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Les risques naturels liés à l’écorce terrestre
De nombreuses régions du monde sont exposées au risque sismique et les médiasZ relatent en détail les conséquences humaines, matérielles et financières de certains séismesZ. L’ampleur de la catastrophe dépend souvent du niveau de vulnérabilitéZ de la population. Il est dès lors intéressant de se demander si le niveau de vulnérabilité a évolué à travers le temps.
LES SOCIÉTÉS SONT-ELLES TOUTES ÉGALES FACE AU RISQUE ?
Au Chili, en 2010, un séisme d’une magnitudeZ de 8,8 a causé la mort d’environ 500 personnes. La même année, à Haïti, un séisme de magnitude 7,2 a fait selon les évaluations, entre 100 000 et 300 000 victimes. Le séisme à Haïti a libéré une énergieZ nettement moins violente que celui au Chili, mais il a causé beaucoup plus de victimes, tout en engen-drant des coûts deux fois moins élevés qu’au Chili.
Alors que la logique voudrait que plus un séisme est violent, plus les conséquences sont importantes, ce n’est pas le cas ici. Comment comprendre et expli-quer de telles différences en termes de bilan humain et financier ? Quels sont les facteurs qui font que certaines populations sont plus vulnérables que d’autres face à un aléaZ ? L’évolution et le progrès réalisés au niveau des connaissances et de la tech-nologie permettent-ils de diminuer la vulnérabilité des sociétés actuelles par rapport à celles du passé ?
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Concepcion (Chili), 2010.
Port-au-Prince (Haïti), 2010.
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Chronique d’une catastrophe annoncée[…] Le Nouvelliste, un quotidien haïtien, redoutait une catastrophe. Il publiait le 26 mars 2009 un article titré « Le spectre d’un séisme destructeur », dans lequel il dressait un inquiétant constat : « L’ac-croissement démographiqueZ, les constructions anarchiques et la dégradation de l’environnement rendent Haïti encore plus vulnérable aux catas-trophes naturelles. »
Adapté de Olivier Bras, Courrier International, 15 janvier 2010.
Haïti ravagé, près de 250 000 morts[…]. Des habitants qui ont tout perdu, leur maison, leur vie d’avant, se sont entassés dans le centre-ville transformé en un immense camp de réfugiés. Ils réclament désespérément de l’eau, de la nourriture et des médicaments. Avec les heures qui passent, la température qui augmente, la situation empire. Certains en viennent à boire l’eau insalubre des fon-taines publiques. La secousse a très fortement perturbé les commu-nications dans un pays aux infrastructuresZ déjà très rudimentaires, rendant quasiment impossible l’acheminement de blessés dans les centres hos-pitaliers encore debout. Les lignes téléphoniques sont coupées, et le seul moyen de communication encore viable est internet. La prison principale de Port-au-Prince s’est elle aussi effondrée, permettant à « quelques détenus » de fuir. Des pillards ont été vus à l’œuvre dans un supermarché.
Adapté de « Les Haïtiens attendent les secours »,Le Monde, 14 janvier 2010.
Le séisme le plus violent depuis 1960Un séisme d’une magnitude de 8.8 a frappé le Chili, à 90 km de Concepción, deuxième ville du pays. Aussitôt après, une alerte au tsunamiZ a été émise et l’on observait de grandes vagues parcou-rant le Pacifique. À ce jour, un bilan de 525 décès est avancé, des morts dus à l’effondrement de murs, mais surtout à des crises cardiaques. Habitués au phénomène, les Chiliens ont tout de même été surpris par la violence du séisme. On enregistre d’importants dégâts dans le centre historique de Concepción ; toutefois les bâtiments parasismiques ont bien tenu le choc.Le gouvernement chilien a retenu les leçons du passé : les mesures prises ont permis de limiter le nombre de morts et d’atténuer un peu la facture des dégâts matériels. Une première analyse avance tout de même un bilan matériel chiffré entre 15 et 30 mil-liards de francs.
Adapté de rts.ch, 27 février 2010.
