L’HISTOIRE DE LUCKY LUCAS (Saison 1 – Le commencement)
MIKA KENSI
« J-1 … Chez Lucky Lucas »
Lucas s'extirpe doucement des draps épais ... il pique d'une main une chemise et un
jean dans l'immense dressing, de l'autre il saisit une paire d'italiennes et ... quitte la
chambre sur la pointe des pieds. Arrivé en bas, il est déjà habillé, il prend son blouson et
ferme délicatement la porte.
Dans la rue une voiture rouge attend, une douce musique de club en émane. Il prend la
place du mort et sort une clope …
− Tiens, goûte plutôt à ça au lieu de t'intoxiquer avec cette saleté …
− Bonsoir Léa …
− Bonsoir numéro deux.
− Jamais de la vie, ce soir c'est moi le patron …
− Tu me files ta place ce soir, je te dois bien un service ?
− Hé, il est super ton truc …
− Laisse-moi faire et ça sera encore mieux: on va dans une boite à Majorque ... où
une belle surprise t'attend pour le petit-déjeuner …
− Une surprise ?
− Une vraie surprise ... met ta ceinture Lucky ... et puis fait tourner …
Quelques instants plus tard, la voiture rouge descend la rue ... une lumière dans la
chambre s'allume et une silhouette derrière les rideaux semble la raccompagner du
regard ... Lying Léa, comme Lucas aime l'appeler, chante le refrain du tube house qui
passe à la radio. Lui finit par allumer une clope et pense à cette folie d'un soir et à la
silhouette derrière les rideaux. Il aime sortir avec Léa: deux dévergondés de concert,
lâchés dans la nature, en quête de musique et d'aventure.
− Tu vois les lasers ?
− Ouais …
− C'est là où on va …
Lucky est ailleurs. C'est un peu comme si l'étoile de la chance lui sourit ... il pressent
quelque chose de nouveau, quelque chose de bon ce soir ...
***
Léa sent délicieusement l'insoutenable rythme de la musique la pénétrer. Elle prend la
main de Lucas et la serre fort …
− Tu sais pourquoi nous sommes là ce soir ?
− Pour reprendre au destin ce qu'il nous a pris …
− Tiens, demande-lui une téquila ou deux ... on lui doit bien ça, non ?
− C'est toi le patron !
Lucky se fait un chemin parmi la foule pour atteindre le bar. Léa se trémousse déjà au
bord de la piste, sur les airs divins mixés par le dj.
− Dos tequilas por favor ...
− Si señor ...
− Betty ? Betty Blue ?
− Lucky Lucas !
− Tu parles d'une surprise ... mais qu'est-ce que tu fais ici ?
− C'est une longue histoire …
Une énorme explosion sonore vient ponctuer la phrase de la belle Betty. Le dj faisait de
l'excellent boulot : une ola sonore circulait d'enceinte en enceinte … Lucas pense à la
longue histoire de Betty, quand soudain la musique coupe … Une rafale de balles
traverse le silence ... Dans la nacelle du dj, quatre cagoulés armés:
− Ceci est une prise d'otages. Veuillez tous vous diriger en silence, vers le centre de
la salle.
− Suis-moi Lucky, je sais par où passer …
− …
− Vite !
− Je dois retrouver quelqu'un d’abord, vas-y toi …
− Lucky ... !
− Sauve-toi Betty.
Lucky regarde Betty s'en aller, encore une fois. Un vieux souvenir remonte à la surface
de sa mémoire et le plonge dans une étrange béatitude. Il est vite réveillé par la crosse
d'un fusil qui vient heurter sa mâchoire:
− On a dit, tout le monde dans la salle centrale …
Les preneurs d'otages, ont l'air extrêmement sérieux. Un cagoulé qui semble être leur
chef, lit dans le micro une liste de noms … Lucas reconnait quelques personnes dans le
tas: quelques héritiers des plus grosses fortunes européennes ... une ou deux stars. Il
cherche désespérément Léa, tandis que le reste des cagoulés s'acharnent à maîtriser
les quelques fêtards obstinés complètement achevés à l'alcool ... quand soudain, la voix
du chef conclut:
− ... Lucky Lucas et enfin Léa Ling. Que tout ceux qui ont entendu leur nom, se
présentent aux gardes ... sinon exécution d'un otage toutes les minutes …
D'ailleurs, premier otage, dans dix secondes ... ça sera ... ça sera ... le dj ... ça me
semble être une excellente idée ... 4 ... 3 ... 2 ...
− Arrêtez ça tout de suite, je m'appelle Lucky Lucas ... je suis sur votre liste ...
− Très bien, saisissez-le et vérifiez-moi tout ça ... on passe au prochain ... ou
devrais-je dire à la prochaine !
− Patron, on a chopé cette serveuse dans le monte-charge ...
− Ramenez-la-moi tout de suite ...
Lucas se débat entre les mains des deux cagoulés qui le trainent de force vers la porte
de sortie. Il reconnait Betty et ne peut supporter le compte à rebours qu'entonne le chef:
− ... 4 ... 3 ... 2 ...
− Lâchez-là, mon nom est Ling, Léa Ling, voici mon passeport ...
− D'accord ... emmenez-la aussi. Maintenant changement de tactique. Je vais tirer
dans le tas jusqu'à ce que tout le monde se soit présenté. Je suis payé un million
de dollars par tête, peu importe si j'en perds quelques uns par ci ou par là …
Le chef ponctue sa phrase par un rire macabre et une longue rafale de sommation. Au
bout de quelques secondes, la foule est séparée en deux groupes inégaux. Le plus petit
est évacué vers l'inconnu, flanqué par le chef qui lance à ses subalternes:
− Gazez-les, tous …
« Une semaine plutôt, chez Lucky ... »
− Ça fait longtemps que tu es réveillée ?
− Je n’ai pas dormi de la nuit ...
− Ça va ?
− ...
− Viens dans mes bras …
Clara se lève de la chaise en osier, où elle était recroquevillée et rejoint Lucky.
Elle prit ses cheveux dans ses mains et lui souffla:
− Je ne peux pas te savoir là, à côté de moi et dormir ... tu comprends ?
La phrase fait de l'effet à Lucky, il l'embrasse tendrement, quand un petit air de Tiësto
vient rompre l'ambiance: son téléphone portable.
