UNIVERSITE PARIS DAUPHINE
NOUVELLE GENERATION & BIEN ETRE AU TRAVAIL NOUVELLE GENERATION & BIEN ETRE AU TRAVAIL NOUVELLE GENERATION & BIEN ETRE AU TRAVAIL NOUVELLE GENERATION & BIEN ETRE AU TRAVAIL
Nouvelles perspectives en Management des Ressources Humaines
MEMOIRE DE RECHERCHE
Master II Professionnel Management des Ressources Humaines
KONICHECKIS Tania
Directeur de Mémoire : Julie TIXIER
Session : Septembre 2012
ANNEE UNIVERSITAIRE 2011 ANNEE UNIVERSITAIRE 2011 ANNEE UNIVERSITAIRE 2011 ANNEE UNIVERSITAIRE 2011 ---- 2012201220122012 Ce travail de recherche a remporté le
Prix « Espoir RH » 2013
1
Dans quelles mesures penser les aspirations de la nouvelle génération comme un
moyen de promouvoir le bien être dans les organisations ouvre de nouvelles
perspectives dans les pratiques de Management des Ressources Humaines ?
2
REMERCIEMENTS
a démarche d’analyse et de recherche n’aurait pas été aussi fructueuse si les
personnes que j’ai rencontrées et avec lesquelles j’ai eu le plaisir de travailler
pendant cette année d’alternance, ne m’avaient pas autant aidé et soutenu dans la
rédaction de mon mémoire. Issus du monde de la recherche et du monde professionnel, elles
ont été un véritable moteur et une source inépuisable d’énergie créatrice durant ces 12 mois.
Je tenais donc à remercier particulièrement :
Julie TIXIER, ma Directrice de mémoire qui a su m’accompagner et m’encourager tout au
long de mon travail de recherche à travers ses précieux conseils. Un grand merci pour son
implication et la persévérance qu’elle m’a insufflé au cours de cette longue odyssée.
Rémi FEVRE, mon Maître d’apprentissage, pour le temps qu’il m’a consacré, son soutien et
pour les nouvelles pistes de réflexion qu’il m’a suggéré d’explorer.
Je remercie également les managers ainsi que salariés du groupe Credit Agricole S.A, pour
leur partage d’expérience, leur authenticité et la richesse de nos échanges lors des
entretiens :
Hajer BATNINI, Chargée de Projets RH au sein de la division RH et Technologie
Jacques BAUME, Responsable des Achats Groupe
Esther BENHAMOU, Responsable de la Communication du pôle Agroalimentaire
Julien BORNE, Alternant au sein de la Direction des Politiques Sociales Groupe
Vincent BUCHART, Directeur de la Communication Financière
Yves CHAUVET, Responsable RH de la Ligne Métier Informatique
Diego GASPARI, Directeur des Ressources Humaines Internationales
Pierre METGE, Directeur Marketing Stratégique Groupe & Etudes Marketing Groupe
Anne ROCHON, Chargée de Communication RH
Sophie SERRATRICE, Responsable du Recrutement Groupe et des Relations Ecoles
Florent TRANBAUT, Alternant au sein de la Direction de la Conformité
Un grand merci également à mes proches et mes collègues de travail pour leur soutien, leurs
conseils et leurs encouragements.
M
Remerciements
3
,, ‘‘ Deux choses ne
s’apprécient bien que
quand on ne les a plus : la
santé et la jeunesse.
4
SOMMAIRE
INTRODUCTION ................................................................................................................................................... 7
1ERE PARTIE : ETUDE THEORIQUE .................................................................................................................. 12
CHAPITRE 1 : PROMOUVOIR LE BIEN-ETRE DANS LES ORGANISATIONS : UN LEVIER POUR
REPONDRE AUX DEFIS STRATEGIQUES, ORGANISATIONNELS ET HUMAINS ? ............................ 13
I. Le concept de « bien-être au travail » : de sa clarification a sa prise en compte ........ 14
A. Quelle différence entre « bien-être » et « bien-être au travail » ? ............................... 14
B. Le bien-être au travail, une notion émergente .................................................................... 17
C. Les facteurs déterminants de sa promotion .......................................................................... 19
II. Le bien-être comme objectif stratégique ................................................................................... 21
A. D’une obligation légale à une volonté partagée : le passage progressif du correctif
au préventif ................................................................................................................................................. 22
B. Une mobilisation grandissante de la part des organisations pour passer de la
prévention des risques à la promotion du bien-être .................................................................. 23
C. Intégrer la santé comme un objectif : de la promotion à l’ancrage stratégique..... 25
III. Le travail comme ressource .............................................................................................................. 27
A. La relation au travail : une histoire de paradoxes ? ............................................................ 28
B. Le travail repositionné comme objet de développement personnel et de ressource
pour l’organisation ................................................................................................................................... 30
C. L’implication d’acteurs aux domaines d’expertise complémentaire à travers
différents rôles clés .................................................................................................................................. 32
1) La direction comme sponsor de cette nouvelle démarche ......................................... 32
2) Le management au plus près des salariés ......................................................................... 33
3) Les salariés en capacité de défendre leur métier et leur travail ................................ 33
IV. L’humain à l’interface de l’organisation et de la performance ........................................... 34
A. Enjeu d’engagement ...................................................................................................................... 34
B. Enjeu d’équilibre et d’épanouissement ................................................................................... 36
V. Conclusion .............................................................................................................................................. 37
Sommaire
5
CHAPITRE 2 : UNE NOUVELLE GÉNÉRATION PRESENTE SUR LE MARCHE DU TRAVAIL:
QU’APPORTE-T-ELLE DE SI « NOUVEAU »? ............................................................................................. 38
I. L’arrivée d’une nouvelle génération sur le marché du travail : qui est-elle ? ................ 39
A. Des faits objectifs qui structurent les attitudes de cette nouvelle génération… ..... 39
1) Contexte d’instabilité ................................................................................................................. 40
2) Etudes longues ............................................................................................................................. 41
3) L’omniprésence des nouvelles technologies .................................................................... 43
B. …Et des valeurs sociétales marquées… .................................................................................... 44
1) …Par l’individualisme ................................................................................................................. 44
2) …Par le primat de la sphère privée et de leur épanouissement personnel .......... 46
C. …qui impactent leurs attitudes en entreprise ....................................................................... 47
1) D’un désir de mobilité vers une volatilité qui pose problème aux managers ..... 47
2) Une relation à l’entreprise davantage rationnelle qu’affective ................................. 49
3) Individualistes mais dans le cadre collectif de l’organisation .................................... 50
D. Conclusion : une génération qui entretient une relation différente au travail et à
l’organisation .............................................................................................................................................. 52
II. Une nouvelle génération véritablement différente des précédentes ? Faire la part
entre clichés et généralités. ....................................................................................................................... 53
A. « Génération Y » : simple outil marketing ? .......................................................................... 54
B. Des comportements qui évoluent en fonction de la place que les jeunes occupent
par rapport au monde du travail ........................................................................................................ 56
C. Un rapport à l’entreprise véritablement différent des autres générations ? ............ 58
D. Conclusion : la jeune génération symbole d’évolutions sociétales globales ............ 60
2EME PARTIE : ETUDE TERRAIN ....................................................................................................................... 62
I. La démarche méthodologique ........................................................................................................ 64
A. Profil des personnes interrogées ............................................................................................... 64
B. Déroulé de l’entretien .................................................................................................................... 65
C. Limites dans le choix de l’échantillon et dans la méthode .............................................. 66
II. Résultats de l’étude ............................................................................................................................. 66
A. Perception de la nouvelle génération… .................................................................................. 67
1) …par les managers ...................................................................................................................... 67
a. Leurs perceptions de cette jeune génération ......................................................... 67
6
b. Des similitudes ou une réelle différence observée par rapport aux
anciennes générations ? ........................................................................................................... 71
c. Difficultés ou réelle valeur ajoutée dans leur méthode de management? .. 73
2) …par elle-même à travers sa vision du management dans l’entreprise ................ 73
a. Leur définition d’un bon manager et d’une bonne entreprise ......................... 74
b. Une valeur ajoutée apportée dans l’équipe en tant « que jeune » ou des
difficultés relationnelles rencontrées avec leur manager ? ......................................... 75
c. Leur position idéale dans 5 ans .................................................................................... 75
3) Regards croisés : Managers et nouvelle génération, la fin des idées reçues ? .... 76
B. Approche du bien-être au travail… ........................................................................................... 77
1) …par les managers ...................................................................................................................... 77
2) …par les collaborateurs issus de la nouvelle génération ............................................. 79
a. Leur définition ..................................................................................................................... 79
b. Un manager qui mobilise ces leviers, malgré quelques axes d’amélioration
soulevés .......................................................................................................................................... 80
3) Regards croisés : des convergences ou de réelles différences entre leurs
perceptions du bien-être ? ............................................................................................................... 81
C. La prise en compte du bien-être au travail à travers les aspirations de la nouvelle
génération: une transformation des méthodes managériales ? ............................................. 83
D. Lien entre la théorie et les entretiens réalisés ...................................................................... 85
1) Vision de la nouvelle génération .......................................................................................... 85
2) Perception du bien être ............................................................................................................ 86
E. Réflexions et ouverture ................................................................................................................. 87
CONCLUSION ...................................................................................................................................................... 91
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................................................... 93
ANNEXES ............................................................................................................................................................ 100
7
INTRODUCTION
es dernières années ont vu les questions relatives à la santé au travail et à la
qualité de vie s’afficher à la une de l’actualité et devenir un véritable enjeu des
pouvoirs publics, des entreprises et des partenaires sociaux. Qu’est-ce qui explique
la recrudescence de l’importance accordée au bien être au sein de nos organisations ?
Quelles sont les grandes tendances des conditions de travail?
L’un des plus grands éléments qui bouleverse les organisations ces dernières années réside
dans les nouvelles exigences du travail. Pour répondre aux nouveaux besoins du marché et se
différencier d’une concurrence féroce, les entreprises réorganisent le travail. Ce dernier
devient alors plus intéressant, puisque plus diversifié. Les salariés sont plus autonomes dans
leurs missions et ils en sont satisfaits lorsqu’ils bénéficient de soutien et d’aide à la décision.
Mais paradoxalement, le travail devient beaucoup plus éprouvant. Les collaborateurs doivent
faire face aux cumuls de contraintes temporelles, techniques et marchandes. Soumise à un
rythme intensif d’innovation, l’entreprise doit s’appuyer sur un professionnalisme toujours
plus grand des collaborateurs. Face à l’accélération des mutations, l’attente est forte du côté
des nouvelles technologies de l’information, par exemple. Leur maitrise demande une mise à
niveau constante des connaissances et des compétences. Sans oublier les savoir-faire, de plus
en plus indispensables, que les salariés se doivent de mobiliser: prise d’initiative, autonomie,
capacité à s’adapter, à diagnostiquer une situation critique, etc… Ajoutons à cela les relations
de travail qui sont amenées à être repensées. Elément révélateur dans toutes les récentes
enquêtes, les salariés expriment une forte attente en matière de communication, de
transparence dans les échanges avec leur hiérarchie. Ils souhaitent être considérés comme
des acteurs responsables et pouvoir influer sur les changements.1 Dans une publication de
20022, La Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail
ajoutera l’évolution démographique de la population active et la précarité de certains
1 Extrait des grandes tendances 2011 et 2012 du baromètre Endered – Ipsos « Motivation et Bien-être
au travail ». 2 La qualité du travail et de l’emploi en Europe. Enjeux et défis., Cahier de la Fondation, Février 2002.
Disponible en ligne : www.eurofound.eu.int
C
Introduction
8
emplois comme éléments impactant les structures organisationnelles. Autant d’évolutions
qui doivent être accompagnées d’une réflexion et d’actions sur l’organisation du travail.
L’autre tendance lourde qui impacte les entreprises est bien sûr les effets du travail sur la
santé. Si celui-ci est aujourd’hui une source d’épanouissement pour chacun, il peut
également être source de nouveaux risques d’atteinte à la santé. Stress, douleurs articulaires,
mal être…ces risques difficiles à identifier et à prévenir tant leurs causes sont multiples, ont
été placés au-devant de la scène ces dernière années. Il en est de même pour les effets
cumulatifs d’exposition à des produits dangereux (amiante, produits chimiques, etc…). Malgré
une diminution des accidents de travail depuis vingt ans, les entreprises doivent faire face à
une forte croissance des maladies professionnelles (TMS essentiellement) et une montée en
puissance des déclarations de salariés éprouvant du stress d’origine professionnelle.
L’actualité brulante de 2009 et les récents textes de lois sur le harcèlement moral et le stress
au travail ont participé à élargir le domaine de responsabilité des entreprises aux dimensions
physiques et psychologiques des salariés3. L’effort des organisations s’est donc
essentiellement concentré sur la prévention des risques psychosociaux, l’objectif premier
étant d’engager des négociations et de déployer des plans d’action le plus rapidement
possible afin de pouvoir répondre aux obligations légales. Les premières avancées n’ont été
réalisées que sous l’angle du correctif avec la nécessaire implication de politiques de
prévention (mise en œuvre du Document Unique, Plans Santé Travail 2005-2009 et 2010-
2014, Prévention de la Pénibilité, Lutte contre les TMS, etc…). Est-ce que cela signifie que la
mesure des atteintes à la santé des individus a été prise ?
Dans un contexte socio-économique où la performance est devenue obligatoire et la
protection de la santé des salariés une obligation de résultats, les managers semblent être
désemparés par ce qui ressemble à une injonction paradoxale : comment déployer de
manière opérationnelle la stratégie de l’entreprise tout en prenant en compte les spécificités
individuelles des collaborateurs et en préservant leur santé ?
3 BARDELLI P., ALLOUCHE J., La souffrance au travail, quelle responsabilité de l’entreprise ? , Armand
Colin/Recherches, 2012.
9
Aujourd’hui, nul ne peut ignorer que la santé physique et psychologique ainsi que le bien-
être des collaborateurs dépassent le simple cadre législatif. De nombreuses études tendent à
prouver qu’il existe un lien entre bien-être et performance et que promouvoir la santé dans
les organisations assure leur rentabilité et leur pérennité. La question de la santé au travail4
est définie par l’Organisation Mondiale de la Santé comme « un état de complet bien-être
physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ». Une
entreprise saine ne se mesure donc pas uniquement par l’absence de facteurs de risques, de
maladies ou par l’absence d’accidents du travail mais par la présence et la qualité de
pratiques de management et de conditions de travail qui favorisent le travail5.
Pour un nombre croissant d’entreprises la lutte contre les risques psychosociaux s’insère
désormais dans une dynamique plus positive, de « promotion » du bien-être. Cette tendance
s’explique par l’image de marque des entreprises auprès de leurs parties prenantes. Le défi,
déjà appréhendé par la responsabilité sociale des entreprises (RSE) est de mener la gestion
des hommes non plus de façon «globale » mais négociée, avec des individualités dont les
attentes sont forcément complexes et difficiles à mesurer. La qualité de vie au travail, le "
bien-être" en entreprise fait partie intégrante de ce défi.
Cette question est un véritable enjeu stratégique pour les organisations et plus
spécifiquement pour les Gestionnaires RH : la démarche de promotion du bien-être dans les
organisations passe par une appréhension différente de l’organisation, d’un questionnement
sur le travail réel et d’une nouvelle approche des méthodes managériales. Ils doivent être en
mesure de s’approprier et d’impulser une nouvelle manière d’aborder la question du bien-
être dans les organisations en construisant une dynamique entre travail et santé, où
conditions de travail, développement et performance s’alimentent. Mais quels en sont les
leviers ? Comment penser la promotion de la santé dans les organisations ?
4 Le terme « Bien-être au travail » trouvera un écho aux notions de « Qualité de Vie au travail» et de
« Santé au travail », tout au long de cet écrit. Nous prenons le choix de ne pas faire de véritable
distinction dans leurs définitions puisque ces deux concepts constituent les mêmes acceptations du
bien-être au sein des organisations. 5 BRUN, J.P., Management d’équipe, 7 leviers pour améliorer le bien-être et l’efficacité au travail,
Eyrolles, 2010, p.9-21.
10
Si la promotion du bien être passe par une réinterrogation de la structure organisationnelle
et managériale de l’entreprise, elle passe également par une réflexion sur les rapports
qu’entretiennent les individus au travail.
Cette relation peut être étudiée à travers l’évolution de la perception du travail qu’ont les
générations et la modification des relations qu’elles entretiennent avec lui. Nous avons pris le
choix de se concentrer uniquement sur une seule génération : celle des primo entrants, la
génération des 18-30 ans qui semble attacher davantage d’importance au « plaisir de faire »
au travail. Ladite « Génération Y », terme marketing récent, est la génération « qui bouleverse
le monde de l’entreprise ». Depuis plusieurs années, ce concept fait couler beaucoup d’encre
et a donné naissance à un véritable marché où florissent les offres de formation qui
proposent des clés pour manager cette population décrite comme étant le « cauchemar des
GRH ». Il semblerait qu’elle soit représentée par des individus hyper connectés, maîtrisant les
nouvelles technologies comme une « extension d’eux même », aussi impatients qu’impliqués,
osant défier l’autorité et n’ayant pas peur de quitter le confort de l’entreprise dans lequel ils
se trouvent pour aller voir ce qui se fait de mieux ailleurs. Très lucides sur la période difficile
que les entreprises traversent à l’heure actuelle, il semblerait que les individus de cette
génération donnent une nouvelle place au travail dans leur vie et accordent énormément
d’importance à l’épanouissement de leur personne et à la quête de sens.
Si les médias et les nouveaux consultants « Pro GenY » s’en donnent à cœur joie pour
caractériser cette nouvelle génération comme étant profondément différente des
précédentes, il semblerait que le phénomène s’essouffle et que cette « rupture
intergénérationnelle » soit remise en question. De nombreux auteurs (Chaminade, 2009 ;
Pralong, 2010 ; Pichault et Pleyers, 2010 ; Meda et Vendramin, 2010) s’accordent sur le fait
que la Génération Y n’est pas plus différente de la génération « X » ou de la génération des
Baby-Boomers. C’est pourquoi nous prenons le choix de ne pas la nommer « Y » puisque
selon nous, son existence est controversée. Il existe néanmoins de vrais enjeux pour
l’entreprise. En effet, comprendre cette nouvelle génération ce n’est pas seulement
comprendre « les jeunes » mais comprendre leur culture, l’environnement dans lequel ils ont
grandi et leurs valeurs qui montrent l’évolution de notre société. Quelles sont leurs
perceptions vis-à-vis du monde de l’entreprise ? Quel nouveau rapport entretiennent-ils avec
le travail ? Ladite « Y » est-elle le symbole du changement dans les organisations ? Des
questions auxquelles nous tenterons de répondre à travers de nombreux travaux
11
sociologiques, complétés par la synthèse d’enquêtes et d’études terrain menées ces
dernières années au sein de nombreuses organisations.
En découle alors la question suivante : est-ce que cette nouvelle génération, de par son
rapport au travail différent, pourrait amener les managers et les responsables des Ressources
Humaines à repenser leurs méthodes managériales en prenant en compte leur nouveau
système de valeurs qui place, entre autre, l’épanouissement de la personne au premier plan?
Face aux effets du travail sur la santé et à ces transformations de l’entreprise, il semblerait
que la nouvelle génération insuffle un nouveau mode de fonctionnement et de nouveaux
codes sociaux au sein du monde du travail. Notre problématique est la suivante : Dans
quelles mesures penser les besoins de la nouvelle génération comme un moyen de
promouvoir le bien-être au travail ouvre de nouvelles perspectives dans les pratiques de
management ?
Notre travail se situe donc à la croisée de deux problématiques liées au Management des
Ressources Humaines : la complexité de mettre en place une réelle politique de promotion
du bien-être et la difficile compréhension d’une nouvelle génération sur le marché du travail.
Il s’agit pour nous d’aborder la question du bien-être au travail sous cet angle différent et
offrir ainsi une piste d’exploration nouvelle pour appréhender ces deux défis.
Nous avons découpé notre travail en deux grandes parties. La première partie théorique
abordera la notion de bien-être au travail, de sa clarification à sa prise en compte. Nous
analyserons également les aspirations de la nouvelle génération à travers leur rapport au
travail. Analyses fondées sur des études sociologiques et observations managériales.
La seconde partie sera consacrée à la méthodologie de travail que nous avons choisi. C’est à
travers l’analyse des échanges menés que nous tenterons de comprendre les possibles
convergences qui pourraient exister entre les aspirations de cette génération et la promotion
du bien-être dans les organisations. Nous verrons alors en quoi la prise en compte de ces
deux enjeux pourrait amener à repenser les pratiques managériales impactant aussi bien la
nouvelle génération que les salariés issus des générations précédentes, offrant de nouvelles
perspectives en matière de Management des Ressources Humaines.
12
1ERE PARTIE : ETUDE
THEORIQUE
13
CHAPITRE 1 : PROMOUVOIR LE BIEN-ETRE DANS LES ORGANISATIONS : UN
LEVIER POUR REPONDRE AUX DEFIS STRATEGIQUES, ORGANISATIONNELS ET
HUMAINS ?
l est important de s’accorder sur le
terme de promotion de la santé au
travail. Les programmes de bien-être
individuel en entreprise, développés
autour de séances de yoga, de massage sur chaise, d’ateliers de respiration et de gestion du
stress ou encore la mise en place de réunions d’information sur une alimentation saine et
équilibrée peuvent certes être utiles pour améliorer la qualité de vie au travail mais ne sont
pas suffisants pour éliminer les risques qui portent atteinte au bien-être des salariés. Il faut
aller plus loin et rendre légitime le lien qui existe entre le travail et la santé. Le travail, au
même titre qu’il produit des biens et des services, produit de la santé pour ceux qui le
réalisent. S’il reste indispensable de s’interroger sur les symptômes des dysfonctionnements,
les véritables enjeux des conditions de travail vont au-delà de la préservation de l’intégrité
des individus.
Le récent rapport Lachmann-Larose-Penicaud remis à François Fillon en 20106, a démontré
que, si investir dans les questions de santé au travail était une obligation sur le plan humain,
ce n’était pas une charge, mais bien un atout de performance pour l’entreprise. Les auteurs
du rapport en sont convaincus : « […] pour nous, l’amélioration de la santé psychologique au
travail ne doit pas se limiter à la gestion du stress professionnel. Le vrai enjeu est le bien-être
des salariés et leur valorisation comme principale ressource de l’entreprise ».
Pour aller dans ce sens, il faut alors transformer notre point de vue afin d’aborder la question
de la santé au travail sous un nouvel angle : celui de sa promotion. Par quels moyens ? En
6 Rapport intitulé Bien-être et efficacité au travail, 10 propositions pour améliorer la santé
psychologique au travail , 2010. Disponible en ligne :
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/104000081/0000.pdf
I
Premier chapitre
14
appréhendant l’activité du travail non plus comme un élément de souffrance mais comme
une véritable ressource pour l’entreprise et pour les collaborateurs ; en considérant que
l’humain est un être en développement, qui s’émancipe et se reconnaît à travers son travail ;
en prouvant aux managers et responsables des Ressources Humaines que la santé et le bien
être de leurs collaborateurs constituent un volet à part entière de leur stratégie de
développement7.
Plusieurs pistes ont été explorées dans la mise en œuvre d’une politique de santé en
entreprise. Pourtant, il n’a pas encore été trouvé de réponse universelle capable de s’adapter
à toutes les problématiques et à toutes les entreprises. Une seule chose est sûre : la réelle
prise en compte du bien-être des individus dans la stratégie des entreprises est désormais
inéluctable. Elle pourrait constituer à terme, un critère de différenciation et d’évaluation
impactant pour les organisations.
Cette première partie constitue le passage en revue de la littérature et des tendances au sein
des entreprises qui nous permettraient de penser le bien-être sous l’angle de sa promotion.
L’objectif est de placer la santé et le bien-être des individus au cœur des réflexions comme
une sorte d’élément fédérateur qui participe à la mise en place d’un nouvel ancrage, d’une
nouvelle culture d’entreprise. Après une brève clarification des termes clés et un rapide état
des lieux sur les évolutions de la prise en compte du bien-être dans les organisations, nous
aborderons la question du bien être comme un objectif stratégique, permettant de répondre
aux défis organisationnels et humains des entreprises.
I. Le concept de « bien-être au travail » : de sa clarification a sa prise en
compte
A. Quelle différence entre « bien-être » et « bien-être au travail » ?
7 SARAZIN B., Promotion de la santé : un nouveau regard sur le travail, Revue Travail & Changement,
Bimestriel du Réseau Anact pour l’amélioration des conditions de travail, n°339 Septembre/Octobre
2011, p.2-7.
15
Différencier ces deux notions n’est pas chose aisée puisque le « bien-être au travail »
n’englobe pas la question du bien-être en général (qui recouvre le bien-être objectif et
subjectif). En effet, le bien-être global d’un individu peut-être puisé dans différentes activités
de sa vie personnelle, comme sa famille, ses amis, ses activités culturelles ou sportives. Le
bien-être au travail ne représente donc qu’une source du bien-être global parmi d’autres.
D’autre part, il est nécessaire d’établir une distinction entre le bien être de la personne au
travail et le bien-être du travailleur au travail8 (cf. figure 1) :
- Le bien-être de la personne au travail fait référence d’une part à l’hygiène, la santé et
la sécurité (« éléments essentiels » liés au respect de l’intégrité physique et morale de
la personne) et d’autre part, aux éléments qui visent simplement à rendre plus
agréable l’environnement de travail (éléments dits « périphériques ») ;
- Le bien-être du travailleur au travail est plus axé sur la spécificité de ses missions et
cela passe par trois éléments fondamentaux : le salarié doit être mesure d’effectuer
des tâches qui lui sont propres, il doit disposer des moyens et des conditions pour les
réaliser et enfin, ses missions ne doivent pas être en contradiction avec le « sens »
qu’il y donne à son travail.