Le Chili : un pays habitué mais aussi préparé aux séismes C’est le pays le plus sismique de la planète, devant le Japon. En moyenne, le Chili connaît tous les dix ans un séisme de magnitude 8 et une quinzaine de secousses de magnitude 7. Depuis des décennies, des mesures sont mises en place et régulièrement améliorées pour diminuer la vulnérabilité du pays. Ainsi les stations sismologiques installées sur l’en-semble du territoireZ peuvent fonctionner avec une source d’énergie secondaire en cas de coupure de courant. Les normes de constructions parasis-miques ont été renforcées, notamment pour l’appui des ponts. Enfin, la population a pris conscience des risques encourus lors des séismes. Les autori-tés ont réussi à évacuer rapidement un million de personnes grâce aux sirènes, à des SMS envoyés aux habitants et aux médias. Malgré tout, il reste des risques, notamment dans les zones où l’urba-nisationZ s’est faite très près des côtes, pour avoir accès à l’eau.
Adapté d’Audrey Garric, lemonde.fr, 17 septembre 2015.
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104Séisme du 12 janvier 2010 Séisme du 27 février 2010
Source : IRD.Source : FMI.
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Les risques naturels liés à l’écorce terrestre
La vulnérabilité par les cartes
L’IDH est un indicateur du niveau de développement d’une population. Il prend en compte des données économiques (revenu par habitant, niveau de vie) et des données plus qualitatives en lien avec la santé(espérance de vie) et l’éducation (niveau de scolarisation).
OCÉANATLANTIQUE
OCÉANATLANTIQUE
OCÉANPACIFIQUE
OCÉANINDIEN
OCÉANPACIFIQUE
CHILI
Santiago
HAÏTI
Port-au-Prince
OCÉANATLANTIQUE
OCÉANPACIFIQUE
OCÉANPACIFIQUE
OCÉANINDIEN
Afrique
Océanie
Asie
Amérique du Nord
Amérique du Sud
Los Angeles
New York
Mexico
Bogota
Lima
Rio de JaneiroSão Polo
Buenos Aires
Johannesbourg
Kinshasa
Lagos
Le Caire
ParisLondres
Moscou
IstanbulTéhéran
Bagdad
KarachiMumbai
Dehli
CalcuttaDacca
Bangkok
Hô-Chi-Minh
Jakarta
Manille
ShanghaiHongkong
Chengdu
Pékin SéoulTokyo
PACIFIQUE
Mexico
CHILI
Santiago
Angeles
HAÏTI
Port-au-Prince
Principales agglomérationsZ
(en millions d’habitants)
> 3020 à 3010 à 20
Densité de population en 2015(nombre d’habitants au km2)
moins de 25
25 à 250
250 à 1000plus de 1000
Source: Center fot International Earth Science Information Network - CIESIN - Columbia University.
Indicateur de développement humain (IDH):
IDH très élevé (> 0.80)
IDH élevé (0.70 à 0.80)
IDH moyen (0.55 à 0.70)
Données non disponibles
IDH faible (< 0.55)
108 Indice de Développement Humain (IDH) dans le monde en 2014
DensitéZ de la population dans le monde en 2015107
Source : UNDP.
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Quels sont les facteurs de vulnérabilité ?La comparaison entre Haïti et le Chili permet de mettre en évidence quelques facteurs de vulnérabilité qui vont avoir une infl uence sur l’ampleur des dommages humains et matériels après un aléa.
Ravitaillement autour d'un point d'eau, formé par un tuyau cassé, Haïti, 2010.
QUELQUES FACTEURS DE VULNÉRABILITÉ
• Densité de population : plus il y a d’habitants, plus la possibilité qu’il y ait des victimes est élevée.
• Densité du bâti : plus il y a de constructions, plus la possibilité qu’il y ait des dégâts est élevée.
• Facteurs techniques : la plus ou moins bonne qualité du bâti et des réseauxZ (électriques, routiers, eau).
• Facteurs économiques : le niveau de richesse du pays, l’accès à l’information, etc.
• Facteurs culturels : la perception du risque, la mémoire du risque, etc.
• Facteurs politiques : le rôle et les actions des autorités (présence et respect des lois, qualité de la planification et de la préventionZ, etc.).
• Facteurs structurels et fonctionnels : l’efficacité de la prévention, du système d’alerte et de la gestion de crise.