− C'est le boulot ... je dois répondre …
Lucky se lève et marche vers le balcon, il allume une clope avant de décrocher …
− T'es folle, Léa ... je t'avais dit de pas m'appeler !
− Monsieur Lucky ?
− Oui ... qui êtes vous ? Où est Léa ?
− Elle vient d'avoir un petit accident, rien de grave je vous rassure tout de suite ...
− Elle va bien ?
− Oui ... elle a dit que vous étiez la personne à contacter ... alors ...
− Donnez-moi l'adresse ...
− 30, January Street ...
− J'arrive ...
Lucky, s'habille en vitesse. Clara lui demande ce qui se passe, il cherche son portable,
elle le lui tend et l'embrasse sur la bouche. Il lui parle d'un bug qui bloque tout le monde
au boulot ... et s'en va. Clara, s'approche de la fenêtre et le raccompagne du regard …
***
− Allo, papa ...
− Cabinet du Sénateur Clark, que puis-je pour vous ...
− Martha ...
− Oui ...
− Puis-je parler au Sénateur, je croyais être sur son direct ?
− Vous l'êtes, monsieur Clark est en réunion depuis ce matin, mais ... qui est à
l'appareil ?
On raccroche au nez de Martha. Elle le prend mal et pense à cette voix familière.
− Martha, on voudrait du café à l'intérieur ...
− Toute de suite monsieur Clark.
− Des appels ?
− Oui ... une jeune femme qui a appelé sur votre direct, elle a raccroché avant de
dire son nom ...
− T'es sûr que c'était bien sur ma ligne directe ?
− Oui ... elle vous a même appelé papa …
− Oubliez le café Martha, je vais le faire moi-même. Et qu'on ne nous dérange pour
rien au monde, est-ce bien compris ?
− Oui monsieur Clark.
− Merci Martha, vous n'avez qu'à renter à 18H00 et n'oubliez pas de fermer à clef si
jamais nous sommes toujours là-dedans !
− Oui monsieur Clark.
− Bonne soirée Martha ...
− Bonne soirée monsieur Clark ...
De retour dans la salle de réunion, Clark se sert un whisky.
− Chers convives. Nous avons enfin eu contact. Je sers quelqu'un à boire ?
− Et mon café alors ?
− Taie-toi Raphaël ... il faut la rappeler tout de suite ...
− Je suis de l'avis de Michel, rappelons-la tout de suite.
− Et mon café, bande de sadiques, cette réunion dure depuis des heures !
− Bon je sers le café à Raphaël, t'as qu'à l'appeler toi Gabriel ? Le temps que je
finisse mon whisky.
Gabriel composa le numéro de tête et mit le haut-parleur.
− Allo ?
− Qui êtes-vous ?
− La personne que vous essayez de joindre, vient d'avoir un petit accident, rien de
grave je vous rassure tout de suite ...
− Qui êtes-vous !!!
− Je suis le docteur Lynch. Le médecin qui la suit.
− Donnez-moi l'adresse.
− Puis-je savoir qui vous êtes d'abord ?
− Donnez-moi l'adresse !!!
− 22, May Street ...
Gabriel raccroche. Les trois archanges se regardent dans les yeux. Clark s'assied à leur
table et sert un café fumant à Raphaël.
− Ça fait le compte ?
− Oui, parfaitement.
− On attend le jour J ?
− Oui ... il ne reste plus qu'à attendre ...
***
Lucky regarde son SUV, fraîchement lavé la veille … avec dépit. Le véhicule gisant dans
le garage avait des allures momifiées, drapé de papier hygiénique du châssis jusqu'au
toit, les quatre roues quant à elles, étaient à plat. Il s’empresse d’appeler un taxi, quand
justement, un grand véhicule jaune vient s'arrêter juste devant lui:
− Je vous dépose monsieur ?
− Vous tombez du ciel ! Au 30, January Street s’il vous plait …
Lucky prend place et laisse libre court à son imagination: mais qu’a-t-il bien pu arriver à
cette inébranlable Lying Léa ? Un accident de la route ? Très probable, vu sa manière de
conduire, pense-t-il … tout en espérant que le docteur, disait bien la vérité sur son état
rassurant.
Le trajet commence à se faire long et Lucky ne pouvant plus contenir son impatience,
s’adresse au chauffeur:
− C’est encore loin ?
− Non monsieur, nous y sommes presque, encore un pâté de maison …
− Vous avez l’air de bien connaître le quartier. Moi je ne voyais même pas où se
trouvait January Street sur une carte !
− C’est mon boulot, monsieur ! Nous sommes dans la vieille partie de la ville, un
quartier que j’ai connu très jeune … D’ailleurs, nous y sommes, voici le 30,
january street !
Lucky descend du véhicule qui ne tarde pas à disparaître au premier virage et se
retrouve dans une rue désespérément vide. Il avance vers l’immense porte d’entrée en
chêne du numéro 30 et sonne une fois. La porte s’ouvre au bout de quelques secondes:
− Docteur Lynch, que puis-je faire pour vous ?
− Je viens pour Léa Ling …
− Ah monsieur Lucky, vous voilà enfin … entrez je vous prie …
− Où est Léa ? Qu’est-ce qui est arrivé ?
− Elle est juste là, suivez-moi … et mettez ceci …
Lucky met le masque de chirurgien que lui tend Lynch et le suit dans une grande
chambre aménagée en salle opératoire. Léa git inconsciente sur un lit entouré
d’appareils médicaux ultra-sophistiqués. Il lui tient la main et ne peut s’empêcher de
s’inquiéter pour son état. L’endroit ne lui inspire pas confiance: une villa perdue à la
périphérie de la ville, transformée en cabinet médical … et ce quelque chose de bien
étrange dans le regard du docteur Lynch.
Lucky, cependant n’a pas le temps d’aller au bout de sa pensée, sa tête tourne, ses
membres s’engourdissent et il ne tarde pas à tomber à même le sol, sous le regard
amusé du docteur …
« Le lendemain matin, chez Lucky ... »
− Ça fait longtemps que t'es réveillée ?
− Je n’ai pas dormi de la soirée ...
− Ça va ?
− ...
− Viens dans mes bras …
Clara se lève de la chaise en osier, où elle était recroquevillée et rejoint Lucky.
Elle prit ses cheveux dans ses mains et lui souffla:
− Je ne peux pas te savoir là, à côté de moi et dormir ... tu comprends ?