Figure 1 : Distinction entre les concepts de bien-être général et bien-être au travail
8 ROBERT N. Bien-être au travail : une approche centrée sur la cohérence des rôles, INRS Département
homme au travail, 2007.
Source : ROBERT N. Bien-être au travail : une approche centrée sur la cohérence des
rôles, INRS Département homme au travail, 2007, p.11
Bien-être
général
16
La différenciation entre « éléments essentiels » vs « éléments périphériques » fait écho aux
travaux menés par Herzberg (1959). L’auteur, démontre le lien entre la satisfaction et la
motivation en distinguant les facteurs intrinsèques (ou « facteurs motivationnels » tels que la
réussite, le travail en lui-même, la considération, etc…) des facteurs extrinsèques (ou
« facteurs d’hygiène ») qui sont caractérisés par des éléments propres à l’entreprise tels que
la politique globale, le salaire, les conditions de travail, etc…
La démonstration de sa théorie est très subtile, la représentation schématique proposée ci-
après sera sans doute plus explicite (cf. figure 2) :
- Les facteurs motivationnels s’ils sont présents provoque de la satisfaction et leur
absence, de la non satisfaction ;
- Les facteurs d’hygiène, s’ils sont présents provoque de la non insatisfaction et leur
absence, de l’insatisfaction.
Figure 2 : Représentation Schématique de la théorie d’Herzberg
Herzberg représente donc la satisfaction et l’insatisfaction non pas comme deux extrémités
d’un même continuum mais comme étant deux valeurs orthogonales, le point neutre
représentant l’absence de satisfaction et d’insatisfaction. Nous pouvons alors lier les
éléments essentiels décrits plus haut, aux facteurs motivationnels décrit par l’auteur (ce que
le salarié fait : réussite, considération, le fait de disposer des conditions nécessaires pour
réaliser son travail, etc…) et également classer les éléments périphériques avec les facteurs
d’hygiène, soit tous les éléments qui sont propres à l’organisation (la situation dans laquelle
Source : ROBERT N. Bien-être au travail : une approche centrée sur la cohérence des
rôles, INRS Département homme au travail, 2007, p.11
17
la tâche se réalise). Si un salarié se retrouve au point neutre, la situation de travail ne peut
pas être source de bien-être, ce dernier se réalisant dès lors que les facteurs essentiels à sa
réalisation sont réunis. S’intéresser au bien-être reviendra donc à se pencher sur les
conditions qui le favorisent.
B. Le bien-être au travail, une notion émergente
Depuis plusieurs années,
on assiste à un
élargissement progressif
des enjeux pour la santé.
D’abord des atteintes
physiques à la santé
reconnues et traitées par
l’Assureur AT/MP vers la reconnaissance de l’impact psychologiques que peut avoir le travail
sur la santé (stress, burnout, etc…). Puis, de la considération de certaines « infra-
pathologies »9 (Gollac & Volkoff, 2002) vers la qualité de vie au travail et les dimensions
constructives du travail par rapport à la santé (Cf.figure 3). Pour Grosjean, la santé en
entreprise se développe autour de la notion de bien-être, qui possède une connotation plus
positive et qui nous fait prendre conscience que la santé peut également se construire dans
le travail. Travailler sur la notion de bien-être permet de travailler sur les dimensions
physiques, psychologiques et sociales et peut donc être analysé à travers les aspects
collectifs et organisationnels liés à la santé. La notion de bien-être au travail va donc au-delà
du symptôme ou de l’aspect pathologique, il s’agit d’une approche globale10.
9 Les auteurs définissent les infra pathologies comme un ensemble de petits troubles de santé qui ne
sont pas forcément « graves » mais qui perturbent l’existence quotidienne et peuvent entrainer une
fragilisation de l’individu (plaintes, douleurs,…). 10 GROSJEAN V., Le Bien-être au travail, un concept pragmatique, INRS, 2010.
18
Figure 3 : Elargissement successifs de la prévention et de la promotion de la santé au travail
Source : GROSJEAN V., Le bien-être au travail : un objectif pour la prévention ? , INRS, Département
Homme au travail, 2005
Cet élargissement se retrouve également dans l’aspect règlementaire : la santé et la sécurité
a d’abord concerné les accidents du travail (loi du 9 avril 1898) puis les maladies
professionnelles (loi du 25 octobre 1919).
Provenant essentiellement d’Europe du Nord et des pays Scandinaves, les notions de bien-
être au travail et de qualité de vie au travail sont évoquées en France pour la première fois en
1970. L’idée était de pouvoir modéliser des organisations du travail innovantes capables de
concilier l’efficacité et l’intérêt du travail. A l’époque, l’objectif est d’accroître à la fois la
satisfaction professionnelle des salariés et la performance des entreprises11.
Si on analyse les récents rapports sur la santé au travail, la plupart d’entre eux mentionnent
désormais le terme de « Bien-être au travail » considérant que l’amélioration des conditions
de travail constitue un enjeu majeur pour les politiques sociales de demain. Le rapport
Lachmann-Larose-Penicaud, en est la preuve formelle. Il condense un ensemble de 10
mesures à mettre en œuvre permettant d’améliorer les conditions de santé psychologiques
au travail dans les entreprises du secteur privé. La qualité de ces recommandations (cf.
annexes), de par leur caractère pragmatique, sont fréquemment citées comme éléments de
référence dans le milieu professionnel. Toutes ces propositions reposent sur l’idée selon
11 Source : Anact.
19
laquelle la valeur d’une structure réside dans celle des hommes qui la composent. Les
auteurs insistent également sur la prévention quoi doit dépasser le cadre de la simple prise
en compte des risques psychosociaux « si santé égale bien être alors les entreprises ne
peuvent limiter leur action aux risques psychosociaux. Celle-ci demeure indispensable : mais
elle n’est qu’un élément d’un enjeu plus large, la valorisation du bien-être des salariés dans
l’entreprise ».
Des convictions qui rejoignent la définition de la santé de l’OMS citée en introduction: « La
santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas
seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».
Si comme le suggère l’OMS, la santé et le bien-être sont liés, alors les entreprises ne peuvent
se limiter à la prévention des risques, qui ne représente qu’un élément de la valorisation du
bien-être dans les entreprises. Loin de s’opposer à la compétitivité des organisations, le bien-
être au travail est au contraire essentiel pour le développement durable et l’innovation. Quels
sont les leviers sur lesquels les entreprises peuvent agir pour s’en saisir et le promouvoir ?
C. Les facteurs déterminants de sa promotion
Aujourd’hui, le concept de bien-être au travail se définit comme l’ensemble des facteurs
concernant les conditions dans lesquelles un travail est effectué12. Le bien-être au travail se
construit en permanence.
Sa garantie et sa promotion relèvent d’une obligation légale de l’employeur. Il doit veiller à
optimiser ses conditions de travail, assurer sa sécurité, veiller à sa bonne santé et combattre
les risques d’accidents. Mais plus que l’accumulation de lois et d’obligations, c’est la
déclinaison opérationnelle dont il est question.
Le bien-être au travail doit se mesurer à l’aune de l’épanouissement personnel qu’il est
capable d’engendrer, depuis la conciliation des temps de vie, en passant par le
développement des compétences, des capacités relationnelles, de la créativité ou de la
connaissance de soi. Même si le sens de cette notion varie selon les individus, leur statut, leur
12 Source : Anact.
20
âge, leur genre, leur emploi, il est possible d’identifier un certain nombre de variables ou de
facteurs-clés qui apparaissent déterminants pour la qualité de vie au travail13 :
• Qualité de l’engagement à tous les niveaux de l’entreprise : Prise en compte des
enjeux de la vie personnelle des salariés par les dirigeants des entreprises à tous les
niveaux, par les partenaires sociaux et réflexion sur les modes d’implication des
salariés, y compris de l’encadrement, favorisant l’expression des collaborateurs dans
la vie au travail.
• Qualité de l’information partagée au sein de l’entreprise sur : L’environnement
économique, les objectifs et orientations stratégiques, les valeurs auxquelles se réfère
l’entreprise y compris dans ses relations avec son environnement, les «
caractéristiques » des salariés.
• Qualité des relations sociales et de travail : Reconnaissance du travail, égalité
salariale entre les femmes et les hommes, respect, écoute des salariés, mise en place
d’espaces de dialogue et d’expression des salariés, information adaptée aux enjeux
des relations sociales et de travail,…
• Qualité du contenu du travail : Autonomie, degré de responsabilité, enrichissement
des compétences, sens donné au travail,…
• Qualité de l’environnement physique : Sécurité, bruit, chaleur éclairage, propreté,
cadre spatial.
• Qualité de l’organisation du travail : Rôle et appui du management de proximité,
anticipation de la charge de travail pour sa gestion optimale, conséquences de
l’impact de la généralisation des nouvelles technologies de l’information et de
communication (distinction des temps de travail liés aux moyens électroniques tels
13 Extraits du tableau de synthèse produit par les partenaires sociaux dans le cadre de la délibération
sociale sur la Qualité de Vie au Travail – mars 2012. Source : Anact.
21
que blackberry, email à distance, portable…), anticipation des conséquences des
mutations et restructurations des entreprises sur la qualité de vie au travail et
l’emploi.
• Possibilité de réalisation et de développement personnel : Formation, acquis de
l’expérience, développement des compétences, déroulement de carrière et égalité de
ces déroulements de carrière entre les femmes et les hommes, égal accès entre les
femmes et les hommes aux fonctions de direction, lutte contre les stéréotypes
attachés à la maternité et à la parentalité, prise en compte des diversités,…
• La conciliation entre vie au travail et vie hors travail : rythme et horaires de
travail, vie familiale, accès aux services, loisirs, transports…
La promotion du bien-être est donc avant tout, une volonté globale qui traduit un
engagement collectif, impliquant les salariés, les dirigeants d’entreprises et les partenaires
sociaux. Tout l’enjeu réside dans l’analyse du travail, sa compréhension, pour que celui-ci
puisse favoriser l’épanouissement physique, psychique et intellectuel des individus.
La qualité de vie au travail est le résultat d’un ensemble de démarches, de règles, de
pratiques construites au cours du temps à travers conflit, concertation, négociation,
combinant dans des proportions variables le souci d’amélioration des conditions de travail et
celui de l’efficacité14.
Le résultat dépend finalement de la place qu’accorde au travail et à l’homme, l’ensemble des
acteurs, mais plus particulièrement ceux qui assument le pouvoir dans l’entreprise : le travail
est-il, oui ou non, dans la réalité quotidienne, considéré comme un facteur stratégique ?
II. Le bien-être comme objectif stratégique
Après cette période de forte mobilisation collective, les entreprises sont à un tournant, le
renversement de la tendance est sensible. La majorité des grandes entreprises se sont
14 Source : Anact.
22
lancées dans la mise en œuvre d’une démarche de diagnostic et de prévention des risques,
répondant ainsi à leur obligation de résultat (art. L.1421-1 à 5 du Code du Travail). Les RPS
sont reconnus comme étant le reflet de transformations durables dans l’organisation. La
question commence à être posée: le bien-être des collaborateurs, depuis la prévention des
risques organisationnels jusqu’à la promotion de leur santé, est-il un véritable atout
stratégique ? A l’heure actuelle, la promotion de la santé semble être un positionnement
innovant, puisqu’elle permet de problématiser le travail comme un enjeu de santé et de
moins en moins comme un élément de souffrance.
A. D’une obligation légale à une volonté partagée : le passage progressif du
correctif au préventif
Les mesures gouvernementales entreprises en faveur de la prévention des risques ont été un
premier pas dans la prise de conscience des organisations. Sans rappeler en détail les faits de
2009, rappelons toutefois que les entreprises, suite à la demande du Ministère du travail15,
étaient chargées d’entamer des négociations avec les partenaires sociaux, et ce le plus
rapidement possible, pour élaborer un plan d’action à déployer dans les mois qui suivaient la
signature de l’accord. Outre l’urgence avec laquelle les entreprises devaient mettre en œuvre
un plan d’actions, cela leur a permis de « prendre la température » de leur structure et des
conditions de travail de leurs collaborateurs. Bien des entreprises se sont vues confrontées à
la réalité de leur terrain, parfois révélatrice de dysfonctionnements profonds. A ce moment,
l’enjeu des entreprises était moins de réfléchir sur les sources, les causes des risques
identifiés que sur les symptômes détectés qu’il fallait traiter de façon quasi immédiate pour
« gommer » les dysfonctionnements. Aucune obligation d’aller creuser au-delà de la surface
immergée de l’iceberg, les entreprises mènent donc à ce moment des démarches qui
s’orientent davantage vers la résolution que vers la prévention.
Le Plan santé au travail lancé en 2004 et la création du conseil d’orientation des conditions
de travail en 2009 sont les premiers éléments représentatifs d’un nouvel élan qui vise à
15 Le plan Darcos impulsé en octobre 2009 fait obligation aux entreprises de plus de mille salariés
d’ouvrir des négociations sur la prévention du stress au travail.
23
consolider et à diffuser une culture de la prévention des risques professionnels sur tous les
lieux de travail. Lorsque l’on se penche sur l’analyse des accords signés en 2009, on se rend
compte que 80% des entreprises ont privilégié la signature d’un accord de méthode à
l’accord de fond. Cela signifie que la majorité d’entre elles, parce qu’elles ne se sont jamais
préoccupées de ces questions-là ou faute de temps et d’investissement pour s’y pencher
sérieusement, ont choisi la voie la plus simple en proposant des plans d’action sans offrir de
perspective quant à leur déploiement ou de démarche pérenne entreprise avec les
partenaires de santé 16.
B. Une mobilisation grandissante de la part des organisations pour passer de la
prévention des risques à la promotion du bien-être
Aujourd’hui les entreprises semblent
vouloir aller plus loin. Après avoir éteint
les flammes de l’incendie de 2009,
certaines semblent « vouloir remonter
aux parents du pyromane ». Entendons
ici la volonté de passer à une véritable
promotion de la santé et du bien-être
des collaborateurs en réinterrogeant les véritables causes des dysfonctionnements. La
promotion du bien-être vient agir « un cran plus loin », elle va au-delà des exigences légales
et complète la prévention. A la différence de cette dernière, qui inclue les actions envisagées
à toutes les étapes du travail dans l’entreprise en vue de prévenir les risques, la promotion du
bien-être résulte de l’effort combiné des employeurs, des IRP et des collaborateurs en vue de
l’amélioration de la santé sur le lieu de travail.
De nombreuses initiatives se développent dans ce sens, révélatrices d’une prise de
conscience croissante des parties prenantes.
16 Données issues du rapport Analyse des accords signés dans les entreprises de plus de 1000 salariés,
Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé, Avril 2011. Disponible en ligne : http://www.travailler-
mieux.gouv.fr/IMG/pdf/rapport-complet-19avril2011_def.pdf
24
Le gouvernement, après avoir lancé le premier Plan Santé au Travail 2005-2009 qui a permis
de développer la connaissance et l’évaluation des risques professionnels, déploie celui de
2010-2014 (PST2) renforçant cet élan. Il passe par la mise en œuvre effective d’actions visant
à prévenir les risques professionnels et le mal être au travail, à réduire les accidents et
maladies professionnelles, à prévenir la pénibilité, l’usure prématurée dues au travail et la
dégradation de la santé.
L’initiative « Semaine pour la qualité de vie au travail », créée par l’Anact, qui existe depuis
2004, est un évènement qui s’inscrit également dans cette dynamique. Visant à sensibiliser
les organisations aux questions du bien-être au travail, elle permet de mobiliser toutes les
entreprises autour de cette thématique.
Au sein des organisations, cette idée est confirmée à travers les transformations concernant
le rôle des DRH et des managers. Leur posture se voit de plus en plus modifiée par la prise
en compte des risques humains, ce qui est une première étape à la promotion du bien-être. Il
leur est désormais demandé de prendre en compte cette dimension dans leur travail et cela
commence à faire partie des critères sur lesquels ils sont évalués par leur hiérarchie17.
Malgré les initiatives en la matière, et la prise de conscience générale, il faut être vigilant : un
glissement sémantique n’induit pas nécessairement une évolution dans la réalité. Philippe
Askenazy nous met en garde contre un potentiel « effet de mode » des organisations. Bien
que la promotion du bien-être constitue un terrain à investir pour les institutionnels et les
acteurs publics, il peut s’agir d’un « effet greenwashing. Les entreprises sont confrontées à
une fin de cycle du discours managérial. Elles ont parlé marketing, environnement,
RH…Aujourd’hui il leur faut investir de nouveaux terrains pour tenter de motiver les
salariés »18. Les problèmes de santé et les grands titres liés à la promotion du bien-être n’ont
17 HAUBOLD B., Les risques psychosociaux. Analyser et prévenir les risques humains, Eyrolles,2010,
p.131-202. 18 Extrait d’un entretien paru dans le dossier Promotion de la santé : un nouveau regard sur le travail,
Travail & Changement n°339, Revue de la qualité de vie au travail du réseau Anact,
Septembre/Octobre 2011.
25
donc pas systématiquement une importance proportionnelle à leur ampleur et il ne suffit pas
de les rendre visible pour en faire des éléments de préoccupation majeure dans les
entreprises. Leur reconnaissance proviendrait donc d’une dynamique bien plus complexe.
Quels sont les éléments à interroger ? L’organisation, le travail ?
C. Intégrer la santé comme un objectif : de la promotion à l’ancrage stratégique
Intégrer la santé comme objectif peut constituer
un levier stratégique puissant pour les
organisations. Si les éléments liés à l’image
sont par exemple un excellent levier de
différenciation et donc de performance, les
entreprises sont également amenées à penser
leur rôle « d’entreprise responsable » à travers la prise en compte de facteurs humains dans
leur notation extra financière. La promotion du Bien-être dans les organisations se trouve à
un nouveau tournant : sa question ne relève plus uniquement d’enjeux de santé et de
prévention, elle n’est plus uniquement le traitement de symptômes mais doit permettre le
développement des individus à travers la mise en place de conditions favorisant la santé. Au-
delà donc de sa responsabilité, l’entreprise doit également penser son rôle « d’organisation
apprenante ».
Même si à cette période très peu d’entreprises font véritablement le lien entre leur stratégie
et la promotion du bien-être, cette vision commence à émerger aujourd’hui, notamment
dans les pays anglo-saxons et au Canada. Leurs recherches et les travaux menés en termes de
risques humains relient de plus en plus ces risques à la gouvernance de l’entreprise. Au
Canada, cela se traduit par la participation au Comex d’un membre spécialisé sur la question
des risques psychosociaux et de la mise en place d’une norme québécoise19 qui promeut les
dispositifs contribuant à la santé des salariés.
L’Institut Français des Administrateurs (IFA) a créé un groupe de réflexion sur la prise en
compte de l’actif humain par le conseil d’administration de l’entreprise. Ces recherches
19 La norme BNQ 9700-800, créée en 2008.
26
mettent en exergue la nécessité pour l’organisation de suivre l’évolution des risques humains
en s’appuyant sur une cartographie de ces risques. L’objectif est d’éviter les impacts néfastes
sur la réputation de l’entreprise et de développer la performance humaine. 95% des sociétés
du SBF120 interrogées, confirment que l’actif humain est un sujet qui relève du conseil
d’administration de l’entreprise. De plus, pour 97% d’entre elles, les enjeux humains de toute
évolution stratégique ou de tout grand changement dans l’organisation (fusions,
restructurations,…) doivent être traitées par le conseil20.
Prendre en compte l’actif humain et la préservation de sa santé dans la stratégie de
l’organisation semble être un premier engagement significatif. Cette mouvance se traduit
par des évolutions dans le droit et la jurisprudence française et au sein de l’union
européenne (notamment avec la création de l’Observatoire des Conditions de Travail en
2007, les accords seniors en 2009 et les accords stress et RPS en 2010).
Autre élément à soulever : la question des risques humains se voie de plus en plus investie
par des acteurs aux domaines d’expertise stratégique. On trouve par exemple le
développement d’organismes de normalisation et de certification, ainsi que des agences de
notation extra financière. L’AFNOR a entamé une étude de faisabilité quant à la transposition
de la norme canadienne « Entreprise en santé » 21 qui vise à spécifier des exigences en
matière de prévention, de promotion et de pratiques organisationnelles favorables à la santé
au travail. L’AFNOR est également mobilisée dans la mise au point de la nouvelle norme ISO
26000 concernant la responsabilité sociétale des entreprises. A sa lecture, on s’aperçoit que
cette norme intègre de façon explicite la prise en compte par les entreprises des risques qui
20 Données issues du rapport Le conseil & l’actif humain de l’entreprise, Enquête IFA, Juin 2010.
Disponible en ligne : http://www.misceo.fr/pdf/desarchiver/2010_CA%20et%20actifhumain_IFA.pdf 21 La norme BNQ 9700-800 Prévention, promotion et pratiques organisationnelles favorables à la santé
en milieu de travail, a été lancée en février 2008 par le Bureau de Normalisation du Québec. Cette
norme, innovante, ne se contente pas d’aborder l’enjeu de santé sous l’angle médical. Elle met en
avant la question de l’environnement de travail, de l’équilibre de vie et des pratiques de gestion.
27
favorisent le stress ou peuvent le provoquer22. Les agences de notation extra-financière ont
également mis en place des grilles de notations qui comprennent des parties entières
dédiées au sujet des risques psychosociaux. Des grilles qui sont amenées à s’élargir à mesure
que les entreprises gagneront en maturité sur le sujet. Les notations fournies par ces agences
ont un impact important en termes d’image. Elles constituent donc une source de pression
forte pour les entreprises à agir dans ce domaine.
La prise en compte des risques humains est donc un élément de compétitivité de l’entreprise
et de développement durable. Sa prise en compte dans les sphères stratégiques de
l’organisation constitue une première avancée significative vers la promotion du bien-être.
Mais les préoccupations des organisations pour ce sujet doivent aller au-delà de l’effet de
mode et dépasser les obligations légales. La santé étant cruciale pour la pérennisation des
entreprises, il convient de s’interroger sur le rôle et le devoir social des entreprises afin de
créer des espaces de travail dans lesquels les tensions génératrices de souffrance pourraient
être diminuées voir gommées.
III. Le travail comme ressource
Cette partie est librement inspirée des travaux menés par l’Anact qui choisissent d’aborder la
question de la santé des collaborateurs en questionnant le travail et l’organisation. A partir
des recherches menées par le réseau, soutenues notamment par la thèse d’Yves Clot, il nous
semblait intéressant d’analyser leur angle de travail innovant qui influence et inspire
chercheurs, universitaires et de plus en plus de professionnels.
Leur recherche part de la réflexion suivante : Est-il possible de porter une politique de
promotion du bien-être sans mettre en perspective une politique globale du travail ? Pour
l’Anact, cela parait évident, le travail doit-être placé comme une ressource, un objet
d’émancipation et non plus comme un objet de souffrance23. Nous sommes ici dans une
22 GENDRON C., La norme ISO 26000, une avancée dans la prise en compte de la santé au travail, p.31-
53 de l’ouvrage de BARDELLI P. et ALLOUCHE J. La Souffrance au travail : quelle responsabilité de
l’entreprise ?, Armand Collin/ Recherche, 2012. 23 Dossier Et si le travail c’était aussi la santé, Revue Personnel n°518, Mars/Avril 2011, p.3.
28
approche de l’homme dans sa globalité : homme au travail, producteur et individu qui se
construit. En somme, considérer le salarié comme acteur.
A. La relation au travail : une histoire de paradoxes ?
Se poser la question de placer le travail comme
objet d’émancipation mérite que l’on analyse de
quelle manière la place du travail a évolué dans
nos sociétés. Une partie des travaux de
Dominique Méda cherche à comprendre
l’importance consacrée au travail pour les
individus : "Historiquement, le travail s'inscrirait d'abord dans un système de croyance et de
respect de l'autorité. Il correspondrait alors à une "éthique du devoir", une obligation envers
la société ; ensuite, avec le développement de valeurs individualistes et rationnelles, le travail
revêtirait une valeur instrumentale : il serait recherché pour la sécurité et le revenu qu'il peut
apporter ; enfin, aujourd'hui, le travail devrait avant tout permettre aux individus de
s'épanouir, la sécurité économique dans les pays riches n'étant plus une priorité et la qualité
de la vie et le bien-être subjectif devenant des valeurs majeures"24.
Cette recherche d’accomplissement dans le travail s’est vue confirmée par les enquêtes
menées sur la modification des rapports qu’entretiennent les salariés au travail sur le plan
européen depuis 199025. Si les résultats montrent un fort attachement au travail dans la
plupart des pays européens, il est particulièrement marqué chez les Français pour qui, selon
70% d’entre eux, le travail est « très important »26. Les Français sont au premier rang du
palmarès de l’attachement au travail (Brechon, Tchernia, 2009). Ce phénomène trouve son
explication à travers deux tendances : la première est le fort taux de chômage que connaît la
France depuis 30 ans. Les sociologues Baudelot et Gollac ont démontré dans leur travaux que
24 MEDA D., Le travail une valeur en voie de disparition ?, Flammarion, 2010, p.18. 25 Synthèse de différentes enquêtes menées par : L’European Values Surveys (EVS), l’International
Social Survey Programme (ISSP) et l’European Social Survey (ESS). 26 D’après l’étude menée en 1999 par l’European Values Surveys.
