par courrier du 9 mai 2017 adressé à M. le Président Youri Latortue, le Président de l’APF, M.
Aubin Minaku, a réitéré la disponibilité de notre Assemblée à dépêcher à Port-au-Prince, dès
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que possible et en lien avec l’Association des Secrétaires Généraux des Parlements
Francophones (ASGPF), une mission d’évaluation couplée à un séminaire parlementaire
d’information et d’échanges, à l’attention des parlementaires haïtiens sur le thème de leur choix.
En fonction de l’agenda parlementaire haïtien et des contraintes des différents parlements
membres francophones partenaires, le Président Minaku a demandé au Parlement haïtien ses
dates de disponibilité pour qu’une telle mission puisse s’établir en septembre 2017. Par ailleurs,
lors de sa rencontre à la fin mai à Québec avec M. Jacques Chagnon, Président de l’Assemblée
nationale du Québec et alors Premier Vice-Président de l’APF, le sujet a été abordé. Devenu
Président de l’APF en juillet, le Président Chagnon a de nouveau évoqué l’organisation d’une
telle mission lors de son déplacement au parlement haïtien en septembre 2017. A la suite de
l’élection du nouveau Président du Sénat, M. Joseph Lambert, et du nouveau Président de la
Chambre des députés, M. Gary Bodeau, les échanges se sont renoués avec le Président et le
secrétariat général de l’APF.
C’est dans ce cadre qu’une délégation de l’APF s’est enfin rendue à Port-au-Prince, du 26 au
28 septembre 2018 avec deux activités précitées :
- L’organisation d’un séminaire parlementaire d’information et d’échanges ;
- L’organisation d’une mission d’évaluation des besoins techniques de l’Assemblée
nationale d’Haïti préalable à la mise en œuvre d’un programme multilatéral de
développement parlementaire francophone.
3. Objectifs de la mission et résultats attendus - programme « MultiDevHaïti »
Le mandat de la mission consistait à :
- Faire un état des lieux du fonctionnement du Parlement haïtien en concertation avec
l’ensemble des acteurs impliqués dans la gestion de l’Assemblée nationale haïtienne
(Chambre des députés et Sénat) ;
- Procéder à une analyse approfondie de cet état des lieux en adéquation avec une
évaluation efficiente ;
- Préciser les modalités pratiques, logistiques, textuelles et de sensibilisation,
nécessaires au bon fonctionnement du Parlement au besoin avec les partenaires
techniques et financiers ;
- Échanger avec les partenaire techniques et financiers présents à Haïti afin d’identifier
des avenues de collaborations possibles pour la mise en œuvre d’un plan
d’intervention.
Objectif général :
Identifier en étroite collaboration avec les autorités parlementaires et administratives du
parlement haïtien les besoins du Sénat et de la Chambre des députés afin de mettre en place un
environnement, des niveaux de service et des appuis techniques pour permettre aux
parlementaires d’accomplir leur travail législatif et de contrôle du gouvernement.
Objectifs spécifiques :
- Effectuer un état des lieux portant bilan de l’état de fonctionnement de l’Assemblée
nationale d’Haïti ;
- Identifier les secteurs d’intervention où les parlements francophones peuvent apporter
une plus-value significative au fonctionnement du parlement haïtien ;
- Identifier les priorités d’intervention en fonction des besoins, établir un plan
d’intervention et convenir d’un échéancier de réalisations des activités de
renforcement ;
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- Positionner les parlements francophones comme de possibles opérateurs dans la mise
en œuvre d’un plan d’appui international au bénéfice du parlement haïtien.
Résultats attendus :
- L’Assemblée nationale d’Haïti dispose d’un diagnostic global sur son fonctionnement
et d’une recension de ses besoins techniques ;
- Les parlements francophones disposent d’un cadre de référence leur permettant
d’organiser leurs interventions auprès de l’Assemblée nationale d’Haïti ;
- L’expertise des parlements francophones en matière de renforcement des capacités des
institutions parlementaires est reconnue par les partenaires locaux et internationaux de
l’Assemblée nationale d’Haïti.