La phrase fait de l'effet à Lucky, il l'embrasse tendrement, quand un petit air de Tiësto
vient rompre l'ambiance: son téléphone portable.
− C'est le boulot ... je dois répondre …
Lucky se lève et marche vers le balcon, il allume une clope avant de décrocher …
− T'es folle, Léa ... je t'avais dit de pas m'appeler !
− Arrête de toujours râler le matin et écoute-moi: rendez-vous au «Friday The 13th»
dans … 15 minutes, je suis à l’autre bout de la ville, on fait la course ?
− …
− C’est le dernier qui arrive qui paie le petit-déjeuner … allez à plus !
Lucky, s'habille en vitesse. Clara lui demande ce qui se passe, il cherche son portable,
elle le lui tend et l'embrasse sur la bouche. Il lui parle d'un bug qui bloque tout le monde
au boulot ... et s'en va. Clara, s'approche de la fenêtre et l'accompagne du regard,
comme toujours ...
Lucky regarde son SUV, fraîchement lavé la veille. Il aime conduire les voitures propres,
qui sentent toujours cette odeur du neuf. Un petit détail ne lui échappe pas: un bout de
papier hygiénique coincé dans la portière arrière-droite. Lucky, décide de faire la course,
mais sans prendre de risques ; il est sûr d’arriver avant Lying Léa.
« En même temps au « Friday The 13th » … »
− Allo ?
− Betty ? … Betty Blue ?
− Oui … qui êtes-vous ?
− C’est Léa …
− …
− Léa Ling, des années collège Betty …
− Lying Léa ! Tu parles d’une surprise ?
− On dirait que tu ne m’avais pas reconnue !
− Y a des gens qu’on n’oublie pas d’aussitôt, chère amie, même si parfois on a du
mal à les reconnaître.
− Écoute, Betty, je t’appelle aujourd’hui, parce que j’ai un service à te demander …
− Je suis ton homme Léa, tu sais je n’ai pas changé depuis le temps !
− Mais j’en doute pas, un seconde ! Je voudrais que tu fasses quelque chose pour
moi … et j’ai un tas de raisons pour te convaincre de le faire …
− Je t’écoute …
− Je voudrais que tu revoies Lucky.
− Voilà que toi aussi tu t’y mets Léa et franchement je crois que tu es la dernière à
vouloir ça vraiment …
− Betty …
− Écoute Léa, Lucky et moi c’est une histoire finie, depuis des années déjà …
− Betty, fais-le pour moi … revois-le juste le temps de boire un café. Tu n’y perds
rien du tout … Il va tellement mal en ce moment et j'avoue que moi je n’y peux
absolument rien du tout …
− Je te promets d’y réfléchir, Léa …
− Betty, il me faut ta parole pour que ce soit fait. Je me fais opérer du cerveau, la
semaine prochaine.
− Léa ?
− Une tumeur. Et je ne suis pas sûr d’en sortir vivante, je veux que ce soit fait ce
week-end. S’il te plait.
− Je suis vraiment désolé pour toi, Léa …
− Betty, il n’a jamais aimé quelqu’un de sa vie comme toi. Donne-lui une dernière
chance, écoute ce qu'il a à te dire ...
− Écoute, je bosse au BCM Planet Dance à Madrid. Je suis prise tous les soirs
jusqu’à samedi. Vous n’avez qu’à venir, passer la soirée et on ira prendre un
petit-déjeuner, après, comme au bon vieux temps …
− Merci Betty t’es un amour …
− Je suis vraiment désolé pour ce qui t’arrive Léa … mais je suis sûre que tu t’en
sortiras plus forte, comme toujours !
− Je l’espère Betty, je l’espère …
− A samedi.
Léa, raccroche. Elle a ce petit regard dans le vide, une seconde avant d’éclater de rire.
Lucky qui déboule dans la terrasse du café, n’en croit pas ses yeux … Léa était déjà là !
− Hé ! J’ai pris une douzaine de gros muffins maison, ceux à 5 euros la pièce !
Lance-t-elle, d’un air taquin …
« Calcutta, Bengale Occidental – Inde: 06H00 du matin »
− Kolkata Radio Station, the news … « jingle »
Au sommaire, ce matin … « jingle »
Les pourparlers pour un cessez-le-feu au Kashmir, reprennent … « jingle »
Et … joyeuse Vesak 1 à tous … « jingle »
D'ailleurs … un fait divers des plus curieux, qui précède ce soir de Poya2, un
énorme météorite vient s’écraser dans le marais. « jingle »
Rendez-vous à 6H30 pour l’édition détaillée …
Un petit air de musique émane maintenant du petit transistor de Kailane Saajan. Elle
regarde le ciel, allongée sur la natte qui lui fait office de lit. Elle a vu cette boule de feu,
tomber du zénith. Ensuite ce feu d’artifice qui a suivi. On aurait dit une pluie de flèches
dorées, tombant sur une cible. Il n’y a plus aucun doute, c’est le retour du Bouddha …
Elle prend son portable et compose un numéro de tête:
− Kailane … j’attendais ton coup de fil …
− Il est là.
− Nous sommes prêts à l’accueillir …
− Je t’envoie les coordonnées GPS par texto.
− Merci, Kailane …
− …
− T’es bien sûre que tu ne voudrais pas reconsidérer mon offre ?
− Parfaitement sûre.
− Ta foi te perdra, Kailane …
− La tienne aussi, Clark … de toutes les manières nous sommes tous perdus ...
1 Vesak est en Inde, le jour de commémoration de la naissance, de l'éveil et de la mort de Bouddha (du
nom du premier mois du calendrier hindou, Vaisakha). Cette commémoration a lieu lors du jour de Poya
du mois de mai (pleine lune de mai). Source: http://fr.wikipedia.org/wiki/Vesak#En_Inde
2 Poya est le jour de la pleine lune dans les pays d'Asie du Sud Est. C'est l’occasion de célébrer un
évènement de la vie du Bouddha. La nuit, le clair de lune appelle les êtres à s’interroger sur l’éphémère et
le transitoire. Le jour de Poya du mois de mai (pleine lune du mois de mai) commémore la naissance,
l’illumination et la mort du maître Bouddha. Ce jour de Poya particulier est appelé Vesak. Source:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Poya_(Bouddhisme)
« Non loin de là … »
− Aïe …
− Léa ?