29
les individus les plus nombreux à avoir cité le travail comme « ce qu’il y a de plus important
pour être heureux » étaient les chômeurs et les travailleurs à durée déterminée. Plus le travail
fait défaut, plus il est considéré comme un facteur essentiel d’appartenance sociale. La
seconde grande tendance est l’intérêt du travail lui-même qu’éprouvent les français dans leur
vie professionnelle27.
Si les Français sont ceux qui accordent le plus d’importance au travail, ils sont aussi les plus
nombreux qui souhaiteraient voir diminuer la place de celui-ci dans leur vie. Les mauvaises
relations entre employeurs et salariés, la perception négative par les salariés de leurs
conditions de travail, un travail stressant, les chances peu élevées de promotion sont les
principales causes qui expliquent un rapport difficile avec le travail (enquêtes EVS, ESS, ISSP
de 2007). Il s’agit là d’un véritable paradoxe. Les Français attachent en effet plus
d’importance à la réalisation de soi dans le travail que les autres Européens et y mettent un
investissement affectif plus fort. L’opposition entre logique du marché et honneur du métier
est également très marquée (d’Iribarne, 2005).
Face à ce paradoxe, les salariés français ont-ils davantage besoin de soins ou de sens ? Pour
Yves Clot, lorsqu’un collaborateur est en souffrance, on pense tout de suite que ses capacités
intrinsèques ne sont pas suffisantes pour répondre aux exigences de l’organisation. L’auteur
suggère de retourner le problème : et si c’était l’organisation qui n’avait pas les ressources
nécessaires pour répondre à l’exigence des salariés de faire un travail de qualité ? Pour lui,
beaucoup de capacités et d’engagement sont gâchés, accusant l’organisation de « dissiper
l’énergie des salariés ». Ce ne sont pas les salariés qui sont « à soigner », mais bien
l’organisation et le travail qu’il faut panser. Les entreprises doivent donc, selon l’auteur,
repositionner le travail plutôt que de le pasteuriser. « Le véritable défi qui s’offrent aux
organisations est donc de rechercher la santé là où elle est : chez les salariés. Les travailleurs
ont besoin de se reconnaître dans ce qu’ils font ». La mobilisation de tous les acteurs, y
compris des salariés, est alors indispensable pour considérer le travail comme étant une
ressource, un moyen de favoriser le bien-être collectif.
27 DAVOINE L. et MEDA D., Place et sens du travail en Europe : une singularité française ?, Centre
d’étude de l’emploi, 2008.
30
B. Le travail repositionné comme objet de développement personnel et de
ressource pour l’organisation
Au-delà des bonnes intentions et des grands effets d’annonces qui pourraient être perçus
comme des pratiques de « greenwashing », les acteurs doivent s’accorder sur ce qu’ils
souhaitent réellement pour l’entreprise : est-ce une nouvelle manière de communiquer sur
leurs actions, de nouvelles définitions des relations sociales ou une réelle amélioration des
conditions de travail ? Si le choix se porte sur des actions qui dépassent les symboles, traiter
des questions de bien-être revient à se poser une question : comment repositionner le travail
comme véritable ressource de l’entreprise ?
Comme nous l’avons évoqué dans l’introduction, l’intensification du rythme du travail ces
dernières décennies a affecté l’ensemble des salariés produisant un ensemble de souffrances
de natures diverses. Cependant il serait difficilement envisageable que les dirigeants des
grandes entreprises, aussi humanistes qu’ils soient, s’orientent vers une « désintensification »
du travail au nom de préservation de l’intégration physique et mentale de leurs salariés. Il
faut donc penser autrement. De nombreuses recherches en matière de management de la
santé et de la sécurité au travail ont permis l’exploration de nouvelles voies. Trois axes
peuvent être discutés : « dés-empêcher » l’activité, pacifier les rapports de travail et libérer
les ressources (Abord de Chatillon E., Bachelard O. et Carpentier S., 2012).
« Dés-empêcher » l’activité revient à permettre au salarié de réaliser son travail sans qu’il soit
interrompu. « Chacun souhaite bien faire son travail, encore faut-il que l’organisation de
l’activité le permette » souligne Emmanuel Abord de Chatillon28. Ce travail empêché se
retrouve dans tous les types d’organisations et à travers toutes les strates de la hiérarchie. Ce
phénomène est accentué par l’utilisation des nouvelles technologies : comment un cadre est
en mesure de réaliser un travail de qualité lorsqu’il est interrompu toutes les quatre
28 Améliorer le travail pour prévenir les risques dans Les risques psychosociaux : du curatif au
préventif, Revue Personnel n° 530, juin 2012.
31
minutes29 ? Et que penser d’un manager qui n’a plus le temps d’être auprès de son équipe,
trop mobilisé par son devoir de reporting ? Ainsi, ceux qui voient leur travail entravé par les
contradictions de l’entreprise (obligation de résultat et pression temporelle) ou ceux qui se
sentent dépossédés de leur travail (résignation à des procédures préétablies) le vivent
comme une souffrance. Dans ces conditions, l’absence de sens résulte dans l’impossibilité de
« de se reconnaitre dans quelque chose », avec, dans cette auto-reconnaissance, une idée de
ses propres valeurs, de son propre métier. Promouvoir le bien-être revient donc à lutter
contre les empêchements de travailler en donnant du sens au travail lui-même.
L’auteur entend par « Pacifier les rapports de travail » le devoir des organisations à offrir à
leurs salariés davantage qu’une simple rémunération. Les individus recherchent la « bonne
distance » à l’entreprise. C'est-à-dire pouvoir se doter du bien-être psychosocial qu’est en
mesure de fournir l’organisation à travers les relations entre les collaborateurs, la réalisation
des individus et la reconnaissance, sans pour autant mettre en péril leur équilibre de vie. En
d’autres termes, être capables d’équilibrer leur rapport au travail entre investissement,
implication et respect de la vie privée. Sans se détacher de l’organisation, cette mise à
distance présuppose une remise en perspective de ce que représente l’activité
professionnelle dans une carrière qui est aujourd’hui de plus en plus longue. Cette démarche
de « mise à distance » s’avère d’ailleurs positive pour les individus et l’organisation30. Le rôle
du responsable des ressources humaines est donc de favoriser l’implication et l’engagement
de ses collaborateurs au sein de l’organisation tout en favorisant un détachement aussi
important vis-à-vis de celle-ci. Les entreprises n’ont pas besoin « d’excroissances
mobilisables en état de sous performance continue ; elle a besoin de capacités de production
en bon état physique et mental. » (Abord de Chatillon E., 2012).
Enfin, le travail doit être considéré comme une ressource. Une ressource qu’il faut préserver.
Si la majorité des démarches de prévention des risques psychosociaux se concentrent sur la
lutte des dysfonctionnements, très peu d’entre elles s’orientent sur ce qui peut être fait de
29 Recherche en partenariat GRePS/Apec coordonnée par Marc-Éric Bobillier Chaumon, L’impact des
technologies de communication sur les cadres, Décembre 2011. 30 CARRIER VERNHET A., Etude IREGE/APEC en cours de travail, 2012.
32
constructif pour améliorer les conditions de travail. Les ressources peuvent être aussi bien
individuelles que relationnelles, « énergétiques » (qui permettent l’accès à de nouvelles
ressources) que collectives. Il convient donc de permettre aux salariés de conserver et
développer leurs ressources. Finalement, la promotion du bien-être en luttant contre les
risques psychosociaux n’est autre qu’une nouvelle manière de traiter de la transformation
nécessaire aux organisations. Les dirigeants et les Gestionnaires des ressources humaines
peuvent donc se saisir de l’opportunité que représente l’intérêt porté par la prévention des
risques psychosociaux pour repositionner le travail, pendant qu’il en est encore temps.
C. L’implication d’acteurs aux domaines d’expertise complémentaire à travers
différents rôles clés
Si la santé des salariés est une priorité, elle doit surtout devenir un critère de gestion. Vue
ainsi, la santé des personnes devient une fonction de management qui n’est pas uniquement
l’affaire des ressources humaines ou du service médical mais bien de toutes les unités de
l’entreprise. La santé des salariés constitue donc un élément essentiel pour la prise de
décision et la réussite de l’entreprise31.
1) La direction comme sponsor de cette nouvelle démarche
Sensibiliser les dirigeants à gérer les questions de santé et de bien-être au travail constitue
un préalable, car l’impulsion du « sommet » est un facteur décisif pour définir un cap dans un
domaine encore peu familier à de nombreux managers. En effet, en dehors des impacts
juridiques, « business » et d’image que nous avons vus plus haut, et qui font état d’enjeux
important, cette démarche est structurante pour l’entreprise. Les hommes constituent la
première ressource stratégique des entreprises. La responsabilité des dirigeants sur ce sujet
est essentielle : d’abord pour définir et promouvoir une véritable politique de santé ensuite
pour impliquer l’ensemble des acteurs. Pour cela, deux éléments semblent indispensables :
31 BRUN J-P., Management d’équipe, 7 leviers pour améliorer bien-être et efficacité au travail, Eyrolles,
2010, p.19.
33
un débat régulier au sein de la direction générale sur les sujets de santé au travail et la prise
en compte des résultats en matière de santé dans l’évaluation de la performance sociale.
La Direction doit donc porter cette nouvelle stratégie, elle doit être informée des enjeux pour
être en mesure de se positionner et donner son avis. Il en est de même pour le DRH qui doit
créer les conditions favorables pour la réalisation d’un dialogue social juste. En tant
qu’acteur social de l’entreprise, sa fonction consiste, avec toutes les difficultés de cette
posture, à temporiser les attentes du corps social, à rendre moins direct et « frontaux » les
ajustements décidés par la Direction, et à trouver des compris socialement acceptables.
2) Le management au plus près des salariés
Les managers de proximité ont également un rôle clé à jouer puisqu’ils constituent les
principaux relais de la stratégie de l’entreprise. La santé des salariés est donc en premier lieu,
l’affaire des managers. Des recherches récentes montrent cependant que les salariés loin de
souffrir des excès ou de l’omniprésence du management, pâtissent, à l’inverse, d’une absence
de management sur la scène du travail (Detchessahar M., 2011). Les enquêtes montrent un
manager empêché, happé par d’autres exigences que celle du travail et de son animation,
pouvant être l’un des facteurs importants expliquant le malaise dans l’entreprise. 64% des
salariés souhaiteraient, pour mieux être entendus, développer des occasions d’échange
informel avec leur supérieur hiérarchique immédiat32. Une logique partenariale qui doit
véritablement faire partie d’un projet global qui implique les managers conscients que les
individus représentent la principale ressource de l’organisation.
3) Les salariés en capacité de défendre leur métier et leur travail
Les collaborateurs ont également un rôle clé à jouer. Ils doivent être en capacité de débattre
sur leur métier et leur travail. Ils doivent se positionner comme acteurs de la promotion de
leur propre santé (Gresy J-E., Perez Nuckel R., Emoont P., 2011).
32 Chiffre issue de l’étude menée par TNS Sofres pour Altedia, Salariés et sortie de crise, 2009.
34
Les salariés sont de plus en plus amenés à prendre en charge des tâches variées supposant
des connaissances multiples anciennement portées par différents salariés spécialisés. Les
nouveaux dispositifs innovants de production industrielle ajoutent des contraintes qui
conduisent, en plus de l’intensification physique, à une intensification cognitive ou subjective
au travail (Clot, 2005). Les salariés sont de plus, invités à entretenir un rapport réflexif, plus
« intelligent » au travail : les occasions de leur redonner de l’initiative doivent donc être
favorisées. Tout salarié veut être efficace et utile, c’est ce qui donne du sens et de la fierté à
son travail. Il est souvent le mieux placé pour identifier les dysfonctionnements et proposer
des pistes d’amélioration.
Finalement ne s’agit-il pas de remettre l’homme dans une position de sujet capable par son
libre arbitre et son professionnalisme d’apporter une juste contribution au collectif de
travail ?
IV. L’humain à l’interface de l’organisation et de la performance
S’il semble évident que les employés « bien
dans leur peau » soient plus productifs que des
collaborateurs en souffrance, il est tout aussi
normal que l’inverse soit vrai : les
collaborateurs les plus productifs sont « mieux
dans leur peau ». Le cercle vertueux du bien-
être place la réussite professionnelle au
premier plan de l’épanouissement personnel. Autre vérité évidente : le travail entraine une
meilleure santé et aide à la recouvrir.
Or comment expliquer la démotivation, le désinvestissement de certains collaborateurs ?
Qu’est-ce qui justifie le fait que, par moment, nous n’ayons plus la « force de travailler »?
Comment amener les collaborateurs, surtout en ces temps incertains, à croire à ce qu’ils font,
à adhérer à la stratégie globale de l’entreprise?
A. Enjeu d’engagement
Si aujourd’hui les employeurs observent une rigueur dans le travail de leurs collaborateurs, ils
sont nombreux à mesurer un manque de motivation grandissant. Une récente étude menée
35
sur les grandes tendances RH33 révèle que la satisfaction professionnelle et la motivation des
salariés atteignent un score historiquement bas. Selon le baromètre CSC, l’engagement et
l’implication des salariés sont considérés comme des enjeux majeurs pour 67% des
entreprises.
Il semblerait qu’il existe une convergence entre le bien-être et l’engagement
individuel. Plusieurs variables en influencent la formation : l’autonomie, le contrôle de la
situation d’emploi et la contribution au succès de l’entreprise. Allport (1943) puis Bass (1965)
ont observé que les individus peuvent trouver dans la participation psychologique au travail
une forme de satisfaction de besoins tels que l’estime de soi, le prestige, ou l’autonomie.
Dans une étude de l’IRSST34, Estelle M. Morin, part du postulat que le sens donné au travail
par un salarié peut avoir des effets positifs ou négatifs sur sa santé mentale et sur son
engagement dans l’entreprise. L'engagement dans l'organisation, ou « organizational
commitment », est une notion proposée pour rendre compte d'une facette importante de la
mobilisation du personnel dans une entreprise. Elle traduit la nature et la force des liens qui
unissent l'individu à son travail. L’engagement organisationnel est un critère important de
l’efficacité organisationnelle, puisqu’il prédit le degré de mobilisation du personnel. Il indique
dans quelle mesure une entreprise peut compter sur la continuité des contributions de ses
employés à ses activités et à son développement. De plus, il a été prouvé que l’engagement
organisationnel est un très bon indicateur de la qualité de vie au travail (Ketchum et Trist,
1992).
Les convergences entre l’engagement et la qualité de vie au travail sont donc favorisées par
l’envie, le sens donné au travail. Dimensions dont le besoin est de plus en plus marqué chez
les salariés et plus particulièrement chez la jeune génération.
33 Baromètre RH 2011 Le temps des opportunités ? est une étude réalisée pour la 9e année consécutive
par CSC en partenariat avec Liaisons Sociales Magazine et TNS Sofres. 34 MORIN E. M. et GAGNE C., Donner un sens au travail, 2009, IRSST.
36
B. Enjeu d’équilibre et d’épanouissement
Le travail a toujours fait partie de la vie des individus mais depuis un certain temps,
notamment avec l’essor des nouvelles technologies, il semble de plus en plus difficile de
trouver un équilibre sain entre le travail et la vie personnelle. Pour certains même, le travail
est devenu la vie.
S’intéresser à la promotion du bien-être implique de repousser les frontières de la vie
professionnelle et de s’intéresser à la vie extraprofessionnelle. Le modèle de la « séparation »
est en train d’évoluer, les entreprises commencent à se soucier de ce que leurs salariés vivent
en dehors du travail. On se pose la question : Est-ce le rôle des entreprises de développer
des actions de sensibilisation sur la santé globale (hygiène de vie, sport, alimentation, etc…) ?
De récents sondages font ressortir l’envie des collaborateurs, des jeunes comme des moins
jeunes, de trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle35. Cette aspiration
a toujours existé. Il s’agit avant tout d’une nécessité pour tout individu, qu’importe son âge,
son expérience, ou le contexte organisationnel dans lequel il se trouve puisqu’il faut bien
vivre en tant que personne son statut de travailleur, sa vie personnelle, sa vie de famille et de
citoyen. La frontière entre les deux sphères est aujourd’hui de plus en plus ténue.
L’apparition des nouvelles technologies et la capacité à être joignable à n’importe quel
moment de la journée peuvent être source de grandes difficultés pour les collaborateurs.
C’est l’épanouissement de la personne qui est en jeu. Si l’on revient sur la définition
qu’englobe le « bien-être », le collaborateur doit, pour être efficace dans ses missions être
en bonne santé avant tout. Son bien-être, qui se construit également à travers sa vie privée,
ne doit pas se voir réduire au profit d’une sphère professionnelle qui « prend plus de place ».
Favoriser le sentiment de bien-être au travail passe donc par une réflexion sur l’équilibre
entre vie privée et vie professionnelle à travers notamment l’aménagement d’horaires en
fonction des activités personnelles de chacun.
35 Enquête réalisée par l'Observatoire Cegos en juin 2011, auprès de 300 directeurs et cadres
dirigeants d'entreprises françaises de plus de 200 salariés.
37
Pour Brun, il s’agit d’aller encore plus loin que de rechercher l’équilibre. L’enjeu pour les
organisations est de rechercher une véritable conciliation entre les aspirations personnelles,
les besoins des individus et les exigences des entreprises. Cette conciliation doit donc tenir
compte des réalités individuelles, familiales, des besoins de la clientèle, de la concurrence et
des capacités d’adaptation de l’entreprise. Cependant il admet que cette conciliation ne sera
jamais parfaite ; « le but recherché ne doit pas être une satisfaction entière mais plutôt une
entente réciproque en fonction des besoins des employés et ceux de l’entreprise »36.
V. Conclusion
La promotion du bien-être est une démarche à la fois sociale et économique : la santé des
salariés est une source incontestable de l’efficacité dans le travail et donc de performance
individuelle et collective. Travail et santé entretiennent une double relation : d’une part, la
santé est la condition d’un travail de qualité. D’autre part le travail, effectué dans des
conditions adéquates est facteur de santé, d’équilibre et d’émancipation.
L’humain a toute sa place dans ce processus de promotion de la santé : d’abord parce qu’il
en est le pilier central, ensuite parce qu’il en est l’acteur. Chaque salarié doit sentir que son
rôle au sein de l’entreprise et de la chaine de travail est important. Un sentiment
d’appartenance qui a été mis à mal ces dernières années du fait des évolutions du
management. L’enjeu d’engagement est donc extrêmement marqué au sein des entreprises.
Un enjeu qui dépasse la simple prise en compte du bien-être organisationnel. Dirigeants et
Gestionnaires RH doivent être en mesure de motiver, mobiliser leurs collaborateurs. Outre
la nécessité de penser le management pour intégrer l’humain comme une fin en soi, les GRH
doivent également prendre en compte une nouvelle dimension qui vient impacter les
pratiques managériales : l’émergence d’une nouvelle génération qui semblerait aspirer à de
nouvelles valeurs dans l’entreprise et qui attacherait beaucoup d’importance au sens qu’elle
donne au travail. Cette génération aurait les mêmes exigences d’équilibre, d’engagement et
d’émancipation nécessaires à la promotion du bien-être dans l’entreprise.
36 BRUN J.P., Management d’équipe. 7 leviers pour améliorer bien-être et efficacité au travail. , Eyrolles,
2010.
38
CHAPITRE 2 : UNE NOUVELLE GÉNÉRATION PRESENTE SUR LE MARCHE DU
TRAVAIL: QU’APPORTE-T-ELLE DE SI « NOUVEAU »?
es jeunes diplômés et étudiants d’aujourd’hui font partie d’une génération appelée,
entre autre, « Génération Y ». Celle- ci désigne la génération des moins de 30 ans. Ils
sont 13 millions en France à l’heure actuelle soit près de 21% de la population
française37 . En 2015, ils formeront 41% des actifs. Il s’agit de la génération la plus importante
depuis la génération du baby-boom.
Elle se caractérise objectivement par le fait qu’elle est née au contact des nouvelles
technologies autour desquelles est venue se déployer toute une idéologie communautariste
où l’individu et sa communauté reprennent leurs droits, court-circuitent les schémas
traditionnels de légitimité, mettent les acteurs de l’entreprise dans l’obligation de produire
des preuves et rendre des comptes.
Tout le monde y va de sa plume pour tenter de caractériser cette jeunesse choyée qui grandit
dans un monde touché par la crise. Elle fait l’objet d’une œuvre bibliographique et
« bloguesque » pléthorique : « Impatients », « infidèles », « égoïstes », « ne respectant pas la
hiérarchie » sont des termes qui reviennent souvent pour qualifier cette jeune génération. Il
semblerait que les managers la craignent, que les DRH rencontrent des difficultés à l’attirer et
la fidéliser. La nouvelle génération ou la dernière plaie des dirigeants, perçue comme une
tornade prête à tout détruire sur son passage, y compris, et surtout, l’ordre établi dans les
entreprises.
Un cataclysme certes, mais chargé d’énergie, d’envie, de motivation. Si les primo entrants
dans le monde de l’organisation sont redoutés, nul ne pourra remettre en question le sens
et l’investissement qu’ils mettent dans leur travail.
Une multitude d’adjectifs, de caractéristiques, de modèles comportementaux leurs sont
attribués pour tenter de les cerner, les enfermer dans une catégorie type de collaborateurs
37 13.192.178 personnes ont vu le jour entre 1978 et 1994. Source : INSEE, bilan démographique, 2007.
L
Deuxième chapitre
39
qu’il faut absolument gérer. Avant de « gérer » cette nouvelle génération faudrait-il encore
être en mesure de pouvoir comprendre sa représentation du travail et de l’entreprise. Qu’est-
ce qui explique tant de divergence dans la définition de cette population ? Finalement, qui
est-elle ? Est-elle réellement différente des générations précédentes ?
Le fait incontestable est qu’il existe aujourd’hui 3 archétypes qui se partagent l’open space :
Les baby-boomers (nés avant 1960), la génération X (venue au monde entre 1960 et 1979) et
la « Génération Y ». Et pour la première fois, la dernière génération qui entre sur le marché
du travail a développé des compétences qui ne sont pas maitrisées par les générations
précédentes, impactant les modes de fonctionnements organisationnels et managériaux.
I. L’arrivée d’une nouvelle génération sur le marché du travail : qui est-
elle ?
De nombreuses études sociologiques
menées à l’échelle européenne, amènent
une ouverture aux lectures conventionnelles
sur la nouvelle génération. En effet,
comprendre les évolutions qui ont traversé
les générations et qui ont construit la
« jeunesse » nous permettent de comprendre leurs aspirations, leurs modèles de
construction identitaire et leur relation à leur environnement de travail.
Les modèles sociologiques, philosophiques, historiques…marquent les populations et leur
manière de penser l’avenir. La nouvelle génération est faite d’évolutions qui traversent
l’ensemble de la société (allongement de la durée des études, montée de l’individualisme,
arrivée des nouvelles technologies, etc.). Il ne s’agit pas d’évènements qui fondent une prise
de conscience générationnelle mais plutôt des changements qui instaurent une relation
différente avec le monde de l’entreprise par rapport à la génération précédente.
A. Des faits objectifs qui structurent les attitudes de cette nouvelle génération…
Trois éléments structurels majeurs façonnent la jeune génération qui a, ou qui s’apprête à
intégrer le monde de l’entreprise :
- Une conjoncture difficile ;
40
- Une durée d’insertion dans la vie active plus longue que leurs ainés ;
- La présence des nouvelles technologies de communication qui s’insèrent dans toutes
les sphères de la vie.
1) Contexte d’instabilité
A l’heure actuelle, le marché du travail peine à intégrer de nouveaux diplômés. Les jeunes
savent l’avenir incertain et même si une proposition d’embauche leur promet une évolution
et une perspective de progression, ils avouent ne pas avoir confiance en l’entreprise. Ils
n’envisagent pas leur carrière de manière linéaire et ne se projettent pas sur le long terme38.
De cette conjoncture incertaine peut en ressortir une approche rationnelle du travail et un
désinvestissement affectif vis-à-vis de l’entreprise. Ils ne voient alors la relation de travail que
comme une approche « gagnant-gagnant » où l’entreprise ne constitue qu’un lieu de
relation « business » qui doit leur apporter un salaire convenable en échange d’un effort
fourni dans le travail. Ils ne s’intéressent pas à l’histoire, aux valeurs et au projet de
l’entreprise et ne parient pas sur son avenir ni sur le leur au sein de l’organisation. Ils
intègrent l’entreprise uniquement par nécessité n’attendant rien d’elle qu’une rétribution
financière39. Ce détachement semble expliquer cette naturelle propension à aller voir ce qui
se fait de mieux ailleurs et qui les rend difficilement fidèles à l’entreprise.
Une projection sur le long terme et une vision de l’avenir floues qui mettraient la jeune
génération face à une sorte de mobilité subie. Parfaitement consciente de ces difficultés, il
semblerait qu’elle l’ai intégrée et aborde la précarité du marché du travail avec lucidité en
anticipant l’insécurité sur l’avenir (Paugam, 2007). Réaliste, les études montrent que la
jeunesse française est optimiste et confiante en elle –même. En effet, 75% des 21-30 ans
pensent qu’ils vont réussir, que ce soit en termes de carrière ou de salaire40. Néanmoins ils
se révèlent beaucoup moins confiants en l’avenir de la France. Une étude Internationale
38 Etude Apec, La génération Y dans ses relations au travail et à l’entreprise, 2009. 39 Etude Agence BETC Euro RSCG pour le Medef et l’ANDRH, Place aux jeunes, 2008. 40 Etude IFOP, Baromètre jeunesse, 2011.
