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MAGAZINE culture

14 | Jeudi 27 septembre 2018 | Le Quotidien Jurassien

tualité, la seule, alors, à être tolérée en Occident,la quête qui regarde en face le tragique de l’espè-ce humaine. Elle chante, elle décrit, parfois avecemphase, parfois dans le délire, l’exaltation donton n’a plus idée, en des couleurs terribles, affo-lée comme si le soleil ne revenait pas… Le son dela saquebute a ipso facto la gravité du malheur,son ampleur a le juste cadrage du désastre hu-main. L’auditeur est resté figé de stupeur etd’émotion quand la voix formidable de Wolf Ma-thias Friedrich, basse, a scandé la scène bibliqueFili mi Absalon. Ce concert, construit et dirigépar Johannes Strobl, organiste et inspirateur del’Ensemble, a mis en valeur la richesse lumineu-se de l’orgue de chœur, son chant flûté dans lecontinuo et dans deux toccatas, un preambulumet la bergamasque, des instants apaisés dans letouché au clavier. Les quatre cordes, discrètesmais fidèles consolatrices, sauvaient un rayonde lumière, au bord du long fleuve pas tranquilledes citations angoissées. PAUL FLÜCKIGER

L e public ne s’y est pas trompé. Il a lon-guement exprimé son admiration à l’is-sue du concert de Tribunes Baroquesdonné par l’Ensemble les Cornets

Noirs invité à l’abbatiale de Bellelay le 16 sep-tembre dernier. Ce lieu se prête à merveille à larutilance des grandes «vocalités», si l’on peut dé-crire ainsi le jeu des saquebutes (trombones) etdes cornets baroques. Ces instruments ont lapuissance dans le son rond et enveloppant, laforce disruptive, si besoin, et une mystérieusedécrue en finale. Leur chant propre se mesureégalement à celui du chanteur quand les textesle demandent. Il y a là modèle d’éloquence, celledes créateurs inspirés du XVIIe siècle, celle desinterprètes de notre temps, raffinés et cultivés.Les treize compositeurs librettistes, les douzemusiciens, ont ravi, grâce à un enchaînementhabilement construit de manière à servir la «gi-gantesque» ornementation musicale. Tout estornement et art pour les textes latins de la spiri-

� CRITIQUE

Les Cornets Noirs ont suscitél’admiration à Bellelay

Avec «Scars», le Ballet de l’Ambrefête dignement ses 30 ans� DANSE La Halle des expositions de Delémont accueille la nouvelle création du Ballet delémontain.Les 18 danseuses et danseurs réussissent à transmettre l’émotion de leur œuvre au public

et danseuses du ballet del’Ambre.

Mouvements millimétrés,portés impressionnants ou im-provisation rythmée, les artistesréussissent à transmettre l’émo-tion de leur œuvre au public,qui reste stupéfait. Un décor nu,des costumes sobres, un jeu delumière calculé et, surtout, unejustesse des mouvements, iln’en faut pas plus pour appré-cier la qualité du spectacle, dontle professionnalisme ne peutêtre contesté. JUSTINE BOUELE

Le spectacle est encore à voirdemain et samedi à 20 h et di-manche à 17 h à la Halle des expo-sitions à Delémont.

niversaire, le Ballet de l’Am-bre a décidé d’illustrer les dif-ficultés de la vie, et les cicatri-ces qu’elles laissent, maisaussi l’espoir.

Une courte vidéo fait officed’ouverture, puis s’ensuit 45minutes de spectacle au ryth-me effréné et à la gestuelled’une qualité incontestable.Les chorégraphies élaboréespar Loïc Dubois s’enchaînent,chacune amenant sa propreatmosphère. Des vidéos intro-duisent les différents ta-bleaux. La violence, la drogue,la perte, la tromperie et, fina-lement, l’espoir, c’est la viequ’illustrent les 18 danseurs

L es premières notes demusique classique re-tentissent dans la sal-le de la Halle des ex-

positions de Delémont, la lu-mière s’allume sur un décortravaillé. Une jeune danseusese lève et enchaîne les pas aurythme de la musique. L’his-toire de Cendrillon peut com-mencer. Elle est narrée par lesélèves de l’atelier de danse deJoëlle Prince.