4. Composition de la délégation
- Assemblée nationale de la République de Côte d’Ivoire
➢ M. Bassatigui FOFANA, député, chargé de mission Afrique de l’APF
- Assemblée nationale de la République française
➢ M. Jérôme LAMBERT, député
- Assemblée législative de l’Alberta
➢ Mme Annie McKITRICK, députée
- Assemblée nationale de la République du Bénin
➢ M. Thomas DASSI, secrétaire général
- Chambre des communes du Canada
➢ M. André GAGNON, sous-greffier, vice-président de l’ASGPF
- Assemblée nationale du Québec
➢ M. Michel BONSAINT, secrétaire général, trésorier de l’ASGPF
- Assemblée parlementaire de la Francophonie
➢ M. Thierry VANEL, secrétaire général administratif
➢ M. Philippe PEJO, conseiller de la Commission des affaires parlementaires
➢ Mme Mélissa MORIN, conseillère de la Commission politique et responsable de la
région Amérique auprès du Secrétariat général
5. Programme des entretiens à l’Assemblée nationale de la République d’Haïti
Mercredi 26 Septembre 2018
09h00- 10h00 : Rencontre avec les Bureaux des deux chambres
➢ Lieu : Salle des Commissions de la Chambre des Députés
10h00- 10h15 : Photo souvenir
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10h30-11h45 : Rencontre avec la Conférence des Présidents des deux Chambres
➢ Lieu : Salle des Commissions de la Chambre des Députés
11h45-12h30 : Visite des locaux provisoires du Parlement bicaméral
12h30-14h00 : Pause Déjeuner
➢ Lieu : Restaurant Chambre des Députés
14h00 -15h00 : Rencontre avec l’Ambassade du Canada
➢ Lieu : Salle des séances de l’Assemblée nationale
15h00-15h15 : Pause-café
15h15 -16h30 : Rencontre avec les Secrétaires généraux des deux chambres ; secrétaires
généraux adjoints aux affaires législatives, Secrétaire exécutive de l’Assemblée nationale, et
autres proches collaborateurs.
19h30 : Diner offert à la délégation par S.E.M. José Gomez, Ambassadeur de France en Haïti
Jeudi 27 septembre 2018
7h30 : Petit-déjeuner de travail
9h00-10h00 : Rencontre avec l’Union Européenne
10h00-10h15 : Pause –café
➢ Lieu : Salle des séances de l’Assemblée Nationale
10h15 -12h30 : Rencontre avec les Directeurs et chefs de services des différentes
directions des deux chambres
- Direction Législative
- Direction du Centre de documentation et de recherches, Expertise technique
- Direction des Ressources Humaines
- Direction administrative et financière
- Direction Logistique
- Chefs de Service des Séances
- Chefs de Service des Commissions
- Chef de service des Procès – verbaux
- Chef de service des Archives
- Chefs de service des Relations Publiques/Protocole
- Chefs de service de l’Informatique
12h30-14h00 : Pause Déjeuner
➢ Lieu : Restaurant Chambre des Députés
15h00-16h15 : Suite des Rencontres et rencontres complémentaires avec divers cadres
des deux Chambres
➢ Lieu : Salle des séances de l’Assemblée nationale
16h15-16h30 : Pause-café
20h00 : Diner de travail
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Vendredi 28 Septembre 2018
9h30-10h30 : Rencontre avec le Bureau régional de l’OIF pour les pays de la Caraïbe et
de l’Amérique latine (BRECAL)
10h30 -10h45 : Pause–café
10h45 -11h 45 : Rencontre avec la Banque interaméricaine de développement (BID)
(annulée)
11h45 - 12h30 : Rencontre avec IDEA International (annulée)
12h30 - 14h00 : Pause Déjeuner au restaurant de la Chambre des députés
14h00 - 15h00 : Rencontre avec la Mission des Nations Unies pour l’appui à la Justice
en Haïti (MINUJUSTH)
15h00 - 16h00 : Rencontre avec le Programme des Nations Unies pour le
développement (PNUD) (annulé)
16h00 - 16h30 : Pause-Café
17h00 – 18h00 : Rencontre avec l’Agence française de développement (AFD)
20h00 : Diner de travail
6. Constats et expression des besoins
Les activités menées pendant les trois jours de la mission ont été consacrées, d’une part à des
rencontres avec les responsables politiques et administratifs à divers niveaux, et d’autre part à
des séances de travail avec les partenaires techniques et financiers.