− Mon dieu c’est toi Lucky ?
− Reste où tu es Léa, et continue de parler … je viens vers toi …
− Je me suis cognée la tête en me levant …
Les deux amis se prennent dans les bras, dans le blackout environnant.
− Ça va ta tête ?
− Ça va mieux maintenant … T’as une idée de ce qu’on peut bien faire ici ?
− …
− J’ai du trop boire au BCM Planet, j’ai une de ces migraines …
− Léa, t’es sûre que ça va ?
− Ça va … pourquoi tu me demande ça ?
− Parce qu’on n’a même pas eu le temps de boire un verre …
− …
− Tu te rappelles vraiment de rien ?
− Non …
« Madrid, Siège des Renseignements Généraux »
− Entrez …
− Mes respects, mon colonel, mademoiselle Betty Blue est là.
− Faites-la entrer.
− Oui, mon colonel.
− Bonsoir Betty, asseyez-vous.
− Bonsoir, monsieur.
− Vous voulez boire quelque chose ?
− Non merci.
− Écoutez, je suis intéressé par ce que vous avez à me dire, sur ce qui s’est passé,
il y a quelques heures au BCM Planet ...
− Je vous tout vous raconter, mais je voudrais m’assurer d’une seule chose avant …
− Tout ce que vous voulez !
− Deux amis à moi, des anglais, sont en grave danger. Ils sont en ce moment même
enfermés dans une cave, à Calcutta. Je veux qu’ils soient tirés de là maintenant.
− A Calcutta vous dites ?
− Oui, le temple de Kalighat Kali … je peux même vous donner l’adresse, si vous
voulez.
− OK. Je vous promets de faire tout mon possible …
− Maintenant, où je ne rajouterai pas un seul mot à ma première déposition …
− … D’accord, d’accord. Vous gagnez.
Le colonel compose un numéro.
− Allo, Garcia ? J’ai besoin d’une intervention, en Inde à Calcutta, deux anglais
séquestrés dans la cave d’un temple, Kalighat Kali. T’as tout noté ? Oui … tu as
carte blanche et rappelle-moi vite … Voilà. C’est fait.
− C’est parfait.
− Dites-moi tout, maintenant.
− Je vais commencer par l’essentiel: toutes les victimes du kidnapping sont déjà en
Inde. Dispersées aux quatre coins du pays …
− Comme vos deux amis ? Vous auriez pu le dire plutôt … donnez-moi vite les
adresses exactes !
− Je vais vous les dire …
− Continuez …
− Avant de prendre la fuite, les ravisseurs ont lancé des bombes fumigènes un peu
partout dans la boîte de nuit. L’un d’entre eux n’avait pas encore mis son masque
… j’ai réussi à l’assommer. J’ai mis sa cagoule et sa combinaison et j’ai rejoint le
groupe de ravisseurs. Ils étaient bien organisés, des voitures en file indienne
s’arrêtaient pour embarquer à chaque fois deux ou trois victimes. A un certain
moment le chef m’appela. Il s’adressa à moi en hindou, en pointant du doigt
l’intérieur de la boîte de nuit. Au même moment je vis mes deux amis monter
dans une voiture, et j’entendis le chef dire au chauffeur: Kalighat Kali Temple.
− Et comment vous pouvez être sûre que c’est l’endroit où ils vont se rendre ? Ça
pourrait même être le nom d’un restaurant à Madrid ?
− Les 51 Shakti Peethas3, voilà où vous trouverez les autres victimes. En faisant
semblant de voir si tout se passait bien à l’intérieur, j’ai entendu le chef répéter
tous les noms des ces endroits mythiques pour l’hindouisme.
− Vous avez l’air de vous y connaître.
− Je fais une thèse qui touche de prés aux valeurs de l’hindouisme, à l’Université
Carlos III … Et je vous conseille de rappeler Garcia au plus vite, si vous voulez
retrouver tout le monde.
− …
− Je peux partir maintenant ?
− Oui vous le pouvez, mais restez dans le coin, on aura peut-être besoin de vous.
− Soyez-en sûr.
Betty, quitta l’énorme bâtiment vitré. Elle compose un numéro sur son portable …
− Iberia airways, Pénélope à votre service …
− Je voudrais le premier vol pour Calcutta …
− Je vais voir ça, mademoiselle …
3 http://en.wikipedia.org/wiki/Shakti_Peethas
« Temple de Kalighat Kali, Calcutta »
Le soleil, se couche. Kailane, avance à pas déterminés. Une foule immense s’entasse
autour du temple: touristes, guides de fortune, et autres moines vêtus d’orange. Elle se
fraie un chemin, vers la porte de derrière, un chemin qu’elle connait sur le bout de
doigts.
Non loin de là, Betty Blue en niqab se fraie le sien, avançant vers le même but. Des
agents secrets madrilènes surveillent la scène, mais ne se doutent pas, que quelque
part dans la foule:
− Tu le ressens ?
− Ouais …
− Moi je le vois presque, toujours cette même … aura, oserais-je dire …
− Une aura plutôt maléfique, Michel … il faudra t’en rappeler !
− Clark … mon vieil ami, je n’ai pas à craindre son petit jeu !
− On y va ?
− T’a bien vérifié que tout le monde est là …
− Je les reçois tous … et les signaux sont forts.
− De mon côté je sais que Gabriel a délivré le message. La milice est à notre
disposition.
− Et Raphaël ?
− Prêt à intervenir, si jamais on n’y arrive pas …
− On y va, alors ?
− Tiens-moi la main … et c’est comme si c’était déjà fait, mon ami …
Un rien de temps plus tard …
− … et surtout tu ne la lâches pas avant qu’on soit prêt à intervenir, parce qu’à
cette distance, il te verra malgré toute ton électronique …
− Je suis prêt à parier le contraire, du moins pour défendre l’étendard de Clark
Corp. … mais ne prenons pas de risque !
Clark inspecte les lieux. Une immense pièce circulaire, absolument inanimée mais aux
allures bien pittoresques. Un mince filet d’eau semble filtrer du plafond vouté et tomber
en un hémisphère parfait. Une urne au centre brille d’un orange vif, et donne cette
même teinte à tout l’environnement.
− Je me demande comment il va faire pour passer à travers le rideau d’eau …
− Dans ce monde, qui est le notre Clark, tous les problèmes ont des solutions.