41
menée par la Fondation pour l’innovation politique révèle que les 16-29 ans en France se
situent parmi les plus pessimistes du globe concernant l’avenir de la société41. La nouvelle
génération est donc confrontée à un mélange d’optimisme sur leur propre avenir tout en ne
pariant pas sur le devenir de leur pays.
Autre fait marquant est la dépendance grandissante des jeunes générations à leur famille.
Une situation qui peut être source de tension pour les jeunes adultes : en effet la société
actuelle valorise un modèle d’émancipation précoce mais dans les faits, la dépendance
financière s’allonge (Van De Velde, 2007). Les jeunes sont autonomes, libres, mais ne sont
pas indépendants.
Entre crise de confiance et prise de conscience, il semblerait que la nouvelle génération voit
ses attentes vis-à-vis du monde du travail et ses espérances quant à l’avenir de
l’entreprise s’amoindrir. Si ce manque de confiance rejoint une réalité objective de moindres
opportunités des jeunes générations françaises d’aujourd’hui par rapport aux générations
précédentes (Chauvel, 2002), cette attitude est doublée d’une défiance généralisée des
institutions.
2) Etudes longues
Autre fait objectif qui différencie les jeunes générations des précédentes est l’allongement de
la durée des études, phénomène qui découle sans doute de la conscience de l’état du
marché du travail depuis ces vingt dernières années : assurer des longues études pour
garantir son entrée dans la vie active. Seulement aujourd’hui, avoir un bac + 5 ne promet pas
le « déroulé du tapis rouge » à l’entrée des entreprises.
Pour les jeunes qui entrent sur le marché du travail, leur principal objectif serait de pouvoir
« rentabiliser » le capital connaissance acquis lors des années passées sur les bancs de
l’Université. Ils désirent évoluer rapidement en s’en donnant les moyens : ils seraient très
exigeants en matière de rémunération, et les évolutions salariales ainsi que les opportunités
41 Fondation pour l’innovation politique, Les jeunesses face à leur avenir, 2008.
42
de carrière pourraient également constituer des facteurs importants pour les jeunes en
général42.
Mais au-delà de l’intérêt de s’assurer une rémunération confortable, des études plus longues
permettent aux jeunes adultes de se forger un esprit critique et contribuer ainsi à nourrir leur
estime personnelle. Il est vrai qu’après cinq ans d’études, les jeunes qui s’insèrent dans
l’entreprise peuvent avoir le sentiment d’être des « biens précieux » et peuvent se permettre
d’exiger plus. Cela peut également expliquer la tendance perçue par les dirigeants chez la
jeune génération, qui consiste à comprendre le fonctionnement et l’intérêt de la tâche
demandée avant de l’exécuter. Une capacité à remettre les choses en question et à prendre
un peu de « hauteur », souvent citée comme caractéristique chez les cadres de moins de 30
ans43.
Autre élément à soulever : les jeunes Français ont une vision de leur avenir professionnel
conditionné par le domaine, le niveau d’étude mais également la renommée du diplôme
(Van de Velde, 2007). Si faire plus d’études permet de construire un fond de compétences, la
qualité du diplôme est le principal élément différenciant. Un étudiant qui aura accumulé les
expériences professionnelles sous forme de stages au cours de ces années d’études n’aura
pas la garantie de s’insérer dans la vie active si le diplôme obtenu n’est pas assez prestigieux.
Une tendance qui peut contribuer au pessimisme et à la fatalité ressentie par les jeunes. Et
au-delà de cela, le fait de ne dépendre que d’un « tampon sur le CV » pour accéder au
monde de l’entreprise, peut créer un sentiment de perte de maitrise de sa vie, contrôlée par
l’institution scolaire qui est responsable de leur avenir professionnel. En France, le diplôme
est un titre, un peu comme un titre de noblesse, qui confère des droits et ouvre l’accès à une
place donnée dans la hiérarchie sociale (D’Iribarne, 1989 ; Duru-Bellat, 2006). Mais comment
avoir le contrôle de sa vie lorsqu’on estime qu’elle est contrôlée par d’autres ? Chiffres à
l’appui : seulement 22% des jeunes français estiment avoir possession de leur vie future44.
42 Enquête Cegos, Les 20/30 ans et le travail. Regards croisés de jeunes salariés et des DRH., 2009. 43 Etude Apec, La génération Y dans ses relations au travail et à l’entreprise. , 2009. 44 Fondation pour l’innovation politique, Les jeunesses face à leur avenir, 2008.
43
3) L’omniprésence des nouvelles technologies
Fait indéniable : la jeune génération est caractérisée par sa maitrise des nouvelles
technologies de l’information et de la communication. Elle a grandi avec internet et
communique désormais via les réseaux sociaux, entrainant de nouvelles pratiques en matière
de diffusion de l’information. Les moins de 30 ans maîtrisent donc plus facilement les NTIC
que leurs ainés. Une connaissance de ces outils qui impacte leurs comportements tant dans
leur vie privée que dans le monde de l’entreprise.
Ayant grandi avec internet, la jeune génération possède des facilités à rechercher
l’information. Cela se traduit par une grande autonomie et une « débrouillardise »
caractéristique : le benchmark de l’information se fait de manière quasi naturelle chez eux et
apporte une réelle valeur ajoutée dans les équipes.
Cette maitrise du web 2.0 a également transformé leur manière de communiquer. L’échange
d’information qui se fait de manière complètement transparente et en réseau peut sans
doute expliquer la facilité des moins de 30 ans à exprimer directement et spontanément leur
avis. Cette nouvelle manière de communiquer induit de nouveaux rapports à l’autre et cela se
traduit par une facilité à se construire un réseau dans le monde professionnel. La
communication se base donc plus vers un modèle collaboratif où tout ce qui se sait est
partagé. Et c’est sans doute en cela que les nouvelles générations se différencient des
précédentes : pour elles, le pouvoir n’est pas entre les mains de celui qui détient
l’information et qui la conserve, mais dans celui qui la diffuse et qui trouve un écho auprès
du plus grand nombre. Cette perception du pouvoir, nous le verrons plus tard, transforme les
règles de l’organisation puisque la connaissance, l’information, ne vient plus obligatoirement
« d’en haut ».
Autre caractéristique qui découle de cette « génération internet » est sans doute l’impatience
qui les anime. Obtenir plus, toujours plus rapidement. Ivres de vitesse et pourfendeurs de
l’instantanéité, ils sont décrits comme des collaborateurs pressés. Pressés de gagner plus
d’argent, de gravir des échelons, d’acquérir des responsabilités. Cette impatience peut être
perçue comme une forme de prétention, voir même « d’arrogance ».
Ces nouveaux outils, parfaitement maitrisés par la nouvelle génération transforment les
manières de communiquer (beaucoup plus virtuelles), impacte le modèle organisationnel
44
(appréhendé de façon beaucoup plus matriciel) et modifient la relation au temps. Comment
faire patienter cette génération d’impatients ?
B. …Et des valeurs sociétales marquées…
Quels sont les idéaux des jeunes générations ? Quels sont les marqueurs de leur identité ?
1) …Par l’individualisme
L’individualisme apparaît comme la « lame
de fond », le processus central de la société
moderne (Beck, 2002) qui recouvre des
valeurs fortes telles que la liberté et
l’émancipation individuelle, l’autonomie
morale par rapport aux normes
traditionnelles, la connaissance de soi et la
valorisation de son bien-être. Comment les jeunes se conforment à l’injonction de devenir
eux-mêmes ?
L’idée que l’individu doive se définir par ses propres moyens en s’affranchissant du poids des
héritages, est une conception issue de la philosophie du siècle des Lumières : l’homme est
considéré comme un être indépendant et autonome (Kant, 1784), chacun a le droit de se
gouverner par ses propres lois, refusant de se plier aux ordres des autorités supérieures.
L’individualisme est une construction très occidentale. La jeune génération a été élevée à la
« Françoise Dolto »45, la gourou des parents qui considère « le bébé comme une personne » :
dès son plus jeune âge, l’enfant doit avoir une certaine expression personnelle, le droit de
45 Pédiatre et psychanalyste française (1908- 1988), elle s'est largement consacrée à la psychanalyse de
l'enfance dont elle est une figure emblématique en France. Sa thèse Psychanalyse et
pédiatrie soutenue en 1939 explique le rôle de l'affect comme support de l'intelligence et porteur de
l'expression des troubles chez l’enfant.
45
dire ce qu’il ressent, ce qu’il pense être bien pour lui. Les règles de l’autorité ne disparaissent
pas mais se transforment : d’extérieures, elles deviennent intérieures (l’essence même du
terme « autonomie »).
En France, l’enfant s’est donc construit avec cette forme « d’exigence » de se trouver par lui-
même. Cette tendance est d’autant plus nécessaire que l’évolution de l’économie, avec la
mondialisation, n’est possible que si les individus sur le marché du travail sont capables de
plus de mobilité et d’innovation. « Exigences » reprises par le model capitaliste qui implique
que les individus soient plus créatifs, mobiles, autonomes (Chapiello et Boltanski, 1999).
Le rapport à l’éducation et aux générations change de régime également. Le père, symbole
de l’autorité, perd de son pouvoir et de sa légitimité. Une étude américaine menée par Alwin
en 1988, met en lumière le déclin de la notion d’« obéissance » au profit d’une montée de la
valeur d’indépendance et d’autonomie tout au long du XXe siècle. Des idéaux qui explosent
aux yeux du monde à travers les évènements de mai 68 et qui montrent le refus de l’autorité
au sein de la famille et de l’école. Même si cette forme de « détachement » à la famille est
très significative en Europe, cette dernière reste néanmoins un élément essentiel pour
l’épanouissement et l’équilibre personnel des individus.
Les manifestations de l’individualisme centrées justement sur cette recherche
d’épanouissement personnel, influencent leur représentation du travail. Il en résulte une
distance par rapport à la conception que leurs parents ont ou avaient du travail. Pour la jeune
génération, la notion de travail est ambivalente : s’il reste un moyen (de subsistance physique
et d’existence sociale) il est une fin en soi dans le sens où il constitue une valeur en tant que
telle mais également un modèle potentiel de réalisation de soi. Un lien au travail qui doit
donc être analysé de manière subjective.
Si l’on en croit les tendances actuelles, le travail n’est plus la valeur exclusive de référence, il
ne doit plus constituer un sacrifice que l’on doit faire pour sa famille ou pour garantir une
élévation sociale. Il n’est pas non plus perçu comme une sphère exclusive au détriment de la
vie familiale.
46
2) …Par le primat de la sphère privée et de leur épanouissement personnel
Comme nous l’avons vu, la jeune génération ne rejette guère plus le travail que ses ainés, à la
différence qu’elle accorde beaucoup plus d’importance aux loisirs contrairement à eux. Elle
valorise des dimensions beaucoup plus « personnelles » dans l’exercice de son travail
(Riffault et Tchernia, 2002 ; Tchernia, 2005).
Le travail constitue alors chez les moins de 30 ans, une véritable valeur d’appui pour leur
bien-être personnel. La relation au travail n’est pas seulement instrumentale. Les jeunes
associent au monde de l’entreprise des dimensions symboliques fortes telles que
l’épanouissement au travail ainsi que l’insertion et la position sociale procurées par le
contenu du poste. Les jeunes attendent de leur premier emploi, un travail passionnant, qui ait
du sens et dont ils pourraient être fiers46. Autre item également très marqué chez les jeunes
français est la volonté de travailler dans un environnement sain47.
Le travail est donc au cœur d’une double injonction : si les salariés de moins de 30 ans
acceptent de s’impliquer dans un premier temps, ils souhaitent en contrepartie utiliser leur
investissement personnel pour satisfaire leur propre épanouissement. Le travail devient un
moyen de se réaliser dans sa vie personnelle : « Ils ne doivent plus vivre pour travailler mais
travailler pour vivre »48.
Même si ces résultats doivent être nuancés, les notions de réalisation de soi, de potentiel de
progression rapide, d’articulation entre vie professionnelle et vie privée nous semblent être
des valeurs sociétales très marquées chez la jeune génération.
46 Enquête TNS Sofres, Les étudiants de Master 2 et l’entreprise, 2011, p.8. 47 Questionnaire européen « Eléments importants pour votre future carrière », Fondation pour
l’innovation politique, Les jeunesses face à leur avenir, 2008, p.117. 48 Etude ANDRH – Inergie, Pratiques des entreprises en matière de recrutement et d’intégration des
jeunes, 2011.
47
C. …qui impactent leurs attitudes en entreprise
C’est à la lumière des travaux sociologiques sur les nouveaux systèmes de valeurs qui
façonnent la jeune génération que nous pouvons appréhender leur mode de fonctionnement
dans l’entreprise.
1) D’un désir de mobilité vers une volatilité qui pose problème aux managers
Pour la jeune génération, le parcours en
entreprise est vu comme une succession
d’expériences, un désir de changement
incessant qui constitue une sorte de « moteur
vital ». Pour eux, l’évolution dans le monde de
l’entreprise se vit non pas comme une continuité linéaire mais comme un besoin de rupture.
La mobilité apparaît comme une valorisation du changement en tant que tremplin pour
évoluer professionnellement : changement d’entreprise, changement de secteur d’activité
pour enrichir leur CV ou encore expatriation pour pratiquer une seconde langue et découvrir
une nouvelle culture.
Chez la jeune génération, la mobilité à partir du moment où elle est recherchée, peut-être
posée comme une valeur générationnelle. Exit la projection sur le long terme dans la même
organisation. Pour eux, le changement professionnel permet de prendre de la hauteur, de se
remettre en question et se frotter à d’autres façons de travailler49.
Ce désir de changement peut également renvoyer à une certaine forme de pragmatisme :
conscient que le monde de l’entreprise est en constante évolution et qu’ils peuvent être
victimes de la précarité, la mobilité est une forme d’adaptation au contexte parfois difficile
que traversent les organisations. Outre la flexibilité dont ils font preuve, cela leur permet de
trouver des solutions réalistes qui s’accordent à leurs envies et leurs expériences de vie. Cela
rejoint également leur soif d’immédiateté, cette façon de tout vivre avec urgence pour avoir
49 IAE Lyon, enquête rh, L’intégration de la génération Y en entreprise aujourd’hui : enjeux, opportunités, obstacles. , 2009.
48
le temps de profiter de chaque instant. La volonté de mobilité est également très liée au fait
que les jeunes salariés de moins de 30ans, tout juste arrivés sur le marché du travail, aient du
mal à se projeter sur le long terme. Ils semblent « consommer le travail » comme ils
consomment tout type de biens ou services. Cette caractéristique en entreprise est très
marquée chez la jeune génération, établissant une réelle différente avec les générations
précédentes.
Cependant, si cette perspective pragmatique, associée à un relatif manque d’inquiétude, peut
constituer un réel atout chez les jeunes cadres, elle peut parfois être perçue comme une
forme d’arrogance, de prétention voir même d’insolence auprès de leurs managers et
collègues plus âgés50 : ils n’hésitent pas à formuler leurs souhaits de changement et
d’évolution (tant sur le plan de leur carrière que sur celui de la rémunération).
L’autre « dérive » d’un désir de mobilité constant est le risque de papillonnage pouvant faire
peur aux DRH en renvoyant une image d’instabilité et d’une personne qui se lasse très
rapidement des missions qui lui sont confiées. Ce risque de volatilité empêche la
construction d’une relation professionnelle dans la durée et peut entrainer un manque de
confiance de la hiérarchie. Les managers perçoivent cette volatilité comme une « fuite en
avant » un peu stérile, un manque de résistance et de consistance des jeunes cadres (Gleyen,
Kremer et Thill, 2009). Cela peut être également perçu comme une forme de réactivité un
peu trop excessive au moindre mécontentement, comme s’ils ne voulaient pas ressentir une
quelconque frustration.
Ce « papillonnage » qui leur est propre pose l’éternelle problématique de fidélisation des
jeunes collaborateurs, qui représente pour 76%51 des DRH une des priorités de leur politique.
50 FOURNIER M., La génération Y va-t-elle réinventer le monde ?, Sciences Humaines n°234, 2012, p.8. 51 Enquête CSC en partenariat avec liaisons sociales et TNS Sofres, Baromètre RH 2011, le temps des
opportunités ?, 2011.
49
2) Une relation à l’entreprise davantage rationnelle qu’affective
Les jeunes collaborateurs tout juste sortis de l’université déchantent lorsqu’ils rentrent sur le
marché du travail, une dimension en partie liée à leur pessimisme sur l’avenir. Les dirigeants
leurs proposent des salaires au-dessous de ce qu’ils pensaient obtenir et les opportunités de
carrières un peu moins joyeuses que ce qu’on leur promettait lorsqu’ils étaient encore sur les
bancs de l’école. Il semblerait qu’ils soient désabusés avant même d’avoir débuté leur vie
professionnelle52.
La relation qui se construit avec l’entreprise devient dès lors plus « rationnelle » qu’affective.
Elle est dite rationnelle parce qu’elle vise avant tout l’efficacité et la satisfaction réciproque
du salarié et de l’entreprise. Il y a donc moins d’engagement émotionnel. Un rapport salarié /
manager qui se voit également transformé. Les collaborateurs de moins de 30 ans
appréhendent moins les rapports avec la hiérarchie. Non pas qu’ils ne respectent pas
l’autorité mais ils n’éprouvent pas de timidité à l’égard de leurs supérieurs puisqu’ils se
placent dans un rapport « business ». En effet, la jeune génération est souvent caractérisée
par une expression de critique assumée à l’égard de ses supérieurs. Elle « obéit » à condition
que ce soit justifié d’abord et pertinent ensuite. Elle n’est pas simplement là pour appliquer
ce qui est dit.
Cette remarque peut être interprétée sous un angle sociologique et renvoie à notre réflexion
sur les faits objectifs qui façonnent leur manière de penser : la jeune génération entretien un
rapport différent à l’autorité. Le modèle « patriarcal normatif » a disparu. Le détenteur d’une
fonction statutaire (parents, professeurs, dirigeants ou manager) n’exerce plus de
« domination » sur la personne qui se situe en dessous d’elle dans la hiérarchie. Cela peut
s’expliquer par le mouvement des générations précédentes qui avaient déjà commencé à
repousser les frontières de l’autorité traditionnelle. La génération des 18-21 ans n’a donc
jamais été « préparée » à recevoir et à exécuter les ordres d’une tierce personne : toutes les
règles du jeu sont posées sur le même plan sans hiérarchie, on passe à un « libre-service
normatif » (Galland, 2004). Les normes fondamentales peuvent donc être légitimées qu’elles
52 Enquête APEC, La génération Y dans ses relations au travail et à l’entreprise, 2009.
50
soient transmises par le « meilleur ami », le professeur ou le dirigeant. L’apprentissage chez
la jeune génération ne passe donc pas uniquement par la hiérarchie mais également par les
pairs.
Cela signifie que le dirigeant ou le manager ne verra son autorité admise qu’à condition
qu’elle soit juste, c'est-à-dire fondée sur une compétence managériale ou technique
reconnue : le respect vis-à-vis du supérieur hiérarchique n’est donc pas considéré comme un
dû mais comme un respect qui se mérite.
3) Individualistes mais dans le cadre collectif de l’organisation
La jeune génération est représentative d’un des « grands paradoxes de notre monde » : très
individualiste, elle reste néanmoins très marquée par un besoin de lien social et de création
collective.
L’individualisme ne correspond plus à une rupture avec le collectif. Il s’affiche au contraire de
façon indissociable de la convivialité sur le lieu de travail.
En effet, il apparait fondamental pour les primo entrants de travailler dans une ambiance de
groupe agréable, où ils peuvent entretenir des relations informelles avec leurs collègues et
leurs supérieurs hiérarchiques. La personnalité prime sur le statut ou le degré hiérarchique
dans l’établissement des liens relationnels. Avec le besoin de reconnaissance (36%) et la
rémunération (71%), l’ambiance de travail fait partie des trois principaux éléments auxquels
la jeune génération accorde le plus d’importance dans le travail (51%)53.
Leur volonté de travailler en équipe est un élément qui apparait également souvent dans les
enquêtes menées auprès des jeunes cadres de moins de 30 ans. Leur « débrouillardise » et la
valorisation de leurs compétences personnelles font partie du bon fonctionnement des
53 Observatoire social de l’entreprise, Ipsos/Logica Business Consulting en partenariat avec Le Figaro et
BFM, Regards croisés des dirigeants et des salariés. Thème de la vague 4 : Les jeunes salariés., 2012.
51
travaux en groupe. Le désir de complémentarité, de dialogue et de partage d’expérience est
également très marqué chez eux54.
Cette volonté est désormais rendue possible grâce aux nouvelles technologies. Les réseaux
sociaux ont notamment joué un grand rôle dans la transformation de la relation à l’autre. Les
rapports sont beaucoup plus transparents, plus rapides, et les canaux de communication sont
plus nombreux. Tout se partage : la toile est leur principal outil de savoir et d’échange. La
confrontation des idées permet l’innovation, la création de communautés thématiques
permet de rassembler et de mobiliser les individus autour de causes ou de valeurs fortes.
L’apparition de ces nouveaux modes de communication dans l’entreprise a également
bouleversé leur système organisationnel, ils bousculent les hiérarchies. Les structures
traditionnelles de commandement ne sont plus adaptées aux nouvelles générations. Pour
rester compétitives elles doivent passer d’un modèle pyramidal qui structure une circulation
de l’information « descendante », à un système de travail collaboratif. Ce type de
fonctionnement en réseau apparait comme un moyen de mettre un terme au management
militariste et constitue une opportunité de redonner au travail sa capacité d’échange. On
pourrait alors penser que le fait d’intégrer ces nouvelles manières de fonctionner permettrait
d’améliorer la performance qui se trouve désormais dans l’intelligence collective produite par
l’ensemble des collaborateurs. Un changement organisationnel qui dépasse donc la simple
adaptation aux nouvelles générations.
En outre, les effets de l’utilisation des réseaux sociaux sont extrêmement bénéfiques pour les
organisations : ils favorisent l’engagement de chacun par les liens qui se créent avec les
collaborateurs, permettent de décloisonner l’entreprise et de gagner en performance. Une
notion de décloisonnement très marquée chez les jeunes collaborateurs.
On peut alors se demander si de par l’intégration de ces nouveaux processus, l’entreprise
malgré elle n’est pas en train de s’adapter aux modes de fonctionnement des nouvelles
générations. Une chose est sûre : elle ne peut désormais plus faire l’économie de la
transparence et d’une adaptation des modes de management.
54 Enquête APEC, La génération Y dans ses relations au travail et à l’entreprise, 2009.
52
D. Conclusion : une génération qui entretient une relation différente au travail et
à l’organisation
La nouvelle génération, de par sa maitrise des nouvelles technologies, intègre le marché du
travail en détenant, pour la première fois, des compétences non maitrisées ni par leurs
collaborateurs issus des générations qui les précèdent ni par leurs supérieurs hiérarchiques
qui les managent. Elle miserait tout sur ses longues études afin de s’assurer un travail
intéressant qui lui permettra d’évoluer rapidement et de gagner un salaire convenable.
Cependant les jeunes sont confrontés à une conjoncture difficile. Malgré leur lucidité sur la
morosité de l’économie qui peut contribuer à renforcer leurs exigences, la précarisation,
l’instabilité professionnelle et le chômage peuvent accentuer leur pessimisme et remettre en
cause la légitimité des institutions scolaires.
Le travail ne représenterait plus la valeur centrale de leur existence. La jeune génération,
marquée par l’individualisme de notre temps, place l’épanouissement de sa personne au
cœur de ses préoccupations. Si le travail en représente l’un des principaux leviers, s’il
participe fortement à la reconnaissance sociale et à la maximisation de leur revenu, il ne
nécessite pas pour autant un investissement sur le long terme ou l’acceptation de contraintes
trop fortes, en opposition avec leurs valeurs. Le travail est au service de leurs projets
personnels.
D’après les études menées, la mobilité représenterait pour eux un véritable moteur qui
pourrait traduire leur côté pragmatique, adaptable, impatient. Elle répond à leur besoin
irrépressible de vivre tout, tout de suite. Mais comme tous les extrêmes, cette volonté de
rechercher les meilleures opportunités plutôt que l’évolution constante dans leur carrière, les
fait apparaître comme des individus instables, parfois insaisissables, souvent insatisfaits qui
fuient le présent pour ne pas supporter la contrainte. Cela impacterait leur rapport à
l’entreprise qui deviendrait plus distancié, rendant les relations plus « business »
qu’affectives. En revanche, cela n’entrave en rien leur forte implication professionnelle et la
volonté de créer des liens solides avec les membres de leur équipe. Un état d’esprit qui se
traduit par un mode de fonctionnement collaboratif, en réseau, fondé sur une logique de
complémentarité et d’intelligence collective.
53
L’intégration des nouvelles technologies profite aux nouvelles générations dans leur rapport
aux autres et remet en question les méthodes managériales traditionnelles. La jeune
génération n’est ni plus ni moins que d’autres, détentrice du savoir. Cela implique pour leurs
supérieurs hiérarchiques de prouver leur légitimité en tant que « poseurs de normes ». En
effet, les jeunes collaborateurs peuvent désormais se fier aux conseils et aux
recommandations de leurs pairs s’ils jugent leurs suggestions pertinentes, plutôt que de se
fier à « l’autorité supérieure ».
Enfin, autre élément qui marque une nouvelle appréhension du monde de l’entreprise est
leur capacité à « décloisonner » les espaces de travail, et à concilier les sphères
professionnelle et privée au profit de cette dernière qui est primordiale.
II. Une nouvelle génération véritablement différente des précédentes ? Faire
la part entre clichés et généralités.