6.1 Les rencontres et séances de travail
6.1.1 Des rencontres avec les responsables politiques et administratifs
Ces différentes rencontres ont permis aux membres de la délégation de s’imprégner des
différentes pratiques parlementaires en relation avec les dispositions textuelles et d’exposer,
dans le cadre d’un échange de connaissances et d’expériences, les mécanismes de
fonctionnement de leurs propres parlements.
6.1.2 Des séances de travail
Dans la salle de réunion des Commissions, la délégation a reçu plusieurs représentants
d’institutions internationales partenaires de la République d’Haïti dans divers domaines. Lors
de ces discussions présidées par le Chef de la délégation de l’APF, M. Bassatigui Fofana, député
(RCI), Chargé de mission Afrique de l’APF, les partenaires techniques et financiers de la
République d’Haïti ont présenté les domaines d’intervention de leurs institutions respectives.
Un bref exposé de l’offre de l’APF a été effectué.
6.2 Les difficultés constatées par la délégation
A la suite des différentes rencontres et des échanges réalisés avec les responsables politiques et
administratifs en service au Parlement haïtien, de nombreuses difficultés qui handicapent ou
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bloquent le bon fonctionnement du Parlement ont été identifiées par la délégation. Nous
pouvons distinguer trois (03) grandes catégories de difficultés à savoir : politique, juridique et
technique.
6.2.1. Des difficultés politiques
Le Parlement est par ses fonctions un haut lieu de la politique. Aussi, les membres de la
délégation ont fait le constat de sa grande présence dans les pratiques parlementaires et
l’administration parlementaire, notamment à travers le clientélisme qui conduit le Parlement à
procéder régulièrement à des recrutements politisés et partisans de fonctionnaires dont le
nombre est nettement supérieur aux besoins réels.
Il est à noter que chaque Commission, en raison de la spécificité de la matière qu’elle traite,
devrait avoir à sa disposition des fonctionnaires techniquement compétents et spécialisés dans
le domaine concerné. Les membres de la délégation ont constaté que l’embauche du personnel
n’était pas toujours effectuée sur la base de compétences correspondant aux besoins. Plus
souvent qu’autrement elle reposait plutôt sur des considérations politiques ou partisanes.
Il a été constaté une défiance des citoyens vis-à-vis du Parlement. Défiance marquée par un
faible taux de participation des citoyens aux différents scrutins et des accusations citoyennes à
l’égard du Parlement. À cet égard, il existe un véritable problème de légitimité des élus
parlementaires. S’ajoute à cela une confusion des rôles du pouvoir législatif et du pouvoir
exécutif faisant du parlementaire un intermédiaire de l’action sociale et de développement,
fonctions habituellement dévolues au Gouvernement. En conséquence, le parlementaire
s’éloigne de l’activité parlementaire qui se retrouve réduite, voire marginale.
6.2.2 Des difficultés juridiques
Certaines dispositions juridiques génèrent un blocage dans le fonctionnement harmonieux du
Parlement. C’est le cas de l’exigence du quorum pour la validité des séances plénières. Les
séances plénières régulièrement débutées sur la base du quorum exigé sont parfois suspendues
pour défaut de quorum survenu en cours de séance.