Avec moins d’évènements dangereux que les États-Unis, l’Inde et le Bangladesh comptent plus de pertes humaines lors de catastrophes naturelles. Leur capacité à répondre à l’inhabituel, à l’imprévu, aux situations défavorables y est moindre.
Adapté de vertigo.revues.org
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Dommages assurés(en mio de $) Victimes Début Évènements Pays
3500 173 12.08.2015 Port de Tanjin, explosion dans un entrepôt où des produits chimiques dangereux étaient stockés.
Chine
2081 30 16.02.2015 Tempête hivernale sévère, vents violents, fortes chutesde neige et accumulation de glace.
États-Unis
1461 31 23.05.2015 Tempêtes orageuses, tornades, grêle, graves inondationsau Texas et en Oklahoma.
États-Unis
1204 2 07.04.2015 Tempêtes orageuses, tornades, grosse grêle, crues soudaines. États-Unis
1150 89 18.08.2015 Typhon Goni. Japon, Philippines,Corée du Nord
1032 0 22.12.2015 Inondations (tempêtes Eva et Frank). Royaume-Uni,Irlande
Dommages assurés(en mio de $) Victimes Début Évènements Pays
160 8960 25.04.2015 Séisme (7,8), avalanche sur l’Everest, répliques. Népal, Inde, Chine, Bangladesh
0 2248 21.05.2015 Canicule. Inde
0 1270 01.06.2015 Canicule. Pakistan
0 1200 29.07.2015 Canicule. Europe
0 822 19.04.2015 Un bateau transportant des migrants chavire. Lybie
0 769 23.09.2015 Bousculades meurtrières lors du pèlerinage à La Mecque. Arabie saoudite
Les six sinistres les plus coûteux de 2015109
Les six sinistres les plus meurtriers de 2015110
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Source : Swiss Re.
Source : Swiss Re.
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Les risques naturels liés à l’écorce terrestre
Sommes-nous moins vulnérables aujourd’hui qu’hier ?La question qui se pose est de savoir si les sociétés humaines ont réussi, au cours du temps, à diminuer leur vulnérabilité face aux risques naturels. La réponse est nuancée.
OUIDans certains cas, la vulnérabilité face aux risques naturels a diminué.
NONDans d’autres cas, la vulnérabilité face aux risques naturels a augmenté.
Le danger et les conséquences des aléas naturels ont pu être réduits par :
– une meilleure connaissance des phénomènes naturels ;
– une surveillance accrue des phénomènes natu-rels qui représentent un danger pour l’être humain ;
– des progrès dans la prévention et l’anticipation des risques naturels ;
– une gestion plus efficace des catastrophes.
La réalisation de ces progrès dépend de nom-breux éléments qui varient selon les pays : gou-vernance, moyens financiers, réseaux de commu-nication, etc.
Le danger et les conséquences des aléas natu-rels peuvent être amplifiés et renforcés par la présence d’enjeux plus nombreux et plus vulnérables :
– l’augmentation de la population et la densifica-tionZ de certains espaces (p. ex. villes) ;
– des aménagements réalisés dans des zones à risque (p. ex. centrale nucléaireZ, habitations) ;
– des activités économiques et des technologies augmentant le niveau de risque (p. ex. effets du changement climatiqueZ, fabrication et trans-port de matières dangereuses).
Les conséquences en cascade (effet domino) et les risques induits sont le résultat de l’augmenta-tion et du renforcement des INTERACTIONS entre l’Homme et l’espace qui l’entoure.
Haute de 634 mètres, la tour Tokyo Sky Tree (Japon) a résisté à un séisme de magnitude 9, 2011.
INTERACTIONAction ou influence réci-proque entre les sociétés et leur environnement
ou entre les sociétés elles-mêmes.
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Le cas de la ville de Bâle
Les mécanismes à l’œuvre dans le casdes sondages profond.
Contraintenaturelle
Microséismes
Pression exercéepar l’eau
La pression réveille les petites faillesZ...