La jeune génération, même si elle présente
certaines caractéristiques marquées, ne
semblerait pas être véritablement différente de
ses ainés. Si elle a grandi dans une conjoncture
particulière et vit au quotidien avec les nouvelles
technologies la différenciant de ses ainées, la thèse de certains auteurs démontre qu’il
n’existe pas de véritables nouveautés quant aux rapports qu’elle entretient au travail et les
valeurs de l’entreprise auxquelles elle aspire.
Certains chercheurs remettent en question la viabilité des enquêtes qui sont fondées sur des
témoignages de la jeune génération. L’hétérogénéité qui existe au sein de cette même
génération (âge, sexe, niveau d’études, valeurs, expérience professionnelle, etc.) fait qu’il
semble difficile de les « réduire » à quelques traits de caractère. Ils n’ont pas tous le même
rapport au travail également. En effet, ils n’occupent pas les mêmes places dans le système
productif et possèdent des valeurs propres à leur groupe social d’origine (Epiphane et Sulzer,
2008).
On se pose alors la question de savoir si les typologies de comportements analysés dans la
première partie sont spécifiques à une période de la vie que chaque génération a traversé ou
s’il s’agit d’un nouveau type de comportement qui va s’étendre à l’ensemble du salariat ?
54
Détachement affectif ou investissement intensif ? Leurs rapports à l’entreprise sont-ils liés à
la jeunesse et à l’entrée dans la vie active ou est-ce un phénomène précisément lié à cette
génération, qui a vu son niveau de formation s’accroitre et son entrée dans la vie active
complexifié ?
Tant de questions auxquelles les recherches qui dessinent les contours du mythe de la
« Génération Y », tentent de répondre.
A. « Génération Y » : simple outil marketing ?
Les puristes de la recherche sociologique et les démographes se sont étonnés de voir une
telle effervescence croitre autour de ce « mythe Y ». Rappelons que les démographes se
basent sur la notion de génération pour comparer des groupes d’individus selon des
caractéristiques économiques. Par exemple, comparer les revenus ou l’accès à la propriété
des baby-boomers et des X est une analyse qui a du sens. Mais établir un lien entre une
génération et des comportements en a nettement moins. Il ne s’agit pas non plus d’un mythe
générationnel, puisque les 18-30 font partis d’une génération à part entière. En revanche, ce
qui est remis en question est la capacité des consultants et autres nouveaux experts en « Y-
ologie » (selon les termes de Jean Pralong) à leur attribuer des comportements différents des
générations précédentes et que les entreprises doivent se repenser pour intégrer et faire
évoluer des jeunes aux valeurs et manières de se comporter jamais vues auparavant.
Si le terme de « Génération » est complexe tant la profusion des sens est importante,
accordons nous sur son acceptation la plus simple qui est celle des démographes : pour eux,
la génération est le groupe d’individus nés la même année, une "cohorte de naissance", selon
le terme le plus technique. C’est un groupe social sans structuration a priori, sinon que ses
membres ont le même âge tout au long de leur vie (Chauvel, 2001). Les individus qui
appartiennent à la même génération ont donc tous un point commun : celui de la « tranche
d’âge ». Evidemment, les circonstances historiques peuvent donner à une génération des
contours marqués par des intérêts spécifiques, partageant la conscience forte d’une position
dans l’histoire, et y émergeant comme acteur collectif. Les « soixante-huitards » par exemple,
caractérisent les individus qui avaient vingt ans à cette époque-là et qui se reconnaissent à
travers cette période de « fracture », dramatique pour certains, plus heureuse pour d’autres.
55
Aucune étude n’est venue caractériser la diversité des populations de cette génération et ses
différences avec ses ainées. Il existe une abondante littérature sur le sujet mais la plupart ne
provient pas de la communauté académique, les recherches appartenant essentiellement au
domaine du marketing afin d’étudier le comportement des jeunes consommateurs. Autre
élément frappant : les délimitations de la « génération Y » présentées dans la littérature sont
loin d’être identiques ce qui montre une certaine fragilité des fondements méthodologiques
sur lesquelles les recherches et enquête se développent. Pichault et Pleyers55 ont soulevé ce
manque de fiabilité qui fait naître des tendances parfaitement contradictoires :
- Des divergences quant à la catégorie d’âge choisie pour caractériser cette génération
puisque pour certains il s’agit des jeunes nés entre 79 et 89 (Josiam et al., 2009), pour
d’autres la génération Y est composée des individus nés après 1980 (Eisner, 2005) et
pour Sullivan & Heitmeyer (2008), il s’agit des jeunes nés entre 1979 et 1994.
- Des enquêtes biaisées par le choix d’échantillons contestable.
- Des caractéristiques qui sont dites propres à la génération Y alors qu’elles sont
similaires aux générations précédentes.
Les auteurs, s’ils s’accordent pour dire que la génération Y n’a rien de fondamentalement
différent avec les générations qui les précèdent, nuancent leurs propos en affirmant que
toutes les générations ne sont pas identiques non plus mais qu’elles se situent à la croisée de
multiples facteurs.
En effet, si les représentations, les aspirations et les comportements ont probablement une
composante générationnelle, elle reste bien faible par rapport à l’influence de la classe
sociale, des études choisies, des groupes d’appartenance ou des territoires. On se pose alors
la question de savoir ce qu’ont en commun, mise à part leur âge, des jeunes ayant suivis une
formation en grande école et un apprenti artisan ? Quelles sont les caractéristiques
convergentes entre un enfant de cadre supérieur et un enfant de milieux plus populaire ?
Etaient-ils tous réellement confrontés aux mêmes types de technologies ? Ont-ils tous
développés un rapport au monde, un rapport au travail, un rapport aux autres similaires ?
55 PICHAULT F. et PLEYERS M., Pour en finir avec la génération Y…Enquête sur une représentation
managériale. , dans « Nouveaux comportements, nouvelles GRH ? » XXIe Congrès AGRH, 2010.
56
Parce que si la croyance collective veut qu’il existe une profonde différence entre les
générations, il est encore plus vrai (et prouvé) qu’il existe une réelle diversité entre les
mêmes membres issus de la fameuse « Y » (Pralong, 2009).
B. Des comportements qui évoluent en fonction de la place que les jeunes
occupent par rapport au monde du travail
Certaines recherches montrent que l’appartenance à une même classe d’âge explique moins
les comportements que leurs classes sociales, les conditions d’accès à l’emploi et leur capital
scolaire (Laizé et Pougnet, 2007 ; Dufour et Peretti, 2008). Encore une fois, ce n’est pas parce
que les individus sont issus de la même génération qu’ils ont les mêmes représentations.
Dans ses recherches56 Jean Pralong, Professeur en gestion des ressources humaines à la
Rouen Business School, décrit les spécificités de ladite Génération Y, notamment dans les
relations qu’elle entretien au monde de l’organisation.
Il mobilise le concept de « Schéma cognitif » pour mettre en lumière la manière dont les
individus issus de cette génération organisent leurs connaissances sur la carrière et l’emploi,
la façon dont ils mobilisent leurs ressources pour agir dans le contexte de l’entreprise57.
Toute la pertinence de sa recherche réside dans le fait qu’au lieu d’observer la génération Y
de manière indépendante et isolée, il compare trois types d’individus : les salariés de la
génération précédente, ceux de génération Y avant leur premier emploi et ceux de la
génération Y dans l’entreprise (respectivement 113, 160 et 113 individus, soit 400 au total).
Les résultats sont éloquents : les schémas cognitifs centraux de la génération X58 sont les
même que les jeunes salariés issus de la génération Y. Ces schémas cognitifs divergent de
56 PRALONG J., L’image du travail selon la Génération Y. Une étude intergénérationnelle, Revue
Internationale de Psychosociologie, 39, XVI, pp. 109-134.
57 PRALONG J., La « Génération Y » existe-t-elle ? Une étude intergénérationnelle grâce à la technique
des cartes cognitives, les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale, 2010. (2de révision en cours). 58 Entre autres, « réussir pour éviter le chômage » , « agir dans un périmètre d’action circonscrit »,
« avoir une vision globale de la stratégie d’entreprise », « pragmatisme dans la relation avec le
manager ».
57
ceux des étudiants issus de la génération Y, soit des individus qui ne sont pas encore rentrés
dans le monde professionnel. En somme, Pralong démontre que les similitudes
comportementales ne sont pas dues à l’appartenance à une génération mais à
l’appartenance à un cadre professionnel. La transition vers le monde de l’entreprise
transforme les schémas cognitifs, elle impacte les représentations des jeunes générations.
C’est donc la normalisation des connaissances et des comportements, l’effet de socialisation
qui domine sur l’effet générationnel. Nous pouvons nous demander si les jeunes étudiants
qui s’apprêtent à intégrer l’entreprise vont adopter le schéma cognitif dominant ou le
« transformer » en y apportant leurs propres constructions et leur propre vécu ?
Chaque génération a, par essence, un
comportement et des valeurs distinctes.
Etablir des classifications n’est pas sans
danger. Pour Benjamin Chaminade, connu
pour ses écrits et reconnu pour son blog sur
la Génération Y59, il serait faux de penser que
l’on peut satisfaire tout un groupe de
personne de la même façon. Pour lui, ce qui compte plus que l’âge c’est la situation de vie,
l’expérience, l’ancienneté dans l’entreprise. La jeune génération arrivant dans l’entreprise
avec un nouveau bagage (l’ensemble des outils 2.0), il vaut mieux l’aborder à travers une
approche culturelle, évoquant un rapport à la hiérarchie différent, une place au risque, à
l’émotion, au travail, etc. Une culture qui s’organise autour d’une redéfinition de la famille, de
la quête de sens et d’identité, complexité, crise des talents et crise globale. Ils sont
caractérisés comme étant des êtres volatiles, « zappeurs » mais en fait, ils sont capables de
passer d’un monde à l’autre à toute vitesse et ouvre le monde de l’entreprise aux émotions.
Que veulent-ils vraiment ? Avoir un job qui a du sens, une rémunération équitable, un
manager à l’écoute semble pour eux un dû. Est-ce que cela nécessite de repenser les
manières de manager ? Chaminade défend mordicus que la génération Y n’existe pas. Il
soulève simplement que les managers, confrontés à une pluralité de profils, doivent être plus
attentifs à une génération qui a besoin davantage de cadres, qui nécessite qu’on lui présente
59 Blog Benjamin Chaminade : http://www.generationy20.com/
58
les règles et qu’ils soient en mesure de leur faire développer une intelligence de situation, en
restant très authentique, très transparent. Nous pouvons penser qu’il s’agit d’une forme
« d’éducation » nécessaire à tout individu qui rentre sur le marché du travail, qu’il soit« X »
ou « baby-boomer».
C. Un rapport à l’entreprise véritablement différent des autres générations ?
Dans les années 90, on se posait déjà la question de savoir si cette nouvelle génération qui
entrait sur le marché du travail n’allait pas bouleverser les manières de travailler, du fait
qu’elle était la première à expérimenter des formes de travail flexibles et précaires (Lefresne,
2003). Est-ce que le type de comportement qu’adopte la nouvelle génération peut constituer
la première manifestation d’un nouveau rapport au travail, susceptible de se généraliser à
tous les collaborateurs de l’entreprise ? Est-ce le rapport qu’ils entretiennent au travail est
propre à la « génération Y » ou est-il propre à toutes les jeunesses?
Cette question fait échos aux travaux de Jacques Hamel (2007). Il se demande si le fait que la
valeur travail soit en perte de vitesse soit dû à un signe avant-coureur d’une transformation
générale du rapport des sociétés contemporaines au travail ou est, au contraire,
spécifiquement associé au jeune âge et ne constitue dès lors qu’une manifestation passagère
accompagnant l’entrée dans la vie active60. Pour Daniel Mercure (2007) le rapport
qu’entretiennent les jeunes au travail n’est en fait représentatif de « l’ethos actuel » (marqué
par une quête d’épanouissement personnel, d’autonomie personnelle et sociale, de création
de liens sociaux plus forts), un rapport généralisé de distanciation vis-à-vis de l’entreprise,
partiellement opposé à l’ethos de l’engagement dans le travail qui a tant marqué les
générations précédentes61.
60 HAMEL J., Pour une vue longitudinale sur les jeunes et le travail, Cahiers internationaux de
sociologie, 2003/2 n° 115, p. 255-268. 61 MERCURE D., Les jeunes et le travail : un fait social, dans Les jeunes et le travail, Les Editions de
l’IQRC, 2007, p.285-293.
59
Dominique Meda et Patricia Vendramin ont construit leur analyse à partir de différentes
enquêtes européennes pour trouver des pistes de réponses à ces questionnements62.
Plusieurs analyses sont croisées : enquête sur l’évolution des valeurs des européens menée
dans 45 pays63, une enquête qui concerne le sens au travail64 et une enquête sur les
dimensions intergénérationnelles des changements dans le rapport au travail (Social Pattern
of Relation to Work : enquête SPREW ). Trois groupes d’individus sont observés : les moins
de 30 ans, les 30-50 ans et les plus de 50 ans. Les exploitations des enquêtes mettent en
lumière plusieurs éléments.
La majorité des pays européens considèrent le travail comme très important et globalement,
l’opinion des jeunes suit celle des ainés : quand le travail est largement valorisé, il l’est
également chez les jeunes, en revanche, lorsqu’il est dévalorisé par les générations
précédentes, il l’est aussi pour la jeune génération.
De manière globale, on s’aperçoit en Europe que la valeur travail est dévalorisée. Cependant,
Tchernia (2005) précise avec justesse que « cette dévalorisation doit être bien comprise : il
ne s’agit pas de nier l’importance du travail, mais de rejeter les normes sociales qui s’y
rapportent ; c’est ce qui permet d’ailleurs de parler de dévalorisation. Le travail comme valeur
en soi a perdu de son aura, mais reste un domaine qui peut favoriser des nouvelles valeurs
telles que l’expression de soi, l’autonomie, la réalisation personnelle, la créativité »65.
Cela remet donc en question les caractéristiques dites spécifiques à la nouvelle génération
que nous avons vu dans une première partie. Il semblerait en effet réducteur de penser que
les jeunes générations sont détachées du travail et qu’elles entretiennent un rapport
62 MEDA V. et VENDRAMIN P., Les générations entretiennent-elles un rapport différent au travail ?,
Revue Sociologies, 2010.
63 European Values Study (EVS). Elle est menée tous les neuf ans depuis 1981.
64 International Social Survey Program (ISSP). Les enquêtes sur le sens au travail ont eu lieu en 1989,
1997 et 2005, et concernent 38 pays. 65 TCHERNIA J.-P., Les jeunes européens, leur rapport au travail, in Galland O., Roudet B., Les valeurs
des jeunes, La Découverte, Paris, 2005, p. 205-228.
60
exclusivement instrumental avec celui-ci. Les enquêtes révèlent que le travail comme valeur
centrale dans la société est questionné mais ce phénomène n’est pas neuf, il est entamé
depuis plus de vingt ans. L’avènement de valeurs post-matérialistes, qui touchent à
l’épanouissement de la personne, au détriment de valeurs matérialistes, qui concernent la
survie matérielle, traverse l’ensemble des sociétés européennes et impacte l’ensemble des
générations ; cette mutation est un attribut du développement économique.
D. Conclusion : la jeune génération symbole d’évolutions sociétales globales
Les enquêtes de Pralong et les travaux de Chaminade, Pichault et Pleyers menés sur cette
génération, révèlent donc la non viabilité des fondements théoriques sur lesquels se sont
construits le mythe « génération Y ». Ils déconstruisent la croyance de l’existence d’une
génération profondément différente et nous questionne alors sur ce qui peut expliquer une
telle effervescence autour de cette thématique. Pralong, évoque la tendance « Génération Y »
comme étant, au-delà d’un faux concept, un véritable instrument idéologique : elle permet
aux entreprises de nommer leurs difficultés sans questionner réellement leurs pratiques. Le
débat sur les générations entamé par plusieurs organisations attire le regard sur le
comportement des individus plutôt que sur les pratiques managériales. Parler des problèmes
de la « génération Y » pour camoufler les problèmes organisationnels ?
Un autre élément intéressant amené d’un point de vue sociologique à travers les nombreuses
enquêtes européennes analysées entre autre, par Méda et Vendramin, révèle que les jeunes
ne se distinguent pas des générations en ce qui concerne l’importance accordée au travail
mais par l’intensité de leurs attentes et par une certaine distance par rapport à la centralité
du travail.
Les études mettent en évidence que les changements d’attitudes liés font partie d’une
mutation qui concerne l’ensemble des sociétés européennes et qui se caractérise par
l’avènement de valeurs post-matérialistes (épanouissement de l’individu comme valeur
centrale) au détriment de valeurs matérialistes. Les jeunes s’inscrivent dans la continuité de
changements amorcés par les générations qui les ont précédés. Le travail comme valeur en
soi est peut-être relativisé mais le travail comme champ social où des valeurs importantes
peuvent s’exprimer est éminemment important. En réalité, la jeune génération vient
confirmer l’évolution vers une conception polycentrique de l’existence, c'est-à-dire une
61
conception de la vie et des valeurs organisés autour de plusieurs centres (la famille, les
relations amicales et amoureuses, les loisirs, l’engagement associatif,…).
Plusieurs questions nous animent : La jeune génération ne serait –elle alors que l’incarnation
d’une société en évolution qui touche toutes les générations ? Représenterait-elle le symbole
des changements dans les entreprises ? En mettant en avant le désir global de s’épanouir à
travers le travail, ne replace-t-elle pas la nécessaire prise en compte du bien-être de
l’ensemble des salariés au centre des préoccupations managériales ?
62
2EME PARTIE : ETUDE
TERRAIN
63
L’objectif de cette seconde partie est de pouvoir comparer le cadre théorique aux réalités
terrain auxquelles sont confrontés les managers et les collaborateurs issus de la jeune
génération. L’idée est de pouvoir apporter une vision subjective, un ressenti sur le quotidien
organisationnel des collaborateurs.
Sans avoir la prétention d’offrir des réponses nouvelles, les entretiens, en complément des
recherches en management et en sociologie analysées dans la première partie, viennent y
apporter une autre dimension, une piste de recherche alternative qui croise les regards, les
expériences, les âges et les domaines d’expertise sur un double enjeu de ressources
humaines : le bien-être au travail et la nouvelle génération.
Nous avons fait le choix de ne pas mêler ces deux concepts dans la première partie
théorique. Notre idée était justement de pouvoir faire émerger une éventuelle convergence
entre ces deux notions en analysant le ressenti des managers et collaborateurs à travers leur
travail. Les entretiens avaient pour but de leur faire prendre du recul, faire en sorte qu’ils
s’interrogent sur leur vision du bien-être au travail et sur leur propre conception de la
nouvelle génération. L’objectif étant, à la fin de cette seconde partie, de pouvoir répondre à
notre problématique : Dans quelles mesures penser les aspirations de la nouvelle génération
comme un moyen de promouvoir le bien être dans les organisations ouvre de nouvelles
perspectives dans les pratiques de Management des Ressources Humaines ?
Nous vous ferons part dans un premier temps de la démarche méthodologique choisie, à
travers le décryptage de l’entretien et des limites objectives dû au choix de notre échantillon
et de la méthode. Dans un second temps nous analyserons les réponses obtenues que nous
détaillerons en fonction des grandes catégories présentées dans le guide d’entretien.
64
I. La démarche méthodologique
Le type d’entretien que nous avons choisi est celui de l’entretien semi-directif. Cette
démarche a l’avantage de mieux cerner la logique du répondant, de par la relative liberté que
l’échange laisse à ce dernier.
Cette partie détaille le choix de l’échantillon, le déroulé de l’entretien ainsi que les limites
objectives dû au choix de notre méthodologie.
Tous les entretiens se sont réalisés auprès de collaborateurs issus du même groupe : Crédit
Agricole S.A.
A. Profil des personnes interrogées
Nous avons choisi d’approcher deux types d’acteur au sein de C.A – sa :
- La population des managers qui ont ou ont eu à manager des collaborateurs issus de
la nouvelle génération. Tous les managers interrogés appartiennent à des domaines
d’expertises différents.
- La population issue de la nouvelle génération. Nous avons également essayé, dans la
mesure du possible, d’interviewer des jeunes collaborateurs aux types de contrat
différents (alternance, CDI) afin d’avoir leur vision de l’entreprise et du management à
travers différentes « étapes » de leur vie professionnelle.
L’idée était d’avoir un retour d’expérience de ces deux types de populations à travers leur
propre « filtre », qu’ils soient issus de la jeune génération ou de la génération précédente
avec un parcours managérial significatif.
Le choix des managers a été murement réfléchi et réalisé en fonction de leur expérience au
sein du groupe et le fait qu’ils soient connus pour avoir travaillé avec la jeune génération. Il
n’y a eu aucune objection à ce que nous nous entretenions sur ce sujet. Les échanges se sont
toujours révélés très riches et se sont réalisés avec beaucoup de transparence.
Ce sont au total 11 collaborateurs qui ont été interrogés, 7 managers et 4 collaborateurs
issus de la nouvelle génération.
65
B. Déroulé de l’entretien
Dans une logique déontologique et dans le respect des personnes interrogées, nous avons
garanti à tous les collaborateurs :
- Le respect de l’anonymat ;
- L’enregistrement des entretiens pour retranscrire l’authenticité des échanges ;
- Que l’enregistrement des entretiens était uniquement destiné à ce travail de
recherche et qu’il ne serait pas diffusé en dehors de ce cadre.
Les entretiens ont, en moyenne, durés 45 minutes et se déroulaient comme suit :
- Préambule : lors de cette étape, il leur était expliqué l’objectif de la recherche et le
cadre dans lequel elle s’inscrivait. Il leur était également déroulé la manière dont se
structurait le guide d’entretien et l’importance d’avoir leur avis subjectif sur les
thématiques clés.
- Introduction : cette étape permettait de détailler le parcours professionnel du
répondant, avant et au sein du groupe Crédit Agricole.
- Corps de l’entretien : les questions avaient été adaptées en fonction du type de
répondant. Pour les salariés issus de la nouvelle génération, l’entretien était composé
de deux parties : la première concernait leur perception du management et de
l’entreprise, la seconde était relative à la manière dont il concevait le bien-être au
travail. Concernant les managers, l’entretien se découpait en trois parties : leur vision
de la nouvelle génération, leur propre définition du bien-être au travail et la troisième
partie faisait un lien entre bien-être dans les organisations et aspirations de la
nouvelle génération dans le but de savoir si cela pouvait impacter leur méthodes
managériales.
Le déroulé de l’entretien avait été pensé de manière déductive, du général au plus
détaillé.
- Conclusion : Après avoir posé la question finale qui correspondait à la problématique
du mémoire, la conclusion prenait la forme d’une ouverture beaucoup plus vaste que
le sujet en lui-même, afin que le répondant se sente libre d’aller un peu plus loin nous
permettant d’ouvrir de nouvelles pistes de réflexion.
66
C. Limites dans le choix de l’échantillon et dans la méthode
La première limite objective décelée est le fait d’avoir interviewé des collaborateurs issus de
la même entreprise. Crédit Agricole S.A. est une entreprise appartenant au secteur bancaire,
cotée en bourse, composée de près de 2000 collaborateurs. Les résultats obtenus ne valent
donc que pour ce type de grande structure et pourraient sans doute être différents s’il
s’agissait d’une entreprise issue du secteur industriel par exemple. D’autant plus que
l’aménagement de l’environnement de travail du siège a été pensé pour garantir des
conditions de travail idéales. Nous ne sommes donc pas dans un contexte d’entreprise ou le
bien-être «extrinsèque » des collaborateurs est à remettre en question.
Autre limite qui peut être soulevée est le nombre de collaborateurs interrogés qui ne nous
permet pas d’ériger comme vérité universelle l’analyse des entretiens. De plus, les questions
ont été posées afin d’obtenir un retour d’expérience, un avis, un ressenti. Les réponses sont
donc très subjectives et dépendent du passé professionnel et de la vision personnelle de
chacune des personnes interrogées.
La dernière limite réside dans le manque de diversité des profils interrogés et notamment
chez les managers : nous nous sommes intéressés à une population qui a l’habitude de
manager des collaborateurs issus de la jeune génération. L’analyse aurait pu être d’avantage
pertinente si nous avions rencontré des managers qui n’avaient jamais eu à travailler avec
des jeunes salariés afin de comparer les perceptions, ouvrant de nouvelles voies
d’interprétation.
Les résultats que nous détaillerons dans la partie suivante, représentent donc une faible
représentation de la réalité. Ils nécessitent d’être relativisés.
II. Résultats de l’étude
Nous avons pris le choix de décliner les résultats de nos entretiens en suivant l’ordre dans
lequel nous avions posé les questions, en donnant à chaque fois le point de vue des
managers, des collaborateurs et en y associant notre analyse à travers la croisée de leurs
perceptions. Certaines questions, de par leurs réponses assez similaires, ont été regroupées
pour éviter les éventuelles répétitions.
67
A. Perception de la nouvelle génération…
Comment est perçue la nouvelle génération par les managers ? Quelle est la vision du
management et de l’organisation par les nouvelles générations? Ces résultats convergent-ils
vers les mêmes notions ?
1) …par les managers
Spontanément, la plupart des managers caractérisent cette nouvelle génération de manière
très positive. Ils la caractérisent…lorsqu’ils croient en l’existence de cette fameuse
génération ! S’ils ont été quelques un à être catégoriques sur le fait que l’effet « GenY »
n’existait pas, ils s’accordent tous sur le fait que cette génération, même si elle se
caractériserait par des traits de personnalité marqués, n’est finalement pas si différente des
précédentes. Et cela ne leur pose pas de réelle difficulté dans leur management au
quotidien…bien au contraire.
a. Leurs perceptions de cette jeune génération
Il était très important d’avoir un retour d’expérience personnel et de ne pas tomber dans la
retranscription d’un discours théorique issu d’un article ou d’un livre qui traite du sujet. Les
managers nous ont fait part de multiples caractéristiques qui se retrouvent dans la plupart
des témoignages. Nous avons fait le choix de regrouper ces éléments à travers 4 idées
fortes, qui sont apparues de nombreuses à travers nos échanges. La nouvelle génération
serait définie par : sa maitrise des nouvelles technologies, son côté libre et indépendant, son
esprit critique ainsi que son «émotivité » qui s’invite dans la sphère professionnelle.