Il faut ajouter à ceci l’absence de réels manuels de procédure permettant de régir le travail
parlementaire.
6.2.3 Des difficultés techniques
Les difficultés techniques sont nombreuses et concernent principalement l’insuffisance des
moyens matériels et financiers, se traduisant notamment par un non fonctionnement du Centre
de recherche d’étude législative (CEDREL) et l’absence de numérisation des archives. Cette
situation engendre également un défaut d’expertise et de connaissance techniques, d’où le
recours aux consultants pour l’étude des textes.
Les besoins urgents exprimés tournent autour des formations en rédaction parlementaire,
en légistique, en archivistique et en communication institutionnelle.
Il convient de noter qu’en dépit de la pléthore de personnel parlementaire tel que précédemment
mentionné, toutes les Commissions (33) ne disposent pas de fonctionnaires techniquement
outillés pour suivre les dossiers relevant de leurs domaines de compétences.
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6.3 Les constats généraux des membres de la délégation :
- Le taux de participation aux élections présidentielle et législatives est très faible.
- Le rôle des parlementaires est fortement associé à celui d’un agent de développement.
- La dimension législative et la reddition de comptes du gouvernement sont des facettes
du travail des parlementaires qui sont nettement sous-estimées, méconnues du public et,
de l’avis de plusieurs parlementaires, difficilement assumables.
- La légitimité des parlementaires et de l’AN elle-même est directement remise en
cause. Cette remise en cause est fondamentale et sérieuse. Les événements récents ont
même fait craindre le pire aux hautes autorités parlementaires du fait que le palais
législatif provisoire était identifié comme cible de méfaits sérieux.
- L’objectif d’un plein état de droit passe inexorablement par une fondation législative
solide et bien établie. À cet égard, les différents intervenants rencontrés ont témoigné
d’efforts considérables qui seront à consentir par l’AN du fait d’un déficit législatif
considérable et de la faible efficacité législative enregistrée récemment. Par exemple,
seuls 4 et 3 projets de loi ont été adoptés respectivement en 2017 et 2018.
- Il y a seulement 4 femmes sur 149 parlementaires à l’AN.
- Il y a un désir maintes fois exprimé de bien faire fonctionner l’AN. Les défis sont grands,
les besoins le sont tout autant.
En outre, un travail important de synthèse des besoins a été réalisé par les autorités
administratives des deux chambres du Parlement3. Devant l’ampleur des besoins ciblés, il
apparait nécessaire qu’un travail de hiérarchisation des priorités soit effectué et qu’un inventaire
des appuis extérieurs soit produit afin d’assurer l’efficacité de l’action entreprise auprès du
Parlement.
Des actions doivent être déployées tant du côté politique qu’administratif. Par son action
multilatérale, l’APF serait à même d’agir sur trois axes stratégiques, soit l’axe politique, l’axe
administratif/organisationnel et l’axe matériel, le tout tendant à renforcer les capacités des
parlementaires, des fonctionnaires parlementaires et de l’institution parlementaire
bicamérale haïtienne.
7. Les axes stratégiques d’un plan d’intervention
7.1. Axe politique
7.1.1 - Améliorer la représentativité du Parlement, notamment en ce qui a trait à la
représentation des femmes, à travers le soutien d’initiatives visant à promouvoir la
participation politique des femmes. À titre d’exemple, l’APF pourrait soutenir le
premier Forum des femmes politiques d’Haïti prévu en 2019 et appuyer la création du
caucus de femmes parlementaires.
7.1.2 - Analyser le Règlement intérieur et les règles de procédure afin d’améliorer le
fonctionnement de l’institution parlementaire et l’efficacité législative. Des
préoccupations importantes ont été mentionnées relatives aux contraintes du Règlement
intérieur des deux assemblées. Certains éléments posent particulièrement problème,
notamment le quorum. En effet, 60 députés sur 119 et 16 sénateurs sur 30 doivent être
présents pour qu’une séance plénière soit tenue. Ce niveau très élevé constitue une
3 Les secrétaires généraux des deux chambres ont préparé, à l’intention de la délégation, une liste des besoins en
matière de formation et de matériel, après consultation avec l’ensemble des directions.