...et parfoisles grandes failles
Faille
Séisme
Centrale géothermique
Puits amenantde l’eau à haute
pression
La géothermieZ fait trembler Bâle (Suisse)6 janvier 2007. Un séisme de magnitude 3,1 touche Bâle. « C'est comme si une armoire tombait dans un appartement voisin », explique M. Häring, direc-teur du projet, pour illustrer son intensité. C'est la deuxième réplique consécutive au séisme pro-voqué par des travaux liés à un projet de centrale géothermique. De petites secousses n'avaient pas été exclues par les experts, mais jamais de cette force. Ce projet qui envisageait de capter la chaleur à 5000 mètres de profondeur et devait fournir dès 2011 du chauffage à 2700 ménages et de l'électricité à 10 000 ménages a depuis été abandonné à cause des risques liés aux forages.
Adapté de rts.ch
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Bâle : 10 après, le risque sismiques’est aggravéLes autorités de Bâle-Ville veulent aujourd'hui rouvrir le puits de géothermie pour faire baisser la pression de l’eau qui avait été injectée à l’époque (en 2006) et qui augmente aujourd’hui. Il s'agit de limiter les risques sismiques, car le service sis-mologique suisse a observé 6 microtremblements de terre à Bâle et l’activité sismologique ne cesse d’augmenter depuis 2011.
Adapté de Alain Arnaud, rts.ch
Aarau ZürichSaint-Gall
Schaffhouse
Delémont
Soleure
Neuchâtel
Interlaken
Lausanne
Genève Sion
Brigue
Berne
Bâle
Lucerne
Altdorf
Faido
Bellinzone
Saint-Moritz
CoireScuol
Sargans
Brigue4
Delémont
Bâle
1
Brigue45
3
2 Sion6
1 1356 - Bâle Magnitude 6.6*
1601 - Unterwalden (Nidwald)Magnitude 5.9*
1755 - Brigue-NatersMagnitude 5.7*
1946 - SierreMagnitude 5.8*
1855 - Stalden-ViègeMagnitude 6.2*
2
3
4
5
1584 - AigleMagnitude 5.9*
6
* sur l’échelle de Richter
0 25 50 km
Aléa sismique
Faible FortMoyen Très fort
Source: Service sismologique suisse, www.seismo.ethz.ch (adapté)
Séismes induits par la géothermie116
Régions touchées par des séismes en Suisse118
Source : infographie Science & Vie.
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Les risques naturels liés à l’écorce terrestre
Le grand séisme de Bâle en 1356Après au moins un séisme précurseur durant l’après-midi du 18 octobre 1356, la ville de Bâle fut secouée par un séisme de magnitude 6.6 aux alentours de 22 h. Beaucoup de maisons se sont effondrées, puis plusieurs foyers d’incendie se sont déclarés (en raison des toitures en bois ou de paille, ainsi que des foyers ouverts et des poêles). Néan-moins, malgré l’intensité du séisme et le degré de destruction, relativement peu de personnes périrent, car beaucoup se tenaient à l’extérieur de leur habitation.
Adapté de seismo.ethz.ch
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Le séisme de 1356 encore dans les mémoires bâloisesLe chancelier de Bâle-Ville ne comprend pas la question. « Pourquoi commémorer encore, 650 ans plus tard, le tremblement de terre qui a détruit Bâle ? Mais chaque enfant ici connaît la date de 1356 », dit Robert Heuss. Pour preuve, on y trouve aujourd’hui une comédie musicale, une BD et un roman historique qui traite du sujet. Le canton organise également à la cathédrale une cérémonie du souvenir ouverte à la population. « Le séisme du 18 octobre 1356 a provoqué un tel choc dans l’histoire de la ville qu’il est encore très présent dans les consciences », précise Robert Heuss. La cathédrale en porte encore la cicatrice : une de ses tours n’ayant jamais été reconstruite. « Il ne s’agit pas d’attiser la peur, mais le tremblement de terre fait partie de notre histoire », dit Bruno Mazzatti, député bâlois. Pour son collègue Roland Stark, « une telle commé-moration a un sens, elle rappelle que la nature reste la plus forte ». Adapté de letemps.ch, 2006.
Représentation du séisme de Bâle de 1356 in Konstanzer Weltchronik, XIVe siècle.
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La ville de Bâle, 2015.
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