Durant les 1 h 15 de spectacle,les danseurs interprètent avecélégance et énergie plusieurstableaux qui relatent l’histoiredu conte. Les fées, les sœurs oule prince, tous les personnagesde l’histoire sont présents, in-terprétés en solo, en duo ou engroupes. Les plus jeunes, pasplus hautes que trois pommes,dansent aussi sur scène. Ensouris, soldats ou vêtues detutu blanc, elles accompagnentleurs aînés tout sourire, sousles rires attendris des specta-teurs. On passe d’un grenier àun bal, et bientôt Cendrillon ar-rive en carrosse. Rien n’a étépris à la légère. Les musiquessuivent les ambiances de l’his-toire, tantôt inquiétantes, tan-tôt joyeuses ou tristes. Le final,une scène haute en couleurs etregroupant tous les artistes duspectacle, se termine sous lesapplaudissements du public.La lumière se rallume, les dan-seuses et le danseur de l’atelierJoëlle Prince saluent avec fier-té: leur deuxième représenta-tion est une réussite.

Justessedes mouvements

Après cette première partie,le rideau se lève sur «Scars»,la nouvelle création du Balletde l’Ambre. Pour son 30e an-

Avec Scars, le Ballet de l’Ambre a décidé d’illustrer les difficultés de la vie, et les cicatrices qu’elles laissent, mais aussi l’espoir. PHOTO ROGER MEIER

I l a encore frappé: Nicolas Feuz a sorti sonneuvième polar. Procureur du canton deNeuchâtel depuis 2011, il se révèle égale-ment un prolifique auteur de romans

noirs depuis 2013. Est sorti donc cet automneLe miroir des âmes, où s’entremêlent la sombrehistoire d’une mafia balkanique impliquéedans la traite d’êtres humains et de magistratspeu scrupuleux, sur fond d’attentat en ville deNeuchâtel. Enquête de fond, événements ur-gents, la police a du travail; en parallèle, le Véni-tien, un tueur en série au modus operandi par-ticulièrement… artistique, sème la peur et lescadavres. Le miroir des âmes cherche la com-plexité en articulant tous ces éléments narra-tifs, mais la mayonnaise ne prend pas. Certai-nes scènes sont difficiles à avaler et les person-nages manquent cruellement de profondeur.Peut-être en recherche d’efficacité, Feuz a vou-lu aller à l’essentiel. Il en ressort une intrigueplate, un peu télescopée.

Peut-être aurait-il fallu davantage de pagespour donner de l’étoffe à l’histoire, et permettreau lecteur de développer de la sympathie – oude l’antipathie d’ailleurs – envers ses protago-nistes. Un bon polar met du temps à se mettreen place, pour ensuite emporter son lecteur. Sile fond de l’histoire sonne un peu creux, le pro-cureur neuchâtelois se distingue en revanche àdécrire les scènes d’horreur. Le frisson est aurendez-vous: «La cave suintait l’eau de pluie dela veille. Il y faisait froid. À la clé de la voûte, unanneau solidement ancré dans la pierre soute-nait une chaîne. Au bout de celle-ci, deux brace-lets métalliques enserraient les poignets d’unefille et maintenaient ses bras en l’air. Elle étaitentièrement nue, la pointe de ses pieds tou-chait à peine le sol terreux. En dépit des che-veux poisseux, du visage marqué par les coupset des yeux révulsés de la prisonnière, Alba lareconnut. Les blessures à la tête et les brûlures

de cigarette sur les bras n’étaient pas le pire.Alba en avait vu d’autres en six mois. Le «spec-tacle» que lui avait promis Berti se situait plusbas, en dessous des épaules. À partir de la poi-trine, Aureola n’était plus qu’une plaie. Markuse tenait à côté d’elle, un couteau à la main. Labrute lui avait tranché les seins.»

La Romandie sous tensionUne année avant le Miroir des âmes, Feuz a pu-

blié Eunoto, les noces de sang, une enquête policiè-re qui sillonne toute la Romandie. Si dans ce pré-cédent livre, la mise en place de l’intrigue est unpeu plus longue, elle a le mérite, après une tren-taine de pages, d’être vraiment captivante. On ysuit les aventures de Mike Donner, jeune policier,qui raconte le récit à sa première personne. LeMonstre de Saint-Ursanne est-il victime d’une er-reur judiciaire? Comment relier ces jeunes fillesdécapitées, abandonnées aux quatre coins de laRomandie, et qui apparemment ne sont liéesd’aucune manière?

L’enquête est complexe, les pièces du puzzle semettent difficilement en place, l’action est bienmenée et le tout sonne très crédible. Feuz utilisedes subtilités narratives, des sauts dans le temps,des parallèles, et cet enchevêtrement donne ducorps à son récit. Vraiment, s’il faut choisir entreles deux derniers polars signés Feuz pour accom-pagner les journées pluvieuses de l’automne, cesera celui-là. JULIE KUUNDERS

Le miroir des âmes, éditions Slatkine et Cie, 261 pages

� LITTÉRATURE

Feuz le procureur, auteurde polars en série