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invitation au blocage législatif et parlementaire. Par ailleurs, la répartition des temps de
parole doit être améliorée afin d’optimiser l’efficacité législative et faire en sorte qu’un
équilibre plus juste soit trouvé entre la nécessité de permettre la plus grande liberté de
parole tout en permettant la prise de décision dans un délai approprié. De plus,
l’organisation du travail des commissions parlementaires, qui est calquée sur
l’organisation des ministères, fait en sorte que le pouvoir législatif est dépendant de la
structure du pouvoir exécutif.
7.1.3 - Offrir davantage de formation aux députés dans le but de renforcer leurs capacités
de législateurs et de contrôleurs. Ces formations ciblées sur des thématiques précises
(ex. budget, administration d’un bureau de circonscription, contrôle du gouvernement,
etc.) et sur des fonctions parlementaires particulières (ex. président de commission,
porte-parole, etc.) permettraient aux députés et sénateurs haïtiens de mieux comprendre
leur rôle. L’atteinte de cet objectif passe par des échanges avec des élus d’expérience
provenant d’autres parlements de l’espace francophone.
7.1.4 - Élaborer, en collaboration avec les élus, un code d’éthique et de déontologie
parlementaire afin de mieux définir le rôle du député et du sénateur en lien avec les
attentes de la population à son égard. L’adoption d’un code d’éthique et de déontologie
permettrait aussi la mise en œuvre de mécanismes de contrôle des règles établies pour
assainir les mœurs publiques et contribuer à redorer l’image des parlementaires.
7.1.5 - Mettre en place des mécanismes de reddition de compte et de transparence en ce
qui a trait aux dépenses de l’institution parlementaire, tant du côté administratif que
politique.
7.2 Axe administratif / organisationnel
7.2.1 - Établir une fonction publique parlementaire indépendante, neutre et compétente,
distincte du personnel politique et dont les membres seraient recrutés de façon neutre et
en fonction des compétences, idéalement par la voie des concours. Le personnel
parlementaire se trouve actuellement dans un flou juridique. Son statut doit être protégé
et défini dans le but d’assurer la pérennité d’une administration parlementaire solide,
impartiale et professionnelle. Il faut également tendre vers une standardisation de
l’administration parlementaire.
7.2.2 - Établir un plan d’organisation administrative correspondant aux besoins respectifs
réels des deux chambres du parlement haïtien.
7.2.3 - Renforcer les capacités de la direction des ressources humaines du parlement
haïtien, notamment :
o Déterminer le nombre minimal de personnels requis pour le bon fonctionnement
du Parlement (c-à-d le cœur indispensable du Parlement), en fonction du
nouveau plan d’organisation administrative ;
o Établir un profil de compétences pour tous les postes ;
o Établir un plan de recrutement basé sur les compétences ;
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o Mettre en place un groupe de cadres de haut niveau afin de limiter la dépendance
à certains consultants extérieurs ;
o Mettre en place un processus de gestion du rendement ou d’évaluation des
personnels, fondé sur les attentes signifiées et sur le profil de compétences ;
o Appuyer le développement des compétences du personnel administratif, que ce
soit par l’organisation de formations et d’activités de développement des
compétences ou en adoptant une politique de soutien aux études ;
o Procéder à une revalorisation des employés permanents ayant des compétences
professionnelles.