• Une jeune génération qui maitrise les nouvelles technologies
Cette caractéristique est apparue dans tous les témoignages. Un manager nous fait part
d’un cas de collaboratrice issue de la jeune génération qui avait proposé de mettre en
place le télétravail au sein de l’équipe : « Pour moi cette génération est marquée par
cette aisance avec les nouvelles technologies. Ce sont des générations qui rentrent plus
facilement sur le terrain de l’innovation. ». Et cette caractéristique leur permet de
rechercher l’information sur tous les canaux et de manière beaucoup plus efficace,
beaucoup plus rapide. Certains managers avouent que cette nouvelle génération possède
68
une compétence nouvelle qu’eux même ne maitrisent pas parfaitement : « je suis souvent
impressionné par leur capacité à aller capter tous les éléments nécessaires à la
réalisation du travail […].Le manager n'a pas la même technique que la génération Y pour
rechercher de l'information. Ses techniques sont aujourd'hui à revoir.». Les managers
observent la tendance de leurs jeunes collaborateurs à travailler en
réseau, « hyperconnectés » tant sur le plan interrelationnel avec leurs collègues plus âgés
que sur le plan professionnel, avec leur manager. Outre les open space qui favorisent un
mode relationnel beaucoup plus ouvert et transversal, les relations à travers les nouvelles
technologies tendent à « aplatir la hiérarchie » : le supérieur hiérarchique n’est plus celui
qui détient toutes les informations. Le pouvoir est réparti entre tous les collaborateurs, y
compris la jeune génération.
Et cette maitrise des nouveaux outils de communication transforme les relations qu’ont
les collaborateurs au travail (rapidité, transparence dans les relations entre autres) et a un
impact sur le fonctionnement organisationnel de toute l’équipe : « le vent du télétravail a
touché tous les membres de mon équipe, la majorité s’y est mise ! ».
• Des jeunes collaborateurs libres et indépendants
Plusieurs managers ont soulevé cette caractéristique. Cela se traduit par un mode
relationnel « décomplexé » avec leur hiérarchie, sans aucune appréhension « comme s’il
n’y avait pas d’enjeux particulier ». Un trait de personnalité qui découle sans doute de la
première caractéristique que nous avons cité, où la hiérarchie semble s’effacer ou du
moins ne plus être une condition pour laquelle ils s’interdiraient d’aller chercher
l’information « là où elle se trouve » (la plupart du temps chez leur N+2). Cela se traduit
également par leur aisance à l’oral, à travers des réunions d’équipe ou pendant des
présentations officielles. Une différence observée lorsqu’ils comparent leur propre
expérience, quand ils étaient plus jeunes: « Je me souviens lorsque j'étais dans la même
situation qu'eux ou même en comparant avec d'autres collaborateurs issus de
générations précédentes, c'était un moment de stress ».
Nous pourrions penser qu’il s’agisse d’un manque d’expérience, ou d’un manque de
compréhension des enjeux de l’organisation mais cette liberté est perçue comme une
véritable force au sein des équipes.
69
Ils se sentent également très indépendants et beaucoup moins influencés par les
générations précédentes, « comme s’ils ne voulaient pas reproduire le schéma exact de
leurs parents qui auraient pu laisser une partie d’eux même dans l’exercice de leurs
fonctions », ils ont « une vision très personnelle de [leur] manière de vivre et de [leurs]
envies et évolutions ». Une indépendance qui est ressentie chez les managers comme un
manque de fidélité à l’entreprise. Si cela est relevé la plupart du temps comme un risque
de « papillonnage », un manque d’attachement à l’entreprise, plusieurs considèrent cette
caractéristique comme une force : « L’intérêt d’une vie c’est d’en avoir plusieurs,
aujourd’hui nous ne faisons pas toute notre carrière dans la même entreprise. Cette
faculté leur permet d’avoir plusieurs expériences au sein de différentes entreprises ». Ils
sont également très autonomes dans leur mission, très « débrouillards ». Une grande
capacité d’adaptation en somme.
Autre élément qui est revenu à de nombreuses reprises est le constat de la place
qu’occupaient les loisirs dans leur vie. En effet, une conséquence de cette « liberté »
peut-être un certain détachement de la sphère professionnelle au profit de leur sphère
privée qui est davantage mis en avant par rapport aux autres générations dans
l’entreprise. En revanche, un manager nous affirme que ce désir de profiter de leur vie
professionnelle n’entrave en rien leur investissement : « Cet engagement existe, il est réel,
il se ressent par une contribution forte qui, cependant, ne va pas impacter la gestion de
leur temps. […] ils ne vont pas rester 12h par jour au bureau ».
Cela nécessite cependant de poser des limites, de fixer un cadre tout en restant assez
flexible, et demande parfois un « rappel à l’ordre » sans que cela ne pose un grand
problème aux managers : « Il m’arrive parfois de devoir leur rappeler les règles du jeu de
l’entreprise. Et pas qu’à la jeune génération d’ailleurs, auprès de tous les membres de
mon équipe. Ça fait partie mon rôle en tant que manager, cela ne me pose pas de
problème particulier ». Nous pouvons penser que ce cadrage est particulièrement
important dans une organisation où les rapports entre services sont parfois sujets à de
forts enjeux politiques.
• Une nouvelle génération dotée d’un très bon esprit critique
Les jeunes arrivants dans l’entreprise semblent avoir une bonne vision du fonctionnement
de l’organisation et possèdent une grande maturité qui se ressent à travers la manière
70
dont ils appréhendent leur évolution professionnelle dans l’entreprise. Une lucidité
également sur l’environnement économique global qu’ils traversent actuellement. Ils ont
effectivement conscience que le marché du travail n’est pas favorable mais restent
néanmoins très attachés à leurs convictions : « Pour moi elle est consciente que le
marché du travail est compliqué aujourd'hui, que ce n'est pas facile de trouver du travail,
que ce n'est pas facile d'intégrer n'importe quelle boite...mais pas à n'importe quel prix.
Elle mettra des limites que nous ne mettions pas. Elle osera dire non ».
Nombreux sont les managers qui notent également leur incessante capacité à tout
remettre en question. Cela constitue un atout puisqu’ils attachent énormément
d’importance au fond de leur travail. Un manager confie : « je sais que je ne pourrai pas
faire faire un travail à un jeune collaborateur sans qu’il n’en saisisse l’intérêt, l’impact,
l’objectif, les tenants, les aboutissants… ». Une exigence dans le travail qui constitue un
outil puissant à travers la réalisation d’un travail de qualité. En revanche, cette même
exigence peut-être mise à mal et créer une forme de frustration lorsque certains projets
n’aboutissent pas, ou qu’ils mettent du temps à naitre. Une frustration due à un manque
de rétribution par rapport à leur contribution dans le travail. Cela ne doit entraver en rien
leur enthousiasme et leur implication et le manager a ici toute une part de responsabilité
dans le soutien de son collaborateur et se doit d’avoir une certaine prise de recul.
Cette même exigence à travers leur propre travail, ce même esprit critique qui les
caractérise, se ressent à travers le jugement qu’ils portent sur leur manager : « on les sent
davantage exigeants par rapport à ce que nous ou l’entreprise, sommes en mesure de
leur apporter en termes d’évolutions professionnelle ou de rémunération».
• Des jeunes collaborateurs qui intègrent une dimension émotionnelle dans leur
rapport au travail
Nous avons choisi le terme « d’émotion » au travail qui, bien que non cité explicitement
par les managers interrogés, transparaissait en filigrane à travers leur perception de la
nouvelle génération. Comme nous l’avons dit en introduction de cette partie, les
managers mettent en exergue de nombreuses qualités des jeunes collaborateurs au
travail : ils sont « bouillonnants d’énergie », « créatifs », « innovants », « enthousiastes »,
« impliqués » et cela se ressent plus que tout à travers leur travail et leur relation au
travail. Leur énergie « est communicatrice, ils insufflent une nouvelle dynamique dans les
71
équipes », au risque parfois de sembler un peu trop « expansif ». Autre élément marqué
est la volonté de « se faire plaisir au travail », de donner un sens aux missions qu’ils
exercent. Une évidence pour tout individu qui rejoint une organisation. Seulement ce
désir est clairement explicite, mieux, il est exprimé. « Moi j'appartiens à une génération
où le fait de se poser la question du plaisir au travail relevait du luxe. Je n'ai pas le
souvenir que cette question de se faire plaisir faisait partie des critères pour apprécier le
niveau d'engagement de quelqu'un. La différence est peut-être plus marquée chez la
génération Y ».
C’est l’expression de ce qu’ils ressentent qui est nouveau. On peut également rattacher
cette tendance au désir de partage, d’échanges transparents, au besoin de proximité qui
est souvent évoqué par les managers. Ils désirent être reconnus mais par un autre levier
que celui de la rémunération.
Les jeunes collaborateurs sont en attente de critiques constructives qu’elles soient
positives ou négatives…et ils le font savoir.
b. Des similitudes ou une réelle différence observée par rapport aux
anciennes générations ?
Nous l’avons vu, la majeure partie des répondants ont trouvé de nombreuses
caractéristiques pour définir la jeune génération. Cependant lorsque nous leur avons posé la
question, certains managers nous ont interrompus « pour moi, la génération Y est un faux
débat » ou encore « c’est un simple concept marketing ». Et lorsqu’on leur demande si elle
présente de réelles différences avec les générations précédentes, la réponse est unanime :
non, elle n’est pas profondément différente « pourquoi devrait-elle l’être d’ailleurs ? ».
Ils s’accordent à dire que des éléments structurels ont modifiés leur comportements lié
notamment à l’apparition des nouvelles technologies, pouvant s’expliquer par un nouveau
rapport au travail et cette notion de « se faire plaisir », de donner du sens à leur mission, qui
apparait de manière significative. Le rapport au travail change dans le sens où, comme nous
l’avons vu précédemment, il n’occupe pas une place centrale, mais une place qui est
relativisée par rapport à leur vie privée.
72
L’autre élément différenciant est l’expression claire de leurs besoins. Si la manifestation d’un
besoin de sens et de reconnaissance est marquée, le discours de fond ne change pas :
« n’importe quel collaborateur issu de la génération X ou de la génération d’encore avant
vous dira qu’il a besoin de sens et de reconnaissance au travail. C’est un sentiment humain
après tout. Il n’est pas spécifique à la génération Y. »
Malgré ces nuances de comportements qui la différencie des générations précédentes, l’effet
« génération Y » n’est qu’un mythe pour les managers.
Pour certains, elle est semblable aux générations précédentes puisqu’ils peuvent retrouver les
mêmes caractéristiques à travers les collaborateurs baby-boomers ou issus de la génération
X : « Elle est différente sans être différente. Différente parce qu'elle a d'autres centres
d'intérêts, mais en même temps elle a les mêmes qualités ou les mêmes travers que les
autres générations. Je ne vois pas de rupture fondamentale ».
Pour d’autres, il s’agit d’une question d’âge : les traits différenciant chez la nouvelle
génération pourraient se retrouver chez toutes les générations lorsqu’elles avaient le même
âge : « Au départ je me suis dit "oui c'est vrai" il y a un vrai sujet. Et en travaillant avec les
jeunes générations je me demande si ce n'est pas un "effet de génération". Quand on est
jeunes on veut plein de choses, on a une relation au travail assez distanciée, avec la volonté
de ne pas reproduire le chemin parental. Une relation transactionnelle mais qui existait avant
[…] Je me demande si on ne retrouve pas exactement les mêmes caractéristiques à chaque
période de nos vies, qu'importe les générations ».
D’autres évoquent un « modèle type » de génération Y qui n’est finalement pas révélateur
des comportements observés des jeunes salariés. Et dans la même idée, des managers
retrouvent certains éléments « très génération Y » dans la manière de fonctionner de certains
collaborateurs présents dans l’entreprise depuis plus de 20 ans, notamment par l’adaptation
aux nouvelles technologies et « leur appétence quotidienne et leur enthousiasme [qui se]
retrouve dans leur travail ».
Une génération qui d’après les managers qui travaillent avec eux au quotidien, ne crée donc
pas de rupture intergénérationnelle. La génération Y, un mythe ? Exit les débats liés aux
73
difficultés du management de la génération Y? Terminées les formations dédiées au
« management intergénérationnel » ?
c. Difficultés ou réelle valeur ajoutée dans leur méthode de
management?
Pour cette question aussi, la totalité des managers nous ont confié que travailler avec la
nouvelle génération ne constituait pas une difficulté. Au contraire. De par tous les aspects
positifs que nous avons cités en première partie, elle constitue une réelle valeur ajoutée dans
les équipes.
Ils notent cependant qu’ils ne peuvent pas agir sur
les mêmes leviers motivationnels « on s'en rend
compte très vite: on ne peut pas jouer sur le levier
purement autoritaire, purement hiérarchique. On
n'exerce pas l'autorité de la même manière: on
l'exerce en leur donnant des moyens intellectuels
d'avoir de l'intérêt à ce qu'ils font ». Cela peut donc avoir un impact sur leur manière de
manager qui se ressent à travers un accent mis sur la reconnaissance. Tout cela, dans une
certaine gradation pour éviter le management spécifique « GenY ». Les jeunes collaborateurs
bousculent également à travers les nouvelles technologies qui transforment les rapports
humains, la hiérarchie et donc le management : « Elle nous transforme dans les outils […
]C'est une chose qu'on n’aurait pas pu faire avant ».
« Il ne faut pas essayer de changer votre génération. Il faut qu'on s’adapte tout en essayant
de garder l'essentiel. ». Une capacité d’adaptation qui est propre à chaque manager et qui ne
bouleverse pas radicalement leur manière de manager pour autant.
2) …par elle-même à travers sa vision du management dans l’entreprise
Nous avons interrogé la jeune génération sur leur perception de l’entreprise et du
management. Notre idée était de pouvoir cerner la définition qu’ils ont d’une bonne
entreprise et d’un bon management. Est-ce que l’un induit forcément l’autre? Nous voulions
74
également savoir s’ils avaient conscience de leurs forces et faiblesses au sein d’une équipe,
en tant que « représentants de la nouvelle génération ». Enfin, nous leur avons posé une
question plus ouverte sur la position qu’ils souhaiteraient avoir dans cinq ans.
a. Leur définition d’un bon manager et d’une bonne entreprise
Une bonne organisation est avant tout un lieu « où il fait bon travailler ». Pour attirer les
collaborateurs, elle doit être en mesure de « prôner des valeurs qui sont en adéquation avec
nos aspirations ». D’ailleurs, lorsqu’on souhaite savoir ce qui les a poussés à rejoindre le
Crédit Agricole S.A., la grande majorité d’entre eux mettent en avant les missions proposées,
la philosophie et les valeurs du groupe, qui étaient en accord avec les leurs, avant les items
de la rémunération. L’aménagement de l’espace est également un élément qui a été cité
pour qualifier une bonne entreprise, au même titre que le fait de favoriser une liberté dans la
gestion du temps des collaborateurs pour qu’ils aient la possibilité de s’investir dans des
activités personnelles.
Mais pour la plupart des répondants, une bonne entreprise se résume avant tout par un bon
management, qui décline les valeurs du groupe auprès de tous ses collaborateurs, « c'est une
entreprise qui innove, qui se remet constamment en question, qui ne reste jamais sur ses
acquis, qui va toujours chercher à tendre vers la perfection et ça passe par un bon
management avec un esprit ouvert et surtout basé sur l'implication et l'autonomie des
collaborateurs ». Un management qui favorise « la libre expression des collaborateurs » et
développe « l’esprit d’initiative de chacun, du balayeur au cadre supérieur».
Un bon manager est avant tout celui qui « définit les objectifs à atteindre, te fixe un cadre et
un timing à respecter ». Cela ne doit pas l’empêcher d’être accessible. Les jeunes
collaborateurs définissent un bon manager comme quelqu’un d’ouvert, transparent et
d’empathique, sans pour autant «être trop gentil». Viennent ensuite la nécessité qu’il soit
« challenging », « capable de motiver et valoriser ses troupes » et de « favoriser l’autonomie
de ses collaborateurs ». Lors de l’entretien, les caractéristiques les plus citées sont celles liées
aux qualités intrinsèques de l’individu. Seulement ensuite apparaissent des qualités
managériales attendues d’un bon manager.
Pour les répondants, un bon management est donc un manager qui pose les limites sans
entraver leur liberté d’expression et leur prise d’initiative.
75
b. Une valeur ajoutée apportée dans l’équipe en tant « que
jeune » ou des difficultés relationnelles rencontrées avec leur
manager ?
Pour la plupart des jeunes salariés, leur valeur ajoutée se ressent à travers leur aisance
relationnelle et leur « impatience pathologique » qui traduit une envie de « faire en sorte que
les choses bougent et avancent rapidement». Encore une fois, cette caractéristique très
« nouvelle génération », même si pouvant passer pour un manque de respect, est perçue
comme un atout puissant dans les équipes.
Les jeunes collaborateurs prennent également conscience des compétences qu’ils maitrisent
mieux que leurs ainés : les nouvelles technologies. Leur capacité à rechercher l’information, à
« benchmarker » partout la meilleure opportunité, leur apporte un véritable « plus ».
Pour d’autres, leur valeur ajoutée est difficilement mesurable par eux même et ne
considèrent pas apporter un élément supplémentaire du simple fait qu’ils appartiennent à la
jeune génération.
c. Leur position idéale dans 5 ans
Les réponses se rejoignent. Les jeunes collaborateurs aspirent à devenir manager d’une petite
équipe (2, 3 personnes en moyenne), d’ici les cinq prochaines années. Ils souhaitent travailler
«avec des gens si possible aussi sympas que les membres de mon équipe actuelle », au sein
d’une petite entreprise, type start-up « dynamique, au concept innovant, si possible avec une
dimension internationale ». L’accent est mis sur l’importance de la bonne ambiance au sein
de l’équipe.
Leur type de management sera avant tout humain qui « placera le développement et
l’épanouissement du collaborateur au cœur des préoccupations managériales ». Ils
n’hésiteront pas à fixer un cadre strict et des objectifs clairs, « en restant ferme mais
diplomate ».
76
Une certaine forme de reconnaissance est attendue de la part de leurs futurs collaborateurs
« j’’aimerais bien que mon équipe soit fière de travailler avec moi ».
Des valeurs qu’ils ne retrouvent pas dans leur management ?
3) Regards croisés : Managers et nouvelle génération, la fin des idées reçues ?
Plusieurs éléments cités par les deux populations se recoupent. On retrouve des similarités
exprimées entre la perception qu’ont les managers de la nouvelle génération et la valeur
ajoutée que les jeunes collaborateurs pensent représenter au sein de leur équipe. A savoir
une aisance relationnelle, une maitrise des nouvelles technologies, une
« impatience positive » et une compétence à rechercher l’information partout et rapidement.
D’autres éléments évoqués par les jeunes salariés qui concernent leur définition d’un « bon
manager » confirment ce que ressentent leurs supérieurs hiérarchiques vis-à-vis d’eux. À
savoir : posséder une certaine liberté et une autonomie dans le travail, avoir un manager qui
soit accessible et transparent. Collaborateurs et managers confirment que cette liberté doit
s’exprimer à travers un certain « cadre» et des objectifs clairs posés par la hiérarchie.
L’autre item qui a été brièvement évoqué par les jeunes, mais plus mis en lumière par les
manager, est celui de l’importance consacrée aux projets personnels dans le quotidien de la
nouvelle génération. Un élément qui semble être naturellement intégré dans leur vie mais
qui marque une très nette différence avec leurs ainés qui, s’ils en ressentent le besoin, ne
l’expriment pas de la même manière.
Le dernier point de convergence est celui de la « frustration » des jeunes collaborateurs
perçue à la fois par les managers et par un des jeunes répondants. Il nous a confié avoir
éprouvé cette sensation suite à l’échec d’un projet ou l’avancée de celui-ci qui se voyait
ralentie. Une sensation qui n’est pas systématique mais qui peut s’expliquer de par la taille et
le mode de fonctionnement d’un grand groupe. Un fonctionnement organisationnel qui
apprend sans doute aux jeunes à réfréner leur côté « tout, tout le temps, tout de suite ».
77
B. Approche du bien-être au travail…
Définir le « bien-être au travail », de par la variété de notions qu’il recouvre, ne fut pas chose
aisée pour les répondants.
1) …par les managers
Tous les managers s’accordent sur le fait que
bien-être = performance puisqu’à partir du
moment où un collaborateur ne se sent pas
bien dans son travail ou dans son équipe, il
n’est pas efficace. Il n’est cependant pas
incompatible avec une certaine dose de « pression positive », d’effort fourni dans
l’accomplissement des tâches quotidiennes.
Leur perception du bien-être en entreprise se définit spontanément par les leviers
managériaux nécessaires à sa promotion: « reconnaissance », « sens », « transparence »,
« bienveillance », « responsabilité », « soutien », « valorisation », « mettre en évidence l’utilité
du travail fourni par ses collaborateurs », « favoriser la prise d’initiative », « une
confiance…mais dans les deux sens ! », sont des termes qui sont revenus souvent. Des items
assez consensuels, que l’on retrouve dans toute littérature qui traite du bien-être dans les
relations managériales ou du management de manière générale, et qui sont mobilisés,
autant que faire se peut dans leur management au quotidien. « Je fais attention à ces
élément-là, même si ça prend du temps, même si parfois j'oublie de le faire. Mais j'essaie
systématiquement de me mettre à la place de mes collaborateurs. D'expliquer, de donner du
sens, quitte à passer du temps dessus ». Cela passe avant tout par une capacité à sentir si un
collaborateur se sent bien dans ce qu’il fait. Pour certains, leur rôle doit dépasser le cadre
professionnel. Ils prennent le temps d'ouvrir les sujets liés à la vie privée des individus. « Je
ne m’interdis pas de poser des questions personnelles dans la limite de ce que les gens
veulent me dire ». S’ils ne sont pas tous unanimes sur le fait d’aller sur le terrain personnel de
leurs collaborateurs, tous sont particulièrement attentifs à leur épanouissement personnel
dans leur travail, « qu'ils y prennent du plaisir».
78
Pour eux, le bien-être de chacun passe aussi par des relations « bienveillantes » et
« chaleureuses » entre les collaborateurs. Le soutien social doit être ressenti dans le
management mais également dans les relations interpersonnelles.
Il est aussi considéré comme un élément que nous pourrions qualifier de « langage vivant »,
d’état d’esprit, « c’est une forme d'ouverture, une forme de communication qui donne du
sens, qui est transparente, qui offre une vision globale sur les objectifs de l’entreprise ». Le
bien-être fait partie intégrante de leur manière de travailler avec leurs équipes, il est
consubstantiel de la réussite de chacun dans le travail.
Autre notion qui a été discutée est celle du « bien-être subjectif ». Plusieurs managers
s’accordent sur le fait que pour être bien dans l’entreprise, il faut avant tout être bien avec
soi-même, cela apparait comme un élément fondamental. Le travail n’est donc pas considéré
comme un moyen qui permet le bien-être. Il permet juste de le favoriser, de le mettre en
exergue, « il accélère ce que nous sommes». Et inversement, cela induit que si un individu
n’est pas « en phase » avec lui-même, ce n’est pas l’entreprise qui lui permettra de se sentir
bien. Le bien-être subjectif est donc une étape « préalable » au bien-être au travail.
Enfin, pour beaucoup, le bien-être dans l’entreprise, c’est aussi un sentiment général ressenti
au quotidien, le fait d’avoir un « travail épanouissant, qu'on revienne revigoré de sa journée
passée au travail, c’est lorsqu'on a vu des gens intéressants, qu'on a appris des choses, qu'on
a pu faire des choses concrètement ». Outre les relations managériales et
interprofessionnelles, le travail lui-même doit être source de bien-être. L’individu doit se
reconnaitre dans ce qu’il fait, en éprouver du plaisir, se réaliser dans ses missions au
quotidien.
Pour conclure, nous noterons que la notion
du bien-être dans l’environnement
professionnel est fondée sur des relations
managériales qui le favorisent en utilisant les
bons leviers. Il est aussi permis par des
rapports sains entre les collaborateurs, par
des conditions intrinsèques favorables au développement du bien-être et par un travail
épanouissant.
79
En revanche, et cela a été relevé presque unanimement, le bien-être au travail ne repose pas
sur l’aménagement de l’espace de travail ou sur des espaces de détentes informels. Ils
peuvent y contribuer à moindre échelle mais il ne s’agit pas d’un levier en soi. « Je ne crois
pas à la course aux "bénéfices superficiels", à un environnement de travail qui serait sensé
promouvoir le bien-être de chacun ».