− Oh toi ! Tu « vis » tellement prés de la vérité …
− Tu sais Clark, même si moi je sais pourquoi ou quand certaines choses sont, toi
grâce à tes petits gadgets tu sais ce qu’elles sont vraiment … Voilà pourquoi nous
avons tous besoin les uns des autres …
− Y a du monde …
Un cagoulé déboule dans la grande pièce et avance vers l’urne. Il marmonne quelques
mots intangibles et l’urne commence à briller de plus belle … Une fumée orange vif, en
émane et un semblant de visage semble se dessiner sur ses reliefs …
− Humble salutations à vous Maître, … nous sommes prêts.
− Je vois la lune dans sa course vers ton horizon. Je viendrai accueillir son premier
rayon argenté, à tes côtés, fidèle disciple …
− Gloire à vous, ô Maître vénéré …
− Placez mes nouveaux vassaux aux 51 Shakti Peethas et que mon histoire soit
écrite …
− A vos ordres maître …
Quand l'étrange visage disparût, le talkie-walkie de l'homme cagoulé crépita:
− Highlander15, appelle McLeod … Highlander15, appelle McLeod …
− McLeod à l'écoute, à vous Highlander15,
− Nous avons des problèmes avec l'un des otages …
− Qu'est-ce qui se passe encore ?
− C'est cet anglais, Lucky Lucas …
− Nom d'une pipe ! Il a fallut que ça tombe sur l'élu !
− Il est très peu coopératif … de plus il a l'air bien conscient et aucun signe
d'amnésie ...
− Je m'en occupe. D'autres problèmes ?
− Non, pour le reste tout va comme sur des roulettes !
− Bon, fais passer l'ordre à tous les hommes: il faut commencer le déploiement des
vassaux du maître … Quant à Lucas, tu me le garderas encore un moment au
chaud, Lynch nous dira comment résoudre son petit problème ...
− A vos ordres chef.
− Terminé.
Le cagoulé déplie son cellulaire, et compose un numéro. Au bout de quelques secondes
il le replie en rouspétant: pas de couverture réseau. Il jette un coup d'œil à sa montre,
avant de disparaître.
Quelques instants plus tard, une fine silhouette se glisse dans l'immense salle. Elle se
dirige vers l'urne et s'agenouille à son chevet.
− Qui c'est ?
− C'est Kailane Saajan, mon indique à Calcutta …
− Elle roule pour lui ?
− Oui, mais elle ne sait pas pour qui elle roule ...
− …
− Elle croit que c'est Bouddha.
− Elle va avoir de la compagnie …
Une deuxième silhouette se faufile dans la pièce. Elle avance prudemment derrière
Kailane.
− Pas un geste.
− …
− Tu vas doucement mettre les mains sur la tête et me raconter ce que tu fais ici,
sinon j’explose ta cervelle.
***
« Nulle-part ... ou presque »
− Quelles sont les nouvelles ?
− Tout se passe comme prévu … sauf un petit détail.
− Quel petit détail ?
− L’élu ne réagit pas comme les autres.
− Bien, bien !
− Vous semblez vous en réjouir, cela ne risque-t-il pas de gêner nos plans ?
− Rien et personne ne peut gêner mes plans, Damos. Quand est-ce que tu finiras
par le comprendre ?
− Toutes mes excuses. Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?
− Toi tu fais ce que tu as à faire là-bas, maintenant. Et moi j’irais annoncer la bonne
nouvelle au palais !
− A vos ordres.
Damos s’enroule de sa cape et disparait. Son étrange interlocuteur en noir en fait
autant. Quand ce dernier réapparait, il se tient en plein milieu du désert, devant un
palais aux hautes murailles. Face à la petite trappe, taillée à hauteur humaine dans
l’immense portail en bois, il marmonne :
− Je viens en paix et je demande audience.
− On vous attend, suivez-moi.
Le portail s’entrouvre légèrement et l’étrange homme en noir se glisse à l’intérieur. Il
suit le guide dans une immense allée ombragée, menant vers un bâtiment circulaire
imposant. Quand les deux hommes arrivent à l’immense escalier en marbre menant à la
majestueuse porte d’entrée du bâtiment, le guide lui dit :
− Vous savez que vous ne pouvez pas entrer …
− Ils sont tous à l’intérieur avec lui ?
− Oui.
− Ne vous inquiétez pas alors, je n’hésiterai pas à hurler pour me faire entendre !
− D’accord. N’oubliez pas que vous devez quitter le palais avant le coucher du
soleil. Je vous laisse.
L’homme en noir sourit. Il monte les marches de l’escalier et s’assoit sur la dernière. Il
prend une grosse bouffée d’air avant de s’écrier :
− Salut à vous, gardiens du temple ! Cela fait une éternité, hein ?
− …
− D’accord, vous avez peut-être raison ! Les temps ne sont plus aux salamalecs ! Je
viens vous annoncer que ma quête est finie ! Je me rends !
− …
− Vous entendez ? Je viens de faire la dernière chose qui était dans mon possible
pour arriver à mes fins, et il ne nous reste plus qu’à attendre. Vous devez savoir
de quoi je parle, non ?
La porte d’entrée s’entrouvre enfin et une silhouette en sort. Elle tend un rouleau de
papier à l’homme en noir avant de regagner le bâtiment. L’homme en noir déroule le
rouleau et déchiffre le message qui y était inscrit : « Pas de besoin de vous retenir ici.
Nous pouvons vous joindre à tout moment, mais maintenant il vous faut quitter le
palais. »
L’homme en noir éclate d’un rire si macabre qu’il semblait interminable, avant de
s’écrier :
− Alors comme ça on se méfie déjà de ma présence ici ! Pas de problème, je suis
vos conseils et quitte de suite le palais.
Avant de reprendre d’une voix plus basse :
− Et quand je reviendrai, je vous mettrai tous à la porte, bande de vieux
extraterrestres constipés !
***
« Temple de Kalighat Kali, Calcutta »
− Lucky, je n’arrive sérieusement pas à me rappeler cette histoire de kidnapping …
− Ce n’est pas grave, Léa. Le plus important c’est de trouver le moyen de partir
d’ici.
− Tu as raison. Comment on procède ?