7.2.4 - Établir une stratégie de communication institutionnelle permettant de mieux
diffuser, de mieux faire connaître et de mieux mettre en valeur le travail de l’AN. Cette
stratégie de communication aurait pour effet de mieux faire connaître le rôle de
l’institution et des élus à la population et de promouvoir une plus grande place des
femmes à l’AN. Elle se déploierait notamment sur les réseaux sociaux, sur le web et via
les canaux de communication les plus opportuns en Haïti. La mise en place d’une
stratégie de communication doit aussi se déployer à l’interne, afin de favoriser l’échange
d’information entre les différents secteurs. Par ailleurs, il sera important d’améliorer le
site internet des deux chambres pour permettre une meilleure diffusion de l’information
et d’aménager la salle de presse.
7.2.5 - Mettre en place un plan de sécurité et des mesures d’urgence, en profitant de
l’occasion offerte par la construction des nouveaux bâtiments accueillant le parlement.
En effet, la dimension sécuritaire occupe dorénavant une grande place dans la gestion
de nos assemblées. Suite aux événements récents, la question de la sécurité est devenue
plus aigüe pour l’AN et des efforts devront être consentis pour assurer que le Parlement
soit sécurisé tout en étant ouvert au public.
7.2.6 - Offrir davantage de formation aux fonctionnaires parlementaires dans le but de
renforcer leurs capacités. Les thèmes suivants sont prioritaires :
o La procédure parlementaire (notamment sur le contrôle parlementaire et sur les
processus législatifs, le travail en commission, la préparation des séances et
l’analyse législative) ;
o La rédaction de documents parlementaires, incluant la rédaction législative et la
rédaction stratégique (communication interne et externe, relations publiques,
relations médias, etc.) ;
o La recherche documentaire ;
o La gestion des ressources humaines et des contentieux ;
o La reconstitution, la gestion et la numérisation des archives ;
o La transcription et la diffusion des débats parlementaires ;
o Le protocole d’accueil dans le contexte du nouveau parlement ;
o L’informatique, l’administration du site web et des réseaux sociaux,
l’infographie et la vidéographie ;
o La préparation de revues de presse, la rédaction de communiqués de presse, la
communication parlementaire et les divers outils de communication ;
o Les formations liées à la sécurité (contrôle d’accès, gestion de la
vidéosurveillance, cybersécurité).
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7.3 Axe matériel
Établir rapidement un plan fonctionnel et technique pour les nouveaux bâtiments et profiter
de leur construction prochaine pour accompagner l’administration dans l’identification des
besoins, en collaboration avec d’autres bailleurs de fonds internationaux. Les équipements
suivants pourraient être ciblés en priorité, tant pour les salles de commissions et de plénière que
pour les bureaux des députés et du personnel administratif :
o Ordinateurs et autres équipements informatiques ;
o Système d’enregistrement des débats parlementaires et sonorisation ;
o Réseau internet et serveurs ;
o Gestion des archives et de la documentation ;
o Appui au Centre de recherche d’étude législative (CEDREL) qui dépend de la
Chambre des députés et du Sénat (formation, appui matériel, organisation des
archives et de la documentation, etc.)
o Appui à la numérisation et à la diffusion des archives, des textes législatifs et
des documents parlementaires ;
o Accès aux ressources du CEDREL (ex. pour les étudiants, chercheurs, etc.)
notamment en assurant le caractère « virtuel » du CEDREL ;
o Établir un plan de maintenance et d’entretien des équipements techniques et
informatiques.
8. Rencontres avec les institutions partenaires de l’Assemblée nationale
La délégation a rencontré les acteurs de coopération suivants : l’Ambassade du Canada, l’Union
européenne, le Bureau régional pour les pays de la Caraïbe et d'Amérique latine de l’OIF
(BRECAL), la Mission des Nations unies pour l’appui à la Justice en Haïti (MINUJUSTH),
l’Ambassade de France et l’Agence française de développement (AFD).