2) …par les collaborateurs issus de la nouvelle génération
a. Leur définition
Leur bien-être se définit avant tout par des relations managériales « équilibrées » entre un
soutien marqué de son manager et une grande confiance dans le travail. Et les leviers
fondamentaux évoqués rejoignent leur conception d’un « bon manager » : un supérieur
hiérarchique qui pose un cadre qui resterait « mouvant, adaptable » et à la fois
« protecteur », leur offrant une certaine autonomie et une marge de manœuvre nécessaire à
l’expression de leurs besoins et à la prise d’initiative. Pour la plupart, le bien-être au travail
passe également par un dialogue et une communication très transparente. Les jeunes
salariés préfèrent les critiques, même négatives, aux « non-dits qui peuvent faire naitre un
conflit larvé ». Enfin, la caractéristique qui les fait ressentir qu’ils appartiennent à la nouvelle
génération est le besoin de reconnaissance : « un simple « merci », on ne se rend pas compte
à quel point cela peut être gratifiant […] c’est en cela que je me reconnais dans la définition
de la Génération Y».
L’aménagement de l’espace de travail et les services à la personne sont également des
éléments qui ont toute leur importance dans la promotion du bien-être. Ils sont liés en partie
à leur perception de la « bonne entreprise », un lieu où il y fait bon vivre et qui tend à rendre
les limites entre la sphère privée et professionnelle poreuses. Ils ne veulent pas ressentir de
rupture, ils veulent « aller sur [leur] lieu de travail sans avoir l’impression qu’ [ils] y [vont]
pour travailler». Ils cherchent la « bonne ambiance de travail, le fun » et les « relations
détendues ». On note également l’importance d’être en accord avec les valeurs de son
entreprise pour se reconnaitre à travers les grands projets qu’elle mène. « Pour moi le bien-
être au travail c’est aussi la fierté d’appartenance. Ce que t'apporte l'entreprise en dehors du
cadre professionnel à travers la possibilité de t’engager dans une association par exemple ».
80
Cela rejoint la notion de « responsabilité » de l’entreprise citée par plusieurs répondants.
Selon eux, du fait que le bien-être au travail dépasse la sphère professionnelle et de par le
fait « qu’on passe le plus clair de notre temps au travail », l’organisation, a une grande part
de responsabilité dans le bien-être général des individus. « Pour moi la notion de bien-être
au travail c’est une organisation qui met le collaborateur au cœur de son développement.
Cela passe par la prise de conscience de la part de la Direction que c'est grâce à ses
collaborateurs que l'entreprise va atteindre ses résultats ».
Pour un des collaborateurs, cela passe avant tout par un travail intéressant «tout est agréable
autour de toi, toutes les conditions sont réunies pour le bien-être des collaborateurs mais tes
missions ne te plaisent pas; alors tu n'as plus envie de te lever pour rejoindre ton bureau ».
Comme pour les managers, cette dimension à toute son importance et rejoint les notions
d’épanouissement et de valorisation personnelle à travers le travail.
Comme pour les managers, la sensation du bien-être au travail ne dépend pas que d’un
élément mais réside dans la pluralité des moyens qui peuvent être mis en place par le
management et l’organisation. Le bien-être au travail selon les jeunes collaborateurs pourrait
donc se résumer à un « bon management » et une « bonne entreprise ».
b. Un manager qui mobilise ces leviers, malgré quelques axes
d’amélioration soulevés
Lorsqu’on leur a posé la question de savoir si leur manager prenait en compte ces leviers de
promotion du bien-être, tous ont répondu de manière positive. Ils semblent attentifs au
développement des compétences de leurs collaborateurs d’une part et à leur
épanouissement personnel d’autre part (reconnaissance, encouragements et autonomie
entre autre).
En revanche, lorsqu’on leur demande « qu’est-ce que vous auriez fait différemment ? »
plusieurs axes d’amélioration sont évoqués. Certain répondants auraient managé leurs
équipe en favorisant plus de confiance à travers une plus grande flexibilité dans les horaires
de travail et moins de « contrôle systématique ». Ils sont autonomes, sans qu’on leur offre
une confiance totale pour autant.
81
Le manque de transparence, le manque « d’expressivité » de leur manager est également
ressenti. On nous livre que leur manager devrait être d’avantage dans la démonstration de
leurs émotions : «mon manager est quelqu'un de très humain mais ça ne se voit pas du tout,
il n'est pas du tout expressif. Il reste très à l'écoute mais humainement, tu n'as pas
l'impression de pouvoir le toucher, ou du moins cela ne se voit pas. Et effectivement, c'est un
élément qui me manque ».
La solidarité, l’implication, l’esprit d’équipe, le plaisir au travail sont des valeurs qui ont été
citées par un jeune collaborateur qui verrait manager ses salariés comme un coach sportif qui
mobilise ses équipes sur un terrain : « J'essaierai de prôner le plaisir. Ça sera un peu ça l'idée.
Créer une dynamique de famille, d'équipe. D'aider un de ses collègues lorsqu'il rencontre des
difficultés. […]Pour moi un collaborateur qui prend du plaisir c'est un collaborateur qui est 15
fois plus efficace. Je m'assurerais toujours que mes collaborateurs sont […] dans l'envie de
venir au travail. […] Pour moi un collaborateur qui ne prend pas de plaisir c'est un
collaborateur qui ne sert à rien dans l'entreprise ».
Les jeunes salariés s’ils avaient pu faire différemment, placeraient le « plaisir au travail » au
cœur de leurs méthodes de travail, réhabiliteraient la confiance dans leur mode de
management et une plus grande « transparence » dans la manière d’être, afin rendre
« lisible » ce qu’on ressent. Pour eux, l’idéal serait de prendre en compte le collaborateur en
tant que personne avant tout, une manière de manager qui correspond à leurs aspirations et
« même si c'est un peu idéaliste, on peut y toucher du doigt».
3) Regards croisés : des convergences ou de réelles différences entre leurs
perceptions du bien-être ?
Jeunes collaborateurs comme managers semblent avoir des conceptions convergentes du
bien-être au travail dans l’ensemble. En revanche, si les items cités se ressemblent, ils ne sont
pas évoqués avec le même degré d’importance pour les deux populations.
L’ensemble des répondants s’accordent à penser que le bien-être au travail est avant tout
une affaire de management. Le manager a le pouvoir de mobiliser des leviers qui permettent
à chaque membre de ses équipes de se sentir reconnu, valorisé, utile. Des leviers également
très importants pour la nouvelle génération. Mais pas que. Les jeunes voudraient voir
82
instaurer le « plaisir au travail » comme une fin en soi et davantage de transparence,
d’émotivité dans les relations managériales. Une façon de dire qu’ils souhaiteraient un peu
plus de proximité, plus « d’humanisme » dans leur rapport avec leur manager?
De bonnes relations au travail sont également un levier très important pour les deux
populations. Pour les managers, des relations bienveillantes et chaleureuses sont un moteur
pour se sentir bien au travail. Pour la nouvelle génération, les relations interpersonnelles
agissent comme un soutien, une manière pour eux de créer plus de solidarité. On pourrait
penser que les collaborateurs de la jeune génération souhaitent établir des relations plus
fortes avec leurs collègues de travail, sans créer de « distance professionnelle » afin de
mettre « plus de fun » dans l’entreprise.
Pour une partie des répondants, le bien-être subjectif est un préalable au bien-être au travail.
Quelques managers ont néanmoins évoqué le fait qu’il fallait établir une distinction entre le
bien-être éprouvé au travail et le bien-être dans notre vie privée. Cela renvoie à la question
du rôle du manager. Est-ce que cela relève de sa responsabilité de permettre au
collaborateur de se sentir bien en dehors de sa sphère professionnelle, puisque, par
extension, le bien-être global de la personne c’est aussi le bien-être au travail ? Il repose
également pour beaucoup, sur un travail épanouissant, des missions et un rôle qui
participent au développement de l’entreprise. Cela passe par le sentiment que les capacités
propres à chaque collaborateur sont utilisées de manière optimale dans l’organisation.
En revanche l’item qui ne fait pas consensus est celui de l’aménagement de l’espace de
travail qui, pour les managers, s’il constitue une amélioration en soit, n’est pas un élément
qui favorise le bien-être des individus au sein de l’entreprise. Au contraire des jeunes salariés
qui le considèrent comme un levier à part entière. Les espaces informels et les services
d’accompagnement à la personne permettent de ne pas créer de rupture avec leur confort
quotidien. L’entreprise représente pour eux un véritable lieu de vie, un endroit dans lequel
chacun possède son espace pour s’exprimer. Une forme de sens qu’ils donnent à leur
présence dans l’entreprise ?
Les jeunes salariés nous ont également fait part de l’importance qu’ils accordaient aux
valeurs prônées par l’entreprise. C’est ce qui constitue leur fierté d’appartenance. L’image de
l’entreprise est donc très importante pour eux mais au-delà de ça, une fois intégrée, la
83
culture de l’organisation à travers laquelle il se retrouve doit se ressentir dans les manières
de manager et dans les relations entre leurs collègues. Est-ce qu’ils seraient pour autant prêts
à quitter leur entreprise si celle-ci ne déclinait pas la philosophie qu’elle affiche ?
Les deux populations évoquent donc les mêmes éléments principaux qui participent à la
qualité de vie au travail. De manière générale, les jeunes salariés mettent beaucoup d’affect
dans le travail, notamment à travers les relations qu’ils entretiennent au travail et le rapport
qu’ils ont à leurs missions et à l’entreprise. Ce besoin de faire partie d’une « aventure
commune » les anime. Les managers sont plus dans l’idée que le bien-être s’atteint grâce à la
mise en œuvre de conditions idéales pour le développement de leurs collaborateurs. Un
développement qui tend vers des objectifs de performance mais qui vise également à
favoriser l’adaptation des compétences des collaborateurs aux besoins de l’organisation,
qu’ils se reconnaissent dans leur travail. Deux points de vue nuancés mais qui convergent
vers le même objectif : celui de l’épanouissement de l’individu.
C. La prise en compte du bien-être au travail à travers les aspirations de la
nouvelle génération: une transformation des méthodes managériales ?
Cette dernière partie de notre analyse vient répondre à la problématique de notre recherche.
Après avoir analysé et comparé les perceptions des deux populations sur le terme de « bien-
être au travail » et sur celui de la « génération Y », nous essayerons de voir en croisant les
réponses, si la prise en compte du bien-être au travail à travers les aspirations de la nouvelle
génération, transforme les manières de manager.
Lorsque l’on rapproche les points de vue entre les leviers managériaux qui favorisent le bien-
être au travail et l’impact qu’ont les nouvelles générations sur les façons de manager on se
rend compte que les items se rejoignent. En effet, les besoins exprimés par les nouveaux
collaborateurs en matière de management se retrouvent dans les leviers managériaux qui
favorisent le bien-être de tous. Citons les principaux : reconnaissance, transparence,
autonomie, sens, soutien. Des notions qui se croisent et se retrouvent également dans la
définition du « bon manager » chez un jeune. Un bon manager mobilise par définition les
bons leviers, ceux qui répondent à leurs besoins, des leviers qui correspondent avec quasi
exactitude à ceux cités par les managers dans leur conception du bien-être. Les constats
convergent et les managers ont pris conscience des désirs exprimés par les nouveaux
84
salariés. Est-ce que cette prise de conscience est un préalable pour transformer leurs
méthodes managériales ?
Au fil des entretiens et des échanges menés, on peut se rend compte qu’il n’y a finalement
pas de réelles transformations dans les méthodes. Les managers n’ont jamais été en
« rupture » avec cette jeune génération. D’une part parce qu’ils ont coupé court à l’idée que
la nouvelle génération était le « cauchemar » des DRH et d’autre part parce qu’ils ont
déconstruit l’idée de l’existence même d’une « génération Y ». Il n’y a donc pas de
changement radical dans les manières de manager puisqu’il n’y a pas de « transformation
générationnelle ». En revanche, et tous s’accordent à le dire, si elle n’est pas différente, elle
possède des spécificités qui demandent une certaine forme d’adaptation pour qu’elles soient
utilisées au mieux et bénéfiques pour le fonctionnement de leurs équipes.
Si les besoins et les aspirations de la nouvelle génération ne sont pas perçus comme
fondamentalement nouveaux – puisque ressentis par toutes les autres générations à leur âge
- c’est dans la manière de l’exprimer et de le faire ressentir que les managers sentent qu’ils
ont peut-être un effort à faire pour être davantage sensibles à ces éléments.
Allons plus loin. Ce que souhaitent les jeunes c’est un management plus transparent, qui les
rendrait plus autonomes, plus libres et indépendants comme ils sont très justement perçus
par les managers. Or, ces leviers qui pourraient être cités comme de simples éléments de
management vont en fait plus loin puisqu’ils sont centrés sur l’épanouissement de la
personne, sur la prise en compte des aspirations de la nouvelle génération davantage que
sur la réalisation d’objectifs liés à la stratégie de l’entreprise. Par extension, si pour eux le
bien-être de tous sert la performance, alors ils en viennent à se repositionner : penser ces
besoins fondamentaux de plaisir au travail permet de favoriser l’implication et l’engagement
des collaborateurs à un projet plus global qui est celui de la réussite de l’entreprise.
Finalement, penser les aspirations de la nouvelle génération a des effets positifs sous-jacents
sur la performance individuelle des collaborateurs.
Les jeunes salariés les amènent à penser l’épanouissement de la personne, son bien-être,
comme une fin en soi. Un bien-être nécessaire, qui est propre à chacun, à chaque
collaborateur issu de toutes les générations. L’enjeu pour les managers est de pouvoir se
saisir de tout ce qu’implique la nouvelle génération pour servir les intérêts communs.
85
Ils incarnent ce désir d’épanouissement, qui est assumé chez eux, ressenti par tous. La
nouvelle génération renvoie donc aux managers l’idée qu’ils ne pourront plus se permettre
de ne plus penser aux aspirations intrinsèques de chacun. Elle incarne les limites d’un
management « toxique » qui doit aussi bien prendre en compte ces éléments-là à
destination des nouvelles générations que pour mobiliser les plus anciennes. Et cela
représente un point d'avancée dans les méthodes managériales qui ne provient pas
forcément du haut mais qui est insufflé par la jeune génération, « cela permet de véhiculer
une certaine force, un point d'avancée beaucoup plus fort ».
D. Lien entre la théorie et les entretiens réalisés
Beaucoup de notions liées au bien-être et aux nouvelles générations issues de la littérature
se retrouvent dans les entretiens menés auprès des deux populations. Analysons les
principaux liens de convergence et de divergence :
1) Vision de la nouvelle génération
La perception des jeunes salariés par les managers rejoint très sensiblement la théorie de
Jean Pralong pour qui, la « génération Y » n’existe pas du fait des profils beaucoup trop
divers qui ne permettraient pas de la définir comme étant différente. Les jeunes ont des
perceptions de l’entreprise qui varient en fonction de la place qu’ils occupent par rapport au
monde de l’entreprise. Une affirmation des managers et qui fait sens avec la recherche de
Pralong sur les « cartes cognitives ». Pour les démographes, ce serait d’ailleurs un non-sens
sociologique que de réduire des individus de la même génération à des caractéristiques
communes.
Pour d’autres managers, la nouvelle génération n’est pas différente des précédentes, chose
qu’ils observent au quotidien au sein de leurs équipes. Un ressenti et une perception des
jeunes qui fait écho aux travaux de Meda et Vendramin sur le sens du travail et les valeurs
des individus en Europe, menés sur plusieurs années. Des enquêtes qui révèlent que le
rapport au travail des jeunes générations reste le même que les générations précédentes
lorsqu’elles avaient leur âge, et qu’elles ne sont que le reflet d’un changement impulsé
depuis de plusieurs années. Un rapport au travail qui s’explique donc avant tout par l’âge et
les bouleversements économiques et sociaux, et dont certains managers nous ont fait part.
86
En revanche, même s’ils ne la jugent pas différente des précédentes, ils avouent leur
reconnaitre des traits de caractères qu’on retrouve dans différentes enquêtes et recherches
sociologiques. La maîtrise des nouvelles technologies, leur côté libre et indépendants (Van
de Velde), la grande place qu’ils accordent à l’émotion dans le travail (Riffault, Tchernia) et
leur capacité à toujours tout remettre en question. Des perceptions de comportements qui se
retrouvent dans les travaux de Chaminade et des nombreuses études RH menées sur le sujet.
A la seule grande différence que ces aspects ont été très majoritairement soulevés comme
une valeur ajoutée au sein des équipes, alors que dans la plupart des enquêtes, ces
caractéristiques sont davantage citées comme les « travers » de la nouvelle génération.
En revanche, plusieurs affirmations issues du cadre théorique sont remises en questions suite
à nos échanges avec la nouvelle génération. D’après les nombreuses enquêtes (enquête
APEC, enquête TNS Sofres), elle ne se préoccuperait pas des valeurs, de l’histoire de
l’entreprise, puisqu’elle n’entretiendrait que de simples rapports « business » avec elle. Or, et
cela a été relevé plusieurs fois, la jeune génération a justement besoin de se sentir en lien
avec la culture de l’entreprise. Cela constitue un véritable critère de choix. Evidemment, cela
reste à relativiser puisqu’il s’agit des perceptions d’un très faible échantillon de jeunes
collaborateurs.
2) Perception du bien être
Pour les managers, la prise en compte du bien-être est perçue comme étroitement liée à la
performance de l’entreprise. Leur rôle dans les relations qu’ils entretiennent avec leurs
équipes et à travers les leviers qu’ils peuvent mobiliser est fondamental. Un sentiment qui
rejoint les travaux de Larose, Lachman et Penicaud sur les liens entre le bien-être et la
performance.
Si l’on compare la perception qu’ont les deux populations interrogées du bien-être, avec les
facteurs déterminants de sa promotion énoncés par l’Anact, on y retrouve de très grandes
similitudes :
- La qualité de l’information partagée au sein de l’entreprise, et notamment sur les
orientations stratégiques (managers) et les valeurs auxquelles se réfère l’entreprise
(nouvelle génération) ;
87
- La qualité des relations sociales et le travail à travers la reconnaissance du travail,
l’écoute et le respect des collaborateurs qui se retrouvent chez les deux populations
interrogées ;
- La qualité du contenu du travail ressentie à travers un certain degré d’autonomie, de
sens donné au travail et d’enrichissement dans les missions (également pour les deux
profils interrogés) ;
- Qualité de l’environnement physique, principalement relevée par la jeune génération ;
- Qualité de l’organisation du travail, en partie liée à la prise en compte de l’impact des
nouvelles technologies, soulevée par les managers ;
- La possibilité de réalisation et de développement personnel (développement des
compétences) surtout retenue chez les managers.
Un item cité par l’anact qui n’a pas été évoqué par les personnes interrogées est la « Qualité
de l’engagement à tous les niveaux de l’entreprise ». Cela voudrait dire que ce n’est pas le
cas à l’heure actuelle ? Ou tout simplement qu’il ne s’agit pas d’un élément essentiel pour
eux, à partir du moment où il est véhiculé d’un point de vue opérationnel par les managers ?
La plupart des entretiens ne révèlent donc pas de réelles différences avec la théorie, puisque,
nous l’avons vu, les principaux éléments cités par les managers et les jeunes collaborateurs se
retrouvent dans la littérature. C’est la manière dont les managers perçoivent la jeune
génération, essentiellement de façon positive, qui vient remettre en question les enquêtes
qui parlent de la nouvelle génération comme étant une contrainte managériale. En revanche,
nous pouvons essayer d’apporter certaines pistes de réflexion au regard du cadre théorique
existant et suite aux résultats issus de nos échanges.
E. Réflexions et ouverture
Nous souhaitions aller plus loin et voir en quoi les nouvelles réflexions menées en matière de
management pouvaient alimenter nos résultats.
88
Pierre Eric Sutter66 fait un lien entre sens donné au travail et rôle managérial à travers la
problématique que traversent actuellement toutes les entreprises : comment rendre durable
la performance. Selon lui, tout l’enjeu du management actuel réside dans le pouvoir de
trouver le juste milieu entre performance économique et performance sociale. Le meilleur
moyen selon lui est de donner du sens aux salariés vers trois directions : l’orientation au
travail (une stratégie globale connue de tous), la signification des taches attendues et la
finalité (la finalité du travail du collaborateur pour l’organisation et la finalité en résonnance
avec les aspirations des collaborateurs). Pour se faire, le manager doit adopter ce qu’il
appelle la « TPE attitude » :
• Transparence dans les objectifs, dans le sens donné au travail de ses collaborateurs
pour l’entreprise et dans les rapports qu’il entretient avec ses équipes ;
• Proximité en faisant en sorte que les centres de décisions soient les plus proches du
terrain, prendre conscience du collaborateur comme « sujet travaillant » et lui
permettre de se reconnaitre dans son travail ;
• Enthousiasme qui naît de l’alchimie entre la transparence et la proximité et qui
permet aux collaborateurs d’être en bonne entente avec son manager et ses
collègues, avec qui il apprécie de travailler sur des projets communs et pour lesquels
il est prêt à donner spontanément de sa personne. Pour Sutter, l’enthousiasme est la
manifestation individuelle et collective du bien-être au travail. Cela permet une
performance équilibrée qui ne détruit ni psychologiquement ni physiquement les
salariés, contribuant à la rentabilité et donc la pérennité de l’organisation.
66 Pierre-Eric Sutter, expert depuis plus de 20 ans en évaluation des hommes dans la fonction RH et le
management d’entreprises, est Président de m@rs-lab, société de conseil en management de la
performance sociale et en en prévention des Risques psychosociaux. Il est membre du CJD (Centre des
Jeunes Dirigeants : commissions « stress & bien-être » et « dialogue social ».) : http://blog.mars-
lab.com/
89
Une autre réflexion tout à fait intéressante, issue d’un travail mené par la Fondatrice du think
tank « Mankai Factory67 », nous semblait pertinente d’aborder. L’article évoque la nécessaire
réinterrogation de nos modèles managériaux au regard des évènements liés au printemps
arabe68. Selon l’auteure, ces évènements nous projettent face à de nouvelles réalités et
provoquent le besoin d’accélérer la prise de conscience sur un monde en mouvement. Si l’on
se concentre sur la forme dont ces mouvements se sont organisés, plusieurs éclairages
apparaissent : le premier fait référence au « leadership partagé ». Les jeunes qui se sont
mobilisés se sont emparés momentanément du pouvoir en créant une sorte de « dynamique
organique portée par le sens et la co-construction ». Le modèle du leadership traditionnel
perd de sa valeur puisqu’il s’agit d’une « révolution sans leader » où l’énergie créée provient
de la « base ». Un mode de fonctionnement en réseaux pouvant inspirer les modèles
organisationnels, où chacun peut apporter des idées nouvelles, où les strates hiérarchiques
se décloisonnent et permettent aux collaborateurs de s’impliquer dans le développement de
l’entreprise. L’auteure fait référence au groupe Toyota qui mène ce type d’initiatives, où le
leadership est partagé et permet à ses collaborateurs « lambda » de s’exprimer et de trouver
des solutions aux problèmes rencontrés au quotidien par l’entreprise. Un fonctionnement
collaboratif qui permet d’influencer positivement les anciens modèles managériaux. Une
réflexion intéressante qui nécessite néanmoins une véritable refonte des modèles
organisationnels traditionnels.
Le second point d’éclairage apporté est celui qui concerne la manière dont les jeunes
ont agi pour s’exprimer. Selon elle, la réactivité et l’émotion permises par l’utilisation des
nouvelles technologies (puisque rappelons-le, les réseaux sociaux sont à l’initiative de
l’éclatement du printemps arabe) offre aux nouvelles générations un pouvoir d’initiative et de
créativité incroyable. Et cela peut influencer la manière dont le management peut prendre en
compte cette forme d’expressivité, d’émotion à travers sa vision du leadership. C’est ce qu’on
appelle plus communément l’intelligence émotionnelle. Une forme d’intelligence qui a déjà
67 La Mankai Factory est un think tank composé d’acteurs aux domaines d’expertises pluridisciplinaires
qui apportent des réflexions innovantes se situant aux frontières de la gestion des ressources
humaines, du management stratégique et du management interculturel : www.mankaifactory.org 68 CHARMY-MAKHAMAT M., Pourquoi le management devrait s’inspirer du printemps arabe, Eco89.fr,
2011.
90
fait preuve d’une œuvre bibliographique « gargantuesque » (Chanlat, 1990 et 2003 ; Briner,
1999 ; Askhenazy, Zerbe, Hartel, 2000) et qui revient plus que jamais sur le devant de la
scène, éclairée par une nouvelle génération sensibilisés à la « personnalisation
relationnelle ».
L’auteure insiste donc sur la réflexion nécessaire d’un management collaboratif
permis par l’appropriation des nouvelles technologies et qui permet de rendre les entreprises
plus adaptables et innovantes. Elle ne néglige pas l’importance de conserver une structure
hiérarchique pour fédérer les efforts mais la mobilisation des ressources est davantage
permise par un système de fonctionnement en réseau. Un « lâcher prise » nécessaire du
management puisque c’est un fait, le manager n’est plus le seul et unique détenteur de
l’information.
Un apport original sur la manière de se repositionner par rapport à notre vision du leadership
et du management, pour qu’ils soient plus adaptés à l’économie actuelle qui est celle de la
connaissance.
91
CONCLUSION
ous l’avons donc vu dans une première partie, la promotion du bien-être au travail
est un investissement au service de l’entreprise, de son organisation, de ses
hommes, de sa performance globale et de sa réputation. L’amélioration continue
de la qualité de vie au travail répond à des enjeux d’engagement et d’épanouissement
personnel. Elle représente également un moyen de questionner le travail et l’activité des
organisations. Un défi managérial auquel s’ajoute celui de l’arrivée d’une nouvelle génération
dans l’entreprise. Des jeunes collaborateurs qui, nous l’avons vu, exigent de plus en plus un
« plaisir de faire » dans leurs missions de par la place qu’ils consacrent au travail dans leur vie
et le nouveau rapport qu’ils entretiennent avec lui. Pour eux c’est indéniable, il doit être une
source d’épanouissement. Un besoin ressenti par tous, mais assumé par les jeunes
collaborateurs qui ne seront pas prêts à faire des sacrifices au risque de se perdre au travail.