Soudain une clef tourne dans la porte en acier. Bien accoutumés à l’obscurité, les yeux
de Lucky la distinguent clairement et il pense pouvoir répondre à la question de Léa.
D’un signe de l’index sur la bouche, il lui demande de se taire et court se cacher
derrière quelques barils rangés dans la pièce.
Un cagoulé avance dans la cellule en pointant son arme vers le fond de la pièce.
− Hé, numéro 13, ramène-moi une lampe torche, il commence à faire trop noir ici.
− Ça roule numéro 24 …
Lucky reconnait la voix de numéro 24 qui continue d’avancer prudemment dans la pièce
tandis que les pas de numéro 13 continuent de s’éloigner Une fraction de seconde suffit
alors pour qu’il se décide à surgir de sa cachette et à se jeter sur le cagoulé.
Pris de surprise ce dernier n’a pas le temps de comprendre, la crosse de son fusil qui
vient de changer de main, vient cogner brutalement sa mâchoire.
− Un partout, salopards de cagoulés !
S’écrie-t-il avant d’enchainer :
− Allez viens Léa, on se tire d’ici …
Tous les deux avancent prudemment vers la porte de sortie. Lucky jette un coup d’œil
dehors et entends les pas de numéro 13. D’un signe de la main il demande à Léa de le
suivre et tous les deux courent se cacher sous l’immense table qui se tenait au centre
de la pièce.
Numéro 13 ne se doutant de rien, s’avance vers la cellule quand Lucky le frappe
brutalement derrière la tête. Le cagoulé tombe par terre dans la cellule et Lucky
s’empresse de verrouiller sa porte.
Sur la table Lucky trouve quelques plans et croquis qu’il inspecte avec beaucoup
d’attention.
− Dans ce genre de temple, il y a en général beaucoup de passages secrets
permettant d’y entrer ou de le quitter sans être trop vu … J’en vois un ou deux
qui sont signalés sur cette carte, il faudra emprunter l’un des deux si on veut
éviter de tomber sur les autres cagoulés …
− Prenons celui-là, il a l’air d’être le plus proche par rapport à notre position …
− Bonne idée, ça a l’air de donner sur un cours d’eau, on trouvera peut-être un
moyen rapide de quitter ce lieu …
− Je te suis numéro un !
Tous les deux prennent alors l’issue qui s’offre à eux pour quitter la pièce de leurs
tortionnaires et se retrouvent dans un réseau de galeries plongé dans l’obscurité la plus
totale. En suivant à la lettre le chemin qu’ils avaient mémorisé sur la carte, ils
débouchent enfin vers une impasse.
− Le passage secret doit être quelque part par là. Il faut inspecter les murs … on
cherche une brique qui se déplace, une poignée en fer, une inscription en relief …
− Pour qui tu me prends ? Je sais ce qu’on cherche ... j’ai vu tous les Indiana Jones !
A peine avait-elle prononcé ces quelques mots, que Léa entend un déclic sourd sous sa
main. Le mur contre lequel elle s’appuie commence à bouger doucement laissant
entrevoir une lumière lointaine à travers une mince fente.
− J’ai trouvé !
− Bravo Léa ! La porte secrète a l’air coincée, ça sent mauvais, mais j’ai
l’impression que l’air circule de l’autre côté. Tu crois que tu peux passer ?
− Je ne sais pas. Essayons …
Léa s’immisce dans la fente et se retrouve très vite coincée au niveau de la poitrine.
− Je ne peux plus avancer.
− Attends je vais essayer de t’aider.
La faible lumière qui diffuse depuis la fente éclaire tant bien que mal le cul de sac dans
lequel ils se trouvaient. Lucky aperçoit une vieille torche à huile accroché au mur, il s’en
saisit et vient la coincer contre la paroi de la fente.
− A trois, tu pousses contre la paroi et de toutes forces, OK ?
− OK !
− 1 … 2 … 3.
Pendant que Léa pousse de toutes ses forces, Lucky en fait autant en faisant levier avec
la torche contre la paroi de la fente. Au bout de quelques secondes, le mur se déplace
soudainement de quelques mètres, libérant Léa et laissant entrevoir un escalier menant
vers une galerie humide à l’allure insalubre.
− Il faut suivre la lumière ?
− Oui, je passe devant au cas où ce passage est surveillé …
− A toi l’honneur !
Les deux amis s’avancent dans la galerie en file indienne. Tapis dans la pénombre, deux
yeux les scrutaient discrètement. Ils n’avaient rien d’humain et trahissait une faim
séculaire …
***
« Non loin de là … »
− Mon nom est Kailane Saajan et à propos … ton arme ne me fait pas peur. Elle n’a
aucun effet ici.
− Ah oui ?
Betty lui met un coup de crosse avec son arme avant de reprendre :
− Et maintenant ?
− Que voulez-vous savoir ?
− Où sont les otages ?
− Mon maître va bientôt tous les ramener dans cette pièce, tu n’as qu’à attendre
tes amis ici !
− Mauvaise réponse. Et comme tu as l’air de savoir exactement ce que je suis venu
chercher, et bien on va les chercher tout de suite là où ton maître les détient.
− …
− Tu te décides où je te remets encore un coup avec mon arme sans effet ?
− D’accord. Tu gagnes, on y va.
Michel et Clark assistent à la scène en se tenant toujours la main. Quand les deux
jeunes femmes quittent les lieux, ce dernier s’exclame :
− Nom d’un transistor ! C’est Betty … mais qu’est-ce qu’elle fait là ?
− Du calme Clark, ne relâche surtout pas ma main !
− Michel ! Qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’est-ce que ma fille fait ici ?
− Clark, calme-toi je vais tout t’expliquer ... elle est aussi sur sa liste.
− Pourquoi tu ne m’as rien dit, je croyais que sa mission s’arrêtait à Madrid ?
− Il le fallait Clark. Je ne pouvais pas prendre le risque de t’en parler avant, mais ta
fille sera peut-être notre dernière chance.
− Quoi ? Comment ça notre dernière chance ?
− Réfléchis … Elle pourra peut-être nous aider à convaincre Lucky au cas où nos
arguments s’avèrent inutiles …
− Alors toutes ses années où j’ai vécu volontairement loin d’elle, n’ont pas suffit à
l’épargner …
− Ne sois pas triste Clark, je t’assure qu’elle ne risque rien …
− …
− Attention les cagoulés sont de retour.