Parmi ces acteurs déjà présents en Haïti, outre l’OIF et les Parlements membres de l’APF, une
collaboration pourrait se concrétiser avec les quatre institutions suivantes :
1) MINUJUSTH
Le mandat de la MINUJUSTH composée de 1500 personnes est focalisé sur le système
judiciaire au sens large (police, justice, …comme piliers de l’état de droit) et accorde une grande
importance aux questions des droits humains et de genre. Elle a notamment conduit des
initiatives ponctuelles et non un programme global avec le Parlement, à travers par exemple
l’organisation d’un séminaire pour expliquer aux parlementaires le projet de nouveau Code
pénal et de Code de procédure pénale ou des sessions sur le projet de loi relatif à la violence
faite aux femmes.
Mentionnons également que la MINUJUSTH réalise un travail technique en vue d’appuyer la
préparation de certaines lois, par exemple le nouveau Code pénal ou la loi sur la violence faite
aux femmes. Ces projets de lois transmis au Parlement par le Gouvernement en janvier 2017
n’ont toujours pas été examinés par le Parlement à ce jour. Enfin, il existe une possibilité de
travailler en complémentarité avec le mandat de la MINUJUSTH. À noter que celui-ci se
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termine a priori dans un an sous réserve de la décision du Conseil de Sécurité des Nations-
Unies qui l’a mandaté. Toutefois, même si la MINUJUSTH qui effectue actuellement une
mission modulaire devait cesser son mandat, un bureau des Nations Unies restera sur place afin
de poursuivre le travail.
2) Union Européenne
L’Union européenne encourage en Haïti le dialogue triangulaire
Gouvernement/Parlement/Société civile. Comme avec d’autres pays ACP, l’UE dispose en
Haïti d’une stratégie multi-annuelle à hauteur de 420 M € focalisée sur 4 secteurs : réforme de
l’Etat et administration, développement urbain et infrastructures, éducation, sécurité
alimentaire et nutritionnelle. En outre, l’UE dispose d’autres outils comme les programmes bi-
nationaux dans le cadre de la coopération régionale du programme Caraïbes CARICOM, et de
lignes thématiques sous enveloppe géographique, comme celle portant sur « organisation de la
société civile et autorités locales » ainsi que « l’instrument européen pour la démocratie et les
droits de l’Homme ».
A la lecture du rapport de mission, il sera possible de voir avec l’UE et en lien avec Expertise
France éligible aux fonds européens, si des actions peuvent être mises en œuvre conjointement
au bénéfice du Parlement d’Haïti.
3) Ambassade du Canada
La collaboration avec l’Ambassade du Canada pourrait se déployer à travers l’appui sur le plan
logistique lors de l’organisation d’activités de renforcement du parlement haïtien impliquant
des parlementaires ou fonctionnaires d’origine canadienne. Soulignons que les thèmes de la
gouvernance, de l’État de droit, de la démocratie, de la lutte contre la corruption et de l’égalité
femme-homme sont des priorités des actions de coopération du gouvernement canadien. Ces
thèmes sont intimement liés au contexte parlementaire haïtien.
4) Agence française de développement (AFD)
L’AFD a récupéré dans ses nouvelles attributions le volet « gouvernance » de la coopération
française. En Haïti, elle intervient à hauteur de 14 M € et a notamment le mandat de renforcer
les capacités des fonctionnaires de l’administration publique. Elle agit également sur le foncier
où seulement 5% des terres haïtiennes sont cadastrées. A cet égard, l’AFD souligne qu’il y a un
gros effort à produire au parlement afin d’aider les notaires et la législation du foncier. Par
ailleurs, il pourrait être envisageable que l’AFD prenne en charge la formation de fonctionnaires
parlementaires. De plus, l’AFD pourrait répondre positivement à des demandes d’équipements
spécialisés pour renforcer les capacités du parlement et améliorer la gouvernance (ex.
équipements pour favoriser la transmission des débats). L’AFD est également éligible aux fonds
européens.