Une nouvelle génération qui met en lumière le fait que la réponse à une demande de bien-
être ne doit pas se résoudre à soigner les souffrances. Il faut aller au-delà pour apporter aux
salariés les moyens de se développer.
Un constat qui nous amène à nous poser la question : Existe-t-il une convergence entre les
valeurs exprimées par la jeune génération et les leviers nécessaires à mobiliser par
l’entreprise et le management pour promouvoir le bien-être au travail ? Notre recherche
montre qu’à priori oui, ce lien est réel. Est-ce que ces nouvelles aspirations transforment les
méthodes traditionnelles de management ? Le terme est bien trop tranchant. En revanche, il
existe une réelle remise en question de la part des managers qui se retrouvent face à des
équipes dont les individus appartiennent à des générations distinctes et dont les attentes, les
besoins, s’expriment de manière différente. Comment prendre en compte cette dynamique
insufflée « par le bas » pour faire en sorte qu’elle soit utile pour toute l’équipe ? L’entreprise
doit-elle créer les conditions nécessaires pour permettre aux jeunes salariés de créer de la
valeur ? Les managers doivent-ils s’adapter à eux ?
Si l’ensemble des managers s’accordent sur le fait que la « génération Y » n’existe pas, qu’il
n’y a pas de différences profondes avec la précédente, ils s’entendent sur le principe qu’elle
possède des particularités puisqu’elle incarne un nouveau rapport à l’entreprise, une nouvelle
manière de fonctionner et de s’exprimer. Il ne s’agit pas d’un « effet de mode », il s’agit d’un
phénomène aussi réel et durable que l’arrivée des nouvelles technologies dans le monde de
N
Conclusion
92
l’organisation. La question à se poser n’est pas « comment gérer cette nouvelle génération »
mais plutôt « comment intégrer dans mon mode fonctionnement organisationnel cette
caractéristique que possède la génération à appréhender différemment la relation au
travail ? ». Cette réflexion fait écho aux travaux de recherches évoqués dans la partie
théorique, sur l’idée de réinterroger le travail pour favoriser la santé et donc le bien-être dans
l’entreprise. Serait-ce à l’aune des besoins exprimés par la nouvelle génération que les
travaux pourraient s’effectuer ? La nouvelle génération est-elle un « point d’ancrage»
pertinent pour repenser le management de manière plus « durable »?
Des réinterrogations sur l’organisation qui doivent d’abord être saisies par les « anciennes »
générations puisque ce sont elles qui dirigent les entreprises à l’heure actuelle. C’est peut-
être cela le nouveau défi : convaincre les baby-boomers.
93
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www.etre-bien-au-travail.fr
http://blog.mars-lab.com/
www.mankaifactory.org
www.generationy20.com
WWW.FTU-NAMUR.ORG/SPREW
100
ANNEXES
• Annexe 1 : Guide d’entretien
POPULATION 1 : Managers, Responsables RH qui managent/ont managé des
collaborateurs issus de la jeune génération, N+2
Objectifs : Avoir un retour d’expérience sur le management de cette nouvelle génération : est-elle véritablement différente ? A quoi aspire-t-elle ? La question de la qualité de vie au travail et du bien-être en entreprise est-elle prise en compte dans le management de cette nouvelle génération? En quoi cela impacte leur façon de manager ? Présentation du collaborateur interrogé : nom, prénom, poste occupé dans l’entreprise, missions, ancienneté, parcours Perception de la GénY
• Pour vous, qu’est-ce que la génération Y ?
• Est-elle réellement différente des générations précédentes ? Finalement, existe-t-elle réellement selon vous ?
• Avez-vous été confronté à des difficultés de management, personnellement ou en
échangeant avec vos collègues, ou au contraire, sentez-vous que cette génération apporte une réelle valeur ajoutée à vos équipes ?
• Selon vous, transforme-t-elle les manières de manager ?
Quelle est votre conception du bien-être en entreprise et est-ce que vous l’associez à cette nouvelle génération ?
• Qu’est-ce que vous entendez par « bien-être en entreprise » ?
• Est-ce que vous prenez en compte cette dimension dans votre façon de manager? De quelle manière ?
• Y’a-t-il des besoins exprimés par la génération Y qui soient en lien avec les notions de plaisir au travail?
• Est-ce que vous pensez que le bien-être peut-être une source d’attractivité pour la
nouvelle génération ?
• Est-ce que vous mesurez l’importance du bien-être pour l’organisation et pour cette nouvelle génération? Si oui comment ? Comment vous le favorisez-vous ?
101
• Quelles difficultés vous identifiez comme associées au développement du bien-être dans l’organisation en vue de satisfaire le besoin de ces nouveaux collaborateurs?
Est-ce que la prise en compte de ces deux « enjeux » amène à repenser leur rôle ?
• Est-ce que vous voyez des changements dans les comportements et les attentes de vos collaborateurs et est-ce que cela a un impact sur votre façon de manager ou de recruter?
• Est-ce que le Bien être des salariés fait partie d’un objectif en soi ?
• Pour vous, penser la nouvelle génération à travers le bien être dans les organisations,
pourrait-être un moyen de répondre à l’enjeu de la performance durable ?
POPULATION 2 : Jeune génération (20-30 ans : alternants, CDD, CDI, intérimaires...tout
service confondus)
Objectif : déceler les besoins de la nouvelle génération, leurs aspirations et leur vision du
management et de l’entreprise.
Présentation du collaborateur interrogé : nom, prénom, poste occupé dans l’entreprise, missions, parcours, (ancienneté).
Jeune génération : perception de l’entreprise & du management
• Qu’est-ce qu’une « bonne » entreprise selon vous ? Un bon manager ?
• Quel a été l’élément qui vous a fait rejoindre cette entreprise ? (ex : salaire, mission, image, etc...)
• L’image que vous avez aujourd’hui de votre entreprise et de votre poste, par rapport à l’image que vous en aviez avant votre embauche a-t-elle évolué ? Si oui de quelle manière ?
• Avez-vous été confronté à une difficulté (relationnelle, professionnelle) avec votre manager ?
• Quel sentiment éprouvez-vous dans votre travail au quotidien (motivation, engagement, plaisir, accomplissement,...) ?
102
• Sentez vous que vous apportez une valeur ajoutée au sein de votre équipe ? Au sein de l’organisation ? Est-ce que selon vous, le fait d’appartenir à la jeune génération favorise cette « plus-value » ?
Jeune génération et bien être
• Pour vous, qu’est-ce que le « bien être dans l’organisation » ?
• Selon vous, quels sont les principaux leviers du bien-être en entreprise ? Et spécifiquement en matière de management ?
• Votre manager intègre-t-il la gestion du bien-être des collaborateurs dans sa manière d’agir selon vous ? Si oui, quels en sont les leviers ?
• Intègre-t-il une préoccupation de plaisir/d’accomplissement / d’épanouissement?
• Votre manager valorise-t-il votre travail (reconnaissance) ? Quels sont les dispositifs de reconnaissance utilisés ?
• Selon vous, est-ce que le fait de prendre en compte les questions du bien-être au travail pourrait modifier les méthodes managériales?
• Pour vous, penser la nouvelle génération à travers le bien être dans les organisations, pourrait-être un moyen de répondre à l’enjeu de la performance durable ?
� Pourriez-vous décrire la situation professionnelle à laquelle vous aspirez dans les prochaines années à venir? (entreprise & position)
� En vous imaginant manager dans 5 ans, que feriez-vous différemment ?
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• Annexe 2 : Verbatim et idées clés du bien-être au travail vu par la jeune génération et les managers
Managers Nouvelle Génération
∗ Reconnaissance>salaire. [RECONNAISSANCE] "Ca m'a fait beaucoup réfléchir sur mon rôle de manager, les ressorts de reconnaissance que je pouvais utiliser qui parfois porte sur des choses relativement infimes.
∗ Souplesse, transversalité dans l'équipe
∗ Je le perçois beaucoup plus sur le registre de pouvoir donner du sens au travail que au billard qu'on a au 3e étage [BIEN ETRE AU TRAVAIL ≠ AMENAGEMENT DE L’ESPACE] [SENS].
∗ « Moi le B.E je le perçois dans l'environnement de travail où on a une mission claire, où l'on peut donner du sens, où je peux contribuer à un objectif plus large que le mien, dans la manière où je suis managé avec du respect et de la confiance ». « Pour moi, le BE c'est un cercle vertueux d'une relation de confiance avec son manager » [CONFIANCE].
∗ « Pour moi c'est la pierre de base sur laquelle on peut édifier => on peut confier des missions de plus en plus complexes à ses collaborateurs. Des missions ou des responsabilités qui sont forcément plus importantes que mes capacités mais idéalement pas plus importante que mon potentiel »
∗ Soutien, la possibilité de développer ses compétences, de sortir grandi de ses expériences. Confiance, responsabilité, mais du soutien, toujours. [RESPONSABILITE] [SOUTIEN] => Passe par les relations
∗ Bonne ambiance, l’envie de travailler. [RELATION INTERPERSONNELLES : BONNE AMBIANCE]
∗ Ambiance collaborateurs, transparence
manager l'Humain est très important mais également le cadre de travail, l'espace. Le bE se ressent également dans son travail "Tout est agréable autour de toi, toutes les conditions sont réunies pour le bien-être des collaborateurs mais tes missions ne te plaisent pas; alors tu n'as plus envie de te lever pour rejoindre ton bureau". [RELATIONS INTERPERSONNELLES : BONNE AMBIANCE] [TRANSPARENCE MANAGEMENT] [ENVIRONNEMENT//ESPACE DE TRAVAIL]
∗ « Pour moi le B.E au travail ne s'arrête pas
qu'à l’entreprise ». [FRONTIERE VIE PRIVEE/VIE PRO ?]Pour être bien dans la vie, il faut ê bien dans sa famille, bien dans son travail, bien avec ses amis, il faut avoir une bonne santé. C'est énormément de facteurs, ce n'est pas uniquement avoir un boulot bien payé et avec des missions qui nous intéressent et qui font qu'on est bien au travail. Mais effectivement, l'entreprise, parce qu'on y passe le plus de temps dans notre vie, a une grande part de responsabilité dans le bien être de l'être humain.
∗ Ca passe par plusieurs choses: les conditions
de travail « le cadre dans lequel on travail, ici on a des conditions exceptionnelles. Je me demande si je pourrai travailler dans des conditions aussi exceptionnelles. On a des
104
managériales essentiellement.
∗ Se poser la question du bien-être au travail c'est évoquer le bien être dans la relation de travail. « Et c'est quelque chose de nouveau, qui n'existait pas. Je travaillais dans la métallurgie ou le BE était le dernier des soucis. »
∗ « Le BE au travail ne peut pas être le BE tel qu'on le voit dans sa vie privée » [DIFFERENCIATION BE VIE PVEE/VIE PRO].
∗ Lorsqu’on arrive à travailler le plus possible en transversal. Moins d'antagonisme, moins de concurrence ce entre les collaborateurs [BIENVEILLANCE INTERPROFESSIONNELLE].
∗ B.E au travail est en relation avec le bien être dans la vie privée. « le Bien-être au travail c'est d'abord trouver un équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle » [BIEN ETRE PRO=BIEN ETRE VIE PVEE].
∗ « Pour moi, c'est le travail dans la confiance…dans les deux sens » [CONFIANCE].
∗ Pour moi ce ne sont pas du tout des choses matérielles [BIEN ETRE ≠ ENVIRONNEMENT DE TRAVAIL].
∗ « Pour moi le BE passe par un échange de confiance au niveau de la hiérarchie et des collaborateurs » [CONFIANCE]
∗ « qu'on revienne revigoré de sa journée au travail, qu'on a vu des gens intéressants, qu'on a appris des choses, qu'on a pu faire des choses concrètement » [EPANOUISSEMENT] [RELATION INTERPERSONNELLES][REALISATION DE CHOSES CONCRETES] .
∗ « Le be c'est de la bienveillance dans les relations entre les autres. En latéral ou en
bureaux incroyables, un cadre super sympa, donc c'est très important. » [EMMMENAGEMENT ESPACE DE TRAVAIL]
∗ Il y a aussi l'aspect managérial: le bien-être c'est faire en sorte que le management soit bon. Un bon management amène du bien-être au travail: lorsqu'on te confie des dossiers, lorsqu'on est autonomes. [AUTONOMIE] [RESPONSABILITE]
∗ Après on est tous différents, il y a des gens
qui n'aiment pas l'autonomie. Ca passe par identifier. Ne pas faire un management "copié-collé". Je vais adapter mon management en fonction des différentes personnalmités de mon équipe et je vais leur donner ce qu’ils veulent. Tirer le meilleur d'eux pour qu'ils soient bien en retour. [BIEN ETRE LIE AU BIEN ETRE VIE PRIVEE] [BIEN ETRE = ENVIRONNEMENT DE TRAVAIL, SERVICE A LA PERSONNE] [BON MANAGEMENT]
∗ BE= entreprise qui met le collaborateur au cœur de son développement. Prise de conscience de la part de la Direction que c'est grâce à ses collaborateurs que l'entreprise va atteindre ses résultats. Mieux la personne se sentira dans l'entreprise, mieux elle arrivera à atteindre ses objectifs. BE= faire tout pour que ses collaborateurs se sentent bien et moi en tant que collaborateur = j'attends de mon manager qu'il me fixe un cadre clair, que les objectifs soient clairs, qu'il y ait un vrai dialogue. [CADRE] [DIALOGUE]
∗ Relation managériale est très importante
dans le bien-être au travail. Relation avec les collègues. Ce que t'apporte l'entreprise en dehors du cadre professionnel + Engagements associatifs, "fierté d'appartenance", sentiment d'estime de soi, services à la personne, restauration, activités,
105
hiérarchie. »
∗ « Le bien etre au travail c'est aussi une forme d'ouverture, une forme de communication qui donne du sens, transparence, vision » [OUVERTURE] [TRANSPARENCE][COMMUNICATION TRANSPARENTE] [QUI DONNE DU SENS]. « C'est permettre de tout à chacun de se sortir de son quotidien et de son travail pour le mettre en perspective par rapport à ce qu'il se passe dans le monde de l'entreprise et dans le monde en général ».
∗ « Il faut avant tout être bien avec soi-même. Qu'importe l'endroit où on se trouve. Fondamentalement, il y a notre propre bien être » [BIEN ETRE PRO = BIEN ETRE PERSO].
∗ « Avoir le sentiment de servir à quelque chose, avoir une bonne perception des objectifs qui sont les siens (subjectifs), avoir le sentiment qu'on est reconnu, valorisé par ce qu'on apporte ou les résultats qu'on peut avoir » [UTILITE] [BONNE PERCEPTION DES CAPACITES INTRINSEQUES] [RECONNAISSANCE] [VALORISATION].
∗ « Avoir le sentiment que de manière transparente on puisse avoir de notre hiérarchie et de ses collègues des retours sur les aspects qui pourraient poser problèmes ou mériteraient d'être améliorées » [COMMUNICATION TRANSPARENTE].
∗ « Mais le vrai sujet pour moi c'est d'avoir le sentiment de servir à quelque chose et que ses propres capacités soient le mieux utilisées dans l'entreprise ».
∗ « Concernant la rémunération...je ne pense pas que ce soit un élément fondamental. Je pense que le Bien -être c'est autre chose »
C.E...=> ca contribue au bien-être. [RELATION AVEC SES PAIRS][CE QUE T’APPORTE L’ENTREPRISE EN DEHORS DU CADRE PRO : SERVICE A LA PERSONNE, etc…]
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• Annexe 3 : Verbatim et idées clés sur les convergences entre les leviers managériaux qui favorisent le bien-être et l’impact qu’ont les nouvelles générations sur les méthodes managériales
Leviers Managériaux qui favorisent le bien-être
Impact des nouvelles générations sur les méthodes « traditionnelles » de
management
∗ "Suite à une étude que j'ai mené sur le Bien être dans les entreprises, la question de la reconnaissance, qui semblait être un item très prégnant chez les collaborateurs, m'a énormément marqué et donc j'essaie d'en prendre conscience dans la manière de manager" [RECONNAISSANCE].
∗ Reconnaissance positive comme négative. Avec la plus grande sincérité possible [TRANSPARENCE].
∗ Importance de se poser la question de savoir ce qui a été fait de bien et de moins bien et d'en discuter en réunion d'équipe [COMMUNICATION].
∗ "Sens, manager de proximité et Condition de travail"
∗ Le sens en période de crise est fondamental .Enjeu: pouvoir donner du sens à tous les collaborateurs de notre service en prenant en compte les spécificités de chacun ». [SENS]
∗ « j'essaie systématiquement de me mettre à la place de mes collaborateurs. D'expliquer, de donner du sens, quitte à passer du temps dessus ». D'accompagner. [SENS] [EMPATHIE] [SOUTIEN]
∗ J'espère que je la prends en considération. Mais parfois on ne fait pas attention. J'essaie de le favoriser mais parfois comme on ne connait pas les difficultés qu'un collaborateur rencontre au quotidien, on peut se tromper, on n'est pas assez attentif
∗ Génération qui apporte par sa prise
d'initiative, si manager suffisamment ouverts
pour accepter ce qu'ils ont à proposer.
[GENY APPORTE DU + MAIS
OUVERTURE/ADAPTATION NECESSAIRE]
∗ Ils nous font évoluer sur la perception des
NTIC. c'est elle qui m' a fait évoluer sur la
perception ou l'utilisation du tv travail. Ce
que je n'aurais peut-être pas fait avec un
collaborateur issu d'une autre génération.
Maintenant tout le monde s'y met dans
l'équipe. L'onde de choc qui a traversé les
générations!" [ADAPTATION NOUVELLES
TECHNO]
∗ Manière de manager est différente
maintenant, adaptation manière de
manager en fonction de chaque
collaborateur. J'ai dans mon équipe une
personne qui a 61ans et un collaborateur
qui a 23 ans donc évidemment je n'ai pas
la même approche avec ces deux
personnes. Je l'adapte parce qu'entre un
sal qui est à la fin de sa carrière et un qui
est au milieu de sa carrière, j'adopte mon
style de management. Je prends en
107
je pense. On a des progrès à faire. Même si on veut, on est contraint par le temps. [SENSIBILITE A DEVELOPPER] [BESOIN D’ETRE PLUS ATTENTIF]
∗ La confiance dans le management traverse toutes les générations mais c'est encore plus vrai pour la génération Y [CONFIANCE][TRANSPARENCE].
∗ J'essaie de donner une vision du groupe à tous les membres de mon équipe. De faire venir des collaborateurs d'autres services qui témoignent de ce qu'ils font [OUVERTURE] [VISION].
∗ Donner de la perspective. Je suis attentive à mon équipe, je vois bien quand ca ne va pas. Prendre le temps d'ouvrir les sujets personnels, dans la limite de ce que les gens veulent me dire [SENSIBILITE EMOTIONNELLE][VIE PERSO]. Je ne m'interdis pas de poser des questions perso.
∗ Donner beaucoup de flexibilité dans l'organisation du travail. Etablir un climat de confiance. [FLEXIBILITE TEMPS DE TRAVAIL] [CONFIANCE]
∗ Pour moi bien-être, ça peut vouloir dire "aller au spa", c'est assez antinomique à l'entreprise. Par contre que les gens s'épanouissent, qu'ils soient reconnus et valorisés, qu'ils soient enthousiastes, qu'ils y prennent du plaisir => pour moi c'est du bien etre. Pour moi c'est ê heureux dans ce qu'on fait et y trouver de la reconnaissance. [RECONNAISSANCE][VALORISATION][EPANOUISSEMENT]
∗ Assez spontanément j'essaie toujours de me faire une opinion sur le fait que les gens avec lesquels je travaille me semblent être plutôt bien dans leur peau. Point de vue humain, beaucoup plus positif mieux d'être entouré de personnes qui sont bien dans ce
compte les caractéristiques de ces
personnes. [TYPE DE MGMT ADAPTE A
CHAQUE COLL.]
∗ Elle accélère. Elle devrait accélérer les
transformations mais attention, il ne faut
pas tomber dans le côté "mode".[PAS DE
MGMT SPECIFIQUE GEN.Y ]
∗ La façon dont je manage mon équipe est
plutôt ouverte, attentive au confort
personnel de chaque collaborateur parce
que pour moi ce ne sont pas des
collaborateurs au sens propre du terme,
ce sont des individualités avec des
compétences que j'essaye de matcher.
[PRISE EN CPTE B.E PERSO DES
« INDIVIDUS » AVANT «COLL. »]
∗ Il faut vraiment, pour arriver à un
changement dans le modèle de
management, tenir compte de cette
génération.[CHANGEMENT IMPULSE PAR
GEN.Y]
∗ Dans le management il faut prendre en
compte le fait que nous ne changerons
pas votre génération, il ne faut pas
essayer de la changer. Il faut qu'on
adopte tout en essayant de garder
l'essentiel. [ADAPTATION]
108
qu'ils sont. Point de vue pratique, une personne est beaucoup + performante quand elle est bien que si elle ne l'était pas. C'est quelque chose dont il faut faire très attention [NECESSAIRE VIGILENCE SUR LE B.E INDIVIDUEL] [BIEN ETRE AU TRAVAIL PASSE PAR UN BIEN ETRE PERSO].
∗ Cela n'empêche pas qu’on puisse appuyer sur des leviers d’exigence, de pression=> pas antinomique avec un certain bien être. Des gens, quand ils sont biens, acceptent d'aller plus vite, d'aller plus loin. [SENSIBILITE NECESSAIRE].
∗ Encore une fois, la frontière entre le bien-être au travail et le bien-être dans sa vie, n'est pas toujours très visible pour personne d'ailleurs. Le bien-être dans la vie professionnelle n'est pas tout à fait indépendant du reste. [FRONTIERE B.E PERSO/B.E PRO TENUE]
∗ Oui ça les a transformés par une adaptation.
∗ Capacité d'écoute développée, prise en
compte de ce besoin d'apprendre et
développer de nouvelles choses.
Reconnaissance nécessaire appliquée aux
autres collaborateurs.
[OUVERTURE][ECOUTE][RECONNAISSANCE]
∗ Beaucoup d'échanges avec des alternants et
d'explication […] expliquer comment le
groupe fonctionnait, pourquoi une telle
organisation, pourquoi il fallait qu'ils
passent par ces différentes étapes. Ça crée
encore plus d'échanges que j'avais l'habitude
de faire. [COMMUNICATION]
∗ Elle nous transforme dans les outils. Exemple
du télétravail. 1/3 de mon équipe est en
télétravail. Ca a amené bcp de flexibilité.
C'est une chose qu'on n’aurait pas pu faire
avant. Et ça change les manières de piloter
une équipe. [TIC : PILOTAGE MGMT
DIFFERENT]
∗ Nouvelle techno réduisent structure
hiérarchique => tout le monde peut avoir un
avis sur tout en fonction de ses centres
d'intérêts, de ses compétences =>avis plus
faciles à relayer à partir du moment où on
est connecté. Et c'est plutôt positif. [IMPACT
TIC SUR MANIERES DE RELAYER
INFORMATION]
109
∗ Je vois bien qu'il faut tout de suite
fonctionner dans l'explication du fond,
l'explication de la raison. La bonne
démonstration de ce qu'ils vont pouvoir
apporter et ce qu'on attend d'eux. Important
d'être très clair sur les deux aspects.
[TRANSPARENCE / SENS]
∗ C'est sur qu'il faut faire fonctionner les
leviers du management sur le sens, la
communication transparente [SENS][COMM
TRANSPARANTE]
∗ Génération qui a besoin d’un cadre mais
comme les autres gén. On lui laisse
l’autonomie dont elle a besoin. Besoin de
soutien + marqué
[CADRE][AUTONOMIE][SOUTIEN]
110
• Annexe 4 : Liste des 10 propositions pour améliorer la santé psychologique au travail, rapport Lachmann - Larose- Penicaud
1. L’implication de la direction générale et de son conseil d’administration est indispensable. L’évaluation de la performance doit intégrer le facteur humain, et donc la santé des salariés. 2. La santé des salariés est d’abord l’affaire des managers, elle ne s’externalise pas. Les managers de proximité sont les premiers acteurs de santé. 3. Donner aux salariés les moyens de se réaliser dans le travail. Restaurer des espaces de discussion et d’autonomie dans le travail. 4. Impliquer les partenaires sociaux dans la construction des conditions de santé. Le dialogue social, dans l’entreprise et en dehors, est une priorité. 5. La mesure induit les comportements. Mesurer les conditions de santé et sécurité au travail est une condition du développement du bien-être en entreprise. 6. Préparer et former les managers au rôle de manager. Affirmer et concrétiser la responsabilité du manager vis-à-vis des équipes et des hommes. 7. Ne pas réduire le collectif de travail à une addition d’individus. Valoriser la performance collective pour rendre les organisations de travail plus motivantes et plus efficientes. 8. Anticiper et prendre en compte l’impact humain des changements. Tout projet de réorganisation ou de restructuration doit mesurer l’impact et la faisabilité humaine du changement. 9. La santé au travail ne se limite pas aux frontières de l’entreprise. L’entreprise a un impact humain sur son environnement, en particulier sur ses fournisseurs. 10. Ne pas laisser le salarié seul face à ses problèmes. Accompagner les salariés en difficulté.
111
• Annexe 5 : Synthèse des résultats des enquêtes sur les valeurs des Européens, European Values Study (EVS :Vague de 1990, 1999, 2008) et de l’International Social Survey Programme (ISSP : Une enquête sur le sens du travail en 1989, 1997 et 2005)
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