La pièce se remplit très vite de cagoulés et d’un grand nombre d’otages qui avaient les
yeux bandées. Le chef entonne :
− Est-ce que nous sommes au complet ?
− Il manque toujours les numéros 13 et 24 et leurs colis respectifs …
− Bon … Envoyez des hommes à leur recherche, pendant que nous commençons
les transferts.
− A vos ordres chef.
Les cagoulés commencent par placer les otages un par un sur des emplacements
indiqués par des chiffres tout le long de la périphérie de la pièce circulaire. Dés qu’ils
ont fini, leur chef s’agenouille à nouveau devant la fontaine de lumière et recommence
son incantation. La pièce alors s’illumine de plus belle d’un rouge très profond. L’air
transporte des murmures intangibles qui ne cessent de s’amplifier avant qu’un intense
fil de lumière argentée ne s’abatte du plafond vers le centre de la pièce.
− Il y a une fente dans la voute du temple où l’eau ne coule pas … c’est par là qu’il
compte passer …
− Taie-toi Clark et tiens-toi prêt !
Le fil de lumière argenté semblait prendre forme sur le sol de la pièce. Tout en se
solidifiant cette forme prenait des teintes grisâtres et des allures humaines. Au fur et à
mesure, la lumière rougeâtre dans la fontaine semble pâlir, jusqu’à l’extinction.
− Maître !
D’un signe de la main la silhouette qui n’était autre que Damos, fait signe au chef de se
taire. Il commence à lire de tête une liste de noms. Au fur et à mesure chaque otage qui
entendait son nom, semblait d’abord comme électrisé, tendu de la tête aux pieds, avant
de s’élever dans l’air pour ensuite se détendre tout en y flottant gracieusement. Après
en avoir appelé 49, Damos leur tient ces propos :
− Vous n’avez pas choisi d’être là aujourd’hui, mon maître, celui qui vous réunit
s’en excuse et promet de vous en dédommager. Vous allez être chacun envoyé là
où il devra être pour accomplir sa tâche. Une grande bataille approche, une
bataille qui détruira ce monde et à laquelle vous survivrez, à une seule et unique
condition ! Que chacun d’entre vous retrouve sa tâche et l’accomplisse comme il
se doit. Rappelez-vous, le fait d’avoir été choisi ne représente en aucun cas un
engagement. A partir d’aujourd’hui vous serez les seuls à vraiment disposer du
libre-arbitre, les choses plieront à votre volonté et vous serez alors invincibles.
Ceci est une partie du dédommagement prévu par mon maître, le reste vous sera
révélé à temps … Rappelez-vous, cependant, seul l’accomplissement de votre
tâche vous sauvera peut-être la peau et vous évitera de périr dés la première
grande bataille … Pour en être complètement sûr, vous devrez y arriver tous
ensemble.
Damos marque une pause, avant d’enchaîner :
− Maintenant, partez !
A la surprise générale, les otages disparaissent un par un dans un ordre complètement
aléatoire. Clark qui tient toujours la main de Michel, se débat pour sortir sa caméra
numérique à temps et filmer la scène. Dés que le petit cercle rouge s’affiche sur l’écran
digital, il marmonne dans le micro, les dents serrées le début de la séquence de chiffres
qu’il avait ratée.
− Clark ! Qu’est-ce que tu fais ? Tiens-toi prêt, ça sera bientôt à nous de jouer.
− Je prends des notes, tu permets ! Rien de tout ça n’était prévu selon mes calculs !
Ces gens là devaient déjà se retrouver aux différents Shakti Peetahs du coin,
avant le début de la cérémonie. Je dois corriger mes théories là-dessus !
− Je crois que cela ne te servira à rien de toute manière. Tout sera fini dans
quelques heures et tu n’auras pas à poursuivre ces recherches …
− Je n’en suis pas si sûr …
− Comment ça pas si sûr, ta foi serait-elle entrain de vaciller ? Il est hors de
question que son plan marche. Allez, maintenant on se concentre on discutera
après.
− …
Damos se retourne alors vers le chef des cagoulés et lui demande :
− Où sont-ils ?
− Des hommes sont partis les chercher, ô vénérable maître, ils ne sauraient tarder
…
− Taie-toi, tes hommes sont déjà tous morts.
− Quels sont vos ordres, maître ?
− Allez les rejoindre …
Termina Damos en levant la main. Il serra fort son poing pendant une seconde avant
d’éclater d’un rire macabre qui faisait froid au dos. Devant lui le chef et sa clique de
cagoulés gisaient inertes par terre, quand soudain des bruits de pas se font entendre …
− Bienvenu chez toi, vénérable maître !
− Kailane, quel bon vent t’amène !
− Je te ramène une des pièces manquantes du puzzle …
− Bien, bien … elle ne t’a pas livrée beaucoup de résistance ?
− Moins que je ne le pensais, ô vénérable maître, mais j’étais tellement impatiente
de te revoir …
− Moi aussi, moi aussi ma petite beauté …
− Alors, c’est le moment d’en finir ?
− Oui, reste à retrouver les autres.
− Ne t'inquiète pas pour eux ... ils ne sauraient tarder.
Betty n'avait pas confiance dans le sourire de Damos. Elle espérait pourtant qu'il eût
raison.
***
« Non loin de là ...»
− Lucky, t'entends ce bruit ?
− Tu parles de toute cette eau qui dégouline partout sur les murs ?
− Non ... écoute. On dirait un halètement ...
− ...
Le halètement se transforme soudain en rugissements. Lucky n'a pas le temps de
réfléchir :
− Cours Léa, cours !
Devant eux une escalade de quelques mètres mène vers un escalier taillé dans la roche.
Léa s'exécute et derrière elle, Lucky ne cesse de la coacher. Quand ils arrivent enfin aux
escaliers, Lucky regarde derrière et voit des yeux rouges vifs tapis dans la pénombre à
quelques mètres seulement derrière. Tout en criant à Léa de monter les escaliers, il
s'arrête et décide d'assurer les arrières. Les yeux de la bêtes n'étaient soudain plus là.
Et aucun bruit ne trahissait son éventuelle présence. Lucky monte à son tour les
escaliers et rejoins Léa sur un immense plateau.
− Lucky, par ici ! Il y a une échelle !
Lucky découvre stupéfait tout ce qu'il pouvait attendre le moins pour quitter le temple.