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9. Conclusion
La politique étant le soubassement de toute action d’organisation sociétale, la délégation a tiré
la conclusion que sans une réorganisation de celle-ci à l’échelle nationale, toute action juridique
ou administrative dont la nécessité n’est cependant plus à démontrer serait peu opérante.
Elle formule à l’attention des partenaires techniques et financiers impliqués dans les questions
de gouvernance, les recommandations ci-après :
- Procéder à une révision de la Constitution en y intégrant une délimitation précise des
fonctions du pouvoir législatif pour un meilleur équilibre des pouvoirs ;
- Réviser les différents textes organisant l’activité parlementaire en y intégrant plus de
flexibilité afin de faciliter la permanence et la productivité du travail parlementaire ;
- Introduire, dans l’enseignement primaire et secondaire, l’éducation civique dans le but
de former un nouveau type de citoyen soucieux du bien public ;
- Procéder aux différentes formations dont les besoins ont été exprimés par les acteurs
parlementaires.
Les défis auxquels Haïti fait face sont majeurs. Trop souvent, l’arbitrage politique s’effectue
dans la rue plutôt qu’au Parlement. Par conséquent, le Parlement, en tant que première
institution du pays, se doit d’agir : il se doit d’être au cœur des réformes à venir.
Il serait donc souhaitable de tendre vers :
- La formation d’élus conscients de leur rôle et de leurs pouvoirs ;
- La participation de la population à la vie politique du pays, particulièrement à travers
ses institutions ;
La mise en place d’un cadre législatif adéquat qui mènera à l’adoption des réformes
politiques, économiques et sociales nécessaires au développement du pays.
Pour atteindre ces objectifs, le Parlement haïtien devra cibler des priorités réalistes et réalisables
au rythme correspondant à la capacité de l’institution d’absorber les changements.
Au terme de cette mission, la délégation propose aux instances de l’APF et aux autorités
parlementaires haïtiennes la mise en place d’un programme multilatéral de développement
parlementaire francophone (MultiDevHaïti) en faveur du renforcement des capacités des
députés et des sénateurs de la République d’Haïti, au renforcement des capacités des
fonctionnaires parlementaires et au renforcement de l’institution parlementaire bicamérale
haïtienne.
Les institutions parlementaires devraient aussi profiter de la construction de nouveaux édifices
pour moderniser leur image. Ce nouveau parlement peut devenir le symbole d’une ère nouvelle
en Haïti.
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Annexe 1 – Cartes d’Haïti
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Annexe 2 – Photos
Les bâtiments du parlement haïtien (le Palais législatif) ont été détruits par le tremblement de terre de
2010. Les deux Chambres et leurs services sont aujourd’hui regroupés temporairement dans des locaux
préfabriqués. Il semble que les locaux soient exigus pour permettre à l’ensemble des parlementaires et
des fonctionnaires de travailler convenablement. Toutefois, les salles provisoires de séances et de
commission -comme l’attestent les photos ci-dessous- semblent permettre aux parlementaires de siéger
dans des conditions acceptables. De nouveaux bâtiments sont en construction à proximité. La première
pierre du nouveau Palais législatif a été posée le 27 décembre 2012. Le Parlement bicaméral devrait s’y
installer dans un délai de 3 ans.
A – Visite extérieure des locaux de la Chambre des députés et du Sénat
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B – La salle des séances du Sénat
Salle plénière provisoire des séances du Sénat
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C – La salle des séances de la Chambre des députés
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Salle il y a 3 ans :
Salle plénière provisoire des séances de la Chambre des députés
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Salle aujourd’hui :
Une cloison sépare les salles de séance des deux chambres. Cette cloison n’est cependant pas insonorisée
et ne permet pas à la Chambre des députés et au Sénat de siéger en même temps, sauf lorsqu’ils sont
réunis en Assemblée nationale dans la même salle de séances.
D – Salle des commissions
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E – Aperçu de quelques services du Parlement
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Communication
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Annexe 3 - Contacts
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