Léa se tenait au bord d'un puits le long duquel pendait une échelle métallique.
− T'es sûre que c'est une bonne idée pour quitter le temple ?
− J'espère que tu ne préfères pas la compagnie de ce truc aux yeux rouges ! Moi je
dis on fonce.
− La bête est repartie. Tend l'oreille !
− ...
− Elle est plus là ! C'est comme si son unique objectif était de nous rabattre ici.
− Nous rabattre vers quoi ?
− Vers ton puits qui redescend encore dans les entrailles de la terre avec Dieu seul
sait quel autres genres de créatures nous pourrions croiser.
− Tu propose mieux ?
− Oui on regarde s'il n'y a pas d'autres issues possibles.
− D'accord. Je monte la garde et tu inspectes les lieux.
Au peine au bout de quelques secondes de recherche, les rugissements de la bête se
refont entendre. Léa crie alors à son tour à con camarade :
− Cours Lucky, cours !
Tous les deux s'engouffrent dans le puits et commencent à descendre l'échelle
métallique. Au bout de quelques méandres l'échelle se termine par un tunnel étroit
éclairé par une infime lumière orange. Lucky s'y engouffre en premier, Léa le suit au
pas. Au fur et à mesure qu'ils avancent le parcours prends petit à petit de la pente,
jusqu'au moment où ils ne se retiennent plus et glissent.
Ils atterrissent au pieds de Damos qui regarde Lucky dans les yeux, avec un petit
sentiment d’envie : l’élu, comme son propre maître s’amuse à l’appeler.
− Monsieur Lucas …
− Qui êtes-vous ?
− Je ne peux pas vous dire mon nom en public, nous ne sommes pas seuls …
Damos fait un petit tour en inspectant la pièce de long en large, comme pour ponctuer
sa dernière phrase. Lucky a le temps de se relever et d'aider Léa et tous deux
aperçurent Betty dans l'autre coin de la pièce.
− Comme vous le savez … les murs ont des oreilles !
− Qu’est-ce que vous nous voulez ? Que voulez-vous de tous les otages du BCM
Planet ?
− Oh ! De tout le reste des otages je n’ai plus besoin de rien. Cependant vous avez
raison, j’aurais une question à vous poser …
− Je ne vous connais pas.
− Oh que si … C’est juste votre mémoire qui vous joue des tours, vous verrez qu’à
force de se connaître, vous vous rendrez compte qu’on ne s’est jamais quitté,
vous et moi …
− Si je réponds à votre question est-ce que vous nous laisserez partir ?
− Vous avez ma parole Monsieur Lucas.
− Je vous écoute …
− Je vais vous poser une question très simple : si un jour je me retrouve dans une
situation où je devrais éliminer l’une d’entre elles, laquelle devrais-je épargner ?
Damos affiche un grand sourire sournois, en pointant Léa et Betty de ses deux index …
− Prenez tout votre temps pour y répondre, Monsieur Lucas.
Dans un coin de la salle Clark serre fort la main de Michel, en marmonnant :
− Tiens-toi prêt, s’il répond à cette question, il faudra intervenir au plus vite.
− Détend-toi Clark … ce n’est pas encore le moment.
Lucky réfléchis quelques secondes avant de répondre.
− Je refuse de répondre à votre question.
− Vous êtes sûr de ne pas vouloir y répondre ?
− Oui.
− C’est votre plein droit. Cependant dites-vous que si vous ne répondez pas à mes
questions, je serais moins enclin dans le futur à répondre aux vôtres …
− Je n’ai aucune envie de vous poser des questions, ni dans le futur, ni dans le
présent. Et si vous nous laissiez juste partir ?
− Oui, je pourrais et alors … dés que vous aurez quitté le temple, vous devrez vous
aussi vous acquitter de votre tâche …
− Quoi, quelle tâche ?
− Je crains devoir m’en aller de suite pour une urgence. Kailane ici même se fera un
plaisir de tout vous expliquer. Au revoir Monsieur Lucas !
Clark ne pouvant plus tenir dans son coin, marmonne aussitôt :
− Michel, il s’en va ! On fait quoi ?
− Rien, taie-toi !
− Quoi ? Comment ça rien ! Et la catastrophe qui se prépare ?
− J’ai ordre de ne pas intervenir …
− Comment ça pas intervenir ? On court à la catastrophe, tu le sais bien ?
− Je n’en sais pas plus que mon boss, Clark et lui il dit de ne pas bouger. D’ailleurs
je dois m’en aller …
− Mais … Michel !
− Clark, ce n’est pas encore fini … je dirais même que ça vient juste de
commencer, mais il n’y aura pas de confrontation aujourd’hui. Je dois partir, mais
avant je voudrais juste te dire quelque chose : quoiqu’il arrive soit fort et surtout
ne perds jamais la foi !
A peine Michel disparu, Clark assiste à un spectacle désolant. Damos prend Betty et Léa
par leurs mains avant de reprendre.
− Ah j’oubliais un petit détail. Comme vous ne répondez pas à ma question,
j’emmène les deux ! et je peux vous assurer que vous ne les reverrez plus jamais,
si vous ne menez pas à terme votre tâche. Au plaisir, Monsieur Lucas !
Damos enveloppa les deux jeunes femmes de sa cape, avant de chercher Clark des
yeux dans la pièce.
Quand leurs regards se croisent, Damos lui fait un petit clin d’œil en roulant la langue
dans un geste vulgaire avant de disparaitre en volant à travers la voute. Clark
impuissant, abandonné à son sort par Michel ne peut contenir sa colère …
− Mes filles ! Nooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooon !
− Monsieur Clark ? Que faites-vous là ? Il faut les rattraper, vite suivez-moi !
− Personne ne peut rattraper cette créature Lucky …
Répond Clark on ne peut plus dépité, quand soudain une voix entonne au cœur de la
salle :
− Les mains en l’air, tout le monde !
Une dizaine d’hommes armés investissent aussitôt les lieux tandis que la voix continue :
− Tiens, tiens, tiens ! Mlle Saajan, je croyais ne plus jamais vous revoir !
Un homme qui tient un talkie-walkie vient la couper :
− Patron, nos hommes ont récupéré tous les otages dans les Shakti Peetahs
restants.
− Bien. Embarquez-moi ces deux là, et on s’arrache.
***
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